Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 54ème jour de séance, 137ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 6 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

RÈGLES BUDGÉTAIRES ET
COMPTABLES DES DÉPARTEMENTS 2

ARTICLE PREMIER 6

ART. 2 6

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite) 7

ART. 8 7

APRÈS L'ART. 8 8

ART. 9 8

APRÈS L'ART. 9 14

ART. 10 14

APRÈS L'ART. 10 17

ART. 11 17

APRÈS L'ART. 11 18

APRÈS L'ART. 12 18

AVANT L'ART. 13 20

ERRATUM 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RÈGLES BUDGÉTAIRES ET COMPTABLES DES DÉPARTEMENTS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables aux départements.

M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois - La proposition de loi votée par le Sénat dans sa séance du 12 décembre dernier s'inscrit dans le cadre d'une réforme d'ensemble de la comptabilité des collectivités locales, entamée en 1994 par l'instruction comptable M 14 applicable aux communes.

La grande technicité de ce dispositif, adopté à l'initiative de sénateur Adnot, ne doit pas en masquer les enjeux : la clarté et la sincérité des documents comptables sont indispensables à l'évaluation, tant par les élus que par les citoyens, de l'action des pouvoirs publics locaux.

Le texte a été élaboré en concertation avec l'Assemblée des départements de France, les juridictions financières, le Centre national de la fonction publique territoriale. Ses dispositions font l'objet d'une expérimentation dans 16 départements depuis 2001 et dans 6 autres depuis le début du mois de janvier ; elles ont été testées dans 22 services départementaux d'incendie et de secours. Cette expérimentation a suscité des modifications introduites à l'occasion d'une réunion fort consensuelle du comité des finances locales.

L'objectif visé est de donner une image fidèle de la composition et de l'évolution du patrimoine des départements, de faciliter le contrôle des autorisations de dépenses et de recettes, d'améliorer l'information des élus et des citoyens et de moderniser des règles dont certaines sont issues de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux.

Le conseil général aura désormais la faculté de voter le budget par nature ou par fonction, mais aussi l'obligation d'annexer à celui-ci une présentation croisée - par nature s'il est voté par fonction, et inversement.

Le vote d'autorisations d'engagement pour certaines dépenses de la section de fonctionnement, sur le modèle applicable aux autorisations de programme pour les dépenses de la section d'investissement, facilitera la vision à long terme des engagements pris par le département. Ce dispositif s'appliquera également aux régions.

Le mécanisme d'affectation et de reprise des résultats, qui permet d'anticiper les résultats de l'année précédente dans le budget primitif de l'année en cours, s'inspire de dispositions analogues en vigueur pour les communes - c'est une règle de bonne gestion, qui évite de faire peser le déficit de la section d'investissement sur la fiscalité.

Les dotations aux amortissements et aux provisions seront désormais comprises dans les dépenses obligatoires, ce qui améliorera l'autofinancement des départements.

En outre, il est prévu une application sélective de ces nouvelles règles comptables aux services départementaux d'incendie et de secours.

Si je me réjouis de l'unanimité qui s'est faite au Sénat, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la complexité des documents comptables, complexité qui risque d'être encore accrue par l'instauration d'une présentation croisée. J'ai donc noté avec satisfaction que le Gouvernement avait annoncé la création d'un groupe de travail sur ce sujet, et souhaite savoir dans quels délais elle sera installée.

Compte tenu de l'urgence à légiférer et de l'importance des dispositions réglementaires que requerra l'application de la loi, je propose à l'Assemblée, au nom de sa commission des lois, d'adopter ce texte sans modification, afin qu'il puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2004.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales - Comme le rapporteur l'a indiqué, ce texte consensuel, fruit d'un travail commun entre les administrations et les associations d'élus locaux - en particulier l'ADF -, a été voté à l'unanimité par le Sénat.

Il vise à moderniser les règles budgétaires et comptables applicables aux départements, afin que ceux-ci disposent d'une comptabilité dont les principes soient en accord avec ceux du plan comptable général.

L'indispensable information financière des gestionnaires locaux en sera améliorée, tout en prenant en compte la spécificité des SDIS, qui appliqueront ces dispositions par renvoi.

Cette nouvelle comptabilité, qui accroîtra la sincérité des comptes, est dans la droite ligne de la réforme budgétaire et comptable des communes et de leurs groupements, dénommée M14. La méthode choisie a été d'expérimenter une nouvelle nomenclature budgétaire et comptable, appliquée à certains départements, donc, depuis le 1er janvier 2001, et mieux connue sous le nom de M52. Cette expérimentation, conduite sur le fondement d'instructions provisoires qu'il convient de traduire en droit positif afin d'en permettre la généralisation, a été fort utile et se poursuivra encore toute cette année dans 22 départements et 22 SDIS.

Sur le fond, je ne rappellerai que les grandes lignes du texte. Les modalités du vote du budget départemental ont été revues pour permettre un vote des dépenses par nature ou par fonction. C'est certes un peu plus compliqué, mais cela offre l'avantage de la lisibilité, et correspond du reste à une demande des départements eux-mêmes.

Les autorisations d'engagement figureront désormais en section « fonctionnement », ce qui évitera aux départements de devoir inscrire à un seul exercice la totalité de dépenses qui s'étaleront sur plusieurs années. Cela vaut notamment pour les conventions conclues avec des tiers. La même faculté est accordée aux régions, qui sont confrontées au même problème, en particulier en matière de formation et d'apprentissage.

Les nouvelles règles de reprise et d'affectation des résultats permettront d'y procéder par anticipation, dès le budget primitif, sans attendre le compte administratif, ce qui permettra aux départements d'adapter leur fiscalité à leurs besoins réels.

Les principes comptables de l'amortissement et du provisionnement sont posés, les modalités en seront fixées par décret.

Enfin, le texte sera applicable également aux SDIS.

Ces nouvelles règles rendront la comptabilité des départements plus transparente et contribueront donc à une meilleure information des citoyens. C'est là un aspect essentiel.

L'Etat lui-même va rénover sa comptabilité en mettant en _uvre la loi organique du 1er août 2001, qui pose le principe d'une comptabilité en droits constatés, et autorise le recours aux autorisations de programme pour des dépenses de fonctionnement. Voyez que les collectivités territoriales, loin de se tenir en retrait de ce vaste mouvement, sont même quelque peu en avance...

Cette proposition de loi sera suivie de décrets et d'arrêtés : nous y travaillons déjà, pour permettre son application dès 2004. Les mesures réglementaires seront naturellement soumises aux associations d'élus et au comité des finances locales. Le comité de suivi de la réforme de la M 52 en discute déjà et celui de la réforme budgétaire des SDIS se réunit lundi prochain. Ces textes feront la plus large place aux propositions des élus locaux : dans cet esprit, je vous confirme qu'il sera désormais possible de comptabiliser les subventions d'équipement versées par les départements en section d'investissement.

En ce qui concerne les communes et leurs groupements, je propose qu'un groupe de travail se constitue, au sein du comité des finances locales, pour étudier la simplification de leurs règles budgétaires et comptables. Il y a une forte attente des élus locaux à cet égard. L'étape ultime sera la réforme budgétaire et comptable des régions.

Le Gouvernement émet donc un avis très favorable à l'adoption de cette proposition de loi, et espère que les conditions de cette adoption permettront une entrée en vigueur aussi rapidement que possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Derosier - Cette proposition de loi est intéressante, personne ne le conteste. Elle clarifie les règles relatives aux finances départementales et permettra l'application de l'instruction M52, expérimentée depuis deux ans dans seize départements et vingt-deux SDIS - l'ancienne majorité, soit dit en passant, n'avait pas attendu la révision constitutionnelle pour procéder à des expérimentations, contrairement à ce qui a pu être dit...

Cela ne doit cependant pas faire oublier que la décentralisation, telle qu'elle est voulue par ce Gouvernement, sera inégalitaire. Qu'il s'agisse de l'APA ou, plus généralement, du transfert progressif des déficits de l'Etat sur le budget des collectivités locales, ce n'est pas cette proposition qui donnera à ces dernières les moyens de financer ce dont l'Etat veut se débarrasser ou de tenir les engagements auxquels il tourne le dos. Au contraire, les décisions du Gouvernement obligeront les élus locaux à présenter des budgets calamiteux. Voilà ce que recouvre la décentralisation selon le Gouvernement : une décentralisation des effets des décisions nationales, une décentralisation des déficits et des charges plutôt que des compétences.

