Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 61ème jour de séance, 153ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 4 MARS 2003

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 18

      ORDRE DU JOUR MERCREDI 5 MARS 2003 25

La séance est ouverte à vingt et une heures.

RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

M. André Flajolet - Enfin un texte de rupture tant avec un comportement passif et laxiste qu'avec une volonté démiurgique qui oublie qu'on ne commande à la nature que dans le respect de ses lois fondamentales. Nous le soutiendrons, tout en présentant des amendements d'exigence pour la prévention, la réparation et l'information.

Votre texte, Madame la ministre, qui transcrit quelques lignes de force du message du Président de la République, allie l'éthique de conviction et de responsabilité. Vos propositions novatrices et pratiques, qui s'adressent au salarié, au citoyen, donnent un sens à notre souci de l'évaluation, de la pérennité des travaux, de la communication pour une réelle conscience du risque.

Vous renforcez le rôle du CHSCT sans faire de l'usine un bouc émissaire, mais en imposant des règles essentielles pour éviter un comportement irresponsable vis-à-vis des êtres et de la nature. Tout cela va dans le bon sens, mais nous vous demandons d'aller plus loin, en particulier pour la solidarité à l'égard du risque minier.

Pour le risque naturel, vous nous présentez un texte prospectif, qui insiste sur la culture du risque, sur la solidarité amont-aval, sur l'exigence de protéger, ensemble, nos espaces agricoles et ruraux. Nous souhaitons que l'on ne se contente pas d'imposer des contraintes supplémentaires et que l'on donne les moyens dynamiques qui sont nécessaires.

En tant que président d'un SAGE, j'apprécie l'avancée que constitue, pour le risque inondations, le mariage des techniques hydrauliques et douces, dans le respect des paysages et des activités économiques.

Vous proposez une solidarité financière, territoriale et méthodologique, ainsi qu'une utilisation dynamique et intelligente du fonds Barnier, autant de bonnes options.

Certains ont exprimé des regrets. Pour ma part, je salue votre façon pragmatique d'aborder les problèmes. Vous faites une lecture réaliste de notre société, ainsi que de l'activité humaine qui transforme l'environnement. En adaptant la loi aux réalités naturelles et technologiques, en définissant le principe de prévention, vous tracez des orientations et donnez des moyens. Nous vous suivrons dans ce premier grand pas vers une culture du risque et une volonté réparatrice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. David Habib - L'industrie chimique, son acceptation par la population, notamment après le terrible accident de Toulouse, méritait un texte plus ambitieux. Je le dis de façon d'autant moins polémique que celui que nous avions déposé ne répondait pas davantage aux légitimes attentes des riverains de tels sites. Je le dis aussi en reconnaissant les avancées de votre projet, comme la création des CLIC, l'élaboration des PPRT, la participation des salariés, l'indemnisation des victimes. Tout cela est à mettre à votre crédit.

Il n'en reste pas moins que ce texte apparaît comme une suite de rendez-vous manqués et qu'il est même, par certains aspects, injuste, insuffisant et inopérant.

Il est injuste d'abord parce que vous traitez différemment les citoyens selon qu'ils subissent des servitudes anciennes ou nouvelles. Injuste ensuite parce que vous mettez à la charge des propriétaires des travaux de confinement ou de protection qui devraient relever des industriels.

Il est insuffisant parce que vous n'organisez pas le financement des procédures d'expropriation et de délaissement ; parce que vous négligez la question fondamentale de la réduction du risque à la source. Vous vous attendiez d'ailleurs à cette critique que vous semblez presque partager. Vous dites que la sécurisation des sites passe par la voie réglementaire.

Ne pas débattre de cette question essentielle, c'est fragiliser le texte dans ses bons aspects, compromettre l'insertion de l'industrie dans son environnement. Va-t-on organiser ce soir l'expropriation des riverains sans organiser aussi la mise en sécurité des usines chimiques ? Ce texte est insuffisant également faute d'évoquer la théorie du confinement, dont on a vu les limites à Toulouse, ni le problème des sirènes d'alerte.

Enfin il est inopérant car il accumule les renvois à la procédure réglementaire et n'organise pas les études de danger.

Il ne répond donc pas à l'urgence et à la nécessité. Elu du bassin de Lacq, je crois en l'industrie chimique, mais le combat que je mène avec d'autres pour maintenir l'emploi passe d'abord par la sécurité. J'espère qu'en adoptant nos amendements vous nous permettrez d'atteindre ces deux objectifs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Étienne Mourrut - Ce texte était très attendu notamment dans le sud de la France. Elu de la Camargue, ce n'est pas sans émotion que j'évoquerai les dispositions relatives à la prévention des risques naturels. Chacun a en effet présent à l'esprit les drames causés par les inondations exceptionnelles qui ont ravagé le Gard à l'automne dernier. Leurs conséquences financières sont lourdes. Mais l'heure n'est plus au bilan, elle est à l'action. Le Gouvernement l'a compris, et je vous rends hommage, Madame la ministre, pour avoir su réagir rapidement dans ces circonstances douloureuses.

Vous annonciez alors des mesures pour prévenir de tels drames. La loi Barnier de 1995 avait mis en place les PPR, mais il fallait aller plus loin. Aussi ce projet cherche-t-il à sensibiliser les citoyens à la notion de risque et à responsabiliser la collectivité dans son ensemble.

Pour être efficace, il convient de mettre en place un partenariat entre propriétaires fonciers, collectivités et pouvoirs publics. L'intérêt général justifie des mesures qui seront une lourde charge pour le monde rural, mais il faut au moins consulter les acteurs pour retenir les solutions les mieux adaptées. Vous le savez, puisqu'en janvier dernier, vous rappeliez, à propos de Natura 2000, que la France avait choisi la voie du contrat et de la concertation. Vous aurez à c_ur, j'en suis sûr, de maintenir ce principe.

Se pose d'autre part le problème du financement pour les collectivités locales. Il faut leur donner les moyens de financer dans un premier temps les travaux de prévention, puis l'entretien de ces infrastructures. Depuis longtemps, elles se regroupent. Ainsi, ma commune est membre du syndicat interdépartemental du Vidourle et du syndicat des digues du Rhône. Mais même dans ce cadre, il est difficile de trouver les moyens nécessaires. Leur apporter les moyens complémentaires nécessaires s'inscrit bien dans le cadre de la décentralisation.

Tous les élus ont été ou seront confrontés un jour aux conséquences des catastrophes naturelles. Je souhaite donc que ce débat soit consensuel et constructif. C'est dans cet esprit que je soutiendrai le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Kléber Mesquida - Après les catastrophes naturelles de l'an dernier, il était temps d'agir. D'ailleurs si ce gouvernement avait inscrit dès le début de la législature le projet de loi sur l'eau déjà voté en première lecture par l'Assemblée le 11 janvier 2002, ...

M. Yves Cochet - Excellent projet !

M. Kléber Mesquida - ...nous aurions peut-être évité ou limité certaines pertes. C'est dans cet esprit qu'avec quelques députés socialistes des zones sinistrées nous avions déposé dès le 6 décembre 2002 une proposition de loi reprenant en partie le volet relatif à la prévention des inondations de ce texte.

Le gouvernement précédent, en multipliant par quatre les financements, avait permis de passer de 100 à 3 000 PPR. Le rapport d'enquête parlementaire sur les inondations de novembre 2001 présentait aussi un certain nombre de dispositifs de prévention, que vous reprenez pour la plupart dans ce projet.

Pour mener une bonne politique de l'eau, il faut néanmoins le renforcer sur trois points, à savoir l'intervention de l'Etat, la définition de périmètres pertinents et la question des assurances.

En effet, les inondations qui ont touché de nombreux départements ont bien montré l'insuffisance des politiques publiques et l'urgence de renforcer certains dispositifs traditionnels qui ont atteint leurs limites. Il s'agit aujourd'hui à la fois de prévenir les risques par une action publique efficace et de responsabiliser les citoyens. L'Etat, seul à même de coordonner tous les acteurs, a donc un rôle primordial pour mettre en _uvre des dispositifs qui relèvent parfois de la solidarité nationale, aux côtés des structures traditionnelles de gestion des politiques de l'eau.

D'autre part, la gestion de ces problèmes doit se faire dans un périmètre pertinent, celui d'un bassin versant. Le projet de loi sur l'eau consacrait le rôle de chef de file des EPTB ; le Sénat a réintroduit cette disposition dans votre texte.

Enfin il convient d'empêcher les assureurs de dénoncer unilatéralement un contrat et de laisser, comme ce fut le cas récemment dans l'Hérault, une commune sans aucune couverture.

Je souhaite que l'Assemblée retienne les amendements proposés par le groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Ce projet, très attendu, ne déçoit pas. Dix-huit mois après la catastrophe de Toulouse, six mois après les inondations du sud de la France, il met en cohérence et renforce les systèmes de gestion des risques technologiques et naturels.

Mais s'il constitue une véritable rupture, c'est en se donnant les moyens d'attaquer les problèmes à leur origine et en faisant le choix courageux, pionnier même en Europe, de traiter des risques liés à l'urbanisme du passé.

S'agissant des risques technologiques, il s'attaque à la source des problèmes en associant plus étroitement les salariés à la gestion des risques de leur entreprise et en accroissant le rôle de CHSCT ; et s'agissant des risques naturels, en faisant une plus grande place aux ouvrages amont et aux bonnes pratiques agricoles. Reconnaissons qu'il s'agit là d'une correction de certaines erreurs du passé, quand on voyait dans l'arrachage des haies un pas décisif vers la modernité, sans en mesurer les effets néfastes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La mention obligatoire du risque lors d'une transaction concernant une zone soumise à un risque technologique ou naturel est une bonne chose, particulièrement dans une société où la mobilité des gens efface la mémoire des risques. Il me semble à ce propos que l'acte de vente d'un terrain ayant un passé industriel devrait mentionner ce fait. Cela permettrait de prendre les mesures antipollution nécessaires, ou à tout le moins que la transaction se fasse en connaissance de cause. J'ai déposé des amendements en ce sens.

Le projet s'attaque aussi aux risques liés à l'urbanisme hérité du passé. Il le fait en particulier à travers la création d'un droit de délaissement et l'activation du fonds Barnier. Il permet ainsi de briser le cercle vicieux qui tient prisonnier trop de nos concitoyens dans des zones de risque.

Je voudrais enfin évoquer les dispositions introduites par le Gouvernement pour combler les béances qui sont apparues dans notre dispositif législatif et réglementaire à l'occasion de l'affaire Metaleurop. Ces dispositions constituent à l'évidence une avancée importante, mais elles pourraient utilement être complétées par la prise en compte, lors de la liquidation, du bilan environnemental comme du bilan social ou économique, et non à titre subsidiaire. J'ai déposé un amendement en ce sens.

