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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 22ème jour de séance, 55ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 30 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES (CMP) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 5

      QUESTION PRÉALABLE 8

      MODERNISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE (C.M.P.) 13

      CLÔTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE 19

La séance est ouverte à quinze heures quinze.

LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Alain Gest, rapporteur de la CMP - Nous mettons aujourd'hui un terme à un débat marathon. C'est en effet à l'automne 2002 que se sont engagées les assises régionales des libertés locales, prélude fructueux à la deuxième étape de la décentralisation voulue par le Premier ministre. Une révision constitutionnelle et trois lois organiques ont précédé cette loi de transfert. Après que la discussion parlementaire s'est engagée fin 2003, 3 000 amendements ont été examinés par le Sénat et par notre assemblée avant même l'examen du texte en seconde lecture. C'est la preuve de l'intérêt que la majorité et le Gouvernement attachent à la démocratie parlementaire.

M. René Dosière - Mieux vaudrait le montrer que le dire !

M. le Rapporteur - Encore faut-il que les amendements proposés la renforcent et ne constituent pas une entrave au bon déroulement de nos travaux. Trouver le juste milieux, ce sera l'enjeu d'une réforme inévitable du fonctionnement de notre Assemblée qui respecte les droits de l'opposition.

Il faut également rappeler qu'avant que le Premier ministre ne décide d'engager la responsabilité de son gouvernement, la commission des lois avait examiné la totalité des amendements présentés en deuxième lecture.

M. Guy Geoffroy - C'est juste !

M. le Rapporteur - Bon nombre de ceux qu'elle avait retenus avaient été pris en considération dans le texte soumis à l'article 49-3 de la Constitution, qu'il s'agisse de la définition des critères déterminant le domaine public routier national, de la procédure de choix des bénéficiaires du transfert des ports, de la liberté laissée aux départements dans la gestion du fonds d'aide aux jeunes, de la détermination des partenaires devant financer le fonds de solidarité pour le logement, du rétablissement des consultations des électeurs, de certaines simplifications du fonctionnement des conseils municipaux ou des incompatibilités entre certains emplois et les mandats locaux.

Je tiens à mettre l'accent sur la création d'une instance de concertation régionale, d'une utilité manifeste puisqu'elle permettra aux exécutifs des principales collectivités territoriales d'harmoniser leurs politiques. La CMP vous propose d'en limiter la composition aux présidents de conseils régionaux, de conseils généraux et de communautés urbaines ou d'agglomérations.

J'insisterai, enfin, sur un amendement intégré dans le texte entériné mardi dernier et qui introduit la possibilité d'expérimenter la création d'établissements publics d'enseignement primaire. On vise ainsi à définir de nouvelles approches, particulièrement dans les secteurs où les retards scolaires n'ont pu être comblés en dépit des moyens supplémentaires accordés.

Depuis le rejet de la motion de censure, le Conseil constitutionnel a globalement validé la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, ce dont chacun se félicitera, et notre collègue Dosière le premier, j'en suis sûr...

M. René Dosière - Je vous en dirai un mot...

M. le Rapporteur - Le Conseil constitutionnel a donc partagé l'analyse de notre collègue Geoffroy, qui était aussi la vôtre, Monsieur le ministre. Autant dire que les inquiétudes qui s'étaient manifestées à propos de la notion de « ressources propres » n'étaient pas fondées et que nous pouvons donc voter la loi ordinaire en toute sérénité. La CMP a tiré les conséquences de cet avis en supprimant l'article 129 du projet, qui n'avait plus de raison d'être.

Par ailleurs, la CMP, outre qu'elle a adopté les amendements de coordination et une nouvelle rédaction de l'article additionnel relatif à l'expérimentation des établissements publics locaux d'enseignement, s'est exprimée sur trois sujets. Elle a d'abord confirmé les dispositions concernant l'habitat intégrées dans le texte adopté dans le cadre de l'article 49-3 de la Constitution, dispositions qui réaffirment le rôle important des communes. Par ailleurs, contre l'avis de votre rapporteur, la CMP a supprimé tout seuil de population pour les communautés de communes pouvant participer à la répartition des crédits publics en matière de construction, réhabilitation ou démolition. Et puis, à mon grand regret, partagé par le rapporteur de la commission des finances et, je crois, par vous-même, Monsieur le ministre, la CMP a aussi supprimé l'article 92 portant création du Conseil national des politiques publiques locales. Décentraliser, cela signifie responsabiliser ; la décentralisation doit donc aller de pair avec une évaluation complète des politiques décidées. Mais le désir légitime de ne pas créer d'organisme supplémentaire à l'heure de la simplification administrative a été l'argument mis en avant pour convaincre une majorité de commissaires.

Enfin, la CMP a adopté à l'unanimité à une abstention près une nouvelle rédaction de l'article 128 concernant le transfert des personnels TOS dans les départements et régions d'outre-mer. Je souhaite vivement que cette décision ne se révèle pas, à terme, inéquitable à l'égard de toutes les collectivités territoriales métropolitaines.

Contrairement à ce que l'on entend trop souvent, le texte de la CMP que je vous propose d'adopter, renforce la décentralisation, notamment parce qu'il définit de nouveaux blocs de compétences imparfaitement identifiés jusqu'alors. Cela vaut pour la formation professionnelle, l'action sociale, les infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, les voies navigables, l'éducation et, peut-être, au terme de l'expérimentation, les interventions économiques. D'ailleurs, si ce projet n'était pas une étape significative de l'organisation décentralisée de la République, aurait-on entendu l'expression parfois forte du jacobinisme persistant dans notre pays ?

M. René Dosière - Des noms ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Il va sans dire qu'avec ce texte, nous aurons fait bouger les lignes de résistance d'un Etat hypertrophié et à bout de souffle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Après le vote intervenu ce matin au Sénat, nous arrivons au terme de nos travaux sur la loi « libertés et responsabilités locales », examen qui fut, en effet, un marathon...

M. Patrick Braouezec - Marathon qui s'est terminé par un sprint !

M. le Ministre délégué - Je remercie particulièrement votre rapporteur et le président de votre commission qui, l'un comme l'autre, ont manifesté un fort engagement dont M. de Villepin et moi-même leur sommes très reconnaissants. Ce projet a pour objectif principal d'améliorer l'efficacité de l'action publique ; je regrette donc que la loi n'ait pu faire l'objet d'un échange constructif en deuxième lecture avec votre assemblée. Mais tout a été dit à ce sujet, et je n'y reviendrai pas. Je suis convaincu que la loi créera une dynamique et je suis donc heureux que les travaux de la CMP sur les vingt-huit articles qui restaient en discussion ait abouti.

Le Gouvernement avait repris vingt-huit amendements de votre commission des lois dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Comme vient de l'indiquer le rapporteur de la CMP, la plupart d'entre eux ont fait l'objet d'un accord. Je regrette seulement la suppression de l'article 92 prévoyant l'évaluation des politiques locales. Je l'ai dit au Sénat comme ici, j'attache une grande importance à l'évaluation. Notre objectif est de bâtir une société de confiance, où l'évaluation se substitue aux contrôles et aux sanctions systématiques. Beaucoup d'entre vous demandent que l'action de l'Etat soit évaluée, et voilà qu'au moment d'introduire un mouvement de décentralisation majeur, ce principe n'est pas retenu. Je ne peux qu'exprimer mon regret. Certes, étant tenace, j'espère pouvoir y revenir avec vous en d'autres circonstances ; mais pour aujourd'hui, je respecterai naturellement votre choix.

Le Gouvernement avait, quant à lui, introduit dix amendements. A l'article 49, un débat s'était engagé entre les deux assemblées pour savoir si, pour la délégation des aides à la pierre aux EPCI, il convenait de fixer des seuils. Dans une première rédaction, l'EPCI devait compter plus de 50 000 habitants et comprendre une commune d'au moins 15 000 habitants. Le Sénat ayant supprimé ces seuils, ils ont été rétablis par l'Assemblée, puis à nouveau supprimés. L'amendement gouvernemental, que votre CMP n'a pas retenu, proposait un compromis...

M. le Rapporteur - Un bon compromis.

M. le Ministre délégué - ...dans lequel le seuil de 50 000 habitants était supprimé, cependant que restait requise la présence d'une commune de 15 000 habitants au sein de l'EPCI. Votre CMP a décidé de revenir à la rédaction du Sénat. Ici encore, bien sûr, le Gouvernement se conformera à cette position.

Je veux saisir cette ultime occasion pour apporter quelques précisions sur le contenu de l'article 49 A. Cet article, qui porte sur la délégation du contingent préfectoral de logements sociaux aux communes et aux EPCI, a été voté conforme par les deux assemblées et n'a donc pas fait l'objet d'un réexamen par la CMP. J'ai cependant eu le sentiment, en lisant certains journaux (Murmures et sourires sur les bancs du groupe UMP), parfois un peu imprécis en cette période estivale, que cet article n'était pas bien compris. Il prévoit en effet pour les préfets la possibilité, et non l'obligation comme on l'a écrit, de déléguer par convention tout ou partie de leur contingent de logements sociaux aux communes ou aux EPCI, avec l'accord de la commune sur le territoire de laquelle se trouvent les logements en question. L'Etat continue donc de jouer un rôle important dans la gestion de ce contingent et de s'assurer de la répartition harmonieuse sur le territoire des populations les plus en difficulté, par le biais il est vrai de la convention et du partenariat. En outre, si le Préfet constate que les objectifs de la convention en matière de logement des personnes défavorisées ne sont pas respectés, il peut se substituer à la commune ou à l'EPCI pour la gestion de ce contingent. L'article 49 A apporte donc toutes les garanties que l'Etat continue à jouer son rôle de garant de la cohésion sociale sur le territoire.

Après l'article 128, conformément aux engagements que j'avais pris devant vous en deuxième lecture, nous avions introduit un amendement disposant que cette loi n'entrerait en vigueur qu'après la promulgation de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Je souhaitais ainsi montrer la bonne volonté du Gouvernement, mais aussi notre souci d'établir avec l'Assemblée nationale, comme avec les collectivités locales, un dialogue empreint de confiance. Cet article a été supprimé, la loi organique ayant en effet été promulguée hier après que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision la déclarant conforme à la Constitution.

Le Conseil a notamment reconnu la pertinence de la définition des ressources propres retenue par la loi organique, qui avait fait l'objet de longs débats au Parlement. Elle englobe « le produit des impositions de toutes natures, non seulement lorsque la loi autorise les collectivités à en fixer l'assiette, le taux ou le tarif, mais encore lorsqu'elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette ». Il a également jugé constitutionnelle la règle prévue par la loi organique selon laquelle pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources ne peut descendre en deçà du niveau atteint en 2003. Il s'est borné à disjoindre quelques mots, jugés dépourvus de valeur normative, pour rendre plus claire l'obligation prévue par la loi organique. Cette décision conforte la démarche du Gouvernement. Que n'avait-on entendu ici à ce sujet ! On le voit, il arrive que les gouvernements soient attentifs à écrire leurs projets dans un respect scrupuleux de la Constitution.

Il reste maintenant beaucoup de travail pour les administrations afin que cette loi puisse entrer en vigueur dès le 1er janvier 2005. Plus de cinquante décrets d'application seront nécessaires et les mois qui viennent seront consacrés à leur élaboration afin que les élus connaissent au plus tôt les modalités pratiques des transferts de compétences. Nous allons constituer au plus vite la commission consultative d'évaluation des charges et celle relative aux transferts de personnels prévues dans la loi pour qu'elles commencent à travailler dès l'automne. Les collectivités locales doivent en effet pouvoir anticiper et se préparer dans de bonnes conditions à ces transferts qui s'étaleront entre 2005 et 2008. C'est pourquoi il était très important que la loi soit votée au cours de cette session extraordinaire. Je sais que vous avez dû parfois travailler dans des délais très brefs sur un texte difficile. Je rends hommage à la qualité du travail fourni, notamment dans les commissions.

Ce texte clôt le cycle législatif ouvert par la modification constitutionnelle du 28 mars 2003. Il marque le début de nouvelles relations de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales. Il va donner à l'action publique de nouveaux moyens pour de meilleurs résultats, répondant mieux aux attentes de nos concitoyens. D'autres rendez-vous nous attendent, pour réformer les dotations dans le respect du principe, désormais constitutionnel, de péréquation, et pour réformer la taxe professionnelle. Je vous remercie à nouveau, ainsi que le personnel de votre Assemblée. En cet instant, avec Dominique de Villepin, j'ai une pensée particulière pour tous ceux qui partagent les mêmes convictions en faveur de la décentralisation : je pense au Premier Ministre, mais aussi à MM. Sarkozy et Devedjian, qui ont porté ce projet dans sa première étape, et - une fois n'est pas coutume - à Pierre Mauroy, dont le rapport a largement inspiré notre démarche. Un mot enfin pour l'administration qui a porté la conception et la rédaction de ce projet, la DGCL, et pour son patron M. Dominique Bur, qui dans quelques jours deviendra préfet de la région Limousin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité.

M. René Dosière - Pourquoi une exception d'irrecevabilité en dernière lecture ? Pour souligner que, dans l'état actuel du texte, le groupe socialiste ne manquera pas d'en saisir le Conseil constitutionnel, et pour donner à l'Assemblée la primeur de nos motifs. Nous avons hésité, craignant de surcharger le Conseil ; mais nous ne sommes pas responsables de l'ordre du jour de cette session extraordinaire. En outre, nous avons décidé de ne pas saisir le Conseil du texte sur les Français de l'étranger, bien que certaine disposition de démographie électorale prête à discussion.

Pour ce qui est en revanche du présent projet, nous ferons valoir qu'il met à mal des principes républicains tels que l'égalité devant la loi et devant les services publics, l'interdiction de toute tutelle sur une collectivité, sans oublier les modalités pratiques des transferts de compétences en matière financière, dans son souci directeur de délester l'Etat. La décentralisation, la gestion de proximité - objectifs qui pourraient nous rassembler - ne doivent pas conduire à un démembrement de l'Etat ni à une France des inégalités, à laquelle nous préférons celle des fraternités.

Il faut par ailleurs déplorer les conditions dans lesquelles le débat a été conduit, avec un ordre du jour chaotique, fixé au dernier moment, et qui comportait des réunions de commissions et des CMP qui ne permettaient pas toujours à nos collègues de participer pleinement à la discussion. Il faut surtout déplorer l'usage de l'article 49-3 qui revient à bâillonner l'Assemblée. Aucun parlementaire digne de ce nom ne peut en juger le principe acceptable. Je veux souligner que c'est un Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, qui restera le seul à n'avoir jamais usé de cette procédure.

M. Pascal Clément, président de la commission des Lois - C'est pour compenser les trente-quatre fois de M. Rocard !

M. René Dosière - Michel Rocard n'avait pas de majorité absolue : l'article 49-3 a été conçu pour qu'en pareil cas la France puisse tout de même être gouvernée. En user quand on a une majorité écrasante, en revanche, est un aveu de faiblesse.

Vous nous avez accusés d'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Voyons donc ce qu'en a pensé un observateur - et même un acteur - impartial et attentif. « Dans une démocratie parlementaire, le droit d'amendement est une prérogative fondamentale des députés, notamment de ceux de l'opposition. Les 4 000 amendements déposés par l'opposition sur la décentralisation n'étaient pas de nature à me faire peur si on les compare à ceux examinés pour les retraites - 11 153 - et pour l'assurance maladie - 8 495. Le Gouvernement a voulu hâter le processus, je ne sais pour quelle raison. Je souhaite que ceux qui ont pris prétexte d'une obstruction de la gauche pour arrêter la discussion sur la décentralisation ne soient pas un jour dans l'opposition : ils verront alors que pour exister, il est essentiel de pouvoir proposer des amendements aux projets gouvernementaux ». L'auteur de ces propos, que vous aurez reconnu, est notre Président, Jean-Louis Debré, auquel pour ma part je suis heureux de rendre hommage.

M. le Président - Cela en fait au moins un. Merci !

M. René Dosière - Je veux souligner, malgré nos divergences politiques, la manière impartiale dont nos débats sont dirigés.

M. le Président de la commission - Revenons-en au sujet...

M. le Président - Laissez-moi un peu de plaisir, Monsieur Clément !

M. René Dosière - S'agissant d'un projet concernant les collectivités locales, et dans le contexte, utiliser l'article 49, alinéa 3 est plus qu'une erreur : c'est une faute.

Auriez-vous oublié le résultat des élections de mars ?

M. le Rapporteur - Cela n'a rien à voir !

M. René Dosière - Vous dites cela aujourd'hui, mais ce résultat avait quand même conduit à décaler le vote solennel sur ce texte... On nous avait expliqué qu'on allait revoir les choses et discuter avec les nouveaux exécutifs. Mais finalement, nous avons constaté un passage en force.

Notre inquiétude est encore plus grande après la décision du Conseil constitutionnel qui est tombée hier sur l'autonomie financière. Celle-ci, tout d'abord, censure en des termes sévères le bavardage de la loi, en soulignant que la notion de part déterminante n'a pas de signification, comme nous n'avions cessé de le dire, et indique que la loi doit être claire, intelligible, normative, accessible et non équivoque. Ensuite, le Conseil constitutionnel valide la nouvelle définition des ressources propres des collectivités locales, ce qui constitue indiscutablement un succès pour le Gouvernement mais représente un recul pour l'autonomie financière des collectivités locales. En effet le remplacement, par exemple, de la taxe professionnelle, dont les collectivités maîtrisaient le produit, par un impôt professionnel dont le taux serait fixé par le Parlement est ainsi devenu constitutionnel.

Finalement, le Premier ministre a atteint son seul objectif : transférer les compétences et alléger les charges de l'Etat, en étant libre de transférer des recettes qui, à terme, ne couvriront pas la totalité des dépenses, ce qui conduira à une augmentation de la pression fiscale locale. Telle est bien la conception de la décentralisation de M. Raffarin puisque, comme notre collègue Migaud l'a déjà rappelé, il avait dit en lançant le débat sur la décentralisation le 29 octobre 2002 au Sénat : « Il faudra veiller à ce que l'autonomie ne soit pas remise en cause, pour que le Conseil constitutionnel ne puisse nous dire que ce transfert de compétences n'est pas possible à ce titre. C'est la question clé sur laquelle nous devons travailler, de manière à obtenir un texte qui protège notre capacité à opérer des transferts de compétences ».

En parlant du gouvernement Jospin, Monsieur le ministre, vous avez, sur une radio publique, utilisé le mot « escroquerie ». Venant d'un ministre de la République, ce langage m'a surpris. Vous parliez de l'APA, en disant que c'était un transfert mal financé.

M. le Rapporteur - C'est même un hold-up !

M. René Dosière - En réalité, il ne s'agissait pas d'un transfert puisque la compétence était exercée par les départements au travers de la PSD.

M. le Président de la commission - L'APA, c'est une extension de la PSD...

M. René Dosière - Le remplacement de la PSD par l'APA était d'ailleurs très significatif de deux conceptions de la décentralisation : la PSD était une aide aux personnes âgées laissée à l'initiative des conseils généraux - et elle était donc très différente d'un département à l'autre ; avec l'APA, nous avons décidé que la prestation devait être uniforme sur l'ensemble du territoire.

M. le Rapporteur - Jacobin !

M. René Dosière - En disant que nous ne l'avons pas financée, Monsieur le ministre, vous oubliez le 0,1 point de CSG destiné à financer un fonds national. Vous oubliez également de rappeler que l'APA a permis de créer près de 70 000 emplois.

A votre conception libérale de la décentralisation, nous opposons une conception républicaine, que nous continuerons à défendre.

M. le Président de la commission - Quelques mots en guise de réponse, par courtoisie pour M. Dosière.

Lorsque M. Defferre a voulu décentraliser la France, il avait deux siècles de jacobinisme derrière lui. La situation est bien différente aujourd'hui, où nous avons vingt ans d'expérience de cette décentralisation. Je n'ai toujours pas compris sur quel fondement idéologique repose votre refus d'en ouvrir un nouveau chapitre.

Vous dites que pour vous, la République, c'est la même chose pour tout le monde partout. Si c'était vrai, ce serait beau, mais ce n'est pas la réalité. Des prestations existent dans certaines communes ou dans certains départements et pas dans d'autres, sans compter les handicaps naturels. L'égalité est donc totalement abstraite : c'est une vision idéologique typiquement socialiste. La réalité, c'est que les inégalités existent, et que la République a pour mission de les compenser.

Nous ouvrons un deuxième chapitre de la décentralisation. Tout n'est pas parfait, mais c'était déjà le cas avec M. Defferre qui, lui, n'avait fait que la moitié de travail puisqu'il n'avait pas du tout supprimé les administrations d'Etat déconcentrées, ce qui a permis à la France de voir sa fonction publique exploser... Demain, nos collectivités vont avoir de nouveaux pouvoirs ; c'est la manière dont les élus les utiliseront qui feront ou non de cette décentralisation un succès. N'insultons pas l'avenir, et faisons confiance à la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Deux mots, également par courtoisie. Le bâillon dont a parlé M. Dosière n'a pas empêché que nous ayons en première lecture 65 heures 28 minutes de débat...Vous étiez parfois à la limite de la mauvaise foi. J'en veux pour preuve que la semaine dernière, vous avez essentiellement contesté la définition des ressources propres des collectivités, laissant entendre que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de sanctionner le Gouvernement. Comme il vous a donné tort, vous avez trouvé un autre argument, en disant que les collectivités étaient sanctionnées... Nous n'avons guère apprécié ce raisonnement à double détente.

Il est vrai que nous n'avons pas les mêmes conceptions, mais cela ne vous autorise en rien à mettre en doute notre conviction républicaine.

M. le Président - Je vous rappelle que l'article 91-4 de notre Règlement aurait pu m'inciter à vous empêcher de parler puisqu'aux termes de cet article peut répondre le président de la commission ou le rapporteur. Mais, ma conception de la démocratie parlementaire, qui couvre aussi le droit d'amendement, m'a conduit à vous laisser la parole.

M. Patrick Braouezec - Le groupe communiste et républicain votera cette exception d'irrecevabilité.

M. Gest a parlé de marathon, mais cette fin de débat fait plutôt penser à un sprint échevelé, ce qui montre que le Gouvernement n'a pas su bien gérer sa course.

Il est vrai que le vote solennel prévu avant les élections a été repoussé, mais les promesses qui avaient été faites de revenir en deuxième lecture sur un certain nombre de dispositions qui posaient problème à nos collègues de la majorité n'ont pas été tenues.

Je comprends mal par ailleurs en quoi le fait d'avoir débattu plus de 65 heures en première lecture justifierait qu'il n'y ait aucune discussion en deuxième. A l'évidence, la majorité ne tient aucun compte des préoccupations de l'opposition ni de celles des partenaires sociaux, mais je suis sûr que la population lui fera bientôt payer le prix de cette attitude.

M. Michel Piron - A l'évidence, tout est bon pour invoquer l'irrecevabilité. Comme l'a dit le rapporteur, nous dénions à M. Dosière le droit de nous décerner des brevets de républicanisme. Si nous n'avons pas les mêmes conceptions, c'est que pour nous l'égalité ne se résume pas à l'uniformité.

Parmi les multiples arguments de M. Dosière, il en est un qui m'a surpris car je pensais que faire des régions les coordinatrices du développement économique l'aurait comblé. Il est vrai que, comme l'a dit Jankélévitch, l'évidence peut quelquefois ne pas être évidente.

Pour toutes ces raisons le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - J'invite également l'Assemblée à rejeter cette motion. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont conduit le Premier ministre à recourir à l'article 49-3, ni sur notre conviction profonde que notre pays a besoin d'une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales. Il appartient bien évidemment au Parlement de porter un regard attentif sur les conditions de ces transferts et sur leur financement.

Nous avons eu l'occasion de rappeler quelques précédents fâcheux, notamment celui de l'APA, dans lequel le gouvernement d'alors s'est comporté d'une façon qui n'a rien à voir avec l'esprit de confiance que nous voulons désormais instaurer.

Mais l'heure est désormais à l'application d'un dispositif sur lequel nous avons beaucoup travaillé, à l'apaisement pour que tout se passe au mieux, car il y a derrière la décentralisation des dizaines de milliers de fonctionnaires qui vont voir leur carrière évoluer et des missions nouvelles qui vont être exercées par les collectivités locales. J'espère que tout ceci se fera au service de nos concitoyens dans un esprit républicain qui nous éloignera de la véhémence des propos de MM. Braouezec et Dosière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable.

M. Pierre Hellier - Ce n'est pas de l'obstruction !

M. le Président - C'est le Règlement !

M. René Dosière - Il y a cinq motifs de voter cette question préalable. Le premier, c'est que ce texte complique notre système administratif au lieu de le simplifier. Ainsi, on a désormais l'impression que toutes les collectivités font tout et n'importe quoi. Dans la version initiale du texte, avant les élections régionales, les régions étaient les chefs de file de la politique économique alors qu'aujourd'hui elles la coordonnent, mais n'ont pas plus de pouvoirs que les départements et les grandes villes.

En deuxième lieu, ce texte ne préserve pas la notion d'Etat républicain. Le président Clément m'a fait le procès d'être jacobin. Pourtant, j'affiche depuis longtemps mes positions décentralisatrices, mais il est vrai que je rejette tant l'intégrisme décentralisateur (Sourires) que l'intégrisme républicain - que j'avais un jour reproché à un ministre du gouvernement Jospin, lui faisant observer que la France était une mais qu'elle pouvait être diverse ; on voit bien, avec l'exemple de l'Alsace-Moselle, que l'on peut être Français et appliquer une législation particulière. Ce qu'il ne faut pas permettre, c'est que les droits essentiels ne soient pas les mêmes partout dans notre pays. Or, tel était bien le cas avec la PSD puisque chaque département déterminait un droit différent, tandis qu'avec l'APA, le droit, mis en œuvre de façon différente par chaque collectivité, est néanmoins le même pour tous.

On constate aussi l'affaiblissement de l'Etat républicain dans le fait que les services de la DDE vont perdre les quelques moyens qui leur restaient, que la formation professionnelle des plus démunis relèvera désormais d'un contingent préfectoral, que les fonds d'aide aux jeunes ne sont pas pérennisés.

Cette question préalable se fonde aussi sur la place insuffisante faite à l'intercommunalité. Faute d'une vision d'avenir, comment les citoyens pourraient-ils s'y retrouver dans ce fatras administratif qui mélange communes et intercommunalités, les premières étant privées de leurs capacités au profit des secondes, qui gèrent des budgets considérables et qui prélèvent plus d'impôts locaux que les régions, sans que leurs exécutifs aient le moindre compte à rendre devant le suffrage universel ?

La quatrième raison est que ce texte programme la hausse des impôts locaux, à travers deux transferts. D'abord, si la voirie nationale doit être transférée, rien ne dit en quel état. La remise à niveau va donc dépendre des collectivités, comme hier la remise à niveau des lycées.

M. Louis Guédon - Sous les socialistes !

M. René Dosière - Nous avons tiré les leçons du passé, ne commettez pas les mêmes erreurs ! Vous avez cité Pierre Mauroy, mais vous lui portiez beaucoup moins de sympathie lorsqu'il était au pouvoir ! L'actuel Premier ministre avait d'ailleurs quitté, à l'époque, avec fracas une commission présidée par M. Mauroy et refusé de cautionner son rapport...

M. le Ministre délégué - Pour des raisons de forme !

M. René Dosière - Ensuite, le transfert des TOSS va certes être accompagné des sommes que l'Etat leur consacre aujourd'hui, mais ils ne sont pas assez nombreux ! Il va donc bien falloir que les collectivités créent des postes. Vous l'avez implicitement reconnu en promettant de ne procéder au transfert, pour l'outre-mer, que lorsque l'Etat aurait mis à niveau les effectifs. Il faudra donc créer en toute urgence cinq à dix mille postes de TOSS rien que pour l'outre-mer... ou renoncer au transfert !

Dernier motif : la procédure de concertation a été très insuffisante. Lorsque le transfert des TOSS a été annoncé, le ministre de l'éducation nationale venait de leur affirmer qu'il ne le demandait pas ! Vous n'avez pas plus dialogué avec les élus, et en particulier pas après le renouvellement dû aux élections cantonales. Enfin, si le texte comprend des mesures relatives à la formation professionnelle, au logement ou à l'éducation, les ministres concernés ne sont jamais venus nous expliquer comment elles seraient appliquées.

Nous nous opposons donc à ce texte : non que nous mettions en doute les conceptions décentralisatrices de M. Gest, mais il y a décentralisation libérale et décentralisation républicaine !

M. le Président de la commission - Il faut m'expliquer !

M. René Dosière - Chaque fois que j'ai demandé que l'Etat continue à garantir la cohésion sociale, on m'a répondu que si l'Etat décentralisait une compétence, il ne voulait plus en entendre parler !

M. le Président de la commission - Les collectivités locales ne sont donc pas capables de promouvoir la solidarité ?

M. René Dosière - Si, mais l'Etat a une mission générale de cohésion sociale. Les élus locaux ont le sens de l'intérêt de leur collectivité, mais non de l'intérêt général.

M. le Président de la commission - Enlevez donc le domaine social aux conseils généraux !

M. René Dosière - C'est nous qui avons cette vocation.

M. Guy Geoffroy - Jacobin !

M. René Dosière - Ce n'est pas être jacobin que de refuser que la décentralisation mette à mal l'Etat républicain que des générations de Français ont fabriqué.

M. le Président - Le Gouvernement ou la commission veulent-ils répondre ?

M. le Président de la commission - Personne !

M. le Président - Vous ne pouvez pas répondre au nom du Gouvernement, qu'il m'appartient d'interroger !

La séance, suspendue à 16 h 20, est reprise à 16 h 25.

M. Michel Piron - Le groupe de l'UMP rejettera cette motion.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Olivier Jardé - En 1960, nous aurions pu trouver ce texte très novateur. Aujourd'hui, nous nous attendions à une ambition d'une tout autre nature que cette vision de bon père de famille, qui ne peut en aucun cas convenir à la mère des réformes. Entre temps, il ne faut pas oublier que la région a fait son apparition.

Mme Comparini et MM. Albertini et Lagarde ont dénoncé le défaut de simplification de ce texte, qui est loin de permettre à nos concitoyens de se réapproprier la chose publique. Pourtant, la répartition des compétences paraissait devoir être limpide. Le département, échelon de proximité, se voyait confier la totalité de l'action sociale, alors que la région, échelon d'action, était chargée de la compétence économique. Ce système n'était peut-être pas parfait, mais personne ne semblait y trouver d'inconvénients. Mais d'inutiles bavardages et dispositions d'ordre réglementaire ont brouillé cette vision. Nous espérions que la deuxième lecture permettrait de rectifier le tir, mais le texte apparaît encore plus confus - il n'est qu'à voir la rédaction de l'article premier !

Le texte prévoyait initialement une décentralisation économique complète vers la région, aire géographique idéale réunissant les pôles universitaires et de recherche et les PME. Leur synergie devait faire de la région un territoire fort, au service d'une France forte. Christian Blanc, dans son rapport sur l'écosystème de la croissance, a bien montré que, dans un modèle économique mondialisé et fondé sur l'innovation, la compétitivité se construisait désormais à l'échelon régional. Nous pensions que le Gouvernement lui avait prêté une oreille attentive, mais le texte montre qu'il n'en a rien fait, décevant ainsi une attente des Français. En outre, donner à la région la responsabilité du développement économique n'a rien d'iconoclaste. La responsabilité ne fait pas obstacle à la coordination de l'ensemble des collectivités et n'induit pas la tutelle que d'aucuns ont décriée !

Mais, pour ne pas froisser les susceptibilités, vous avez opéré un revirement brutal. La région est passée du statut de chef de file à celui de coordinateur. Le Premier ministre parlait tellement du rôle considérable de la région que nous n'avons pu être qu'étonnés du texte qui nous est revenu du Sénat ! La coordination prévue à l'article premier aboutit à un système complexe et enchevêtré. Nous continuerons d'évoluer dans des partenariats croisés, sources de retard, alors que nous vivons dans un monde en accélération qui requiert de la réactivité. Surtout, cette prise de position aurait eu le mérite de montrer qu'enfin nous étions capables, en France, de trancher et de faire des choix.

Je ne m'attarderai pas sur les autres points du texte. Le choix de concentrer mon propos sur l'article premier permet de manifester l'étendue de notre déception. Du discours fondateur de Rouen, il ne reste que des scories. D'une source puissante, le fleuve de la décentralisation s'est perdu dans les méandres du delta des féodalités. Le texte fondateur et simplificateur attendu par tous ne verra jamais le jour. L'enchevêtrement perdure et nos concitoyens resteront dans le flou. L'incertitude qui plane sur les collectivités territoriales quant au financement des transferts de compétence fait craindre aux Français une hausse de la fiscalité locale. Comment pourrions nous les rassurer quand nous-mêmes restons dans l'expectative la plus complète ?

Vous comprendrez donc, Monsieur le ministre, que le groupe UDF ne puisse s'associer à cet épilogue. Le doute qui s'est installé au fur et à mesure des textes de la décentralisation a fini par se muer en certitude d'un vote négatif. Nous ne cautionnerons pas ces transferts de compétence qui ne participent pas d'une réforme de l'Etat. Triste fin qui nous fait penser à cette phrase de Maurice Druon : « Souvent la passion meurt de ce qui l'a fait naître ».

M. Patrick Braouezec - L'opposition et une partie de la majorité attendaient beaucoup de cette deuxième lecture, en particulier de pouvoir enfin discuter des problèmes considérables qui résulteront de l'accroissement des dépenses obligatoires des départements et des régions, autrement dit de la perte d'autonomie de gestion qui attend les collectivités territoriales.

Malheureusement, le Premier ministre a décidé arbitrairement de mettre fin à la discussion. Le mépris que manifeste le Gouvernement envers le débat parlementaire égale maintenant celui qu'il a pour le dialogue social. Il n'est pas admissible que le Premier ministre, que les commentateurs décrivent comme un homme de plus en plus seul, utilise l'article 49-3 sur un texte de cette importance et que la représentation nationale soit ainsi sommée de bouleverser en quelques minutes l'organisation territoriale de ce pays.

Les collectivités territoriales vont devoir assumer des compétences qu'elles n'auront pas les moyens de financer sans augmenter beaucoup la fiscalité locale. Dans ces conditions, le principe d'égalité entre les citoyens, d'une part, entre les territoires, de l'autre, ne pourra pas être respecté. La solidarité nationale sera battue en brèche et l'Etat se retrouvera comme dépossédé, notamment dans le domaine social. Pour ne prendre qu'un seul exemple, comment voulez-vous que l'Etat mène une politique nationale cohérente de lutte contre le chômage s'il n'a plus aucune prise sur la formation professionnelle ?

Mais puisque nous n'avons plus le temps de critiquer l'ensemble du projet, je voudrais seulement insister sur les amendements dont nous n'avons pas du tout pu débattre, qu'il s'agisse de ceux adoptés au Sénat ou de ceux imposés par le Premier ministre, et dont certains organisent de profondes remises en cause.

Le Sénat a ainsi adopté, suite aux résultats des élections, un amendement à l'article premier qui ne fait plus de la région que l'échelon chargé de coordonner des actions de développement économique. Le Gouvernement a quant à lui introduit par amendement l'expérimentation dans le développement économique.

L'amendement de notre rapporteur à l'article 12 supprime la notion de développement équilibré du territoire, ce qui confirme nos craintes concernant la rupture d'égalité. Il y aura des régions faibles et d'autres fortes.

Un amendement à l'article 41 supprime la garantie que le Sénat, conscient du risque de désengagement financier des départements en ce qui concerne le Fonds d'aide aux jeunes, avait décidé d'inscrire dans l'article 263-15 du code de l'action sociale. Les conseils généraux seront donc désormais seuls décideurs de l'attribution des aides du FAJ. Les jeunes en difficulté risquent de faire les frais de l'intégrisme décentralisateur du Premier ministre.

Nous restons très opposés à la possibilité de délégation du contingent préfectoral de logements sociaux aux maires. Dans les situations bloquées, c'est souvent la décision du préfet qui permet de sortir de l'impasse. Je vous rappelle que le droit au logement est un droit fondamental et que l'Etat ne peut se défaire de cette compétence sans manquer au devoir qu'a la nation tout entière dans ce domaine. Ce sont les plus modestes qui feront les frais de ce changement.

Les trois amendements présentés par le rapporteur à l'article 50 ne sont pas davantage en faveur des foyers modestes. En revanche, ce sont des cadeaux supplémentaires accordés aux sociétés privées, en particulier aux opérateurs de téléphonie, puisque l'un de ces amendements supprime leur participation au financement du Fonds de solidarité sociale.

En article additionnel après l'article 69, le rapporteur nous propose de créer des établissements publics locaux d'enseignement primaire. Cet amendement est très grave, car il est susceptible de remettre en cause l'unicité de l'enseignement primaire.

M. le Rapporteur - C'est de l'expérimentation.

M. Patrick Braouezec - Avec l'amendement déposé sur l'article 88 bis, nous sommes au cœur du problème du financement. Va-t-on prendre en compte le caractère évolutif des dépenses transférées ? Rien n'est moins sûr. Certes, le principe de compensation est posé. Mais elle ne tiendra pas compte de l'état des équipements transférés et donc des investissements à réaliser. Elle ne sera pas indexée sur le dynamisme spontané des dépenses transférées. Elle ne tiendra pas compte non plus des inégalités de ressources et de besoins entre collectivités territoriales. Bref, le principe constitutionnel de compensation pourra bientôt être rangé aux côtés de tous les autres principes constitutionnels qui ne sont pas appliqués.

Outre que nous dénonçons la procédure antidémocratique qui nous a empêchés de débattre de toutes ces dispositions, nous ne pouvons que rejeter avec fermeté ce projet qui cherche avant tout à démanteler l'Etat et à remettre en cause le principe d'égalité entre les territoires.

M. René Dosière - Très bien !

M. Michel Piron - Nous voici au terme d'une longue démarche, d'un long débat...

M. René Dosière - Un peu raccourci, quand même.

M. Michel Piron - Rappelons en la forme. Trois lectures parlementaires auront permis d'adopter 800 amendements sur quelque 3 000 examinés, avant que notre seconde lecture ne s'achève dans les conditions que l'on sait et que rendait sans doute inévitable une opposition presque exclusivement procédurière.

Quant au fond, il nous semble que la poursuite de la décentralisation répond à deux défis majeurs : mieux partager les responsabilités, mieux assurer les solidarités.

Mieux partager les responsabilités, c'est ce qui se passera pour les équipements portuaires et routiers, pour l'habitat, pour la gestion des personnels d'entretien des lycées et collèges, et dans d'autres domaines dans la mesure où l'on essaiera de répondre à la seule question qui vaille : de l'Etat, des régions, des départements, des EPCI ou des communes, qui peut le mieux faire quoi ?

Mieux assurer les solidarités. Soulignons à cet égard le renforcement du rôle des départements, dont la bonne connaissance du terrain assurera des réponses plus adaptées à la diversité des personnes et des situations. Ce qui n'enlève rien, bien au contraire, à l'exigence de péréquation, exigence d'Etat par excellence, garantie désormais par la Constitution.

Comment faut-il donc entendre certaines critiques émises ici ou là contre une loi qui manquerait de souffle ou qui ne serait que de « petite politique » ? S'il s'agit de dénoncer des mesures clarificatrices, souvent très techniques, j'avoue ne pas très bien comprendre quel besoin de souffle il y aurait là, sauf à considérer le mode incantatoire comme le nec plus ultra de l'expression législative. Quant à l'accusation condescendante de petite politique, j'en dirai seulement que pour ma part, je ne sais pas ce qu'est une petite ou une grande politique, mais je crois savoir ce qu'est la politique : rien d'autre peut-être finalement que ce qui inspire ce projet de loi, à savoir la recherche permanente de l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Bruno Bourg-Broc - La loi sur les responsabilités et les libertés locales va enfin voir le jour, et je m'en réjouis, car il s'agit d'un texte fondamental qui va dans le bon sens, parce qu'il fait vivre et responsabilise les différents échelons de notre organisation administrative en leur transférant de nouvelles compétences. Et même s'il n'est pas de nature à susciter l'enthousiasme populaire, il est un outil qui doit contribuer à mieux gérer, mieux gouverner.

Je regrette bien sûr que le Gouvernement ait été contraint de recourir à l'article 49-3, mais cette procédure exceptionnelle était la conséquence obligée de l'obstruction de l'opposition. Il ne faut pas oublier que, depuis deux ans, le Gouvernement a organisé une très large concertation.

L'ambition première de ce texte fondamental était de consacrer la région comme l'échelon le plus pertinent d'une nouvelle organisation décentralisée de notre pays. Et alors que nous étions nombreux à nous attendre à plus de pouvoirs pour celles-ci, ce sont les départements qui sont les grands bénéficiaires des transferts de compétences. C'est une surprise, mais contrairement à ce qui a été dit, nous avions eu connaissance de cette évolution avant les dernières échéances électorales.

En revanche, les communes et les intercommunalités ne sont pas très présentes dans ce texte. Certes, de nouvelles compétences techniques sont confiées par voie de conventions aux intercommunalités, mais il ne s'agit en règle générale que de délégations. Quant aux municipalités, grandes ou petites, le risque est réel de les voir subordonnées à d'autres collectivités, même si les nouvelles dispositions adoptées à cet égard par le Sénat vont dans le bon sens.

Monsieur le ministre, je me permets d'appeler votre attention sur la complexité des conventions de toutes natures telles que les prévoit le texte - dont la simplicité n'est du reste pas la vertu cardinale !

M. René Dosière - C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Bruno Bourg-Broc - Quant à la conférence des exécutifs prévue à l'article 127, comment imaginer que les maires ou les présidents d'exécutifs intercommunaux puissent en être exclus ?

M. René Dosière - Nous en avons débattu en CMP.

M. Bruno Bourg-Broc - Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer quelques regrets quant aux « manques » de ce texte - le sport, la culture, les écoles de musique - mais conscient du progrès qu'il réalise dans la voie de la décentralisation, c'est bien volontiers que je lui apporterai ma voix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Deux remarques liminaires, la première s'adressant à M. Braouezec qui a parlé de la dure discipline du marathonien. L'étant moi-même,...

M. Patrick Braouezec - Moi aussi !

M. Guy Geoffroy - ...je sais que la première qualité du coureur de fond est d'être capable de gérer l'effort et la gamberge pour franchir la ligne d'arrivée la tête haute. C'est bien ce que font la majorité et le Gouvernement, au terme de deux années de concertation.

Ma deuxième remarque s'adresse à M. Dosière, qui a cru bon d'opposer tout à l'heure les « républicains » - comprenez, lui et son camp - et les intégristes de la décentralisation. Cette présentation simpliste est particulièrement choquante et elle ne repose sur aucune réalité.

J'en viens à l'essentiel, et j'associe à mon propos Gilles Carrez, rapporteur du projet de loi relatif à l'autonomie financière des collectivités locales. Pendant longtemps, nos collègues de l'opposition et d'une partie de l'UDF ont prétendu qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le présent texte tant que celui sur l'autonomie financière n'aurait pas été adopté, puis validé par le Conseil constitutionnel. Le Conseil aurait même indiqué qu'il y avait là un préalable indépassable. Las, aucun document n'est venu conforter cette thèse...

M. René Dosière - On se demande alors pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement à ce sujet !

M. Guy Geoffroy - L'histoire vient de démontrer que ceux qui nous invitaient à l'humilité seraient bien inspirés de cultiver eux-mêmes cette rare vertu ! Et je suis tenté pour ma part de les renvoyer à leurs chères études de droit constitutionnel.

Le dixième considérant de la décision du Conseil constitutionnel d'hier sur le présent texte confirme sans aucune ambiguïté que - comme nous n'avons cessé de le répéter -, c'est bien l'enchaînement des trois premiers alinéas de l'article 72-2 de la Constitution qui permet de cerner au plus près la notion de ressources propres des collectivités territoriales. L'article 2 du texte s'en trouve intégralement validé, ce qui constitue une sorte d'hommage à la qualité du travail parlementaire que nous avons accompli.

M. René Dosière - Vous irez l'expliquer aux élus locaux !

M. Guy Geoffroy - L'ensemble de l'édifice est désormais en place : révision constitutionnelle l'année dernière, lois organiques et ordinaires en cette fin de session. Mes collègues ont déjà dit tout le bien qu'il fallait penser de ce deuxième acte de la décentralisation. Fidèle à sa position constante, le groupe UMP le soutient sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.

MODERNISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE (C.M.P.)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise aussitôt.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la CMP - Une promesses avait été faite : le projet de loi de modernisation de la sécurité civile devait être adopté avant la fin de cette session extraordinaire. Nous la tenons ! En effet, après que le Gouvernement a soumis le texte à la procédure d'urgence, le Sénat l'a examiné au mois de juin, notre Assemblée cette semaine, la CMP s'est réunie hier soir et nous voterons dans quelques instants.

Ce projet de loi fait la synthèse de domaines variés, en vue d'une mobilisation de l'ensemble de la société. Ayant fait l'objet d'une longue concertation avec les sapeurs-pompiers, il se présente aujourd'hui comme un texte particulièrement équilibré, que le Parlement a enrichi au cours de discussions qui n'ont pas révélé d'oppositions majeures, ni entre les sensibilités politiques, ni entre les deux assemblées. C'est pourquoi la CMP qui s'est tenue hier a été exceptionnellement brève, et j'ai été frappé par la communauté d'approche qui nous a réunis avec le rapporteur du Sénat, M. Jean-Pierre Schosteck, comme avec l'ensemble de ses membres.

Quelques chiffres pour illustrer mon propos. L'Assemblée nationale avait adopté 108 articles au total, sur un texte qui en comptait 74 lors de son dépôt initial. La CMP a examiné 55 articles restant en discussion, y compris des articles supprimés par l'Assemblée nationale. Ainsi, près d'un article sur deux a été adopté par notre assemblée dans le texte du Sénat. Tel est notamment le cas de l'article 22, l'un des pivots du texte, puisqu'il définit les règles de répartition du financement des opérations de secours. Cela démontre bien la convergence de vue entre les deux chambres : beaucoup d'orientations majeures du projet ont recueilli d'emblée leur accord conjoint.

Hier, sur 55 articles en discussion, 44 ont été adoptés par la CMP dans le texte de notre assemblée, dont plusieurs dispositions essentielles, telles que celle de l'article 52 A visant à reconnaître solennellement le caractère dangereux du métier de sapeur-pompier, ou que l'article 53 qui redéfinit le projet de fin de carrière des pompiers âgés éprouvant des difficultés opérationnelles.

Je pense également à la prestation de fidélisation et de reconnaissance, qui doit donner un nouveau souffle au volontariat ; à cet égard, je remercie le ministre de s'être montré réceptif aux initiatives de l'Assemblée et d'avoir accepté de garantir à cet avantage complémentaire un statut fiscal et juridique équivalent à celui de l'allocation de vétérance.

J'ai noté avec satisfaction que la CMP avait adopté sans les modifier plusieurs dispositions ajoutées à l'initiative de notre Assemblée. Par ailleurs, elle a adopté un article dans le texte du Sénat, en réintroduisant la présence de parlementaires au sein de la conférence nationale des SDIS. Enfin, elle a retenu, pour dix articles, une rédaction nouvelle qui, pour l'essentiel, tend à clarifier le texte.

Les modifications de fond ont été aisément adoptées, qu'il s'agisse, à l'article 45, des règles relatives au conseil d'administration des SDIS ou de la suppression de l'article 54 quater A, qui ne se justifiait pas après l'adoption de l'article 54 bis A.

Je ne saurais conclure sans redire à quel point la nation doit être reconnaissante à tous ceux qui se dévouent, jour après jour, qu'il s'agisse des 240 000 sapeurs pompiers volontaires ou professionnels, civils ou militaires ou des membres des associations de sécurité civile. A l'avenir, elle pourra compter aussi sur les membres des réserves communales de sécurité civile, et encore sur l'ensemble des citoyens puisqu'ils seront désormais formés dès l'école aux gestes de premier secours. Je vous invite donc à adopter le texte élaboré en CMP et à marquer ainsi le soutien unanime du Parlement à ceux qui, dans la discrétion, se dévouent pour assurer notre sécurité à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - L'actualité est cruelle, qui nous rappelle brutalement que la protection de la population, mission cruciale, est parfois dramatique. Le terrible accident qui s'est produit ce matin dans le Hainaut et qui a causé la mort d'au moins cinq sapeurs-pompiers belges, à quelques kilomètres de notre frontière, nous a plongé dans la stupeur et la douleur. Je veux dire l'émotion du Gouvernement et de l'ensemble de la population française devant ce drame et m'associer à la douleur des victimes et de leurs familles. Le Gouvernement français est évidemment disposé à apporter à nos amis belges tous les moyens dont ils ont besoin. D'ailleurs, quelques minutes à peine après l'accident, 75 sapeurs-pompiers et d'importants moyens du SDIS du Nord ont été dépêchés sur place, ainsi que des véhicules des SMUR du Nord et du Pas-de-Calais et deux hélicoptères médicalisés. Plusieurs grands brûlés ont été transférés dans des hôpitaux français.

C'est une coïncidence très cruelle que ce drame se produise au moment où le texte déposé au printemps sur le bureau du Sénat par Nicolas Sarkozy, et soutenu devant vous par Dominique de Villepin et moi-même, est maintenant prêt à prendre force de loi. Il était attendu depuis fort longtemps et chacune des assemblées a contribué à l'enrichir.

Les débats ont été conduits avec sérénité, et dans le souci constant de l'intérêt général. Il faut dire que les enjeux étaient de première importance, puisqu'il fallait actualiser le dispositif de protection de nos concitoyens dans une société plus vulnérable qu'hier. L'organisation des secours devait être plus efficace et les synergies mieux identifiées : cette loi le permet. Il fallait aussi rétablir le pacte fondamental entre les élus et les sapeurs-pompiers, en mettant un terme aux tensions, aux incompréhensions et aux arrière-pensées. Pour cela, il était urgent de clarifier la gestion des moyens de secours au sein d'un établissement public dont la logique commande qu'il soit piloté au niveau du département. Donner aux partenaires de l'Etat la possibilité d'exprimer leur avis sur ces décisions quand elles ont un impact sur les finances des SDIS était aussi une priorité du Gouvernement ; ce sera le rôle de la conférence nationale des SDIS dont le Gouvernement s'est engagé à respecter les avis. Il convenait encore de réaffirmer l'autorité du préfet sur les opérations de secours importantes et sa capacité de mobilisation de tous les moyens au-delà des limites du département. Dans le même temps, l'Etat précise sa responsabilité en prenant en charge les dépenses de secours hors du département.

Il fallait enfin exprimer la reconnaissance de la nation envers les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Grâce à vous, le caractère dangereux de leur profession et de leurs missions est reconnu dans la loi. Mais il était aussi indispensable d'instaurer, au bénéfice des sapeurs-pompiers volontaires, un avantage de retraite qui se substituera progressivement à l'allocation de vétérance et qui permettra de mieux reconnaître leur engagement et leur fidélité. L'Etat apportera une contribution financière importante à cette prestation, qui est un élément majeur de promotion du volontariat, seul garant d'une couverture efficace des secours sur l'ensemble du territoire.

Toutes ces mesures proposées par le Gouvernement, le Parlement les a enrichies et votées. Je rends hommage à la qualité de votre travail et particulièrement à la compétence et à l'enthousiasme de votre rapporteur et du président de votre commission des lois.

La CMP a parachevé l'édifice avec un remarquable esprit de synthèse. Les dernières modifications qu'elle a adoptées améliorent sensiblement le texte, notamment pour ce qui est de l'article 55 relatif au remplacement des sapeurs-pompiers professionnels. Le compromis trouvé sur la composition de la conférence nationale et sur le plan ORSEC sont autant de témoignages d'échanges constructifs. Je tiens donc, au nom du Gouvernement, à remercier le groupe UMP mais aussi les autres groupes de l'Assemblée nationale. Je me félicite que nos travaux aient été conduits dans un climat constructif qui aura permis au Gouvernement d'accepter 88 des 211 amendements que vous avez soumis, dont trois provenant des bancs de l'opposition. Le texte issu des travaux de la CMP peut maintenant recueillir l'approbation des deux assemblées, comme il a celle du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Lambert - Je serai le dernier orateur socialiste dans ce débat et, comme mes prédécesseurs, je tiens à rendre hommage au travail remarquable, accompli sur l'ensemble du territoire, par tous les sapeurs-pompiers, qu'ils soient volontaires ou professionnels. Il était nécessaire de reconnaître la dangerosité de leur profession ; mais, une nouvelle fois, je déplore les mauvaises conditions dans lesquelles l'examen du texte s'est fait, en dépit de l'excellente présidence de notre collègue Debré (Mouvements divers). Qui peut nier que ce projet nous ait été soumis de manière impromptue, très et sans doute un peu trop rapidement ? Certes, il convenait, après que la loi sur la démocratie de proximité avait été adoptée, il y a deux ans, à l'instigation de Daniel Vaillant, de mettre la dernière main à l'organisation des SDIS et de dire la reconnaissance de la nation aux sapeurs-pompiers. Cependant, le texte n'est pas dénué d'incohérence et l'on constate en particulier que le Gouvernement est très généreux lorsqu'il s'agit des ressources des collectivités locales, ce qui reflète une curieuse conception de leur autonomie financière.

M. Jean Leonetti - Vous parlez en connaissance de cause !

M. Jérôme Lambert - Je constate d'autre part qu'aucun dispositif de péréquation n'est prévu, ce qui est étonnant car les risques sont très différents selon les départements. Nous serons donc vigilants, et constaterons les dérapages éventuels. Nous regrettons également la faiblesse des moyens alloués à l'organisation dans l'entreprise, et je suis persuadé qu'il nous faudra revenir sur ce sujet. Toutefois, nous ne nous opposerons pas à l'adoption d'un texte qui comporte des progrès réels pour les sapeurs-pompiers. Le groupe socialiste s'abstiendra.

M. Olivier Jardé - De multiples hommages ont été rendus aux soldats du feu. Mais les acteurs de la sécurité civile ont bien d'autres missions, qu'il s'agisse de secours en montagne, de la destruction des nids de guêpes et d'autres insectes dangereux ou encore des secours souterrains. On comprend aisément le rôle déterminant joué par nos sapeurs-pompiers.

Si je dis «nos sapeurs-pompiers», c'est que les Français leur sont très attachés pour leur dévouement et les périls qu'ils affrontent ; ce sentiment d'appropriation renforce l'affection de nos concitoyens envers eux. C'est pourquoi il était nécessaire, non seulement de reconnaître leur mérite, mais de leur envoyer un signal fort.

Ce signal, nous le voyons dans les progrès du texte en matière sociale. Nous souscrivons complètement à la reconnaissance, tant demandée, de la dangerosité du métier de sapeur-pompier. Elle marque un tournant symbolique et factuel, montrant que nous avons tous pris conscience des risques inhérents à leur activité. Cette reconnaissance, au-delà du symbole, renforce la protection sociale des volontaires en cas d'accident, ouvre la possibilité d'un projet de fin de carrière personnalisé, et met en place une prestation de fidélisation. Cette dernière, qui remplacera à partir de 2005 l'allocation de vétérance, devrait pallier la baisse de l'engagement citoyen et de sa durée. Je ferai deux remarques au sujet de cette prestation. Tout d'abord, je me félicite de l'adoption, à l'initiative de l'UDF, d'amendements permettant d'étendre à la prestation de fidélisation l'insaisissabilité et l'exonération de prélèvements sociaux dont bénéficie l'allocation de vétérance. D'autre part je salue l'adoption, à l'initiative de notre collègue Hunault, de l'amendement du rapporteur exonérant cette prestation de CSG et de CRDS. L'Assemblée nationale s'est montrée à la hauteur des attentes des sapeurs-pompiers.

Nous avons pu constater, quant à la Conférence nationale des SDIS, une avancée notable dans la préparation des textes relatifs à l'organisation de la sécurité civile. Mon collègue Charles de Courson s'est prononcé en faveur de cette institution, même s'il estime que des améliorations notables étaient possibles, comme la présence des représentants des sapeurs-pompiers. Nous regrettons que la CMP ait réintroduit la disposition supprimant la présence des parlementaires au sein de cette conférence.

Sur la question de l'incitation, ou des possibilités d'exonération, pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires, nous prenons bonne note, Monsieur le ministre, de votre engagement à lancer un groupe de travail. Ne tardons pas, car les effectifs s'appauvrissent.

En revanche, nous avons vainement attendu le signal d'une véritable réflexion sur l'architecture institutionnelle de la sécurité civile. L'audace décentralisatrice, que nous espérions, devra attendre encore. Pourtant l'occasion était belle ; il faut croire que, dans notre pays, nous nous complaisons dans la complexité... L'occasion manquée lors de la décentralisation n'a pas été rattrapée à propos de la sécurité civile. Ne pas vouloir trancher entre l'étatisation et la décentralisation, c'est s'enfoncer dans un enchevêtrement aussi complexe qu'inefficace. Que l'on ne parle plus de réforme de l'Etat ni de simplification, si nous ne savons pas saisir les occasions qui s'offrent à nous ! Le conservatisme et l'archaïsme évoqués par Charles de Courson n'ont pas été absents de ce débat. Quant au financement, Monsieur le ministre, il semble que vous ne soyez pas favorables au principe de l'affectation d'un impôt aux SDIS. Nous le regrettons : dans une logique de responsabilisation, il faudra aller vers ce type de solution.

Enfin, notre groupe déplore qu'on n'ait pas maintenu la possibilité d'intégrer un SDIS dans les services des conseils généraux. Là encore, on n'a pas choisi la simplification. Le libre choix que nous préconisions n'aura vécu que le temps de la commission des Lois, qui d'abord avait sagement adopté notre position. Les arguments pourtant faibles et flous du rapporteur et du président de la commission, dont le changement radical de position nous a surpris, ont convaincu nos collègues les plus hésitants. Ce problème devra aussi être repris en 2008.

Les progrès du texte en matière sociale emportent notre adhésion. Nous le soutiendrons au nom de l'intérêt des sapeurs-pompiers, qui bénéficieront d'avancées sociales à défaut d'un changement institutionnel. Le groupe UDF le votera donc sans états d'âme.

M. Patrick Braouezec - L'actualité nous rappelle combien il était urgent d'examiner ce projet, et combien les besoins en matière de sécurité civile sont importants. Elle nous incite à rendre hommage aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires qui luttent contre le feu dans les Bouches-du-Rhône, le Var et la Corse, et nous rappelle les risques qu'ils encourent : l'un d'eux a été grièvement brûlé samedi.

Au-delà de l'hommage, il était urgent de répondre à l'une de leur principales revendications : la reconnaissance du caractère dangereux de leur profession, qui sera désormais inscrit dans la loi. C'est une avancée précieuse, tout comme l'instauration, pour les sapeurs-pompiers professionnels, du congé pour raison opérationnelle, et, pour les sapeurs-pompiers volontaires, de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, avantage de retraite qui remplacera progressivement l'allocation de vétérance à partir de 2005. Nous approuvons l'amélioration du texte par une série d'amendements qui exonèrent la nouvelle prestation de CSG et de CRDS, et qui la rendent insaisissable, incessible et cumulable avec les différentes prestations sociales, par exemple le minimum vieillesse ou l'allocation d'aide à domicile. Nous regrettons toutefois que le Gouvernement fasse preuve de frilosité en renonçant à reconnaître la pénibilité du métier de sapeur-pompier et en refusant une prime au réengagement pour les sapeurs-pompiers volontaires. De même, nous aurions souhaité que les sapeurs-pompiers professionnels bénéficient d'une bonification des deux cinquièmes du temps de service accompli pour la liquidation de leur pension de retraite. Notre amendement à ce sujet est malheureusement tombé sous le coup de l'article 40. Pourtant, il ne s'agissait nullement d'instaurer un privilège mais plutôt une contrepartie pour services rendus à la nation.

Par ailleurs, il est important que les bases de la sécurité civile s'entretiennent au quotidien et dès le plus jeune âge. Ainsi, nous approuvons que la loi prévoie l'apprentissage dès l'école des gestes élémentaires de premier secours et des principes fondateurs de la sécurité civile. Nous regrettons néanmoins le rejet de notre proposition tendant à pérenniser cet apprentissage et à le poursuivre durant la vie professionnelle, en permettant par exemple aux comités d'hygiène et de sécurité de dispenser cette formation. Elle s'inscrivait en effet dans un esprit de responsabilisation mais aussi d'incitation, de sensibilisation, termes dont M. le ministre a pourtant fait un usage abondant durant les débats.

Vous avez fait preuve de plus d'ouverture sur notre proposition de créer un certificat d'aptitude professionnelle de sapeur-pompier, assurant une formation aux jeunes qui veulent s'engager dans cette voie. A l'heure où le volontariat traverse une crise majeure, il est indispensable de diversifier les voies d'accès au métier de sapeur-pompier. Nous nous satisfaisons du consensus qui a été trouvé avec le Gouvernement sur ce point, puisque vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre, à « mobiliser les administrations compétentes ». Nous serons attentifs à cette mobilisation, espérant notamment que le ministère de l'éducation nationale réservera à cette perspective un accueil favorable.

Au-delà de ces motifs réels de satisfaction, il nous faut souligner deux insuffisances graves de ce projet de loi. Tout d'abord, le financement de la sécurité civile prévu par le Gouvernement est incertain. La disposition prévoyant le transfert, au 1er janvier 2005, d'une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance est insuffisante et inadaptée, étant donné la faible maîtrise des collectivités territoriales sur son taux. Le renvoi systématique à l'article 72-2 de la Constitution ne nous rassure guère, car nous n'obtenons aucune réponse précise sur l'évolution des ressources des collectivités territoriales. C'est particulièrement le cas pour la taxe sur les conventions d'assurance, dont on ignore toujours si son taux pourra être modulé et comment elle pourra être localisée. Les collectivités perdront un peu plus de leur autonomie, ce qui est un comble après l'examen d'un projet de loi organique censé leur donner plus d'autonomie.

M. Guy Geoffroy - Et qui le fait !

M. Patrick Braouezec - Il n'existe donc aucune certitude que les transferts des compétences seront accompagnés de moyens financiers fiables et évolutifs, et nous sommes sceptiques sur les possibilités de financement du service public de la sécurité civile. Nous redoutons d'expérience que les collectivités, devant l'afflux de transferts de compétences non compensés, soient incapables de faire face aux dépenses liées à la sécurité civile.

D'autre part, la question du statut des personnels n'est pas posée sur le fond. Les collectivités territoriales ne seront-elles pas tentées de pallier les insuffisances des effectifs de sapeurs-pompiers professionnels par l'utilisation de sapeurs-pompiers volontaires ou des membres de la toute nouvelle réserve civile communale, créée par le texte de loi ? Soyons clairs : les volontaires constituent un atout indéniable, puisqu'ils assurent la plus grande part des secours à la campagne. Mais le recrutement de volontaires et de réservistes ne doit pas aller à rencontre de celui de fonctionnaires titulaires sur des emplois permanents.

En ce qui concerne les sapeurs-pompiers volontaires, nous n'avons pas été entendus par le Gouvernement quant à la nécessité d'un autre aménagement concernant leur disponibilité vis-à-vis de leur employeur. Le projet dispose que les activités de sapeur-pompier volontaire, de membre des associations de sécurité civile et de membre des réserves de sécurité civile ne sont pas soumises aux dispositions législatives et réglementaires relatives au temps de travail. Nous aurions préféré qu'il donne à l'employeur les moyens de dégager du temps pour ses salariés volontaires. Nous ne voudrions pas que ceux-ci soient pénalisés sur le plan professionnel pour avoir fait le choix d'un engagement civique au service de la collectivité.

Au final, ce projet répond à des revendications anciennes et légitimes. Cependant, nos réserves quant au financement et à la protection des volontaires vis-à-vis de leurs employeurs nous empêchent de lui apporter un entier assentiment. Il en va de même des insuffisances de la politique générale du Gouvernement, qui se comporte trop souvent en pompier pyromane, notamment quand il s'agit de réduire les risques en matière d'environnement, d'aménagement ou de transports. Enfin, les conclusions de la commission mixte paritaire ne répondent pas à nos interrogations. En effet, la sécurité civile doit être considérée comme un véritable service public, nécessitant des moyens suffisamment importants pour lui permettre un développement constant afin de répondre à l'évolution des risques.

Le groupe communiste et républicain s'abstiendra donc sur ce texte.

M. Guy Geoffroy - A ce stade ultime, je remercie au nom de l'UMP, les ministres qui ont su, tout au long de la discussion, faire preuve d'écoute et de disponibilité envers l'ensemble de nos collègues. J'en veux pour preuve la très grande qualité de ce débat, qui a permis l'adoption d'un texte si proche de l'objectif que nos collègues sénateurs l'ont à peine modifié depuis notre dernière lecture. Je félicite également le rapporteur et le président de la commission des lois, qui ont permis à ce texte d'évoluer comme il devait le faire. C'est un bon texte, et un texte de progrès. Il l'est quand il clarifie les responsabilités, par la création de la Conférence nationale, par la possibilité de créer des réserves communales, par l'inscription des éléments de base de la sécurité civile parmi les fondamentaux que devront posséder nos enfants. Il l'est quand il met nos concitoyens devant leurs responsabilité en matière de débroussaillage. Il l'est quand il répond à l'attente déjà longue - trop longue - des sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, de voir reconnaître leurs efforts et leurs sacrifices. Et je veux ici, comme l'ont fait tous mes collègues, adresser un salut fraternel à tous les pompiers de France, et leur exprimer l'immense gratitude du peuple français.

Ce projet, en ses articles 52 A, 53 et 56, apporte d'importantes avancées quant aux conditions d'exercice de l'activité des sapeurs-pompiers et à la reconnaissance de ces conditions. C'est la reconnaissance de la dangerosité de leur travail ; c'est la possibilité de fins de carrières mieux maîtrisées pour les sapeurs-pompiers volontaires ; et c'est la possibilité, pour nos sapeurs-pompiers volontaires, de voir reconnaître leurs mérites au moment où ils prennent leur retraite.

Ce texte de progrès était attendu. Le groupe UMP le votera avec beaucoup d'enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP, est adopté.

CLÔTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE

M. le Président - L'Assemblée a achevé l'examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour.

J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 30 juillet 2004 portant clôture de la session extraordinaire.

En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire ouverte le 1er juillet 2004.

Je vous souhaite de bonnes vacances !

La séance est levée à 17 heures30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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