Cette proposition est donc la bienvenue, même si elle n'est pas non plus exempte de lacunes. Elle améliore la présentation et la lisibilité du budget départemental, ainsi que la gestion budgétaire.

Lorsque le conseil général examinera le budget primitif ou les comptes, il disposera d'éléments d'informations plus claires. Assise sur une liste des recettes départementales mieux définie, la sincérité des comptes sera assurée par l'introduction de l'amortissement des actifs. La généralisation du mécanisme des autorisations de programme permettra une gestion par objectifs, nécessaire à l'efficacité de la dépense publique. L'article 9, en outre, est en parfaite harmonie avec les dispositions de la loi sur la démocratie de proximité relatives aux SDIS.

Le volet réglementaire de cette réforme devra être élaboré rapidement, puisque sa mise en _uvre est prévue dès le 1er janvier 2004. Cependant, l'expérimentation, à elle seule, ne garantit pas la qualité d'un texte. Or, il me semble que celui-ci ne tire pas toutes les conséquences de la loi organique du 1er août 2001.

La rédaction de l'article premier alinéa 4 est contestable. Les dispositions applicables aux communes sont beaucoup plus claires et il importe de reformuler ce paragraphe. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à alléger les formalités par la suppression de l'obligation d'une décision expresse, anomalie que, curieusement, le Sénat n'a pas relevée.

Par ailleurs, si j'approuve les règles relatives aux autorisations d'engagement et de programme, qui permettront une présentation plus fonctionnelle du budget et remplaceront le contrôle a priori par un contrôle a posteriori, je regrette que le texte adopte une définition archaïque, et moins précise encore que celle de l'article 12 de l'ordonnance de 1959, de ces autorisations. Ne pas leur fixer de durée me paraît peu compatible avec une démarche de fixation des objectifs, ni avec le souci de veiller à la cohérence des opérations financées. Fidèles à l'esprit de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 - que le Sénat a votée - nous avons signé un amendement tendant à ce que soit précisé le lien des autorisations de programme ou d'engagement avec l'ensemble des opérations qu'elles doivent servir à financer. Il en va de la lisibilité du budget. Nous proposons d'autre part que ces autorisations soient limitées dans le temps. La décision budgétaire y gagnera en sincérité, et les objectifs n'en seront que plus visibles.

Je terminerai par deux requêtes.

Le sénateur Arthuis ayant déclaré que nous devrions, comme cela s'est fait pour la loi organique du 1er août 2001, constituer plusieurs comités, j'espère que ces comités compteront des élus locaux et nationaux et que ces élus seront choisis, comme cela a été le cas pour l'élaboration de la nouvelle « constitution financière », à gauche et à droite de l'échiquier politique ; et, s'agissant des élus nationaux, à parité entre les députés et les sénateurs.

Ensuite, je souhaite qu'il soit tenu compte, à l'exemple de ce qui s'est déroulé pour la mise en place de la M 14, des effets du rattachement des charges à l'exercice. Ce rattachement risque en effet de créer un gonflement artificiel des budgets la première année d'application de la M 52. Il conviendrait d'en tenir compte au moment de la répartition des dotations de l'Etat aux départements.

J'ai entendu votre souhait, Monsieur le ministre, d'en finir vite, et le vôtre, Monsieur le rapporteur, d'un vote conforme. Mais il me semble tout de même que nous pouvons nous donner le temps de la réflexion, et en particulier sur la façon d'éviter, demain, bien des contentieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Richard Mallié - Je remplace au pied levé M. Delattre, qui n'a pu nous rejoindre ce matin. Maire depuis treize ans et conseiller général minoritaire dans mon département, je crois connaître assez bien le sujet, moi aussi ...

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit pleinement dans la démarche de modernisation de la comptabilité publique, qui a concerné en 1997 les communes et qui touche aujourd'hui les départements. Une réforme était devenue tout à fait indispensable, car les règles comptables applicables aux départements sont encore encadrées, pour l'essentiel par une instruction datant de 1863 et par une loi du 10 août 1871.

Le présent texte renforce les principes de prudence - à travers l'obligation de provisionner et d'amortir - et de sincérité des comptes grâce au rattachement des charges et des produits à l'exercice auquel ils se rapportent. Il tend à concilier deux objectifs apparemment contradictoires. Le premier est de rapprocher les budgets et comptes des départements de la présentation du plan comptable général, le second de tenir compte des spécificités des départements afin que la présentation budgétaire et comptable traduise les politiques menées.

Il est essentiel de donner aux élus départementaux un outil budgétaire et comptable modernisé qui permette non seulement de restituer une image fidèle du patrimoine, mais également de donner une description exhaustive de l'emploi des dépenses et recettes inscrites au budget départemental.

Le texte voté par le Sénat est le fruit d'un long travail de concertation, qui a commencé en 1996 et qui a abouti à la définition de deux instructions budgétaires et comptables, lesquelles ont fait l'objet d'une expérimentation dans de nombreux départements et SDIS. Cette expérimentation a permis d'adapter la réforme en fonction des difficultés rencontrées. La proposition de loi a ensuite recueilli l'accord de l'assemblée des départements de France, ainsi que du comité des finances locales.

Le texte apporte des avancées majeures dans quatre domaines. Voté soit par nature, soit par fonction, le budget devra faire l'objet de l'un et l'autre mode de présentation, ce qui permettra une meilleure comparaison des principales politiques départementales. Une nomenclature fonctionnelle harmonisera les approches budgétaires et comptables au sein des conseils généraux, et les annexes dont le budget devra être accompagné, mettront en évidence le « hors bilan » des départements. Tout cela ne peut que clarifier le débat public et faire apparaître plus nettement les enjeux, tant aux élus qu'aux citoyens.

Autre avancée : la procédure des autorisations de programme sera étendue aux dépenses de fonctionnement, sous la dénomination d'« autorisations d'engagement », ce qui permettra une gestion pluriannuelle des dépenses de fonctionnement. Il faut savoir qu'une partie non négligeable de celles-ci s'échelonne sur plusieurs exercices budgétaires, je pense en particulier aux dépenses liées à l'action sociale. Cette nouvelle possibilité est donc appréciable.

Troisièmement, l'assemblée délibérante votera l'affectation du résultat, et comme c'est le cas actuellement pour les communes les départements bénéficieront d'une possibilité de reprise anticipée du résultat. Cela leur permettra d'avoir une meilleure vision pour le vote du nouveau budget et de ne pas augmenter les impôts dans des proportions identiques à celles qui auraient été définies en l'absence de reprise anticipée.

Enfin, les dotations aux amortissements et aux provisions seront inscrites dans la liste des dépenses obligatoires des départements. Cependant, pour des raisons pratiques, cette obligation ne concernera que les biens acquis après l'entrée en vigueur de la présente proposition. Cette généralisation de l'amortissement assurera une approche patrimoniale plus conforme à la réalité de la collectivité et enrichira l'information financière donnée aux gestionnaires locaux. Parallèlement, l'instauration de provisions de droit commun induira une gestion plus responsabilisée des risques.

Le groupe UMP votera pour ce texte, qui apportera aux documents budgétaires et comptables des départements un surcroît de clarté et de sincérité, lesquelles sont indispensables aux élus pour apprécier les conséquences de leurs choix, à l'opposition locale pour exercer sa fonction de contrôle et aux électeurs pour se déterminer en toute connaissance de cause (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Bernard Derosier - Si nous adoptons le texte en l'état, il faudra une décision expresse du président du conseil général pour que des virements d'article à article soient possibles. Notre amendement 1 propose une rédaction qui évite cet inconvénient.

M. le Rapporteur - La nécessité d'une décision expresse peut en effet apparaître comme une lourdeur, dans la mesure où elle implique contrôle de légalité et notification au comptable, mais elle n'a rien d'extravagant dans le cas où les crédits sont votés par articles et où l'on a justement voulu marquer par là une certaine volonté. Et si les crédits sont votés par chapitres, on peut les ventiler librement puisqu'un article n'est qu'une subdivision d'un chapitre. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Vous conviendrez, Monsieur Derosier, que lorsque le vote a lieu par chapitres, il n'y a pas de problème. Celui que vous soulevez se pose seulement quand le vote se fait par articles. Mais c'est alors, précisément, qu'on a voulu s'entourer de précautions supplémentaires, dont celle d'une décision expression. L'obligation de recourir à celle-ci n'est que la conséquence logique du choix de voter par articles.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Bernard Derosier - Le groupe socialiste est très favorable à la notion d'autorisation de programme, qui permet de planifier les opérations d'investissement. Mais il souhaite que les AP ne soient valables que pour une durée limitée - ce qui n'interdirait pas de les reconduire pour une durée équivalente. L'Etat lui-même met fin à ses AP au bout de quelques années si les opérations correspondantes ne sont pas engagées.

Tel est le sens de l'amendement 2. L'amendement 3 a le même objet, concernant les autorisations d'engagement.

M. le Rapporteur - Vous invoquez une nécessaire cohérence avec les autorisations de programme de l'Etat, mais la nouvelle loi organique relative aux lois de finances n'impose aucunement une quelconque limitation de leur durée. Les autorisations de programme sont de toute façon limitées annuellement par le montant des crédits de paiement votés dans le budget.

Considérant que ces deux amendements portent atteinte à la libre administration des collectivités locales, la commission les a rejetés.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Les autorisations de programme constituent un élément de souplesse et il reste possible de revenir dessus à tout moment.

Les amendements 2 et 3, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 2, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 3 à 11.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté sans modification.

La séance, suspendue à 10 heures 20 est reprise à 10 heures 35.

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique.

ART. 8

M. Michel Vergnier - Notre amendement 291 tend à supprimer l'article 8, qui remet largement en cause le principe selon lequel « tout revenu appelle cotisation » et crée une différence de traitement importante entre un salarié créateur d'entreprise et tout autre travailleur non salarié.

A force d'exonérations de ce que vous appelez des charges, et que nous préférons appeler cotisations, s'ajoutant aux nombreux cadeaux fiscaux que contient le projet, c'est le financement même de la protection sociale qui est en question.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale pour les articles non fiscaux - Avis défavorable. Tout revenu appelle certes une cotisation, mais pas deux. Rappelons que, dans tous les cas, le créateur ne paie pas de charges durant la première année.

En cherchant à aider le futur créateur à installer son entreprise, les dispositions de l'article 8 sont conformes à l'orientation générale du projet.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Trop souvent, le salarié créateur n'a d'autre choix que de rompre tout lien avec l'entreprise qui l'emploie, et donc de perdre tous les éléments de protection attachés à sa situation. Aussi, bien des salariés hésitent-ils à sauter le pas. Nous avons donc choisi d'instaurer des régimes de transition, afin de pouvoir vérifier, sur une période d'au moins un an, la viabilité du projet.

Mettons-nous à la place du salarié, qui doit payer son loyer, subvenir aux besoins de sa famille... Comment lui demander de se lancer dans son projet s'il est privé de toute ressource ? Il ne nous paraît pas légitime de le faire cotiser deux fois : comme salarié et comme entrepreneur. Je suis sûr que vous le comprendrez, d'autant que l'exonération est appliquée dans la limite d'un plafond.

M. Gérard Bapt - Nous ne songeons pas à priver un salarié créateur d'un avantage justifié. Si, comme vous l'avez dit, deux créateurs d'entreprise sur trois sont des salariés, cela veut dire qu'un sur trois ne l'est pas.

En outre, le dispositif ACRE, évoqué hier, comporte une exonération de charges sociales qui exclut l'assurance maladie, tandis que l'article 8 est assorti d'une exonération complète. Comment, dans ces conditions, éviter une distorsion de traitement entre salariés et non salariés ?

L'amendement 291, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 85 tend à préciser certains points relatifs à l'exonération de cotisations.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette clarification est bienvenue, mais l'exonération de cotisation au titre des accidents du travail a été oubliée. Mme la rapporteure a réparé cette omission en déposant l'amendement 323. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement 85, sous réserve de l'adoption du 323, et lève le gage. Il en va de même de l'amendement 86.

L'amendement 85, ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 86 est rédactionnel.

L'amendement 86, rectifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 323.

Mme la Rapporteure - L'amendement 87 est de précision.

L'amendement 87, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Jean-Jacques Descamps - L'amendement 88, adopté par la commission, étend le bénéfice de l'article 8 aux mères au foyer qui souhaitent créer leur entreprise tout en continuant à élever leurs enfants. Le cas se pose particulièrement en milieu rural, où de nombreuses mères cherchent à exercer des activités d'art, d'enseignement, de traduction à distance... Conserver à ces personnes le bénéfice de la couverture sociale de leur conjoint lorsqu'elles créent une entreprise me paraît conforme à l'esprit du projet.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage l'objectif de l'auteur de l'amendement, mais il souhaite que ce sujet soit abordé au cours du débat qu'organisera Christian Jacob sur la politique de la famille. Je souhaite donc le retrait de cet amendement, d'autant que d'autres solutions peuvent être envisagées, comme la prolongation de l'APE lorsque le bénéficiaire crée une entreprise.

M. Jean-Jacques Descamps - La mesure que je propose ne s'appliquera qu'au 1er janvier 2004. Cela laisse le temps au Gouvernement d'apporter les compléments qu'il souhaite. Les femmes pourraient ainsi se préparer dès maintenant à bénéficier de cette mesure qui leur permettra de créer une entreprise, donc de bénéficier d'une autonomie financière, tout en continuant à exercer ce beau métier de mère de famille qui élève ses enfants. Je maintiens donc l'amendement.

L'amendement 88, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Jean-Pierre Gorges - L'amendement 207 est défendu.

Mme la Rapporteure - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

M. Jean-Pierre Gorges - Je le retire.

L'amendement 207 est retiré.

Mme la Rapporteure - L'amendement 89 est de précision.

L'amendement 89, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Brunel - L'amendement 166 est défendu.

M. Jean-Pierre Gorges - L'amendement 209, identique, l'est également.

Mme la Rapporteure - Défavorable, car cela créerait une inégalité de plus entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

Les amendements 166 et 209 sont retirés.

Mme la Rapporteure - L'amendement 90 vise à éviter qu'un salarié enchaîne les périodes de bi-activité, ce qui pourrait perturber la bonne marche de l'entreprise.

L'amendement 90, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 91 est de précision.

L'amendement 91, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 92 est de précision sur les formes que doit revêtir la réponse de l'employeur.

L'amendement 92, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 93 porte sur le même sujet. Il clarifie les conditions de notification au salarié de la décision de différer le passage au temps partiel.

L'amendement 93, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Gorges - L'amendement 212 est défendu.

Mme la Rapporteure - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - La loi du 17 janvier 2003 a prévu la prorogation transitoire, jusqu'au 31 décembre 2005, de la majoration de 10 % de la rémunération des heures supplémentaires pour les PME de moins de 20 salariés. J'ai veillé à ce que ce texte protège les petites entreprises des risques liés aux 35 heures. La souplesse qui leur est ainsi offerte me paraît suffisante, je souhaite donc le retrait de l'amendement.

M. Jean-Pierre Gorges - Je le retire.

L'amendement 212 est retiré.

Mme la Rapporteure - L'amendement 94 est de précision.

L'amendement 94, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 95 supprime le droit spécifique de refuser les heures supplémentaires, afin de revenir au droit commun du temps partiel.

L'amendement 95, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 96 est de précision.

L'amendement 96, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 97 est rédactionnel.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable, dans la mesure où l'amendement 79 a déjà été adopté.

L'amendement 97, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Brunel - Je retire l'amendement 167, devenu sans objet du fait du rejet du 166.

L'amendement 167 est retiré.

Mme la Rapporteure - L'amendement 98 définit les conditions dans lesquelles l'employeur doit notifier la décision de différer le passage au temps partiel.

