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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 88ème jour de séance, 213ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 21 MAI 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      ADAPTATION DE LA JUSTICE
      AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 19

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 25

      ARTICLE PREMIER 25

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 22 MAI 2003 30

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

M. le Président - Nous poursuivons la discussion générale.

M. Jacques Floch - M. Vallini et M. Le Bouillonnec ont dit tout le bien que nous pensons de votre projet (Sourires). Je traiterai pour ma part des dispositions relatives à la lutte contre la criminalité internationale. Dans l'Europe des Quinze, bientôt celle des Vingt-cinq, les frontières n'existent plus pour les criminels. En créant Interpol il y a plus de 70 ans, et Europol il y a cinq ans, les Etats ont montré, avec beaucoup de retard, leur volonté de s'opposer à cette délinquance organisée. Mais la France reste trop timide. La Chancellerie n'est pas farouchement internationaliste, ni même chaudement européenne, comme on le voit avec le système Eurojust. Seuls quelques magistrats, quelques policiers savent l'intérêt d'une collaboration loyale et d'échanges d'informations sans arrière-pensée.

A la demande du président de la délégation pour l'Union européenne, je viens de terminer un rapport sur Europol. L'absence de la France m'a quelque peu effaré. Qu'est-ce qui la justifie ? La routine, la méconnaissance des mécanismes et des autres systèmes, la crainte d'une déperdition d'informations, la langue, mais aussi la prétention de certains de nos partenaires quant à leur système policier et judiciaire. C'est après une discussion ardue que la Convention a décidé d'inscrire dans le projet de traité institutionnel la reconnaissance mutuelle de nos systèmes judiciaires.

Il vous faudra à coup sûr, Monsieur le Garde des Sceaux, beaucoup de pédagogie et d'autorité pour faire appliquer cette nouvelle législation. Il vous faudra convaincre les responsables politiques et même les ministres que « l'eurocrime » est bien une réalité. Il y a quinze jours, le ministre de l'intérieur n'en connaissait que deux catégories. Pourtant depuis le 1er janvier 2002, Europol est compétent pour vingt-cinq types d'infractions, délits et crimes.

Bien entendu, en démocratie la police est sous le contrôle du juge. Ce doit être le cas en Europe. Mais la justice européenne n'existe pas. Dans ce domaine particulier, votre projet apporte de premiers éléments de réponse. Actuellement, les demandes entre pays transitent par la voie diplomatique dans le respect des garanties qu'assure le droit français ; mais ces procédures sont longues et fastidieuses et obligent à des interventions externes. Si votre projet est appliqué loyalement, les demandes urgentes seront transmises directement au magistrat étranger compétent et à sa hiérarchie. Les demandes de nature à porter atteinte à l'ordre public et aux intérêts de la nation seront transmises au parquet et le Garde des Sceaux en assumera la responsabilité politique.

Pour de telles responsabilités, on recourra à des équipes mixtes d'enquêteurs, policiers et magistrats. Cela vaudra pour l'Union européenne, mais aussi pour les pays avec lesquels nous avons signé une convention, ce qui n'est pas sans poser problème. Par exemple, nous en avons une avec les Etats-Unis, mais ils ne protègent pas les données individuelles et n'ont pas l'équivalent de la CNIL. L'activité des agents étrangers demandera donc un bon encadrement et un contrôle judiciaire. La France doit assumer ses responsabilités et ne doit pas laisser d'autres parler en son nom au sein d'Eurojust. Pourtant, nous sommes loin du compte. Tous, nous en portons la responsabilité.

J'ai l'honneur de représenter notre assemblée dans l'instance où se joue l'avenir de l'Europe. Tous nous voulons qu'elle soit un ensemble libre et démocratique. Notre justice doit y être présente pleinement.

Par ailleurs, j'ai apprécié le rapport de M. Warsmann sur l'évolution des peines. Lorsque nous avions essayé d'en traiter il y a quelque temps, quel tollé à droite sur cette gauche laxiste et « complice des délinquants » ! J'espère que M. Warsmann n'est pas complice des délinquants ; je sais qu'il n'est pas laxiste.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois - Merci.

M. Jacques Floch - Je connais votre humanisme. Vous osez reprendre des propositions qui nous sont communes. En le disant, j'espère ne pas vous faire tort auprès de vos amis. Je crois comprendre que la politique du tout sécuritaire commence à poser problème. Par exemple, Monsieur le Garde de Sceaux, il se dit et s'écrit que dans quelques semaines l'administration pénitentiaire ne sera plus en mesure d'assurer l'entretien des détenus. Si ce n'est pas le cas, il faudrait tordre le cou à ce « canard ». La politique du tout-sécuritaire a conduit en prison près de 60 000 personnes. L'an dernier, 80 000 y étaient passées, cette année elles seront 100 000. Cela commence à avoir un coût élevé, y compris un coût social.

Mais pour terminer sur l'action internationale, vos propositions sont convenables. J'espère que vous pourrez les faire appliquer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - Ce projet a fait couler beaucoup d'encre. Rappelons qu'il a pour but principal de lutter contre la criminalité organisée. Trop souvent, nous avons l'impression que la grande criminalité se résume à la mafia sicilienne, concurrencée récemment par la mafia russe, et aux triades chinoises. Mais, avec la mondialisation, les réseaux criminels couvrent la planète, se livrent à tous les trafics, maîtrisent des pans entiers de l'économie.

Très organisés, ils s'appuient sur la petite criminalité pour développer leurs activités clandestines. On ne saurait donc lutter durablement contre la grande criminalité transnationale sans s'attaquer dans un premier temps à une petite délinquance qui est le premier maillon de la chaîne. Les moyens que vous proposez sont des éléments utiles dans ce dispositif global.

Mais le mieux ne doit pas être l'ennemi du bien. Moyens extraordinaires, juridictions supplémentaires, procédures nouvelles... Prenons garde à l'empilement législatif. Par exemple, le projet crée un quatrième régime de garde à vue, qui se superpose aux trois existant déjà dans notre procédure pénale. Les magistrats avouent que la succession de réformes du code de procédure pénale provoque des confusions très préjudiciables pour eux et pour les justiciables. Surtout, les risques de nullité de procédure ne cessent de s'accroître, au profit des délinquants toujours prompts à soulever des vices de procédure, réduisant ainsi à néant les efforts des policiers et des juges. Ne compliquons pas, Monsieur le ministre, la tâche de ces professionnels en les obligeant par notre activisme législatif à des remises à niveau juridique chaque année ! Je sais que ce souci est partagé par nombre de nos collègues et que M. Warsmann a proposé un amendement uniformisant les régimes de garde à vue.

Le projet comporte des dispositions relatives aux repentis. L'expérience de l'Italie, du Canada et des Etats-Unis nous enseigne que pour être efficace, ce type de mesures doit s'accompagner d'un dispositif complet de protection. On se rappelle en effet qu'en Italie, des repentis célèbres comme Tommaso Buscetta ou Salvatore Contorno ont respectivement perdu dix et trente-cinq membres de leur famille et entourage, à titre de représailles. Or, votre texte ne parle pas d'un dispositif global de protection, assistance et réinsertion, se contentant de quelques lignes sur la protection. On pourrait me rétorquer que la France n'est pas confrontée au même phénomène mafieux que l'Italie. Mais en réalité la mondialisation nous a montré que le phénomène mafieux dépasse désormais les frontières - voyez par exemple, au c_ur de Paris, la violence qui règne au sein de la communauté chinoise, où la mafia locale gère un grand nombre d'activités clandestines - et il faudrait donc prévoir des quartiers particuliers dans les établissements pénitentiaires, une structure de réinsertion... Soit la France ne possède pas de culture mafieuse et alors la possibilité qui est offerte aux repentis est inutile, soit on considère qu'elle est touchée elle aussi et il faut alors se donner les moyens d'éradiquer ce phénomène. Le groupe UDF proposera un amendement de suppression de cet article, non pas que nous y soyons opposés sur le fond mais parce qu'il nous apparaît nécessaire de prévoir un dispositif complet.

Nous sommes tous conscients du fait que la lutte contre l'insécurité suppose une mobilisation de toute la chaîne pénale. Le ministre de l'intérieur nous a proposé un texte sur la sécurité intérieure, le présent projet semble être une deuxième étape. Il faudra aussi envisager des mesures concernant l'emprisonnement, car l'actuel taux d'exécution des peines montre bien que des solutions doivent être trouvées rapidement, en particulier pour remédier à la surpopulation carcérale qui empêche la prison de remplir correctement ses fonctions, notamment celle de réinsertion.

Que signifie adapter la justice ? Est-ce donner des nouveaux pouvoirs, des pouvoirs extraordinaires, est-ce créer des procédures particulières et de nouvelles infractions ou bien est-ce changer de système ?

Votre texte, Monsieur le ministre, comprend tout cela. Il crée de nouvelles infractions, auxquelles une procédure particulière s'appliquera, et institue de nouvelles juridictions, spécialisées, qui seront compétentes pour toutes ces infractions et qui seront ainsi mieux à même de combattre le fléau de la criminalité organisée. Cette nouveauté fait l'unanimité parmi les professionnels.

Le projet étend aussi les compétences d'institutions déjà en place. Il est ainsi conféré au procureur des pouvoirs extraordinaires, par exemple la possibilité de mener une enquête de flagrance durant quinze jours ou celle de diligenter des écoutes téléphoniques... Le juge des libertés et de la détention se voit quant à lui renforcé dans son rôle et son avis devient obligatoire dans un certain nombre de domaines. Le juge d'instruction, clé de voûte inévitable de l'enquête criminelle, ne reçoit, lui, aucune extension de compétence, ni aucun pouvoir supplémentaire, et ce alors que les affaires de grande criminalité sont souvent très complexes et présentent des ramifications très obscures, qui nécessitent des investigations à long terme. Qui mieux que le juge d'instruction peut mener ce type d'enquête ? On peut s'étonner que ce texte, qui veut lutter contre les réseaux mafieux, ne donne pas de moyens supplémentaires à la seule institution habilitée à le faire. Seul le procureur acquiert des pouvoirs supplémentaires au stade de l'enquête. Certes, les juges d'instruction auront plus de temps pour mener des enquêtes dans la mesure où on réduira de 20 à 30 % les dossiers qui leur seront confiés. L'intention est louable, mais n'est-ce pas à terme une disparition des juges d'instruction qui se profile ?

Les lois du 23 juin 1999 et du 15 juin 2000 avaient déjà renforcé le rôle du parquet. Ce projet, qui confie aux procureurs de nouveaux pouvoirs d'enquête et qui étend les mesures de composition pénale, s'inscrit dans leur droite ligne. Je vous pose donc la question : quelle place veut-on réserver au juge d'instruction dans l'avenir ? Va-t-on vers une procédure accusatoire ? Je rappelle que le juge d'instruction est présent pour mener une enquête à charge et à décharge, indépendamment de toute hiérarchie, et qu'il assure une certaine égalité de traitement, valeur maîtresse de notre procédure. Bien évidemment le juge d'instruction fait peur, de par son indépendance et de par ses pouvoirs. Mais je ne crois pas que la solution aux problèmes que rencontre la justice passe par sa disparition.

La composition pénale et le « plaider coupable » représentent une alternative aux poursuites quand celles-ci ne semblent pas utiles. Il suffit de se rendre à une audience correctionnelle pour constater la rapidité avec laquelle sont traités les dossiers. On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité de renvoi devant une juridiction d'instruction ou de jugement. Vous avez tranché en institutionnalisant une pratique couramment utilisée outre-Atlantique : la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou, dit plus simplement, « le plaider coupable ». Cette mesure a le mérite d'aboutir à une réponse pénale rapide et pourra contribuer à désengorger les tribunaux. Nous pouvons donc nous en féliciter.

Quant à la transaction pénale, elle peut être encouragée mais dans des limites raisonnables. Néanmoins, nous nous interrogeons sur cette dose d'américanisation de la procédure. Je ne voudrais pas qu'elle nous entraîne dans les dérives de la justice américaine. En outre, si l'on décidait d'appliquer totalement en France une procédure telle que le « plaider coupable », il faudrait commencer par rendre le parquet indépendant, ce qui est loin d'être le cas.

Soit nous décidons d'appliquer une procédure accusatoire et nous nous en donnons les moyens en rendant le parquet indépendant et en faisant disparaître le juge d'instruction, soit nous cessons d'introduire des mesures comme celle qui nous est présentée. Je ne suis pas hostile à une modernisation de notre système judiciaire et à des solutions destinées à redonner confiance aux Français dans leur justice, mais je crains, Monsieur le ministre, que cette réforme ne fasse perdre à notre procédure son identité et son efficacité. La procédure française se caractérise en effet par son aspect mixte, empruntant à la fois au système accusatoire, notamment durant le jugement, et au système inquisitoire, à travers l'instruction.

