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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 40ème jour de séance, 100ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      FORMATION PROFESSIONNELLE
      ET DIALOGUE SOCIAL (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 17

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 22

      ARTICLE PREMIER 23

La séance est ouverte à neuf heures trente.

FORMATION PROFESSIONNELLE ET DIALOGUE SOCIAL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et du dialogue social.

Mme Elisabeth Guigou - Ce projet de loi part de deux grandes idées qui pourraient révolutionner notre droit du travail et l'adapter aux évolutions de notre société. Il s'agit tout d'abord de la formation des salariés, car la très haute qualification professionnelle des Français est une condition de l'égalité des chances et de la compétitivité économique - ce fut, du reste, un engagement pris par les deux principaux candidats à l'élection présidentielle de 2002. Il s'agit ensuite du dialogue social, parce que la démocratie sociale conforte la démocratie politique. Nous avons beaucoup échangé hier soir sur la nécessité de développer le dialogue social pour faire face à la désyndicalisation.

Dans les deux cas, notre projet de loi se fonde sur des accords conclus entre les partenaires sociaux, et qui méritent d'être salués : celui du 23 septembre 2003 relatif à la formation professionnelle, conclu à l'unanimité entre les organisations syndicales et patronales : et la « position commune » du 16 juillet 2001 sur « les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective ». Quelques points restent à clarifier, mais ce texte mérite une attention particulière car le droit social ne se construit pas seulement sur la loi, il doit être également nourri par la négociation collective.

Nous sommes donc d'accord sur l'importance des enjeux. Malheureusement, je suis consternée par ce que vous avez fait de ces deux accords. D'abord, votre projet ne transcrit pas la totalité des accords conclus entre partenaires sociaux. Vous avez fait le tri qui vous arrange, sans pour autant améliorer le contenu de l'accord.

Vous avez une étrange conception du rapport entre la loi et le contrat. Le projet ne retient que les dispositions qui minorent le rôle de la loi, alors que le rôle du législateur devrait être d'enrichir un texte qui tient forcément du compromis. Au lieu de cela, vous utilisez la légitimité issue de l'accord entre les partenaires sociaux pour faire passer une loi patronale et régressive.

Ainsi, de la réforme de la formation professionnelle, enjeu crucial pour notre pays et défi de justice sociale : chacun doit pouvoir progresser dans son parcours professionnel et rattraper, le cas échéant, son retard de qualification. C'est également un défi économique pour la France que d'élever le niveau de formation de ses travailleurs dans la concurrence internationale.

La formation est la meilleure garantie contre le chômage - 3,5 % des personnes qui ont arrêté l'école à 16 ans passent plus de deux ans au chômage contre moins de 15 % pour ceux qui ont poursuivi leurs études jusqu'à 21 ans.

Les lois de 1971 ont doté le pays d'un dispositif de formation professionnelle, qu'il convient aujourd'hui de rénover. Ce sont en effet les personnes les plus qualifiées qui ont le plus profité des formations. Entre une femme peu qualifiée travaillant dans une PME et un cadre d'une grande entreprise, l'accès à la formation varie de 1 à 40 ! Par ailleurs, seuls 5 % des Français bénéficient d'un congé annuel de formation durant leur vie active.

C'est pourquoi, sur la base du livre blanc de 1999, le Gouvernement Jospin avait soutenu l'initiative des partenaires sociaux d'ouvrir des négociations pour renforcer le droit de tous les salariés à la formation continue. Puis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a consacré la validation des acquis de l'expérience, préalable nécessaire à toute reprise de formation au cours de la vie active.

L'accord professionnel du 20 septembre dernier est un grand progrès social qui ouvre de nouvelles perspectives pour la formation tout au long de la vie, notamment grâce au droit individuel à la formation et au droit à la formation qualifiante différée.

Mais, contrairement à ce que vous affirmez, vous ne reprenez pas toutes les dispositions de l'accord, et vous faites l'impasse sur celles qui vont dans le bon sens.La transcription dans la loi de l'accord du 20 septembre 2003 est lacunaire. Ainsi vous supprimez le droit à une formation qualifiante ou diplômante différée, d'une durée d'un an, prévue par l'article 12 de l'accord en plus d'un droit individuel à la formation de 20 heures par an. Vous trahissez ainsi l'esprit et l'équilibre du texte adopté par les partenaires sociaux.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Quel mensonge !

Mme Elisabeth Guigou - C'est une appréciation, acceptez-la ! Vous répondrez ensuite.

M. le Ministre - Vous n'êtes pas obligée de travestir la vérité.

Mme Elisabeth Guigou - Comment pouvez-vous baptiser « formation tout au long de la vie » un droit de formation a minima de seulement 20 heures par an ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Et qu'avez-vous fait ?

Mme Elisabeth Guigou - C'est bien pour « maintenir à flot » les salariés face aux évolutions de leurs métiers, mais c'est trop peu pour ceux qui n'ont pas de formation initiale. Nous estimons quant à nous que cette durée de formation devrait pouvoir aller jusqu'à deux ans.

M. Claude Gaillard - Il fallait le faire !

Mme Elisabeth Guigou - Mais c'est vous qui êtes aux responsabilités, et c'est vous que nous jugeons aujourd'hui. Or, vous choisissez de supprimer une deuxième chance professionnelle en ne retranscrivant pas l'article 12 de l'accord.

Autre régression par rapport à l'accord du 20 septembre 2003, vous restreignez les possibilités de transfert des droits à la formation en cas de changement d'entreprise. Vous transformez les heures non utilisées en bilan de compétences, en VAE. C'est limiter le droit à la formation : parce qu'un salarié change aujourd'hui beaucoup plus souvent de travail que par le passé, les heures de formation doivent être « portables » ou « transférables ». Autrement, l'utilisation du droit individuel à la formation risque d'être faible.

Votre projet amoindrit donc considérablement la portée de l'accord interprofessionnel. Par ailleurs, il n'apporte aucune amélioration, alors que le législateur a sa propre responsabilité. Sur un tel sujet, l'Etat doit enrichir l'accord des partenaires sociaux et encourager un vrai droit à la formation tout au long de la vie. L'Etat et les régions ont les moyens financiers et les institutions pour cela.

Vous auriez pu améliorer le contrat de professionnalisation. Ce contrat unique qui remplace les multiples contrats existants est en soi une bonne idée, due aux partenaires sociaux mais à y bien regarder, certaines dispositions sont inquiétantes. La durée du contrat de professionnalisation est de 6 à 12 mois, et jusqu'à 24 mois dans certains cas. Pouvez-vous nous assurer que tout jeune qui voudra suivre une formation en alternance de deux ans pourra le faire ? Je n'en suis pas persuadée. Nous proposons d'étendre systématiquement cette durée à deux ans, à l'instar des actuels contrats de qualification. Si les contrats de professionnalisation se limitent à une année, je crains que les acquis de la formation ne soient pas vraiment consolidés, surtout pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification.

Le projet prévoit en outre que 15 % au minimum de la durée du contrat seront consacrés à la formation, contre 25 % dans les contrats d'alternance actuels. C'est un vrai déséquilibrage de l'alternance que de sacrifier la formation au profit du travail dans l'entreprise : c'est donner aux entreprises une main-d'_uvre peu chère, sans contrepartie en termes de formation. Nous avons donc déposé un amendement pour rehausser le seuil du temps de formation à 25 % de la durée du contrat, afin que le contrat de professionnalisation soit véritablement formateur.

Autre amélioration possible de l'accord : une plus grande égalité des salariés devant le droit individuel à la formation. Les salariés en contrat à durée déterminée ont tout autant droit à la formation que les salariés en contrat à durée indéterminée.

Nous regrettons que vous ne vous donniez pas les moyens de cette grande ambition qu'est le droit à la formation tout au long de la vie. Pourquoi n'y associez-vous pas les universités, les lycées, l'AFPA ? Sans doute me rétorquerez-vous que cela relève de l'éducation nationale. Mais sur un tel sujet, un peu de cohérence eût été bienvenue.

M. Jean Ueberschlag - Quel culot !

Mme Elisabeth Guigou - Quant au deuxième volet de votre projet, la réforme du dialogue social, il est tout bonnement dangereux. Pour conduire avec succès le changement de nos sociétés et faire face aux enjeux de l'internationalisation, la voie de la démocratie sociale est bien la voie à privilégier. C'est elle qui forge un accord de volontés entre tous les acteurs, par delà les clivages et les oppositions d'intérêts - d'ailleurs légitimes. Elle est au c_ur du modèle social européen, qui entend prolonger la démocratie politique en démocratie sociale.

Nous connaissons les faiblesses de notre système de négociation collective. Nous ne sommes pas au clair sur les champs respectifs de la loi et du contrat, nous avons en France un faible taux de syndicalisation, voire pas de syndicat du tout dans les petites entreprises. Il y a aussi des insuffisances dans la représentation des salariés. Des réponses ont été proposées.

L'esquisse d'accord majoritaire que ce texte propose à partir de la « position commune » des partenaires sociaux est encore insuffisante. Il faudrait en effet pouvoir mesurer véritablement la représentativité des syndicats, non en fonction du nombre de syndicats, mais en fonction du nombre de voies recueillies par chacun d'eux.

Mais il y a plus grave. Vous supprimez le principe de faveur, clef de voûte de notre droit du travail. Des questions aussi essentielles que le 13ème mois, l'évolution des conditions de sécurité, les primes d'ancienneté, les indemnités de licenciements risquent désormais d'être négociées entreprise par entreprise, et de faire l'objet d'accords moins favorables que les accords de branche.

M. Jean-Pierre Gorges - C'est bien !

Mme Elisabeth Guigou - Voilà exactement ce qui nous sépare.

Cette généralisation des accords dérogatoires aura pour conséquence de supprimer toute hiérarchie entre les normes du droit social et de compromettre toute politique de branche. C'est la porte ouverte à un « détricotage » par le bas du droit du travail. Les conditions d'équité et d'équilibre de la négociation sont rarement réunies dans les entreprises, en particulier lorsque pèse la menace de délocalisations ou de fermetures de sites. Face au faible taux de syndicalisation, à la crise du militantisme, à la technicité croissante des sujets, les négociateurs doivent se professionnaliser, avoir du temps.

Une partie du patronat est elle-même circonspecte : beaucoup de petits patrons préfèrent en effet, comme on l'a vu lors de la mise en place de la RTT, déléguer les négociations à la branche plutôt que d'en assumer la charge directe.

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

Mme Elisabeth Guigou - Ce projet traite de deux sujets majeurs pour le droit social français. Mais l'occasion est malheureusement gâchée de faire de cette réforme une grande avancée sociale. Votre réforme de la formation professionnelle manque d'ambition, et celle du dialogue social est dangereuse. Bref, vous déséquilibrez l'ensemble des négociations collectives et mettez en péril l'ordre public social.

M. Claude Gaillard - Permettez-moi de regretter, chère collègue, la critique systématique à laquelle vous vous livrez à une heure si grave pour la France. On aurait apprécié une participation plus active de votre part au redressement de notre pays.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

M. Claude Gaillard - Votre projet de loi, Monsieur le ministre, va dans le sens d'une évolution nécessaire pour notre pays : celle du dialogue social. Alors que des critiques se font entendre, permettez-moi de faire quelques rappels historiques. La moindre des choses est de reconnaître les vertus de la démarche du Gouvernement en la replaçant dans un contexte historique.

Rappelons-nous la loi de « modernisation sociale » qui poussait à son paroxysme les travers des politiques passées, notamment l'absence de concertation avec les partenaires sociaux. De même les lois Aubry, en laissant croire qu'il était possible de créer des emploi par une loi d'une complexité inégalée, ont entretenu une confusion sur le cadre et la capacité d'action d'un Gouvernement.

L'article 34 de la Constitution dispose que « le législateur détermine les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ». Beaucoup ont oublié qu'il s'agissait des principes « fondamentaux », et non de n'importe quelle disposition touchant au domaine social. La mise en _uvre de ces principes « fondamentaux » relève de la négociation collective : la loi doit fixer le cadre de l'action, non agir par elle-même.

Votre démarche procède de cette orientation, à la fois résolument moderniste et attachée à une lecture rigoureuse de nos textes institutionnels. Ce texte s'inscrit pleinement dans cette démarche : il reprend deux accords, celui de septembre dernier relatif à la formation professionnelle et celui de juillet 2001 sur la négociation sociale. Il s'agit de rénover le système de formation professionnelle élaboré au début des années 1970 et de modifier les règles posées par la loi de 1950 sur la négociation collective.

Ce projet de loi est ainsi résolument modernisateur. Il dérange d'ailleurs les conservateurs, que l'on trouve plutôt à gauche...

Le Gouvernement prend ainsi « l'engagement solennel de renvoyer à la négociation » avant toute réforme législative du droit du travail. On reconnaît dans cette démarche l'influence de l'expérience communautaire : l'article 138 du traité d'Amsterdam prévoit une délégation aux partenaires sociaux, limitée dans son objet et dans la durée par le législateur, celui-ci pouvant reprendre dans un cadre législatif l'accord né de la négociation collective. On y reconnaît aussi votre volonté de marcher sur les deux jambes de la démocratie : le politique et le social. Ce projet élaboré par les acteur sociaux, proposé par le Gouvernement puis voté, je l'espère, par le Parlement rassemble ces deux notions qu'il est vain de vouloir opposer.

Comme le soulignait le Président de la République le 6 janvier 2000, « la démocratie politique ne progressera pas en faisant reculer la démocratie sociale. C'est au contraire en lui faisant toute sa place et en s'appuyant sur les acteurs de la vie économique et sociale qu'elle pourra se fortifier, se moderniser et rester unie à la réalité vivante de notre pays. »

Le titre I du projet vient concrétiser le titre II. Oui, pour les questions sociales, il est légitime que le législateur laisse le temps de la négociation aux partenaires sociaux avant de transposer. Avec la formation professionnelle, qui a fait l'objet de trois ans de négociations, nous concrétisons notre volonté de faire confiance au dialogue social. C'est un pari gagnant, puisque l'ensemble des partenaires sociaux ont signé cet accord « historique ». A nous de réfléchir également à la rénovation du rôle du Parlement pour nous adapter à cette évolution.

La réforme de la formation professionnelle que vous proposez est novatrice - DIF, modernisation du plan de formation, rénovation des contrats en alternance, augmentation des contributions financières des entreprises - et elle répond, comme du reste l'accord national interprofessionnel de septembre dernier, à une double exigence : se projeter vers l'avenir et assurer la solidarité en se concentrant sur les salariés ayant le plus besoin d'une formation.

Prévue par l'accord interprofessionnel, la consécration du droit individuel à la formation constitue une innovation majeure. Ainsi rénové, notre système de formation reposera sur le co-investissement entre le salarié et l'employeur, le temps de formation se partageant entre temps de travail et temps libre.

Les défauts de notre système de formation actuel justifient pleinement la réforme que propose le Gouvernement. Si la France consacre près de 22 milliards à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage - soit 1,5 % du PIB -, l'action menée en ces matières n'est pas à la hauteur des espoirs qu'avaient fait naître l'accord de 1970 et la loi de 1971. Envisagé comme un système solidaire ayant vocation à aider ceux qui en ont le plus besoin, le dispositif fonctionne aujourd'hui à rebours : la moitié des cadres ont suivi une formation en 1999, contre seulement 20 % des ouvriers qualifiés et 12,5 % des ouvriers non qualifiés, et le taux d'accès à la formation ne dépasse pas 10 % de l'effectif dans les TPE. Alors qu'il faut aider les plus fragiles à prendre l'ascenseur social - ce qui ne veut pas dire qu'il faut les assister, comme persistent à le vouloir certains sur les bancs de notre assemblée -, nous sommes confrontés à une véritable urgence de formation. Loin de répondre à sa vocation de réduire les écarts issus de la formation initiale, notre système actuel les accroît. Il n'est que temps de permettre aux moins favorisés d'exercer leur droit à une seconde chance.

Les politiques de la formation professionnelle et de l'emploi ont été trop longtemps distinctes, et il a fallu attendre 1997 pour que les délégations à l'emploi et à la formation fusionnent. Chacun sait désormais que la formation professionnelle doit contribuer à la constitution d'une véritable assurance-emploi. Oui, la formation tout au long de la vie, si elle passe du slogan à la réalité, peut devenir un instrument privilégié de lutte contre le chômage, dans une perspective résolument assurantielle.

La réalité contemporaine du monde du travail, c'est que le salarié a vocation à exercer plusieurs métiers au cours de sa carrière. Dès lors, ce n'est plus la détention d'un diplôme - véritable sésame de notre système actuel - qui ouvrira les portes de la promotion sociale, mais la capacité à suivre des formations opérationnelles dans des domaines variés. Parallèlement, la validation des acquis de l'expérience doit donner à tous de nouvelles perspectives.

A côté de la formation-assurance, la formation-adéquation doit se développer car certains secteurs connaissent des difficultés chroniques de recrutement. Alors que les chômeurs restent trop nombreux, quel paradoxe de voir augmenter simultanément le nombre d'offres d'emploi insatisfaites ! Seul un effort significatif pour rendre les formations plus opérationnelles est à même de remédier à cela.

Le financement de la formation est augmenté et rénové. Ainsi, la contribution obligatoire des entreprises de moins de dix salariés passe de 0,25 % à 0,55 % de la masse salariale. Rendons hommage aux représentants des TPE de fournir un tel effort.

Monsieur le ministre, votre projet s'inscrit dans la dynamique de réforme pour l'emploi engagée par le Gouvernement. Il est cohérent avec les différents projets qui ont déjà abouti : réforme des retraites, emploi des seniors, validation effective des acquis de l'expérience, débat sur l'éducation, décentralisation. C'est cet ensemble de mesures qui permettra de lutter efficacement contre le chômage.

Par esprit de système, Mme Guigou vous a adressé des critiques excessives. Je voudrais vous faire part dans un esprit bien plus constructif des inquiétudes qu'il me semblerait utile de dissiper. Ce texte fixe une priorité : élever le niveau global de la formation professionnelle et la rendre plus adaptée aux besoins, d'où le DIF et le contrat de professionnalisation. Sachons cependant valoriser d'autres types de formation. A cet égard, la prédominance des branches sur l'interprofessionnel, pour légitime qu'elle soit, ne doit pas tendre à figer le système. En effet, alors que 35 % des contributions reçues par les OPCA « alternance » de branche doivent actuellement être reversées aux organismes paritaires interprofessionnels, demain ce mécanisme de reversement interne n'existera plus. Réjouissons-nous d'une simplification des circuits de péréquation, mais il ne faudrait pas priver les formations interprofessionnelles de financements adéquats, sachant que les organismes collecteurs pourront désormais financer librement les centres de formation d'apprentis. La « transférabilité » vers l'apprentissage ne doit pas créer de déséquilibre entre la filière métier et la filière interprofessionnelle, alors que les jeunes peuvent vouloir accéder à tous types de diplômes. Une telle orientation serait malvenue, alors que la tertiarisation de l'économie requiert des compétences transversales. De plus, une « branchisation » excessive freinerait la mobilité des salariés. A nous d'assurer l'équilibre approprié.

Autre crainte que des acteurs de la formation professionnelle ont portée jusqu'à nous, celle d'une remise en cause de la formation diplômante pour les jeunes. Le contrat de qualification est un succès, même s'il ne concerne qu'un nombre assez réduit de bénéficiaires. Avec le contrat de professionnalisation, la nécessité de retrouver des cursus fondés sur les préoccupations des partenaires sociaux est prise en compte. Veillons cependant que les jeunes titulaires d'un tel contrat puissent, au terme d'une formation plus longue, obtenir un diplôme. Merci de nous apporter des précisions à ce sujet.

En matière de dialogue social, vous proposez une adaptation bienvenue à l'évolution des relations sociales, tout à la fois plus complexes et plus souples que dans le passé. S'agissant du principe de faveur, faisons confiance au sens des responsabilités des partenaires sociaux, y compris localement, et à la maturité des acteurs de la négociation. Lorsque j'étais représentant du personnel dans mon entreprise, les cadres n'hésitaient pas à accepter une modération salariale pour éviter des licenciements ou pour permettre la revalorisation des bas salaires. Nous ne sommes plus au XIXe siècle !

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur - Très bien !

M. Claude Gaillard - Rigidifier, codifier les relations sociales dans un contexte évolutif qui appelle l'adaptation locale continue, c'est aller vers plus de licenciements !

M. le Rapporteur - Absolument !

M. Claude Gaillard - Les partenaires sociaux sont adultes. Faisons leur confiance...

M. Maxime Gremetz - C'est ça ! Faisons confiance aux patrons !

M. Claude Gaillard - Certains considèrent que le système n'a pas été assez encadré depuis 1982...

M. Maxime Gremetz - Ne dites pas « certains » ! Nous ne sommes pas des OVNI.

M. Claude Gaillard - La réalité, c'est que votre projet libère et conforte le système et nous le soutenons sans réserves (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Ce texte fera date dans l'histoire du droit du travail et des relations sociales dans notre pays. Il repose en grande partie sur l'accord historique du 20 septembre 2003, dont l'objectif principal était de rénover en profondeur notre système de formation professionnelle. Il convient, à cet égard, de saluer la philosophie générale du projet. Pendant trop longtemps, les relations entre les partenaires sociaux et l'Etat ont été marquées par une logique d'affrontement et de rapport de forces, laquelle a sans doute contribué à retarder l'adaptation de notre droit aux évolutions des économies modernes. Il était temps de refonder les bases de notre démocratie sociale, de sorte que la loi ne précède plus la négociation.

S'agissant de la formation professionnelle tout au long de la vie, j'ai consacré un rapport au sein de ma formation politique - le constat d'une inadéquation du dispositif aux enjeux est largement partagé.

Les enjeux, quels sont-ils ? D'abord, l'évolution démographique : selon l'INSEE, entre 2000 et 2005, il y aura environ 480 000 départs à la retraite et 650 000 entre 2005 et 2010. Les départs massifs vont entraîner une pénurie de personnel qualifié. Ensuite, le niveau de qualification moyen demandé par les entreprises va continuer de s'élever, alors que l'illettrisme touche aujourd'hui 10 à 15 % des élèves, une proportion inquiétante d'entre eux quittant le système scolaire sans aucune qualification.

Il est temps de prendre en compte ces risques en développant une véritable formation tout au long de la vie. L'éducation et la formation tout au long de la vie impliquent l'augmentation de l'investissement dans les ressources humaines et les connaissances, la promotion de l'acquisition des compétences de base et l'accroissement des possibilités de formation novatrices. L'objectif est de permettre à tous les individus, quel que soit leur âge, d'accéder librement à des possibilités de formation de qualité et à une gamme diversifiée d'expériences éducatives. Le système éducatif et la formation professionnelle ont un rôle essentiel à jouer pour concrétiser ce projet.

Cependant, en l'état actuel, la formation tout au long de la vie n'est pas une réalité en France. Quatre lacunes majeures expliquent ce retard. D'abord, les formations initiale et continue demeurent cloisonnées : la formation tout au long de la vie devrait comprendre à la fois celle donnée dans le système éducatif et celle du système de formation professionnelle. Mais la séparation en deux axes, structurés par des systèmes disposant d'une forte identité, ne facilite pas la continuité.

Deuxième lacune, la formation des seniors est encore limitée et celle des retraités marginale. Renforcer le taux d'activité des plus de 50 ans est aujourd'hui un défi pour la France, qui a l'âge de cessation d'activité le plus précoce d'Europe. La solution à ce problème réside dans les politiques d'emploi, mais aussi dans la formation, qui ne doit pas s'arrêter à 45 ans.

Troisième lacune, la formation est encore trop conçue pour déboucher sur un emploi. L'accompagnement reste limité, sauf dans le dispositif « Trace », réservé aux chômeurs de longue durée.

Enfin, la formation reste trop centralisée. Fort heureusement, la loi de décentralisation va faire de la région le chef de file de la formation professionnelle. C'est le niveau pertinent pour identifier les besoins de formation et organiser une réponse rapide et précise.

Ce projet de loi répond donc à une nécessité et il est conforme à la recommandation sur l'éducation tout au long de la vie adoptée par le Comité des ministres de l'Union européenne le 15 mai 2002. Celle-ci invite les gouvernements à prendre des mesures permettant à chaque individu d'acquérir ou d'actualiser ses connaissances et ses compétences à tout âge.

Le projet transpose l'accord national interprofessionnel signé le 20 septembre 2003 par l'ensemble des organisations patronales et syndicales représentatives, qui crée un droit individuel à la formation, prévoit des contrats et des périodes de professionnalisation, établit de nouvelles modalités de financement par les entreprises et revoit l'articulation entre la formation professionnelle et le temps de travail.

Le groupe de travail que j'ai animé a émis des propositions qui pourraient enrichir, à l'avenir, ce dispositif. La première est de créer un chèque-formation régional destiné aux jeunes sortis du système éducatif sans qualification.

Ils disposeraient d'un capital de départ variable selon leur niveau : par exemple 100 heures pour un jeune sorti avec le niveau I, 200 heures au niveau II, et jugé 1 600 heures au niveau V. Ce capital pourrait être accru chaque année dans des conditions à déterminer.

Deuxième proposition, créer un guichet régional unique d'accueil des personnes qui souhaitent se former, quels que soient leur âge et leur situation. Ce guichet regrouperait des acteurs très dispersés actuellement : l'Etat, les chambres consulaires, les partenaires sociaux.

Troisième proposition, instaurer un dispositif régional de crise qui lui-même créera des structures plus légères de reclassement comme il en existe déjà en Lorraine et en Provence-Côte d'Azur.

Il conviendrait également d'assurer la transparence de l'attribution des fonds de la formation professionnelle en mentionnant dans la loi les principes de transparence dans le fonctionnement des OPCA et des FONGECIF et d'égalité de traitement des entreprises, des salariés et des prestataires de formation.

Autre proposition, mieux informer les salariés sur leurs droits en organisant une vaste campagne d'information.

Nous proposons également de mettre sur pied un programme intégré de formation pour les retraités en reprise d'activité. Il est nécessaire de recenser, au niveau régional, toutes les formations destinées aux retraités et de les évaluer pour éviter les redondances et les formations inefficaces. Il faut également ouvrir aux retraités les formations initiale et continue permettant l'acquisition de compétences.

Nous pensons aussi utile de prévoir un dispositif de transition pour la formation en alternance. Le projet remplace les contrats de qualification par des contrats de professionnalisation. Une application immédiate de cette mesure risquerait cependant d'entraîner des ruptures brutales dans l'orientation des jeunes, un chômage accru chez ceux-ci et des difficultés de reconversion chez les formateurs, compte tenu du délai très court. Je propose donc de reporter l'entrée en vigueur du dispositif à la rentrée 2004-2005.

Enfin il conviendrait de réduire le coût des absences pour formation dans les PME. Les expériences menées au sein des groupements d'employeurs peuvent servir de base à une proposition. On peut envisager des aides du conseil régional, des conventions avec les agences d'intérim etc.

En conclusion, je me félicite que ce projet respecte l'accord remarquable conclu par les partenaires sociaux. Il ouvre la voie à la modernisation de notre appareil de formation et permettra de l'adapter aux besoins de l'économie et aux aspirations des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Brunel - Comme mes chers collègues, je tiens à souligner l'importance de l'accord interprofessionnel, qui se retrouve dans le texte qui nous est présenté. Celui-ci a le grand mérite d'ouvrir la formation professionnelle à tous, sans distinction, alors qu'aujourd'hui elle profite principalement au personnel masculin des grandes entreprises.

Par le biais du droit individuel à la formation, le projet va aider les femmes à accéder à la parité professionnelle et contribuer, je l'espère, à réduire les écarts de salaires avec les hommes.

La formation tout au long de la vie est devenue une nécessité. Ceux qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail devront faire preuve d'adaptabilité, car peu resteront toute leur vie dans le même poste. Notre pays ne pourra soutenir la concurrence avec les pays à bas salaires qu'en développant l'innovation, l'avantage technologique, la créativité. Jeunes et adultes doivent donc apprendre à apprendre. Le fait que le droit à la formation soit transférable en cas de licenciement ou de démission est une avancée heureuse, qui augmente d'autant les chances de reclassement.

Le remplacement des contrats de qualification par des contrats de professionnalisation suscite quelques interrogations. Le système actuel semble efficace. Il faudra un jour, Monsieur le ministre, revoir complètement la collecte et l'utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle pour ne retenir que les formations réellement qualifiantes et correspondant au marché de l'emploi.

Ce texte assouplit le contrat d'apprentissage, ce qui est une bonne chose. En Ile-de-France le nombre d'apprentis stagne à 60 000. De façon générale, nous avons beaucoup de retard dans ce domaine par rapport aux pays voisins.

Quant à la réforme du dialogue social, elle répond aussi à un besoin important. Les règles de la négociation collective vont évoluer pour favoriser une culture de compromis. Nous sommes tous conscients de la nécessité d'avoir des syndicats plus représentatifs et plus responsables. Mais il faut aussi mieux prendre en compte la spécificité de chaque entreprise en les autorisant à conclure des accords dérogeant aux accords de branche. Une entreprise est un être vivant et doit s'adapter aux exigences de ses clients.

Les 35 heures sont un acquis social important, mais doivent pouvoir être complétées par un recours facile et pas trop coûteux aux heures supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement ! Monsieur le ministre, je vous ai rappelé hier que le Règlement autorise un vote séparé sur deux parties d'un projet. Vous m'avez reproché, en réponse, de critiquer le texte signé par tous les syndicats sur le droit individuel à la formation. Ce premier texte résulte d'un compromis entre le Medef et les syndicats, et il est perfectible : nous proposerons des amélioration, mais nous pouvons l'approuver. En revanche nous voulons pouvoir voter contre un très mauvais texte sur le dialogue social, rejeté par les organisations syndicales.

Peut-être qu'après une nuit de réflexion, le ministre aura changé d'avis. Sinon, je demande que l'Assemblée se prononce sur ma proposition.

Mme la Présidente - La présidence sera informée de votre demande.

M. Jean Ueberschlag - Je me limiterai à la première partie de ce projet, celle qui concerne la formation professionnelle. Enfin une loi, ai-je surtout envie de dire !

Depuis la grande loi de 1971, il n'y a pas eu de réforme significative de la formation professionnelle. On a voté diverses dispositions qui se sont empilées et qui ont rendu le système illisible ; le seul texte qui ait vraiment fait avancer les choses est la loi sur l'apprentissage, votée à l'initiative de Philippe Séguin.

M. Maxime Gremetz - C'est vrai.

M. Jean Ueberschlag - L'Assemblée nationale a estimé nécessaire en 1993 de constituer une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds de la formation professionnelle - dont, Monsieur le rapporteur, vous faisiez partie. J'ai eu le privilège de la présider. Elle a fait un travail extraordinaire, mais force est de constater que ses conclusions n'ont pas eu beaucoup de suites législatives.

Je ne peux pas résister à la tentation d'en citer quelques extraits. « Le "système" de formation professionnelle, fondé sur la loi de 1971, semble aujourd'hui avoir atteint ses limites. En négligeant l'exercice d'un véritable contrôle sur les fonds recueillis, en émiettant à l'infini les mesures conjoncturelles, en différant les remises en cause globales, la gestion de la formation professionnelle a manifestement favorisé un gaspillage des ressources. Malgré son intérêt essentiel perçu par tous, ce "système" s'est enfermé dans des habitudes et n'a pas suffisamment assumé les conséquences de la crise.

La confusion des buts assignés à la formation professionnelle, l'opacité des circuits de financement, les défaillances de l'Etat dans le contrôle des organismes de collecte et de formation, l'absence d'exigences suffisantes quant à la qualité des formations dispensées sont autant de symptômes de dysfonctionnement que les partenaires sociaux et l'Etat ne peuvent ignorer plus longtemps. Une loi générale sur la formation professionnelle devient nécessaire, donnant une impulsion comparable à ce que fut, à son époque, la loi de 1971.

Il incombe aux partenaires sociaux de s'accorder à redéfinir les finalités de la formation professionnelle, à déterminer en fonction de ces choix les priorités auxquelles doit s'attacher l'effort de financement des entreprises et de l'Etat. La collecte ne doit plus être l'apanage d'organismes foisonnants et concurrents, selon des modalités qui, naturellement, les poussent à une gestion pour le moins contestable.

Le législateur doit désormais porter son effort sur la nécessité de garantir une qualité des formations et une restructuration de ce secteur professionnel en imposant un agrément minimum indispensable aux dispensateurs de formation.

Ayant laissé ce champ d'action aux partenaires sociaux, l'Etat, quant à lui, verra son autorité et son crédit restaurés lorsqu'il sera en mesure d'assurer un contrôle effectif des organes de collecte et des organismes de formation. Progressivement, la région doit trouver les compétences que lui reconnaissent les lois.

"Nous risquons de connaître une société où tout le monde passera par le chômage. Tout le monde devra redevenir étudiant sans cesse. Nous allons nous apercevoir que l'on ne peut plus séparer formation et travail". Cette prévision de M. Alvin Toffler est désormais communément admise. La formation ne doit plus rester la chasse gardée de quelques uns, le champ clos d'intérêts où elle est quelquefois sacrifiée à la facilité de gains financiers à court terme mais être l'affaire de tous, salariés, entreprises, partenaires sociaux et pouvoirs publics. »

Certes il y a eu, depuis cette commission d'enquête, une loi quinquennale ; mais dix ans plus tard, beaucoup de décrets d'application ne sont toujours pas parus...

Nous vous remercions, Monsieur le ministre, de nous permettre aujourd'hui de nous attaquer à ce grand chantier.

Les enjeux sont tout d'abord humains. La formation professionnelle a été initialement conçue pour assurer la promotion sociale, mais ce concept a été peu à peu oublié.

M. le Rapporteur - Très juste.

M. Jean Ueberschlag - Oubliée, également, la notion de « deuxième chance », préconisée par François Mitterrand. L'idée de « formation tout au long de la vie » a été remise au goût du jour par l'actuel Président de la République. Nous sommes heureux de penser qu'à travers le « droit individuel à la formation », le concept de promotion sociale peut retrouver la place qu'il n'aurait jamais dû perdre.

Les enjeux sont également économiques. D'abord, la formation peut permettre de répondre au paradoxe de la coexistence d'un nombre considérable de chômeurs et d'un nombre également considérable d'emplois non pourvus. Ensuite, nous allons devoir faire face au départ à la retraite de la génération du baby-boom, qui devrait entraîner, d'ici un ou deux ans, un déficit de 400 000 personnes. Certains préconisent d'ouvrir largement les vannes de l'immigration, mais ce serait faire la même erreur qu'il y a quarante ans. Mieux vaut répondre à cette situation nouvelle par la formation professionnelle.

Enfin, la mondialisation ou plutôt les délocalisations entraînent la destruction d'emplois, qui elle-même provoque la réduction des moyens de la formation professionnelle, basés sur la masse salariale. Il faut donc impérativement créer de nouveaux emplois ; mais il faudrait aussi, comme je l'ai dit lors du débat budgétaire, réformer le livre IX du code du travail et transformer le contrat de travail en contrat de travail-formation, emportant obligation pour l'entreprise de former et obligation pour le salarié de se former.

M. le Rapporteur - Tout à fait.

M. Jean Ueberschlag - J'en viens aux enjeux financiers. La formation professionnelle mobilise des sommes colossales : 22 milliards. Mais il faut que leur gestion soit plus rigoureuse. La Cour des comptes, l'IGAS, le service central de prévention de la corruption se sont penchés sur leur utilisation. Une publication du Medef indiquait récemment qu'à peine 40 % des salariés bénéficient d'une formation, et surtout qu'à peine un tiers de l'argent collecté dans ce but va à des actions de formation. Il y a donc des gaspillages, également dénoncés dans l'Express.

J'avais fait des propositions pour assurer l'adéquation des ressources aux besoins, dans le cadre d'une construction à quatre niveaux de la formation professionnelle. On ne peut pas aujourd'hui mettre en place un droit individuel à la formation transférable, d'entreprise à entreprise, mais aussi géographique, sans recentrer la collecte. Je propose de la confier à un organisme unique, par exemple à l'URSSAF - ce qui permettrait en outre un meilleur contrôle -, car il convient de mutualiser les ressources nécessaires à l'exercice du droit individuel à la formation. On ne pourra éluder ce problème de la collecte. Songez qu'actuellement, ce sont les entreprises qui collectent leur propre contribution : c'est comme si l'on demandait à la Ligue des contribuables de collecter l'impôt sur le revenu !

Vous sachant ouvert à la discussion, j'attends beaucoup de l'examen des amendements, en particulier pour ce qui est du contrôle des comptes de la formation professionnelle. J'ai pour ma part proposé de rétablir la Commission nationale créée en 1996, mais qui ne s'est réunie qu'une seule fois avant d'être subrepticement dissoute par un article de la loi de modernisation sociale.

Ce projet complète heureusement l'accord national interprofessionnel, ouvrant par exemple, dans son article 9, le droit individuel à la formation aux titulaires de CDD. Nous vous en félicitons et nous nous réjouissons d'_uvrer à vos côtés à ce chantier majeur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Je vous félicite quant à moi pour avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole !

M. Hervé Novelli - Ce projet revêt une importance extrême, proportionnelle à celle des deux champs d'action - « la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social » - que vous vous proposez d'explorer afin d'en modifier les règles.

Je regretterai néanmoins les conditions qui président à son examen : surcharge de travail et rapidité de la présentation se conjuguent pour ajouter au sentiment que nous avons de nous mouvoir dans un théâtre d'ombres chaque fois que nous avons à traiter de questions sociales. Ce texte méritait mieux !

S'agissant du titre II, consacré au dialogue social et auquel je serai contraint de me limiter, je commencerai par saluer votre volonté réformatrice. Reconnaissez cependant que le mérite est au moins partagé, car ces dispositions ne sortent pas des chapeaux de vos hauts fonctionnaires : pour une large part, elles proviennent de la position commune signée le 16 juillet 2001 par une majorité de partenaires sociaux.

Ce titre va dans le bon sens en contribuant à faire de la négociation collective une source de droit possible, ainsi que le confirme son préambule où est pris l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative intéressant le droit du travail. De fait, depuis des années, la régulation sociale souffre de la primauté accordée à la loi sur le contrat collectif. Cette primauté est à l'origine de bien des archaïsmes et il est donc heureux que vous proposiez de faire bouger le curseur pour le déplacer vers le contrat. Cette sorte de décentralisation sociale permettra de réguler du bas vers le haut, comme l'exige une société moderne. Je regrette toutefois que vous ne soyez pas allé plus loin et que vous ayez renoncé à une réforme plus ambitieuse, qui eût consisté à fixer dans la Constitution ce qui doit relever du Parlement et ce qui est du domaine de la négociation. Par cette abstention, vous contribuez à maintenir le théâtre d'ombres dont je parlais. Le Parlement y est réduit à trois rôles aussi insatisfaisants les uns que les autres : celui de simple chambre d'enregistrement des accords collectifs - le fameux « Vote et tais-toi », qui nie le droit d'amendement - ; celui de trublion de l'ordre social si, au contraire, il remet en cause un accord ; enfin, le pire, celui d'apprenti sorcier lorsqu'il vote une loi dénuée de toute justification économique - et vous aurez compris que je ne parle pas uniquement des 35 heures.

Par ailleurs, le statu quo en matière de représentativité syndicale limite singulièrement la portée de ce projet. Si nous souhaitons que la négociation collective puisse s'imposer progressivement comme une expression du droit, il faut donner ses chances à une vraie démocratie sociale et donc assurer la représentativité des acteurs syndicaux. Nous ne pourrons longtemps nous dérober à cette responsabilité historique.

Ces observations n'enlèvent rien à votre volonté réformatrice, mais l'excès de prudence peut être nuisible. On ne risque rien à accroître les capacités des acteurs de la société civile, notamment dans le champ social. On se donne simplement davantage de chances de doter notre pays d'un droit social moderne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Vous nous présentez ici un projet bicéphale : vous avez en effet utilisé la transcription de l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle pour « enrober » un volet baptisé « dialogue social » qui fait contre lui l'unanimité parmi les confédérations syndicales. Vous voulez jouer sur la confusion des termes, mais loin d'instaurer le dialogue social, vous ouvrez la porte à une braderie sociale !

S'agissant de la formation professionnelle, je me bornerai à remarquer que le texte dénature l'accord de septembre sur trois points majeurs : vous ne prévoyez pas que le droit individuel à la formation puisse s'exercer en totalité sur le temps de travail ; au lieu de l'être au salarié, l'allocation formation sera versée à l'organisme formateur ; enfin, la qualification acquise ne pourra être reconnue par l'employeur que si une partie de la formation se déroule hors du temps de travail.

De plus, l'article 30 porte discrètement la durée journalière du travail de 7 à 8 heures pour les apprentis et pour les salariés de moins de 18 ans !

Pour ce qui est du deuxième volet, le titre « monologue du Medef » eût mieux convenu que celui de « dialogue social ». Aujourd'hui, les confédérations syndicales sont jugées ou non représentatives en vertu d'un arrêté interministériel de 1966. Une seule peut signer un accord qui vaudra pour toute la branche dès lors que trois autres ne s'y opposent pas. En termes de démocratie, il y a mieux que cette situation figée : si on transposait cela aux partis politiques, seuls nos collègues communistes pourraient siéger ici et, pour s'opposer aux lois qu'ils voteraient, il faudrait qu'au moins trois partis parmi ceux qui existaient en 1966 - FGDS, Centre démocrate, UD Ve et Républicains indépendants - se mettent d'accord ! Cela semble ridicule, mais c'est pourtant la situation actuelle du syndicalisme : quels que soient leurs résultats aux élections, seules cinq confédérations sont reconnues, au grand dam de celles qui sont apparues depuis 1966, telles que l'UNSA et le « G-10 solidaires ».

Il s'imposerait de revoir ces règles et pourtant votre loi ne peut que figer encore davantage. Il est vrai que votre souhait n'est pas de favoriser le développement du syndicalisme ! Vous ne laissez à certains syndicats que le choix de se faire hara kiri en acceptant dans les branches le principe de signatures des organisations représentant la majorité des salariés, ou d'en rester au statu quo !

Si l'on souhaite réellement instaurer la démocratie sociale, il faut permettre aux salariés des branches de définir la représentativité syndicale par leur vote. Mais cela ne fait pas l'affaire de tous : imaginez que l'idée vienne aux salariés de donner la majorité à des syndicats moins disposés à signer des accords de branche par trop déséquilibrés !

Vous prétendez introduire le fait majoritaire, mais l'article 34 n'est qu'un leurre puisque vous privilégiez à chaque niveau de négociation collective le droit d'opposition fondé sur le principe de la division syndicale plutôt que l'accord positif sur un texte. La possibilité d'un véritable accord majoritaire est conditionnée par toute une chaîne d'accords préalables exigeants la non-opposition de trois des cinq confédérations de 1966 - sans compter l'accord de la partie patronale. Dans ces conditions, le principe majoritaire a peu de chances de s'imposer !

Certes, le code du travail n'est pas touché, mais la majorité des salariés ignore encore que leurs droits sont définis, non par le code du travail, mais par les conventions collectives. Ainsi pour les fameux jours fériés : si le code du travail en prévoit onze par an, il dispose que seul le 1er mai est chômé et payé. Le régime de tous les autres relève des conventions... ce qui rend bien désuète la discussion sur le lundi de Pentecôte !

S'agissant de la grille salariale, des indemnités de licenciement, du paiement des heures supplémentaires ou du travail de nuit, un accord d'entreprise pourra être moins favorable que l'accord de branche. C'est un véritable dumping social que vous programmez. Espérons cependant que l'amendement à l'article 37 du président du groupe UMP ne sera pas adopté, car la protection sociale complémentaire disparaîtrait aussi !

Ce projet va aggraver les inégalités entre salariés, d'une entreprise ou d'un territoire à l'autre. Le Medef demandait la fin des 35 heures et davantage d'exonérations : vous les lui avez données. Il voulait des accords d'entreprise dérogatoires : les voici ! Gageons qu'il obtiendra bientôt les CDD de cinq ans, un assouplissement des licenciements et une restriction des pouvoirs de l'inspection du travail ! Or ce sont de telles lois de destruction sociale qui ont fait le 21 avril 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Permettez-moi tout d'abord de remercier M. le rapporteur pour la qualité de son travail, ainsi que tous les orateurs.

Monsieur Lefort, vous ne pouvez prétendre que le texte suive les principes du MEDEF. Je ne ferai pas le compte rendu des concertations que j'ai menées ces trois derniers mois en amont de ce projet de loi, mais je demande à la représentation nationale de prendre de la distance avec ce qui a pu en être dit. Ce projet est bien le compromis équilibré transposant au mieux la position commune sur la négociation collective. Certes, il comporte des éléments qui peuvent déplaire aux uns et aux autres, et chacun trouve à y redire. La réalité objective est différente. Ce texte trace le chemin d'une réforme ambitieuse, mais réaliste, Monsieur Novelli. Elle consacre une renaissance de la négociation d'entreprise et la mise en _uvre du principe majoritaire.

M. Lefort conteste que l'absence d'opposition majoritaire soit un mécanisme d'approbation majoritaire. L'accord, même minoritaire, compte tenu de la représentativité de ses signataires, devient majoritaire par une décision des non-signataires de l'appliquer tacitement.

Prenons l'exemple des indemnités de licenciement. Il faut, en premier lieu, qu'un accord de branche décide de revenir sur les accords antérieurs et qu'il soit majoritaire selon les règles de la loi nouvelle. Croyez-vous qu'une révision à la baisse puisse être acceptée par trois organisations sur cinq ? En l'absence d'accord de branche, rien n'est changé. Dans l'hypothèse fort improbable où un tel accord interviendrait assorti de facultés de dérogation au niveau des entreprises, encore faudrait-il que les délégués syndicaux représentant la majorité des salariés acceptent une baisse des indemnités de licenciement et cela n'irait pas sans des contreparties très substantielles. En tout état de cause, rien ne pourrait remettre en cause le minimum légal. Autrement dit, rien ne vous autorise à dire qu'on « détricote » le code du travail ou que ce projet débouchera sur des droits sociaux au rabais.

M. Depierre a parfaitement exposé la philosophie générale du texte et souligné le pragmatisme du Gouvernement. C'est vrai, la formation doit désormais être considérée comme un investissement, non comme une obligation. Il a mis l'accent sur le décalage entre l'offre et la demande d'emploi. Pour y remédier, il faudra mobiliser le service public de l'emploi, personnaliser l'appui aux chômeurs, améliorer l'employabilité des salariés. Monsieur Paul, vous avez évoqué les « coquineries » dont la CFDT se plaindrait. Mais si l'on se réfère à l'article de presse qui mentionne cette déclaration, il s'agirait d'une évolution de l'article 33. Le projet reprend une formule suggérée par le Conseil d'Etat, traditionnelle en droit, selon laquelle la loi s'applique à la date de sa publication. Je ne m'opposerai cependant pas à l'adoption d'un amendement de la commission, tendant à prévoir une date d'effet rétroactive au 1er janvier 2002.

Quant à la formation qualifiante différée, vous ne pouvez dire que l'accord prévoyait un tel droit, alors qu'il se bornait à prescrire l'examen de cette question. L'Etat s'engage à donner corps à cette idée, et à mobiliser les moyens de l'éducation nationale. Tel est le sens du III de l'article 4 du projet.

M. Christian Paul - Coquille vide.

M. le Ministre - Pour ma part, je m'attacherai à ce que l'Etat garantisse des formations qualifiantes aux chômeurs non indemnisés et que la coordination avec les régions et l'UNEDIC assure à tous les chômeurs des formations qualifiantes.

Enfin, le renfort des moyens du CIFRE permettra de satisfaire les demandes des salariés.

M. Christian Paul - Qui finance ?

M. le Ministre - Sur l'égalité d'accès à la formation, les critiques du parti socialiste sont paradoxales car la loi crée un droit à la formation individuelle pour tous, qui corrigera les inégalités d'aujourd'hui où les cadres et les salariés des grandes entreprises sont privilégiés.

Le parti socialiste semble enfin se préoccuper de la formation professionnelle des Français, thème essentiel qu'il a pourtant ignoré lorsqu'il était aux affaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Concernant l'AFPA, M. Paul ignore manifestement l'opportunité qu'offre la décentralisation aux centres de formation implantés en région. Le grand service public de la formation ne doit pas nécessairement être centralisé. Le Gouvernement souhaite rendre la formation plus efficace, en particulier en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi et l'AFPA a, à cet égard, un rôle essentiel à jouer. Elle doit rester une association nationale tripartite, et ses personnels doivent conserver leur statut, mais elle doit pouvoir répondre aux commandes des régions. La commande publique à l'AFPA sera donc décentralisée. Les conventions conclues région par région devront définir des objectifs de qualité.

M. Christian Paul - C'est l'improvisation la plus totale !

M. le Ministre - M. Vercamer a évoqué la négociation de branche. Le projet de loi conforte la branche dans son rôle de pivot de la négociation collective. La branche aura la responsabilité exclusive de domaines essentiels, comme les minima salariaux, les classifications, et les dispositifs de formation ou de prévoyance mutualisée. Elle pourra décider d'ajouter à cette liste, au cas par cas, de nouveaux points. Elle conservera son rôle fédérateur en offrant aux PME une référence complète d'accord s'appliquant au niveau supérieur.

Elle validera, par une commission paritaire de branche, les accords d'entreprise conclus avec les élus du personnel. Elle choisira entre majorité d'adhésion et droit d'opposition pour tous les accords d'entreprise. Elle décidera de l'opportunité et des modalités d'une élection de représentativité. Enfin, la négociation de branche pourra être autonome par rapport à l'accord interprofessionnel si celui-ci ne l'exclut pas.

M. Gaillard a évoqué, à juste titre, l'urgence de formation. Sur les formations diplômantes, c'est vrai, le contrat de professionnalisation doit permettre de les soutenir et de les financer. Le seuil des six mois est un minimum, et les branches négocieront, à cet effet, des durées plus longues, pour couvrir des formations en alternance pouvant mener, par exemple, à des BTS.

Un amendement de la commission lèvera, à ce sujet, toute ambiguïté.

Avec Mme Guigou, nous partageons au moins l'analyse de l'importance des enjeux, mais nous divergeons par ailleurs, notamment à propos de la formation professionnelle. Mme Guigou ose dire que le texte ne reprend pas les termes de l'accord conclu à l'unanimité par les partenaires.

M. Christian Paul - Il en omet beaucoup.

M. le Ministre - A-t-elle oublié comment ce type de texte législatif est élaboré ? La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle avait reçu mandat de transposer l'accord, en liaison avec les partenaires sociaux.

Le conseil national de la formation professionnelle, dans lequel siègent les partenaires sociaux, a été saisi et a participé à la rédaction de ce texte. Tous les participants ont donné acte de la qualité de travail de transposition.

Mme Elisabeth Guigou - Ce n'est pas ce que je remets en cause.

M. le Ministre - Parce qu'ils n'ont pas de caractère législatif, les éléments de l'accord qui ne figurent pas dans le projet - bilan de compétence, tutorat... - feront l'objet de circulaires, et d'autres accords entre les partenaires sociaux.

Sur la transférabilité, les partenaires sociaux n'ont pas voulu aller au-delà du texte. Tout salarié qui quitte l'entreprise, peut utiliser ses droits à la formation pendant le préavis. C'est un premier pas, pour lequel le Gouvernement a usé de toute son influence auprès des partenaires sociaux.

Mme Guigou a aussi illustré sa conception de la loi en matière sociale : laisser discuter les partenaires sociaux - comme vous l'avez fait en 2001 -, sans soutenir leur volonté d'aboutir. Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que les négociations de 2001 aient échoué. Pour les socialistes, la loi reste l'alpha et l'oméga des relations sociales.

Mme Elisabeth Guigou - Caricature !

M. le Ministre - En Europe, là où la loi est la plus présente, les droits des salariés à la formation ne sont pas nécessairement les plus avancés.

Le Gouvernement souhaite au contraire laisser toute sa place à l'accord et à la convention.

M. Hervé Novelli - Tout à fait !

M. le Ministre - Les lois bavardes et envahissantes ne sont pas les plus efficaces.

Les discours de l'opposition sont empreints de dépit. Le parti socialiste constate que, sur deux sujets essentiels, c'est notre gouvernement qui met la réforme en mouvement.

M. Alain Vidalies - Oui, mais en marche arrière !

M. le Ministre - On peut certes critiquer ces textes qui sont le fruit de compromis élaborés par les partenaires sociaux. Mais ces critiques seraient mieux venues si elles étaient formulées avec un peu d'humilité. Si vous reconnaissiez que vous n'avez pas eu le courge d'avancer sur ces sujets, je les entendrais peut-être. Mais de la part d'hommes et de femmes qui ont gouverné pendant dix-sept ans en se satisfaisant de ces règles, je ne les accepte pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Et les cris ne me feront pas changer d'avis !

Mme des Esgaulx a soulevé la question de la coordination des interventions publiques : guichet unique, cellules de crise. J'y suis sensible et souhaite rénover les instances nationales de concertation entre l'Etat, les régions et les partenaires sociaux.

Mme des Esgaulx et M. Ueberschlag ont insisté sur la transparence des mécanismes financiers. Le texte comporte des améliorations significatives : simplification des mécanismes de fongibilité, renforcement des possibilités de contrôle. Nous ne devrions d'ailleurs pas nous en tenir là.

Mme des Esgaulx a aussi évoqué le problème du remplacement des salariés partis en formation. L'article 6 du projet prévoit un soutien public à l'embauche d'un remplaçant, auquel s'ajoutent des mécanismes de co-responsabilité. Il est en effet nécessaire qu'une partie du temps de formation soit décompté hors contingent pour le calcul des heures supplémentaires. L'accord et la loi entendent à cet égard lever tous les blocages, en particulier dans les PME.

M. Ueberschlag a évoqué, avec raison, la formation des salariés en deuxième partie de carrière. Si nous n'offrons pas aux seniors les moyens de faire évoluer leurs compétences, le choc démographique risque de nous prendre au dépourvu. Les périodes de professionnalisation prévues par les textes pour les plus de 45 ans, constituent une première réponse à ce besoin.

M. Novelli a regretté que nous n'inscrivions pas dans la Constitution, comme nous y invitait la position commune, une nouvelle répartition entre la loi et le contrat. C'est un peu prématuré. A l'heure où beaucoup s'interrogent dans les entreprises sur le risque que représente le pas que nous faisons vers l'accord majoritaire, il faut nous laisser le temps de dresser un premier bilan de la loi avant de figer dans la Constitution une nouvelle répartition entre la loi et les conventions.

Quant au rôle du Parlement, il devra évoluer afin que le législateur soit associé en amont à la réflexion des partenaires sociaux et de l'Etat. C'est nécessaire si nous voulons que le plus grand nombre possible d'accords soient transcrits.

L'audace se mesure d'abord, Monsieur Novelli, à la capacité de faire évoluer la société sans provoquer des blocages susceptibles de conduire à des reculs. Avec ces deux textes, nous allons faire un grand pas dans le domaine de la formation professionnelle - avec la mise en _uvre d'un nouveau droit pour tous les salariés - et dans celui du dialogue social - avec la multiplication des débats dans les entreprises et la marche vers l'accord majoritaire, dont j'espère qu'elle ne sera pas interrompue.

M. Christian Paul - C'est une marche en arrière !

M. le Ministre - Vous êtes des spécialistes en la matière ! Vous n'avez rien fait sur ces questions, vous n'avez prix aucune initiative ! Vous n'avez donc aucun droit à critiquer ceux qui ont le courage d'avancer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - M. le ministre a bien parlé de deux textes. Je lui repose donc ma question : peut-il soumettre à un vote séparé ces deux textes dont l'un est approuvé par toutes les organisations syndicales et l'autre unanimement condamné ? Le silence n'est pas d'or, Monsieur le ministre !

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Frédéric Dutoit - Le renvoi en commission est légitimé par l'intitulé même du projet de loi, qui tente, certes habilement, de confondre deux textes qui auraient amplement mérité un examen séparé.

Je ne comprends toujours pas l'entêtement du Gouvernement. A moins que le libellé officiel ne cache quelque arrière-pensée inavouable... à moins qu'il y ait tout simplement une attitude jusqu'au-boutiste et dogmatique, comme pour les retraites ou le régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle...

La « formation professionnelle tout au long de la vie » constitue une avancée sociale majeure, saluée par l'ensemble des grandes organisations syndicales, même si le projet de loi mérite de vraies discussions et de réelles améliorations. Pourquoi ne pas inviter les parlementaires à examiner et à se prononcer par un vote exclusivement sur ce grand dossier de la douzième législature ?

Le Gouvernement aurait dû présenter à la représentation nationale un projet consacré à la seule « formation professionnelle tout au long de la vie ». Les organisations syndicales sont unanimement opposées à votre projet relatif au dialogue social. Pourquoi ne pas prendre le temps d'un vrai dialogue social avant de légiférer précisément sur ce dialogue social ?

Enfin, pourquoi recourir à la procédure d'urgence là où la sagesse impose de prendre du recul ? Pourquoi tirer un trait en quelques jours sur des décennies de dialogue social ? Pourquoi cette précipitation, d'aussi brefs échanges en commission ? Pourquoi ce retour en arrière ?

Toutes les idées n'ont pas été exprimées, tous les points de vue n'ont pas été entendus. C'est un manque qu'il faut combler.

Le Gouvernement affirme transcrire l'accord interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux. En fait, il fonde son projet sur une lecture pour le moins orientée de cet accord, ce qui n'est pas honnête intellectuellement.

Le principe d'une « formation professionnelle tout au long de la vie », en faveur duquel les parlementaires communistes se sont prononcés il y a déjà belle lurette, représente un réel progrès pour le salarié et pour l'entreprise. Mais le projet manque d'ambition et suscite des inquiétudes comme me l'ont dit des syndicalistes de toutes sensibilités, et même des chefs d'entreprise qui m'ont confié retrouver les thèses les plus libérales du Medef.

On a un peu l'impression dans le texte qu'il s'agit seulement de faciliter l'adaptation des salariés à l'évolution de leur poste de travail. C'est certes indispensable, mais nettement insuffisant. Cela favorise une meilleure pérennité de l'emploi : ce qui est toujours bon à prendre dans cette France des licenciements. Mais, n'est-ce pas une vision restrictive de n'envisager la formation professionnelle que comme un facteur de rentabilité pour le chef d'entreprise, de compétitivité pour l'entreprise ? N'est-il pas dangereux de privilégier la formation des salariés en-dehors de leur temps de travail et en partie à leurs frais ?

Condorcet dirait : « En continuant l'instruction pendant toute la durée de la vie, on empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s'effacer promptement de la mémoire : on retiendra dans les esprits une activité utile. On pourra montrer enfin l'art de s'instruire par soi-même ». Par ses lacunes le projet est bien éloigné de ce message de bon sens ! La culture et l'ouverture à l'autre doivent être appréciées comme les éléments constitutifs de la formation de l'individu.

Je ne reviendrai pas ici sur tous les arguments avancés hier par M. Lefort. Je souhaite toutefois appeler à mon tour l'attention sur des préoccupations que je suppose partagées par bien des députés, par-delà les clivages politiques : devenir de la formation en alternance, suppression des contrats de qualification, abaissement à 15 % seulement de la durée totale du seuil de formation dans le contrat dit de professionnalisation. Du reste, la durée d'un contrat de ce type est en décalage flagrant avec les besoins en formation, et elle le situe aux antipodes d'une formation qualifiante ou diplômante. Enfin, il conviendra de veiller tout particulièrement à ce que l'apprentissage - qui est un enseignement initial - ne remplace par la formation continue.

M. le Rapporteur - C'est vrai !

M. Frédéric Dutoit - Je me réjouis de cette unanimité ! L'accord national interprofessionnel de septembre aurait du déboucher sur un projet de loi plus audacieux, plus prospectif, plus conforme aux visées généreuses des partenaires sociaux. En vertu de quel principe la législation française se place-t-elle délibérément en retrait ? Si l'assemblée n'adopte pas la motion de renvoi en commission, nous défendrons des amendements tendant à optimiser les chances de succès de la future loi.

J'aurais aimé m'en tenir au volet « formation professionnelle » de ce texte, lequel constitue une avancée sociale, certes très imparfaitement traduite. Mais le Gouvernement a voulu y adjoindre un volet « dialogue social ». Peut-être espère-t-il le faire accepter par ce subterfuge mais la ficelle est un peu grosse ! Avale des couleuvres qui veut ; pas nous, ni la grande majorité des salariés !

Je le répète, renvoyer le texte en commission serait un moindre mal. Monsieur le ministre, sans vouloir vous offenser, j'estime que les dispositions du projet consacrées au dialogue social sont iniques. C'est une mascarade ! Cela relève d'une parodie de la démocratie sociale !

Le Gouvernement prétend « respecter un accord conclu par les partenaires sociaux » et « relancer le dialogue social », en le transposant. Autrement dit, tout est déjà réglé avec les partenaires sociaux ; les députés n'ont plus qu'à valider un texte déjà finalisé. De qui se moque-t-on ? Des partenaires sociaux ? Des parlementaires ? J'ai surtout le sentiment que l'on se moque des Français et que l'on se fiche bien de leur avis !

Nous le savons bien : toutes les confédérations syndicales sont opposées à la version actuelle du projet. Même les moins critiques tirent la sonnette d'alarme contre un texte inféodé aux thèses du Medef. Pourquoi ne pas prendre le temps d'un nouveau tour de table ? Pourquoi se précipiter tout droit dans le mur du refus ?

Les syndicats de salariés, conformément à la position de l'immense majorité de leurs mandants, sont favorables au maintien du principe de faveur dans la négociation collective, alors qu'en vertu du projet gouvernemental, l'accord d'entreprise pourra déroger à l'accord de branche. C'est une incitation à la généralisation de l'accord dérogatoire et au détricotage de notre législation sociale ! Neuf salariés sur dix sont couverts par un accord de branche, lequel représente un plancher de droits en dessous duquel personne ne peut descendre. Même un accord d'entreprise ne peut déroger à ce principe fondamental de notre législation sociale. Même imparfait, le système actuel est un gage d'équité sociale. Faut-il voir dans votre proposition un nouvel avatar de votre conception de la décentralisation ? N'est-ce pas une incitation à revenir localement sur des acquis sociaux validés au plan national ?

Vous me direz : « les syndicats n'ont qu'à faire leur travail », mais c'est feindre d'ignorer combien il leur est difficile d'exercer leurs missions dans les PME !

Votre réforme va mettre en difficulté des millions de salariés, comment défendront-ils leurs droits, face à des chefs d'entreprises tentés de négocier sur place des accords dérogatoires, à l'abri du regard des organisations syndicales mais sous le couvert de la loi ?

Par sa démarche, le Gouvernement ne tend-il pas à encourager la non-syndicalisation des salariés, dans un pays où le taux de syndicalisation est déjà extrêmement faible ? n'est-ce pas une manière de favoriser le face à face individuel entre le salarié et le chef d'entreprise, notamment dans les petites entreprises où ne sont souvent présents que des « syndicats maison » n'ayant pas pour vocation première de défendre les salariés ?

Dangereux pour le dialogue social, votre texte prive la négociation collective d'une large part de sa raison d'être. A quoi bon négocier un accord de branche si un accord d'entreprise peut le modifier dans un sens moins avantageux pour les salariés ? Même s'il est rédigé en termes choisis, l'exposé des motifs du projet de loi ne laisse place à aucun doute : « sans remettre en cause le principe de faveur entre les différents niveaux de négociation, ni les prescriptions impératives du code du travail, le projet vise à instituer de nouvelles marges d'autonomie dans les rapports entre les accords d'entreprise et les accords de branche ou interprofessionnels ».

Soyons lucides : si nous adoptons ce texte en l'état, la négociation collective peut devenir un instrument de régression sociale et le socle des droits sociaux fondant le statut du salarié sera négociable à la baisse au sein de l'entreprise.

Le Gouvernement parle volontiers de principe majoritaire dans la négociation collective. Cependant, en guise d'avancée, il le dépouille de son sens. Ainsi il privilégie le droit d'opposition dans les négociations interprofessionnelles et de branche, tout en encourageant l'attente syndicale, l'hypocrisie et la paralysie puisqu'une majorité d'organisations syndicales pourra toujours s'opposer à un accord signé par un ou deux syndicats représentant plus de la moitié des salariés.

Même si trois centrales syndicales sur les cinq jugées représentatives ne partagent pas mon point de vue, je persiste à considérer comme inadmissible le fait qu'un accord signé par des partenaires sociaux minoritaires puissent engager toute une profession, voire l'ensemble du monde du travail ! Notre groupe a d'ailleurs déposé une proposition de loi pour y remédier.

M. Maxime Gremetz - Tout à fait !

M. Frédéric Dutoit - Accorder aux organisations syndicales non représentatives de telles prérogatives, c'est faire obstacle à une véritable modernisation de la démocratie sociale. La minorité ne doit plus pouvoir décider de tout, pour tous ! Plutôt que de légiférer dans l'urgence et de manière inappropriée sur des sujets relativement mineurs, c'est toute la négociation collective qu'il convient de requalifier.

L'empressement du Gouvernement cache peut-être un « deal » avec le Medef, sur le dos des salariés, bien sûr !

Comme nous l'avons dit à la presse, Maxime Gremetz et moi-même, il y a quelques semaines, le Premier ministre serait bien inspiré de ne conserver que la partie « formation professionnelle » du projet et de ne présenter un texte relatif à la démocratie sociale qu'après une vraie concertation et un débat contradictoire.

Il faut en prendre le temps. Discourir ou discuter, ce n'est pas négocier. Même s'il y a des lacunes évidentes dans le dialogue social en France, il est urgent de ne rien précipiter.

Le projet de loi soulève plus de problèmes qu'il n'en résout. Par exemple, la CFE-CGC a déjà annoncé qu'elle ne signerait aucun accord de branche sous ce régime.

M. le Ministre - Ce sont des bolcheviks ! (Sourires)

M. Frédéric Dutoit - Ne vaudrait-il pas mieux cesser de jeter de l'huile sur le feu et revoir une décision très mal acceptée par l'opinion et qui risque d'avoir des conséquences dramatiques pour des millions de salariés ?

Il est essentiel d'écouter les avis et les idées formulées par les partenaires sociaux et les salariés, dans l'intérêt de tous. J'estime qu'une bonne négociation profite à la fois aux salariés, à l'activité des entreprises et à la croissance du pays.

Les députés communistes et républicains n'acceptent pas qu'à la veille de Noël on brade à nouveau des acquis sociaux majeurs, à travers un changement de la hiérarchie des normes. Même si l'actualité occulte un peu ce débat, il relève d'un vrai choix de société. Je m'élève solennellement contre ce recul de cinquante ans. Il ne peut y avoir autant de règles que d'entreprises.

En même temps, je pense qu'il serait judicieux de mettre à profit un nouveau délai de réflexion pour dépoussiérer quelques fonds de tiroir et actualiser des éléments majeurs du dialogue social.

Par exemple, la faible syndicalisation des salariés ne doit pas les empêcher de pouvoir exprimer leurs préférences syndicales : je m'associe à l'idée d'élections professionnelles ayant lieu le même jour sur tous les lieux de travail. Je n'oublie pas qu'un salarié sur deux n'a ni délégué du personnel ni comité d'entreprise.

Dans ma circonscription, les quartiers nord de Marseille, les entreprises industrielles traditionnelles ont disparu et elles sont remplacées, grâce à certains dispositifs comme les zones franches et surtout grâce à notre mobilisation et à celle des partenaires sociaux, par de très nombreuses nouvelles entreprises, totalisant un nombre important de salariés. Même si je suis hostile au principe des zones franches, je me félicite que le chômage diminue dans ces quartiers. Les nouveaux salariés n'ont pas toujours la possibilité de se faire représenter, comme c'est le cas dans les grandes entreprises. Il faut réfléchir à des dispositions qui leur permettront de s'exprimer et d'indiquer leurs choix sur les questions concernant l'entreprise et la profession ainsi que sur les sujets interprofessionnels. Pourquoi ne pas les autoriser à participer à des élections professionnelles ? Cela donnerait une bonne idée de la représentativité réelle de chaque syndicat et ce serait une mesure d'équité pour les salariés des PME.

Il n'y a pas de solution toute faite, écrite d'avance. Mais il faut affirmer publiquement notre ambition politique de rendre la parole aux salariés-citoyens et de placer les relations sociales sous leur contrôle. Le 21 avril et d'autres évolutions actuelles traduisent leur forte aspiration à participer aux choix qui les concernent et à trouver de nouvelles formes de démocratie sociale. Le sujet mérite donc de ne pas être bâclé, mais discuté largement, de l'entreprise à l'Assemblée nationale.

J'estime par ailleurs que la négociation collective ne peut plus se fonder uniquement sur des décisions administratives remontant à plusieurs décennies, à l'instar de la reconnaissance, en 1966, des cinq organisations syndicales « les plus représentatives ». Ils serait logique d'actualiser cette représentativité par une meilleure connaissance du poids électoral de chacune d'elles. Ne serait-il pas normal de reconnaître pleinement des organisations qui n'existaient pas toutes à l'époque, mais sont très actives dans la France d'aujourd'hui ?

Si les organisations syndicales doivent demeurer les pivots et les garants du dialogue social, une réflexion s'impose sur les meilleures formes d'expression et de regroupement des salariés, à travers, notamment, des structures qu'ils jugent plus souples que les syndicats traditionnels.

Cette réflexion ne peut se satisfaire d'une brève discussion parlementaire qui, de surcroît, mélange deux dossiers. Il y a là des chantiers importants et ils ne sont pas derrière nous, mais devant nous, Monsieur le ministre. Pourquoi décréter l'urgence chaque fois qu'il y a problème ? A la veille de Noël et alors qu'il y a beaucoup d'autres sujets d'actualité ? Si vous êtes un homme de dialogue, donnez à la représentation nationale le temps de dialoguer aussi pour améliorer les textes proposés.

Le renvoi en commission serait une position de sagesse et je ne doute pas que l'Assemblée nationale le votera, d'autant qu'il serait l'occasion de satisfaire notre demande de voter séparément sur deux textes bien distincts (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - Très bien.

M. le Rapporteur - L'intervention de M. Dutoit était certes élégante et courtoise, mais je n'y ai rien trouvé qui justifie le renvoi en commission.

La commission a tenu quatre réunions et produit un rapport étayé, dont M. Vidalies nous a d'ailleurs lu quelques passages. Elle a examiné près de trois cents amendements et en a adopté une centaine. Elle a entendu des juristes, l'ensemble des organisations de salariés, y compris celles qui ne sont pas représentatives au niveau national, et l'ensemble des organisations patronales. Le temps de la concertation a donc eu lieu. Le temps de la décision est maintenant venu. Je ne suis donc pas favorable au renvoi en commission.

M. Jean-Yves Hugon - Vous ne serez pas surpris, Monsieur Dutoit, que vos arguments ne m'aient pas convaincu... Comme le rapporteur vient de le dire, le travail en commission a été particulièrement riche et a permis d'adopter de très nombreux amendements.

Monsieur le ministre, je devais prendre la parole dans la discussion générale sur le volet « apprentissage » de ce projet, mais un retard de train m'en a empêché. J'aurais voulu saluer les souplesses que vous introduisez dans ce domaine : dérogations concernant l'âge d'entrée en apprentissage, retour à huit heures - et non plus sept - de la durée journalière de travail des apprentis, assouplissement de la règle relative à la date de conclusion des contrats d'apprentissage.

Nos collègues de l'opposition auront la possibilité de défendre largement leurs positions à l'occasion de la discussion des articles. Le groupe UMP votera contre le renvoi en commission.

M. Alain Vidalies - Monsieur le ministre, vous nous avez dit que nous n'avions rien fait et que vous étiez en train de mettre la France en mouvement. De fait, vous avez suspendu les dispositions protectrices que nous avons prises dans la loi de modernisation sociale, vous avez remis en cause les 35 heures, vous avez imaginé le RMA et vous voulez bouleverser le code du travail. Il y a bien mouvement, mais en marche arrière...

Quant au renvoi en commission, a-t-il jamais été plus justifié ? Pourquoi passer à la discussion des articles alors que vous-même, Monsieur le rapporteur, vous vous interrogez dans votre rapport sur la rédaction du projet, en indiquant qu'« il convient de procéder à la réécriture » d'un article très important ? J'attends toujours de vous les explications que j'ai demandées hier en défendant l'exception d'irrecevabilité... Le ministre nous a répondu qu'il ne s'agissait que d'une question de forme. Peut-être, mais allons la régler en commission !

M. Christian Paul - Très bien.

M. Maxime Gremetz - Cette motion de renvoi en commission était très bien argumentée. Ce n'est pas le travail de la commission qui est en cause, mais le projet lui-même, qui est à réécrire. Comme me disait toujours mon frangin maçon, on ne peut pas construire une belle et solide maison si les fondations ne sont pas bonnes !

Le Gouvernement annonce dans de formidables déclamations que nous engageons une grande réforme du dialogue social. Mais qu'il songe à l'image qu'il donne, quand le projet soumis au Conseil des ministres n'est pas celui qui a été soumis aux organisations syndicales, auxquelles on ne demande pas leur avis sur les derniers arbitrages ! Beau dialogue ! Et de fait, toutes les organisations syndicales se disent opposées à ce texte. Le Gouvernement veut néanmoins le faire passer en force, avec l'aide d'une majorité à sa botte. Si elle souhaitait vraiment le dialogue social, elle voterait le renvoi en commission, qui permettrait de réécrire ce texte et d'auditionner les organisations syndicales.

Elles ont déjà été auditionnées, me direz-vous. Mais elles ont dit qu'elles n'étaient pas d'accord ! Avec vous, c'est « cause toujours, je n'en fais qu'à ma tête ! ».

Je vais demander un scrutin public ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et si vous persistez dans cette attitude, j'en demanderai un sur chaque article... (Même mouvement). Ce n'est pas une menace : simplement, il faut que chacun prenne ses responsabilités.

Mme la Présidente - Je suis donc saisie par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur la motion de renvoi en commission.

M. Pierre Morange - J'informe l'Assemblée que la commission des affaires sociales se réunira à 14 heures 45 pour examiner, en application de l'article 91 du Règlement, les amendements au présent projet.

A la majorité de 30 voix contre 10 sur 40 votants et 40 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. Maxime Gremetz - M. le ministre n'a pas répondu à Mme Billard - je veux croire que ce n'est pas parce qu'elle est une femme ! - et n'a pas davantage daigné répondre à notre motion. D'autre part, nous ignorons toujours si nous allons ou non avoir un vote par division. Si le Gouvernement et la majorité pensent qu'ils vont ainsi accélérer la discussion, ils se trompent lourdement ! Je ne souhaite certes pas faire traîner les choses, mais je sais comment obliger à nous répondre et je ne laisserai pas traiter la représentation nationale par le mépris.

Je demande une suspension de séance.

Mme la Présidente - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 12 heures 25.

M. le Rapporteur - Monsieur Vidalies, depuis hier soir et à juste titre d'ailleurs, vous ne cessez de faire référence au rapport. Le Gouvernement a évidemment lu ce rapport et la preuve en est que nous examinerons tout à l'heure, en commission, un amendement qui en est inspiré. Vous voyez donc que les rapports sont utiles !

M. Christian Paul - En l'occurrence, les observations de M. Vidalies l'étaient au moins autant.

M. le Rapporteur - Monsieur Gremetz, j'ai entendu l'ensemble des partenaires sociaux, y compris des syndicats non représentatifs : tous ne se sont pas montrés totalement hostiles au projet. Ils ont simplement présenté, comme il est normal, leurs observations, suggestions et critiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - Il est bon que vous ayez entendu toutes ces organisations, mais il peut y avoir plus qu'une nuance entre ce qui s'est dit au cours de ces auditions et les analyses qu'ont produites les directions des confédérations. J'ai cité hier des jugements qui étaient autant de condamnations d'un projet dont elles estiment notamment que, de façon détournée, il remet en cause le principe de faveur. En vertu de celui-ci, l'accord le plus favorable aux salariés doit prévaloir.

Ce n'est pas un principe de faveur, du reste, c'est une règle du droit du travail.

Mme la Présidente - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement et j'annonce que les articles 51 et 52 ont été retirés par le Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Christian Paul - Je présenterai ensemble les amendements 246 et 247 rectifié.

L'amendement 246 tend à rédiger ainsi l'intitulé du titre premier : « De la formation tout au long de la vie professionnelle », car la formation tout au long de la vie ne se limite pas à la vie professionnelle.

Quant à l'amendement 247 rectifié, il tend à rédiger ainsi la fin de l'article premier : « formation tout au long de la vie dans le cadre de l'éducation permanente et de la formation professionnelle continue ». Nous vous proposons ainsi de ne pas effacer du code du travail la notion d'éducation permanente.

M. le Rapporteur - Nous ne visons en l'espèce que la formation professionnelle, et la formule « tout au long de la vie » est celle retenue au niveau européen.

Avis défavorable à l'amendement 246.

Quant à l'amendement 247 rectifié, il n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis personnellement défavorable.

M. le Ministre - Je suis défavorable aux deux amendements.

Tout d'abord le texte comporte quelques dispositions relatives à la formation initiale - en particulier à l'apprentissage. Ensuite, nous avons repris l'expression « formation tout au long de la vie » qui est celle utilisée dans tous les textes européens.

L'amendement 246, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Frédéric Dutoit - Le terme « formation professionnelle continue » vise la formation des adultes, comme celle des jeunes. Elle regroupe tous les dispositifs de formation qui s'adressent au public sorti du système scolaire, par opposition à la formation initiale qui repose sur le système éducatif, public et privé.

Déjà en 1791, le rapport Condorcet, sur l'instruction publique, évoquait une instruction qui se prolongerait tout au long de la vie.

Deux siècles plus tard, ce discours étonnamment moderne se prolongera par les débats sur l'éducation permanente ou la formation tout au long de la vie.

La construction de notre système de formation professionnelle continue s'inscrit ainsi dans une longue tradition, et se fonde sur un contrat social de base, héritage du siècle des lumières, qui lie développement des personnes, progrès techniques, et développement économique. Nous espérons que ces trois dimensions guideront l'ensemble de nos débats.

L'amendement 247 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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