M. Jean-Yves Le Déaut - Bonne proposition.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Au total, ce projet me semble mériter tout notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine Lignières-Cassou - La prévention des risques est d'abord un enjeu humain, car les PPRI touchent directement les habitants dans leur vie quotidienne. Le classement de leur maison ou de leur terrain en zone rouge ou orange est vécu comme une décision brutale, laquelle a pour conséquence de dévaluer leurs biens, qui représentent souvent les économies de toute une vie, et les oblige à des travaux coûteux. C'est pourquoi il me paraît indispensable d'associer à l'élaboration du plan l'ensemble des acteurs concernés, à commencer par les collectivités territoriales et les associations de riverains. Cela permettrait de préparer les décisions et de faire partager le principe de précaution. Ce mode de concertation permettrait aussi que la carte des aléas prenne en compte non seulement les données techniques issues des travaux de modélisation hydrographique mais aussi la mémoire locale, écrite ou orale. Et ainsi les mesures seraient mieux acceptées par tous.

S'agissant des travaux, une aide aux particuliers est prévue, qui peut d'ailleurs être améliorée, mais en revanche rien n'est envisagé pour aider les communes qui ont elles aussi à réaliser des travaux. Je souhaiterais que cela puisse se faire par voie réglementaire.

Le dédommagement des agriculteurs dont les terres seront utilisées comme zones de rétention des crues constitue une avancée. Mais plus largement, il serait normal - sauf peut-être pour Bercy... - de reconsidérer la valeur locative des biens touchés par les inondations.

Le souci de cohérence doit nous amener à concevoir des PPRI sur un bassin versant ou sur une partie de bassin. Cela permettra à l'Etat d'effectuer des économies d'échelle et rendra plus lisible son intervention. La prescription des PPRI est trop souvent vécue comme une démarche erratique, soumise à la défense d'intérêts économiques de telle ou telle commune. C'est aussi l'échelle du bassin versant qui est pertinente pour la surveillance et la prévision des crues, pour la gestion des eaux et pour la mise en _uvre solidaire des secours.

En ce qui concerne les travaux de prévention, nous sommes passés en peu de temps d'une politique de construction de digues et d'enrochement des berges à une politique « douce » de protection végétale des berges et de création de zones d'expansion des crues en amont des zones habitées. Soit, mais attention, tous les cours d'eau n'ont pas le même modèle hydrographique. Le Gave de Pau n'est pas la Seine, c'est un cours d'eau à régime torrentiel et nous ne pourrons pas l'empêcher de divaguer en protégeant les berges avec de la végétation qu'il ne manquerait pas d'emporter. Il nous faut donc adapter notre démarche à la diversité hydrographique, étant entendu que notre objectif est bien de concilier les activités humaines et le régime naturel des cours d'eau. Exercice ô combien complexe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Diébold - Ce projet arrive à point et, après la catastrophe de Toulouse, il était très attendu. Modifiant à la fois les codes de l'environnement, du travail, de l'urbanisme, des assurances et du commerce, il est ambitieux et se veut consensuel. Il associe le préventif et le curatif, il prépare l'avenir tout en traitant l'héritage du passé. Bref, c'est un bon projet.

Député de la circonscription et maire du quartier où se trouvait l'usine AZF de Toulouse, j'ai vécu cette catastrophe avec son cortège de morts, de blessés, de sinistrés et de traumatisés. J'ai vécu aussi le formidable élan de solidarité qui s'est développé aussitôt après le drame et qui a apporté aux populations sinistrées un soutien décisif. Je ne veux pas qu'un tel drame se reproduise. C'est pourquoi j'appuie votre projet, Madame la ministre.

Bien sûr, comme tout projet, il est perfectible et il faudrait mieux prendre en compte certains aspects, en même temps qu'apporter certaines précisions. Je souhaiterais par exemple une définition claire des études de danger ; des précisions sur les moyens des CLIC en matière financière et en capacité d'expertise. Il faudrait aussi responsabiliser davantage les exploitants ; préciser les modalités pratiques des mécanismes d'expropriation et de délaissement ; traiter des moyens de recourir aux compétences de l'INERIS ainsi que de la mise en _uvre des secours et des consignes de protection et d'alerte ; s'attaquer au difficile problème du transport des matières dangereuses. Autres questions importantes : les procédures de dépollution des sites, les limites admissibles de la sous-traitance, la situation des établissements situés dans une zone où s'applique un PPRT et recevant du public... Je ne doute pas que tous ces sujets retiendront votre attention, Madame la ministre.

Je voterai votre texte, car je sais qu'à Toulouse, beaucoup attendent depuis maintenant dix-huit mois la mise en place de nouveaux moyens de maîtrise des risques industriels (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Ségolène Royal - Ce projet est utile et même indispensable, si j'en juge d'après la pénible expérience que nous sommes en train de vivre dans les Deux-Sèvres, à Melle, où les pouvoirs publics ont annoncé brutalement l'installation d'une usine d'incinération de farines animales, et ce dans un espace Seveso. Le dossier a été traité de façon désinvolte, le tout semblant obéir à une stratégie du secret digne d'un autre âge. Nous avons subi une sorte de chantage à l'emploi, sur la base d'estimations des plus fantaisistes. Des négociations secrètes ont eu lieu entre les parties prenantes. Il n'y a pas eu d'étude contradictoire sur les traitements alternatifs. Bref, on nous a fait tout ce qu'il ne faudrait pas faire dans une démocratie avancée. J'ajoute que cette installation est prévue à deux cents mètres des habitations. Par ailleurs, tout donnait à penser que les enquêtes publiques ne servaient à rien, puisque les quatre sites retenus par le Gouvernement correspondent exactement à la capacité d'élimination souhaitée.

On note également l'absence d'études sanitaires et épidémiologiques alors que la présence de dioxine est de nature à inquiéter. Autant de manquements graves qui témoignent d'un esprit féodal.

Votre projet va dans le bons sens même si le débat pourrait permettre de l'améliorer.

Et tout d'abord, en clarifiant les questions de financement, puisque votre projet ne renvoie à aucun acteur en particulier la responsabilité des charges et de leur financement, notamment en matière de délaissement. Il fait seulement mention de conventions entre les installations industrielles, les collectivités locales et l'Etat, conventions dont le statut est flou.

Le champ d'application du texte ne concerne que les entreprises classées Seveso à seuil haut. On aurait été en droit d'attendre un texte global concernant l'ensemble des entreprises soumises à un régime d'autorisation préalable. Les riverains de ces installations ne veulent plus que les choix soient le résultat d'un dialogue opaque et exclusif entre l'administration préfectorale et les industriels. Nous devons introduire dans la législation une culture de la concertation.

Votre projet met en place des CLIC mais, outre que leur champ d'application est restreint, ces comités ne disposent pas de la personnalité morale - c'est pourquoi le groupe socialiste présentera un amendement pour étendre les CLIC à l'ensemble des installations soumises au régime juridique d'autorisation préalable et pour leur donner la personnalité morale.

L'information pourrait être élargie aux risques épidémiologiques et sanitaires. Nous présenterons un amendement en ce sens.

Nous proposerons d'étendre le principe d'une réunion obligatoire à toutes les enquêtes publiques qui précèdent la décision d'autorisation préfectorale ; lors de cette réunion, il devra être fait état de toute information utile sur l'impact sanitaire, les éléments dont disposent les DDASS devront être fournis.

La concertation sur les projets urbanistiques doit être accrue. Nous proposerons un amendement dans ce sens.

Il faut mettre les entreprises en face de leurs responsabilités en matière de préservation de l'environnement. La lutte contre la délinquance environnementale nécessite de rendre les sociétés mères responsables des manquements de leurs filiales. Il convient de mettre un terme à la filialisation des activités polluantes. L'entreprise Rhodia a ainsi l'intention de créer une nouvelle société avec une entreprise suisse dont on ignore tout, qui sera chargée de l'incinération des farines. Nous présenterons un amendement qui prévoit qu'en cas de défaillance des filiales quant aux obligations relatives à la réhabilitation des sols, les sociétés mères seront déclarées pénalement responsables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Arlette Franco - Ce texte est très important car il permettra de répondre aux attentes d'une population très concernée par les problèmes de sécurité liés aux aléas climatiques ou aux conséquences du développement industriel.

Il est l'aboutissement d'une large concertation avec la population, les élus, les responsables associatifs ou les chefs d'entreprise.

Mon propos sera axé sur le volet « risques majeurs naturels » de ce texte, en particulier sur les problèmes d'inondations qui ont touché les départements du sud de la France depuis plusieurs années mais aussi ceux du nord quoique pour des raisons différentes. Ce texte constitue une avancée significative. Au-delà de son aspect préventif, il propose un véritable projet de développement durable, en particulier pour les zones rurales.

Nos concitoyens vont devenir cogestionnaires du risque. Car ces préoccupations doivent être celles de l'ensemble du corps social.

Des populations nouvelles, dans certaines régions, n'ont pas la connaissance du terrain et cela peut provoquer des catastrophes. Obliger à une information systématique permettra d'appréhender d'éventuelles catastrophes d'une façon collective. Il convient de renseigner sur les catastrophes naturelles les générations qui ne les ont jamais connues ou vécues.

Traiter l'aval des fleuves, rivières ou ruisseaux à risque est important pour canaliser les eaux et permettre leur évacuation. Ce texte s'attache à rétablir le caractère naturel du lit des cours d'eau. Un calibrage trop important des cours d'eau n'est jamais une bonne solution et provoque souvent une arrivée violente des eaux à l'embouchure.

Prenons garde à l'érosion des sols, provoquée par la désertification de l'arrière-pays, à l'altération des paysages, à la multiplication des friches agricoles.

Plusieurs pratiques agricoles sont susceptibles de ralentir ce phénomène par des plantations adaptées à la perméabilité des sols. Il sera nécessaire de travailler en étroite collaboration avec les chambres d'agriculture qui connaissent bien le territoire et les risques encourus.

Ce texte s'accompagne d'aides substantielles et concrètes. L'utilisation du fonds Barnier, qui dispose de plus de 70 millions d'euros et dont les ressources annuelles sont d'environ 20 millions d'euros, sera un bon levier. Il sera utilisé pour acquérir des terrains et réinstaller des biens détruits à plus de 50 %. Il donnera les moyens aux personnes sinistrées dans une zone classée « risques majeurs » de disposer d'un complément de financement aux primes d'assurances pour réorganiser leur vie ailleurs.

Avec une politique ambitieuse de développement routier sur l'ensemble des territoires, ce texte favorisera l'aménagement rural. Les populations y trouveront des terrains moins chers et disposeront, grâce aux aides financières proposées, de moyens de restructuration.

Dans les zones anciennes dont les habitations n'ont été que partiellement endommagées, cette loi permettra d'obtenir des aides financières pour une modification de l'habitat.

Les élus responsables que nous sommes devront parfois limiter le développement démographique de leur commune. C'est en cela que nous réaliserons un développement durable, respectueux des contraintes liées aux lois de la nature mais tenant compte des besoins liés à la nécessité de la vie des femmes et des hommes de ce pays.

Je soutiendrai et voterai ce texte, qui correspond au projet de charte avancé par le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Giraud - Elu d'une zone de montagnes, mon intervention sera centrée sur deux points : la nécessité de la reconnaissance juridique de l'action du service de la restauration des terrains en montagne et la nécessité d'instaurer un débat contradictoire entre l'Etat et les collectivités territoriales lors de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles.

Le Sénat a fait _uvre utile en imposant par amendement un article 29 bis qui donne à l'ONF la mission d'instruire, pour le compte de l'Etat ou à la demande des collectivités territoriales, les dossiers nécessaires à l'application des dispositions prévues aux chapitres III et IV du titre sur les risques naturels et la possibilité d'être sollicité par les autorités compétentes pour la mise en _uvre des missions de service public relatives à la prévention des risques naturels. Cet amendement comble un vide juridique, comme il avait été demandé à plusieurs reprises, notamment à la suite de la catastrophe de Montroc, et après le rapport du sénateur Amondry, sur la politique de la montagne.

Ce projet donne un fondement juridique à l'action de restauration des terrains en montagne. Je plaide, vous le comprenez, pour la stabilité financière de ce service menacé de disparition dans le projet de loi de finances de 2003 - ses crédits devaient être amputés de 17 %. Nous espérons une hausse raisonnable des crédits d'entretien et d'investissement pour cette action indispensable.

Dans un département comme celui des Hautes-Alpes, nous assistons à une surenchère dans l'application du principe de précaution qui confine parfois à l'absurde - des villages, implantés au même endroit depuis des millénaires, sont inscrits en zone rouge et se voient interdire la poursuite de rares activités qui les faisaient survivre. Que faire, lorsque le maire d'une commune de cent habitants ne peut transformer en gîte toute habitation ancienne ? L'absence de débat contradictoire nuit à la crédibilité du système des PPR.

Le débat est inexistant sur la carte d'aléas, réalisée sans possibilité pour la collectivité de faire prendre en compte une contre-expertise - mais aussi sur la carte de prescriptions où les aléas moyens sont assimilés à des aléas forts, et font l'objet, au lieu de prescriptions, d'une interdiction générale.

Dans la mesure où l'amendement relatif à la création de la commission départementale des risques majeurs ne répond pas à ce problème, dans la mesure où de telles dispositions ne se retrouvent pas dans le texte, une circulaire devrait être adressée aux préfets pour éviter des interprétations divergentes qui condamneraient des villages entiers à l'exode. Il faut autoriser les collectivités à mener des contre-expertises et interdire que les aléas moyens soient assimilés à des aléas forts lorsque des mesures de prévention et de protection permettent de gérer le risque. Ce plaidoyer est celui d'un maire qui a subi six catastrophes naturelles en douze ans. J'ai à déplorer les prescriptions timorées d'experts qui connaissaient mal le problème, mais je dois aussi constater des dysfonctionnements majeurs dans l'exercice du droit au débat contradictoire. Le même souci de démocratie doit nous animer quant à l'entreprise - pour les risques industriels - comme à l'égard des collectivités locales.

Un autre risque majeur menace nos vallées alpines et pyrénéennes : le transit international de matières dangereuses. Des milliers de riverains habitent le long de routes sur-fréquentées, les touristes les partagent avec des centaines de bombes roulantes dont les montagnards attendent toujours le transfert sur le rail. Saurez-vous, Madame la ministre, rassurer les parlementaires de montagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Grand - Vous comprendrez que je n'aborde que le volet « prévention et réparation des risques naturels ».

Les tragiques inondations survenues cet automne, en particulier dans les départements du Gard et de l'Hérault, dont je suis élu, ont mis en évidence des dysfonctionnements et des lacunes.

Tous les élus locaux, en particulier les maires, attendaient donc du Gouvernement des mesures d'amélioration. Vous avez résumé la philosophie de votre texte en annonçant « qu'il renforce par la loi les actions de terrain ». Je sais, pour avoir travaillé avec votre cabinet, combien vous avez été attentive aux préoccupations des élus de terrain que nous sommes, et je vous en remercie. C'est un texte consensuel que nous abordons, mais vous comprendrez que nous souhaitions l'améliorer. J'avais, pour ma part, déposé une proposition de loi relative à la prévention et à la gestion des inondations, et me réjouis d'en voir certaines dispositions reprises dans votre projet. Je ne citerai que l'obligation pour les vendeurs ou les bailleurs de biens immobiliers situés dans des zones à risque de faire figurer ce fait dans le contrat.

Reste à prendre en compte les relations entre assureurs et sinistrés. Il est inconcevable que des communes se retrouvent privées de garantie d'assurance parce qu'elles sont situées en zone de risque naturel. Une petite commune de ma circonscription, Villetelle, a vu son contrat d'assurance résilié au lendemain des inondations !

On doit également exiger que les assureurs fassent tout leur possible, lors des catastrophes naturelles, pour notifier rapidement aux assurés le montant de leur indemnisation, afin que les aides publiques qui la complètent ne restent pas bloquées. Il faut garantir des délais de règlement raisonnables (« Très bien ! » sur divers bancs). Les retards sont en effet gravement préjudiciables, voire mortels, pour les entreprises et les commerces sinistrés.

Il faut aussi débattre d'un problème dénoncé par tous les maires : leur impossibilité réelle de procéder au déblaiement et au nettoyage des cours d'eau afin d'assurer un écoulement normal (« Très bien ! » sur divers bancs).

Enfin, nous aurons à aborder un sujet qui me tient à c_ur : l'allégement de certaines procédures d'urbanisme afin de prendre rapidement des mesures permettant d'accroître la sécurité des biens et des personnes.

Je vous renouvelle mes remerciements pour l'action exemplaire du Gouvernement à l'occasion des inondations dans le Gard et dans l'Hérault, et je soutiens ce projet de loi particulièrement attendu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet - Je vais vous surprendre : mon propos sera d'inspiration chiraquienne (Murmures sur divers bancs). A l'instar du Président de la République dans son discours de Johannesburg, j'estime que les risques technologiques et naturels ont souvent la même origine : certaines activités humaines dangereuses. Il nous faut donc définir une nouvelle éthique du risque basée sur les droits de l'être humain, et non sur l'utilitarisme.

Comme vous aujourd'hui, Madame la ministre, j'ai essayé, après la catastrophe de Toulouse, de développer une culture du risque en organisant des débats régionaux qui ont conduit au dépôt d'un projet de loi, il y a un an.

Aujourd'hui, nous débattons, après le Sénat, du vôtre, qui lui est presque identique...

Mme la Ministre - En moins bien ! (Sourires)

M. Yves Cochet - ...à l'exception des définitions fondamentales du risque et de la concertation. C'est ce qui s'appelle avoir un certain sens de la continuité de l'Etat. Je ne reviendrai donc pas sur mes propositions comme la création des CLIC et des PPRT ou la protection des salariés.

Certains éléments n'ont toutefois pas été clairement définis. Revenons sur la notion de risque. A Toulouse, l'explosion a déjoué les prévisions. Elle a mis en question les décisions d'urbanisme comme les choix industriels, la conduite des expertises comme le contrôle des installations. Ce qui s'est produit est la matérialisation d'un risque improbable, mais aux conséquences majeures. Il nous faut donc donner une nouvelle définition du risque, qui ne peut être issue de l'utilitarisme, c'est-à-dire du pur calcul coût-bénéfice qui inspire hélas toute la théorie actuelle du risque. Nous refusons ce sacrifice de quelques personnes pour le bonheur escompté du plus grand nombre, nous condamnons cette logique probabiliste mercantile.

En application du principe de précaution, ce sont donc les cas les plus graves qui doivent être pris en compte, non les seuls cas intermédiaires.

C'est la population entière qu'il faut protéger, y compris les moins favorisés.

Les Verts défendent ainsi la notion d'écologie populaire et humaniste. Chacun a le droit de vivre dans un environnement sûr et sain.

La concertation et la question de la nature de la production doivent être au c_ur de nos choix : les risques doivent être analysés et évalués avec les choix économiques, les choix d'urbanisme et d'aménagement du territoire, et les décisions de sécurité doivent être partagées.

Les comités locaux d'information et de concertation auront ce rôle si les garanties de composition et de participation sont suffisantes. Il faut les doter d'experts contradictoires, garantir la participation des associations, autoriser le référendum d'initiative locale à la suite de l'enquête publique.

Contrairement à ce que croit le Sénat, la transparence, le débat et la démocratie sont des facteurs efficaces de réduction des risques. Cette approche a été au c_ur des débats que nous avons organisés avec Lionel Jospin il y a un an et demi. Il s'agissait de réduire très fortement le risque à la source et, dans l'hypothèse où l'accident surviendrait quand même, de tout faire pour en réduire les conséquences. Nous avons entendu les demandes de militants du collectif toulousain « Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs » ou de Greenpeace.

Réduire le risque est d'abord de la responsabilité de l'exploitant industriel, qui connaît sa production et ses techniques. Il doit construire « l'étude de danger » et tenir compte des risques dus à la sous-traitance.

Mais l'Etat a aussi un rôle essentiel. Nous avions ainsi obtenu un effort sans précédent en faveur des DRIRE en cinq ans.

Vous avez la même ambition, Madame la ministre. Espérons qu'elle sera satisfaite, notamment en matière de création de postes d'inspecteurs. Et n'oublions pas le facteur humain. C'est pourquoi il faut informer les locataires et protéger les salariés.

Un des enjeux de l'après-Toulouse est la prise en compte de l'organisation du travail, notamment par une meilleure implication des CHSCT.

Sur tous ces points, je défendrai les amendements des députés Verts pour redonner à ce texte son sens premier : celui de la cohabitation entre l'activité industrielle et le droit de vivre et de travailler dans un environnement sûr et de participer à la gestion de celui-ci (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Antoine Herth - La tentation est grande, dès lors qu'il s'agit d'appréhender un risque, de traiter l'actualité à chaud et de légiférer au coup par coup pour canaliser l'émotion collective.

Mais l'immobilisme nous guette si nous ne décelons pas dans l'événement les prémices d'une inflexion de l'histoire.

Vous avez su éviter ces deux écueils, en tirant les enseignements des récentes catastrophes et en prolongeant le travail de fond engagé par les tables rondes régionales sur les risques industriels en 2001.

Il en résulte un texte qui permettra à l'autorité publique de mieux appréhender les risques, et donc de protéger les populations et les biens.

J'ai porté une attention particulière au volet concernant la gestion des risques naturels.

Elu d'une circonscription qui abrite la plus importante zone inondable d'Alsace, je mesure au quotidien la difficulté de gérer une telle servitude tout en protégeant les potentialités environnementales de cette zone humide.

L'exercice se complique dès lors qu'il s'agit de coordonner les efforts des services de l'Etat, de la région, de deux départements, d'une demi-douzaine d'EPCI et d'une soixantaine de communes.

Vous comprendrez donc que je souscrive à la mise en exergue des établissements publics territoriaux de bassin : c'est l'outil qui nous manquait pour partager les responsabilités et concrétiser les orientations du SAGE régional.

Mon seul regret est que ce projet de loi relègue ces établissements au rang de structure facultative. Ne faudrait-il pas inciter davantage à défaut de contraindre ? Si tous les fleuves finissent à la mer, la solidarité ne coule toujours pas de source...

La notion de servitude que vous instituez et qui entraîne une limitation du droit de propriété et d'usage est de toute évidence essentielle pour une saine gestion du risque. Elle remet toutefois en cause l'attachement viscéral de nos concitoyens à la terre, qui remonte peut-être à l'abolition des privilèges.

Je sais que vous êtes consciente de la rupture que constitue une telle mesure. J'en veux pour preuve les mesures de concertation et d'indemnisation prévues.

Sachons mettre l'accent sur la pédagogie car les zones à risque ne sont pas synonymes de déserts humains.

A travers les amendements que je défendrai, je souhaite renforcer cette transparence et cette concertation qui doivent accompagner la mise en _uvre de ce texte novateur. A défaut, nous risquons de subir un risque que nous n'avons jamais évoqué, celui d'une explosion... de mécontentement.

Enfin, le moment venu, il conviendra de fédérer les efforts entrepris en d'autres domaines, comme la politique européenne de développement rural ou la démarche d'agriculture raisonnée qui contribuent à la préservation des milieux naturels.

Madame la ministre, votre projet engage notre pays dans la bonne direction. Il reste à le concrétiser et à saisir la chance d'une gestion durable de nos territoires sensibles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Christian Decocq - Voici donc un projet pragmatique, novateur, qui prend en compte le temps nécessaire à la mise en _uvre des solutions préconisées. Il s'inscrit dans la continuité des principales lois issues des gouvernements gaullistes et d'inspiration libérale : la première loi sur l'eau, qui a inventé le principe pollueur-payeur, qui a mis en place un système décentralisé en créant les agences financières de bassin, qui a organisé la concertation et qui, même si elle nous apparaît si moderne, date de 1964, était signée du général de Gaulle. Je rappellerai la loi sur les déchets de 1975 et la loi Barnier de 1995... Nous ne faisions pas de l'écologie politique, mais nous faisions déjà du développement durable.

Trois dispositions de ce projet me paraissent particulièrement efficaces et novatrices.

Tout d'abord, le droit de délaissement. Les citoyens qui jusqu'à présent étaient contraints de rester dans une zone à risque faute de pouvoir vendre leur bien, sinon à perte, pourront désormais le faire acquérir à un prix normal.

Ensuite, la responsabilité civile. Jusqu'ici, le principe pollueur-payeur a signifié le paiement d'amendes pénales, toujours modestes, et de redevances, toujours atténuées par de substantielles subventions. Ce projet concrétise la responsabilité civile des pollueurs : c'est sur la base de l'évaluation des « externalités » - par exemple les coûts supportés par la collectivité quand la pollution d'une nappe souterraine oblige à aller chercher l'eau plus loin - que s'établira la réparation des dommages.

Enfin, la pérennisation des dispositifs anti-érosion : la prévention des risques de crues passe notamment par la restauration de haies, et consiste en cela à refaire ce que la PAC, dans ses effets pervers, a conduit à défaire.

Madame la ministre, nous ne pouvons que vous encourager dans votre action. Permettez-moi, pour parler encore de « champ », de rappeler avec Tocqueville que le champ du possible est toujours plus grand qu'on ne l'imagine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Grosdidier - Avec votre caractère entier et votre force de conviction, Madame la ministre, vous avez su nous proposer des solutions claires à des problèmes complexes. Cependant, je souhaite inviter à ce débat les sinistrés des dégâts miniers, par le biais d'amendements que j'ai déposés avec mes collègues UMP des régions minières.

Les risques miniers relèvent du code minier, inadapté malgré sa réforme en 1999, et concernent une activité concédée par l'Etat, propriétaire du sous-sol, à des sociétés qui, le plus souvent, ont respecté ses prescriptions et, toujours, se sont acquittées de la redevance minière. Lorsqu'on a fermé les mines et interrompu le pompage des eaux d'exhaure, les piles qui soutenaient les galeries se sont érodées, provoquant des fissures dans les maisons situées au-dessus. L'exploitant ne peut être tenu comme responsable de ce que le concédant, l'Etat, n'a pas su ou pas pu prévoir : en 1997, le PDG d'Usinor-Sacilor, qui s'appelait Francis Mer, me l'avait rappelé.

Le dégât minier devrait relever de la responsabilité sans faute de l'Etat ; mais il relève des assurances de l'exploitant, sauf en cas de disparition de celui-ci, d'expropriation ou de clause de non-recours. Depuis des années, les sinistrés assistent à une partie de ping-pong entre l'Etat, l'exploitant et les assureurs. Les propositions d'indemnisation qui ont été faites sont scandaleusement basses. Parfois, l'indemnisation proposée pour une maison avec jardin ne suffit même pas à payer un terrain à bâtir.

En France, si un particulier est inondé par la crue d'une rivière, il est indemnisé ; s'il est inondé par les eaux d'exhaure, il doit se contenter, même cinq ans après, de vivre avec dans sa cave une pompe qui fonctionne jour et nuit ! Si un particulier doit quitter sa maison qui se fissure en raison d'un glissement de terrain, il est quasiment toujours indemnisé par l'assureur sur la base de la reconstruction à neuf ; si sa maison se fissure en raison d'un affaissement minier, il est indemnisé sur la base de sa valeur vénale qui, dans des cités minières entourées de friches industrielles, descend à 400, voire 300 € le mètre carré !

Ce scandale se double d'un autre : la volonté du législateur a été trahie. En 1999, avec l'accord du Gouvernement et à l'unanimité des deux chambres du Parlement, a été adopté le principe d'une indemnisation sur la base d'une « valeur permettant de retrouver, dans les délais les plus rapides, la propriété d'un bien immobilier de consistance et de confort équivalents ». Or, dans les décrets et circulaires d'application, on revient à la valeur vénale ! On devrait exposer ce cas aux étudiants en sciences politiques pour leur montrer combien grand est le pouvoir de l'administration centrale et relatif celui du législateur ! Adopter nos amendements, ce serait faire _uvre de justice et rappeler que c'est ici que se fait la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs)

M. Max Roustan - Je me félicite que le Parlement ait à débattre de ce projet. En ma qualité d'élu du Gard et d'une ville touchée à 80 % par les inondations de septembre dernier, je concentrerai mon propos sur les risques naturels, en vous renouvelant mes remerciements, Madame la ministre, pour votre action et celle de l'ensemble des membres du Gouvernement. Votre rapidité dans la réponse aux besoins des sinistrés et le merveilleux élan de solidarité nationale nous ont profondément touchés. Je vous félicite chaleureusement pour l'utilisation du fonds « Barnier-Bachelot ».

Dans ce projet, vous faites preuve de pragmatisme, en donnant une place centrale au maire dans l'inventaire des repères de crues et en créant une commission départementale à rôle consultatif.

A l'heure de la décentralisation, des réflexions doivent être lancées dans chaque région sur l'aménagement des territoires urbains et ruraux. La région Languedoc-Roussillon a mis en place en 1999 les plans locaux d'aménagement concerté, outil de développement et de reconquête des territoires qui permettent de travailler avec l'ensemble des partenaires. Un exemple à développer.

A mon sens, les agriculteurs sont la pierre angulaire d'un système de prévention et de lutte efficace, particulièrement dans les régions méditerranéennes où le développement de l'agriculture a toujours été lié à l'utilisation des ressources d'eau. Vous avez répondu, Madame la ministre, à un certain nombre de leurs interrogations quant à leur rôle dans l'érosion des terres. Des zones dites « d'érosion » seront délimitées et les pratiques visant à les réduire bénéficieront d'aides. Les propriétaires riverains de cours d'eau non domaniaux devront être formés et informés quant à leurs obligations dans l'entretien des berges.

Le schéma directeur de prévision des crues doit préciser le nombre et les sites potentiels d'implantation des bassins de rétention et de retenues collinaires. Les bassins de rétention individuels ont montré leurs limites dans la gestion des crues cévenoles ou méditerranéennes. Les agriculteurs de ma circonscription sont tout à fait favorables à la création de bassins de rétention sur leurs terres, avec un système d'indemnisation en cas d'inondations.

Je me félicite vivement qu'un vide juridique soit comblé : l'Etat organisera l'annonce des crues, alors qu'il n'y était juridiquement pas tenu ! En cas de catastrophe, les polémiques enflent rapidement et chacun se rejette la responsabilité. Ce n'était plus acceptable !

Les maires, notamment ceux des petites communes, doivent impérativement être avertis, par la préfecture, dès les niveaux de vigilance et de pré-alerte. Ces avertissements doivent être accompagnés de moyens et de procédures claires quant au comportement à tenir vis-à-vis des populations, en particulier lorsqu'il est nécessaire d'évacuer. Alès a été coupée du monde pendant plus de 48 heures sans aucun moyen de communication ! Je souhaite que vous donniez aux préfets des consignes claires.

Enfin, il est urgent de lancer une modification substantielle de la loi sur l'eau, afin de permettre le recalibrage des cours d'eau, et de remettre à niveau le lit des rivières. Si cela avait été fait, de nombreux ouvrages n'auraient pas été détruits et les zones inondées n'auraient pas été aussi importantes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Si votre projet va dans le bon sens, il ne faut pas le considérer comme un aboutissement mais comme une impulsion pour un changement des mentalités, chez les politiques, les ingénieurs, les agriculteurs, en matière d'environnement et d'aménagement du territoire.

Merci, Madame la ministre, d'avoir écouté et entendu les sinistrés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Laffineur - On ne peut que se féliciter du travail que vous avez accompli en huit mois, Madame la ministre, en renouant le dialogue interrompu avec les chasseurs, en gérant le naufrage du Prestige, en réconciliant l'environnement et le développement économique, en remettant l'homme au centre de la conception de l'écologie, en associant à votre politique les principaux acteurs de nos campagnes, bref, en mettant en _uvre une politique de l'environnement au c_ur de la société et non plus coupée de la société.

C'est avec ce même souci d'efficacité que vous vous attaquez cette fois à la prévention des risques et à la réparation des dommages.

Dans une première partie, consacrée aux risques technologiques, le projet tire les leçons de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse en septembre 2001, en créant notamment un état de catastrophe technologique, mais aussi en améliorant l'information des riverains d'usines de type Seveso. Ayant une usine classée Seveso dans ma commune, je m'en félicite. D'autre part, le projet vise à prévenir les risques naturels et plus particulièrement, les inondations, sujet qui vous tient d'autant plus à c_ur, que vous êtes, comme moi, élue d'une région régulièrement menacée par les crues, à commencer par celles de l'Oudon qui se multiplient depuis cinq ans. Les dernières ont été particulièrement dévastatrices puisque quinze communes ont été décrétées en état de catastrophe naturelle. Depuis 1995, chaque hiver, la commune de Segré est envahie par les eaux, à chaque fois près de 250 habitations sont touchées. Ces crues répétées, nous n'en connaissons que trop les causes : la main de l'homme qui, à la suite des constructions, des opérations de remembrement, du drainage des terres agricoles, a dégradé l'espace naturel dans lequel il évolue, avec comme première conséquence, la modification des lits naturels des cours d'eau. Pour faire face aux inondations, on peut bâtir de nouveaux barrages, mais cela ne va pas sans poser des difficultés administratives et environnementales. On peut aussi creuser des bassins de retenue sèche pour recueillir provisoirement les eaux de pluie les jours de fortes précipitations. Telle est la voie que vous avez choisie : faciliter la lutte contre les crues en amont des zones urbanisées en créant des servitudes en vue de la rétention préventive et du déplacement naturel des cours d'eau, et en favorisant les pratiques agricoles limitant l'érosion.

Par ailleurs, le fonds Barnier, alimenté par un prélèvement sur le montant de la surprime catastrophes naturelles des contrats d'assurance, est actuellement affecté à l'expropriation des habitations les plus gravement menacées par un risque naturel. Vous proposez d'élargir ses conditions d'intervention : il pourrait désormais contribuer à la réalisation de travaux de réduction de la vulnérabilité, ou à la reconstruction, en dehors des zones à risque, de bâtiments sinistrés.

Enfin, l'information du public est notablement renforcée avec la mention obligatoire du risque technologique ou naturel, encouru par une habitation lors de sa cession ou de sa location, et par la pose obligatoire de repères de crues sur les édifices publics.

Je ferai néanmoins quelques observations. Tout d'abord, j'ai déposé un amendement à l'article 20 afin que les propriétaires et les exploitants soient traités sur un pied d'égalité quant aux indemnités versées en cas d'instauration de servitudes. Dans le même article, il me paraît anormal qu'une collectivité soit obligée d'acquérir des petits bouts de parcelles disséminés. Enfin, à l'article 26, le financement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs de l'acquisition amiable par une collectivité de biens exposés ne semble possible qu'en cas de « crues torrentielles ou à montée rapide menaçant gravement des vies humaines ». Or, si, dans nos contrées, les crues ne sont pas aussi spectaculaires que dans l'Hérault ou dans le Gard, elle sont tout aussi traumatisantes et je souhaite savoir si elles seront également visées.

Dans l'espoir de vos réponses, je vous renouvelle ma confiance. Vous avez su associer les agriculteurs à votre politique de respect de l'environnement. Je voterai ce texte qui est si bon que nul ne s'y est opposé au Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Gest - A Chicago, le 28 janvier 1970, Georges Pompidou déclarait ceci : « L'emprise de l'homme sur la nature est devenue telle qu'elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même ». Trente ans après, en pensant tant aux sinistres industriels qu'aux atteintes à notre patrimoine naturel, nous mesurons combien la menace est devenue réalité. Les conséquences du développement économique et l'aménagement du territoire sont à l'origine de bien des catastrophes dramatiques. Il fallait donc que nous tentions d'apporter des solutions qui concilient prise en compte des risques et poursuite des activités économiques. Je salue le pragmatisme de ce texte qui fait appel à la responsabilité de chacun. Dans une société où l'on s'évertue à chercher les responsables, il était utile de rappeler, comme vous l'avez fait, que tabler sur le risque zéro est une chimère, même s'il faut tout faire pour tendre vers cet objectif.

Elu de la Somme, je concentrerai mon propos sur les inondations. Je me félicite des dispositions relatives à l'information des populations, à la prévention des crues, aux servitudes d'utilité publique, aux nouvelles utilisations du fonds Barnier, aux encouragements aux pratiques culturales évitant les ruissellements.

Les inondations de 2001 dans la Somme ont mis en évidence l'enchevêtrement des responsabilités dans la surveillance des eaux. Il faut impérativement réduire le nombre des administrations concernées. Ce texte ne le fait pas, je souhaite que les transferts liés à la décentralisation le permettent.

Par ailleurs, les administrations et les collectivités locales doivent intégrer l'exigence de transparence. La population veut savoir, elle veut comprendre, et le flou ne fait qu'entretenir des rumeurs qui n'ont pas encore disparu et qui ne seraient pas propagées si les pouvoirs publics, en particulier Voies navigables de France, avaient renoncé au principe « pour vivre heureux, vivons cachés ».

Je regrette également que l'appel à la responsabilité des élus, en particulier des communes situées en amont d'un bassin versant, reste encore parfois sans écho.

En ce qui concerne l'intervention des pouvoirs publics dans le domaine privé, la future loi sur l'eau permettra-t-elle de toiletter une législation qui date du XIXe siècle, en prévoyant la possibilité de coordonner le libre écoulement des marais situés le long des cours d'eau ?

La montée des nappes phréatiques, outre ses conséquences sur les débordements des rivières, a entraîné, notamment dans l'Oise et dans la Somme, l'apparition d'excavations parfois immenses. Le BRGM en a relevé 3 500 dans ma seule circonscription. Des maisons ou des établissements publics se trouvent en danger. Le fonds Barnier ne pourrait-il être utilisé pour le déménagement des propriétaires ?

Enfin, ce texte ne traite pas de la défense contre la mer. Confrontés depuis treize ans à ce problème sur la côte picarde, nous attendons toujours que l'on clarifie les responsabilités. Les faire supporter au premier chef aux riverains entraîne de considérables difficultés financières. Envisagez-vous d'ouvrir une réflexion à ce propos ?

En tout cas, ce texte volontaire, pragmatique et novateur mérite qu'on le soutienne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Rouault - A la suite des récentes catastrophes industrielles et naturelles, une action forte s'imposait, afin de renforcer les moyens de prévention et de protection des biens et des personnes et d'assurer une meilleure information du public. Madame la ministre, on ne peut donc que vous féliciter !

J'interviendrai sur les aspects budgétaires des risques naturels, en particulier des inondations qui représentent environ 80 % de ce type de dommages. Ceux causés aux habitations, aux machines, à l'agriculture, sont évidents ; les dommages indirects, moins connus, ont un coût supérieur. Au total, ils coûtent en moyenne chaque année 230 millions d'euros.

C'est en rassemblant les moyens pour mieux prévenir les inondations, en protégeant mieux les habitations, en luttant contre les crues en amont des zones urbanisées, en développant la conscience du risque, en mobilisant le fonds de prévention des risques naturels, qu'on diminuera ce coût.

Efficacité, sécurité, transparence et responsabilité sont les principes qui orientent ce texte comme votre budget pour 2003, dans lequel l'agrégat « protection de l'eau et des milieux aquatiques » donne priorité à la prévention des inondations, avec 42 millions d'euros, dont 32 millions destinés à entretenir les cours d'eau et à renforcer les ouvrages et 8 millions consacrés au service d'annonce des crues. Ce texte s'inscrit donc bien dans les objectifs de la politique pluriannuelle de prévention des inondations qui sont d'accroître le nombre de communes couvertes par un plan, d'améliorer la couverture radar et de cartographier plus largement les zones inondables.

Il renforce la portée du plan de prévention présenté en septembre qui réforme le système de prévention des crues et prévoit de consacrer 130 millions d'euros sur quatre ans aux initiatives locales pour régler le débit des cours d'eau en amont des bassins versants. Pourrait-on permettre au Parlement de vérifier la constance de l'action du Gouvernement en la matière et de suivre la mise en _uvre du plan grâce à des indicateurs de résultat ? Élaborer un agrégat budgétaire propre à ce plan permettrait de constater immédiatement quels crédits ont été engagés. De même le fascicule relatif aux crédits de l'écologie et du développement durable pourrait comporter un rapide compte rendu des inondations qui ne manquent pas de se reproduire. Cette démarche répondrait parfaitement aux objectifs de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Compléter l'arsenal législatif existant est une ardente nécessité, car les efforts financiers de plus en plus importants nécessaires pour prévenir les inondations ont trop peu d'écho. Ce texte, instaurant une politique globale, nous offre une chance d'inverser la tendance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin - Depuis les récentes catastrophes, nos concitoyens attendent que l'Etat mette tout en _uvre pour réduire le risque dès l'origine. Votre projet répond à leur demande, et j'y adhère pleinement.

Vous tenez compte du facteur humain, responsable de près de la moitié des accidents industriels majeurs, alors que la réglementation traitait jusqu'ici en priorité les aspects techniques et structurels. Ce projet vise à instaurer une nouvelle culture de la sécurité au travail dans les établissements les plus dangereux, avec une participation active de l'ensemble des acteurs de l'entreprise. Il apporte de réels progrès en ce qui concerne la protection des salariés, mais aussi l'implication des populations dans la prévention. Intégrer comme il le fait le principe fondamental de la « conscience du risque » était une démarche indispensable. En effet, le principe de précaution, idée louable mais difficile à appliquer, a pu conduire à une demande illusoire d'assurer un risque zéro. Or celui-ci n'existe pas, et la prévention vise un objectif certes imparfait, mais néanmoins rationnel.

Ce texte doit, en améliorant la prévention tout en respectant le développement économique, réconcilier environnement et économie.

Je souhaite insister sur la situation des organismes stockeurs et des coopératives agricoles gérant des silos qui dégagent des poussières inflammables. Au cours des cinq dernières années, ils ont consacré des moyens considérables à l'amélioration de la sécurité, dépensé déjà plus de 300 millions d'euros pour mettre aux normes les installations, et porté les investissements corporels de 1,5 % à 3,9 % du chiffre d'affaires entre 1997 et 2002. Jamais ils n'avaient engagé autant d'expérimentations, autant publié. Mais ils ne sont plus en état d'appliquer une réglementation qui ne tient pas compte des spécificités.