Nous sommes attachés à cette mixité et nous voudrions que vous nous rassuriez sur ce point. Au-delà des interrogations que nous avons formulées, ce projet de loi va dans le bon sens puisqu'il renforce les moyens de lutte contre la délinquance et la criminalité, qu'il tend à rendre la justice plus efficace et qu'enfin il renforce les droits des victimes. C'est pourquoi le groupe UDF le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Noël Mamère - En adaptant la justice aux besoins de l'action policière, ce projet ne fait que parachever le travail commencé en juillet 2002 par le ministre de l'intérieur. Il s'inscrit très logiquement dans la ligne de ce que j'appellerais la « contre-réforme » engagée par le gouvernement Chirac-Raffarin dans tous les domaines de la vie sociale, économique, politique et judiciaire. Son but : ébranler les bases mêmes de notre République, fondées sur la cohésion sociale, l'égalité de tous devant la loi, les libertés individuelles et collectives (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Vous prétendez adapter la justice aux évolutions de la criminalité, Monsieur le ministre, mais vous faites l'impasse sur la grande délinquance économique et vous ne dites pas un mot sur la criminalité écologique, sur ceux qui introduisent les OGM, qui polluent notre air et nos sols et qui provoquent des problèmes de santé publique...

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous n'avez pas lu le texte.

M. Christian Estrosi - Il ne les lit jamais.

M. Noël Mamère - Vous ne voulez pas introduire le principe pollueur-payeur.

Votre contre-réforme s'appuie d'abord sur un accroissement des pouvoirs de la police et un affaiblissement du rôle constitutionnel de la justice dans le domaine de la garantie des libertés individuelles. Votre projet s'inscrit dans la dynamique du « tout-sécuritaire » imposé par M. Sarkozy, au point que l'on peut se demander si, dans sa boulimie, celui-ci n'a pas avalé le ministère de la justice, en reléguant aux oubliettes le principe de séparation des pouvoirs. Le président de l'union syndicale des magistrats ne dénonçait-il pas récemment la volonté du ministre de l'intérieur « de prendre le contrôle de l'espace judiciaire », à propos de la juridiction d'exception imposée aux étrangers à Roissy ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'extension de la procédure à la notion de criminalité organisée - dont nous cherchons vainement une définition précise - laisse le champ libre aux services de police pour choisir la qualification des infractions sur lesquelles ils enquêtent. Le résultat est connu d'avance : la police préférera utiliser le nouveau cadre, moins contraignant pour la recherche des preuves.

Dans son avis du 27 mars 2003, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a exprimé son inquiétude sur ce projet, qui crée une procédure dérogatoire au droit commun et qui complique la procédure pénale. Mais, allez-vous me dire, cette commission consultative n'est qu'une bande organisée de « droits-de-l'hommistes », qui ne respecte pas les exigences sécuritaires de votre collègue de l'intérieur, exigences qui passent par l'extension de la notion de perquisition, par les visites domiciliaires, par l'infiltration, par le doublement de la durée de l'enquête de flagrance... Tous ces nouveaux pouvoirs sont censés être contrôlés par les procureurs de la République et par les juges des libertés et de la détention, mais l'activité actuelle de ceux-ci démontre qu'ils ne sont qu'un alibi judiciaire, sans réel contrôle de l'action policière.

Deuxième trait essentiel de votre texte, l'américanisation des procédures. Le statut de « repenti », emprunté à la tradition américaine - et dont l'application en Italie a montré les dérives - est une prime à la délation. Combien de cas similaires à celui de Sofri, ce journaliste italien emprisonné depuis des années sans preuve, devrons-nous connaître pour renoncer à appliquer le système des « collaborateurs de justice » ? Recourir aux repentis, c'est introduire à tous les stades un risque de manipulation qui peut se retourner contre les justiciables mais aussi contre la police, les juges ou n'importe quelle institution. Je préfère une vraie enquête, menée par un juge d'instruction sur la base de preuves, à une justice qui laisse la porte ouverte à l'infiltration. Peu m'importe que nos amis d'outre-Atlantique s'esclaffent devant cette vieille Europe, si respectueuse de l'habeas corpus. L'infiltration est aussi dangereuse pour la défense, puisque les avocats ne pourront pas faire valoir leurs droits à la confrontation et à l'expertise. Ils seront soumis à l'anonymat de procès-verbaux établis par des policiers qui, eux aussi, pourront être conduits à commettre des infractions pour se protéger puisqu'ils ne disposeront plus d'aucun filet juridique !

M. Christian Estrosi - N'importe quoi !

M. Noël Mamère - Je vais conclure, n'en déplaise à M. Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ou plus exactement à son fidèle vassal, M. Estrosi qui m'a beaucoup interrompu ! Que ce dernier veuille bien me pardonner ce lapsus au demeurant révélateur ! (Mêmes mouvements)

M. le Rapporteur - Un peu de respect !

M. Noël Mamère - Enfin, le texte porte atteinte à l'indépendance de la magistrature en marginalisant à l'excès la fonction de juger au profit d'un parquet tout puissant.

Outre le choix par le parquet du juge du pôle de criminalité organisée en fonction d'infractions à géométrie variable, vous instituez une procédure de jugement en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les délits les plus courants. Cette procédure élimine le juge, élude la question de la culpabilité et restreint les droits de la défense, surtout pour les personnes les plus démunies. Parallèlement, le juge d'instruction est marginalisé alors que c'est lui qui garantit le mieux aujourd'hui les droits de la défense.

Une fois de plus, la loi qui devrait être simple cède au particulier et peine à éclairer le principal. L'indépendance de la magistrature et l'accès de tous au droit auraient dû constituer les axes de votre réforme : ils en sont les parents pauvres. Votre loi éloigne un peu plus les citoyens de la justice.

Les députés Verts voteront contre l'adoption d'un texte qui tend à renforcer la fracture judiciaire et morale qui mine notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Fenech - Ce projet de loi était nécessaire et attendu. Il ne s'agit pas d'une énième réforme empreinte d'idéologie, tendant à opposer de manière artificielle les systèmes inquisitoire et accusatoire, mais d'un texte d'adaptation indispensable, compte tenu des évolutions récentes de la criminalité.

Chaque partie concernée y trouvera son compte : les magistrats comme les policiers, les victimes, enfin reconnues, les auteurs eux-mêmes dont les droits de la défense sont renforcés.

J'entends dire que ce texte menacerait l'indépendance de la justice et les droits de la défense. Permettez-moi de considérer que le point de vue d'un président de syndicat tel que le relaie un organe de presse ne fait pas nécessairement autorité !

Au reste, où sont passés les magistrats, policiers et gendarmes qui défilaient ou faisaient grève pour s'opposer aux projets de réformes du gouvernement précédent ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

Ce texte équilibré tend à améliorer grandement notre système pénal : dans le plus strict respect des libertés individuelles, ils nous dote en effet de moyens renforcés pour combattre la grande délinquance.

Ecoutant cet après-midi avec attention les critiques systématiques de M. Vallini, j'en venais à me demander si nous avions bien lu le même texte ! Votre projet comporte de nouveaux outils juridiques extrêmement bienvenus, qu'il s'agisse des juridictions spécialisées ou des nouvelles définitions, pour la première fois introduites dans le code, du crime organisé. Nous disons oui au renforcement de la garde à vue, à l'infiltration, à la sonorisation et au recueil d'images dans les lieux publics, aux perquisitions de nuit, au nouveau régime de la détention provisoire, à l'amélioration des procédures de flagrance, aux aménagements de peine en faveur de ceux qui coopèrent avec la justice. Du reste, votre projet prévoit pour toutes ces dispositions l'intervention du juge en tant que garant du respect des libertés individuelles.

Je l'ai dit, chaque partie y trouvera son compte : les avocats, le juge des libertés et de la détention, les auteurs - à qui ne peut que profiter le « plaider coupable » -, les victimes dont il n'était que temps de mieux accompagner la détresse.

Enfin, vous redonnez, Monsieur le Garde des Sceaux, sa véritable dimension à votre fonction alors que vos prédécesseurs avaient renoncé à l'éminente mission du Garde des Sceaux qui consiste à définir la politique pénale...

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. Georges Fenech - ...Merci d'avoir réaffirmé que cette haute mission relevait bien de votre responsabilité...

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. Georges Fenech - La République est une et indivisible. Les procureurs doivent faire appliquer partout la même politique pénale et en toute équité.

Vous avez su redonner tout son sens à votre fonction et seuls des esprits fort mal intentionnés ont pu y voir une reprise en main des parquets pour on ne sait quel inavouable motif ! Il est donc de votre responsabilité de faire verser au dossier des instructions particulières. Votre intervention unanimement saluée dans l'affaire Papon en témoigne.

Ce texte répond aux menaces du temps. Nous serons fiers de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Blazy - Nous abordons l'examen de ce texte avec la conviction qu'une lutte efficace contre la criminalité organisée et les réseaux mafieux est indispensable. Il se dégage donc un consensus sur nos bancs quant à la nécessité de traiter cette question. Nous n'entendons pas faire de mauvais procès au Gouvernement et le groupe socialiste est tout à fait conscient des enjeux que soulève la criminalité organisée liée aux mafias et aux réseaux internationaux.

M. Gérard Léonard - C'est une pétition de principe !

M. Jean-Pierre Blazy - Pas du tout et je tiens du reste à rappeler les avancées en matière de lutte contre le terrorisme et de trafics de stupéfiants réalisées sous la précédente législature, avec des moyens budgétaires à la hauteur des engagements pris. C'est également le précédent gouvernement qui a créé les pôles économiques et financiers. Ce bref rappel me conduit à relativiser les propos de notre rapporteur qui, dans une belle envolée lyrique, s'est cru autorisé à avancer que l'actuel gouvernement était le premier à réformer notre système pénal depuis la réforme du code de procédure pénale de 1958 !

M. le Rapporteur - Il s'agit en tout cas de la plus importante !

M. Jean-Pierre Blazy - Quoi qu'il en soit, vous avez bien perçu les carences d'un texte que vous avez jugé bon de réécrire largement en déposant plus de 250 amendements en commission, nombre exceptionnellement élevé !

Je tiens tout de même à souligner la qualité des travaux de notre rapporteur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) et ses efforts méritoires pour faire face aux « ultras » de la majorité et pour améliorer les dispositifs alternatifs à la prison (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Prenez garde, Monsieur Warsmann, à ne pas vider les prisons que certains de vos collègues se font une joie de remplir !

M. Gérard Léonard - Facile !

M. Jean-Pierre Blazy - C'est la stricte vérité ! Notre rapporteur considère que ce texte représente la plus vaste réforme du code de procédure pénale depuis 1958. C'est surtout la plus grave car il s'agit bien d'une transformation profonde du système pénal, et non d'une simple « adaptation », comme le laisserait supposer son intitulé.

Il vous arrive cependant, Monsieur le ministre, d'avoir la main heureuse, sur des sujets dictés, il est vrai, par une actualité chargée, lorsque vous envisagez l'aggravation des peines pour les pollutions maritimes causées par les « voyous des mers » ou lorsque vous vous saisissez du problème des discriminations. Nous sommes alors en plein accord avec vous !

Nous sommes cependant déçus. Nous attendions un texte qui s'attaquerait de manière frontale à la lutte contre la criminalité organisée et aux réseaux mafieux, sans autres préoccupations et affichages déplacés. Or, le c_ur de votre propos se limite à quelques mesures visant à accentuer la coopération communautaire, en application de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire entre les Etats membres et de la décision du 28 février 2002 instituant Eurojust. Concrètement, ces mesures - que nous soutenons - se résument à un seul article, dans un projet de loi qui en compte quatre-vingt-sept ! Seul l'article 6 justifie votre texte et il est permis de s'interroger sur la pertinence des suivants ! Pourquoi tant de tapage autour d'une loi qui devrait être courte et consensuelle ? Sans doute parce que vous avez une revanche à prendre ! Ainsi, sous couvert de mesures techniques, le Gouvernement ne parvient pas à dissimuler son véritable objectif qui est de remettre en cause la loi sur la présomption d'innocence et de renforcer les pouvoirs du parquet comme ceux du Garde des Sceaux. C'est à une reprise en main du système judiciaire que ce projet contribue !

Ce texte est le produit d'un grand désarroi, lié au fait que la loi d'orientation et de programmation pour la justice ne fournissait pas tous les moyens nécessaires à la politique répressive menée par le ministre de l'intérieur ! Les moyens budgétaires ne suivant pas, il vous fallait trouver une solution pour économiser, encore et toujours. Certaines mesures de ce projet, en simplifiant la procédure et en évitant certains transferts de prisonniers dangereux, tentent d'apporter une réponse au demeurant bien partielle à ces graves problèmes de financement.

Désarroi également parce qu'il fallait octroyer au plus vite des moyens aux policiers auxquels vous confiez des missions toujours plus importantes. En augmentant leur autonomie en matière d'enquête, sans contreparties véritables pour les droits de la défense, votre texte, Monsieur le ministre, propose une solution rapide mais incomplète.

Désarroi enfin, parce que, en ces temps où l'actualité politico-judiciaire est chargée, la mainmise de la Chancellerie sur le parquet telle que vous l'encouragez semble pouvoir apporter certaines réponses simples et discrètes à des affaires qui mériteraient un peu plus l'intérêt de la justice - en tout cas l'intérêt d'une justice réellement indépendante ! La logique de votre projet dans ce domaine s'inscrit dans la continuité de la volonté du Président de la République, lequel a empêché la ratification de la réforme constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature et la réforme du parquet qui aurait dû suivre.

Après l'absence de réforme et les incantations sur l'indépendance du parquet, nous comprenons les intentions du Gouvernement ... La perception de ses véritables objectifs est certes brouillée par le contexte sécuritaire qu'il entretient, mais les conséquences de son texte seront majeures. Il risque de déséquilibrer notre système procédural.

Vous souhaitez ainsi innover avec la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, mesure révélatrice des adaptations que vous envisagez. Désormais, le prévenu reconnaissant les faits pourra négocier avec le parquet une peine moins sévère que celle qu'il se verrait infliger s'il était jugé. Cette procédure vaut pour les délits emportant jusqu'à dix années de prison. Il s'agit bien d'une négociation entre un procureur tout puissant et un prévenu qui renonce à un procès équitable. Cette logique mène à marchander la vérité. Le procès et les juges du siège apparaîtront comme un aléa redoutable. Vous institutionnalisez ainsi la renonciation à la recherche de la vérité et la justice expéditive.

Vous me répondrez que la composition pénale existe déjà, mais ce n'est qu'une alternative à la prison pour les délits mineurs. Vous l'étendez aux affaires plus complexes, punies de cinq ans d'emprisonnement. Vous voulez également systématiser le recours aux repentis, qui existe déjà, mais à titre exceptionnel. Les diminutions de peine pourront s'appliquer aux prévenus dans des affaires d'assassinat, enlèvement, proxénétisme ou banditisme par exemple... Une exemption totale est même prévue si l'individu permet, en dénonçant ses complices, d'éviter un de ces crimes. Le souci de la prévention est louable, mais peut-on laisser en liberté le complice ou l'organisateur d'un tel crime sous prétexte qu'il se confesse ? Procédures d'exception banalisées, négociation de la peine, prime à la délation... Est-ce là votre conception de la justice ?

Le projet accroît également les pouvoirs de la police. Elle a désormais une plus grande autonomie en matière de surveillance, de contrainte des personnes convoquées dans le cadre d'une enquête préliminaire, de garde à vue ou d'enquêtes de flagrance. Ces dispositions ne sont pas condamnables en soi mais déséquilibrent fortement notre système, au point que les organisations de magistrats et d'avocats ont dû vous rappeler que les règles procédurales ne sont pas destinées à gêner les policiers dans leur travail, mais à garantir les libertés individuelles ! Monsieur le ministre, ne faites pas les mêmes erreurs que votre collègue de l'intérieur !

Vous n'hésitez du reste pas, sous prétexte d'adapter la justice, à remettre en cause les droits de la défense. Une des grandes nouveautés du projet est, en matière criminelle, l'absence de l'accusé à l'audience. Des cas de non-comparution existaient déjà. Dans cette nouvelle hypothèse, si un avocat de la défense est présent, une partie du procès peut se dérouler sans même la présence des jurés ! Quelle sera alors la valeur de leur « intime conviction », forgée à partir d'éléments incomplets ?

Vous dites vouloir vous attaquer à la criminalité organisée et aux mafias. Nous soutenons cet objectif, mais sans pouvoir cautionner une telle attaque en règle de notre procédure pénale. Le flou qui entoure vos notions de délinquance organisée ou de bande organisée tend à banaliser les procédures d'exception. Pour lutter contre les réseaux mafieux, c'est de magistrats formés que nous avons besoin, sans quoi la ligne sera définie par les policiers qui, par souci d'efficacité statistique, se focaliseront sur la petite délinquance. La bande organisée n'est plus un réseau mafieux, c'est un groupe de jeunes dans une cage d'escalier !

Mais si la criminalité organisée n'est pas la préoccupation première de ce texte, quelle est-elle ? Et pourquoi tant d'insistance et de précipitation ? Le « plaider coupable », par exemple, est destiné à tous les délits punis de cinq ans d'emprisonnement. Il peut s'agir, entre autres, d'abus de biens sociaux ou d'abus de confiance... Curieuse complaisance pour des délits si impopulaires auprès des Français ! Le Canard enchaîné...

M. Christian Estrosi - Votre Bible !

M. Jean-Pierre Blazy - ...rappelait à juste titre qu'ainsi, le cas de M. Le Floch-Prigent...

M. Thierry Mariani - Nommé par la gauche !

M. Jean-Pierre Blazy - ...aurait pu être réglé à l'amiable, sans procès. Ni vous ni nous ne pourrions l'accepter ! En tout cas, pas nous.

Vous renforcez également la subordination des procureurs au Garde des Sceaux. Quelle lourde responsabilité ! Les abus de biens sociaux peuvent donc désormais se régler sans procès public, auprès d'un procureur aux pouvoirs renforcés mais hiérarchiquement dépendant du Gouvernement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Formidable !

M. Jean-Pierre Blazy - La majorité aurait-elle par hasard intérêt à ce que certaines affaires de ce type se règlent à l'amiable, dans le bureau d'un procureur ? Je n'ose le penser, mais rassurez-moi quand même ! Limiter les délits pouvant se régler par l'intermédiaire du « plaider coupable » à ceux punis de trois ans de prison au maximum, comme le proposait un amendement socialiste repoussé par la commission, permettrait au moins d'éviter l'inacceptable. Elle paraît loin l'indépendance de la justice souhaitée par le Président de la République avant qu'il ne l'empêche faute de réunion du Congrès. Le temps est venu de la justice négociée, des petits arrangements et de la subordination du parquet !

Mais qu'en est-il des moyens ? C'est là un sujet que vous n'approfondissez guère. Vous espérez une augmentation rapide des effectifs de 15 %, mais le Gouvernement ne prévoit-il pas des années de rigueur ? Et vos soucis de réaliser des économies semble évident. La loi d'orientation posait par exemple plus de questions qu'elle n'apportait de réponses aux besoins de financement... C'est dans l'urgence que ce texte tente d'y remédier. En élargissant la procédure de comparution immédiate à tous les délits encourant jusqu'à dix années d'emprisonnement, vous aviez voulu accélérer le passage des prévenus devant le juge et donc réaliser des économies. Mais ce sont désormais la très grande majorité des affaires criminelles qui sont ainsi réglées, accentuant l'engorgement des tribunaux. Vous vous trouvez aujourd'hui dans l'obligation de résoudre le problème que vous avez vous-même créé. Que proposez-vous ? Si les procès sont trop coûteux, évitons-les tout simplement ! Un règlement négocié suffira, point n'est besoin d'un juge ! Et le droit à être effectivement jugé est ainsi confisqué... Le contrôle a posteriori du juge des libertés ne pourra être que formel. Les procès vont-ils devenir un luxe ?

D'autres questions illustrent le problème des moyens budgétaires. C'est la première fois qu'on manipule le code pénal pour y remédier. J'attire également votre attention sur le coût élevé du système des repentis. Le généraliser n'est pas un moyen de faire des économies, comme le montre l'exemple italien.

On ne peut entreprendre une réforme aussi importante sans moyens budgétaires. Le précédent gouvernement, qui a été beaucoup critiqué...

M. Christian Estrosi - Il y avait matière !

M. Jean-Pierre Blazy - ...avait fait de la justice une priorité. Il avait accru les effectifs de magistrats pour la première fois depuis quinze ans et augmenté le budget considérablement...

M. Christian Estrosi - Pas suffisamment !

M. Jean-Pierre Blazy - ...par rapport aux années où vous étiez au pouvoir. A l'issue de l'adoption du présent texte, Monsieur le ministre, vous n'aurez pas réalisé la réforme de la justice que les Français et les professionnels attendent et que la précédente législature avait envisagée sans pouvoir la mener à bien. Notre justice doit bien sûr être conforme aux normes européennes. Elle doit surtout être compréhensible pour nos concitoyens. Après que Jacques Chirac eut interrompu le processus qu'il avait lui-même enclenché pour créer un pouvoir judiciaire indépendant et responsable, vous poursuivez la remise en cause des avancées de la précédente législature en développant la dépendance du parquet et l'autonomie des forces de police...

M. Christian Estrosi - Vous n'aimez vraiment pas la police !

M. Jean-Pierre Blazy - ...et en affaiblissant le juge d'instruction et celui des libertés, sans vraiment renforcer les droits des victimes. Vous avez un alibi : la nécessité de lutter contre la criminalité organisée. Mais vous suivez surtout l'objectif idéologique de vous aligner sur le politique répressive du ministre de l'intérieur. En dépit des aspects positifs que comporte votre projet, introduit du reste en grande partie par le rapporteur, le groupe socialiste ne peut voter ce texte en l'état (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Quentin - Le présent projet loi nous donne l'occasion de renforcer la prévention de la délinquance maritime, répondant au souhait exprimé par le Président Chirac au sommet de Malaga notamment.

M. Christian Estrosi - Il est dommage que M. Mamère soit parti !

M. Didier Quentin - Je ne peux que me réjouir de cette volonté : Guy Lengagne et moi avions préconisé de suivre cet objectif dans un rapport élaboré au nom de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée.

Vous renforcez tout d'abord la compétence exclusive des trois juridictions actuellement compétentes pour les affaires maritimes : le Havre, Brest et Marseille. Mais vous avez eu raison de permettre la saisine du TGI de Paris pour les affaires les plus complexes. Ce projet a le mérite d'être très répressif à l'égard des pollueurs. Les peines sont portées, en cas de rejet d'hydrocarbures, à dix ans d'emprisonnement et à un million d'amende. Peut s'y substituer une amende équivalant aux deux tiers de la valeur de la cargaison : c'est une excellent mesure, car c'est la sanction financière qui est la plus efficace dans ces affaires. En outre, dans les eaux territoriales, la confiscation du navire et des biens, tant des personnes morales que physiques, devient possible. Il est dommage que les sanctions ne puissent être alourdies dans la zone économique exclusive. Il faudrait pour cela de nouvelles négociations à l'organisation maritime internationale, et j'espère que la France aura à c_ur de les faire aboutir.

Il est urgent de réaffirmer que le principe doit être pollueur-payeur, et non pollué-payeur. Le système actuel d'indemnisation est inacceptable. Il est nettement insuffisant pour les victimes. L'indemnisation du FIPOL est plafonnée à 171,5 millions, alors que les dégâts provoqués par le naufrage du Prestige excèdent un milliard pour les trois pays touchés. Le 16 mai, la conférence diplomatique du FIPOL a décidé de porter le fonds d'indemnisation à près d'un milliard à partir de 2004, mais cette mesure n'a pas d'effet rétroactif pour les victimes du Prestige. Il faudra rester vigilant quant à l'augmentation du fonds.

Il apparaît souhaitable que les compagnies pétrolières soient juridiquement contraintes à améliorer le transport des produits polluants, notamment du fuel lourd. Il importe également de recourir à des armateurs recensés, disposant de personnel formé et appliquant le droit du travail. Des progrès sont en cours en ce domaine, avec la signature par certains Etats de six conventions de l'Organisation internationale du travail.

Il serait également bienvenu de s'inspirer de l'exemple des Etats-Unis : chaque navire entrant dans les eaux territoriales américaines doit pouvoir présenter un certificat d'assurance garantissant la cargaison à hauteur d'un demi milliard de dollars au moins. Résultat : depuis dix ans, il n'y a plus de marée noire aux Etats-Unis. Les systèmes d'assurances ont permis d'éliminer les bateaux-poubelles. Nous devrions sans doute, à terme, transposer ces dispositions dans notre droit.

D'autres voies existent pour rendre les sanctions plus dissuasives et réduire l'irresponsabilité qui prévaut trop souvent dans le transport maritime, notamment de la part d'Etats à pavillons de complaisance dont certains frappent à la porte de l'Union européenne... Dans cet esprit, il faut saluer le travail de la Commission européenne : elle vient de présenter une proposition de directive, qui prévoit des sanctions lourdes, telles que le placement sous contrôle judiciaire ou la liquidation judiciaire. J'espère que notre pays aura à c_ur de transcrire ces dispositions.

Enfin, Monsieur le ministre, lors du colloque organisé par Roselyne Bachelot sur la charte de l'environnement, vous avez évoqué la notion de crime contre l'environnement. Elle me semble devoir être approfondie et pourrait, peut-être, déboucher sur l'extension des compétences du Tribunal pénal international, voire sur la création d'un Tribunal pénal international maritime.

Votre projet représente un progrès incontestable dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité. Il devrait marquer pour les voyous des mers la fin de l'impunité, à condition bien sûr de mieux faire appliquer ces mesures que les précédentes et d'éviter les contentieux interminables auxquels notre rapporteur a fait allusion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Lambert - Nos magistrats et nos policiers font un travail difficile, parfois dangereux, dont nous devons les remercier. Il les conduit à être en contact avec les délinquants. Mais ce travail très particulier doit être scrupuleusement encadré, sauf à produire, même dans la société la plus démocratique, des risques importants pour les libertés publiques. La voie est étroite, comme vous-même, Monsieur le Garde des Sceaux, l'avez reconnu. Notre législation doit garantir la liberté des citoyens, tout en permettant à la société de lutter efficacement contre la délinquance et le crime. Ceux qui font ces métiers difficiles ont donc besoin de règles de procédure précises garantissant les actions qu'ils engagent. En revanche je ne crois pas un instant que ces policiers, ces gendarmes et ces magistrats veuillent pouvoir agir en toute liberté et mener les enquêtes à leur guise. Tout le problème est dans l'équilibre que la loi veut établir entre les moyens d'enquête et la liberté des citoyens. Où les moyens d'enquête s'accroissent, la liberté diminue forcément : le tout est de trouver un juste point d'équilibre.

Pourquoi, aujourd'hui, entendez-vous modifier ce point d'équilibre ? Vous prenez prétexte de l'évolution de la criminalité pour demander au Parlement un certain renforcement des moyens d'enquête et de répression. Certes, les actes de délinquance sont très nombreux, environ quatre millions par an, que ce soit en 1994 ou en 2001, avec quelques variations d'une année sur l'autre, et notre société doit trouver les moyens de réduire significativement ce nombre. Mais il est vrai aussi que les faits de grande délinquance ne représentent qu'une part infime de ces actes ; par exemple, on dénombre environ mille homicides par an - ce qui est bien entendu mille de trop. En outre, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le Garde des Sceaux, les moyens mis en _uvre pour lutter contre cette grande criminalité ont permis depuis six ans des résultats tout à fait significatifs, si je m'en tiens aux chiffres que vous avez cités : de 1994 à 2001, les condamnations pour proxénétisme aggravé ont été multipliées par sept, pour trafic d'armes par deux, et les condamnations dans le cadre d'une bande organisée sont passées de 29 à 486 avec les lois en vigueur.

En fait, il n'y a rien de vraiment nouveau en matière de criminalité, si ce n'est que le cadre international de certaines infractions a une tendance à s'accentuer. Cette évolution impose de recourir à des outils nouveaux, grâce aux coopérations internationales déjà engagées et que nous devons continuer de développer, comme ce texte le prévoit. Mais pour le reste, rien de bien nouveau. Faut-il dès lors se doter d'outils différents de ceux qui produisent déjà des résultats ? Les mesures que vous proposez seront-elles plus efficaces, tout en restant dans un cadre acceptable pour l'exercice des libertés fondamentales ?

Est-il bien utile par exemple, compte tenu des risques encourus, de vouloir infiltrer les organisations criminelles ? Vous-même avez dit, Monsieur le Garde des Sceaux, que « cela implique de se comporter en criminel ». J'avoue mon trouble, car le fonctionnaire concerné devra agir ainsi au regard de tous, y compris du citoyen dont il croisera la route. Quel sera le sentiment de ce citoyen envers ce policier en mission ? Je ne pense pas qu'il se sentira rassuré par son action. Et que dire de la disposition qui entend exempter les personnes dont ce fonctionnaire aurait sollicité l'action afin de mener son infiltration. Supposons qu'il soit chargé par la bande de recruter un complice, pour conduire un véhicule afin de commettre un délit ou un crime : ce complice sera-t-il écarté des poursuites ultérieures même s'il a agi de façon criminelle ? Vaste question, à laquelle le projet n'apporte pas de réponse satisfaisante.

Et que dire des repentis - autrement dit des indics -, car le procédé n'est pas nouveau non plus ? A ceci près que vous proposez un véritable contrat entre le malfrat et les autorités policières et judiciaires et la justice... Que penser de tels contrats de travail, si j'ose dire ? Quand on considère l'actualité, tant au-delà des Alpes - qu'en pense M. Andreotti ? - que chez vous, où la dénonciation va bon train, il apparaît que l'accusation n'est pas toujours justifiée, et que certains, pour des raisons obscures, peuvent avoir intérêt à mettre en cause des personnes étrangères aux faits incriminés. Encourager de telles pratiques, pas toujours faciles à détecter, risque de conduire notre police et notre justice à mener des enquêtes encore plus sordides qu'elles ne le sont déjà ; on sait où nous mènent parfois les dénonciations et la délation !

Par ailleurs, qui peut croire que le fait d'avouer dans le cadre d'une enquête suffit pour être considéré comme coupable, et donc éventuellement condamné par ceux-là mêmes qui auraient mené l'enquête et obtenu les aveux, sous le simple contrôle a posteriori d'un juge ? Nous connaissons pourtant bien des affaires où une personne a été condamnée après avoir avoué, puis finalement reconnue innocente grâce à des concours de circonstances. Votre projet risque de multiplier de telles erreurs judiciaires : plus d'instruction, bien souvent, plus de véritable procès, tout sera fait pour qu'au plus vite un présumé innocent devienne un coupable incarcéré...

Puisque je parle d'incarcération et d'application des peines, je dois dire combien certaines propositions de notre rapporteur m'apparaissent intéressantes et porteuses d'une vraie réflexion sur la nature de la peine et sur les conditions de son exécution. Certains amendements votés par la commission des lois sont encourageants. Mais je crains que certains parlementaires de la majorité ne l'entendent pas de cette oreille, et se disposent à mettre à mal cette volonté lucide du rapporteur, que nous partageons, de modifier certaines règles d'application des peines.

J'ai bien noté enfin, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous nous proposiez d'aggraver certaines peines ; vous les avez choisies de façon à présenter votre projet sous les meilleures auspices, alors qu'il contient bien des dispositions contestables, voire dangereuses. Mais l'aggravation de ces peines ne peut faire oublier que, par ailleurs, vous réduisez significativement la sanction qui frappe une infraction douanière sur le transfert illégal de capitaux, acte qui n'est pas en général le fait d'un petit délinquant, mais d'un homme apparemment respectable...

Vous prévoyez, d'autre part, de réduire de 10 % le montant des amendes judiciaires lorsqu'elles sont payées rapidement : voilà qui ne peut profiter qu'à ceux qui ont les moyens financiers de faire face, pendant que ceux qui ne peuvent payer immédiatement seront pénalisés. Cette mesure est profondément injuste socialement et moralement.

Votre projet, Monsieur le Garde des Sceaux, méritait bien un examen attentif. Le sentiment général que j'en retire est qu'il contient des dispositions préoccupantes, sources de risques pour les institutions policière et judiciaire, qui auront à les appliquer, sans que pour autant la justice en soit forcément mieux rendue. La lutte contre la délinquance et contre le crime devrait toujours nous réunir, si nous recherchions ensemble les moyens de la rendre efficace dans le respect des principes de notre société démocratique. Mais à bien étudier votre texte, et à écouter les acteurs du monde judiciaire, il m'apparaît que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous le regrettons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Christian Estrosi - Avant tout, Monsieur le ministre, je veux vous remercier pour votre respect de l'engagement que nous avons pris devant les Français, il y a un peu plus d'un an, de combattre avec fermeté la montée de la violence et de la délinquance. Je vous remercie également pour la concertation que vous avez menée avec tous les partenaires et avec la représentation nationale. Quelles critiques ce projet n'a-t-il pas suscitées de la part de braillards de toute sorte ! Je regrette d'ailleurs que M. Mamère se soit absenté. Nous avons vu défiler le MRAP, la Ligue des droits de l'homme, dénonçant ce texte comme liberticide... D'autre part, tout en rendant hommage à ces magistrats remarquables dont toute la vie est un engagement au service des autres et de la justice, j'estime inadmissible que certains syndicats dénoncent ces dispositions, allant jusqu'à menacer de refuser d'appliquer la loi votée par les représentants du peuple français.

Les mêmes avaient déjà menacé de ne pas appliquer certaines dispositions de la loi sur la sécurité quotidienne, pourtant adoptée à l'unanimité au lendemain des attentats du 11 septembre concernant en particulier la fouille des véhicules, pourtant destinée à lutter contre le trafic d'armes de guerre. C'est offenser le Parlement, et nier la remarquable travail accompli chaque jour par les forces de l'ordre.

Je suis heureux de voir le présent texte compléter utilement le travail accompli depuis juillet dernier avec la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, celle sur la justice, et enfin la loi pour la sécurité intérieure.

Les propositions de notre rapporteur pour une justice plus rapide et efficace vont dans le bon sens. D'abord pour les victimes, qui doivent être au c_ur de toute réforme. Certains dénoncent l'atteinte aux droits de l'homme ; pour nous, il s'agit surtout des droits des victimes, trop longtemps délaissées par une procédure pénale plus soucieuse des droits des délinquants. Le texte améliore l'information des victimes, permet d'accorder des indemnités au cours de l'instruction, prend en compte l'intérêt des victimes avant le prononcé de remise de peine.

Cependant, permettez-moi de revenir sur la composition pénale. Si j'en soutiens la démarche, encore faut-il placer la victime au c_ur du dispositif. Comment un chauffeur de taxi agressé pourrait-il comprendre que le coupable soit immédiatement libéré, s'il n'a pas été associé à la composition pénale ?

M. le Président de la commission des lois - La victime n'est pas le juge.

M. Christian Estrosi - Cela étant, le projet s'attaque sans faux-fuyants à toutes les formes de criminalité, et je me réjouis de voir retenues certaines dispositions, comme l'infiltration des réseaux, que nous avions retirées lors de l'examen de la loi pour la sécurité intérieure à la demande du Gouvernement estimant qu'elles auront mieux leur place dans le présent projet. Vous permettez ainsi aux forces de l'ordre de voir aboutir leurs actions et à la justice de disposer des outils nécessaires.

Je suis heureux également de voir reprises des mesures que nous défendions dans l'opposition, comme l'allongement de la garde à vue, les perquisitions de nuit, l'allongement des délais de l'enquête de flagrance.

Enfin, j'évoquerai un engagement pris dans la LOPSI pour soulager l'action des forces de l'ordre, à savoir le transfèrement des détenus, qui mobilisent des milliers de policiers.

Il est temps d'arrêter une décision à ce sujet : soit le personnel pénitentiaire se charge de cette mission, soit il faut le confier à des sociétés privées, agréées et formées à cette fin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, il vous appartiendra d'assurer l'application de ce texte ambitieux, comme aux juges d'appliquer la loi. En prévoyant un article confiant la charge au Garde des Sceaux de veiller à la cohérence de la politique pénale, vous avez souhaité vous engager personnellement dans ce combat, ce qui n'avait jamais été fait, au vu de la disparité des décisions prises par les parquets en fonction des juridictions ! Voyez l'application disparate qui est faite des dispositions relatives à la lutte conte le proxénétisme et la prostitution.

Mme Hélène Tanguy - Ce projet de loi renforce la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, mais je me limiterai aux dispositions relatives aux infractions en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires. Elue du Finistère, je ne puis rester indifférente aux actes délictueux commis par les « voyous des mers » qui dégazent sauvagement au large de nos côtes.

La masse d'hydrocarbures ainsi rejetée dépasse largement celle déversée par les marées noires, même si celles-ci touchent davantage l'opinion publique.

Notre territoire n'a pas été épargné ces dernières années : l'Amoco Cadiz en 1978, l'Erika en 1999 et enfin le Prestige en 2002. Autant de coups de poignards portés à notre littoral. De surcroît, certains n'hésitent pas à profiter de ces marées noires pour dégazer en toute impunité, quand ils ne le font pas lors de tempêtes ou loin de nos côtes la nuit.

Les peines encourues apparaissant peu dissuasives, ce texte propose de les alourdir.

Concernant les délits de pollution « par imprudence, négligence ou absence de précaution », les peines encourues sont désormais clairement énoncées, assorties de surcroît, de nouvelles sanctions complémentaires comme la confiscation du navire et des biens, ou l'interdiction d'exercer son activité professionnelle.

Par ailleurs, les dispositions relatives aux tribunaux spécialisés du littoral maritime deviennent identiques à celles applicables aux autres tribunaux spécialisés.

En tant qu'élue du littoral, je me réjouis de cette avancée dans la lutte contre cette réforme de criminalité, « accidentelle » ou volontaire.

Permettez-moi cependant d'exprimer quelques réflexions personnelles.

Avant de se donner les moyens de sévir... encore faudrait-il trouver les coupables. Depuis le 1er janvier dernier, 234 échantillons de polluants ont été prélevés sur nos côtes atlantiques, dont 201 identifiaient le Prestige. Et les autres ? Aucune réponse - aucun responsable !

Ne faudrait-il donc pas travailler sur les moyens d'investigation, et valider pour preuves de nouveaux documents, notamment dans le domaine de la thermographie et de la photographie ?

Par ailleurs, nous disposons à Brest d'un centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux, reconnu tant au plan national qu'international. Il offre des formations de deux à quatre jours pour les magistrats, lesquels n'ont malheureusement que peu de temps pour les suivre. Pourriez-vous étudier cette question, Monsieur le ministre ?

Vous comprendrez alors pourquoi il serait judicieux d'étendre les compétences des tribunaux du Havre, Brest et Marseille sur ces questions. Pour avoir constaté à Brest la qualité du partenariat entre la préfecture maritime de la zone atlantique, les affaires maritimes et le CEDRE, je mesure tout l'intérêt de votre décision. Une base de données répertoriant les jugements afférents à ce type de délits serait, du reste intéressante.

L'essentiel est cependant de se donner les moyens d'appliquer les peines ! En 2002, 320 procès-verbaux de pollution n'ont donné lieu qu'à 23 jugements, et, sur 11 peines d'amendes prononcées en 2002 par le TGI de Paris, aucune n'a pu être recouvrée. Il faut se donner les moyens d'immobiliser les navires, ce qui suppose une nouvelle négociation internationale, amendant la convention de Montego Bay de 1982. Nos côtes souffrent en effet d'un trafic de transit, sans entrées dans un port français.

La directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 5 mars dernier est une première étape. Elle justifie les sanctions, notamment pénales, contre les contrevenants dans toutes les eaux côtières de la Communauté, ainsi qu'en haute mer. Espérons qu'elle sera rapidement adoptée par les quinze Etats membres et qu'elle s'imposera lors de l'élargissement, à certains Etats moins réceptifs à cette évolution.

En conclusion, il faut réfléchir à des alternatives économiques, attrayantes face à ce type de délinquance, et renforcer les inspections des navires. Notre gouvernement a pris, en un temps record, les moyens de corriger une situation dégradée. Il faut poursuivre cet effort.

Saluons ce projet qui représente une avancée écologique et s'inscrit dans les priorités mondiales rappelées par le Président de la République à Johannesburg l'été dernier.

M. Thierry Mariani - « La sécurité est l'un des droits les plus fondamentaux de nos concitoyens ». Cette simple phrase a été prononcée par les leaders de tous nos partis politiques, y compris ceux de l'actuelle opposition. Brandie par eux pendant la campagne présidentielle, elle n'a pourtant pas leurré les Français.

En effet, il ne suffit pas de poser un grand principe dans une loi et de créer des procédures contraignantes et impossibles à appliquer pour améliorer l'efficacité de la justice pénale. Il faut se renseigner, aller sur le terrain et ... donner des moyens matériels et humains.

Votre prétendue grande loi du 15 juin 2000 fut un désastre ! Elle a paralysé l'action de la justice et de la police, et accru l'insécurité.

Révoltés par votre naïveté coupable, les Français vous ont sanctionnés le 21 avril (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

A la différence de la gauche plurielle, ce gouvernement a énoncé un programme, et vous le réalisez. Dès juillet, nous votions la loi de programmation et d'orientation. Poursuivant la démarche de modernisation engagée avec la loi du 9 septembre 2002, nous discutons aujourd'hui de l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Je soutiens entièrement ce projet pragmatique qui met fin à certaines des aberrations de la loi du 15 juin 2000.

Tenant compte des réalités de terrain, il offre une sorte de « boîte à outils » pour lutter contre des agissements spécifiques. D'abord, il définit la criminalité et la délinquance organisées et crée des procédures qui s'y appliquent. En particulier des juridictions interrégionales spécialisées permettront de lutter efficacement contre cette menace. Les pouvoirs du parquet et de la police sont renforcés et les forces de l'ordre pourront désormais infiltrer les réseaux criminels. La commission a accepté mon amendement permettant de rémunérer les informateurs, ce moyen ayant prouvé son efficacité au service des douanes. Le statut du repenti facilitera aussi le démantèlement des réseaux. Une meilleure coopération internationale préparera l'entrée en vigueur de la convention européenne du 29 mars 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et celle d'Eurojust. Enfin, le projet vise des formes de délinquance comme la pollution maritime et les actes racistes.

Il renforce l'efficacité de la procédure pénale en consacrant le principe de la réponse judiciaire lorsque les faits sont constitués et l'auteur identifié. Il innove en créant la procédure du « plaider coupable » pour les délits les moins graves. Il permet aux victimes de mieux se défendre tout au long de la procédure, et j'ai apprécié que vous ne les ayez jamais oubliées.

En second lieu, votre projet corrige certaines dérives de la loi sur la présomption d'innocence qui affirmait de grands principes sans moyens réels. La commission a adopté certains amendements qu'avec d'autres j'ai déposé en ce sens, et je m'en réjouis. Désormais les forces de l'ordre ne seront plus obligées de relâcher des délinquants pour une faute de procédure. Une autre aberration héritée de la gauche va disparaître...

M. Jean-Pierre Blazy - Vous avez attendu un an pour cela !

M. Thierry Mariani - Suite à l'adoption de mes amendements par la commission des lois, les mineurs ne seront plus systématiquement amnistiés à 18 ans, avec effacement des faits inscrits à leur casier judiciaire.

M. André Vallini - C'est scandaleux !

M. Thierry Mariani - Cette aberration juridique, issue de la loi d'amnistie de 1981, est devenue permanente suite à celle de 1988. La gauche, pétrie de bonnes intentions, ne s'était pas interrogée sur les conséquences. Nous corrigeons ses excès.

Je salue l'excellent travail de Jean-Luc Warsmann, et en particulier son rapport sur les peines alternatives. Je soutiens totalement ce texte qui modernise notre justice. Il rassurera la population et inquiétera les délinquants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Decocq - Il y aurait, dit-on, trois sortes d'hommes, les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer. Est-ce parce que l'univers maritime a toujours paru mystérieux, que le droit en la matière est si lacunaire ? En outre, les Etats restent très soucieux de leur souveraineté maritime.

Il faut donc réformer profondément ce droit pour faire face à des situations nouvelles.

Les grandes catastrophes cachent une autre réalité : celle des dégazages sauvages et des déballastages commis quotidiennement en toute impunité. Ainsi, le détroit du Pas-de-Calais concentre 20 % du trafic mondial, voit transiter chaque année 250 millions de tonnes de produits dangereux, et 700 à 800 navires l'empruntent chaque jour. Or la façade maritime du Nord-Pas-de-Calais est essentielle à son économie. Boulogne est désormais le premier port de pêche d'Europe. Et, on le sait moins, les touristes y passent 60 millions de nuitées par an. Et voici que les voyous de la mer y pratiquent dégazage et déballastage des dizaines, des centaines de fois par jour ! Cette pollution volontaire a des conséquence très graves : oiseaux mazoutés, plages souillées, eaux polluées, atteinte à la biodiversité. Sur la côte d'opale, le tourisme, qui est désormais la deuxième activité régionale, réalise la moitié de ses deux milliards d'euros de chiffre d'affaires. Or, selon une étude économique, lorsqu'une plage est interdite à la baignade, 30 % à 50 % des touristes changent de destination. Notre région, qui fut l'usine de la France, subit le poids de son histoire. Faut-il qu'elle soit aussi victime de sa géographie ?

Il était grand temps de réprimer sur le plan pénal ces pollutions qui n'ont rien d'accidentel. C'est ce que font les articles 9 et 10 du projet. J'approuve cette volonté politique comme j'apprécie l'analyse complète, d'une lucidité encore inégalée, que M. Warsmann présente dans son rapport.

Bien sûr, nous savons que la portée de ces dispositions reste limitée, tant la convention internationale de Montego Bay de 1982 a organisé l'impuissance publique. Mais elles constituent une manifestation de notre volonté à l'intention de la communauté internationale. Nous vous encourageons dans cette voie, car il faut renégocier. Poursuivez votre action. La pollution chronique de nos côtes n'est pas une fatalité. Refusons de la subir. Une fois de plus, nous démontrons que toutes les grandes lois de protection de l'environnement ont été votées par des majorités gaullistes ou libérales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Garde des Sceaux - Je remercie d'abord M. Warsmann pour sa présentation du projet et pour ses propositions sur les peines alternatives.

Vous avez le souci que les peines soient exécutées en temps réel, vous souhaitez promouvoir le travail d'intérêt général, donner la possibilité de prononcer directement des peines alternatives, adapter les pouvoirs du juge d'application des peines...Nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces sujets, mais je voulais d'emblée souligner l'intérêt de ces propositions.

Monsieur Vaxès, j'entends donner à la procédure pénale une logique liée à la gravité des infractions, les plus graves d'entre elles appelant des moyens renforcés. Cela me semble clair et lisible. Quant au « plaider coupable », il constitue un outil supplémentaire, pragmatique, à la disposition de la justice. Il appartiendra au procureur de la République de l'utiliser s'il l'estime opportun. Je ne pense pas que vous puissiez adhérer à l'objectif sans adhérer aussi au dispositif lui-même.

M. Léonard a souligné combien nous avions tenu compte des principes dégagés par le Conseil constitutionnel. Nous avons en effet été très attentifs à ses décisions les plus récentes pour élaborer les dispositions que nous proposons.

La définition de la criminalité organisée nous permettra de donner un contenu à cette notion et de progresser dans la coopération judiciaire. Lors de la dernière réunion du G8 concernant la justice et la sécurité, j'ai été frappé de voir que nos collègues des sept autres grandes puissances s'apprêtaient eux aussi - ou l'avaient déjà fait - à adapter leurs règles et institutions aux nouvelles formes de la criminalité. Les questions que se pose la France sont celles qui se posent à toutes les démocraties.

M. Rudy Salles souhaite que la protection des repentis soit bien garantie. Nous partageons totalement ce souci. La loi en fixe le principe, il appartiendra au pouvoir exécutif, en particulier au ministre de l'intérieur, de mettre en place les dispositifs pratiques à cet effet. M. Salles m'a aussi interrogé au sujet du juge d'instruction. Ma volonté est de recentrer ce magistrat sur les affaires qui, du fait de leur complexité, requièrent son intervention. Il convient en effet qu'ils aient devant eux un nombre raisonnable d'affaires à traiter, sans quoi leur travail devient impossible.

M. Fenech a insisté sur l'une des principales ambitions de mon projet : être à l'écoute de la pratique. C'est en effet en concertation avec l'ensemble des professionnels que je me suis efforcé de trouver les réponses les plus adéquates et les plus modernes aux nouvelles formes de criminalité. Loin des débats théoriques et des polémiques artificielles, je veux simplement donner à la justice les moyens de lutter efficacement contre la criminalité organisée, mais aussi contre la pollution, contre la criminalité financière, le racisme ou l'intolérance.

En ce qui concerne l'article 36, j'ai voulu clarifier les choses et je revendique la possibilité de donner au parquet des instructions précises. Je l'ai fait dans l'affaire Papon, je l'ai fait également dans des affaires de racisme et d'antisémitisme en donnant au parquet instruction de faire appel de décisions qui ne me semblaient pas conformes à notre politique pénale.

M. Blazy a évoqué les pôles économiques et financiers. J'ai en effet l'ambition de les mettre enfin en place et de les doter, au niveau interrégional, de moyens humains et matériels qui fassent d'eux de véritables « plateaux techniques » capables de faire face à la délinquance économique. Je ne comprends pas votre interrogation sur la définition des bandes organisées. La définition retenue est en effet celle de 1992, date à laquelle le Garde des Sceaux venait de vos rangs.

M. Quentin a insisté sur les sanctions financières en matière de pollution maritime. Je partage son analyse et j'agis en conséquence au niveau européen. D'ores et déjà, lors du dernier conseil justice-intérieur, nous avons approuvé la décision-cadre permettant la reconnaissance mutuelles des sanctions financières. Il est à noter qu'avec l'élargissement, l'Union européenne comprendra deux Etats - Malte et Chypre - qui comptent beaucoup d'armateurs. Ces deux pays sont, semble-t-il, bien décidés à faire en sorte que les professionnels battant leur pavillon respectent mieux les règles internationales.

M. Didier Quentin - Très bien !

M. le Garde des Sceaux - M. Estrosi a souligné la complémentarité entre le texte sur la sécurité intérieure et celui que je présente aujourd'hui. Le premier, que vous avez adopté il y a quelques semaines, traite surtout de la délinquance de voie publique, de la délinquance au quotidien, le second s'efforce d'apporter des réponses, en termes d'organisation et de procédure, aux nouvelles formes de délinquance et à la criminalité organisée. Je me réjouis de cette complémentarité.

J'ai retenu la suggestion de Mme Tanguy au sujet d'une base de données sur toutes les affaires de pollution maritime. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler à Brest, où j'avais réuni des armateurs, des responsables d'entreprises pétrolières, des assureurs, des magistrats, des membres de la gendarmerie maritime.... Apparemment, c'était la première fois qu'un ministre de la justice réunissait ainsi l'ensemble des partenaires de la vie maritime. De fait, je suis convaincu que c'est ensemble, dans un esprit de responsabilité partagée, que nous pourrons mettre un terme à ces pollutions. Il faut pour cela prévoir des sanctions, bien sûr, mais aussi faciliter les choses pour les armateurs et les transporteurs, par exemple en mettant à leur disposition dans les ports des installations permettant un dégazage respectueux de l'environnement. Mais ceci est un autre débat.

Je puis en tout cas vous assurer de la volonté de la France d'agir fortement au niveau européen et mondial pour que des règles strictes soient définies et qu'il soit mis un terme à ces terribles pollutions. Le problème, pour l'Europe, c'est que passent au large de ses côtes des navires qui vont d'un continent à l'autre, pour ne pas citer plus précisément certains pays, sans respecter les règles, tandis que les navires qui passent le long des côtes américains vont en général aux Etats-Unis ou en viennent.

M. Mariani a dit avec raison que nous avions voulu corriger certains dysfonctionnements induits par la loi de juin 2000. Au vu des erreurs qui ont été commises, peut-être avec les meilleures intentions du monde, nous devons privilégier une approche pragmatique et revenir sur ce qui a posé problème aux services d'enquête et aux magistrats. C'est dans cet esprit que je vous propose un certain nombre de modifications.

Enfin, comme Mme Tanguy et M. Quentin, M. Decocq est revenu sur les questions de pollution maritime. A travers ce projet, je suis déterminé à adapter aussi notre justice aux évolutions de cette forme particulière de délinquance.

Le rétablissement de la sécurité procède d'une politique globale, couvrant l'ensemble des formes de criminalité, quelle que soit leur nature (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Patrick Braouezec - Ce texte constitue la huitième remise en chantier, en moins de trois ans, de la procédure pénale. Adapter la justice aux évolutions de la criminalité est de prime abord un projet pertinent, susceptible de recueillir ici l'assentiment de tous. Nul ne peut en effet ignorer que la grande criminalité ne connaît pas de frontières et qu'elle brasse des sommes considérables. Dès lors, nous ne contestons pas la nécessité de repenser notre justice pour mieux combattre ces nouvelles formes de délinquance.

Notre opposition essentielle porte par conséquent sur le diagnostic de l'évolution de la criminalité et sur les moyens de la combattre. En la matière, l'activisme législatif de ce gouvernement peine à dissimuler un certain manque de volonté dans les réponses à apporter aux nouveaux visages de la criminalité. On se heurte là à un problème de culture. L'idéologie libérale du Gouvernement ne le prédispose pas à combattre une criminalité qui s'enracine dans la libéralisation des échanges et des marchés de capitaux et dans la promotion des paradis fiscaux !

Une lutte efficace contre la délinquance en réseau ne peut se limiter aux petits exécutants sans cesse remplacés. Elle suppose une coopération judiciaire renforcée entre les Etats, l'avènement d'un espace judiciaire européen et le renforcement du contrôle des pouvoirs publics en matière financière.

Le présent projet ne propose aucune avancée en ces matières. On nous dira que l'avancement des négociations avec nos partenaires ne le permet pas. Peut-être, mais le gouvernement français est malheureusement loin d'ouvrir la voie et de prendre les mesures qui dépendent de lui seul. Au contraire, sa doctrine libérale le conduit en matière sociale, fiscale, économique et financière à réduire l'intervention et le contrôle de l'Etat. Ne vient-il pas d'assouplir les règles d'attribution et de contrôle des marchés publics, au risque de favoriser la fraude ?

Cependant qu'il libéralise et dérégule à tout va, le Gouvernement s'est engagé dans une voie sécuritaire spectaculaire, qui l'a conduit à multiplier les incriminations en matière de petits délits et à stigmatiser les situations sociales les plus précaires. Cette politique qualifiée par ses détracteurs de « criminalisation de la pauvreté » est cohérente. La voie libérale, qui glorifie le « moins d'Etat » pour ce qui est des services rendus au public, s'accompagne nécessairement du « plus d'Etat » lorsqu'il s'agit de masquer, contenir et réprimer les conséquences sociales de la dérégulation du travail et de la détérioration de la protection sociale.

Les priorités budgétaires du Gouvernement sont du reste limpides : prison, police et armée au détriment de l'emploi, de l'éducation, du logement et de la santé. Votre texte est conforme à votre logique, libérale pour les puissants, répressive pour les plus modestes.

Notre désaccord de fond porte sur le caractère déséquilibré d'un texte qui renforce considérablement les pouvoirs de la police et de l'accusation au détriment des droits de la défense et du travail d'instruction. Nous jugeons cette dérive non seulement dangereuse pour les libertés individuelles mais inefficace car source d'erreurs judiciaires et de vices de forme.

Le projet bouleverse la culture du système judiciaire français. Vous proposez de basculer vers un modèle « accusatoire » à l'américaine, où la personne mise en cause se trouve face à une cohérence police-parquet cherchant à démontrer sa culpabilité avec des pouvoirs accrus, cependant que les juges du siège - et notamment le juge d'instruction, chargé d'instruire à charge et à décharge -, sont marginalisés.

En l'état, votre projet risque fort de cumuler les défauts des deux systèmes : ceux du système « accusatoire », faute de renforcer les droits de la défense et d'engager l'amélioration de l'aide juridictionnelle et l'accès au droit ; ceux du système « inquisitoire », faute de contrôle suffisant du juge sur la procédure et l'enquête policière. N'oublions pas que la première ébauche de ce projet a été concoctée par le ministère de l'intérieur et non par la chancellerie. M. le Garde des Sceaux s'est ému à juste titre de cette incursion, mais s'il a repris l'initiative, il a également repris à son compte l'inspiration policière du texte. Toute la politique pénale du Gouvernement est du reste marquée par la priorité accordée à l'emprisonnement, à l'aggravation des peines et à la création de nouvelles incriminations.

Selon la gravité de l'infraction, le principe voudrait que la sévérité de la sanction soit échelonnée. Las, dans les divers projets du Gouvernement, la gradation s'opère à l'inverse de ce que l'on serait en droit d'attendre. Depuis un an, les petits délits - et notamment ceux instaurés sous l'égide de Sarkozy -présentent la caractéristique d'être très visibles et de désigner comme coupables non des individus, mais des catégories de personnes parmi les plus démunies. Cela vaut pour le racolage, la mendicité ou les squats de halls d'immeubles, lesquels sont, proportionnellement à la faute, passibles de lourdes sanctions. Ainsi, les personnes prostituées encourent jusqu'à deux mois de prison et 3 750 € d'amende, au titre d'un indéfinissable délit de « racolage passif ». On a d'ailleurs pu constater l'inéquité de cette mesure qui s'est traduite par des jugements contradictoires allant de la relaxe à la peine maximale.

A l'opposé de cette logique de répression accrue des petits délits, le présent texte tend à aménager et à réduire les peines encourues pour des délits et des crimes beaucoup plus graves. La composition pénale pourrait ainsi être proposée à une personne encourant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Comment cela se traduit-il concrètement ? Celui qui aura commis un acte de blanchiment, un abus de biens sociaux ou une agression sexuelle pourra se voir proposer des mesures alternatives à la peine normalement encourue, telles que le versement d'une amende, l'accomplissement d'un travail d'intérêt général, le fait de se dessaisir de la chose ayant servi à commettre l'infraction ou la remise de son permis de conduire pour une durée de six mois au maximum.

N'y a-t-il pas lieu de croire que vous souhaitez faire preuve d'une certaine mansuétude à l'égard des grands délinquants en permettant désormais au procureur de leur proposer une composition pénale ?

Le système de la reconnaissance préalable de culpabilité entraînerait aussi des réductions de peine, lorsque la peine encourue par le « présumé coupable » - puisqu'il faut bien l'appeler ainsi - sera de cinq ans maximum.

A nos yeux, votre proposition la plus choquante est celle qui tend à introduire dans notre doit pénal le système des repentis. Ceux-ci pourraient bénéficier d'une exemption de peine si, ayant tenté de commettre un crime ou un délit, ils ont permis d'en éviter la réalisation ou d'identifier les autres coupables. Cette disposition fait peu de cas du principe de présomption d'innocence, puisque les personnes dénoncées par le repenti sont considérées comme coupables avant qu'aucun jugement soit intervenu. Des réductions de peines sont même prévues pour des personnes ayant tenté de commettre les crimes les plus graves : assassinat, empoisonnement, tortures et actes de barbarie ! Dès lors, comment faire comprendre à nos concitoyens une telle différence de traitement entre les petits délinquants et des criminels qui bénéficieront d'une irresponsabilité de fait uniquement parce qu'ils auront reconnu leur culpabilité ? Comment accepter cette justice à deux vitesses ? En quoi participe-t-elle de la lutte contre la criminalité organisée?

Il faut du reste essayer de comprendre ce que recouvre l'expression « lutte contre la criminalité organisée ». Interrogeons-nous d'abord sur la pertinence de l'abandon de la notion de « bande organisée », définie par l'article 132-71 du code pénal, au profit du nouveau critère de « criminalité organisée », lequel s'appuie sur la gravité des faits.

Concrètement la notion de « criminalité organisée » n'est pas clairement définie par la liste des crimes et délits commis en bande organisée et est désormais soumis à un régime spécial de procédure pénale. Les nouveaux articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale créent un régime dérogatoire susceptible d'être applicable à un grand nombre d'affaires, compte tenu de la délimitation très imprécise des notions de bande organisée et d'association de malfaiteurs.

Premier traitement particulier de ces infractions, elles seront soumises à des juridictions spécialisées. La rédaction du nouvel article 706-75 laisse planer un doute sur la saisine d'une juridiction spécialisée. En effet, la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74, à l'exception des actes de terrorisme, ou dans les affaires qui apparaîtraient « d'une grande complexité ».

La compétence d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel. Mais quel est le critère fondant une telle extension ? L'expression « peut être étendue » ouvre la voie à toutes les interprétations.

Ces juridictions spécialisées seraient compétentes pour traiter des infractions relevant de la criminalité organisée ou « dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité ». La notion de « grande complexité » nous laisse perplexes ! Se fonder sur ce seul critère pour déterminer que certaines affaires seront de la compétence d'une juridiction spécialisée revient à privilégier un élément purement subjectif et non exempt d'une part d'arbitraire. Comment ne pas penser en effet qu'une affaire sensible, ayant peut être des implications politiques, sera orientée vers telle ou telle juridiction, ou pour être clair, vers tel ou tel procureur, en vue d'être traitée avec une attention particulière, le tout avec pour seul critère la volonté politique de l'exécutif. La saisine de ces juridictions risque d'être appréciée, déterminée exclusivement en terme d'opportunité.

Le fait d'instaurer des juridictions spécialisées soulève d'autres questions. Il est toujours dangereux de multiplier les juridictions spécialisées et les régimes particuliers. Dans ses formes actuelles, la criminalité s'organise en réseaux structurés et ce seul fait justifie à vos yeux la création de nouvelles juridictions. Pour nous, la multiplication des juridictions créerait une justice « haut de gamme », dont la saisine tiendrait moins à la complexité de l'affaire qu'à des critères d'opportunité.

M. Gérard Léonard - Il ne faut donc rien faire ?

M. Patrick Braouezec - Je ne dis pas cela. Mais comment expliquer cette dualité aux justiciables ? Certaines infractions, du seul fait qu'elles auront été commises en bande organisée, seraient jugées par des magistrats spécialisés ; les autres infractions de droit commun, qui concernent la majorité des affaires ne seraient jugées que par des juges « ordinaires ».

Nous proposons plutôt de renforcer les pôles financiers existants, dont la compétence pourrait s'étendre aux infractions connexes. La multiplication de pôles séparés selon les infractions ne nous paraît pas opératoire pour combattre une criminalité organisée en réseau, et non selon les infractions. La dispersion des compétences qui en résulterait conduirait la police à définir la politique pénale elle-même. Elle préférera, pour des raisons d'efficacité statistique, s'attaquer aux petites bandes des quartiers populaires, qui constituent des cibles bien plus accessibles que les réseaux commanditaires...

La police financière, notoirement négligée en France, et les pôles financiers doivent être deux priorités. Compartimenter proxénétisme, trafic de drogue ou d'armes et terrorisme nous apparaît beaucoup moins efficace que de concentrer les efforts sur le nerf de la guerre qui relie tous ces trafics. La plupart des réseaux commettent des infractions dans tous les domaines que vous entendez cloisonner. Enfin, la territorialisation des juridictions spécialisées pose un problème concret de droit de la défense avec l'éloignement entre les justiciables et les tribunaux compétents.

En matière de procédure pénale, il existait jusqu'à présent, avant l'ouverture d'une information judiciaire, deux types d'enquête : l'un de droit commun, l'enquête préliminaire, et l'autre d'exception, l'enquête de flagrance. Il existera dorénavant deux régimes supplémentaires d'exception : les enquêtes préliminaires ou en flagrance en matière de criminalité organisée. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a relevé, dans son avis du 27 mars dernier, que « ces nouvelles dispositions ne font que rendre plus difficile encore l'accès à la règle de droit, condition d'un procès équitable ».

Dans le cadre de ces dispositions, les services de police disposeront de nouveaux pouvoirs particulièrement étendus. Elles appellent donc les plus grandes réserves. L'infiltration est loin d'être sans risques, tant pour les officiers de police judiciaire que pour les victimes des infractions dont ils se rendront complices. Les policiers mettront en jeu leur vie dans ces opérations, mais ils pourront aussi commettre des infractions sans en être pénalement responsables, avec les risques de dérapage que cela comporte.

M. Gérard Léonard - Alors, que fait-on ?

M. Patrick Braouezec - Par ailleurs, l'infiltration pose des problèmes au regard du droit de la preuve. Comment débattre contradictoirement du caractère légal de la preuve dans la mesure où l'agent infiltré doit rester anonyme ? Un dossier pourra-t-il être uniquement bâti sur des procès-verbaux anonymes sans que les avocats puissent exiger des auditions, des confrontations, des expertises ?

Par ailleurs, le projet précise que les agents infiltrés ne seront pas responsables pénalement. Mais qu'en sera-t-il de leur responsabilité civile ? Une victime peut vouloir obtenir réparation du dommage causé par un agent infiltré. A l'heure où le Gouvernement affirme vouloir par dessus tout protéger les victimes, il serait malvenu de leur opposer l'irresponsabilité dont jouirait cet agent !

Les conséquences de la prolongation de la garde à vue nous paraissent également avoir été sous-estimées. Pour les infractions relevant de la criminalité organisée, la garde à vue fera l'objet d'un régime spécial, elle pourra durer jusqu'à 96 heures. Or, sur le plan des principes, la durée maximum de la garde à vue doit concilier les droits de la personne et l'efficacité des poursuites. C'est donc la légitimité du maintien en garde à vue qui doit être considérée. Nous souhaitons éviter tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à des gardes à vue abusives qui, prolongées jusqu'à 96 heures, seraient assimilables à une prédétention provisoire.

Se pose ensuite un problème matériel, qui fait douter que vous connaissiez vraiment l'état des cellules de garde à vue en France. Les policiers les qualifient de véritables « culs de basse fosse », dans lesquelles il est absolument inconcevable de retenir quelqu'un durant 96 heures. Monsieur le ministre de l'intérieur reconnaissait lui-même, dans sa circulaire du 11 mars 2003, que « les conditions dans lesquelles se déroulent les gardes à vue sont insatisfaisantes au regard de la dignité des personnes ». Par ailleurs, le comité européen contre la torture dénonce depuis longtemps les procédés dégradants pratiqués lors des gardes à vue en France, et la Commission nationale consultative des droits de l'homme déplore que le présent texte ne prévoie aucune garantie particulière contre les risques de traitements inhumains ou dégradants lors des gardes à vue.

Il convient maintenant d'approfondir l'examen des dispositions qui bouleversent totalement notre conception de la justice, celles relatives à la comparution sur reconnaissance de culpabilité, aux repentis et à la composition pénale.

Vous êtes en train de faire glisser notre système inquisitoire vers un système accusatoire. Sous couvert de désengorger les tribunaux, le projet sacrifie notre justice sur l'autel de la négociation et de la tractation. Car c'est bien à cela que nous allons aboutir : à une justice négociée, dans laquelle la fonction de juger sera complètement marginalisée.

La délation devient, avec le système des repentis, un moyen de lutter contre la criminalité organisée. Ce procédé est éthiquement condamnable et techniquement critiquable. Sur le plan de la simple justice, il est difficile de dispenser un criminel de la peine qu'une juridiction aurait prononcée au nom du peuple français.

Par ailleurs, de telles absolutions font peu de cas des parties civiles. Les victimes sont ainsi les grandes oubliées de ce système, qui favorise par ailleurs les grands criminels : les chefs de réseaux auront plus à négocier que les petits délinquants !

Enfin, il consacre un mode de preuve à la fiabilité douteuse, susceptible d'entraîner des erreurs judiciaires. Ce procédé permet toutes les manipulations. Est-ce vraiment ainsi que vous concevez le procès juste et équitable auquel ont droit les justiciables ?

Les nouvelles procédures de composition pénale et de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sont dans le même esprit. La négociation devient un nouveau mode de jugement, si l'on peut encore appeler jugement la décision rendue par un magistrat qui ne jouit pas d'une indépendance totale. L'extension de la procédure de composition pénale aux délits encourant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement a pour effet de la rapprocher de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, ce qui est de nature à entretenir une confusion.

Quant à la reconnaissance préalable de culpabilité, elle n'a qu'un seul but : accélérer les procédures, même si cela aboutit à rendre une pseudo-justice : ce n'est pas un magistrat du siège qui va rendre un jugement sur la base d'éléments de preuve. Et le principe de présomption d'innocence est mis à mal, puisque l'aveu de la culpabilité devient la seule base juridique de la procédure. La recherche de preuves devient alors inutile.

Pseudo-justice enfin car cet aveu se fera nécessairement sous pression. La personne déférée devant le procureur saura qu'elle bénéficiera d'une réduction de peine si elle avoue immédiatement. Sinon, on lui dira qu'elle risque gros à tenter un procès équitable devant un magistrat du siège... Le choix sera d'autant plus rapide qu'elle n'aura pas les moyens de bien se défendre.

Je ne parle même pas de la personne qui, ayant avoué, refusera par la suite la proposition du procureur. Aucune confidentialité n'étant assurée à la procédure de négociation, son refus arrivera très vite aux oreilles du juge du siège chargé de statuer sur l'affaire. Son intime conviction ne pourra qu'en être influencée et son verdict sera forcément plus sévère. Est-ce là votre conception d'un procès équitable ?

Avec ces mesures, le Gouvernement cultive le paradoxe. Depuis un an, il pratique la surenchère sécuritaire et stigmatise les délinquants - de préférence jeunes et habitant les quartiers populaires. Mais aujourd'hui, il propose que d'autres délinquants, coupables par exemple d'abus de biens sociaux ou de blanchiment, négocient leur peine, le tout dans le plus grand mépris des victimes ! Quelle iniquité !

Votre politique pénale n'est accompagnée d'aucune réflexion sur le sens et l'utilité de la peine. Les détenus et les détenus provisoires - près de 44 % des personnes emprisonnées - s'entassent. Vous renforcerez les mesures de sûreté à l'intérieur des établissements pénitentiaires, mais à quoi tout cela sert-il ? Les mesures alternatives à la peine ne sont-elle bonnes que pour les grands criminels ?

Mais notre plus forte opposition porte sur la place accordée au juge du siège. Votre projet donne en effet, l'avantage à la procédure intervenant avant le jugement. La police verrait ses pouvoirs considérablement accrus, le parquet détiendrait le pouvoir de prononcer des peines de sûreté. Cela serait aussi grave pour la justice et les justiciables que pour la police, dont l'utilité et la déontologie seraient remises en cause.

En effet, la priorité est donnée au visible, à l'apparence. Les policiers sont mobilisés sur la voie publique. Ils se voient confier des tâches répressives à l'encontre de catégories de personnes stigmatisées. Les contrôles d'identité se multiplient, les cas de violences policières avérées aussi. Dans le même temps, les effectifs de la police judiciaire, police d'enquête et d'investigation, diminuent. Le taux d'élucidation des délits les plus graves demeure la carence centrale de notre système. L'action spectaculaire est privilégiée par rapport à un travail de fond qui ne fournit pas de chiffres exploitables pour la communication gouvernementale.

Parce que ce projet ne permet pas de s'attaquer aux racines financières des trafics en réseaux, parce qu'il déséquilibrerait gravement notre système judiciaire en renforçant considérablement les pouvoirs de la police et de l'accusation au détriment des droits de la défense et du travail d'instruction, parce que cette dérive n'améliorera en rien la protection des biens et des personnes, nous vous demandons de voter cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Je voudrais d'abord répondre à quelques points particuliers. M. Braouezec a parlé comme si nous devions mener dès demain des centaines d'infiltrations. Mais il s'agit d'une procédure extrêmement délicate, qui sera confiée à des services spécialisés. Il craint par ailleurs que les droits de la défense soient compromis, mais le texte va jusqu'à prévoir la confrontation avec l'agent infiltré, malgré les difficultés que cela présente pour sa propre sécurité ! Le texte est donc très équilibré sur ce sujet.

M. Braouezec évoque également la garde à vue de quatre jours comme si nous souhaitions la généraliser à toutes les personnes mises en cause en matière de criminalité organisée. Ce n'est absolument pas le but ! Il y a aura d'ailleurs un verrou toutes les 24 heures, le premier pouvant être levé par un magistrat du Parquet et les autres uniquement par un juge de la liberté et des détentions. Chaque fois, donc, on vérifiera si la prolongation de la garde à vue est nécessaire à l'enquête.

Vous avez d'autre part fait un procès au « plaider coupable » au nom du respect des victimes. C'est un total contresens ! Relisez l'article 495-13 du projet : quand la victime est identifiée, le procureur devra proposer à l'auteur des faits la réparation des dommages dans un délai inférieur à six mois. La victime, si elle est identifiée, devra être informée sans délai ; elle pourra comparaître à l'audience au moment où l'ordonnance d'homologation sera discutée. Si elle s'est portée partie civile, même en amont de la procédure ou par simple lettre, sa demande devra être examinée. Si elle ne l'a pas fait, elle sera informée de son droit de le faire, et alors une convocation lui sera adressée devant le tribunal, qui statuera sur sa demande de dommages et intérêts. C'est donc tout l'inverse d'une négation des droits de la victime : à chaque stade elle est informée, et on lui permet de faire valoir ses droits. En outre, elle a le droit de faire appel.

Je note par ailleurs une contradiction dans votre argumentation. Vous soutenez que la précédente loi votée dans cet hémicycle, et défendue par le ministre de l'intérieur, visait les petits délits. Pour les grands, à vous entendre, c'est l'impunité. Et vous annoncez l'impunité pour le vol en bande organisée de véhicules, parce qu'on pourra proposer une composition pénale ou un « plaider coupable ». Mais le vol en bande organisée encourt quinze ans de prison ! Et le maximum pour la composition ou le « plaider coupable », c'est cinq ans. Le projet de loi, au contraire de ce que vous dites, a pour but de pouvoir sanctionner durement la grande criminalité, les gens qui sont à la tête des réseaux, qui profitent de l'argent sale. J'aurais pensé que, sur ces objectifs, vous auriez pu le soutenir.

Enfin nous avons fait un gros travail en commission : plus de cinquante heures d'auditions, plus de sept cents amendements examinés, dont trois cents approuvés. Le renvoi en commission n'est nullement opportun.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 380 a une grande importance à nos yeux, car il a pour objet de définir la notion de bande organisée. J'ai souligné dans la question préalable que la définition qu'en donne l'article 132-71 du code pénal est insuffisante. Relisons-la : « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions. » Cette définition est d'autant plus insuffisante qu'elle est identique à celle que donne l'article 450-1 pour l'association de malfaiteurs. Compte tenu de l'importance que revêt dans le projet la qualification de bande organisée, qui donne lieu à une procédure et une incrimination particulières, il nous semble très important que cette notion soit parfaitement définie. Nous proposons donc de rédiger ainsi l'article 132-71 : « Constitue une bande organisée au sens de la loi un groupement de personnes qui participent sciemment à une structure ou une entreprise pérenne conçue, pour une durée déterminée ou indéterminée, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions. » Nous pensons que ce texte caractérisera mieux la notion que la rédaction antérieure, dont je rappelle que l'objet n'était pas de créer une circonstance aggravante.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La définition actuelle est claire ; de plus elle date déjà de plusieurs années et est bien reconnue par la jurisprudence.

M. le Garde des Sceaux - Même avis. Je ne vois pas l'intérêt de modifier cette définition que la jurisprudence a nourrie et éclairée ; on risque au contraire d'introduire du flou.

L'amendement 380, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Noël Mamère - J'interviens sur cet article parce qu'il résume bien la philosophie de votre projet. Il articule une notion floue, celle de criminalité organisée, avec la création de nouvelles juridictions spécialisées, la procédure d'infiltration et la garde à vue de quatre jours. Ce dispositif organise l'assujettissement de la justice à une police de plus en plus omnipotente ; nous n'apercevons plus aucun des objectifs d'une justice équitable, qui s'interroge sur les finalités de la peine et sur la réparation. La mise en avant de la notion de criminalité ou de bande organisée a été clairement dénoncée le 23 mars 2003 par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. C'est une notion qu'on a d'ailleurs du mal à distinguer de celles de réunion, de complicité, de co-action ou d'association de malfaiteurs. Et elle a été mise en question, Monsieur le Garde des Sceaux, par une circulaire - que vous ne pouvez ignorer - du 14 mai 1993 commentant la partie législative du code pénal. En raison d'une définition imprécise, le texte pourra recevoir des interprétations extensives, dont la police tirera parti. C'est pourquoi nous proposerons de supprimer les éléments de cet article qui nous semblent développer l'arbitraire.

Par ailleurs ce projet ne prend pas en compte la nécessité de construire un espace judiciaire européen. Sans nier l'intérêt de l'infiltration, il faut se garder de la banaliser. Vos dispositions sont dangereuses pour les personnels, dont l'anonymat s'accommode mal de la procédure écrite, et pour les droits de la défense, laissés dans l'ignorance non seulement de l'identité des accusateurs, ce qui peut encore se comprendre, mais aussi des moyens utilisés et du respect ou non de la procédure d'autorisation par la procureur. Pour les agents autorisés à commettre des infractions dans le cadre d'une infiltration, comme pour les personnes qu'ils utilisent, l'irresponsabilité pénale absolue constituera une tentation de commettre ces délits dans leur intérêt. Le judiciaire doit donc pouvoir exercer un contrôle effectif pendant la durée de la procédure.

Le recul des droits de la défense et de la présomption d'innocence s'exprime par l'allongement de la garde à vue, qui consacre une culture de l'aveu. Il ne convient pas de doubler la durée de la garde à vue en dehors de cas très particuliers, liés au terrorisme ou au trafic de stupéfiants. Cette disposition n'est du reste pas applicable, les commissariats n'étant pas conçus pour cela et les lieux de rétention, lorsqu'ils existent, étant engorgés.

Par l'accroissement infini des prérogatives de la police, cet article constitue une régression injustifiable des droits de la défense, et crée un risque d'arbitraire, parce qu'il donne la priorité à une justice expéditive. Votre projet ne s'attaque pas réellement aux réseaux mafieux. Il laisse aux policiers le choix de leurs procédures, et concentre ses coups non sur les têtes des réseaux mafieux, mais sur la petite délinquance des bandes de banlieue. On ne s'attaquera pas aux gros bonnets, mais aux revendeurs, aux petits dealers dans les quartiers.

Cette loi nous concerne tous. Rappelons-nous l'article 66 de la Constitution de 1958 : « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » Votre projet n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution, car il ôte à la justice son pouvoir de contrôle effectif du bon usage de la force publique par la police.

M. le Rapporteur - L'amendement 38 est rédactionnel.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 639 se justifie par les arguments que j'ai formulés, au nom des députés Verts, sur l'article premier. Il s'agit notamment de la notion de bande organisée, et de l'inventaire à la Prévert dont nous accable votre article 706-73. Il correspond à ce qu'on appelle un « type ouvert », susceptible d'accueillir un grand nombre de situations, et notamment certaines actions syndicales, qui pourraient tomber dans le champ de ce texte.

M. Gérard Léonard - C'est ridicule !

M. Noël Mamère - Pas du tout, et d'autant moins qu'il y a aujourd'hui des leaders syndicaux menacés de prison pour avoir mené des actions syndicales. En outre, on introduit ici une notion dangereuse pour la liberté syndicale, celle de récidive - comme si la vocation d'un responsable syndical n'était pas précisément de récidiver dans ses actions ! Demandez à M. Ferry et à M. Fillon ce qu'ils en pensent face à la mobilisation des Français contre les projets sur les retraites et les atteintes à l'Education nationale. En appliquant votre loi et ses « types ouverts », on pourrait s'en prendre aux responsables syndicaux qui sont aujourd'hui dans la rue parce que votre gouvernement n'a pas engagé de réelles négociations... Cette loi est donc aussi une déclaration de guerre au mouvement social (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Sur la notion de bande organisée, M. Le Bouillonnec a dit ce qu'il fallait ; il en a démontré le flou, qui vous permettra d'appliquer servilement ce qu'a déjà engagé M. Sarkozy. Il était d'ailleurs très intéressant d'entendre tout à l'heure M. Estrosi : on avait l'impression qu'il commentait la loi sur la sécurité présentée par le ministre de l'intérieur en juillet 2002... Il avait dû se tromper de loi et sans le vouloir, il a mis en lumière la soumission de la justice à la police et au ministre de l'intérieur. Cette notion de bande organisée, trop floue, risque de toucher les plus démunis.

M. Gérard Léonard - Quel culot !

M. Noël Mamère - Madame Tanguy, à aucun moment de votre intervention, vous n'avez évoqué la notion de crime écologique. Or, une enquête de la WWF a montré que 83 % des Français souhaitaient que la notion de crime écologique soit reconnue par le droit français et le droit international. Comment peut-on introduire la pollution maritime dans le code de procédure pénale, et nier la notion de criminalité écologique ?

M. Gérard Léonard - Quelle démagogie !

M. Noël Mamère - La criminalité écologique n'est pas le seul fait d'armateurs ou de producteurs pétroliers véreux, de « voyous des mers », elle est aussi le fait de grands groupes internationaux, y compris français, qui polluent nos sols et nous obligent à ingérer des OGM.

M. Gérard Léonard - Inacceptable !

M. Noël Mamère - Tout est acceptable ici, y compris vos bêtises !

M. Gérard Léonard - Moi je n'attaque pas mes collègues !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Rappelons que c'est le gouvernement de M. Raffarin qui durcit la législation contre les voyous des mers et non celui de M. Jospin ! (« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe UMP)

Par ailleurs, j'approuve la définition donnée par le Garde des Sceaux de la criminalité organisée. Ensuite, la notion de bande organisée est définie à l'article 132-71 du code pénal, et n'ont rien à voir avec les manifestations dans la rue.

Quant aux séquestrations, je proposerai un amendement 691 qui vous donnera satisfaction.

M. le Garde des Sceaux - J'apprécie le talent de M. Mamère pour la provocation, mais ne donnerai pas moins un avis défavorable.

L'amendement 639, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 39 est de précision.

M. le Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 39, mis aux voix, est adopté.

M. Georges Fenech - Par l'amendement 260, je propose d'ajouter à la liste des infractions de crime organisé l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse prévu par les articles 223-15-2 et 223-15-4, afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre les mouvements sectaires dangereux. Ces infractions pourraient ainsi être confiées à une juridiction spécialisée.

M. le Rapporteur - Défavorable, même si l'on peut comprendre la démarche. Dans un souci de cohérence, on ne peut ajouter à une liste d'infractions faisant encourir dix ans d'emprisonnement, une infraction passible seulement de trois ans. Du reste, le projet de loi confie l'abus frauduleux de l'état d'ignorance sur l'article 223-15-2 à des magistrats spécialisés.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable pour les mêmes raisons. La logique du texte est de définir de façon limitative les sujets confiés à des juridictions spécialisées selon des règles de procédure particulières.

L'amendement 260 est retiré.

M. Michel Vaxès - L'amendement 578 vise à supprimer le 4° de l'article premier, afin de prévenir le risque de voir certaines actions syndicales tomber sous le coup de la nouvelle procédure applicable aux formes les plus graves de criminalité et de délinquance.

M. le Rapporteur - Défavorable. Je le répète : le champ de la criminalité organisée est défini de la manière la plus stricte et claire possible. Il n'est pas question de supprimer l'enlèvement et la séquestration, infractions graves qui relèvent effectivement de la bande organisée.

Enfin, mon amendement 691 vous donne en partie satisfaction.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Rappelons que les dispositions de l'article 224-1 ont déjà été retenues par les juridictions pour sanctionner des activités syndicales.

M. le Rapporteur - Permettez-moi, pour éclairer l'Assemblée, de défendre dès à présent le 691 qui exclut du champ de la criminalité organisée les séquestrations punies de cinq ans d'emprisonnement, par exemple lorsque la personne est libérée volontairement avant le septième jour de la séquestration.

M. le Garde des Sceaux - La précision apportée par M. Warsmann lève toute ambiguïté et prévient toute utilisation intempestive du dispositif dans des cas qui ne sont pas visés par la loi. Je suis donc favorable au retrait ou au rejet de l'amendement 578 et au vote de l'amendement 671.

M. Michel Vaxès - Que le rapporteur veuille lever le risque d'une mauvaise interprétation, tant mieux. Mais ce faisant, il reconnaît que cette difficulté d'interprétation existe. Je voterai volontiers son amendement, mais je maintiens le nôtre. De plus, le fait que l'interprétation sera donnée par les premiers enquêteurs renforce le risque que nous ne sommes pas seuls à souligner.

M. le président de la commission des lois - Ce texte porte sur la grande criminalité. Vous admettrez que le délit de séquestration existe aussi dans ce cadre, qui n'a rien à voir avec le droit syndical dont vous vous souciez. S'agissant de grande criminalité, il est impossible de le supprimer.

M. Michel Vaxès - Je ne vous prête nullement l'intention de traiter de la séquestration en dehors de ce contexte de la grande criminalité. Mais vous savez bien que d'autres pourront en faire une interprétation différente.

L'amendement 578, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 691, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 40 inclut dans le champ de la criminalité organisée les destructions de biens commises en bande organisée. Elles sont punies de vingt ans de réclusion criminelle.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 41, adopté à l'initiative de M. Fenech, est rédactionnel.

L'amendement 41, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 42 inclut dans le champ de la criminalité organisée les délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers commis en bande organisée, qui sont punis d'une peine de dix ans d'emprisonnement.

M. le Garde des Sceaux - Favorable.

M. Thierry Mariani - Très bien !

M. Noël Mamère - La notion de bande organisée n'étant pas définie, qui dit que des gens de bonne volonté ne seront pas condamnés à ce titre ? Que le GISTI ou le MRAP ne seront pas considérés comme des bandes organisées de « droits-de-l'hommiste » pour avoir aidé ceux qui fuient le sous-développement ou la tyrannie ? Je ne voterai pas un amendement qui représente un risque pour les associations d'aide aux plus démunis. Ce texte porte la marque du tout-sécuritaire de M. Sarkozy, comme nous le verrons aussi de ceux qui traiteront de l'immigration et du droit d'asile.

M. Gérard Léonard - C'est nul !

M. le Rapporteur - Pour ce qui est de la définition des infractions, nous travaillons à droit constant.

M. le Garde des Sceaux - Nous sommes très inquiets devant l'action d'organisations internationales criminelles qui profitent des difficultés de ceux qui cherchent à immigrer dans nos pays. Souvenez-vous de ce bateau qui a déposé des centaines de malheureux turcs, syriens ou irakiens sur nos côtes. Ce scandaleux trafic d'êtres humains, aussi indigne que l'esclavage, doit être puni, et c'est de cela qu'il s'agit dans ce texte. Ces organisations criminelles font des profits considérables, il faut lutter contre elles avec la plus extrême vigueur. Cela passe par une coopération internationale.

M. Noël Mamère - J'entends bien l'argument sur la lutte contre les réseaux mafieux qui exploitent les plus vulnérables. Mais qu'avez-vous fait pour arrêter les responsables de ce bateau ? Quelles dispositions contient votre loi pour lutter contre ces réseaux mafieux ? Et vous oubliez bien d'autres réseaux organisés d'exploitation, comme ces grandes sociétés qui en recourant à des sous-traitants, favorisent un esclavage moderne. Nous nous félicitons que le plus grand paquebot du monde soit construit à Saint-Nazaire. Mais responsables syndicaux et journalistes le disent, c'est aussi en employant des clandestins, comme cela se voit sur les navires et dans toutes les grandes villes. Or, il y a bien trop peu d'inspecteurs du travail. Balayons devant notre porte. Les réseaux mafieux ne sont pas seulement ceux que l'on dénonce ici.

M. le Rapporteur - M. Floch, pour le groupe socialiste, a reconnu que ce texte comportait de grandes avancées pour la coopération judiciaire internationale. Quand une affaire très complexe arrive dans un tribunal débordé par les cas de délinquance quotidienne, le risque est qu'il poursuive simplement l'homme de main, le lampiste, sans avoir le temps ni les compétences pour remonter à la tête du réseau et à ceux qui empochent l'argent. C'est parce que nous voulons que la justice puisse punir la tête de réseau, en particulier dans les affaires de traite des êtres humains, que nous créons des juridictions spécialisées. Et c'est parce que je sais que nous partageons tous cette volonté que je souhaiterais que cet amendement soit adopté à l'unanimité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La difficulté vient de l'absence de définition de la criminalité organisée. Elle nous fait craindre que les nouvelles dispositions soient utilisées à l'encontre de syndicats ou d'associations qui aident les étrangers. C'est pourquoi nous avions proposé avant l'article premier une définition qui aurait évité toute confusion de ce type.

M. le Rapporteur - Je ne veux pas être méchant, mais enfin quelle clarté peut apporter une définition comme celle que vous proposiez à l'amendement 380 : « une entreprise pérenne conçue pour une durée déterminée » ? (Sourires)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Peut-être ne sommes-nous pas d'excellents rédacteurs, mais la définition que nous proposons a le mérite de contenir l'adverbe « sciemment », qui fait de la volonté de participer à un processus organisé un élément constitutif du délit ou du crime. Acceptez au moins cet ajout.

M. le Rapporteur - Il ne servirait à rien puisque nous sommes là face à un principe général du droit pénal.

M. le Président de la commission des lois - L'article 121, alinéa 3, dit en effet qu'il n'y a pas crime ou délit sans intention de le commettre.

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 inclut dans le champ de l'article 706-73 les délits de blanchiment ou de recel, mais en restant dans le cadre de la liste proposée par le Gouvernement.

M. le Garde des Sceaux - Compte tenu de cette dernière précision, j'accepte cet élargissement. Nous avons procédé en effet par énumération limitative, pour éviter une utilisation trop large par les parquets des nouvelles procédures, et pour nous conformer au principe de proportionnalité posé par le Conseil constitutionnel.

L'amendement 43, mis aux voix, est adopté.

M. Thierry Mariani - Force est de constater qu'au cours des derniers mois, les moyens employés pour l'évasion des détenus, qu'il s'agisse de celle d'Antonio Ferrara, le 12 mars 2003, ou quelques semaines plus tôt de celle de Joseph Menconi - tous deux fichés au grand banditisme - relevaient de la criminalité et de la délinquance organisées : lance-roquettes, hélicoptères, commandos, fusils-mitailleurs. On n'est plus dans l'artisanat.

Tout récemment encore, trois hommes, dont l'un est considéré comme un des « parrains » du Var, se sont évadés de la maison d'arrêt d'Aix en hélicoptère. Ils ont depuis été repris, mais comment ne pas qualifier ces faits de criminalité organisée ?

Dans l'amendement 421, je propose donc d'étendre les possibilités prévues par le présent texte à ces délits d'évasion particulièrement graves et qui mettent en péril la vie des membres de l'administration pénitentiaire.

M. le Rapporteur - Je partage vos préoccupations mais la commission a émis un avis défavorable pour des raisons de cohérence. Actuellement le délit d'évasion n'est pas sanctionné par une peine de dix ans, mais de trois ans maximum. Le Gouvernement vous donne partiellement satisfaction en proposant de la porter à cinq ans, ce qui constitue déjà une sanction lourde.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable pour les mêmes raisons. J'ajoute que si des détenus s'évadent en utilisant des explosifs qui entraînent une destruction ou en commettant un homicide, la loi s'appliquera car il y a bien opération en bande organisée. Mais il ne faut pas que le seul fait de l'évasion entraîne automatiquement l'application du texte.

M. Thierry Mariani - L'article 434-30 du code pénal prévoit bien une peine de dix ans s'il est fait usage d'une arme ou d'une substance incendiaire ou toxique. Je pourrais sous-amender mon amendement en me référant à cet article.

M. le Rapporteur - Je vous donne acte que, dans un cas précis, la peine peut atteindre dix ans, mais je ne vois pas l'utilité juridique de votre amendement.

L'amendement 421 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 44 est de coordination.

L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 22 mai, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 22 MAI 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion de la proposition de résolution (n° 446) sur la création d'un procureur européen.

M. Guy GEOFFROY, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 565)

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 784) portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

M. Jean-Luc WARSMANN, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 856)

M. François d'AUBERT, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 864)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale