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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 65ème jour de séance, 162ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 12 MARS 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DROIT DES PERSONNES GARDÉES A VUE 2

LICENCIEMENTS 3

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE 4

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE 4

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 5

SITUATION DES JEUNES FILLES EN MILIEU SCOLAIRE 6

ASSURANCE MALADIE 7

DÉBAT NATIONAL SUR LES ÉNERGIES 7

PÉRINATALITÉ 8

VICTIMES DE L'AMIANTE 9

LUTTE CONTRE LE DOPAGE 9

INTÉGRATION SOCIALE DES HANDICAPÉS 10

RAPPEL AU RÈGLEMENT 11

RAPPEL AU RÈGLEMENT 11

ENTREPRISES DE TRANSPORT AÉRIEN (suite) 11

AVANT L'ARTICLE PREMIER 12

ART. PREMIER 14

ART. 2 19

ART. 3 22

RAPPEL AU RÈGLEMENT 23

ENTREPRISES DE TRANSPORT AÉRIEN (suite) 23

ART. 3 (suite) 23

APRÈS L'ARTICLE 3 26

ART. 4 26

ART. 5 27

ART. 6 29

APRÈS L'ART. 6 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

DROIT DES PERSONNES GARDÉES A VUE

M. Gilles Artigues - Monsieur le ministre de l'intérieur, le groupe UDF a toujours soutenu votre politique en matière de sécurité parce qu'elle est équilibrée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous ne préconisez pas le « tout-répressif », et lorsque vous vous rendez dans les banlieues, vous n'hésitez pas à tendre la main à ceux qui veulent s'en sortir (Mêmes mouvements).

Un grand quotidien du soir fait état d'instructions que vous avez données hier aux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie à propos de la garde à vue et du respect de la dignité des personnes concernées. C'est un domaine sensible, car la loi de 2000 sur la présomption d'innocence avait créé un trouble certain (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nos policiers sont confrontés à des détenus de plus en plus violents, de plus en plus dangereux, de plus en plus armés. Comment concilier la nécessaire modernisation de notre police avec le traitement digne des personnes interrogées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - C'est en effet un sujet très important : 370 000 personnes sont gardées à vue chaque année, et chacune d'elles, je le rappelle, est présumée innocente.

Une police moderne doit savoir allier l'efficacité et le respect scrupuleux de la dignité humaine. Depuis trop d'années, il y a des polémiques, et c'est pourquoi le Gouvernement a pris plusieurs décisions.

Dans un certain nombre de cas, des personnes gardées à vue dans la patrie des droits de l'homme ont estimé, à juste titre, que leur dignité n'était pas respectée. J'ai donc décidé que le menottage ne serait plus automatique, mais serait fonction de la dangerosité présumée des éventuels délinquants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Daniel Vaillant - On y avait pensé avant vous !

M. le Ministre - Vous y aviez pensé, mais vous avez omis de le faire ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Deuxième point : les palpations de sécurité seront, elles automatiques, mais il est inutile de procéder à des fouilles corporelles ou à déshabiller systématiquement les personnes gardées à vue : cela doit être limité aux cas où il y a danger pour les policiers ou pour la personne elle-même.

Troisième élément, il y aura désormais dans chaque commissariat un « gradé de la garde à vue », qui ne sera pas le policier chargé de l'interrogatoire.

Quatrième élément, nous allons trouver, dans les prochains mois, des locaux spécifiques, qui ne soient pas des cellules, pour les gardés à vue, car ils sont présumés innocents (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Roman - C'est déjà dans la loi Guigou !

M. le Ministre - Enfin, le gardé à vue aura droit à des repas chauds, servis à une heure normale, et non à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Sous l'impulsion du Premier ministre, le Gouvernement mettra autant d'énergie à poursuivre les délinquants qu'à faire respecter la dignité humaine partout (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). A la différence de la loi de Mme Guigou, nous le ferons en soutenant policiers et gendarmes et en obtenant des résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; huées sur les bancs du groupe socialiste)

LICENCIEMENTS

M. Jean-Claude Sandrier - Voilà près de dix ans que notre pays n'a pas connu une telle hécatombe : pas une journée ne se passe sans que des centaines, voire des milliers de licenciements ne soient annoncés : 1 700 suppressions d'emplois chez EADS, 2 000 chez Thalès, survenant après les drames de Metaleurop, de Matra, d'ACT, de Daewoo, d'Air Lib et tant d'autres.

Le Gouvernement s'abrite derrière « l'héritage » et les menaces de guerre (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour expliquer cette situation. Elle est pourtant la conséquence de vos choix politiques ! En supprimant les contraintes de la loi de modernisation et de la loi Hue, vous avez ouvert la boîte de Pandore des licenciements. En supprimant les emplois-jeunes, vous remettez des dizaines de milliers de jeunes à la rue ! En laissant la SNCF, GIAT Industries, la Banque de France supprimer des emplois, vous amplifiez le mouvement ! En abaissant les impôts pour les riches, vous n'avez pas créé d'emplois, mais réduit les recettes de l'Etat, et vous vous trouvez contraints d'annuler des crédits pour le logement, le travail, l'éducation. Et bientôt, vous allez vous attaquer aux projets d'infrastructures ferroviaires et routières.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à prendre les mesures nécessaires pour stopper ces suppressions d'emplois et à présenter un plan de relance de la consommation des ménages, premier facteur de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Vous avez raison de dire que notre pays est confronté, comme l'ensemble des pays développés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), à une situation économique difficile, liée en partie à la purge de la « bulle » du secteur des télécommunications et aggravée par les incertitudes internationales, qui retardent les décisions d'investissement.

Mais vous avez aussi raison de souligner que notre pays réagit à cette crise de manière plus brutale que d'autres en raison de ses handicaps propres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous sommes le pays d'Europe où la durée du travail est la plus basse (Mêmes mouvements), le taux d'activité des anciens le plus faible et les charges sociales et fiscales les plus lourdes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Dans ce contexte, et alors que le nombre de plans sociaux en 2002 a été équivalent à celui de 2001, le Gouvernement s'est mobilisé autour de deux priorités. La première est de rendre sa compétitivité à notre pays en allégeant les charges et les procédures et en soutenant la création d'emplois.

La seconde est de faire jouer la solidarité nationale pour ceux qui sont frappés par les effets de cette crise. Nous avons ainsi mis en place une mission qui coordonne l'action de l'Etat en matière de plans sociaux afin de veiller à ce que les entreprises assument leurs responsabilités et, le cas échéant, à garantir le versement des salaires et indemnités et la mise en place d'actions de formation.

Tous ces sujets seront traités au cours de la table ronde (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) organisée mardi prochain avec l'ensemble des partenaires sociaux. Nous dégagerons des moyens supplémentaires pour que cette politique soit plus efficace.

Il n'y a pas de politique alternative à celle que nous menons (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), sinon une politique qui aggraverait encore les handicaps de notre pays dans la compétition internationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

M. Jean-Pierre Nicolas - L'archéologie préventive contribue à une meilleure connaissance de l'histoire de notre pays et les Français y sont légitimement attachés.

Mais l'application de la loi du 17 janvier 2001 sur les fouilles archéologiques pose de nombreux problèmes. Les collectivités locales sont confrontées à une double difficulté : les redevances exigées par l'Institut national des recherches archéologiques préventives sont élevées et augmentent le prix des terrains ; l'exclusivité des travaux conférée à l'INRAP conduit à une situation de blocage car cet organisme n'est pas en mesure de respecter les délais, ni même de donner un échéancier exact des fouilles. Cette situation est préjudiciable au développement de nos territoires et décourage les investisseurs.

Alors que le Gouvernement met résolument le cap sur l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), les projets d'aménagement ambitieux et les emplois induits sont remis en cause. Envisagez-vous de modifier la loi du 17 janvier 2001, de sorte que ce processus cesse d'être un frein au développement économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Cette question aurait pu s'adresser aussi bien à Mme Haigneré, car l'archéologie préventive relève de notre double tutelle : elle contribue en effet à une meilleure connaissance de notre passé, mais aussi de l'histoire naturelle du globe terrestre. La loi du 17 janvier 2001 lui a donné son fondement juridique définitif, conforme à la convention de Malte, que la France a signée en 1994.

Cependant, son application a révélé, dès le début, un certain nombre de lourdeurs et de dysfonctionnements. Fin 2002, il était patent que la surestimation du rendement de la redevance versée à l'établissement public exposait celui-ci à une situation budgétaire difficile. De plus, les modalités de mise en _uvre des actions d'archéologie préventive ont créé des relations difficiles avec les aménageurs, en particulier les petites collectivités locales. C'est pour ces raisons que fut voté fin 2002 l'amendement Garrigue, prévoyant un abattement de 25 % du montant des redevances versées à l'établissement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Dans ces conditions, que faut-il faire ? D'abord, réaffirmer l'attachement de la République française à l'archéologie préventive. Ensuite, faire en sorte que le Gouvernement puisse rapidement vous proposer un texte modifiant certains aspects de la loi de 2001. Il introduira notamment la possibilité de transactions plus larges entre les aménageurs, l'INRAP et l'Etat. Et il permettra de recourir à d'autres partenaires que l'INRAP : cet appel d'air devrait permettre à l'archéologie préventive d'être mise en _uvre dans de meilleures conditions.

D'une façon générale, nous devons éviter de confondre l'objet d'un service public et les modalités de sa mise en _uvre. L'objet, nous y sommes attachés ; les modalités, elles, sont contingentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

M. François Hollande - Monsieur le Premier ministre, dans le grave contexte international que nous connaissons, je tiens à réaffirmer ici la solidarité des socialistes envers la position de la France pour la sauvegarde de la paix (Applaudissements sur plusieurs bancs). Et je tiens à rappeler que nous soutenons cette politique, le cas échéant, jusqu'au bout, y compris l'usage du droit de veto (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Notre devoir de responsabilité vaut aussi bien à l'égard de la situation internationale que de la situation intérieure. Or, sur ce dernier plan, ce devoir nous conduit à juger sévèrement votre politique économique et sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Depuis plusieurs mois, nous vous mettons en garde contre le caractère irréaliste de vos prévisions de croissance, nous rappelons régulièrement l'injustice et l'inefficacité de vos choix budgétaires et fiscaux (Mêmes mouvements). Nous vous alertons sur les dangers de votre politique en fait de chômage.

Vous nous avez répondu que c'était un pari. Ce pari est en voie d'être perdu (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Votre ministre de l'économie et des finances vient en effet d'admettre il y a quelques jours que la croissance, qu'on espérait de 2,5 % pour cette année, ne serait que de 1,5 % à peine. Les autorités européennes ont sévèrement rappelé à l'ordre notre pays, et lui ont demandé, sous peine de sanctions, de réduire ses déficits. Du fait de votre politique, c'est en effet l'ensemble du budget de l'Etat, comme de la sécurité sociale, qu'il faut aujourd'hui rebâtir.

Le moment de vérité est venu, et d'abord sur la question du chômage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La multiplication des licenciements et des plans sociaux exige autre chose que la convocation d'une conférence sur l'emploi sans contenu. Moment de vérité aussi pour les finances publiques et sociales, car les Français ont le droit de savoir ce qui se prépare.

Je poserai donc trois questions précises (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Tout d'abord, confirmez-vous les propos de votre ministre du budget sur le non-remplacement des fonctionnaires partant en retraite dès 2003, et a fortiori en 2004 ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) Ensuite, confirmez-vous les propos de votre ministre de la santé sur la nécessité de faire payer davantage les Français pour leurs dépenses de santé ? Enfin, confirmez-vous l'intention du ministre de l'économie de suspendre, faute de croissance, les baisses d'impôt promises ? Il est temps d'ouvrir un vrai débat, et nous demandons une loi de finances rectificative (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous confirme une chose : c'est que nous avons une politique, et que nous n'en changerons pas ! Dans une démocratie, c'est en 2007 que s'exprimera le « juge de paix » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Notre politique économique a pour objectif de créer les conditions pour que dans notre pays, quel que soit l'héritage du passé, le futur soit plus dynamique, et les acteurs économiques plus incités à entreprendre (Mêmes mouvements). Vous parlez de politique budgétaire : le budget n'est qu'un outil parmi d'autres pour mettre en _uvre une politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous rencontrons une conjoncture mondiale que nul ici ne pouvait prévoir ; nous sommes sans doute à un tournant historique, et tous les acteurs économiques sont en apnée. Il est donc clair que 2003 sera difficile.

Ce n'est pas une raison pour changer un cap qui est orienté vers la création des conditions de la croissance, indépendamment des prévisions, qui, dans un monde changeant, doivent être revues en permanence. Nous informerons chacun des éventuels changements d'orientation et de leurs conséquences. En particulier, nous devons éviter un déficit excessif - bien qu'il soit déjà excessif au sens « bruxellois »... Nous en tirerons les conséquences.

S'il nous faut, à moyen terme, améliorer la qualité des performances de la fonction publique, nous le ferons, en repensant tous ses processus de travail, notamment grâce à la loi d'orientation qui vous sera présentée avant 2006. Parallèlement à l'amélioration du service rendu aux usagers, cela se traduira probablement par une certaine réduction des effectifs. Il est légitime, en effet, d'améliorer en permanence les performances de la fonction publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Jacques Remiller - Depuis le 14 juillet dernier, Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a fait de la sécurité routière une priorité de son quinquennat. Depuis lors, le Gouvernement, les parlementaires et les élus locaux se mobilisent. Les résultats, sans être pleinement satisfaisants, permettent déjà de reprendre espoir : votre action résolue semble déjà porter ses fruits, avec huit mois consécutifs de baisse du nombre des victimes. Pouvez-vous faire le point sur la politique déjà mise en _uvre, et surtout sur les mesures à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Vous avez raison de le dire : la mobilisation voulue par le Président de la République semble porter ses fruits. Comparé à février 2002, février 2003 a vu 203 tués en moins, soit 36 %, et 2 893 blessés en moins, soit 29 % : nous sommes sur la bonne voie. Je salue l'esprit de responsabilité qui semble se développer, sur la route, chez nos concitoyens. Et je salue le travail des forces de l'ordre, sous l'impulsion du ministre de l'intérieur. Elles ont opéré 30 % de contrôles d'alcoolémie de plus que l'an passé, et dressé 15 % de contraventions supplémentaires pour excès de vitesse.

Pas d'autosatisfaction toutefois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : les résultats sont toujours fragiles. Nous allons donc poursuivre l'effort. Ainsi une société autoroutière, l'AREA, a procédé il y a quelques jours à une expérience intéressante, en émettant des tickets de péage qui indiquent aux conducteurs leur vitesse moyenne sur plusieurs dizaines de kilomètres. Je souhaite que toutes les sociétés autoroutières fassent de même d'ici les vacances.

D'autre part je vous présenterai prochainement, avec le Garde des Sceaux, un projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière. Il améliorera l'efficacité de la justice pénale et la responsabilisation des automobilistes, avec notamment la mise en place du permis probatoire. Enfin, d'ici avril, je prendrai des décrets concernant le port de la ceinture, le port du casque, et l'usage du téléphone portable au volant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SITUATION DES JEUNES FILLES EN MILIEU SCOLAIRE

Mme Chantal Bourragué - Depuis quelques mois, l'opinion publique a été alertée sur la situation des jeunes filles qui sont victimes, dans certains quartiers difficiles, de violences verbales ou physiques. La marche des femmes des cités, arrivées de Vitry-sur-Seine à Paris le 8 mars, avait pour but de dénoncer les violences sexistes, l'oppression masculine, le harcèlement qu'elles subissent dans les familles, dans les quartiers et à l'école. Il nous faut les entendre et c'est pourquoi, Monsieur le Premier ministre, vous les avez reçues à Matignon samedi dernier.

Ces femmes luttent avec courage et détermination contre la banalisation de la violence et veulent briser la loi du silence. C'est une nouvelle preuve que l'intégration des jeunes issus de l'immigration se fera avec et surtout grâce aux femmes.

Pour la plupart d'entre elles, la réussite scolaire est la meilleure chance de promotion sociale et le meilleur moyen de s'intégrer dans notre société. Aidons-les à concrétiser ce légitime espoir ! Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, où en sommes-nous de l'égalité des chances entre filles et garçons ? Quelle est l'ampleur des actes de violence sexiste à l'école ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les établissements scolaires retrouvent la sérénité et protègent les jeunes filles comme les garçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Le Gouvernement est sensible à cette question, et Nicole Ameline, sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, a souhaité que l'éducation nationale s'associe à cette lutte pour l'égalité entre filles et garçons.

Nous constatons qu'alors même que les jeunes filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons, elles se sentent quelque peu contraintes dans leurs orientations, renonçant souvent aux filières scientifiques. Par ailleurs, les violences sexistes augmentent, donnée que notre politique de lutte contre les violences scolaires doit intégrer ; en 2001-2002, on a recensé 14 000 cas graves de violences sexuelles. C'est un chiffre effrayant !

Nous devons donc réprimer, mais également nous interroger sur notre capacité à gérer la mixité, qui n'est pas forcément synonyme d'égalité ; aujourd'hui certaines jeunes filles souhaiteraient que les classes ne soient pas mixtes pour que les garçons ne les empêchent pas de réussir !

Nous avons donc décidé de tester des mesures dans deux académies pilotes, celles de Caen et de Rouen, afin de prendre des dispositions qui aillent dans le sens de l'intérêt des jeunes filles, et tout bonnement dans celui de la simple justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ASSURANCE MALADIE

M. Jean-Paul Bacquet - Les dépenses d'assurance maladie ont progressé, en 2002, de près de 7,5 %, alors que l'objectif fixé était de 3,8 %. On est donc en droit de se demander, Monsieur le ministre de la santé, comment l'objectif de 5,3 % que vous avez fixé pour 2003 sera respecté, d'autant que le Président de la République a affirmé que ces dépenses ne pourraient que progresser en raison de la démographie et des progrès de la médecine.

Quelle politique de santé publique préparez-vous ? Vous avez déclaré que la hausse des prélèvements obligatoires n'était « pas d'actualité », et aussi qu'il fallait « sortir de la culture de la maîtrise comptable », vous qui aviez applaudi debout le plan Juppé ! Le moment est venu, d'une « remise à plat » de notre système de soins, nous avez-vous dit, en ajoutant cependant que « toute société doit faire des choix » et qu'il faudrait voir comment « repenser les contours de la solidarité nationale ».

Quels sont donc vos choix, Monsieur le ministre ? Lorsque M. François Loos proposait la privatisation de la sécurité sociale, lorsque M. Jacques Barrot suggérait que les assurances complémentaires prennent davantage en charge les petits risques, ils avaient le mérite d'être clairs ? Vous, vous ne cessez d'évoquer une « nouvelle gouvernance », de « nouveaux partenariats », la « confiance retrouvée », les « responsabilités partagées »... et cela au moment où les dépassements d'honoraires sont de plus en plus fréquents, où la demande d'espaces de liberté tarifaire se fait de plus en plus forte et où le conseil de l'Ordre lui-même met en garde contre le risque d'une médecine à deux vitesses. Il y a une différence fondamentale entre un ticket modérateur mutualisé et un financement par les assurances privées (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. Jean-Paul Bacquet - Monsieur le ministre, quand aurez-vous le courage de dire la vérité ? Les Français vont-ils devoir payer davantage pour leur santé ? Y aura-t-il, oui ou non, privatisation déguisée et recul de la solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Les questions que vous posez sont parfaitement fondées, mais dans la position qui est la vôtre, je ne crois pas qu'il faille les poser sur le mode accusatoire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Au mois de septembre, la commission des comptes de la sécurité sociale, arrêtant les comptes à mi-année, avait annoncé un déficit de 3,5 milliards pour le régime général et de 6,1 milliards pour l'assurance maladie : c'était bien le reliquat de la gestion passée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Et lorsque vous pointez le doigt sur le déficit de l'assurance maladie, qui pourrait atteindre 6 et même 8 milliards, vous oubliez que la réduction du temps de travail a coûté 15 milliards ! (Mêmes mouvements)

Vous oubliez aussi que, lorsque nous sommes arrivés, les médecins généralistes étaient en grève, les médecins spécialistes n'avaient plus de convention, les hôpitaux souffraient de pénurie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Vous me demandez ce que nous faisons : nous ne voulons ni privatiser, ou étatiser la sécurité sociale, mais la maintenir conforme à ses valeurs de solidarité - qui veut que chacun paie en fonction de ses moyens - et de justice - qui veut que chacun reçoive selon ses besoins (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je suis très heureux que vous m'ayez questionné sur la santé publique car dans ce domaine, tout reste à faire et nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DÉBAT NATIONAL SUR LES ÉNERGIES

M. Philippe Rouault - La question des ressources énergétiques appelle une stratégie à long terme, surtout dans le contexte d'une menace de guerre en Irak. Il faut veiller non seulement à la sécurité des approvisionnements et à la maîtrise de la consommation, mais aussi aux exigences environnementales et à la recherche d'énergies renouvelables.

Le Gouvernement a décidé de lancer un grand débat national sur les énergies. Un premier colloque se tiendra dès le 18 mars en présence du Premier ministre, mais il semble que certaines associations aient annoncé leur intention de quitter le dispositif. Madame la ministre de l'industrie, pouvez-vous nous dire comment ce débat va s'organiser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Si le Gouvernement a décidé de lancer ce débat national, c'est d'abord parce qu'il s'agit non d'un sujet technique, mais d'un sujet de société qui concerne tous les Français. Vous avez rappelé les enjeux : sécurité des approvisionnements, indépendance énergétique, protection de l'environnement.

Les Français sont peu informés sur ces questions, et ils souhaiteraient l'être davantage. Je vous suggère d'ailleurs de les inviter à visiter le site Internet que nous avons ouvert (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), site qui informe mais qui permet aussi de réagir. Chacun pourra s'exprimer, notamment dans le cadre des forums.

Nous avons sollicité le concours de toutes les associations et de tous les acteurs concernés, et nous souhaitons l'implication citoyenne la plus large possible.

Je remercie Jean Besson d'avoir accepté d'assurer le lien avec élus ; le moment venu, le Gouvernement proposera à la représentation nationale les grandes orientations pour les décennies à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

PÉRINATALITÉ

Mme Juliana Rimane - La fermeture d'une maternité est toujours un événement difficile à vivre. Si nos concitoyens peuvent comprendre que la sécurité des mères et de leurs enfants nécessite le regroupement des moyens, ils souhaiteraient aussi disposer d'une offre de soins qui ne repose pas uniquement sur des critères techniques, mais qui prenne aussi en considération les besoins d'accompagnement des mères, des familles et des enfants.

La situation est particulièrement préoccupante en Guyane, en raison de l'engorgement des maternités en zone urbaine et de l'absence de structures dans les communes de l'intérieur. Vous avez annoncé mardi un plan de soutien à la périnatalité, avec la création de « maisons périnatales ». Ces nouvelles structures répondent-elles au besoin essentiel d'accompagnement que je viens d'évoquer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je le redis, aucune fermeture hospitalière ne s'accompagnera de suppressions d'emplois. Lorsqu'il est question de supprimer tel ou tel service, il est clair que nous n'allons pas lâcher le personnel qui s'y trouve, et dont nous avons besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Pour faire une allusion que chacun comprendra, une petite maternité dont on a beaucoup parlé ces jours-ci s'est vu attribuer un scanner et renforcer son service de chirurgie ; elle pourra aussi créer un centre de périnatalité.

J'ai trouvé comme critères en arrivant, le seuil de 300 accouchements par an. Il est vrai que, partagé entre quatre obstétriciens, ce nombre ne permet pas d'assurer durablement une expérience réelle. On ne fait bien que ce que l'on fait souvent ! (Exclamations et rires sur de nombreux bancs) J'observe que certains ici s'intéressent à l'ouverture d'autres services d'accompagnement... (Sourires)

Le Gouvernement s'efforce de répondre aux impératifs de sécurité et de proximité. Il est inhumain que le séjour d'une femme en maternité ne dure que deux à trois jours en moyenne. S'il faut lui offrir un plateau technique sérieux, elle doit aussi être reçue et accompagnée pendant la semaine à laquelle elle a droit. Sécurité et proximité sont le fondement d'une médecine plus humaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

VICTIMES DE L'AMIANTE

M. Patrick Roy - L'amiante cause aujourd'hui 3 000 morts par an. Il s'agit de la plus grande catastrophe sanitaire à laquelle nous ayons à faire face, et qui risque de durer dix à vingt ans encore.

Or votre gouvernement a commis une faute grave envers les victimes de l'amiante (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il n'est pas celui de la « France d'en bas », il est celui des coups bas (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Le 22 novembre dernier, le conseil d'administration du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante fixait les règles de calcul des indemnités, à la satisfaction des organisations qui défendent les victimes de l'amiante. Mais, première tricherie, le Gouvernement a cassé cette décision démocratique et fait entrer au conseil d'administration deux représentants patronaux dans le seul but de faire basculer la majorité. Troisième acte : celui du mépris. Le conseil d'administration ainsi recomposé s'est réuni le 21 janvier et la nouvelle majorité gouvernementale a voté un nouveau barème, au rabais, proprement indécent.

Avez-vous l'intention de revenir sur cette décision, qui constitue une faute morale et politique ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Il y a des limites à l'exploitation de la souffrance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) pour des causes purement politiques !

Quand nous sommes arrivés, le FIVA venait à peine d'être installé, et aucun barème n'avait été fixé. Dès l'été 2002, nous avons proposé aux victimes une avance sur leur indemnisation définitive, et le 5 mars, 2 500 personnes avaient recouru à cette possibilité, pour un montant total supérieur à 23 millions. L'établissement du barème a donné lieu à un quasi-consensus entre les partenaires sociaux. Lorsque nous avons présenté les propositions du Gouvernement et celles des partenaires sociaux au conseil d'administration, elles ont été refusées. Pour finir, c'est la proposition du président du conseil d'administration, M. Beauvois, qui a été adoptée le 21 janvier. Ce barème, au reste, n'a rien d'indécent bien au contraire, et il est de nature indicative, puisque la réparation sera individualisée. Les premières indemnisations définitives seront versées dès la fin de ce mois.

C'est donc ce gouvernement qui a permis au FIVA de sortir de son état virtuel pour devenir un véritable instrument de solidarité. Et si les barèmes étaient si indécents, les députés socialistes seraient moins nombreux à m'écrire pour me demander d'élire de nouvelles entreprises au FIVA (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. Alain Moyne-Bressand - Nous entrons dans la période des grands événements sportifs. Ainsi, Paris-Nice a déjà commencé. Or, voilà quelques années, le monde du cyclisme a été particulièrement confronté au problème du dopage, et la France a pris alors les mesures nécessaires pour lutter contre ce fléau.

Les représentants du mouvement sportif international et des Etats étaient réunis récemment à Copenhague, à l'occasion du sommet mondial contre le dopage. Malheureusement, étaient absents les présidents de la fédération internationale de football et de l'union cycliste internationale... Cette absence a d'ailleurs suscité des interprétations diverses : on peut notamment craindre un alignement des exigences par le bas. Comment la France compte-t-elle faire valoir à la communauté sportive internationale et à ses partenaires ses exigences en matière de lutte contre le dopage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-François Lamour, ministre des sports - Je partage vos interrogations. J'ai réaffirmé à Copenhague l'engagement total de notre pays dans la lutte contre ce fléau. A Copenhague, l'Agence mondiale anti-dopage nous a présenté un code, qui détermine des procédures, désigne des produits et fixe des sanctions. Ce texte de référence évoluera, mais il devrait être accepté par les fédérations et les ligues ainsi que par les Etats. Ces derniers, pour ce faire, devront adopter une convention internationale.

Entre-temps, la loi française continue à s'appliquer, de façon intelligente et en concertation avec nos partenaires, afin de ne pas dégrader les standards de lutte anti-dopage.

Ce combat est une préoccupation constante pour nous. Nous devons lutter contre les trafiquants et les tricheurs, protéger la santé des sportifs - qui peuvent être en danger de mort - et préserver l'exemplarité de nos champions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

INTÉGRATION SOCIALE DES HANDICAPÉS

M. Maurice Giro - Le Président de la République a proclamé le handicap grande cause nationale. Par ailleurs, 2003 est l'année européenne des personnes handicapées. Félicitons-nous de cette volonté forte de les intégrer dans notre société.

Cependant la Cour des comptes a émis des réserves sur la politique d'insertion menée jusqu'à présent, signalant les difficultés et les discriminations dont ils sont victimes dans la recherche d'un emploi.

Comment le Gouvernement compte-t-il impulser une nouvelle politique d'insertion professionnelle des handicapés et donner un contenu concret à ce grand chantier national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - L'intégration des handicapés est une priorité pour le Président de la République, pour le Gouvernement et - je le sais - pour vous tous, sur tous ces bancs.

La situation n'est pas brillante. Le quota de 6 % fixé aux entreprises n'est pas atteint, et 26 % des handicapés en âge de travailler sont au chômage, soit trois fois plus que l'ensemble de la population active.

La qualification professionnelle de ces personnes, il est vrai, est inférieure à celle des autres demandeurs d'emploi. Nous allons y remédier par des mesures très précises d'amélioration de la scolarisation et de la formation professionnelle des personnes handicapées.

Mais il faut surtout faire évoluer les mentalités. L'intégration des personnes handicapées est une chance pour elles-mêmes, pour la société, et aussi pour les chefs d'entreprise qui ont fait le choix d'en embaucher. C'est une chance, mais c'est aussi une aventure, et une aventure difficile. Aussi entendons-nous impliquer davantage les partenaires sociaux et encourager la conclusion d'accords de branche sur ce sujet.

Il convient aussi de faciliter les démarches des chefs d'entreprise, souvent longues et complexes, notamment lorsqu'il s'agit d'adapter les postes de travail. Il faut également assurer l'accompagnement social et humain des personnes handicapées, non seulement au moment de l'embauche, mais encore tout au long de leur parcours professionnel. Enfin, il faut encourager l'ensemble du secteur public à employer, lui aussi, des personnes handicapées.

Nous reprendrons ces propositions, avec d'autres, dans la réforme de la loi de 1975 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. François Asensi - Je fais un rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa premier, de celui-ci.

L'actualité, par définition, est changeante. Les informations en provenance des Etats-Unis sont inquiétantes. Le ministre de l'économie et des finances, tout à l'heure, a parlé d'un « tournant » de la conjoncture économique mondiale, et évoqué les hésitations des investisseurs. Hier, le CAC 40 était à son plus bas, le titre de AMR Corporation, maison-mère d'American Airlines, a chuté de 34,2 %, et celui de Delta Airlines, partenaire d'Air France dans SkyTeam, de 22,6 %.

Selon les estimations d'un rapport publié par l'IATA, les compagnies aériennes américaines perdraient 70 000 emplois, et jusqu'à 4 milliards de dollars par trimestre, en cas de guerre en Irak, faute d'aides supplémentaires du gouvernement américain. La presse américaine, en outre, se fait l'écho de certains bruits selon lesquels le Département d'Etat paraît prêt à prendre des participations dans ces compagnies.

Ce contexte ne fait que rendre plus dramatique encore la portée de votre projet de loi, premier étage d'une fusée qui vise à la disparition d'Air France comme raison sociale (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Les recapitalisations que vous évoquez ont pour but, en effet, de créer une nouvelle compagnie aérienne à capitaux privés, avec toutes les conséquences que cela peut avoir.

Dans ces conditions, je demande une suspension de séance d'une demi-heure, afin que mon groupe puisse se réunir et discuter de cette situation.

M. le Président - Vous avez fait référence à l'article 58, alinéa premier, de notre Règlement. Vous n'êtes pas sans connaître son alinéa 2 : « Si, manifestement, son intervention n'a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le Président lui retire la parole. » Je ne l'ai pas fait, mais je considérerai que votre groupe n'a besoin que de cinq minutes de réunion, et que le débat pourra ensuite reprendre (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 25.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. François Asensi - Je fais un nouveau rappel au Règlement, également fondé sur son article 58, alinéa premier. L'avenir d'Air France est en jeu, et je souhaite que M. le ministre s'exprime. Les conditions sont-elles réunies pour débattre, aujourd'hui, de ce projet de loi ? Nous ne le croyons pas, et nous demandons donc au Gouvernement de retirer son texte.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Vous avez raison de vous intéresser à la bourse et aux médias, mais le texte que nous proposons est structurel, et non conjoncturel. Il n'a pas pour objet de décider de la privatisation d'Air France, mais de créer les meilleures conditions possibles pour qu'Air France demeure une compagnie française, qu'elle puisse faire appel au marché pour se développer, financer ses investissements et nouer les partenariats. Il a également pour objet de promouvoir l'actionnariat salarié au sein de la compagnie.

Ce sont des objectifs sur lesquels, je le pense, nous pouvons tous nous retrouver, même si nous ne sommes pas d'accord sur les moyens. Quant à la question de la privatisation, elle est réglée par la loi de 1993.

ENTREPRISES DE TRANSPORT AÉRIEN (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises du transport aérien et notamment à la société Air France.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme Odile Saugues - L'amendement 49 a pour but de garder Air France dans le secteur public, tant pour la qualité du service rendu que pour la qualité de la gestion.

La majorité parle beaucoup de l'accord de 1994, qui a permis la recapitalisation de la compagnie. Cette aide était assortie de contraintes pendant trois ans, contraintes qui ont été respectées et contrôlées par des cabinets internationaux indépendants.

Affirmer que la Commission européenne s'opposerait à une augmentation de capital est discutable. En 1997, il y a eu divergences d'appréciation sur ce sujet entre le gouvernement Jospin et le président d'Air France. La Commission a précisé alors qu'elle n'avait pas le pouvoir d'imposer la forme juridique d'une société.

Assumez donc vos choix et votre ultralibéralisme, dans la ligne des gouvernements Balladur et Juppé.

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances - La commission n'a pas examiné l'amendement.

Chers collègues, pourquoi n'avez-vous pas déposé cet amendement quand vous étiez majoritaires ?

Quels sont les intérêts nationaux en cause ? Le service public ? Les lignes subventionnées ne représentent que 6 % du chiffre d'affaires d'Air France et rien n'y sera changé après la privatisation.

Dans les quinze conditions mises par la Commission européenne à la recapitalisation de 1994 figurait bien « la nécessité d'engager le processus de privatisation d'Air France ».

Enfin, votre amendement tend à revenir sur la question préalable qui a été repoussée, car s'il était adopté, il n'y aurait plus à délibérer sur la suite du texte. J'appelle donc l'Assemblée à repousser cet amendement.

M. le Ministre - On peut effectivement se demander pourquoi, pendant cinq ans, vous n'avez pas ressenti le besoin de modifier la loi de 1993. Mais j'y ajouterai un argument qui devrait, Madame Saugues, toucher l'européenne que vous êtes. Vous avez à c_ur de respecter les règles du jeu de l'Union : or si aujourd'hui Air France avait des difficultés de développement, l'Etat français ne pourrait pas lui apporter un centime, c'est interdit. Le texte de loi a pour objet de permettre à Air France d'avoir des partenaires économiques qui, eux, pourraient soutenir son développement.

Revenir sur la loi de 1993, c'est couper les ailes d'Air France.

M. François Asensi - Le groupe communiste votera cet amendement.

Monsieur de Courson semble réduire les missions de service public aux subventions accordées à certaines lignes. Mais la mission de service public consiste aussi à assurer la cohérence de la desserte des territoires, à éviter des rivalités entre eux et à participer à l'aménagement de toute la France.

M. le Rapporteur - Je précise que le chiffre de 6,2 % ne se réfère pas au montant des subventions, mais à la part de ces lignes dans le chiffre d'affaires de la compagnie. Les subventions ne représentent que 0,1 % du chiffre d'affaires et bénéficient uniquement à la Corse. En ce qui concerne les DOM-TOM, il y a des accords de tarifs, mais pas de subventions.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart - M. le ministre semble regretter que nous n'ayons pas usé de la possibilité de revenir sur la privatisation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et bien l'amendement 50 va dans ce sens.

Je suis d'accord avec M. Asensi : la période ne se prête vraiment pas à un débat sur ce sujet. Nous vivons un contexte international difficile, un conflit qui va avoir de graves conséquences économiques et le transport aérien sera l'un des premiers secteurs touchés. Ce n'est vraiment pas le moment de changer de statut.

Monsieur le ministre, vous parlez d'attachement à l'Europe. Mais le vôtre semble à géométrie variable. Vous insistez sur les engagements européens, mais en commission des finances, nous avons vu le ministre de l'économie se dispenser allègrement de respecter les règles européennes en matière de déficit budgétaire. Vous vous servez de l'Europe quand cela vous est utile...

Notre amendement 50 vise à retirer la compagnie Air France de la liste des sociétés privatisables.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement.

Là encore, Monsieur Idiart, pourquoi n'avoir pas déposé cet amendement lorsque vous aviez la majorité ?

Quand on a accepté les quinze conditions de la Commission européenne, il faut assumer ses engagements.

Dans l'exposé des motifs de votre amendement, vous nous reprochez de brader les actions de la compagnie. Mais il n'a jamais été question de les vendre aujourd'hui, à un cours de 7 ou 8 € ! Nous saurons attendre.

Une question, Monsieur Idiart : si vous revenez au pouvoir, allez-vous renationaliser Air France ?

M. le Ministre - Cet amendement est mauvais pour Air France car il aboutirait à priver la compagnie de la chance de trouver des partenaires pour ses investissements. Il est mauvais aussi pour l'Etat, à qui il enlèverait la possibilité de suivre l'évolution du marché et de choisir le moment favorable pour vendre les actions aux conditions les plus rémunératrices pour l'Etat.

M. François Asensi - On pourrait concevoir, en France et en Europe, des sociétés d'économie mixte : rien ne l'interdit, cela existe aux Etats-Unis. Mais votre credo, c'est : tout privatiser.

Vous affirmez que vous mettrez les actions sur le marché au moment favorable. Mais cette loi va bien changer les statuts de la compagnie. Alors on aurait une société à statut privé, où l'Etat resterait majoritaire ? C'est incompréhensible.

M. Jean-Louis Idiart - Le XIXe siècle a été celui de l'industrialisation, à partir de capitaux essentiellement privés. Puis au XXe siècle on s'est aperçu que des secteurs essentiels, comme les chemins de fer, ne pouvaient pas survivre sans l'intervention de l'Etat. Beaucoup de sociétés ont été privatisées par le CNR au lendemain de la Seconde Guerre mondiale parce que sinon les besoins élémentaires du pays n'étaient pas satisfaits. Savez-vous ce qui se passera dans quelques années ? Savez-vous si cette Europe, qui aura peut-être fait trop de choix dans un certain sens, n'aura pas de grandes difficultés pour répondre aux besoins de ses peuples ? Dieu seul, pour ceux qui y croient, est éternel. Notre système économique ne l'est pas forcément, et vous devriez être plus modestes à cet égard.

D'autre part, vous devez nous dire si vous reporterez la privatisation à 2004 si les cours ne remontent pas. Et, dans l'affirmative, où trouverez-vous le milliard - pour le moins - de recettes dont vous avez besoin pour 2003 ?

M. le Président - Dieu est rarement évoqué dans cet hémicycle, mais, en l'absence de M. Brard, nous accepterons que vous le fassiez... (Sourires).

M. le Ministre - Vous puisez votre inspiration dans Germinal, et nous plutôt dans le XXIe siècle. Sachez deux choses. D'abord le statut ne change que dès le moment où l'on privatise : c'est dans le texte du projet. Vous n'avez donc pas à vous inquiéter. D'autre part, vous pouvez me demander jusqu'à demain quand nous vendrons et à quel cours, je ne répondrai pas ! N'essayez pas de vous mettre en situation de délit d'initié... Laissez travailler le Gouvernement : il a su négocier les actions du Crédit Lyonnais, que vous nous aviez laissées dans un état déplorable. Nous utiliserons le marché, en fonction de la conjoncture, et nous n'avons pas à vous dire quand cela se fera.

L'amendement 50 mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. PREMIER

M. François Asensi - Le ministre doit nous dire à quel moment, juridiquement, la société Air France sera privatisée. Nous sommes dans un flou complet.

Nous proposons, par l'amendement 20, la suppression de l'article premier, relatif à la détention du capital. Cet article permet des procédures d'identification des actionnaires, et il est légitime que la société dispose des informations relatives au contrôle de son capital. Mais, avec toutes les possibilités qu'offrent la domiciliation et le portage, l'opacité règnera. Tous les détournements seront possibles, d'autant que votre rédaction autorise les intermédiaires financiers. Elle laisse aussi à la discrétion de la société le pouvoir de neutraliser les droits de vote de tout contrevenant à une demande d'information. Cette liberté ouvre la porte à tous les arrangements : qui ne se rappelle ce qui s'est passé chez Enron ?

Il en est de même pour l'évolution de l'actionnariat : quand il est avéré qu'elle pourrait remettre en cause les droits de trafic, pourquoi ne s'imposerait pas à la société l'injonction de vendre ? La latitude que laisse le texte à une entreprise bientôt soumise aux financiers prépare d'autres renoncements. Votre texte, volontairement ou non, ne contrôle rien, et plus on avance dans le débat, plus on s'enfonce dans l'opacité. Il aurait été plus conforme au sens de l'intérêt européen de laisser la majorité du capital dans le secteur public.

L'ouverture au marché financier va redistribuer les cartes de l'aviation civile, mais dans quel sens ? Je pense que la fusée a plusieurs étages : aujourd'hui, des participations croisées - et demain une nouvelle société privée, européenne, qui ne s'appellera plus Air France. C'est donc un peu l'arrêt de mort de la société nationale qui est aujourd'hui envisagé.

M. Jean-Louis Idiart - Notre amendement 53 tend également à supprimer l'article. Celui-ci est réputé permettre de contrôler la nationalité des détenteurs de capitaux, afin d'éviter que l'entreprise soit contrôlée par des actionnaires non français - voire, si l'on anticipe l'intégration européenne, non ressortissants de l'Union européenne - ce qui entraînerait des pertes de licences d'exploitation et de droits de trafic. Mais le Gouvernement ne nous propose pas un contrôle souple par l'Etat, qui permettrait des interventions si les intérêts stratégiques du pays sont menacés ou si les missions d'intérêt général de la compagnie risquent d'être remises en cause. Il préfère mettre en place un dispositif de crise pour empêcher en dernier ressort la prise de contrôle par des intérêts étrangers. Ce dispositif ne saurait remplacer une réelle politique du transport aérien et une définition des misions de service public des transporteurs. Il est symbolique d'une volonté de privatisation idéologique. C'est pourquoi nous en proposons la suppression.

M. le Rapporteur - Un mot en réponse à la question technique de M. Asensi, qui demande à quelle date le texte considérera qu'Air France est privatisée : ce n'est pas le texte, c'est un dispositif général, qui veut que l'entreprise soit privatisée dès le moment où l'Etat n'aura plus 50 %. Alors s'appliquera l'article 2, comme l'article 3 ou l'article premier.

L'amendement de M. Asensi m'étonne, car il est ultralibéral (Exclamations et rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) : vous refusez un système de défense de la nationalité française ou européenne de la majorité du capital de la compagnie... Je m'inquiète de cette dérive idéologique de nos collègues ! (Sourires)

L'amendement 53 a le même objet, mais avec une argumentation plus subtile. Celle-ci fait l'objet des réflexions de la commission, laquelle a adopté des amendements qui prennent en compte certains éléments : ces amendements donneront donc partiellement satisfaction à M. Idiart.

M. le Ministre - J'ajouterai que si la privatisation intervient à partir du moment où la part de l'Etat tombe en dessous de 50 %, il n'y a pas pour autant changement de statut : c'est une SA, et cela reste une SA. Mais à partir du moment de la privatisation, s'ouvre un délai de deux ans pour modifier le statut du personnel. Toutefois, connaissant l'état d'esprit qui règne dans l'entreprise et le dialogue social qui s'y pratique, il ne faudra pas deux ans pour parvenir à un bon accord.

La privatisation, je le rappelle, a pour objet de moderniser l'entreprise, et de trouver sur le marché les capitaux nécessaires à son développement, et qu'il est interdit à l'Etat de lui apporter. Cet article est donc indispensable pour assurer la continuité française d'Air France en même temps que son développement.

Mme Odile Saugues - A l'heure où nous examinons ce projet, Delta Airlines a vu partir en fumée un cinquième de sa valorisation, et AMR Corporation, maison mère d'American Airlines et leader du transport aérien américain, a effacé hier soir plus du tiers de sa valorisation en Bourse à New York, avec une chute libre de 34 %... Une faillite risque d'intervenir rapidement. Ces événements sont très graves, Monsieur le ministre. Et c'est le moment que choisit le gouvernement français pour livrer Air France au marché financier...

Notre amendement de suppression est notre ultime moyen de vous mettre en garde. Ne vous enfermez pas dans votre posture idéologique, alors que tout plaide pour le maintien d'Air France dans le secteur public. Et ne dédaignez pas de nous répondre sur le fond... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Les amendements 20 et 53, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Les amendements 1 et 2 de la commission ont pour objet de rendre le texte du projet conforme à la codification opérée dans le code de l'aviation civile.

Les amendements 1 et 2, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. François Asensi - Notre amendement 26 a pour objet de rendre impérative l'élection d'un domicile ou d'un siège sur le territoire français, alors que la rédaction proposée laisse penser que ce serait facultatif. Il faut inciter la compagnie à prévoir dans ses statuts que les actionnaires doivent faire élection, dans le pire des cas, d'un domicile auprès d'un intermédiaire financier domicilié en France. Nous proposons donc d'écrire que ses statuts doivent prévoir cette clause. Il ne faut pas laisser de marge de man_uvre à des opérations spéculatives malveillantes.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le caractère systématique de la disposition proposée est inutile, et même dangereuse. Supposons par exemple qu'une compagnie ait un seul actionnaire, français ou européen, qui aurait plus de 51 % : on voit l'inutilité de la mesure.

M. le Ministre - Défavorable. Comme le dit le rapporteur, si un actionnaire est français et très majoritaire, il est par définition connu, et la mesure est inutile.

M. François Asensi - Il n'y aura jamais un seul actionnaire majoritaire français, puisque vous cherchez des alliances avec d'autres compagnies...

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Asensi - Notre amendement 27 a le même objet - rendre obligatoire ce qui est facultatif dans le projet -, s'agissant cette fois de la privation de droit de vote en cas de défaut de transmission d'informations de la part des actionnaires.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le Ministre - De même.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Asensi - Le flou du projet ne peut que profiter aux fraudeurs. La politique de la tolérance zéro doit aussi s'appliquer aux actionnaires voyous ! La suspension du droit de vote et du paiement du dividende ne suffisant pas à assurer un réel contrôle de l'actionnariat d'une entreprise évoluant dans un secteur stratégique, nous proposons par notre amendement 28 qu'en cas de non-transmission des informations, la sanction de l'actionnaire prenne la forme d'une cession de ses titres. Il s'agit là d'un amendement de repli. Au moins il faut pouvoir combattre les tricheurs.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour trois raisons. D'abord, la sanction proposée est disproportionnée, comme le reconnaîtrait certainement le Conseil constitutionnel, et les dispositions prévues sont suffisantes. Ensuite, l'absence de recours n'est pas acceptable. Enfin, c'est un dispositif beaucoup trop rigide alors qu'il faut pouvoir réagir vite.

M. le Ministre - Cet amendement part d'une bonne intention mais il est inutile car le projet prévoit déjà des garde-fous. En cas de mise en danger de la licence ou des droits de trafic, les titres pouvant faire l'objet d'une cession forcée.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart - Notre amendement 62 tend à compléter l'article L. 330-11 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé : « Si la protection d'intérêts nationaux ou le bon accomplissement de missions d'intérêt général l'exigent, une action ordinaire de l'Etat est transformée en action spécifique assortie de tout ou partie des droits mentionnés à l'article 10 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisations. »

M. le Rapporteur - La commission ne l'ayant pas examiné, je parlerai à titre personnel.

Le gouvernement Balladur avait retenu cette idée, qui à l'époque avait été déclarée conforme à nos règles constitutionnelles. Mais depuis, les trois arrêts du 4 juin 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes ont encadré les conditions de mise en oeuvre d'une action spécifique. Ils ont défini trois critères : les restrictions imposées à la libre circulation des capitaux ne peuvent être motivées que par des raisons impérieuses d'intérêt général ; elles doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif invoqué ; les conditions de mise en _uvre doivent être préalablement et objectivement déterminées, afin de ne pas contrevenir au principe de sécurité juridique. Cet amendement n'est donc pas « eurocompabile ». C'est pourquoi je propose de le rejeter.

M. le Ministre - Même position.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 de la commission vise à préciser que les pouvoirs reconnus par l'article L. 330-12 à « la société de transport aérien » sont confiés au président du conseil d'administration ou du directoire.

M. le Ministre - Le Gouvernement remercie la commission d'apporter cette précision.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 de la commission a pour but d'informer le ministre des transports sur les risques pesant sur les compagnies aériennes cotées - étant donné que les droits de trafic relèvent d'accords bilatéraux et sont donc négociés par l'Etat.

M. le Ministre - L'amendement 36 rectifié du Gouvernement vise à s'assurer que le conseil d'administration ou le directoire, ainsi que l'ensemble des actionnaires, sont informés de la menace qui peut peser sur la licence d'exploitation de l'entreprise ou sur ses droits de trafic. Il ne nuit pas à l'efficacité et à la rapidité de mise en _uvre du mécanisme de cession forcée.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement 4.

M. Jean-Louis Idiart - Perdre la licence d'exploitation ou des droits de trafic remettrait en cause l'existence même de la compagnie. Notre amendement 51 tend donc à rendre obligatoire l'information du ministre sur l'évolution de la composition du capital, d'autant que la remise en cause des licences ferait naître des menaces sur l'emploi des salariés de la compagnie.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 36 rectifié, qui est compatible avec son propre amendement 4, mais qui se substituerait à l'amendement 7 à venir. La commission n'a pas examiné l'amendement 51, dont la première partie est satisfaite par l'amendement 4, et dont la seconde me paraît inappropriée.

M. le Ministre - Si l'amendement 36 rectifié est adopté, le Gouvernement a satisfaction sur son besoin d'information, et l'amendement 51 devient inutile.

Les amendements 4 et 36 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 51 tombe.

M. le Rapporteur - La notion d'injonction retenue par le Gouvernement risque de créer une confusion d'ordre juridique. Aussi la commission, par son amendement 5, lui a-t-elle substitué la notion de mise en demeure.

M. le Ministre - La commission a raison.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 tend à supprimer la dernière phrase de l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile. Il serait en effet exorbitant qu'une mise en demeure entraîne automatiquement une atteinte au droit de propriété aussi considérable que la privation du droit de vote. Le Conseil constitutionnel, vous le savez, veille très attentivement au respect du droit de propriété.

Précisons que l'amendement 6 se combine avec les amendements 33 et 10.

M. le Ministre - Il est en effet important que la compagnie puisse très rapidement respecter la condition de contrôle effectif des actionnaires communautaires. Le Gouvernement est favorable à l'amendement 6, sous réserve que l'amendement 33 soit ultérieurement adopté, car il permet de suspendre le droit de vote des titres d'un actionnaire visé par le processus de cession forcée lors de la saisine du TGI.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Idiart - Dans le Sud-Ouest, nous nous préoccupons plus du TGV que du TGI, à moins que celui-ci ne soit le train à grande inertie... (Sourires)

Notre amendement 52 reprend le principe d'un amendement de la commission ouvrant une possibilité de recours pour les actionnaires. Nous proposons d'étendre cette possibilité aux salariés, individuellement ou par l'intermédiaire de leurs organisations représentatives.

M. le Rapporteur - La commission, en adoptant l'amendement 7, cherchait à répondre à une question : que se passera-t-il si le président de la compagnie n'utilise pas sa prérogative de mise en demeure ou s'il le fait sans mettre en _uvre le reste de la procédure ? Dans ce cas, avions-nous pensé, les actionnaires devraient pouvoir saisir le TGI de Paris, M. Idiart étendant cette possibilité aux syndicats.

Mais l'adoption, en article 88, de l'amendement 36, a résolu le problème auquel tendait à répondre l'amendement 7. Je retire donc ce dernier, et suggère à M. Idiart de faire de même avec son amendement 52.

M. Jean-Louis Idiart - Je le maintiens.

M. le Ministre - L'intention de M. Idiart n'est pas mauvaise, mais le pouvoir qu'il souhaite donner à des actionnaires est excessif. En effet, si une compagnie dont le trafic est essentiellement communautaire a besoin de s'adosser à un partenaire européen, dans le cadre d'une fusion ou d'un rachat, la perte de quelques droits de trafic peut se justifier. Or l'amendement 52 permettrait à un seul actionnaire minoritaire de négocier un meilleur prix d'acquisition de ses propres titres en menaçant de saisir le TGI au nom de la sauvegarde des droits de trafic. Cela irait à l'encontre de l'intérêt social de la compagnie.

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 32 et 8 sont de conséquence.

M. le Ministre - Avis favorable.

Les amendements 32 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. François Asensi - Notre amendement 29 tend, pour une petite modification lexicale, à contraindre la compagnie à saisir le président du TGI de Paris, dans l'hypothèse où un actionnaire n'aurait pas cédé ses titres deux mois après la mise en demeure. En effet, le texte laisse à la discrétion de l'entreprise la possibilité de poursuivre ou non. Or si la compagnie constate que ses droits de trafic sont menacés, elle doit être tenue de réagir. C'est ce que nous demandons. La rédaction des statuts de la compagnie ne doit pas laisser le moindre doute quant à sa réaction face à une tentative hostile d'une partie des actionnaires.

Ou la compagnie veut continuer à rendre un service, ou elle s'abandonne au jeu boursier du casino. Comment une lecture rigoureuse de la loi pourrait-elle prévaloir si le législateur ne l'a pas frappée au coin de la morale ? Comment des dirigeants pourraient-ils vouloir le plus si la loi ne dit pas expressément ce qu'elle veut ? S'agissant de l'actionnariat d'une compagnie aussi prestigieuse qu'Air France, la loi se doit d'être exemplaire et volontaire en disposant clairement qu'on ne peut tricher sans conséquence avec un tel patrimoine. Elle ne peut laisser penser qu'un préjudice porté à l'entreprise en matière d'actionnariat puisse faire l'objet de négociation. Notre amendement 29 est de forme, mais d'une forme qui se préoccupe davantage du métier de l'entreprise que du champ de bataille.

M. le Rapporteur - Après en avoir longuement débattu, la commission a repoussé cet amendement. Dans certaines hypothèses, il pourrait en effet avoir de graves conséquences sociales. Prenons l'exemple d'une compagnie à majorité d'actionnaires français qui se trouve en difficulté. L'unique repreneur est extracommunautaire et il franchit le seuil de l'article premier
- 45 %, a précisé le Gouvernement. Contraindre le président à déclencher le mécanisme pourrait alors être ravageur pour l'emploi.

M. le Ministre - Point n'est besoin de choisir des moyens excessifs au regard du but recherché. On peut très bien imaginer une vente à l'amiable ou un rachat de titres par la société. Il existe d'autres moyens pour répondre aux mêmes fins, et j'en appellerai au principe de proportionnalité.

M. François Asensi - Ce refus démontre que vous redoutez toute rigidité qui empêcherait les tricheurs de tricher. Car enfin c'est bien l'entreprise que le groupe communiste entend ainsi défendre contre les prédateurs !

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Nous avons longuement débattu en commission des mots « sans recours possible » qui figuraient dans le texte du Gouvernement. Une telle disposition est contraire à la convention européenne des droits de l'homme et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui garantissent les droits de la défense.

Conscient du problème, le Gouvernement ne pouvait cependant accepter, comme le proposait notre amendement 9, de supprimer purement et simplement les mots incriminés. Aussi a-t-il proposé un compromis que la commission a accepté avec l'amendement 37 qui, en leur substituant les mots : « non susceptible d'appel, d'opposition ou de tierce opposition », préserve la possibilité du recours en cassation. La commission peut donc retirer l'amendement 9.

M. le Ministre - Le Gouvernement reconnaît effectivement la nécessité de ménager des voies de recours. Dans un souci d'efficacité, il souhaite cependant, comme le permet l'amendement 37, exclure l'éventualité de recours suspensifs.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 33 tire la conséquence de l'adoption de l'amendement 6. La privation des droits de vote de l'actionnaire ne doit pouvoir intervenir que sous le contrôle du juge.

L'amendement 33, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 tire la conséquence de l'adoption des amendements 6 et 33. Le dernier alinéa de l'article L. 330-13, qui prévoyait que l'actionnaire recouvre la libre disposition de ses actions si le président de la société ne saisissait pas le juge, devient inutile.

M. François Asensi - L'amendement 30 est identique mais ne procède pas de la même démarche. Il vise, en effet, dans notre esprit, à proscrire tout pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit de saisir ou non le tribunal. Toute infraction aggravée à la législation financière appelle une sanction, et dans un Etat de droit, il appartient au juge d'apprécier la gravité des faits.

Les dirigeants de la société ne peuvent être juge et partie. S'agissant de l'actionnariat d'une compagnie aussi prestigieuse qu'Air France, la loi doit être exemplaire et disposer clairement qu'on ne peut tricher sans conséquence avec le patrimoine national. Elle ne peut laisser penser qu'un préjudice porté à l'entreprise en matière d'actionnariat pourrait faire l'objet de négociation.

M. le Ministre - Avis favorable sur les deux amendements.

M. le Rapporteur - La commission, défavorable à l'exposé des motifs de l'amendement 30, préfère par conséquent l'amendement 10.

M. Jean-Claude Lefort - Stupéfiante argumentation !

M. le Président - En effet, Monsieur le rapporteur, l'on ne vote pas sur l'exposé des motifs. Le texte même des amendements 10 et 30 est identique.

Les amendements 10 et 30, mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 34 tombe.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Jean-Claude Lefort - La représentation des personnels dans les instances dirigeantes de l'entreprise est ou devrait être un facteur de dialogue, de participation et d'implication. C'est aussi un facteur de démocratie qui peut être une richesse pour l'entreprise, en particulier dans les périodes difficiles, en lui permettant de faire les bons choix. C'est pourquoi la loi Le Pors avait accru la représentation des salariés dans les conseils d'administration des services publics comme Air France. Les services publics ont aujourd'hui besoin de plus de citoyenneté, non d'une irruption des marchés boursiers dans leur gestion. Il ne faut pas privatiser Air France : elle marche bien, elle peut nouer des alliances qui conforteront son rôle européen et mondial et lui permettront de remplir, grâce à son statut, ses obligations de service public. Il faut développer un pôle public de transport aérien de qualité - je fais allusion au sort d'Air Lib - qui préserve le rôle de la puissance publique dans la gestion des investissements et du long terme, la desserte générale du territoire, la construction aéronautique.

L'article 2 met en place quatre collèges et crée un collège de cadres. Le Gouvernement espère ainsi orchestrer la division entre les différentes catégories de personnel. Il s'agit de rallier une partie du personnel aux objectifs de la direction. En serait-il besoin si celle-ci privilégiait le développement de l'activité, le service public, une vraie ambition sociale et l'intérêt général ? En opposant les salariés entre eux, vous anticipez l'hostilité que la stratégie d'actionnariat de la direction ne va pas manquer de susciter. Un actionnaire qui veut du rendement ne trouvera aucun terrain d'entente avec le personnel. En multipliant les catégories, vous multipliez les chances pour la direction de se concilier certaines d'entre elles au détriment des autres. Vous soumettez la future entreprise privée au contrôle d'un conseil d'administration « séquencé ». C'est particulièrement dangereux.

Les droits reconnus aujourd'hui aux salariés seront les premiers remis en question, surtout dans une industrie où le capital fixe est lourd et incompressible : la masse salariale sera la seule variable d'ajustement des coûts, il n'est que de voir ce que donne le dumping social dans les compagnies à bas coût.

Diviser la représentation des salariés actionnaires, c'est enfin ouvertement reconnaître l'existence d'un haut et d'un bas clergé de l'actionnariat (Sourires). Une partie des salariés sera la piétaille, l'autre l'aristocratie proche des gagnants de la compétition boursière. La capacité d'épargne des petits salaires de la compagnie est réduite, vous le savez, à la portion congrue. Vous souhaitiez donner une dynamique à Air France. Mais c'est tout le contraire : vous cassez toute dynamique sociale, notamment via la participation des salariés, dans l'entreprise.

Je dirai enfin ceci : quand nous reviendrons aux affaires, Monsieur le rapporteur, Air France et le Gouvernement feront en sorte qu'il existe, dans ce pays, un grand pôle public de transport. Si cela rassure vos futurs actionnaires, bonne chance !

M. Claude Bartolone - Le groupe socialiste est contre ce texte, inopportun compte tenu de la situation des marchés boursiers : il ne répond pas à la demande des usagers et du personnel.

Hier, vous avez dit qu'Air France allait connaître la souplesse du secteur privé. Je ne voudrais pas qu'Air France connaisse le sort de Vivendi, dont on a vu les dérives.

M. le Ministre - Et le Lyonnais ?

M. Claude Bartolone - Etablir un collègue de six représentants n'est pas un bon service à rendre à Air France. Un invité de la commission d'enquête sur le fonctionnement des entreprises publiques a relaté les difficultés d'un conseil d'administration qui, faute d'un point de vue commun des salariés, se transforme en une simple chambre d'enregistrement.

L'émiettement en collèges différents risque de réduire à néant les débats nécessaires aux activités de l'entreprise. Ce n'est pas le face-à-face entre actionnaires et salariés qui, dans le contexte actuel, donnera ses chances à une grande entreprise de transport aérien.

Des tensions se feront sentir, les coûts fixes - achats des avions, droits à payer sur les grandes plates-formes aéroportuaires... - seront difficilement négociables ; les salariés risquent d'être la variable d'ajustement.

Vous réduisez l'importance du conseil d'administration et du conseil de surveillance ; à court terme, les actionnaires se retrouveront ailleurs et prendront les décisions nécessaires à la préservation de leurs intérêts.

M. Jean-Claude Lefort - Notre amendement 21 tend à la suppression de cet article qui fixe des conditions de la représentation du personnel. Car ce qui devrait être un moyen de développer le dialogue au sein de l'entreprise, dans le cadre de la privatisation d'Air France, ne sera qu'un leurre. Les salariés n'ont rien à gagner à ce nouveau statut, bien au contraire. Ils subirons la pression sur l'emploi ; ils seront obligés de négocier une convention collective à la baisse ; la masse salariale sera réduite. La nouvelle ligne de gestion d'Air France suivra celle des compagnies à bas coût, les fameuses low cost. Le personnel n'a rien à attendre d'une gestion dépendante des marchés financiers, et encore moins un retour sur son investissement : depuis sa mise sur le marché, la valeur d'Air France a diminué de moitié. Dans ce contexte, que gagneraient les salariés à l'intéressement ?

Si vous aviez eu le souci des personnels, vous auriez commencé par les consulter. Avant-hier, on a refusé de voter une loi accordant la retraite aux personnes ayant cotisé quarante ans et n'ayant pas atteint l'âge de soixante ans sous prétexte qu'une concertation était ouverte. Aujourd'hui, le personnel d'Air France n'est pas consulté et l'on nous demande de trancher ! Pourquoi, Monsieur le ministre, ne consulteriez-vous pas systématiquement le personnel lors d'un changement de statut des grandes entreprises ?

Organisez un référendum ! Osez avoir le courage de la démocratie ! Osez !

M. Claude Bartolone - J'ai eu l'occasion de défendre l'amendement 54, qui est de suppression, en intervenant sur l'article.

Je voudrais maintenant insister sur la disparition des représentants de l'Etat et des personnalités qualifiées dans le conseil d'administration.

Il y a une autre variable d'ajustement, après les salaires : les frais d'entretien du matériel - ce qui pose la question de la sécurité. Il convient donc de réfléchir à ce que doit être la représentation de l'Etat dans des compagnies aussi importantes.

Monsieur le ministre, vous avez une responsabilité particulière. Après les attentats du 11 septembre, nombre d'entreprises privées américaines de transport aérien ont connu des difficultés. Que l'Etat donne le sentiment de ne plus s'intéresser à Air France constitue un signal négatif à l'endroit des salariés et des usagers.

M. le Rapporteur - Ces amendements m'étonnent : vous réduisez de six à cinq les représentants du personnel ; vous critiquez l'ensemble des organisations syndicales qui ont demandé que les catégories soient maintenues.

L'article 2 précise qu'il y aura un représentant du PNT, un représentant des PNC, un représentant des cadres du personnel au sol, trois représentants des personnels non cadres au sol.

J'ajoute que le texte ne rend pas obligatoire la présence de six représentants. Les statuts peuvent déroger au dispositif de droit commun et aller jusqu'à six. C'est une possibilité.

M. le Ministre - L'article 2 organise la représentation des salariés au sein du conseil d'administration. Vouloir la suppression revient à s'en prendre aux acquis sociaux.

M. Jean-Claude Lefort - Mais non !

M. le Ministre - Cela vous gêne, mais c'est la vérité. C'est depuis le conflit de 1998 que la représentativité des salariés déroge par rapport au droit commun. La cohésion sociale, dans une entreprise, est toujours fragile, des équilibres sont nécessaires.

M. François Asensi - Monsieur de Courson, vous n'allez pas nous faire croire que vous êtes le représentant des syndicats ! Ni vous, Monsieur le ministre !

Il est bien entendu nécessaire que les salariés soient représentés au conseil d'administration. Mais il est clair que la multiplication des collèges est un facteur de division, et ce n'est pas par hasard. On sait très bien que la division ne profite pas aux salariés, mais à la direction.

M. le Rapporteur - Je n'ai jamais prétendu être le représentant des syndicats. Mais j'ai auditionné tous ceux qui ont demandé à l'être : le SNPL, syndicat dominant chez les pilotes, et le syndicat CGC des personnels au sol m'ont demandé cette clause, la CGT m'a parlé d'autres problèmes.

Voter votre amendement reviendrait à supprimer le représentant soit du PNT, soit du PNC, soit des cadres du personnel au sol. Ce serait déstabiliser l'actuelle composition du conseil d'administration d'Air France. Nous ne prendrons pas cette responsabilité.

M. Claude Bartolone - On ne peut pas dans certains conflits regretter, la main sur le c_ur, la division syndicale et l'organiser. Vous, vous l'organisez !

Les amendements 21 et 54, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Odile Saugues - Nous craignons que le changement de statut ne remette en cause la représentation des salariés dans les organes de direction. L'amendement 63 tend à maintenir cette représentation.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné, mais à titre personnel, je vous fais observer qu'il est absolument contradictoire avec votre amendement précédent. Avis défavorable.

M. le Ministre - Le Gouvernement est contre un amendement qui rigidifie les règles du jeu. Nous voulons encourager le dialogue social.

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Michel Pajon - Le Gouvernement montre trop d'empressement à se désengager d'Air France. Non content d'envisager de céder les actifs de l'Etat dans une conjoncture particulièrement défavorable, il programme l'abandon d'un statut du personnel protecteur. Au Sénat, le ministre a présenté cet article comme une avancée sociale car il obligerait à la négociation. Le raccourci est hasardeux. En effet, aucune des dispositions de l'article 3 ne garantit la préservation des acquis sociaux ; il rend au contraire possible une négociation qui les remettrait en cause. C'est la porte ouverte à une régression sociale et on comprend les inquiétudes des syndicats quand on voit les salaires et les conditions de travail pratiquées par certaines compagnies privées.

Le statut du personnel d'Air France, garanti par l'Etat, n'est pas un privilège infondé, mais la contrepartie d'un savoir-faire, de qualifications élevées ou encore de la pénibilité des tâches effectuées. Le risque est grand que disparaisse d'ici deux ans un capital humain qui garantit la qualité et l'image de la compagnie, d'autant que la phase de transition est brève. Qui sait comment va évoluer le marché du transport aérien dans ces deux années ? Qui sait si, dans ce contexte, les négociations collectives ne vont pas imposer des arbitrages défavorables aux salariés ?

Programmer la disparition du statut du personnel dans les deux ans est irresponsable.

M. François Asensi - Sous couvert de négociations, cet article prépare l'alignement du statut des salariés d'Air France sur celui du privé. Ce statut protecteur a en effet toujours été considéré comme un obstacle à la privatisation.

Paradoxalement le Gouvernement semble en même temps vouloir renforcer le contrôle des salariés en étendant l'actionnariat salarié et la représentation du personnel dans le conseil d'administration. Mais la contradiction n'est qu'apparente. L'actionnariat salarié est un leurre et l'augmentation du nombre de représentants vise à diviser pour mieux régner.

Modifier le statut du personnel, c'est préparer une dégradation des conditions sociales. Les compagnies low cost montrent ce qu'on peut en attendre : une politique sociale au rabais. Air France s'était vu fixer des règles de conduite par l'Etat actionnaire et avait refusé de suivre la politique de dumping social de British Airways : à l'époque on présentait cette dernière compagnie comme l'exemple de la libéralisation, aujourd'hui elle est dans le rouge...

Cette politique sociale n'a pas empêché Air France d'être la première compagnie européenne et la troisième au niveau mondial en termes de résultats financiers. Voilà la compagnie que vous voulez vendre au capital privé...

La réussite d'Air France repose avant tout sur le haut niveau et la qualité du travail de son personnel. Toucher au statut de celui-ci remettrait en cause les méthodes de travail : au final, la qualité des prestations et la sécurité des passagers en pâtiront.

C'est pourquoi le groupe communiste et républicain est opposé à cet article et en propose la suppression par l'amendement 22.

Mme Odile Saugues - Cet article 3 consacre en fait la disparition du statut du personnel d'Air France, plus protecteur que le droit du travail. C'est donc une régression sociale programmée. D'où notre amendement de suppression 55.

M. le Rapporteur - La commission a donné un avis défavorable. Contrairement à ce que mes collègues pourraient croire, demain un système de convention collective peut être plus protecteur qu'un statut. Un statut peut être modifié unilatéralement alors qu'une convention ne peut être modifiée que par une négociation.

M. le Ministre - Je suis un peu étonné : l'opposition voulait diminuer la représentation des salariés, et maintenant elle veut leur enlever la possibilité de dialoguer et de négocier un accord d'entreprise !

Le Gouvernement est favorable au dialogue social, et donc défavorable à ces amendements.

Les amendements 22 et 55, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Claude Lefort - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa premier. Je souhaite interroger M. le ministre sur un fait très grave. La presse a fait état cet après-midi d'un accord conclu entre les autorités européennes et américaines, aux termes duquel l'Europe donnerait accès aux Américains aux fichiers de passagers des compagnies aériennes européennes. C'est là une grave atteinte aux droits des personnes, comme l'ont souligné tous les groupes au Parlement européen. C'est un véritable scandale, Monsieur le ministre. Avez-vous été consulté ? Quelle est la position du gouvernement français ? Je demande instamment une réponse sur ce sujet grave, qui met en cause les libertés démocratiques en Europe et en France.

M. le Ministre - Nul besoin de prendre ce ton dramatique. Il y a, en effet, un accord permettant de donner connaissance de l'identité des voyageurs. Dans la situation actuelle, la sécurité doit passer avant tout. Si vous n'êtes pas de cet avis, il faut le dire, et dire pourquoi.

ENTREPRISES DE TRANSPORT AÉRIEN (suite)

ART. 3 (suite)

M. le Rapporteur - L'amendement 11 de la commission vise à offrir plus de souplesse à la société Air France, en lui permettant, si elle le souhaite, d'engager les négociations avec les organisations syndicales représentatives des salariés dès la promulgation du présent texte de loi et, au plus tard, à compter de la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital. Un accord, qui anticipe sur la loi, a été conclu avec plusieurs organisations syndicales pour définir les procédures de négociation de la future convention collective : l'amendement permet de régulariser cet accord.

M. le Ministre - Favorable.

Mme Odile Saugues - Je souhaite revenir sur quelques contrevérités émises dans ce débat par la majorité et le Gouvernement. Vous avez dit, Monsieur le ministre, que les syndicats hostiles à la privatisation avaient été désavouées au sein de la compagnie, lors de l'élection des comités d'établissement et des délégués du personnel. En réalité, sur 38 614 votants, les neuf syndicats de l'intersyndicale qui se sont exprimés contre la privatisation ont recueilli plus de 25 200 voix, soit près des deux tiers des suffrages exprimés. De plus, plus de 14 000 pétitions ont été déposées hier à l'Assemblée. M. de Courson affirme, d'autre part, qu'il a reçu trois syndicats majoritaires dans leurs collèges et qui seraient pour la privatisation. Je l'invite à consulter le site du SNPL : il verra que ce syndicat se prononce contre. La CGC pour sa part n'a jamais dit qu'elle était pour : elle estime que ce débat relève du seul législateur. J'invite donc notre collègue à ne pas faire parler les salariés à sa guise.

Enfin, j'ai demandé en commission des affaires économiques que le Parlement soit informé des résultats d'une enquête commandée par la direction d'Air France. Après tout, l'Etat est encore pour quelques jours l'actionnaire majoritaire de la compagnie, et le Parlement devrait pouvoir se prononcer en connaissance de cause.

M. le Rapporteur - Mme Sauges ne m'a pas bien écouté. Je n'ai pas dit que le SNPL, le syndicat majoritaire chez les PNC, et celui - la CGC - qui est majoritaire chez les cadres du personnel au sol, étaient favorables à la privatisation. Ils m'ont dit qu'ils ne s'y opposaient pas.

M. François Asensi - Ce que vient de dire notre collègue socialiste est important. Hier, Monsieur le rapporteur et Monsieur le ministre, vous avez prétendu que les organisations syndicales opposées à la privatisation étaient minoritaires. Or les deux tiers des salariés leur ont accordé leur confiance, s'opposant ainsi à la privatisation . Vous avez dit le contraire ; vous avez parlé de « cinquante manifestants » et de 5 % de grévistes. Tout cela n'est pas sérieux !

M. le Ministre - Il n'est pas honnête de déformer des propos pour nourrir des procès d'intention. Qu'ai-je dit hier ? Tout d'abord, vous avez annoncé 14 000 pétitions : j'ai rappelé que le personnel d'Air France comptait 70 000 personnes, et que par conséquent les pétitionnaires en représentaient 20 %. Ensuite, il y avait une manifestation contre la privatisation : j'ai fait état de la dépêche de l'AFP qui comptait cent cinquante manifestants. J'ai dit par ailleurs que les syndicats plutôt favorables à la privatisation progressaient, et que ceux qui lui sont hostiles régressaient : je tiens les chiffres à votre disposition.

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Bartolone - Avec l'amendement 56, je souhaite revenir, en m'opposant à toute caricature, sur la représentation des salariés et le problème de la gouvernance d'Air France.

Revenir sur un statut particulier, avec le rapport de forces qui existe au sein de l'entreprise, promettrait beaucoup de plaisir au Gouvernement qui voudrait s'y attaquer... Pour ce qui est de l'amendement, il part de l'idée qu'il serait inéquitable, dès lors que les salariés d'Air France vont perdre à terme le bénéfice de leur statut particulier, qu'ils soient également privés, pendant les deux ans de négociation, des quelques dispositions plus favorables que comporte la convention collective de branche.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. À titre personnel j'y suis hostile, car il va perturber la négociation sociale entre la direction et les syndicats sur la nouvelle convention collective. En outre, le statut est actuellement plus favorable que la convention collective des transporteurs aériens privés. Laissons se mettre en place l'accord d'entreprise, qui ne peut pas être moins favorable.

M. le Ministre - En effet, cet amendement n'apporte rien : soit il y a un accord d'entreprise, soit c'est la convention collective qui s'applique. Défavorable.

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Bartolone - Le statut des personnels, au sol notamment, n'étant pas modifié, la direction continue d'avoir le droit de les mettre à la retraite d'office à soixante ans. Pourtant l'âge normal de départ à la retraite est 65 ans, le départ à 60 ans n'étant qu'une possibilité et non une obligation en droit privé. Or un problème risque de se poser pour ces salariés : l'accord passé au niveau national pour que les caisses de retraites complémentaires puissent servir les retraites à partir de 60 ans est un accord provisoire, qui a été reconduit seulement pour les salariés liquidant leurs droits avant la fin 2003. Par conséquent, à la veille de sortir de son statut public, Air France continuera à disposer pendant deux ans d'un droit qui n'existe pas dans le privé : celui de mettre d'office les salariés en retraite dès 60 ans, quels que soient les risques qui en résultent pour les caisses de retraite complémentaire. Notre amendement 57 a pour objet d'éviter ces risques.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. J'appelle l'attention de M. Bartolone sur le fait que sa rédaction aurait l'effet contraire à celui qu'il vise, puisqu'il maintiendrait le dispositif qu'il souhaite supprimer... Je suis donc contre la rédaction proposée, mais je me réjouis de l'argumentation de M. Bartolone : encourager les citoyens à travailler au-delà de 60 ans, de la part d'un responsable du Parti socialiste, cela témoigne d'un sens élevé de ses responsabilités... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. le Ministre - Je m'étonne aussi de voir les défenseurs de l'immuabilité du statut du personnel prôner le retour au droit commun... L'opposition a voulu tout d'abord réduire la représentation des salariés au conseil d'administration, ensuite supprimer les deux années nécessaires pour une bonne négociation ; maintenant elle préfère le droit commun à un accord collectif ! Défavorable.

M. Claude Bartolone - Trop, c'est trop ! Votre caricature est insupportable. Ce que nous voulons, c'est que les salariés puissent faire entendre au conseil d'administration une parole qui soit utile à eux-mêmes comme à la marche de l'entreprise. Vous ne pouvez pas à la fois regretter les divisions syndicales qui se manifestent parfois et ne pas vous interroger sur les conséquences d'un fonctionnement par collèges.

Quant à la retraite à 60 ans, que Pierre Mauroy a eu le courage de proposer sous les huées de l'opposition de l'époque, les socialistes n'ont jamais voulu en faire un couperet. C'est un droit, mais on doit laisser aux salariés la possibilité de travailler, s'ils le souhaitent, jusqu'à atteindre le maximum de leurs droits, notamment en termes de retraite complémentaire.

M. François Asensi - Puisque M. de Courson veut que les salariés travaillent au-delà de 65 ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je l'invite à aller voir avec moi les travailleurs de Daewoo, de Metaleurop et d'Air Liberté, à qui on ne permet même pas d'aller jusqu'à 60 ans !

M. Jacques Godfrain - Monsieur Bartolone, je vous rappelle que le Gouvernement socialiste a grugé les salariés d'UTA. Aujourd'hui encore, on passe complètement sous silence ce qu'Air France leur doit !

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Asensi - Air France a prouvé qu'une compagnie pouvait obtenir de bons résultats commerciaux sans recourir au dumping social. Notre amendement 31 a donc pour but de laisser aux partenaires sociaux le temps nécessaire pour élaborer la meilleure convention possible, en supprimant tout délai.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. Le texte gouvernemental fixe un délai de deux ans entre la date de privatisation et la date limite de l'accord - en l'absence duquel la convention collective de branche s'appliquerait - et nous avons adopté un amendement qui permet que la négociation s'engage dès la date de publication de la loi. Supposons qu'on privatise dans un an et demi : cela fera au total trois ans et demi. D'ailleurs, les partenaires sociaux trouvent ce délai bien suffisant.

M. le Ministre - Cet amendement vise à figer le statut des salariés d'Air France. Faisons confiance au dialogue social, qui est d'ores et déjà bien entamé. Avis défavorable.

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - J'informe l'Assemblée que je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 58.

Mme Odile Saugues - La guerre du Golfe s'est traduite pour le transport aérien par une crise qui a duré six ans. Les salariés d'Air France ne sauraient être victimes du choix fait par le Gouvernement de présenter un projet de loi de privatisation au moment où risque de s'engager un nouveau conflit en Irak. C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement 58, qu'ils puissent conserver leur statut particulier pendant six ans.

M. le Rapporteur - Non examiné par la commission. A titre personnel, rejet.

M. le Ministre - Madame Saugues, imaginez-vous qu'une négociation dure six ans ? Cet amendement aura eu le mérite de vous permettre de prendre la parole, mais il n'est pas sérieux et témoigne d'une grande méfiance à l'égard des partenaires sociaux ! Vous verrez qu'ils trouveront un accord rapidement.

M. Jean-Louis Idiart - Monsieur le ministre, si nous avions voulu faire de l'obstruction, nous nous y serions pris autrement ! Votre attitude est insupportable. Depuis hier, vous prétendez nous donner des leçons. Oserais-je dire qu'à deux ou trois reprises, c'était en vous adressant à une femme ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 57 voix contre 16 sur 73 votants et 73 suffrages exprimés, l'amendement 58 n'est pas adopté.

Mme Odile Saugues - Notre amendement 64 tend à préciser que le changement de statut d'Air France ne peut pas remettre en cause les contrats de travail du personnel.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. Il paraît superfétatoire à qui connaît les dispositions de l'article 122-12 du code du travail, d'autant que je me suis assuré que les salariés d'Air France disposent actuellement d'un contrat de travail.

M. le Ministre - Même avis que le rapporteur.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. Jean-Pierre Blazy - Je regrette le départ de M. Godfrain, car j'ai cru comprendre qu'il pourrait soutenir mon amendement 39. L'affaire dont il s'agit remonte à une dizaine d'années. En effet, un décret du 18 décembre 1992 a permis, par une fusion inversée, à la société UTA d'absorber juridiquement la compagnie Air France. Pourtant les salariés d'UTA, actionnaires de l'entreprise, n'ont pas été indemnisés à la juste valeur de l'entreprise, à la différence de l'actionnaire principal, puisque leur indemnisation a été calculée non pas sur la valeur d'UTA, mais sur celle d'Air France alors déficitaire. Six mille salariés étaient concernés. Alors que la direction du Trésor avait estimé le montant de l'indemnisation à 600 millions de francs, UTA étant bénéficiaire et vendue plus de 7 milliards de francs, celle-ci a été calculée en 1993 sur la valeur d'Air France. De plus, certains ayants droit ont été oubliés. De nombreux contentieux se sont ensuivis.

Depuis lors, ni les présidents Attali, Blanc et Spinetta, ni aucun gouvernement n'a résolu la question. Il est temps de dénouer la situation et d'indemniser les anciens salariés d'UTA au moyen d'une distribution d'actions.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement. Les tribunaux se sont déjà prononcés. Je suggère à M. Blazy de retirer son amendement, car il critique de fait le gouvernement en place en 1992, qu'il soutenait.

M. le Ministre - La fusion de 1992 a fait naître des contestations de la part d'anciens salariés, qui ont assigné l'Etat devant le tribunal de commerce de Paris. Ils ont fini par se désister. Air France a versé des indemnités aux anciens salariés actionnaires de la société anonyme à participation ouvrière UTA. Des ayants droit avaient été oubliés. Air France a rattrapé cette erreur. Enfin, d'anciens salariés d'UTA ont considéré que leur rémunération n'avait pas été maintenue après la fusion, en infraction avec le code du travail. La Cour de cassation a, pour finir, donné raison à Air France. Il n'y a donc aujourd'hui aucune raison de rouvrir ce dossier, qui au demeurant n'a rien à voir avec la privatisation de la compagnie.

M. Jean-Pierre Blazy - M. de Courson recourt à des arguments trop faciles. Aucun gouvernement, je l'ai dit, n'a réglé la question de façon équitable. Je propose de le faire aujourd'hui.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. François Asensi - L'article 4 illustre les difficultés juridiques qui découlent du changement de statut de l'entreprise. En la circonstance, il y a lieu de prévoir des dispositions spécifiques propres à la composition des organes dirigeants de l'entreprise. En effet, un téléscopage entre l'ancien et le nouveau statut pourrait faire que le conseil d'administration soit momentanément composé des administrateurs issus de la première assemblée générale ayant suivi le transfert au marché, et des administrateurs élus par les salariés avant l'adoption du projet. Il n'y a que les agréments de la privatisation pour nous permettre cette petite gymnastique législative. L'augmentation de la représentation salariale est un argument qui ne trompe personne. Elle ne vise qu'à introduire la division entre ceux qui pourraient faire contrepoids au sein de l'instance dirigeante. Il s'agit surtout d'un grossier alibi au moment où va s'imposer la règle banale du droit des sociétés. L'exigence de rendement boursier va devenir prépondérante dans l'entreprise.

Qu'auraient rapporté aux personnels d'Air Lib, aujourd'hui mis à la porte, deux sièges de plus ? Il ne faut pas se moquer du personnel, qui fait la richesse d'Air France. Il mérite mieux que deux strapontins supplémentaires.

C'est pourquoi notre amendement 23 tend à supprimer l'article 4.

J'ajoute que, selon une dépêche Reuter du 28 février, le quotidien allemand Handelblatt indique que le commissaire européen à la concurrence, Mario Monti, ferait barrage à l'entrée de KLM dans SkyTeam. Où est alors votre stratégie ? En vérité, SkyTeam va être démantelé, et la création d'une nouvelle société européenne à capitaux privés signera la fin d'Air France, avec toutes ses conséquences sur l'aménagement du territoire et le maintien du hub Air France à Roissy.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 40 est également de suppression.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, puisque nous avons adopté l'article 2, que la suppression de l'article 4 viderait de sa substance.

M. le Ministre - Quand de nouveaux actionnaires entrent dans le capital d'une entreprise, la composition du conseil d'administration s'en trouve nécessairement modifiée.

Priver Air France de conseil d'administration pendant des semaines, ou laisser les modalités de renouvellement dans le flou, est-ce raisonnable ?

Où voulez-vous conduire Air France ? Comment cette grande compagnie pourrait-elle fonctionner sans conseil d'administration ?

M. François Asensi - Le flou est de votre côté. Vous allez vendre Air France, sans savoir quand, ni quelle sera la rémunération de l'Etat. Voilà où est l'inconnu. Vous présentez un projet de caractère idéologique sans savoir où vous allez. Vous pilotez à vue, en faisant courir un grave préjudice à Air France.

Les amendements 23 et 40, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 est rédactionnel.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. François Asensi - L'article 5 organise le transfert aux salariés d'actions de l'entreprise en échange de réductions de salaires, ainsi que la restitution à l'Etat des avantages consentis aux salariés par l'entreprise privatisée. Il s'inscrit ainsi dans la bonne tradition libérale, ne visant à rien de moins qu'à transformer radicalement le mode traditionnel de rémunération, fondé sur le salariat. On substitue au statut de salarié et aux droits sociaux qui lui sont attachés le grand mirage du casino boursier. Depuis plusieurs années, les salaires sont quasiment bloqués à Air France. Le cours actuel de l'action est très inférieur au niveau espéré par les salariés : c'est logique dans une branche où les marges n'excèdent jamais 2 % - profit dérisoire au regard des taux de rendement de 15 % qu'exigent les investisseurs et que rapportent les fonds de pension.

La généralisation de l'échange « salaires contre actions » ne pourra être source que de déboires pour les salariés, s'ils ne sont pas purement et simplement escroqués. On leur propose de troquer leur salaire et les droits et garanties qui y sont attachés contre du capital, la stabilité d'un emploi contre la loterie du marché. Bref, vous transférez sur les salariés un risque par nature inhérent au capital et à l'investissement. Les salariés d'US Air ont perdu leur retraite à ce jeu-là, ceux d'United Airlines, propriétaires de leur entreprise, ont le choix entre perdre leur épargne ou perdre leur emploi. C'est la schizophrénie de l'actionnariat salarié dans toute sa splendeur ! Vous voudriez que les salariés les plus modestes, qui n'ont que leur salaire comme moyen d'existence, courent le risque de tout perdre pour un miroir aux alouettes alors que les véritables investisseurs, qui ne jouent que le superflu, pourraient exiger la réduction des coûts du travail tout en refusant le risque qui leur incombe naturellement. Nous ne pouvons que nous opposer à ce système d'échange.

En outre, votre système fait prévaloir l'inégalité. Comment, en effet, celui qui a besoin de l'intégralité de son salaire pour vivre pourra-t-il acheter des actions ? Ce n'est pas sérieux ! Notre amendement 24 vise à supprimer cet article. M. Spinetta a d'ailleurs refusé de rendre public un sondage mené auprès des personnels, dont nous savons qu'ils partagent notre position...

M. le Ministre - Donnez les chiffres !

M. François Asensi - Je ne les ai pas ! Si vous avez les résultats du sondage, de grâce, informez la représentation nationale !

M. Le Garrec remplace M. Raoult au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

M. le Président - Je vous avertis que je serai obligé de suspendre la séance vers 19 heures 30. Il ne tient qu'à vous d'achever le débat d'ici là.

Je considère que l'amendement 41 a été défendu.

Les amendements 24 et 41, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Le Gouvernement n'avait pas envisagé que la demande des salariés puisse excéder l'offre, c'est-à-dire les 6 % du capital. L'amendement 13 vise donc à mettre en place, le cas échéant, un mécanisme de réduction.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 14, 15, 16 et 17 sont rédactionnels.

Les amendements 14 à 17, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 entend faire préciser par le Gouvernement le caractère fiscalement déductible du coût remboursé par Air France à l'Etat lors de l'attribution gratuite d'actions aux salariés en échange de réductions de salaires. Il convient que l'Etat ne paye pas indûment davantage que le montant induit par la compensation de la baisse des salaires. La commission est prête à retirer cet amendement au bénéfice des éclaircissements que le ministre pourra donner.

M. le Ministre - Ce remboursement comprend effectivement une partie des actions attribuées aux salariés en contrepartie d'une réduction des salaires. C'est une charge pour l'entreprise. Je vous confirme donc qu'elle est déductible du résultat imposable de la société. Je pense donc que vous pouvez retirer votre amendement.

L'amendement 18 est retiré.

M. le Ministre - L'amendement 38, qui tient compte des propositions de la commission, précise la juridiction compétente en cas de litige se rapportant à la convention passée entre l'Etat et Air France et les seuls recours possibles : ceux des actionnaires.

M. le Rapporteur - La commission avait adopté l'amendement 19. Celui-ci étant satisfait par l'amendement du Gouvernement, elle retire le sien au profit de l'amendement 38.

L'amendement 38, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Idiart - La possibilité de souscrire à une opération d'échange salaire-action ne doit pas remettre en cause à terme le niveau de pension de retraite des salariés. Il faut donc mettre en place un mécanisme permettant de cotiser au titre de l'assurance vieillesse pour un niveau équivalent à celui précédant l'échange, afin de ne pas priver ce régime de ressources, tout en prévoyant, à terme, la prise en compte de ces cotisations pour déterminer la pension. C'est ce à quoi tend l'amendement 42 rectifié.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis personnellement défavorable. Cette disposition ne figurait pas dans la loi de 1998, que vous avez votée. Un avantage important est déjà consenti, nous ne pouvons aller plus loin. En outre, il s'agit d'un choix purement individuel.

M. le Ministre - Pour des raisons juridiques, le Gouvernement ne peut souscrire à cet amendement, qui ne serait pas opposable aux régimes de retraite.

L'amendement 42 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Michel Pajon - Le Gouvernement a présenté l'article 6 comme un article de pure forme, visant à abroger des dispositions tombées en désuétude. La réalité est tout autre : soustraire Air France à ses obligations en matière d'aménagement du territoire n'est pas anodin. En supprimant l'obligation pour la compagnie de garantir certaines liaisons nationales, le Gouvernement cède à ses préjugés idéologiques, au mépris du principe de continuité du service public.

Une fois privatisée, Air France pourrait abandonner les lignes les moins rentables en conservant un quasi-monopole sur les liaisons les plus profitables. Nous rejetons cette perspective de dérégulation. Chaque fois que cet argument vous a été opposé au Sénat, Monsieur le ministre, vous avez esquivé la question en vous abritant derrière un service universel qui reste à définir au niveau communautaire. Selon vous, les appels d'offres pallieront le risque de déshérence des lignes d'intérêt régional. Vous vous enfermez ainsi dans une idéologie qui relève de l'utopie libérale. Rien n'exclut en effet l'échec des appels d'offres. Certaines liaisons ne pourraient alors plus être assurées, y compris par les compagnies low cost.

Vous avez également évoqué la possibilité de réquisition d'Air France, mais vous n'avez pas jugé utile de l'inscrire dans la loi, préférant garder un silence révélateur. Vous avez d'ailleurs ironisé sur l'utilité des liaisons du type Paris-Rodez à 50 €. De tels propos ne rassurent pas nos concitoyens d'outre-mer, inquiets des conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles seront assurées les liaisons aériennes avec la métropole après le dépôt de bilan d'Air Lib. Nous ne pouvons nous satisfaire de vos déclarations contradictoires et du manque de garanties de votre texte en matière d'aménagement du territoire et de continuité du service public.

M. François Asensi - Je défends dès maintenant l'amendement de suppression 25.

L'article 6 sonne le glas de la tutelle du ministre des transports sur Air France. Voilà qui lui laissera tout loisir de préparer la libéralisation totale du transport ferroviaire à l'horizon 2008. L'article supprime également toute référence aux obligations de service public et à l'intérêt général. C'est là l'un des risques majeurs de cette privatisation : le sacrifice de l'intérêt général aux intérêts privés. Sans cahier des charges, rien n'aurait empêché Air France de faire du dumping social, à l'instar de British Airways, longtemps présentée comme modèle et qui perd désormais des emplois et de l'argent. Sous la précédente présidence d'Air France, il a fallu l'intervention du Président de la République pour que la compagnie ne s'équipe pas exclusivement en Boeing. On le voit, toucher à l'un des éléments de la filière aéronautique française affectera l'ensemble.

L'Etat ne se donne pas les moyens d'une politique d'aménagement du territoire. La privatisation d'Air France aura des conséquences sur les aéroports parisiens ; certaines dessertes régionales non rentables sont menacées si elles devaient être maintenues sous perfusion par l'Etat, c'est tout un système de péréquation qui serait cassé. Le contribuable ne s'en sortirait pas mieux.

Le Gouvernement se prépare à privatiser les services publics dans leur ensemble. Certains d'entre eux, comme La Poste, par exemple, se dégradent. Mais la privatisation n'est pas une solution ; cette dégradation est le produit d'une filialisation des activités les plus rentables et d'une gestion qui prépare au passage dans le secteur privé avec l'abandon, ô combien symbolique, du terme « usager » au profit de celui de « client ».

Ne restent dans le domaine public que les activités les moins rentables, avec une augmentation des tarifs pour les usagers. Nous sommes donc favorables à la suppression de cet article.

Mme Odile Saugues - L'amendement 43 est également de suppression.

Il est intéressant d'aborder ce projet de loi sous l'angle de l'aménagement du territoire. Selon vous, Air France n'a pas vocation à être une entreprise publique non plus qu'à contribuer à l'aménagement du territoire. M. de Robien a estimé que des entreprises privées pourraient se voir confier des dessertes dans le cadre de cet aménagement.

Ces dernières semaines, Air France et ses filiales régionales se sont substituées à Air Lib défaillante...

M. le Rapporteur - Et Corsair !

Mme Odile Saugues - ... et c'est ainsi que Perpignan, Lannion et Annecy sont à nouveau desservis. N'est-ce pas la démonstration qu'Air France, entreprise publique, tient toute sa place dans la logique d'aménagement du territoire ?

Elle était intervenue en moins de soixante-douze heures pour rétablir le trafic aérien vers la Guadeloupe après le passage du cyclone Hugo en septembre 1989.

Comment une telle performance sera-t-elle encore possible après l'adoption de votre texte ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Que dit l'article L. 342-2 ? « Sous réserve des dispositions applicables aux obligations de service public imposées sur les services aériens réguliers intracommunautaires, les obligations qui sont imposées à la société Air France dans l'intérêt général font l'objet de contrats préalables assortis de cahiers des charges passés entre la société, d'une part, et l'Etat, les collectivités publiques de métropole et d'outre-mer, d'autre part. »

Dès lors qu'Air France est une société privée, c'est le règlement du conseil qui s'applique. Cela ne changera rien sur les contrats passés.

Corsair n'est pas une société publique ; elle opère néanmoins des dessertes dans des cadres contractuels ou en Corse, où il y a eu des appels d'offres.

M. le Ministre - Avis défavorable.

Les amendements 25 et 43, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Louis Giscard d'Estaing - L'amendement 66 s'inscrit dans la lignée des arguments développés par M. le rapporteur. Trois filiales d'Air France - régionale CAE, Brittair et Proteus - ont été acquises à 100 % et n'ont pas été fusionnées. M. le rapporteur dira, à juste titre, que l'article 6 concerne la seule société Air France. Mais ces lignes sont parfois en situation d'exclusivité et exercent des missions d'intérêt général dans le cadre de l'aménagement du territoire ; elles peuvent donc relever du FIATA. Après mes collègues Jean Proriol et Jérôme Chartier, je rappelle que le FIATA doit perdurer pour permettre aux filiales d'Air France d'assurer leurs missions.

M. le Rapporteur - Cet amendement est juridiquement inutile mais politiquement pertinent.

M. le Ministre - Comme il est alimenté par les taxes sur les billets d'avion, le FIATA doit en effet être renforcé. Néanmoins il faut trouver un équilibre pour ne pas augmenter à l'excès les prix des billets.

En ce qui concerne l'aéroport de Clermont-Ferrand, je vais demander à Air France et à mes services d'étudier les moyens d'y maintenir une activité élevée ; j'organiserai alors une réunion entre la compagnie, mes services et les élus.

Si ces précisions répondent à vos préoccupations, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

L'amendement 66 est retiré.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 47 est défendu.

M. le Rapporteur - Il n'a pas été examiné en commission, mais je vous propose de le retirer, car fixer la durée de vie d'un avion ne me paraît pas relever de la loi.

L'amendement 47 est retiré.

M. Jean-Louis Idiart - Il existe deux fonds de péréquation, l'un pour Roissy, l'autre pour Orly. Créés en 1997, ils ont permis une meilleure répartition des recettes engendrées par l'augmentation du trafic. Il convient de relever les sommes perçues et de faire participer le principal générateur de nuisances sonores - Air France - au développement des zones riveraines des aéroports de Roissy et d'Orly. Tel est le sens de l'amendement 48.

M. le Rapporteur - Il n'a pas été examiné en commission, mais il est hors sujet.

M. le Ministre - Je confierai prochainement à un parlementaire la mission d'évaluer les retombées économiques des aéroports. C'est dans ce cadre que la question des fonds de péréquation sera examinée.

Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Jean-Louis Idiart - Si nous participons à ces travaux.

M. le Ministre - Bien entendu.

L'amendement 48 est retiré.

Mme Odile Saugues - L'amendement 65 a le même esprit que l'amendement 44 mais il va plus loin, notamment en prévoyant d'associer les collectivités locales aux conventions qui, dans chaque région française, seraient signées entre l'Etat et les sociétés de transport aérien avant le premier janvier 2004.

La privatisation d'Air France inquiète de nombreux élus locaux, qui constatent que la desserte régionale est déjà insuffisante. J'en veux pour preuve l'avis rendu par 106 présidents de conseils régionaux, généraux et de chambres de commerce et d'industrie sollicités dans le cadre d'un rapport d'information sénatorial.

Il faut donc donner un nouvel élan aux dessertes régionales pour relancer la dynamique d'aménagement du territoire.

Ces amendements tendent à contenir les effets pervers de la privatisation de la compagnie nationale.

Nous proposons que des conventions soient signées dans toutes les régions d'ici le 1er janvier 2004 et qu'elles permettent aux collectivités locales de se retourner contre les sociétés de transport aérien qui renieraient leurs engagements.

M. François Asensi - C'est positif !

M. le Rapporteur - Le problème de la desserte équilibrée des régions est réel. Mais vous ne l'abordez pas de la bonne façon. Vous ne pouvez pas obliger une compagnie à signer une convention. Il faut que l'Etat, en liaison avec les collectivités locales, définisse une mission de service public et fasse un appel d'offres, puis précise, dans la convention conclue avec la compagnie retenue, les modalités de contrôle et les sanctions s'attachant au non-respect de ses obligations.

Le ministre a chargé l'inspection générale de l'aviation civile d'une mission sur ces questions et nous en attendons les résultats.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. le Ministre - Même avis. Ces deux amendements sont contraires à la réglementation européenne.

Mme Odile Saugues - Je suis étonnée de ces réponses car l'idée de cet amendement a été avancée dans un rapport sénatorial par M. Christian Poncelet. Si la rédaction pose problème, nous pouvons l'améliorer d'ici la deuxième lecture.

M. le Ministre - J'ai beaucoup de respect pour le président Poncelet, mais j'ai aussi beaucoup de respect pour la construction européenne. Avis défavorable.

L'amendement 65 n'est pas adopté, non plus que l'amendement 44.

M. Victorin Lurel - L'amendement 59 vise à assurer une desserte équilibrée des collectivités d'outre-mer à un prix raisonnable. Les assurances qui nous ont été prodiguées hier ne nous suffisent pas. Les articles du code de l'aviation civile que vous abrogez par l'article 6 devaient permettre d'imposer à Air France la desserte de tous les points du territoire à un prix acceptable. Aujourd'hui, les tarifs ne sont pas acceptables.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré, lors de votre audition par le Sénat, que l'abrogation de l'article L. 342-2 obligeait à s'interroger sur un nouveau cadre pour les missions d'intérêt général du transport aérien et que vous aviez lancé une réflexion pour définir ces missions et leurs modalités d'exercice.

Puisque vous ne savez pas quelles missions d'intérêt général confier aux transporteurs, je vous propose de conserver la législation actuelle et de la mettre au service de cette obligation constitutionnelle qu'est la continuité territoriale.

A la suite de la liquidation d'Air Lib, un collectif antillo-guyanais s'est constitué et a rédigé un manifeste contre l'abus par Air France et Corsair de leur situation de monopole sur les lignes d'outre-mer. Les tarifs ont fortement augmenté, particulièrement dans les périodes de congés scolaires, et atteignent aujourd'hui un niveau prohibitif : un smicard des DOM accompagné de son épouse et de ses trois enfants de plus de 12 ans devra dépenser sept à neuf mois de salaire pour l'aller-retour !

Pourtant ces mêmes compagnies pratiquent des tarifs deux à quatre fois moins élevés pour les Etats-Unis ou l'Australie : elles prennent 1 300 € pour aller aux Antilles, 580 € pour les Etats-Unis !

Les Antillais, les Guyanais et les Réunionnais travaillant en métropole sont pris en otage et de fait séparés de leur famille. En outre, ces tarifs dissuadent les touristes et accroissent les difficultés économiques de ces départements.

Que reste-t-il du principe de continuité territoriale ? Il y a entente sur les prix entre les deux compagnies, ce qui ne permet pas le jeu de la concurrence (« Vous êtes un vrai libéral » ! sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et obtenir d'Air France et de Corsair des tarifs plus acceptables. On organise la privatisation sans combattre le monopole ! Il faut imposer aux deux compagnies des obligations de service public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - La desserte des DOM et des TOM fait partie des 6 % du chiffre d'affaires d'Air France correspondant à une mission de service public.

Vous avez développé une argumentation très libérale ! Le seul moyen de faire baisser les prix, c'est effectivement la concurrence. Grâce à la privatisation d'Air France et à l'application de la directive communautaire, ces lignes seront remises en concurrence et les tarifs baisseront.

Avis défavorable à l'amendement.

M. le Ministre - M. Lurel a raison de se plaindre des tarifs excessifs, mais je lui fais observer qu'ils sont pratiqués par une compagnie nationalisée ! Ce n'est donc pas le statut public qui garantit des prix raisonnables. Le projet a justement pour objet de modifier cette situation.

Mme Girardin prépare un projet de loi très complet sur l'outre-mer, qui traite aussi de la continuité territoriale et de la réduction du coût des transports.

Avis défavorable.

M. Victorin Lurel - C'est parce que l'Etat ne joue pas son rôle de gestionnaire que les tarifs sont prohibitifs. Cette ligne est rentable, mais on l'utilise pour compenser les déficits sur d'autres lignes. Quant à la loi-programme sur l'outre-mer, c'est un serpent de mer, c'est le monstre du Loch Ness !

M. le Ministre - Elle a été présentée ce matin au Conseil des ministres.

L'amendement 59, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Louis-Joseph Manscour - Nous proposons un amendement 61.

Hier, le ministre a parlé d'indécence à propos des arguments avancés par mon collègue Lurel. Tous les amendements proposés ont été rejetés.

Mais c'est un fait que la privatisation inquiète les élus d'outre-mer. On passe de la garantie du service public à la course à la compétitivité. Il y a donc lieu de s'inquiéter pour l'application du principe de continuité territoriale et pour l'avenir du tourisme dans les Antilles françaises.

Contrairement à ce qu'a dit le ministre, le flux des passagers entre Paris et Fort-de-France ne cesse de baisser. Dans une logique de marché, assisterons-nous vraiment à une compétition entre compagnies aériennes ou bien à un retour au quasi-monopole d'Air France et à une flambée des tarifs ? Par quelles mesures entendez-vous faire en sorte, Monsieur le ministre, que la privatisation d'Air France s'opère en garantissant la continuité territoriale ? Celle-ci répond au principe d'indivisibilité de la République. Vous avez évoqué une aide annuelle de 200 € pour les résidents d'outre-mer : aux prix actuels, cela représente 20 % du prix d'un voyage en classe économique, alors que l'aide est de plus de 30 % pour la Corse ; quant au Portugal et à l'Espagne, ils apportent des aides de 33 à 35 % à leurs citoyens des Açores et des Canaries. Si vous n'apportez pas de garanties suffisantes, la privatisation d'Air France se traduira par une flambée des prix, au grand détriment des résidents comme du tourisme, et par une méconnaissance des principes fondamentaux du service public. Je ne suis pas pessimiste, mais réaliste, et je vois se dessiner un avenir où il n'y aurait plus seulement la France d'en haut et la France d'en bas, chères à M. Raffarin, mais la France d'ici et la France de là-bas... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Je suis désolé que votre intervention se passe à cette heure tardive, et dans des conditions d'expression resserrée. Croyez bien que ce n'est lié ni à votre personne, ni à la nature des problèmes dont vous traitez.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement 61. A titre personnel, j'y suis défavorable. Notre collègue procède à une grave critique du service public : il est dur envers ses amis, je le dis en me tournant vers un membre éminent de l'ancien gouvernement... Vous êtes contre le monopole, et vous faites une critique libérale du système actuel : vous devriez voter le projet !

M. le Ministre - L'amendement de M. Manscour ne serait pas conforme au droit communautaire. Les problèmes qu'il pose sont réels, et bien connus. Je l'invite à lire le texte que Mme Girardin a présenté ce matin en Conseil des ministres, et qui aborde tous les problèmes - transport, logement, charges, investissement... Nous ferons le point en deuxième lecture, et verrons dans quelle mesure vous y aurez trouvé des motifs de satisfaction.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Odile Saugues - Notre amendement 45 concerne les compagnies low cost, dont le développement nous interpelle. Leurs pratiques commerciales et sociales traduisent un ultralibéralisme virulent. L'une exige l'hébergement par une collectivité locale, l'autre qu'un conseil régional assure sa communication pendant quinze ans...

Votre projet n'a qu'une obsession : le statut d'Air France. Nous proposons d'en élargir le champ à des pratiques qui posent de vrais problèmes. Notre amendement tend à créer dans chaque région une commission chargée de contrôler les aides publiques accordées aux compagnies aériennes pour en mesurer l'impact sur les territoires. Nous proposons que les aides puissent être suspendues ou retirées quand les compagnies ne respectent pas leurs engagements. Votre majorité, qui veut créer une commission d'enquête sur les fonds publics perçus par Air Lib, ne manquera pas de soutenir notre initiative.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Il pose un vrai problème, et c'est l'un des points que, comme rapporteur du budget de l'aviation civile, je vais essayer de contrôler. Mais l'outil que vous proposez est inadapté. La solution, c'est d'instaurer une vraie politique de concurrence et de faire respecter les règles élémentaires de la concurrence.

M. le Ministre - Il est exact que des pratiques anormales ont lieu dans certaines compagnies low cost. Je crois que les tribunaux sont déjà saisis de certains cas. Mais ce n'est pas le rôle d'une commission régionale : c'est celui de la Cour des comptes, des tribunaux de commerce, et de la Commission européenne. Le Gouvernement ne souhaite pas ajouter à la complexité. Avis défavorable.

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Odile Saugues - L'amendement 46, sur lequel notre groupe demande un scrutin public, concerne les hubs et les lignes qui transitent par ces plates-formes, lignes qui ne sont pas éligibles au FIATA. Ces lignes et ces plates-formes rencontrent déjà bien des difficultés, mais la privatisation d'Air France va les aggraver. Comme le souligne le rapport d'information du Sénat sur l'avenir des dessertes aériennes régionales, le groupe Air France a aujourd'hui en charge, de fait, la politique française d'aménagement du territoire relativement à ces dessertes. Mais les logiques industrielles ne sont pas toujours compatibles avec celles de l'aménagement du territoire et du service public. Il faut donc conforter les hubs régionaux. Auditionné le 28 mars au Sénat, M. Spinetta demandait un assouplissement des critères d'éligibilité au FIATA. Notre amendement demande un rapport au Gouvernement sur ce problème, auquel les élus du Puy-de-Dôme, de toutes tendances, sont sensibles.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Il pose, lui aussi, un vrai problème, mais il est sans lien avec l'objet du projet. En outre, à quoi bon demander un énième rapport ? Il y a des commissions parlementaires qui travaillent sur ces questions : qu'elles fassent des propositions, en liaison avec le Gouvernement. J'indique par ailleurs à Mme Saugues qu'il est inexact de dire que les lignes transitant par les plates-formes de correspondance régionales ne sont pas éligibles au FIATA : certaines le sont.

M. le Ministre - Outre le fait que cet amendement constitue un cavalier législatif, je rappelle qu'une mission d'information parlementaire est constituée depuis l'automne pour réfléchir sur l'avenir des aéroports en France. J'ai indiqué, en réponse à M. Giscard d'Estaing, l'importance qu'attache le Gouvernement à une desserte équilibrée du territoire ; et je suis prêt à engager une réflexion sur l'avenir du hub de Clermont-Ferrand.

A la majorité de 37 voix contre 16, sur 54 votants et 53 suffrages exprimés, l'amendement 46 n'est pas adopté.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet auraient lieu mardi 18 mars, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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