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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 14ème jour de séance, 35ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 24 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE 2

      ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS ; AVIATION CIVILE 30

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial de la commission des finances - Ce projet de budget traduit deux exigences fondamentales : respecter une discipline de la dépense pour tenir nos engagements, considérer le développement durable non plus comme un discours moral ou une représentation mais comme une volonté politique.

Le budget consacré à l'écologie et au développement durable atteindra 856 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 11,45 % par rapport à 2003, compte tenu de l'intégration dans le budget général du fonds national de solidarité pour l'eau.

Hors changements de périmètre, la hausse des moyens de paiement de ce budget s'élève pour 2004 à 2,7 % en tenant compte de l'ensemble des transferts provenant d'autres ministères. Les moyens d'engagement dépasseront le milliard d'euros en 2004, soit une hausse de 57 % par rapport à l'an dernier.

Ce budget est marqué du sceau de la sincérité, de la cohérence et de l'exactitude. Ainsi, contrairement aux budgets présentés sous la précédente majorité, les moyens de paiement se rapprochent des moyens d'engagement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Eh oui !

M. le Rapporteur spécial - En 2002, le différentiel entre moyens d'engagement et de paiement a ainsi atteint 284 millions d'euros. En 2003, cet écart a été ramené à 222 millions d'euros et en 2004 à 150 millions d'euros.

L'intégration, dans le budget, du FNSE - 83 millions - conforte sa lisibilité.

Il était en outre nécessaire de réfléchir à l'objet et au format du compte d'affectation spéciale consacré au FNSE. Ses crédits ont été trop longtemps sous-consommés - 28 % en 2000 et 2001. En 2003, le FNSE consomme le report.

Enfin, il était également nécessaire de réfléchir sur les modalités d'organisation des relations financières entre les agences de l'eau et le FNSE.

Le vote annuel d'un prélèvement, s'il avait le grand mérite de constituer un arbitrage politique national concernant la répartition de crédits ne semblait cependant pas assurer une visibilité financière pluriannuelle à aucun des deux acteurs concernés. Le FNSE devait aller vers une nécessaire budgétisation. C'est chose faite et nous nous en félicitons.

Mme la Ministre - Je vous remercie

M. le Rapporteur spécial - Ce budget permettra de poursuivre la mise en _uvre des priorités gouvernementales, dont la prévention des risques naturels et technologiques. Les procédures en vigueur doivent être améliorées, en particulier dans le cas des inondations. Cette action prioritaire se traduit par le plan de prévention des inondations et par le renforcement du dispositif d'annonce des crues.

Le budget consacré à la prévention des inondations augmente, pour atteindre 61,7 millions des crédits d'engagement et 35,6 millions au crédits de paiement.

Quant aux autres risques naturels - incendies de forêt, glissements de terrain -, les moyens engagés restent constants à 7,52 millions ; le fonds Barnier sera mobilisé, la loi du 30 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels élargissant les conditions de son utilisation. Doté de 80 millions de réserves, il peut dorénavant financer l'acquisition de maisons fortement endommagées et de leur terrain afin de délocaliser les populations les plus exposées.

De même, s'agissant des 670 établissements « Seveso » à haut risque, cette loi a prévu des dispositions qui portent à la fois sur l'élaboration de plans de prévention des risques technologiques et sur la création de comités locaux d'information et de concertation.

Les crédits consacrés à la prévention des risques technologiques augmentent de 27 % pour atteindre 6,95 millions en moyens de paiement et 13,87 millions en moyens d'engagement.*

A cela s'ajoute le budget de l'INERIS, qui augmente de 29 % pour atteindre 29,54 millions.

Les crédits de l'Institut de radio-protection et de sûreté nucléaire - 235 millions - sont reconduits. L'IRSN pourra ainsi poursuivre la réalisation des programmes pluriannuels en incluant le redéploiement d'une partie des dépenses de ses établissements d'origine pour adapter les activités de recherche et d'expertise aux actions liées aux nouvelles normes européennes.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie dispose, cette année, d'une capacité d'engagement de 167 millions à laquelle s'ajoutent 31 millions en provenance des ministères de l'industrie et de la recherche. Les moyens de paiement sont fixés à 71 millions d'euros compte tenu des recettes attendues pour 2004.

L'ADEME disposera de 70 millions d'autorisations de programme sur le budget du ministère de l'écologie pour accompagner en 2004 les études ou investissements concernant la nouvelle politique du déchet, fondée sur la réduction à la source, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage. Les subventions d'investissement augmentent également pour les interventions de l'Agence dans le domaine des déchets ménagers. Les crédits passent de 27,68 à 28,17 millions, soit une légère hausse de 1,77 %.

La maîtrise de l'énergie est dotée de 61 millions d'autorisations de programme, budget identique à celui de 2003. Permettez-moi d'insister sur les efforts que la France doit en matière d'énergies renouvelables pour lutter contre l'effet de serre. L'évidence est criante, mais est-elle suffisamment perçue pour autant ? Les engagements pris à Kyoto nous imposent de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en France d'ici à 2050. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens doivent être mobilisés, et particulièrement la promotion des énergies renouvelables, qui devrait être davantage favorisée dans le budget du ministère.

On se félicitera par ailleurs que les crédits destinés à la prévention des pollutions et des risques intégrent les crédits nécessaires à l'insonorisation prévus dans le plan national de lutte contre le bruit. Des moyens de paiement en hausse de 170 % permettront la mise en _uvre de mesures dès le début de 2004.

Une autre priorité du budget est la protection de la nature et la lutte pour la biodiversité et la préservation du patrimoine naturel. A cet égard, vos orientations me satisfont, comme me satisfait que la constitution du réseau Natura 2000 soit érigée en axe essentiel de votre politique relative au patrimoine naturel. Le soutien aux politiques environnementales n'est pas en reste, et 3 564 emplois budgétaires lui sont consacrés. Les actions visant à conforter la place de l'écologie et du développement durable dans la politique gouvernementale sont ainsi assurées pour 2004. Les effectifs du ministère progressent de 2,5 %, et les 88 emplois supplémentaires sont, logiquement, affectés aux actions prioritaires.

Je constate avec satisfaction que la DIREN Midi-Pyrénées s'est portée volontaire pour expérimenter, dès 2004, certaines dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans un autre domaine, j'ai cru comprendre que les crédits relatifs à l'environnement pourraient être regroupés en trois branches : sécurités et pollutions ; eau et patrimoine naturel ; développement durable. Il serait opportun de séparer « eau » et « patrimoine naturel » ; votre budget y gagnerait en lisibilité.

Ce projet de budget contribue à la réforme de l'Etat, et il est animé par le souci du développement durable. La commission des finances a émis un avis favorable, et je vous invite évidemment à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Priou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - L'examen des crédits de l'écologie et du développement durable a lieu dans un contexte économique difficile. Il est d'autant plus satisfaisant de constater la croissance des moyens octroyés aux politiques environnementales.

Certes, une part de cette augmentation s'explique par la budgétisation de l'ancien fonds national de solidarité pour l'eau. Cependant, à périmètre budgétaire constant, le budget de l'environnement progresse de 2,7 %, hors transferts, ce qui est tout à fait satisfaisant.

Cette croissance est toutefois inégalement répartie. A l'évidence, la politique de l'eau sort des arbitrages budgétaires avec les honneurs : en raison de la budgétisation du FNSE, l'intégralité des 83 millions provenant du prélèvement de solidarité opéré sur le budget des agences de l'eau y est affectée, contrairement à l'année précédente.

Ces moyens renforcés profitent en premier lieu à la poursuite du plan de prévention des inondations et à la réforme du système d'annonce des crues, conformément aux engagements de Mme la ministre.

Ils permettent également de doter le fonds Polmar de 700 000 €, pour lui permettre de faire face à des pollutions ponctuelles, ce qui doit être salué.

Toutefois, si l'intégralité du prélèvement opéré sur les agences de l'eau profite bien cette année à la politique de l'eau, nous n'avons aucune assurance que tel sera le cas à l'avenir, au gré des arbitrages, alors même que ce prélèvement est alimenté par les redevances acquittées par les usagers de l'eau. La représentation nationale devra donc se montrer particulièrement attentive à ce que l' « argent de l'eau revienne à l'eau », et veiller à ce que le prélèvement de solidarité pour l'eau ne soit pas détourné de son objet initial.

En second lieu, je salue la récente décision prise par le Gouvernement de présenter au FIPOL la créance de l'Etat au titre de la pollution causée par le naufrage du Prestige.

Le coût des dégâts liés à ce naufrage a été estimé à 100 millions pour la France et à 900 millions pour l'Espagne. Le FIPOL devra donc indemniser les deux Etats ; si nous n'avions présenté au FIPOL que la créance des particuliers et des collectivités, et pas celle de l'Etat, la part des indemnisations octroyées par le FIPOL aux créanciers français aurait forcément été réduite. Le Gouvernement a donc pris la bonne décision et je me félicite de l'annonce que les sommes ainsi perçues seront utilisées pour améliorer le taux de couverture des préjudices subis par les particuliers et les collectivités.

Mais où en est le processus de ratification, par la France et les Etats membres de l'Union, du protocole relevant le plafond du FIPOL à 1 milliard ?

J'en viens aux moyens affectés à la prévention des pollutions et des risques, qui sont eux aussi confortés. En continuité avec le budget pour 2003, l'accent est mis sur la sécurité de nos concitoyens face aux risques technologiques et naturels.

Ainsi, des moyens importants permettront la mise en place des instruments prévus par la récente loi relative à la prévention des risques. Ce renforcement s'accompagne de la création de cent postes au sein de l'inspection des installations classées et d'une nette progression des moyens accordés à l'INERIS.

Je salue également les dotations accrues qui permettront de donner corps au plan national d'actions contre le bruit.

S'agissant de la politique des déchets, vous avez indiqué le 4 juin, Madame la ministre, les orientations que vous souhaitiez lui donner : la sécurité et la santé, la réduction à la source, la poursuite du recyclage et de la valorisation, la lutte contre la pénurie.

Ces orientations sont tout à fait satisfaisantes, mais elles demeurent très générales, alors que les collectivités locales s'inquiètent de l'avenir qui sera réservé au système d'aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Les collectivités qui ont encore à investir dans de nouveaux équipements peuvent-elles compter sur une aide ?

Enfin, en ce qui concerne la lutte contre l'effet de serre, le Gouvernement compte bientôt rendre public un « Plan Climat », dans lequel les énergies renouvelables auront probablement un rôle important à jouer. J'insiste toutefois sur le fait que la recherche d'énergie « propres » ne doit pas conduire à sacrifier l'environnement local. A cet égard, je m'inquiète de la prolifération des projets d'implantations d'éoliennes, dont certains peuvent avoir un impact désastreux sur des sites naturels remarquables.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très juste !

M. Christophe Priou, rapporteur pour avis - La recherche de l'intérêt environnemental doit forcément intégrer la dimension passagère des projets : d'ailleurs, à l'initiative du président de notre commission, les projets d'implantation d'éoliennes doivent, à partir d'une certaine capacité, être assortis d'une enquête publique et d'une étude d'impact. Il faut continuer en ce sens et privilégier les implantations sur des sites industriels ou off shore.

J'en viens à la partie du projet de budget qui est, à mon sens, la moins satisfaisante : elle concerne les moyens affectés à la protection de la nature, qui régressent.

M. Jean-Pierre Blazy - Ah ! Enfin une vérité !

M. Christophe Priou, rapporteur pour avis - Tous les gestionnaires d'espaces naturels voient leurs dotations de fonctionnement maintenues, mais leurs moyens d'investissement diminués.

Je comprends que dans une période budgétaire délicate, des arbitrages soient opérés ; toutefois, cette rigueur ne risque-t-elle pas de pénaliser certains établissements, comme le Conservatoire du littoral, dont le champ d'intervention a été étendu par la loi du 27 février 2002 et qui doit faire face au renchérissement des prix du foncier.

Je m'inquiète également de la diminution de l'enveloppe accordée aux parcs naturels régionaux alors que se multiplient les projets de création. Certes, Madame la ministre, vous faites valoir qu'il est préférable de privilégier la qualité plutôt que la quantité ; toutefois, l'année 2004 devrait donner lieu au classement de nouveaux parcs, Pyrénées catalanes ou parc de Millevaches par exemple. J'espère donc que le prochain projet de budget sera plus généreux en faveur de ces structures qui jouent un rôle essentiel de préservation et de promotion de notre patrimoine naturel.

Je souhaiterais également connaître les intentions du Gouvernement concernant le rôle des gestionnaires d'espaces naturels dans le cadre de la future étape de la décentralisation : est-il envisagé de revoir l'organisation actuelle ?

Au-delà des aspects budgétaires, je salue votre volonté de relancer la concertation sur la constitution du réseau Natura 2000. Trop longtemps bloqué, ce dossier avance enfin et nous en sommes revenus à l'état d'esprit qui prévalait à l'origine : les sites doivent être gérés en partenariat avec leurs usagers et il doit être bien établi que Natura 2000 concerne des espaces naturels et non pas sauvages. Les acteurs de terrain le confirment : la procédure Natura 2000 se déroule désormais de manière satisfaisante. Dès lors, la France sera enfin à même de remplir ses obligations communautaires. Il s'agit d'une réelle avancée, que l'on doit mettre au crédit de la ministre, laquelle s'est attachée dès son entrée en fonctions à traiter ce dossier délicat. L'année 2004 pourra ainsi être consacrée à la détermination d'une stratégie nationale en faveur de la biodiversité. Elle sera également l'année de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui instaure en faveur des zones Natura 2000 et d'autres espaces naturels protégés, une exonération de taxe sur le foncier non bâti. Ce choix est opportun, mais il faut aller plus loin, par exemple en affectant le produit de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles à la couverture des dépenses de fonctionnement des gestionnaires d'espaces naturels. Le Gouvernement serait-il favorable à une telle évolution ?

Vous l'aurez compris, mes remarques se veulent constructives et je considère que votre projet de budget est globalement satisfaisant. Je me réjouis notamment que la croissance des moyens dévolus à l'environnement soit maîtrisée et crédible, le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement ayant été ramené à un niveau plus raisonnable que lors des années précédentes. Le projet de budget de l'écologie et du développement durable doit donc recueillir notre approbation totale et durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Pour la deuxième année consécutive, notre commission s'est donc penchée sur les crédits de votre département : votre budget, Madame la ministre, est de qualité ! Notons cependant que l'action de l'Etat en faveur de l'environnement est par nature transversale, le budget du ministère de l'écologie ne représentant que 26 % du total des interventions, cependant que l'action internationale ne constitue que 0,35 % de ce budget, soit environ 3 millions, hors l'action internationale de l'ADEME. Il convient donc de prendre en compte les 38 millions que le ministère des affaires étrangères consacre aux actions environnementales, sous la forme de contributions à des fonds internationaux. Dans le contexte économique actuel, ces sommes ne sont pas négligeables. Elles traduisent l'engagement de la France, souvent réaffirmé par le Président de la République dans les enceintes internationales. L'actualité récente a du reste confirmé la pertinence de cet engagement ; je ne reviens pas sur les effets de la canicule estivale...

M. Jean-Pierre Blazy - Il ne vaut mieux pas !

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis - Vous avez vous-même inscrit la lutte contre le réchauffement climatique en tête de vos priorités. Et il est désormais bien établi que la conception française du développement durable constitue un aspect essentiel de la « vision du monde » qu'elle défend dans les différentes instances. L'idée française d'une mondialisation régulée et d'une croissance économique conciliée avec la préservation de la planète s'est manifestée dès le sommet de Rio de 1992. Depuis celui de Johannesburg, dix ans plus tard, elle a pris une dimension nouvelle que vous avez su illustrer lors du G8. Elle est désormais indissociable de l'approche multilatérale défendue par la France dans le cadre de l'ONU, et de son souci corollaire de ne pas laisser à la seule OMC le monopole de la régulation des échanges. Même s'ils n'en tirent pas toujours les conséquences, une telle vision est partagée par nos partenaires de l'Union européenne. Par contre, elle se heurte à l'hostilité des Etats-Unis particulièrement marquée avec l'administration Bush - et aux résistances des PVD, qui en craignent les conséquences pour leur propre croissance.

Il importe donc d'être exemplaire et de nous donner les moyens de notre politique.

En ce qui concerne l'exemplarité, les efforts réalisés depuis juin 2002 sont importants, et la volonté de la France ne s'est pas démentie. La création d'une Organisation mondiale de l'environnement - qui serait le pendant de l'OMC pour les accords multilatéraux environnementaux - se heurte aux difficultés que je viens d'évoquer. Soutenue par d'autres pays européens, la France a opté pour le renforcement du PNUE, afin d'en faire une agence spécialisée de l'ONU sur le modèle de l'OMS. Le PNUE deviendrait ainsi l'ONUE, et exercerait le secrétariat de l'ensemble des conventions internationales, ce qu'il est déjà en grande partie. Ces conventions, au nombre de 550 actuellement, s'étoffent peu à peu. Nous en avons ratifié plusieurs au cours de cette année, parmi lesquelles le protocole de Carthagène sur les organismes vivants modifiés - OVM - illustrant le principe de précaution, qui est désormais entré en vigueur avec les conséquences que nous connaissons sur les relations transatlantiques.