J'ai donc déposé un amendement, repris par la commission, pour classer les silos soumis à autorisation en fonction du danger qu'ils présentent et ainsi mieux cibler notre action. Il ne s'agit pas de faire moins, mais de faire mieux. Mais peut-on appliquer les mêmes règles à un silo portuaire qui traite 800 tonnes à l'heure et à un silo de collecte qui en traite 20 à l'heure quelques semaines par an ?

M. Antoine Herth - Très juste !

Mme Catherine Vautrin - Je vous remercie, Madame la ministre, pour votre approche constructive. Il importe de mieux faire accepter la notion de risque en accompagnant les acteurs économiques dans une approche plus efficace de la sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Léonce Deprez - Nous devons vous féliciter d'avoir donné suite à un projet de loi élaboré à la fin de la précédente législature. Il s'agit de mieux faire face aux risques, et de concilier écologie, économie et humanisme. Nous avons tous à l'esprit les effets de la catastrophe de Toulouse, de la pollution maritime ou des inondations.

En commission, nous avons évoqué la concertation désormais exemplaire avec les représentants du monde agricole, qui devrait permettre de limiter l'érosion grâce aux haies herbagères et au labour dans le sens perpendiculaire à la pente. Le cas de Metaleurop, qui a pollué pendant des décennies, nous impose désormais de faire face à l'insolvabilité d'entreprises cessant leur activité. Vous avez raison de vouloir donner au sous-préfet et au maire la capacité d'agir au nom de l'intérêt général pour prévenir des dérives de ce type.

En ce qui concerne les immeubles, l'information de l'acquéreur ou du locataire va devenir une obligation légale. Mais la volonté de simplification doit s'appliquer dans ce domaine également. Depuis 1990, de nombreux textes ont amélioré l'information des acquéreurs de biens immobiliers, s'agissant des vices cachés, de la recherche des termites, du diagnostic sur les installations de gaz, mais cet empilement de dispositions finit par rendre l'ensemble peu lisible. Mieux vaudrait mettre en place un mécanisme unique pour informer l'acquéreur sur tous ces aspects.

Je suggère d'insérer dans le code civil une obligation d'information de l'acquéreur, portant sur le bien immobilier lui-même ainsi que sur son environnement, et dont le non-respect serait sanctionné par la résolution du contrat ou par la diminution du prix de vente, au choix de l'acquéreur. J'avais déjà alerté le ministère de la justice à ce sujet au cours de la précédente législature. On m'avait répondu qu'une réflexion était en cours pour remédier au caractère épars des différentes dispositions, en les regroupant dans un seul document s'apparentant à un « carnet de santé » de l'immeuble. L'acquéreur pourrait ainsi prendre connaissance de l'état du bien. Mais je crois qu'il faudrait que ce document traite aussi de l'environnement de l'immeuble et que le devoir d'informer concerne aussi le locataire.

L'activation du fonds Barnier est une bonne chose. Peut-être l'appellera-t-on désormais le fonds Bachelot...

Un mot enfin, Madame la ministre, de la pollution des mers. Si le trafic dans le détroit du Pas-de-Calais atteint une telle intensité, causant régulièrement les dommages que l'on sait, c'est parce que les pays nordiques ont renoncé à construire des centrales nucléaires (M. Yves Cochet conteste). Il me paraît utile de le rappeler (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Cardo - Je voudrais vous faire part, Madame la ministre, des observations d'un élu de terrain. Il était urgent que vous proposiez des dispositions sur les risques technologiques, domaine où la législation est insuffisante, voire inexistante, ainsi que sur les risques naturels, car depuis ce grand texte que fut la loi Barnier, des difficultés et des lacunes sont apparues.

Certains voudraient que ce projet contienne plus de choses. Mais à attendre plus, on risquait surtout, je crois, d'attendre plus longtemps. On ne peut donc que vous savoir gré de présenter un projet qui apporte tout de même un grand nombre de réponses.

Dans ma circonscription, dix villes sont concernées par le problème des zones inondables, cinq par celui des effondrements de carrières souterraines, trois par les glissements de terrain, une par la pollution industrielle du sol et des bâtiments, notamment par l'amiante, et quatre par la pollution des métaux lourds. C'est dire si nous attendions avec impatience des avancées dans tous ces domaines.

S'agissant des métaux lourds, j'aurais souhaité une réponse plus précise. Il faut savoir que la ville de Paris a eu la délicatesse de nous envoyer ses eaux usées pendant plus d'un siècle, ce qui fait que nous n'avons plus le droit de cultiver certaines de nos anciennes plaines agricoles, ni même d'y habiter. Ce problème appellera des dispositions spécifiques.

S'agissant de l'amiante, nous sommes toujours dans l'attente d'une solution pour l'entreprise Eternit. Pour l'heure, toute utilisation des bâtiments et des terrains est bloquée.

Pour ce qui est des carrières souterraines, la loi Barnier avait prévu l'expropriation des personnes situées en zone « rouge », et le fonds de prévention des risques permettait de financer ces expropriations. Mais les parlementaires avaient proposé qu'il puisse aussi être utilisé dans certains cas - à savoir quand les mesures de prévention se révélaient moins onéreuses que celles d'expropriation - pour combler les carrières. Malheureusement, cette deuxième partie de l'amendement n'a pas été retenue par le Gouvernement, ce qui fait que, dans ma circonscription, seules quelques dizaines de pavillons, parmi les 140 situés en zone « rouge », ont bénéficié de la procédure d'expropriation, tandis que rien n'est fait pour ceux pour qui le comblement serait moins onéreux que l'expropriation.

J'avais vainement insisté auprès de Mme Voynet pour que ce dramatique problème des carrières trouve enfin une réponse. Aussi vous remercié-je, Madame la ministre, d'apporter celle-ci à l'article 26 de votre projet, et sans qu'il y ait eu besoin d'insister (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Je vous remercie tous pour la dignité et la qualité de ce débat. Mes remerciements vont d'abord au rapporteur, pour son travail remarquable d'analyse et de propositions. Ils vont aussi à tous les députés qui ont bien voulu soutenir ce projet, à commencer par M. Pélissard, qui l'a situé, comme il convenait, dans une logique de développement durable.

Nous avons en effet voulu lier le social, l'environnemental et l'économique. Le social, car ce texte est fait pour les citoyens et en concertation avec eux. L'environnemental, car nous avons privilégié les techniques douces pour ce qui est de la prévention des inondations. L'économique car il s'agit bien de préserver le potentiel de développement de notre pays. Je remercie les députés UMP et UDF pour leur soutien chaleureux, mais aussi ceux de l'opposition, notamment M. Cochet, mon prédécesseur, pour la modération de leurs propos et les éloges dont ils ont parfois bien voulu me gratifier.

Le travail que je présente doit beaucoup, c'est vrai, à celui accompli antérieurement par différentes instances. Je crois l'avoir enrichi et en tout cas « détechnocratisé », grâce à une démarche de concertation.

Je voudrais vous dire quels sont les principes qui me guideront dans la discussion qui va s'ouvrir. Le premier a trait à la philosophie du projet : la sécurité, la protection de la vie des gens. Ce sera le fil rouge de notre débat et c'est à cette aune que je donnerai ou non mon accord sur tel ou tel amendement. Le deuxième a trait à la nature juridique du texte : c'est une loi. Nous sommes ici dans le temps de la loi et nous devons donc éviter toute disposition de nature réglementaire. Enfin, un principe méthodologique : la discussion ne sera pas en trompe-l'_il et je ne jugerai pas des amendements selon leur provenance mais bien selon leur utilité car s'il est un domaine qui ne s'accommode pas d'une approche polémique ou partisane, c'est bien la sécurité des citoyens.

Une quarantaine d'intervenants se sont succédé et chacun m'a posé trois ou quatre questions précises, quand ce n'était pas une dizaine. J'ai commencé à les noter, mais j'avoue avoir « calé » à la cent-cinquantième... Certains d'entre vous ont évoqué des problèmes industriels locaux ; je ne peux plus leur répondre en détail, mais j'indique tout de suite à M. Gest que le fonds Barnier peut s'appliquer aux problèmes d'excavation dont il a parlé.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le lien entre la discussion d'aujourd'hui et la loi sur l'eau, et je m'attarderai quelque peu sur cette question, puisque je n'en aurai plus guère l'occasion dans la discussion des articles.

Il y a quinze jours, au Conseil des ministres, j'ai présenté le projet de loi transposant la directive-cadre sur l'eau. Les services de mon ministère, les membres de mon cabinet ont reçu tous les acteurs nationaux de la politique de l'eau. Nous allons organiser, autour des comités de bassin, une concertation des acteurs territoriaux, qui devrait se terminer au mois de juillet. Les citoyens qui le souhaitent seront consultés au moyen des questionnaires, dont la synthèse sera faite d'ici fin septembre. Cette concertation se conclura par un colloque national au mois de décembre afin que nous puissions présenter un texte vers le mois de mars 2004. Un certain nombre d'interrogations auront donc reçu une réponse au début de l'an prochain.

Je vous remercie une nouvelle fois pour la grande dignité et la qualité de vos interventions. J'ai apprécié qu'au-delà de l'analyse technicienne, bien des députés aient parlé avec leur c_ur. C'est bien la grandeur de l'Assemblée nationale que d'associer le coeur et la raison (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Gilbert Biessy - Votre projet de loi, avez-vous dit devant la commission des lois, est à la fois « modeste et ambitieux », et « privilégie le long terme ». Vous avez insisté sur la négociation et le partenariat local, et appelé à refuser la stigmatisation des catégories professionnelles pour défendre l'industrie française.

Or nous ne voyons pas qu'il y ait une politique ambitieuse du gouvernement Raffarin : nous nous dirigeons plutôt vers le déclin industriel et insister de la sorte sur la négociation et le partenariat local est presque incroyable, quand on sait qu'il n'y a pas de démocratie économique et financière dans les groupes industriels.

Votre projet de loi, sur le plan des risques industriels, s'aligne sur les thèses du MEDEF. Aucune réponse efficace n'est apportée aux questions de prévention des risques majeurs. C'est le droit divin de la pensée unique patronale !

Ce texte fait fi du travail parlementaire ; il n'est qu'un effet d'annonce médiatique, et l'engagement réel de l'Etat est pour le moins dérisoire.

« Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs » : c'était le cri lancé par le collectif créé à Toulouse après la catastrophe d'AZF, où trente salariés ont perdu la vie et où des milliers de personnes ont été blessées, physiquement ou psychiquement. Ce drame s'est accompagné d'une prise de conscience collective : la sécurité industrielle est devenue une affaire nationale.

Dans la région lyonnaise, le secteur de la chimie emploie quelque 11 000 personnes ; le couloir de la chimie, entre Villefranche et Roussillon, concentre autant d'industries à risque que la basse vallée de la Seine. Quarante-sept sites industriels y sont répertoriés : Atofina, Rhodia, Aventis, Bayer, Ciba, Toray, sont les principaux.