L'amendement 98, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Vergnier - Le plafond de 200 salariés ne renvoyant à aucune réalité économique, nous proposons, par l'amendement 296, que, dans les entreprises de plus de 50 salariés, les délégués du personnel soient consultés sur la décision de différer le passage au temps partiel.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable car il s'agit ici simplement de l'exercice du pouvoir de direction, qu'encadrent des règles précises.

L'amendement 296, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - Les amendements 99 et 100 sont de précision.

Les amendements 99 et 100, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont successivement adoptés.

M. Daniel Paul - Si nous pensons qu'il faut encourager les salariés qui le souhaitent à s'engager dans la voie de la création d'une activité économique, force est de constater que ce texte comporte nombre de vices cachés. Le diable est souvent dans les détails...

Ainsi, de nombreux salariés pourraient être séduits par la possibilité de passer, par un avenant à leur contrat de travail, au temps partiel pour créer une entreprise, mais il faut absolument, pour couvrir le risque d'échec de leur tentative, leur permettre de revenir au temps plein. Tel est l'objet de notre amendement 117.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Le texte n'interdit pas le retour au temps plein, il offre simplement à l'employeur la possibilité de le différer, dans un souci de bonne gestion de ses effectifs.

M. le Secrétaire d'Etat - La rédaction que nous proposons est équilibrée. Tel n'est pas le cas de cet amendement, dont je demande le retrait.

L'amendement 117, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - Je retire l'amendement 101. Quant à l'amendement 102, il est la conséquence de l'amendement 97.

L'amendement 102, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Vergnier - Si l'on demande à un salarié de modifier l'aménagement apporté à son temps de travail et qu'il ne le peut, cela ne doit pas constituer une faute ou un motif de licenciement. Tel est l'objet de l'amendement 293.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable, car l'amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l'article L. 212-4 du code du travail.

M. Michel Vergnier - Pas du tout !

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement modifie l'équilibre du texte.

Il pourrait nuire au bon fonctionnement des entreprises.

M. Michel Vergnier - Contrairement à ce qu'a dit Mme la rapporteure, le code du travail ne protège pas d'une sanction le salarié à qui l'on demande de modifier un accord et qui ne peut le faire.

L'amendement 293, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 103 rectifie les références contenues dans le texte initial et vise surtout à ne sanctionner que la seule inobservation des dispositions concernant le retour à temps plein du salarié à temps partiel.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

M. Daniel Paul - Notre amendement 118 proposant l'inverse, je tiens à intervenir maintenant.

Nous souhaitons lever toute ambiguïté dans la rédaction du texte. L'article L.122-332-16 du code du travail précise les sanctions auxquelles s'expose l'employeur en cas d'inobservation de certains droits des salariés : dommages et intérêts s'ajoutant à des indemnités de licenciement. Or, vous introduisez dans l'article un « s'il y a lieu » qui semble réduire le droit à réparation pour le salarié ou le renvoyer à l'appréciation du juge au lieu de l'affirmer clairement.

Nous préférons que cette disposition soit supprimée. Sinon, nous penserions que vous profitez de ce texte pour modifier le régime juridique des licenciements.

M. le Secrétaire d'Etat - Honni soit qui mal y pense !

M. Michel Vergnier - Il faut dissiper ce doute !

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est très soucieux de faire respecter les droits à réintégration des salariés à l'issue de leur congé à temps plein ou à temps partiel pour création d'entreprises. Le « s'il y a lieu » est sans incidence réelle et rappelle simplement qu'il faut qu'il y ait eu préjudice effectif.

L'attribution des dommages et intérêts est toujours le fait d'une décision de justice, en fonction du préjudice subi.

L'amendement 103, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 118 tombe.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 208 tend à aligner le régime RTT des itinérants non cadres et des monteurs sur chantier sur celui des cadres - depuis la loi Aubry, ils sont en effet au forfait horaire ; or, dans leurs métiers, ils ne peuvent pas avoir d'horaires réguliers. Soyons pragmatiques : ne pénalisons pas les entreprises nouvelles par de telles contraintes !

Mme la Rapporteure - L'amendement n'a pas été examiné par la commission.

A titre personnel, je donne un avis défavorable car, même si l'on ne peut que comprendre sa logique, cet amendement est fort éloigné du texte que nous examinons.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est sensible à l'intérêt que les députés manifestent pour toutes sortes de sujets qui concernent la création d'entreprise. Mais alors que le débat sur les 35 heures retombe à peine et que la loi du 17 janvier 2003 a donné lieu à de nombreux échanges, il ne me semble pas opportun de rouvrir ce débat.

Je demande le retrait ou le rejet de cet amendement.

M. Jean-Michel Fourgous - Je vais retirer l'amendement, mais il serait bon que les services de M. Fillon entrent en relation avec les métiers concernés.

L'amendement 208 est retiré.

M. Charles de Courson - L'amendement 104 a été adopté à l'unanimité par la commission spéciale sur l'initiative du groupe UDF qui a déposé un tel amendement parce qu'il nous semble choquant que les fonctionnaires soient écartés du texte gouvernemental. Il y a en effet des créateurs d'entreprises parmi les 25 % de la population active qu'ils constituent.

Le Gouvernement ne manquera pas de nous faire des objections. Quid, dira-t-il, du code de la fonction publique qui oblige les fonctionnaires à se consacrer uniquement à leur fonction ? Mais c'est un temps partiel qui est proposé !

Les fonctionnaires, dira-t-on encore, vont cumuler plusieurs fonctions. Heureusement, car comment vivraient-ils avec un temps partiel ?

Pour répondre d'avance à de telles objections, notre collègue Perruchot a déposé trois sous-amendements de déontologie.

Le sous-amendement 326 tend à garantir le respect de la déontologie lors d'une création ou d'une reprise d'une entreprise par un fonctionnaire tandis que le sous-amendement 327 précise que les règles de cumul sont levées dans ce cas-là. Le sous-amendement 328 n'avait été déposé que pour des raisons de sécurité.

Mme la Rapporteure - La commission ne s'est pas prononcée sur les trois sous-amendements. Ils nécessitent un examen complet qui pourra avoir lieu à l'occasion d'un prochain texte. A titre personnel, j'étais, en commission, très réservée sur cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Un débat aussi passionnant mérite de longues discussions...

M. Michel Vergnier - Il fallait revenir en commission ! (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - ... car il touche à un pilier du droit de la fonction publique - je vous renvoie à l'article 25 du statut général.

Le ministère de la fonction publique réfléchit au cumul d'activités. L'esprit d'entreprise peut être partagé bien au-delà de l'économie marchande ; ce n'est pas porter atteinte à l'esprit du service public que de le dire.

M. François Goulard - Si j'ai bien compris, Monsieur le ministre, vous êtes d'accord avec les propositions du groupe UDF, mais vous proposez de renvoyer leur examen à plus tard...

Ce n'est pas la première fois qu'un représentant du Gouvernement explique qu'une idée est remarquable - mais qu'il faut y travailler davantage !

Personne ne peut contester que cet encouragement à la création d'entreprises devrait profiter aussi aux fonctionnaires. Le droit de la fonction publique prévoit d'ailleurs une mise en disponibilité dans ce cas ; ce n'est dont pas une innovation totale. Je soutiendrai donc pour ma part l'amendement de M. de Courson.

M. Michel Vergnier - Monsieur le ministre, vous me confirmez que j'avais raison hier : ce texte mérite de retourner en commission ! (Rires sur divers bancs) Nous soutiendrons ces amendements.

M. Charles de Courson - Au fond, tout le monde est d'accord avec l'amendement, sous réserve d'en affiner la rédaction. Nous avons le temps de le faire en cours de navette.

Mme Chantal Brunel - M. de Courson a évoqué la nécessité d'un code de déontologie pour les fonctionnaires quittant la fonction publique : il en faudrait aussi un pour les salariés quittant leur entreprise. Je voterai l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je réitère ma demande de ne pas voter cet amendement, qui inquiète beaucoup les milieux des PME, des artisans et des commerçants. Un fonctionnaire assuré de toucher un revenu complémentaire n'est pas en situation de concurrence égale avec un artisan ou un commerçant qui n'a pas cet avantage. Avant de voter une telle mesure, il faudrait une concertation avec les organisation représentatives.

Le Gouvernement est d'ailleurs très préoccupé par les conséquences de l'application des 35 heures dans la fonction publique et doit faire face, dans certains secteurs, à une pénurie de personnel. À l'heure où nous incitons les fonctionnaires à faire des heures supplémentaires, cette incitation au départ serait un signal malheureux.

M. Jean-Michel Fourgous - Nous touchons là un sujet très important. Beaucoup d'entre nous ont le sentiment d'une fracture culturelle entre la famille marchande et la famille administrative. Favoriser le brassage des cultures pourrait atténuer ce clivage. Je voterai l'amendement.

M. Jean-Jacques Descamps - Monsieur le ministre, hier, vous nous avez convaincus de prendre le risque qu'un salarié créant une entreprise fasse concurrence à celle qu'il a quittée. Aujourd'hui, vous voulez éviter ce même risque de concurrence déloyale à l'égard des entreprises existantes : c'est contradictoire.

Si on veut faire bouger la fonction publique, il faut créer des passerelles.

Mme Chantal Brunel - Le groupe UMP demande une suspension de séance de cinq minutes.

La séance, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 30.

M. François Goulard - Le rapide échange que nous venons d'avoir permet de resituer les choses. Le ministre a raison d'appeler notre attention sur les conséquences de l'amendement. Mais nous avons voté assez allègrement des dispositions relatives aux salariés du secteur privé sans en voir les inconvénients pour les entreprises et quand on veut les appliquer aux fonctionnaires, l'attitude change ! L'argument du ministre sur les conséquences des 35 heures est tout aussi valable pour les entreprises : les cliniques privées, par exemple, n'ont pas moins de mal que les hôpitaux publics à gérer la pénurie de personnel. Nous ne pensons pas assez aux difficultés que connaissent nos entreprises. Je ne voterai pas l'amendement.

M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale - Cette discussion est importante. C'est vrai qu'elle pose le problème de fond de l'établissement de passerelles entre le public et le privé. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que le ministre a manifesté beaucoup d'ouverture par rapport à nos propositions, puisque plusieurs dizaines d'amendements ont été adoptés.

La question posée par M. de Courson est très importante, mais on ne peut pas la régler au détour d'un amendement. Elle doit être traitée dans une réforme globale de la fonction publique qui constitue au demeurant une vraie nécessité et que devra prochainement nous proposer le Gouvernement (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale pour les articles fiscaux - On ne peut pas, en effet, régler au détour d'un amendement une question qui touche quelque 6 millions de fonctionnaires...

M. François Goulard - Et les 14 millions de salariés du privé ?

M. le Rapporteur - ...et qui nécessite donc une certaine concertation.

J'en profite pour rappeler qu'avant de songer à la création d'entreprises, nous devons nous préoccuper de la pérennité de celles qui existent. C'est ce qui nous a amenés, lorsque nous avons parlé de l'article 7, à vouloir les protéger contre les agissements déloyaux de ceux qui créeraient une entreprise en utilisant les fichiers de celle qu'ils quittent. Nous devons aussi avoir ce type de préoccupation à cet article.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

M. Jean-Jacques Descamps - Je rejoins le propos de M. Goulard et je demande à nos collègues de l'UDF de retirer leur amendement. Mais je me félicite que le Gouvernement s'engage à traiter la question de la mise en disponibilité des fonctionnaires. Je souhaite qu'il en profite pour traiter aussi de celle qu'ils prennent pour s'engager dans la vie politique.

M. le Secrétaire d'Etat - Je crois que le Gouvernement a fait preuve, depuis le début de ce débat, d'un esprit d'ouverture et d'un grand respect du droit d'amendement. Je sais que l'appétit vient en mangeant et je ne vous appelle pas à la diète, mais je voudrais que l'on garde une certaine mesure dans la volonté de modifier le texte.

Sur le fond, j'observe que la quasi-totalité des groupes semble admettre que la possibilité de créer une entreprise doit être ouverte aux fonctionnaires. C'est une avancée culturelle notable, mais cette ouverture de la fonction publique sur la société civile exige une concertation. Le débat doit donc se poursuivre, c'est d'ailleurs le souhait du ministre de la fonction publique. Pour l'heure, je propose le retrait de ces amendements.

M. Gérard Bapt - L'amendement 104 ayant été voté en commission à l'unanimité des présents, je ne pense pas que Mme la rapporteure soit autorisée à le retirer. Ce serait en outre un signe négatif à l'égard des fonctionnaires. Puisque nous sommes dans un texte qui glorifie l'esprit d'entreprise, pourquoi ne pas l'adopter et préciser les choses d'ici le passage au Sénat ?

M. Daniel Paul - Changer au détour d'un amendement des règles qui concernent des millions de fonctionnaires ne serait guère sérieux. Il faut d'abord discuter avec les organisations représentatives...

M. Richard Mallié - La CGT, bien sûr !

M. Daniel Paul - ... ainsi qu'avec des représentants des entreprises.

M. le Président de la commission spéciale - En tant que président de la commission spéciale, j'ai le pouvoir de retirer l'amendement 104.

M. Rodolphe Thomas - Je comprends mal ces changements de position et je reprends l'amendement. On répète depuis des années qu'il faut rapprocher le public et le privé, cet amendement constitue peut-être un des moyens de le faire. Il faut savoir ce que l'on veut !

Les sous-amendements 326, 327 et 328, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 104, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vergnier - Notre amendement 294 tend à ce que la négociation de branche obligatoire sur la formation professionnelle porte aussi sur les actions de formation à mettre en _uvre pour former les salariés susceptibles de créer ou de reprendre une entreprise.

Mme la Rapporteure - L'article L. 933-2 définit déjà douze thèmes obligatoires de négociation. Il ne paraît pas nécessaire d'en ajouter un. Faisons confiance aux partenaires sociaux pour travailler sur ce dossier.

M. le Secrétaire d'Etat - La question de la formation des créateurs d'entreprise est tout à fait essentielle et nous conjuguons nos efforts à ceux des réseaux consulaires - chambres de commerce et de métiers - pour la développer et la généraliser, étant entendu qu'actuellement un créateur d'entreprise sur dix, seulement, est accompagné, mais il n'y a en effet pas lieu de créer une obligation.

M. Michel Vergnier - Il me semble pourtant qu'il n'y a pas d'inconvénient à ajouter une disposition qui concernerait seulement les salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise.

L'amendement 294, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 105 de la commission spéciale vise à permettre à l'employeur de recourir à un CDD pour remplacer un salarié passé à temps partiel pour créer une entreprise. Le Gouvernement propose par son amendement 241 de lui offrir cette possibilité quelle que soit la raison pour laquelle un salarié passe temporairement à temps partiel.

Mme la Rapporteure - La commission a adopté l'amendement du Gouvernement, plus large que l'amendement 105, que je retire.

L'amendement 241, mis aux voix, est adopté.

ART. 10

M. Daniel Paul - Cet article a pour but de créer un contrat d'accompagnement. Certes, il est souhaitable d'aider les créateurs d'entreprise, mais on risque ainsi de favoriser la mainmise des donneurs d'ordre sur les sous-traitants. En effet, vous rétablissez une disposition introduite à l'initiative de M. Madelin, que nous avons fait supprimer, selon laquelle toute personne inscrite au registre des métiers est présumée travailleur indépendant, et qui a permis de multiplier les prétendus artisans pour organiser le marchandage et l'essaimage. Pour ne pas attirer de soupçons sur des dispositions qui autorisent la fausse sous-traitance, vous indiquez que le contrat d'accompagnement ne devra pas enfreindre les dispositions du code du travail qui interdisent le prêt de main-d'_uvre à but lucratif ou le marchandage. Mais c'est une précaution de pur style, puisqu'à l'article 127-3 vous précisez que la fourniture de moyens par l'entreprise n'emporte pas présomption d'un lien de subordination. Ce faisant, vous allez à l'encontre d'une jurisprudence constante selon laquelle est considéré comme autonome l'entrepreneur qui dispose de son outil de production. Nous nous opposons avec force à cette surexploitation organisée des travailleurs.

