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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 16ème jour de séance, 42ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 21 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

        AUTONOMIE FINANCIÈRE
        DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
        - deuxième lecture - (suite) 2

        ARTICLE PREMIER (suite) 2

        APRÈS L'ARTICLE PREMIER 6

        ART. 2 8

        ART. 3 24

La séance est ouverte à quinze heures.

AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
- deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. René Dosière - Par l'amendement 6, nous proposons de distinguer les communes de moins de 10 000 habitants et celles de plus de 10 000 habitants afin de mieux tenir compte de leur diversité. Comme je l'ai dit ce matin, si l'on compare le ratio d'autonomie financière des communes de moins de 250 habitants et celui de la ville de Paris, on se rend compte qu'il est de 28 % pour les premières et de 53 % pour la seconde, soit à peu près le double. Décider d'un ratio unique, c'est gommer cette différence et adopter un indice moyen qui n'aura aucune signification. Comme nous ne pouvons imaginer que le Gouvernement souhaite faire adopter un texte qui ne servira à rien, nous l'aidons, par cet amendement, à l'améliorer. Sachant que la France compte 36 679 communes, chacun comprendra aisément tout le bien-fondé de la formule « ratio unique, ratio inique ».

M. Michel Bouvard - Oh ! (Sourires)

M. René Dosière - C'est cette iniquité qu'il faut éviter ; le mécanisme que nous proposons conduirait à un ratio de 38 % d'autonomie financière pour les communes de moins de 10 000 habitants et de 44 % pour les autres. Pour les communes au moins, Monsieur le ministre, acceptez cette distinction.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois - Vous avez fait référence, ce matin, à l'article 72 de la Constitution, qui établit plusieurs catégories de collectivités territoriales, et j'avais compris que vous ne souhaitiez pas aller au-delà. Or, vous proposez maintenant de créer une sixième catégorie, ce qui ne me semble pas très cohérent.

Plus généralement, l'objectif du texte n'est pas de mesurer et, éventuellement, de rétablir, l'autonomie financière collectivité par collectivité. Imaginons qu'une commune soit amenée à aliéner une partie de son domaine ; son ratio d'autonomie financière en serait considérablement augmenté une année donnée et l'Etat pourrait envisager de réduire ses concours sans que le ratio soit diminué, étant donné ces circonstances particulières. Dans ce cas, l'objectif visé par le texte, à savoir l'instauration d'une relation de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales, ne serait pas atteint. C'est pourquoi l'appréciation de l'autonomie financière ne peut se faire que par grandes masses ; c'est pourquoi, aussi, la commission n'a pas retenu l'amendement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Avis défavorable. Nous avons décidé, pour garantir une véritable autonomie financière aux collectivités territoriales, de coller au terrain et, donc, de faire le choix de la simplicité. Nous avons donc retenu les catégories de collectivités territoriales mentionnées au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, auxquelles nous avons agrégé les EPCI. De ce fait, le découpage que vous proposez n'est pas possible.

M. Jean-Pierre Dufau - Je soutiens sans réserve l'amendement de notre collègue Dosière, qui est de pur bon sens, mais il faudrait préciser que le seuil retenu doit être exprimé en « habitants DGR ».

M. René Dosière - N'essayez pas de me mettre en contradiction avec moi-même, sinon je vous renverrai la politesse... Vous savez parfaitement que cet amendement est une proposition de repli, et si vous acceptiez, par cohérence, de retenir comme liste des collectivités territoriales celles qu'énumère la Constitution, je le retirerais, mais vous n'y êtes manifestement pas prêt.

J'ajoute que faire simple n'oblige pas à être simpliste. Or, prévoir un indice unique pour 36679 communes, c'est un peu simpliste...

Enfin, j'observe que l'attitude de nos collègues de la majorité, qui défendent les ressources propres dans toutes les associations d'élus locaux et qui votent le contraire ici, n'est guère de nature à restaurer la confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales. Croyez que nous saurons faire savoir lors du congrès des maires à l'automne, quel a été ici le vote de des députés de la majorité, que l'on n'entend guère et à qui je rappelle qu'ils n'ont pas nécessairement juridiquement raison (Rires sur de nombreux bancs)

M. le Président - Vous rappelez de vieux souvenirs à nombre d'entre nous...

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand - Notre amendement 5 a trait aux EPCI. Naturellement, on nous objectera que la réforme constitutionnelle n'a pas élevé les structures intercommunales au rang de collectivités territoriales, mais je rappelle que nous l'avions alors demandé et que nous sommes revenus à la charge à l'occasion de ce projet comme nous le ferons sur celui qui va suivre. Nous pensons en effet que nous ne pouvons faire l'économie de la prise en compte de l'intercommunalité à fiscalité propre, qui est de plus en plus importante, en particulier pour nous, élus ruraux.

Certains disent que les socialistes n'ont rien fait, mais nous avons fait adopter la loi Joxe de 1992 et la loi de 1999, qui ont été les deux textes les plus importants depuis les lois Defferre. Vous, vous ne les avez pas votées, mais vous vous êtes empressés de les appliquer... Maintenant, ces dispositifs arrivent en milieu urbain - à l'exception notable de la région parisienne - avec les communautés d'agglomération, et ils suscitent une véritable dynamique.

Il est donc regrettable que la loi sur les responsabilités locales ne prévoie rien en ce qui concerne l'élection des structures intercommunales au suffrage universel. M. Daubresse, qui était un rapporteur qui « assumait » (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), avait d'ailleurs reconnu qu'il faudrait un « acte III » de la décentralisation pour aller dans ce sens.

Mais c'est surtout la question financière qui importe. Nous avons d'ailleurs posé des questions à propos du plan Borloo et des fameux 120 millions qui vont être pris dans le cadre de la DSU. Qui prend à qui ? Que met-on sur quoi ? Touche-t-on aux dotations forfaitaires ? Est-il bien indiqué de prendre à l'intercommunalité alors qu'elle monte en puissance ? Aujourd'hui, plus de 50 millions de Français relèvent de telles structures. Alors que la TPU est le seul impôt dont elles disposent, vous voulez supprimer la TP et les plonger plus encore dans l'insécurité financière. Je n'y comprends plus rien, et je ne suis pas le seul, puisque l'ADCF, que préside M. Censi et qui n'est pas une organisation politique, demande depuis plusieurs mois comment on fera face à la montée en puissance de l'intercommunalité à fiscalité propre. J'attends donc des engagements du Gouvernement.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, car la Constitution n'a pas prévu de faire des EPCI des collectivités territoriales à part entière. La loi organique y fait toutefois référence en considérant qu'ils sont des prolongements de l'action communale et qu'ils entrent à ce titre en ligne de compte dans l'établissement du ratio de l'autonomie financière de la catégorie des communes.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 5, le groupe socialiste a demandé un scrutin public.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Nous n'allons pas reprendre le débat sur la nécessité de considérer les EPCI comme une catégorie spécifique de collectivités territoriales.

Lorsque les précédents gouvernements ont pris l'initiative - je le reconnais - de lancer le mouvement de l'intercommunalité, le choix de la TPU a été fait, et il serait aujourd'hui bien compliqué de séparer les EPCI des communes.

Vous avez aussi évoqué la DSU, nous y reviendrons à l'occasion de deux rendez-vous importants : la réforme des dotations et le plan de cohésion sociale. Une réflexion est engagée sur la manière d'améliorer l'efficacité de la DSU en termes d'équité territoriale. On pourrait ainsi se demander s'il serait possible d'utiliser les surplus dans la progression de la DGF pour améliorer les choses.

M. René Dosière - Je vous remercie d'avoir reconnu que la gauche avait engagé résolument notre pays dans la voie de l'intercommunalité. Nos collègues de la majorité, qui répètent à l'envi que nous n'avons rien fait, n'y semblent pas prêts...

M. le Ministre délégué - A vous désormais de reconnaître l'action de ce gouvernement en faveur de la décentralisation !

M. René Dosière - Chaque chose en son temps... Mais c'est bien à notre initiative qu'a été engagée cette révolution tranquille du fonctionnement de notre système administratif.

Vous n'avez pas voulu en tirer les conséquences dans la réforme constitutionnelle vous refusez l'élection des responsables intercommunaux au suffrage universel, en dépit du volume considérable des impôts qu'ils votent sans rendre aucun compte à la population - c'est d'ailleurs ce qui explique que la fiscalité des EPCI augmente de 12 à 15 % par an.

Mais il s'agit aujourd'hui de définir l'autonomie financière des collectivités territoriales, et vous êtes bien obligés, dès lors que nous parlons des communes, de prendre en compte les EPCI, qui représentent une part importante de la vie communale, un tiers de leur fiscalité, les deux tiers de la TP étant maintenant perçus par des EPCI à TPU.

Mais ce n'est pas parce que les EPCI ont une taxe professionnelle unique, Monsieur le Ministre, qu'on ne peut pas séparer leur fiscalité et celle des communes.

Je souligne d'autre part une autre difficulté, qu'a évoquée M. Balligand. Après que l'on a incité les intercommunalités à s'engager dans la voie de la taxe professionnelle unique, et à l'heure où beaucoup d'entre elles se demandent si elles peuvent le faire - un tiers d'entre elles n'y sont pas encore -, le Président de la République, en décidant tout seul, comme un grand (Murmures sur les bancs du groupe UMP) de supprimer la taxe professionnelle, les plonge dans une véritable insécurité financière. Il est paradoxal que nous n'ayons aucun élément de réponse sur ce point : comment voulez-vous que les intercommunalités passent à la TPU alors qu'elles ne savent même pas quelles seront leurs ressources d'ici deux ans ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Très juste !

M. Jean-Pierre Dufau - Je suis frappé par l'attitude du Gouvernement, et plus largement de la droite, qui en matière d'organisation territoriale semble toujours en retard d'un progrès. Les communes figurent dans la loi organique, de même que les départements et les régions, mais pas les EPCI ; il est incompréhensible pour le citoyen qu'on ne les reconnaisse pas, alors qu'ils sont le moyen d'assurer le développement économique, de mobiliser des financements, de mener à bien les projets. En les maintenant dans l'insécurité financière, le Gouvernement ne tient pas compte de ce qui se passe sur le terrain ; il a une vision « hors-sol » de la réalité.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Le débat sur la catégorie EPCI a été tranché lors de la réforme constitutionnelle, et la loi organique doit être parfaitement conforme à la Constitution ; là n'est donc pas le sujet. Mais je veux rassurer MM. Balligand et Dosière sur l'évolution de la DGF au profit de l'intercommunalité. Ces dernières années, on a réussi, grâce à l'augmentation annuelle de la DGF, à dégager chaque année 300 à 400 millions de francs au bénéfice de l'intercommunalité, ce qui a permis à la fois de satisfaire les besoins de celle-ci et de consacrer un reliquat suffisant à la DSU et à la DSR. Les perspectives pour les années qui viennent sont encourageantes : compte tenu d'un certain ralentissement des besoins de l'intercommunalité, nous serons en mesure de dégager les sommes nécessaires à la fois pour elle et pour la DSU et la DSR. La réforme des dotations qui sera proposée dans le cadre de la loi de finances pour 2005 bâtira une architecture qui permettra le même type d'évolution, assurant donc, outre le financement prioritaire de l'intercommunalité, les sommes nécessaires à la DSU et à la DSR. Nous serons en mesure de dégager environ 100 millions d'euros supplémentaires pour la DSU : il n'y a donc pas lieu de s'alarmer.

Vous évoquez de prétendues incohérences du Gouvernement en matière de finances locales. Permettez-moi donc d'évoquer un souvenir. Il y a six ans jour pour jour, j'assistais, comme représentant de l'AMF, à une réunion interministérielle avec Dominique Strauss-Kahn et Jean-Pierre Chevènement. Et c'est cet après-midi là que M. Strauss-Kahn nous a appris que, du jour au lendemain, la part salaires de la taxe professionnelle allait disparaître, pour être remplacée par une dotation d'Etat... Et M. Chevènement, qui au même moment défendait la relance de l'intercommunalité par le biais de la taxe professionnelle unique, a appris en même temps que nous que le tiers de la TP allait disparaître ! Voilà la concertation socialiste telle que je l'ai vue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Bouvard - Je ne veux pas accabler nos collègues de l'opposition, mais il est parfois nécessaire de les faire sortir de leur vision manichéenne d'une opposition entre progressistes et conservateurs. Je rappelle donc que nous n'avons jamais été contre le fonctionnement de l'intercommunalité.

M. Jean-Pierre Balligand - Vous avez voté contre.

M. Michel Bouvard - Vous savez bien que la loi Chevènement a repris quasiment point par point le projet Perben, qui avait été approuvé en Conseil des ministres avant la dissolution. Nous n'avons donc aucune hostilité envers la coopération intercommunale. En revanche, il n'est pas question, pour la majorité, de créer un nouveau niveau de collectivités territoriales. Les citoyens, qui s'inquiètent déjà de la superposition des niveaux d'administration, ne le comprendraient pas, et risqueraient de devenir pour le coup hostiles à l'intercommunalité elle-même. Nous aurions alors échoué à assumer nos responsabilités en matière de simplification et de bon usage de l'argent public. Nous ne devons donc pas nous engager dans la voie de la création d'un nouveau niveau de collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Je veux rafraîchir la mémoire de M. Carrez. La part salariale de la taxe professionnelle a été remplacée par une dotation, certes, mais une dotation évolutive, qui a évolué en fonction de la DGF. Aujourd'hui, à l'inverse, on finance les charges transférées par des ressources qui ne sont pas évolutives : c'est toute la différence.

M. Michel Bouvard - Mais ce n'étaient pas des ressources propres !

A la majorité de 71 voix contre 22 sur 93 votants et 93 suffrages exprimés, l'amendement 5 n'est pas adopté.

M. René Dosière - Les amendements 8, 9 et 7 de M. Lurel ont pour but de respecter la spécificité des collectivité territoriales d'Outre-Mer et de ne pas noyer leurs comptes parmi ceux des collectivités de métropole. J'ai évoqué ce matin le cas de la Polynésie, collectivité particulièrement chère à beaucoup d'entre nous, notamment à gauche depuis qu'elle a changé de président... S'il est une collectivité territoriale qui dispose d'une autonomie financière extraordinaire, c'est bien la Polynésie française : 83 % de ses ressources - soit 680 millions d'euros sur 820 - sont des recettes fiscales, dont les élus polynésiens maîtrisent et l'assiette et le taux ! C'est ainsi que cette collectivité a pu, du temps de M. Flosse, porter à 16 % le taux normal de TVA, à 6 % le taux réduit et à 10 % le taux sur les prestations de services ; créer un impôt sur les bénéfices des sociétés ; et ne toujours pas créer d'impôt sur le revenu. Inclure cette collectivité, qui a déjà tous les attributs de l'autonomie financière, dans un texte qui a pour objet de préserver cette dernière n'a donc aucun sens. Nos amendements, qui tendent à tenir compte de cette spécificité, témoignent de notre respect pour le statut voté au début de l'année par la majorité de cette assemblée. Nous l'avions pourtant combattu ; mais finalement, il n'est pas si mauvais que cela puisqu'il a permis qu'une nouvelle majorité ait désormais les moyens de gouverner la Polynésie française...

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les trois amendements.

Certes, la structure financière des collectivités d'outre-mer est très hétérogène et diffère également de celle des collectivités de métropole, mais dans l'optique des transferts de compétences, il importe d'analyser les situations en termes de compétences exercées plutôt que de structures de financement. C'est précisément ce que le Gouvernement a choisi de faire.

De plus, la notion de « catégorie de collectivités » permet de remédier à de trop grandes disparités : si une catégorie de collectivité était spécifique à l'outre-mer, l'impact des différences en son sein serait trop important, et pourrait être source d'iniquités au détriment des collectivités de métropole.

Enfin, n'oublions pas que la France est une et que ses territoires doivent être traités de la même manière.

M. René Dosière - Vous ne répondez pas sur le cas particulier de la Polynésie.

M. le Ministre - Même avis que le rapporteur. J'ajoute simplement que nous ne voulons pas créer des catégories dont la spécificité serait telle qu'il ne serait pas possible de mesurer leur degré d'autonomie financière. Quoi qu'il en soit, on ne pourra faire pire que ce que nos pauvres régions ont connu ces dernières années avec une autonomie financière qui est subrepticement passée de 64 % à 35 %, comme l'a rappelé M. Carrez (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'article premier.

M. René Dosière - J'admets parfaitement qu'il ne faut pas compliquer la situation des collectivités d'outre-mer, mais je demande à M. le ministre de considérer le cas spécifique de la Polynésie : il ne peut prétendre qu'on ne peut isoler son budget ou qu'il serait difficile d'évaluer son degré d'autonomie financière - mais il est vrai qu'il pourrait être un peu gênant vis-à-vis des autres collectivités de mettre en évidence un taux d'autonomie qui est en l'occurrence de 84 %...

Quant aux chiffres sur la réduction de l'autonomie financière des collectivités, ils sont incontestables, en effet, mais s'il est aussi abominable que cela d'avoir substitué des dotations évolutives aux impôts locaux, que ne rétablit-on la vignette et la part régionale de la taxe d'habitation ?

M. Pascal Terrasse - Mais ils ne le feront pas !

M. René Dosière - L'ex-opposition n'avait d'ailleurs pas manqué de saisir le Conseil Constitutionnel de ces substitutions, et celui-ci a considéré que la libre administration des collectivités locales n'était pas remise en cause, dans la mesure où les dotations étaient, précisément évolutives. L'argument est donc quelque peu politicien (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 8, 9 et 7, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

A la majorité de 65 voix contre 23 sur 88 votants et 88 suffrages exprimés, l'article premier est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 10 vise à préciser que la péréquation est un élément constitutif de l'autonomie financière des collectivités locales.

Je vais le justifier par un exemple très simple. M. le ministre a parlé tout à l`heure, pour l'Ariège, d'un transfert de ressources de l'ordre de 102 %. Mais il s'agit de 102 % de ce que nous devait l'Etat, et non de ce que nous devons payer. Ce n'est pas la même chose ! Depuis le début de l'année, le volume du RMI a augmenté de 1,5 %, et si les chômeurs « recalculés » n'avaient pas eu finalement gain de cause, l'augmentation aurait été de 5 ou même 7 %. Le déficit auquel nous devons faire face est de 150 000 euros, et sera de 450 000 euros à la fin de l'année.

Tous les départements ne sont pas égaux face à ce transfert. On constate ainsi que les départements du sud de la France ont plus de 3 % d'érémistes : 4,8 % dans l'Ariège, 4,9 % dans l'Aude... La proportion est également élevée dans le Nord-Pas-de-Calais et dans certains départements de la région parisienne. Or, leur donne-t-on des moyens supplémentaires ? Non ! Il n'est pas sérieux qu'une loi sur l'autonomie financière des collectivités territoriales ne parle pas de péréquation, et c'est pourquoi cet amendement est très important.

M. le Rapporteur - Je remercie M. Bonrepaux qui me permet de me sentir moins seul à faire une « fixation » sur l'article 72-2 de la Constitution. Permettez-moi de le citer : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Il est bien écrit « la loi » et non « la loi organique ». Si la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ce n'est pas qu'elle mésestime l'importance de la péréquation, c'est parce qu'elle se conforme à la Constitution.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 10.

M. le Ministre délégué - J'émets à mon tour un avis défavorable pour la même raison : aux termes de la Constitution, il n'appartient pas à la loi organique d'évoquer la question de la péréquation. Nous le ferons à l'automne.

Je reviens un instant sur la question du RMI. Je vous ai dit ce matin, Monsieur Bonrepaux, que vous aviez bénéficié d'une couverture à 104 % de ces dépenses (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ces 104 % ne sont pas calculés par rapport à ce que l'Etat vous doit, mais tout simplement par rapport à ce que vous payez. Vous devriez donc dire merci et bravo au Gouvernement, merci pour avoir fait mieux que 100 % et bravo pour avoir tenu ses engagements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés UMP - Bravo et merci !

M. Pascal Terrasse - La brillante intervention du ministre n'est en tout cas pas valable pour tous les départements, car je puis vous dire qu'en Ardèche, nous perdons 150 000 € par mois. Le ministre m'a garanti une sorte de clause de « revoyure », mais le manque de trésorerie est bel et bien là.

Je ne crois pas qu'il faille se contenter de renvoyer la péréquation aux lois de finances successives. L'idée juste qu'exprime notre amendement, et qui reprend d'ailleurs presque littéralement une demande formulée par toutes les grandes associations de collectivités territoriales, doit être inscrite dans la loi organique.

M. René Dosière - Rien n'interdit en effet de poser dans la loi organique un principe comme celui énoncé par l'amendement 10. Si nous voulions entrer dans les modalités de la péréquation, on pourrait nous répondre que nous sortons du champ de la loi organique pour entrer dans celui de la loi ordinaire, mais nous nous contentons de poser un principe, lequel pourrait se révéler fort utile si un gouvernement ultérieur s'avisait de ne vouloir faire que de la péréquation horizontale, c'est-à-dire entre collectivités, plutôt qu'une péréquation verticale, c'est-à-dire entre l'Etat et les collectivités. Le Conseil constitutionnel pourrait alors objecter que cela porte atteinte à l'autonomie financière des collectivités locales. Il s'agit donc d'un amendement important.

M. Augustin Bonrepaux - Quand le ministre nous fait une réponse convenable, je le remercie, comme je l'ai d'ailleurs fait tout à l'heure, mais je ne le remercie pas quand il me sert des calculs faux au sujet du RMI ! J'ai récemment fait le point avec la caisse d'allocations familiales, qui me réclame 150 000 € supplémentaires. L'Etat, en outre, paie avec un mois de retard : mon département a ainsi reçu fin janvier les sommes correspondant à ce qui avait été versé en décembre.

M. le Président - Cela n'a rien à voir avec l'amendement ! Nous passons au scrutin public.

M. Augustin Bonrepaux - Laissez-moi terminer !

A la majorité de 60 voix contre 23 sur 83 votants et 83 suffrages exprimés, l'amendement 10, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement. Mon groupe a besoin de se réunir une demi-heure pour savoir dans quelles conditions il va pouvoir s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 20.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement, fondé sur son article 58.

Est-il nécessaire de continuer à débattre ? En effet je lis dans une dépêche d'agence que le président du groupe UMP est favorable à l'adoption sans modification du projet relatif aux libertés et responsabilités locales, tel que l'a voté le Sénat. Dès lors, à quoi sert, dans l'esprit de la majorité, l'Assemblée nationale ? Ne convient-il pas de réunir la Conférence des présidents pour examiner si nous devons continuer à siéger ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je réponds que nous poursuivons la discussion.

ART. 2

M. Nicolas Perruchot - L'article 2 tend à énumérer les catégories de ressources composant les ressources propres. Des débats qui ont déjà eu lieu sur ce point, il ressort que plusieurs problèmes se posent. D'abord ceux de la maîtrise du taux, de l'assiette et de la localisation de l'impôt. Ensuite celui de la légitimité des élus, qui doivent maîtriser leurs recettes ; si les ressources propres sont celles qu'ont décidées les collectivités par elles seules, le projet devra être modifié. Puis le problème de la confiance envers les élus, à qui on veut enlever une part de leurs responsabilités dans la détermination de leurs ressources propres, et celui du pouvoir de fixer le taux ou l'assiette. Enfin un problème constitutionnel, puisque le deuxième projet ne pourrait, semble-t-il, être adopté qu'après la promulgation de la loi organique. Je sais que le ministre nous prêtera une oreille attentive, lui qui était encore il y a peu maire d'une ville importante.

M. René Dosière - L'article 2 est destiné à définir ce que sont les ressources propres, ou plutôt fiscales, des collectivités locales. Monsieur le ministre, le projet définit les recettes fiscales propres comme des impositions de toute nature, autrement dit des impôts partagés, et vous approuvez sans critiquer.

M. le Ministre délégué - J'approuve avec enthousiasme !

M. René Dosière - La lecture des rapports du Sénat, Monsieur le rapporteur, montre que vous êtes bien seul à partager votre point de vue. M. Hoeffel, rapporteur de la commission des lois, ancien ministre des collectivités locales et actuel président de l'Association des maires de France, et M. Mercier, rapporteur de la commission des finances, sont en désaccord avec vous. En première lecture, j'ai cité des experts sur la définition des recettes fiscales, j'ai demandé au ministre de me fournir le nom de spécialistes qui soient de son opinion, et il n'a pu m'en procurer aucun. Seuls de votre avis, vous mettez en pratique cette phrase fameuse : « Nous avons juridiquement raison parce que nous sommes politiquement majoritaires ». MM. Hoeffel et Mercier l'ont d'ailleurs reprise à leur compte, puisqu'ils se sont finalement résignés à se rallier à vous. M. Hoeffel n'en est guère récompensé, puisqu'il éprouve bien des difficultés au sein de son parti pour être candidat aux prochaines sénatoriales...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Ne mélangez pas tout !

M. René Dosière - S'agissant de l'effort financier de l'Etat en direction des collectivités locales, quand j'entends à quel point l'action des gouvernements précédents est caricaturée, je souhaite faire une mise au point à laquelle je vous demande d'être attentifs.

M. le Ministre délégué - Je ne peux pas l'être davantage !

M. René Dosière - J'ai recherché le montant global de l'effort de l'Etat en faveur des collectivités, toutes dotations confondues. Entre 1989 et 1993, ce montant a augmenté de 26,731 milliards de francs, soit 19,3 % ; entre 1993 et 1997, de 9,379 milliards, soit 5,7 % ; et de 1997 à 2002, de 26,344 milliards, soit 15,1 %. Ces chiffres sont on ne peu plus éloquents : lorsque la gauche est au pouvoir, les dotations aux collectivités locales augmentent beaucoup plus que lorsque la droite est au pouvoir.

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. le Président de la commission - C'est malhonnête et fallacieux !

M. Gilles Cocquempot - La vérité n'est pas malhonnête !

M. René Dosière - Ces pourcentages, établis à législation constante, sont parfaitement justes. De ces montants ont même été ôtés les droits de mutation au profit des départements, qui ont été intégrés dans la DGD.

M. Jean-Pierre Balligand - Ce que l'on entend par « ressources propres » des collectivités est bien entendu déterminant pour leur autonomie financière. C'est pourquoi par notre amendement 13 à cet article 2, nous nous efforçons d'en donner une définition précise. Nos collègues de la majorité, à défaut d'écouter l'opposition, feraient bien de prêter attention aux critiques de l'UDF, petite composante de la majorité (Murmures sur les bancs du groupe UDF), de lire les deux rapports de leurs collègues sénateurs, et de se souvenir des débats qui ont eu lieu ici en première lecture.

Monsieur le ministre, je ne suis pas réputé pour être sectaire, et je crois qu'en l'espèce nous serions tous bien inspirés de nous écouter les uns les autres, car le dispositif que vous avez retenu risque d'avoir un dangereux effet boomerang... on pourrait bien avoir à en reparler dans quelques années.

Pour nous, une ressource propre des collectivités ne peut être qu'une ressource sur le produit de laquelle les collectivités ont quelque marge de manœuvre, en en modulant le taux et - ou - l'assiette. Je vous demande, chers collègues, de prêter attention à nos amendements qui ne disent pas autre chose, car il vous sera bien difficile de soutenir, dans les associations d'élus locaux, des positions inverses de celles que vous aurez prises ici. La question est de savoir si nous pouvons vraiment discuter ou si vous êtes pieds et poings liés, parce que le Gouvernement a pris sa décision et que rien ne saurait l'en faire changer. Rassurez-vous, ce n'est pas parce que nous aurons défini plus correctement à cet article 2 les ressources propres des collectivités que le Gouvernement va tomber !

M. Augustin Bonrepaux - La décentralisation a d'ores et déjà fait une victime. Nous apprenons par Le Monde de cet après-midi que la ville d'Avignon ne peut plus payer le conservateur du musée Calvet ! Voilà le triste résultat de transferts de compétences non compensés ! Et de tels cas vont se multiplier, puisque l'évaluation des charges transférées se fait toujours a minima. Pour ce qui est du RMI, vous avez prétendu ce matin, Monsieur le ministre, que son transfert était couvert à 104 % dans mon département. Non, il manque d'ores et déjà 150 000 euros (Dénégations de M. le ministre délégué). Eh bien, je dirai à la CAF de s'adresser à vous pour le paiement des intérêts de retard !

Il en ira de même avec le transfert des TOS. Comment les établissements pourront-ils fonctionner à compter du 1er janvier prochain avec 60 % de personnels en moins, puisque aujourd'hui 60 % des emplois de TOS sont occupés par des CES, des CEC... qui ne seront pas transférés ? Belle pagaille en perspective ! Je comprends bien que vous souhaitez que la communauté éducative et les syndicats se retournent contre les collectivités, et non contre l'Etat, mais nous saurons vous les renvoyer.

Le jeu est faussé, et en l'espèce, vous trompez même vos amis. Qui peut ici sérieusement considérer comme ressource propre d'une collectivité une ressource que celle-ci ne peut pas faire évoluer ? Comment seront compensées pour les TOS les augmentations de salaires futures ? Rien n'est prévu. Les charges des collectivités augmenteront donc inévitablement.

Votre définition des ressources propres est bien loin de celle que souhaitaient les associations d'élus ou vos amis sénateurs. Certes, un amendement de M. Fréville a été adopté au Sénat, mais que l'on nous en explique le sens exact, car, pour ma part, je ne le comprends pas bien. Que la loi fixe le taux ou détermine l'assiette locale d'une ressource ne donnera pas de moyens supplémentaires aux collectivités !

Avec cet article, se révèle au grand jour toute la duplicité de votre projet de décentralisation, habilement préparé par une réforme constitutionnelle, que vous avez fait voter à vos amis en leur promettant des garanties. Ils vous ont crus, mais vous les avez trompés et piégés, puisque vous invoquez maintenant la Constitution pour interdire toute évolution du concept de ressources propres.

Lorsque les élus locaux n'ont plus la responsabilité de voter l'impôt, c'est-à-dire lorsqu'est rompu le lien entre l'élu et le contribuable, il ne faut pas s'étonner que la citoyenneté dépérisse et que l'abstention progresse. Cet article 2 constitue une faute lourde, à l'encontre de la démocratie elle-même (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Nous voilà au cœur du problème. Chacun sait que le Gouvernement va faire en sorte que l'amendement Geoffroy, adopté en commission, le soit également ici. Or, ce n'est qu'un avatar de l'amendement Fréville, en pire, si j'ose dire. Aux ressources dont l'assiette ou le taux sont modulables par les collectivités, que chacun peut s'accorder à considérer comme des ressources propres des collectivités, cet amendement ajoute, nous explique-t-on dans le rapport, « la part locale d'assiette » et « celles des recettes des collectivités dans lesquelles l'assiette est localisée ». Que l'on m'explique comment une part d'assiette d'impôt national, sans aucune assiette locale, pourrait être considérée comme une ressource propre pouvant figurer au numérateur du ratio d'autonomie financière.

M. René Dosière - Il fallait le faire !

M. Charles de Courson - En effet, et cela a été fait. C'est proprement fou.

Je l'ai dit et répété au rapporteur et au ministre : vous allez tout droit dans le mur, en klaxonnant ! Si l'amendement du rapporteur est adopté en l'état, il suffira de supprimer tous les impôts locaux existants et de les remplacer par un impôt national, dont on décidera de verser, par exemple, un millième à la Bretagne et un dix millième à la Corse, puisque, pour M. Geoffroy si l'on procède ainsi, c'est bien d'une ressource fiscale qu'il s'agira ! Autrement dit, le rapporteur considère que l'on peut vider de toute substance la notion d'autonomie financière des collectivités territoriales ! C'est ce que fera l'Assemblée si elle adopte le sinistre - et donc annonciateur de malheur, au sens latin - amendement du rapporteur... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Autant dire que l'amendement Geoffroy, dans sa première partie, est bien pire que l'amendement Fréville.

Il comporte aussi une deuxième partie, qui traite des taux. A ce sujet, on peut n'être pas d'accord, et le Conseil constitutionnel tranchera. Mais s'agissant de la première partie, il est inconcevable qu'il ne la censure pas. S'agissant, donc, des taux, le rapporteur, utilisant une terminologie qui lui est propre mais qui est juridiquement inconnue, explique dans son rapport que lorsque l'assiette locale sera « visualisable » le taux sera fixé par l'Etat. Il s'agit, nous dit-on des droits de mutation, dont l'assiette est bel et bien localisée, mais dont le Parlement, hélas, a bloqué le taux. De ce fait, les collectivités touchent bien le produit d'un droit dont l'assiette est locale, mais elles ne peuvent le faire évoluer. Dans ces conditions, peut-on parler d'autonomie financière ? Pour ma part, je pense que non, mais j'admets que cela puisse se discuter.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Charles de Courson - La situation étant ainsi décrite, j'invite instamment mes collègues du groupe UMP à méditer les propos véhéments de MM. Pinte et Pélissard, qui ont expliqué que ce que l'on voulait nous faire voter est inacceptable. Personne ne pourra dire qu'il n'était pas au courant, puisque, pour la quatrième fois, j'appelle l'attention de ceux qui s'apprêtent, sur ordre (Protestations et exclamations sur les bancs du groupe UMP), à voter l'amendement Geoffroy, sur le fait qu'ils scient la branche de l'autonomie financière des collectivités territoriales. De plus, ils risquent de placer le Gouvernement dans une situation épouvantable car, si le Conseil constitutionnel censure cette disposition, nous ne pourrons reprendre une éventuelle loi organique rectificative avant l'automne ; et si le Conseil va plus loin et arrête que la loi ne peut être publiée car elle n'est pas applicable en l'état, ce sera encore pire. Le bon sens doit prévaloir, et aussi le respect de la Constitution, que la majorité a révisée précisément pour constitutionnaliser l'autonomie financière des collectivités locales. Il ne faut surtout pas voter l'amendement Geoffroy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. André Chassaigne - J'ai le sentiment que le Gouvernement a fort bien mené son affaire en agitant un chiffon rouge pour détourner l'attention. De fait, chacun fonce tête baissée dans des considérations techniques relatives au calcul des ressources propres, mais la muleta distrait de l'essentiel. Quel est-il ? Que, les ressources propres étant fondées sur l'impôt, certaines communes auront des ressources suffisantes pour garantir leur autonomie de gestion, mais que la grande masse des autres, comme l'a souligné le sénateur Mercier, n'auront aucune marge de manœuvre. Autrement dit, le Gouvernement crée une France à multiples vitesses. C'est de cela qu'il faut débattre, au lieu de s'enferrer dans un débat technique ! On m'objectera sans doute que la réponse à ce problème, c'est la dotation de péréquation. Seulement, comme celle-ci entre dans le calcul de la dotation globale, toute augmentation de la DGF aura pour conséquence de faire baisser les ressources propres - du moins dans la définition que vous donnez de ces dernières. Quant aux impôts que vous allez transférer, ils seront, eux aussi, variables selon les collectivités ; et puisque ce sont des ressources fiscales, elles seront plus élevées dans les collectivités riches. Une fois de plus, vous pénalisez les collectivités les plus pauvres, et particulièrement les territoires ruraux, que je représente, et qui vont mourir (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Gilles Cocquempot - Quelle volonté politique se cache derrière ce débat d'apparence technique ? Le Gouvernement nous explique que les EPCI ne faisant pas partie des catégories mentionnées dans l'article 72 de la Constitution, ils n'entrent pas dans notre débat. Seulement, ce sont les EPCI qui lèvent la taxe professionnelle, le nerf de la guerre ! Autrement dit, on prétend défendre la décentralisation - qui, telle qu'elle est conçue, s'apparente bien davantage au démantèlement de l'Etat - mais en réalité, on nous fait entrer de plein pied dans un système bonapartiste. Les déclarations de M. Accoyer, telles que les relate l'AFP, sont d'ailleurs édifiantes et consternantes, puisqu'il explique que, le Sénat ayant apporté des modifications nécessaires, la discussion est à présent close. On donne ainsi la prééminence au Sénat, bafouant les prérogatives de la représentation nationale. Allons-nous vers un système bonapartiste ?

M. Jean-Pierre Dufau - L'analyse romaine de notre collègue de Courson était de bien mauvais augure.

Au delà des aspects techniques, cet article aura des conséquences politiques insupportables pour les collectivités puisque, en écartant ce principe de base qu'est la péréquation, il accroîtra les inégalités au lieu de les réduire.

Comment nos concitoyens comprendraient-ils que l'on parle d'autonomie tout en refusant aux communes la liberté de fixer les bases et l'assiette de leurs recettes ? J'espère vraiment que le Conseil constitutionnel retoquera cet article inacceptable !

Alors que toutes les communes vont recevoir de nouvelles compétences, elles vont voir leurs charges augmenter, mais selon leur richesse. Les inégalités vont donc bien se creuser. Qui plus est, tout sera décidé au niveau central : est-ce cela la « décentralisation » ? Vraiment il faut remettre un peu de bon sens et de simplicité dans tout cela !

M. le Rapporteur - Je veux revenir sur un certain nombre de points, y compris sur ce que M. de Courson nous a asséné comme une vérité absolue...

Ce n'est pas sans une certaine émotion que j'ai entendu ceux qui, il y a peu, à gauche de ces travées, n'avaient pas de mots assez durs pour fustiger le conservatisme du Sénat, lui exprimer aujourd'hui un amour tout neuf... Peut-être un certain calendrier électoral n'est-il pas étranger à ce phénomène... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. René Dosière - Quelle agressivité !

M. André Chassaigne - Ce n'est pas une réponse !

M. le Rapporteur - Non, c'est une observation. Depuis plus de vingt ans, et surtout au cours des cinq années qui ont précédé 2002, l'autonomie financière des collectivités locales n'a cessé de se dégrader.

M. André Chassaigne - La vraie question est celle de l'autonomie de gestion.

M. le Rapporteur - Je reprendrai d'ailleurs un exemple que je connais bien puisque j'y vis depuis trente ans et y exerce des fonctions électives depuis quinze, celui des villes nouvelles. Je rappelle qu'elles ont été créées bien avant que la gauche commence à s'intéresser à l'intercommunalité. Lorsque votre gouvernement a décidé de supprimer progressivement la part salaire de la TP, il a annoncé une compensation...

M. Augustin Bonrepaux - Evolutive...

M. le Rapporteur - Mais mon agglomération, qui jouirait sans cela aujourd'hui d'un équilibre financier sans être obligée de quémander des moyens auprès du SGOU, n'a bénéficié d'une compensation que pour les entreprises qui existaient déjà et non évidemment pour celles qui ont ensuite contribué à son développement économique.

Qui plus est, vous avez aggravé la situation financière des collectivités en transformant 15 milliards d'impôts en dotations d'Etat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Tout cela, il faut le savoir pour apprécier la crédibilité de votre contre projet !

Monsieur de Courson, la commission des lois a rectifié l'amendement dont vous m'attribuez la paternité afin de donner corps au deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Les trois alinéas sont d'ailleurs intimement liés. Parmi les ressources propres des collectivités territoriales figurent les impositions de toute nature, y compris tout ou partie des impositions nationales transférées aux collectivités ; la loi peut autoriser à en fixer l'assiette et le taux, dans des limites déterminées.

Nous n'avons cessé de dire en première lecture qu'il fallait explorer toutes les pistes pour donner corps à ces nouvelles dispositions et rétablir la confiance. Le risque d'inconstitutionnalité aurait été bien plus grand que celui que vous dénoncez si nous avions fait figurer dans la loi organique des dispositions contraires à l'esprit de l'article 72, même si cela rendrait les choses plus faciles.

Sur la lancée de nos travaux, le Sénat a adopté ce que j'appellerai l'amendement Hoeffel-Fréville. Au cours de débats très riches il s'est aperçu que ce que proposaient MM. Hoeffel et Mercier pouvait être dangereux et a accepté un sous-amendement de M. Fréville, dont l'auteur lui-même a reconnu qu'il pouvait être amélioré. C'est ce qu'a fait notre commission, afin de parvenir à un texte qui garantisse le respect de la Constitution tout en allant le plus loin possible vers la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités.

Nous proposons ainsi de remplacer l'idée de localisation de l'assiette et du taux, qui présentait trop de risques, par celle de « détermination du taux ou de la part locale de l'assiette ».

Les droits de mutation ne posent aucun problème en tant que ressource propre des collectivités. Nul ne conteste qu'ils en font bien partie ; il s'agit bien d'un impôt perçu par les communes, dont elles ne fixent pas le taux et dont la localisation de l'assiette est clairement établie. Il s'agit donc d'un bon exemple de ce que pourrait être demain une part substantielle des ressources fiscales propres des collectivités, au-delà des quatre vieilles, aujourd'hui bien poussiéreuses.

C'est dans cette optique que nous travaillons : si nous ne sommes pas autorisés à permettre aux départements de fixer le taux de la part d'impôt national transféré, il faut au moins que la loi détermine ce taux pour chaque collectivité, ou qu'elle détermine la part locale de l'assiette. C'est de cela qu'il s'agit. Vous estimez que c'est insuffisant ; on peut en effet le penser, mais en conclure que notre travail - dans la suite logique de la démarche engagée ici et poursuivie au Sénat, en phase avec la Constitution - conduit à dégrader l'autonomie financière des collectivités est injuste. Je tenais à donner ces précisions, afin de ne pas y revenir sur les amendements. Nous avons un but commun : c'est de tourner définitivement le dos à la période où l'Etat reprenait la main sur les collectivités en transformant les impôts sur lesquels elles avaient prise en dotations. Car, même si certaines de ces dotations avaient une évolution garantie, celle-ci restait liée à la politique de l'Etat : rien n'assurait aux collectivités de pouvoir maîtriser une partie de leur destin.

M. Charles de Courson - J'ai attaqué, Monsieur le rapporteur, la partie de votre amendement qui porte sur la part locale d'assiette. Vous l'avez certes corrigée : dans le texte initial c'était par catégorie, ce qui était totalement inapplicable. Maintenant c'est par collectivité. Mais il en résulte évidemment que cela ne s'applique pas aux communes et aux intercommunalités : vous n'allez pas inscrire 36 000 taux dans un texte de loi. Le dispositif s'adresse donc aux régions et aux départements. Quel en est le but ? C'est de pouvoir prendre n'importe quel impôt national - la TVA, l'IS... - et d'en affecter un pourcentage à chaque collectivité. Mais votre amendement permettrait de supprimer toute fiscalité locale et de la remplacer par une part locale d'assiette d'un impôt national : avec votre rédaction, vous pourriez faire cela et prétendre avoir maintenu le taux d'autonomie financière ! Je ne fais pas de procès d'intention au Gouvernement, mais les gouvernements passent. L'un d'eux, Monsieur le rapporteur, pourrait-il un jour, en s'appuyant sur votre amendement, supprimer totalement la fiscalité des régions et la remplacer par des pourcentages d'impôts nationaux ?

M. Augustin Bonrepaux - Je vous demande, Monsieur le rapporteur, de faire preuve d'objectivité quand vous évoquez la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. Vous dites que vous en avez été pénalisé car votre agglomération aurait connu autrement une progression plus importante. C'est que votre agglomération est en expansion, et il est vrai que les agglomérations en expansion sont freinées ; mais celles qui sont en difficulté, qui perdent des entreprises et des emplois, ont conservé la part salaires qu'elles auraient perdue. Cela s'appelle de la péréquation ! Vous devez voir l'ensemble du problème. Quand vous dites vouloir faire de la péréquation, on a d'ailleurs le sentiment que vous ne savez pas ce que c'est. Celle-ci consiste en effet à freiner un peu ceux qui progressent beaucoup, pour donner un peu à ceux qui perdent. Vous êtes de ceux qui progressent, et vous vous plaignez parce que vous êtes un peu pénalisé...

D'autre part vous avez excellemment démontré que les élus de la majorité, en particulier ceux de l'UDF, se sont fait gruger lors de la réforme constitutionnelle, puisqu'on leur dit maintenant qu'on ne peut rien faire... à cause de la Constitution.

M. le Ministre délégué - Je me demande si cela valait vraiment la peine de vouloir prouver notre volonté de transparence en introduisant la notion d'autonomie financière. On s'acharne sur un thermomètre ! L'autonomie financière étant inscrite dans le marbre, les relations entre Etat et collectivités sont désormais placées sous le signe de la confiance et de la transparence. Autrement dit, le Gouvernement propose de rendre impossible la pratique de ces dernières années, c'est-à-dire la transformation des recettes fiscales en dotations, dans le mépris de la natures propre des ressources des collectivités. Si vous n'étiez pas dans l'opposition, vous seriez les premiers à dire qu'il était grand temps d'opérer cette amélioration ! Ensuite, bien sûr, il y a des choix à faire. Nous proposons quelque chose qui n'est pas pur et parfait - rien ne l'est - mais qui fournit une réponse concrète. Et je constate, et pas seulement sur les bancs de la gauche, qu'au lieu de s'en féliciter on décortique interminablement le dispositif. Il est certes normal que nous nous attardions sur cet article, car il a subi une modification substantielle. Mais à entendre M. Chassaigne, je me suis demandé, pour la première fois, si c'était une bonne idée d'avoir voulu l'autonomie financière... M. Cocquempot parle de bonapartisme : je n'ai pas souvenance que Napoléon Bonaparte ait été si attentif à la libre administration des collectivités locales... Quant à M. Dufau, je lui accorde que nous n'œuvrons pas dans la perfection : nous essayons d'être pragmatiques.

Le débat au Sénat, Monsieur Balligand, a été passionnant, je peux en témoigner, et d'une densité comparable à celle de votre discussion en première lecture, notamment quand M. Gélard et M. Marini ont répondu à la proposition de M. Hoeffel. Cela a conduit au dispositif qui vous revient aujourd'hui, et qui résulte de l'amendement Hoeffel sous-amendé par M. Fréville. Je rappelle qu'à l'époque précédente le Conseil constitutionnel aurait eu bien du mal à mesurer le niveau d'autonomie financière : rien alors ne permettait de le faire.

M. Dosière a affirmé, un peu durement, que M. Geoffroy était seul à partager la lecture du Gouvernement. Il me semble pourtant qu'il y a ici une importante majorité qui la partage. En outre le Conseil d'Etat, quand il a rendu son avis, a fait la même lecture.

Je rappelle seulement l'esprit de l'amendement de M. Geoffroy, qui complète sur un plan rédactionnel l'amendement Hoeffel-Fréville en précisant le contenu de la notion de « ressources propres ». Il y a deux axes : d'une part, la loi autorise la collectivité locale à voter le taux et l'assiette de l'impôt, d'autre part, elle détermine collectivité par collectivité la localisation de l'assiette ou du taux. L'amendement de M. Geoffroy précise, concernant le deuxième axe, que la loi détermine par collectivité soit le taux, soit une part locale d'assiette. J'ajoute, Monsieur de Courson, qu'en ce qui concerne le taux, la loi fixera la formule de calcul : il ne s'agit évidemment pas d'avoir 36 000 taux différents !

J'ai eu à cœur de répondre en détail à chacune de vos interventions, il faut maintenant en venir à l'examen des amendements de manière à ce que l'on puisse enfin définir précisément la nature de l'autonomie financière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Balligand - Je souhaiterais répondre à M. le ministre.

M. le Président - Quinze orateurs sont déjà intervenus sur cet article. De plus, il n'y a pas lieu de répondre aux réponses du ministre. Mais les amendements vous permettront de vous exprimer.

Je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public sur les amendements identiques 2 et 11.

M. Jean-Pierre Balligand - Il ne faut pas confondre autonomie fiscale et autonomie financière.

L'amendement 13 précise que seules les recettes fiscales dont les collectivités locales ont la possibilité de moduler l'assiette et/ou le taux peuvent être qualifiées de ressources propres, ce qui exclut le produit issu du transfert ou du partage d'impôts d'Etat non modulables car une telle recette serait assimilable à des dotations, lesquelles sont d'ores et déjà exclues des ressources propres.

Pourquoi l'UMP est-elle si mal à l'aise (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et pourquoi certains collègues ont-ils même préféré quitter l'hémicycle plutôt que d'avoir à voter l'amendement de M. Geoffroy ? C'est qu'en juin 2000, vous avez présenté une proposition de loi selon laquelle autonomie financière et autonomie fiscale étaient équivalentes et qu'aujourd'hui, comme vous ne voulez pas manger votre chapeau, vous mettez en place subrepticement un système de dotations.

Vous ne pouvez de plus prétendre que nous n'avons rien fait pendant cinq ans alors que le niveau des dotations de l'Etat aux collectivités étaient assez satisfaisant même si l'autonomie fiscale, elle, était moindre.

Vous devrez donc vous expliquer devant les élus locaux, et pas seulement à l'occasion des congrès à venir, mais également pendant les trois ans qui viennent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les raisons qui ont été largement évoquées pendant la discussion générale de l'article.

M. le Ministre délégué - Même avis : cette définition des ressources propres viderait de son sens la loi organique.

M. René Dosière - Je vous rappelle, Monsieur le rapporteur, qu'en 1989 les dotations distribuées aux collectivités locales étaient de 138 milliards de francs, de 165 milliards en 1993, de 174 milliards en 1997 et de 200 milliards en 2002 soit une progression de 19 % pour la première période, de 6 % pour la deuxième et de 15 % pour la troisième. Quand la gauche est au pouvoir, l'ensemble des dotations augmente, telle est la vérité.

J'ai vainement essayé de comprendre votre raisonnement sur la localisation, l'assiette et le taux. En revanche, j'ai compris pourquoi vous ne parliez pas du fonds de compensation de la TVA ou seulement pour dire qu'il ne s'agit pas d'une ressource propre. Or, selon la définition que vous venez de donner des ressources propres, c'en est une : le fonds n'est pas constitué de subventions mais de prélèvements sur recettes, son assiette est pour le moins localisable - territoire de la collectivité qui en bénéficie -, elle est de plus fixée par la collectivité puisqu'elle dépend de la nature des investissements effectués, enfin, seul son taux est fixé sur le plan national.

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 14 pose également la question de la nature des ressources propres.

Si vous êtes opposés à ce que les collectivités locales puissent faire évoluer les taux ou fixer les bases des impôts, c'est en raison de la précipitation de votre réforme. Votre seul but est en fait d'alléger les charges financières de l'Etat et de les transférer aux collectivités locales. Vous cherchez donc des artifices, et d'abord en réformant la Constitution.

Ainsi, quand vous avez parlé d'autonomie financière, tous vos amis vous ont suivi, et même l'UDF qui commence à s'en mordre les doigts car elle s'est fait piéger. Elle s'est rendue compte qu'il n'y avait plus de ressources transférables...

M. Charles de Courson - Mais si !

M. Augustin Bonrepaux - ...qu'il n'y avait plus de ressources évolutives pour compenser les transferts. Le Gouvernement en est réduit à manipuler la Constitution pour expliquer que les ressources propres sont une part de l'impôt, même si elle ne peut évoluer. En fait, c'est le Conseil Constitutionnel qui devra apprécier si la part de ressources propres est ou non déterminante.

Cet amendement correspond à ce que souhaitent les collectivités locales et à ce qu'il convient d'entendre par ressources propres.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, comme sur l'amendement précédent.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. René Dosière - Le rapporteur n'ayant pas répondu tout à l'heure à ma question sur le FCTVA, je la repose : puisqu'il ne s'agit pas d'une subvention mais d'un prélèvement sur les recettes, puisque son assiette est localisable et définie par les collectivités elles-mêmes dans la mesure où elle dépend des investissements faits, le FCTVA fait-il partie des ressources propres ?

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 14.

M. le Rapporteur - Le FCTVA est une recette d'investissement...

M. René Dosière - Qui peut aussi servir au fonctionnement.

M. le Rapporteur - Oui, sous certaines conditions, mais il n'est pas très orthodoxe de basculer des recettes d'investissement dans le budget de fonctionnement.

M. René Dosière - C'est possible.

M. le Rapporteur - Mais pas de très bonne gestion. Quoi qu'il en soit, c'est parce que le FCTVA est une recette d'investissement qu'il n'est pas considéré ici comme une ressource propre.

M. René Dosière - C'est pourtant la seule recette d'investissement qu'une collectivité peut transférer librement en fonctionnement ! Je note par ailleurs que vous incluez les cessions d'immobilisations dans les ressources propres alors qu'elles sont bien aussi des recettes d'investissement. Il y a quelque chose qui ne va pas !

A la majorité de 58 voix contre 17 sur 83 votants et 75 suffrages exprimés, l'amendement 14 n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - Notre amendement 38 a pour objet d'exclure de la définition des ressources propres le produit des impôts nationaux transférés. A compétences accrues, il faut des moyens accrus et autonomes, que ne saurait fournir un impôt comme la TIPP. Celle-ci n'a en effet augmenté, ces dernières années, que de 1 % par an en moyenne, elle va plutôt régresser à l'avenir et elle est inégalement répartie sur l'ensemble du territoire.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 38, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en arrivons à deux amendements identiques, le 2 du groupe UDF et le 11 du groupe socialiste, sur lesquels je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.

M. Charles de Courson - Notre amendement 2 a pour objet de revenir au texte d'avant l'amendement Fréville, qui a ajouté les mots « ou dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux. » L'expression « localisation du taux » est en effet incompréhensible. Le but était, nous dit-on, de réintégrer le versement représentatif de TIPP, impôt qui n'a pas plus d'assiette départementale que régionale puisqu'il est payé au niveau des raffineries. Mais mieux vaut alors parler, comme le propose notre rapporteur, « d'une part locale d'assiette. » J'ajoute que le « ou » rend la chose encore plus incompréhensible, puisque cela voudrait dire que même sans assiette locale, il suffirait, pour que l'on considère que l'on a affaire à une ressource propre, que la loi fixe telle proportion pour telle région. Du point de vue constitutionnel, ce « ou du taux » est monstrueux.

Quant au membre de phrase « localisation de l'assiette, il visait, nous dit-on, les cas où l'assiette est localisable mais où le taux est fixé par la loi. C'est par exemple le cas des DMTO - droits de mutation à titre onéreux - ou de la taxe sur les pylônes : une collectivité territoriale a tant de pylônes sur son territoire, elle touche tant. Il me semble qu'une telle ressource ne devrait pas être considérée comme une ressource propre.

M. René Dosière - Nous nous retrouvons avec le groupe UDF sur cet amendement, mais aussi avec les sénateurs Hoeffel, Mercier et la plupart des responsables de groupes au Sénat. Nous savons bien que des personnes remarquables siègent au Sénat, ne nous faites pas un faux procès. Et nous voyons ici que le Gouvernement impose son point de vue. Les députés de la majorité ne disent rien. Il est vrai qu'une nouvelle doctrine vient d'être formulée : quelqu'un décide, les autres exécutent !

Pourtant, l'ensemble des associations d'élus ont pris une position claire, je pense en particulier à l'Association des maires de France, ce qui avait amené M.Pélissard à faire part de ses réserves et à ne pas être là au moment du vote.

Quand je dis, Monsieur Geoffroy, que vous êtes seul, j'entends bien que vous n'auriez pas été désigné comme rapporteur si vous n'étiez pas d'accord avec le Gouvernement. Reste cependant que vous n'êtes pas crédible. Sans doute peut-on avoir raison contre tout le monde, mais lorsque des personnes aussi différentes que celles que j'ai citées se rejoignent sur une position commune, il est probable que ce sont elles qui ont raison.

La question de M. de Courson sur la localisation de l'impôt a paru vous prendre au dépourvu. Votre réponse, pourtant, nous éclairerait, car j'ai lu la discussion au Sénat sur l'amendement Fréville, et je dois avouer que je n'ai rien compris.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux deux amendements identiques, pour des raisons déjà largement évoquées. Je remercie M. de Courson d'avoir bien saisi combien il était important pour nous de modifier la formulation de l'amendement du Sénat dans un sens plus acceptable.

M. le Ministre délégué - Même avis défavorable. Oui, Monsieur de Courson, lorsqu'un impôt est transféré à une collectivité dans le cadre que j'ai dessiné tout à l'heure, il constitue bien une ressource propre. Retenir votre définition risquerait d'empêcher les gouvernements futurs de poursuivre le mouvement de décentralisation. Voilà pourquoi nous avons jugé trop restrictive la première rédaction de l'amendement Hoeffel, et déterminant l'apport du sous-amendement de M. Fréville, qui donne une véritable cohérence à la notion d'autonomie financière des collectivités locales. Transférer des éléments de fiscalité à des collectivités locales ouvrira la voie à une évolution dynamique de leurs ressources, à la différence des innombrables dotations que le gouvernement Jospin avait choisi de substituer aux impôts locaux. Cette avancée considérable est gravée dans le marbre de la Constitution et de la loi organique. Voilà qui répond à votre question à défaut de susciter votre adhésion.

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le rapporteur, le sénateur Hoeffel a défendu l'amendement de l'association des maires. Monsieur le ministre, ne vous moquez pas de nous ! Les élus que nous sommes savent ce qu'est l'autonomie. L'amendement Hoeffel était ainsi rédigé : « Les ressources propres sont constituées du produit des impositions de toute nature dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif ». C'était très clair. M. Hoeffel avait démontré que son texte était conforme à la Constitution, conforme aussi aux travaux préparatoires à la révision constitutionnelle - et il a cité sur ce point le président de notre commission des lois. Mais M. Clément a changé d'avis depuis lors. Enfin M. Hoeffel a établi une distinction claire entre les ressources fiscales propres et le produit des impositions de toute nature. Voilà de bons arguments.

Pourtant cet amendement a été émasculé, puisque le sous-amendement de M. Fréville va en sens contraire. Le rapporteur, paraît-il, va apporter par un amendement les précisions nécessaires. Mais vous aurez beau faire, vous ne nous convaincrez pas que l'autonomie financière des collectivités locales sera garantie. C'est pourquoi nous demandons la suppression du sous-amendement Fréville, qui n'est d'ailleurs pas applicable. Comment localiser une partie de l'assiette ? Ne vous moquez pas du monde ! Est-ce en fixant le taux nationalement que vous rendrez les collectivités locales autonomes ? En leur transférant des charges de plus en plus importantes, vous réduirez au contraire leurs capacités d'initiative et vous allez les asphyxier. Les impôts locaux exploseront en conséquence, et il vous faudra vous en expliquer.

M. René Dosière - Monsieur le rapporteur, comment interprétez-vous ces lignes du président Clément, qui dans son rapport n° 376, page 105, définissait les ressources propres des collectivités territoriales comme « des ressources libres d'emploi, définitivement acquises et dont l'initiative, quant au principe et au montant, relève d'une décision de la collectivité territoriale » ? Monsieur le président, telle était votre position au moment de la révision constitutionnelle. Aujourd'hui vous vous apprêtez à voter un dispositif en tous points contraire.

M. Charles de Courson - La clarification est en marche. Si vous votez l'amendement Fréville ou l'amendement Geoffroy, cela signifie qu'une part d'impôt national affectée à une collectivité sera considérée comme une ressource propre, ce qu'en fait elle n'est absolument pas. Il en va de même lorsqu'il existe réellement une assiette locale mais que le taux est fixé par la loi. C'est très clair. Ceux qui voteront pour l'amendement UDF affirmeront qu'il ne s'agit pas là de ressources propres ; ceux qui voteront l'amendement de la commission affirmeront le contraire.

Aucun gouvernement depuis quinze ans n'a voulu réformer la fiscalité locale...

M. René Dosière - Mais si !

M. Charles de Courson - Cette nuit, j'ai présenté les propositions du groupe UDF sur les transferts d'impôts. A part la CSG, les impôts nationaux, ai-je expliqué, ne peuvent pas être transférés. Vous avez eu tort, Monsieur le ministre, d'affirmer que même la CSG n'était pas transférable. Vous pouvez être hostile à ce transfert, mais il est techniquement possible.

A la majorité de 52 voix contre 30 sur 84 votants et 82 suffrages exprimés, les amendements 2 et 11 ne sont pas adoptés.

M. Augustin Bonrepaux - Nous proposons par l'amendement 12 de supprimer au premier alinéa les mots « par collectivité ». D'une part, le dispositif adopté par le Sénat serait quasiment inapplicable aux communes : en effet, comment voter dans la loi les règles applicables à chacune de nos 36 000 communes ? On peut d'autre part s'interroger sur sa constitutionnalité dans la mesure où il autoriserait des règles de compensation variables pour chaque collectivité. Au dispositif d'application générale, bien qu'insatisfaisante, adopté par l'Assemblée, à savoir l'attribution du produit d'impositions dont les collectivités ne peuvent aucunement moduler le taux, le Sénat a substitué un dispositif encore pire, qui permettrait à l'Etat d'opérer des discriminations entre collectivités.

M. le Président - J'annonce d'ores et déjà que je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public sur l'amendement 1 rectifié que nous allons examiner tout à l'heure.

M. le Rapporteur - La commission a donné un avis défavorable à l'amendement 12 qui va très au-delà de l'amendement Hoeffel-Fréville -que nous avons modifié. Cela étant, il ne nous étonne pas, venant de vous, car à supprimer ainsi toute référence au niveau de collectivité, on se retrouve dans la logique que vous avez toujours privilégiée, l'octroi de dotations.

M. le Ministre délégué - Même avis. Renoncer à toute référence territoriale irait à l'encontre de toute notre démarche.

M. René Dosière - Les explications du rapporteur me satisfont pleinement dans la mesure où il a démontré l'absurdité du dispositif qui résulterait d'un tel amendement, que nous n'avions déposé qu'à cet effet de démonstration.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement Hoeffel-Fréville, dont il a déjà été longuement question, précisait que pour pouvoir être considéré comme une ressource propre des collectivités, un impôt d'Etat transféré devait pouvoir bénéficier « d'une localisation de l'assiette ou du taux », formulation pour le moins obscure, s'agissant notamment de la « localisation du taux ». La commission a toutefois considéré qu'en dépit de son imperfection rédactionnelle, il constituait une avancée acceptable, traduisant la volonté conjointe du Gouvernement et du Parlement de marquer par cette loi organique un profond changement dans les relations financières entre l'Etat et les collectivités. Elle a donc proposé un amendement 1 rectifié qui en reprend l'esprit mais en lève toutes les ambiguïtés, en indiquant d'une part que la loi peut fixer le taux, d'autre part qu'il doit exister une part locale d'assiette. Voilà qui est clair et applicable !

M. le Rapporteur général - Ayant été rapporteur pour avis de ce texte en première lecture, je me permets d'intervenir sur cette question importante.

Depuis la première lecture, le texte a été substantiellement amélioré, et je voudrais vous en convaincre. J'indique tout d'abord que le texte proposé par le Gouvernement en première lecture était parfaitement conforme à la Constitution, il n'y a aucun doute juridique sur ce point. Nous avons seulement voulu préciser les choses en faisant référence à l'article 72-2.

Pour le reste, Monsieur Dosière, il y a certes les rapports parlementaires, mais vous n'ignorez pas que ceux-ci font l'objet d'un débat, et que de ce débat peuvent naître des conclusions différentes des propositions des rapporteurs. C'est exactement ce qui s'est passé au Sénat. Celui-ci a distingué deux catégories parmi les impositions de toute nature, celles dont la loi autorise les collectivités à fixer le taux ou l'assiette - soit les ressources propres stricto sensu -, et celles dont la loi détermine « par collectivité, la localisation du taux ou de l'assiette » - c'est l'amendement Hoeffel-Fréville. Votre rapporteur propose aujourd'hui une amélioration sensible de ce texte. Et contrairement à ce que vous prétendez, nous n'aurons aucune difficulté à aller nous en expliquer devant les associations d'élus.

Prenons quelques exemples. Pour ce qui est de la TIPP, le dispositif adopté en loi de finances pour 2004 n'est pas satisfaisant, il faut le reconnaître, car il revient pratiquement à l'octroi d'une dotation...

M. Augustin Bonrepaux - Quel aveu !

M. le Rapporteur général - Vous devriez être plus discret, Monsieur Bonrepaux, vous qui, lorsque vous présidiez la commission des finances, avez accepté le remplacement de 15 milliards d'impôts locaux par des dotations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Que seule la loi puisse définir le taux de la TIPP département par département marque un progrès considérable. Sur un autre plan, la nouvelle rédaction proposée est également plus protectrice pour les collectivités vis-à-vis d'une future réforme de la taxe professionnelle, car il est évident que la loi ne pourra pas fixer le taux dans chacune des 36 000 communes.

C'est ensemble que nous devons nous atteler à la modernisation de la fiscalité locale, dont les associations d'élus ne cessent de dénoncer le caractère si archaïque et si irréformable que c'est presque logiquement que des dotations se substituent aux impôts locaux. Quels sont aujourd'hui les impôts modernes, en phase avec l'économie, qui pourraient profiter également aux collectivités ? La TVA, l'impôt sur les sociétés, pourquoi pas l'impôt sur le revenu ou la CSG... Nous serions irresponsables d'interdire à jamais tout partage d'un impôt d'Etat.

Lorsque la TVA a été créée, n'a-t-elle pas remplacé la taxe locale, disparue au milieu des années 1960 ? Comme le ministre l'a très bien dit, nous souhaitons travailler de manière constructive, ce qui ne signifie pas que nous puissions échapper à toute critique. Pour autant, il serait très néfaste de s'attacher à maintenir une vision passéiste des ressources des collectivités territoriales et de s'interdire toute évolution. Le débat a été fructueux et, je le souligne une nouvelle fois, il n'y a ni arrière-pensée ni malignité dans ce que nous proposons, mais la volonté de créer les conditions d'une véritable autonomie financière des collectivités locales, celle-là même qui nous a conduits à réviser la Constitution. Nous pourrons être fiers de cette loi organique, et notamment de l'article 2 ainsi amendé, comme nous sommes fiers de cette révision constitutionnelle car, dans les deux cas, nous aurons fait œuvre utile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - Je conçois que des préoccupations puissent s'exprimer, mais le décor est planté : il s'agit, pour la première fois, de poser les bases claires de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Il appartiendra désormais à chacun, Etat et collectivités locales, de prendre ses responsabilités, dans le cadre de relations rénovées. Je souscris sans réserve à l'amendement de votre commission, qui améliore de manière significative le texte du Gouvernement. Et contrairement à ce qui a été dit, toutes les femmes et tous les hommes de volonté pourront sans mal l'expliquer dans les congrès d'élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson - Comme je l'ai exposé, le groupe UDF est radicalement opposé à la notion de « part locale d'assiette » qui figure dans l'amendement du rapporteur. Cette conception est monstrueuse : vous citez la TIPP, qui n'a pas d'assiette localisable, et vous voulez faire croire qu'affecter une part de cette taxe aux collectivités locales renforcerait leur autonomie financière. Mais en quoi ? Et cela vaut aussi pour la TVA, car bien malin qui peut dire où est sa localisation. Ce que vous proposez, en fait, c'est un versement représentatif d'un impôt national.

Le Conseil constitutionnel devra dire si votre conception traduit fidèlement le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Pour ma part, je n'en crois rien, car si cet amendement est voté, il rend possible la suppression de toutes les recettes locales, auxquelles on pourrait substituer un versement représentatif d'un impôt national. Je sais que le Gouvernement ne souhaite pas cela, mais en acceptant l'amendement, il permet à d'autres gouvernements de le faire.

S'agissant des droits de mutation, la question peut se discuter, puisque si le taux en est fixé par la loi, l'assiette en est fiscalisée. Là encore, le Conseil constitutionnel devra trancher. Il n'empêche que, dans ce cas également, l'imprécision demeure, puisque l'on ne sait pas s'il peut exister un taux local sur une assiette qui n'est pas localisable. Qu'en est-il ? Prenons l'exemple de la TCA-A, que le Gouvernement s'est engagé à transférer aux collectivités locales : quel en est le lieu de perception ? On nous répond que c'est celui du domicile du propriétaire, mais qu'il est impossible de recenser les collectivités dans lesquelles sont immatriculées les flottes automobiles professionnelles, si bien que l'on décidera d'un taux national et que l'on répartira le produit en procédant à une péréquation. Pourra-t-on modifier les critères de perception de cette taxe ?

M. René Dosière - Le ministre a jugé bon de reprendre sa tirade habituelle sur la révolution qu'accomplirait ce texte en matière d'autonomie financière des collectivités locales, comme si, auparavant, rien n'avait été fait. Venant après les explications du rapporteur général, ce développement était assez malvenu, et inutilement polémique...

M. le Ministre délégué - Cela vous va bien !

M. René Dosière - ...car vous confondez sciemment autonomie financière et autonomie fiscale. Or, entre 1988 et 1993 et entre 1997 et 2002, soit pendant les dix années du pouvoir de la gauche, les moyens financiers alloués aux collectivités locales ont fortement augmenté alors que la droite n'a accru leurs dotations que de 5 %. Cessez donc de dire que l'autonomie de gestion des collectivités locales a diminué, alors qu'elle a augmenté, puisque les moyens financiers mis à leur disposition se sont accrus. Je vous accorde que leur autonomie fiscale, elle, s'est réduite, mais il ne faut pas tout mélanger.

Je partage le point de vue exprimé par notre collègue Charles de Courson quant à votre définition des ressources fiscales propres des collectivités territoriales et je n'y reviendrai donc pas. Je souhaite en revanche que le rapporteur général précise sa pensée au sujet de la taxe professionnelle. En effet, j'ai retenu de sa démonstration qu'il y aurait un taux unique pour l'ensemble des collectivités locales (M. le rapporteur général fait un signe de dénégation) et, comme je ne souhaite pas lui faire de procès d'intention, j'aimerais m'entendre confirmer qu'il s'agit d'une mauvaise interprétation. Je rappelle qu'une assiette pourrait donner toute satisfaction, puisqu'elle est localisable et que son taux peut être fixé par les collectivités territoriales : c'est la CSG.

C'est parce que les gouvernements ne souhaitent pas que les collectivités locales puissent intervenir sur un impôt traditionnellement réservé à la sécurité sociale qu'ils s'y opposent. Mais cela serait possible techniquement, et cet argument fallacieux cache mal qu'il s'agit simplement, pour le ministère des finances, de garder la maîtrise totale de la fiscalité des collectivités ! C'est pour cela qu'il veut remplacer les impôts locaux par des dotations ou par des impôts partagés - même si ces derniers, je vous l'accorde, ne sont pas exactement des dotations (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Dernier orateur avant de passer au vote, M. Albertini (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés UMP - Au vote !

M. Pierre Albertini - Je ne me suis pas encore exprimé !

Il n'existe pas de définition parfaite qui garantisse l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales et je reconnais que le rapporteur fait des efforts pour apaiser nos craintes. Mais elles demeurent...

Elles seraient dissipées si l'état des finances publiques était satisfaisant ; si la fiscalité locale était modernisée ; si la réforme de la TP était expliquée dans une perspective claire aux collectivités locales ; si les bases injustes de notre fiscalité locale, qui datent de 1970, étaient actualisées ; si le texte que nous allons examiner ensuite ne transférait pas des compétences appelées à évoluer fortement parce qu'elles répondent aux attentes sociales des citoyens, comme l'action sociale, l'intégration, la santé, le logement. Mais nos craintes ne sont pas dissipées et nous voterons donc contre l'amendement.

M. le Président - Nous allons procéder au scrutin public.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement !

M. le Président - Le scrutin est engagé.

A la majorité de 77 voix contre 18, sur 97 votants et 95 suffrages exprimés, l'amendement 1 rectifié est adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement ! Vous avez donné la parole à M. Albertini, et vous avez bien fait, mais vous avez ignoré que je brandissais le Règlement... Avant d'aborder l'amendement suivant, je souhaite une suspension de séance.

M. le Président - Ce n'était pas un rappel au Règlement.

L'organisation d'une séance est fondée sur un minimum de confiance entre les orateurs de la majorité et de l'opposition. Depuis le début du débat, M. Dosière et vous-même avez pu intervenir quand vous le souhaitiez, souvent en dépassant votre temps de parole (Assentiment sur les bancs du groupe socialiste). Pour sa part, M. Albertini a usé, avec modération, du temps de parole de son groupe.

Je vous invite donc à défendre l'amendement 15, tout en vous indiquant que je suspendrai la séance après le vote de l'article 2.

M. René Dosière - Et la réunion de la commission des lois ?

M. le Président - Initialement prévue à 19 heures, elle a été reportée à 20 heures.

M. René Dosière - Je suis heureux de l'apprendre...

M. Augustin Bonrepaux - Je ne conteste nullement la façon dont vous présidez cette séance, mais nous avons effectivement besoin de réunir notre groupe avant de poursuivre la discussion.

La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures 5.

M. René Dosière - Rappel au Règlement fondé sur l'article 40, alinéa 4. Je le cite : « En cours de session, les commissions doivent être convoquées quarante-huit heures au moins avant leur réunion ; elles peuvent être exceptionnellement réunies dans un délai plus bref si l'ordre du jour de l'Assemblée l'exige ». Nous avons reçu hier une convocation du président de la commission des ois pour une réunion ce soir à 19 heures, en vue d'examiner au titre de l'article 88 les amendements au projet sur les responsabilités locales, et de désigner les membres d'une future commission mixte paritaire. J'avais cru comprendre que le texte sur les responsabilités locales était important aux yeux du Gouvernement - sinon de toute sa majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais si M. Bonrepaux ne vous avait pas interrogé il y a un instant, Monsieur le président, je me serais rendu à 19 heures en commission des lois... pour découvrir qu'elle n'était pas réunie !

Le présent projet est important, et nous ne savons pas à quelle heure son examen sera achevé. On nous dit maintenant que la commission se réunira à 20 heures, pour examiner un nombre non négligeable d'amendements ; après quoi nous sommes censés reprendre à 21 heures 30 l'examen du présent projet. Ces conditions de travail, sur des textes importants, ne sont pas convenables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Si nous utilisions de semblables méthodes, vous seriez les premiers à protester. Ce n'est pas parce qu'un Gouvernement est en sursis et veut, avant de disparaître, faire voter un maximum de textes, que nous devons ainsi travailler à la hache. Je ne suis pas président de groupe et ne puis demander le quorum ; mais, si nous ne sommes pas en mesure de travailler dans la sérénité, la séance de ce soir ne se déroulera pas dans des conditions satisfaisantes.

M. le Président - Je confirme que la commission était convoquée à 19 heures avec deux points à son ordre du jour : le texte sur les responsabilités locales et la désignation des candidats à une CMP. Son report, en fonction du cheminement de nos débats et du retard qu'ils ont pris, n'équivaut pas à une nouvelle convocation - sans quoi l'article que vous invoquez s'appliquerait. Depuis le début de l'examen du présent projet, les parlementaires de l'opposition ont pu s'exprimer à loisir, sans voir leur temps de parole limité - ce qu'on reproche parfois à la présidence sur certains bancs. Je propose que nous poursuivions l'examen des amendements, après quoi la commission pourra se réunir à 20 heures, ou peut-être un peu plus tôt. Il serait paradoxal de réclamer beaucoup de temps de parole dans l'hémicycle, et de déplorer que la séance dure trop longtemps.

M. Augustin Bonrepaux - Je vous donne acte, Monsieur le président, que vous avez accordé la parole de façon très libérale. La seule question que nous posons est de savoir, si la commission se réunit à 20 heures, à quelle heure reprendra la séance de la soirée, afin que chacun puisse prendre ses dispositions.

M. le Président de la commission - La commission des lois est à la disposition de l'Assemblée et de la présidence. J'ai donc fait savoir qu'elle pourrait se réunir dès la levée de séance. Nous avons 4 500 amendements à examiner, et, même si certains d'entre eux peuvent être qualifiés de répétitifs, cela demande un minimum de temps. Nous pourrions peut-être repousser la reprise à 22 heures.

M. Jean-Marc Ayrault - Vous ne pouvez que constater, Monsieur le président, que l'organisation de nos travaux ne convient pas du tout. Déjà une CMP se tenait ce matin en même temps que reprenait la séance publique. Les CMP se multiplient d'ailleurs en ce moment, si j'en juge par l'ordre du jour prévu pour la semaine prochaine. Nous persistons à dire qu'il n'est pas sain, pas raisonnable, tant pour le texte sur la décentralisation que pour la dignité de l'Assemblée, de continuer à travailler dans ces conditions. Le Gouvernement s'est mis dans une impasse. Il a voulu imposer un ordre du jour forcé, alors qu'on percevait en Conférence des présidents un désir unanime que les choses se passent autrement. Le Président de l'Assemblée nationale a fait ce qui était en son pouvoir pour faire comprendre au Gouvernement qu'il y avait une autre voie. Nous avons, avec modération, exprimé le souhait que les choses se passent autrement, et que le projet sur la décentralisation soit examiné dès la première semaine d'octobre, après que le Conseil constitutionnel aura statué sur la loi organique.

Cette situation est aussi embarrassante pour les parlementaires eux-mêmes, puisque M. le président de la commission des lois, de bonne foi peut-être, est obligé de s'organiser différemment pour examiner les amendements. Personne n'a à porter de jugement sur ceux-ci : le droit d'amendement existe, et dès lors que nos amendements sont déposés, la commission a l'obligation de les examiner. Nous sommes donc devant une difficulté grave, et l'Assemblée ne peut poursuivre son travail de la sorte. Repousser la séance du soir à 22 heures ne changera rien au fond du problème. Je demande donc, Monsieur le président, que le Gouvernement revoie l'ordre du jour de l'Assemblée et entende enfin nos arguments. Ceux-ci n'ont rien de spécieux : vous voyez bien que cela ne fonctionne pas. Face à une difficulté, il faut trouver une solution : que le Gouvernement prenne ses responsabilités !

M. le Président de la commission - M. Ayrault assure que nous aurons trop de travail en commission et que l'ordre du jour de l'Assemblée est surchargé. Je lui propose de l'alléger en retirant les 4 000 amendements répétitifs déposés par l'opposition !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous vous voyons venir !

M. le Président de la commission - Nous débattrons de ces conditions de travail avec M. Debré car le droit d'amender ne doit pas être confondu avec le détournement de procédure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'abus, c'est la session extraordinaire !

M. le Président de la commission - Toutes les interventions de cet après-midi étaient à mon sens justifiées ; aucun amendement n'était indigne du travail parlementaire. Hélas, on ne peut en dire autant des amendements que vous avez déposés sur la loi ordinaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce sont des jugements de valeur inacceptables ! C'est honteux ! Les donneurs de leçons, ça suffit !

M. le Ministre délégué - Je ne suis pas dupe de la polémique qui s'engage, mais je tiens à rappeler que le Gouvernement a jugé présentement utile une deuxième lecture car ce chantier des collectivités locales a été ouvert voilà dix-huit mois et les dispositions que nous allons voter sont applicables à partir du 1er janvier 2005. Les fonctionnaires chargés de mettre en œuvre la loi auront besoin de l'automne pour une efficacité aussi optimale que possible.

Et puisque vous évoquez notre responsabilité, Monsieur Ayrault, c'est parce que précisément nous sommes soucieux des intérêts de la République que nous avons voulu que ce texte soit définitivement adopté à l'occasion de cette session extraordinaire. J'en appelle à mon tour à votre responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault - En ce qui concerne l'organisation de nos travaux, je souhaite, Monsieur le Président, que vous transmettiez à M. Debré la demande du groupe socialiste pour que notre ordre du jour soit réexaminé.

De plus, en allant aussi vite, Monsieur le ministre, Monsieur le président de la commission des lois, vous vous engagez dans une impasse juridique. Selon certains contacts officieux, je crois que vous encourez un risque réel d'annulation des dispositions que vous vous apprêtez à faire voter. Comment, dans ces conditions, examiner la loi ordinaire ?

Votre seul argument, c'est qu'il faut en finir. Dans ces conditions, notre assemblée n'est qu'une chambre d'enregistrement et la majorité UMP n'a plus qu'à rester muette, à voter conforme ce qui a été voté au Sénat (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard - C'est insupportable !

M. Jean-Marc Ayrault - A quoi sert une Assemblée qui aurait abdiqué son droit d'amendement ? Ce n'est d'ailleurs pas une question de nombre : nous avons argumenté loyalement à l'occasion de la discussion de nos amendements sur l'assurance maladie. Et chaque député a reçu de M. Debré une lettre de félicitations pour la qualité des travaux accomplis. Nous voulons seulement qu'il en soit de même avec ce projet et nous n'accepterons jamais de renoncer à notre droit !

M. Accoyer a déclaré aujourd'hui dans Le Monde que les députés de l'opposition étaient des empêcheurs de tourner en rond avec leurs amendements et qu'une réforme de notre Règlement était nécessaire. Ce n'est pas acceptable, Monsieur le président du groupe UMP ! Vous avez été dans l'opposition et vous avez aussi déposé de nombreux amendements pour faire valoir votre point de vue. Et c'était votre droit !

M. Michel Bouvard - C'est vous qui avez fait reculer les droits de l'opposition en réduisant les temps de présentation des motions de procédure !

M. Jean-Marc Ayrault - Alors que tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains du seul chef de l'Etat, vous ne ferez pas taire la voix de l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je transmettrai scrupuleusement votre souhait au président Debré, de même que je lui dirai que notre débat s'est très bien déroulé et qu'il y a eu une soudaine crispation vers 18 heures 30, alors que les orateurs de l'opposition avaient eu tout loisir de s'exprimer - et parfois plus que ne l'autorise le Règlement.

M. René Dosière - Mais c'est la suite de nos travaux qui nous préoccupe !

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement ! En effet, Monsieur Ayrault : faire fonctionner le traitement de textes pour déposer des milliers d'amendements identiques, cela soulève un réel problème. Je revendique quant à moi, contrairement à vous, de n'avoir jamais déposé systématiquement des séries d'amendements identiques. Il y a là une dérive qu'il faut avoir le courage de dénoncer, même si je revendique également le droit pour l'opposition de s'exprimer à travers de nombreux amendements - à condition qu'ils soient différents.

M. René Dosière - Je défendrai sur le fond l'amendement 16 qui est un amendement de repli et je ne ferai que quelques remarques sur l'amendement 15, mais je tiens à signaler à M. le président de la commission des lois que je viens seulement de recevoir la convocation rectifiée qui annonce le report de notre séance de commission. L'un de nos collègues s'est ainsi rendu à 19 heures dans la salle de réunion pour constater qu'elle n'avait pas lieu.

J'aimerais d'autre part savoir, Monsieur le président de la commission des lois, si le travail que nous avons récemment fait en commission sert à quelque chose ou non. La question se pose, puisque M. Accoyer a déclaré aujourd'hui, au nom de l'UMP, qu'il souhaitait que le projet sur les responsabilités locales soit adopté dans un texte conforme à celui du Sénat.

M. le Président - Puis-je considérer que vous avez défendu l'amendement 15 ?

M. René Dosière - Oui.

M. le Rapporteur - Cet amendement dit que les dégrèvements ou dotations accordés par l'Etat ne peuvent en aucun cas être considérés comme des ressources propres. Cela a déjà été dit clairement au sujet des dotations. Quant aux dégrèvements, ils sont totalement neutres pour les collectivités locales, puisque le contribuable national se substitue en ce cas au contribuable local. Le rendement de l'impôt décidé par la collectivité locale reste donc le même. Considérant comme non fondées les inquiétudes des auteurs de cet amendement, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement 15, ainsi que - je l'indique par avance - sur le 16.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable sur ces deux amendements.

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. René Dosière - Notre amendement 16 pose que les dégrèvements pris en charge par l'Etat ne constituent pas des ressources propres. D'abord parce qu'ils sont indépendants des décisions des collectivités locales, qu'il s'agisse de leur instauration même ou de leur montant. Une partie des personnes exonérées paie en effet une taxe d'habitation qui est plafonnée en fonction de leurs revenus, lesquels ne dépendent ni de la valeur locative ni de la décision de la collectivité.

Ensuite pour ne pas bloquer la réforme future qui s'imposera, si un Gouvernement veut un jour corriger le fait que cette politique de dégrèvement annule en réalité les efforts de péréquation et aboutit à une sorte de contre-péréquation. Si l'on n'écrit pas aujourd'hui que les dégrèvements ne constituent pas une ressource propre, le Conseil constitutionnel s'opposera à toute réforme qui s'attacherait à corriger la distribution de ces dégrèvements et qui aurait donc pour effet d'enlever des sommes à certaines collectivités. Le Gouvernement d'alors ne pourra donc pas réformer, sauf à y consacrer des ressources supplémentaires, ce qui évidemment le freinera dans sa volonté de réforme.

Je reconnais que la formulation de notre amendement n'est pas très satisfaisante, mais je tenais à poser le problème.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Charles de Courson - La position de M. Dosière n'est pas défendable. On ne voit pas pourquoi un dégrèvement compensé à l'euro près constituerait une atteinte à l'autonomie financière. Il est vrai que parfois l'on plafonne le taux, mais alors le différentiel s'applique toujours et il n'y a aucune dégradation de la ressource. Je ne vois qu'un seul cas problématique, celui du gel d'un dégrèvement, mais il est clair que le dégrèvement qui devient une dotation n'est plus une ressource propre.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. René Dosière - Nous en arrivons à l'article qui fait référence à la notion de « part déterminante », sur laquelle nous avons eu déjà un long débat, au demeurant peu concluant, puisque l'on nous a renvoyés à la loi organique.

Jusqu'à la révision constitutionnelle, le Conseil constitutionnel considérait qu'il n'y avait pas atteinte à l'autonomie financière des collectivités locales dès lors que le changement envisagé - par exemple le remplacement d'une recette par une dotation évolutive - n'entravait pas l'action des collectivités territoriales et ne portait pas atteinte à leur libre administration. Cette jurisprudence du Conseil vous a amenés à vouloir inscrire dans la Constitution que les ressources propres des collectivités territoriales devaient représenter « une part déterminante » de leurs ressources.

Mais comment définissez-vous aujourd'hui cette part déterminante ? Comme celle qui ne remet pas en cause la libre administration des collectivités locales. C'est-à-dire que vous laissez au Conseil constitutionnel le soin d'apprécier, comme il le faisait hier, s'il y a ou non atteinte à leur libre administration.

Une seule chose change : le ratio.

M. le Ministre délégué - C'est capital.

M. le Rapporteur - Décisif !

M. René Dosière - Je l'ai cru aussi, au début, mais je me suis aperçu que ce n'était pas le cas. D'abord parce que c'est seulement dans l'hypothèse où ce seuil ne serait pas respecté que le problème se poserait - encore que, même dans ce cas-là, le Conseil constitutionnel n'aurait pas une obligation d'annuler mais pourrait considérer que, certes il y a une relative atteinte à l'autonomie financière, mais qu'un processus de remise à niveau est engagé. C'est en tout cas ce que pensent les sénateurs.

Quoi qu'il en soit, il n'arrivera que très rarement que l'on descende au-dessous du seuil. On se situera presque toujours au-dessus, et chaque fois qu'une atteinte sera portée à l'autonomie des collectivités locales, le Conseil constitutionnel considérera que le principe de leur libre administration n'est pas en cause. En bref, votre article 3 est tautologique.

M. André Chassaigne - Notre amendement 36 tend à lutter contre l'effet pervers pouvant résulter de l'intégration, dans le ratio des ressources des collectivités, des dotations de péréquation qui sont incluses en fait dans la DGF. En excluant du ratio la part de péréquation comprise dans la DGF, nous éviterions qu'une augmentation des dotations de péréquation ait pour effet de réduire la part déterminante des ressources des collectivités, au rebours de l'objectif recherché.

M. le Rapporteur - Il s'agirait donc de retirer du dénominateur celles des ressources qui proviennent de la péréquation. Contrairement à ce qu'a dit M. Dosière, l'article 3 n'est pas neutre. Il se comprend en liaison avec l'article 2 qui définit tout ce qui, revenant aux collectivités, constitue le numérateur de la fraction représentative du ratio d'autonomie financière. Au dénominateur doit figurer tout le reste, sauf ce qui, par nature, ne saurait être considéré comme une ressource régulière, par exemple les emprunts. Adopter l'amendement reviendrait à créer une catégorie de sommes entrant dans le financement des activités gérées par les collectivités sans être considérées comme des ressources de ces collectivités. Ce serait absurde.

L'article 3 ne présente aucun danger, puisqu'il est bien clair que les collectivités disposent de ces dotations de péréquation, et qu'elles en ont d'ailleurs bien besoin. Diminuer le dénominateur, comme vous le proposez, conduirait à augmenter le ratio, ce qui serait paradoxal, la loi ayant pour objectif de maintenir, voire d'améliorer le ratio.

De surcroît, l'article 72-2 de la Constitution fait bien référence à la part déterminante de l'ensemble des ressources des collectivités, dont les dotations de péréquation font évidemment partie. Celles-ci ne peuvent donc pas être retirées du dénominateur pour être placées en apesanteur je ne sais où. Avis défavorable à l'amendement.

M. le Ministre délégué - L'explication de M. Geoffroy est limpide. Pourquoi réduire le dénominateur, et pourquoi en retirer particulièrement les dotations de péréquation ? Nous aurons une réflexion globale sur la péréquation. Rejet.

M. René Dosière - Je n'ai pas bien saisi, Monsieur le rapporteur, en quoi la disposition proposée par M. Chassaigne aurait des conséquences sur le ratio. Ce ratio ne sera pas calculé collectivité par collectivité, mais par ensemble de collectivités. Que le ratio d'une commune particulière évolue dans un sens ou un autre n'a pas d'effet pratique sur l'autonomie financière. En revanche, il peut arriver que le mode de distribution des dotations de péréquation conduise le Conseil constitutionnel à considérer qu'atteinte a été portée à l'autonomie des collectivités. C'est cela qu'il faut éviter.

Il n'est pas exact que, comme vous le dites, les dotations aient un caractère définitif. Certaines collectivités, par exemple, cessent de percevoir la DSU. Si on bloque toutes les possibilités d'évolution, il ne faudra pas s'étonner que le Conseil constitutionnel censure des dispositions relatives à la péréquation adoptées dans une loi ordinaire.

M. André Chassaigne - Notre amendement s'appuie sur une demande du bureau de l'association des maires de France, en date du 22 janvier, qui souhaitait neutraliser dans le calcul du ratio les crédits versés au titre de la péréquation. L'AMF considère que maintenir ces dotations pourrait réduire la part déterminante des ressources propres et donc réduire l'autonomie financière. Il importait donc d'éviter cet effet pervers.

L'amendement 36 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. René Dosière - Les amendements 17 et 18 visent à permettre une politique ambitieuse de péréquation. En effet, si nous ne doutons pas de la volonté du Gouvernement de conduire une telle politique, d'autant que la Constitution lui en fait maintenant obligation, nous préférerions que les dispositions législatives afférentes figurent dans une loi organique, et non dans une loi ordinaire. Nous savons toute la difficulté d'opérer déjà une péréquation verticale, aucune collectivité n'acceptant jamais de voir ses dotations réduites. Mais une péréquation horizontale est encore plus difficile à mettre en œuvre. Par ces amendements, nous cherchons seulement à vous aider à prendre les mesures courageuses qui s'imposent mais ne sont pas toujours faciles à prendre en matière de péréquation.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces deux amendements, dont l'un est de repli. Vous avez raison, Monsieur Dosière, aucune dotation de péréquation n'est jamais accordée pour toujours et d'ailleurs chaque année, des collectivités glissent d'une catégorie bénéficiaire à une catégorie non-bénéficiaire, en fonction de l'évolution de leurs ressources. Mais le montant global des dotations de péréquation ne diminue pas. Seule sa répartition est modifiée. On a donc tout intérêt, comme je l'ai déjà dit, à ne pas retirer du dénominateur celles des ressources provenant de la péréquation.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 17.

M. le Ministre délégué - Exclure du calcul du ratio les dotations de péréquation fausserait complètement la donne. L'intérêt est précisément d'avoir une vue globale des ressources des collectivités. Je suis donc plus que réservé sur ces amendements.

A la majorité de 30 voix contre 9 sur 39 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 17 n'est pas adopté.

M. le Président - Puis-je considérer que l'amendement 18 a été défendu ?

M. René Dosière - Oui, même si la réponse du ministre ne m'a pas convaincu. Je reste persuadé que sur le plan juridique, c'est moi qui ai raison.

M. le Président de la commission des lois - Vous en avez le droit !

L'amendement 18, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 22 heures.

La séance est levée à 20 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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