Exemplaires, nous l'avons également été au plan interne, où un important retard, démentant quelque peu la sincérité de nos engagements, devait être rattrapé. Je pense notamment au projet de charte de l'environnement à valeur constitutionnelle et à la stratégie nationale du développement durable, élaborée en juin dernier en concertation avec les membres du Conseil national du développement durable - CNDD.

Cette stratégie trouve sa traduction dans des textes que vous présenterez bientôt : plan climat, plan pour les véhicules propres, transposition de la directive sur les permis d'émission de gaz à effet de serre, plan santé-environnement, textes sur l'eau et sur les énergies.

Ces efforts bien réels se heurtent à des obstacles qui ne le sont pas moins ! Les menaces qui pèsent sur la planète apparaissent de plus en plus nettement et le sommet de Johannesburg a permis d'en faire un recensement exhaustif : sous-développement accru par les pandémies, urbanisation polluante, pénurie croissante d'eau et insuffisances de l'assainissement, réchauffement climatique lié à l'émission de gaz à effet de serre... Or, il est difficile de mener des stratégies cohérentes à l'échelle planétaire, compte tenu des divergences entre Etats et au poids des habitudes. A cet égard, l'Europe de la lutte contre le réchauffement climatique est certainement l'un des plus probants. D'un côté, nous savons que d'ici seulement quinze ou vingt ans, celui-ci aura eu des effets dévastateurs ; de l'autre, on peine à trouver des mesures d'anticipation cohérentes au plan mondial. Ainsi, le protocole de Kyoto ne peut entrer en vigueur devant l'opposition constante des Etats-Unis et les réticences du PVD et de la Russie. Vous vous êtes du reste rendue dernièrement en Russie pour convaincre les experts soviétiques de la nécessité de le ratifier sans plus attendre.

Même incohérence en ce qui concerne les OGM, où le conflit entre le principe de précaution établi par le protocole de Carthagène et les règles de l'OMC risquent de produire très vite des effets désastreux. Sous l'impulsion du Président Lula da Silva - ce qui peut paraître paradoxal - le Brésil vient d'autoriser les cultures du soja transgénique et de son côté, la Chine souhaite s'y engager hardiment !

Ainsi le Président de la République a-t-il eu raison de suggérer devant l'UNESCO, l'élaboration d'un code normatif de la bioéthique. Dans ce domaine, une politique globale s'impose. Il faut établir une véritable hiérarchie des normes à l'échelle internationale. Et cela vaut aussi en matière de diversité culturelle et de développement durable. Pour cela, il convient de se donner les moyens susceptibles d'étayer notre vision en renforçant nos capacités d'expertise et notre présence dans les organismes internationaux... ce qui, soit dit en passant, ne saurait pas être très coûteux ! Le fait que l'Union européenne puisse défendre des positions communes est un atout important. Mais il est clair que l'élargissement rendra plus difficile l'élaboration de positions communes en matière de développement durable. L'attitude des pays d'Europe centrale et orientale, proches des Etats-Unis dans la définition de leur politique extérieure, renforce les risques de division. Il importe d'intégrer cette dimension, afin que les positions de notre pays ne deviennent pas minoritaires au sein de l'Europe élargie.

Alors que notre pays a fait montre de son volontarisme en matière de développement durable sur la scène internationale, force est de constater que notre contribution aux organismes internationaux est souvent insuffisante, hormis pour ce qui concerne le fonds pour l'environnement mondial géré par la Banque mondiale.

Lors des auditions préparatoires à l'examen de ces crédits, il a été indiqué à votre rapporteur que la France n'honorait pas ses promesses de contribution au secrétariat de la convention des Nations Unies sur le changement climatique, les sommes correspondantes étant imputées sur le budget de plusieurs ministères qui ne débloquent pas les fonds. Quant au programme des Nations Unies pour l'environnement, dont la France vient de proposer de renforcer les prérogatives en en faisant une agence spécialisée des Nations Unies, notre pays figure au rang de quatrième contributeur obligatoire, mais seulement au douzième rang des contributeurs volontaires, ce qui constitue un décalage particulièrement dommageable pour notre crédibilité. Cette contribution volontaire de 3,2 millions d'euros est répartie entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'écologie et du développement durable. Ce dernier ne pourra acquitter les 500 000 € qui lui restent à payer pour honorer le montant promis par les autorités françaises au titre de leur contribution volontaire au PNUE.

En matière de financement de la recherche dans le domaine du réchauffement climatique, notre implication est également insuffisante. L'organisme d'expertise internationale compétent - le GIEC - ne reçoit que 310 000 francs suisses de notre part, alors que l'Allemagne y consacre 1 million de francs suisses, les Etats-Unis 4,3 millions et le Japon, 6,6 millions. Au sommet de Delhi, la France n'a même pas été en mesure de débloquer 50 000 € pour financer un programme relatif aux échanges de quotas au niveau international, ce qui est regrettable eu égard aux développements attendus en la matière et à leurs retombées économiques potentielles.

De même, la France n'a toujours pas contribué au fonds spécial pour le changement climatique. Plus généralement, les moyens humains consacrés aux aspects internationaux de la protection de l'environnement demeurent trop faibles. La mission sur l'effet de serre ne dispose que de 9,5 personnes, alors qu'un arbitrage interministériel avait prévu qu'elle serait dotée de 14. Pour cette raison, de nombreuses propositions lancées par les autorités françaises ne sont pas suivies d'effets, que ce soit au niveau communautaire, dans le cadre de la convention des Nations unies ou du protocole de Kyoto.

Les questions de développement durable impliquent plusieurs départements ministériels, ce qui suppose une coordination efficace, surtout pour préparer les négociations communautaires ou internationales. Certains outils ont déjà été créés à cette fin : il convient désormais de les conforter en leur donnant vraiment les moyens de fonctionner. La désignation d'un nouvel ambassadeur de l'environnement par le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'écologie est propre à faciliter une meilleure coordination entre ces deux départements ministériels, en amont des négociations internationales.

Plus généralement, la coordination entre les ministères doit être renforcée. Ainsi, la politique d'aide au développement reste encore insuffisamment orientée sur le développement durable. Il importe donc que les acteurs du développement se concertent avec le ministère chargé de l'environnement, pour élaborer des indicateurs de développement durable et unifier leur doctrine en matière d'attribution de l'aide publique. A terme, il serait souhaitable que chacun des ministères renforce ses capacités d'expertise en matière de développement durable.

Il est d'autre part indispensable d'accentuer notre effort de recherche. Le Président de la République a exprimé avec force la volonté de la France de voir mis au point un « code normatif universel » de bioéthique. Mais s'agissant des OGM, nous devons pour ce faire disposer d'une information exacte. En étouffant la recherche comme c'est le cas actuellement, on s'interdit de prouver quoi que ce soit, à commencer par une éventuelle nocivité, et on laisse le champ libre aux grands groupes américains. Il est temps de répondre à l'appel au secours de nos chercheurs. Le principe de précaution ne doit pas être un handicap mais un atout.

Il est regrettable enfin que la politique de jumelage destinée à faciliter la reprise par les PECO de l'acquis communautaire en matière de protection de l'environnement, ne dispose que de 700 000 à 800 000 € sur quatre ans.

En conclusion, je crois qu'il faut poursuivre nos efforts pour renforcer nos capacités d'expertise et rendre le système plus lisible. Il faudrait tout d'abord regrouper les contributions volontaires et obligatoires des autorités françaises à des organisations internationales - comme le PNUE ou le secrétariat de la convention des Nations unies sur le climat - sur le budget du ministère des affaires étrangères. Cela éviterait une dilution des responsabilités et cela recentrerait le ministère de l'écologie et du développement durable sur ses propres responsabilités en particulier en matière de recherche.

Il est ensuite indispensable d'accroître la capacité d'expertise et les moyens diplomatiques du ministère de l'écologie, et ce d'autant plus que l'élargissement de l'Union européenne va nécessiter de plus amples discussions avant l'adoption de positions communes.

En troisième lieu, il serait souhaitable d'impliquer davantage le Parlement dans l'élaboration et le suivi de la stratégie du développement durable. La création à cet effet d'un office parlementaire du développement durable, constitué sur le modèle de l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, serait une bonne chose.

Dans le même esprit, la constitution d'une mission sur les OGM, commune à la commission des affaires étrangères et à celle des affaires économiques, serait un signe politique fort.

La commission des affaires étrangères a émis à l'unanimité - les commissaires socialistes s'abstenant - un avis favorable à l'adoption de ce budget. J'invite l'Assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'invite les orateurs inscrits à se montrer plus scrupuleux dans le respect de leur temps de parole.

M. Gilles Artigues - S'agissant de ce budget, la position du groupe UDF sera conforme à la ligne d'action qui a toujours été la nôtre durant cette législature...

Plusieurs députés socialistes - L'abstention ?

M. Gilles Artigues - Si les textes sont bons, nous les soutenons et nous nous en réjouissons. Ainsi avons-nous soutenu la loi sur les risques technologiques et industriels, qui nous semblait une avancée significative, ou celle sur la chasse, qui nous paraissait conforme aux engagements pris durant nos campagnes.

Dans l'esprit du premier texte, nous approuvons l'augmentation de 2,3 % de l'agrégat 23, qui concerne les risques et la pollution. Vous augmentez aussi, Madame la ministre, les crédits de l'INERIS, et vous avez tenu parole sur les créations de postes du « Schapi » - service central hydrométéorologique et d'appui à la prévision des inondations - de même que sur les postes supplémentaires destinés à l'inspection des installations classées. Tout cela est très positif.

Lorsque j'ai signalé que j'allais être le porte-parole de mon groupe sur ce budget, de nombreux employés municipaux m'ont demandé de souligner les efforts du ministère en faveur de l'entretien dans les collectivités locales. Il me semble en effet important que l'administration donne l'exemple et que le développement durable ne reste pas qu'un concept mais se concrétise dans la vie quotidienne, via notamment le label qui a été créé.

S'agissant du plan bruit, nous aurions aimé plus d'ambition, car il s'agit là d'une nuisance fortement redoutée par les Français. Les 9 millions d'euros prévus pour la combattre nous semblent un peu faibles. Cela permettra certes de mener un certain nombre d'actions, par exemple une campagne de sensibilisation dans les écoles, mais nous aurions souhaité plus, en particulier la création d'un numéro vert que les victimes du bruit auraient pu appeler pour trouver un soutien psychologique et juridique. L'insonorisation des logements est une bonne mesure, mais si le bruit est là dès qu'on ouvre les fenêtres, elle ne suffit pas. Il faut aussi construire des murs antibruit, couvrir les autoroutes, interdire le fret ferroviaire de nuit...

Le débat national sur l'énergie nous a un peu laissés sur notre faim, car ce fut surtout un débat d'experts entre anti et pronucléaires. Nous aurions aimé que l'on ne parle pas seulement de production, mais aussi de consommation, car nos concitoyens sont responsables et accepteraient de faire des efforts d'économie d'énergie. Je pense que les événements dramatiques de cet été auraient pu être l'occasion - à un moment où l'on évoquait des difficultés dans les centrales et des problèmes d'ozone dans les agglomérations - de parler davantage des énergies renouvelables et des transports.

J'aimerais avoir votre sentiment, Madame la ministre, sur l'enfouissement des lignes à haute et à très haute tension.

Enfin, M. Lassalle m'a demandé de vous dire que l'exonération sur le foncier non bâti dans les territoires concernés par le réseau Natura 2000 n'allait pas forcément dans le sens de l'amour de la nature.

En conclusion, le groupe UDF estime que ce budget est bon et comme l'environnement est un domaine où il semble être écouté, il le votera avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. François Asensi - Les mesures annoncées sont louables, mais je crains qu'en matière d'environnement, comme en beaucoup d'autres, le Gouvernement ne fasse preuve de « popularisme », j'entends par là une politique aux effets plus médiatiques que concrets.

Nous ne pouvons qu'être en accord avec ses déclarations de principe, mais le développement durable, tel qu'on le conçoit depuis le sommet de la terre à Rio en 1992 et celui de Johannesburg en 2002, repose sur trois piliers traditionnels : l'environnement, le social et l'économie.

Or, ce budget s'inscrit dans un contexte de précarisation de l'environnement social et économique de nos concitoyens, que ce gouvernement ne fait qu'aggraver, en préconisant par exemple une part croissante de l'assurance privée en matière de santé publique ou encore en accélérant la sortie du système de l'assurance chômage.

J'estime, d'autre part, que le développement durable doit rester une prérogative de la puissance publique. Or, le Gouvernement envisage d'ouvrir le capital d'EDF-GDF, voire de privatiser l'entreprise, mais bien sûr à travers un montage judicieux, assurant la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Pourtant, seule une entreprise publique peut assurer un égal accès de tous aux réseaux d'énergie, dans le respect de l'environnement.

En bradant son patrimoine national et les outils de sa puissance publique, l'Etat s'expose à une perte d'indépendance et à une détérioration de ses réseaux, comme celle qu'ont connue les Etats-Unis ou l'Italie. Peut-on raisonnablement envisager que nos centrales nucléaires soient gérées par des entreprises privées, d'abord ancrées dans une logique du court terme et de la rentabilité ?

Loin de rompre avec la gestion publique du secteur de l'énergie, nous devons aller vers plus de transparence et de démocratisation, que seule peut assurer la puissance publique.

Nous ne pouvons renoncer au nucléaire, qui représente une part trop importante de nos ressources énergétiques, mais il me paraît raisonnable de le conjuguer avec d'autres sources d'énergies, alternatives et renouvelables. Le Gouvernement envisage-t-il donc de baisser la TVA sur les énergies non polluantes, comme la géothermie dont j'ai pu faire la promotion dans ma circonscription ?

Le principe du pollueur-payeur tarde à s'appliquer en France car ce gouvernement est plus préoccupé de la santé des marchés financiers que de l'emploi ou du respect de l'environnement. Et s'il vous plaît, épargnez-moi l'adage : « les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain », car les faits démontrent le contraire.

L'augmentation de la TIPP sur le diesel ne concerne que les particuliers, alors que les transporteurs routiers causent l'essentiel de la pollution automobile.

Les consommateurs paient de plus en plus cher pour avoir de l'eau potable au robinet, tandis que l'eau utilisée par les grands exploitants agricoles, qui consomment d'énormes quantités de pesticides et d'engrais est subventionnée. Pourquoi ? A quand des sanctions contre les « patrons voyous » qui polluent sans scrupule, comme par exemple ceux qui lancent sur les mers des navires poubelles sous pavillon de complaisance ?

Lors de son audition par la commission des affaires économiques, Mme la ministre, parlant de l'ADEME et d'une nouvelle politique de déchet, a préconisé « une adaptation des capacités aux besoins ». Cela résume bien toute une philosophie productiviste d'accumulation des marchandises et du capital. Pour une fois, pourquoi ne pas adapter les besoins aux capacités ? Sans une telle inversion, toute politique de développement durable restera vaine.

Pour conclure, je dirais que ce budget ne procède qu'à des modifications à la marge, sans réelle ambition. Une fois de plus, le Gouvernement n'a pas été à l'écoute des Françaises et des Français qui souhaitent faire du respect de l'environnement l'un des principes fondamentaux de développement de nos sociétés modernes (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Conformément aux engagements que vous avez pris l'an passé ici même, Mmes les ministres, ce budget progresse. A périmètre constant, donc hors fonds national de solidarité pour l'eau, la progression est de 2,7 %. Quant à l'intégration de ce fonds dans le budget, elle est facteur de transparence et d'efficacité, d'autant que ses crédits sont égaux au prélèvement effectué sur les agences de bassin.

Comme l'an dernier, votre budget se caractérise également par sa sincérité. Sous le précédent gouvernement, le budget de l'environnement était surtout composé de chèques en blanc et les moyens de paiement étaient très inférieurs aux autorisations de programme. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP) Vous réduisez cet écart et nous apprécions cette sincérité.

Ce budget est cohérent avec les priorités que vous avez définies. En 2003, nous avons voté la loi sur la prévention des risques naturels et technologiques, à la suite des récentes catastrophes - explosion de l'usine AZF, inondations de la Somme, du Gard et de l'Hérault, etc. Ce texte, qui vise à développer une culture de prévention des risques, comporte une innovation majeure, les plans de prévention des risques technologiques autour des 670 établissements Seveso « seuil haut ». Ce projet de loi en prévoit le financement puisque les crédits consacrés à la maîtrise des risques industriels augmentent de 27 % pour atteindre 7 millions d'euros en crédits de paiement et plus de 13 millions d'euros en autorisations de programme. L'inspection des installations classées bénéficie de cent emplois supplémentaires.

Quant aux risques naturels, l'accent est mis sur la lutte contre les inondations : les crédits correspondants augmentent de 75 % et atteindront 35,6 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront notamment d'améliorer l'entretien des cours d'eau, de renforcer les ouvrages de protection des zones habitées et de moderniser la prévision des crues : le service central d'hydrométrologie, inauguré le 5 septembre à Toulouse, emploie trente personnes.

Les 23 millions d'euros consacrés à la prévention des autres risques naturels devraient accélérer le rattrapage des retards préoccupants pris dans l'élaboration des plans de prévention des risques. S'y ajoutent les crédits du fonds « Barnier », qui pourra désormais financer le rachat des maisons très endommagées et donc briser le cercle vicieux dans lequel étaient enfermés les habitants concernés. C'est un progrès pour la sécurité, mais aussi une avancée sociale.

A côté de la sécurité environnementale, la qualité de la vie est notre seconde priorité. Il faut souligner, à cet égard, l'augmentation sensible des moyens de lutte contre le bruit, plaie majeure de nos sociétés. Plus de 9 millions d'euros sont consacrés au plan de mesures présenté le 6 octobre.

Je voudrais m'attarder un peu sur la préservation du patrimoine naturel. Vous avez annoncé que 2004 serait une année de réflexion sur la stratégie à mener pour protéger la biodiversité, ce qui explique la stabilité des crédits. Nous vous donnons rendez-vous l'an prochain sur ce sujet important. D'ores et déjà je me félicite de l'exonération de taxe foncière décidée en faveur des propriétés situées dans les zones Natura 2000. Il faut poursuivre dans cette voie. En effet, alors que notre pays dispose d'une fiscalité très incitative pour protéger le patrimoine culturel, rien d'équivalent n'est prévu en faveur du patrimoine naturel et c'est une grave lacune.

Je voudrais enfin évoquer deux politiques qui n'apparaissent pas en tant que telles dans ce budget, mais qui devraient devenir plus lisibles avec la mise en _uvre de la loi organique sur les lois de finances - une expérimentation en ce sens est d'ailleurs en cours dans la DIREN Midi-Pyrénées : l'éducation à l'environnement et le plan national santé et environnement.

Pour la première, les expérimentations en cours devraient être généralisées l'an prochain. Quant à la seconde, nous en avons voté quelques prémisses dans la loi relative à la santé publique. C'est une question importante et urgente.

En conclusion je tiens à saluer le projet de charte constitutionnelle de l'environnement. Ce texte, voulu par le Président de la République et préparé sous votre impulsion, représente une révolution : il consacre, à côté des droits de l'homme et des droits économiques et sociaux, un droit à l'environnement et il orientera en profondeur nos travaux.

Le groupe UMP votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Après dix-huit mois d'exercice du pouvoir, on comprend mieux pourquoi le Président de la République réserve ses grandes déclarations environnementales aux sommets internationaux. Quel écart entre le discours de Johannesburg et l'absence totale d'ambition nationale pour faire du ministère de l'écologie et du développement durable un ministère de plein exercice !

L'infime hausse des crédits, en complet décalage avec les records de pollution que nous connaissons, s'explique en partie par l'intégration du fonds national de solidarité pour l'eau dans votre budget. A périmètre constant, la hausse des moyens de paiement est de 2,7 %, à peine plus que l'inflation prévue pour 2004.

Certes, Madame la ministre, vous nous dites qu'un bon budget ne se juge pas à l'aune des crédits de votre ministère (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP) mais au travers de l'action interministérielle.

Mais justement, les budgets, les propos et les actes de vos collègues démontrent une absence de cohérence de l'action gouvernementale en matière de protection de l'environnement.

Ainsi les transports collectifs en site propre ne sont pas financièrement accompagnés à la hauteur des enjeux et nous nous interrogeons sur l'avenir des PDU.

Autre exemple, l'assise géographique du Conservatoire du littoral est doublée, mais les crédits baissent... Et que dire du « secret défense » relatif au nucléaire, véritable dénégation du droit à l'information ?

Pour en revenir au budget 2004, il n'est guère crédible comparé aux ambitions martelées par le chef de l'Etat.

Veut-on nous persuader, à coup de réclame et de slogans, que ce gouvernement, plus vert que vert, sera celui de la meilleure prise en compte de la dimension environnementale, avec comme fer de lance la proclamation du droit de l'homme à l'environnement ? On ne demanderait que cela, compte tenu des crises à répétition que nous venons de connaître : inondations, tempêtes, naufrages, incendies, canicule... Cette convergence a-t-elle conduit au plus fort budget de l'environnement depuis la création du ministère ? Non !

Le cocorico de la charte de l'environnement prête à rire, tant il tranche avec la réalité de l'engagement de la France, qui fait partie des mauvais élèves de l'Union européenne pour la transposition des directives en ce domaine. La charte de l'environnement s'accommodera-t-elle des nombreuses condamnations de la Cour européenne de justice ?

Mme la Ministre - C'est vous qui avez pris du retard !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Au chapitre des plaintes européennes, il faut citer le marais poitevin, qui, partagé entre deux régions, est l'objet de surenchères graves, malgré les annonces faites par le Premier ministre.

Faute de crédits suffisants, ce territoire sous le coup de condamnations européennes et de retrait de label est aujourd'hui menacé. Les deux régions et les trois départements concernés, tous gérés par votre majorité, attendent que votre Etat vienne les sauver. Moi-même je nourrissais l'espoir secret que le Gouvernement suscite un traitement plus adapté, en particulier en matière agricole et agri-environnementale. Mais non ! Certes il sera pris en compte dans la loi relative aux territoires ruraux, mais il faudra aller plus loin. Et que dire du programme européen REACH, que la France freine au nom de la compétitivité, cette France qui a fait pression pour édulcorer le contenu de la directive relative à la prévention et à la réparation des dommages écologiques résultant des activités industrielles ?

A l'image de ce budget, votre politique de l'environnement est souvent un trompe-l'_il ! Nos voisins nous taquinent souvent sur notre emblème du coq : c'est le seul animal qui chante les pattes dans le fumier ! C'est malheureusement l'impression que donne le grand cocorico sur la charte alors que nous sommes empêtrés dans le lisier breton, autre dossier où plane la menace d'une condamnation.

Plus grave, ce budget aux élans poussifs masque mal la dérive amorcée dès le budget 2003 : un désengagement de l'Etat dont on mesure déjà les tristes conséquences et qui augure mal des prochaines crises. Par ses manquements, ce budget participe du déficit des politiques publiques environnementales.

Pour la protection de la nature, des sites et des paysages, une baisse de 10 % est prévue alors même que vous annoncez une stratégie nationale pour la biodiversité. Ce choix est d'autant plus incohérent que seul 1,18 % du territoire est protégé dans ce cadre, que les dotations Natura 2000 et celles allouées à la gestion ainsi qu'à la conservation des milieux naturels sensibles sont en baisse.

La protection de l'eau et des milieux aquatiques trinque aussi. Après avoir diminué l'année dernière, le budget stagne. Une nouveauté importante toutefois : l'intégration complète du FNSE dans le budget de l'eau. Le FNDAE disparaît donc. Une taxe est créée sur la consommation d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'une distribution publique d'eau potable. Elle est affectée au budget général de l'Etat qui peut attribuer des subventions aux collectivités territoriales et à leurs regroupements pour les travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales. Mais nous n'avons aucune assurance sur le niveau et la pérennité des aides, non plus que sur leur procédure d'attribution.

L'amputation des recettes de la part PMU par la loi de finances pour 2003 avait déjà porté un sérieux coup au FNDAE. Les départements ont vu leurs dotations diminuer fortement : pour 64 d'entre eux, la baisse est comprise entre 50 et 75 %, pour 25 autres, elle est supérieure à 75 %. Cela compromet de nombreux programmes d'assainissement en milieu rural alors même que la qualité de l'eau se détériore.

Ces choix budgétaires et l'abandon du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau confirment l'absence totale de politique de l'eau de votre gouvernement.

Toutefois, un effort important est à saluer en matière d'inondations : la dotation augmente. Conformément à la décision prise par le gouvernement de Lionel Jospin au CIADT du 9 juillet 2001, le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations a été inauguré à Toulouse le 5 septembre 2003. Cette dotation lui permettra de fonctionner en regroupant une trentaine de spécialistes.

Enfin, les efforts de solidarité et de péréquation diminuent une nouvelle fois.

A la fracture sociale, urbaine, voire religieuse, évoquée par le chef de l'Etat, s'ajoutera aussi une fracture environnementale, qu'aucune charte adossée à la Constitution ne pourra réparer.

Le chapitre relatif à la prévention de la pollution et des risques est sans doute le moins mauvais. Toutefois rien dans le bleu ne nous permet de connaître le détail de la hausse de 27 % de la dotation destinée à la prévention des risques technologiques. Un effort particulier d'information et de concertation sera-t-il entrepris ?

La nouvelle baisse prévue pour la prévention des risques naturels risque d'entraver l'action des collectivités alors que l'objectif affiché reste toujours de 5 000 communes couvertes par un PPR approuvé en 2005.

Quant aux établissements publics, je crains qu'ils ne soient bientôt incapables d'assumer leurs missions. L'IFEN, l'AFFSE et l'ADEME en donnent le triste exemple.

Votre budget réduit son soutien aux politiques environnementales. Ce désengagement s'exprime notamment vis-à-vis des associations. A cet égard, vous êtes en parfaite harmonie avec le « la » gouvernemental : gel de subventions, suppression des emplois-jeunes,... Le projet de loi de finances organise la clôture du FNDVA, fonds destiné à la formation des bénévoles associatifs.

Contrairement à ce que le Premier ministre avait promis aux associations de protection de l'environnement, la dotation au partenariat avec le monde associatif baisse de plus de 20 %, dans la continuité de la loi de finances pour 2003. C'est un nouveau signe d'une remise en cause des conventions pluriannuelles d'objectifs signées entre l'Etat et les associations. Encore un paradoxe de ce budget ! Comment justifier la baisse du soutien aux associations alors que le ministère lui-même déplore un déficit chronique d'expertises ?

Ce budget ne nous satisfait pas du tout. Il nous inquiète même au plus haut point. Nous ne le voterons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Lionnel Luca - Ce budget témoigne de la volonté du Gouvernement et du Président de la République de consacrer l'écologie et le développement durable comme une priorité.

Vous avez mené un dialogue constructif avec les élus locaux concernés par la mise en place du réseau Natura 2000, comme le département des Alpes-Maritimes pour le secteur des Préalpes de Grasse. Mais la mention, dans le document d'objectifs, du « passage du loup » a provoqué à juste titre la colère des éleveurs. Si elle n'était pas retirée, elle conduirait à la remettre en cause.

J'évoquerai ensuite la politique des déchets. Deux millions de tonnes de vieux papiers issus de prospectus et de la presse gratuite restent dans l'attente d'une filière de retraitement que les entreprisses de commerce et de distribution se sont engagées à financer. La démarche n'a toujours pas abouti. De même reste posé le problème de la distribution gratuite de sacs en plastique par les surfaces de vente.

L'une des conséquences du réchauffement climatique est l'aggravation de l'érosion littorale qui concerne 3 000 km de nos côtes. Or, à ce jour, l'Etat n'a défini aucune politique, contrairement à nos voisins européens. Certes, il vient de rappeler l'urgence d'une gestion moins laxiste du domaine public maritime. Mais il ne peut se contenter de détruire les constructions illicites sans engager une véritable politique de prévention et de protection des équipements publics ainsi que des propriétés privées situées à l'arrière de ce domaine public, ni soutenir les collectivités locales.

Je voudrais faire une proposition relative à la prévention et à la gestion des risques environnementaux, qui s'exercent de plus en plus au niveau départemental via les SDIS ou les syndicats de rivières par exemple. Des mesures incitatives pourraient encourager la création d'agences départementales de la prévention et de la gestion des risques, en substituant une approche transversale à une approche sectorielle. Ces agences oeuvreraient notamment à la prise en compte culturelle de la notion de risque et à son appropriation par la population.

Le département des Alpes-Maritimes, qui cumule tous les risques environnementaux, est candidat à l'expérimentation de cette proposition. Le club high tech de la Côte d'Azur de Sophia Antipolis, l'université de Nice et le CNRS travaillent actuellement sur un projet en ce sens. Votre budget démontre votre volonté de faire de l'écologie et du développement durable une grande politique pour la France. Vous le faites avec pragmatisme, efficacité et talent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Chanteguet - Je souhaite évoquer la protection de la nature, des sites et des paysages. Vous avez déclaré, Madame la ministre, que « la France, qui possède un patrimoine naturel exceptionnel, porte une importante responsabilité dans la mobilisation planétaire pour la préservation de la biodiversité et qu'elle se dotera en 2004 d'une stratégie nationale pour la préservation de la biodiversité ». Comment ne pas s'étonner, dans ces conditions, de la baisse de 10 % environ des crédits consacrés à la protection de la nature ?

On est en droit de se demander où est la cohérence de votre politique dans ce domaine, quand la dotation de l'outil privilégié de mise en valeur de territoires remarquables pour leur biodiversité, Natura 2000, passe de 19,8 millions d'euros à 17,8 millions d'euros, et diminuent de plus de 11 %. Comment asseoir une politique de développement du réseau d'espaces protégés quand on réduit les crédits des parcs nationaux de 35,6 millions d'euros à 33,9 millions d'euros, ceux des réserves naturelles de 12,7 millions d'euros à 11,56 millions d'euros et qu'on attribue au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres un budget de 20,93 millions d'euros, en réduction de 20 %.

Les quarante parcs naturels régionaux représentent près de 12 % du territoire national. Contrairement aux parcs nationaux, ce ne sont pas uniquement des sanctuaires naturels. Ils constituent depuis plusieurs décennies des territoires d'expériences pour le développement local des espaces ruraux habités. Le concept de développement durable résume assez bien leur logique d'action, car on y recherche la synergie entre protection de la nature et du patrimoine, développement économique et solidarité nationale.

Mais les responsables des parcs s'interrogent.

Certains d'entre eux ont, en 2003, subi une baisse importante de leur dotation.

Souvent, les propos élogieux tenus à leur égard par nos responsables politiques n'ont pas été suivis d'effet.

De plus, la possibilité de superposition entre un parc et un ou plusieurs pays, même si la dernière disposition législative confirme la prééminence de l'organisme de gestion du parc, est source de difficultés.

Enfin, le désengagement financier de l'Etat que nous voyons poindre risque d'entraîner le transfert des parcs vers les régions, quand à leurs yeux la politique des parcs doit demeurer nationale.

Madame la ministre, devant la commission des affaires économiques, vous avez indiqué que dans le projet de budget 2004, priorité est accordée aux moyens de fonctionnement des parcs naturels régionaux et que leurs crédits de fonctionnement sont maintenus à un niveau voisin de celui des crédits consommés en 2003. Des propos qui ne sont pas faits pour nous rassurer compte tenu des restrictions budgétaires imposées sur 2003.

Lors des journées des parcs, vous n'avez pas manqué de mettre en avant leur rôle dans la mise en _uvre d'une politique de préservation de la biodiversité.

Les organismes de gestion des parcs apportent en effet un soutien actif aux politiques nationales et européennes.

Pour Natura 2000 en particulier, les parcs se sont engagés à assurer la bonne fin des documents d'objectifs des quatre-vingt-cinq sites retenus sur leurs territoires et ils sont prêts à prendre en charge le lancement de ceux qui sont en attente.

Je suis sûr que dès la parution du décret sur les réserves régionales, les organismes de gestion des parcs accompagneront les régions dans la mise en place de ces nouveaux outils.

Pas de politique de préservation des espaces privés présentant un intérêt environnemental sans contractualisation et sans mesures financières. Je me félicite donc du premier pas qui vient d'être accompli sous votre responsabilité, puisque figure dans ce projet de budget l'exonération totale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés situées dans une zone Natura 2000 faisant l'objet d'un contrat de gestion.

De même dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux figurent de nouvelles dispositions fiscales qui devraient permettre une exonération partielle ou totale, sur le foncier non bâti, dans les zones humides à fort enjeu patrimonial.

Néanmoins, les élus et responsables de ces mêmes zones humides ne peuvent admettre que leur territoire ne bénéficie pas des mêmes mesures que le Marais poitevin, dont les prairies bénéficieront d'une indemnité compensatoire de handicap naturel à quoi s'ajouteront 2 millions d'euros sur les crédits de votre ministère.

Territoires d'expérimentation, les parcs le sont déjà dans bien des domaines. Cette légitimité, ils l'ont acquise par le travail acharné de leurs élus, de leurs équipes et des habitants.

Les parcs naturels régionaux sont fiers d'avoir conservé et, dans de nombreux cas, reconquis la nature.

Malgré vos propos rassurants et votre volonté de bien faire, nous ne pensons pas que vous disposiez du budget à la mesure de vos ambitions. C'est pourquoi nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Yves Cochet - Tout d'abord, il est bien dommage que vous n'ayez pas retenu les engagements du précédent gouvernement en termes de présentation budgétaire. Laurent Fabius avait institué une règle de présentation à périmètre constant, et ce gouvernement n'en a cure. C'est dommage pour les finances publiques, la transparence, la démocratie et pour les amoureux de l'environnement.

Plusieurs niveaux de lectures du « bleu » budgétaire sont possibles.

Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, le budget progresse de 11,43 %. C'est le niveau de lecture UMP (Rires).

Un deuxième niveau apparaît lorsque l'on s'intéresse à la capacité d'engagement du ministère. Il faut pour l'évaluer additionner les dépenses ordinaires du titre III et du titre IV et les autorisations de programme. Première déception : la progression n'est plus que de 1,6 %. En effet, les autorisations de programme ont chuté de 7,7 % ! Quelle politique comptez-vous mener, Madame la ministre, avec une telle baisse de vos capacités d'investissement ?

Troisième niveau de lecture : parmi les instruments dont disposait jusqu'alors le MEDD, il y avait le fonds national de solidarité pour l'eau, deuxième section du compte spécial du Trésor correspondant au fonds national de l'eau dont la première section est constituée par le FNDAE. Le monde de l'eau appréciera à sa juste mesure la décision du Gouvernement de supprimer ces deux fonds.

Vous avez rapatrié dans votre budget les crédits du FNSE, soit 83 millions d'euros. Il est vrai que vous avez l'habitude de priver l'eau de ses crédits. L'année dernière, vous aviez soutiré 20 millions d'euros à ce même compte spécial du Trésor ; cette année vous prenez le tout.

Vous avez également décidé de prélever dans les caisses des agences de l'eau presque 240 millions d'euros ! Aucune trace dans votre projet de budget de ce rapt de trésorerie dont, paraît-il, même vos amis politiques s'émeuvent. Ainsi le sénateur Robert Galley, qui s'y connaît en financement (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la commission des affaires économiques - Ce n'est pas convenable.

M. le Président - M. Galley n'est pas là pour se défendre.

M. Yves Cochet - Je le citais seulement. M. Galley, donc, a adressé une note « confidentielle » à l'ensemble des membres du comité de bassin pour les alerter de cette situation. Combien allez-vous prendre au secteur de l'eau pour combler les insuffisances budgétaires de votre ministère ?

Le transfert du FNSE est ce que l'on appelle une grosse « budgétisation », mais votre budget présente aussi des transferts entre sections provenant d'autres budgets ministériels. Ainsi du transfert de cinquante emplois « finances » dont on peut d'ailleurs se demander s'ils sont comptabilisés dans les réductions d'emplois annoncées sur le budget du ministère de l'économie et des finances.

Avec l'ensemble de ces transferts et cette grosse budgétisation du FNSE, votre budget n'augmente plus que de 0,13 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement et baisse même de 1,5 % en dépenses ordinaires et autorisations de programme, ces dernières diminuant de 16 %.

Que vous reste-t-il pour mener votre politique lorsque vous aurez payé les dépenses liées à l'augmentation de la rémunération fonction publique de 2002 ? Rien !

Non seulement vos crédits n'ont pas progressé, mais ils ont diminué de 1,5 % par rapport à l'inflation, puisque c'est la norme retenue par M. Raffarin pour l'évolution des dépenses publiques.

Madame la ministre, la maison brûle ; votre ministère n'existe plus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Didier Quentin - Ce budget est bon. Mais pour qu'il soit tout à fait satisfaisant, il conviendra d'obtenir un certain nombre de fonds de concours des Agences de l'eau.

Mme la Ministre - Très bien !

M. Didier Quentin - Nous espérons donc que les conseils d'administration donneront un avis favorable comme vient de le faire hier l'agence de l'eau Rhin-Meuse. Vous devriez ainsi avoir les moyens de tenir les engagements pris par le Président de la République.

La protection de l'environnement et le développement durable comptent parmi les premières préoccupations de nos concitoyens, et en particulier des plus jeunes.

Nous ne pouvons que nous féliciter de la décision annoncée ces jours derniers par Mme Tokia Saïfi d'étendre l'éducation à l'environnement dans les programmes scolaires, comme il était prévu dans les textes depuis 1977, mais malheureusement avec trop peu d'application...

En tant que président du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, j'ai parcouru ces derniers mois la France métropolitaine et aussi l'outre-mer, à la rencontre des élus, des responsables et des agents de terrain qui, avec passion, font vivre cette grande cause nationale.

Vous me permettrez d'avoir une pensée particulière pour les gardes du littoral - nos « gardes bleus » - à laquelle j'associe notre collègue Jérôme Bignon, président de « Rivages de France ». Nous avons pu constater leur dévouement à la préservation des richesses naturelles et aux paysages littoraux, lors de leurs journées nationales des 7 et 8 octobre dernier en Camargue.

J'ai pu mesurer combien les acquisitions réalisées par le Conservatoire, depuis 1975, assurent la préservation définitive de milieux naturels et de paysages remarquables, sources de richesses et de lien social.

Vingt-huit ans après sa création par la loi du 10 juillet 1975 votée à l'initiative du gouvernement de Jacques Chirac, le Conservatoire a déjà acquis près de 68 000 hectares, soit un peu plus de 800 km de rivages, répartis sur 520 sites. C'est considérable, mais cela ne représente que le tiers du « tiers sauvage » qui était et demeure notre objectif.

Plusieurs émissions de télévision ont tiré la sonnette d'alarme sur les risques de dégradation du capital écologique, culturel et touristique que constituent nos rivages naturels, sur la responsabilité de l'Etat et sur l'outil essentiel que représente à cette fin le Conservatoire du littoral.

Comme le signale l'excellent rapport de Christophe Priou, les moyens qui seront accordés en 2004 semblent en deçà des besoins de l'établissement public. Je souligne d'ailleurs l'importance de ce statut d'établissement public de l'Etat pour le Conservatoire, dont j'aurais personnellement souhaité qu'il soit qualifié de « Conservatoire national ».

Les crédits alloués risquent d'être d'autant plus serrés que des missions nouvelles étendant considérablement le champ d'intervention du Conservatoire vont lui être confiées par la prochaine loi relative aux territoires ruraux ; d'autant plus aussi, que ses maigres effectifs - moins de 75 postes budgétaires pour tout le littoral français, y compris l'outre-mer - sont menacés de plusieurs amputations.

Je m'étonne, en effet, de la réintégration par certains ministères d'agents qui avaient été détachés auprès du Conservatoire, alors que les emplois concernés sont tout à fait marginaux au regard des effectifs de ces administrations.

Il est donc hautement souhaitable que votre ministère bénéficie des fonds de concours des agences de l'eau. Le Conservatoire doit, en effet, conduire des actions plus coûteuses qu'à ses débuts du fait du renchérissement des terrains, et il ne pourra se soustraire à certaines opérations de grande ampleur.

Je souhaite, Madame la ministre, avoir l'assurance que, comme cela a été fait il y a quelques années pour l'acquisition des Salins d'Hyères, vous serez en mesure de nous soutenir, si une acquisition emblématique excédant nos possibilités s'avérait indispensable.

Si nous voulons maintenir notre capacité d'action, nous devrons redoubler d'efforts et d'imagination auprès de tous nos partenaires, publics et privés, et notamment auprès des fondations d'entreprises mécènes qui sont maintenant une douzaine et auxquelles je tiens à rendre hommage.

Je réfléchis aussi à d'autres modalités de gestion et d'entretien de ce patrimoine naturel, notamment par le biais des travaux d'intérêt général.

Vous avez marqué une priorité, compréhensible, en faveur de la prévention des catastrophes naturelles et industrielles. Mais je sais aussi l'ambition qui vous anime de renforcer la protection et la gestion dynamique du patrimoine naturel. C'est d'ailleurs le sens de la stratégie nationale sur la politique de biodiversité que vous avez présentée au Conseil des ministres du 11 septembre.

Je m'en réjouis et je me permets, d'ores et déjà, de prendre rang pour le Conservatoire du littoral, au nom d'une cause qui nous a toujours tous réunis au-delà des clivages partisans, et d'une institution vivante, unanimement respectée et jugée exemplaire car elle donne toute sa portée à la belle expression de « développement durable ». Je conclus donc en lançant un appel à la mobilisation de toutes les bonnes volontés en faveur du Conservatoire du littoral (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Tourtelier - Le budget que nous examinons illustre l'ambiguïté de l'appellation de votre ministère dit de l'écologie et du développement durable, comme si le terme d' « écologie » n'était pas, à lui seul, assez large. En fait, vous réduisez l'écologie au traitement du présent ou aux remèdes à apporter aux erreurs du passé : réduire le bruit, les risques industriels, les risques d'inondation... Votre budget traduit cette vision réductrice, et rien n'est fait pour se projeter dans le futur pour éviter les mêmes erreurs. En bref, les crédits ne sont pas affectés au développement durable. Cela transparaît dans notre débat : combien de fois avons-nous entendu dire : « nous ne trouvons pas les crédits correspondants » ?

De fait, mis à part le maintien du crédit d'impôt pour l'achat de véhicules propres, où sont les moyens d'une politique de développement durable ?

Vous baissez même les crédits permettant de voir si la situation se dégrade ! C'est ainsi que les crédits des organismes de surveillance de la qualité de l'air comme ceux de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale sont diminués. Votre secrétariat au développement durable existe-t-il vraiment ? En tous cas, il est absent de ce budget, comme d'ailleurs des débats actuels, dont celui que vous avez contribué à lancer, sur l'énergie, thème essentiel pour le développement durable.

Ne retiendra-t-on de cette parenthèse « démocratique » que deux annonces ? La vôtre, il y a un an, par laquelle vous faisiez l'éloge du nucléaire en dénigrant l'éolien, et celle de Mme Fontaine se prononçant en faveur de l'EPR, le réacteur nucléaire de troisième génération ? A cette annonce-là, vous n'avez pas réagi. De deux choses l'une : soit votre silence dit votre accord et le cynisme de ce faux débat national, soit la prise de position de Mme Fontaine montre à quel point votre avis importe peu sur cet aspect majeur du développement durable.

On attendait de votre part une prise de position plus nuancée. En particulier, vous auriez pu dire : « Pas de précipitation, pas de mépris pour tous ceux qui ont débattu ; n'orientons pas la décision avant le débat parlementaire. » Mais il n'y a eu qu'absence et silence. Dans ces conditions, comment la France peut-elle prendre ses responsabilités, au lieu de s'en tenir aux grandes déclarations d'intention ?

On cherche en vain dans votre budget la réponse à cette question alors que s'imposent la maîtrise de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables.

Sur le premier point, l'ADEME est un instrument efficace, mais vous lui avez coupé les ailes l'an dernier. Je suis d'ailleurs sensible à la conversion soudaine de Philippe Rouault, rapporteur spécial, à ce sujet. Mais la présidente de l'Agence, entendue par la commission, ne se fait pas d'illusion : elle sait que la situation financière de l'ADEME sera difficile, précisant : « En 2003, un plan d'économies a été adopté qui prévoit notamment de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux. La question du financement des cent postes créés entre 1999 et 2001 restera entière en 2004 ».

Que la réalité budgétaire est loin de votre première grande orientation affichée : « animer la stratégie nationale du développement durable » ! On comprend pourquoi les autorisations de programme de l'ADEME baissent de 218 millions en 2003 à 167 millions en 2004 : avec moins de personnel, on fera forcément moins ! S'agit-il d'inconscience ou de cynisme ? N'est-ce pas plus simplement, la conséquence néfaste de la baisse idéologique des impôts, qui prive l'Etat des ressources indispensables pour assurer notre avenir ?

Certes, une réflexion sur le rôle de l'ADEME est nécessaire, comme le recommande Serge Poignant dans son rapport sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables. Encore faut-il ne pas priver l'Agence des moyens de gérer une éventuelle transition.

S'agissant de l'énergie solaire, la recherche est essentielle, mais le choix du nucléaire a phagocyté les crédits de recherche et chacun constate le retard que nous avons pris.

Serge Poignant explique dans son rapport que la France est le pays de l'Union européenne, avec la Belgique, dont la part des énergies renouvelables - hors hydraulique - est la plus faible dans la production d'électricité.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Il en explique la raison.

M. Philippe Tourtelier - C'est la faiblesse de notre recherche. Mais, pas plus que l'an dernier, nous n'avons de vision claire sur les crédits de recherche concernant l'énergie. Madame la ministre, vous plaidez souvent le long terme et une réponse globale, interministérielle. Mais les décrets d'application concernant les missions de votre ministère consacrent explicitement votre responsabilité qui est celle d'une cogestion. Dans les faits, vous êtes, au mieux, une accompagnatrice, sinon une spectatrice.

C'est ailleurs que l'on décide de vos crédits, ailleurs que l'on coupe et découpe après une parodie de débat budgétaire, puisque 85 % des mesures nouvelles de la loi de finances 2003 ont été gelés ou annulés, dont 20 % du budget de votre ministère ! C'est ailleurs que sont pris, ou ne sont pas pris, les véritables engagements en matière de développement durable qui, pourtant, ne doit pas être un vague objet non identifié, sinon ce n'est qu'incantation, plaidoyer velléitaire.

Dans ce domaine, vous devez être celle qui exprime et coordonne, vous devez rappeler que l'électricité n'est pas tout, que la politique énergétique n'est pas seulement une question de réacteur nucléaire. Manifestez au moins le respect du débat parlementaire ! Impliquez-vous, quantifiez précisément vos options ! Votre projet de budget est atone, et ni le parlementaire ni le citoyen n'y trouvent la prise en compte du développement durable. Nous ne pouvons donc y souscrire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Le budget du ministère connaît une hausse infime, dérisoire au regard des besoins réels en matière de politique environnementale. En outre, cette hausse s'explique en partie par l'intégration du FNSE dans le budget du ministère. A périmètre constant, la hausse des moyens de paiement est donc de 2,7 %. Avec un taux d'inflation prévisible de 1,5 %, on en mesure le caractère fortement limité. Et je ne parle même pas des gels et annulations de crédits intervenus durant l'année 2003, qui font planer un sentiment d'insécurité sur le projet de budget qui nous est présenté.

La lutte contre le bruit est une exigence essentielle. Or, elle a souvent été le « parent pauvre » des actions de prévention. Vos propositions budgétaires pour 2004 montrent que rien ne change.

Pourtant le rapport remis par Claude Lamure, en 1998, à vos prédécesseurs, montre les conséquences néfastes du bruit sur la santé ainsi que la progression de l'inégalité sociale face au bruit.

Le bruit est en effet devenu un critère essentiel dans le choix du logement. Dès lors, les populations les plus défavorisées sont les plus exposées aux nuisances sonores et les zones les plus bruyantes se paupérisent continûment. Les deux millions de nos compatriotes qui peuplent aujourd'hui la France des abandonnés au bruit seront les premières victimes de vos choix budgétaires incertains.

Votre plan national de lutte contre le bruit semblait attester d'une prise de conscience des enjeux du problème. Vous y envisagez notamment d'insonoriser en priorité les quartiers les plus exposés, des cantines et des crèches. A la vérité, loin d'innover, vous vous contentez de reprendre nos bonnes idées, sans mobiliser les moyens nécessaires.

Comme vous, la nouvelle présidente du Conseil national du bruit se targue d'une augmentation de 170 % des dotations budgétaires allouées à la lutte contre le bruit ! C'est un leurre, dans la mesure où les crédits avaient été diminués de moitié en 2003 ! Au final, les crédits sont en diminution par rapport à 2002 et la lutte contre le bruit ne mobilise plus que 3 % de votre budget.

Je souhaite à présent vous interroger sur le financement du dispositif d'aide aux riverains des dix plus grands aéroports.Vous prévoyez de financer les travaux d'insonorisation par une hausse de la taxe payée par les compagnies aériennes. Mais je rappelle que cette disposition a déjà été votée dans le cadre de la LFR pour 2002 et que nous attendons toujours le texte d'application ! A compter du 1er janvier 2004, les quelque 450 000 riverains concernés par le « plan de gêne sonore » n'adresseront plus leurs demandes de subvention à l'ADEME mais directement au gestionnaire de l'aéroport concerné. ADP et les chambres de commerce gestionnaires des aéroports de province seront donc à la fois juges et parties puisque ce sont eux qui perçoivent la taxe d'aéroport affectée à la lutte contre le bruit. Une telle confusion n'est pas acceptable. Si l'ADEME rencontre aujourd'hui des difficultés de fonctionnement, elles sont essentiellement liées à un manque de moyens humains et financiers. Il y a donc pas lieu de changer de gestionnaire, mais bien plutôt d'attribuer le surcroît de moyens indispensable.

L'ACNUSA estime à 130 millions le coût de l'insonorisation, compte tenu de l'élargissement des zones du PGS et du nombre plus important d'équipements à traiter. Avec vos « nouvelles » mesures, nous sommes loin du compte ! La nouvelle taxe sur les nuisances aéroportuaires - remplaçant la « TGAP bruit » - ne devrait rapporter en effet que 55 millions en 2004. A ce rythme, il faudrait vingt ans pour insonoriser les 180 000 logements inclus dans le nouveau PGS.

Non content de renoncer à l'indispensable troisième aéroport parisien, le Gouvernement - s'écartant résolument des préconisations de la mission d'information parlementaire conduite par M. Gonnot - ne se donne pas les moyens de réaliser les non moins indispensables travaux d'insonorisation des équipements existants. Les riverains apprécieront !

Madame la ministre, vous vous plaisez à rappeler que le développement durable a vocation à devenir un principe à valeur constitutionnelle. Mais votre ministère demeure celui de la réparation des dégâts. Et encore n'a-t-il pas les moyens nécessaires pour remplir cette mission a minima !

Votre politique du bruit, c'est beaucoup de bruit pour-presque-rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Je suis particulièrement heureuse de vous présenter avec Mme Saïfi, le projet de budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable. Je salue le travail remarquable du président Ollier, de vos trois rapporteurs et la haute tenue des différentes interventions. Je remercie les orateurs des groupes de l'UMP et de l'UDF pour leur soutien et je salue l'opposition « tonique » - mais non polémique - de M. Chanteguet !

L'année dernière, je vous avais présenté un budget stable par rapport à 2002, mais remanié en fonction des priorités que j'ai définies dès mon arrivée. Cette année, le budget que je propose à votre approbation progresse, et il est de surcroît tout à fait crédible.

Les moyens de paiement qui représentent 856 millions, augmentent, à première vue, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) de 11,45 %, par rapport à ceux que vous avez votés en 2003. Cette hausse tient compte de l'intégration du fonds national de solidarité pour l'eau, sur laquelle je reviendrai. A périmètre stabilisé - soit si je compare à ces 856 millions les moyens de paiement dont j'ai disposé en 2003 -, cette hausse reste de 2,7 % ce qui est loin d'être négligeable. Dans le contexte budgétaire actuel, elle traduit l'engagement du Gouvernement en faveur du développement durable. Cependant, comme tous mes collègues ministres, j'ai mené une réflexion sur le contour de mon budget, réalisé des arbitrages internes et revu ses missions. L'appréciation globale de 2,7 % s'accompagne donc de redéploiements et de rééquilibrages politiques, conformes aux priorités de mon action. J'ai privilégié la qualité et l'efficacité des dépenses.

Les emplois du ministère progressent aussi, dans le registre de la sécurité des personnes et des biens.

Le budget que je défends aujourd'hui est crédible. Mes prédécesseurs avaient présenté des budgets construits à partir de chèques en blanc et de promesses (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) ...dans lesquels les moyens de paiement restaient très inférieurs aux moyens d'engagement. Ce fut notamment le cas en 2002, le différentiel entre moyens d'engagement et de paiement atteignant 284 millions. Dès 2003, j'ai ramené cet écart à 222 millions. Pour 2004, j'ai choisi d'augmenter sensiblement les crédits de paiement - de 44 millions, soit de plus de 30 % - et de diminuer les autorisations de programme - moins 28 millions, soit moins 8 % compte tenu des transferts de politique. La crédibilité budgétaire du ministère était à ce prix.

Ainsi, comme a bien voulu le relever Mme Kosciusko-Morizet, j'ai réussi à ramener le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement de 222 millions à 150 millions en 2004. Compte tenu de la montée en puissance de certaines politiques et de l'activation des trésoreries de certains des établissements publics, le ministère disposera l'année prochaine de moyens de paiement suffisants, ses moyens d'engagement atteignant 1,006 milliard.

Le budget pour 2004 vise à tenir tous les engagements pris dans le cadre de la stratégie nationale de développement, durable adopté le 3 juin dernier par le comité interministériel du développement durable.

Ainsi, les moyens humains du ministère ont été renforcés de quatre-vingt-huit emplois. Je peux ainsi, comme annoncé après la catastrophe d'AZF, renforcer l'inspection des installations classées de cent emplois supplémentaires et amener le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations spécialisé dans l'interprétation de données de Météo France sur les orages cévenols, à son niveau opérationnel avec vingt emplois supplémentaires. Bien entendu, le ministère participe à l'effort commun de redéploiement interne et de non-remplacement d'une partie des départs à la retraite. La croissance des emplois est donc maîtrisée et s'appuie sur une dynamique de réforme interne.

Dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme, j'ai en effet conduit plusieurs réflexions sur l'organisation, les missions et les métiers du ministère.

Des innovations comme la charte de l'environnement auront un impact déterminant sur l'évolution de l'Etat et conduiront le Gouvernement à reconsidérer nombre de ses politiques. Les principes d'information du public et de participation sont au c_ur de nos réflexions sur l'évolution de la société.

Compte tenu de la taille de mon département, j'ai décidé de ne pas revendiquer la création de directions départementales de l'environnement et de continuer à m'appuyer sur les services départementaux d'autres ministères. Par conséquent, j'ai souhaité développer avec mes collègues Gilles de Robien et Hervé Gaymard de nouvelles relations de confiance (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), et l'accord que nous avons passé pour une meilleure utilisation de leurs services départementaux pour l'accomplissement des missions dont j'ai la charge devrait aboutir à une organisation originale, mise en place par étapes à compter de janvier 2004.

Ce processus est conforme à mon attitude générale d'ouverture et de coopération avec l'ensemble de mes collègues du Gouvernement, car je ne pense pas que l'opposition systématique, si confortable soit-elle, puisse faire avancer durablement les politiques que je soutiens.

J'ai également lancé des réformes de structure au sein même de mon ministère. L'institut français de l'environnement, l'IFEN, qui n'a pas la taille critique pour être un établissement public de l'Etat, va ainsi se transformer en service à compétence nationale. Et nous allons créer, à moyens constants, un service chargé du développement durable dans l'actuelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, qui sera elle-même renommée.

L'amélioration de la gestion interne demeure un des mes objectifs permanents : l'audit que l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'environnement ont conduit à ma demande lors de mon arrivée au ministère est la base de la réforme actuelle de la gestion financière et comptable, qui se traduit déjà par des taux de consommation des crédits plus comparables à la moyenne des autres ministères. Il sera rendu compte de ces progrès lors de l'audit mené par le comité interministériel d'audit des programmes relatif à la LOLF. J'ai d'ailleurs demandé que mon ministère soit parmi les premiers à faire l'objet d'un audit afin que les recommandations puissent être prises totalement en compte. Le travail d'élaboration des programmes de mon ministère est en effet bien avancé.

Les personnels de mes services sont recrutés et gérés par d'autres ministères. Cette situation, même si on peut lui trouver certains inconvénients, me permet de disposer d'une ressource humaine mobile...

M. Jean-Pierre Blazy - Très mobile !

Mme la Ministre - ...et de compétences variées. Il faut toutefois constater que les établissements publics qui relèvent de ma tutelle constituent plus du double des effectifs de mes services et qu'il n'y a pas pour eux de dispositions statutaires relatives à la mobilité. Je conduis donc en ce moment, avec mes collègues chargés du budget et de la fonction publique, une réflexion sur la mobilité des personnels.

Revenons maintenant à l'analyse du budget, que j'ai profondément remodelé en fonction de mes priorités.

Ma première est, bien sûr, la sécurité de nos concitoyens. Face aux inondations tout d'abord, et l'actualité des semaines dernières dans le sud-est de la France me confirme dans ma volonté en ce domaine, un an après les événements dramatiques de septembre 2002. J'avais annoncé une réforme du dispositif de prévision des crues : elle est en marche avec notamment la mise à niveau opérationnelle du SCHAPI. Le budget consacré aux inondations atteint 61,7 millions d'euros en dépenses ordinaires et autorisations de programme, contre 49,4 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de 25 %, et même de 75 %, en moyens de paiement, ce qui, vous en conviendrez, est considérable.

Dans le domaine des autres risques naturels, comme les avalanches, les incendies de forêt ou les glissements de terrain, je me suis également donné les moyens des ambitions que je porte au plan national. Ces moyens, qui atteignent 7,52 millions d'euros, me permettent de poursuivre ma politique axée sur les plans de prévention des risques, les PPR, et l'information du public. J'ai noté avec intérêt la proposition de M. Luca d'une gestion territoriale du risque. C'est elle qui nous amène à nous appuyer sur les directions départementales de l'équipement et sur la cartographie des risques.

A ces moyens, il faut ajouter la mobilisation du fonds Barnier, qui est doté de 80 millions d'euros de réserves. Depuis la loi du 30 juillet 2003, il peut maintenant financer l'acquisition de maisons fortement endommagées et de leur terrain d'assiette ainsi que les travaux permettant de sécuriser les habitations soumises au risque.

M. Didier Quentin - Très bien !

Mme la Ministre - La même loi du 30 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels contient des dispositions importantes, autour des 672 établissements Seveso à haut risque, qui portent à la fois sur l'élaboration de plans de prévention technologiques, les PPRT, et sur la création de comités locaux d'information et de concertation, les CLIRT. Ces mesures sont financées dans le présent projet, puisque le budget consacré à la prévention des risques technologiques augmente de 27 %. Un effort marqué a également été fait en faveur de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques - INERIS, dont les crédits augmentent de 29 % -, ce qui lui permettra de faire face à ses nouvelles missions en matière de recherche sur la sécurité technologique.

J'ai annoncé le 6 octobre, devant le Conseil national du bruit, un plan national de lutte contre le bruit, considéré comme une nuisance majeure par près de la moitié de nos concitoyens. Ce plan comporte à la fois des mesures d'ordre réglementaire et des soutiens financiers à l'insonorisation. Les crédits nécessaires à sa réalisation sont inscrits dans le présent budget : en hausse de 170 %, ils me permettront de mettre en _uvre dès le début de 2004 les mesures concrètes qui répondront aux attentes de nos concitoyens, notamment ceux situés dans les zones les plus défavorisées, où le bruit vient s'ajouter à d'autres handicaps. Nous pourrons ainsi, Monsieur Blazy, insonoriser 8 800 logements, ce qui n'est sans doute pas assez, mais plus que ce qu'on fait vos amis.

L'année 2004 sera mise à profit pour élaborer la stratégie nationale en faveur de la biodiversité et pour adapter et moderniser la politique du patrimoine naturel. 2004 étant une année de réflexion et de conception dans ce domaine, les crédits seront globalement identiques à ceux mis en place en 2003. J'ai développé le réseau Natura 2000, et relancé la concertation et la mobilisation des élus locaux, alors que cette politique était en panne à mon arrivée au ministère.

Plus de 120 sites ou propositions de sites ont été ainsi notifiés à la Commission européenne en dix-huit mois et près de 700 documents d'objectifs sont en cours d'élaboration ou déjà achevés. Vous avez raison, Madame Perrin-Gaillard, de souligner les risques de condamnation par l'Europe, mais rappelez-vous où nous en étions auparavant et quels risques nous faisait courir la politique de nos prédécesseurs.

Aux 17,84 millions d'euros prévus pour 2004 sur Natura 2000 s'ajoute ma proposition d'exonération fiscale de la taxe foncière non bâtie sur les propriétés situées en zone Natura 2000 et qui font l'objet d'un contrat de gestion conforme au document d'objectifs du site. Je resterai bien entendu très vigilante afin de permettre à l'ensemble des réseaux de gestionnaire d'espaces naturels d'_uvrer efficacement pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine naturel.

Je connais, Monsieur Priou, vos inquiétudes sur les financements qui sont alloués aux parcs naturels régionaux. Croyez bien que l'Etat ne se désengage pas d'une politique que chacun sait exemplaire. Et je veux aussi rassurer M. Chanteguet : il n'est absolument pas question de transférer aux régions la labellisation des parcs naturels régionaux. Elle restera une compétence de l'Etat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

En 2004, je me suis à nouveau attachée à préserver en priorité les moyens de fonctionnement des gestionnaires de parcs naturels régionaux. En revanche, vous comprendrez que je serai plus vigilante que jamais sur les demandes de création de nouveaux parcs.

La question du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a été évoquée avec brio par son président, M. Quentin. En 2004, le ministère de l'écologie et du développement durable fera un effort significatif pour que le Conservatoire puisse poursuivre ses acquisitions à un rythme voisin de sa moyenne annuelle des années précédentes. Et nous veillerons bien sûr à ne laisser passer aucune opportunité.

La taxe départementale des espaces naturels sensibles constitue à mes yeux un outil important pour les politiques dont j'ai la charge et pour le partenariat que je construis avec les départements. Je suis prête à ouvrir sur l'usage de cette taxe une discussion dans le chantier de rénovation de la politique du patrimoine naturel que je viens de lancer.

M. Priou a abordé la question des pollutions marines et plus particulièrement du FIPOL. Selon le traité de l'Union européenne, la ratification de la décision prise au printemps dernier par la conférence diplomatique du FIPOL - à l'instigation de la France - de relever le plafond d'indemnisation du fonds est une mesure conjointe. La France attend donc une décision du Conseil de l'Union européenne, qui ne devrait pas tarder, pour lancer son processus de ratification selon une procédure d'examen rapide qui aboutira avant la fin de l'année. Cette décision du Conseil de l'Union européenne garantit une ratification rapide de l'ensemble des Etats membres (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

L'action de l'ADEME en 2004 tiendra compte des nouvelles orientations que je lui ai fixées. J'ai tout d'abord défini une nouvelle politique sur la réduction à la source des déchets, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage, ainsi que l'adaptation des capacités aux besoins. L'ADEME disposera de 70 millions d'euros d'autorisations de programme pour accompagner cette politique, en se concentrant notamment sur les opérations exemplaires.

La maîtrise de l'énergie, dotée comme en 2003 de 61 millions d'euros d'autorisations de programme, est un domaine où l'ADEME doit poursuivre son engagement, notamment dans ses programmes d'information et de sensibilisation, d'utilisation rationnelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. Une partie de ces actions feront partie du « plan climat », qui visera à lutter contre le réchauffement climatique et l'effet de serre, dont la canicule de cet été nous a montré les effets probables. Les autres politiques de l'ADEME sont inchangées, à l'exception de la lutte contre le bruit, qui est transférée aux gestionnaires d'aéroports, et du recyclage des huiles qui sera transféré aux opérateurs concernés.

Notre engagement en faveur des énergies renouvelables me conduit naturellement à aborder la question de la construction des éoliennes. Un cadre juridique a été défini par la loi du 2 juillet 2003 sur l'urbanisme et l'habitat. Les éoliennes d'une hauteur supérieure ou égale à 12 mètres sont soumises à permis de construire. Toutes les éoliennes sont soumises à une évaluation environnementale : lorsque leur puissance dépasse 2,5 MW, elles sont soumises à l'étude d'impact et enquête publique ; en dessous de 2,5 MW, elles sont soumises à notice d'impact.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Très bien !

Mme la Ministre - La circulaire du 10 septembre 2003, que j'ai signée avec mes collègues Gilles de Robien et Nicole Fontaine, sur la promotion de l'énergie éolienne terrestre, guide les préfets de région et de département dans l'instruction de ces dossiers de type nouveau et dans l'élaboration des outils de gestion territoriale. Ces mesures permettront le développement de cette énergie renouvelable dans le respect des espaces naturels.

Pour répondre à M. Tourtelier, je dirais qu'il faut maintenant laisser le débat sur l'énergie se dérouler paisiblement. Je n'ai d'ailleurs pas fait de déclaration à ce sujet...

Plusieurs députés socialistes - Mme Fontaine, si !

Mme la Ministre - Et il n'est pas question de limiter ce débat à un débat sur le réacteur européen. Le débat parlementaire va maintenant avoir lieu et les différents ministres concernés s'exprimeront.

Un mot sur l'intégration du fonds national de solidarité pour l'eau dans mon budget. Le reversement en 2003 de 21,6 millions d'euros de ce fonds dans le budget général avait été vitement critique par les représentants des comités de bassin, que j'ai eu tous l'occasion de rencontrer. C'est pourquoi je souligne que les crédits intégrés au budget 2004 sont strictement égaux au prélèvement effectué sur les agences. Ils permettront de faire avancer la politique de l'eau et notamment d'améliorer sa qualité biologique conformément aux objectifs fixés par la directive-cadre sur l'eau. Monsieur Priou, nous veillerons à l'avenir à éviter tout détournement de « l'argent de l'eau ».

En conclusion, ce budget reflète fidèlement mes priorités. 2003 a été l'année de la conception de la politique des risques, avec la loi du 30 juillet 2003 et la réforme de la prévision des crues, l'année de la mise au point de la stratégie nationale de développement durable. 2004 sera l'année de la charte de l'environnement et du plan climat. En 2005 sera mise en _uvre la stratégie nationale de la biodiversité, que je préparerai l'an prochain.

Mais Jean-Jacques Guillet a eu raison d'insister sur le cadre nécessairement international de la stratégie de mon ministère. Mon investissement dans cette action au plan mondial et européen est total. L'année 2004 sera particulièrement importante avec le plan des permis d'émission.

J'ai participé à la préparation de la conférence sur les changements climatiques de Milan et je rencontre prochainement le président hongrois de cette réunion. Il faut réaffirmer, comme je l'ai fait hier à Londres avec nos collègues anglais et allemands, que le protocole de Kyoto est le seul cadre juridique valable pour une réglementation internationale.

J'irai en février à Kuala Lumpur pour la conférence consacrée à la biodiversité.

A la demande du Président de la République, nous déployons des efforts intenses pour que le programme des Nations unies pour l'environnement soit transformé en organisation mondiale pour l'environnement. La contribution de la France à ce programme est passée de 800 000 € en 1999 à 3 millions d'euros en 2004. Cela démontre l'engagement de la France pour que soit élaborée une gouvernance mondiale de l'environnement, seule en mesure de protéger les intérêts de la planète (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Mignon remplace M. Raoult au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Mme la Présidente - Nous en arrivons aux questions.

M. Gilles Artigues - Les lignes électriques à haut et très haute tension posent des problèmes d'environnement mais également de santé publique. Même si les experts ne sont pas d'accord sur ce dernier point, ne pourrait-on appliquer le principe de précaution ?

Dans un quartier de Saint-Etienne classé en zone franche, deux lignes à haute tension ont été transformées en lignes à très haute tension et RTE a opposé une fin de non-recevoir à toutes nos sollicitations. Je comprends bien les besoins énergétiques, mais nous savons aussi, grâce au rapport de Christian Kert, que si l'enfouissement était pratiqué sur une plus grande échelle, le coût en baisserait.

Quelle part de votre budget comptez-vous consacrer à cet aspect ? Ne pourrait-on créer des sites urbains protégés, auquel cas ce quartier serait candidat.

Mme la Ministre - Cette question me tient particulièrement à coeur, d'autant qu'il est projeté de faire passer une ligne à très haute tension dans le parc naturel de Brière ! (Sourires)

L'enfouissement des lignes électriques a fait l'objet d'un accord entre l'Etat, EDF et RTE, accord qui a été renouvelé pour la période 2001-2003. RTE s'est engagé à ne pas augmenter la longueur totale des lignes aériennes et à enfouir au moins 25 % des lignes à haute et à très haute tension nouvelles ou reconstruites. De plus, l'accord prévoit l'enfouissement systématique des réseaux à haute tension dans les zones d'intérêt particulier - parcs, réserves naturelles, sites répertoriés au titre du patrimoine architectural ou paysager - ainsi que dans toutes les agglomérations de plus de 50 000 habitants.

Même si cet accord a représenté un progrès, c'est une position minimaliste, compte tenu de l'impact de ces lignes sur l'environnement.

Cet aspect devra, à terme, être systématiquement pris en considération lors de la construction ou du renouvellement des réseaux. Le travail de votre collègue Kert est à cet égard un instrument de réflexion très intéressant et je compte m'y référer dans mes négociations avec EDF et RTE.

M. François Asensi - Le renoncement implicite à un troisième aéroport dans le bassin parisien et le déplafonnement du trafic à Roissy vont aboutir à faire passer de 50 à 90 millions le nombre annuel de passagers d'ici 2020, avec augmentation correspondante des nuisances sonores pour les riverains de l'aéroport.

Je doute que le plan de lutte contre le bruit que vous proposez réponde à leurs attentes. Les travaux d'insonorisation des appartements sont étalés sur vingt ans et la gestion du dossier est confiée à ADP, qui est donc juge et partie. Ne vaudrait-il pas mieux créer un établissement public indépendant, qui recourrait à l'emprunt pour accélérer les travaux, emprunt remboursé par la taxe sur les nuisances sonores ? Ne serait-il pas légitime de tenir compte, pour le calcul de cette taxe, du nombre de passagers transportés, comme c'est le cas à Schiphol aux Pays-Bas ? Air France, nouvel allié de KLM, devrait participer à la prévention des nuisances sonores dans une même mesure à Roissy et à Schiphol !

Sur quelles bases comptez-vous fixer cette taxe sur les nuisances sonores pour appliquer le principe pollueur-payeur ?

Mme la Ministre - En trois ans, le nombre d'habitants concernés par les plans sur les gênes sonores est passé de 68 000 à 140 000. Le niveau de nuisance sonore étant très inégal, il conviendra, bien sûr, de fixer des priorités. Le plan que j'ai élaboré va permettre de mobiliser 55 millions d'euros au lieu de 17 millions d'euros et donc d'insonoriser 8 000 logements par an au lieu de 3 000.

J'ai souhaité rationaliser l'administration de ces fonds et c'est pourquoi j'ai décidé de la confier à ADP. Bien entendu, les commissions locales présidées par les préfets continueront à en contrôler l'utilisation.

M. Gilbert Biessy - Le Gouvernement mène une politique qui est la négation même du développement durable. La réponse aux besoins du présent sans compromettre la satisfaction de ceux des générations à venir ne semble pas à l'ordre du jour. Transversale par définition, la notion ne saurait se limiter à sa composante environnementale. Le fondement même du développement durable est l'amélioration de la qualité de vie de tous. Cela suppose de mettre en _uvre des mesures ambitieuses pour favoriser l'accès aux biens communs, à la santé, au logement, à un travail décent, d'améliorer les systèmes de protection sociale, d'éduquer, de développer la citoyenneté, de conquérir des droits nouveaux qui deviendront les acquis des générations futures.

Comment voulez-vous lutter efficacement contre le bruit quand vote gouvernement renoue avec le tout-routier, casse le fret ferroviaire, gèle ou annule les crédits des transports urbains ; privatise à tout-va ? Notre société d'après-guerre a créé un modèle social, certes perfectible, que vous êtes en train de sacrifier sur l'autel de l'ultralibéralisme.

Comment voulez-vous sérieusement mettre en _uvre le développement durable dont vous vous faites les champions, avec le Président de la République. A nos yeux, votre politique ne relève pas du développement durable.

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable - Il était temps de traduire le développement durable en actes concrets. C'est ce que le Gouvernement a fait.

En novembre 2002, le Premier ministre a présidé un séminaire gouvernemental sur le développement durable, à la suite duquel j'ai installé un comité interministériel : il y a aujourd'hui un Monsieur ou une Madame développement durable dans chaque ministère. C'est ce comité qui a élaboré la stratégie nationale du développement durable qui est le plan d'action du Gouvernement pour cinq ans.

Nous avons voulu y associer la société civile : j'ai installé le 14 janvier le Conseil national du développement durable, qui compte quatre-vingt-dix membres issus de la société civile. Les entreprises ont refait leur entrée dans ce ministère dont elles avaient été bannies, avec les ONG, les syndicats et des personnalités qualifiées.

Nous devons aussi rallier le citoyen. C'est chose faite avec la semaine du développement durable.

La stratégie nationale du développement durable comporte dix volets, et je vous invite à la lire.

L'éducation à l'environnement : j'ai lancé cette semaine son expérimentation dans dix académies pilotes avant la généralisation prévue pour septembre 2004. L'éducation à l'environnement sera intégrée dans les matières scolaires : c'est l'éducation civique du XXIe siècle.

L'Etat exemplaire : l'Etat s'engage à rendre des comptes sur des objectifs chiffrés.

M. Gilbert Biessy - Chiche sur les transports en commun !

Mme la Secrétaire d'Etat - Chiche sur tout, Monsieur le député ! Un rapport sera présenté à l'automne 2004 sur le développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Asensi - Les transports représentent 34 % des émissions de gaz carbonique et le transport routier 94 % de ce chiffre. Or, en dépit des préoccupations affichées par le Gouvernement, je ne vois aucune mesure effective prise pour réduire la part du routier.

Ce n'est pas qu'une question de volonté politique, 60 % des lettres et des colis en sont acheminés par rail en Suisse, contre 0,5 % en France.

L'activité fret de la SNCF a culminé en 1974 avec 72 milliards de tonnes-kilomètres. Depuis, elle n'a cessé de décliner. Cette tendance a peu de chance de s'inverser : pour les transports combinés, les moyens d'engagement sont à nouveau réduits - 32 millions d'euros au lieu de 35 en 2003, dont 8 millions affectés à l'autoroute ferroviaire alpine et 24 millions versés aux opérateurs de transport combiné. C'est dire que la SNCF est privée des moyens pour développer cette technique, utile au rééquilibrage rail/route, et largement plébiscitée par nos concitoyens. Car développer le ferroutage, c'est réduire la pollution, mais aussi la congestion des axes routiers et autoroutiers et les risques d'accident.

L'augmentation de la taxe sur le gazole pour les seuls particuliers est loin d'être juste. Comment expliquer que le kérosène fortement polluant utilisé par les aéronefs ne soit pas soumis à la TIPP ?

Les entreprises routières, quant à elles, ne se voient pas facturer le coût réel des infrastructures autoroutières. L'Allemagne, elle, va introduire une taxe de 12,4 centimes d'euro par kilomètre pour les poids lourds de plus de 12 tonnes.

Comment entendez-vous promouvoir le ferroutage comme alternative aux vols de nuit et réduire la pollution routière ?

Mme la Ministre - Je partage votre diagnostic. S'agissant des émissions de gaz à effet de serre, la France remplit les objectifs fixés, par le protocole de Kyoto, à savoir la stabilisation des émissions en 2010 à leur niveau de 1990. Ceci grâce à l'industrie, qui a notablement réduit ses émissions, et au choix du nucléaire.

Deux secteurs restent en revanche préoccupants : le résidentiel et les transports. La progression autorisée d'ici 2010 a déjà été consommée dans le second.

La réponse ne réside pas dans le seul ferroutage. Je m'étonne que vous nous parliez de tout-routier quand on connaît l'extravagant programme qu'avait préparé M. Gayssot ! Vous feriez bien de demander quelques comptes à vos amis...

Augmenter les taxes sur le kérosène, pourquoi pas ? Mais cela ne pourra se faire qu'à l'échelle internationale, sous peine d'être contre-productif. La technique du ferroutage est désormais utilisée en Suisse, en Autriche et dans le tunnel sous la Manche. Ses avantages environnementaux sont indéniables pour les franchissements de vallées et les corridors congestionnés. Je ne peux donc qu'être favorable à cette technologie. Sa rentabilité est soumise à plusieurs conditions : la taille des navettes, la qualité du service, la fréquence, la gestion des zones de transfert, mais aussi la tarification des infrastructures routières concurrentes, qui dans les zones sensibles est faible au regard de leur coût pour la société. L'Union européenne nous invite à corriger cette sous-tarification et nous autorise dans le projet de directive modifiant la directive euro-vignette, à utiliser les recettes supplémentaires pour le financement des projets.

Je veillerai également à ce que RFF utilise les recettes du TIPP qui viennent de lui être affectées, pour développer le ferroutage là où il est rentable.

M. Emile Blessig - Notre pays produit chaque année davantage de déchets ménagers : de 362 kg par habitant et par an en 1989, nous sommes passés à 450 en 1999.

Or trente-trois incinérateurs viennent de fermer pour défaut de mise aux normes et nombre de centres techniques d'enfouissement vont arriver à saturation. De nouvelles installations d'élimination et de traitement des déchets sont donc nécessaires.

Or le coût du traitement des ordures ménagères augmente de 4,75 % par an depuis 1992. Il est supporté par le contribuable local via les taxes d'enlèvement des ordures ménagères et les redevances d'ordures ménagères, qui ont plus que doublé entre 1990 et 2000.

La construction de nouvelles installations est malheureusement hors de portée pour de nombreuses collectivités, notamment en zone rurale. La péréquation et la solidarité territoriale devront donc jouer leur rôle, et la clarification des modalités financières de ces investissements est un préalable à toute décision locale.

Les crédits de 28,7 millions d'euros ouverts à l'ADEME sont un début. Mais il faut aller plus loin. Vous préparez un nouveau texte : comment répartirez-vous l'effort financier entre le consommateur, le contribuable national et le contribuable local ?

Mme la Ministre - Après dix années de progrès, la politique des déchets ménagers appelle une impulsion nouvelle. J'ai donc présenté le 4 juin dernier en Conseil des ministres une communication visant à la redéfinir.

Ma première priorité est d'_uvrer pur une meilleure protection de l'environnement et de la santé, notamment aux abords des stations de traitement des déchets.

Des efforts sont à faire pour réduire les émissions de dioxine des incinérateurs : il faudra les diviser par six par rapport à 2002. Nous devons également faire cesser l'apport de déchets dans des sites non autorisés. Je souhaite accompagner les opérateurs dans cette mise aux normes d'ici 2006.

La production de déchets croît de 1 % par an environ. L'inversion de cette tendance est également une priorité. Un plan global sera présenté prochainement, axé sur la sensibilisation des consommateurs, sur la réduction des déchets futurs dès la conception des produits et le choix de leurs emballages.

Notre pays, à court terme, s'achemine vers une situation critique en ce qui concerne sa capacité d'élimination. Les trois quarts des départements pourraient être confrontés à la pénurie, avec pour conséquence l'augmentation des coûts et des distances du transport des déchets, ainsi que le risque de voir réapparaître des exutoires illégaux.

Nous devrons accorder des compétences plus importantes aux conseils généraux, qui se verront confier l'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers.

Enfin, la valorisation des déchets doit continuer grâce à des efforts de tri et la mise en place de filières de récupération. Le Gouvernement vient ainsi de signer un décret qui obligera dès 2005 à recycler 85 % des véhicules hors d'usage.

Le souci de maîtrise des coûts doit cependant rester présent à l'esprit de tous les auteurs - le coût d'élimination des déchets a doublé en dix ans.

Une concertation sera mise en place avec les élus, les entreprises, les associations. Les orientations retenues seront présentées au Parlement pour que vous les examiniez en 2004.

Quant à l'ADEME, elle dispose de huit postes principaux : la recherche et les études ; les aides à la décision et les observatoires locaux ; la prévention et la réduction des flux ; le recyclage et les filières dédiées ; la gestion biologique ; la réhabilitation des décharges ; l'ouverture des capacités - avec des crédits réservés aux communes ; enfin, les zones défavorisées.

M. Patrice Martin-Lalande - Le budget prévoit une augmentation de 2,5 centimes de la TIPP sur le gazole pour les véhicules particuliers. Des raisons environnementales ont été évoquées, et le Gouvernement a fait de la lutte contre le changement climatique l'une de ses priorités ; il veut diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 3 % par an.

La diminution des émissions polluantes liées au trafic automobile est une bataille technologique en voie d'être gagnée en Europe. Mais il reste à relever le défi de la maîtrise des émissions de CO2, l'Union européenne ayant pris l'engagement de réduire ses émissions de 8 % à l'horizon 2012.

Les constructeurs automobiles européens ont souscrit à un engagement : abaisser la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs de 140 grammes d'ici 2008. L'arme la plus efficace, pour y parvenir, est le développement de la motorisation diesel, qui réduit de 20 % la consommation de carburant par rapport au moteur à essence. Que comptez-vous faire pour encourager ce choix ? De plus, le filtre à particule ayant permis de nouveaux progrès, il convient de diffuser cette technologie.

Mme la Ministre - L'augmentation de la taxe sur le gazole doit être considérée comme un rattrapage de l'écart avec le supercarburant, et elle s'inscrit dans l'action du Gouvernement en faveur d'une fiscalité qui tienne compte des impacts environnementaux.

Il est prévu qu'après évaluation des dispositions fiscales en vigueur, le Gouvernement mettra en _uvre d'ici 2005 des mesures prenant mieux en compte les objectifs de développement durable.

Trois thèmes sont retenus : le patrimoine naturel, le management des entreprises, l'énergie. L'écart de la fiscalité entre les deux carburants ne se justifie pas pleinement. Si les émissions de CO2 dues au gazole sont inférieures de 10 % à celles dues au supercarburant, le bilan ne semble pas en faveur du diesel pour l'émission de polluants atmosphériques.

Or, la fiscalité du gazole, au kilomètre parcouru, est actuellement de 40 % inférieure à celle du supercarburant.

Je rejoins votre analyse sur deux points : nous devons impérieusement respecter le protocole de Kyoto pour les émissions de gaz à effet de serre. J'ai d'ailleurs évoqué hier ces questions avec mes homologues anglais et allemand.

L'installation systématique du filtre à particule sur les véhicules neufs, en raison du surcoût, peut être défavorable au marché automobile français, qui produit surtout des voitures petites et moyennes.

Nous devons tout faire pour lutter contre le changement climatique. Le Gouvernement a déjà lancé le plan climat, qui vous sera vraisemblablement présenté dans les prochaines semaines.

Le Premier ministre, Nicole Fontaine, Claudie Haigneré et moi-même avons annoncé le 15 septembre un plan « véhicule propre » qui consacre 38 millions supplémentaires à la recherche et au soutien des véhicules les moins polluants. Un volet concerne également les incitations fiscales et les aspects réglementaires.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits inscrits à l'Etat B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'Etat B , titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'Etat C, titre V, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'Etat C, titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.

La séance, suspendue à 18 heures15, est reprise à 18 heures 20.

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS ; AVIATION CIVILE

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, concernant l'équipement, les transports et le budget annexe de l'aviation civile.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'équipement et les transports terrestres - Vous avez, Messieurs les ministres, donné une impulsion nouvelle à la politique de l'équipement et des transports. A l'aube de votre action, les risques étaient divers. Le premier était celui d'une absence de politique, que l'action de l'Etat soit masquée par un trop grand déterminisme, ou que pèse de son poids considérable une administration dont la compétence n'autorise pas qu'elle se substitue au choix politique. Ce risque, vous l'avez écarté : il y a bel et bien une politique de l'équipement et des transports.

Le deuxième risque, c'était celui d'une politique virtuelle, faite d'annonces, et de financements incertains. Cela s'est vu ; cela n'est plus.

C'est donc une politique ambitieuse et efficace que vous avez choisie, et commencé de mettre en _uvre. Votre projet de budget en est l'expression, et il traduit une politique adaptée, offensive et réaliste. Il n'empêche... vous avez dit que le dialogue avec la représentation nationale ne devait pas être un dialogue de béni-oui-oui ; chiche ? (Sourires)

Votre politique est adaptée car elle porte l'empreinte des choix du Gouvernement et de la majorité et, en particulier, du choix d'une évolution modeste de la dépense publique, qui n'a pas à connaître d'exception. Autrement dit, une politique efficace d'équipement et de transports n'exige pas nécessairement des crédits en hausse, et vos crédits, qui s'établissent à 13,5 milliards, évoluent bien sous cette contrainte que nous approuvons et que nous assumons.

Cette contrainte suppose une sélectivité que vous pratiquez à juste titre, même si certaines options ont fait débat en commission. Il en est allé ainsi, en particulier, pour les transports collectifs en site propre ; il ne me paraît pas choquant que l'Etat invite les collectivités locales à prendre la responsabilité de ces choix, mais le débat reste ouvert, et la commission a déposé un amendement à l'article 77.

Votre politique est adaptée, aussi, à notre engagement européen puisque, à la demande de Bruxelles, le concours de l'Etat au désendettement de RFF prendra désormais une autre voie que l'abondement au fonds d'affectation spécial. C'est une contrainte, certes, mais c'est aussi une vertu, car l'engagement de l'Etat au profit de RFF n'en sera que plus clairement désigné.

Votre politique est encore adaptée au cadre international, puisque la SNCF et RFF devront se plier aux exigences du plan comptable IAS. L'effort est important, et aggravera encore une dette qui atteint déjà 41 milliards, mais l'enjeu est considérable et il faut l'affronter.

En revanche, l'adaptation est encore insuffisante à la LOLF. Certes, vous avez engagé une expérimentation bienvenue dans le Nord-Pas-de-Calais, mais les sites que vous explorez aujourd'hui ne nous satisfont pas, car les missions « monoprogramme » videraient de son sens la liberté d'amendement prévue dans la loi. La LOLF élargit et assouplit l'initiative parlementaire lors de la discussion budgétaire, et cela suppose évidemment, pour que des corrections puissent intervenir d'un programme à l'autre, qu'il y ait plusieurs programmes à l'intérieur d'une mission ! Je vous appelle à poursuivre la réflexion sur ce terrain, afin d'éviter les missions « mono programme » et que la mise en place de la LOLF dans votre ministère se fasse dans de meilleures conditions.

Votre démarche est aussi offensive. D'abord, pour ce qui concerne la mise en _uvre de la décentralisation. Et ce n'est pas une mince affaire, notamment dans le domaine routier, puisque les deux tiers des routes nationales seront demain décentralisées. A cet égard, le réseau des CETE, centres d'études techniques de l'équipement, chargés de l'expertise technique, gagnerait sans doute à mieux tenir compte de ce que sera demain la nouvelle organisation de l'Etat. Aucun service, si performant soit-il, ne peut s'affranchir de l'obligation de participer à la réforme de l'Etat. S'agissant du financement de la nouvelle étape de la décentralisation, j'ai fait part de la satisfaction que vos projets nous inspirent. Que pouvait-on craindre ? Que l'Etat, à mesure que s'approchait l'échéance de la décentralisation des deux tiers du réseau national, ne se désengage, considérant qu'il incombait désormais aux départements de prévoir les investissements futurs ! Le niveau de référence déterminant les contreparties à verser aux collectivités s'en serait trouvé minoré, au grand dam des départements. Tel n'est donc pas le cas : les crédits routiers, en progrès sensible, permettent un certain rattrapage des contrats de plan. Les choses semblent cependant un peu moins heureuses que je ne l'ai écrit dans mon rapport ! S'il est bien prévu que l'Etat transfère aux collectivités départementales les sommes nécessaires à l'entretien du réseau transféré, le transfert des crédits d'investissement n'est pas envisagé de manière aussi explicite. Que se passera-t-il lorsqu'il s'agira de réaliser une nouvelle déviation ?

La décentralisation, c'est le transfert d'une politique. La politique routière suppose de l'entretien - historiquement insuffisant, mais c'est un autre débat - et de l'investissement. J'ai bien compris que vous envisagez de limiter en ce domaine les financements croisés, et que l'Etat espérait continuer d'inscrire son action dans un contexte contractuel, appelant le cofinancement de collectivités locales à la réalisation d'investissements sur le réseau routier national rémanent. Vous espérez donc toujours des financements des collectivités pour les travaux à maîtrise d'ouvrage d'Etat, mais sans doute ne contribuerez-vous plus au financement sur le niveau départemental nouveau. Dès lors, quelle sera la source de financement de ces travaux ? Lorsqu'un département construira une nouvelle déviation sur une route nouvellement départementale - ex-nationale -, la ressource proviendra-t-elle pour partie d'un transfert réalisé par l'Etat ? L'Etat donnera-t-il aux collectivités les moyens de conduire la politique nouvellement décentralisée ?

Politique offensive, également, en matière de qualité de gestion et de réforme administrative. J'ai conduit il y a quelques mois un contrôle sur pièces et sur place concernant la rémunération des jours de grève. Je remercie à la fois les entreprises publiques et votre propre administration d'avoir répondu à mes questions, sur le moment et dans la durée, puisque, très récemment encore, vous avez transmis au Parlement des éléments d'information à ce sujet. Les choix mis en _uvre - qui sont ceux de l'ensemble du Gouvernement - sont à la fois respectueux de la règle et convenablement rigoureux. Ils permettent de placer chacun devant ses responsabilités. L'expérience du printemps dernier aura permis de mieux établir les choses.

Réforme aussi de différents organismes placés dans votre sphère d'influence, nous y reviendrons à propos des amendements. Je note simplement que l'association des départements de France plaide pour une simplification du dispositif. La disparition de certains organismes peut être envisagée. Des économies de fonctionnement sont certainement possibles partout !

Politique offensive, aussi, et qui suscite d'amples félicitations de notre part, s'agissant de la sécurité routière. Voilà un bel exemple d'efficacité de l'action publique. Votre détermination y est pour beaucoup et elle s'est diffusée à l'ensemble de la nation. Elle aura coûté un peu en moyens supplémentaires, mais pas tant que cela. Le succès d'une politique publique ne dépend ni uniquement, ni principalement des moyens budgétaires dégagés. Le succès de l'effort nouveau en matière de sécurité routière est là pour le démontrer ! En ce domaine, l'année 2004 sera déterminant. Un grand chemin a été fait en 2003 : le nombre de vies sauvées l'atteste. Et y a-t-il de plus beau résultat pour une politique publique que de sauver des vies ? Veillons cependant à ne pas relâcher l'effort et la mobilisation. Les moyens que l'Etat consacre à la sécurité routière doivent être garantis par l'affectation du total du produit des amendes à cette cause. Un petit pas a été franchi en ce sens grâce à l'article 9 de la loi de juin 2003 mais beaucoup reste à faire. Conformément aux dispositions du CGCT, il convient que l'ensemble du produit des amendes serve à financer des actions de sécurité routière.

Adaptée, offensive, votre politique est aussi réaliste. Le budget pour 2004 doit vous permettre de poursuivre des programmes importants, tels le projet de TGV-Est. Il me semble par ailleurs indispensable d'insister sur le grand besoin d'entretien et d'optimisation de nos infrastructures terrestres. Historiquement, l'entretien est le parent pauvre de la politique d'équipement. Les choix budgétaires de demain doivent mieux marquer la priorité indispensable à l'optimisation des réseaux.

Politique réaliste aussi, car, au-delà des grands projets, il n'y aura pas de grande politique de l'équipement sans de vraies réformes de gestion. S'agissant du fret ou des routes, on peut désendetter ou investir tout ce que l'on veut, tant que les entreprises n'auront pas été profondément modifiées, tous les moyens mobilisés ne seront pas utilisés efficacement ! L'avenir du fret est suspendu à une réforme de la gestion.

Une question, enfin, à propos des infrastructures. La discussion budgétaire vient quelques jours seulement avant des choix majeurs, que vous nous présenterez ultérieurement. Cela est un peu frustrant mais le calendrier a ses contraintes.

Je souhaite surtout que ce débat, dans la traduction budgétaire qu'il aura demain, soit mené avec toute la lucidité nécessaire. Dans ce domaine, notre pays est parfois contradictoire : il pratique simultanément l'autoflagellation et la gonflette ! Autoflagellation lorsqu'on dit : regardez, nous sommes en train de prendre du retard pour les infrastructures, nous ne tenons plus les taux historiques d'engagement de travaux, etc. Excès d'optimisme, lorsqu'on annonce que la qualité de nos infrastructures est un élément de compétitivité déterminant !

Le débat sur les infrastructures du printemps dernier a laissé un sentiment d'inachevé - mais vous le conclurez bientôt ! Une longue lettre au Père Noël a été élaborée, mais le choix des priorités n'a pas été opéré. Il faudra bien y procéder, ne serait-ce que parce que nos moyens ne sont pas infinis.

La situation financière de notre pays est grave. Nous n'avons pas d'autre choix que de valoriser une partie de nos ressources et de nos actifs. Je suis favorable à la cession d'une partie des actifs autoroutiers de l'Etat. Vous souhaitez, Monsieur le ministre, - et c'est une bonne idée - créer demain un établissement public de financement des infrastructures. Celui-ci s'appuiera nécessairement sur un centre de ressources et il cherchera peut-être à lever l'emprunt. Mais il ne faut pas charger la barque ! La dette de l'Etat étant ce qu'elle est, vous n'arriverez pas, même en mobilisant les dividendes des sociétés autoroutières et en espérant leur faire jouer un effet de levier, à dégager des résultats que la contrainte financière de l'Etat ne permet pas de trouver ailleurs... L'établissement public ne créera pas un effet miracle...

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial - Si l'établissement public permet d'affecter les ressources dédiées à une politique centrée sur l'efficacité, mille fois oui ! Nous aurions du reste préféré que la TIPP sur le gazole, plutôt que de se perdre dans le budget général, soit effectivement affectée à RFF, par une tuyauterie adaptée. Nous souhaiterions avoir, si demain vous mettiez en place une redevance poids lourds - ce qui était une bien meilleure idée que d'augmenter la TIPP sur le gazole -, que celle-ci soit également affectée, de même que la valorisation du patrimoine autoroutier. Mais, dans tous les cas, cela ne permettra pas de réaliser plus de projets que nous n'avons de moyens. Il n'y a pas de méthode financière miracle. Il y a des choix à opérer. La privatisation autoroutière peut nous permettre de donner un coup d'accélérateur. Il n'y a aucune raison que la valorisation des autoroutes diffère d'un centime de la rente autoroutière à venir. Mobilisons nos ressources, faisons des choix et menons une politique d'équipement et de transports ambitieuse, réaliste et conforme aux attentes de nos concitoyens. Bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'équipement et les transports terrestres - Avec près de 23 millions d'euros, un peu plus de 13 pour les transports terrestres et fluviaux, ce budget maintient l'investissement public et conforte donc l'emploi ; il prépare l'étape de la décentralisation et les grandes décisions sur les infrastructures ; il offre enfin une perspective nouvelle au transport ferroviaire.

Il parvient en outre, saluons la performance, à concilier l'exigence d'optimisation de la dépense publique et une stabilisation des dépenses de fonctionnement, tout en créant cent emplois d'inspecteurs du permis de conduire et trente-sept postes pour la sécurité maritime.

Ce budget ne sacrifie pas l'avenir et permet de poursuivre l'effort d'investissement, qui augmente de 5,6 % pour le réseau routier, avec la mise en service prochaine de quatre-vingt-quatorze km d'autoroutes concédées. De fait, le budget de ce ministère est essentiel sur le plan économique, car il représente cinq milliards d'investissement, ce qui a un effet d'entraînement sur tout le secteur des travaux publics et du bâtiment. Réjouissons-nous donc de l'augmentation de près de 10 % de l'investissement par rapport à 2003.

Alors que des inquiétudes étaient apparues chez les élus locaux, suite à certaines décisions de gel de crédits, les perspectives semblent beaucoup plus favorables pour les contrats de plan qui devraient être exécutés à plus de 44 % à la fin 2004.

Je salue l'effort entrepris pour clarifier les concours publics au secteur ferroviaire, avec la budgétisation de la contribution de l'Etat en désendettant le RFF, mais je voudrais aborder un sujet délicat, celui des péages payés par la SNCF, vital pour l'équilibre financier de l'entreprise. Actuellement le calcul de ces redevances manque de clarté et la méthode utilisée de pertinence économique : les péages reflètent mal l'encombrement du trafic et sont peu incitatifs à un rééquilibrage des circulations. De plus, les lignes TGV sont surtaxées, alors que le fret et les lignes régionales acquittent un prélèvement beaucoup plus faible que chez nos partenaires européens.

Vous avez annoncé une hausse des péages de 60 millions par an, sur cinq ans, afin de permettre à RFF d'investir dans la régénération du réseau, dont l'entretien a été longtemps négligé. Cette hausse sera lourde pour la SNCF. En avons-nous mesuré toutes les conséquences et est-elle compatible avec un retour à l'équilibre, toujours souhaité, de la SNCF ?

A l'heure de la libéralisation du trafic ferroviaire et pour que la concurrence reste loyale, il est fondamental de bien connaître les niveaux de péages dans les différents pays européens, jusqu'ici assez opaques. J'aimerais que vous vous engagiez, Monsieur le ministre, à demander à vos homologues européens la création d'un observatoire européen des péages.

Le ferroviaire doit aussi relever le défi du fret. Rappelons cependant quelques dures réalités : les tarifs pratiqués par la SNCF ne couvrent pas les charges d'exploitation et seuls quatre secteurs sont aujourd'hui rentables, le transport de matières nucléaires et chimiques, de gaz et de glucose.

Comment réorganiser le fret, sachant qu'en moyenne une locomotive n'est utilisée que quatre heures par jour et que les résultats financiers rendent difficile le renouvellement du matériel qui a en moyenne trente-sept ans ?

Nous attendions le plan de la SNCF pour le dernier conseil d'administration, mais il a été reporté.

Le débat parlementaire du printemps dernier sur les infrastructures et les conclusions des rapports du conseil général des Ponts et chaussées, de l'inspection générale des finances et de la DATAR ont souligné l'attachement de tous à une politique dynamique d'équipement. Mais le problème du mode de financement reste entier, alors même que l'endettement public atteint un niveau record. Il y a pourtant encore beaucoup d'investissements à faire, par exemple pour créer un réseau ferroviaire entièrement dédié au fret ou pour améliorer le franchissement de certaines frontières, dans les Pyrénées notamment.

Certaines solutions sont encore à l'étude, comme la redevance poids lourds sur les itinéraires non couverts par des péages. Les difficultés de sa mise en place en Allemagne incitent à la prudence, d'autant que le rendement attendu est relativement modeste et le coût de fonctionnement assez élevé. L'Union européenne doit jouer son rôle pour financer les grands équipements structurants, le partenariat public-privé ne pouvant être la solution miracle pour des grands travaux qui présentent de gros aléas. J'aimerais, Monsieur le ministre, que vous nous fassiez part de vos réflexions au sujet des nouveaux mécanismes de financement.

Je souhaiterais aussi évoquer l'immense chantier de la décentralisation. Il faut être optimiste si on considère les premiers résultats de la régionalisation ferroviaire. Mais qu'en sera-t-il de la coordination entre les départements et la région pour gérer les investissements routiers, et faire en sorte que le trafic ferroviaire soit complété pour une desserte routière adaptée ?

J'en viens à la difficile question déjà évoquée par M. Mariton : la suppression des subventions aux transports en site propre et des aides aux plans de déplacement urbain.

Nous avons eu un débat en commission à ce sujet et nous avons bien compris que le Gouvernement souhaite donner aux collectivités des financements conséquents et pérennes et que 2004 doit être une année de réflexion. Une mission a d'ailleurs été confiée à M. Christian Philip à ce sujet. Par ailleurs, le Gouvernement prévoit la mise en place de prêts de la CDC à 4 % sur 30 ans ainsi qu'un relèvement des taux du versement transport.

Cela étant, le déplafonnement du versement transport constitue une sorte de contre-signal à l'égard des entreprises, à qui l'on a promis une baisse de la fiscalité et des charges. Et il me paraît difficile de laisser aux collectivités territoriales la responsabilité d'une hausse de cette fiscalité.

M. le Président de la commission des affaires économiques - C'est vrai !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis - Le Gouvernement a plusieurs fois rappelé son engagement en faveur des alternatives à la route. Pouvez-vous nous expliquer, Messieurs les ministres, comment il se traduit sur le plan budgétaire, notamment pour les transports combinés et les autoroutes ferroviaires.

S'agissant de la voie d'eau, quelles sont vos priorités ? De grandes décisions, notamment sur Seine Nord, sont attendues. Il faut en tout état de cause que VNF voie ses ressources propres augmenter et puisse bénéficier d'une augmentation de la taxe hydraulique. C'est indispensable à un bon entretien du patrimoine. J'aimerais d'autre part savoir s'il sera possible de financer dès cette année l'automatisation des barrages manuels. Leur manipulation est délicate et pénible, c'est donc un sujet qui tient à c_ur aux employés de VNF.

En conclusion, je peux vous assurer, Messieurs les ministres, de mon engagement à vos côtés pour la réussite d'une politique des transports dynamique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la mer - Ce budget est un bon budget, d'abord parce qu'il progresse en valeur absolue de 6 %, ensuite parce qu'il prend bien en compte l'importance stratégique de la mer pour notre pays.

Le développement des échanges internationaux par la voie maritime constitue un formidable levier de croissance pour les pays qui savent capter ce développement. 90 % des échanges mondiaux en volume s'effectuent par la voie maritime, considérée comme peu coûteuse, et le transport maritime croît depuis 20 ans de 7 à 8 % par an, tendance qui devrait se prolonger dans l'avenir. La capacité de la France à capter une part de cette croissance constitue un moteur puissant de développement économique.

On peut estimer à environ 1,5 % du PIB la richesse créée par l'activité maritime en France. Le taux atteint 5 % en Angleterre. Nous avons donc une marge de progression. Et ce d'autant plus que la France, grâce à ses DOM, ses TOM et à la zone des 200 milles, possède le troisième territoire marin au monde, de l'ordre de 11 millions de km2 ! Cela représente pour notre pays un atout stratégique exceptionnel et il ne faut donc pas hésiter à investir outre-mer.

Ce gouvernement mène une véritable politique maritime. L'un de ses outils est le GIE fiscal, qui permet aux investisseurs et à l'exploitant du navire de bénéficier d'un avantage fiscal se situant entre 20 et 25 % du montant investi.

Depuis la mise en _uvre du dispositif, 140 navires ont fait l'objet d'une demande d'agrément et 104 ont obtenu l'accord définitif, ce qui représente un investissement total de 3,5 milliards d'euros.

Autre outil : la taxe au tonnage. Comme vous le savez, Monsieur le ministre, je me suis fortement impliqué pour la mise en _uvre de cette mesure, qui consiste à taxer un bénéfice déterminé forfaitairement, en fonction du tonnage des navires exploités par l'armement. Elle présente le grand avantage d'être parfaitement lisible et stable pour l'investisseur puisqu'elle est directement liée au tonnage des navires armés par l'entrepreneur. Cette mesure sera opérationnelle le 1er janvier prochain, puisque les décrets d'application doivent sortir dans les prochaines semaines. Dès maintenant, c'est un signal très positif en direction des armateurs français et étrangers.

Troisième point, une nouvelle politique du pavillon est mise en place avec la création du registre international France. Le pavillon des TAAF a en effet perdu une quinzaine de navires avant 2003, il fallait réagir.

Le nouveau registre s'inspire des propositions du sénateur de Richemont : l'équipage comprendra obligatoirement un capitaine et un suppléant français ; le salaire des navigants sera défiscalisé et une exonération des charges patronales instaurée ; les marins non européens pourront être embauchés par des sociétés de placement et bénéficieront d'une protection sociale aux normes européennes. Toutes ces mesures permettront à nos entreprises d'armement de faire face à la compétition internationale et j'espère que notre flotte retrouvera ainsi ses couleurs !

Enfin, je voudrais insister sur les crédits à consacrer à la sécurité maritime. Un effort est fait pour les CROSS, mais d'après mes calculs il faudrait 4,4 millions d'euros de plus. Je rappelle que les CROSS assurent la surveillance de la circulation maritime, des pêches, des pollutions et le sauvetage des personnes en détresse - c'est dire l'importance de leurs missions.

Pour moderniser la signalisation maritime, un complément de 6 millions d'euros serait également indispensable.

Un point particulier, pour terminer : les écoles de la marine marchande ont été presque toutes remises à niveau. Il reste à trouver 1,5 million d'euros pour la rénovation de celle du Havre.

Monsieur le ministre, je sais que vous êtes d'accord sur toutes ces remarques et nous cherchons ensemble à dégager les crédits. Compte tenu de l'importance du trafic international en Manche et en mer du Nord, peut-être pourrions-nous obtenir des crédits européens pour leur sécurisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances pour les transports aériens - Le budget des transports aériens dépend étroitement de la situation économique de ce secteur. Or, celle-ci demeure extrêmement fragile. Au premier semestre 2003, le trafic passagers sur les aéroports français a diminué de 3 % et le trafic fret de 0,1 %. Les résultats des compagnies sont catastrophiques, à l'exception des compagnies à bas prix et, dans une moindre mesure, de la société Air France.

Accroître la pression fiscale et les redevances dans ce contexte n'est pas raisonnable. Le coût des mesures de sécurité et de sûreté a doublé en quatre ans et s'élèvera probablement à 575 millions d'euros en 2004.

L'article 27 du projet de loi de finances, voté lundi contre l'avis de la commission des finances, va augmenter à nouveau la taxe d'aviation civile et les redevances pour services terminaux vont aussi connaître une forte croissance. Jusqu'où irons-nous ?

Le budget que vous nous présentez aujourd'hui traduit globalement une volonté politique équilibrée. Je voudrais cependant souligner certains problèmes et interrogations.

En ce qui concerne l'inscription de la dotation de continuité territoriale sur le FIATA, évitons tout malentendu : la commission des finances ne s'oppose pas au principe de cette dotation. Mais elle souligne plusieurs incohérences : sur le plan juridique, on peut s'interroger sur sa compatibilité avec le droit européen de la concurrence. Surtout, le mode de financement proposé est manifestement contraire à la loi organique du 1er août 2001, qui dispose que « les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations financées au moyen de recettes en relation directe avec les dépenses concernées ». Or, une taxe due par l'ensemble des compagnies n'est pas en relation directe avec une subvention à des collectivités locales. Il est paradoxal d'adopter pour 2004 un système qui ne pourra pas subsister en 2005 quand la loi organique s'appliquera complètement.

Se pose également un problème d'équité : pourquoi faire financer la dépense de solidarité nationale que constitue la dotation de continuité territoriale par une taxe sur des compagnies aériennes dont l'activité est, la plupart du temps, sans rapport avec la desserte de l'outre-mer ?

Par ailleurs, le FIATA étant alimenté tous les mois, les collectivités ne pourront pas bénéficier de la totalité de leur dotation en début d'année. De plus, la dotation sera indexée sur la DGF, alors que les recettes évolueront en fonction du trafic aérien.

Enfin et surtout, cette réforme pose un problème de cohérence politique. La logique gouvernementale étant de clarifier et regrouper les dotations aux collectivités locales, cette subvention devrait figurer au budget général, comme la dotation de continuité territoriale pour la Corse.

Autre sujet d'interrogation, quelles mesures entendez-vous prendre pour adapter votre budget à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ? Vos services envisagent de regrouper les crédits du budget annexe de l'aviation civile et ceux du FIATA sous deux missions monoprogrammes. Ce serait contraire à la loi organique, mais surtout au droit d'amendement des parlementaires. S'il faut se réjouir que les missions régaliennes du budget soient réintégrées dans le budget général de l'Etat, les parlementaires ne pourront admettre une architecture budgétaire contraire à la loi organique. Il serait important, Messieurs les ministres, de rassurer la commission des finances sur ce point.

Troisième problème, la réforme annoncée de la TGAP. Dix jours après le dépôt du projet de loi de finances, Mme la ministre de l'écologie a annoncé une réforme de la TGAP afin de supprimer le volet « bruit » de cette taxe et d'y substituer une taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires. La gestion de cette taxe sera transférée à chaque grande plate forme aéroportuaire. Nous souhaitons en savoir davantage sur cette réforme. La commission s'étonne également que le décret d'application de la modulation jour/nuit de la taxe ne soit pas encore sorti.

Enfin, n'est-il pas temps de repenser les modalités d'intervention de l'Etat en faveur du secteur aéronautique ? En effet, le remboursement des avances qu'il accorde aux industriels du secteur s'avère plus coûteux que le recours au marché, dans le contexte actuel de baisse des taux. En 2004, il est ainsi prévu 227 millions d'euros d'avances remboursables, contre 237 millions de remboursements ! En fait, ces avances rapportent plus à l'Etat qu'elles ne lui coûtent.

J'ai proposé une réforme du système, visant à introduire dans les contrats d'avances des clauses de remboursement anticipé ou de rachat par des tiers.

Ces flux devraient être gérés au sein d'un compte de concours financier. La commission des finances nous a ainsi trouvé le moyen d'augmenter l'effort de l'Etat en faveur des recherches aéronautiques. Il est essentiel, en effet, que l'industrie aéronautique de l'Europe ne perde pas de sa compétitivité face aux industriels américains.

L'économie du secteur va être marquée par des réorganisations de grande ampleur et des fusions entre les compagnies aériennes. Toutes les compagnies des petits et des moyens Etats sont condamnées à mort, à moins qu'elles ne fusionnent avec l'une des trois grandes, British Airways, Lufthansa et Air France. Le rapprochement avec KLM en est un exemple.

Ces opérations s'accompagnent, à terme, du regroupement des structures gérant les aéroports. Ceux de nos collègues de gauche qui s'y opposent ont tort car cela provoquera une délocalisation des emplois aéroportuaires.

Le Gouvernement a eu raison de faire voter une loi qui a permis le rapprochement d'Air France et de KLM - auparavant, nous avions manqué le rapprochement avec Iberia, voire avec Al Italia.

Il faut aller de l'avant : la modification de statut et l'ouverture du capital envisagées pour ADP vont dans la bonne direction. La commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption du budget des transports aériens.

Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les transports aériens - Ce budget survient dans un contexte toujours incertain pour le transport aérien, dont chacun reconnaît le caractère stratégique, mais aussi vulnérable.

Après le choc du 11 septembre et le ralentissement de l'économie mondiale, les compagnies aériennes ont dû affronter en 2003 les répercussions du conflit en Irak et de l'épidémie de SRAS en Asie.

Notre pays n'est pas épargné, avec la disparition d'Air Lib et les incertitudes sur Air Littoral et Aéris. Naturellement, il convient de reconnaître aussi les bonnes nouvelles, comme le rapprochement entre KLM et Air France, officialisée le 16 octobre 2003.

Dans ce contexte tourmenté, le budget devrait être un élément de lisibilité pour les compagnies aériennes. L'est-il réellement ?

Rappelons d'abord que le budget de l'aviation civile et le FIATA dépendent en grande partie du dynamisme du secteur des transports aériens, sur lequel le Gouvernement n'a qu'un pouvoir limité.

La conjoncture économique du secteur détermine le niveau des crédits disponibles en 2004 pour la politique des transports aériens.

Or la première caractéristique de votre budget, c'est la modification du périmètre du FIATA, qui explique la progression importante de ses crédits.

Ce fonds qui a pour objet premier de concourir à l'équilibre des dessertes aériennes dans l'intérêt de l'aménagement du territoire, a déjà pris en charge les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté. Ce transfert discutable, qui n'est pas de votre fait, s'est alourdi avec la mise en _uvre de nouvelles mesures de sécurité.

Aujourd'hui, le budget du FIATA enregistre une augmentation de près de 67 %, entièrement financée par la taxe d'aviation civile dont le produit est affecté à 37 % au FIATA, contre 24 % en 2003. Le taux de cette taxe augmentera donc de 13,07 % en 2004.

Une partie de ces moyens nouveaux permettra d'accroître les crédits inscrits à la section des opérations d'exploitation : je m'en félicite. Ce budget devrait permettre de financer onze liaisons nouvelles, dans un but d'aménagement du territoire, pour un montant de 9,2 millions d'euros.

Mais cela ne doit pas masquer le problème que pose l'inscription au FIATA de la dotation de continuité territoriale prévue par l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer.

Faut-il faire peser sur les seules compagnies aériennes cette dotation nouvelle dont le financement devrait être assuré par l'impôt, et donc l'inscription sur le budget de l'intérieur, de l'outre-mer ou de l'aménagement du territoire serait plus régulière ? En l'imputant au FIATA, le Gouvernement fait peser sur des entreprises de transport aérien convalescentes et soumises à une forte concurrence une charge qui relève de la solidarité nationale. Il y a là une construction budgétaire critiquable, même si personne ne remet en cause la nécessité d'assurer la desserte des territoires ultra-marins. Les compagnies aériennes sont conviées à assumer le coût d'une promesse électorale !

Ce budget reflète également l'évolution hétérogène du soutien de l'Etat à la construction aéronautique. Les autorisations de programme sont en légère augmentation et les crédits de paiement en repli du fait de la fin des avances remboursables mobilisées au profit de l'airbus A340.

Naturellement, il convient de replacer ce budget dans le contexte du transport aérien mondial : or, les premiers résultats de l'année 2003 ne font pas état d'une reprise. En France, 2002 s'annonçait comme une année de transition : après la chute de 1,7 % du nombre de passagers transportés en 2001, le trafic avait augmenté en effet de 0,5 % pour approcher les 100 millions de passagers. La reprise qui s'amorçait durant les premiers mois de 2003 a été stoppée par le conflit irakien puis par le SRAS : le nombre de passagers transportés sur le territoire a chuté de 4,1 % en mars, de 7,5 % en avril et de 7,7 % en mai.

Pour 2004, les prévisions de la DGAC s'établissent entre 3,2 % et 4,1 %, ce qui traduit une certaine confiance. Elles doivent cependant être accueillies avec prudence. Cette même direction générale n'avait-elle pas annoncé une baisse du trafic de passagers, pour 2003, de l'ordre de 0,1 à 1,3 % ? Pour les six premiers mois de l'année, il a enregistré une baisse de 2,2 %...

Ces éléments de conjoncture sont néanmoins déterminants : l'essentiel des ressources de ce budget provient de la taxe d'aviation civile et des redevances acquittées par les compagnies aériennes. A titre d'exemple, on estime que la baisse du trafic consécutive au 11 septembre 2001 a entraîné une diminution de près de 15 % des moyens disponibles, malgré l'augmentation des tarifs décidée pour financer les mesures de sûreté.

Le même phénomène risque de se reproduire en 2003 : selon les dernières estimations, la mauvaise conjoncture entraînerait une baisse imprévue de 1,9 % du produit de la redevance de route, ainsi qu'une baisse de 4,4 % de la redevance pour services terminaux.

Ces éléments risquent de peser sur l'exécution du budget 2004, et je recommande au Gouvernement une grande prudence vis-à-vis des hypothèses de croissance qui fondent ce budget.

Pour conclure, je voudrais revenir sur quelques dossiers majeurs. Le premier porte naturellement sur le rapprochement entre Air France et KLM. Celui-ci prendra la forme d'une opération en titre - l'offre publique d'échange n'existant pas aux Pays-Bas - pour laquelle Air France émettra des actions réservées aux actionnaires de KLM. Cette formule, qui diluera mécaniquement à 45 % environ la participation actuelle de l'Etat, conduira à une privatisation de fait d'Air France.

Faut-il en conclure que l'Etat, désormais minoritaire, doit se contenter de la portion congrue ? Je ne peux y être favorable, cet accord ne doit pas servir de prétexte idéologique à une privatisation hasardeuse au moment où le transport aérien demeure particulièrement vulnérable.

Par ailleurs, la question de la place d'Al Italia dans ce rapprochement doit être clarifiée : alors que la compagnie italienne a terminé son premier semestre 2003 avec un chiffre d'affaires en chute de 7,8 % sur un an, son président a évoqué récemment la possibilité d'une alliance à trois... Selon la presse, le président d'Air France aurait jugé prématurée l'ouverture de discussions avec Al Italia. J'espère que vous pourrez, Monsieur le ministre, nous donner votre sentiment.

Etonnamment, cette alliance capitalistique a donné un éclairage nouveau à une autre question déterminante pour l'avenir du transport aérien en France : le projet de troisième aéroport international en Ile-de-France. M. le secrétaire d'Etat nous a annoncé que l'aéroport d'Amsterdam deviendrait « le troisième aéroport parisien » alors que le rapport de la mission d'information parlementaire se bornait à encourager le développement concerté des deux hubs, soulignant par ailleurs qu'un nouvel aéroport distant de plus de cinquante kilomètres de Paris avait peu de chances d'attirer les compagnies aériennes.

Pense-t-on ainsi mettre un point final à un débat qui ressurgira inéluctablement d'ici quinze ans ? La multiplication des mesures de régulation suffira-t-elle à contenir l'augmentation des nuisances liée à la croissance du trafic à l'horizon 2020 ?

Ce tour d'horizon du transport aérien dans notre pays ne serait pas complet si nous n'évoquions pas la place des low cost et celle des compagnies régionales. Nous constatons l'émergence d'un marché low cost et les bas coûts passent par une stratégie commerciale bien définie. Certaines compagnies vont cependant plus loin que d'autres. Les procédures judiciaires en cours montrent que ces pratiques commerciales peuvent être particulièrement agressives pour les autres compagnies, mais aussi pour certains aéroports de province qui se voient désertés faute de n'avoir pas déféré à des exigences exorbitantes ou pour avoir refusé de cautionner des subventions abusives.

Une fois encore, j'appelle donc le Gouvernement à la plus grande vigilance, afin qu'il puisse réguler, le cas échéant, les pratiques de ces compagnies et contrôler les aides publiques, directes ou indirectes, qui leur sont consenties. Je souhaite aussi que l'enquête demandée par le Gouvernement à l'inspection générale de l'aviation civile soit communiquée au Parlement.

L'année 2003 peut déjà être considérée comme une année noire pour les compagnies secondaires françaises. La compagnie Air Littoral, employant près d'un millier de salariés, a déposé son bilan le 21 août au tribunal de Montpellier. Le 23 septembre, c'était au tour de la compagnie toulousaine Aeris, faute d'avoir procédé à la recapitalisation de 10 millions d'euros exigée par le Conseil supérieur de l'aviation marchande pour le maintien de sa licence. La définition d'une stratégie de soutien aux compagnies aériennes secondaires françaises devient donc une urgence absolue.

Je formulerai plusieurs réserves sur la construction du budget des transports aériens pour 2004. La première concerne son financement même, qui fait ressortir un certain déséquilibre du fait de l'imputation sur le FIATA de la nouvelle dotation de continuité territoriale destinée à favoriser les liaisons aériennes avec l'outre-mer.

La seconde concerne les orientations politiques du Gouvernement, qui m'amènent à douter que les crédits soient destinés à consolider un secteur économique convalescent.

Par conséquent, et contrairement à l'avis de votre commission, j'émets un avis défavorable sur ce budget des transports aériens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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