Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 26ème jour de séance, 66ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 18 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

HOMMAGE AUX VICTIMES DE LA CATASTROPHE DE SAINT-NAZAIRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

INCENDIE ANTISÉMITE DE GAGNY 2

INCENDIE ANTISÉMITE DE GAGNY 3

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LES HÔPITAUX 4

RMI-RMA 4

REPRISE DE LA CROISSANCE 5

INTERMITTENTS DU SPECTACLE 6

TRANSFERT DU RMI AUX DÉPARTEMENTS 6

PLAN DE SOUTIEN DES BURALISTES 7

ENTRAVES DOUANIÈRES A L'EXPORTATION
DE L'ACIER FRANÇAIS 8

PLAN DÉPENDANCE 9

PROTECTION DES ENFANTS 9

MALTRAITANCE DES ENFANTS 10

LOI DE FINANCES POUR 2004 (suite) 10

EXPLICATIONS DE VOTE 10

La séance est ouverte à quinze heures.

HOMMAGE AUX VICTIMES DE LA CATASTROPHE DE SAINT-NAZAIRE

M. le Président - L'accident qui s'est produit samedi à Saint-Nazaire a transformé en jour de douleur et de deuil ce qui aurait dû être un jour de joie et de fierté. Je tenais à exprimer en votre nom à tous notre sympathie aux familles des victimes ainsi qu'à la population de Saint-Nazaire. Avant d'appeler la première question de notre séance, je vous invite à manifester notre tristesse en observant quelques instants de silence et de recueillement.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

INCENDIE ANTISÉMITE DE GAGNY

M. Robert Pandraud - Monsieur le Premier ministre, dans la nuit de vendredi à samedi, la ville de Gagny a été la cible d'une odieuse, criminelle et inadmissible agression antisémite. L'école Merkaz Hatorah, qui accueille les élèves israélites venus des autres villes de ma circonscription et de celle du Raincy dont mon ami Eric Raoult est le maire, a été partiellement incendiée.

Place aux enquêteurs, puis aux juges : je fais pleinement confiance à la police et à la justice de mon pays.

Face au risque de multiplication des actes antisémites ou racistes, le Président de la République a fermement rappelé, hier soir, la nécessité de réaffirmer les principes républicains et a tracé notre feuille de route.

Pour éviter la répétition de tels actes criminels et assurer la protection des élèves non seulement dans leur établissement, mais aussi lors de leurs déplacements, pouvez-vous affecter à notre département des effectifs policiers supplémentaires, notamment dans les transports en commun et les gares, et, dans l'attente des rapports définitifs, mettre dès maintenant à la disposition du préfet - qui a fait la preuve de son efficacité - une compagnie de CRS ?

Pouvez-vous mandater MM. Ferry et Darcos, qui ont réagi avec une célérité louable, pour renforcer l'enseignement des règles républicaines et civiques et inclure enfin dans les IUFM une formation adaptée à ce nouveau danger ?

L'ardente nécessité d'éradiquer dans les esprits - en particulier ceux des plus jeunes - toute dérive raciste ou antisémite, exige des mesures immédiates (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Permettez-moi d'abord d'associer l'ensemble du Gouvernement au message de respect et de recueillement que vous avez adressé aux familles des victimes de la catastrophe de Saint-Nazaire, à leur entreprise, à cette ville et à cette région qui ont été si profondément touchées.

Le Président de la République l'a fermement rappelé hier, toute agression contre la communauté juive est une agression contre la France et l'idée même d'antisémitisme est une négation de la République.

Aussi avons-nous décidé de mobiliser pleinement l'action gouvernementale. Le Président de la République a convoqué un conseil restreint et demandé au Gouvernement de créer un comité interministériel chargé d'évaluer, chaque mois, la situation et les moyens mis en _uvre pour lutter contre ce fléau inhumain.

Cette détermination nous conduit d'abord à renforcer la répression. La loi Lellouche de février 2003 permet de sanctionner sévèrement le racisme et l'antisémitisme. Le Garde des Sceaux a donné instruction aux procureurs de veiller à ce qu'il soit procédé aux arrestations nécessaires avec fermeté et célérité ainsi qu'à la sévérité des sanctions. Je suis d'ailleurs heureux de vous annoncer que l'individu qui avait agressé un rabbin à Ris-Orangis est aujourd'hui en prison.

Quiconque s'attaque à un citoyen en raison de sa religion, de sa race ou de la couleur de sa peau doit être sévèrement condamné (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous menons ensuite une action préventive en Seine-Saint-Denis, comme partout où des menaces se font jour, pour surveiller avec encore plus de vigilance les lieux de culte, les lieux d'éducation et toutes les cibles potentielles de ces actes de sauvagerie. Des moyens de sécurité ont été déployés et une directive a été adressée aux préfets pour que la mobilisation contre l'antisémitisme et le racisme soit véritablement nationale. Le ministre de l'éducation nationale a demandé aux recteurs de mettre en _uvre des mesures de sécurité et de discipline dans les établissements, et de lutter contre toute banalisation dans les manuels scolaires d'idées qui conduisent tôt ou tard à accepter l'intolérable. Nous serons vigilants à l'égard des outils pédagogiques, y compris internet.

Comme l'a souhaité le Président de la République, je réunirai chaque mois le comité interministériel. J'invite toute la représentation nationale à se mobiliser pour ce combat qui est celui de la République. Prenons-y garde : toute société qui oublie son passé se condamne à le revivre. Comme le dit un grand texte : « Souviens-toi du futur » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

INCENDIE ANTISÉMITE DE GAGNY

Mme Elisabeth Guigou - Monsieur le Premier ministre, un incendie criminel a détruit à Gagny, dans la nuit de vendredi à samedi, des bâtiments d'une école juive. Cet acte odieux clôt une longue liste d'agressions visant nos concitoyens de confession juive : jets de pierres contre des synagogues, dégradation de cimetières, insultes et racket contre des enfants et des adolescents dans les transports en commun, voire dans les écoles, agressions physiques contre des rabbins.

Ces violences doivent cesser. Chacune de ces attaques est une attaque contre la République et contre ses valeurs. C'est la communauté nationale tout entière qui doit s'élever contre l'antisémitisme et contre toute forme de racisme.

Le Président de la République s'est exprimé hier au nom de la nation. Le Gouvernement a annoncé des initiatives auxquelles nous sommes prêts à nous associer. Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour sanctionner implacablement de tels actes, mais aussi pour assurer une meilleure prévention, à l'école et dans la société, et ainsi éviter la banalisation des actes et des propos racistes et antisémites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Les chiffres sont terribles : le nombre des actes et des menaces antisémites a été multiplié par vingt entre 2000 et 2002. Nous avons affaire à une nouvelle forme d'antisémitisme : il ne s'agit plus de l'antisémitisme de l'extrême-droite, qui a disparu des établissements scolaires, mais d'un antisémitisme d'origine islamiste, qui n'est rien d'autre que la réfraction des conflits du Moyen-Orient dans nos établissements scolaires et qu'il faut combattre.

J'ai demandé aux recteurs et aux chefs d'établissement de ne pas se contenter des sanctions disciplinaires et réglementaires, mais de porter plainte, ce qui s'avère très efficace.

Une certaine pédagogie de la compréhension a trop longtemps dominé le monde scolaire. Nous avons besoin de restaurer l'autorité, qui ne va pas sans sanction.

Quant à la prévention, le temps des leçons de morale est révolu. Ce n'est pas ainsi que l'on répondra à cet élève qui affirmait l'autre jour, dans un établissement que j'ai visité, n'aimer ni « le foot » ni « les Juifs ». Il faut renouveler notre pédagogie et nos cours d'instruction civique. Je diffuserai la semaine prochaine sur internet un « livret républicain » qui fait appel pour cela aux documentaires et à la fiction (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). J'ai vu Nuit et Brouillard à l'âge de quatorze ans : cela m'a marqué à vie. Voir La liste de Schindler ou lire Le choix de Sophie est parfois beaucoup plus utile qu'un rappel des principes de la Troisième République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Il nous faut réinventer l'instruction civique, c'est ce que nous sommes en train de faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LES HÔPITAUX

M. Jean-Luc Préel - Le passage aux 35 heures, imposé sans concertation et sans tenir compte de la démographie hospitalière ni de la situation financière, a plongé les hôpitaux dans des difficultés sans nombre et, en particulier, déstabilisé les services d'urgence. De plus, le coût de la réduction du temps de travail explique pour partie le déficit des établissements de soins, et elle ne s'est pas traduite par l'amélioration de la qualité des soins, tant s'en faut.

Or, vous semblez, Monsieur le ministre de la santé, vouloir instituer les 32 heures 30 pour le personnel hospitalier de nuit. Faute d'infirmières en nombre suffisant, comment trouverez-vous le personnel supplémentaire nécessaire ? Quel financement permettra d'assurer la continuité des soins ? Etant donné le déficit déjà abyssal de l'assurance maladie, faut-il persévérer dans l'erreur alors que le personnel n'est pas demandeur et que les patients ne verront pas la qualité des soins améliorée par cette mesure ? Ne serait-il pas préférable d'annuler cette mesure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - La réduction du temps de travail concerne aussi les agents hospitaliers dont le temps de travail avait été fixé à 35 heures en 1992, et le protocole de 2001 prévoyait qu'ils travailleraient 32 heures 30 à partir du 1er janvier 2004. Dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai été alerté sur les difficultés qu'il y aurait à appliquer ce volet de la loi, en raison des tensions démographiques que connaît l'hôpital, et le rapport Piquemal a confirmé qu'une certaine souplesse serait indispensable. Aussi ai-je négocié en ce sens, et signé avec six organisations hospitalières sur huit un accord permettant - sur une base locale - de reporter à 2005 l'entrée en vigueur des 32 heures 30. Cet accord prévoit la possibilité d'heures supplémentaires. Certains hôpitaux, dont le CHU de Clermont-Ferrand, ont déjà fait ce choix. Par ailleurs, les 10 250 postes prévus pour 2004, dont 2 400 pour les 32 heures 30, seront financés dès 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RMI-RMA

Mme Muguette Jacquaint - Les députés communistes et républicains contribueront de toutes leurs forces au combat contre le racisme et l'antisémitisme, et ils comptent sur les jeunes pour que des drames tels que celui de Gagny ne se reproduisent plus jamais.

Monsieur le ministre des affaires sociales, vous nous présenterez demain votre projet tendant à réformer le RMI et à créer le RMA. Par ce texte, vous entendez décentraliser le RMI sans compenser les charges réelles transférées aux départements, (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP), vous créez un contrat qui déroge au code du travail en permettant aux entreprises de recruter des salariés 20 heures par semaine pour un tiers du SMIC, tout en leur versant le RMA.

C'est la première fois de notre histoire qu'une prestation de solidarité nationale est versée au patronat ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Autrement dit, vous instituez pour les salariés des droits aux rabais, et vous remplacez les contrats à durée indéterminée par des contrats à exclusion indéterminée ! (Huées sur les bancs du groupe UMP) C'est une régression historique que condamnent toutes les associations de chômeurs et, même dans les rangs de la majorité, votre texte ne fait pas l'unanimité, au point qu'en commission, de nombreux amendements ont été adoptés qui corrigent une partie minime de votre projet. Même si beaucoup reste à faire pour l'améliorer, j'espère que vous accepterez ces amendements, qui émanent de tous les groupes. Les refuser signifierait que l'insertion n'est pas votre préoccupation première (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Je remercie Mme Jacquaint et le groupe communiste et républicain de leur engagement constant dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

Je le rappelle, le Président de la République et la majorité s'étaient engagés à renforcer l'efficacité de la gestion du RMI, dispositif dont bien peu nient le semi-échec, qu'il s'agisse de la durée pendant laquelle les allocataires la perçoivent ou de la faiblesse du nombre de contrats d'insertion signés - la moitié à peine du nombre de érémistes.

En confiant la responsabilité du dispositif aux conseils généraux, nous tendons à plus de rigueur et d'efficacité. Quant à la création du RMA c'est, en effet, une révolution dans les politiques d'insertion. Nous considérons qu'il n'y a pas d'insertion durable si le secteur privé n'est pas associé aux mesures prises car c'est là que sont les gisements d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et donc les possibilités d'insertion pour les titulaires du RMI. L'opinion publique partage très largement ce point de vue, considérant qu'il faut mettre un terme à des politiques qui ont échoué. C'est en mettant le travail au c_ur de la politique d'insertion que nous parviendrons à changer les choses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La lutte contre le racisme et l'antisémitisme est le devoir de tous les groupes, car c'est un devoir républicain.

M. Jean-Marc Ayrault - Merci, Monsieur le Président.

REPRISE DE LA CROISSANCE

M. Georges Tron - Plusieurs signes favorables montrent que notre économie se reprend. Ainsi, les dernières statistiques montrent une croissance double de celle que permettaient d'attendre les prévisions les plus optimistes. Outre que cette croissance est deux fois plus forte que celle de l'Allemagne, elle touche tous les secteurs sans exception. Quant à la consommation des ménages en produits manufacturés, elle a progressé selon l'INSEE de près de 4 % en un an, et de 3,4 % en septembre, dernier relevé connu. Sur le front de l'emploi, les chiffres les plus récents montrent que si notre économie ne crée pas encore d'emplois, elle n'en détruit plus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La croissance de retour, on peut n'en rien faire, ce qui a été le cas pendant cinq années de gestion socialiste (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), ou choisir de la conforter pour la rendre durable. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour l'accompagner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les données que vous avez citées sont effectivement très encourageantes. Le renversement de tendance a eu lieu en avril aux Etats-Unis et deux mois plus tard en France. Nous l'avions donc légèrement anticipé en disant, en avril, que la croissance était au coin de la rue. Cette reprise s'explique par une confiance croissante dans l'acte d'entreprendre. Le message que, depuis plusieurs mois, nous adressons aux Français passe, puisque le nombre de créations d'entreprises a augmenté de 13 % en un an (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous n'ignorons pas qu'un handicap subsiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et nous ne créons pas autant d'entreprises que l'Angleterre, mais nous sommes en passe de réussir (Mêmes mouvements). Plus il y aura d'entrepreneurs, et mieux la croissance sera consolidée. Quant à la confiance des consommateurs, elle ne s'est pas démentie : leurs états d'âme ne les ont pas détournés de la consommation.

Mais la meilleure façon de consolider la croissance et d'augmenter le pouvoir d'attraction de notre territoire - y compris pour les Français eux-mêmes - , c'est de préparer le futur, en poursuivant l'effort de formation et de recherche que le Gouvernement a engagé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. Dominique Paillé - Monsieur le ministre de la culture, mercredi dernier, un individu prétendant représenter les intermittents du spectacle a perturbé notre séance de questions au Gouvernement, et, deux jours auparavant, le plateau du journal télévisé de France 2 avait été investi par un groupe de manifestants, le présentateur se trouvant même conduit à céder son fauteuil ! De tels agissements choquent nos concitoyens car ils y voient une sorte de prise d'otages (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La généralisation de ce type d'actions fait peser une réelle hypothèque sur la liberté de l'information. Que comptez-vous faire pour prévenir un tel risque ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Ce qui s'est passé la semaine dernière dans cet hémicycle mérite en effet la réprobation. Nous sommes en 2003, pas en 1793 ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) L'Assemblée nationale n'est pas la Convention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il n'y a pas de place aujourd'hui pour une « section des Piques », ou pour des « Tricoteuses », campant dans les tribunes pour invectiver la représentation nationale ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Lefort - Quel dommage !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - L'incident survenu sur le plateau de France 2 met en cause le principe de la liberté de l'information.

M. Arnaud Montebourg - Et Bernadette Chirac ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Nul ne peut s'emparer de nos organes d'information pour tenter de faire valoir ses revendications ! (Mmes et MM. les députes du groupe socialiste tentent de couvrir la voix de l'orateur) De tels agissements sont inadmissibles. J'ai demandé à la direction de France Télévisions de prendre toute mesure pour que, désormais, l'indépendance et la sérénité de l'information - que tous ici soutiennent - soient totalement assurées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

TRANSFERT DU RMI AUX DÉPARTEMENTS

M. Philippe Martin (Gers) - Qu'il me soit permis tout d'abord de prolonger les utiles propos du Président Debré : tous les groupes doivent combattre l'antisémitisme, et sous toutes ses formes. On ne peut pas, comme vient de le faire M. le ministre de l'éducation, exonérer l'extrême droite et lui délivrer un brevet de bonne conduite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) , alors qu'elle est à l'origine du racisme et de l'antisémitisme dans notre pays ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, au moment où s'ouvre le congrès des maires, et au lendemain du vote à la hussarde par les sénateurs d'un texte relatif à la décentralisation, les élus de tous bords et de toutes régions sont inquiets, et les Français avec eux. Votre projet de transfert du RMI et de création du RMA à compter du 1er janvier prochain implique, pour les départements, dans un délai de deux à trois semaines, de voter les budgets nécessaires, d'approuver les conventions de gestion entre la CAF et la MSA et d'organiser le transfert de personnel, alors que l'on ignore tout du montant de la charge nouvelle ! Il n'est pas envisageable de mettre en _uvre cette nouvelle compétence sans ouvrir au préalable la concertation avec les acteurs locaux de l'insertion. Songez que ce sont plus de 300 000 personnes qui vont faire leur entrée dans le dispositif mis à la charge des départements. Une telle évolution constitue un nouveau transfert de charges non compensé, contraire à la Constitution récemment modifiée. (« Faux ! »sur les bancs du groupe UMP) Il n'est pas sérieux de maintenir le calendrier retenu, ni d'envoyer aux préfets des circulaires avant même que le Parlement ait tranché la question ! Et si vous trouvez ces propos excessifs, sachez qu'ils émanent de quinze sénateurs UMP présidents de conseils généraux !

Monsieur le Premier ministre, à défaut d'entendre les Français ou d'écouter l'opposition, écouterez-vous vos propres amis lorsqu'ils vous disent que votre projet de décentralisation vise moins à jouer une nouvelle donne de démocratie territoriale qu'à satisfaire un caprice, au nom du désengagement de l'Etat et du démantèlement des services publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Demain, je présenterai au nom du Premier ministre un texte qui prévoit de transférer le RMI aux départements et de créer le RMA (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je le ferai sans hésiter, car il a donné lieu à une concertation étroite, notamment avec les présidents de conseils généraux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Au reste, le Sénat l'a adopté en juillet. Depuis lors, chacun avait le loisir de réfléchir à sa mise en oeuvre. En outre, le texte prévoit que les caisses d'allocations familiales et de MSA continuent d'être les opérateurs du RMI, ce qui ne laisse aucun doute sur la continuité du dispositif au moment du transfert. S'agissant enfin de la compensation financière, la demande des présidents de conseils généraux sera intégralement satisfaite (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). Je n'imagine pas un instant que les conseils généraux n'aient pas à c_ur de s'engager le plus vite possible...

M. Alain Néri - Avec quels moyens ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - ... dans la lutte contre la précarité, dans la lutte pour l'insertion et dans la mise en _uvre d'une politique efficace pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PLAN DE SOUTIEN DES BURALISTES

Mme Marie-Jo Zimmermann - Monsieur le secrétaire d'Etat au commerce et à l'artisanat, la lutte contre le cancer est l'une des grandes causes nationales mises en avant par le Président de la République et le Gouvernement la défend avec courage. Cependant, il faut anticiper et compenser les conséquences des mesures prises pour réduire la consommation de tabac. La hausse des prix met en difficulté tous les buralistes. Élue d'un département frontalier, je puis témoigner de leur désespoir. Tous subissent de plein fouet une baisse considérable de leur chiffre d'affaires. Parallèlement, ils sont confrontés aux effets pervers des hausses décidées : agressions, cambriolages violents, montée de la contrebande...

M. Maxime Gremetz - On vous l'avait bien dit !

Mme Marie-Jo Zimmermann - A cet égard, je remercie M. le ministre de l'intérieur d'avoir pris en compte très rapidement la situation d'insécurité dans laquelle les buralistes se trouvent désormais. Toutefois, ces mesures de protection ne répondent que partiellement aux inquiétudes qui s'expriment. Vendredi dernier, le Premier ministre a rencontré les représentants de la profession pour leur exposer les grandes lignes du contrat d'avenir qu'il propose pour remédier à ces difficultés. Pouvez-vous préciser le contenu de ce plan de soutien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Le Gouvernement a engagé une politique extrêmement énergique de lutte contre le cancer. Sachant que près de 60 000 Français meurent chaque année d'un cancer lié au tabac, elle ne peut être remise en cause. Chacun comprend cependant qu'il n'y a aucune raison que les 32 000 entrepreneurs que sont les buralistes en fassent les frais. Cette politique de santé passe par une augmentation des prix du tabac, car il faut créer un seuil dissuasif pour les fumeurs. Parallèlement, nous proposons aux buralistes un contrat de confiance... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) ... et d'avenir, tendant, partout sur le territoire - et notamment dans les régions frontalières où la concurrence est la plus vive -, à ce que le revenu des buralistes soit maintenu, quel que soit le prix des cigarettes au 1er janvier, grâce à un dispositif d'augmentation des marges nettes et à une indemnité compensatrice.

Nous proposerons aussi de nouvelles activités aux buralistes, afin qu'à l'occasion de cette mutation économique ils développent leur entreprise, sans préjudice pour la valorisation de leur fond de commerce. Tout doit être fait pour préserver ce fantastique réseau territorial dont tous les Français ont besoin. Les buralistes français ne demandent qu'une chose, vivre de leur travail, et c'est ce que nous leur proposons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ENTRAVES DOUANIÈRES A L'EXPORTATION DE L'ACIER FRANÇAIS

M. François Grosdidier - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, fils de sidérurgiste et élu de Lorraine, je ne vous rappellerai pas ce que vous connaissez mieux que quiconque - mais qu'il est néanmoins utile de rappeler au Gouvernement. En une génération, nous avons perdu 100 000 emplois directs dans la sidérurgie, les mines de fer et les houillères, sous les gouvernements de gauche comme de droite, et d'ailleurs davantage sous ceux de gauche que sous ceux de droite ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les esprits en sont toujours marqués et notre terre en souffre encore physiquement, du fait d'affaissements miniers. Les hommes ont été reconvertis, les territoires requalifiés et notre industrie affûtée. Nous avons payé le prix fort pour que notre sidérurgie soit la plus compétitive. Il a fallu de bons choix stratégiques et autant de sacrifices pour que notre industrie devienne aussi hautement performante. Nous vendons de l'acier haut de gamme sur tous les continents. Il n'habille pas seulement les voitures françaises, mais aussi les puissantes berlines allemandes et américaines.

Las, tous les pays producteurs ne consentent pas les mêmes sacrifices. Alors que nous devons affronter la concurrence émergente des pays en voie de développement, le plus inacceptable, ce sont les barrières douanières mises en place par les Etats-Unis en mars 2000 pour entraver l'exportation de notre acier sur leur marché. Il s'agit de surtaxes représentant jusqu'à 30 % de la valeur des biens. On ne peut pas admettre le « libre échange à sens unique » que pratique la première puissance commerciale du monde. Ce protectionnisme est du reste si grossier que l'OMC a sommé les Etats-Unis d'abolir sans délai des mesures qu'elle juge illégales. Immédiatement, la Maison Blanche a fait savoir qu'elle contestait le jugement de l'OMC.

Monsieur le ministre, comment allez-vous assurer les débouchés de notre industrie ? Le Gouvernement français et l'Union européenne entendent-ils agir pour ramener les Etats-Unis dans le droit commun, en prenant, le cas échéant, des mesures de rétorsion économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - J'engage chacun à respecter son temps de parole, afin que la dernière question puisse être retransmise à la télévision.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - L'expérience américaine du protectionnisme - il faut appeler un chat un chat - a une origine purement électorale et politique. Le feu a été mis aux poudres en octobre 2001. Deux ans plus tard, l'OMC fonctionne, avec le panel, dans des délais assez longs mais relativement raisonnables, et l'administration américaine subit un échec. De deux choses l'une : ou bien elle reconnaît le 5 décembre qu'elle a eu tort, elle supprime toutes les mesures de sauvegarde, et l'Europe, mais aussi la Chine, le Japon, la Corée du Sud s'abstiennent de mesures de rétorsion ; ou bien elle maintient sa position, et des mesures de rétorsion douanière, à hauteur de 646 millions par an, sont prises par l'Union européenne - qui, au moins dans ce domaine est efficace : la politique commerciale européenne est gérée de manière intelligente, et je ne doute pas que la prochaine réunion de l'OMC à Genève le démontrera. J'ai quelques raisons d'espérer que la réponse américaine sera raisonnable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

PLAN DÉPENDANCE

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Monsieur le Premier ministre, le plan dépendance que vous avez présenté il y a quinze jours fait l'unanimité contre lui (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Comme à votre habitude, vous imposez, sans concertation, des mesures en trompe-l'_il.

Vous annoncez des recrutements : pas plus de 1,5 personne par établissement. Quel mépris pour celles et ceux qui se sont mobilisés cet été ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous annoncez des places supplémentaires : comment pouvez-vous en garantir la création, puisque la décision relève in fine des conseils généraux ?

Vous annoncez une cinquième branche de la sécurité sociale : mais où est le financement socialisé, touchant l'ensemble des revenus, y compris ceux du capital ?

Pire : la somme mobilisée pour 2004 correspond approximativement à la réduction d'impôt sur le revenu des familles les plus aisées, tandis que vous réhabilitez la corvée, en demandant aux seuls salariés de travailler un jour de plus ! Cette mesure prise au nom de la solidarité sera d'une totale inefficacité.

Ne trompez plus les Français : dites-leur d'abandonner les espoirs qu'ils formulaient pour leurs aînés, dites-leur que rien ne changera, mis à part peut-être l'installation d`un climatiseur par établissement. Devant le tollé que suscite votre plan, accepterez-vous de le revoir et d'abandonner la mesure archaïque et injuste que constitue la suppression d'un jour férié ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - La particularité de cette grande réforme sociale, qui représente 9 milliards d'euros, soit plus de 60 milliards de francs, c'est que nous allons la financer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour l'année 2004, vous nous avez réclamé pendant des mois 180 millions : nous mettons sur la table 480 millions ! (Mêmes mouvements) Nous allons consolider et financer l'APA, 800 millions en 2004.

La différence entre vous et nous, c'est que vous pratiquez l'illusion, et que nous pratiquons l'action ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PROTECTION DES ENFANTS

Mme Martine Aurillac - Monsieur le ministre chargé de la famille, depuis votre arrivée vous vous êtes attaché à rendre toute sa place à la famille ainsi qu'à promouvoir l'accueil et la protection des enfants. Vous avez ainsi organisé l'an dernier des manifestations locales, avec l'aide des mairies, autour des droits et devoirs des enfants. Vous avez aussi installé la semaine dernière trois groupes de travail - santé, projet, loisirs - pour préparer la conférence de la famille 2004 axée sur l'adolescence.

Après-demain, le 20 novembre, jour anniversaire de la signature de la Convention des droits de l'enfant, que la France a été la première à ratifier, une affiche et un CD sur ce texte seront distribués dans toutes les écoles ; et surtout, vous recevrez à Paris pour la première fois les ministres en charge de la famille de l'Europe des 25. Cette rencontre sera l'occasion de partager les expériences, notamment en matière de prévention de la maltraitance. Comment comptez-vous y faire entendre la voix de la France et qu'en attendez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - L'actualité, vous le savez, nous rappelle combien il est important de rompre le silence sur ce sujet. Nous avons en effet mené l'année dernière une action avec l'ensemble des maires de France. Ils nous ont demandé des rapports pédagogiques ; c'est pourquoi nous mettons une affiche à disposition de chacune de nos 36 000 communes et des 40 000 classes de CM1. Nous distribuons également un CD, la chanson étant aussi un moyen de faire passer des messages.

Chacun ici, sur tous les bancs, est concerné par cette action. J'étais ce matin avec Xavier Darcos devant une classe de CM1 ; je suis allé à l'Institut des jeunes aveugles avec Marie-Thérèse Boisseau. Jeudi, le Premier ministre va présider une conférence européenne réunissant les ministres en charge de la famille sur le thème de la maltraitance. Nous prenons ce sujet très à c_ur, et je suis persuadé qu'il en est de même pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MALTRAITANCE DES ENFANTS

Mme Henriette Martinez - Monsieur le ministre délégué à la famille, vous venez de répondre partiellement à la question.

Ce jeudi 20 novembre sera la journée internationale des droits de l'enfant. Pour la deuxième année, à votre initiative, des actions seront menées par les collectivités locales et les associations pour prévenir la maltraitance des enfants qui, sous ses diverses formes, est en hausse dans notre pays. L'observatoire de l'action sociale décentralisée annonce le chiffre effrayant de 18 500 enfants maltraités, soit 500 de plus qu'en 2002. Violences physiques, sexuelles et psychologiques s'exercent à plus de 85 % dans la famille proche. Des enfants sont exploités par le travail, la mendicité et les réseaux pédo-criminels.

Pour lutter contre ce fléau, il faut informer les enfants de leurs droits et leur reconnaître en particulier celui d'être écouté et entendu dans toutes les procédures qui les concernent - c'est l'article 12 de la Convention. Quelles mesures comptez-vous prendre à ce sujet dans le cadre du projet de loi pour la protection de l'enfance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Je voudrais tout d'abord vous rendre hommage pour votre engagement personnel sur cette cause. Nous vous devons largement l'idée de la création d'un observatoire national de la maltraitance, proposée dans le projet qui va nous revenir du Sénat (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Nous voulons également faciliter le signalement des cas par les médecins, et donner aux associations la possibilité de se porter partie civile. Je compte sur l'ensemble des parlementaires pour soutenir ce texte de première importance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 18 heures 5.

LOI DE FINANCES POUR 2004 (suite)

EXPLICATIONS DE VOTE

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Au nom de Francis Mer et en mon nom propre, je souhaite d'abord remercier le rapporteur général et le président de la commission des finances, mais aussi les élus de la majorité, qui soutiennent le Gouvernement, ceux de l'opposition, qui alimentent généreusement le débat démocratique, l'ensemble des députés qui ont suivi avec assiduité nos travaux et vous-même, Monsieur le Président, grâce à qui nous avons pu tenir les délais.

Je souhaite aussi remercier le personnel de l'Assemblée et du ministère.

Dans une conjoncture pénalisante, nous sommes parvenus à bâtir un bon budget. Nous avons su relever le défi, malgré tous ceux qui prétendaient l'exercice impossible.

Ce budget est porteur de valeurs...

M. Alain Bocquet - Boursières !

M. le Ministre délégué - Il encourage le travail, il favorise l'emploi, il prépare l'avenir.

C'est un budget responsable. Nous stabilisons les dépenses, pour la deuxième année consécutive : c'est la première fois depuis dix-huit ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce budget préfère l'investissement et modère le fonctionnement. Il respecte les lois d'orientation et de programmation (« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe UMP).

C'est un budget prudent en matière de recettes. La forte diminution des prélèvements obligatoires voulue en 2002 est consolidée pour 2003 et 2004.

C'est un budget qui va à la rencontre de la reprise, au lieu d'attendre un redémarrage providentiel. Ce budget met la France en ordre de bataille pour tirer le meilleur parti de la reprise. Francis Mer nous confirmait hier que « le scénario de reprise inscrit dans le projet de loi de finances commençait à se concrétiser, l'activité ayant atteint un rythme de croissance proche de 2 % ce trimestre ».

Il s'agit d'un budget qui porte l'empreinte du travail parlementaire : 140 amendements ont été adoptés, et l'équilibre du projet est amélioré de 260 millions d'euros.

La commission des finances n'a jamais recommandé des mesures risquant de dégrader le solde budgétaire.

Avec ce budget, nous nous élevons au-dessus des critiques et des hésitations qui jalonnent toute entreprise courageuse de réforme, pour avancer avec courage et confiance vers cette année 2004 qui sera celle du retour de la croissance, du redressement des comptes et de la réussite de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - En 161 heures de discussion, 680 amendements ont été examinés et 186, adoptés (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Brunhes - Un millième du budget a bougé !

M. le Rapporteur général - C'est dire si la discussion a été approfondie. Le vote de ce budget va montrer notre volonté de maintenir le cap, conformément au mandat que nous ont donné les Français.

Le Gouvernement et la majorité respectent les engagements pris. Oui, nous maintenons notre choix de réduire les prélèvements obligatoires, pour favoriser la croissance et améliorer le pouvoir d'achat au moment où le cycle économique sort enfin de sa phase de ralentissement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Oui, nous maintenons notre choix de maîtriser la dépense publique. La Commission européenne elle-même nous en rend justice. Oui, nous maintenons le choix de réformer. On trouve ainsi dans ce budget l'accompagnement fiscal de la réforme des retraites : l'épargne retraite est ouverte à tous les Français, au lieu d'être réservée aux fonctionnaires et à quelques professions indépendantes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). On y trouve aussi la réforme de l'avoir fiscal, qui était devenue nécessaire. Nous orientons ainsi l'argent public vers l'emploi, l'innovation et l'investissement.

Ce budget est avant tout courageux ; il rompt définitivement avec la dérive financière qui avait caractérisé la précédente législature (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons évité la facilité. Nos amendements réduisent même le déficit de près de 300 millions. Nous n'avons pas voulu multiplier les niches fiscales.

Ce budget renforce notre crédibilité auprès de nos partenaires européens. Je suis persuadé que nous avons aidé Francis Mer à convaincre à Bruxelles. Et je ne doute pas que nos collègues sénateurs conservent à ce texte sa cohérence.

Je tiens enfin à remercier tous ceux qui ont pris part à cette discussion : vous tous, mes chers collègues, et tout particulièrement le Président de l'Assemblée nationale, qui a siégé avec nous jusqu'au matin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je vous remercie, Messieurs les ministres, ainsi que vos collaborateurs et vos services avec lesquels se sont nouées des relations de confiance. Je remercie enfin les services de l'Assemblée, les collaborateurs des groupes et les journalistes qui ont suivi ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Bocquet - Je suis un peu surpris par les propos enthousiastes du rapporteur général et du ministre. Le pays va de plus en plus mal (Protestations sur les bancs du groupe UMP), les Français souffrent de plus en plus (Mêmes mouvements), tous les indicateurs sont au rouge (Rires et interruptions sur les bancs du groupe UMP) : croissance proche de zéro, déficit record, destruction de dizaines de milliers d'emplois, consommation en chute libre, investissements au point mort, inflation de 2,2 %, chômage touchant 10 % des actifs. Trois millions de salariés sont payés au SMIC, un million de personnes survit avec le RMI et vous vous attaquez aux allocations de chômage et à l'ASS !

Votre choix d'exonérations fiscales pour les plus riches et de baisses de cotisations sociales, sans contrepartie, pour les entreprises ne fait qu'enfoncer la société française dans la récession. En vingt ans, les cadeaux aux entreprises ont été multipliés par vingt, sans que le chômage régresse (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP).

De nombreux députés UMP - C'est grâce à la gauche ! C'est vous !

M. Alain Bocquet - Contrairement à vos affirmations, les Français paieront plus d'impôts en 2004, en raison de la forte hausse de la fiscalité locale (« Dans les communes communistes ! » sur les bancs du groupe UMP) puisque vous mettez l'APA et le RMI à la charge des départements (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) et en raison des taux élevés de TVA, puisque vous rejetez toutes nos propositions de baisses ciblées.

Les 16 millions de foyers fiscaux qui ne bénéficieront pas de la baisse des impôts sur le revenu subiront, en revanche, l'augmentation des loyers, du gazole ou du forfait hospitalier. En fait les 10 % de Français les plus riches capteront 73 % de la cagnotte.

Selon un proverbe persan (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), « On ne cueille pas les fruits du bonheur sur l'arbre de l'injustice » (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

En remettant en cause tous les dispositifs de sécurité collective - retraite, assurance-maladie, services publics - vous tatcherisez la société française au pas de charge (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

La suppression de milliers de postes de fonctionnaires. La compression des budgets de l'emploi, de l'éducation, du logement et de l'action sociale, préfigurent de nouvelles régressions.

Désormais nous n'en sommes plus au stade de la fracture sociale, mais à celui de la rupture sociale. Ainsi, la Commission européenne de Bruxelles prévoit l'accroissement du chômage en France en 2004. Sans doute ses experts n'ont-ils pas en tête les considérations électorales qui dictent vos discours.

Seuls les ministères de l'intérieur, de la justice et de la défense sortent « gagnants » de l'excessive austérité appliquée au budget de l'Etat. Mais que dire d'un budget de la défense qui organise la suppression de 70 % des emplois du GIAT ?

Vos choix portent des coups très durs à la santé, au logement, aux transports, aux retraites, à l'école, à l'enseignement supérieur, à la culture.

C'est non seulement un budget insincère, puisque des gels de crédits sont déjà annoncés, mais aussi un budget idéologique (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP), qui s'attaque aux fondements du pacte républicain, bref un budget favorable aux seuls marchés financiers. Mais pouvait-il en être autrement quand c'est le Medef qui tient la plume du Gouvernement ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Vous avez choisi cyniquement le camp de la France des dividendes.

Pour toutes ces raisons, et parce que vous jetez la France et les Français dans le précipice du déclin, le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Marc Laffineur - Au nom du groupe UMP, je remercie à mon tour le personnel de l'Assemblée et vous-même, Monsieur le Président, qui avez présidé de longues séances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ce budget 2004, dans un contexte difficile, encourage le travail en diminuant l'impôt sur le revenu, en augmentant la prime pour l'emploi et le SMIC, en allégeant les charges des entreprises.

Il favorise l'emploi par la réduction d'impôt pour les emplois à domicile, par le maintien à 5,5 % de la TVA sur les travaux dans les logements, par l'extension du crédit d'impôt recherche.

Les dépenses sont maîtrisées sans remettre en cause les priorités du Gouvernement - sécurité, justice, défense.

Le contrat de croissance entre l'Etat et les collectivités locales est maintenu.

Le débat parlementaire a amélioré le texte grâce à l'adoption de 185 amendements, qui ont notamment augmenté les avantages fiscaux liés au plan d'épargne retraite, à la recherche, à la mise en place par les entreprises de dispositifs de garde des enfants ; les bases fiscales des collectivités locales ont été revalorisées de 1,5 %.

Ce budget prépare la France pour la reprise. Le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Je m'associe aux remerciements des précédents orateurs et me réjouis de la cordialité des débats.

Cela dit, notre désaccord sur le fond reste total. En vous écoutant, Monsieur le ministre, je n'ai pas reconnu ce budget - il est d'ailleurs encore temps d'en désavouer la paternité ! (Sourires)

Votre projet est à la fois injuste, inefficace et dangereux. La discussion parlementaire ne l'a guère modifié, ce qui illustre la totale soumission de votre majorité à un Gouvernement pourtant de plus en plus aveugle aux conséquences de ses choix.

Beaucoup de politiques publiques sont remises en cause, ce qui fait de vous le premier « licencieur » du pays depuis juin 2002 (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste) !

Vous parlez toujours de performances, vous voulez rémunérer au mérite ; mais alors, l'évaluation de vos « résultats » devrait vous conduire à la démission (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Quel abattement faudrait-il, selon vous, appliquer à la rémunération du Premier ministre, qui a annoncé une croissance de 2,5 %, alors que celle-ci est en panne et le chômage en hausse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Tout ceci résulte des engagements injustes et irresponsables du Président de la République. La réduction d'impôts est un leurre : pour 95 % de nos concitoyens, ils augmenteront. C'est aussi la conséquence de votre volonté idéologique de réduire à tout prix la capacité d'action de l'Etat.

L'augmentation déraisonnable des dépenses militaires contribue également à la remise en cause des dépenses publiques. Comme l'a dit récemment Paul Quilès, il est anormal que ces sommes considérables soient dépensées sans débat sur leur utilité réelle.

Vos choix ont conduit à une mise sous tutelle des finances publiques françaises. Vous-même, Monsieur le ministre, avez annoncé des mesures douloureuses, mais pour le second semestre 2004, après les élections...

M. Jean Le Garrec - Pourquoi après ? (Sourires)

M. Didier Migaud - Votre budget est insincère, injuste et inefficace : ce jugement sévère est partagé, semble-t-il par nombre d'entre vous, notamment par le groupe UDF (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mais nous, contrairement à ceux qui se soucient surtout de tactique, nous en tirerons la conséquence logique et voterons contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Lors de la discussion générale, le groupe UDF avait rappelé que la qualité d'un budget dépendait de la réponse à trois questions.

Respecte-t-il nos engagements européens et les principes de bonne gestion des finances publiques ?

Engage-t-il notre pays dans les réformes indispensables à son avenir ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Est-il socialement juste ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; « Non ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Le groupe UDF a voulu répondre objectivement à ces trois questions (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) en se demandant, sur chacun des articles et sur le budget de chaque ministère, ce qui était bon pour les Français et ce qui ne l'était pas.

L'UDF salue de nombreux points positifs dans ce budget (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : une hypothèse de croissance plus réaliste qu'en 2003 ; un effort de maîtrise de la dépense de l'Etat et de la transparence - puisque le Gouvernement a enfin rebudgétisé le FOREC - ; des mesures fiscales qui encouragent l'initiative, le travail - avec la revalorisation du SMIC et de la PPE -, ainsi que la recherche ; une réforme de l'imposition des plus-values immobilières des particuliers.

Il n'en demeure pas moins que trois grandes critiques peuvent lui être adressées, à commencer par l'insuffisante maîtrise de la dépense publique et le niveau des déficits.Vous affichez une croissance de 1,5 % de la dépense nette alors qu'elle est de 2,2 % à structure 2004, c'est-à-dire en y incluant la rebudgétisation du FOREC et l'évaluation des dégrèvements et prélèvements sur recettes. Si on y ajoute la hausse de plus de 4 % des dépenses de l'assurance-maladie et la sous-estimation de celles des collectivités territoriales, les dépenses publiques progressent en réalité de 3,5 % à 3,6 %, soit davantage que la richesse nationale (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF).

Cette insuffisante maîtrise de la dépense conduit à des déficits publics inacceptables pour les Français et contraires à nos engagements européens. Les déficits augmentent dangereusement depuis quatre ans : après 1,6 % du PIB en 2001, ils ont atteint 3,1 % en 2002 et 4,2 % en 2003. Le fait que nos prédécesseurs n'aient pas engagé de réformes en est certes l'une des causes majeures. Mais les 3,6 % que vous annoncez en 2004 seront difficiles à tenir, sauf à répondre avant le 21 novembre aux demandes de nos partenaires européens et à économiser 6 milliards. Mais ne pas traduire ces économies dans le projet de loi de finances serait une grave atteinte aux droits du Parlement. Seconde critique, l'insuffisance des réformes. Ce budget ne porte pas les nouvelles réformes dont notre pays a besoin après celles des retraites et de la décentralisation. Le Gouvernement a repoussé la réforme de l'assurance maladie à l'année prochaine : compte tenu d'un déficit probable de plus de 11 milliards en 2004, cela n'est pas raisonnable. Le Gouvernement n'envisage pas non plus de réformer les 35 heures, qui pèsent sur la compétitivité et l'emploi et grèvent nos finances publiques.

Troisième critique, ce budget comporte quatre mesures contraires à la justice sociale, qui rendent illisible l'action de la majorité. Vous baissez l'impôt sur le revenu tout en augmentant les taxes sur le gazole et le tabac. La hausse de la TIPP, qui n'a aucune justification écologique, pèse sur les plus modestes, ceux qui font de nombreux kilomètres pour aller travailler.

Ils seront 10 millions l'année prochaine à voir leurs prélèvements obligatoires augmenter (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP).

Fidèle à son engagement de 2002 de les baisser pour tous les Français, l'UDF s'est opposée à cette mesure.

Vos augmentez de manière déraisonnable les prix du tabac. L'UDF partage l'objectif de santé publique, mais l'appartenance à un marché européen ne nous permet pas de mener des politiques fiscales unilatérales. Sans coordination, les augmentations massives que vous nous proposez ne conduiront qu'au développement des achats transfrontaliers et de la contrebande, obérant votre politique de santé publique et ruinant le réseau des buralistes. En outre, comme en 2003, l'objectif de recettes ne sera pas atteint, ce qui compromettra le financement de la sécurité sociale, en particulier pour les agriculteurs.

Si l'UDF comprend la nécessité de réformer l'avoir fiscal, au nom des principes communautaires, elle souhaite prendre le temps de la réflexion : les amendements de la commission des finances n'empêcheront pas la réforme de nuire à plus de 3 millions de Français, notamment les plus modestes (M. Brard s'exclame).

La réforme de l'ASS va précariser ceux qui, au nombre de 130 000 cette année et de 300 000 l'année prochaine, perdront cette prestation. Les dispositifs existants et le RMA ne bénéficieront en effet au mieux qu'à la moitié d'entre eux. Cette mesure est à nos yeux celle qui est la plus mal perçue. A l'heure où trois Français sur quatre craignent pour leur emploi, c'est un signal dangereux qu'on leur envoie. L'UDF aurait souhaité que l'on crée et que l'on évalue au préalable de véritables dispositifs de réinsertion. L'Etat ne peut se défaire de sa responsabilité à l'égard des plus fragiles. Cette réforme va à l'encontre de notre conception de la solidarité et du rôle de l'Etat.

L'UDF souhaite la réussite du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous avons tenté de vous alerter sur les mesures qui nous semblent contraires à l'intérêt du pays, vous n'avez pas souhaité nous entendre. Nous avions déposé cinq amendements sur la réduction du déficit, l'avoir fiscal, la hausse du tabac, la hausse du gazole et l'ASS. Cinq fois, vous avez refusé de les retenir. Ce budget ignore les attentes de millions de Français dont nous avons voulu nous faire les porte-parole (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). C'est la raison pour laquelle le groupe UDF s'abstiendra (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Il n'est toutefois pas trop tard. Le groupe de l'Union centriste déposera les mêmes amendements au Sénat. Le Gouvernement peut encore revenir sur les mesures qui entachent ce budget. Écoutez le groupe UDF, il dit ce que pensent des millions de Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

A la majorité de 359 voix contre 166 sur 553 votants et 525 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


© Assemblée nationale