Notre amendement 119 tend à supprimer la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 127-2, qui précise que le contrat d'accompagnement détermine les conditions dans lesquelles la personne bénéficiaire peut prendre à l'égard des tiers des engagements en relation avec l'activité économique projetée. En effet elle peut être lue comme un droit de privilège de relation économique et commerciale.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement car il est très important de préciser les conditions dans lesquelles le bénéficiaire peut engager l'accompagnant.

M. le Secrétaire d'Etat - Le contrat d'accompagnement répond à une nécessité, puisque lorsqu'un créateur est accompagné, ses chances de réussite sont multipliées par deux. S'agissant du marchandage, les sécurités nécessaires sont apportées par les articles L. 125-1 et L. 125-3 du code du travail, qui bien entendu s'appliqueront.

L'adoption de cet amendement laisserait les personnes concernées dans le flou et ruinerait le dispositif proposé par le Gouvernement.

L'amendement 119, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 120 tend à supprimer l'article L. 127-3, qui rompt avec une jurisprudence constante.

Mme la Rapporteure - L'adoption de cet amendement conduirait à ce que l'exécution du contrat d'accompagnement ne figure dans aucun compte de l'entreprise, ce qui irait évidemment à l'encontre de la transparence financière. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

M. Xavier de Roux - Les propos de M. Paul me choquent : nous sommes ici pour faire la loi, et jusqu'à preuve du contraire la Cour de cassation n'a pas le droit de faire des arrêts de règlement !

L'amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 106 tend à supprimer le premier aliéna de l'article 127-3, selon lequel « le fait pour l'accompagnateur de mettre à disposition du bénéficiaire tout moyen nécessaire à sa préparation à la création et à la gestion de l'activité économique projetée n'emporte pas, par lui-même, présomption d'un lien de subordination ». Il doit être rapproché de l'amendement 24 après l'article 12, qui vise à rétablir la présomption de non-salariat pour les travailleurs indépendants.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable car l'alinéa visé est essentiel pour la période pendant laquelle la personne bénéficiaire d'un contrat d'accompagnement n'a pas encore créé son entreprise, et n'est donc pas encore un travailleur indépendant. Je suggère le retrait de cet amendement.

Mme la Rapporteure - Quel en serait la conséquence sur l'amendement 24 après l'article 12 ?

M. le Secrétaire d'Etat - L'avis du Gouvernement ne préjuge pas de celui qu'il formulera sur l'amendement 24.

L'amendement 106 est retiré.

M. Jean-Michel Fourgous - Mon amendement 229 tend à prendre en compte la pluralité des formes d'accompagnement à la création d'activités. Les sociétés coopératives ouvrières de production expérimentent en effet avec succès une formule d'accompagnement dans laquelle le créateur conserve le statut de salarié jusqu'à la stabilité de son entreprise.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais il opère une double confusion.

D'abord sur le sens du premier alinéa de l'article L. 127-3 : il ne s'agit pas de dire que la relation entre l'accompagnant et le bénéficiaire est exclusive d'un contrat de travail, mais simplement que l'existence d'un contrat d'accompagnement n'en constitue pas l'indice.

L'amendement 24 après l'article 12 établit la même présomption de non-salariat. En revanche le bénéficiaire peut être un salarié de l'entreprise. En conséquence les SCOP pourront continuer de fonctionner comme aujourd'hui, et l'amendement 229 devient sans objet.

En second lieu l'amendement confond contrat d'accompagnement et contrat de travail. Il s'ensuivrait que la relation entre l'entreprise existante et l'entreprise nouvelle serait soumise à la compétence du conseil des prud'hommes.

Je suggère donc de retirer l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Gérard Bapt - Voilà une agréable surprise : nous partageons l'intention exprimée par MM. Fourgous et Dassault ! (Rires) Le moment est historique ; d'autant que, avant-hier, Jean-Louis Dumont, grand défenseur de l'économie sociale devant l'Éternel, a été attaqué par certains collègues de MM. Fourgous et Dassault lorsqu'il a souligné l'absence du secteur de l'économie sociale et de la coopération dans le projet.

La proposition de M. Fourgous pourrait être modifiée avant d'être examinée au Sénat pour tenir compte des observations de Mme la rapporteure. Ainsi serait prise en compte l'importance du secteur coopératif dans nos régions. Je connais dans mon ancien canton telle SCOP d'artisanat du bâtiment qui est exemplaire.

Que M. Fourgous, pour une fois, ne retire pas son amendement !

M. Jean-Michel Fourgous - Je me réjouis d'entendre mon collègue de gauche reconnaître que le social n'est pas un critère discriminant entre la gauche et la droite. Mon camarade Dassault sera content de l'apprendre.

La droite traite du social avec bon sens, sans parti-pris idéologique. Cependant, pour ne pas placer la rapporteure et le ministre en porte-à-faux, je retire mon amendement 229 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Xavier de Roux - Je crois discerner un malentendu. Il suffirait, me semble-t-il, de remplacer « contrat de travail » par « contrat », tout simplement, pour que le dispositif soit parfait.

C'est pourquoi je reprends l'amendement ainsi rectifié.

L'amendement 229 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marylise Lebranchu - Nous proposons, par l'amendement 298, de supprimer le nouvel article L. 127-4 du code du commerce. Comment les réseaux d'accompagnement, auxquels nous sommes très attachés, pourraient-ils accomplir les nouvelles tâches dont on les charge sans risquer une requalification ? De plus, prenons garde. Nous sommes favorables à l'essaimage, à condition qu'il en soit bien un. Mais nous connaissons tous des cas de passage de l'essaimage au tâcheronnage, avec les problèmes de concurrence qui s'ensuivent. Habiller le tâcheronnage en essaimage serait dangereux.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné l'amendement, auquel je suis personnellement hostile. Son exposé sommaire justifie en fait le maintien de l'article : les réseaux de création ne peuvent pas assumer les mêmes risques que les entreprises accompagnantes. Ces deux types d'acteur ne se concurrencent pas, ils se complètent.

M. le Secrétaire d'Etat - Je crois à une confusion. L'article 10 ne concerne pas les réseaux d'accompagnement au sens où s'entendent ceux qui sont regroupés dans la fédération FORCE. Nous proposons de créer un dispositif nouveau, destiné à apporter une aide substantielle au créateur, qui redoute de se retrouver seul. Il faut permettre soit à des couveuses, soit à des entreprises elles-mêmes accompagnant, par essaimage, leurs propres salariés, de disposer d'un instrument juridique adapté. Avis défavorable.

L'amendement 298, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 107 rectifié de la commission dispose que le contrat détermine la co-responsabilité par accord entre les parties après l'immatriculation de l'entreprise et jusqu'à la fin du contrat d'accompagnement. Mais il est rédigé de telle façon que la co-responsabilité risque de ne pas figurer dans le contrat. L'amendement 242 tend à remédier à cette lacune.

Mme la Rapporteure - En effet. C'est pourquoi je retire l'amendement 107 rectifié.

Mme Chantal Brunel - Comme vous, Monsieur le ministre, je suis favorable à la création d'entreprise, en particulier individuelle. Mais une entreprise sur cinq nouvellement créées meurt avant cinq ans. Or, non seulement le salarié aura le droit de travailler avec les clients de l'entreprise accompagnatrice, mais en outre l'employeur sera solidairement responsable des engagements pris par le salarié. C'est incompréhensible ! On ne peut pas créer une entreprise au détriment de l'entreprise existante !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous déformez, me semble-t-il la portée du dispositif. Les deux parties vont élaborer ensemble le contenu de leur relation contractuelle. Ainsi le contrat d'accompagnement définira, au sein de la couveuse, les obligations et les droits de chacun durant une certaine période.

L'amendement 242, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 108 tend à limiter la coresponsabilité s'agissant des dommages causés aux tiers.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'assemblée.

L'amendement 108, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Je retire l'amendement 230.

L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. Daniel Paul - Nous avons déjà parlé de ces entreprises qui, au bout de quelques années, rencontrent des difficultés telles qu'elles disparaissent. Dans le secteur de la sous-traitance en particulier, beaucoup d'entreprises sont victimes de pratiques qui mettent en péril leur activité. Dans le transport routier, par exemple, les sous-traitances en cascade conduisent à imposer des prix tels que la dernière entreprise sous-traitante n'y résiste pas.

La mise en concurrence des travailleurs en France et en Europe laisse agir la loi de la jungle pour la fixation des prix, donc pour la rémunération des producteurs, indépendants comme salariés.

L'Etat ne peut ignorer ses responsabilités. Des solutions existent pour limiter les capacités de nuisance des grands donneurs d'ordres. La loi peut empêcher les pressions sur les prix, qui menacent l'existence des entreprises, provoquent des licenciements, conduisent au non-respect des lois. Il est également possible de s'attaquer à la sous-traitance abusive, dont le seul objectif est le dumping social et le gonflement des profits.

Mieux vaudrait promouvoir des conventions de partenariat favorables à l'emploi et aux salaires, qui ouvriraient droit à des prêts bancaires à taux réduits pour des investissements utiles. Il nous faut remettre en cause les abus commis par la grande industrie et la grande distribution et remplacer la concurrence sauvage par des coopérations utiles à l'emploi et aux conditions de vie dans des secteurs comme les transports routiers, le BTP, l'agroalimentaire, la confection. Telles sont les raisons qui nous ont poussés à déposer l'amendement 121.

Mme la Rapporteure - Je comprends fort bien l'objectif de cet amendement. La commission l'a néanmoins repoussé car il lui est apparu impossible de déterminer un prix d'équilibre.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est également sensible aux préoccupations des auteurs de l'amendement, mais il lui apparaît qu'il n'y a pas lieu de traiter ces problèmes de concurrence et de prix dans le cadre du code du travail. Rejet.

L'amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11

Mme la Rapporteure - L'amendement 277 est rédactionnel.

L'amendement 277, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 11, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. Nicolas Forissier - L'amendement 23 corrigé, que la commission a adopté, vise à rappeler que les entreprises de portage salarial sont soumises aux dispositions du code du travail concernant l'interdiction du prêt de main-d'_uvre.

Cela lèverait en partie le flou juridique qui entoure cette nouvelle forme d'activité qui permet à des entreprises d'héberger des consultants de talent qui souhaitent être dégagés des contraintes de la gestion administrative d'une entreprise.

M. le Secrétaire d'Etat - Les articles 10 et 11 du projet couvrent déjà de telles situations, auxquelles s'applique le code de commerce. Il ne paraît pas souhaitable de distinguer ainsi des catégories au sein d'un dispositif d'application générale. Je souhaite donc le retrait de l'amendement.

M. Nicolas Forissier - Les articles 10 et 11 ne traitent pas du tout de la même chose que mon amendement ! Le portage salarial est une nouvelle forme d'emploi qui est encore en train d'évoluer juridiquement ; cela n'a rien à voir avec l'accompagnement prévu dans le texte.

Mme Marylise Lebranchu - Je suis opposée à cet amendement qui reprend des revendications d'un certain nombre de catégories professionnelles. Le texte traite ici de l'accompagnement du salarié qui crée une entreprise, tandis que l'amendement a trait à des entreprises qui salarient des personnes qui ne souhaitent pas encore s'installer à leur compte, et qui sont en train de bâtir leur clientèle et qui ont vocation à devenir collaborateurs associés de l'entreprise.

On ne peut modifier ainsi le code du travail, au détour d'un amendement, pour légiférer sur ces sociétés de portage. Mieux vaudrait le faire sereinement, à partir des propositions de l'UNAPL.

M. le Secrétaire d'Etat - Mme Lebranchu souligne à juste titre qu'il s'agit de deux choses différentes : le portage est un dispositif permanent alors que l'accompagnement ne vise qu'à stimuler le processus de création jusqu'à ce que le salarié puisse voler de ses propres ailes.

M. le Président de la commission spéciale - Il me semble que la préoccupation de M. Forissier sera satisfaite par le vote de l'amendement 24, qui rétablira une disposition de la loi Madelin de 1994 relative à la présomption de non-salariat. Je pense donc, moi aussi, que cet amendement devrait être retiré.

M. Nicolas Forissier - L'amendement 24 n'a rien à voir avec le mien ! Mon amendement, de bon sens, a été adopté à l'unanimité par la commission spéciale.

M. Eric Besson - Non !

M. Nicolas Forissier - Je suis un peu surpris par le tir de barrage qu'il subit désormais...

Je le répète, le portage est une chose totalement différente de l'accompagnement. Il s'agit de l'hébergement de consultants et de scientifiques, non de commerciaux. J'ajoute que cela concerne souvent des personnes qualifiées de plus de 50 ans, dont on connaît les difficultés sur le marché du travail. En outre, l'accompagnement est limité dans le temps alors qu'un salarié peut rester des années dans une entreprise de portage.

En dépit des réticences frileuses de votre administration, Monsieur le ministre, le portage aurait toute sa place dans un texte destiné à favoriser la création d'entreprises et l'initiative économique.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement 23 corrigé, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 12

M. Jean-Pierre Gorges - L'amendement 170 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis défavorable. Cet amendement est satisfait par les dispositions générales en matière de contrats d'annonces, qui permettent le transfert desdits contrats et donc le transfert de provisions au titre d'un contrat de groupes salariés vers un contrat de capitalisation souscrit par une association de travailleurs indépendants.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement pourrait obscurcir la compréhension du code des assurances en jetant un doute sur la pleine application à d'autres contrats d'assurance-retraite actuellement souscrits par des associations pour le compte de leurs adhérents et qui ne couvrent pas spécifiquement des salariés ou des non-salariés.

Je vous propose de retirer cet amendement.

L'amendement 170 est retiré.

M. Michel Vergnier - L'amendement 299 concerne le statut du conjoint-collaborateur. Nous regrettons qu'il n'en soit pas question à propos de ce texte. Nous serons vigilants sur ce sujet.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je rappelle que le statut de l'entrepreneur sera débattu à la fin de cette année à l'occasion d'un texte qui permettra de répondre également à plusieurs autres questions, telle que l'assurance chômage ou l'assurance vieillesse.

L'amendement 299, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - Je souhaite apporter une précision sur une rectification concernant l'amendement 24.

L'amendement 24, dans lequel il conviendra de substituer aux mots « dans le seul but », les mots « dans le but principal », revient sur la loi de 1994 qui instituait la présomption simple de non-salariat des travailleurs. Ce principe d'indépendance permettait de sécuriser la création d'entreprise pour ceux qui choisissent de devenir entrepreneurs. La loi Aubry II avait supprimé cette présomption et établi une présomption inverse qui provoque de nombreuses requalifications.

Nous ajoutons une mesure nouvelle : lorsqu'un donneur d'ordre a passé contrat avec une société régulièrement immatriculée au registre du commerce, la qualification de « dissimulation de travail de salarié » ne peut pas être retenue. Il n'y a pas de volonté de dissimulation lorsqu'un donneur d'ordre fait appel à une société de sous-traitance qui a accompli toutes les formalités d'immatriculation et de publicité.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit de remplacer la présomption de salariat par une présomption inverse afin de respecter la volonté du travailleur indépendant qui crée une entreprise. Aujourd'hui, c'est le juge qui a compétence pour requalifier un contrat et c'est un moyen de contrôler les situations de fausses sous-traitances. L'amendement ne remet pas en cause cette situation, mais il vise à apporter des éléments de sécurisation juridique en rétablissant des dispositions supprimées par la loi du 19 janvier 2000 et ajoutant la nécessité de démontrer qu'il y a bien eu volonté de dissimuler en vue d'éluder certaines obligations.

Le Gouvernement souhaite sous-amender cet amendement en remplaçant, au deuxième et au quatrième alinéas, les mots « seul but » par les mots « but principal ». Sous cette réserve, il est favorable à l'amendement.

M. Eric Besson - Malgré le sous-amendement du Gouvernement, nos craintes demeurent. Cet amendement constitue un retour à la loi Madelin de février 1994. Il favorisera la fausse sous-traitance et le travail au noir. L'article 120-3 du code du travail est assez clair. La présomption de salariat est une garantie importante pour les salariés.

M. Daniel Paul - Je ne comprends pas non plus l'intérêt de cet amendement, même sous-amendé - sauf à y voir un retour à la loi Madelin qui vise à favoriser l'essaimage et le marchandage.

Le sous-amendement du Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 24, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 228 propose de transposer la philosophie législative appliquée aux gérants non salariés aux bénéficiaires d'un contrat d'accompagnement. Considérant qu'ils sont dépendants d'un point de vue économique et social, il convient de leur apporter une sécurité sociale au sens large, d'autant que l'examen de l'article 10 ouvre la porte à bien des dérives concernant les conditions de travail. Il est légitime, d'apporter aux nouveaux entrepreneurs les mêmes droits qu'aux salariés.

Mme la Rapporteure - L'amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis défavorable, car il semble satisfait par l'article L 783-1 du code du travail créé par l'article 11 du projet.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement vide de tout son sens le contrat d'accompagnement.

L'amendement 228, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Gorges - L'amendement 171 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis défavorable. Il ne traite que partiellement le problème de l'harmonisation des régimes de capitalisation entre les salariés et les professions indépendantes et néglige les agriculteurs et les fonctionnaires cotisant à la Prefon.

Cette proposition doit s'inscrire dans la réforme générale des retraites.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement est intéressant et nécessitera un débat dans le cadre soit du projet de loi sur les retraites, soit de la réflexion sur le statut de l'entrepreneur prévue pour la fin de l'année 2003.

Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

L'amendement 171 est retiré.

AVANT L'ART. 13

M. Eric Besson - L'amendement 320 a été conçu par Gaëtan Gorce. Il s'agit de renforcer le développement local et de protéger argent public et finances locales.

L'article consiste à dire que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des entreprises pour leur accorder des aides directes ou indirectes. Ces conventions pourraient cependant être dénoncées en cas de non-respect de leurs objectifs - lorsque les aides n'ont pas été utilisées pour développer l'emploi sur le territoire de la collectivité concernée.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas possible !

M. le Rapporteur - D'ores et déjà, les collectivités locales ont toutes les possibilités de passer de telles conventions et de les résilier, le cas échéant.

De surcroît, votre amendement renvoie au pouvoir central-réglementaire, qui plus est - la définition des caractéristiques de ces conventions : ce serait donc une recentralisation insidieuse (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - Nous assistons là à une remontée du jacobinisme, qui, en outre, ne va pas dans le sens de la simplification. Il vaut mieux faire confiance à la convention.

M. Augustin Bonrepaux - Avez-vous bien lu cet amendement ? Il va tout à fait dans le sens du projet de loi puisqu'il vise à développer l'activité économique.

Si on s'y oppose, comment sauver un certain nombre d'entreprises dans les zones rurales ? J'ai déjà exposé le cas de l'usine Pechiney à Auzat : l'entreprise affirme ne pouvoir investir les 15 millions d'euros nécessaires. Les collectivités locales seraient prêtes à l'aider. Mais si vous rejetez l'amendement, ce ne sera pas possible ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Besson - Je regrette que le ministre ait cru voir dans cet amendement assez simple un retour du jacobinisme.

Je donnerai un exemple qui s'est produit dans ma commune. Une entreprise industrielle devait s'y implanter. La commune avait obtenu pour elle une aide de l'Etat et la lui a versée. Mais l'entreprise a finalement renoncé à son projet. Comment récupérer cet argent ? Ne faudrait-il pas en prévoir la restitution dans la convention ?

M. Christian Paul - Je ne puis m'empêcher de rapprocher l'attitude du Gouvernement de la décision qu'il a prise, il y a quelques semaines, de supprimer le dispositif de contrôle d'utilisation des fonds publics institué par la loi Hue. Vous allez accentuer les dérives.

M. Jean-Jacques Descamps - Vous n'avez pas le monopole de la bonne utilisation des deniers publics ; vous avez même plutôt tendance à pousser au gaspillage !

M. Augustin Bonrepaux - C'est de la provocation !

M. Jean-Jacques Descamps - En tant qu'élu d'une zone rurale, je sais combien il est difficile de revitaliser ces territoires et il peut être nécessaire d'aider les entreprises. Ceci dit, dans ma région, qui est dirigée par vos amis, nous en avons souvent pris ensemble le risque, sans garantie de succès d'ailleurs. Mais il existe déjà des mécanismes qui permettent aux collectivités locales impliquées de vérifier après coup la bonne utilisation des fonds. Pourquoi y ajouter un système centralisé ?

M. le Président - J'informe l'Assemblée que sur cet amendement le groupe socialiste demande un scrutin public.

Mme Marylise Lebranchu - Il n'a jamais été question pour nous de ne pas soutenir les entreprises ni de gaspiller l'argent public. Je souhaite soutenir fortement l'amendement en raison d'une expérience très négative qu'a vécue la région Bretagne. Une société d'eau minérale bien connue y a bénéficié pour son implantation d'une aide financière de la région et des autres collectivités locales. Or, l'entreprise, dont la situation n'était pas mauvaise, a choisi de se vendre à un tiers et les subventions reçues ont été comptabilisées comme actifs.

La région Bretagne s'en est émue et a voulu récupérer cette somme, mais le tribunal nous a expliqué que c'était impossible car rien ne liait l'entreprise aux collectivités locales : notre droit ne permet pas d'encadrer les conventions.

Après cette expérience de transformation de fonds publics en actifs, les collectivités locales hésitent à aider les entrepreneurs. Or cela reste nécessaire, mais il faut avoir un recours si l'aide est utilisée à d'autres fins.

M. Michel Vergnier - Avant le scrutin public, je voudrais entendre la position du Gouvernement sur ce point. Ne nous faites pas croire que nous sommes dans l'idéologie.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est déjà parfaitement possible pour les collectivités locales de signer des conventions avec les entreprises. Le sens de votre amendement est politique : il s'agit de poser comme principe que le contribuable participe au financement des entreprises. Ce n'est pas notre conception ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous voulons donner plus de liberté de mouvement aux entreprises, mais moins d'aides. Il y a aujourd'hui beaucoup de gaspillages de deniers publics avec les subventions octroyées par les élus sans que les contribuables soient jamais consultés.

M. Augustin Bonrepaux - Et vous, vous baissez l'ISF !

M. le Secrétaire d'Etat - Baisser un impôt, ce n'est pas accorder une subvention. Il est tout à fait admissible d'aider soit des territoires fragilisés, soit des projets d'intérêt général, mais cela doit rester l'exception. Or votre amendement modifie complètement l'économie de marché, au risque d'appeler l'attention de Bruxelles, sans avoir d'effet pratique réel (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il doit être rejeté.

M. le Rapporteur - Les collectivités locales peuvent parfaitement passer avec les entreprises des conventions définissant les conditions de versement de l'aide publique et les modalités de sa récupération éventuelle. C'est vrai que, dans le passé, l'hypothèse d'un rachat n'a pas toujours été mentionnée dans ces conventions. Mais rien n'interdit de le faire.

J'ai eu l'occasion d'étudier cette question dans le cadre d'un groupe de travail constitué par M. Zuccarelli pour préparer son projet de loi sur l'intervention économique des collectivités locales. La difficulté tient à ce que les aides directes ne peuvent être consenties que par le biais de la région. Pour le problème grave qui se pose dans votre circonscription, il faut donc, Monsieur Bonrepaux, que vous voyez avec M. Malvy si une aide de ce type peut être mise en place. Mais les départements et les groupements de communes ne peuvent accorder que des aides indirectes.

Votre amendement n'ajouterait rien au droit existant, mais vous avez raison sur un point : les collectivités locales seraient bien inspirées de systématiquement conclure une convention quand elles accordent des aides, directes ou indirectes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 42 voix contre 19, sur 61 votants et 61 suffrages exprimés, l'amendement 320 n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ERRATUM

au compte rendu analytique de la deuxième séance du mercredi 5 février 2003.

Page 7, rétablir comme suit :

L'article 3, mis aux voix, est adopté.


© Assemblée nationale