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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 10ème jour de séance, 26ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 20 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

LOI DE FINANCES POUR 2004
-première partie- (suite) 2

APRÈS L'ART. 14 (suite) 2

ART. 15 14

ART. 16 14

ART. 17 15

ART. 18 16

APRÈS L'ART. 18 20

ART. 19 21

ART. 20 21

APRÈS L'ART. 20 33

ART. 21 34

ART. 22 35

ART. 23 36

ART. 24 38

ART. 25 39

ART. 26 42

ART. 27 42

ART. 28 44

ART. 30 45

ART. 31 46

ART. 32 47

ART. 33 47

APRÈS L'ART. 33 48

ART. 34 48

ART. 35 48

ART. 37 49

ART. 38 49

ART. 39 50

APRÈS L'ART. 39 51

ART. 40 51

ORDRE DU JOUR DU MARDI 21 OCTOBRE 60

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.

APRÈS L'ART. 14 (suite)

M. le Président - Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques 216 et 455 portant article additionnel après l'article 14.

M. Augustin Bonrepaux - Je voudrais faire un rappel au Règlement concernant le déroulement de nos travaux. Il nous reste de nombreux points importants à discuter : le FOREC, la remise en cause des 35 heures, la redevance télévisuelle... Dix articles sont relatifs aux collectivités locales, mais nous n'avons pu obtenir ni la présence du ministre concerné, ni aucune simulation du Gouvernement alors même que la dotation globale de fonctionnement va être chamboulée ! Nous disposons certes du rapport, mais il n'est pas de nature à apaiser nos inquiétudes... Faute de ces informations, le débat va prendre du temps. Est-il raisonnable d'aborder des articles d'une telle importance à six ou sept heures du matin ? Nous ne ralentirons en aucune façon le débat, mais nous voulons faire connaître nos arguments et obtenir des réponses.

M. Didier Migaud - Des sujets importants vont venir en discussion, et nous avions demandé la présence des ministres concernés : MM. Aillagon, Devedjian et Fillon. Pour l'instant, on nous a opposé une fin de non-recevoir.

M. Richard Mallié - Il est très bien, notre ministre !

M. Didier Migaud - Il est excellent dans son rôle, mais ce serait, de la part de MM. Aillagon, Devedjian et Fillon, une marque de mépris vis-à-vis de l'Assemblée (Protestations sur les bancs du groupe UMP) que de ne pas venir. Ou serait-ce la crainte du débat ? Ce ne serait pas étonnant de la part de M. Aillagon, qui est très intermittent lorsqu'il s'agit de venir assumer ses décisions ici !

Toute discussion budgétaire est fondée sur le principe de la sincérité. Or, ce soir, une dépêche laisse entrevoir combien la Commission européenne est sceptique quant à la sincérité de votre projet de budget.

M. Richard Mallié - C'est l'héritage !

M. Didier Migaud - Nous souhaiterions donc savoir si un pacte secret lie la Commission au Gouvernement, selon lequel des décisions douloureuses ne seraient prises qu'après les élections... La loi de finances que nous votons serait fortement remise en cause si de telles mesures étaient prises en cours d'année.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Le silence étant toujours interprété comme du mépris par M. Migaud, je dois lui avouer que, contrairement à lui, je n'ai pas eu le temps d'être informé de la dépêche dont il a parlé. Je lui répète par ailleurs qu'il n'existe aucun pacte secret entre le gouvernement français et la Commission européenne.

M. le Président - Monsieur Bonrepaux, mettons-nous au travail tout de suite, et nous verrons quand vous serez fatigué. Pour ma part, je me sens en pleine forme et je suis prêt à aller jusqu'où il faut aller. Monsieur Migaud, la tradition est que le ministre du budget défende la première partie du projet de loi de finances.

M. Didier Migaud - Il y a des précédents !

M. le Président - Je préfère la tradition aux précédents.

M. Didier Migaud - Mais plusieurs précédents font une tradition !

M. Jean-Pierre Brard - C'est l'héritage !

M. le Président - Je tiens à une certaine forme d'héritage en ce qui concerne les institutions de la Ve République.

M. Jean-Pierre Brard - Je préfère la Constitution de mon père à celle de ma mère ! (Sourires)

M. le Président - Nous connaissons les mêmes classiques... Le Gouvernement étant maître de l'ordre du jour et le ministre du budget représentant l'ensemble du Gouvernement, je propose que nous nous mettions au travail.

M. Eric Besson - La loi Dutreil sur l'initiative économique contient tant d'exonérations et de mesures fiscales qu'elle aurait dû figurer en bonne place dans le projet de loi de finances. Maintenant que vous avez consacré toutes vos marges de man_uvre à une petite minorité de particuliers ou d'entrepreneurs, vous êtes obligé d'augmenter le gazole, le forfait hospitalier et d'autres éléments de la vie quotidienne.

A l'époque, nous vous avions dit que vous fondiez toute votre théorie sur un faux diagnostic : lorsque vous avez été élus, la France n'était pas en déclin. Sa croissance était plus forte que la moyenne de ses partenaires européens. Aujourd'hui, elle est moitié moindre ! Nous vous avions également dit que l'attractivité n'était pas le problème principal de notre pays. Le rapport du conseil d'analyse économique confirme aujourd'hui que la France se situe dans la moyenne des grands pays de l'Union.

M. François Grosdidier - Et que disait le rapport Charzat ?

M. Eric Besson - La vraie priorité, aujourd'hui, est de relancer la consommation populaire pour soutenir la croissance. C'est incompatible avec les 500 millions que vous coûte la loi Dutreil. L'amendement 216 vise donc à modifier le seuil de détention des parts d'une entreprise permettant d'obtenir la qualification de bien professionnel afin de vous redonner des marges de man_uvre pour sortir de l'impasse dans laquelle vous vous trouvez.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 455 est identique, et le 454 est un amendement de repli. La loi sur l'initiative économique est bien mal nommée. Elle constitue en revanche un grand motif de satisfaction pour les contribuables assujettis à l'ISF. Le coût total de cette loi sera de 1 milliard, dont 500 millions pour la seule réduction de l'ISF. On se demande encore ce que ces dispositions ont à voir avec les petites entreprises et la création d'emplois ! Peut-être notre rapporteur, qui en est à l'origine, pourra-t-il nous l'expliquer ?

L'amendement 455 tend à revenir sur un article de la loi Dutreil qui assouplit exagérément la liste des biens exonérés de l'ISF, et d'autant plus exagérément, pour nous, que les biens professionnels devraient être inclus dans l'assiette, déjà scandaleusement étroite, de l'impôt sur la fortune. De niche fiscale en niche fiscale, vous faites de l'ISF une véritable passoire, et l'on ne peut que s'interroger : où voulez-vous en venir, sinon à la suppression de cet impôt ? Ayez donc le courage de l'assumer et de défendre votre politique de l'offre, alors même que la consommation se traîne !

Nous sommes, quant à nous, d'ardents défenseurs de la progressivité de l'impôt. Ça ne signifie pas que nous sommes, a priori, hostiles à toute réforme de l'ISF, mais encore faudrait-il démontrer - au lieu de se limiter à affirmer - sa nocivité pour l'emploi ! Or, la démonstration de l'impact de l'ISF sur les délocalisations n'a toujours pas été faite. On voit bien en revanche, que les faillites de PME se multiplient, faute de consommation !

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur les articles 216 et 455.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission a rejeté les amendements 216 et 455 car l'excellente loi Dutreil a pour objectif de lutter contre les délocalisations qui ne sont malheureusement que trop réelles : j'en tiens la liste de plusieurs centaines à votre disposition. Quant aux 500 millions, c'est pure fantasmagorie. L'ensemble des mesures adoptées s'élèvera à 100 millions, à comparer à un ISF qui rapporte 2 milliards.

M. le Ministre délégué - La question posée est : le Gouvernement va-t-il modifier la loi promulguée le 1er août dernier ? La réponse est : « non ».

M. Philippe Auberger - Le Conseil constitutionnel a tranché.

M. Didier Migaud - Le rapporteur général continue d'estimer à 100 millions le coût des mesures et nous continuons de penser qu'il se trompe. D'ailleurs, son homologue du Sénat lui-même l'estime à 300 millions ! Comment expliquez-vous une telle différence ? L'un des deux, au moins, se trompe et, pour moi, ils se trompent tous les deux !

M. Marc Laffineur - Le Sénat s'est toujours trompé !

M. Didier Migaud - Le vote de ce type de loi en milieu d'année pose un vrai problème car cela a pour conséquence qu'il ne nous reste plus qu'à entériner, lors de l'examen du projet de loi de finances, des mesures prises dans un autre ordre et qui ont pour but une incidence fiscale très forte. Le Conseil des impôts avait formulé des recommandations à ce sujet...

M. Philippe Auberger - ....que vous avez refusées dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances ! Soyez conséquents !

M. Eric Besson - Didier Migaud a parfaitement raison. Lorsque la loi Dutreil a été adoptée, vous tabliez encore sur une croissance de 1,5 %, escomptant de ce fait pouvoir la financer sans problème. Comment pouvez-vous prétendre que rien n'aurait changé, alors que l'estimation de croissance est maintenant proche de zéro ?

M. Michel Bouvard - La loi Dutreil n'aura pas d'impact budgétaire cette année !

M. Eric Besson - Comment pouvez-vous maintenir à 100 millions votre évaluation du coût de l'allégement alors que le rapporteur général du Sénat l'estime à 300 millions et M. Dutreil lui-même à quelques 350 millions ?

M. le Rapporteur général - Je maintiens mon estimation, je l'assume, et je vous donne rendez-vous fin 2004.

M. Eric Besson - Mais enfin ! Vous lancez des chiffres en pâture sans jamais les justifier ! Vous l'avez déjà fait avec les 35 heures dont le coût varie, selon tel ou tel ministre, de 15 milliards à 30 milliards, puis à 8 milliards, selon le rapporteur général. Et quand on entend Mme Fontaine, peu importe les chiffres, de toute façon ça coûte cher ! Et voilà que cela recommence ! Puisque vous parlez de délocalisations, soyez précis ! Non seulement vous ne dites rien d'investissements réalisés en France, mais vous ne faites aucune référence au seul rapport précis sur la question, celui que le conseil d'analyse économique a remis au Premier ministre, et qui ne conclut pas au manque d'attractivité du territoire français !

M. Michel Bouvard - Et le rapport Charzat ?

A la majorité de 31 voix contre 13 sur 44 votants et 44 suffrages exprimés, les amendements identiques 216 et 455 ne sont pas adoptés.

L'amendement 454 n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Cette disparité dans les estimations appelle une réponse de la commission, dont la crédibilité est atteinte, d'autant que le rapporteur général ne tient pas compte des modifications introduites par le Sénat et qui devraient, à elles seules, l'amener à réviser son évaluation initiale.

M. le Rapporteur général - Monsieur Migaud, je tiens le pari solennel qu'en 2004 le produit de l'ISF sera au moins égal à celui de 2003, et qu'il n'y aura donc pas eu cette perte de 500 millions qui est une pure vue de l'esprit.

M. Gilbert Gantier - L'article 885 P du CGI prévoit que les biens loués par bail à long terme sont considérés comme des biens professionnels, donc exonérés d'ISF, lorsqu'ils sont loués à son conjoint, ses ascendants, descendants, frères et s_urs.

Mais lorsque ces mêmes biens sont mis à disposition par le preneur ou loués directement à une société composée des mêmes personnes, ils ne sont plus considérés comme des biens professionnels.

Il en va de même pour les parts de GFA ayant consenti des baux à long terme sur les biens agricoles représentatifs d'apports, au détenteur de parts, à son conjoint, leurs ascendants, descendants, frères ou s_urs : lorsque ces biens sont loués à une société composée des mêmes personnes, les parts de GFA ne sont plus considérées comme des biens professionnels.

M. de Courson propose, par l'amendement 193, de mettre fin à cette incohérence. L'amendement 192 corrigé est retiré.

M. le Rapporteur général - Après en avoir longuement débattu, la commission s'est finalement ralliée à la vision la plus restrictive concernant l'exonération totale d'ISF relative aux locaux agricoles donnés à bail. C'est celle qui figure dans l'amendement 46. Toutefois, M. de Courson a avancé, en défense de l'amendement 193, des arguments intéressants.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement considère que les propositions formulées répondent de manière équilibrée aux difficultés constatées, car les avantages consentis sont limités aux membres de la famille élargie qui exercent effectivement leur activité professionnelle en ces lieux. Avis, donc, favorable.

Il s'agit de faire en sorte que la fiscalité soit la même que le bien soit en société ou détenu directement. C'est une mesure de justice qui mérite d'être inscrite dans la loi, et si l'Assemblée adopte l'amendement, je lèverai le gage.

M. Augustin Bonrepaux - J'ai entendu avec intérêt le Gouvernement se soucier de justice à propos des redevables de l'ISF. Il s'en soucie moins pour les contribuables les plus modestes. Il y a là, cependant, un argument nouveau. Après avoir invoqué la compétitivité de la France, on découvre l'injustice du dispositif...

La perte d'attractivité de la France est un mensonge. Les rapports de l'OCDE et de la Banque de France le montrent. Le FMI a fait état d'un « vigoureux redressement », entre 1997 et 2000, alors que le pays est plutôt en déclin depuis l'année dernière. Les performances de la France sont remarquables. Contrairement aux craintes de M. Chirac, nous avons été en 2002 le premier pays d'accueil pour les investissements étrangers, d'après le rapport de l'OCDE.

Nous voterons contre ces amendements.

M. Jean-Pierre Brard - La commission et le Gouvernement ne souhaitent rien refuser ni aux privilégiés, ni à notre collègue Charles-Amédée de Courson, qui d'ailleurs n'est pas là.

M. Gilbert Gantier - Il arrive !

M. Jean-Pierre Brard - Je ne vois que deux sentinelles de l'UDF, MM. Baguet et Gantier.

Monsieur le ministre délégué, vous vous laissez impressionner par les rodomontades de M. Bayrou, qui joue aussi bien le rôle d'Henri IV - l'Elysée valant bien une messe - que celui de Ravaillac au sein de la majorité (Sourires).

Monsieur le ministre délégué, dans votre Normandie natale, on dit que dans le cochon, rien ne se perd, pas même les vessies que vous voulez nous faire prendre pour des lanternes.

M. le Président - Ne dites pas de mal de la Normandie, M. Brard !

M. Jean-Pierre Brard - Le ministre délégué, habilement, a présenté l'affaire de manière à nous endormir. Mais à qui ces amendements vont-ils profiter ? Aux gros vignerons de la Marne, chers à Charles-Amédée de Courson ! Il s'agit encore d'avantager des privilégiés. Nous voulons quant à nous un ISF juste et efficace. Monsieur le rapporteur général, Monsieur le ministre délégué, je vous demande d'écouter la France d'en bas qui commence à gronder. Vous avez migré vers les hauteurs, si bien que vous ne la voyez plus. Mais soyez attentifs à ce que nous vous disons. Vous continuez à démanteler l'ISF, par idéologie. Depuis mardi dernier, nous nous battons pied à pied. Vous résister, c'est faire _uvre de pédagogie. C'est montrer qui vous défendez, alors que nous défendons ceux qui triment et qui sont en difficulté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 46 de la commission est retiré au profit de l'amendement 193 rectifié.

L'amendement 193 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Auberger - Quand l'ISF a été institué, en 1988, le problème de la résidence principale ne se posait pas. Depuis, le marché immobilier a beaucoup évolué, les prix grimpant de 10 à 15 % par an à Paris et dans d'autres villes. Un certain nombre de propriétaires, qui n'étaient pas redevables de l'ISF le deviennent, alors qu'ils occupent leur bien avec leur famille. Il est anormal d'imposer ceux qui n'ont que leur habitation pour capital et ne peuvent donc décapitaliser.

Mon amendement 361, partant d'une jurisprudence de la Cour de cassation prévoyant un abattement de 20 % lorsque le propriétaire occupe son bien, vise à créer un abattement supplémentaire de 5 % par personne à charge, pour éviter que les familles soient pénalisées.

Ce système, juste, nous permet de ne pas ouvrir le débat sur l'exonération pure et simple de l'habitation principale, qui serait lourde de conséquences.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas adopté cet amendement, mais elle reconnaît que le problème se pose. Le barème n'ayant pas été revalorisé, l'envolée des prix dans l'immobilier rend chaque année plusieurs milliers de personnes redevables de l'ISF à cause de leur seule résidence principale. Les familles, qui ont besoin de logements importants, sont particulièrement touchées.

La commission n'a pas approuvé cet amendement parce qu'elle en a adopté un autre qui prévoit l'actualisation du barème, ce qui est un premier pas.

M. le Ministre délégué - Je comprends le souci de M. Auberger, mais son amendement est prématuré, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.

Je suis convaincu que, dans la détermination de la capacité contributive, la composition du foyer familial a une incidence moindre qu'en matière d'impôt sur le revenu. En outre, la méthode que vous retenez n'est pas satisfaisante, car elle remet en question un des principes de l'ISF : la valorisation du bien au prix du marché. Que la résidence abrite plusieurs personnes à charge n'est pas de nature à grever la valeur du bien. Je souhaite donc le retrait de cet amendement, pour ne pas avoir le pénible devoir de demander à l'Assemblée de le repousser.

M. Philippe Auberger - Je ne suis pas favorable à l'amendement annoncé par M. Carrez : une revalorisation du barème de 1,7 % ne suffira pas, les prix évoluant de 10 à 15 % par an à Paris. Sur dix ans, on observe une nette divergence entre l'évolution des prix immobiliers et celle du coût de la vie.

Si mon amendement va au-delà de la jurisprudence de la Cour de cassation, c'est pour éviter l'instauration d'un quotient familial dans l'ISF. Cela ne se justifierait pas pour le détenteur d'un gros portefeuille de valeurs mobilières. J'ai donc trouvé ce subterfuge. Reconnaissez que l'abattement de 20 % a été fixé par la Cour de cassation de manière assez arbitraire.

Certes, ce que je propose a un coût, même s'il est moindre qu'avec une « familialisation » de l'ISF. Je retire donc l'amendement, en espérant bien que dès l'an prochain le Gouvernement proposera une solution dans la voie que le Premier ministre a évoquée.

M. Jean-Pierre Brard - Je le reprends - pour l'instant - car il nous faut faire un peu de pédagogie. Le ministre a dit que la mesure était prématurée, laissant pointer le bout de l'oreille. Quant à M. Auberger, il n'aime pas les gros mots. Donc il ne parle pas de la spéculation immobilière, mais d'accompagner l'évolution du marché. Bref, il y a toujours eu des riches, il y a toujours eu des pauvres, et ce sont toujours ceux dont on beurre la tartine qu'il faut aider le plus ! Ce qu'il faut, c'est refondre complètement l'ISF, élargir la base, baisser le seuil, relever les taux, y inclure les biens professionnels et les _uvres d'art.

A Montreuil, 0,7 % des contribuables sont assujettis à l'ISF. Jamais aucun n'est venu demander l'aide sociale ou même un rendez-vous pour se plaindre ! En réalité, vous donnez des privilèges à des gens qui ne demandent rien, par pure idéologie. Prenons une famille bourgeoise dont l'appartement vaut un million d'euros ; elle a cinq enfants. Mine de rien, M. Auberger est en train de lui donner un abattement supplémentaire de 250 000 €. C'est vider l'ISF de sa substance. Cela dit, vous comprendrez que je retire l'amendement.

M. François Scellier - L'amendement 47, adopté par la commission des finances, vise à l'égalité fiscale. Chaque année, on modifie le barème de l'impôt sur le revenu pour tenir compte de l'érosion monétaire. Pourquoi n'en irait-il pas de même pour l'ISF ? Faute de quoi on finit par imposer à l'ISF les « petits riches » pour reprendre un terme de M. Bonrepaux. Le gouvernement précédent avait prévu cette actualisation, il n'y a renoncé que suite aux tractations à l'intérieur de la gauche plurielle.

M. Gérard Bapt - Suite à une initiative parlementaire.

M. François Scellier - Nous proposons de relever le barème de 1,7 % pour 2004 et, pour les années suivantes, de le faire évoluer comme celui de l'impôt sur le revenu.

M. Gérard Bapt - Notre sous-amendement 350 supprime le II. Le Premier ministre avait pourtant dit que cette année on ne touchait pas à l'ISF et, du reste, le projet de loi Dutreil n'en parlait pas. Mais la majorité ne pouvant résister à se faire plaisir en réformant l'ISF, il en fut question dans la commission spéciale présidée par M. Novelli et la CMP a failli échouer parce que la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée ne pouvaient s'entendre sur ce point. On y revient aujourd'hui et cette fois il ne s'agit plus d'initiative économique et de développement. On réforme l'ISF au nom de l'équité fiscale et de la justice sociale. C'est inacceptable.

La loi sur l'initiative économique avait remplacé la prime aux allocataires sociaux créateurs d'entreprise par une avance remboursable sous prétexte de les responsabiliser. Selon l'INSEE, sur les 4 % de titulaires de l'allocation spécifique de solidarité et les 7 % de bénéficiaires du RMI que l'on compte parmi les créateurs d'entreprise, un sur d'eux n'a eu recours, pour rassembler les 4 000 € qu'il investit en moyenne, qu'à des ressources personnelles familiales ou apportées par des associés. Mais un pays où l'on transforme ce genre de prime en avance remboursable et où l'on vient ensuite parler d'équité fiscale s'agissant des baux ruraux et des appartements, risque de voir sa stabilité sociale menacée.

M. le Président - M. Brard va présenter de façon sommaire mais globale ses amendements 336, 337, 338 et 339.

M. Jean-Pierre Brard - C'est du travail en gros.

Dans son ouvrage « La solidarité » de 1932, Charles Gide disait que l'extrême richesse, comme l'extrême pauvreté peuvent avoir pour résultat fâcheux de rompre le lien qui unit l'individu à la communauté et qui les unit entre eux. Qu'importe au très pauvre que Paris brûle ? Et le très riche peut, enfermé dans sa tour d'ivoire, regarder brûler Rome. L'impôt, lui, est une contribution commune. Elle doit être également répartie entre les citoyens à proportion de leurs facultés.

Chacun de nos amendements vise à modifier le barème de l'lSF en relevant le tarif applicable à chaque fraction de la valeur nette taxable du patrimoine. Vous avez dit qu'on ne pouvait déjà modifier une disposition législative promulguée le 1er août. Mais entre le 1er août et aujourd'hui, il y a eu l'anniversaire de la nuit du 4 août ! Alors soyons fidèles à notre histoire. Vous prévoyez donc un allégement de 100 millions pour quelques 450 000 donateurs : le calcul est simple, cela fait 227 € par donateur, à rapprocher des misérables 10 € prévus par chaque bénéficiaire de la PPE ! A lui seul, ce rapport justifie l'ensemble de nos amendements tendant à élargir l'assiette de l'ISF. L'ISF doit sans doute toucher un peu moins les millionnaires, et plus les milliardaires sur lesquels le Gouvernement jette un voile pudique !

M. le Rapporteur général - La commission a adopté l'amendement de M. Scellier en considérant que l'actualisation du barème était opportune. Elle est défavorable au sous-amendement 350 de M. Bonrepaux (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement entend persévérer dans la voie qui consiste à alléger les prélèvements sur le travail, en vue de favoriser l'initiative et l'emploi. Cela conduit, pour les particuliers, à diminuer l'IR et à revaloriser le barème de la PPE...

M. Didier Migaud - C'est faux ! Les impôts augmentent.

M. le Ministre délégué - Dans cette optique, la fiscalité du patrimoine n'a pas été éludée, le Gouvernement ayant choisi de favoriser la transmission du patrimoine aux générations les plus à même de le faire fructifier.

C'est pourquoi je vous demande de retirer l'amendement 47. A défaut, le Gouvernement sera forcé d'exprimer à son sujet un avis défavorable.

Avis défavorable sur le sous-amendement 350 et sur les amendements 336 à 339.

M. François Scellier - Pour rester cohérent avec mes prises de position antérieures, je maintiens mon amendement.

M. Gilbert Gantier - Toutes ces considérations sur l'ISF me semblent un peu disproportionnées, dans la mesure où cet impôt ne représente que 0,8 % des recettes de l'Etat !

Nos collègues socialistes tirent argument de l'afflux d'investissements étrangers en France pour tenter de démontrer que l'ISF n'a pas d'effet dissuasif. C'est faire preuve d'une belle tartufferie. Quelle assurance a-t-on que telle ou telle entreprise ne va pas, du jour au lendemain, faire voter la délocalisation de son siège social ? C'est bien mal connaître le système que de mettre en avant de tels arguments !

D'autre part, je suis surpris que le Gouvernement s'oppose à la réévaluation du barème. N'était-il pas de règle de réévaluer en fonction de l'inflation depuis l'amendement Poudevigne adopté sous la IVe République ? Même le Gouvernement socialo-communiste aux affaires de 1997 à 2002 l'a fait ; les bleus budgétaires l'attestent !

M. le Rapporteur général - C'est juste !

M. Gilbert Gantier - Je suis choqué que le Gouvernement - que je soutiens - nous soumette un bleu sans réévaluation. Est-ce conforme à l'esprit de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? N'est-on pas en train, hypocritement, d'augmenter un impôt sans le dire ?

M. le Président - Sur le vote du sous-amendement 350 et de l'amendement 47, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Philippe Auberger - Toute l'amitié que je porte à M. Scellier me conduit à lui faire observer qu'une simple réévaluation du barème en fonction de l'indice général des prix ne serait sans doute pas équitable. Le nombre de contribuables assujettis à l'ISF a doublé en dix ans, y compris dans les périodes telles que la période actuelle où le cours des valeurs mobilières a plongé. L'ISF appréhende de plus en plus les valeurs immobilières, en particulier pour les premières tranches du barème. Il serait par conséquent de meilleure méthode de fondre la réévaluation sur l'évolution des valeurs - immobilières et mobilières -, plutôt que sur l'indice général des prix. Telle que proposée, la réévaluation serait un simulacre et mieux vaut s'en abstenir.

M. Eric Besson - L'argument de M. le rapporteur général fondé sur le rendement attendu de l'ISF l'année prochaine est irrecevable. Il ne tiendrait que dans deux hypothèses : soit les dispositions de la loi Dutreil sont totalement inefficaces, soit il faut s'attendre pour l'année qui vient à une croissance très soutenue !

Une dépêche de l'AFP tombée cet après-midi indique que la Commission européenne va demander à la France de réduire son déficit structurel. Seule réponse du Gouvernement : « Nous ne sommes pas informés » ! Est-il sérieux, Monsieur le ministre, de feindre d'ignorer ce qui se trame à Bruxelles ?

Et comment ne pas regretter que le premier signe d'ouverture du Gouvernement concerne l'amendement de M. de Courson au sujet des biens ruraux. Privé de toute marge de man_uvre pour mieux revaloriser la PPE, pour renoncer à la hausse de la TIPP sur le gazole ou au transfert de l'ASS sur le RMI, le Gouvernement en retrouve pour poursuivre sa stratégie de mitage de l'ISF, tendant à l'attaquer un pan après l'autre !

Nous devons être reconnaissants à Gérard Bapt d'avoir clairement dévoilé vos intentions. Les grands bénéficiaires de la loi Dutreil, ce sont les héritiers actionnaires minoritaires ne travaillant pas dans l'entreprise - en d'autres temps, on aurait dit plus simplement les rentiers ! Dans le même temps, l'aide de 30 000 F à 50 000 F aux chômeurs créateurs d'entreprise est supprimée. Un tel degré de cynisme n'est-il pas indécent ?

M. Jean-Pierre Brard - Voilà un sujet symbolique qui dévoile les choix politiques des uns et des autres. Vous écoutant, Monsieur le ministre, je me suis rappelé un de mes voyages au Luxembourg où les autorités ont essayé de me convaincre que le secret bancaire était un droit de l'homme fondamental ! Quant à M. Gilbert Gantier, il a oublié la fin de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme, « en raison de leurs facultés ». Pour le reste, il a raison, l'ISF ne représente que 0,8 % des ressources de l'Etat, convient-il d'en élargir l'assiette afin qu'il rapporte davantage.

M. Charles de Courson - Nous avons cette discussion sur l'indexation du barème depuis des années. Le gouvernement Jospin l'a proposé dans chaque projet de loi de finances initial, contre l'avis des députés communistes qui, battus en première lecture, obtenaient gain de cause, en deuxième lecture.

J'appartiens à la droite modérée, aussi me semble-t-il de bon sens de réaliser au minimum ce que proposait Lionel Jospin. Comment les députés socialistes peuvent-ils défendre des positions dont ils savent, en privé, qu'elles ne tiennent pas debout ?

Le groupe UDF votera contre le sous-amendement 350.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement encourage le travail des Français, en baissant l'impôt sur le revenu, en revalorisant la prime pour l'emploi, et en favorisant la transmission de patrimoine. Il ne souhaite pas aller plus loin s'agissant de la revalorisation du barème de l'ISF.

Il n'y a là rien de contradictoire avec mon avis favorable à l'amendement de M. de Courson qui tendait à neutraliser la différence de traitement fiscal entre un exploitant en nom personnel et un exploitant en société. Je vous demande de bien réfléchir au souhait affirmé du Gouvernement et de repousser l'amendement.

A la majorité de 60 voix contre 18 sur 78 votants et 78 suffrages exprimés, le sous-amendement 350, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 62 voix contre 10 sur 78 votants et 72 suffrages exprimés, l'amendement 47 mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 336, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 337, 338 et 339.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 196 est défendu.

L'amendement 196, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 343 tend à rétablir le droit de timbre sur les opérations de bourse effectuées par des personnes physiques ou morales domiciliées hors de France.

L'amendement 343, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 345 tend à augmenter le montant du dégrèvement d'office de la taxe foncière sur les propriétés bâties lorsque cette taxe est à la charge de redevables de condition modeste âgés de plus de 65 ans. Cette mesure s'explique par l'explosion de la fiscalité locale. La taxe foncière est celle qui a le plus augmenté et elle sert de base au calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui devient insupportable.

L'amendement 345, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - La commission et le Gouvernement semblent sans voix, depuis quelques temps, de même que l'UMP.

M. le Président - Ils vous écoutent.

M. Didier Migaud - Le président Barrot tient ses troupes !

La réforme de la fiscalité locale promise par le Président de la République durant la campagne électorale de 2002 semble jetée aux oubliettes, alors que cette fiscalité est particulièrement injuste car totalement déconnectée des revenus. L'Etat continue de surcroît de percevoir 0,4 % des impositions locales au titre du travail de recensement et de révision effectué dans les années 1990 mais jamais intégré aux bases de ces impositions.

L'amendement 362 corrigé tend à supprimer cette contribution, ce qui irait dans le sens de la diminution des impôts, que vous prônez. L'occasion vous est donnée de mettre vos actes en accord avec vos discours. Loin de diminuer, les impôts augmentent pour le plus grand nombre, cependant que la prime pour l'emploi, dont vous ne cessez de parler, n'augmentera que d'un euro par mois !

M. le Ministre délégué - 480 millions d'euros !

M. Didier Migaud - Mais vous comptez les indexations par rapport à l'inflation et au SMIC ! Votre effort réel se réduit en fait à 80 millions d'euros ! On est loin des 100 € par mois annoncés mensongèrement par le Premier ministre lors d'une émission télévisée !

Notre amendement va dans le sens d'une simplification, tout en permettant un allégement de la fiscalité locale.

Le Gouvernement est directement responsable de l'augmentation de cette fiscalité, qui est sensible dès cette année et sera pire l'année prochaine.

M. Jean-Pierre Brard - Vous présentez l'allégement des impôts comme un objectif. L'amendement 144 va dans ce sens, ainsi que le 187, qui est un amendement de repli : il supprime le prélèvement supplémentaire de 0,4 % pesant sur la taxe d'habitation au titre de la révision des valeurs locatives cadastrales. En effet, le coût de cette révision est amorti depuis longtemps et le maintien de ce prélèvement est très mal perçu. Il ne s'agit certes que d'un petit geste, bien différent du travail de gros que vous entreprenez dès qu'il s'agit d'alléger l'impôt des plus riches !

Monsieur le Président, vous avez évoqué tout à l'heure des temps plus anciens. Du temps de l'UNR...

M. Richard Mallié - Abrégez !

M. le Président - Monsieur Mallié, si vous aviez mon ancienneté, vous ne provoqueriez pas M. Brard !

M. Jean-Pierre Brard - En tout cas, vous n'utiliseriez pas l'impératif. Vous avez appris autre chose, à l'école communale !

Certains d'entre nous ont consacré beaucoup d'énergie à réduire l'ISF. Je note à ce propos que M. de Courson n'est plus là...

M. François Bayrou - Il est juste à côté !

M. Jean-Pierre Brard - Mais la réduction de la taxe d'habitation l'intéresse beaucoup moins que l'allégement de l'ISF pour les gros vignerons ! Monsieur Bayrou, ne menez pas votre bataille contre le Gouvernement comme Cyrano de Bergerac, en faisant semblant !

M. le Président - A la fin de l'envoi, je touche !

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Au cours de la précédente législature, nous avons demandé chaque année la suppression de ce prélèvement. Si vous aviez laissé les finances publiques dans un état moins désastreux en 2002, nous aurions probablement pu trouver les 230 millions nécessaires.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Augustin Bonrepaux - Votre argumentation manque de fondement !

M. Philippe Auberger - Quel culot !

M. Augustin Bonrepaux - Si vous voulez réellement alléger les prélèvements obligatoires, quoi de plus juste que d'agir sur la fiscalité locale ? Au cours de la précédente législature, nous avons réduit la taxe d'habitation. Nos mesures étaient ciblées pour favoriser les plus modestes.

Un député UMP - Avec la suppression de la vignette sur les Jaguars ?

M. Augustin Bonrepaux - Votre principale préoccupation est de baisser les impôts des privilégiés. Les impôts locaux ont été alourdis cette année, à cause du désengagement du Gouvernement dans le financement de l'APA. L'année prochaine, les subventions aux collectivités locales seront réduites alors que leurs charges seront augmentées. Avec nos amendements, vous auriez l'occasion de faire quelque chose pour les plus modestes, si c'était votre intention ! Mais ce n'est pas plus le cas dans cette loi de finances que dans le reste de vos actions.

M. Michel Bouvard - Tout d'abord, le gouvernement Jospin a présenté cinq projets de loi de finances sans jamais supprimer la taxe de 0,4 %, alors que l'Etat pouvait à l'époque se le permettre. Ensuite, en ce qui concerne la fiscalité locale, il est un peu fort d'entendre que c'est le gouvernement actuel qui est responsable du décalage qui existe dans le financement de l'APA et des mesures qui augmentent le coût de fonctionnement des SDIS, sans parler du coût des 35 heures ! En revanche, la suppression de la vignette a constitué un cadeau de 125 F en moyenne pour les propriétaires de véhicules de 4 chevaux de plus de cinq ans, mais de 12 500 F pour la centaine de propriétaires de véhicules de 25 chevaux de mon département !

L'amendement 362 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 144, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 187.

M. le Président - Sur l'amendement 471, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Didier Migaud - La majorité a déjà montré qu'elle n'aimait pas le mouvement associatif, par des décisions concrètes qui vont le déstabiliser, comme la suppression des emplois-jeunes, qui provoque de graves difficultés financières dans le secteur, ou la révision des subventions, qui obligent les associations à réduire leurs actions.

Par l'amendement 471, nous vous proposons de porter l'abattement spécifique dont bénéficient les associations sur la taxe sur les salaires à 10 500 €, ce qui correspond à deux emplois à temps plein payés au SMIC. Ce doublement de l'abattement aurait des effets favorables sur le chômage des jeunes, qui connaît actuellement une forte augmentation. Par ailleurs, un certain rapport sénatorial, intitulé « La taxe sur les salaires ou comment s'en débarrasser », relevait déjà en 2001 que l'abattement « ne semble pas alléger suffisamment la charge que constitue la taxe sur les salaires ». Manifestement, Matignon ne vous a pas suivi, Monsieur le ministre, puisque c'est de votre rapport qu'il s'agit ! Nous proposons donc à notre assemblée de voter cette excellente proposition émanant de l'autre chambre.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 154 vise à relever l'abattement sur la taxe sur les salaires dont bénéficient les associations, et le 155 est un amendement de repli. Dans un courrier aux membres de son gouvernement, le Premier ministre a souligné que les associations occupent une place essentielle dans de nombreux secteurs de la vie sociale et qu'elles sont fréquemment conduites à compléter l'action des pouvoirs publics. Afin que cette action commune puisse prendre la forme d'un véritable partenariat, il préconise de donner un cadre clair et efficace aux relations financières entre l'Etat ou les établissements publics et les associations. Il semblerait que la Poste ait eu du mal à trouver certaines boîtes aux lettres, puisque 2003 a été l'année d'un triste record en matière de gels et d'annulations de crédits pour les associations ! A cela s'ajoutent les conséquences dramatiques de la suppression des emplois-jeunes et des emplois aidés.

Les actions des associations révèlent et même anticipent les besoins et problèmes sociaux dans les domaines les plus variés. Onze millions de bénévoles s'y investissent et un million quatre cent mille salariés y travaillent, pour un faible coût et une valeur sociale ajoutée importante. Combien de temps encore ce travail quotidien pourra-t-il supporter les suppressions de subventions, les gels de crédits en cours d'année et la réduction des emplois aidés ? La vie est difficile pour beaucoup. Que serait-elle sans les associations ? Mais ces associations, vous allez les acculer au dépôt de bilan et précipiter leur disparition. Nombreuses sont déjà les communes qui s'inquiètent de la grave crise qui menace. Adopter l'amendement constituerait un geste positif.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté l'amendement...

M. Didier Migaud - Hélas !

M. le Rapporteur général - ...pour les raisons que j'ai dites. Et nous n'avons aucune leçon à recevoir à ce sujet car, avec la loi sur le mécénat, nous avons fait un effort notable en faveur des associations.

M. Didier Migaud - Ah oui ? Lequel ?

M. le Ministre délégué - S'il est un défaut que je n'ai pas, c'est de ne pas assumer la politique à laquelle je crois et je ne retire donc rien du rapport que j'avais remis au Sénat. De fait, c'est un curieux impôt que celui-là, dont le produit de la taxe est, pour 45 %, acquitté par la sphère publique ! Mais pour faire une réforme, il faut des moyens, et vous ne nous en avez guère laissés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

S'agissant de vos amendements, vous feignez d'ignorer que l'abattement existant permet un allégement de charges substantiel, de 5 273 € en 2003, et qui permet d'exonérer de la taxe sur les salaires les associations qui emploient six salariés à temps plein au SMIC. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) De plus, l'allégement, parce qu'il est indexé sur le barème de l'impôt sur le revenu, sera de 5 362 € en 2004.

Sur la forme, ce n'est pas en diabolisant le Gouvernement et la majorité que vous serez plus convaincants ! Vos amendements méritent le rejet.

M. Gérard Bapt - Je ne tiens pas particulièrement à attiser l'irritation du ministre, mais il me semble que l'on peut citer un rapport sénatorial, fût-il de 2001, sans commettre un crime contre l'esprit ! Et n'est-ce pas le président de votre commission lui-même qui disait, cet été, vouloir privilégier l'allégement des charges - nous disons plutôt des cotisations - plutôt que la réduction de l'impôt sur le revenu ? Le débat reprendra à propos du FOREC, ce qui est normal, car nous continuons de professer que d'autres choix peuvent être faits.

Quant à l'argument selon lequel vous n'auriez pas de marges de man_uvre, il n'est pas recevable de la part d'une majorité qui vient à l'instant de s'accorder pour élargir l'exonération d'ISF relative à la location des biens ruraux, pour complaire à M. de Courson !

Voilà pourquoi nous voterons l'amendement, qui s'inspire directement d'un certain rapport sénatorial de 2001.

A la majorité de 51 voix contre 19 sur 70 votants et 70 suffrages exprimés, l'amendement 471 n'est pas adopté.

Les amendements 154 et 155, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Didier Migaud - L'amendement 364 reprend des amendements que l'actuelle majorité avait déposés lorsqu'elle siégeait dans l'opposition. De quoi s'agit-il ?

La loi du 8 juillet 1987 a fixé le taux de l'intérêt de retard à 0,75 %. Ce montant a été jugé trop élevé à de nombreuses reprises.

Le Conseil d'Etat a pourtant considéré que ce dispositif avait essentiellement pour objet de réparer le préjudice subi par l'Etat du fait du non-paiement de l'impôt à la date voulue et qu'il ne présentait pas le caractère d'une sanction, mais en relevant qu'il ne parvenait à cette solution que parce que le niveau de l'intérêt de retard n'était pas « devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ».

Cette observation appelle une réforme du dispositif, moins pour modifier le taux actuel de l'intérêt de retard, qui n'est pas exagérément élevé au regard du taux des découverts bancaires, que pour éviter que, comme cela s'est produit à plusieurs reprises, ce taux ne soit exagérément favorable aux contribuables défaillants. Il est donc proposé de fixer ce taux à un niveau compris entre 1,5 fois le taux de l'intérêt légal et le taux autorisé pour les découverts bancaires. Toutefois, de façon à éviter de favoriser les contribuables malhonnêtes, il est proposé d'inclure dans l'assiette des intérêts de retard le montant des majorations pour défaut de déclaration ou des majorations pour mauvaise foi ou man_uvres frauduleuses.

Il est enfin proposé de supprimer la règle selon laquelle l'intérêt n'est décompté, en cas de redressement, que jusqu'au dernier jour du mois de la notification de redressement.

Par cet amendement, nous souhaitons appeler l'attention sur l'importance de l'intérêt de retard en complet décalage avec l'inflation alors même que le contribuable peut être de bonne foi. L'an dernier, le rapporteur général a estimé, dans la lignée de son prédécesseur, qu'il s'agissait d'un « vrai sujet ». Il faut donc lui trouver une solution. Nous souhaitons donc connaître les intentions du Gouvernement en cette matière.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté l'amendement. Le sujet est vieux de plusieurs années ; aussi avons-nous chargé notre collègue Jean-Yves Cousin d'une réflexion qui l'a conduit à formuler plusieurs propositions, dont l'une sera examinée après l'article 18. J'espère que le ministre y fera droit.

J'observe par ailleurs que l'on entend beaucoup, beaucoup M. Migaud, qui s'exprime sur de nombreux sujets qu'il n'a jamais voulu traiter au cours de la précédente législature (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). L'aurait-il fait que nous n'aurions pas à résoudre maintenant des problèmes en suspens de longue date. Si la mesure annoncée est adoptée tout à l'heure, une nouvelle preuve sera donnée que nous, nous faisons plus que parler : nous agissons (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Si l'on s'en tenait à l'amendement, l'intérêt de retard pourrait être compris entre 4,94 % et 16,84 %. Vous comprendrez que je ne puisse vous suivre. Le dispositif actuel est, en tout état de cause, meilleur que celui que vous proposez, mais il faut avancer et c'est pourquoi, lorsque votre rapporteur général m'interrogera tout à l'heure, ma réponse sera sans doute conforme à ses souhaits (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Les propos tenus par le rapporteur général sont inadmissibles et je lui demande de reprendre ses esprits (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce type de polémique se conçoit d'autant moins que la situation de notre pays n'est pas la même qu'il y a deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), puisqu'en réduisant les recettes et en augmentant les dépenses militaires de manière inconsidérée, vous creusez un déficit abyssal.

L'amendement 364, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 23 heures 30, est reprise à 23 heures 40.

ART. 15

M. Jean-Claude Sandrier - Cet article fait suite à l'article 13 de la précédente loi de finances, qui a assujetti France Télécom aux impositions directes locales dans les conditions du droit commun. Cette mesure découlait de la loi du 12 juillet 1990 relative aux services publics de la poste et des télécommunications.

Nous avons pu voir, à l'occasion de cette réforme, une splendide illustration de l'adage : « Donner et retenir ne vaut ».

Depuis 1994, le produit de la fiscalité locale, aussi étonnant que cela puisse paraître, était partagé entre l'Etat - qui percevait un produit des taxes professionnelle et foncière indexé depuis 1994 sur l'évolution des prix - et le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, qui percevait la différence entre le produit perçu par l'Etat et celui qui aurait résulté de l'application du taux moyen national.

Quand l'assujettissement aux conditions du droit commun a été décidé, vous avez fait en sorte que l'Etat conserve sa part du gâteau, au motif que la réforme devait être neutre pour le budget.

Alors que l'Etat n'a aucune légitimité à percevoir le produit d'impositions locales, cette exigence de neutralité a abouti à une double ponction : un prélèvement sur la compensation accordée au titre de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et un prélèvement sur le produit de l'imposition additionnelle à la taxe professionnelle perçu par chaque chambre de commerce et d'industrie.

C'est ubuesque. L'Etat continue à se comporter comme si France Télécom était toujours assujettie à un régime fiscal dérogatoire alors que l'entreprise est passée dans le droit commun. Il aurait dû prévoir, sur une base pluriannuelle, les moyens de se passer progressivement de ces ressources. Il n'en est rien. Non seulement il continue à opérer ces prélèvements indus mais, par l'article 15, il propose des le pérenniser, sans d'ailleurs donner aucune évaluation du montant du produit ou de celui du prélèvement.

Certes, cela se fait sur une base légale, la loi de finances pour 2003, mais au mépris du droit commun de la taxe professionnelle. L'Etat se refuse à perdre des recettes de poche, sans se soucier des conséquences pour les chambres consulaires. Nous voterons contre cet article.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Jean-Louis Idiart - Le FGAO - fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages - a repris la mission du fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse, en garantissant les victimes de tels accidents lorsque l'auteur est inconnu, n'est pas assuré ou que l'assureur est insolvable. Le Sénat lui avait aussi donné compétence pour améliorer le sort des victimes d'accidents causés par le gibier, soit 4 000 cas par an.

Par cet article, vous opérez un prélèvement de 300 millions d'euros sur le FGAO, c'est-à-dire que vous mettez en cause son assise financière, alors que grâce à l'adossement sur le fonds de garantie précédente, il disposait de 300 millions de provisions techniques. Dans l'attente de mieux connaître les charges que le FGAO aura à couvrir, il serait plus prudent de ne pas opérer cette ponction au profit du budget. Nous proposons donc, par l'amendement 242, de supprimer cet article.

M. Jean-Claude Sandrier - Le titre II de la loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière intitulé « sécurité des épargnants et des assurés » constitue le volet grand public de cette loi complexe. Beaucoup de ses mesures sont timides ou défavorables comme la suspension des dispositions relatives aux conventions de compte de dépôt, l'encadrement insuffisant du démarchage bancaire et financier, le refus des amendements du Sénat pour sanctionner les abus de la publicité relative aux crédits à la consommation.

Néanmoins, son chapitre 3 met en place le FGAO alors qu'il n'existait aucun dispositif de garantie pour les entreprises d'assurance dommage. Celle-ci étant obligatoire, il n'est pas normal qu'un particulier ne soit pas protégé contre la défaillance de l'assureur.

Or l'article 16 institue un prélèvement de 300 millions sur ce fonds. La loi venant d'entrer en vigueur, il est loin d'être opérationnel et il est impossible d'évaluer ses besoins en année pleine. Opérer une telle ponction - comment l'a-t-on chiffrée d'ailleurs ? - est injustifiable. Nous ne voulons pas que les assurés soient lésés et nous nous opposons à l'article 16.

M. le Président - La commission et le Gouvernement me font savoir qu'ils sont défavorables à l'amendement 242.

M. Didier Migaud - Nous aurions quand même besoin de quelques explications. Le fonds n'a que quelques mois et on lui prélève 300 millions. Pourquoi, et quelles seront les conséquences ?

M. le Rapporteur général - Il s'agit simplement de l'élargissement d'un fonds existant qui disposait de réserves importantes et non utilisées. Il est légitime de les réintégrer dans le budget de l'Etat.

M. le Ministre délégué - J'imaginais que chacun avait lu le rapport, très explicite sur ce point. Les réserves du fonds dépassaient 800 millions fin 2002, le prélèvement de 300 millions ne présente donc aucune difficulté.

M. le Rapporteur général - Il a semblé plus prudent, par l'amendement 396, de prévoir dans la loi les modalités de cette participation.

M. le Ministre délégué - Sagesse.

L'amendement 396, mis aux voix, est adopté.

L'article 16 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. Augustin Bonrepaux - Notre amendement 243 tend à supprimer un article qui vise notamment à prélever 20 millions sur les réserves du comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement. Une telle réaffectation au budget de l'Etat est inacceptable...

M. Michel Bouvard - C'est la LOLF qui le veut !

M. Augustin Bonrepaux - ...s'agissant de filières en grande difficulté, notamment en Ariège et dans le Tarn. Le Gouvernement prétend que les interventions en faveur du secteur seront assurés mais la vérité, c'est qu'il racle les fonds de tiroirs pour financer ses cadeaux aux privilégiés. Les crédits des comités professionnels de développement économique seraient bien mieux employés ailleurs. Ils ont vocation à accompagner la modernisation des filières en cours de restructuration. Il est en outre malhonnête de faire un hold-up sur des fonds versés par les entreprises. La logique voudrait qu'ils leur reviennent. Vous prélevez 20 millions mais que faites-vous pour les bassins textiles menacés ?

M. le Rapporteur général - Défavorable. Les taxes parafiscales étant supprimées, il est légitime que les réserves constituées reviennent à la collectivité.

M. Augustin Bonrepaux - Vous ne pouvez pas dire cela !

M. le Rapporteur général - Vérifiez par vous-même : le prélèvement opéré permet aux différents comités de conserver un fonds de roulement correspondant à au moins un trimestre de fonctionnement. Il est conforme à la LOLF, il est équitable. Au reste, nous eussions aimé que l'on de préoccupât autant, naguère, de la préservation des fonds de roulement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Même la situation calamiteuse de nos finances publiques ne justifie pas un prélèvement aussi scandaleux. Les ressources constituées grâce aux entreprises doivent leur revenir...

M. François Goulard - C'est le Medef qui parle par sa bouche ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Deux bassins textiles - ceux des Vosges et de l'Aube - semblent retenir l'attention du Gouvernement. Est-ce à dire que les autres ne méritent pas qu'on s'y intéresse ?

M. Michel Bouvard - C'est une discussion qui s'effiloche ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Je tenais pour acquis que chacun avait lu attentivement le rapport de Gilles Carrez ! Je vous confirme, Monsieur Bonrepaux, qu'il ne s'agit que de restituer à la collectivité le surplus de fonds publics mis à la disposition de ces comités. Il ne vous a pas échappé qu'une contribution de 30,5 millions était budgétisée, ce qui met le prélèvement prévu à cet article à l'abri de tout critique.

L'amendement 243, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 17, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Didier Migaud - Cet article prévoit la suppression du FOREC, souvent accusé d'être à l'origine de tous les maux par la majorité actuelle !

M. Charles de Courson - Il va défendre le FOREC !

M. Didier Migaud - Mais oui, et d'autant plus volontiers que la majorité a pris beaucoup de liberté avec la réalité dans le portrait qu'elle a dressé de ce fonds. Sur les 14,4 milliards de dépenses constatées en 2002, 7,4 milliards correspondent aux allégements « Aubry » liés aux 35 heures, le solde - soit un montant presque équivalent - ayant financé les mesures Juppé et de Robien. Nous sommes loin des raccourcis de la majorité sur le coût des 35 heures ! A l'entendre, la totalité du FOREC y était consacrée ; en réalité, la gestion du fonds était excédentaire, les exercices 2001 et 2002 ayant permis de dégager 373 millions d'excédents de gestion.

Dès l'année prochaine, l'impact des allégements Fillon sans contrepartie sera d'une toute autre ampleur. Alors que le coût des 35 heures tend vers zéro, les allégements Fillon représenteront une dépense de 15,8 milliards. Et si l'objectif d'alléger les cotisations sociales peut nous rassembler, votre choix de consentir des allégements sans contreparties nous semble aller contre l'emploi. Non content de ne pas réduire les allégements, le Gouvernement supprime toute conditionnalité. Supprimer les allégements liés aux 35 heures tout en conservant les impôts affectés à leur financement pour alléger le déficit portera préjudice aux entreprises. C'est pour cela que selon les propres termes du Président de la République, l'attaque contre les 35 heures est imbécile ! Les 35 heures constituent un progrès social qui ne saurait être remis en cause (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Les 35 heures, c'est aussi plus de 300 000 emplois créés, soit la moitié des emplois supplémentaires de la période 1999-2002, et un retour sur investissement de 3,5 milliards par an, compte non tenu des économies sur l'indemnisation des chômeurs et des différentes recettes induites.

Le rapport coût-efficacité des allégements Aubry est donc beaucoup plus favorable que celui des allégements Fillon sans contreparties. Une étude de l'OFCE avance que le dispositif Fillon créera 2,5 fois moins d'emplois que les 35 heures. Ici comme ailleurs, le Gouvernement agit par pure idéologie. Si l'on fait les comptes des 35 heures avec sincérité, les chiffres de M. Lambert se révèlent faux.

M. Eric Besson - L'existence du FOREC permet de retracer avec exactitude les dépenses liées aux allégements de cotisations sociales. Il s'agit donc d'un outil précieux.

Au reste, nous considérons toujours comme un extraordinaire déni de démocratie le fait de ne pas avoir pu poursuivre le débat sur le coût réel des allégements Aubry. M. Devedjian parle de 35 milliards, M. Lambert de 15 milliards, et le rapporteur général de 7 à 8 milliards. Comment expliquez-vous ces écarts ? La commission d'enquête que nous avions réclamée nous aurait permis de comparer le coût des allégements Aubry avec celui des allégements Balladur, Juppé ou Fillon. Pourquoi cette budgétisation ? M. Fillon l'a réclamée pour faire passer artificiellement son budget, en réalité en baisse, de 16 milliards à 35 milliards d'euros. Les chiffres le prouvent : sur le budget 2004, les CES, les CEC et les emplois-jeunes sont en nette régression. Seuls les contrats jeunes en entreprise augmentent, mais les deux tiers correspondent à un effet d'aubaine...

M. Michel Bouvard - Faux !

M. Eric Besson - ...puisqu'il s'agit de requalifications de contrats déjà existants. Alors que le travail est la première préoccupation des Français, vous amputez une nouvelle fois le budget de l'emploi.

M. Augustin Bonrepaux - Comment pouvez-vous imputer le déficit aux 35 heures ? Si l'on examine soigneusement les chiffres du rapport de M. Carrez, il s'avère que les allégements de la loi Aubry représentent moins de la moitié des dépenses du FOREC, le reste relevant des lois Juppé, Fillon ou de Robien. Et je ne parle pas des bienfaits de la loi Aubry, en termes d'augmentation de la rentabilité des entreprises, d'amélioration de la qualité de vie des employés, ou de création d'emplois annexes, notamment dans le secteur du tourisme, que vous vous êtes bien gardés d'évaluer !

M. Gaëtan Gorce - Quel acharnement sur les 35 heures ! Vous me faites penser au médecin de Molière qui glapissait « le poumon ! ». En réalité, et MM. Migaud et Bonrepaux l'ont démontré, vous portez la responsabilité de cette situation. Du reste, les allégements Aubry auront disparu l'an prochain, remplacés par les allégements Fillon, lesquels devraient alors devenir logiquement votre cible.

Enfin, vous prétendrez vouloir supprimer le FOREC pour lutter contre l'opacité, mais réintégrer les recettes du FOREC au budget de l'Etat, sans les affecter à des dépenses, n'est pas la meilleure des garanties.

M. Victorin Lurel - En Guadeloupe, comme en métropole, les travailleurs sont fort satisfaits des 35 heures. De surcroît, nombre d'études sérieuses démontrent que 300 à 400 000 emplois ont été créés par les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous croyez qu'à l'instar de Paul Lafargue, nous faisons l'éloge de la paresse, mais si je voulais être provocateur, je vous rappellerais qu'à l'origine latine du mot « travail », on trouve tripalium, qui veut dire instrument de torture. Allégeons donc le travail et ses contraintes !

M. Richard Mallié - Supprimons même le travail !

M. Michel Bouvard - Vous croyez que l'on s'attaque aux 35 heures parce qu'on réintègre le FOREC dans le budget de l'Etat, alors que l'on assure la transparence de l'action publique en faveur de l'emploi. Permettez-moi de rappeler la construction baroque du FOREC : au-delà des droits sur les tabacs et les alcools, on a mis la TGAP - quel rapport avec le financement des 35 heures ? -, puis la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, la taxe sur les conventions d'assurance, la taxe sur les véhicules de société, la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire, et la taxe sur les primes d'assurance automobile.

Je ne demande pas combien coûtent les 35 heures, d'autant que j'ai voté les 35 heures volontaires de la loi de Robien, mais j'affirme que nous avons besoin de transparence. On ne peut pas, dans un débat budgétaire, aller contre la transparence des finances publiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - M. de Courson a brocardé M. Lurel à la fin de son intervention, et c'est insupportable.

Notre groupe ne pouvait accueillir que favorablement une suppression du FOREC : sous la législature précédente, nous avions exprimé les plus grandes réserves à son encontre. Toutefois, notre enthousiasme fut de courte durée : la suppression ne consiste en fait qu'à réintégrer ses dépenses dans le budget général et à réaffecter les taxes qui le finançaient. Votre justification semble par ailleurs de pure forme : selon le rapporteur général, le FOREC constitue une des principales sources d'opacité des finances publiques. Soit, mais il y a surtout des raisons de fond à évoquer ! Le FOREC était l'instrument d'une politique de l'emploi uniquement basée sur des exonérations massives de charges sociales patronales. L'instrument disparaît, mais la logique demeure et nous y sommes opposés.

Notre position est confortée par plusieurs études selon lesquelles, au regard des sommes débloquées, le coût de chaque emploi créé est faramineux. Lors de la campagne de 2002, le président candidat s'était amplement servi d'une étude de Bruno Crépon et de Rozenn Desplatz, qui estimait que 460 000 emplois avaient été créés ou sauvegardés entre 1994 et 1997 grâce aux mesures d'allègement des charges. Or cette évaluation résulte d'erreurs de méthode fondamentales. Elle est peu crédible sachant que sur la même période, les effectifs salariés ont augmenté de 360 000 !

Les exonérations atteindront 21 milliards d'ici à deux ans. On ne saurait donc accueillir la suppression du FOREC avec un optimisme béat. Si l'effet sur l'emploi demeure aléatoire, sauf à considérer que créer des trappes à bas salaire est une fin en soi, il est en revanche certain que ces sommes astronomiques creusent le déficit de la sécurité sociale. On _uvre patiemment à remettre en cause le système solidaire au profit de l'assurance privée, à laquelle le Premier ministre a ouvert un boulevard la semaine dernière. Nous sommes suffisamment attachés au pacte républicain pour ne pas vous suivre dans cette voie.

M. Charles de Courson - Le FOREC a été une invention de M. Strauss-Kahn pour éviter de faire apparaître la très forte croissance des dépenses du budget de l'Etat. Il a fait l'objet d'un accord entre Martine Aubry et lui.

M. Michel Bouvard - Ce fut le seul !

M. Charles de Courson - Cette année, on réintègre 17,1 milliards dans le budget de l'Etat. En 2003, la dépense était de 15,9 milliards. Cet écart de 1,2 milliard ne se voit pas dans la charte de budgétisation, qui est à structure 2003. C'est pourquoi je soutiens l'idée que la charte de budgétisation doit être établie à la structure de l'année pour laquelle on présente le budget.

Je ne comprends donc pas le combat de la gauche : pendant longtemps, elle a nié que le FOREC rassemblait des dépenses. Que pourrait-ce être d'autre que des dépenses ? Quant aux incroyables modalités de financement des 35 heures, qui vont du tabac à la TGAP en passant par les assurances, elles sont aberrantes. Que le Gouvernement supprime le FOREC et redistribue ses recettes de façon plus cohérente, même si l'ont peut discuter de certains points, est donc une excellente proposition.

M. Gaëtan Gorce - En réintégrant des dépenses, on réintègre aussi des recettes, et il faudra assurer la compensation des allégements dans le budget de l'Etat comme cela était dans le FOREC. Je ne vois donc pas en quoi cette suppression peut avoir une incidence sur l'équilibre des comptes. En revanche, il est bien plus clair de mettre des dépenses et des recettes face à face ! De cette façon, la compensation était assurée, et j'ai la conviction que ce ne sera pas le cas dans le budget de l'Etat. Vous reprendrez d'une main ce que vous aurez donné de l'autre aux entreprises, ce qui leur fera perdre confiance dans le système de l'allègement. L'amendement 225 vise donc à supprimer cet article.

J'ajoute que parler d'allégements Aubry est une facilité de langage très orientée. Les entreprises en bénéficient dorénavant en dessous de 1,8 fois le SMIC, et les allégements sont plus favorables lorsqu'il y a des heures supplémentaires au-delà des 35 heures. On peut donc parler des allégements Fillon, qui ne sont plus subordonnés à la réduction du temps de travail et qui pénalisent les entreprises qui sont passées aux 35 heures par rapport aux autres.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté cet amendement. Elle félicite le ministre pour le travail de sincérité budgétaire qu'il accomplit en supprimant le FOREC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le FOREC a en effet été un véritable instrument de dissimulation, d'escamotage et d'opacité. Il a permis de dissimuler l'envol des dépenses publiques entre 1997 et 2002. Le gouvernement de l'époque a d'abord dépouillé le budget de l'Etat des recettes qui ont été évoquées, puis les a affectées à des dépenses qui, puisqu'elles étaient dans le fonds, ne figuraient pas au budget de l'Etat ! Il n'était dès lors pas difficile de prétendre que les objectifs d'évolution de la dépense publique étaient tenus !

Les recettes de la croissance ont été gaspillées pour financer ce type de dépenses. Ainsi, au printemps 2002, les dispositifs Aubry I et II coûtaient 8 milliards et le coût des 35 heures dans les trois fonctions publiques représentait 3 à 4 milliards supplémentaires. La mission d'information confirmera ce chiffre de 12 milliards.

M. le Ministre délégué - L'an passé, j'avais pris devant l'Assemblée l'engagement de supprimer le FOREC cette année. Le délai était particulièrement court, et je m'honore de l'avoir respecté. Le FOREC n'est pas une garantie pour les comptes sociaux : il est même une source d'opacité importante. Sa suppression permet de revenir à une application stricte de la loi de 1994, qui impose à l'Etat de financer intégralement les allégements de charges qu'il décide. Enfin, ce n'est pas nous qui alimentons la controverse sur les 35 heures ! Je n'ai jamais fait que répondre à des questions ou à des observations. Par exemple, M. Bonrepaux vient d'avancer un chiffre de 7 milliards.

M. Augustin Bonrepaux - Je lis le rapport !

M. le Ministre délégué - Si vous déduisez 7 milliards du déficit de 2002, il passe au-dessous des 3 % !

M. Gérard Bapt - Les comptes du FOREC sont parfaitement transparents ! Le rapporteur général écrit que les allégements Aubry II représentent 5 milliards en 2003 et le dispositif Aubry I 2 milliards. Cela ne fait que 7 milliards ! Le reste, pour atteindre 16 560 millions, est dû aux allégements Fillon et de Robien ! J'ajoute que les dépenses destinées à être financées par le FOREC sont évaluées à 15,5 milliards en 2003 et ses recettes à 15,7. Le solde est donc positif.

Enfin, ce n'est pas nous qui alimentons la polémique sur les 35 heures ! On en entend parler aussi souvent que de l'héritage ! C'est le groupe des réformateurs de l'UMP qui l'a déclenchée, avec l'assentiment de M. Raffarin, et le Président de la République a dû siffler la fin de la récréation ! D'ailleurs, la loi Fillon vient de donner la possibilité aux branches et aux partenaires sociaux de renégocier les 35 heures : or, à ce jour, pas une branche, pas un syndicat patronal, pas un syndicat de salariés n'a demandé la renégociation !

En bref : vous supprimez le FOREC par « souci de transparence », fort bien - espérons que les comptes seront aussi transparents qu'ils le sont actuellement !

M. Eric Besson - Cette polémique, c'est vous qui l'avez lancée, Monsieur le ministre, en expliquant en gros que si la France n'avait pas adopté les 35 heures, elle serait en mesure de respecter ses engagements européens. Ayez au moins l'honnêteté de tenir compte des recettes dégagées par les emplois créés et, surtout, acceptez le principe de cette commission d'enquête que nous réclamons, afin que tous les chiffres soient donnés ! Au lieu de cela, vous ne répondez pas lorsque Didier Migaud vous interroge sur la mauvaise situation dans laquelle se trouve notre pays, en passe d'être mis à l'index pour cause de déficit excessif, et vous parlez des 35 heures !

L'amendement 225, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 tend à abroger les articles du code de la sécurité sociale relatifs au FOREC. Il est donc préférable de ne laisser subsister dans le projet de loi de finances que les dispositions relatives au transfert à l'Etat des biens, droits et obligations du FOREC.

Tel est l'objet de l'amendement 49.

M. le Ministre délégué - Je comprends l'intention, mais la première partie du projet de loi de finances étant examinée avant le PLFSS, je demande le retrait de l'amendement.

M. le Rapporteur général - L'amendement 49 est retiré.

L'article 18, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 18

M. Jean-Yves Cousin - Le souci de justice fiscale conduit à évoquer le taux de l'intérêt de retard, sujet qu'a abordé notre collègue Didier Migaud précédemment. Le taux est actuellement fixé à 9 % l'an, ce qui est à la fois inadéquat comparé au loyer de l'argent et injuste si l'on considère que les intérêts moratoires, servis par l'Etat, lorsqu'il est condamné, s'élèvent à 3,29 % seulement. L'harmonisation des deux taux serait souhaitable, mais les marges de man_uvre financières ne le permettent pas. Je propose donc d'étendre aux montants dus au titre de l'intérêt de retard la possibilité de remise gracieuse, de modération et de transaction. Tel est le sens de l'amendement 462 rectifié.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Accord. Je lève le gage.

L'amendement 462 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard - L'article 9 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière transforme les amendes perçues par la voie de système automatique de sanction en une recette définitive du budget général de l'Etat. Cette disposition a été votée par dérogation au principe de reversement du produit des amendes aux collectivités territoriales, ce qui pose la question de sa compatibilité avec les dispositions de loi organique du 1er août 2001. Il est donc proposé, par l'amendement 69, la suppression de cet article.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Hervé Mariton - C'est une question très large qui est posée là. S'il a fallu voter cet article 9, c'est bien qu'une dérogation était nécessaire aux dispositions du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles le produit de toutes les amendements doit leur revenir. Or, si les recettes des amendes simples leur sont effectivement versées, celles provenant des amendes majorées sont conservées par l'Etat sans aucune base légale - et c'est de 500 millions qu'il s'agit ! Et pour ce qui est des radars automatiques, dont l'installation a justifié cette dérogation, leur coût sera inférieur de 100 millions, en 2004, et du double jusqu'en 2006, aux sommes qui seront prélevées par l'Etat. Pourquoi ?

L'amendement devrait permettre au Gouvernement de confirmer qu'il entend appliquer à la lettre le code général des collectivités territoriales, à l'exception de l'article 9.

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement fait financer sa politique par les collectivités locales, en voilà un deuxième exemple...

M. François Grosdidier - Cela depuis vingt ans !

M. Augustin Bonrepaux - ... alors que les amendes de police devraient servir aux travaux de sécurité de la voirie. Serait-ce que ce n'est plus là une priorité ? Bref, nous voterons cet amendement.

L'amendement 69, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. Victorin Lurel - L'article traite des dispositions relatives aux affectations. Or, vendredi dernier, à 2 heures 15, le président de la commission a profité de l'absence des collègues d'outre-mer pour faire adopter par l'Assemblée la suppression progressive de l'exonération de TVA sur les produits importés d'outre-mer. Des engagements contraires très fermes avaient pourtant été pris à ce sujet par le Gouvernement, et particulièrement par Mme Girardin, qui annonçait dans une dépêche de l'AFP du 10 octobre son intention de s'opposer aux amendements de la commission. Certains ont été retirés, c'est vrai, et M. Méhaignerie m'a indiqué qu'il comptait n'en maintenir qu'un. Chacun pensait alors qu'il s'agissait de la majoration de pension des fonctionnaires de Wallis-et-Futuna !

On a supprimé sans débat un dispositif dont le président Méhaignerie lui-même reconnaissait l'importance. Le Gouvernement ne s'y est pas opposé : il s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée. L'amendement a été adopté, causant une vive émotion outre-mer.

L'article 295 du code général des impôts avait été étendu aux ventes et importations de riz à la Réunion. Je rappelle que la hausse des prix outre-mer est identique à celle de la métropole : il y a au plus trois centièmes de différence.

On a dit qu'ils s`agissait d'un vieil article, datant de 1953. Or l'article 295 du code général des impôts a été modifié par les lois du 23 janvier 1990 et du 11 décembre 1992.

Nous sommes surpris par ce manquement à la parole donnée. Je demande des explications au Gouvernement et je souhaite une deuxième délibération de l'amendement.

M. Méhaignerie a déclaré que les économies réalisées par la suppression de cet article 295 du code général des impôts seraient affectées à l'outre-mer. Est-il prévu de créer un compte d'affectation spéciale ?

M. le Président - Monsieur le député, la TVA n'est pas une recette affectée : elle va au budget général, même si elle est perçue outre-mer.

J'aurais pu vous retirer la parole.

L'article 19, mis aux voix, est adopté.

ART. 20

M. Patrice Martin-Lalande - La loi organique relative aux lois de finances nous impose de supprimer toutes les taxes parafiscales avant le 1er janvier 2004.

La mission d'évaluation et de contrôle avait considéré en 2000 la redevance comme l'exemple type de l'impôt archaïque, injuste et coûteux à percevoir.

La question de l'avenir de la redevance pose celle de sa raison d'être : le financement du service public audiovisuel. La redevance en représente 75 % et elle tend à augmenter en raison de la limitation des écrans publicitaires inscrite dans la loi d'août 2000.

Le périmètre du service public audiovisuel est un élément important. Budgétiser son financement serait difficile, compte tenu des montants en jeu. Il faudrait en outre que les recettes publiques s'accroissent de 3 % par an pour que les chaînes puissent tenir leurs engagements. C'est peu d'ailleurs, les taux de croissance allant de 6 à 12 % dans les chaînes concurrentes.

Une imposition affectée semble donc la meilleure des solutions à court et moyen termes. Dans le rapport de la MEC de juillet 2000, M. Migaud préconisait soit la suppression pure et simple de la redevance, soit son remplacement par l'affectation du prélèvement sur les jeux. La première suggestion a été écartée en 2001 : alors que les recettes fiscales étaient en forte hausse, le gouvernement de l'époque a préféré supprimer la vignette. La seconde se heurte à un certain nombre de difficultés.

Nous allons donc devoir conserver la redevance affectée, mais sa gestion peut être améliorée de deux manières. D'une part, il faut rendre son recouvrement plus efficace en renforçant les moyens de contrôle. Le Gouvernement nous propose une série de mesures à cet effet : l'utilisation de l'avis à tiers détenteur, des sanctions en cas de fausse déclaration, des contrôles plus rigoureux... L'amélioration du recouvrement passe aussi par une simplification de l'assiette. Nous pourrions supprimer le taux applicable aux postes en noir et blanc, définir un taux réduit pour l'outre-mer et prévoir un taux spécial pour les résidences secondaires. D'autre part, une collecte conjointe avec la taxe d'habitation permettrait d'économiser 100 millions d'euros en coût de gestion et d'accroître de 170 millions le produit de la perception.

M. Patrick Bloche - La hausse de 3 % des dotations publiques au service public audiovisuel prévue pour 2004 ne repose pas sur une augmentation du taux de la redevance, mais sur une estimation pour le moins optimiste des recettes. Les ressources publiques représenteront 67 % du financement, contre 77 % l'an dernier.

Si le produit de la redevance devrait être stable, les excédents affectés vont diminuer.

La transformation de la taxe parafiscale en taxe fiscale affectée, conforme à la loi d'orientation, donne l'occasion au Gouvernement de nous proposer de faire la chasse aux fraudeurs. Les mesures qu'il envisage devraient rapporter 23 millions d'euros supplémentaires, mais son dispositif est en panne depuis que la CNIL s'est déclarée défavorable au croisement des fichiers d'abonnés. Un bras de fer s'est engagé entre la commission des finances et le Gouvernement.

Nous sommes préoccupés par l'incertitude qui pèse sur le financement de l'audiovisuel public en 2004 : la hausse de 3 % n'est pas assurée et les prévisions de recettes publicitaires sont plutôt optimistes, puisque la hausse prévue est de 8 %. Nous avons de sérieux doutes sur la capacité du président de France Télévision à financer la holding en 2004. En outre, la durée des écrans publicitaires pourrait passer de huit à douze minutes par heure : on compenserait ainsi le manque de dotations publiques par des recettes publicitaires. Cela renforce notre conviction : l'idée d'une privatisation fait son chemin dans la majorité.

Je regrette l'absence du ministre de la culture. Après l'arbitrage sur la chaîne d'information internationale, rendu au détriment de France Télévision et au mépris de la représentation nationale, il faut craindre qu'un nouveau coup soit porté à l'audiovisuel public.

M. Didier Migaud - Nous trouvons en effet choquant que M. Aillagon soit dans son lit (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous, nous sommes à la Chambre ! (Sourires)

M. Didier Migaud - Il est choquant qu'il ne s'intéresse pas à ce débat. Il est de tradition que, sur certains sujets, les ministres concernés viennent s'exprimer pendant l'examen du budget. C'est ce que firent Christian Pierret, Alain Richard ou Jean-Claude Gayssot. Cela retarde peut-être un peu nos travaux, mais ils en deviennent plus transparents.

La compétence de M. Lambert n'est pas en cause, mais il serait normal que le ministre en charge du dossier soit là, car nous avons beaucoup de questions à poser.

Il est vrai qu'un rapport de la MEC en 2000 proposait la suppression de la redevance, cet impôt archaïque, injuste et coûteux à recouvrer. Mais nous proposions aussi un autre financement, car nous sommes attachés à un service public de l'audiovisuel fort, lequel n'est pas lié obligatoirement à la redevance. Or rien ne nous le garantit, avec un ministre de plus en plus intermittent, et des tentatives de privatiser France 2 - Michel Bouvard est ici en position d'éclaireur pour une partie non négligeable de la majorité.

Nous ne pouvons pas non plus accepter qu'on lie redevance et taxe d'habitation, impôt également injuste. Assez de confusion, au détriment des collectivités locales. Que l'Etat assume le prélèvement nécessaire pour financer l'audiovisuel public. Il est remis en cause, car il vous faut des chaînes de télévision dépendantes du grand capital (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. François Grosdidier - Canal Plus, par exemple ?

M. Didier Migaud - Nous voulons que le secteur public soit indépendant. Avec certains de vos amendements, on se croirait revenu au temps de M. Peyrefitte.

M. François Grosdidier - C'est l'inverse de la privatisation...

M. Augustin Bonrepaux - Une première mission avait conclu à la suppression de la redevance. On en a fait une autre qui propose de pérenniser cet impôt injuste et même de l'asseoir sur la taxe d'habitation. Tous les ménages le paieraient, et on reprochera l'augmentation de la taxe d'habitation aux élus locaux.

Dans ces conditions, il faut s'en tenir aux conclusions générales de la mission sur le coût de perception. Pour notre part, nous sommes contre le fait de pérenniser la redevance sans faire d'ailleurs la moindre proposition d'allégement. Faire payer le plus grand nombre, c'est plus facile, mais pour les gens modestes, c'est beaucoup plus douloureux.

M. Michel Bouvard - Je rassure M. Migaud, je ne suis pas un éclaireur, mais nombre de parlementaires souhaitent certainement qu'on aille jusqu'au bout dans la redéfinition des missions de l'Etat.

Chacun reconnaît le caractère injuste, archaïque et coûteux de la redevance et la nécessité d'en faire une imposition de toutes natures, comme la loi organique nous en fait obligation. L'article proposé consolide le mécanisme actuel dont la commission des finances a souligné le caractère inadapté. Nous ne pouvons donc admettre qu'on procède ainsi.

Pour aller plus loin, il faut se demander quel doit être le périmètre de l'audiovisuel public et quels moyens lui sont nécessaires. Ne peut-on budgétiser le financement de l'audiovisuel public, ce qui obligerait le ministère de la culture et les dirigeants de chaînes à dialoguer avec le Parlement chaque année et à faire des efforts de gestion ? Si j'ai proposé la privatisation de France 2, c'est que je ne suis pas persuadé que l'audiovisuel public, auquel je crois, a besoin de deux chaînes généralistes, alors qu'il va devoir assumer des dépenses importantes avec la numérisation de Radio France, le numérique terrestre, la chaîne internationale francophone d'informations. France 2 consomme 580 à 600 millions de produit de la redevance chaque année. Il y a peut-être là une occasion de redéfinir l'audiovisuel public et de mieux gérer l'argent des contribuables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Christophe Baguet - Avec cet article, nous abordons un des feuilletons de la discussion budgétaire, mais un feuilleton bien triste. La redevance finance à 76 % le secteur public. Mais à quoi sert-elle vraiment ? Les gouvernements successifs ne l'ont jamais dit clairement aux contribuables. Cela explique en partie le taux de fraude qui est insupportable. Enfin on peut s'interroger sur un taux de collecte de 150 millions pour un produit de 2,1 milliards, soit 7 %.

Chacun y est allé de sa proposition de réforme, mais elles ont été successivement enterrées. La LOLF offrait une solution, en obligeant à supprimer les taxes parafiscales. Mais entre le gouvernement qui se bloque dans le refus de toute réforme et la commission qui lui demande des engagements de réforme immédiate, on n'y comprend plus grand-chose et c'est encore une fois le service public qui trinque !

L'UDF a des exigences précises. D'abord, quelle que soit la réforme, il faut maintenir un compte d'affectation spéciale. Ensuite, nous sommes bien sûrs favorables à la lutte contre la fraude, mais sans porter atteinte aux libertés individuelles. En outre, l'utilisation des fichiers des chaînes à péage risquerait d'affaiblir le financement de la filière cinématographique, auquel elles contribuent beaucoup. Ensuite, le ministère des finances ne doit pas se dérober à une véritable réforme en s'en tenant à des aménagements marginaux pour 2004. Le Gouvernement ne peut déroger aux contrats d'objectifs et de moyens qu'il a signés avec les entités du service public, et doit donc leur assurer les ressources nécessaires, sans pour autant soumettre le Parlement à un chantage sur l'échange de crédits contre des restrictions de libertés individuelles. De plus, il ne joue pas la transparence. Que représente l'effet mécanique de l'évolution du parc ? Que représentent les reliquats de redevance des années précédentes ? Pourquoi avoir diminué la part remboursable des exonérations ? Est-ce une façon de diminuer la part budgétaire de l'Etat ?

Le groupe UDF est plus que jamais attaché au développement de l'audiovisuel public. A l'heure où le service public regagne une identité, un public et des ressources propres, il serait pour le moins inopportun de mettre fin brutalement à ce cycle vertueux. Monsieur le ministre, nous attendons vos propositions avec impatience.

M. Jean-Pierre Brard - Chacun aura apprécié la défense acharnée du service public à laquelle vient de se livrer M. Baguet. A ce rythme, nous allons bientôt être débordés à gauche par nos collègues de l'UDF ! (Sourires)

M. le Président - Mais vous n'avez pas d'ennemis à gauche !

M. Jean-Pierre Brard - Archaïque, coûteux et inefficace...

M. Hervé Mariton - C'est votre portrait craché ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - C'est en ces termes que la MEC qualifiait la redevance audiovisuelle et appelait de ses v_ux la création d'une ressource nouvelle ayant vocation à s'y substituer, assise sur des bases simples, permettant un recouvrement satisfaisant et la réalisation d'économies substantielles. A l'évidence, la garantie de financement procurée à l'audiovisuel public ne doit pas consister en une simple clause de style.

Le débat technique sur la redevance ne doit pas occulter celui sur les missions du service public ou sur le statut des personnels. A cet égard, il convient de poursuivre la réflexion sur le statut des intermittents, lesquels choisissent bien leurs cibles en perturbant la diffusion des programmes les plus médiocres. Tout parlementaire épris de culture devrait se réjouir des atteintes portées à la Star Academy...

M. François Grosdidier - Et du fait que l'on ait cassé la figure aux gardiens ?

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'y étiez pas !

La création d'une chaîne d'information internationale et les projets de développement de France 3 vont accroître le besoin de financement. Tout doit être fait pour donner aux équipes et aux dirigeants un cadre de travail stable et motivant.

Le flou entretenu sur le projet de chaîne d'information internationale jette le trouble et loin de rassurer, les « réponses » apportées par M. Aillagon à ce sujet renforcent l'incertitude. Au surplus, la décision du Premier ministre de prolonger la mission confiée à M. Brochant peut être interprétée comme une marque de désaveu de la mission parlementaire en charge de ce dossier. De même, le positionnement de TF1 inquiète. Les salariés du secteur public craignent de devoir fournir les informations, cependant que TF1 déciderait seul de la ligne politique. Pourquoi ne pas associer équitablement toutes les composantes ?

Dans le secteur public, porter le volume de publicité de huit à douze minutes par heure, afin de garantir des ressources pérennes supplémentaires, risque surtout de renforcer les contradictions dans lesquelles le Gouvernement enferme le service public.

Face à la nécessité de redéfinir la nature et les modes de perception de la ressource audiovisuelle, la rustine que nous propose le Gouvernement est inacceptable. Quant à la proposition d'adosser le nouveau dispositif à la taxe d'habitation, elle mériterait sans doute d'être approfondie et les colloques qu'organise M. Martin-Lalande seraient plus utiles s'ils gagnaient en pluralisme !

M. Michel Bouvard - Mon amendement 71 tend à supprimer cet article. Monsieur le ministre, vous êtes comme nous trop attaché à l'institution parlementaire et vous vous êtes trop investi dans la réforme du débat budgétaire pour admettre que notre assemblée adopte un article aussi parfaitement contraire aux prescriptions de notre commission des finances.

A l'heure où l'on trouve très facilement sur internet un mode d'emploi pour échapper à la redevance - par exemple en transformant sa télévision en récepteur informatique -, la proposition qui vous est faite n'est pas recevable.

M. Jean-Pierre Brard - Mon amendement 304 est également de suppression. Pourquoi s'obstiner à consolider une taxe à ce point fraudée. Songez que Mme Bettancourt, bien conseillée, y échappe sûrement bien plus facilement qu'un érémiste !

M. le Rapporteur général - Défavorable. Curiosité de ces amendements : ils ne sont pas gagés alors qu'ils coûteraient la bagatelle de 2,2 milliards ! C'est bien parce que nous n'avons pas de telles disponibilités qu'il est impossible de supprimer la redevance !

M. le Président - Un amendement de suppression n'est jamais gagé.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Hervé Mariton - Sur quels rivages veut-on atterrir ?

M. Jean-Pierre Brard - Les vôtres sont escarpés !

M. Hervé Mariton - Justement, Monsieur Brard, je suis - une fois n'est pas coutume - d'accord avec vous pour considérer que quel que soit l'impôt envisagé, il est toujours bon d'en élargir la base. Or, la redevance telle que l'on nous propose de la faire évoluer serait le seul impôt direct à base large existant dans notre pays. Dès lors, réfléchissons, avant de la supprimer, à l'architecture globale que nous voulons privilégier pour notre fiscalité directe d'Etat.

Quant à la possibilité d'adosser la redevance à la taxe d'habitation, ne l'écoutons pas pour des motifs fallacieux. Il serait tout à fait possible de distinguer, dans l'envoi au contribuable, ce qui relève de la taxe d'habitation et la redevance proprement dite. A partir de là, chacun peut assumer ses responsabilités.

Les amendements 71 et 304, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous en venons à l'amendement 50 de la commission des finances, qui fait l'objet de 23 sous-amendements.

M. Patrice Martin-Lalande - Dans le projet du Gouvernement, il est prévu que la redevance est transformée en imposition de toutes natures affectée au financement de l'audiovisuel public. Outre cette consolidation juridique, l'article 20 reprend aussi plusieurs propositions visant à améliorer le recouvrement de la redevance. A ce titre, le régime des exonérations est simplifié, le taux spécifique pour les DOM est consolidé et le taux noir et blanc est supprimé. De même, les règles applicables dans les résidences secondaires sont simplifiées et les sanctions contre les fraudeurs sont alourdies. Le texte initial du Gouvernement prévoit aussi la possibilité de recouper les informations des services de la redevance avec celles détenues pour les 9,5 millions d'abonnés par les opérateurs commerciaux du câble et de la télévision par abonnement.

L'amendement 50 concerne d'abord 2004, par lequel nous souhaitons tirer les bénéfices du statut de taxe fiscale, désormais conféré à la redevance. En effet, le service public a besoin dès l'année prochaine des 3 % de ressources supplémentaires pour remplir les engagements figurant dans les contrats d'objectifs et de moyens. La lutte contre la fraude doit être rendue plus efficace, tout en préparant la réforme de la collecte conjointe de la redevance et de la taxe d'habitation. L'amendement vise par conséquent à mettre en _uvre le droit de communication des services fiscaux.

Les délais de recouvrement forcé seront raccourcis grâce au recours à l'avis à tiers détenteur, et l'aggravation des sanctions devrait dissuader les fraudeurs.

Notre amendement supprime le croisement des fichiers, conformément à l'avis de la CNIL du 26 septembre dernier, ainsi que l'imposition des résidences secondaires pour la détention temporaire de postes. Les questions seront réglées par la réforme de 2005, aussi n'est-il pas nécessaire d'élaborer un mécanisme compliqué pour une année de transition.

En conclusion, la lutte contre la fraude est une mesure de justice sociale, d'autant plus nécessaire que le Gouvernement a choisi de ne pas augmenter la redevance. Par ailleurs, les personnels du service de la redevance ont fourni un travail très productif ces dernières années, mais du fait du faible montant unitaire de chaque redevance, le coût de perception est élevé, aussi faut-il réformer l'organisation actuelle de la collecte de la redevance.

M. le Ministre délégué - Je suis étonné que Didier Migaud regrette à nouveau l'absence de Jean-Jacques Aillagon puisque, de jurisprudence constante, c'est le ministre du budget qui, tout au long de la première partie, engage le Gouvernement dans son ensemble, cependant que les autres ministres sont à la disposition du Parlement pendant toute la deuxième partie.

Votre amendement marque la volonté de votre commission de donner à l'article 20 un caractère transitoire, afin de réformer prochainement, en profondeur, le financement du service public de l'audiovisuel. Le Gouvernement comprend votre démarche et accepte d'étudier les modalités d'une réforme. Mais rappelons le contexte. Il fallait réformer la redevance, puisque la loi organique l'impose. Le Gouvernement a choisi de consolider la redevance dans son état actuel et de la transformer en impôt, affecté au financement de l'audiovisuel public. Sensible à la situation des foyers les plus modestes, il a choisi de ne pas en augmenter le taux pour 2004, et de lutter efficacement contre la fraude. Aussi a-t-il prévu d'accéder à la liste des abonnés des opérateurs de télévision payante - câble, satellite, ou télévision cryptée. Cette disposition figurait dans le rapport de M. Martin-Lalande, et était souhaitée par les ministres concernés. Elle permettra également d'augmenter les ressources disponibles pour l'audiovisuel public.

Or, vous regretterez l'occasion manquée d'une réforme d'envergure. Par ailleurs la CNIL a souligné les difficultés juridiques que soulève cette mesure. Enfin, votre amendement écarte des mesures nouvelles substantielles, dont le recoupement de données nominatives.

Le Gouvernement entend votre message et accepte votre amendement, sous réserve de l'adoption de ses trois sous-amendements.

Le premier concerne le transfert de données entre les opérateurs de télévision payante, et répond aux inquiétudes de la CNIL, en particulier sur la protection de la vie privée. Les fichiers transmis ne doivent comporter que le sexe, les nom et prénoms et l'adresse de l'abonné ; la date de l'abonnement n'est plus exigée, et l'administration ne doit pas conserver d'informations sur le diffuseur ou le distributeur de services payants, ni de données correspondant à des redevables déjà connus.

Tout soupçon d'inquisition doit ainsi être désormais écarté. Et pourquoi l'abonné bénéficierait-il d'un privilège de non-recensement contrairement à la personne qui achète un téléviseur au supermarché ?

Ensuite, le Gouvernement est attaché à l'équilibre trouvé par la loi de janvier 1978 et au respect de la directive de 1995, selon laquelle les fichiers nominatifs informatisés doivent être utilisés pour l'usage prévu, sauf exception encadrée et connue de l'intéressé. L'abonné sait donc que ses coordonnées peuvent être transmises à l'administration à compter du 15 avril 2004. De surcroît, le Gouvernement prévoit un recouvrement avec les mêmes garanties et sûretés qu'en matière d'impôt direct.

Enfin, le Gouvernement abandonne le rappel sur l'année précédente, en cas de non-paiement de la redevance, en vertu du principe de non rétroactivité de la loi. Ses sous-amendements écartent toute atteinte aux libertés publiques, ou aux principes juridiques d'équilibre et de proportionnalité. Ces dispositions auront un impact en 2004 sur les ressources de l'audiovisuel public, et sur l'article d'équilibre. A défaut, il faudra en tirer les conséquences budgétaires lors de l'examen du budget de l'audiovisuel public, à hauteur de 22 millions d'euros.

Pour l'avenir, le Gouvernement partage le souci du Parlement de réformer et d'améliorer l'efficacité de la redevance audiovisuelle et il est prêt à ouvrir ce débat, après consultation des élus locaux, notamment en ce qui concerne l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation.

M. Didier Migaud - A l'occasion de la « consolidation juridique » de la redevance, le Gouvernement modifie l'assiette de la taxe.

La nouvelle rédaction, plus large que celle du décret de 1992, laisse planer une ambiguïté sur l'éventuel assujettissement des ordinateurs personnels de l'assiette de la taxe.

M. Hervé Mariton - Le sous-amendement 480 précise la volonté du Gouvernement de ne taxer que les appareils de télévision.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à ces deux sous-amendements. Le texte de l'amendement 50 est parfaitement clair. Ne sont taxés que les appareils permettant la réception de la télévision.

M. le Ministre délégué - Le fait générateur de la redevance n'est pas modifié. Les micro-ordinateurs ne sont donc pas taxés.

M. Didier Migaud - Les débats parlementaires faisant foi, je retire le sous-amendement 464.

M. Hervé Mariton - Je retire également l'amendement 480.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 500 précise que seuls les téléviseurs détenus de façon permanente dans les résidences secondaires sont soumis à la redevance.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Sagesse.

M. Jean-Pierre Brard - Qu'en est-il en cas de résidences secondaires multiples ?

M. le Rapporteur général - Cette rédaction est plus précise. Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Sagesse.

M. Jean-Pierre Brard - Et lorsqu'on a plusieurs résidences secondaires, par exemple une à Saint-Tropez et une dans la vallée de la Maurienne ? Vous donnez encore une prime aux plus fortunés !

M. Patrice Martin-Lalande - La redevance sur les postes permanents doit être acquittée dans toutes les résidences.

M. Charles de Courson - Ce sous-amendement ne fait que répéter l'état du droit ! On doit en effet payer la redevance sur tous les postes permanents. Mais lorsque j'avais travaillé sur les fraudes et pratiques abusives, il y a huit ou neuf ans, j'avais évalué le taux de fraude à 90 % ! Comment en effet prouver qu'un poste est permanent, si l'on vous soutient qu'il vient de la résidence principale ?

M. Jean-Pierre Brard - Avec le sérum de vérité ! (Sourires)

M. Charles de Courson - Et la plupart du temps, les gens sont absents.

C'est un nouvel exemple de l'inadaptation de l'impôt. Je ne m'oppose pas à ce sous-amendement, mais je vous assure qu'il est inapplicable.

M. le Président - Mieux vaut encore ne pas avoir de résidence secondaire !

Le sous-amendement 500, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Le sous-amendement 465 permet de favoriser les petits hôtels, tout en évitant des effets d'aubaine pour les chaînes. En attendant la très hypothétique baisse de la TVA, il leur apporte une aide concrète et immédiate, avec un abattement général sur les dix premiers appareils de télévision puis un abattement de 35 % sur les postes suivants, jusqu'au trentième. L'abattement qui existe à partir du trente et unième poste est en revanche supprimé. Ne pas adopter ce sous-amendement ferait apparaître un décalage certain entre vos discours et la réalité.

M. Michel Bouvard - Plus il y a de trous dans le gruyère, mieux c'est !

M. le Président - Sur le sous-amendement 465, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur général - La commission a donné un avis défavorable à ce sous-amendement, ainsi qu'à tous ceux qui vont suivre. En effet, le remplacement de la redevance par une imposition de toute nature est un régime transitoire, prévu pour la seule année 2004. Nous avons donc rejeté tous les amendements qui modifiaient le régime actuel, notamment en matière d'exonérations.

M. le Ministre délégué - J'ajoute que ce sous-amendement ne pourrait pas s'appliquer aux seuls hôteliers. La rédaction entraînerait la modification du barème pour tous les établissements détenant des téléviseurs mis à la disposition du public ou d'usagers multiples.

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement a toujours de bonnes raisons pour refuser nos amendements, mais il ne s'est pas opposé, tout à l'heure, à une disposition qui va faciliter la fraude ! Qui va contrôler que le poste d'une résidence secondaire est bien permanent ? Sans compter les familles qui ont plusieurs résidences ! Si la rédaction n'est pas parfaite, vous pouvez nous aider à l'améliorer. L'hôtellerie mérite bien un peu de sollicitude de votre part, d'autant qu'elle risque d'attendre longtemps la baisse de la TVA que vous lui avez promise.

A la majorité de 40 voix contre 20 sur 60 votants et suffrages exprimés, le sous-amendement 465 n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Le sous-amendement 466 propose l'exonération des personnes âgées de plus de 60 ans qui ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu et à l'ISF. Il faut en effet étendre les exonérations actuelles, car la redevance peut être un impôt très injuste. Nous savons que les bénéficiaires de ce sous-amendement intéressent peu l'Union pour une Minorité de Privilégiés, mais nous vous donnons une occasion de prouver que le « P » d'UMP peut aussi vouloir dire « populaire ».

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à l'ouverture d'une nouvelle exonération.

Le sous-amendement 466, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Béatrice Pavy - Le sous-amendement 415 exonère les personnes handicapées de la redevance, à l'exception des redevables de l'ISF. Cela se justifie d'autant plus qu'un cinquième seulement des programmes du secteur public sont accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. L'année 2003 étant celle des handicapés, je pense que ce geste serait particulièrement bienvenu.

M. le Rapporteur général - Pas de nouvelle exonération pour un régime transitoire. Avis défavorable.

Le sous-amendement 415, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Depuis la semaine dernière, les plus riches ont vu leur impôt sur le revenu baisser de 30 000€. Le sous-amendement 510 propose beaucoup plus modestement une réduction de 100 € pour les bénéficiaires de l'ASS, ce qui serait un geste de solidarité et de justice.

Le sous-amendement 510, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - L'idée d'avantager les petites gens donne de l'urticaire à nos collègues ! Nous aimerions que leurs réactions soient moins sectaires : nous n'avons, pour notre part, pas hésité à voter le sous-amendement de Mme Pavy !

Le sous-amendement 511 veut supprimer les prébendes des privilégiés... (M. Charles de Courson proteste). M. de Courson sait de qui je parle, lui dont les ancêtres circulaient en chaise à porteurs !

M. Richard Mallié - Il suffit !

M. le Président - Monsieur Brard, on n'est pas responsable de ses ancêtres !

M. Jean-Pierre Brard - Je crois que vous avez toujours été fiers des vôtres, comme M. de Courson assume les siens. Ce sous-amendement propose donc d'exonérer les titulaires du RMI. Nos compatriotes vous regardent !

Le sous-amendement 511, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Dumont - Le sous-amendement 467 propose l'exonération de tous les titulaires du RMI, dont les difficultés économiques et sociales méritent une attention particulière au moment où l'on veut revenir sur le système de la redevance. Nous étions un certain nombre, depuis plusieurs années, à vouloir la supprimer. Ce combat se poursuit, budget après budget, contre un lobby parisien qui impose le maintien de privilèges exorbitants. Rappelez-vous ces contrats mirobolants signés par ce président d'une télévision publique qui distribuait l'argent à gogo ! N'était-ce pas un certain M. Elkabbach ? Il est grand temps de budgétiser les ressources de la télévision publique et de lui donner des règles précises et, en attendant, d'exonérer de la redevance les titulaires du RMI.

Le sous-amendement 467, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Nous avons démontré, tout au long du débat, combien est modeste l'augmentation de la prime pour l'emploi, rapportée aux avantages accordés aux contribuables imposés aux tranches supérieurs de l'impôt sur le revenu et à ceux qui acquittent l'ISF. Modeste, très modeste en vérité, puisque, contrairement aux affirmations mensongères faites par le Premier ministre sur TF1, elle est en moyenne de 1 € par mois et par bénéficiaire...

M. le Ministre délégué - Et de 480 millions en tout !

M. Didier Migaud - Il convient donc, ne serait-ce que pour permettre au Premier ministre de n'avoir pas tort, d'exonérer de la redevance les ménages titulaires de la prime pour l'emploi. Dans ce cas, oui, ils y gagneraient !

Le sous-amendement 468, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur le sous-amendement 469.

M. Didier Migaud - De nombreux foyers situés dans des zones de montagne ou des zones de revitalisation rurale ne reçoivent pas certaines chaînes hertziennes, notamment du service public de l'audiovisuel, puisqu'ils sont situés en dehors des zones de couverture. Ces ménages doivent donc être exonérés de la redevance à hauteur de 50 %.

Tel est l'objet du sous-amendement 469.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Festival de démagogie !

M. Didier Migaud - Vous nous y avez habitués en d'autres circonstances. Cet amendement peut provoquer un débat mais, de fait, il est des habitants qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer l'intégralité de la redevance alors qu'ils ne reçoivent pas toutes les chaînes publiques, et cela vaut pour de nombreuses zones. Sans doute M. Méhaignerie n'a-t-il pas connaissance de situations de ce genre dans sa circonscription, nous, si.

M. Charles de Courson - Vous nous proposez tout aimablement un abattement de 50 % de la redevance, mais nous ne vous avons rien demandé ! On n'est pas des Indiens au motif que l'on habite une zone de revitalisation rurale !... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Ne prenez pas vos collègues à partie ! La parole est libre.

M. Charles de Courson - ...C'est plus que de la démagogie, c'est n'importe quoi ! N'y aurait-il pas de gens riches dans ces zones-là ? Ah, elle est belle, la gauche ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - M. le président de la commission voudra bien se rappeler que, dans certaines zones, il faut payer deux fois : une fois pour l'installation des relais et leur entretien...

M. Michel Bouvard - C'est vrai !

M. Augustin Bonrepaux - ...puis la redevance ! Ce n'est peut-être pas le cas en Normandie, mais c'est comme ça en d'autres lieux. Est-ce normal ?

A la majorité de 38 voix contre 16 sur 56 votants et 54 suffrages exprimés, le sous-amendement 469 n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Faut-il maintenir une assiette spécifique sur les postes en noir et blanc, alors que le nombre de postes déclarés est d'environ 120 000, dont une partie doit, en réalité, être des postes couleur, que la vente de tels postes a cessé depuis longtemps, que l'existence d'un taux spécifique est un casse-tête pour le recouvrement et pour le contrôle ? Par le sous-amendement 411 corrigé, M. Hénart propose de mettre fin à cet anachronisme fiscal. En éliminant un facteur de fraude, on ferait de surcroît rentrer 53 millions de recettes pour le service de l'audiovisuel public.

M. le Président - Et si l'on exonérait les postes qui ne marchent plus ? (Sourires)

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. S'appliquerait-il à l'outre-mer, où la réception ne se fait qu'en noir et blanc ?

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement préférerait que la distinction soit conservée, mais il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Victorin Lurel - Habitant une zone montagneuse de la Guadeloupe, je ne reçois effectivement que deux chaînes publiques sur quatre... mais je peux vous assurer, Monsieur le rapporteur général, qu'elles sont en couleur... Il est temps que vous veniez nous voir !

M. Patrice Martin-Lalande - La mesure s'appliquerait en métropole.

Le sous-amendement 411 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson - Il est proposé, par le sous-amendement 496, de rendre obligatoire la représentation d'une pièce d'identité au moment de remplir la déclaration lors de l'acquisition d'un téléviseur. Cette mesure, dont j'avais demandé l'application en 1995 déjà, réduirait considérablement la fraude. Le taux de fraude, officiellement évalué à 7 ou 8 %, est en réalité beaucoup plus élevé. Les mesures, en effet, ne tiennent pas compte d'un grand nombre de postes dont personne ne connaît l'existence.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Notre collègue propose de créer une formalité substantiellement nouvelle alors que nous voulons seulement instituer de façon provisoire la redevance en imposition.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

Le sous-amendement 496, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - Au moment où la redevance va être consolidée, en devenant un impôt, le Gouvernement souhaite garantir l'égalité devant l'impôt, dans le respect des principes fondamentaux du droit. Dans ce sous-amendement 501, il revoit les conditions d'accès aux données des opérateurs de télévision payante. Le Gouvernement a tenu le plus grand compte de l'avis de la CNIL.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. Nous sommes conscients de la nécessité de combattre la fraude, qui conduit à faire payer davantage les honnêtes contribuables. Je reconnais en outre que le nouveau dispositif proposé par le Gouvernement est plus satisfaisant : au lieu de procéder à un croisement général et systématique, on n'utiliserait que des extraits de fichiers.

Toutefois, il s'agit d'une modification substantielle du dispositif actuel. Or l'amendement de la commission ne vise qu'à instituer de façon provisoire, pour l'année 2004, le mécanisme de la redevance.

M. le Président de la commission - La commission des finances a clairement indiqué son choix : 2004 ne peut être qu'une année de transition. Je remercie le ministre délégué de l'avoir confirmé. Mais il rentre par la fenêtre avec ce sous-amendement dont l'adoption consoliderait la redevance et mettrait en place un système bureaucratique pour une année.

Il existe une autre possibilité : adosser la perception de la redevance à la collecte de la taxe d'habitation, ce qui permettrait de dégager davantage de recettes et, je l'espère, de diminuer ainsi le montant de la redevance. Ce serait montrer que la réforme de l'Etat peut profiter au contribuable.

La commission des finances en restera à sa position. Il y a beaucoup de rapports parlementaires de qualité : il faut qu'au moins quelques-uns soient suivis.

M. Marc Laffineur - La majorité souhaite combattre la fraude, mais la MEC a fait un excellent travail. Ce n'est pas le moment de modifier le dispositif, puisqu'il va falloir tout reprendre l'année prochaine.

M. Pierre-Christophe Baguet - Attaché à la protection des libertés, je note l'effort du Gouvernement pour respecter l'avis de la CNIL.

M. Jean-Louis Dumont - Pour le contourner !

M. Pierre-Christophe Baguet - Non, le Gouvernement s'y conforme. Toutefois, notre cinéma est très fragile et les chaînes payantes sont ses premières contributrices. Nous ne pouvons nous permettre de les déstabiliser.

M. Patrick Bloche - On oublie l'essentiel dans ce débat : le financement de l'audiovisuel public. M. Lambert essaie, en restant dans le cadre fixé par l'amendement de la commission, de retrouver les 22 millions d'euros qu'il espérait dégager (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). M. Bouvard, nous le savons, prône la privatisation, mais ceux qui refusent l'affaiblissement de l'audiovisuel public se soucient de son financement. Il reste 22 millions à trouver, même si on a gratté 5,3 millions en supprimant le taux spécial applicable aux postes en noir et blanc.

M. Xavier Bertrand - Si, en 2000, le rapport de la MEC présenté par M. Migaud avait été suivi d'effet, nous n'en serions pas là ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Il y a une urgence, la consolidation juridique de la redevance, et une exigence, sa réforme. Mais la consolidation juridique ne peut se faire qu'au statu quo. Il faut donc s'en tenir à l'amendement de la commission.

M. le Ministre délégué - Si l'on souhaite garantir l'égalité devant l'impôt, il faut s'en donner les moyens.

J'ajoute que certaines dispositions ont été adoptées, contre l'avis du Gouvernement, sans qu'il soit tenu compte du caractère transitoire du dispositif approuvé par la commission.

Il faut prendre ses responsabilités. Je vous invite à adopter le sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement 501, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - Dès lors que la redevance audiovisuelle n'est plus codifiée au code général des impôts, il est nécessaire de préciser les modalités de contrôle, de recouvrement, de contentieux ainsi que les garanties, sanctions, sûretés et privilèges applicables. C'est l'objet du sous-amendement 502 du Gouvernement.

M. le Rapporteur général - Avis favorable. A partir du moment où la redevance devient une imposition de toute nature, même à titre temporaire, il faut préciser ses modalités de recouvrement.

Le sous-amendement 502, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement limitant la durée du nouveau régime juridique de la redevance audiovisuelle à l'année 2004 ne prend tout son sens que si, le plus tôt possible, le Gouvernement met en _uvre les mesures nécessaires à la réforme souhaitée par la commission des finances, dans un souci d'économie des frais de collecte de l'impôt.

Compte tenu de l'ensemble des actions à mener préalablement à la mise en _uvre de la réforme par adossement à la collecte de la taxe d'habitation, seule solution possible pour réduire significativement le coût d'intervention de l'administration fiscale, il est nécessaire, pour l'information du Parlement et de l'opinion publique, que le Gouvernement indique, dès la fin du mois de février prochain, les actions qu'il aura déjà menées, le calendrier des travaux et la manière dont il pourra négocier avec les personnels.

La concertation avec les élus, la façon dont pourront être utilisés, dès 2004, les dispositifs existants, sont aussi des informations utiles. Mon sous-amendement 284 rectifié vise donc à demander un rapport.

M. le Rapporteur général - Avis favorable, sous réserve d'une rectification : un tel rapport ne pourra être fourni en février. Il faudrait attendre le mois de mai.

M. Patrice Martin-Lalande - J'accepte cette rectification.

M. le Président - Il s'agit donc du sous-amendement 284, 2ème rectification.

M. le Ministre délégué - Est-il nécessaire de demander systématiquement des rapports dans nos lois ? On l'a trop souvent fait dans le passé. Le Gouvernement comprend votre intention, mais un tel rapport est-il utile ?

Le sous-amendement 284, 2ème rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 50 amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 20 est ainsi rédigé.

M. Augustin Bonrepaux - Il est près de 3 heures du matin et il nous reste 20 articles à examiner. Demain à 10 heures, la commission des finances entend MM. Sarkozy et Gaymard. Comment faire ? Sans doute faut-il réfléchir à l'organisation de nos travaux. Je souhaite notamment que l'on débatte de l'article sur les collectivités locales en toute sérénité, une fois que nous aurons reçu les simulations demandées. De toute façon, le groupe socialiste aurait besoin de se réunir quelques minutes.

M. le Président - J'ai réfléchi à la suite du débat, et j'ai fait annuler tout ce qui était prévu le matin pour nous permettre de poursuivre. Mais cela n'empêche pas le groupe socialiste de se réunir.

La séance, suspendue, à 2 heures 50, le mardi 21 octobre, est reprise à 3 heures 5

M. Augustin Bonrepaux - J'ai posé tout à l'heure une question importante. Les membres de notre assemblée sont épuisés. La majorité se remet encore, à l'heure où je parle, à la buvette ! Dans ces conditions, est-il raisonnable de prolonger un débat qui ne pourra de toute façon pas aller à son terme tant que nous ne disposerons pas des simulations que nous sommes en droit d'exiger ? La réforme dont nous avons à débattre va bouleverser toute la fiscalité des collectivités locales. Il est plus sage de suspendre nos travaux jusqu'à ce que le ministre délégué aux libertés locales apporte des réponses précises aux questions que nous avons soulevées. Nous sommes prêts à siéger dès 11 heures ce matin, afin que le budget puisse tout de même être voté dans l'après-midi.

M. Didier Migaud - Monsieur le Président, nous rendons souvent hommage à votre façon de présider et à votre détermination à conforter les droits de l'Assemblée nationale.

Il n'est pas sain de débattre au milieu de la nuit, en semaine, de sujets aussi importants. Demain, nous avons ici même nombre de réunions très importantes, de commission et de groupe. Nous devons notamment auditionner MM. Sarkozy et Gaymard. Lorsque les débats se prolongent le samedi, on peut toujours récupérer le dimanche ! Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Il ne serait pas digne d'expédier en quatre heures les vingt articles restant en discussion...

M. Michel Bouvard - Il n'y a presque plus d'amendements !

M. Didier Migaud - Je conçois que certains veuillent éluder les questions gênantes. Nous déplorons pour notre part l'absence de M. Fillon et de M. Devedjian pour répondre aux questions qui les concernent au premier chef.

On marche sur la tête ! Nous souhaitons que la Conférence des présidents se réunisse pour décider de la suite de nos travaux.

M. le Président - Messieurs Bonrepaux et Migaud, sachez que votre santé me préoccupe au plus haut point et que je suis toujours très attentif à la sérénité de nos débats. Mais ce n'est pas à des élus de longue date tels que vous que j'apprendrai qu'il est de tradition que l'examen de la première partie de la loi de finances se termine très tard. J'ai supprimé les séances de samedi pour que chacun prenne des forces en perspective de cette longue nuit...

M. Augustin Bonrepaux - Nous n'avions rien demandé !

M. le Président - Et cela a porté ses fruits puisque je vous trouve tous en pleine forme. Vous défendez vos amendements avec brio et nul ne peut dire que la discussion s'est enlisée puisqu'il ne reste que 63 amendements à examiner sur les 400 déposés.

Reprenant une tradition de la Vème République connue de tous, nous allons poursuivre l'examen de cette première partie. Vous ne siégez pas ce matin et vous conviendrez que les réunions de groupe ne sont pas très fatigantes !

M. Eric Besson - Je souscris aux propos de MM. Bonrepaux et Migaud. Il reste vingt articles à examiner,...

Plusieurs députés UMP - Raison de plus pour s'y mettre tout de suite !

M. Eric Besson - ...certains traitant de sujets aussi essentiels que le transfert à l'ASS. Je ne suis pas un surhomme, ma résistance physique a des limites après une journée passée dans ma circonscription et j'estime qu'il est anormal d'engager à cette heure la discussion de ces articles. Il est peut-être habituel de procéder de la sorte - bien qu'en règle générale, la discussion de la première partie s'achève plutôt un samedi matin - mais il faut aussi savoir faire évoluer les traditions !

M. le Président - Je ne ferai à personne le reproche d'être fatigué. Je rappelle simplement que j'ai supprimé les séances de samedi pour que chacun puisse reprendre des forces.

M. Jean-Louis Dumont - Comme il est de règle pour un parlementaire rural, j'ai passé mon samedi et mon dimanche sur le terrain : remise de médailles, inaugurations, bal des anciens combattants... l'emploi du temps était chargé, alors même que je n'avais quitté l'hémicycle que dans la nuit de vendredi à samedi... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - J'ai supprimé les séances de samedi pour vous permettre d'inaugurer et d'aller au bal ! (Sourires)

M. Jean-Louis Dumont - Dire que l'on aménage l'ordre du jour pour nous permettre de prendre du repos, c'est prendre le risque d'alimenter l'antiparlementarisme primaire...

M. le Président - Personnellement, je n'en suis pas suspecté !

M. Jean-Pierre Brard - Je dois le confesser, nous sommes pour partie responsables de notre présence à cette heure avancée de la nuit. Merci, Monsieur le Président, pour votre sollicitude quasiment paternelle...

M. le Président - C'est en effet à votre demande que j'ai supprimé les séances de ce samedi.

M. Jean-Pierre Brard - Notre effort de pédagogie porte ses fruits puisque, hier, dans les ateliers d'artistes de Montreuil, j'ai beaucoup entendu parler de nos débats. Certains collègues de la majorité ont hâte d'aller se coucher, mais de notre côté, nous sommes prêts à aller jusqu'au bout de ce débat.

APRÈS L'ART. 20

M. Michel Bouvard - L'ensemble du pôle de télévision publique comporte cinq chaînes, dont deux - France 2 et France 3 - ont une vocation généraliste. Le maintien de deux chaînes généralistes dans la sphère audiovisuelle publique ne se justifie pas pleinement, aussi l'amendement 72 tend-il à privatiser France 2.

M. le Rapporteur général - Ce serait un excellent moyen de réduire le poids de la redevance, mais la commission a rendu un avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - M. Bouvard a envie d'aller dormir, donc il vend tout et on s'en va ! Pour nous, républicains, il est important, ce service public que vous dépecez. Vous avez déjà fait de même avec Thomson, vous vous souvenez, ça ne valait qu'un franc... A nouveau, le rapporteur général et le ministre délégué sont moins extrémistes que nombre de députés.

M. Didier Migaud - Face à un tel amendement, comment la commission et le Gouvernement peuvent-ils rester muets ?

M. le Rapporteur général - On l'a refusé !

M. Augustin Bonrepaux - Sans motiver votre refus !

M. Didier Migaud - Vous êtes si elliptiques que l'on peut craindre le pire ! D'ici quelques mois, cet amendement pourrait être repris pour financer l'audiovisuel public. A nouveau, je regrette que l'on laisse dormir M. Aillagon à 3 heures 20. De même, nous regretterons dans quelques instants l'absence de MM. Fillon et Devedjian.

M. Michel Bouvard - J'ai déposé cet amendement pour ouvrir le débat...

J'ai compris que le Gouvernement allait réfléchir au devenir du financement de l'audiovisuel public, mais cette question doit être liée à celle de son périmètre, et le Parlement doit pouvoir en débattre. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je le reprends (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Chacun doit assumer ses opinions. Evidemment, je voterai contre cet amendement que j'ai repris.

M. Augustin Bonrepaux - Il n'est pas acceptable que le Gouvernement et la commission restent muets sur une question aussi importante.

A la majorité de 45 voix contre 3 sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, l'amendement 72 n'est pas adopté.

ART. 21

M. Augustin Bonrepaux - L'application de la LOLF sert de prétexte à la réduction des crédits.

Concernant le FNDAE, le rapport de M. Carrez est quelque peu contradictoire. D'un côté, la mission de ce fonds serait accomplie, le taux national de desserte en eau potable des communes rurales dépassant les 99 %. De l'autre, 2,2 milliards d'euros par an sont encore nécessaires jusqu'en 2005 pour financer les besoins en eau potable et l'assainissement des communes rurales. Or, que fait-on pour répondre à ce besoin ? L'année dernière, vous avez réduit les crédits de 60 % ! Ce sont donc les consommateurs d'eau potable qui financent la dépollution des installations agricoles ! L'année dernière, les crédits ont été réduits de 60 % et l'on nous présente comme un grand progrès qu'ils ne le soient que de 40 % cette année ! Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il raisonnablement proposer une loi pour le développement des territoires ruraux en imposant de tels prélèvements aux collectivités ? Car ce ne sont pas les seuls ! Vous faites beaucoup de promesses, mais nous ne voyons que des réductions de crédits !

M. Jean-Louis Dumont - Cet article arrive à un bien mauvais moment ! Au cours de ce week-end, nous avons aussi parlé des communes qui n'ont plus d'eau, des nappes phréatiques au plus bas, de notre capacité à fournir tout le territoire... Depuis plusieurs années, le milieu rural s'inquiète de l'assainissement de l'eau, notamment dans les communes aux faibles ressources. Je pense que la mesure qui nous est proposée va encore assombrir l'avenir.

Quant aux agences de bassin, il me semble qu'elles ont des responsabilités importantes, y compris dans le secteur urbain. Elle contribuent notamment à la lutte contre le saturnisme en modernisant les canalisations. A cet égard, en tant que rapporteur du budget du logement au cours de la dernière mandature, j'ai dénoncé le comportement de l'agence Seine-Normandie. J'ai le sentiment que l'Etat se désengage au moment où l'on aurait le plus besoin de ses crédits.

M. le Rapporteur général - L'amendement 499 est de coordination.

M. le Ministre délégué - M. Bonrepaux, nous n'agissons pas « au détour » de la loi organique : elle nous oblige à agir ! Par ailleurs, les financements du FNDAE et du FNSE sont intégralement budgétés. Il n'y a absolument aucune régulation sur le FNDAE. En revanche, sans doute devons-nous nous interroger sur le formalisme attaché à la consommation des crédits, qui ralentit les projets. Enfin, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole est très important et je ne comprends pas que vous y soyez opposés.

Sur l'amendement 499, avis favorable.

M. Augustin Bonrepaux - Je ne peux laisser dire ça !

M. le Ministre délégué - Vous doutez de ma parole ?

M. Augustin Bonrepaux - Nous n'avons pas les crédits ! Dans mon département, ils baissent cette année de 70 %. On ne peut laisser dire ici que les crédits existent, ce n'est pas sérieux ! Les crédits du FNDAE ont été réduits en moyenne de 30 %. Ne venez pas dire qu'il n'y a pas de réduction !

M. le Ministre délégué - Il n'y a pas de régulation !

M. Augustin Bonrepaux - Une réduction, c'est pire qu'une régulation ! Monsieur le président de la commission des finances, ces crédits ont été supprimés à l'initiative de votre commission, et ils ne sont pas rétablis pour 2004. Le rapport lui-même mentionne une réduction de 40 % !

L'amendement 499, mis aux voix, est adopté.

L'article 21 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22

M. Jean-Claude Sandrier - L'article 22 prévoit la clôture du compte d'affectation spéciale « fonds national pour le développement de la vie associative », en conformité avec l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances. Les opérations en cours sont affectées au budget de l'Etat, et la pérennité des missions du fonds serait garantie par l'ouverture d'un nouvel article de la section « jeunesse et enseignement scolaire ». Cela sonne comme une déclaration de bonnes intentions, de la part d'un Gouvernement qui a déjà largement prouvé sa désinvolture envers le secteur associatif.

Le fonds national pour le développement de la vie associative a été créé par la loi du 29 décembre 1984, sous la forme d'un compte d'affectation spéciale du Trésor. Il est financé par une partie du prélèvement sur le pari mutuel. Ses subventions aux associations permettent de développer les valeurs associatives de solidarité et de citoyenneté et des actions de formation individuelle et collective. M. Carrez affirme n'avoir de leçon à recevoir de personne et il invoque le mécénat. Il semble oublier que les parlementaires ne sont pas des chefs d'entreprise ! La valeur sociale ajoutée par les associations doit être reconnue non pas par les entreprises, mais par les pouvoirs publics.

M. le ministre ne pourra continuer à rester muet : le Gouvernement gèle et annule des crédits destinés aux associations ; il supprime les emplois-jeunes et les contrats emploi solidarité et contrats emploi consolidés, qui étaient les seuls permanents de ces structures. Il comprendra nos réserves sur cet article. Nous serons particulièrement vigilants quant au respect par le Gouvernement de ses engagements.

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement confirme-t-il que les crédits du fonds seront au moins égaux à ceux de l'an dernier ? Sa budgétisation, comme cela a été le cas pour le FNDAE, ne sert-elle pas à dissimuler des pertes de crédits ?

Selon le ministère de l'économie, les prévisions sont de 11 millions pour les recettes et de 9,67 millions pour les dépenses. Le taux de consommation s'établirait à 88 %. Comme d'habitude, la sous-consommation des crédits justifie leur réduction ! Pouvez-vous préciser les chiffres des crédits de l'an dernier et de 2004 ?

M. Jean-Louis Dumont - Les crédits du FNDVA sont destinés à financer l'innovation, la recherche, le soutien aux associations, mais surtout la formation des militants et des bénévoles. L'article 22 s'inscrit dans une démarche beaucoup plus globale que les simples modifications dues à la LOLF, et le mouvement associatif est très inquiet pour son avenir.

Des relations très denses avaient été tissées avec les pouvoirs publics, et les alternances des vingt dernières années n'avaient pas entamé cette dynamique de travail. Mais aujourd'hui, il semble qu'on veuille cantonner le mouvement associatif dans des activités mineures. C'est oublier toute son importance pour l'éducation populaire et la richesse culturelle, économique et sociale qu'il représente. Soyons donc vigilants pour éviter d'étouffer un élément essentiel du lien social.

L'article 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Charles de Courson - L'article 23 tire les conséquences de la loi organique, qui nous oblige à faire disparaître le BAPSA, et crée un établissement public administratif pour gérer le fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles. A quoi sert cet établissement, et quelles seront ses relations avec la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ?

Par ailleurs, c'est la première fois que je vois un établissement public administratif doté d'un conseil d'administration composé exclusivement de représentants de l'Etat et d'un conseil de surveillance composé d'élus politiques et de représentants socioprofessionnels. Cette structure est inspirée du droit des sociétés et on ignore tout des pouvoirs du conseil d'administration face au conseil de surveillance.

En ma qualité de rapporteur spécial sur le BAPSA, ma position a toujours été aussi simple que constante : il faut supprimer le BAPSA, qui n'est qu'un compte reflet, et s'appuyer sur la mutualité agricole. En bref, confions ce budget à la caisse centrale de la MSA, cela fera un organisme de moins ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - L'article 23 nous est présenté comme un article technique et neutre, tendant seulement d'appliquer la LOLF, nous dit-on. Evidemment, il n'en est rien, et l'on saisit l'occasion pour supprimer le débat public sur la protection sociale des agriculteurs. Sans ce débat, il sera bien sûr plus facile de réduire le soutien public à la mutualité sociale agricole, dont les ressources vont, de surcroît, baisser à mesure que la contrebande de tabac va augmenter.

Il faut affecter une dotation du budget de l'Etat à la protection sociale agricole de manière systématique et non, seulement, le cas échéant comme vous le prévoyez.

C'est donc la disparition pure et simple du BAPSA que vous programmez, et les agriculteurs apprécieront de voir leur protection sociale confiée à une institution au fonctionnement opaque. Nous ne pourrons voter cet article.

M. Yves Censi - Même s'il est bon, en effet, de replacer les choses en perspective, on peut être plus constructif que ne l'a été mon collègue Brard. Il est vrai que la question n'est pas seulement technique, et que nous posons aujourd'hui les jalons d'un futur régime de la protection sociale agricole, actuellement géré, sous le contrôle du Parlement, par les ministères de l'agriculture et du budget en concertation avec les organisations agricoles et le réseau des caisses décentralisées de la MSA. On constate que le principe de subsidiarité fonctionne bien dans cette organisation, et que transparence et concertation sont assurées par le débat public, au Parlement, pendant la discussion budgétaire, puisque la caisse centrale de la mutualité agricole doit rendre compte de sa gestion.

Il convient donc de préserver la spécificité d'un régime auquel nous sommes tous attachés. Or ce n'est pas ce que le Gouvernement nous propose. Pour être direct, je ne souhaite pas que trois directeurs d'administration centrale, aussi doués soient-ils, décident à eux seuls des orientations et de l'avenir de la protection sociale agricole. J'ai donc déposé des amendements à ce sujet.

M. Jean-Louis Dumont - Une page se tourne de l'histoire de la mutualité agricole, et l'on ne peut que s'interroger sur son avenir. Comme vos prédécesseurs, vous parlez de « simplification » et de « responsabilisation » et, à cette fin, vous souhaitez créer un nouvel établissement dont Charles de Courson a dit tout le mal qu'il faut en penser. Si l'on souhaite vraiment une gestion plus responsable et plus transparente, confions-là donc à la caisse centrale de la MSA, et créons une ligne budgétaire à cet effet. Quoi de plus simple ?

M. Yves Censi - Le remplacement du BAPSA par un fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles doit s'accompagner de garanties sur le financement du régime agricole, que l'amendement 283 tend à réintroduire, en spécifiant que la politique sociale agricole relève du ministre chargé de l'agriculture et que le fonds n'étant qu'un outil de financement non doté de la personnalité juridique, il n'est pas, en tant que tel, un établissement public administratif ; seule sa gestion est assurée par un tel établissement.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Cet établissement public permettra d'éviter que la protection sociale agricole ne soit totalement soustraite au regard de l'Etat, qui contribue pour 80 % à son financement. Il fallait trouver un compromis entre étatisation complète et banalisations : c'est ce qui a été fait. Bien entendu les ministres concernés joueront un rôle majeur dans la préparation du budget du fonds, mais il n'était pas possible de déroger aux règles qui régissent les établissements publics administratifs. Cela étant, je prends l'engagement que le décret précisera que le fonds agira sous l'égide du ministère de l'agriculture et selon les règles des établissements publics. Je propose donc le maintien du texte initial, s'agissant du premier alinéa de votre amendement. Quant au deuxième alinéa, il sera satisfait par l'amendement 512, qui précise le texte. Je vous invite donc à retirer l'amendement.

M. Yves Censi - Je prends acte des précisions du Gouvernement, et je retire l'amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je le reprends.

L'amendement 283, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - Il s'agit, par l'amendement 512, de faire apparaître dans les comptes de l'établissement public, par souci de transparence, les recettes et les dépenses du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.

L'amendement 512, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 210 tombe.

M. Yves Censi - L'amendement 275 est défendu.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Charles de Courson - Le Gouvernement pourrait-il nous expliquer comment tout cela va fonctionner ?

M. le Ministre délégué - J'ai déjà répondu.

Plusieurs députés socialistes et communistes et républicains - Non !

L'amendement 275, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - Les amendements 51, 52 et 54 sont rédactionnels.

Les amendements 51, 52 et 54, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Yves Censi - En l'état actuel, le budget annexe des prestations agricoles - BAPSA - prévoit, en dépense, une ligne spécifique relative à l'étalement et à la prise en charge des cotisations sociales des agriculteurs en difficulté dite « ligne AGRIDIFF ». L'article, qui crée un fonds de financement des prestations sociales agricoles en remplacement du BAPSA, ne prévoit pas cette ligne AGRIDIFF dans les dépenses du fonds. L'amendement 282 tend à la réintroduire.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - La multiplication des mécanismes d'intervention nuit à l'efficacité générale. Nous disposons déjà de deux dispositifs et le maintien de celui-ci ne me semble pas indispensable. Je demande le retrait de l'amendement.

M. Yves Censi - Il faut toutefois maintenir une ligne spécifique, qui n'existe pas ailleurs. Si tel était le cas, je retirerais l'amendement.

M. le Ministre délégué - J'en prends l'engagement.

M. Yves Censi - L'amendement 282 est retiré. L'amendement 276 est défendu.

L'amendement 276, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Censi - L'amendement 277 est défendu.

L'amendement 277, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 23 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - Je demande au Gouvernement de porter attention aux réflexions du rapporteur général et de M. de Courson. Avec la MSA, nous disposons d'un réseau remarquable pour la prise en compte des problèmes quotidiens. Il ne faudrait pas que l'établissement public le casse.

ART. 24

M. Jean-Pierre Brard - Cet article est la conséquence de l'article 18. Je veux rappeler notre conception du financement de la protection sociale.

Nous souhaitons supprimer le FOREC parce qu'il représente les exonérations de charges sociales et l'augmentation des impôts les plus injustes, qui touchent l'ensemble des assurés sociaux. Nous avons mis au point une alternative crédible aux exonérations, en nous fixant un double objectif : l'extinction progressive des dispositifs d'allégement des cotisations sociales de l'employeur sur les bas salaires communément appelés « ristourne Juppé » et de ceux qui relèvent de la deuxième loi Aubry ; la promotion, à l'occasion d'une réduction du temps de travail, d'un nouveau dispositif d'incitation par l'allégement des charges financières en contrepartie de créations effectives d'emploi et de formation.

Les entreprises auraient le choix entre ces deux types d'allégement alternatifs, limités dans le temps à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire totale.

Ce dispositif soutiendrait l'emploi et relancerait la croissance tout en nous permettant d'économiser les fonds publics.

Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur notre projet alternatif, qui sera débattu, je l'espère, pendant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Après la suppression du FOREC et la réaffectation de ses recettes, le problème se pose de l'affectation et, partant, de l'utilisation qui est faite des taxes sur les consommations d'alcool et de tabac.

Au moyen du FOREC, on a en effet dénaturé ces taxes puisque leur produit a été affecté à d'autres fins que la prévention et les soins. Or il est regrettable que le produit de ces impôts serve à financer les exonérations de charges sociales patronales. Les considérations de santé publique et la prévention de la tabagie mériteraient d'être plus sérieusement pris en compte. Le Président de la République n'a-t-il pas fait de la lutte contre le cancer une priorité nationale ? Qui ne le rejoindrait sur ce point ?

M. Charles de Courson - Favorable à la suppression du FOREC, le groupe UDF approuve aussi cet article, à une réserve près : affecter au BAPSA 50 % des ressources tirées du tabac me paraît très dangereux. Ces recettes vont représenter 30 % de ce budget annexe. Comme nous n'atteindrons pas le niveau prévu, il y aura un déficit, qu'il faudra compenser par une subvention d'équilibre du budget général.

Mieux vaudrait voter une telle subvention d'entrée de jeu.

M. Augustin Bonrepaux - C'est certainement par erreur que mon amendement 532 a été rattaché à cet article. Je demande qu'il soit reporté à l'article 40.

M. le Président - D'accord.

L'article 24, mis aux voix, est adopté.

ART. 25

M. Charles de Courson - Le groupe UDF souhaite, comme le Gouvernement, combattre le tabagisme. Nous voulons aussi une évaluation réaliste des recettes. Après la hausse de 20 % intervenue hier et la nouvelle hausse prévue pour le début de l'année, la consommation réelle risque d'augmenter en raison de l'explosion des ventes clandestines. Celles-ci, en 2002, représentaient 6 % du marché. En 2003, la consommation légale a diminué de 7 à 8 % alors que la consommation réelle, d'après les tests des cigarettiers, n'a reculé que de 1 à 2 %. Dans la Marne, les cigarettes viennent massivement de Belgique et du Luxembourg. Les ventes clandestines représentent déjà 12 % du marché local. Avec la double hausse, nous aboutirons à une situation à l'anglaise, dans laquelle 25 % des ventes sont clandestines.

La hausse excessive des prix va provoquer des importations massives à des prix inférieurs aux prix français avant la hausse. Avec l'Espagne en effet, le rapport est de un à deux. Il en va de même avec le Luxembourg. Les prix en Belgique sont inférieurs de 30 % aux nôtres.

Ainsi, la consommation réelle va augmenter mais l'Etat subira une perte de recettes. L'élasticité au prix est normalement de 0,3. Mais en cas de hausse supérieure à 20 %, elle peut être supérieure à 1 s'agissant des ventes légales, en raison de l'explosion du marché clandestin.

Outre le problème de santé publique, de nombreux buralistes sont menacés, malgré les mesures prises par le Gouvernement : la situation ne sera pas trop mauvaise dans le Cantal, mais il en ira tout autrement dans toutes nos bordures extérieures.

Le groupe UDF ne votera pas une telle hausse. C'est une véritable erreur qui aboutira à une perte de recettes. Vous estimez le produit de ces droits sur le tabac à 800 millions, plus la TVA. Vous ne les aurez pas. D'ailleurs, vous avez déjà donné plus de 120 millions pour calmer la colère des buralistes. Il faut augmenter au maximum de 15 à 18 %.

M. François Grosdidier - Pour des raisons familiales, je suis particulièrement attaché à la lutte contre le tabagisme. Cependant, comme élu d'une région frontalière, je crois nécessaire de réfléchir aux modalités de ce combat.

En Moselle, 50 000 travailleurs franchissent chaque jour la frontière vers le Luxembourg, la Belgique ou l'Allemagne. Fumeurs ou non, ils reviennent avec des cargaisons entières. Sans même parler de la contrebande, il y a là une importation légale contre laquelle nous ne pourrons rien faire avant une harmonisation européenne des prix du tabac.

Pour réduire la consommation, mieux vaut améliorer le remboursement du « patch » et interdire les additifs dans le tabac. Il est nécessaire, en outre, que le produit de toute augmentation soit affecté au budget de la santé.

J'ai noté avec intérêt les mesures prises par le Gouvernement en faveur des buralistes, mais elles resteront insuffisantes. Or ces préposés de l'Etat ne sont pas protégés comme les fonctionnaires, ni même comme les salariés. Quand ils déposent leur bilan, ils n'ont droit qu'au RMI.

Comme un certain nombre de collègues raisonnables, je propose de nous en tenir à la hausse de 20 % qui vient d'intervenir.

M. le Président - Sur le vote de l'article 25, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.

M. Richard Mallié - Aux arguments qui viennent d'être présentés, j'ajoute que selon la commission des comptes de la sécurité sociale, ce ne sont pas 1 000 millions mais 200 millions d'euros que procurera l'augmentation de 2003. On sait l'impact des hausses sur les ventes. Mais y en a-t-il un sur la consommation ? Dans la banlieue de Marseille, on a découvert des machines à fabriquer des cigarettes de contrebande. De plus leur qualité, leur origine incertaines peuvent créer des problèmes de santé publique. D'autre part, allez sur Internet, vous trouverez 12 pages de sites qui vous permettent d'avoir des cartouches de cigarettes livrées à domicile pour 18,50 à 20 €.

Alors, faire des recettes sur le tabac, lutter contre le cancer, oui. Mais malheureusement, en parallèle nous n'avons pas les moyens de lutter contre la contrebande et Internet. Enfin, les buralistes sont des commerçants de proximité dont les recettes et la valeur du fonds vont diminuer. C'est dramatique.

Je défends donc l'amendement 281 de M. Gilles qui supprime le II de l'article. Pour trouver les 300 millions, il faudrait, dans les recettes de consommation affectées au BAPSA, passer à 53 %. Mais seul le Gouvernement peut le faire.

Monsieur le ministre, en décembre 2002 je vous mettais en garde contre l'explosion de la contrebande, mais vous n'avez pas accepté de renforcer les sanctions. Cette année, vous dites le vouloir. Je vous en conjure, ne perdons pas de temps.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas adopté cet amendement, simplement car nous avons besoin de ces 300 millions pour financer le BAPSA. M. de Courson a raison, le financer à une telle hauteur par ce moyen rend ce budget fragile. La commission des finances sait bien aussi qu'une hausse de près de 60 % en 9 mois suscite le développement de la contrebande et je ne peux que confirmer ce que dit M. Mallié. Nous n'avions pas d'autres solution, mais dans notre esprit c'est vraiment l'ultime augmentation car nous entrons dans une phase de rendement dégressif de cette taxe.

M. le Ministre délégué - Je confirme que nous avons besoin de ces 300 millions pour le BAPSA. Notre choix a été assez prudent pour garantir cette ressource, sachant qu'il est bien entendu nécessaire de lutter contre la contrebande. Mais j'ai bien entendu votre message, je l'entends aussi sur le terrain en tant qu'élu local. A un moment donné, le rendement de l'impôt est dégressif. Mais ne pas voter ce qui vous est proposé, ce serait mettre le budget en difficulté (Mouvements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

Cela étant, les fabricants ne vont peut-être pas répercuter toute la hausse de la fiscalité sur les prix. Enfin, nous avons déjà fait un effort pour les buralistes, et nous resterons très attentifs à la situation de ces auxiliaires de l'Etat qui jouent un rôle de proximité très important. Nous ne les laisserons pas au bord du chemin. En revanche, fusionner le droit de consommation et la taxe BAPSA comme le propose M. Mallié n'apporterait rien au budget. Je vous demande de voter cet article, et je serai votre interprète auprès de M. Mattei pour qu'il ne soit plus envisagé de nouvelle hausse avant d'en mesurer toutes les conséquences.

M. Jean-Louis Dumont - A une certaine époque, les droits sur le tabac procuraient des recettes de poche. Ce soir, M. le ministre nous dit que c'est l'équilibre financier de la nation qui est en cause, alors même que d'un produit quelconque le tabac est devenu produit dangereux. D'un côté le ministre de la santé nous parle de prévention, de l'autre celui du budget nous parle d'un élément essentiel pour les finances. Il va falloir sortir de la contradiction : protection de la santé publique, ou source de recettes pour l'Etat ?

M. Eric Besson - La semaine dernière, on nous disait que la hausse du prix du gazole visait d'abord à protéger l'environnement. Le rapporteur général a fait voler cette fiction en éclats : il s'agit d'une préoccupation bassement, et légitimement, budgétaire. De même, taxer le tabac était une préoccupation de santé publique. Le ministre vient de dire qu'elle est d'abord budgétaire. D'ailleurs, cette hausse risque même de nuire à la santé publique, étant donné la qualité douteuse des cigarettes de contrebande.

Ainsi, pour baisser l'ISF, pour baisser de 3 % l'impôt sur le revenu, vous êtes obligés de prélever sur le gazole et le tabac ; la démonstration vient d'en être faite.

M. le Ministre délégué - Ne déformez pas ainsi mes propos, ce n'est pas très délicat. Le relèvement des droits sur le tabac est d'abord un sujet de santé publique. Ensuite, la hausse fait l'objet d'une estimation dont le montant est inscrit au budget. Si cette recette était supprimée au dernier moment, elle nous ferait défaut. Cela étant, la raison commande de réfléchir encore. C'est pourquoi, en application de l'article 44, alinéa 3, je demande la réserve du vote sur l'amendement 281 et sur l'ensemble de l'article 25.

M. Didier Migaud - Pourquoi ?

M. Hervé Morin - Et alors qu'un scrutin public a été annoncé !

M. le Président - C'est un prérogative du Gouvernement qui peut l'utiliser à tout moment.

M. le Rapporteur général - L'amendement 398 est de coordination.

L'amendement 398, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - On est motivés mais on aime bien comprendre ! Pourquoi le Gouvernement demande-t-il la réserve sur le vote de cet amendement et de cet article ? A-t-il peur d'être minoritaire dans cette assemblée ? Craint-il sa majorité ?

M. le Ministre délégué - La demande de réserve est de droit et je ne pensais pas surprendre votre assemblée en l'utilisant. J'ai mes raisons pour le faire et je n'ai pas à me justifier. Comprenez, Monsieur Migaud, que n'espérant pas que vous votiez selon la recommandation du Gouvernement, je prenne le temps de donner des éléments d'information complémentaires à la majorité. Tel est le motif qui justifie la demande de réserve.

M. le Président - L'article 44, alinéa 3, que M. Migaud connaît parfaitement tant il en a été fait naguère un usage intensif, n'oblige pas le Gouvernement à exposer ses raisons.

M. Jean-Pierre Brard - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 4 heures 30, est reprise à 4 heures 40.

M. Jean-Pierre Brard - Merci, Monsieur le Président, de me donner la parole pour un rappel au Règlement. Comme nous, nos collègues du groupe UDF ont été choqués de la demande discrétionnaire du Gouvernement de réserver le vote...

M. Charles de Courson - Nous n'avons pas besoin de porte-parole !

M. Jean-Pierre Brard - Bien que vous ayez le souci légitime que le débat avance, vous protégez, Monsieur le Président, les droits de l'opposition dans cette assemblée. Mais il semble que vous impressionniez nos collègues de l'UDF au point qu'ils aient finalement renoncé à demander la vérification du quorum, après l'avoir brièvement envisagé ! Je vous le demande tout net : craignent-ils que vous exerciez des pressions sur M. Morin, élu dans le même département que vous ? (Murmures sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. le Président - J'ai beaucoup d'amitié et d'estime pour M. Morin, Normand comme vous et comme M. le ministre. Je le respecte pour son caractère et pour son indépendance. Je ne fais pas plus pression sur lui que sur quiconque et je vous rappelle qu'il n'est pas de règle qu'un député s'exprime à la place d'un membre d'un autre groupe.

M. Charles de Courson - Le BAPSA est alimenté par la cotisation de solidarité sur les sociétés et par les droits sur les tabacs. En l'examinant, nous avons découvert que le Gouvernement avait décidé de porter de 3,40 % à 5,70 % le taux de la cotisation sociale de solidarité ! Qui paye cette cotisation ? Les exploitants de structures inférieures à la moitié de la surface minimum d'installation et les associés non exploitants des sociétés de personnes assujetties au régime des non-salariés agricoles. Je vous le dis tout net : c'est une folie que de faire cela ! Au regard du droit communautaire, la base juridique de cette cotisation est déjà plus que fragile, puisqu'elle n'ouvre droit à aucune prestation en contrepartie. Et si on veut faire fuir de l'agriculture tous les apporteurs de capitaux, augmentons le taux de 3,40 % à 5,70 % ! Nous avons déjà eu ce débat l'année dernière alors que j'étais rapporteur du BAPSA. Il faut savoir que nombre de caisses ne recouvrent pas ces cotisations. Est-ce conforme au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ?

Le Gouvernement tablait sur une augmentation du produit de la cotisation de plus de 50 millions - 82 millions contre 30 millions précédemment. Las, le produit reste stable à 30 millions, cependant qu'on nous promet 84 millions pour 2004. Pour nous empêcher de renouveler cette erreur, l'amendement 211 tend à plafonner à 3,40 % le taux de la cotisation.

M. le Rapporteur général - La commission ne l'a pas examiné et j'y suis personnellement défavorable. Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion de l'examen de l'article 43 du projet de loi de finances pour 2003. Nous sommes parvenus à une rédaction satisfaisante de cet article. A partir de là, il revient au Gouvernement de prendre le décret fixant le taux et l'assiette de cette cotisation.

D'après mes informations, le décret est sur le point de sortir, et il n'est pas souhaitable de revenir sur une question déjà tranchée l'an dernier.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - L'amendement 212 tend à limiter une éventuelle hausse du plafond minimum de cotisation de l'assurance vieillesse agricole.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis défavorable, en raison des difficultés du financement du BAPSA.

L'amendement 212, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Le vote sur l'article 25 est réservé...

ART. 26

M. Didier Migaud - L'amendement 245 tend à supprimer l'article 26 qui correspond à une simple débudgétisation.

M. le Rapporteur général - Défavorable, car cet article permettra d'unifier, de simplifier et de coordonner les aides à la recherche.

L'amendement 245, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 26, mis aux voix, est adopté.

ART. 27

M. Jean-Claude Sandrier - L'article 27 porte sur la majoration des tarifs de la taxe d'aviation civile, afin de financer une mesure nouvelle de 30 millions d'euros correspondant au versement aux collectivités d'outre-mer d'une dotation de continuité territoriale.

Cette dotation a été instituée par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet dernier, afin de compenser le prix élevé des billets d'avion. Malheureusement, le principe de la continuité territoriale n'a été retenu que pour les trajets entre les collectivités d'outre-mer et la métropole, et non entre les collectivités elles-mêmes, alors qu'un billet Fort-de-France-Cayenne, coûte aussi cher qu'un billet Fort-de-France-Paris.

De surcroît, l'avantage consenti était bien moindre que celui dont bénéficie la Corse, qui s'élève à 616 € par habitant, contre 11,5 € pour l'outre-mer.

Il est par ailleurs injuste que le principe de la continuité territoriale ne s'applique qu'aux habitants de l'outre-mer qui se rendent en métropole, et en exclut les personnes originaires d'outre-mer qui vivent en métropole, très souvent pour échapper au chômage.

Enfin, cette dotation ne concerne que le transport des personnes et non le fret, alors que les difficultés de développement économique de l'outre-mer liées à leurs handicaps structurels commandent un abaissement du coût du fret sur l'importation des intrants destinés à être utilisés ou transformés localement.

L'enveloppe de 30 millions d'euros ne saurait donc suffire à rendre effectif le principe de la continuité territoriale pour les neuf collectivités d'outre-mer.

La commission des finances a adopté un amendement visant à supprimer l'article 27. Aucune indication n'étant donnée sur un dispositif budgétaire alternatif, nous ne pouvons approuver cet amendement.

M. Charles de Courson - L'amendement 56 de la commission tend à supprimer cet article. La commission n'approuve pas la hausse de 13 % de la taxe d'aviation civile, compte tenu des difficultés de ce secteur. La recette attendue est de surcroît destinée à financer, à hauteur de 30 millions, la « dotation aux collectivités locales au titre de la continuité territoriale ».

Nous avons des doutes quant à la compatibilité de l'inscription de cette somme sur le FIATA - fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien - avec la loi organique qui s'appliquera dans un an aux comptes spéciaux du Trésor, compte tenu de l'absence de lien direct entre la taxe d'aviation civile et la continuité territoriale des DOM-TOM. Il conviendrait que le Gouvernement inscrive donc directement cette somme dans le budget des DOM-TOM.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Marc Laffineur - Je propose que cet amendement soit retiré pour que l'on puisse discuter de celui du Gouvernement sur le même sujet.

M. le Président - Merci de faire le travail du Gouvernement.

M. Charles de Courson - Mais l'amendement 506 du Gouvernement tend à augmenter encore la taxe d'aviation civile en la portant à 14,22 %.

M. Victorin Lurel - Le débat révèle bien les incohérences de la politique du Gouvernement, qui a voté une mesure dont on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle n'est pas financée. Je l'ai dit ici même, la privatisation doit s'accompagner d'un cahier des charges et d'obligations de service public. Il n'en a rien été.

Aujourd'hui, la concurrence entre Air France et Corsair n'a pas fait baisser les prix, quoi qu'on en dise. Et on nous donne 11,5 € par résident, contre 616 € par habitant en Corse !

Par ailleurs, vous demandez à l'outre-mer de financer une partie de cette mesure. Où est l'équité ?

M. le Ministre délégué - L'augmentation de la taxe d'aviation civile doit financer des mesures nouvelles prioritaires : la dotation de continuité territoriale versée aux collectivités locales d'outre-mer pour faciliter la mobilité de leurs résidents vers la métropole, qui est de 30 millions pour 2004, les subventions aux transporteurs pour assurer l'équilibre des dessertes du point de vue de l'aménagement du territoire, de 12 millions, et les dépenses de sûreté et de sécurité sur les aérodromes, qui se montent à 5 millions.

Le relèvement initialement prévu de la taxe d'aviation civile ne dégage que 33 millions. Elle ne doit financer en effet la subvention de continuité territoriale que pour moitié : le Gouvernement avait prévu de majorer également de 15 millions la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne pour l'outre-mer. L'amendement 506 vise à modifier cette répartition, avec 12 millions contre 36. Ainsi, la solidarité nationale finance 60 % du coût de la dotation de continuité territoriale.

Dans le domaine de la sécurité, ce sont les fonctions de contrôle de la circulation aérienne qui représentent l'essentiel des charges pesant sur le prix des billets. Les redevances se montent à plus de 900 millions en 2003, contre moins de 300 millions pour la taxe d'aviation civile. Or, les prix français sont inférieurs à ceux de nos principaux concurrents, notamment de 32,9 % par rapport à l'Allemagne et de 26,1 % par rapport au Royaume-Uni.

L'ensemble du dispositif paraît ainsi équilibré et économiquement adapté à la reprise de l'activité du transport aérien. Je vous demande de le soutenir, et donc de retirer les autres amendements.

M. le Rapporteur général - Je propose une solution intermédiaire : nous avons supprimé l'augmentation de 13 % de la taxe d'aviation civile, en raison de l'état général du transport aérien et d'une augmentation déjà importante en 2002. Nous sommes conscients que cela pose des difficultés de financement de la dotation de continuité territoriale et de travaux sur certains aérodromes. Le Gouvernement, lui, nous propose d'augmenter encore plus la taxe, pour répondre à des dépenses nouvelles. Je pense que la sagesse serait de revenir au texte initial du Gouvernement, si celui-ci nous garantit qu'on en restera là. Même si ces augmentations de représentent que quelques euros par billet, elles finissent par compter ! Je retirerai mon amendement si le Gouvernement fait de même.

M. le Ministre délégué - Quant à mon amendement, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Rapporteur général - Dans ce cas, je demande l'avis de M. de Courson, qui est à l'origine de cet amendement.

M. Charles de Courson - La question est de savoir si les 30 millions du FIATA sont conformes à la nouvelle loi organique, et je pense que le Gouvernement prend un risque constitutionnel.

M. le Président - Monsieur de Courson, retirez-vous votre amendement ?

M. Charles de Courson - Je vois mal comment je le pourrais !

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - De mal en pis ! Avec nos 30 millions, nous n'arrivions déjà pas à la cheville de nos amis corses - et encore les usagers devaient-ils financer 40 % de cette dotation. Et le Gouvernement demande maintenant aux régions une quote-part importante ! La Martinique refuse déjà de participer à ce financement. Lors de l'ordonnance pour les transports d'outre-mer, Mme Michaux-Chevry avait refusé que la Guadeloupe donne quelque argent. Il en était de même pour la Réunion. L'amendement 229 propose donc une répartition de 59,7 % pour le budget annexe de l'aviation civile et 40,3 % pour le FIATA, ce qui porterait la dotation pour l'outre-mer à 50 millions au lieu de 30.

L'amendement 229, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Sur l'amendement 506, avis défavorable.

L'amendement 506, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 27, mis aux voix, est adopté.

ART. 28

M. Victorin Lurel - Il convient d'augmenter la taxe d'aviation civile afin de porter à 50 millions la dotation de continuité territoriale.

M. le Rapporteur général - L'amendement 57 est retiré.

M. Victorin Lurel - L'amendement 351 rectifié est défendu.

L'amendement 351 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 28, mis aux voix, est adopté.

L'article 29, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

M. Augustin Bonrepaux - Nous avions demandé que le ministre des collectivités locales nous éclaire sur les orientations de l'article 30 et sur ses conséquences pour les collectivités locales. Peut-être va-t-il nous rejoindre à son réveil ? Il est cinq heures et quart et nous sommes là depuis 21 heures 30. La législation du travail comme le bon sens nous commandent de suspendre la séance pour nous aider à finir dans les meilleurs conditions possibles !

La séance, suspendue à 5 heures 15, est reprise à 5 heures 25.

M. Augustin Bonrepaux - Nous engageons ici l'examen d'une série d'articles consacrés aux collectivités locales. Premier regret, la réforme ne donne aucun signe déterminant de renforcement de la péréquation. C'est bien plutôt de régression qu'il s'agit, tant de la DSU que de la DSR ou de la dotation de développement rural.

Nous interrogeons donc le Gouvernement sur ses intentions, mais nous aurions apprécié que nous soient fournies des simulations. On nous explique que rien n'a changé ; alors, pourquoi avoir réformé ? Des précisions sont nécessaires, car bien des incertitudes demeurent, aussi bien pour les communes défavorisées que pour l'exercice de l'intercommunalité, dont on ignore comment elle se fera.

Si nous n'avons pas déposé d'amendement de suppression, c'est que nous voulons que la réforme se passe, mais nous serons vigilants, et nous veillerons, en particulier, à ce qu'une volonté de péréquation se manifeste.

M. Didier Migaud - Notre collègue Augustin Bonrepaux a dit nos craintes d'une réforme qui, officiellement, ne changerait rien et dont on se demande alors en quoi elle consiste. Nous redoutons que, sous couvert de simplification, interviennent des effets pervers si la péréquation voulue par le précédent gouvernement n'est pas renforcée. Nous avons besoin d'informations supplémentaires et de simulations pour évaluer l'effet de ces mesures sur l'ensemble des collectivités locales et je déplore que, contrairement aux souhaits du rapporteur général et du ministre eux-mêmes, ces simulations n'aient pas été faites avant que la réforme ne soit lancée.

M. Jean-Claude Sandrier - Au moment où une nouvelle architecture des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales est envisagée, plusieurs remarques s'imposent. En premier lieu, l'augmentation des prélèvements locaux sera de 4 % en 2003, du fait du transfert par l'Etat de projets sociaux majeurs. Ainsi de l'APA, que vous agitez comme un chiffon rouge, et qui aurait pu être largement financée si vous vous étiez abstenus de réduire le taux d'imposition des deux tranches supérieures du barème de l'impôt sur le revenu.

Ensuite, la dénationalisation de fait de l'ASS et le basculement obligé de nombreux allocataires vers le RMI et le RMA inquiètent puissamment les maires, qui se trouvent en première ligne. C'est pour cela qu'un membre du Gouvernement a cru pouvoir se réjouir que les manifestations aient bientôt lieu devant les mairies et non plus devant les préfectures...

Transférer une part de la TIPP sur les départements, et demain sur les régions, c'est faire peser sur les ménages le financement du développement local.

L'Etat est déjà le premier contributeur des budgets locaux. Comme on réduit la part contributive des entreprises, qui sont pourtant les unités créant de la valeur ajoutée, la pression sur les ménages va devenir insupportable.

Le gonflement de la DGF n'a pas pour seul objectif la simplification des procédures. Il permet d'encadrer plus étroitement les dotations dynamiques. Ainsi, l'Etat va contraindre les collectivités locales à augmenter leurs impôts.

L'article 30, mis aux voix, est adopté.

ART. 31

M. Augustin Bonrepaux - Le nouveau mode de calcul de la DGF départementale pose un certain nombre de problèmes, qui ont été étudiés par le rapporteur général. La DGF en effet va intégrer une partie de la dotation globale de décentralisation et une partie de la compensation accordée aux caisses d'aide sociale.

Or la DGD, telle qu'elle est indexée, évolue à un rythme moins rapide que la DGF. Ainsi, les départements défavorisés, qui perçoivent une forte DGD, pourraient être pénalisés. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous me rassurer à cet égard ?

M. Didier Migaud - Nous n'avons pas déposé d'amendements à cet article, mais nous souhaitons que le Gouvernement réponde à nos préoccupations.

M. Michel Bouvard - M. Bonrepaux n'a pas de soucis à se faire pour son département, mais il en ira autrement dans d'autres.

On nous demande dans cet article de déléguer au comité des finances locales la possibilité de modifier l'équilibre des comptes. Il va naturellement rechercher la plus forte péréquation. Ainsi, certains départements dont le potentiel fiscal est élevé, seront mis à contribution sur la seule base de leur potentiel fiscal, sans tenir compte de leurs charges, en attendant du moins la grande réforme de la fiscalité locale.

Mon amendement 406 vise donc à réécrire certaines parties de l'article pour aboutir à un dispositif plus équilibré.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné cet amendement, qui vise à réduire la force de la péréquation dès 2004. Il s'agit de prendre un peu moins à la Savoie pour donner un peu moins à l'Ariège.

A titre personnel, je suis défavorable, l'article ayant pour but de renforcer la péréquation.

M. le Ministre délégué - Pour répondre à M. Bonrepaux, l'article 30 tend à réformer l'architecture des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales. Nous simplifions le système et renforçons la péréquation. Mais il n'est pas question de modifier les critères de répartition.

Monsieur Migaud, cette réforme vise à transformer de simples transferts en prélèvements sur recettes : c'est un progrès. Seule une loi de finances peut le faire. La globalisation sert la péréquation.

Sur l'article 31, le comité des finances locales devra faire des choix. L'amendement de M. Bouvard allant à l'encontre de notre intention, je demande son retrait.

M. Michel Bouvard - Je veux bien le retirer si les charges du département sont prises en compte. Nous n'admettons pas que la péréquation se fonde seulement sur les ressources et jamais sur les besoins. Mon département est ponctionné pour financer des logements sociaux mais, pour entretenir la voirie d'altitude, nous ne recevons l'aide de personne. Je souhaite que ce problème d'équité soit évoqué.

M. le Ministre délégué - Il le sera dans le texte que le Gouvernement vous soumettra en 2004.

M. Michel Bouvard - L'amendement est retiré.

M. le Rapporteur général - L'amendement 399 rectifié est de coordination.

L'amendement 399 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 31 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 32

M. Augustin Bonrepaux - Cet article tend à réformer la DGF des communes et des structures intercommunales.

On ne peut prétendre renforcer la péréquation quand le fonds national de péréquation est en diminution.

Le ministre délégué peut-il nous dire comment la dotation d'intercommunalité va-t-elle être constituée ? On nous dit d'abord qu'elle proviendra de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, puis qu'elle entrera dans la dotation de compensation.

Nous ne disposons que des explications du rapport. Elles sont assez compliquées, mais comme celles du Gouvernement ne sont pas claires...

M. Jean-Pierre Brard - La décentralisation était nécessaire. Mais pour une bonne part c'est aussi une supercherie puisque l'on transfère essentiellement des charges. On tient donc les collectivités locales pour responsables de l'augmentation de la fiscalité. Certes, quand une commune comme la mienne refuse de supprimer les emplois-jeunes, le contribuable local paye. Mais M. Hoeffel, président de l'association des maires de France a rappelé hier dans un communiqué que les hausses de fiscalité locale sont dues pour l'essentiel aux transferts opérés par l'Etat sans réelle compensation. L'AMF met en garde l'opinion contre la vision d'un Etat vertueux et de collectivités locales dispendieuses, et appelle à la vigilance à l'approche de la deuxième étape de la décentralisation. M. Hoeffel aujourd'hui, M. Delevoye hier, hommes de droite, le disent comme tous les élus.

M. le Rapporteur général - L'amendement 400 confère au comité des finances locales la capacité de décider, dans une certaine fourchette, de la part qui évoluera au titre de la dotation forfaitaire et de celle qui évoluera au titre de la péréquation.

M. le Ministre délégué - Sagesse.

L'amendement 400, mis aux voix, est adopté.

M. Marc Laffineur - L'amendement 461 prend en compte les sapeurs-pompiers volontaires pour le calcul de la DGF.

L'amendement 461, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 32 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 33

M. Augustin Bonrepaux - Je n'ai pas eu de réponse sur l'intercommunalité.

M. le Ministre délégué - Il n'y a aucun changement.

M. Augustin Bonrepaux - Cet article intègre la dotation de péréquation dans la DGF. Cela conduira-t-il à ce qu'elle augmente ou à ce qu'elle diminue ? Selon le rapport page 544, il semble qu'il y ait une augmentation de 0,91 % . Mais page 508, on s'aperçoit que le fonds national de péréquation perd 23 millions, soit 4 %. Il est difficile d'inscrire la péréquation dans la Constitution et de la diminuer.

M. Jean-Pierre Brard - La révision constitutionnelle de mars dernier a lancé l'acte II de la décentralisation, chantier prioritaire selon le Premier ministre. Cela pose tout naturellement la question de la péréquation et des moyens pour réduire la fracture territoriale. Beaucoup de nos concitoyens craignent en effet une explosion des inégalités .

Aujourd'hui, être décentralisateur, c'est être progressiste, tandis que le jacobinisme est présenté comme une tare. Cet anathème stérilise le débat. La centralisation a eu dans notre pays des conséquences positives et a joué un rôle important pour homogénéiser le niveau de vie dans des régions de potentiel économique très inégal. En Allemagne par exemple, l'écart de PIB entre le Land le plus riche et le plus pauvre est de 4 % ; en France, l'écart ente régions va jusqu'à 20 %. Mais le niveau de vie des individus d'une même catégorie sociale est presque identique partout en France grâce aux revenus compensateurs, aux prestations sociales nationales et à la répartition des emplois publics. Dans ces conditions, la décentralisation pourrait être un attrape-nigaud.

L'article 33, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 33

M. Jean-Claude Sandrier - Nos amendements 442 et 441 soulignent le caractère injuste de la taxe d'habitation, sans liaison avec le revenu sauf pour le plafonnement, et injuste aussi car elle dépend pour beaucoup de la richesse des communes en taxe professionnelle.

Selon Libération du 24 avril dernier, le président Méhaignerie juge que les dotations d'Etat aux collectivités récompensent la dépense et pénalisent la vertu budgétaire. En effet, dans les années 1980, l'Etat a pris à sa charge la taxe d'habitation dès qu'elle dépassait 4,3 % du revenu imposable, afin d'aider les communes populaires. La dépense s'élève à 11 milliards. M. Méhaignerie souhaite la bloquer, estimant qu'il n'est pas normal que l'Etat paye, par des dégrèvements d'office, lorsqu'un maire augmente fortement la taxe d'habitation pour financer des équipements. Souhaite-t-il mettre fin à ce dispositif ? Tout cela est en tout cas alarmant pour la justice fiscale. Nous proposons pour notre part d'accroître légèrement le prélèvement lorsque les bases d'imposition sont élevées.

L'amendement 442, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 441.

ART. 34

M. Augustin Bonrepaux - Le gouvernement n'ayant pas démenti, je conclus que le fonds national de péréquation diminue bien de 4 %. Cette réforme, qu'on dit sans conséquence sur les finances locales, se traduit dans tous les domaines par une régression.

M. le Rapporteur général - Les amendements 401, 2ème rectification, et 402 sont de coordination.

Les amendements 401, 2ème rectification, et 402, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 34 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 35

M. Augustin Bonrepaux - S'agissant de la DDR, il est regrettable que le Gouvernement se dispense de nous communiquer des éléments chiffrés. Les seuls indicateurs disponibles figurent dans le rapport de M. Carrez, dont je salue au passage le travail sur ce point. On nous dit parfois que la DDR n'est pas consommée. Nous constatons en fait que certains départements la consomment intégralement et que le taux de consommation global de la dotation s'établit à 74 %. Las, entre 2002 et 2003, les crédits notifiés au titre de la DDR baissent de 30 %. Dans ces conditions, qu'on ne vienne pas nous parler d'aide au développement des territoires ruraux ! Ces diminutions de crédits nous inquiètent, car elles privent les collectivités des moyens d'honorer leurs engagements. Qu'en est-il ?

L'article 35, mis aux voix, est adopté.

L'article 36, mis aux voix, est adopté.

ART. 37

M. Jean-Pierre Brard - Je profite de l'examen de cet article sur la taxe foncière pour dénoncer l'explosion de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères qui frappe nombre de nos concitoyens. Certains ménages voient son montant augmenter de 350 % ! Dans la circonscription de M. Sandrier, on relève des cas - tel celui de Vierzon - où cette taxe a triplé en trois ans.

Quatrième taxe pesant sur les ménages, la TEOM est cependant la grande absente de nos débats. Nous souhaitons pourtant que l'Etat prenne ses responsabilités devant la montée des charges liées à la fiscalité environnementale. Une telle situation découle de l'existence de normes européennes contraignantes et de l'organisation insuffisamment concurrentielle du traitement des ordures ménagères. Ne nous y trompons pas ! A travers la TEOM, c'est aussi un peu de la dette de Vivendi Universel que les usagers paient.

Pour moraliser des pratiques parfois déviantes, nous proposons la création d'établissements publics départementaux, chargés de collecter et de traiter les déchets. C'est une question de santé publique et de maîtrise des prélèvements locaux.

L'article 37, mis aux voix, est adopté.

ART. 38

M. Michel Pajon - Notre amendement 248 vise à rendre effective la progression des dotations aux collectivités locales.

Dans sa logique décentralisatrice, le Gouvernement affiche son ambition de doter les communes et les départements de plus de moyens. L' « enveloppe normée » augmenterait ainsi de 812 millions. C'est apparemment un bel effort ! Pourtant, l'enveloppe est composée de plusieurs dotations distinctes dont l'évolution est différenciée. Chaque dotation garde son autonomie d'indexation à l'intérieur de l'enveloppe. Ainsi, si l'enveloppe globale augmente en fonction de l'inflation et de la croissance, la DGF, la dotation élu local et la DGD bénéficient d'une garantie de progression de 50 %.

La variable d'ajustement est la dotation de compensation de la taxe professionnelle, dont les crédits baissent mécaniquement. Eternelle sacrifiée des dotations d'Etat, la DCTP est pourtant un remboursement d'impôts puisqu'elle a été mise en place après la légitime suppression de la part salariale dans le calcul de la taxe professionnelle. Plus que toute autre dotation, la DCTP est un dû. Le Conseil d'Etat l'avait du reste admis dans sa décision commune de Pantin » qui avait obligé l'Etat à rembourser certaines villes.

Nous proposons par conséquent de fixer à 50 % et non à 33 % la fraction-PIB de l'évolution de l'ensemble des dotations. Cela permettrait d'adresser un signal fort aux collectivités territoriales, le taux n'ayant pas été revalorisé depuis 2001. En rendant ce taux cohérent avec celui de la DGF, on limiterait aussi la perte de recettes au titre de la DCTP, actuellement estimée à 1,75 %.

Enfin, chacun sait que les recettes autonomes des collectivités locales sont particulièrement sensibles à la conjoncture économique. Relever le taux de 33 % à 50 %, protégerait les collectivités de la paupérisation due à la croissance trop faible dont est en partie responsable la politique économique du Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux - Tout à l'heure, l'amendement 357 rectifié de M. Dray n'a pas été défendu. Il revêt pourtant une importance indéniable, du fait de la perte de potentiel fiscal entraînée, pour certaines communes, par la disparition d'Air Lib. Je gage que cet amendement sera représenté au Sénat.

L'article 38 reconduit le contrat de croissance et de solidarité. Las, en dépit de cet objectif rassurant, il donne lieu à plusieurs manipulations. Alors que la compensation des pertes de base était indexée sur les salaires, voilà qu'on l'introduit dans la masse préalablement soumise à réduction. L'évolution de la DGF est limitée par le contrat de croissance, cependant que le FNPTP, la DDR et la DCTP accusent une baisse sensible.

Autre innovation particulièrement malvenue, alors qu'on évitait jusqu'alors de réduire la DCTP des communes allocataires de la DSU ou de DSR, tout le monde est désormais logé à la même enseigne. Nous dénonçons cette manière détournée de réduire les dotations des collectivités locales.

M. Didier Migaud - Heureusement, le Gouvernement reconduit le contrat de croissance et de solidarité, car, pour le reste, on constate un net recul des dotations de l'Etat et un désengagement qui aboutira à une augmentation de la fiscalité locale.

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 176 tend à mieux prendre en compte l'évolution du PIB dans l'indice utilisé pour la revalorisation de la DGF et de diverses autres dotations bénéficiant aux collectivités locales.

M. le Président - Vous avez défendu également l'amendement 296 qui est de repli.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Je tiens à remercier le ministre d'avoir reconduit ce contrat de croissance et de solidarité, dans un contexte budgétaire si difficile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement fait plus pour les collectivités locales que pour lui-même. Défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - J'insiste sur la nécessité de relever le taux à 50 %.

L'amendement 176, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 248 et 296.

L'article 38, mis aux voix, est adopté.

ART. 39

M. Augustin Bonrepaux - L'article 39 introduit la quatrième réduction des dotations, car la progression - limitée à 1,5 % - que vous affichez n'est qu'artificielle puisque vous utilisez les crédits dus aux collectivités locales en 2003 mais non distribués.

M. Marc Laffineur - Vous avez fait de même.

M. Augustin Bonrepaux - Mais sur la même année ! Par ailleurs, cette progression est particulièrement faible et suscite nos inquiétudes.

M. Michel Pajon - Notre amendement 249 tend à augmenter la dotation d'aménagement de la dotation générale de fonctionnement des collectivités locales.

Cet instrument est le plus juste.

On pourrait nous objecter que l'effort consenti par l'Etat au titre de l'intercommunalité est une forme de péréquation, si l'intercommunalité était égalitaire. Or, toutes les communes défavorisées ne sont pas forcément proches de communes plus aisées prêtes à s'associer avec elles, et les disparités entre communes n'ont pas forcément régressé du fait de l'intercommunalité.

La dotation d'aménagement constituée notamment de la dotation de solidarité urbaine est donc « excellente » pour reprendre les termes de M. de Robien. Pourtant la plus grande partie de la DGF, est constituée de la dotation forfaitaire qui ne participe plus à une vraie redistribution entre collectivités locales puisque les critères sur lesquels elles se fondent sont obsolètes.

Il est nécessaire aujourd'hui de revaloriser la DSU et la DSR, mais le Gouvernement ne propose qu'une augmentation de 1,5 %.

Nous demandons une hausse de 3 % pour que l'Etat assure l'effectivité de la péréquation, dans un contexte de décentralisation.

M. le Rapporteur général - Défavorable, car l'Etat fait déjà un gros effort.

L'amendement 249 , repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 39, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 39

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 293 tend à reconduire, en 2004, le dispositif prévu par les lois de finances 1999, 2000 et 2001, pour compenser, grâce à une contribution du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, les diminutions de la dotation de compensation de la taxe professionnelle - DCTP - supportées par les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, ou à la fraction « bourgs centre » de la dotation solidarité rurale.

Les investissements réalisés par les collectivités locales sont appelés à soutenir plus encore l'activité économique, aussi importe-t-il de les soutenir, tout en favorisant le développement de l'emploi.

Or, depuis 1993, les collectivités locales ne peuvent plus récupérer en totalité la TVA pesant sur les dépenses d'équipement. Les conséquences, surtout dans un contexte récessif, sont douloureuses : ralentissement des investissements des collectivités, retard pour répondre aux besoins collectifs, accroissement de la pression fiscale. La décote sur la compensation de la TVA est un des facteurs de ce processus.

Le paysage institutionnel a connu, depuis 1993, des mutations essentielles. La coopération intercommunale concerne aujourd'hui la majorité de nos concitoyens, mais les moyens ne suivent pas. L'amendement 112 propose donc de revenir à la situation issue de la loi de finances pour 1994, pour donner des bases sûres à une politique de soutien à l'investissement des collectivités locales. Cette proposition, d'un coût relativement modique, permettra de relancer l'investissement public, donc d'atteindre les objectifs de croissance économique fixés par le projet de loi de finances. 

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 293, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 112.

M. Michel Bouvard - L'amendement 58 de la commission, identique à mon amendement 73, concerne la récupération de la TVA pour les travaux effectués par des collectivités locales dans des monuments historiques qui sont mis à disposition d'un tiers. L'an dernier, Monsieur le ministre, vous nous aviez assurés qu'une solution serait trouvée et j'ai retiré mon amendement, mais le dossier n'a pas évolué.

M. le Ministre délégué - Le plan national pour le patrimoine a été annoncé le 17 septembre. La fondation du patrimoine va voir ses moyens considérablement augmenter et les procédures seront simplifiées et rationalisées. Je m'étais engagé à examiner la question, mais je ne vois toujours aucune possibilité de vous donner satisfaction sans dénaturer les principes du FCTVA. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le Rapporteur général - L'amendement 58 est retiré.

M. Augustin Bonrepaux - Je le reprends !

Les amendements 58 et 73, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard - Je voudrais faire un rappel au Règlement, fondé sur l'article 58 alinéa 1. Un grand parlementaire, Edgar Faure, a dit : ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent qui change. Je viens de voir M. Laffineur voter une première fois avec nous, puis avec ses collègues !

M. le Président - L'important, c'est ce que le président a vu !

ART. 40

M. François Bayrou - L'article 40, relatif au RMI, est la seule occasion que nous ayons d'aborder ici un sujet largement commenté dans la presse, et qui a donné lieu à de nombreuses déclarations : la suppression de l'allocation spécifique de solidarité qui a soulevé de très profondes objections de notre part. Cette disparition entraînera mécaniquement une augmentation du RMI, ce qui n'apparaît pas dans le texte.

Le débat sur l'ASS touche au projet social de la France. Des dizaines de milliers de personnes - quelque 150 000 la première année - vont se trouver exclues de l'allocation qui constituait pour eux un lien de solidarité assumé par la collectivité nationale. L'ASS représente 13,69 € par jour. Et c'est cela qu'on choisit pour équilibrer des réductions d'impôt d'autant plus importantes que le contribuable est aisé ! Cela ne ressemble pas au projet social que nous avons choisi en 2002 et que le Président de la République avait défini en 1995, en indiquant que la fracture sociale serait sa première préoccupation.

M. Fillon a déclaré que le RMI assurait une solidarité suffisante. Mais le RMI, comme l'ont dit ATD Quart-Monde et le collectif Alerte, n'est qu'un pas de plus vers la précarité. Par ailleurs, entre la moitié et les deux tiers des bénéficiaires de l'ASS ne seront même pas éligibles au RMI ! En effet, celui-ci est un complément et les revenus pris en compte pour son attribution priveront un grand nombre de personnes de son bénéfice.

Une jeune femme m'écrit ainsi que cette mesure risque de se révéler dramatique pour bien des familles, et portera notamment atteinte aux droits des enfants. L'ASS est en effet cumulable avec des prestations familiales. Cette jeune femme, divorcée avec deux enfants à charge de plus de seize ans, perçoit actuellement 420 € d'ASS par mois, 166 € d'allocations familiales, une pension alimentaire de 230 € par enfant et l'APL. Le 1er juillet 2004, au RMI, elle ne percevra, APL ainsi que 516 € pour les enfants déduits, plus que 102 € 79 par mois. Il n'est pas juste de cibler cette catégorie de Français. Je demande donc au Gouvernement, après ses déclarations de presse, quelles sont ses intentions. Il serait temps d'en informer enfin l'Assemblée nationale (M. Eric Besson applaudit).

M. Victorin Lurel - J'ai eu beau lire le rapport, les dispositions que vous n'avez pas manqué de prendre pour compenser le transfert de taxe sur les carburants pour l'outre-mer m'ont échappé. Outre-mer, la TIPP est une taxe sur les carburants qui alimente un fonds d'investissement routier et de transports géré par les régions et qui va être transféré aux départements. Par ailleurs, vous connaissez l'importance du RMI outre-mer : 135 000 personnes, dont près de la moitié à la Réunion ! En Guadeloupe, leur nombre augmente de façon exponentielle. Quel est le dispositif spécifique que vous avez élaboré ?

M. Augustin Bonrepaux - Cet article est particulièrement important. C'est le premier qui concerne la décentralisation, et l'on pouvait attendre du Gouvernement qu'il respecte ce qu'il a fait inscrire dans la réforme de la Constitution concernant l'autonomie des collectivités locales. Or, le département ne sera pas traité comme la région. Il se verra transférer des charges qui augmentent chaque année d'environ 3 % alors que les ressources, elles, n'augmenteront pas puisque les départements ne pourront moduler le taux de la TIPP. Est-ce à dire qu'à partir de maintenant le RMI n'augmentera plus, ou que chaque année, le Gouvernement augmentera la TIPP de 3 % ?

J'observe, d'autre part, que, jusqu'à présent, chaque transfert de charge au département s'est accompagné d'un transfert de ressources indexées sur la DGF. Cette fois, aucune indexation n'est prévue, ce qui est une anomalie supplémentaire.

En encore : après avoir transféré une partie des chômeurs de l'UNEDIC à l'ASS, vous les transférez maintenant vers le RMI et le RMA...

M. François Bayrou - Et encore, pas tous !

M. Augustin Bonrepaux - ...RMA qui coûtera aussi cher aux départements que le RMI sans que le nouveau dispositif ne soit caractérisé par une quelconque avancée sociale, tant s'en faut. En bref, ce transfert aura pour conséquence des charges supplémentaires pour les départements, mais personne ne dit comment elles seront compensées !

On l'aura compris : les charges vont augmenter. Mais les ressources ? Dans ces conditions, quelle est donc votre conception de l'autonomie financière des collectivités locales ?

Voilà qui explique notre amendement de suppression.

M. Jean-Pierre Brard - Chacun aura entendu M. Bayrou défendre l'ASS avec une forte conviction. Seulement, son parti a contribué à vider les caisses en votant des déductions fiscales pour l'emploi de domestiques, en votant la réduction de l'ISF et en votant la baisse du barème de l'impôt sur le revenu... Il y a donc quelque inconséquence à faire maintenant les gros yeux au Gouvernement... Mais nous verrons lors du vote...

La question de la pauvreté est une écharde dans la chair des sociétés riches : comment tolérer que certains, faute de revenus suffisants, manquent de l'essentiel - logement, nourriture ou vêtements ? Longtemps, on a cru que la croissance économique suffirait à résoudre le problème. C'était une illusion et même si le droit au travail est inscrit dans la Constitution, dans la réalité, le chômage, les handicaps personnels ou tout simplement les circonstances de la vie font que nombre de citoyens, même dans les sociétés riches, ne disposent pas de revenus personnels suffisants issus d'une activité professionnelle.

Si vous diminuez la durée et les taux d'indemnisation du chômage, environ 250 000 chômeurs jusqu'à présent indemnisés basculeront le 1er janvier 2004 vers le RMI et rejoindront ainsi les 1 100 000 bénéficiaires actuels. L'application de cette mesure est prévue alors que les conseils généraux, qui devront prendre en charge cette nouvelle dépense, n'ont que quelques semaines pour prévoir les budgets adéquats.

Face à ce terrible constat, il est urgent de repenser la politique d'emploi, la lutte contre la précarité et l'exclusion et, plus largement, de réfléchir à un véritable service public de l'emploi et de l'indemnisation.

Quant au RMA, c'est un nouveau contrat de travail précaire assorti de mesures de tutorat et de formation. Avec un demi-SMIC par mois, le bénéficiaire toucherait 473 € nets par mois, soit à peine plus que les 411 € du RMI ! Pour gagner ces 62 € supplémentaires, il devra supporter toutes les sujétions et tous les frais liés à l'emploi, sans disposer de moyens suffisants pour vivre décemment.

Le « RMAste » ne cotisera que sur la base de 130 euros. Pour ouvrir des droits à la retraite à taux plein, il faudrait qu'il travaille 160 ans à ce régime ! L'ASSEDIC empochera ses cotisations mais ne lui reversera rien quand il sera à nouveau au chômage : il n'aura que le RMI. Il n'aura pas non plus droit à des indemnités journalières en cas d'accident ou de maladie. Il n'aura ni le droit de grève, ni le droit de déplaire à son patron. Ainsi, l'article 40 entérine le placement des Rmistes sous la tutelle des collectivités locales et la création des Rmastes. C'est ce que nous continuons et continuerons de dénoncer !

M. Charles de Courson - La discussion est importante, car il s'agit de la première application des nouveaux principes inscrits dans la Constitution. Le ministre doit donc nous dire quelle est sa conception de l'autonomie financière des collectivités locales. Il le doit d'autant plus que, dans le dispositif proposé, les départements n'ont aucun moyen d'ajuster leurs recettes. Autant dire que si cette pratique était généralisée, il ne resterait rien de l'autonomie financière ! Par ailleurs, rien n'est prévu, à ce jour, pour tenir compte du coût supplémentaire que représentera le basculement des chômeurs en fin de droits vers le RMI ou le RMA. Cette question a été longuement évoquée en commission sans qu'une réponse lui soit apportée : le Gouvernement envisage-t-il un amendement tendant à recalculer le coût de cette mesure a posteriori ? Enfin, comment le dispositif prévu ici s'articulera-t-il avec la taxe sur les assurances, dont M. Sarkozy a expliqué au comité des finances locales qu'elle pourrait être modulée ?

M. Didier Migaud - L'article illustre ce que l'on peut reprocher au Gouvernement, qui transfère des charges aux départements sans que ces derniers puissent fixer le taux de la TIPP. De plus, contrairement à ce que voudrait établir le rapporteur général, les recettes de la TIPP ne sont pas dynamiques. Certes, elles ont pu l'être dans le passé, mais c'était sous MM. Balladur et Juppé. Autrement dit, si l'on souhaite des recettes constantes, il faut augmenter le taux, mais les départements ne le peuvent pas ! On voit les limites de l'exercice, et l'on comprend l'inquiétude des élus face à ce transfert de charges non compensé.

Je me limiterai donc à poser à nouveau une seule des seize questions que je vous avais posées en défendant l'exception d'irrecevabilité : pouvez-vous préciser comment le Gouvernement comprend le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales ? Nous devrons sans doute saisir le Conseil constitutionnel, car nous considérons que ce principe n'est pas respecté.

M. Eric Besson - Il est sept heures, Paris s'éveille, et nous allons en quelques minutes régler le sort de deux millions de personnes. Notre pays compte en effet un million d'allocataires du RMI ; avec leur famille, ils sont deux millions à vivre du revenu minimum. Quant aux bénéficiaires des minima sociaux, ils sont 3,3 millions, six millions avec leur famille. Ils représentent 10 % de la population.

Concevez notre surprise, notre stupéfaction : c'est au moment où le chômage augmente, où le budget de l'emploi diminue, que vous décidez de toucher à l'indemnisation du chômage.

Comment ne pas s'indigner de ce tour de passe-passe ? Après la signature de la convention UNEDIC, l'Etat devait prendre en charge l'allocation spécifique de solidarité. Et voici qu'il la transfère aux départements.

Moins l'économie crée d'emplois, plus vos discours visent à culpabiliser les chômeurs.

Demain, le RMI sera donc financé par le département, l'Etat ne remplissant plus ses obligations en matière d'insertion. Cela signifie que des politiques très différentes seront menées, selon la richesse du département.

Quant au RMA, on ne peut prétendre qu'il est plus intéressant que le RMI. Une personne seule, allocataire du RMI, touche 411 € par mois. Avec le RMA, en travaillant 20 heures, elle percevra 535 €. Mais les lois contre l'exclusion de 1998 et de 2001 autorisent le cumul du RMI avec un demi-SMIC, soit 862 €.

Prétendre que vous améliorez le sort des plus pauvres est donc une supercherie. Toutes les associations d'insertion par le travail le dénoncent.

M. Michel Pajon - Le département va assurer le pilotage du RMI, la gestion des versements et la politique d'insertion. Il prendra aussi en charge la mise en _uvre du RMA.

La Constitution prévoit expressément que les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités locales font l'objet d'une compensation intégrale.

Le principe d'autonomie fiscale n'est pas respecté. Certes, les charges transférées seront compensées par l'attribution d'une part des recettes de TIPP. Mais, bien que vous vous en défendiez, il s'agit d'un marché de dupes. Toutes les conditions sont en effet réunies pour que l'équilibre ne soit jamais atteint. Les charges du RMI ont augmenté de 10 % en 2003. Compte tenu de la faiblesse des perspectives de croissance, le nombre des allocataires risque de croître fortement. Le coup porté à l'allocation spécifique de solidarité va aggraver cette évolution.

Par ailleurs, la TIPP est par définition une ressource cyclique. En période de récession, la consommation de carburant diminue alors que le nombre d'allocataires augmente. On ne peut que s'étonner de l'incohérence du mécanisme proposé. Aucune indexation n'est prévue. On voit le caractère illogique et injuste de ce projet.

M. François Bayrou - Rappel au Règlement, sur le fondement de l'article 118-1, dans lequel on lit que « la discussion de la loi de finances s'effectue selon la procédure législative prévue par le présent Règlement et les dispositions particulières de la Constitution... ».

Or l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme dispose que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

Or, dans la situation où nous sommes, cette disposition n'est pas respectée, puisque le Gouvernement ne nous dit pas ce qu'il a l'intention de faire (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Des dépêches, Dieu sait s'il y en a eu. Mais la représentation nationale n'a pas été informée.

Or 150 000 à 300 000 personnes sont concernées par la perte de l'ASS. La moitié voire les deux tiers d'entre elles n'auront pas droit au RMI. On nous parle du RMA comme d'une réalité alors qu'il n'est pas encore créé par la loi.

Je souhaite que le Gouvernement nous fasse connaître ses intentions. Ce serait la moindre des choses.

M. le Ministre délégué - Comme je le fais depuis mardi dernier, je répondrai après la défense du premier amendement.

M. Augustin Bonrepaux - On nous demande de voter un transfert de ressources pour financer une allocation qui n'est pas créée.

Ce n'est pas sérieux. Mon amendement 230 est donc de suppression.

La dépense que va représenter le RMI doit être compensée par une dotation évolutive, sinon il n'y a pas d'autonomie fiscale. Monsieur le ministre délégué, tous les départements feront un recours devant le Conseil d'Etat.

M. Méhaignerie nous expliquera que si les impôts augmentent, ce ne sera pas la faute du Gouvernement. Mais de qui d'autre ?

M. Jean-Claude Sandrier - Cet article n'est pas conforme à la Constitution.

A une époque, le produit de l'ISF était du même montant que les dépenses du RMI. En affectant au département une part de la TIPP, vous faites peser la fiscalité locale sur l'ensemble des particuliers.

Quand la situation de l'emploi se dégrade, les dépenses du RMI augmentent particulièrement vite. Le nombre des allocataires va s'accroître mécaniquement de 120 000 personnes après votre réforme antisociale de l'ASS.

Mais sachant tout cela, le Gouvernement se propose pourtant de compenser le transfert de charges sur la base des dépenses observées en 2003. Aucun mécanisme de péréquation n'étant prévu, vous êtes en train d'organiser l'asphyxie de nos collectivités locales. C'est pourquoi notre amendement 348 est de suppression.

Si cet article était adopté, nous saisirions le Conseil constitutionnel, qui ne manquerait pas de l'annuler.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé les deux amendements de suppression. Elle a en effet estimé, dans sa majorité, que les règles du transfert de compétences sont parfaitement respectées. Les dépenses seront évaluées sur une base définitive au titre de 2003, les recettes ajustées sur une base définitive et la fraction de TIPP transférée sera ensuite répartie par arrêté ministériel entre les départements, en fonction de leurs dépenses. Par ailleurs il ne s'agit pas de la mise en place d'une dotation mais de l'affectation d'un impôt dynamique, la TIPP (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La commission a simplement adopté un amendement demandant un rapport après 2004 et 2005 pour permettre d'éventuels ajustements.

M. le Ministre délégué - En décentralisant le RMI, l'ambition du Gouvernement est de transformer un revenu d'assistance en un revenu d'insertion. Actuellement, le RMI est devenu souvent facteur d'exclusion. 60 % des allocataires le perçoivent depuis plus de trois ans, 40 % depuis plus de cinq ans. L'échec est patent. En Belgique, seuls 30 % des allocataires perçoivent une allocation équivalente depuis plus de trois ans. Nous pouvons donc faire des progrès importants, d'une part en identifiant clairement les responsabilités dans la gestion du RMI - d'où le transfert aux départements -, d'autre part, en donnant à ces derniers les moyens d'exercer leurs responsabilités de façon à ce que l'allocation ouvre au mieux l'accès au monde du travail.

La compensation des charges transférées prévue à l'article 40 est conforme aux principes qui, désormais, gouvernent la décentralisation. Le Premier ministre s'est engagé à dresser un bilan pour identifier clairement les coûts liés aux transferts.

Le Gouvernement souhaite également donner aux départements les moyens de proposer aux allocataires de vrais contrats d'insertion et, chaque fois que ce sera possible, des emplois en entreprise. C'est l'objet du RMA. Beaucoup à l'UMP et à l'UDF ont demandé qu'on répare une imperfection. En l'état actuel, les personnes privées d'emploi qui passeraient de l'ASS au RMI ne pourraient accéder au RMA qu'après un délai fixé par décret. En accord avec M. Fillon, je peux vous annoncer que le Gouvernement proposera que cet accès soit immédiat (Mouvements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. François Bayrou - Qu'est-ce que cela change ? Vous venez de mener une critique, en partie justifiée, du RMI. Vous nous dites qu'un certain nombre de bénéficiaires de l'ASS pourront passer au RMA. Il s'agit d'un contrat de travail : il faut donc trouver une entreprise et une collectivité locale de soutien - c'est déjà supposer le problème résolu.

Mais la vraie question, ce sont les dizaines de milliers d'autres, qui vont être rayés de l'ASS, donc des statistiques du chômage....

M. Didier Migaud - Exactement.

M. François Bayrou - ...et dont les deux tiers n'auront même pas accès au RMI. Que va-t-on leur proposer ? (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Ministre délégué - Personne ne perdra ses droits à l'ASS avant le 1er juillet 2004. Le premier semestre 2004 est donc couvert.

Mais la question qui vous est posée est de savoir s'il est un échelon territorial prêt à se charger de ce problème pour délivrer de la prison qu'est l'assistance la personne privée d'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Pour le Gouvernement, l'échelon le plus approprié est le département, qui a fait ses preuves. Il faut lui faire confiance.

M. Michel Bouvard - Parfaitement.

M. Augustin Bonrepaux - Il faut lui en donner les moyens !

M. le Ministre délégué - Cet article règle les relations financières entre l'Etat et les départements. J'ai pris l'engagement que les ressources seront transférées de façon sincère.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas le cas !

M. le Ministre délégué - L'essentiel est que ceux qui n'ont pas d'emploi aient une chance d'y accéder.

M. Eric Besson - La conviction apparente du ministre ne peut cacher le flou de son argumentation. Il n'a pas répondu à M. Bayrou ni apporté d'éléments nouveaux. C'est une vaste supercherie.

M. Didier Migaud - Effectivement, le ministre use rarement de ce ton. C'est qu'il est peu à l'aise. Ni lui ni le rapporteur général ne nous ont répondu. On nous parle de transfert d'une recette évolutive. Mais ce qui figure dans la Constitution, c'est l'autonomie fiscale des collectivités. Le département devrait donc recevoir une ressource dont il pourrait fixer le taux. Ce n'est pas le cas. En quoi ce transfert de TIPP est-il différent d'une dotation de l'Etat ? De même, vous n'avez pas répondu sur le passage du RMI au RMA. 150 000 personnes seront concernées et vous ne créerez que 50 000 places de RMA. On ne peut que s'inquiéter et pour les allocataires de l'ASS et pour les conseils généraux.

M. le Président de la commission - Trois problèmes sont imbriqués. Il s'agit d'abord du transfert du RMI aux départements. Nous sommes nombreux à penser que c'est un moyen efficace de mobiliser les acteurs....

M. François Bayrou - Tout à fait.

M. le Président de la commission - ...et de prouver la force des solidarités locales. Il s'agit en second lieu du transfert des charges et des ressources. Les charges vont exploser a-t-on dit. Cela signifie que le chômage va exploser. Or toutes nos réflexions sur les années 2006-2008 se fondent sur l'idée qu'il va baisser, comme le nombre de bénéficiaires du RMI...

M. Gérard Bapt - C'est un acte de foi.

M. le Président de la commission - Par exemple, les crédits consacrés par les départements aux personnes âgées ont baissé pendant des années, jusqu'à la création de l'APA.

Ne fondons pas le raisonnement sur l'idée que l'on n'arrivera jamais à faire baisser le chômage dans ce pays ! A terme, le chômage va diminuer (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Certes, le Gouvernement serait bien inspiré de présenter un bilan à la fin de 2004 et, le cas échéant, à compenser la charge induite par le transfert de l'ASS aux départements...

M. Augustin Bonrepaux - Ça c'est nouveau !

M. le Président de la commission - La décentralisation ne sera pas un succès si les impôts locaux explosent...

M. François Bayrou - C'est déjà largement fait !

M. le Président de la commission- Chacun a sa part de responsabilités !

M. François Bayrou - Certes !

M. le Président de la commission - Le transfert de l'ASS sur le RMI peut produire le moins bon comme le meilleur. Le moins bon, s'il s'agit d'un simple transfert, nécessairement ressenti par les « bénéficiaires » comme une dégradation...

M. François Bayrou - Il faut mesurer que les deux tiers d'entre eux n'auront plus rien !

M. le Président de la commission - ...Le meilleur, si nous parvenons par ce biais - à l'instar de nombre de nos partenaires européens - à faire sortir les demandeurs d'emploi de longue durée de l'assistance pour les insérer par l'activité économique. Au regard des résultats du volet insertion du RMI selon les départements, c'est là que surviendront les principales disparités.

Quoi qu'il en soit, la chance donnée aux communautés locales de se mobiliser pour l'emploi doit l'emporter sur le risque d'échec du dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 230 et 348, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Didier Migaud - Pour assurer le respect du principe constitutionnel d'autonomie fiscale, le transfert de nouvelles compétences - notamment en matière de RMI - doit s'accompagner de celui des ressources nécessaires à leur exercice. Ceci implique notamment le transfert de ressources fiscales, avec la possibilité pour les collectivités d'en faire évoluer le taux afin d'ajuster les ressources aux besoins réels. Cette nécessité sera particulièrement forte pour couvrir les besoins nés du transfert du RMI, dont la progression peut s'avérer très dynamique. En effet, n'en déplaise à M. Fillon, le chômage continue d'augmenter !

Notre amendement 250 tend par conséquent, en parallèle au transfert du RMI et dès 2004, à transférer aux départements la taxe sur les conventions d'assurance - dont le produit serait proche de 5,385 milliards.Une telle évolution serait, elle, tout à fait conforme à la Constitution !

M. Jean-Pierre Brard - Je défendrai ensemble les amendements 458, 459 et 460. Le premier vise à compenser les charges financières résultant de la décentralisation du RMI par le transfert de ressources équivalent au produit de l'IRCM - 1, 87 milliard en 2002 - et de l'ISF. Il est hautement symbolique, dans la mesure où dans les premières années d'existence du RMI, le produit de l'ISF était sensiblement équivalent au coût du revenu minimum.

L'amendement 459 vise à compenser la décentralisation du RMI par le transfert de ressources équivalent au montant du produit des jeux exploités par la Française des jeux - 1,4 milliard en 2002 -, des prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos - 905 millions en 2002 -, du prélèvement sur le pari mutuel - 327 millions en 2002 - et de l'ISF.

Enfin, l'amendement 460 compense le transfert du RMI aux départements par le transfert des ressources équivalent au montant de la contribution des institutions financières - 448 millions en 2002 -, du prélèvement sur les entreprises pétrolières - 195 millions en 2002 -, des impôts sur les opérations de bourse - 232 millions -, de l'ISF.

Dans l'esprit et dans la lettre, ces amendements sont conformes à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et ne contreviennent pas à l'article 14 cité par M. Bayrou.

M. Michel Bouvard - Il est parti ! (Murmures sur les bancs du groupe UDF)

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé ces quatre amendements et je précise à cette occasion que le transfert d'une fraction de la ressource de la TIPP s'analyse bien comme une ressource propre, au sens constitutionnel de la notion (M. Bonrepaux s'exclame).

Si le taux n'en est pas fixé par le département, l'assiette connaîtra, elle, sa propre évolution.

M. le Ministre délégué - Le Conseil d'Etat l'a confirmé. Même avis que votre rapporteur général sur ces amendements.

M. Augustin Bonrepaux - Le Président Méhaignerie ne nous a pas tenu exactement le même discours que le rapporteur général. Il a expliqué que le RMI serait mieux géré par le département, que les ressources doivent évoluer comme les charges et que les charges induites par le transfert pourraient donner lieu chaque année à compensation. Une telle présentation est de nature à nous inciter à adopter une attitude plus constructive.

Désaccord majeur en revanche lorsque l'on nous ressert l'invocation selon laquelle le chômage va baisser.

La réalité, c'est que depuis l'arrivée aux affaires de la présente majorité, il ne cesse d'augmenter. Quant au RMI, en quoi constitue-t-il un progrès par rapport à la possibilité ouverte par la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions de cumuler un revenu d'activité avec un minimum social ? En réalité, l'afflux de chômeurs supplémentaires que va susciter la sortie du dispositif de l'ASS de 300 000 demandeurs d'emploi constitue bel et bien une régression sociale.

M. Jean-Pierre Brard - Dans la confrontation entre le Gouvernement et l'UDF, le président Méhaignerie, déchiré mais habité par une foi profonde, se donne à lui-même le sentiment de pouvoir soulever des montagnes et de venir à bout du chômage ! La réalité est hélas toute différente !

Quant au président de l'UDF, dont le talent oratoire est incontestable, nous le retrouvons reposé, après une nuit de sommeil, et il s'efforce, comme il l'a fait à l'ouverture de la discussion générale, de montrer que l'UDF existe. La vérité, c'est que l'UDF a été absente dans les débats essentiels et qu'elle souscrit aux objectifs du Gouvernement : plumer les pauvres pour donner toujours plus aux puissants !

Les amendements 250, 458, 459 et 460, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur général - L'amendement 403 est rédactionnel.

L'amendement 403, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur le vote de l'article 40, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public (« Démagogie ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Le transfert d'un pourcentage constant du produit de la TIPP, recette cyclique dont le produit est appelé à diminuer, ne saurait permettre le financement pérenne des nouvelles compétences confiées aux départements en matière de RMI-RMA.

Faute du respect par le Gouvernement du principe constitutionnel de l'autonomie fiscale, il est indispensable de prévoir une règle d'indexation automatique de cette ressource sur la progression de la DGF.

Tel est l'objet de l'amendement 251.

L'amendement 251, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Par l'amendement 409, nous proposons qu'à partir de 2005, au 1er avril de chaque année, les services de l'Etat rendent compte de l'évaluation des dépenses définitives liées à ce transfert de compétences pour l'année précédente.

Suite à cette évaluation, au titre de l'année précédente, il devra être attribué à chaque département la somme différentielle entre le montant des dépenses constatées en année pénultième et celles réévaluées au titre de l'année précédente.

M. le Rapporteur général - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - Mais pourquoi ?

M. le Président de la commission - Dans le cadre de la loi Defferre, le transfert de responsabilité ne donnait pas lieu à un bilan annuel. En revanche, le transfert de l'ASS vers le RMI appelle un bilan global et une compensation financière, et je souhaite un engagement du Gouvernement.

Ensuite, si le RMA n'est voté qu'en décembre, le transfert de l'ASS doit correspondre à l'entrée en vigueur du RMA.

L'amendement 409, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 59 a pour objet la présentation, à compter de 2006, par le Gouvernement, d'un rapport au Parlement, dressant notamment le bilan des dépenses du département, qui pourraient justifier des mesures de compensation.

M. Gérard Bapt - Le sous-amendement 486 corrigé tend à ce que ce bilan soit annuel, et présenté dès 2005.

M. Augustin Bonrepaux - Le sous-amendement 485 corrigé tend à ce que, sur la base de ce rapport, le Gouvernement indique le montant de la compensation au titre de la dotation globale de décentralisation qu'il compte inscrire dans la prochaine loi de finances, correspondant à l'augmentation du coût constaté de ce transfert par rapport à l'évolution du produit affecté de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

M. le Rapporteur général - Défavorable. La commission d'évaluation des charges, mise en place par la loi Defferre, a toujours travaillé sur la base de comptes administratifs définitifs.

M. Augustin Bonrepaux - Tous les trois ans ?

M. le Rapporteur général - En l'espèce, les dépenses des départements peuvent évoluer au titre de la modification du régime de l'ASS, qui n'interviendrait qu'à compter du 1er juillet 2004. Faute de pouvoir apprécier sur une année entière l'impact de ce risque, il faut se fonder sur l'année 2005 pour comparer l'évolution des dépenses au regard des recettes transférées. C'est donc au début de 2006 que ce rapport pourra être dressé dans de bonnes conditions.

M. le Ministre délégué - Même avis et accord sur l'amendement 59 de la commission.

M. Augustin Bonrepaux - Je retire le sous-amendement 486 corrigé, et je propose une nouvelle rédaction consistant à supprimer « trois » au début de l'amendement, afin que ce rapport devienne annuel.

M. le Président - Ce sera un sous-amendement 486, 2ème correction.

Le sous-amendement 485 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 486, 2ème correction, accepté par la commission, et repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 59, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 44 voix contre 26, sur 70 votants et 70 suffrages exprimés, l'article 40 modifié est adopté.

M. le Président - L'examen de l'article 42 et la seconde délibération de la première partie du projet de loi de finances sont reportés à cet après-midi, à partir de 16 heures 30, après les questions au Gouvernement.

Interviendront ensuite les explications de vote sur l'ensemble de cette première partie, puis le vote solennel, qui aura lieu entre 17 heures 30 et 18 heures.

Commencera alors l'examen de la deuxième partie avec la discussion des crédits de l'agriculture.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, mardi 21 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 8 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 21 OCTOBRE 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 ; explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 ( n° 1093).

3. Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan .(Rapport n° 1110)

Agriculture et pêche ; article 72 ; budget annexe des prestations sociales agricoles

- Agriculture : M. Alain MARLEIX, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 8 du rapport n° 1110).

M. Antoine HERTH, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Tome II de l'avis n° 1112).

- Pêche : M. Jean-Pierre KUCHEIDA, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. (Annexe n° 9 du rapport n° 1110).

M. Aimé KERGUERIS, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Tome III de l'avis n° 1112).

- Prestations sociales agricoles : M. Yves CENSI, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 42 du rapport n° 1110).

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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