Ces groupes, qui se livrent à un monopoly financier, connaissent restructurations et redéploiements, précarité et déréglementation.

A l'automne dernier, le directeur du site d'Aventis Propharm de Saint-Genis-Laval a annoncé la vente de cet établissement, qui faisait naguère partie de la branche pharmaceutique de Rhône-Poulenc-Rohrer et qui emploie 340 salariés. Il expliquait dans la presse locale : « Le groupe souhaite se désengager de la production des médicaments sous forme de comprimés ; c'est une activité très déclinante aussi bien chez Aventis que dans les autres grands groupes pharmaceutiques ». Le repreneur le mieux placé, Farmer, a son siège social à Athènes...

A la même époque, Brayer-Cropsciense, entreprise spécialisée dans l'agrochimie, était touchée par un plan de 520 suppressions d'emplois. Quant au groupe Rhodia, il a engagé en 2002 un plan de cession d'un montant de 500 millions d'euros.

Tous les groupes agissent ainsi et cela ne fait que continuer. Le groupe TotalfinaElf, qui a déjà supprimé 1 500 emplois depuis la fusion de juillet 1999, annonce la fermeture du site de sa filiale chimique Atofina à Brignoud, dans l'Isère : 168 salariés sont concernés. Quatorze parlementaires concernés par l'avenir du site ont demandé au ministre des finances et de l'industrie que l'Etat intervienne auprès de la direction afin d'organiser une table ronde. Celle-ci se tiendra la semaine prochaine.

L'un des directeurs d'Atofina déclarait dans Libération : « Améliorer notre compétitivité passe aussi par un nouveau plan de cession et de suppression de 12 000 emplois, s'étalant de 2003 à 2005 ».

Près de 3 000 emplois seront ainsi touchés, alors que le site de Brignoud a rapporté 300 millions d'euros de résultat net d'impôts et 1 million d'euros de dividendes reversés par Atofina au groupe Totalfina.

Les industriels de la chimie bradent l'emploi, mais les investissements à l'étranger se multiplient. Or, les législations sur la sécurité sont très limitées dans les pays d'accueil de ces investissements (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). La main-d'_uvre locale n'a sans doute pas le même salaire... (Mêmes mouvements) La réduction des coûts de production, au détriment de l'emploi et de la sécurité, est la seule réponse apportée par les financiers qui dirigent les groupes industriels.

Mme la Ministre - Cela n'a rien à voir avec le projet !

M. Gilbert Biessy - Si, car la dictature du moindre coût devient un danger pour les salariés et pour la société elle-même. Face à ces choix dangereux, il est indispensable de mieux former et qualifier les salariés, de placer la sécurité sur le lieu de travail au centre des préoccupations de la stratégie industrielle.

Le développement de la sous-traitance, de l'essaimage, de l'externalisation, du recours à l'intérim, sont autant de causes de l'affaiblissement de la sécurité.

Un député UMP - Et Tchernobyl ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilbert Biessy - La précarité outrancière engendre une opacité liée à la multiplication des sous-traitants, induit une perte de savoir-faire et pousse la hiérarchie à se désengager des questions de sécurité. Il s'ensuit un défaut de maîtrise collective des processus, le c_ur du métier se perd. Les compressions de personnels, la dégradation des conditions de travail provoquent un repli des personnels sur la sécurité de la production, les activités annexes ne peuvent plus être prises en charge. Les directions comptent en fait sur l'engagement personnel des salariés devant les risques et les dangers. C'est pourquoi le patronat a mis en place un management fondé sur la vérification du respect des règles par chacun d'entre eux : chaque salarié devient responsable de sa propre sécurité, dégageant la hiérarchie et la direction de leur propre responsabilité.

M. Jean-Charles Taugourdeau - C'est faux ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilbert Biessy - Parce qu'il ne donne pas de droits et de pouvoirs nouveaux aux salariés, votre projet restera un projet d'intention.

Dans la région lyonnaise, par exemple, les industriels de la chimie tendent à s'en remettre aux pompiers professionnels des SDIS ; dans la plaine de l'Ain, on fait appel aux pompiers volontaires. Bref, on essaie de faire supporter le coût de la sécurité par les collectivités territoriales !

M. David Habib - C'est vrai !

M. Gilbert Biessy - Autre phénomène révélé par le rapport de la commission d'enquête : l'union des industries chimiques a joué un rôle de lobbying auprès des pouvoirs publics et des parlementaires. Les rapporteurs de la commission s'avouent même choqués dans leur rapport, par le fait que l'UIC ait « obtenu en 1996, l'annulation pour des raisons de forme d'une circulaire enjoignant aux préfets de faire réaliser par l'exploitant et à ses frais au moins un exercice d'application du plan d'opération interne par an » et ajoutent : « Il serait souhaitable qu'à l'avenir (...) l'UIC adopte une attitude plus ouverte notamment envers l'évolution des règles nationales et européennes ».

Bien loin de cela, l'UIC s'est livrée à une véritable guérilla juridique. Je cite toujours le rapport de la commission d'enquête : « L'UIC a engagé par le passé des actions juridiques contre des textes imposant des règles nouvelles en matière de sûreté. (...) Elle a souvent obtenu gain de cause pour des raisons de forme. (...) Ces règles étaient toutefois, sur le fond, légitimes ».

C'est ainsi que « l'UIC a demandé l'annulation d'une circulaire des ministres de l'intérieur et de l'environnement du 30 décembre 1991 définissant l'articulation entre le plan d'opération interne et les plans d'urgence », au motif qu'elle « édictait des règles nouvelles, ce qui nécessite un décret ». Dans son arrêt du 15 avril 1996, le Conseil d'Etat a considéré que sur de nombreux points, la circulaire se bornait à commenter des dispositions édictées par décret. L'UIC a toutefois obtenu l'annulation d'une prescription enjoignant aux préfets de faire réaliser par l'exploitant et à ses frais au moins un exercice d'application du plan d'opération interne par an alors que les dispositions en vigueur n'imposaient cet exercice que tous les trois ans.

Cet exemple est parlant. Pour peu que les pouvoirs publics s'avisent de renforcer la sécurité, le patronat se retranche dans le maquis juridique pour s'y soustraire. C'est tout simplement scandaleux ! Nous devons en tirer toutes les leçons et bâtir un arsenal juridique clair, sans faille, c'est-à-dire tout le contraire de ce que fait ce projet de loi.

Je cite à nouveau le rapport : « L'UIC, le comité français du butane et du propane et l'union française des industries pétrolières ont demandé l'annulation d'un arrêté du ministre de l'environnement du 28 janvier 1993 fixant les règles d'information préventive des populations susceptibles d'être affectées par un accident survenant dans une installation classée.

« L'article 21 de la loi du 22 juillet 1987 disposant que les conditions d'exercice du droit des citoyens à l'information sur les risques majeurs sont définies par décret en Conseil d'Etat, celui-ci a annulé pour excès de pouvoir, dans son arrêt du 26 mai 1995, l'arrêté du 28 janvier 1993 ».

Silence, on pollue ! Interdire ainsi l'information des populations est tout simplement criminel. Mais encore une fois, les incohérences de notre droit ont hélas permis à l'UIC de s'en sortir.

Je continue de citer le rapport de la commission d'enquête : « L'UIC a demandé l'annulation d'une circulaire du ministre de l'environnement du 4 février 1987 relative aux règles techniques de sécurité applicables dans les entrepôts constituant des installations classées pour la protection de l'environnement ». Conformément à cette demande, le Conseil d'Etat a annulé le 25 septembre 1992 des prescriptions de la circulaire « imposant à l'exploitant de garantir au cours de l'exploitation le maintien des distances d'isolement autour de son installation par tous moyens (...) et édictant des consignes de sécurité destinées à prévenir les incendies ou les accidents ou à en limiter les effets ». Une simple - mais terrible - question pour commenter cet arrêt : l'application de cette circulaire n'aurait-elle pu réduire les conséquences de l'explosion de l'usine AZF ?

Dernier arrêt du Conseil d'Etat cité dans le rapport : celui en date du 24 mai 1993. « L'UIC, le comité français du butane et du propane et l'union française des industries pétrolières ont demandé l'annulation d'un arrêté du secrétaire d'Etat chargé de l'environnement du 9 novembre 1989 relatif aux conditions d'éloignement auxquelles est subordonnée la délivrance de l'autorisation des nouveaux réservoirs de gaz combustibles liquéfiés.

« Cet arrêté fixe des distances minimales entre les nouveaux réservoirs de gaz combustibles liquéfiés et les constructions et voies de circulation extérieures. (...) Il interdit la construction de nouveaux réservoirs aériens de plus de 500 m3 et celle de nouveaux réservoirs sous talus de plus de 10 000 m3. » Le juge a cette fois rejeté la requête, mais précisé que « le préfet (...) conserve la possibilité d'augmenter la distance d'éloignement, notamment au vu de l'étude de danger ».

Cette lecture démontre le vrai rôle de cette organisation patronale. C'est bien là que le bât blesse : le Gouvernement s'aligne purement et simplement sur les exigences patronales.

Dans le débat d'aujourd'hui, l'UIC a encore pesé, en adressant à chaque parlementaire un document reprenant ses propositions sur le projet. Souvent prolixe, elle n'a fait, curieusement, que peu de propositions de modification : seule la disposition relative aux CHSCT a intéressé les représentants du patronat. Le Sénat a exaucé leur v_u en modifiant le passage incriminé de l'article 9 : les quelques améliorations prévues ont été retirées, portant une grave atteinte à la composition de droit commun des CHSCT dans les établissements comportant des installations classées. Pour la CGT, « c'est la nature même du CHSCT qui se trouve menacée par cet amendement gravissime, antagonique avec le rôle que doivent jouer les CHSCT dans la prévention des risques ».

En Rhône-Alpes, les CHSCT ne sont que quelques dizaines pour plus de 3 000 établissements classés dont près de 200 en première catégorie. Leur bon fonctionnement est cependant primordial pour la sécurité des sites et de leur environnement.

Le témoignage d'un délégué au CHSCT de l'usine Rhodia de Saint-Fons milite pour leur renforcement. Cette usine est classée Seveso 2 et placée sous surveillance dans le cadre du plan vigipirate. Divisée en deux parties traversées par un axe de circulation public, elle est le type même d'usine où pourrait se produire une catastrophe comme celle d'AZF.

Selon ce témoignage, l'outil de travail vieillit, l'entretien laisse à désirer et les investissements nécessaires, notamment pour la sécurité, ne sont pas réalisés. Le service médical a été réduit : plus d'infirmière à plein temps, des visites médicales espacées, plus de prise de sang ou de radio des poumons. On préfère détourner l'attention des salariés vers les risques liés au tabac ou à l'alcool. La plate-forme de lutte contre l'incendie fonctionne mal : les pompiers peuvent être appelés à intervenir hors usine, la laissant sans protection.

Les départs en préretraite ou en retraite s'accompagnant rarement d'une embauche, ce sont désormais des sous-traitants ou des intérimaires qui travaillent en cinq-huit dans cette usine où l'on manipule des produits extrêmement toxiques exigeant un rigoureux savoir-faire. Faute de personnel, un même salarié suit parfois deux lignes de production en même temps, alors que les postes de surveillance sont éloignés de plusieurs centaines de mètres ou de quelques étages. Des débordements de « gamelles » se produisent donc de plus en plus souvent. Des produits toxiques, solvants ou autres, infiltrent le sol au risque de polluer la nappe phréatique. Lorsqu'une production s'avère défectueuse, la règle est de la détruire ou de la recycler dans l'installation. Le temps ne le permet plus. Un stockage pirate de produits non conformes a été créé dans l'usine, où s'entassent des dizaines de tonnes de produits qui ne devraient pas voisiner.

Votre texte, Madame la ministre, n'aura aucune incidence sur de telles situations. Si le pire venait à se produire, nous ne pourrions pas dire que nous ne savions pas : les délégués du CHSCT nous ont avertis.

Il faut donc au minimum rétablir le texte initial.

En vertu d'un accord de 1985, dix-huit délégués siègent au CHSCT de Rhodia, plus un secrétaire à temps plein, soit davantage que ce que prévoit le code du travail. Direction et syndicats l'avaient estimé nécessaire en raison de la nature même de la production et de l'étendue de l'usine. Or, la direction veut aujourd'hui réduire des deux tiers le nombre des délégués. Les syndicats ont porté l'affaire devant le tribunal de grande instance, qui a mis son jugement en délibéré.

Voilà qui est inquiétant et justifie que nous prenions des dispositions pour éviter toute dérive en matière de sécurité.

L'intervention publique est trop limitée. L'insuffisance des effectifs d'inspecteurs du travail obère l'efficacité du contrôle dans les entreprises dites à risque. De même, les moyens attribués à l'Institut national de recherche sur la sécurité sont largement insuffisants et les services de prévention ne peuvent faire face à la masse des besoins. Quant aux DRIRE, elles ne peuvent jouer leur rôle efficacement en raison d'un manque de personnel.

Le rapport intitulé « Les leçons de Toulouse : 90 propositions pour réduire ensemble les risques industriels » a été adopté à l'unanimité par les membres de la commission d'enquête et salué par l'ensemble des partenaires lors de sa publication. Quelles sont ses propositions ?

Le premier sujet abordé est l'approfondissement de nos connaissance sur les produits chimiques et la redéfinition des processus industriels. Or votre projet fait l'impasse sur ses propositions en la matière, de même que sur le livre blanc élaboré en Commission européenne en février 2001.

La commission d'enquête a proposé aussi de développer l'expertise, la recherche, la formation sur la sécurité industrielle, ainsi que de renforcer les moyens d'inspection des installations classées. Seize de ses propositions concernent le renforcement des pouvoirs des CHSCT : le projet prend le chemin inverse.

Ont été également proposés le renforcement des secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles, l'amélioration des enquêtes publiques, puis toute une série de mesures concernant l'organisation et le fonctionnement des secours, enfin, la modification des instruments juridiques de l'urbanisation dans les zones concernées. Le dernier volet traite de l'indemnisation.

Ce travail aurait dû être la base du projet gouvernemental. Tel n'est pas le cas, d'autant que celui-ci mélange les risques industriels et naturels, auxquels les réponses à apporter sont totalement différentes.

Comment ne pas prendre en considération les stratégies industrielles des multinationales de la chimie, comment ne pas aborder la sous-traitance, qui déresponsabilise le donneur d'ordre ?

Les CHSCT ne voient pas leurs pouvoirs renforcés. Tout repose sur des accords de branche ou d'entreprise : c'est une « sécurité à la carte », dépendante de l'activité syndicale...

Par ailleurs, il serait nécessaire d'instituer des CHSCT de site, associant également les entreprises extérieures intervenant sur celui-ci.

Enfin, il conviendrait d'élargir la composition et les pouvoirs de nombreux organismes de consultation. Les organisations syndicales devraient participer au conseil supérieur des installations classées. Quant aux comités locaux d'information et de concertation sur les risques technologiques, leurs pouvoirs sont ridiculement insuffisants.

Votre projet, Madame la ministre, en dépit de quelques aspects positifs non seulement écarte de nombreux sujets comme le nucléaire ou le transport de matières dangereuses, mais enterre le rapport parlementaire élaboré après la catastrophe de Toulouse et n'apporte que des réponses dérisoires aux questions posées par les salariés, les syndicalistes, les groupements d'habitants, les élus locaux. Nos concitoyens n'attendent pas un geste médiatique, mais un véritable projet de loi sur les risques industriels. Voter cette motion de renvoi en commission permettrait de répondre à leurs préoccupations.

MM. Daniel Paul et Pierre Cohen - Très bien !

Mme la Ministre - Les motions de procédure font partie, dans le travail de l'opposition parlementaire, des figures imposées. Faute d'oser défendre l'idée que ce projet serait inconstitutionnel ou qu'il n'y aurait pas lieu d'en débattre, vous avez choisi la motion de renvoi en commission.

Vous ne serez pas surpris que je ne partage pas vos avis, même si vous avez très justement fait état d'un certain nombre de dysfonctionnements en matière de sécurité des travailleurs. Ceux-ci m'ont amené à renforcer les pouvoirs des CHSCT et à prendre devant vous l'engagement de renforcer considérablement les effectifs des inspecteurs des installations classées, qui seront quasiment doublés au terme de cette législature.

S'agissant des matières dangereuses, j'ai indiqué qu'un rapport conjoint de mes services et de ceux de M. de Robien était en cours d'élaboration et que je comptais donc proposer des dispositions lors d'une lecture ultérieure de ce projet. Quant à la sûreté nucléaire, elle fera l'objet d'un texte spécifique dans quelques semaines.

Aurions-nous donc tout notre temps pour peaufiner les mesures à prendre ? Vos amis politiques ont soutenu que l'on en avait déjà trop perdu... Ce projet n'aurait-il pas été assez étudié ? Mais vous avez vous-même fait référence à divers travaux, et chacun a pu constater la bienveillance avec laquelle les propositions d'amendement ont été accueillies lors de l'examen en commission (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Enfin la concertation n'avait-elle pas été suffisante en amont ? C'est bien un reproche que l'on ne saurait nous faire ! C'est pourquoi je demande à l'Assemblée de repousser cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Pélissard - Nous venons d'écouter une chronique industrielle, puis une chronique judiciaire, avec l'exposé d'arrêts du Conseil d'Etat - qui, je le rappelle, sont rendus au nom du peuple français.

Par ailleurs, nous n'avons entendu aucune contestation précise du contenu du projet. Il n'y a donc pas matière à un renvoi en commission, et le groupe UMP votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Sauvadet - M. Biessy s'est livré à un exercice obligé en forme de réquisitoire contre les grands groupes industriels, oubliant que c'est de l'emploi tout court qu'il s'agit et que nous sommes ici pour prévenir les risques inhérents aux activités humaines.

Pourquoi donc retourner en commission, alors que nous avons eu une longue et intéressante discussion, alors que nous pourrons tous, dans les jours qui viennent, faire usage de notre droit d'amendement, et alors que ce débat a été précédé de longues discussions au sein de plusieurs commissions d'enquête, dont les travaux ont servi à élaborer ce texte ?

Je crois vraiment qu'au regard des enjeux, nous devrions renoncer à la polémique et adopter une attitude plus constructive. Parce que j'ai encore en mémoire les images terribles de Toulouse, je souhaite que nous répondions au plus vite aux attentes de nos concitoyens.

Bien évidemment, le groupe UDF votera contre cette motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Déaut - Quand il s'est agi, au sein de la commission d'enquête présidée par M. Loos et dont j'étais le rapporteur, d'essayer de comprendre ce qui s'était passé à Toulouse et de réfléchir aux modifications de notre législation qui s'imposaient, l'Assemblée a fait preuve d'une rare unité et a adopté à l'unanimité le rapport de cette commission, rapport qui présentait en outre nombre de points de convergence avec celui que M. Essig a ensuite remis au ministre de l'époque, M. Cochet - lequel a repris nos propositions dans le projet qu'il a alors préparé. Le présent texte fait de même.

M. Biessy n'a pas voulu polémiquer : il a simplement rappelé que, si la commission d'enquête a constaté que de nombreuses entreprises faisaient de grands efforts, d'autres semblaient encore dans un autre âge, dépourvues du moindre capteur, avec des sous-traitants ignorant les consignes de sécurité. Non, tout n'est pas parfait partout et on observe encore bien des conflits entre la recherche de la productivité et les impératifs de sécurité des travailleurs et des riverains.

Force est aussi de constater que les méthodes de travail de notre assemblée sont loin d'être parfaites, que la procédure de l'article 88 conduit à examiner les amendements bien trop vite. Sans aller jusqu'au renvoi en commission, je souhaite que le débat en séance publique nous permette de prendre davantage notre temps, notamment pour aborder des sujets aussi importants que l'information, la sécurité et l'indemnisation des travailleurs, les rapports entre servitudes d'urbanisme et présence d'usines.

M. Daniel Paul - M. Biessy a dit, de façon excellente, ce que pensent nombre de salariés des sites classés Seveso depuis le « septembre noir » de Toulouse. Le rapport de notre commission d'enquête avait fait naître d'autant plus d'espoirs que, bien que portant sur un sujet difficile, il avait été adopté à l'unanimité. Hélas, après l'examen du projet par le Sénat, ces espoirs sont largement déçus, comme le montrent les ouvriers que nous ont adressé la CGT, la CFDT et la CGC.

C'est ce décalage entre le projet et les espoirs nés de la commission d'enquête que nous avons voulu mettre en exergue avec cette motion, et nous regrettons, alors qu'il s'agit de la vie des salariés, que certains de nos collègues aient cru bon de tourner nos arguments en dérision.

M. Jacques Pélissard - La loi apportera des solutions !

M. Daniel Paul - C'est faux, vous le savez !

M. Biessy l'a dit, la sous-traitance en cascade, l'autocontrôle des entreprises, l'absence de moyens des services de l'Etat, le recours massif aux intérimaires sur les chantiers à risque, tout cela se poursuivra malgré ce texte, qui reste bien loin des réponses que la commission d'enquête, unanime, avait voulu apporter aux salariés et aux riverains.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu aujourd'hui, mercredi 5 mars, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
MERCREDI 5 MARS 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 606), relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

M. Alain VENOT, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Rapport n° 635).

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale