Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 26ème jour de séance, 65ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 18 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT ET DÉBAT
      SUR LES STRATÉGIES MINISTÉRIELLES DE RÉFORME 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 26

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 27

La séance est ouverte à neuf heures.

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT ET DÉBAT
SUR LES STRATÉGIES MINISTÉRIELLES DE RÉFORME

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les stratégies ministérielles de réforme et un débat sur cette déclaration.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Le débat de ce matin est sans précédent. C'est la première fois, en effet, qu'un gouvernement discute de la réforme de l'Etat avec les élus de la nation...

M. Didier Migaud - Il sont nombreux ! (Sourires)

M. le Ministre - ...en dehors des aspects qui peuvent être abordés dans le cadre de la discussion budgétaire. Je m'en réjouis car l'information, la participation et l'implication forte du Parlement sont nécessaires pour enclencher la réforme dans les administrations.

M. Didier Migaud - Restons modestes !

M. le Ministre - Le Gouvernement souhaite s'appuyer sur l'Assemblée nationale pour entretenir le rythme de la réforme. Vous avez un rôle éminent à jouer, et je souhaite que vous preniez toute votre part dans ce processus.

M. Didier Migaud - Nous ne sommes pas assez nombreux...

M. le Ministre - Il n'y aura pas de grand soir de la réforme, mais un mouvement continu, long, difficile, qu'il faudra ranimer périodiquement.

Je crois à la réforme permanente, comprise, partagée et portée par les élus et les fonctionnaires, qui doivent en être les premiers acteurs.

Vous devez en être les aiguilleurs, vous pouvez en être les animateurs ou les initiateurs, mais nous partagerons avec vous les évaluations et le contrôle des objectifs.

Cette réforme commence à porter ses fruits, et nous devons amplifier le mouvement. Beaucoup a déjà été fait. La réforme des retraites, différée de gouvernements en gouvernements, est aujourd'hui votée.

M. Didier Migaud - Mais pas financée !

M. le Ministre - Deux grandes administrations, la police et la gendarmerie, de cultures réputées si différentes, se sont rapprochées. D'autres grandes lois ont été votées : la loi sur la sécurité intérieure, la loi de programmation sur la justice, la clarification tant attendue des trois niveaux de SMIC, le débat sur l'acte II de la décentralisation, la loi d'habilitation.

M. Didier Migaud - Le démantèlement de l'Etat !

M. le Ministre - Ces lois sont autant de signes forts du changement en cours, et marquent la volonté réformatrice du Président de la République. Nous allons poursuivre ce mouvement avec le soutien résolu du Parlement.

L'année 2004 sera celle du sauvetage de notre système de sécurité sociale, de l'adoption de la loi sur les responsabilités locales, de la conclusion du débat sur l'école, et de la réforme effective de l'Etat.

M. Didier Migaud - Tout est à craindre !

M. le Ministre - Nous visons trois objectifs : un Etat plus réceptif et plus en phase avec les attentes des Français, aux structures allégées et aux méthodes de travail clarifiées ; un Etat plus efficace, mieux géré, aux services administratifs modernisés et aux coûts de fonctionnement réduits ; un Etat moderne, respectueux du contribuable et de l'usager. A cette fin, et tout en maintenant la culture du service public, nous introduisons dans la fonction publique, les notions d'objectif, de performance et de résultat.

M. Didier Migaud - C'est déjà fait ! Nous ne vous avions pas attendus !

M. le Ministre - Aucun secteur, aucun ministère ne sera dispensé de cet effort.

M. Didier Migaud - C'est le principe même de la loi !

M. le Ministre - Cet effort doit nous rendre les marges indispensables pour investir, pour stimuler la recherche et pour recréer de la richesse. La réforme doit s'appliquer de façon juste, mais ferme, à toutes les composantes de l'Etat.

M. Didier Migaud - Y compris du ministère de la défense ?

M. Jean-Yves Chamard - Mais oui !

M. le Ministre - Le Gouvernement a pour objectif de dégager des gains de productivité substantiels dans les administrations. Je suis venu vous dire ici la ferme détermination du Premier ministre...

M. Didier Migaud - Nous tremblons !

M. le Ministre - ...pour que tous les ministères, sans exception, dégagent des gains de productivités comparables à ceux réalisés par toutes les grandes organisations du secteur tertiaire et je vous invite à les vérifier chaque année !

Tout d'abord, nous voulons stabiliser les dépenses de l'Etat en volume jusqu'en 2007, afin de ramener le niveau des déficits publics sous la barre des 3 % du PIB dès 2005.

M. Didier Migaud - C'est mal parti !

M. le Ministre - Ensuite, nous voulons améliorer la qualité du service rendu à l'usager, pour répondre aux nouvelles demandes des Français.

Nous avons une vision précise de ce que doit être l'action publique dans les années à venir. Dans une société responsable, le service public et le secteur privé doivent fonctionner en totale harmonie, dans le respect mutuel. Nous sommes face à de grands enjeux qui dépassent nos clivages politiques : humaniser la mondialisation, concilier l'économique et le social, l'économique et l'environnement.

Le fait de ne pas maîtriser notre dette - 15 % du PIB en 1981, plus de 60 % en 2003 - alourdit le poids du passé et affecte une part croissante de nos ressources à rembourser plutôt qu'à investir. Notre pays ne peut plus vivre à crédit.

M. Didier Migaud - C'est pourtant ce que vous faites !

M. le Ministre - Pour surmonter la crise économique, préserver nos outils de régulation sociale et conforter le pouvoir d'achat des ménages, nous devons maîtriser la dépense publique.

M. Jean-Yves Chamard - Très bien !

M. le Ministre - Notre action humaniste, notre performance économique dépendront de notre aptitude à nous donner les moyens de nos ambitions.

Il ne s'agit ni de privatiser ni de brader le service public. Il s'agit au contraire de le rendre plus efficace, car la France a besoin d'un service public efficace, au service d'une économie et d'une politique sociale efficaces. Nous devons donc répondre au défi de l'attractivité de la fonction publique et, pour les deux années à venir, réduire les déficits publics.

M. Didier Migaud - Vous les augmentez !

M. le Ministre - Il ne s'agit pas de faire de l'idéologie, mais de rendre le service public réactif et de l'adapter en permanence. Nous ne pouvons accepter ces clivages entre bon et mauvais hôpital, ou entre bonne et mauvaise école qui transforment les usagers du service public en consommateurs et aggravent les inégalités.

M. Jean-Pierre Brard - Vous parlez d'or !

M. le Ministre - Nous devons permettre à nos administrations de libérer les énergies en supprimant des procédures superflues, des structures inutiles et des habitudes routinières. Nos administrations les plus dynamiques ont déjà amorcé ce virage, mais il faut franchir une nouvelle étape.

Notre volonté est forte, nos objectifs clairs, notre calendrier précis, notre méthode arrêtée et fondée sur quatre chantiers interministériels.

Le premier est celui de la décentralisation, avec la déconcentration qui en est l'indispensable complément. Le Premier ministre l'a dit à Rouen : « La décentralisation, ce n'est pas l'affaiblissement de l'Etat. »

Cette décentralisation doit d'abord s'appliquer aux administrations centrales. Le transfert de certaines missions, les simplifications engagées sous l'impulsion d'Henri Plagnol doivent contribuer à réduire leur taille. Certes, il faut affiner l'analyse : certains ministères sont plutôt sous-administrés, d'autres ont au contraire une administration hypertrophiée, mais l'Etat central doit être moins paperassier et plus gestionnaire.

La réforme de l'organisation territoriale de l'administration est la seconde conséquence de la décentralisation. Le Gouvernement se prononcera dans les prochaines semaines sur la recomposition des services déconcentrés du niveau régional autour de huit directions au maximum, quand on en dénombre actuellement vingt-quatre. La mutualisation des moyens sera également réalisée, afin de dégager les gains de productivité qu'empêche aujourd'hui l'éparpillement des services. La Cour des comptes a publié un rapport sur le rôle de la déconcentration des administrations dans la réforme de l'Etat. Sans nier les progrès indéniables accomplis, elle préconise d'aller plus loin, s'agissant en particulier de la gestion déconcentrée des ressources humaines et de l'action interministérielle sur le plan local.

Le Gouvernement a donc entrepris une réforme de l'administration territoriale. Il s'agit d'adapter celle-ci au nouveau cadre créé par la loi organique relative aux lois de finances, en responsabilisant chaque service sur la base d'objectifs de coûts et de performances.

De plus, le Gouvernement simplifiera l'organisation des services territoriaux, en les réorganisant autour du préfet, cette unité de commandement devant désormais s'accompagner d'une plus grande collégialité dans la prise de décision. Les préfets seront dotés de moyens d'action interministériels grâce à un programme des interventions territoriales de l'Etat qui regroupera les crédits sur un territoire donné, dès lors que l'action revêt un intérêt majeur de nature interministérielle, comme l'eau en Bretagne, la réindustrialisation de la Lorraine ou le programme exceptionnel d'investissement en Corse.

Nous avons également lancé des expérimentations sur la présence territoriale des services publics, en Savoie, en Charente, en Corrèze et en Dordogne. Nous avons voulu éviter deux écueils : le moratoire qui ne peut durer longtemps et la réorganisation sectorielle par chaque administration de ses prestations, sans coordination avec les autres services publics. Nous voulons qu'émerge ainsi une vision politique locale au niveau des établissements publics de coopération intercommunale et des pays. Je rappelle que mon ministère a considérablement simplifié le fonctionnement des pays, en harmonie avec les initiatives de votre assemblée. Je voudrais à ce propos saluer la contribution du président Ollier et de votre commission des affaires économiques.

La LOLF constitue le deuxième pilier de la réforme de l'Etat. Elle doit permettre de mettre en place de nouveaux outils, concernant notamment le contrôle de gestion et la politique immobilière des administrations. Elle doit également permettre une gestion pluriannuelle.

La lecture, le suivi, le contrôle de l'argent public ne doivent pas neutraliser la vision politique, mais au contraire l'alimenter.

De même, il est nécessaire de posséder rapidement des données précises, afin d'avoir des débats pertinents. Je crois, par exemple, qu'il serait utile de disposer d'informations sur l'action de l'Etat sur un territoire donné. La capacité d'analyse et d'expertise, la crédibilité des données fournies, la fiabilité des sources, la transparence des informations sont des éléments déterminants pour la réussite d'une réforme.

Ce chantier est un chantier vital. Le calendrier est clair : les futurs programmes seront arrêtés cet hiver ; les objectifs et les indicateurs qui leur donneront un contenu politique seront validés au printemps 2004. Ce calendrier nous oblige. Il va mobiliser l'ensemble des ministères dès 2004.

Pendant des années, l'administration s'est plainte d'un manque de définition des objectifs par les responsables politiques. Ces derniers ont aujourd'hui fait leur travail, dans un esprit de consensus qui doit beaucoup aux efforts de M. Migaud et de M. Lambert et je suis persuadé que les ministères sauront saisir cette occasion.

Il va de soi que le Parlement est appelé à contrôler la mise en _uvre de cette réforme. Avant les échéances de 2005, vous serez appelés à vous prononcer sur les programmes et sur les indicateurs, selon les modalités qui vous conviendront. Je vous l'ai dit : le Gouvernement considère que le Parlement doit être l'aiguillon de la réforme.

M. Jean-Yves Chamard - Très bien !

M. le Ministre - De la même façon, puisque la LOLF introduit une culture du résultat, je vous propose que nous mettions en place une procédure de suivi des observations de la Cour des comptes, de façon à ce que nos concitoyens n'aient plus l'impression que les gaspillages sont tolérés. L'Etat ne peut donner des leçons que s'il se les applique à lui-même (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Le troisième pilier de la réforme est celui de la gestion des ressources humaines.

Nous avons ouvert un premier chapitre sur les recrutements, qui devront faire une plus grande place aux recrutements professionnels, et permettre l'entrée de profils plus variés dans l'administration. Des avancées en matière de formation initiale et continue seront en outre réalisées pour accroître le niveau des agents. La communication que j'ai présentée le 22 octobre au Conseil des ministres va dans ce sens. La réforme de l'ENA illustre parfaitement nos ambitions pour la fonction publique : professionnalisation, ouverture, orientation de la formation vers les préoccupations concrètes des citoyens et des entreprises, simplification des structures de l'école.

Nous voulons également assouplir les règles de gestion : un nouvel élan sera donné à la déconcentration de la gestion des personnels afin de favoriser les effets de proximité.

J'ai aussi engagé des travaux visant à accroître la mobilité fonctionnelle et géographique des agents, y compris entre les trois fonctions publiques.

Plus généralement, l'introduction d'une culture de la performance est une priorité. La modernisation de notre service public passe par l'amélioration de sa qualité. J'ai l'intention de mieux reconnaître le mérite des bons agents à travers les rythmes d'avancement, qui seront plus différenciés. S'agissant du lien entre la performance et le salaire, je suis favorable à la création d'outils permettant la reconnaissance des résultats obtenus. Il pourrait s'agir soit de mécanismes d'intéressement, soit de retours financiers vers le service, permettant par exemple d'améliorer les conditions de travail.

Je souhaite aussi faire évoluer l'approche salariale de façon cohérente avec les réalités économiques. Il me paraît impossible de raisonner en ne retenant que la valeur du point en niveau et en glissement. Je considère que la politique salariale doit également intégrer les effets des mesures catégorielles et indemnitaires, et qu'elle pourrait être mieux mise en relation avec la croissance. Je rencontrerai dans quelques jours les organisations syndicales de fonctionnaires ; je leur proposerai de se joindre à une conférence sur la politique salariale et les rémunérations. Des négociations annuelles éventuellement obligatoires, devraient se tenir à l'avenir, à partir des travaux d'un observatoire des salaires de la fonction publique, lequel pourrait être ouvert aux organisations syndicales

Outre les salaires, c'est tout le système de la gestion des ressources humaines qui doit être repensé. Les agents sont le plus souvent motivés, attachés au service public et désireux de bien faire, mais le système paralyse les initiatives. Celui qui économise n'est pas mieux vu que celui qui dépense, la gestion sans imagination prévaut sur la prise de risque, une carrière sans vagues est plus récompensée qu'un investissement personnel.

Les fonctionnaires doivent être les moteurs du changement. La réforme ne pourra se faire sans eux. Elle devra faire appel à la responsabilisation et à la motivation des agents. Les bons agents doivent, en toute justice, se sentir portés vers l'avant et non bloqués dans leur élan. Responsabilisation et confiance dans les hommes et les femmes qui font vivre le service public sont les deux forces sur lesquelles je compte m'appuyer. Je veux faire émerger les talents dormants qui existent dans les services. De nombreux fonctionnaires de tous grades souhaitent se mobiliser et sont sous-employés. Chaque ministre aura la tâche de les repérer et de les réaffecter à des missions utiles pour la collectivité. L'accès à un poste de responsabilité doit être la reconnaissance d'une compétence et non de l'ancienneté ou de l'appartenance à un corps ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs)

Les plans de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences que m'a remis chacun des ministres sont en cours d'examen. C'est l'un des outils de la gestion pluriannuelle des recrutements des administrations. La formule doit être encore améliorée, mais elle est prometteuse. Un projet de loi sera consacré à la modernisation indispensable des règles statutaires : ouverture à l'Europe, relations avec le secteur privé, contrats des non-titulaires, mobilité entre les fonctions publiques - actuellement freinée par l'opacité des rémunérations et des primes, sur lesquelles nous devrons nous pencher... Le projet tirera également les conséquences de la décentralisation dans la fonction publique territoriale. J'entamerai dans quelques jours les consultations des élus et des syndicats de fonctionnaires et compte présenter ce projet en conseil des ministres dès le début de 2004.

Deuxième axe de la réforme : la simplification, à commencer par celle des démarches et des procédures. La loi du 2 juillet 2003 portant simplification du droit va donner lieu à 45 ordonnances, dont les deux tiers seront prises d'ici à février et qui contiendront des mesures intéressant directement la vie quotidienne des usagers et des élus locaux. Un second texte est en cours d'élaboration, qui contiendra plus de 160 mesures de simplification, concernant par exemple le permis de construire, le rescrit social ou le droit du travail.

Il s'agit ensuite de la révolution de la qualité, qui est aujourd'hui une exigence incontournable. Les nouveaux « Trophées de la qualité », qui récompensent les initiatives de modernisation, ont permis de mesurer la volonté de changement de l'administration. Le 15 novembre, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat a lancé les chartes d'accueil dans les services déconcentrés, qui portent le beau nom de « chartes Marianne ». Pour la première fois, elles permettront de tenir compte des suggestions du public et donneront lieu à des actions de formation à l'accueil. Une réflexion est par ailleurs en cours sur les processus de certification au sein de l'administration, avec en particulier la définition d'un référentiel commun de qualité.

La troisième priorité de ce volet d'action est le développement de l'administration électronique. L' « e-administration » répond à une demande croissante des Français. Elle se renforce considérablement : on compte aujourd'hui 5 500 sites publics, soit une augmentation de 20 % en un an, et 85 % des formulaires administratifs sont en ligne. La France vient ainsi de se hisser à la septième place mondiale dans le classement de l'ONU. Des orientations stratégiques vont être fixées pour les quatre années à venir lors d'un comité interministériel. De nombreux projets sont déjà lancés pour mutualiser des actions par le biais de plates-formes permettant des gains financiers et de productivité considérables, pour le service de changement d'adresse par exemple.

Après avoir remis tous ces grands chantiers en perspective, j'en viens aux stratégies ministérielles de réforme.

M. Didier Migaud - Enfin ! Après une demi-heure !

M. le Ministre - Il revient aux ministres d'être les premiers acteurs de la réforme. Dans la perspective tracée par le Président de la République, Henri Plagnol et moi-même avons proposé que chacun des ministres élabore une stratégie de réforme pluriannuelle.

M. Michel Bouvard - C'est nécessaire.

M. le Ministre - Le Premier ministre s'implique personnellement dans ce processus.

M. Didier Migaud - Aïe !

M. le Ministre - Il a donné des instructions et a entrepris de simplifier l'organisation de ses propres services. Il reçoit lui-même les ministres pour examiner leurs projets de réforme.

M. Didier Migaud - On va droit à l'échec !

M. le Ministre - J'ai prévu, dans mon propre ministère, d'alléger les structures de la DATAR pour qu'elle se consacre plus efficacement à sa mission de boîte à idées pour le Gouvernement et d'interlocuteurs des territoires.

M. Jean-Pierre Brard - Une boîte sans fond !

M. le Ministre - Les SMR se traduisent par plusieurs innovations importantes. Elles reposent sur un examen critique des missions ministérielles. Toutes les réformes qui ont abouti à l'étranger ont donné lieu à une telle revue générale des mission et des moyens. L'élaboration des SMR a donc été couplée avec celle du budget pour 2004, mais aussi avec la mise en _uvre de la gestion prévisionnelle des emplois. Pour la première fois, il est demandé aux ministres de fournir des engagements précis et mesurables sur plusieurs années. Le Premier ministre a mené avec chacun de ses ministres en mars et avril des entretiens bilatéraux à ce sujet.

Notre administration a tendance à empiler les structures. Mais les missions évoluent, car les besoins changent. Cela doit se traduire par des redéploiements ou le recours à de nouveaux modes de gestion. Nous avons donc posé à chaque ministre des questions simples, qui ne sont plus taboues : « Y a-t-il une mission ou un organisme qui n'ait plus d'intérêt pour le service public ? Quelles sont les missions éloignées de votre « c_ur de métier » et qui pourraient être externalisées ? Quelles sont celles qui seront décentralisées, ou déléguées au secteur associatif ou aux organismes parapublics ? »

Cet exercice a vocation à être poursuivi année après année, en particulier sous l'impulsion du Parlement. C'est la première fois qu'un travail sur le fonctionnement de l'exécutif est ainsi soumis à l'examen critique du Parlement. Après plusieurs mois de préparation, les SMR ont été présentées aux différents comités techniques ministériels, puis transmises au Premier ministre. Elles ont ensuite été adressées aux deux Assemblées du Parlement. Cet exercice s'est déroulé dans des délais tendus, mais qui ont été respectés par tous les ministères. Les commissions des finances ont entendu une dizaine de ministres et ont mené des débats de fond sur les objectifs et la stratégie de modernisation de chaque administration. Les options budgétaires ont été éclairées à la lumière des orientations de réformes structurelles et des choix de missions et de programmes relevant de la LOLF.

Les résultats varient bien sûr selon les ministères. Certains, comme ceux de l'équipement, de l'économie, de l'intérieur ou de l'agriculture, ont profité de l'exercice pour définir une stratégie ambitieuse et déterminée. D'autres doivent encore y travailler, mais les pistes sont prometteuses. Je laisserai à Henri Plagnol le soin de détailler les propositions et les enseignements à tirer de ces SMR.

M. Jean-Pierre Brard - Vous prenez des risques !

M. le Ministre - Je ne prendrai que quelques exemples. L'éducation nationale s'est engagée à améliorer le taux d'emploi des professeurs remplaçants, à rationaliser ses différents niveaux d'administration et à contenir le coût croissant de l'organisation des concours. Le ministère des affaires sociales s'est engagé à simplifier le droit du travail, à rénover le service public de l'emploi et à tirer toutes les conséquences de la décentralisation. Ces engagements concrets seront tenus par le Gouvernement, sous le contrôle des parlementaires. Car ce qui compte, au-delà du palmarès des ministres auquel je ne veux pas me livrer...

M. Didier Migaud - Ce serait vite fait !

M. le Ministre - ... est que le mouvement soit lancé. Vous pouvez compter sur le Premier ministre, sur le ministre du budget, sur Henri Plagnol et sur moi-même pour qu'il ne s'arrête pas.

M. Jean-Pierre Brard - C'est le mouvement perpétuel !

M. le Ministre - Nous souhaitons nous aussi pouvoir compter sur votre implication. Le Président de la République et le Gouvernement souhaitent que le Parlement soit l'aiguillon de la réforme de l'Etat.

M. Jean-Pierre Brard - On va vous piquer les fesses ! (Sourires)

M. le Ministre - Le Gouvernement veut passer avec le Parlement un contrat de confiance. Il est donc important de prendre quelques engagements. Les engagements pris par chaque ministre devant la commission des finances seront solennisés dans un document validé par le Parlement et par le ministère concerné.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Très bien !

M. le Ministre - Le Parlement définira librement la façon dont il entend veiller au suivi de ces engagements. Je ne verrais que des avantages à ce que des députés et des sénateurs soient individuellement chargés de missions en ce sens, et qu'ils puissent déclencher des audits externes pour vérifier l'application des SMR.

M. Didier Migaud - Nous n'avons pas besoin de votre autorisation ! Vous avez une conception assez particulière des relations avec le Parlement...

M. le Ministre - Une évaluation sera réalisée au printemps 2004, quand les ministres seront convoqués chez le Premier ministre pour une deuxième réunion de suivi de leurs réformes internes.

Au-delà des engagements déjà pris par les ministres et qui se concrétiseront en 2004, je prends les engagements suivants pour l'ensemble du Gouvernement. En janvier, à l'occasion du débat sur le projet de loi de décentralisation, le Gouvernement vous exposera ses choix en matière de réforme de l'administration territoriale. En février, un deuxième projet de loi d'habilitation à simplifier le droit par ordonnances sera présenté au Conseil des ministres pour être voté avant la fin de la session.

M. Didier Migaud - Par ordonnances ! Bravo pour le respect des droits du Parlement !

M. le Ministre - A cette occasion, le bilan sera tiré de la première loi d'habilitation et j'espère pouvoir vous annoncer la publication de plus des deux tiers des ordonnances prévues. Avant mars 2004, un projet de loi sur les évolutions des fonctions publiques sera déposé au Parlement. En juin, je dresserai un premier bilan de l'important programme de fusion de corps et de déconcentration engagé. Enfin, le Parlement discutera des programmes et des objectifs de la LOLF avant l'été 2004.

Je vous remercie par avance de vos remarques et suggestions pour nous aider à faire avancer ce vaste chantier de la réforme. Henri Plagnol et moi-même sommes à votre disposition pour préciser des points particuliers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je salue la volonté de réforme du ministre et je partage son optimisme en bonne partie.

Je veux cependant rester lucide, compte tenu du poids des habitudes et des multiples verrous existants, comme nous avons pu le constater dans la discussion budgétaire.

Pour la première fois, le Gouvernement débat devant le Parlement de la réforme de l'Etat, et votre commission des finances a pris l'initiative d'auditionner à ce sujet cinq ministres. La mise en application de la LOLF est également un motif de satisfaction et d'optimisme.

Je voudrais cependant donner quelques exemples symboliques des difficultés à résoudre pour simplifier les structures, alléger les procédures et mobiliser les hommes.

L'administration est envahie de conseils, comités consultatifs et observatoires, dont on ne sait pas toujours s'ils servent à quelque chose et si leur coût est justifié. Il paraît impossible que les quelques 1 200 instances placées auprès des ministres soient toutes nécessaires. Mais pour décider lesquelles il convient de supprimer, encore faut-il disposer d'éléments d'appréciation fiables. C'est pourquoi la commission des finances a souhaité qu'une annexe au collectif budgétaire de 2002 fournisse des précisions sur la composition, le coût et le nombre de réunions de ces organismes. Or je dois dire que le bilan est maigre : pour plus de 90 % d'entre eux, nous n'avons pas obtenu ces précisions !

A l'automne prochain, nous referons la même démarche et si nous n'obtenons pas plus de réponses, nous devrons en déduire que personne ne sait qui sont et à quoi servent les membres de ces instances... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Il doit y en avoir qui ne se réunissent jamais !

M. le Président de la commission - La MEC, par exemple, s'est demandée - et sur ce point le Gouvernement a commencé à fournir des réponses - s'il fallait conserver autant d'organismes d'analyse économique et financière. L'exigence du pluralisme des sources ne peut tout justifier. Chacun d'entre nous reçoit régulièrement sept, huit, dix comptes rendus de conjoncture sur papier glacé, qui vont presque tous directement à la corbeille.

M. Michel Bouvard - Il suffirait de les mettre en ligne !

M. le Président de la commission - En matière administrative, il y a peu de chances que le salut vienne de l'intérieur (Sourires). Quand j'étais jeune ingénieur dans une administration, j'ai fait des suggestions qui n'ont jamais été appliquées et même comme ministre de l'agriculture, je me suis heurté à de fortes résistances et pressions, notamment syndicales.

M. Jean-Pierre Brard - Avant la critique, il faut l'autocritique !

M. le Président de la commission - Nous disposons de corps d'inspection générale de grande qualité et souvent sous-employés. Ne pourrait-on en mettre une partie à la disposition de la Cour des comptes et du Parlement ?

Un mot sur l'accumulation des procédures et des textes. Dans certains ministères, la machine à créer de la complexité fonctionne à plein régime. Ainsi, malgré nos efforts pour réduire les mesures dérogatoires et les niches fiscales, certains ministères s'obstinent à créer des dispositifs de ce type.

M. Didier Migaud - Vous les avez encore renforcés !

M. le Président de la commission - Autre exemple, le décret du 22 octobre 2003 sur la gestion comptable de la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux ne comporte pas moins de 171 articles, sur 70 pages. Sa lecture et son application sont une mission impossible ! Quant les DDASS et les établissements ont reçu ce document, ils ont été découragés, et sont enclins à douter du discours sur la simplification administrative.

M. Michel Bouvard - C'est vrai ! C'est un excellent exemple !

M. le Président de la commission - Prochainement un texte sur le développement rural doit être présenté au Parlement. Il comporte 147 articles, et l'on peut douter que tous aient une portée législative. Nous avons demandé au ministre de l'agriculture de le réduire.

Troisième point, la mobilisation des hommes. Leur faire confiance, au niveau local, c'est d'abord entendre leurs suggestions. Celles-ci ne viendront pas des administrations centrales. Et la première chose à faire serait de fixer une fois pour toutes les compétences de chaque ministère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pour éviter qu'à chaque changement de gouvernement des fonctionnaires ne soient ballottés d'un ministère à l'autre.

Aujourd'hui, quand des ministres et hauts fonctionnaires prennent leurs responsabilités, ils n'ont jamais raison face aux structures qui représentent les personnels, mais pas forcément l'intérêt général. Les discours et les intentions sont là, mais les résultats seront-ils au rendez-vous ? Ce qui s'est passé ces dix-huit derniers mois ne nous permet pas de donner une réponse définitive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Les stratégies ministérielles de réforme marquent un tournant de la réforme de l'Etat. Elles sont le fruit des réflexions et du dialogue conduits pendant près d'une année dans chaque ministère.

« Stratégies » : il s'agit en effet de fixer un cap et de faire la part entre le c_ur de l'action de l'Etat, à développer ou à moderniser, et ce qui peut être abandonné ou délégué à d'autres acteurs, publics ou privés, dans un souci de maîtrise de la dépense publique. « Ministérielles » : il a en effet été demandé à chaque ministère de se livrer à un exercice de vérité sur les changements souhaitables. « De réforme » : le domaine couvert par cet exercice est vaste, il va de l'examen des missions à la modernisation de la gestion, en passant par le développement de démarches de qualité.

Je salue le fait que le Parlement ait été placé au c_ur de ce processus. Il a en effet été demandé aux ministres de prendre des engagements devant nous et de rendre compte de l'avancement des réformes. Dans cet esprit, la commission des finances a déjà procédé à cinq auditions concernant la défense, l'éducation nationale, les affaires sociales, l'agriculture, l'économie et les finances. Notre séance de ce matin est un autre aspect de ce suivi. A nous maintenant de nous manifester auprès de chacun des ministres sur tel ou tel aspect des réformes qu'ils nous ont présentées. Pour ce faire, il nous faudra adopter des méthodes de travail innovantes.

Je crois tout d'abord qu'il nous faut effectuer un suivi quotidien des engagements qui ont été pris par les ministres. A cet égard, je tire un bilan positif de la première phase ; les ministres ont joué le jeu et fait preuve d'imagination. Mais ce qui ressort des cinq auditions auxquelles nous avons procédé, c'est qu'il manque en général un chiffrage des économies attendues et un calendrier précis.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Par exemple, le ministère de la défense compte externaliser la gestion immobilière de la gendarmerie et la formation initiale des pilotes d'hélicoptères. Mais nous ne savons pas quelle économie il en attend, ni quand cette réforme sera menée à bien. Autre exemple, le ministère des affaires sociales annonce qu'il va rapprocher les acteurs du service public de l'emploi - ANPE, Unedic et services déconcentrés du ministère - mais il ne s'engage pas sur les économies que permettra cette restructuration.

Je pense toutefois qu'il sera possible d'identifier une quinzaine d'engagements précis à tenir en 2004, et j'ai pris bonne note, Monsieur le ministre, de votre proposition d'une publication solennelle et conjointe de l'état d'avancement des réformes. Je souhaite en tout cas que nous puissions procéder, début 2004, à une nouvelle série d'auditions, qui pourrait concerner, par exemple, les ministres de l'intérieur, de la justice et de l'équipement, et que nous puissions réentendre les cinq ministres que nous avons déjà auditionnés. C'est ainsi que nous obtiendrons des améliorations tangibles de l'efficacité de l'Etat.

Deuxième ligne d'action : il faut que l'Assemblée soit étroitement associée aux choix qui seront opérés dans le cadre de la nouvelle nomenclature budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Il me paraît essentiel que nous puissions valider les maquettes budgétaires des différents ministères avant qu'elles soient arrêtées définitivement. La définition des missions et des programmes relève certes de l'exécutif, mais je crois que nous avons aussi notre mot à dire. Nous nous sommes par exemple étonnés, en commission, du fait qu'il n'y ait pas de programme spécifique pour la gendarmerie.

Outre ce suivi ministère par ministère, il faudra suivre quelques chantiers transversaux - j'en vois sept. Ce soin pourrait être confié à un ou plusieurs députés qui ne seraient pas effrayés par la charge de travail que cela représentera ... (Sourires)

Premier chantier : les missions et structures des administrations centrales. L'Etat n'a pas fait suffisamment d'efforts pour réformer son « back office », ce qui fait que des doublons demeurent.

M. Michel Bouvard - C'est vrai !

M. le Rapporteur général - Deuxième chantier : les services déconcentrés de l'Etat. Compte tenu de la décentralisation, certains ont besoin d'être radicalement réformés, voire supprimés.

Troisième chantier : la contractualisation, le contrôle de gestion et l'évaluation de la performance. Nous examinerons dans ce cadre les contrats d'objectifs et de moyens déjà conclus avec la Direction du budget et nous nous intéresserons aux systèmes d'information qui se mettent en place dans les différents ministères.

Quatrième chantier : la modernisation de la gestion des ressources humaines. Il s'agira de suivre avec attention la gestion prévisionnelle par métiers, la déconcentration des actes de gestion, la responsabilisation des cadres et l'épanouissement des agents, la question de la mobilité, de l'aménagement du temps de travail et de la rémunération au mérite. Grâce à vous, Messieurs les ministres, cette dernière notion n'est plus taboue. Je m'en réjouis.

Cinquième chantier : la modernisation de la gestion de l'immobilier. Je ne m'y arrête pas, afin d'en arriver au sixième, sur lequel nos concitoyens nous attendent tout particulièrement, à savoir celui de l'amélioration de la qualité du service. Si plusieurs administrations ont réalisé des progrès notables à cet égard, d'autres sont restées en retrait, ce qui est regrettable car il s'agit là de la traduction la plus sensible de la réforme de l'Etat.

Dernier chantier : le suivi des expérimentations tentées dans le cadre de la LOLF. Je pense tout particulièrement à celles qui ont lieu dans l'Education nationale - qui emploie plus de la moitié des fonctionnaires d'Etat - qu'il s'agisse de celles menées dans les académies de Bordeaux et Rennes, concernant l'enseignement scolaire, ou de celle, très intéressante, qui a trait à l'enseignement agricole.

Ces sept chantiers demanderont un investissement important de notre part, mais nous sommes bien là au c_ur de notre mission. D'ailleurs, beaucoup de nos collègues étrangers nous disent que cette mission d'évaluation et de contrôle est devenue un aspect primordial de leur travail de parlementaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Très bien !

M. le Rapporteur général - Cette mission ne concerne pas seulement la commission des finances mais nous intéresse tous. C'est pourquoi je souhaite que la MEC - mission d'évaluation et de contrôle - soit élargie à toutes les commissions de notre assemblée. Nous pourrons ainsi évaluer plus efficacement les performances des administrations publiques et procéder au suivi attentif et continu de la réforme de l'Etat, le but étant que nos concitoyens bénéficient au moindre coût, d'un service de meilleure qualité. Nous sommes bien là au c_ur de notre responsabilité de parlementaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Vous dites que vous êtes un républicain, Monsieur le ministre, et vous avez tenu - dans une autre assemblée - des propos fort intéressants, mais de même qu'il y a des croyants qui ne vont ni à l'église, ni à la synagogue, ni à la mosquée, ni au temple, vous me paraissez être un républicain non pratiquant, insuffisamment en tout cas, à mon goût (Sourires).

Débattre des stratégies ministérielles de réforme suppose de savoir quelles missions et quelles finalités on assigne à l'Etat.

Pour ce gouvernement, comme pour la majorité de droite - et le budget en cours de discussion en témoigne amplement -, l'Etat doit se replier sur ses missions régaliennes, entendues a minima : défense, police et justice. Cette conception a notamment inspiré un document publié en 2001 sous le titre « Alternance 2002 : un projet pour l'opposition », projet que nos collègues de droite n'ont d'ailleurs jamais lu ! En quoi ils ont eu tort : lorsque vous prétendez être libre de toute vision idéologique, Monsieur le ministre, sans doute Freud y décèlerait-il un souvenir de votre petite enfance, lorsque votre maman vous interdisait de prononcer des gros mots (Sourires), mais « idéologie » n'est pas un gros mot ! Le terme désigne un corpus d'idées qui donnent sens à un projet politique - et vous avez un projet politique ! Simplement, vous ne pouvez l'afficher parce que vous devinez qu'il est bien difficile à vendre... Cela n'empêche nullement que vous ayez une politique fort cohérente et que le Gouvernement compte dans ses rangs un certain nombre d'idéologues, dont vous êtes. Et croyez bien que, dans ma bouche, ce n'est pas une insulte : je ne fais que reconnaître votre qualité intellectuelle et la réalité d'un projet - que nous combattons. Je ne dirais pas la même chose de tous les ministres - et je vois que M. Bouvard approuve - (Rires ; M. Michel Bouvard se récrie) -, tant il est clair que certains ne sont là que pour services rendus au Président durant sa campagne !

Que disait donc le document « Alternance 2002 » ? Ceci : « pour que l'Etat se recentre sur les missions qui fondent sa légitimité, nous demandons une réflexion en profondeur sur son périmètre d'intervention, l'ouverture progressive à la concurrence des grands services publics industriels et commerciaux, avec l'instauration d'instances de régulation indépendantes chargées de garantir le respect de l'intérêt général ». Voilà votre bréviaire, et je constate que M. Plagnol apprécie en connaisseur. Il a d'ailleurs bien du mérite à se laisser pénétrer par cette idéologie, lui qui est gardien de l'identité de Saint-Maur-des-Fossés...

Et en effet, depuis un an et demi, vous appliquez de façon rigoureuse une politique de démolition des acquis sociaux accumulés tout au long du XXe siècle, ce au nom de la réhabilitation du travail, de la libre entreprise et de la déréglementation généralisée. Baissant les impôts des plus riches et les cotisations des patrons, assurant la liberté du renard dans le poulailler libre, l'Etat reformaté par vos soins a une mission sociale qui tend à se limiter au registre compassionnel.

Notre conception est tout autre : nous voulons un Etat qui valorise et revivifie notre pacte républicain, pour mieux mettre en pratique notre devise : Liberté, Égalité, Fraternité. Nous voulons un Etat garant de l'intérêt national contre toutes les féodalités - dont la figure de proue est un fameux baron - et contre tous les groupes de pression, un Etat qui garantisse la solidarité nationale au moyen de services publics confortés, modernisés et financés par un impôt légitime, car plus juste.

On ne peut prétendre réformer l'Etat si l'on fait mine d'ignorer que nos institutions, à bout de souffle, brident notre vie démocratique, contre l'aspiration de nos citoyens à plus de démocratie participative et délibérative. Le renforcement du pouvoir présidentiel accentue le caractère de monarchie républicaine de la Cinquième, comme le relevait un observateur étranger qui décrivait la France comme un curieux pays où le roi est élu au suffrage universel ! La Constitution de 1958 a établi une dyarchie fondamentale, puisque la formation du gouvernement relève, théoriquement, des deux instances qui peuvent se prévaloir d'une élection au suffrage universel direct : le Président et l'Assemblée. Mais, en pratique, c'est le dernier élu des deux qui impose ses choix et l'inversion du calendrier électoral a fait de la majorité de l'Assemblée, plus qu'auparavant, l'obligée du Président...

M. Michel Bouvard - C'était une réforme Jospin !

M. Jean-Pierre Brard - Certes, et sur ce sujet, l'ancien Premier ministre pourrait dire comme l'actuel l'a fait le 7 novembre : « Je suis un honnête homme au sens de Paul Valéry, c'est-à-dire un homme qui est d'accord avec la plupart de ses décisions ». Ce qui, entre nous soit dit, ne rassure pas sur les décisions que M. Raffarin peut prendre sans son propre accord !

Cette majorité a donc marché au sifflet depuis le début de la législature : ainsi lors de la réforme des retraites, pour laquelle l'UMP n'avait laissé la parole qu'à un seul de ses membres, le pauvre M. Jacquat, à la peine pendant des semaines devant ses collègues réduits au rôle de figurants compatissants.

Il est vrai qu'il en est un peu autrement depuis quelque temps, pour des raisons électorales conjoncturelles : une voix un peu différente, celle de l'UDF, se fait entendre. Mais M. Bayrou se borne à intervenir sur un deux-millième du budget, ce qui en dit long sur la sincérité de ses rodomontades...

Tout cela ne contribue pas à revaloriser le Parlement, malgré les promesses. Ce serait pourtant un élément essentiel de la réforme de l'Etat, avec la réforme du Sénat dont le mode d'élection est une entorse à la démocratie, un anachronisme et un frein à toute évolution. Mais, au lieu de cela, on nous soumet une modification du régime de retraite des parlementaires issus de la fonction publique ! Cette mesure serait acceptable s'il s'agissait simplement d'interdire le cumul d'une indemnité et d'une pension, mais on sent poindre chez certains l'envie d'obliger à la démission les fonctionnaires exerçant un mandat électif, conformément à un vieux fantasme de droite. Il vaudrait beaucoup mieux se préoccuper d'améliorer les garanties offertes aux parlementaires issus du privé.

Plus généralement, une véritable réforme de l'Etat suppose un véritable statut des élus, en particulier de ceux des collectivités territoriales, permettant aux salariés du privé et aux membres de toutes les catégories professionnelles d'assumer des responsabilités électives sans avoir à subir de préjudices. Il conviendrait d'ailleurs d'assortir ce statut d'une reconnaissance des collaborateurs d'élus.

Si elle peut apparaître comme un levier, la loi organique est bien loin de constituer une panacée. Avant de réformer le fonctionnement des ministères, n'aurait-il pas fallu, comme à l'instant le président Méhaignerie, poser la question de l'organisation ministérielle ? Faut-il par exemple maintenir inchangé le ministère de l'agriculture, pour complaire aux lobbies ? Certains ministères ou directions sont les chasses gardées de tel ou tel grand corps et la conservation des positions acquises conduit nécessairement à une gestion figée. L'enseignement dispensé à l'ENA est notamment à remettre en question : une fois entré à la grande École, ce qui compte, c'est le classement de sortie, avec l'obsession de figurer dans la « botte ». Or ce classement est fonction de l'aptitude à perpétuer le système, supposant un mode de raisonnement conforme. Ce qui importe, c'est avant tout la capacité à résoudre un problème avec élégance, au moins en apparence car on ne se soucie guère de savoir si la solution est applicable ! Contrairement à certains démagogues de droite, je ne propose pas la suppression de l'ENA : nous avons besoin de fonctionnaires bien formés. Mais il faut que ces fonctionnaires ne soient plus déconnectés de la réalité. Je constate certains progrès : depuis quelque temps arrivent dans ma mairie des élèves de l'ENA...

M. le Président - Mon cher collègue, soyez plus synthétique que les énarques...

M. Jean-Pierre Brard - Seriez-vous énarque vous-même ?

M. le Président - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard - Nous avons donc un point commun. Au moins n'avez-vous pas été contaminé par le virus que je dénonce (Sourires)...

La réforme de l'Etat ne saurait servir de prétexte à une remise en cause du statut des fonctionnaires.

Le ministre a abordé la question du mérite, après avoir affirmé, le 22 octobre dernier, que l'introduction de la culture de la performance était une priorité, et ajouté qu'il fallait « responsabiliser les fonctionnaires ». Mais le système lié au mérite existe déjà, que ce soit par l'intermédiaire de la notation annuelle, de l'attribution de principalat ou des avancements de grade ! La réalité, hélas, c'est que le système est aujourd'hui dévoyé, si bien que tout le monde avance au même rythme, ce qui n'encourage pas les efforts !

Autre cheval de bataille de la droite : le prétendu sureffectif de la fonction publique. Que chaque député de l'UMP, vienne plutôt nous dire quels fonctionnaires de la justice, de la police, de l'éducation nationale ou de la santé il faudrait supprimer dans sa circonscription ! Que M. Bouvard, par exemple, vienne proposer de supprimer un poste de postier à Bonneval... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous tenez un discours idéologique mais, confrontés à la réalité, vous vous révélez incapables d'assurer le service après-vente de vos propositions.

Il est nécessaire que ce débat se poursuive. Comme la mission d'information de la commission des finances l'avait souligné, la loi organique oblige les gestionnaires à s'engager sur des objectifs et à rendre compte de leurs résultats, en particulier devant le Parlement.

Parmi ces critères d'évaluation des résultats, nous avions pointé l'efficacité socio-économique, ainsi définie : « Ce critère appréhende l'impact final des actions sur l'environnement économique ou social. Il permet d'évaluer la pertinence de la politique et non la performance de sa mise en _uvre. Il devra être mesuré à partir de données statistiques relatives à la gestion administrative (par exemple, le taux de déclarations fiscales et de paiements spontanés reçus à l'échéance pourrait être un indicateur de l'efficacité de l'action de la direction générale des impôts), complétées par des enquêtes spécifiques (par exemple, les acquis des élèves à différents stades du cursus scolaire) ».

Il y a du pain sur la planche, car nous devons améliorer la qualité des services publics, mais non les démanteler en les réduisant aux fonctions régaliennes de base.

M. Michel Bouvard - C'est la première fois que notre assemblée débat de la réforme de l'Etat, à partir de documents préparés par chaque ministère, selon un cadre et des orientations communs. Cette initiative mérite d'être saluée, et elle témoigne de la volonté réformatrice du Gouvernement .

Permettez-moi de replacer les stratégies ministérielles dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances. Chaque volet des stratégies ministérielles de réforme - qu'il s'agisse du réexamen des missions de l'Etat, du développement des démarches qualité ou de la modernisation de la gestion des ressources humaines - doit avoir en effet une traduction dans le nouveau cadre budgétaire, qui nous sera proposé dans deux ans.

Où en est la mise en _uvre de la loi organique ? Une première maquette du futur budget de l'Etat sera arrêtée avant la fin de l'année. Le Parlement dispose d'une esquisse et plusieurs rapporteurs spéciaux ou pour avis ont d'ores et déjà pris position, à l'occasion de l'examen du budget 2004. La mission d'information de la commission des finances fera prochainement le point ministère par ministère, afin d'émettre des propositions dès le début de l'année prochaine.

Tout d'abord, la circulaire du Premier ministre demandait à chaque ministre de réexaminer les missions de son département et de vérifier l'adéquation des structures chargées de remplir ces missions. Malheureusement, les ministères sont encore trop réticents à modifier leur organisation administrative, leurs propositions ne touchent qu'aux structures périphériques, et les externalisations envisagées ne concernent que des tâches satellitaires. La loi organique a pourtant opté pour une budgétisation par finalité qui suppose des réorganisations administratives.

Un rapport de la Cour des comptes sur la réforme de l'Etat confirme que les administrations centrales n'ont pas réduit de manière significative le nombre de leurs directions. La loi organique n'a pas été votée pour garantir l'autonomie budgétaire des structures en place, mais pour identifier et contrôler les politiques de l'Etat. Or, plusieurs orientations ne vont pas dans ce sens, et la façon dont le choix des missions interministérielles a été abordé en témoigne.

La création de missions interministérielles permet de s'affranchir des découpages administratifs. Il s'agit en effet de faire figurer dans une même unité de vote des programmes qui concourent à une même politique, indépendamment des ministères concernés. Or, les missions ont été interprétées comme un moyen d'asseoir la prééminence de telle administration sur telle autre.

S'agissant du découpage des programmes, plusieurs ministères proposent encore des programmes « fourre-tout » qui, certes, peuvent correspondre à l'organisation administrative en place, mais n'ont aucune lisibilité politique. Afin de respecter l'organisation actuelle des responsabilités administratives, les ministères privilégient la recherche d'une globalisation maximale sur l'identification des politiques.

Plusieurs programmes sont manifestement surdimensionnés. Peut-on ainsi mélanger les crédits destinés aux mutations industrielles, à la politique énergétique, aux PME et à l'artisanat ? Ou encore les moyens alloués au Plan, avec ceux des instituts régionaux d'administration ou ceux alloués à l'indemnisation des victimes de spoliations ?

Les services surdimensionnent leurs programmes afin de faire de l'action le véritable niveau d'identification des politiques et de pilotage du budget. Or, la répartition des crédits entre les actions ne fait pas partie de l'autorisation parlementaire : elle est laissée à la discrétion de l'exécutif. Comment, dans de telles conditions, le Parlement pourra-t-il suivre l'exécution du budget, et notamment l'impact des mesures de régulation budgétaire ?

Le deuxième volet des stratégies ministérielles de réforme se concentre autour des « démarches qualité ». C'est indéniablement le chantier auquel les services sont les moins préparés. Certes, ils ne partent pas de rien, puisque les agrégats actuels contiennent d'ores et déjà des objectifs et des indicateurs, mais il est clair que la qualité de l'information transmise au Parlement est très inégale.

Les difficultés rencontrées par les ministères dans la définition de leurs programmes ont retardé la définition des objectifs, alors que les deux démarches doivent aller de pair. La plupart des ministères ont du mal à passer d'une simple mesure de l'activité administrative à une véritable évaluation de la performance. Les services devront également hiérarchiser l'information disponible, de manière à distinguer les objectifs stratégiques susceptibles de faire l'objet d'un engagement politique devant le Parlement, de ceux qui relèvent de la gestion interne.

Par ailleurs, l'Etat ne pourra faire l'économie d'une comptabilité analytique, qui n'est pas pour le moment la priorité des ministères. L'analyse des coûts sera l'un des éléments d'appréciation du Parlement avant d'autoriser par son vote l'ouverture des crédits demandés dans le projet de loi de finances.

Enfin, la modernisation de la gestion des ressources humaines. Les pistes avancées consistent à relancer la gestion prévisionnelle des emplois et la déconcentration de la gestion du personnel. En outre, plusieurs propositions sont émises pour reconnaître le mérite, responsabiliser l'encadrement et instituer des mécanismes d'intéressement à la performance.

Ces orientations vont dans le bon sens. Encore faut-il leur donner toute leur place dans la réforme des lois de finances qui restent le cadre général d'autorisation et de gestion de l'emploi public. Or, le nouveau dispositif de gestion des emplois publics issu de la loi organique soulève des interrogations, quant à la capacité du futur système budgétaire à assurer la maîtrise des dépenses de rémunération qui représentent plus de 40 % du budget de l'Etat.

La loi organique fait reposer la maîtrise des dépenses de personnel sur la « fongibilité asymétrique » : pour ses coûts de personnel, chaque programme sera soumis à un plafond qui limitera les marges de man_uvre du gestionnaire. Or, plusieurs ministères envisagent de recourir à un programme unique, ou de mettre l'essentiel de leurs crédits de personnel dans un seul programme. On a là un risque de contournement du caractère asymétrique de la fongibilité, contraire à l'indispensable encadrement de la masse salariale.

La définition du périmètre des futurs plafonds d'emploi soulève une difficulté du même ordre. Le Gouvernement a prévu de ne pas plafonner les emplois des opérateurs extérieurs à l'Etat, et notamment les agents des établissements publics, alors qu'ils sont souvent rémunérés à partir de subventions de l'Etat et régis par le statut général de la fonction publique. Ce sont ainsi 340 000 emplois qui continueront à échapper à l'autorisation parlementaire et au cadre défini par les lois de finances.

J'observe en outre que les stratégies ministérielles de réforme n'accordent pas une attention suffisante à l'émergence des métiers, notion qui figure dans la loi organique relative aux lois de finances et qui doit permettre de passer d'une gestion exclusivement statutaire à une gestion fonctionnelle. Une présentation des emplois par métier serait cohérente avec la structuration des dépenses par finalité. En outre, elle répondrait à la nécessaire simplification de l'emploi public en réduisant le nombre des unités de gestion. Je mesure la difficulté de ce travail, car plusieurs tentatives de réforme partielle ont échoué, quels que soient, d'ailleurs, les gouvernements...

Notre action doit être conduite sans polémique, mais dans le même esprit de responsabilité qui a présidé à l'adoption de la LOLF, à l'unanimité des deux assemblées. La majorité, notamment l'UMP, a une responsabilité particulière. Il nous appartient de dire la vérité quant à l'avancement de la réforme, au respect des objectifs et à la mise en _uvre des nouveaux pouvoirs du Parlement. Je souhaite que les SMR fassent l'objet d'un calendrier précis, de propositions et de résultats chiffrés.

Enfin, il faut organiser sur des bases nouvelles le travail entre la commission des finances et les autres commissions pour que la nécessité de la réforme soit celle de l'ensemble de la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - M. Bouvard aime et châtie en proportion... (Sourires)

M. Michel Bouvard - Qui bene amat bene castigat ! (Sourires)

M. Didier Migaud - La déclaration de M. Bouvard constitue une véritable question préalable : pourquoi sommes-nous ici ce matin alors que tant de travail reste à accomplir ?

M. Michel Bouvard - Un dialogue est nécessaire, et il a lieu.

M. Didier Migaud - S'il fallait prouver que les parlementaires attendent peu de ce débat, il suffirait de regarder notre hémicycle peu garni. Il est vrai qu'avoir choisi un mardi matin, quand les groupes politiques se réunissent, montre que vous-mêmes y croyez peu à ce débat - à moins que vous ne veuilliez le limiter à quelques effets d'annonce.

M. Bouvard a parlé des « S.M.R. ». De quoi s'agit-il ? Je mets chacun de nous au défi de nous exprimer ainsi devant nos électeurs... (Sourires) Il s'agit des stratégies ministérielles de réforme, sur lesquelles nous n'avons pas appris grand-chose ce matin, hors vos difficultés à les mettre en _uvre avec des crédits diminués.

Certes, nous sommes d'accord sur l'objectif : un Etat plus réactif, plus efficace, mieux géré, plus « respectueux du contribuable et de l'impôt », qui peut être contre ? Certes, l'Etat doit se réformer. Certes des métiers changent, certes une adaptation est nécessaire. J'aurais pratiquement pu prononcer l'intervention de M. Bouvard !

M. Jean-Pierre Brard - Ne lui créez pas d'ennuis ! (Sourires)

M. Didier Migaud - Il est peut-être le seul gaulliste de cette assemblée.

Mme Henriette Martinez - Merci pour les autres !

M. Didier Migaud - Je le dis sincèrement. La plupart d'entre vous êtes des libéraux ou des ultra libéraux qui ne croient pas en l'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). M. Bouvard, lui, croit en la capacité d'action de l'Etat.

Nous devons utiliser l'argent public de manière efficace, et le contrôle comme l'évaluation s'imposent à vous, même si cette culture n'est pas encore vraiment ancrée en nous - elle l'est sans doute depuis longtemps au Sénat.

Je me souviens à ce propos de l'indigence de certaines ambitions concernant l'évaluation des politiques publiques, devant le groupe de travail que présidait Laurent Fabius et dont j'étais le rapporteur. Ce n'est pas l'administration que je critique, mais nous, les politiques, qui laissons trop souvent à d'autres le soin de décider.

La maîtrise des dépenses publiques est certes nécessaire, mais encore faut-il trouver le bon équilibre entre les besoins collectifs et la capacité contributive de nos concitoyens. Encore faut-il aussi que la politique fiscale soit juste, et ce n'est pas le cas lorsque vous baissez l'impôt sur le revenu d'une petite partie des Français. Ce n'est pas ainsi que l'autorité de l'Etat sera restaurée.

Nous devons faire vivre la mission d'évaluation et de contrôle. Pour la première fois, nous avons eu l'audace de la faire coprésider par un membre de l'opposition, mais peut-être conviendrait-il, comme cela se fait en Grande-Bretagne, d'aller plus loin. Je crois en effet beaucoup au rôle de l'opposition, en matière d'évaluation et de contrôle.

Un suivi quotidien est nécessaire mais vous n'avez pas été en mesure, Monsieur le rapporteur général, de faire un rapport sur l'application de la loi fiscale en 2003.

En tant que parlementaires, le contrôle de l'action gouvernementale constitue l'une de nos missions essentielles, et nous n'avons pas besoin de votre accord pour l'exercer, Monsieur le ministre.

L'application de la LOLF est une condition préalable et nécessaire de la réforme de l'Etat. Avant de parler de réforme, il faut en effet que chaque ministère s'interroge sur ses missions, ses programmes et ses objectifs. Ne mettons pas la charrue avant les b_ufs. Or, la façon dont certains ministères, par exemple, occultent la question de leurs missions, ne laisse pas d'inquiéter.

La LOLF, que nous avons votée tous ensemble, permet de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats : elle place l'efficacité au c_ur des actions de l'Etat.

Nous disposons dorénavant de tous les pouvoirs nécessaires pour contrôler et évaluer. Il n'y a que la volonté qui manque ! Je constate d'ailleurs que certains, qui sont prompts à nous donner des leçons, ne sont pas toujours présents aux rendez-vous, ce qui illustre une nouvelle fois le fossé qui existe parfois entre le discours et la réalité...

Pour avancer en la matière, nous attendons beaucoup des missions et des programmes sur lesquels M. Lambert s'est engagé. Ils permettront d'engager une véritable réflexion. Nous savons que notre gestion peut être grandement améliorée, que certains ministères sont sous-administrés, voire pas gérés du tout. Reconnaissons que trop de ministres n'ont aucune volonté de peser réellement sur les choix de leur ministère. S'ils étaient rémunérés au mérite ou aux résultats, certains auraient des salaires négatifs !

M. Jean-Pierre Brard - Des noms !

M. Didier Migaud - Le Premier ministre nous a annoncé un objectif de 2,5 points de croissance. Faut-il lui appliquer un coefficient d'abattement parce que nous ne ferons pas mieux que 0,2 % ? Voilà qui serait intéressant ! Commencez donc par vous appliquer à vous-même, ainsi qu'au Parlement, les principes que vous souhaitez instaurer dans la fonction publique !

En ce qui concerne la gestion, n'attendons pas de miracles. J'admets volontiers que l'Etat puisse dans certains cas être aussi efficace, voire plus, en dépensant moins, mais dans d'autres cas l'efficacité passe par des moyens. L'informatisation par exemple entraîne, dans un premier temps, des dépenses supplémentaires. Je n'ai rien contre les externalisations, mais encore faut-il veiller à ce qu'elles n'aient pas d'effets pervers. Or vous êtes, comme l'a montré M. Brard, prisonniers de partis pris idéologiques et de schémas préétablis. Nous ne voulons pas que leur application ait des conséquences négatives en ce qui concerne par exemple le patrimoine immobilier de l'Etat ou la rémunération au mérite. A travail identique, il est normal que la rémunération soit identique, mais il est légitime de prendre la qualité du travail en compte par le biais de primes ou de l'avancement. Nous sommes donc d'accord sur ce genre de sujets. En revanche, des désaccords de fond persistent. Vos a priori vous font estimer que la dépense publique est forcément mauvaise, que les fonctionnaires sont forcément trop nombreux et que la fonction publique est forcément inefficace. Je ne le pense pas, même s'il existe des marges de progression.

La question essentielle est bien sûr celle du périmètre de l'Etat. Nous voulons un Etat présent, qui joue son rôle certes d'arbitre, mais aussi d'acteur, et qui pèse sur les événements et corrige les inégalités. Votre projet de décentralisation nous inspire beaucoup d'inquiétudes à cet égard. Vous avez réussi à abîmer cette belle idée et à la rendre impopulaire, car désormais la décentralisation sera associée à l'augmentation de la fiscalité locale. Nos concitoyens ont bien compris que votre décentralisation était un démantèlement organisé de l'Etat. L'Etat se désengage de l'aménagement du territoire, il ne veut plus corriger les déséquilibres. Il se retire de nombreuses politiques publiques telles que l'emploi, la recherche ou la santé. Vous souhaitez que d'autres structures que l'Etat assument ces rôles, et cela nous inquiète. Vous mettez souvent la proximité en avant, mais les rares documents dont nous disposons sur les stratégies ministérielles de réforme vont à l'encontre de ces propos, en envisageant des suppressions d'échelons. La réforme de l'Etat consiste surtout, pour vous, en la limitation de son périmètre, avec tous les dangers que cela implique pour l'unité de la République et le principe d'égalité.

Il ne doit pas y avoir de question taboue. Il faut par exemple un débat sur l'augmentation déraisonnable de nos dépenses militaires. Pourquoi la MEC ne se saisit-elle pas de ce sujet ? Pourquoi, alors que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis réactualisent sans cesse leur doctrine, continuons-nous à nous référer à des schémas anciens et pratiquement intangibles ? Nous sommes restreints à une approche purement quantitative alors qu'il faudrait repenser l'ensemble de notre doctrine dans la perspective européenne. Tous les programmes de la loi de programmation militaire ont-ils toujours une justification aujourd'hui ? Pourquoi n'avons-nous pas le droit de nous poser la question alors que les militaires eux-mêmes le font ? Ces domaines sanctuarisés contredisent eux aussi votre discours.

Si nous pouvons donc nous retrouver autour de certains objectifs, c'est la conception elle-même de l'Etat qui nous sépare. Nous voulons un Etat efficace, présent et actif, et ce que vous nous proposez va dans le sens contraire (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Merci d'avoir respecté votre temps de parole, ce que M. Gantier ne manquera pas de faire aussi.

M. Jean-Pierre Brard - Il s'exprime pour l'UMP ou pour l'UDF, aujourd'hui ?

M. Gilbert Gantier - Le groupe UDF fait, comme le Gouvernement, de la réforme de l'Etat une de ses priorités. Il ne s'agit pas d'une nouvelle marotte ni d'un débat de spécialistes, mais d'un exercice fondamental de rénovation politique pour une organisation plus rationnelle, plus démocratique, plus humaine, plus efficace et plus proche des citoyens. La modernisation est réclamée conjointement par le monde économique, les collectivités locales, les agents de la fonction publique et l'ensemble des usagers. Pour la réaliser, nous préconisons quatre axes principaux de réflexion.

Le premier est la concentration des actions publiques autour de la fonction d'Etat stratège. Ce concept est le fruit des analyses de la commission du Plan. Il repose sur une division rigoureuse des tâches au sein de l'appareil de l'Etat : les actes de gestion et d'administration seront transférés intégralement aux services déconcentrés, l'Etat assurant ses missions régaliennes et stratégiques ainsi qu'une fonction de péréquation. Cette redéfinition des champs d'intervention doit aboutir à une meilleure efficacité. Loin d'être un simple slogan, elle débouche sur des engagements précis.

Le premier consiste en une réduction globale des coûts du service public. Le poids économique de ce secteur est considérable, ce qui explique le montant élevé des prélèvements obligatoires que nous dénonçons depuis des années. Ils contribuent évidemment à leur tour à créer des richesses, en matière de transports, de sécurité et de santé par exemple, mais l'essentiel n'est pas là. Alors que l'économie privée a dû réduire ses coûts pour faire face à la concurrence mondialisée, l'Etat a abandonné la recherche de gains de productivité. La loi organique relative aux lois de finances a permis de substituer une logique de résultats à la logique de moyens qui prévalait. Nous suggérons deux mesures concrètes pour réduire les coûts de production du service public

La première est la systématisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. On peut par exemple saluer l'initiative du ministère de la défense, qui va regrouper la gestion des réseaux informatiques au sein d'une direction unique. La volonté de rationalisation est en l'occurrence incontestable, mais le véritable enjeu se trouve dans la mise à disposition effective des équipements à l'ensemble du personnel administratif. La décentralisation doit permettre de simplifier les rapports entre services centraux et déconcentrés et de rechercher des synergies. Il faut également rechercher des économies d'échelle, que ce soit pour l'achat des équipements informatiques ou dans leur utilisation.

La deuxième proposition est le recours à la sous-traitance et l'externalisation de certains postes pour réduire les coûts et recentrer l'action des ministères sur leurs missions premières. Des initiatives ont été prises. Le ministère de la défense a ainsi annoncé le transfert d'une partie de son parc automobile et de ses biens immobiliers au secteur concurrentiel. Le ministère de l'économie a décidé d'abandonner la production de produits d'assurance-vie qui mobilisait 300 agents du Trésor et d'externaliser le contrôle technique de son parc automobile lourd. Ces mesures n'ont cependant d'effet qu'à la marge. Le processus doit s'accélérer, avec par exemple la cession des actifs immobiliers de la défense et peut-être d'autres ministères, qui dégagera des marges budgétaires.

Il faut ensuite accroître le rôle des administrations territoriales. Je me félicite que la décentralisation soit au c_ur du projet gouvernemental : encore faut-il s'entendre sur les termes et ne pas se limiter à une déconcentration. Certains transferts ont été réalisés : personnels TOSS de l'éducation nationale, départementalisation du RMI/RMA. Le mouvement doit être poursuivi et nous attendons beaucoup de la loi de décentralisation qui sera discutée en janvier 2004.

Enfin, l'Etat stratège repose sur une recherche constante des synergies à travers la mutualisation des moyens administratifs. Un certain nombre de progrès ont été réalisés : le ministère de l'économie a lancé plusieurs chantiers dans le cadre du projet « Bercy en mouvement », comme la création d'une agence des participations de l'Etat unifiant sa fonction d'actionnaire ou la fusion des deux directions chargées des relations avec les entreprises. Les réseaux locaux du Trésor public, de la douane, de la DGI et de la DGCCRF seront également resserrés.

D'autres ministères semblent en retard : ainsi, au ministère des affaires sociales, la DARES devrait intégrer les nombreux organismes de recherche. Il importe également de clarifier les rapports entre l'UNEDIC et l'ANPE concernant le volet emploi du RMA. Le groupe UDF propose de créer un fonds national de péréquation pour harmoniser les politiques d'aides à l'emploi au niveau départemental : la péréquation est, en effet, une des fonctions fondamentales de l'Etat stratège.

Il est temps que l'Etat se concentre sur ses missions régaliennes, stratégiques et de péréquation. La mise en place de la LOLF est une chance inestimable de réforme que les administrations doivent saisir, en appliquant des critères rationnels de désignation des missions et programmes. Ce ne semble pas toujours être le cas : on reste perplexe quant à la décision de Mme Alliot-Marie de regrouper les attributions de son ministère en une seule mission, d'autant que les sept programmes élaborés semblent très déséquilibrés sur le plan budgétaire. Ce ministère est pourtant un bon exemple des synergies à créer : ainsi faut-il sans doute aller plus loin dans la démarche positive d'intégration des forces de la police nationale et de la gendarmerie engagée par le ministère de l'intérieur.

Ces quelques exemples sont porteurs d'espoir si on les considère comme des étapes de la réforme de l'Etat. Mais ils sont aussi porteurs de déception si la logique de résultats mise en place depuis 2001 est davantage perçue comme un glissement sémantique que comme un virage idéologique et surtout méthodologique complet. C'est en ce sens que doit être accru le contrôle démocratique sur l'action des pouvoirs publics.

Le contrôle démocratique est le deuxième axe de notre réflexion concernant la réforme de l'Etat. Il ne consiste pas seulement en un renforcement du pouvoir du Parlement, même si la mise en place d'un véritable office parlementaire d'évaluation des politiques publiques est indispensable et s'il est bon que la LOLF étende le contrôle de l'exécution du budget.

Il faut aussi limiter l'inflation des textes législatifs et réglementaires, comme le réclame l'UDF de longue date. Je salue à cet égard, la démarche de la loi d'habilitation à simplifier le droit.

Il convient également de développer les pratiques d'expérimentation de politiques publiques. Le ministère de la jeunesse, a mis en place une mesure phare : l'expérimentation des nouvelles techniques financières dans les académies de Rennes et Bordeaux. Cet effort est louable, mais nous souhaitons que le Parlement soit davantage informé des modalité de mise en _uvre de la réforme et que cette pratique soit développée par d'autres ministères.

Enfin plus de démocratie signifie une meilleure maîtrise des outils de la comptabilité analytique. Cela passe par une mutualisation des organes chargés de ce secteur au sein de chaque ministère et surtout par la prise en compte des apports du management privé. La logique d'entreprise doit se mettre aussi au service de la gestion de l'Etat.

Le contrôle démocratique ainsi conçu - transparence des comptes, rationalisation des politiques d'évaluation, accroissement des pouvoirs parlementaires - doit être développé car il faut que chaque citoyen puisse s'informer sur l'action des services publics qui le concerne en tant qu'usager, en tant que citoyen et en tant que contribuable.

J'en arrive à la fonction publique. Une bonne réforme de l'Etat devrait intéresser au premier chef ses personnels. Les directeurs des administrations centrales auront un rôle important à jouer pour expliquer les mesures qui seront prises. Mais au préalable il convient de prendre en compte trois exigences majeures en matière de gestion des ressources humaines de l'Etat : mobilité des personnels, regroupement par métiers et non par corps, rémunération au mérite, sont les conditions d'une véritable gestion des compétences.

La mobilité des fonctionnaires doit se développer dans quatre directions : mobilité horizontale, entre différents ministères et fonctions publiques ; mobilité fonctionnelle entre fonctions opérationnelles et fonctions de réflexion ; mobilité verticale entre les administrations centrales et les services déconcentrés ; enfin passage plus facile entre le secteur public et le secteur privé.

Nous préconisons de renoncer à la division actuelle en corps au profit de regroupements par métiers, comme dans la fonction publique territoriale. A cet égard, la mission confiée à M. Thibault de Silguy devrait rapidement clarifier les interrogations sur la future réforme de l'ENA. Sur ce point, comme sur la mobilité des personnels, les motivations des ministères semblent floues et les décisions concrètes rares.

Les ministres auditionnés se sont surtout concentrés sur la question de la rémunération des agents au mérite, au demeurant essentielle pour la réussite de la réforme. Je me félicite des propositions constructives du ministère de l'économie. Pour les cadres dirigeants, la rémunération se basera sur une modulation individuelle des primes. Pour les autres catégories de personnel, le mérite sera récompensé par l'avancement.

Mais en dernier ressort, l'objectif de la réforme est d'aider les citoyens. Que va-t-elle changer, concrètement, dans leur vie ?

Pour répondre à leurs attentes, j'avance trois propositions : la réduction des délais de procédure et de paiement, la mise en place d'un interlocuteur unique pour le contribuable et l'instauration de guichets communs à plusieurs administrations.

Bercy est en avance, sur ce dossier, par rapport aux autres ministères. L'objectif prioritaire est de mettre l'ensemble du personnel au service des usagers, par des mesures phares comme l'interlocuteur unique pour les PME. Cette démarche va dans le bon sens, mais elle devrait être étendue à tous les usagers, entreprises ou contribuables.

L'heure n'est pas aux demi-mesures, le train de la LOLF ne doit pas partir sans nous. Pour que les choses changent dans la vie des Français, il faut aller plus loin. Permettez-moi de prendre un exemple révélateur de nos dysfonctionnements institutionnels : le « jaune budgétaire » dresse sur 208 pages la liste de l'ensemble des commissions et instances placées sous l'autorité du Gouvernement. Liste démesurée !

M. Michel Bouvard - Eh oui !

M. Gilbert Gantier - Sans parler des organismes tombés en désuétude !

M. Michel Bouvard - Mais qui emploient peut-être du personnel !

M. Gilbert Gantier - Il est temps de tenir un discours de vérité. L'administration n'a de justification qu'au regard des citoyens et se doit donc de répondre à leurs attentes. Il faut établir en son sein un véritable rapport coût/efficacité, sachant que cette dernière ne passe sûrement pas par un accroissement incessant du nombre de fonctionnaires.

Le Gouvernement nous parle de remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Il faut peut-être aller plus loin, en tenant compte du fait que l'informatisation des services a permis de gagner beaucoup de temps. Parmi les pays les plus industrialisés, la France est celui qui détient le ratio le plus élevé de fonctionnaires en pourcentage de la population active occupée : 29 % contre 17 % aux Etats-Unis et 6 % au Japon.

M. André Chassaigne - Quelles références !

M. Gilbert Gantier - Nous avons 60 % de fonctionnaires de plus que la moyenne des pays de l'OCDE, et dans les administrations financières les effectifs français sont deux fois plus élevés que les effectifs américains, trois fois plus que les effectifs japonais. Est-il normal que le coût de prélèvement de l'impôt soit deux fois plus élevé en France qu'en Suède ?

M. le Rapporteur général - Sans parler de la redevance !

M. Gilbert Gantier - N'ayons pas peur d'appliquer au public des schémas du privé et n'ayons pas peur d'employer au sein de la fonction publique des termes comme rentabilité ou productivité. C'est à ce prix qu'un véritable progrès économique, social et politique sera possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. André Chassaigne - La réforme de l'Etat revient donc à l'ordre du jour. Au-delà des justifications habituelles sur le sujet, le souci d'une meilleure « efficacité de la gestion publique » masque la volonté bassement comptable de procéder à des coupes arbitraires et votre réforme, Monsieur le ministre, traduit le mépris de ce gouvernement et d'une partie de la haute fonction publique envers les fonctionnaires de proximité et les valeurs de service public qu'ils incarnent.

L'efficience épicière que vous appelez de vos v_ux procède en réalité d'un sombre dessein : réduire les dépenses publiques et donc la capacité des autorités à intervenir dans la sphère sociale. Nous pourrions y voir une simple lubie technocratique, voire un poujadisme des beaux quartiers, mais en réalité c'est la marque du libéralisme le plus cru. Quant à vos prétendues stratégies ministérielles de réforme, elles ne seraient légitimes que si elles questionnaient la capacité de nos institutions et de nos administrations à répondre à ce double défi.

Le premier est démocratique. Comment peut-on aujourd'hui, avec la construction européenne et le développement de marchés globalisés, redonner sens à la notion de souveraineté populaire ? Et comment articuler celle-ci avec le développement de souverainetés locales ?

Le second défi est celui de la république. Alors que son message universel s'essouffle, comment réorganiser nos institutions de façon à leur redonner sens ? Et comment revivifier le pacte républicain ? Confronté à ces redoutables défis, le Gouvernement n'ouvre que la voie de la résignation. Résignation devant la crise de nos finances publiques tout d'abord. Alors que ce qui relie encore les citoyens à l'Etat, c'est le service public et les valeurs d'égalité, de solidarité qu'il porte, le Gouvernement s'acharne à le remettre en cause, croyant limiter ainsi les déficits. Mais ce faisant, il aggrave encore la crise financière et porte atteinte à la légitimité de l'impôt fondé sur la notion de solidarité.

Résignation face au pouvoir européen, ensuite. Votre réforme de l'Etat va dans le même sens que la nouvelle étape de décentralisation et le projet de constitution européenne : détruire l'Etat nation comme instance politique démocratique en mesure de résister à la déferlante néolibérale. Le couple Europe-régions est donc le référent institutionnel attendu par le patronat et les marchés boursiers. Les institutions européennes capteront l'essentiel du pouvoir politique et économique, tandis que les régions constitueront le lien d'enracinement et de gestion de ces politiques européennes.

Résignation face au marché, enfin. Sous couvert de chercher à rendre la gestion publique plus efficace, le Gouvernement cherche surtout à étendre les modes de gestions libéraux à la sphère publique, assimilant de fait la démocratie à une nouvelle marchandise. La puissance publique perd alors toute possibilité d'intervenir sur le cours des choses. Les porteurs d'eau du libéralisme ouvrent ainsi les vannes d'une mondialisation libérale incontrôlée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). En tant que rapporteur pour avis du budget du plan, j'ai pu constater l'absence de volonté politique en ce domaine : le marché étant omniscient et capable de s'autoréguler, il ne serait plus nécessaire que la collectivité cherche à anticiper les évolutions probables de notre économie et lui fixe des orientations.

Je pense pour ma part que la République a besoin d'un souffle politique nouveau. Ce n'est pas en adaptant ses modes d'intervention au marché, modèle d'aliénation démocratique, que nous le lui donnerons. Voilà pourquoi vos stratégies ministérielles de réforme sont vouées à l'échec .

M. François Cornut-Gentille - La réforme de l'Etat est une nécessité. Le Président de la République en a fait une priorité de l'action publique et il nous incombe d'agir pour que l'Etat soit un moteur de développement, de croissance et de solidarité.

La tâche est immense et il est certain que cette matinée ne suffira pas à épuiser tous les aspects de la problématique. Mais ce premier débat est extrêmement positif, il doit nous permettre de faire le point et de prendre date, afin d'enclencher un processus continu de réforme dans lequel le Parlement puisse jouer tout son rôle.

Malgré les importants dossiers qu'il a traités en dix-huit mois, le Gouvernement n'est pas resté inerte en matière de réforme de l'Etat : Bercy s'est maintenant remis en mouvement ; Jean-Paul Delevoye et Henri Plagnol ont mis en place les conditions de la modernisation de notre administration ; et Alain Lambert s'est personnellement impliqué dans la mise en _uvre de la réforme budgétaire. De sorte que la réforme de l'Etat commence à avoir des traductions concrètes dans certains ministères - je pense notamment aux engagements de Mme Alliot-Marie, François Loos et de Nicolas Sarkozy.

De son côté, l'Assemblée nationale s'est également impliquée, la commission des finances se montrant naturellement en pointe sur cette question. Michel Bouvard, Charles de Courson, Didier Migaud et Jean-Pierre Brard suivent depuis près d'un an la mise en _uvre de la LOLF dans les différents ministères et leurs rapports ont déjà permis d'heureux ajustements.

Toutefois, les risques d'enlisement ne doivent pas être sous-estimés. Pour y parer, il faut tout d'abord éviter de placer la réforme de l'Etat sous un angle exclusivement financier. Certes, la conjoncture économique nous oblige à rechercher des économies, mais la réforme de l'Etat ne peut se limiter à un débat sur les moyens budgétaires et sur les effectifs. De même qu'un bon ministre n'est pas forcément celui qui a un budget en augmentation, une bonne réforme ne s'évalue pas seulement aux économies réalisées.

La réforme de l'Etat doit permettre des économies budgétaires. Mais en faire sa finalité, ce serait sanctionner les ministères les plus actifs : celui qui ferait des efforts de rationalisation et qui obtiendrait des économies d'échelle se verrait privé de moyens, tandis que celui qui refuserait de s'engager serait préservé ! Quel ministre suicidaire accepterait une telle logique ?

Pour encourager les efforts des ministres, il est donc indispensable de mettre en place un mécanisme vertueux, permettant à ceux qui dégagent des gains de productivité de pouvoir en redéployer une partie pour des mesures nouvelles.

Par ailleurs, la réforme de l'Etat exige que l'on ait une vision globale et non parcellaire, une vision gouvernementale et non ministérielle. Procéder à la réforme de l'Etat par ministères, voire par directions administratives, reviendrait à faire jouer onze footballeurs sans leur donner de stratégie collective.

Définir les missions de l'Etat n'est pas une mince affaire - il ne s'agit pas de s'interroger sur la nécessité de maintenir telle sous-préfecture ou telle subdivision de l'équipement -, mais en posant cette tâche comme un préalable à la définition de programmes, la mission d'information sur la LOLF a permis une utile clarification.

Du point de vue administratif enfin, le risque d'enlisement est multiforme : habillage des anciens services en programmes budgétaires, recours abusif à des programmes fourre-tout, définition d'indicateurs mobilisant les services au détriment d'améliorations concrètes, reconnaissance du mérite dans des conditions propres à dévoyer cette excellente innovation... Dans tous les cas, le premier souci doit être d'encourager l'esprit de responsabilité.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. François Cornut-Gentille - On ne peut en effet se contenter de remplacer les procédures, il faut imposer de nouvelles pratiques, répondant aux besoins sociaux nouveaux. Entre la révolution et l'attentisme, nous avons à trouver le juste milieu, au bénéfice de l'efficacité.

Surtout, la réforme de l'Etat exige que l'on dépasse le travail technique et administratif pour construire un vrai projet politique. Cela suppose que Gouvernement et Assemblée s'engagent tous deux dans l'entreprise avec l'objectif de la mener à terme. Le petit nombre des présents, ce matin, démontre qu'il y a encore beaucoup à faire à cet égard. Nous avons besoin d'une prise de conscience individuelle mais aussi de bien plus, et notre organisation est sans doute à revoir afin de privilégier nos fonctions de contrôle et d'évaluation. Sans nouvelles méthodes de travail, comment pourrions-nous assumer la plénitude des pouvoirs que nous reconnaît la réforme ? Je pense notamment à nos capacités d'expertise, à nos relations avec la Cour des comptes, au suivi budgétaire et administratif, à la validation des missions et programmes...

Certes, la commission des finances voit son rôle considérablement renforcé, mais elle n'est pas toute l'Assemblée. Son président et son rapporteur général ont manifesté leur volonté d'ouverture, ce que je salue, mais sans recevoir l'écho attendu de la part des autres commissions. Il est pourtant plus que temps de prendre nos responsabilités et je proposerai donc de créer un Office parlementaire de la réforme de l'Etat. Prolongeant le travail réalisé par la MEC et par la mission d'évaluation de la LOLF, il réunirait députés et sénateurs, de la majorité comme de l'opposition, issus de toutes les commissions. Pourquoi un office ? Parce que la réforme de l'Etat ne tient pas dans l'application d'un texte unique. C'est un processus permanent et complexe, qui doit évoluer pour s'adapter au mouvement de la société. Ainsi les missions et programmes seront certainement appelés à se modifier dès 2006, certains disparaissant, d'autres apparaissant... La décentralisation implique en outre de faire la chasse aux doublons dans les compétences. Pour donner à la réforme une cohérence dans la durée, l'Assemblée doit pouvoir s'appuyer sur une structure permanente, dotée d'outils d'expertise autonome et animée par une volonté politique sans faille.

A cet engagement des parlementaires doit répondre celui de tous les ministres, dont nous attendons qu'ils acceptent le dialogue. Ce premier débat doit préluder à un suivi permanent et à quelques rendez-vous plus solennels, destinés à prendre acte des grandes étapes de la réforme.

Grâce au Président de la République et au Gouvernement, la réforme de l'Etat est maintenant bien engagée, mais elle exige une plus forte mobilisation de notre assemblée et des ministres. Certains déplorent que nous ne nous engagions dans ce processus qu'après certains de nos partenaires, mais ce retard nous permet de nous appuyer sur un premier bilan des expériences étrangères. Travaillons donc avec pragmatisme, en dépassant nos clivages idéologiques ! Gauche et droite divergent certes sur la conception de l'Etat, mais elles s'accordent sur la nécessité d'une modernisation et c'est ce consensus qui a permis l'adoption, à l'unanimité, de la LOLF, en 2001. L'alternance de 2002 n'a pas mis un terme à notre ambition commune et c'est donc dans cet esprit qu'il nous faut continuer d'_uvrer ensemble à un Etat moderne et fort, vecteur de progrès économique et social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Merci à tous, en mon nom, au nom de M. Plagnol et au nom de tout le Gouvernement.

Monsieur le président de la commission de finances, la satisfaction n'exclut pas la lucidité, en effet. Personne ne doit douter de la détermination du Premier ministre à travailler avec le Parlement pour faire bouger les choses et quand, par exemple, vous découvrez dans le Livre jaune l'existence de 1 200 instances consultatives - dont trois quarts ont d'ailleurs moins de quinze ans -, vous avez le droit d'attendre que l'Etat ne fasse pas moins à ce sujet que les collectivités, qui demandent aux associations qu'elles subventionnent de fournir informations et bilan. Je suis tout disposé à passer en revue, avec vous, toutes ces instances afin de ne conserver que celles qui ont une utilité, comme le commandent la transparence et le respect du contribuable. Nous n'avons à faire plaisir à personne, seule l'efficacité de l'action publique doit compter. Il n'y a rien à craindre de la clarté : c'est au contraire l'opacité et la rétention de l'information qui nourrissent la suspicion vis-à-vis de l'Etat et de l'administration. Au nom de quoi une institution pourrait-elle refuser de répondre à la représentation nationale lorsque celle-ci l'interroge sur sa composition, sur son travail ou sur son budget ? Pour ma part, j'entends me montrer ferme et exigeant car ces refus sont intolérables.

M. Méhaignerie et M. Carrez ont souligné les limitations de la MEC et souhaité que le contrôle et l'évaluation ne soient pas bornés à la commission des finances. Le gouvernement est ouvert à vos suggestions car il entend que le Parlement joue tout son rôle.

Comme vous, Monsieur le président de la commission, je pense que le salut ne viendra pas de l'intérieur. Beaucoup d'audits, et même des statistiques ou des documents, ne sont établis que pour justifier le maintien de certaines structures. Il faut développer dans ce pays la culture de l'audit externe ; nous devons mobiliser davantage les inspections générales et les corps d'audit privé. On ne peut demander aux Français de subir des contrôles fiscaux et, dans le même temps, admettre que l'Etat échappe à tout contrôle - il y perdrait d'ailleurs beaucoup car un contrôle renforce la pertinence de l'action.

Par une circulaire, le Premier ministre a appelé à juguler l'inflation législative que vous dénoncez justement. Quant à revoir l'organisation gouvernementale pour l'adapter à la nouvelle organisation administrative, je n'irai pas jusque là, mais on peut imaginer des systèmes de coordination entre ministres ou secrétaires d'Etat, de manière à assurer une plus grande cohérence entre gouvernement et administration.

Oui, Monsieur le Rapporteur général, il faut un suivi quotidien de la réforme. Celle-ci est un processus continu et, si nous nous contentions du rendez-vous budgétaire annuel, nous ne parviendrions pas à une relation convenable entre Gouvernement et Parlement. Il faut définir des objectifs, dont la loi de finances ne sera que la traduction, pour une modernisation menée de concert par deux partenaires.

Il y a en effet un effort à faire, en matière de comptabilité analytique, pour mieux chiffrer les économies attendues. Tantôt, on avance des chiffres fort sympathiques mais fondés de façon trop fragile ; tantôt, au contraire, on nous oppose des coûts qui nous détourneront des réformes. Il nous faut donc veiller à la fiabilité des statistiques et à la bonne diffusion de l'information.

Plus généralement, je suis d'accord pour que nous vérifiions ensemble que chiffres et calendrier sont compatibles avec les objectifs. Mais je réclame aussi le droit à l'erreur !

Le Gouvernement n'est pas opposé, enfin, à la validation de la nouvelle maquette budgétaire.

Il faut certes réfléchir à la structure de l'administration centrale, mais il faut aussi se préoccuper de ce qui freine la mobilité.

J'ai été très surpris de découvrir, à mon arrivée au ministère de la fonction publique, qu'il existait des administrations « nobles » et d'autres moins. Pour faire carrière, on va aux finances, plutôt qu'aux affaires sociales ! Cela freine la mobilité des talents, aux dépens de l'intérêt de l'Etat.

Sur les services déconcentrés, la contractualisation, la modernisation des ressources humaines, nous sommes d'accord. Quant au suivi des expérimentations, nous devons réfléchir à la disponibilité des parlementaires.

M. Brard me reproche d'être un républicain non pratiquant. Mais le rituel, ce n'est pas la foi ! Est-ce pour avoir trop pratiqué la religion communiste autrefois que la foi de M. Brard et de M. Chassaigne a fini par être ébranlée ? (Sourires) L'idéologie n'est pas un gros mot, mais il ne faut pas en être prisonnier, et savoir conserver sa liberté d'opinion.

Oui, je souhaite un Etat qui revalorise l'égalité et à ce titre, M. Brard proposait un impôt en fonction du revenu, mais s'est-il interrogé sur certaines propositions parlementaires pour créer des niches fiscales qui échappent à l'impôt ? Nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. Brard a ensuite stigmatisé la pouvoir présidentiel, le roi élu au suffrage universel et sa majorité de godillots. Cette analyse surprenante reflète sans doute la frustration d'un homme qui a dû parfois épouser des thèses conçues par d'autres. Mais la majorité actuelle est très vigilante, et le Premier ministre met justement en place un partenariat avec les parlementaires pour faire évoluer le service public.

M. Bouvard a raison, il faut associer les schémas ministériels de défense et la LOLF. La lecture purement budgétaire est une erreur. Ce n'est pas le comptable qui gère l'entreprise !

Vous avez rappelé d'autre part l'observation de la Cour des comptes sur l'insuffisance de la réduction du nombre de directions au sein des administrations centrales. Nous souhaitons bien mettre en place un suivi des observations de la Cour des comptes.

Concernant les missions interministérielles, nous veillerons, avec M. Plagnol, à ce qu'elles ne soient pas instrumentalisées pour installer la suprématie d'une administration sur une autre.

Sur les programmes surdimensionnés, je suis plus réservé. Vouloir l'égalité budgétaire des programmes, comme l'a proposé M. Gantier, serait une erreur. En revanche, l'application des programmes doit être parfaitement lisible.

S'agissant des SMR, c'est vrai, il faut mettre en place une comptabilité analytique. Plus on pourra analyser les coûts, plus on pourra mettre en place des politiques d'adaptation et d'évaluation.

Monsieur Migaud, je croyais qu'un parlementaire choisissait d'assister à une séance en fonction de l'intérêt qu'il portait à un débat, et non parce qu'elle avait lieu le matin ou l'après-midi !

Nous sommes d'accord sur la nécessité d'une réponse. Du reste, M. Strauss-Kahn, l'avait reconnu en son temps, « si l'Etat moderne ne se réforme pas, il sera affaibli », et M. Fabius avait ajouté que la gauche pouvait perdre par la non-maîtrise de l'impôt. Nous devons donc maîtriser les dépenses publiques et moderniser l'Etat. Vous parliez de l'indigence des audits sous le précédent gouvernement, et c'est justement à ce dossier que M. le Premier ministre s'attaque - et il souhaite vous associer à sa réflexion. Quant à la politique fiscale, M. Tony Blair l'a dit, son efficacité se mesure à l'aune de la relance de la croissance.

M. Didier Migaud - Bravo !

M. le Ministre - Pour ce qui est de la MEC, vous vous évertuez à en écarter l'opposition lorsque vous êtes aux affaires ...

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai.

M. le Ministre - Mais vous réclamez d'y être représenté quand vous vous retrouvez dans l'opposition.

M. Didier Migaud - Caricature !

M. le Ministre - Dans les instances de contrôle, l'information doit être transparente, tant à l'égard de la majorité que de l'opposition.

Vous avez proposé de rémunérer les ministres au mérite. Et les parlementaires ?

M. Didier Migaud - Pourquoi pas ?

M. le Ministre - Ne tombons pas dans la caricature. La noblesse de la fonction politique est d'être soumis à la sanction des électeurs.

M. Didier Migaud - Elle va venir !

M. le Ministre - Au contraire, la rémunération au mérite des fonctionnaires leur permettra de devenir les véritables acteurs de la réforme de l'Etat.

La réforme de l'Etat coûte cher, dites-vous, en particulier quand il s'agit d'informatiser. A cet égard, il faudra veiller à ce que l'informatique soit au service d'une vision globale et cohérente de l'Etat, comme le demandait M. Cornut-Gentille, et non un moyen de cloisonner.

Quant à la décentralisation, vous vous dites inquiet, alors que dans l'esprit de M. Defferre, nous confortons le contrat entre l'Etat et les collectivités locales, désormais inscrit dans la Constitution.

Monsieur Gantier, vous avez parlé d'Etat-stratège, et nous sommes d'accord. Les nouvelles technologies seront à ce titre un formidable outil. La réforme se déroulera en différentes étapes, et nous l'évaluerons ensemble.

Vous avez souhaité que le citoyen soit au c_ur de l'action de l'Etat. Les chartes de qualité initiées par Henri Plagnol vont dans ce sens. Vous avez parlé, Monsieur Chassaigne, des « porteurs d'eau » du libéralisme. Quelle image ! Je pensais que les volcans du Puy-de-Dôme étaient éteints mais votre éruption linguistique me prouve le contraire, même si les faits risquent de refroidir vos propositions (Sourires).

Nous sommes soucieux de relever le défi démocratique. C'est parce que l'administration est opaque et inefficace que les citoyens contestent la qualité du service public. Défendre le service public, c'est réconcilier le citoyen et le contribuable avec l'administration par des indicateurs de performances et de résultats.

C'est l'absence de maîtrise de la dette qui fragilise le pacte républicain en réduisant les moyens des administrations.

C'est votre politique du laisser-faire et du laisser-aller qui a porté la dette publique de 15 % à 60 % du PIB, de telle manière qu'une part des impôts, affectée au remboursement de la dette n'a pu contribuer à la modernisation du service public.

La noblesse de la politique ne consiste pas à privilégier le présent et à sacrifier l'avenir.

M. Didier Migaud - C'est pourtant ce que vous faites.

M. le Ministre - M. Cornut-Gentille a parlé avec raison de « pacte de confiance et de croissance », de « risques d'enlisement ». La réforme, en effet, ne peut et ne doit pas être uniquement financière, elle doit constituer un objectif politique et implique une vision globale.

L'engagement des ministres est essentiel. Je rappelle que le Premier ministre a reçu chaque ministre à ce sujet et que sa volonté sera sans faille. Il faut en effet réconcilier l'usager avec le service public, une économie performante avec une administration efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 décembre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

La Conférence des présidents a également fixé le calendrier des séances d'initiative parlementaire et des séances de questions orales sans débat pour les mois de janvier à juin 2004.

Ces documents seront annexés au compte rendu de la présente séance.

La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité auraient lieu le mardi 25 novembre, après les questions au Gouvernement.

Enfin, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de neuf projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du mardi 25 novembre.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 décembre 2003 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures  :

_ Questions au Gouvernement.

à 18 heures :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2004.

à 21 heures 30 :

_ Deuxième lecture du projet modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

MERCREDI 19 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

JEUDI 20 NOVEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

Éventuellement, VENDREDI 21 NOVEMBRE : à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 25 NOVEMBRE, à 9 heures 30 :

_ Proposition de MM. Jean-Marc AYRAULT, Daniel VAILLANT et plusieurs de leurs collègues tendant à créer un service civique pour tous les jeunes.

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ;

_ Projet autorisant la ratification du Traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République Tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie ;

_ Proposition de résolution européenne sur la diversité linguistique dans l'Union ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (ensemble un échange de lettres) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au raccordement du Grand-Duché de Luxembourg au TGV Est-européen (ensemble trois annexes) ;

_ Projet autorisant la ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail n° 163 concernant le bien-être des gens de mer, en mer et dans les ports, n° 166 concernant le rapatriement des marins, n° 178 concernant l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer, n° 179 concernant le recrutement et le placement des gens de mer, n° 180 concernant la durée du travail des gens de mer et les effectifs de navires, et du protocole à la convention n° 147 sur les normes minima en matière de marine marchande ;

    (Ces trois textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du Règlement).

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions (ensemble un protocole) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part, (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) ;

    (Ces six textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du Règlement).

MERCREDI 26 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

_ Deuxième lecture du projet portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

JEUDI 27 NOVEMBRE, à 9 heures 30 :

_ Proposition de MM. Patrick BLOCHE, Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de leurs collègues portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire ;

    (Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 28 NOVEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 2 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Déclaration du Gouvernement sur les rapatriés et débat sur cette déclaration ;

_ Projet, adopté par le Sénat, relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance.

MERCREDI 3 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Sous réserve de son dépôt, projet de loi de finances rectificative pour 2003.

JEUDI 4 DÉCEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille ;

_ Projet, adopté par le Sénat, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

VENDREDI 5 DÉCEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30:

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale