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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 62ème jour de séance, 158ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 11 FÉVRIER 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PROCÉDURE PÉNALE 2

REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ 3

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 3

RÉUNION DU G 7 4

HOSPITALISATION À DOMICILE 5

EXTENSION DE L'ESPACE MARITIME FRANÇAIS 5

LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ 6

PAJE ET API 7

COUVERTURE DES ZONES RURALES
PAR LA TÉLÉPHONIE MOBILE 7

GRÈVE À RADIO FRANCE 8

PÊCHE À L'ANGUILLE 9

ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE 9

ÉLOGE FUNÈBRE DE MARCEL CABIDDU 10

ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ (CMP)
-suite- 12

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES
ET SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE (suite) 18

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 24

ART. 2 28

ART. 3 29

ART. 4 30

ART. 6 30

ART. 7 32

CONSTITUTION D'UNE CMP 33

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PROCÉDURE PÉNALE

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Monsieur le ministre de la justice, toutes les organisations d'avocats et de magistrats dénoncent votre projet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui est une revanche sur la loi relative à la présomption d'innocence, pourtant votée à l'unanimité en 2000.

Vous instaurez des procédures d'exception, en principe réservées à la grande criminalité, mais si d'aventure elles sont utilisées à tort pour d'autres délits « commis en bande organisée » - notion des plus floues -, elles ne seront pas frappées de nullité. Ces procédures renforcent les pouvoirs de la police et du parquet, au détriment des libertés et des droits de la défense ; elles autorisent la prolongation de la garde à vue jusqu'à quatre jours (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), les perquisitions de nuit et l'installation de micros et caméras au domicile des suspects.

L'application de telles procédures à des délits ordinaires serait disproportionnée et donc contraire à la convention européenne des droits de l'homme, qui a une force supérieure à celle des lois nationales. La procédure du « plaider coupable » est contraire à la Constitution car elle supprime l'audience publique contradictoire. Confier au procureur le droit de juger est contraire à un principe fondamental, rappelé par le Conseil constitutionnel le 5 février 1995, celui de la séparation entre les autorités chargées des poursuites et celles appelées à juger ; contraire aussi au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs car les procureurs sont placés sous l'autorité hiérarchique du ministre de la justice.

Si ce texte est voté en l'état, nous saisirons immédiatement le Conseil constitutionnel (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ecoutez la voix des avocats et magistrats (Mêmes mouvements) et retirez ce projet dans lequel la France des droits de l'homme ne peut se reconnaître (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je comprends que vous soyez hostile à un projet présenté par le Gouvernement et approuvé par la majorité de cette assemblée. Mais pourquoi utilisez-vous des arguments faux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Vous dites que la criminalité organisée est un concept flou : c'est faux. Elle correspond à une liste précise de crimes et délits, accomplis en « bande organisée », notion définie depuis longtemps par le code pénal, vous le savez bien.

Vous affirmez que ces procédures pourront s'appliquer à la délinquance ordinaire : c'est faux. Chaque moyen d'enquête exceptionnel sera soumis au contrôle du juge du siège : pourquoi enfreindrait-il la loi systématiquement ?

Le Garde des Sceaux, par ailleurs, n'interviendra nullement dans la procédure, vous le savez très bien aussi.

Quant au « plaider coupable », vous en faites une description erronée. L'avocat sera obligatoirement présent (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je rappelle que les objectifs de ce projet sont, d'une part, de nous donner les moyens de lutter contre cette criminalité organisée qui est de plus en plus dangereuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) - ce qu'apparemment vous ne voulez pas (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) - et, d'autre part, de permettre aux Français l'accès à la justice dans des conditions décentes : actuellement les procédures correctionnelles sont une caricature de justice et le « plaider coupable » sera une harmonisation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Une dernière remarque : je vous ai peu vu en séance, Monsieur le député, pendant les trois lectures du texte (Huées sur les bancs du groupe UMP). Et pourquoi n'y avait-il que trois députés socialistes lors de la troisième ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

M. Rodolphe Thomas - La loi portant décentralisation du RMI et création du RMA a été publiée au Journal officiel du 19 décembre 2003. Le groupe UDF avait demandé le report de son entrée en vigueur au 1er juillet, mais vous ne nous avez pas suivis. Or les décrets d'application n'ont toujours pas paru et certains conseils généraux se disent réticents à mettre en _uvre cette loi en période préélectorale.

Le succès du RMA dépend largement de l'engagement des conseils généraux en faveur de l'insertion. Nous sommes tous sollicités par les entreprises, les associations et surtout par tous ceux qui voudraient bénéficier du nouveau dispositif.

Où en est l'élaboration du décret d'application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Fillon, retenu au Sénat.

L'objectif du nouveau dispositif est de faciliter la transition entre revenu d'assistance et insertion professionnelle. Depuis le 1er janvier, les départements ont la pleine responsabilité de la gestion du RMI et le Gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour qu'il n'y ait aucune rupture de droits pour les bénéficiaires.

Les décrets d'application sont prêts et soumis au Conseil d'Etat...

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Ils vont paraître très prochainement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

D'ores et déjà, un certain nombre de départements se sont mobilisés pour que la mise en place du RMA se déroule dans les meilleures conditions et permette à ceux qui sont actuellement exclus du marché du travail de retrouver le chemin de l'emploi (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Jacques Desallangre - Monsieur le ministre de la santé, quand vous et votre majorité prétendiez sauver les retraites, c'était pour les réduire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Quand vous prétendiez sauvegarder les services publics, c'était pour préparer leur privatisation ! Quand vous prétendez renforcer le droit du travail, c'est pour instaurer la précarité ! Quand vous prétendez favoriser le dialogue social, c'est pour supprimer les 35 heures tout en conservant la flexibilité et la modération salariale ! Quand vous prétendez relancer l'économie par l'emploi, vous ignorez les délocalisations et les plans sociaux ! Et quand vous prétendez baisser les impôts, c'est pour alléger ceux des plus riches ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Aujourd'hui les déficits abyssaux de l'Etat et de la sécurité sociale vous servent d'alibi pour ponctionner à nouveau les salariés en augmentant la CSG et en diminuant les remboursements de médicaments. Vous laissez progresser la gangrène pour justifier l'amputation ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous comprendrez que nous ne sommes pas enclins à vous témoigner une confiance aveugle ni à nous faire hara-kiri en vous laissant réformer l'assurance maladie par ordonnances - car, en dépit de la majorité écrasante dont vous disposez, le débat vous fait peur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Déjà 14 % des citoyens et 30 % des chômeurs renoncent à se faire soigner pour des raisons financières, telle est la réalité ! (Mêmes mouvements) La sécurité sociale fait partie du pacte social : alors osez le débat de fond  sur le droit aux soins pour tous, sur le nécessaire élargissement de l'assiette de financement.

Allez-vous sacrifier la sécurité sociale en catimini, ou oserez-vous le faire en plein jour, aux yeux du peuple qui pourra vous juger ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Si nous avions la même politique, cela se saurait ! Alors je vous épargnerai la litanie de nos points de désaccord, pour m'en tenir à la seule sécurité sociale...

Elle a été fondée en 1945 dans un bel élan d'unanimité. Aujourd'hui le sujet mérite d'être abordé dans le même esprit de consensus. C'est pourquoi une première phase de diagnostic partagé a été engagée - certains d'entre vous y ont participé assidûment - et elle a abouti à un constat commun.

Nous allons maintenant, pendant trois mois, engager la concertation sur les mesures à prendre. Je recevrai chacune des cinquante-sept délégations impliquées dans le système de santé et un premier test d'orientation sera proposé à la négociation au mois d'avril. Puis le Gouvernement prendra ses responsabilités. Nous aurons à débattre des problèmes de structures, éventuellement d'une loi organique, puis de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Nous ne pouvons envisager une telle réforme sans que chacun y apporte sa contribution (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Jacques Desallangre - Et sans ordonnances ?

RÉUNION DU G 7

M. Louis Giscard d'Estaing - Monsieur le ministre de l'économie, lors de la réunion du G 7 le week-end dernier, vous avez estimé que l'économie mondiale allait mieux, mais constaté que la reprise qui s'amorçait était inégale selon les pays et risquait d'être mise en péril par des mouvements de change brutaux. Le communiqué final de cette réunion indique notamment qu'« une volatilité excessive et des mouvements désordonnés des taux de change ne sont pas souhaitables ». Dans son précédent communiqué, le G7 avait appelé à plus de souplesse sur les devises, ce qui avait été interprété comme un feu vert à la baisse du dollar, alors que ce n'était pas l'idée directrice que la France avait voulu impulser.

Quel est le bilan de cette réunion, et qu'en attendez-vous pour l'évolution des changes et de la croissance mondiale ? En particulier, pensez-vous que le France bénéficiera des retombées de la croissance forte constatée notamment aux Etats-Unis ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La réunion de Floride s'est mieux passée que ce qu'on pouvait craindre. C'est que les Européens, avec la BCE, avaient réussi à définir entre eux les éléments qu'il leur paraissait nécessaire de rappeler concernant la volatilité des monnaies. Et ces éléments ont été repris par le G7, ce qui est positif. En outre, M. John Snow a bien précisé que les Etats-Unis menaient une politique budgétaire responsable, d'une part, en stabilisant les dépenses, d'autre part, en diminuant le déficit de 0,5 à 0,6 point par an - ce qui correspond à ce que nous faisons en Europe.

La reprise est là (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Nous allons en bénéficier et en avons déjà bénéficié - les résultats du quatrième trimestre qui seront communiqués incessamment vous surprendront agréablement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Les comptes du commerce extérieur sont également favorables. Notre stratégie économique pour 2004 et 2005 est de nature à accélérer le redressement, y compris en ce qui concerne l'emploi.

S'agissant des changes, le marché a compris que nous souhaitons que la totalité des zones économiques participent aux efforts pour rééquilibrer les flux commerciaux (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

HOSPITALISATION À DOMICILE

M. Yves Bur - L'hospitalisation à domicile renforce les relations entre l'hôpital et les médecins de ville et, surtout, répond à une demande croissante. Elle peut écourter, voire éviter les séjours en établissement et il faut la promouvoir car elle est peu répandue, plutôt méconnue et inégalement répartie sur le territoire. Pour ce faire, il faut planifier l'offre de façon moins contraignante et instaurer une tarification plus incitative, qui tienne compte de la lourdeur de la prise en charge et du degré de dépendance des patients. Quels moyens entendez-vous mobiliser à cet effet ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - L'hospitalisation à domicile peut effectivement raccourcir ou éviter les séjours en établissement et permet de combiner humanisme et technicité. Malheureusement elle est, comme vous l'avez dit, trop peu et trop inégalement répandue. Le Gouvernement a donc décidé de lancer un plan ambitieux pour porter le nombre de places de 4 700 à 8 000 d'ici 2005. L'ordonnance de simplification sanitaire du 4 septembre dernier permet désormais d'ouvrir un lit d'hospitalisation à domicile sans fermeture de lit hospitalier en contrepartie, et il n'y a plus de limitation de la carte sanitaire. Nous accompagnerons ces créations sur le plan financier, avec 66 millions pour 1 200 places dans le public et 50 millions pour 1 600 places dans le privé d'ici fin 2005. La tarification à l'activité permettra, en outre, de tenir compte de la lourdeur de la charge et du niveau de dépendance. Enfin, j'ai signé la semaine dernière une circulaire qui fournit aux ARH un guide pour organiser les schémas de l'hospitalisation à domicile. Celle-ci va donc se développer ; nous l'attendons tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXTENSION DE L'ESPACE MARITIME FRANÇAIS

M. Gérard Grignon - La zone économique exclusive de la France métropolitaine est de 400 000 km2. Avec l'outre-mer, elle passe à 10 millions de km2, ce qui en fait la deuxième du monde, et nous confère des droits souverains pour l'exploitation du sous-sol marin. En outre, la convention de l'ONU sur le droit de la mer permet aux pays côtiers d'étendre leur juridiction sur le plateau continental, de sorte que la France pourrait étendre la sienne sur un million de km2 supplémentaires. Pour demander une telle extension au-delà de la limite des 200 milles, qui présente un intérêt économique et stratégique indéniable, il faut cependant procéder à des études et soumettre un dossier à la commission compétente de l'ONU.

Il est nécessaire de préserver nos intérêts, en particulier à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Canada, qui vient de ratifier la convention de Montego Bay, a constitué l'essentiel de son dossier de demande d'extension. Le Gouvernement est-il décidé à faire de même dans les plus brefs délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Les chiffres sont éloquents : l'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon en particulier sont pour nous une chance et non une charge. La convention des Nations unies sur le droit de la mer nous permet effectivement de revendiquer des droits sur une zone qui peut aller jusqu'à 350 milles au large de nos côtes. Le dossier doit être déposé pour mai 2009 au plus tard, et nous y travaillons déjà. Le Premier ministre a constitué un groupe de travail interministériel pour préparer les études techniques et nous avons programmé un certain nombre de relevés au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mais il nous faut régler un problème spécifique à l'archipel. Un tribunal arbitral a en effet délimité, en 1992, une zone économique française enclavée dans celle du Canada, et notre plateau continental est lui aussi enclavé. Nous aurons donc, le moment venu, à ouvrir des discussions avec le Canada. Nous y défendrons avec une détermination sans faille les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon, car ce sont les intérêts de la France en Amérique du Nord. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Mme Danièle Hoffman-Rispal - La pauvreté recommence à se développer dans notre pays (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Un demi-siècle après son appel du 1er février 1954, l'abbé Pierre a jugé nécessaire de lancer un nouveau cri d'alarme. Vous n'aurez pas l'indécence de mettre en cause, comme vous le faites si souvent, le gouvernement précédent (« Si ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). Alors qu'en 2000 et 2001, le nombre de bénéficiaires du RMI avait reculé, aujourd'hui les responsables des « Restos du c_ur », partout en France, sont très inquiets car leur fréquentation s'est accrue de 10 %.

Cette situation est le fruit de la politique menée depuis deux ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui fait payer aux plus fragiles la dégradation de la situation économique et le déficit budgétaire : restrictions de l'ASS pour les chômeurs en fin de droits, modification du régime des intermittents du spectacle, transfert improvisé du RMI vers les départements, diminution des allocations versées aux mères isolées... Dans un contexte d'accroissement rapide du chômage, toutes ces mesures ont des effets désastreux.

Hier pourtant, Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé, peut-être à des fins électorales (Protestations sur les bancs du groupe UMP), près de 2 milliards de dépenses supplémentaires non budgétées pour certaines catégories socioprofessionnelles. Que devient la solidarité nationale ? Allez-vous poursuivre dans cette voie, ou prendre conscience de la dureté de votre politique pour les plus pauvres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion - Oui, la précarité a augmenté ces dernières années, pendant que vous étiez aux commandes de l'Etat (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). Alors que la croissance était là, vous n'avez pas pris les mesures nécessaires (Mêmes mouvements).

Parmi toutes les questions que vous avez laissées à l'abandon (Mêmes mouvements), je citerai : le droit d'asile, que vous n'avez pas réformé, mettant ainsi les demandeurs dans l'impasse (Mêmes mouvements) ; les violences conjugales, le surendettement (Mêmes mouvements) ; la crise du logement, les sans-abri (Mêmes mouvements).

Le Gouvernement s'emploie avec détermination à y apporter des réponses concrètes (Mêmes mouvements) : procédure de rétablissement personnel, votée à l'initiative de Jean-Louis Borloo, renforcement du dispositif d'urgence sociale - qui a fait l'objet d'un réajustement budgétaire de 15 % en 2003 alors que vous aviez laissé exsangues les associations de lutte contre l'exclusion (Mêmes mouvements) ; réforme du droit d'asile, que vous n'aviez pas osé faire (Mêmes mouvements) ; engagement pris par Gilles de Robien de financer 80 000 logements sociaux, loi « Habitat pour tous » et débat national sur le logement (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Je suis en train d'évaluer la loi de lutte contre les exclusions que vous avez votée ; c'est une bonne loi, mais vous ne l'avez pas fait appliquer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En juin, nous tiendrons une conférence nationale de lutte contre les exclusions (Mêmes mouvements) avec l'ensemble des associations et des partenaires sociaux. Et nous tiendrons aussi un comité interministériel de lutte contre les exclusions : vous n'avez pas osé le faire et nous le ferons (Mêmes mouvements) car il ne suffit pas de voter des lois, il faut encore les appliquer ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

PAJE ET API

M. Jean-Marc Roubaud - La prestation d'accueil du jeune enfant, mise en place depuis le 1er janvier dernier, fait bénéficier les familles d'un milliard d'euros supplémentaire, simplifie leurs tâches administratives - puisqu'elle regroupe six anciennes prestations - et facilite la garde des enfants - en se combinant avec une augmentation du nombre de places en crèche et avec la reconnaissance aux assistantes maternelles d'un statut véritable.

En revanche, la PAJE n'est pas compatible avec l'allocation de parent isolé. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation, Monsieur le ministre délégué à la famille ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Aucune famille ne sera perdante, même si une mauvaise polémique a été lancée sur ce sujet (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Les bénéficiaires de l'allocation de parent isolé pourront bien entendu cumuler celle-ci avec la prime à la naissance de 800 € et les trois premiers versements de la PAJE. Ceux d'entre eux qui font appel à une assistante maternelle auront, grâce à la PAJE, 150 € par mois de plus que précédemment, pendant trois ans (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Pour les familles qui ont un revenu proche du SMIC, le coût d'une assistante maternelle représentait précédemment environ 30 % du salaire ; il est ramené à 10-12 % (Mêmes mouvements).

Bref, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, il y a ceux qui vocifèrent mais qui pendant cinq ans n'ont rien fait (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) et il y a ceux qui agissent. Les Français sauront faire la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

COUVERTURE DES ZONES RURALES PAR LA TÉLÉPHONIE MOBILE

M. Alain Cousin - En juillet 2001, à l'occasion d'un CIADT, le gouvernement précédent avait prévu de couvrir l'ensemble des « zones blanches » de téléphonie mobile, mais le cadre juridique était défaillant et les mesures concrètes n'ont pas suivi. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a rompu avec cette politique d'affichage (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, vous avez inauguré la semaine dernière le premier pylône en « itinérance locale », dans le cadre du plan gouvernemental sur la téléphonie mobile. L'itinérance locale présente en effet un double atout : accessibilité pour tous, utilisation optimale des financements publics. Pouvez-vous nous détailler les conclusions du comité de pilotage sur la téléphonie mobile que vous avez présidé jeudi dernier, et nous préciser comment ce projet d'itinérance locale a été accueilli ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Plus de 700 000 personnes n'ont pas accès à la téléphonie mobile, près de 3 000 communes ne sont pas couvertes. Notre objectif est d'assurer cette couverture d'ici à 2007. Qu'avons-nous fait ?

CIADT de décembre 2002 : 44 millions de soutien aux collectivités locales. 15 juillet : convention permettant aux trois opérateurs de se mettre d'accord sur un plan d'action. 28 juillet : obtention auprès de la Commission européenne de fonds européens. 3 septembre : les investissements des collectivités locales sont rendus éligibles à la récupération de la TVA. 10 octobre : l'utilisation des sites TDF est rendue possible. Avec Nicole Fontaine et Patrick Devedjian, nous sécurisons l'intervention juridique des collectivités locales et donnons aux trois opérateurs la possibilité d'utiliser l'itinérance locale.

Décider, c'est bien ; vérifier, c'est mieux. Quel est donc le bilan ?

71 conseils généraux ont décidé d'assumer la maîtrise d'ouvrage (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ; 48 ont délibéré. Des travaux sont lancés sur les 1 250 sites, dont 40 sont sur le point d'être aménagés ; les opérateurs ont indiqué qu'à la fin du premier semestre 2005, la totalité de cette phase serait réalisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

GRÈVE À RADIO FRANCE

M. Michel Françaix - Monsieur le ministre de la culture et de la communication, je compte sur vous pour ne pas répondre, comme certains de vos collègues, que tout est de la faute de vos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Y a-t-il une fatalité de l'enlisement pour tous les dossiers que vous approchez ? Impasse sur le dossier des intermittents du spectacle, à laquelle s'ajoutent des vilenies concernant les jeunes femmes enceintes, qu'on voudrait priver de tout statut (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Situation folle à France 2, où la course à l'échalote derrière TF 1, au mépris des règles du service public, nous a fait vivre un suspense insoutenable sur l'avenir d'Olivier Mazerolle, après le suspense sur celui d'Alain Juppé - ce n'est pas toujours celui que l'on croit qui démissionne... (Rires) Surtout, grève à Radio France, rejointe par RFI, la plus longue de notre histoire.

France Inter et France Info sont plébiscitées, et vous les abandonnez dans une stratégie de pourrissement. Dommage que M. Sarkozy ne soit pas le ministre de tutelle : lui, il dirait que « la performance vaut récompense ! » (Sourires)

Tout n'est peut-être pas de votre faute, car vous appartenez à un gouvernement qui veut la panne du service public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Prolongerez-vous l'idylle avec TF 1 au point de rendre incontournable la privatisation de France 2, de même que l'abandon du patrimoine que représentent les radios publiques ? Est-ce, après Malraux, après Lang, votre façon de défendre l'exception française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - La fresque qui vient d'être déroulée n'est guère vraisemblable. A dire vrai, elle s'écarte dangereusement de celle dans laquelle Raphaël a dépeint l'Ecole d'Athènes, où les pythagoriciens proclamaient le pouvoir de la raison, ce raisonnement sain auquel l'amalgame est contraire. Qu'avez-vous fait, Monsieur Françaix, sinon regrouper des phénomènes isolés pour tenter de faire croire qu'ils seraient liés ?

A France 2 se posait un problème de responsabilité éditoriale, et l'on constate que le président et le directeur de l'information en ont tiré les conséquences. Il ne m'appartenait pas de m'ingérer dans ce dossier ; l'eussé-je fait que vous m'auriez accusé d'avoir rétabli le ministère de l'information ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

S'agissant de Radio France, je vous ai déjà dit l'attachement du Gouvernement au service public de radio et télévision (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), attachement que nous avons démontré, et que je confirme. J'oppose donc le démenti le plus catégorique à la fable du démantèlement et de la privatisation de Radio France et de FranceTélévisions : c'est faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

En revanche, je tiens à réaffirmer mon soutien aux directeurs des services de l'audiovisuel public, dont il n'est pas question que je les déstabilise par des man_uvres souterraines, comme vous l'avez trop souvent fait dans le passé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En particulier, je redis mon soutien au président de Radio France, auquel je fais confiance pour trouver une solution à la fois honorable et convenable. Je me suis entretenu avec M. Cavada ce matin encore, et j'ai bon espoir que, grâce à l'esprit de responsabilité des organisations syndicales et de sa direction, ce conflit trouvera une conclusion heureuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PÊCHE À L'ANGUILLE

M. Christian Jeanjean - Nous venons de prendre connaissance d'une communication de la Commission européenne relative à l'élaboration d'un plan d'action communautaire pour la gestion du stock d'anguilles européennes. Ce plan prévoit la limitation draconienne de la pêche des anguilles, et, à terme, sa disparition pure et simple. Une telle réglementation serait inadaptée, car c'est la reconstitution du stock de civelles qu'il faut viser au lieu d'empêcher la pêche des anguilles adultes. Il convient donc de conserver des civelles en nombre suffisant, à des fins de reproduction, mais aussi de traiter les étangs qui les abritent, et qui souffrent d'une pollution croissante. Des mesures urgentes sont nécessaires pour sauvegarder une activité qui fait vivre des milliers de familles, d'autant que l'interdiction aurait pour conséquence que les Français se reporteraient sur les anguilles d'élevage, ce que personne ne souhaite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet - Très bien !

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - M. le ministre de l'agriculture, retenu au Conseil supérieur de la forêt, a bien sûr connaissance de la communication de la Commission européenne, qui fait état de la réduction, jugée inquiétante, du stock d'anguilles jaunes - les anguilles adultes - et qui estime que le problème sera résolu par la limitation du nombre des prises. S'agissant des anguilles dorées, une étude néerlandaise montre un taux de mortalité de 97 %, mais ses conclusions sont diversement appréciées selon que l'on habite le littoral atlantique, où on ne la pêche pas, ou la méditerranée, où on la pêche... Dans tous les cas, un plan de gestion des stocks est apparu nécessaire, et la Commission propose que les mesures soient décidées à l'échelon national. Je ne doute donc pas que M. Gaymard saura répondre aux préoccupations que vous avez exprimées et préserver les intérêts de toutes les professions intéressées, tant sur la façade méditerranéenne que sur le littoral atlantique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste).

ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE

M. Etienne Blanc - Le 9 février, le Premier ministre a présenté, à Lyon, le plan stratégique du Gouvernement pour le développement de l'administration électronique dit plan ADELE. Par un effort sans précédent, ce sont 140 mesures nouvelles qui sont annoncées, qui tendent à offrir de nouveaux services, à améliorer la circulation des informations et à renforcer l'efficacité de l'administration. 1,8 milliard sera mobilisé à cette fin pour des gains de productivité annuels espérés de 5 à 7 milliards à partir de 2007.

Chacun comprend l'intérêt de telles mesures, mais l'on peut craindre qu'elles n'aient aussi pour effet d'accroître la fracture électronique, puisque dix millions de foyers seulement sont équipés d'un ordinateur et que deux tiers d'entre eux ne sont pas connectés à l'internet. De plus, nombreux sont les administrés qui souhaitent le maintien d'un lien personnel avec l'administration. Comment éviter que le plan ADELE soit considéré comme destiné aux seuls privilégiés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - En présentant le plan ADELE, le Premier ministre a fait ce constat encourageant qu'en quelques années l'administration française a très largement rattrapé son retard. Ainsi, 90 % des formulaires administratifs sont désormais accessibles par l'internet, et le site servicepublic.fr est consulté deux millions de fois par mois. De plus, 600 000 contribuables ont envoyé leur déclaration de revenus par la voie électronique.

Le Premier ministre a souhaité que ces progrès profitent à tous les Français, ce qui sera le cas. Loin d'être réservé à des internautes confirmés, l'accès à l'administration électronique pourra se faire grâce à des bornes numériques installées dans les mairies, les préfectures ou les caisses d'allocation familiale. En outre, le numéro d'appel unique de renseignements administratifs sera généralisé. L'agence pour le développement de l'administration électronique sera l'outil majeur de cette mobilisation, qui tend à rendre les services publics accessibles à tous (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

ÉLOGE FUNÈBRE DE MARCEL CABIDDU

(Mmes et MM. Les députés et les membres du Gouvernement se lèvent)

M. le Président - Le 13 janvier dernier, nous apprenions avec stupeur que notre collègue Marcel Cabiddu nous avait quittés.

Il y avait plusieurs mois que nous n'avions plus croisé sa silhouette dans les couloirs de notre assemblée. Le mal qui le rongeait, qui le minait, qui le faisait tant souffrir, l'avait contraint à se mettre en retrait des mandats qu'il exerçait. Mais chacune et chacun de nous nourrissait au fond du c_ur, pendant cette longue et pesante absence, le secret espoir de le voir triompher de la maladie et revenir siéger parmi nous. Hélas, le sort et lui-même en décidèrent autrement. Et l'émotion fut vive, sur tous les bancs de cet hémicycle, lorsque tomba, le 13 janvier dernier, la terrible nouvelle.

Avec Marcel Cabiddu disparaît un élu de la nation, forgé à l'image de cette terre du Nord qui l'avait vu naître près de cinquante-deux ans plus tôt et qu'il n'avait jamais quittée. Un homme simple et discret, toujours attentif aux difficultés des uns et aux malheurs des autres, un député fier de son engagement politique, fidèle à ses convictions, défenseur infatigable de la région qu'il savait plus martyrisée que d'autres par la fermeture des Houillères et de la désindustrialisation. Ce qui justifiait, à ses yeux, qu'elle fasse l'objet d'une attention particulière.

Rien ne prédestinait le jeune militant winglois, qui s'engage dans les Jeunesses socialistes en 1969 et qui restera fidèle à cet engagement toute sa vie, à l'exercice d'un mandat parlementaire. Rien, si ce n'est probablement son sens de l'intérêt général et sa passion de servir les autres. De servir sa région. De servir son pays.

Deux traits de caractère, deux qualités essentielles qui le conduisirent à s'intéresser très jeune à la vie de la cité et à s'y impliquer très tôt.

Il avait à peine vingt-cinq ans, en 1977, lorsqu'il fit son entrée au conseil municipal de Wingles. Très vite remarqué par ses pairs, il se vit confier les responsabilités d'adjoint, avant d'être élu maire de la commune aux élections municipales suivantes. De là naquit entre Marcel Cabiddu et sa ville une histoire d'amour qui ne cessera plus. Et les winglois ne s'y trompèrent pas puisqu'ils lui témoignèrent, sans discontinuer depuis 1983, leur confiance et leur attachement.

Maire de Wingles, Marcel Cabiddu se dépensa sans compter et sans relâche pour redonner espoir à ses habitants qui subissaient de plein fouet les contrecoups des mutations industrielles de la région et voyaient se tourner définitivement une page de leur histoire. Il en fallait, du tempérament et de la volonté, pour tenter de redynamiser un tissu économique gravement affaibli et dangereusement menacé. Avec les conséquences sociales que ces mutations économiques entraînaient, Marcel Cabiddu ne manquait ni de l'un ni de l'autre.

Mais il comprit bien vite que son action municipale ne prendrait tout son sens et ne donnerait toute sa dimension que si elle s'inscrivait dans une cadre plus large. Précurseur, il oeuvra à la création du syndicat intercommunal de la zone industrielle régionale Artois-Flandres, dont il prit la présidence avec détermination et avec un réel succès. Il fut souvent cité en exemple pour le travail accompli.

Il compléta parallèlement son action à l'échelon départemental en se faisant élire conseiller général du canton de Lens Nord-Ouest, avant de devenir en 1994 vice-président de cette assemblée, chargé de l'action économique, des grands projets structurants et du développement urbain. Une tâche à la mesure des ambitions que nourrissait ce jeune élu pour le département du Pas-de-Calais dont il était issu.

Dans chacun de ses mandats, dans chacune des responsabilités qui furent les siennes, se sont exprimés cette même passion du Nord et son éternel refus du renoncement face aux coups durs de notre histoire industrielle récente.

Il aurait naturellement pu s'en tenir à ses mandats locaux qui lui procuraient déjà de grandes satisfactions, au premier rang desquelles figurait ce lien indéfectible qu'il avait su tisser, au fil du temps, avec ses électeurs.

Mais, en 1997, il décida de porter son combat sur la scène nationale, pour mieux défendre sa région, pour mieux faire entendre sa voix.

Candidat aux élections législatives de juin 1997, il fut élu député de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, puis brillamment réélu cinq ans plus tard - preuve, s'il en était besoin, de son enracinement local et des qualités d'écoute et de dialogue qui étaient les siennes.

Ce sont ces mêmes qualités qui ont fait de lui, à l'Assemblée nationale, au sein des diverses commissions où il a successivement siégé, à celle de la production et des échanges, puis à celle de la défense nationale et des forces armées, un élu respecté et estimé. Respecté pour les idées qu'il défendait et les combats qu'il menait. Estimé pour sa rigueur et ses qualités de c_ur.

Comme il en avait pris l'engagement devant ses électeurs, il défendra haut et fort les couleurs des territoires qu'il représentait. A tel point qu'il se verra confier par le gouvernement de Lionel Jospin une mission sur le développement économique du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Ultime récompense pour ce passionné du développement économique local qui ne se résignait pas au déclin des industries traditionnelles du nord de notre pays.

Au-delà de nos appartenances partisanes, chacune et chacun d'entre nous retiendra l'image d'un homme fidèle à ses convictions autant qu'à sa terre d'élection.

Mesdames, Messieurs, mes chers collègues, nous pensons avec affection à ses proches, à sa famille, à son épouse Pascale, à qui j'adresse les condoléances émues de notre assemblée.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Marcel Cabiddu naquit à Wingles le 10 février 1952, au c_ur du pays des corons. C'est sur cette terre rude s'il en est, mais également accueillante et généreuse, que son père, d'origine sarde, avait décidé de s'installer dans les années 1930 pour fuir la pauvreté de son île natale.

Marcel Cabiddu est le cadet d'une grande fratrie, bruyante comme la lointaine Italie, et chaleureuse comme la terre du Nord. Il grandit sous le regard protecteur et bienveillant de ses sept frères et s_urs. Mais à l'âge où les gosses livrent encore d'insouciantes batailles dans les cours de récréation, il apprend la dure loi de la vie. Son père disparaît prématurément. Ce drame le marque au fer rouge.

« Ce qui ne me tue pas, me rend plus fort » disait Nietzsche. Marcel Cabiddu gardera toute sa vie en exemple le parcours remarquable de ce père courageux, travailleur acharné qui, à force de volonté, avait réussi à gravir un à un tous les échelons au sein des houillères du Nord, un modèle d'intégration et de promotion sociale.

De longues - et sans doute trop coûteuses - études, Marcel Cabiddu n'en fera pas. Il leur préférera l'école de la vie et la force d'un engagement précoce.

Son baccalauréat tout juste en poche, il décide d'entrer immédiatement, comme on dit, dans la vie active. Il intègre les services de la mairie de Lens puis passe avec succès le concours de rédacteur territorial. Le maire de Lens, André Delélis, remarque très vite et apprécie ce jeune homme talentueux et enthousiaste.

Entre les deux hommes naît une réelle complicité faite de confiance et de respect réciproques. C'est donc tout naturellement que, devenu ministre du commerce et de l'artisanat en 1981, André Delélis demandera à Marcel Cabiddu de le remplacer au conseil général.

C'est le début d'une carrière politique. Il a tout juste 25 ans lorsqu'il entre en 1977 au conseil municipal de Wingles. Son jeune âge n'empêche pas ses pairs de lui faire confiance puisqu'ils lui confient la fonction de premier adjoint.

« Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que l'on n'ose pas, mais c'est parce que l'on n'ose pas que les choses sont difficiles », avait l'habitude de dire Marcel Cabiddu, faisant sienne la célèbre maxime de Sénèque. Et de fait, il ose pour cette région qu'il aime tant et qui le lui rend bien.

Il sera ainsi maire de Wingles pendant vingt ans, de 1983 à 2003, et présidera avec succès le syndicat intercommunal de la zone industrielle régionale Artois-Flandre, le syndicat intercommunal pour l'aménagement des espaces verts, puis le parc de nature et de loisirs.

La fermeture inéluctable des sites miniers, l'inévitable cortège des drames humains qui l'accompagnent poussent Marcel Cabiddu à se lancer dans la bataille de la reconversion économique des sites car cette bataille, c'est celle de l'emploi.

La zone industrielle régionale Artois-Flandre, sera un modèle du genre puisque soixante-quinze entreprises nouvelles s'y implanteront progressivement.

Fort de ces expériences locales et régionales réussies, c'est tout naturellement que Marcel Cabiddu décide de s'engager plus avant au niveau national dans la formation politique à laquelle il a adhéré. Il devient ainsi secrétaire fédéral puis membre du comité directeur du parti socialiste entre 1990 et 1993.

Suppléant du député Noël Josèphe en 1988, il est élu député du Pas-de-Calais en 1997 et réélu en 2002. A l'Assemblée nationale, il siège sur les bancs du groupe socialiste après être passé brièvement chez les non-inscrits.

Parlementaire en mission auprès du ministre de l'économie, il développe une réflexion sur « les chances et les moyens du nouveau développement d'un ancien bassin minier ». L'expérience réussie de la réindustrialisation de l'Artois-Flandre lui permet de faire des recommandations unanimement saluées.

Marcel Cabiddu aurait eu cinquante-deux ans hier.

L'âpreté des combats qu'il mena toute sa vie durant - au premier rang desquels celui contre la maladie, le plus injuste et le plus terrible de tous - a, hélas, eu raison de son enthousiasme.

Il y a quelques semaines, il a choisi de partir.

Sa disparition tragique nous peine profondément. A son épouse, à sa famille, je présente au nom du Gouvernement, mes condoléances les plus attristées.

M. le Président - Je vous demande de bien vouloir vous recueillir quelques instants à la mémoire de Marcel Cabiddu (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence).

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 h 30 sous la présidence de M. Le Garrec

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ (CMP)
-suite-

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je sais gré au groupe socialiste d'avoir souhaité que ce texte fasse l'objet aujourd'hui d'un vote solennel : c'est l'occasion de répondre à une opération de désinformation d'une ampleur rarement atteinte, conduite par ailleurs dans une précipitation préélectorale alors qu'il y a près d'un an que j'ai saisi le Parlement de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) On me donne des leçons de morale et on reproche au texte de manquer de précision dans la définition de la notion de criminalité organisée, ce qui permettrait de traiter le moindre voleur de pommes comme un criminel, de fouler aux pieds les droits de la défense en livrant les personnes mises en cause à l'arbitraire policier et de brader l'idée même de justice en créant la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité. Tout cela est absolument faux, et je veux reprendre chacun de ces trois points.

En ce qui concerne la notion de criminalité organisée, le travail de définition est au c_ur même du projet ! Dire le contraire serait mentir. On n'y trouve pas une vague notion, mais une liste limitative d'infractions graves. Il n'y a qu'à lire l'article premier !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la CMP - Exactement !

M. le Garde des Sceaux - Parmi ces infractions, on en trouve d'abord qui portent atteinte aux personnes. Le texte vise quinze catégories d'entre elles, ainsi que le blanchiment des fonds qu'elles procurent - c'est-à-dire la criminalité financière, qu'on reproche pourtant au texte de délaisser ! Hier déjà, devant votre assemblée, j'ai énuméré ces quinze infractions : meurtre en bande organisée, tortures, trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, enlèvement et séquestration... Il ne s'agit pas de peccadilles !

En ce qui concerne les atteintes aux biens, la seule mesure nouvelle est la compétence donnée à des juridictions interrégionales spécialisées. Les procédures exceptionnelles, comme la garde à vue prolongée, l'infiltration, la sonorisation, ne seront pas applicables à ce type d'infractions.

Je ne comprends pas comment certains journaux peuvent affirmer que la pose de micros deviendrait la règle : il est précisé explicitement dans quels cas elle peut être décidée par le juge. C'est à se demander si les auteurs de ces articles ont lu le projet (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Deuxième point important, la garantie judiciaire. Ce texte étend les pouvoirs d'autorisation et de contrôle des magistrats du siège. Toutes les mesures d'enquête évoquées devront être autorisées par le juge d'instruction ou par le juge des libertés - j'attends que le groupe socialiste me démontre l'inutilité du juge des libertés, créé en 2000 !

J'en viens au « plaider coupable ». aujourd'hui, pour une affaire simple, le délai de convocation devant le tribunal est de six à huit mois. En outre, 32 % des affaires étaient classées sans suite en 2001, encore 29 % en 2003. Plus de cinq millions de procédures sont transmises chaque année au parquet, alors que la capacité de décision des tribunaux est de l'ordre de 400 000...

Alors, pour une affaire simple comme un vol de voiture ou une dégradation de bâtiment, et lorsque les faits sont reconnus par leur auteur, préfère-t-on un délai d'attente de huit mois ou une solution rapide permettant de tirer immédiatement les conséquences de l'acte ?

Notre justice a besoin d'être modernisée et humanisée. Le refus du changement est le pire des risques qui la menacent. Le projet de loi répond à ces enjeux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur - Nous arrivons au terme d'un très long travail parlementaire, qui a comporté des dizaines d'auditions et l'examen de centaines d'amendements.

Je voudrais insister sur les trois apports fondamentaux de ce texte.

Premier apport, il nous fournit enfin un outil efficace pour lutter contre la criminalité organisée. Contrairement à ce que déclarent certains, il ne s'agit pas là d'une spécificité française. Le 15 novembre 2000, les Etats membres de l'ONU ont signé une convention par laquelle ils s'engagent à adapter leur législation pour mieux lutter contre les réseaux de grande criminalité. En septembre 2001, le Conseil de l'Europe a énoncé quinze recommandations très précises sur ce sujet, préconisant notamment la confiscation des biens et le gel des avoir des criminels, l'infiltration des réseaux et l'interception de leurs télécommunications.

Le c_ur du problème, c'est que la mondialisation de l'économie s'est accompagnée d'une mondialisation de la criminalité et il faut adapter notre législation à cette donnée.

Le projet définit de façon très précise le champ de la criminalité organisée, puisqu'il énumère les quinze infractions qui y entrent. On nous dit que la notion de « bande organisée » n'est pas précise, mais je rappelle qu'elle a été introduite dans le code général de 1992, par une majorité de gauche, et qu'elle est donc appliquée depuis douze ans par les juges (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous avons insisté pour que le blanchiment d'argent en relation avec ces crimes figure dans la liste des infractions.

Enfin, dernier apport très important, le texte offre, pour les affaires relevant de la criminalité organisée, de nouveaux moyens de procédure, non pas aux policiers, comme le disent certains, mais aux magistrats. Je lis dans la presse des scénarios de justice-fiction à propos d'un vol de mobylette. Croit-on vraiment qu'il se trouvera un juge des libertés pour décider d'infiltrer un groupe de jeunes afin de savoir comment ladite mobylette a été volée ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En ce qui concerne la sonorisation, les auditions nous ont démontré qu'elle était déjà pratiquée sur des véhicules, par exemple après le passage de la frontière de l'Allemagne vers la France. Il nous paraît plus sain de combler le vide juridique actuel en encadrant le recours à cette méthode : elle ne pourra désormais être utilisée qu'avec l'autorisation du juge.

Sur la garde à vue, j'ai rarement entendu autant de mensonges que ces derniers jours (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La règle de base reste la présence de l'avocat dès la première heure et nous l'avons même étendue à des infractions pour lesquelles elle n'était obligatoire qu'à partir de la 36e heure. En revanche, pour quatre types d'infractions particulièrement graves, nous sommes passés de 36 à 48 heures.

J'ai vu, à la télévision, un bâtonnier affirmer qu'avec cette loi trois jeunes volant une mobylette pourraient être gardés à vue pendant quatre jours sans intervention d'un avocat. Pensez-vous qu'un magistrat autoriserait une telle mesure, alors qu'elle est contraire à la loi ? Les seuls cas où l'avocat n'intervient qu'au bout de 72 heures, ce sont les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants, et il ne s'agit pas d'une disposition nouvelle (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, ce texte ouvre la possibilité de créer des tribunaux spécialisés pour juger les réseaux de criminels. En 1986, après une vague d'attentats terroristes en France, un gouvernement a eu le courage de mettre en place une juridiction spécialisée pour les affaires de terrorisme. Grâce à cette initiative, notre justice est l'une des plus efficaces du monde en ce domaine car, avec l'expérience, ces magistrats ont acquis une connaissance poussée des réseaux terroristes.

En ce qui concerne la criminalité organisée, en revanche, un racketteur peut actuellement être traduit en comparution immédiate devant un tribunal local qui n'a ni le temps ni les moyens de remonter toute la filière. Comme nos courageux prédécesseurs de 1986, nous allons créer des juridictions spécialisées pour démanteler ces réseaux criminels.

J'entends dire qu'il est scandaleux que la nullité de la procédure ne soit pas prononcée quand elle a été appliquée à une infraction qui s'avère après coup, ne pas relever du champ d'application de la loi. Je suis très choquée par cet argument (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Imaginez qu'on poursuive une personne pour meurtre en bande organisée et qu'à la fin de l'enquête il apparaisse que c'est un meurtre « simple ». Vous voudriez qu'il n'y ait pas de sanction ? C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

En second lieu, le projet augmente les moyens de lutte contre la délinquance. Quand un procureur ne peut inscrire à l'audience que cinquante affaires par semaine, il choisit les plus importantes et les autres prennent du retard. Il était donc de bon sens de diversifier les solutions, pour diminuer le taux scandaleux de classements sans suite. Tel est l'objectif de la comparution en reconnaissance de culpabilité, qui est bien encadrée (Dénégations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). En effet, les droits de la défense sont respectés, un avocat doit être désigné, le justiciable ne peut y renoncer, et tous les actes sont lus publiquement. Nous allons également renforcer la coopération européenne, et mieux lutter contre les infractions, notamment grâce au mandat d'arrêt européen. Enfin, nous améliorons l'application des décisions de justice qui ne devra pas excéder un délai de 30 jours. C'est là une évolution d'importance.

Nous avons donc accompli un travail considérable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La commission des lois vous demande de voter ce projet avec détermination et sérénité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Gérard Léonard - Ce texte ambitieux a fait l'objet d'un travail minutieux depuis plus d'un an et nous vous remercions, monsieur le Garde des Sceaux, de l'esprit de dialogue et d'ouverture dont vous avez fait preuve dans le débat parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF).

M. François Goulard - Très bien !

M. Gérard Léonard - Il répond à un besoin urgent dans deux domaines.

D'abord, il met à jour nos moyens de lutte contre la criminalité organisée. Pour la première fois, celle-ci devient une catégorie propre du droit pénal, ce qui est essentiel à l'application des nouvelles règles de procédure. Je comprends que le groupe socialiste préfère ne pas y insister. Il était impératif de renforcer la législation nationale dans ce domaine, et cela avait été maintes fois rappelé, par exemple à propos de la convention de Palerme de façon volontariste par Mme Lebranchu. Nous sommes en effet en retard sur nos voisins.

La criminalité organisée est définie en fonction de deux listes d'infractions. Elle s'applique à des crimes d'une gravité exceptionnelle contre les personnes : meurtre, tortures, actes de barbarie commis en bande organisée, trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration, traite des êtres humains, proxénétisme aggravé, vols en bande organisée, extorsion, actes de terrorisme - excusez du peu !

Les moyens d'enquête renforcés, l'infiltration, la garde à vue de 96 heures, la sonorisation de certains lieux, les interceptions de correspondance téléphoniques, ne valent que pour ces infractions graves. Tous les arguments qu'on nous avance sur la garde à vue de quatre jours sont donc ridicules.

De même, que ceux qui se plaignent de la définition de la bande organisée se rassurent : le texte renvoie sur ce point au code pénal de 1994, issu des travaux de M. Badinter. La bande organisée est donc un groupement ou une entente en vue de la préparation d'infractions qui réunit des professionnels du crime, et pas des gamins voleurs de vélo !

Mme Elisabeth Guigou - Vous n'avez pas lu le texte !

M. Gérard Léonard - Le deuxième objectif est de permettre à la justice de mieux fonctionner. Le nombre d'affaires augmente constamment. Mais alors que les tribunaux se trouvent face à cinq millions de dossiers par an, ils n'ont rendu que 390 000 jugements en 2002. Les Français ont le sentiment justifié que la justice n'est pas rendue comme il convient. Pour répondre à ces difficultés, le Gouvernement augmente ses moyens matériels et humains grâce à la loi d'orientation et de programmation, et diversifie les procédures pour que l'on puisse enfin traiter des affaires qui ne l'étaient pas ou l'étaient avec retard (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Je mentionnerai enfin une disposition de ce texte qui m'est chère, l'allongement du délai de prescription pour les infractions sexuelles sur les mineurs. Je remercie le Garde des Sceaux, le président de la commission et le rapporteur pour leur soutien sur ce point.

Le groupe UMP votera ce texte avec la plus grande détermination, certain qu'il est de bien servir notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dès la première lecture de ce texte en mai 2003, le groupe socialiste avait dénoncé avec force la menace qu'il représente pour les libertés individuelles et les principes fondamentaux de la justice. Ce n'est pas là un jugement polémique (« Oh non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), mais un constat amer et inquiet, partagé par l'unanimité des avocats et magistrats (« Faux » ! sur de nombreux bancs du groupe UMP) qui, devant le Palais Bourbon comme dans les tribunaux, expriment leur opposition à ce projet. S'ils sont tous incompétents à vos yeux, c'est que vous avez une piètre opinion des serviteurs de la justice! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Une telle levée de boucliers dans le monde judiciaire est historique.

C'est que, Monsieur le Garde des Sceaux, vous ne vous êtes pas fait le rempart protecteur de l'institution judiciaire et des valeurs intangibles de l'Etat de droit.

Votre projet crée en effet une nouvelle procédure exorbitante du droit commun qui porte sérieusement atteinte aux libertés individuelles et aux droits de la défense.

M. Francis Delattre - Et les victimes ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La durée de la garde à vue est quadruplée ; les mineurs seront soumis à un traitement similaire à l'adulte dont il sont soupçonnés d'être complices ; on pourra perquisitionner les domiciles privés de nuit ; micros et caméras pourront être installés chez les particuliers.

M. Robert Lamy - Et alors ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous nous dites que seuls sont visés les criminels en bande organisée. C'était l'objectif initial. Mais au fil des mois, ce projet est devenu un monstre juridique qui mélange réseaux mafieux et voitures en fourrière, droit maritime et réglementation des taxis. La lutte contre la criminalité organisée est un objectif légitime, c'était aussi celui du précédent gouvernement. Mais tout concourt à ce que demain la nouvelle procédure s'applique à chacun. Le groupe socialiste l'affirme solennellement : tous les citoyens sont concernés par cette loi (« Non » ! sur les bancs du groupe UMP).

D'appréciation pour circonstance aggravante, la notion de bande organisée est devenue extrêmement floue et extensible. Le contrôle du parquet et du juge des libertés sur cette procédure restera formel et celui de la Cour de cassation impossible, puisqu'il n'y aura pas de nullité même en cas de requalification des faits.

Mme Elisabeth Guigou - C'est proprement scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous prenez le risque intolérable de faire basculer notre pays dans un état d'exception permanent (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

De plus les règles de droit commun de la procédure pénale subissent un bouleversement sans précédent, illustré par la mise en place du « plaider coupable ». Ainsi, la poursuite ne sera plus la sanction d'une faute mais l'objet d'une transaction, la présomption d'innocence un simple moyen de marchandage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Pour mettre ainsi fin à des principes séculaires de notre droit pénal, vous évoquez l'engorgement des tribunaux. Mais pour le soulager, il ne faut pas contraindre la justice à l'abattage, il faut lui donner des moyens.

En réalité, la mise en place du plaider coupable est motivée, comme d'autres mesures, par la volonté d'accroître les pouvoirs du parquet au détriment des magistrats du siège et des juges d'instruction. Et tout en étendant l'autorité des procureurs, ce texte affirme leur subordination au Garde des Sceaux.

Ce projet consacre une nouvelle mise sous tutelle de la justice, en portant atteinte à la séparation des pouvoirs. C'est d'autant plus inacceptable que certaines affaires sont venues rappeler l'importance de l'indépendance de l'autorité judiciaire (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mes chers collègues, je vous demande de protéger l'institution judiciaire, et donc de voter contre un projet qui remet en cause le fondement de notre Constitution - sous prétexte de lutte contre la criminalité organisée, qui est notre combat commun. Ce faisant, vous marquerez votre confiance en ceux qui sont les gardiens de nos libertés individuelles.

Ce texte est en totale contradiction avec la loi sur la présomption d'innocence. Si la majorité le vote, ce sera un jour noir pour la justice (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais les parlementaires socialistes, soucieux de préserver les droits fondamentaux, saisiront le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Folliot - Destiné à lutter contre la criminalité organisée, le projet portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité avait recueilli notre adhésion en première et deuxième lectures. A criminalité exceptionnelle, moyens exceptionnels : tel était le juste leitmotiv du Garde des Sceaux lors de sa présentation.

Le texte final recueillira l'adhésion du groupe UDF et apparentés ; la liberté de vote étant notre règle, certains voteront différemment (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Des doutes et interrogations subsistent dans les professions judicaires, dont l'émoi mérite notre attention, même si son exploitation politicienne par l'opposition prête à sourire. Sur un texte qui touche aux libertés fondamentales, il nous paraît juste que le Conseil constitutionnel puisse s'exprimer.

La prolongation de la garde à vue doit être entourée de toutes les garanties nécessaires. Il faut s'assurer que cette procédure exceptionnelle ne s'applique pas à toute infraction commise à plusieurs. Et comment ne pas s'interroger sur l'absence de dispositions sur la délinquance économique et financière, souvent étroitement liée à la grande criminalité ?

Quant au plaider coupable, c'est une bonne chose s'il s'agit de désencombrer les tribunaux : il n'est pas tolérable que les justiciables attendent des mois, ou même des années, un jugement. Cependant beaucoup d'entre nous pensent qu'il eût été préférable de mener un travail plus approfondi car c'est une rupture avec la tradition juridique française. Nous ne sommes pas allés jusqu'au bout de la logique : nous aurions dû réfléchir sur l'indépendance du procureur.

Il ne faut pas porter atteinte à la séparation des fonctions de poursuite et de jugement, et surtout ne pas mettre en place une justice à deux vitesses. De plus, si le texte comporte des avancées concernant les droits des victimes, l'absence de celles-ci dans la procédure du plaider coupable pose problème. Enfin, les juges d'instruction ne doivent pas être les grands perdants... Alors que le parquet et la police voient, pour lutter contre la grande délinquance, leurs prérogatives s'accroître, le juge d'instruction risque de se trouver écarté de l'enquête. Sa fonction n'est-elle pas condamnée à une mort lente ?

Enfin, même si on peut s'interroger sur leur place dans ce texte, la généralisation de peines alternatives, la création d'un fichier national des délinquants sexuels, l'aggravation des peines contre les incendiaires ou contre les délinquants des mers sont des avancées que nous ne pouvons qu'approuver sans réserve.

Nous voterons donc ce texte, mais nous serons extrêmement vigilants quant à son application et à ses résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Michel Vaxès - Dès la première lecture de ce projet, nous en avions dénoncé le caractère liberticide (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En seconde lecture, nous constations que le Sénat avait tenté de gommer certaines atteintes à des droits fondamentaux, mais sans bouleverser la philosophie du texte. Après le passage en commission mixte paritaire, nous réitérons notre franche opposition - non pas à la lutte contre la criminalité organisée car, s'il s'était agi de cela, nous aurions voté le texte sans états d'âme, mais à un projet qui bouleverse notre équilibre judiciaire et qui, selon le président de l'union syndicale des magistrats, « nourrit la dangereuse dérive vers une justice sans juge et sans avocat ».

On prétend lutter contre la criminalité organisée, mais on ne dit mot de la criminalité organisée en matière économique, financière et fiscale. La procédure exceptionnelle qui est instituée reposera sur une qualification juridique extrêmement délicate à établir. Les atteintes aux libertés fondamentales que constituent l'extension des écoutes téléphoniques et des perquisitions de nuit, la pose de micros et de caméras dans des lieux privés, ou la prolongation de la garde à vue sont destinées, dites-vous à combattre les grands réseaux criminels, mais vous savez que ces procédures d'exception s'appliqueront aussi à la délinquance ordinaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ce projet accentue encore le déséquilibre entre juges du siège et du parquet. Les nouveaux outils donnés à l'accusation s'inscrivent, selon un ancien procureur de Paris, « dans un contexte de dépendance des magistrats vis-à-vis du pouvoir politique ».

A l'évidence, s'annonce un basculement de notre procédure vers un système accusatoire à l'anglo-saxonne. Le plaider coupable va priver tant la victime que le suspect passé aux aveux d'un procès équitable. Elle va permettre que des affaires se règlent dans le secret du cabinet du procureur, et peut-être offrir la discrétion aux délinquants en col blanc...

Dans le même esprit, l'extension de la composition pénale va permettre de confier aux parquets une grande partie des affaires pendantes devant les tribunaux, sans débat contradictoire, et donc sans garantie pour la défense.

Cette logique de rentabilité organise une justice d'abattage. La prime au rendement pour les magistrats et les policiers en est une illustration (Protestations sur les bancs du groupe UMP, mais n'est pas un gage de qualité.

La lutte contre la grande criminalité méritait mieux qu'un texte qui dessine les contours d'une justice expéditive, à laquelle nous nous opposons fermement (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous voterons donc résolument contre ce projet et, s'il est adopté, nous nous associerons à la saisine du Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Président - Je mets aux voix le texte de la CMP, compte tenu des amendements adoptés jeudi dernier.

A la majorité de 340 voix contre 173 sur 522 votants et 513 suffrages exprimés, le texte de la CMP est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 15, est reprise à 17 heures 25.

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

M. Patrick Bloche - Comme d'autres, je ne peux taire ma perplexité sur la manière dont nous légiférons, avec un calendrier si chargé qu'il en devient incohérent, au risque que, finalement, nous écrivions mal la loi et que nous soyons mal compris de nos concitoyens, ceux-là mêmes auxquels ces textes s'adressent au premier chef. Que de confusion entre les trois textes consacrés, en si peu de temps, aux télécommunications et à l'audiovisuel ! Finira-t-on par y voir clair ?

La question mérite d'être posée, surtout lorsque l'un de nos excellents collègues prend l'initiative de déposer un amendement refusé lors de l'examen du projet relatif à la confiance dans l'économie numérique et qui tend à rouvrir le débat sur le régime de responsabilité des hébergeurs. Compte tenu de l'opposition que nous avions manifestée, en son temps, à la rédaction de ce texte, je devrais me réjouir du repentir de M. Martin-Lalande, mais je m'interroge sur l'opportunité de son initiative : n'aurait-il pas été préférable d'attendre l'avis du Sénat, en deuxième lecture ? De plus, même s'il va dans le bon sens, cet amendement ne nous satisfait pas, et je saisis l'occasion qui m'est donnée pour redire avec force l'opposition du groupe socialiste au principe de la responsabilité des intermédiaires techniques de l'internet tel qu'il est réécrit, et son opposition encore plus vive au filtrage ordonné aux fournisseurs d'accès - filtrage dont on sait que loin d'être imposé par la directive, il a au contraire fait l'objet de vives critiques de la Commission européenne.

S'agissant particulièrement du texte qui nous est soumis aujourd'hui, on constate qu'il mêle deux éléments distincts au nom de la « convergence des médias » qui agite tant les esprits. Encore la prudence devrait-elle être de mise, comme l'ont démontré les échecs retentissants d'AOL aux Etats-Unis et de Vivendi en Europe. De fait, en dépit de l'optimisme affiché par les équipes commerciales, les consommateurs boudent une offre qui ne leur convient pas car elle est trop contraignante. Et puis la multiplication des moyens de diffusion, des opérateurs et des services payants - dont certains ont bien peu d'attrait - ainsi que la pénétration très inégale de la connexion par ADSL sur le territoire font que les clients potentiels ont du mal à s'y retrouver.

Il nous faut rester prudents, aussi avons-nous souhaité, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, définir la communication publique en ligne, indépendamment de la communication audiovisuelle.

Au-delà, ce texte, que le ministre de la communication n'a pas hésité à qualifier de « petite loi de l'audiovisuel », comporte des éléments de réforme de la loi de 1986 sur la liberté de communication, qui nous laissent songeurs. Sous prétexte de transposer des directives communautaires, vous bouleversez le paysage audiovisuel. Vous modifiez les compétences du CSA, sans pour autant introduire davantage de transparence ni de débat contradictoire dans les procédures.

Puis, par amendement, vous créez un cadre juridique pour le développement de la radio numérique et, surtout, vous intégrez RFO au sein de FranceTélévisions, ce qui inquiète le personnel (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP) car vous oubliez que RFO est aussi une radio !

M. Jean-Paul Charié - Et alors ?

M. Patrick Bloche - La commission des affaires culturelles n'a pas pu examiner ces questions, et notre rapporteur pour avis, M. Hamelin, s'en est lui-même plaint. Cela étant, nous restons vigilants, notamment pour ce qui est de l'affaiblissement du dispositif anticoncentration.

Nous espérons que le Gouvernement clarifiera sa position, notamment en ce qui concerne l'ADSL, et le lancement de la TNT au détriment du service public. D'autres sujets nous inquiètent, telle l'initiative de M. Baguet sur la fréquence unique, ou encore le must carry - en français : l'obligation de transporter. Il est regrettable que le débat du 13 janvier sur l'audiovisuel n'ait pas permis d'anticiper sur celui d'aujourd'hui.

M. François Brottes - Très bien !

Mme Juliana Rimane - L'entrée de RFO dans FranceTélévisions répond aux intérêts de l'outre-mer. En vingt ans, la chaîne a construit un véritable service public, mais a souffert d'un enfermement excessif. Grâce à une technologie permanente, elle a pu diffuser sur les cinq continents l'essentiel des émissions des chaînes nationales, assurant ainsi l'égal accès de nos concitoyens d'outre-mer aux productions françaises. Cependant, malgré la coopération des pays voisins, les résultats ont été insuffisants, et j'espère que la réforme les améliorera.

RFO a réussi à coupler information nationale et information locale, tout en laissant place à des productions régionales qui, malgré de faibles moyens budgétaires, ont su faire leurs preuves.

Malheureusement, faute de mobilité entre les chaînes nationales, les techniciens, journalistes et réalisateurs voient leur carrière circonscrite à l'outre-mer, tandis qu'il est difficile pour les professionnels des autres chaînes de venir enrichir RFO de leur expérience. L'intégration n'aura de sens que si elle s'accompagne d'une véritable gestion de carrière.

Par ailleurs, en dehors de RFO-SAT, je souhaite que les productions de l'outre-mer soient davantage diffusées sur les chaînes de télévision hexagonales.

On attend du service public qu'il joue aussi un rôle éducatif et civique, en diffusant des reportages mettant en valeur la diversité culturelle de nos populations.

Cette intégration devra s'accompagner d'un redéploiement des ressources, aussi bien sur le plan des synergies techniques que sur celui des crédits à la production, en éliminant les doublons.

RFO a été un précurseur, au sein de la télévision publique, pour le suivi des affaires européennes. La chaîne a ouvert, en 1990, le premier bureau permanent auprès des institutions européennes, bureau qui a été fermé depuis. Il est pourtant essentiel que la télévision de l'outre-mer s'ouvre sur l'Europe, comme il est important qu'elle préserve ses liens avec l'Afrique, les Caraïbes et le Pacifique.

J'adhère à une réforme qui lie étroitement l'action de la métropole et celle de l'outre-mer, à condition qu'elle s'attache à respecter ce dernier, qu'elle renforce l'offre de radio de service public, et qu'elle protège l'audiovisuel ultra-marin du risque de ghettoïsation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Béatrice Vernaudon - Je me félicite également du projet stratégique proposé par le Gouvernement pour RFO, média de référence de tous les ultramarins, et qui a pour mission d'assurer la continuité territoriale avec la métropole.

Les médias dits libres, le câble ou encore les circuits mondiaux du Net ont mis un terme au monopole de RFO, que son intégration au sein de FranceTélévisions redynamisera, tout en enrichissant FranceTélévisions d'une culture ultra-marine dont elle n'est pas familière.

Ainsi, dans le cadre de la laïcité, une intégration plus précoce aurait permis de faire connaître l'expérience de Mayotte, dont 95 % de la population est musulmane, et le témoignage de notre collègue M. Mansour Kamardine.

RFO, au sein de la holding, bénéficiera non seulement d'une dotation accrue, mais également d'une large autonomie de gestion et de production, car le respect de l'identité ultra-marine demeure l'objectif de base. Cette autonomie s'entend aussi bien dans la holding que pour chacune des collectivités. Elles sont en effet très diverses, tant en matière de langues, de coutumes, de fuseaux horaires que de religions ! Un plan de standardisation serait désastreux. Ainsi, l'antenne de Polynésie a besoin de deux rédactions : une en langue française et l'autre en langue tahitienne. Chaque collectivité doit conserver ses spécificités et les faire connaître ailleurs. Si Mayotte a peu de points communs avec Saint-Pierre-et-Miquelon, la Réunion peut soutenir la comparaison avec la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie.

Et pourquoi ne pas innover, avec une ouverture à la coopération régionale audiovisuelle ? Les collectivités françaises des trois océans sont à la frontière du Nord et du Sud. RFO doit donc constituer un outil de partenariat et de solidarité. L'expérience des Jeux du Pacifique sud de 2003 est un exemple de ce que RFO peut offrir à ses voisins. La création d'un pool de retransmission a permis aux antennes de la Polynésie, de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie d'être partenaires de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie pour couvrir les 27 micro-Etats de la région ! Quel rayonnement pour la France dans des terres si éloignées, et anglophones !

L'intégration de RFO à FranceTélévisions n'est pas un retour vers le passé, mais un axe d'échange et de développement. Rien ne remettra en cause le statut du personnel. Son professionnalisme profitera à des productions sans cesse renouvelées, originales et de qualité. Bertho Audifax, député de la Réunion et administrateur de RFO, y a tenu, afin que la mémoire et le capital « connaissance » de RFO soient préservés. Les ultramarins vivant en métropole souffrent, quant à eux, du manque de programmation concernant leurs terres d'origine. L'adossement permettra de diffuser sur FranceTélévisions des programmations locales, ce qui enrichira d'autant le média national. Et qui connaît RFO-SAT ? Ce jeune média, pauvre en temps d'antenne, doit sortir du niveau symbolique. Il doit pouvoir retransmettre en continu les programmations des différentes collectivités, sur le modèle de TV5 Europe. L'objectif est de créer un courant fort entre la métropole et l'outre-mer. C'est le projet que vous nous proposez, et croyez que je le voterai avec confiance.

Je souhaite par ailleurs attirer votre attention sur le partage des compétences entre la Polynésie et la métropole. Les télécommunications ont toujours été de notre compétence, sauf en matière de sécurité et de défense et l'abandon, dans le projet, du terme même de « télécommunications » n'y change rien. Il en va de même en matière de communication audiovisuelle.

J'ai par ailleurs deux propositions à formuler. La première concerne le droit d'usage de la ressource radioélectrique en tant que compétence propre du gouvernement de la Polynésie française : en tenant compte de l'avis exprimé par l'ART, je propose d'inclure les entreprises de production et de diffusion d'émissions audiovisuelles polynésiennes dans le champ de cette compétence. La seconde tend à regrouper dans la loi toutes les dispositions spécifiques intéressant la Polynésie française et qui entraînent des mesures d'adaptation de la loi de 1986 et du code des télécommunications. Les textes seront ainsi plus lisibles et le gouvernement de Polynésie française, conformément à l'esprit du statut d'autonomie, disposera de moyens juridiques similaires à ceux de l'ART pour la gestion des fréquences radioélectriques. J'espère que le vote de la loi permettra à la Polynésie de bénéficier de ces deux adaptations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Ainsi que l'a montré le rapporteur Trassy-Paillogues, ce projet de loi s'articule autour de trois mots : cohérence, concurrence et convergence. Dans leur ensemble, les propositions de la commission des affaires économiques me paraissent tout à fait pertinentes. En ce qui concerne le contrôle du régulateur, l'effectivité des décisions de l'ART est renforcée, d'importantes prérogatives du ministre lui sont transférées et ses pouvoirs d'enquête et de sanction sont largement accrus. Elle pourra ainsi enquêter dans les locaux des opérateurs et imposer, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires. Le Conseil d'Etat, statuant en référé, pourra enjoindre à un opérateur de se conformer à ses décisions et assortir son ordonnance d'une astreinte.

Son rôle étant ainsi renforcé, l'Autorité ne doit pas prendre ses décisions seule. Dans la plupart des cas, il y aura une phase de consultation publique et un avis du Conseil de la concurrence ou du CSA. D'autre part, les décisions de l'ART pourront bien sûr être contestées en appel. Je souscris également à la proposition du rapporteur de renforcer les moyens de contrôle et d'évaluation de l'action de l'ART.

En ce qui concerne la protection des données personnelles, j'avais retiré de la consultation des professionnels menée durant l'été 2003 l'idée que les numéros des portables pouvaient être inscrits dans l'annuaire dès lors que les abonnés seraient prévenus six mois auparavant. Une nouvelle consultation m'a révélé que les opinions avaient évolué. Le numéro de téléphone portable est désormais un élément important de la vie privée. Il me paraît donc préférable que l'abonné au téléphone portable donne explicitement son consentement pour figurer dans l'annuaire (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Charié - Beau travail parlementaire !

Mme la Ministre déléguée - Enfin, je suis favorable à ce que les abonnés soient mieux protégés contre une modification unilatérale des contrats par les opérateurs. Il faudra toutefois éviter que l'abonné soit privé du service s'il a oublié de se manifester lors d'une modification. Je suis sûre que nous trouverons un compromis.

M. Gouriou a fait une description très équilibrée de l'évolution de la concurrence depuis 1996. J'ai pris plusieurs décisions pour réduire la fracture numérique. La baisse des tarifs de gros de France Télécom a donné lieu à une baisse massive des prix de détail. La suppression d'une taxe sur les paraboles et la libéralisation du « wi-fi » ont amélioré la couverture du territoire et l'accès des communes à l'internet rapide. En ce qui concerne le service public, la loi du 31 décembre 2003 a introduit la concurrence dans le service universel. France Télécom continuera bien sûr d'exercer pendant de nombreuses années l'essentiel de ces missions. Cette activité sera compensée par un fonds abondé par tous les opérateurs de télécoms. S'agissant de l'innovation de service, j'estime que c'est un contrôle a posteriori qui doit s'exercer sur les marchés émergents. Je suis donc favorable à l'amendement adopté en commission. Enfin, le texte du Gouvernement étend le rôle de la Commission supérieure du service public à tous les opérateurs.

J'ai été intéressée par la réflexion de M. Dutoit sur la valeur d'usage des télécoms. Il a ainsi regretté le faible nombre de Français accédant au haut débit. Je suis surprise : le nombre des abonnés était de 800 000 à la fin de la précédente législature, et de 3,6 millions fin décembre 2003 ! L'objectif de 10 millions en 2007 est donc maintenu. Nous aurons alors équipé la moitié des foyers deux fois plus vite que pour la téléphonie mobile et dix fois plus vite que pour les automobiles... Notre valeur d'usage est aussi une valeur temps, et le temps où la France prenait du retard est révolu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

En ce qui concerne le service public, le Gouvernement proposera dès l'année prochaine à nos partenaires européens, lors de la renégociation des directives, l'extension du service universel au téléphone mobile et à l'internet à haut débit. Notre volonté est bien connue : que tout le territoire puisse bénéficier d'un accès au haut débit. Outre la libéralisation du satellite et du « wi-fi », l'autorisation donnée aux collectivités locales d'être opérateur de télécoms va accélérer la couverture du territoire.

J'ai déjà répondu à M. Kert en ce qui concerne l'inscription des numéros dans l'annuaire de téléphone mobile. Le Gouvernement donne par ailleurs son accord à la gratuité de la localisation des appels d'urgence, pour améliorer l'efficacité des services de secours.

Je dois dire à M. Brottes que ce projet est loin d'instaurer la loi de la jungle...

M. François Brottes - C'est pourtant ça !

Mme la Ministre déléguée - C'est le contraire ! Les pouvoirs des deux autorités de régulation, l'ART et la CSA, sont renforcés dans de nombreux domaines.

Je confirme à M. Dionis du Séjour que les deux lois du plan Réseau 2007 ont bien été une priorité : la loi sur la confiance dans l'économie numérique et le paquet télécoms sur la régulation des communications électroniques. Le Gouvernement est également favorable à des analyses périodiques du marché concernant les opérateurs puissants et à des mesures exceptionnelles en cas d'urgence.

M. Martin-Lalande a soulevé la question de la disposition, votée dans le cadre de la loi relative à l'économie numérique, sur la surveillance des sites en cas de contenu illicite particulièrement odieux : pédophilie, antisémitisme ou incitation à la haine raciale.

Cet amendement a eu le grand mérite de lancer un signal fort et d'attirer l'attention de chacun sur un grand problème de société. L'internet doit demeurer un espace de liberté, mais non pas devenir un espace de non-droit (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Comment défendre nos valeurs fondamentales et assurer la protection des enfants et des jeunes, tout en respectant la vie privée des internautes ? Quelle doit être la contribution de chaque partie concernée - hébergeurs, fournisseurs d'accès, familles - à la lutte contre les sites illicites ? Quel serait le dispositif le plus efficace, sachant que le dernier mot reviendra aux juges ?

Lors du vote de la loi sur l'économie numérique, je m'en suis remise à la sagesse de votre assemblée, estimant que l'argument de non-compatibilité avec la directive européenne n'était pas à la mesure de l'enjeu.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Depuis, j'ai recherché les moyens d'avancer sur cette question et l'amendement donne l'occasion de faire le point, même s'il me semble avoir davantage sa place dans la loi sur l'économie numérique.

J'ai rencontré les représentants des fournisseurs d'accès et des hébergeurs de site, des industries culturelles, des associations de familles, et je suis parvenue à la même conclusion que le rapport du forum des droits sur l'internet, à savoir que seule une combinaison des leviers techniques, juridiques et pédagogiques et d'une volonté politique affirmée peut assurer une prévention efficace.

Cette volonté existe chez le Gouvernement et les parlementaires, mais aussi chez tous les acteurs que j'ai rencontrés. C'est donc vers un partage réaliste et équilibré des responsabilités que nous devons aller. Aux fournisseurs d'accès, nous demandons de renforcer le site de signalement des contenus à caractère pédophile ou raciste et de développer les procédés de filtrage avant l'acheminement des contenus. Ils ont accepté de rédiger une charte, ouverte à tous les prestataires techniques de l'internet, précisant les suites données aux signalements des internautes.

Avec les familles, nous avons convenu qu'il fallait améliorer les logiciels de contrôle et de filtrage à disposition des parents. Un essai comparatif effectué en 2002 par 60 millions de consommateurs a démontré qu'aucun de ces logiciels n'était efficace à 100 % et qu'ils étaient presque tous d'origine nord-américaine. J'ai donc souhaité intégrer cette problématique aux programmes de recherche soutenus par le ministère de l'industrie.

Nous lancerons prochainement une nouvelle édition de l'appel à projets OPPIDOM, doté d'un budget de 4 millions d'euros pour promouvoir la recherche de solutions novatrices.

Enfin, comme le problème dépasse le cadre de nos frontières et préoccupe plusieurs de nos partenaires, nous chercherons à renforcer la coopération européenne en ce domaine par l'adoption d'une directive et la coopération internationale par des conventions sur ce sujet.

C'est un problème grave. Je poursuis l'étude des pistes que je viens d'évoquer et, lors de la deuxième lecture du projet sur l'économie numérique, je pourrai vous proposer des solutions de nature à apaiser vos craintes légitimes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Je tiens, moi aussi, à vous féliciter de la qualité du travail réalisé par les rapporteurs et les commissaires.

M. Hamelin a proposé une nouvelle rédaction de l'article relatif au règlement des litiges par le CSA. Un amendement vous sera présenté, qui garantira une bonne coordination entre le CSA et le Conseil de la concurrence. Il devrait apporter aussi satisfaction à M. Kert en supprimant la possibilité de prononcer des mesures conservatoires.

Vos rapporteurs proposent également de modifier les obligations de reprise pesant sur les réseaux câblés, de façon à assurer à toutes les chaînes hertziennes qui le souhaitent la possibilité d'être reprises, à leurs frais, par un distributeur de service. Cette proposition me semble judicieuse. Par cohérence, le Gouvernement a déposé deux amendements tirant les conséquences de cette mesure sur l'ensemble des obligations de reprise prévues par le projet initial. Le nouvel équilibre ainsi proposé a été salué par Patrice Martin-Lalande et Christian Kert et je les en remercie. L'évolution porte à une pluralité de partenaires, mais il est nécessaire que la loi le prévoie de façon plus explicite.

Cette proposition devrait apaiser les inquiétudes de MM. Hamelin et Kert, et rassurer aussi l'opposition qui semblait craindre qu'un groupe national puisse s'emparer des télévisions locales numériques - crainte qui fait peu de cas du rôle joué par le CSA.

M. Brottes et M. Baquet ont regretté un manque de concertation sur ce projet. Le reproche m'étonne car le Gouvernement a procédé à quatre consultations publiques sur internet et organisé près d'une centaine de réunions bilatérales de juillet 2002 à juillet 2003. Au cours de ces douze mois, de nombreux documents ont été rendus publics, ainsi que les réactions des différents acteurs. L'intégration dans le projet de loi de mesures favorables aux télévisions locales a été annoncée début 2003. Depuis juillet dernier, les échanges se sont poursuivis. Des amendements ont été annoncés sur la filialisation de RFO à FTV et sur le cadre de la radio numérique. Le groupe de travail sur la radio numérique a procédé à deux consultations publiques.

Je m'étonne également que M. Baquet évoque l'absence de définition de l'_uvre audiovisuelle. Vous savez que j'ai engagé une concertation sur ce sujet car le droit actuel me paraît inadapté. Ce domaine est cependant d'ordre réglementaire et c'est pourquoi il n'est pas traité dans le projet. Mais j'étudierai volontiers votre solution.

En ce qui concerne la délicate question de la replanification des fréquences, les études concordantes abondent, dites-vous ; mais seul un rapport commandé par une radio privée retient la possibilité d'une fréquence unique, tandis que celui du CSA de 1997 l'exclut. Je reconnais sans esprit polémique que l'idée peut être intéressante, mais il faut aussi se soucier des intérêts des autres catégories d'opérateurs, notamment les radios associatives. Nous étudions, dans la transparence, les scénarios de planification de la bande FM, en espérant fournir ainsi une base objective à la décision.

J'ai évoqué, Monsieur Kert, la situation de Radio France lors des questions d'actualité, et je répète solennellement l'attachement du Gouvernement et de la majorité au service public de la radio et de la télévision. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). J'ai choisi de laisser sa responsabilité à la direction. Je fais confiance à Jean-Marie Cavada et à son équipe ainsi qu'aux syndicats et représentants du personnel pour tendre vers une solution équilibrée, honorable et utile pour la société nationale. Il n'est pas bon que la tutelle s'immisce constamment dans le dialogue social au sein de l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

Je suis très sensible au soutien, déterminé et vigilant, des députés d'outre-mer au processus d'intégration de RFO dans FranceTélévisions. Le grand danger pour RFO aurait été une marginalisation progressive, lui interdisant de produire des programmes singuliers et d'assumer sa mission de continuité du principe territorial de l'audiovisuel. Dans l'audiovisuel public national, RFO sera en mesure de mieux produire des programmes adaptés à des attentes très diverses de la Guyane à la Réunion, de la Polynésie à Saint-Pierre-et-Miquelon, comme de faire connaître également les réalités d'outre-mer en métropole.

Monsieur Françaix, j'aimerais que vous abandonniez enfin le refrain que vous vous obstinez à entonner sur l'asservissement de la majorité et du Gouvernement aux intérêts de telle chaîne privée de télévision. Ce n'est pas convenable.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. le Ministre - C'est même indigne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Pour ma part, je n'ai jamais été employé d'une chaîne de télévision ni appointé par TF1, tandis qu'un de mes prédécesseurs l'a été par Canal Plus. Cessez donc de parler de cadeaux à TF1, qui d'ailleurs est une très bonne chaîne (Rires sur les bancs du groupe socialiste), vous qui avez diminué la publicité sur le service public...

M. Patrice Martin-Lalande - Un beau cadeau !

M. le Ministre - ...ce qui a permis à TF1 d'augmenter ses recettes publicitaires de 10 %. Et dans la loi d'août 2000, vous avez prolongé de cinq ans les autorisations analogiques des groupes comme TF1 en restant très évasifs sur les contreparties. Cessez donc de nous chercher cette querelle médiocre. Notre souci, c'est l'intérêt général, et non, de façon partisane, celui de tel ou tel opérateur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Didier Mathus - Cet « objet législatif non identifié » qu'on nous présente est bien bizarre. « Ils partirent 500, et par un prompt renfort.... » On parodierait volontiers Corneille, tant ce texte présenté comme la transposition du « paquet télévision » européen s'est alourdi de dispositions sur l'audiovisuel, au point de n'avoir plus guère à voir avec la version initiale.

D'autre part, ses conditions d'examen n'ont pas été satisfaisantes. Il n'a pas été réellement examiné par la commission des affaires culturelles...

M. le Président de la commission - Ça alors !

M. Didier Mathus - ...malgré tout le mérite du rapporteur, puisqu'elle n'a été saisie que pour avis du titre II qui modifie considérablement la loi de 1986 relative à la liberté de communication.

Enfin, plusieurs textes concernant internet ou l'audiovisuel nous sont proposés en même temps. La démarche n'est guère cohérente. Et puis, on nous demande de légiférer, peu après avoir tenu un débat général sur l'audiovisuel, dans un climat particulier puisque le Gouvernement a décidé de confier les rênes de la chaîne internationale à TF1 - ce n'est pas un procès, c'est un constat - et que radio et télévision publiques sont en crise. Décemment, mieux eut valu élaborer un projet plus cohérent en consultant vraiment la commission des affaires culturelles. Je demande donc le renvoi en commission car c'est dans l'improvisation que diverses dispositions sur l'audiovisuel ont été greffées à ce texte sans étude sérieuse, sans réflexion d'ensemble sur la télévision - il est vrai que c'est ce qui manque à ce gouvernement depuis deux ans.

Pour éviter ces erreurs, il aurait fallu examiner plus à fond un certain nombre de points : le pouvoir de régulation du CSA, la concentration, les autorisations d'émettre, le must carry (Mouvements divers), c'est-à-dire l'obligation de diffuser...

M. le Président de la commission - L'obligation de transporter.

M. Didier Mathus - ...RFO, et enfin la révolution numérique.

Nous sommes favorables à l'extension des pouvoirs du CSA. Mais les dispositions de ce texte sont en contradiction avec celles du projet sur la confiance dans l'économie numérique. Si le CSA a des responsabilités accrues, ce doit être dans la transparence. A ce sujet, le mode de désignation de ses membres nous inquiète. Au 1er janvier 2007, à l'entrée d'une année électorale importante, le CSA, chargé de veiller à l'équité dans le traitement par les médias, ne sera composé que de membres nommés par des personnalités appartenant à l'UMP. C'est la loi, certes. Mais en démocratie, est-il raisonnable de s'accommoder d'un tel manquement au pluralisme ? Dans la plupart des pays démocratiques, les instances de régulation reflètent la diversité des courants politiques. J'ai déposé à ce sujet deux amendements, que vous aurez tort de repousser.

En deuxième lieu, le projet comporte une série de dispositions visant à démanteler le dispositif, pourtant modeste, anticoncentration. Nulle part, même dans les pays les plus libéraux, la communication n'est considérée comme un marché ordinaire ; tous les pays démocratiques se sont dotés de règles, souvent très coercitives. La concentration dans ce domaine est en effet l'ennemie du pluralisme, donc de la démocratie. Vouloir d'ores et déjà affermer d'éventuelles télévisions locales aux deux grands réseaux hertziens privés, comme prévu dans le projet initial, serait une profonde erreur, ou plutôt une faute. On sait que vous réfléchissez dans les coulisses à un projet de télévision régionale en Ile-de-France : comment faire pour - c'est une supposition ! - donner l'autorisation à vos amis de TF1 ?

Dans notre pays ultra-centralisé, il y a une sorte de méfiance à l'égard des expressions locales ou régionales. C'est vrai pour la radio, objet de tentatives diverses pour expurger la bande FM des radios indépendantes et associatives. C'est vrai pour la télévision, pour laquelle le Gouvernement était tenté de donner les fréquences locales aux deux réseaux nationaux privés. Je rends hommage à la sagesse de la commission, qui a corrigé cette aberration par amendement, mais nous serons très attentifs aux tentatives de bricolage des seuils.

S'agissant des autorisations d'émettre, je rappelle que les fréquences sont un bien public. Elles ne sont prêtées aux opérateurs que pour un temps limité, en échange de missions d'intérêt général. C'est dans cet esprit qu'avait été conçu, dans la loi d'août 2000, le bonus d'autorisation. Devant l'enlisement du numérique, organisé par le Gouvernement pour répondre aux desiderata des chaînes existantes, les restrictions apportées à la reconduction automatique par l'article 97 ne sont pas à la hauteur de la situation. Les opérateurs historiques conjuguent leurs efforts pour empêcher l'émergence de tout distributeur commercial et paralysent ainsi de facto le déploiement du numérique hertzien. Ils gagnent ainsi sur tous les tableaux. Il serait du devoir du Gouvernement d'épauler sérieusement le CSA dans sa lutte inégale avec des opérateurs fermement décidés à ce que rien ne bouge...

Ce projet vient consolider l'emprise du groupe TF1 sur le paysage audiovisuel. TF1 détient déjà plus du tiers de l'audience et plus de la moitié du marché publicitaire ; dans un tel contexte, le Gouvernement devrait tout faire pour assurer le pluralisme, pour maintenir et moderniser un pôle public puissant et pour veiller à la viabilité des groupes audiovisuels nationaux : sur ces trois points, vous avez failli. Le seul fil conducteur apparent de votre politique, vous disais-je ici même il y a quelques semaines, c'est la promotion méthodique des intérêts du groupe Bouygues : ce projet le confirme avec éclat.

Au moment même où vous manifestez ostensiblement votre indifférence à l'égard du service public, vous prenez le soin d'introduire un amendement sur le must carry - qu'on devrait d'ailleurs appeler must offer.

M. le Président de la commission - Veuillez parler français !

M. Didier Mathus - C'est le plus somptueux cadeau fait à TF1 depuis la loi Carignon. Voilà une disposition qui devrait assurer à TPS le pouvoir de vie et de mort sur tous les réseaux câblés de France.

Il semble que ce soit sous l'égide de Matignon que l'arbitrage ait été rendu. Il est proposé de remplacer l'obligation systématique de reprise des chaînes hertziennes en clair par les réseaux câblés par une obligation de reprise à la demande.

Outre le fait que cette disposition me paraît parfaitement contradictoire avec la jurisprudence européenne, elle signifie que TF1 et M6 pourront sortir librement du plan de services des câblo-opérateurs et porter ainsi un coup fatal au développement du câble. On institue de fait un monopole de TPS pour la distribution numérique de TF1 et M6.

Par ailleurs, en portant de cinq à sept le nombre de canaux pouvant être détenus par un opérateur historique, vous réduisez le pluralisme. A cet égard, j'espère que l'excellent amendement du rapporteur pour avis aboutira.

L'idée de rapprocher RFO de FranceTélévisions n'est ni neuve ni déraisonnable, mais il a fallu attendre début janvier pour connaître la nature de ce rapprochement. Notre collègue Victorin Lurel, député de la Guadeloupe, déplore que cette intégration ait été décidée par le Gouvernement brutalement, sans préparation ni concertation avec le personnel.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste trouverait plus sage de renvoyer cet « objet législatif non identifié » en commission. Aujourd'hui - c'est vrai aussi à Bruxelles -, la question de la révolution numérique est abordée uniquement sous l'angle de la protection des intérêts des lobbies et des industries existantes.

Le sujet est d'une grande importance, car il va modifier les échanges et les façons de vivre. Mieux aurait donc valu entendre ce que chacun avait à dire, et non, seulement, les lobbies.

Je déplore qu'à la réflexion d'ensemble qui s'imposait on ait substitué un « patchwork » hétéroclite. Nul ne sait quelles missions la nation entend assigner à ces formidables nouveaux médias, ce qui est fort dommage.

Je propose donc le renvoi en commission de ce texte en vue d'un examen plus serein.

M. le Président de la commission - Comme vous ne pouvez l'ignorer, Monsieur Mathus, si renvoi en commission il y a, c'est à la commission saisie au fond. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de la commission des affaires économiques dont vous n'êtes pas membre et aux travaux de laquelle vous n'avez pas assisté, alors que vous l'auriez pu. Comment, dans ces conditions, pouvez-vous mettre en cause la qualité de nos échanges ?

M. François Brottes - Il s'agit d'une demande collective, vous le savez bien.

M. le Président de la commission - Je rends hommage au travail remarquable de notre rapporteur, et au Gouvernement qui, nous ayant entendu, a accepté que les modalités de la transposition soient examinées par le Parlement au lieu qu'il soit procédé par ordonnances. Comment demander le renvoi en commission, alors que le débat a bel et bien eu lieu ? Quant à l'urgence, elle est avérée, puisque la directive aurait dû être transposée en droit interne en juillet 2003.

En réalité, la défense de cette motion vous a servi à exposer votre position, ce que vous auriez pu faire au cours de l'examen des articles - ce que vous ne manquerez pas de faire, j'en suis sûr !

S'agissant de la désignation des membres du CSA, j'observe que vous n'avez pas estimé utile d'en modifier le dispositif, qui vous semble pourtant insupportable, quand vous étiez aux affaires.

Pour ce qui est enfin de la coordination des travaux de la commission saisie au fond et de la commission saisie pour avis, elle a été exemplaire en tous points, les auditions étant conduites en commun.

Il n'y a aucune raison valable à cette demande de renvoi en commission, que j'invite l'Assemblée à rejeter.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur de la commission des affaires économiques - Très bien !

M. Alain Gouriou - Sur la forme, une demande de renvoi en commission n'a rien d'un crime de lèse-majesté : il s'agit d'une procédure parlementaire courante dont aucun parti ne s'est jamais privé, le président de la commission voudra bien en convenir.

Sur l'urgence, il y a beaucoup à dire. On peut supposer qu'elle explique le caractère inachevé du texte, mais l'on ne voit pas qu'elle soit avérée, alors que trois textes sont en discussion plus ou moins concomitante, qu'il faudra bien finir par coordonner.

Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de répertorier les présences ou les absences supposées de notre collègue Mathus à telle ou telle réunion de la commission dont l'une au moins, Monsieur Ollier, n'a pas été présidée par vous mais, en votre absence, par M. Proriol - et le rapporteur pour avis n'était pas là non plus ce jour-là.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mais j'étais représenté !

M. Alain Gouriou - Nul n'a mis en cause le sérieux des travaux de la commission et, comme son président, nous sommes satisfaits que le débat se tienne au Parlement, alors que la transposition par ordonnances a été envisagée un moment...

M. Patrice Martin-Lalande - Voilà un aveu difficile !

M. Alain Gouriou - ...mais il est curieux qu'un texte présenté par le Gouvernement nous soit soumis assorti de 45 amendements du même gouvernement. Voilà qui démontre l'inachèvement d'un projet, voué à être corrigé alors que l'encre en est à peine sèche... Et encore, je ne dis rien des amendements du rapporteur, dont on peut supposer qu'ils ont été rédigés en concertation avec les ministères concernés... Comment, encore, prétendre ignorer les chevauchements des trois textes en cours d'examen ?

M. Patrice Martin-Lalande - Faudrait-il donc ne rien faire ?

M. Alain Gouriou - Des interférences sont prévisibles, qu'il faudra bien rectifier un jour. D'autre part, les attributions respectives de l'ART, du CSA et du Conseil de la concurrence sont par trop floues, et devront être plus clairement délimitées.

Enfin, le dispositif « anticoncentration » ne laisse pas de nous inquiéter, tant le pluralisme nous semble, à terme, menacé. Si la distinction est claire, en matière radiophonique, entre opérateurs nationaux et initiative locale, elle l'est beaucoup moins pour les télévisions et le risque est patent que les opérateurs nationaux ne se fassent aussi opérateurs de chaînes de télévision locales, ce qu'il serait lourd de danger.

Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera la demande de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - L'UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission, car on ne peut déplorer le retard pris dans la transposition de la directive et la différer encore !

En revanche, Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur un point, même s'il vous a fait perdre votre flegme légendaire il y a un instant. Ce texte a été examiné en Conseil des ministres en juillet dernier, et l'UDF a choisi de consacrer l'une de ses rares niches parlementaires à la communication audiovisuelle et à la presse écrite le 13 janvier dernier. N'aurions-nous pas pu en profiter pour aborder des sujets que l'on ne découvre qu'aujourd'hui ?

En effet, les 45 amendements du Gouvernement n'ont pu être examinés en commission des affaires culturelles...

M. François Brottes - Raison de plus pour y retourner !

M. Pierre-Christophe Baguet - ...et ne l'ont été qu'en commission des affaires économiques où j'ai pu, heureusement, me rendre.

Par ailleurs, vous soutenez que la définition de l'_uvre audiovisuelle n'a pas sa place dans ce texte, alors que si l'on aborde la question des tuyaux, on peut aussi traiter du contenu.

Pour ce qui est de la planification de la bande FM, je ne remets pas en cause l'engagement du Gouvernement, qui a fait ses preuves, notamment pour la radio numérique, mais j'espère que le CSA sera prêt.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Frédéric Dutoit - Nous voterons cette motion de renvoi en commission, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, c'est vrai, il n'y a pas d'urgence à voter ce texte dans la mesure où une première loi sur les télécoms a déjà été votée, une seconde est en cours de discussion au Sénat et ces deux textes sont étroitement liés à celui que nous examinons aujourd'hui.

Par ailleurs, le sujet est suffisamment grave pour mériter un traitement cohérent, ce à quoi ne répondent ni la coexistence des trois textes, ni ce projet lui-même, dont la centaine d'articles n'obéit à aucune logique et qui aurait mérité d'être scindé en deux textes distincts.

Enfin, la France pèserait davantage au sein de l'Union européenne si elle ne s'empressait à ce point de transcrire les directives européennes.

M. Patrice Martin-Lalande - Vraiment ?

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Ministre - Le français est la langue de la République ; ainsi en dispose la Constitution, reprenant un usage constant depuis l'édit de Villers-Cotterêts. La loi Toubon de 1994 rappelle les conditions de l'usage de la langue française dans l'ensemble des actes de la vie politique, administrative, culturelle, commerciale.

C'est une préoccupation constante de votre assemblée de défendre l'usage du français dans les instances internationales et européennes. Vous l'avez encore rappelé à l'occasion du remarquable rapport de Michel Herbillon.

La promotion de l'usage du français fait partie des attributions du ministère de la culture et j'ai, hier matin, installé au ministère de la culture le Conseil supérieur de la langue française, présidé par M. Yves Berger. Nous avons entendu, à cette occasion, la commission de terminologie constituée pour adapter notre langue aux évolutions technologiques et commerciales.

Je vous en supplie, que ces horribles expressions de must carry, must deliver soient bannies de notre vocabulaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). La langue française est riche, dynamique, et sait s'adapter au monde d'aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Patrice Martin-Lalande - France Télécom a absorbé, le 1er janvier 2004, la société Cofratel, spécialisée dans les activités d'installation de télécommunications.

France Télécom regroupe ainsi, sous la même appellation, les activités d'opérateur de réseaux et celles d'installateur-intégrateur, ce qui inquiète les installateurs-intégrateurs indépendants. Afin de répondre aux attentes de cette profession, l'amendement 178 tend à inclure dans le code des postes et télécommunications une définition des installateurs-intégrateurs.

Je proposerai par la suite un amendement relatif aux missions de contrôle de l'ART en la matière.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné en commission, mais j'y suis défavorable à titre personnel, car le métier d'installateur-intégrateur relève du code du commerce, et non du code des postes et télécommunications.

Mme la Ministre déléguée - Même avis ; M. Martin-Lalande pourrait-il retirer son amendement ?

M. Patrice Martin-Lalande - J'accepte de le retirer, mais il serait important de maintenir l'équilibre entre les installateurs-intégrateurs indépendants et France Télécom.

M. le Rapporteur - L'amendement 89 tend à définir l'« interconnexion »

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable, à condition de remplacer le terme « entreprise » par « opérateur ». Le mot « entreprise » n'a pas le même sens en droit communautaire qu'en droit national. Par ailleurs, il est trop restrictif : les collectivités locales pourront, dans l'avenir, être des opérateurs, et certaines associations ou personnes physiques le sont déjà aujourd'hui dans le cadre des réseaux wi-fi.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Jean-Paul Charié - Si le terme d'opérateur est plus vague, je suis favorable à cette modification.

L'amendement 89 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 90 donne une définition des « données relatives au trafic » utile pour élargir l'offre de services et qui est conforme à la directive « vie privée et communications électroniques ».

Mme la Ministre déléguée - Cet amendement reprend une définition de la directive. Le Gouvernement y est favorable.

L'amendement 90, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 91 reprend l'article 8 de la directive-cadre, qui prévoit que l'autorité de régulation nationale doit prendre des mesures raisonnables et proportionnées.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable. Cet amendement ne modifie pas l'équilibre du projet de loi et rappelle des principes importants de l'action du régulateur. En outre, il a le mérite de reprendre plus précisément la directive-cadre.

L'amendement 91, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 177 veut permettre à l'ART d'exercer un contrôle sur les relations entre exploitants de réseaux, fournisseurs de services et installateurs-intégrateurs de télécommunications. Les barrières entre ces différents métiers tendent à s'estomper, ce qui soulève des problèmes de concurrence importants entre de petites sociétés indépendantes et des opérateurs de taille nationale.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable car le métier des installateurs-intégrateurs relève plus du droit de la concurrence et du code du commerce que du code des postes et télécommunications.

L'amendement 177, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 92 ajoute l'ordre public dans la liste des objectifs généraux de la régulation établie à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 237 est identique, à un mot près. Je le retire et me rallie à celui de la commission.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable. Le Gouvernement n'a aucune objection à ce rajout, sachant que la protection de l'ordre public est organisée par des textes de portée générale que les opérateurs sont en tout état de cause tenus de respecter.

L'amendement 92, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 93 et 94 modifient la rédaction pour reprendre plus exactement l'article 8 de la directive-cadre.

Les amendements 93 et 94, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 95 apporte une précision.

L'amendement 95, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié - L'article 4 étend les pouvoirs d'enquête de l'ART, jusqu'à présent limités aux seules infractions pénales, à l'ensemble des obligations imposées aux opérateurs. Aucune procédure d'information préalable du pouvoir judiciaire n'est prévue, procédure pourtant plus conforme aux principes généraux du droit et prévue par l'article 40. L'amendement 187 propose donc de revenir au texte de la directive-cadre, qui ne prévoit pas de pouvoir d'enquête sur place : en l'absence de garanties supplémentaires, ce pouvoir s'apparente à un droit de perquisition. Je suis particulièrement attaché à l'ART, mais ses compétences doivent être conformes à l'équilibre juridique et économique du pays.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. De tels pouvoirs sont déjà prévus par l'article L. 32-4 du code des postes et télécommunications. Ils sont déjà appliqués dans beaucoup de pays européens, à commencer par l'Allemagne. L'ART a précisé que cette mesure ne donnerait lieu à aucune création de poste et donc n'engendrerait aucun surcoût. En contrepartie, le contrôle du Parlement sur l'ART sera renforcé.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable. L'attribution de pouvoirs d'enquête sur place à une autorité administrative indépendante doit être soigneusement pesée et la pratique de la régulation ne doit en aucun cas se traduire par une banalisation des contrôles dans les locaux des opérateurs. Il est donc tout naturel que le Parlement se montre vigilant. Néanmoins, cet amendement semble excessif car il revient sur des compétences qui avaient été dévolues à l'ART en 1996 et dont l'exercice n'a soulevé aucun problème particulier.

M. Jean-Paul Charié - Ce n'est pas cet amendement qui est excessif ! Notre souci est que ni la loi ni les droits de la défense n'aient à souffrir des activités de l'ART de demain. Cet amendement ne porte aucun jugement de valeur sur les membres du collège actuel, mais le législateur travaille pour l'avenir ! La loi ne doit pas, un jour, devenir une entrave à la sécurité juridique. Il n'est pas excessif de respecter à la lettre l'article 5 de la directive ni de prévoir, comme en Allemagne, un dispositif garantissant un minimum d'impartialité et de bon comportement dans les interventions de l'ART. Il n'est pas excessif de garantir la sécurité juridique des opérateurs au moment où on leur demande de prendre de plus en plus de risques économiques.

L'amendement 187, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 est adopté.

ART. 6

M. Frédéric Dutoit - Le passage d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration est une étape décisive dans la longue marche - ou la croisade ? - vers un marché unifié des télécommunications, encadré uniquement par le droit général de la concurrence. L'Union européenne aura été un allié de poids dans cet effort. Ses orientations sont rappelées dans le projet de constitution pour l'Europe : l'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontière intérieure et un marché unique où la concurrence est libre et non faussée. L'emploi du verbe « offrir » ne manque pas de saveur !

Les bienfaits de la concurrence libre semblent aller de soi : comment refuser un si beau cadeau ? Mais le paysage hérité des premières années du règne de la concurrence dans les télécommunications illustre une dérive inégalitaire. Le Gouvernement, dans la lignée des ses choix de déresponsabilisation de l'Etat, veut laisser plus d'initiative aux collectivités locales. A elles de combler les lacunes de l'initiative privée, qui se traduisent par l'existence de nombreuses zones blanches sur le territoire, malgré les chiffres que vous avez donnés tout à l'heure, Madame la ministre. Il s'agit de zones de non-droit, puisque les personnes concernées sont privées du droit à l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Laisser l'initiative aux collectivités locales ne remédiera en rien à cette situation. A l'inégalité due au sous-investissement chronique des acteur privés - ou en passe de l'être, comme France Télécom - se substitue l'inégalité des capacités financières des collectivités locales face à des investissements très lourds.

On voit dès aujourd'hui ce que deviendra demain notre pays. La fracture numérique remplacera la fracture sociale. Fin 2003 par exemple, la communauté d'agglomération de Pau a lancé un des premiers projets d'infrastructure en fibres optiques, qui offre un accès à internet à très haut débit. Les investissements sont estimés à 35 millions et le pari est risqué. L'intérêt de ce projet est évident, mais des questions se posent. La commune de Tarbes, à une quarantaine de kilomètres, pourra-t-elle investir dans un projet de ce type ? Ces deux communes voisines seront-elles séparées par la fracture numérique ?

Autre exemple, à Montesquiou, village du Gers de 290 habitants, un point d'accès à l'internet wi fi a été installé, non à l'initiative d'une collectivité locale ou d'un opérateur privé, mais grâce aux talents de l'un des habitants. Les communes voisines qui n'ont pas la même chance devront-elles se passer du haut débit faute d'une politique de couverture globale du territoire ?

Tous ces exemples montrent que les initiatives locales, si louables soient-elles, ne peuvent pallier l'absence d'une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom. Ces inégalités sont inadmissibles.

J'en viens à notre amendement 211. Une étude de la DATAR publiée en juin 2003 montre que 74 % de la population française pourrait accéder au haut débit : mais cette population se concentre sur 21 % du territoire. Près de 15 millions de personnes vivent dans des zones non desservies par le haut débit. L'observatoire régional des télécommunications fait un constat aussi alarmant. La profusion de projets des collectivités locales démontre la carence des opérateurs privés. Compte tenu de l'inégalité des ressources financières de ces collectivités, leurs initiatives ne pourront pallier le désengagement de l'Etat.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le Rapporteur - Cette suppression maintiendrait le régime de l'autorisation administrative, alors que la directive prévoit un système de déclaration préalable. Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - La suppression de l'autorisation administrative est un point essentiel de la directive. En outre, elle allègera la charge de l'ART et du ministère de l'industrie. Avis défavorable à l'amendement.

L'amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - La durée des autorisations d'occupation du domaine public était calquée sur celle de la licence de l'opérateur. Le régime déclaratif est moins contraignant et les aléas économiques risquent de provoquer des abandons de réseaux. C'est pourquoi l'amendement 56 de M. Deprez vise à imposer aux opérateurs des garanties financières et techniques.

M. le Rapporteur - C'est une excellente idée. Avis favorable.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement. Nous ne voyons pas la nécessité d'encadrer encore davantage le droit de passage des opérateurs.

M. le Rapporteur - La commission estime essentiel qu'il y ait une garantie de pérennité de l'opérateur avant d'engager les travaux d'infrastructure.

M. Jean-Paul Charié - Je ne comprends pas l'argumentation de Mme la ministre et je suis très favorable à l'amendement.

M. Frédéric Dutoit - Il me paraît évident que les opérateurs doivent présenter certaines garanties pour assurer la pérennité des réseaux.

M. le Président de la commission - Je souhaite également que l'Assemblée adopte cet amendement, quitte à revoir la rédaction avant la CMP. C'est une sécurité nécessaire et parfaitement conforme à la directive.

L'amendement 56, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 96 est de coordination.

Les amendements identiques 96 et 238, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Alain Gouriou - Conformément à un engagement pris par le Gouvernement, l'amendement 191 permet aux services de secours, d'urgence et de police judiciaire de bénéficier gratuitement des données permettant de localiser les appels aux numéros 112, 15, 17 et 18.

M. le Rapporteur - L'amendement 97 a le même objet, mais sa rédaction est plus proche du texte de la directive sur le service universel. Je demande donc aux auteurs de l'amendement 191 de s'y rallier.

M. François Brottes - Nous sommes d'accord, sous réserve qu'il soit précisé que la disponibilité ou non-disponibilité de l'information est d'ordre purement technique. Sinon, un opérateur de mauvaise volonté pourra toujours prétendre que l'information n'est pas disponible.

M. le Rapporteur - Pour le téléphone fixe, la fourniture de l'information sera obligatoire. Pour le téléphone mobile, cela dépendra évidemment des progrès de la technologie.

M. François Brottes - Bien que je trouve cette réponse ambiguë, je retire l'amendement 191 au profit du 97.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable.

L'amendement 97, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 57 de M. Deprez prévoit la transmission des données nécessaires à la constitution d'une base de données géographiques homogène sur les infrastructures de communication. Cette demande a été actée au CIADT de septembre 2003. La transparence est nécessaire, s'agissant d'investissements coûteux.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable Le CIADT avait effectivement envisagé cette mesure. Mais pour l'instant, fournir une information trop large sur la localisation de ces équipements pourrait nuire aux intérêts économiques des opérateurs et comporter un risque pour la sécurité publique.

Mme la Ministre déléguée - Défavorable.

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 300 est de coordination.

L'amendement 300, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. le Rapporteur - L'amendement 98, par coordination, mentionne l'obligation de respect de l'ordre public.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 239 a le même objet. Je me rallie à celui de la commission.

L'amendement 98, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié - L'amendement 231 de M. Gonnot supprime la liberté d'installer un brouilleur dans une salle de spectacles. D'abord, cela gêne les appels d'urgence et ceux des services d'urgence. Ensuite la Commission européenne a demandé qu'on cesse d'utiliser ces brouilleurs sauf pour des motifs d'ordre public. On peut très bien mettre les portables sur vibreurs pendant un spectacle.

M. le Rapporteur - Avis favorable. Effectivement, cette utilisation n'est pas conforme au droit européen et l'évolution des technologies - le vibreur ou la diode lumineuse, le SMS - fait que l'on peut très bien conserver son portable. En outre, l'action de brouilleurs ne s'arrête pas aux murs d'une salle ; ils perturbent la réception dans une zone plus large.

Mme la Ministre déléguée - La loi du 17 juillet 2001 prévoit la liberté d'installation de tels brouilleurs dont l'intérêt est certain pour assurer la tranquillité des spectateurs. Il est vrai que cette installation se heurte à un certain nombre de difficultés. Le projet de décision de l'ART à ce sujet a été notifié à la Commission européenne mais celle-ci, comme de nombreux Etats, conteste l'utilisation même des brouilleurs. Il est vrai aussi qu'il est difficile de confiner leurs effets à l'intérieur de la salle. Enfin, aucune solution satisfaisante n'a encore été trouvée pour les appels d'urgence. Cependant, le Gouvernement se doit d'émettre un avis défavorable car la loi de 2001 doit s'appliquer.

M. Dominique Richard - Adopter cet amendement heurterait le monde du spectacle qui est très attaché à cette possibilité d'assurer la tranquillité dans les salles. Continuons plutôt à réfléchir à des solutions techniques pour les appels d'urgence.

M. Frédéric Dutoit - Je partage cette opinion. Il est insupportable pour des spectateurs d'entendre un téléphone sonner. Pour les appels d'urgence, on peut utiliser les téléphones fixes des salles.

Mme Juliana Rimane - Je pense également que, même s'il se pose quelques difficultés, abandonner les brouilleurs, c'est abdiquer dans la lutte contre les nuisances sonores indésirables. Restons-en au texte du Gouvernement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur Charié, la liberté des utilisateurs de portables s'arrête où commence celle des artistes et des spectateurs. Le monde du spectacle, qui traverse une phase difficile, ne comprendrait pas qu'on adopte un tel amendement. Je souhaiterais qu'il soit retiré.

M. Jean-Paul Charié - Je vais aussi au spectacle et je défends les artistes, mais dans bien des salles on demande aux gens de placer leur téléphone sur vibreur, de sorte qu'il est vraiment exceptionnel d'être dérangé par une sonnerie.

Madame la ministre, merci vraiment d'avoir aussi bien défendu l'amendement ! Si toute la question tient à une loi précédente, on peut la changer. Et comme vous l'avez dit, l'installation de brouilleurs n'est pas compatible avec le droit européen, et on en confine mal les effets dans une salle. Il faut donc les supprimer.

L'amendement 231, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 8.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

CONSTITUTION D'UNE CMP

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe que, conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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