Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 75ème jour de séance, 188ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 7 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AIDE EUROPÉENNE ALIMENTAIRE AUX PLUS DÉMUNIS 2

CONSTITUTION EUROPÉENNE 2

BUDGET EUROPÉEN 3

ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE 4

POLITIQUE DE SÉCURITÉ 5

PRIVATISATIONS 5

FINANCES PUBLIQUES 6

KOSOVO 7

ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE HOMMES-FEMMES 7

EDF-GDF 8

LOGEMENT 9

TURQUIE 9

RAPPELS AU RÈGLEMENT 11

FORMATION PROFESSIONNELLE
ET DIALOGUE SOCIAL (CMP) 12

EXPLICATIONS DE VOTE 13

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 17

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
- deuxième lecture - 17

A N N E X E ORDRE DU JOUR 22

ERRATA 24

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.

AIDE EUROPÉENNE ALIMENTAIRE AUX PLUS DÉMUNIS

Mme Muguette Jacquaint - Il y a un mois, l'abbé Pierre et des associations caritatives telles que les Restos du c_ur, le Secours populaire et le Secours catholique lançaient un cri d'alarme à propos de l'explosion de précarité et de misère que connaît notre pays. Celle-ci s'est traduite par une affluence sans précédent dans les banques alimentaires et les épiceries sociales. Nous savons qu'en France, plusieurs millions d`enfants souffrent de malnutrition et vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Or, nous venons d'apprendre que le plan d'aide aux plus démunis de l'Union européenne, plus communément appelé l'accès aux frigos européens, prendrait fin en 2005, et ce alors qu'il constitue un soutien vital pour 2,6 millions de Français défavorisés et 34 millions d'Européens dans l'Europe des Quinze.

Comment justifier une telle décision, illustration concrète des ravages qu'entraîne l'application aveugle des dogme libéraux de la construction européenne ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Le Gouvernement va-t-il faire entendre la voix de la France et exiger, comme le réclament les associations, que l'arrêt de la distribution de produits alimentaires soit compensé financièrement afin que les associations caritatives - que je salue - puissent continuer d'aider tous ceux qui en ont un urgent besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Vous avez raison de rendre hommage au travail des associations caritatives en matière alimentaire. C'est un sujet que M. Borloo, Mme Haigneré, M. Jacob et moi-même suivons de près.

Au niveau national, nous travaillons au renouvellement d'une convention avec la fédération française des banques alimentaires. Le problème est celui de la sécurité sanitaire, car celle-ci ne saurait être à deux vitesses, et ce d'autant moins que les populations concernées sont fragilisées. Il nous faut donc veiller au respect des dates limites de consommation pour les produits frais et des dates limites d'utilisation optimale pour les conserves. Sans parler du lait, puisque, vous le savez, une partie des quotas laitiers est ainsi distribuée. Nous y travaillons avec les associations.

Sur le plan européen, Mme Haigneré et moi sommes intervenus à propos de la date butoir dont vous avez parlé. Il nous faudra de toute façon concilier la mise à disposition d'un maximum de produits alimentaires et une sécurité sanitaire maximale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. Christian Philip - Quelques jours après le dernier Conseil européen et compte tenu des changements de gouvernement qui sont intervenus en Espagne et au Portugal, pourriez-vous, Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous dire comment se présente l'adoption du projet de constitution européenne ? Un accord devrait être trouvé avant la fin du mois de juin, paraît-il. Ne vaudrait-il pas mieux qu'il puisse se faire avant les élections européennes ? Cela serait plus mobilisateur pour les électeurs et cela éviterait que certains cherchent à leur faire peur en annonçant que tout va changer juste après les élections.

Quels sont les principaux points restant en discussion ? Quelles démarches la France compte-t-elle accomplir pour faciliter un compromis ? Membre de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, j'ai pu constater ces dernières semaines, auprès de nos collègues européens, une volonté commune d'aboutir rapidement. Il faut maintenant que l'opinion publique prenne conscience des enjeux de l'adoption de cette Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Voici le petit livre blanc (M. le ministre en présente un exemplaire à l'Assemblée) qui contient le texte de cette Constitution européenne à laquelle nous avons, les uns et les autres, beaucoup travaillé, en particulier, pour vous représenter, MM. Lequiller et Floch. Les Français devraient prendre le temps de le lire, d'abord parce qu'il est lisible, ce qui n'est pas le cas de tous les textes européens, ensuite parce qu'on y trouve les valeurs et les principes qui nous réunissent, les raisons que nous avons d'être ensemble, nous Européens, les politiques que nous voulons mener ensemble... Cette Constitution n'est pas de droite ou de gauche, mais un projet pour une communauté d'Etats nations qui veulent partager un destin.

Nous souhaitons que ce texte soit approuvé le plus tôt possible...

M. Jacques Myard - Le plus tard possible !

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - ...au plus tard, au mois de juin. Je pense qu'un accord est possible.

Il nous faudra ensuite relever un autre défi : celui du débat avec l'opinion publique. Nous aurons pour cela une occasion à ne pas manquer : les élections européennes. Nous expliquerons alors aux Français en quoi ce livre est important pour le fonctionnement de l'Union européenne et pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

BUDGET EUROPÉEN

Mme Elisabeth Guigou - Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y a quelques semaines, quand vous étiez commissaire européen, vous avez à plusieurs reprises demandé publiquement que le budget européen soit nettement augmenté. De fait, une augmentation est nécessaire si l'on veut à la fois financer les politiques traditionnelles - politique agricole, aide aux régions... -, tant chez les nouveaux adhérents que dans des pays comme le nôtre, où quantité de territoires ruraux et de quartiers urbains ont besoin de fonds européens et de nouvelles politiques. Je pense en particulier aux grands travaux d'infrastructures, à la politique industrielle indispensable pour faire face aux délocalisations, à la recherche où l'Europe accuse du retard, à la lutte contre le terrorisme et toutes les formes de criminalité internationale...

Or, hier, le ministre des finances a rappelé la position de Jacques Chirac qui est de maintenir le budget à son niveau actuel, ce qui à l'évidence ne permettra pas de financer à la fois ces politiques traditionnelles et nouvelles. Allez-vous donc, Monsieur le ministre, rester fidèle à vos convictions ou bien céder à MM. Chirac et Sarkozy ? Allez-vous, oui ou non, demander au nom de la France une augmentation du budget européen afin de réussir l'élargissement et de rendre l'Union européenne plus solidaire et plus forte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Voici l'heure de vérité ! Hier, les socialistes stigmatisaient les déficits de la France et réclamaient un audit. Aujourd'hui, vous venez nous dire qu'il faut dépenser davantage ! Où est la cohérence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le problème de l'incohérence, c'est qu'elle finit toujours par se voir.

La situation est simple. La Commission qui dit aux Etats membres : « Soyez vertueux, dépensez moins, réduisez vos déficits », nous demande par ailleurs de dépenser plus ! Belle incohérence ! La France n'a qu'une position : le maintien à 1 % du PIB de notre contribution (« Barnier ! Barnier ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE

M. Rudy Salles - Monsieur le Premier ministre, l'UDF s'est toujours opposée à la candidature européenne d'un Etat extérieur à l'Europe par sa géographie et par son histoire. En revanche, le Président de la République et les gouvernements qu'il a nommés - qu'ils soient de droite ou de gauche - ont de longue date pris fait et cause pour l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

C'est dans une large mesure à l'initiative de la France que le Conseil européen a évoqué, quatorze fois en sept ans, la vocation de la Turquie à intégrer l'Union, sans autres conditions que le respect des critères de Copenhague.

L'UMP a évolué sur la question turque. Le Gouvernement considère-t-il qu'il s'agit d'une péripétie politique qui ne modifie en rien la position française, ou compte-t-il suivre sa majorité par un revirement à 180 degrés ?

J'espère qu'il n'attendra pas le rapport de la Commission européenne, lequel ne portera pas sur le fond, mais sur les conditions d'ouverture des négociations.

Nous avons un devoir de franchise et de clarté à l'égard de nos concitoyens qui vont bientôt élire leurs députés européens.

C'est la question de principe qui doit être posée. Suffira-t-il que la Turquie remplisse les critères traditionnels d'adhésion pour entrer dans l'Union, en dépit de sa position géographique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Président - La parole est à M. Barnier (« Ah !» sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Je suis ému par cette popularité suspecte dont je jouis sur les bancs socialistes...

Monsieur Salles, l'histoire a débuté en 1963, quand le dialogue s'est noué entre l'Europe et la Turquie. Le général de Gaulle présidait la France et le chancelier allemand s'appelait Konrad Adenauer. A cette époque ont été ouvertes à la Turquie des perspectives d'adhésion à la Communauté européenne. Jamais cet engagement n'a été remis en question. Il a même été confirmé, au sommet d'Helsinki de 1999, par le Président de la République et par le Premier ministre Lionel Jospin.

M. Jean Dionis du Séjour - Il faut un référendum !

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères  - A aucun moment, nous n'avons parlé d'adhésion à court terme. Ceux qui prétendent le contraire ne disent pas la vérité.

La Commission, ce qui est son rôle, doit indiquer si et quand la Turquie peut engager les négociations d'adhésion, sans pouvoir préciser la durée des négociations. Ce pays, comme les autres candidats, devra respecter tous les critères, politiques, économiques ou sociaux.

Le gouvernement français aura une attitude équitable, exigeante et vigilante, afin que l'Union européenne continue de s'adapter au monde incertain qui l'entoure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE DE SÉCURITÉ

M. Christian Estrosi - Monsieur le ministre de l'intérieur, il y a trois ans, l'insécurité était la première préoccupation des Français. Grâce à l'action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et du ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), la mesure du problème a été prise. En accordant davantage de moyens et de considération aux fonctionnaires de police, en créant des groupes d'intervention associant forces de l'ordre, agents du fisc et magistrats, en réorganisant notre procédure pénale, en s'attaquant à des phénomènes comme la traite des êtres humains, la prostitution, la délinquance des mineurs, le Gouvernement a endigué l'insécurité (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Alors que le nombre des actes de délinquance avait augmenté de 16 % entre 1997 et 2002, il a diminué de 9 %. La baisse a été de 2,4 % durant le seul mois de mars dernier. Merci, Monsieur le ministre Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre de l'intérieur, dès la première heure de votre prise de fonctions, vous vous êtes montré proche des policiers, des gendarmes, et à l'écoute des Français. Nous vous faisons confiance. Pouvez-vous nous indiquer votre méthode et vos objectifs ? Il y a ici une majorité qui, n'écoutant pas les braillards mondains, considère que les droits de l'homme sont d'abord les droits des victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Vous avez raison, Nicolas Sarkozy a obtenu des résultats remarquables à la tête du ministère de l'intérieur (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez rappelé la diminution des faits de délinquance. Je veux souligner aussi l'augmentation significative du nombre des faits élucidés, une hausse de 8 %. C'est un bon indicateur de l'activité des services.

Je veux m'inscrire dans la continuité de cette action (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et réaffirmer l'autorité de l'Etat, avec une double exigence de fermeté et de justice. Cela est vrai sur tout le territoire et en particulier dans les quartiers sensibles où il faut appliquer la loi républicaine. Ma détermination est totale. Je souhaite aussi moderniser les forces de l'ordre en adaptant les statuts et les carrières à leurs missions.

Pour mener cette politique dans la durée, je souhaite ouvrir le chantier de la prévention et aller aux sources mêmes de la délinquance.

J'ai commencé à recevoir les syndicats de policiers. Vendredi, je serai à Dijon, à la rencontre des policiers et des gendarmes, afin de mettre en _uvre une politique d'évaluation des performances. J'irai aussi à la rencontre des pompiers volontaires et professionnels. J'ai enfin la volonté de coopérer avec MM. Perben, Borloo, Fillon,...

Plusieurs députés socialistes - Et Raffarin ?

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - ...afin de mener une action efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRIVATISATIONS

M. Dominique Dord - Monsieur le ministre des finances, même en période de croissance, notre pays a pris l'habitude de dépenser plus qu'il ne gagne. La France vit à crédit. Nos déficits se creusent, si bien que nous nous retrouvons dans la situation peu glorieuse qui consiste à consacrer toujours plus de moyens au remboursement de nos emprunts.

En 2003, pour la première fois depuis des décennies, le Gouvernement a réussi à stopper la progression de nos dépenses (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En 2004, le taux de croissance devrait s'améliorer, ce qui restaurera des marges de man_uvre. Chacun d'entre nous sait qu'il faut aller de l'avant. C'est pourquoi le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a dit son intention d'accélérer le processus de cession des actifs détenus par les sociétés publiques. Pouvez-vous nous indiquer votre méthode et nous donner un exemple d'entreprise publique concernée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vendre des actifs pour désendetter le pays, c'est un acte de bonne gestion. Céder des actifs pour recapitaliser des entreprises publiques auxquelles l'Etat n'a pas donné les moyens de leur développement, c'est un acte de justice témoignant d'une ambition industrielle.

Aussi, le capital de la SNECMA sera ouvert avant l'été. Il sera ouvert à tous les Français, au lieu d'être réservé aux institutionnels habitués des traditionnelles parties de Monopoly. Ce que nous voulons mettre en _uvre en effet, c'est un véritable capitalisme populaire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) De ce point de vue, c'est un acte politique fort que je vous annonce (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les salariés de toutes les entreprises publiques ont le droit de participer au développement de celles-ci et d'en devenir actionnaires. C'est là une politique économique efficace et une politique sociale juste. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe UDF ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

FINANCES PUBLIQUES

M. Didier Migaud - Monsieur le Premier ministre, depuis deux ans vous imputez systématiquement aux socialistes les mauvais résultats de votre politique. Ce mensonge est indigne (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Dès votre arrivée au pouvoir, vous avez commandé un audit des finances publiques lequel établissait, dans l'hypothèse la plus pessimiste, le déficit public à 2,6 % du PIB. Depuis 2002, ce déficit a explosé et ce sont vos propres « factures », pour reprendre votre expression, que vous devez aujourd'hui acquitter. En réalité, Raffarin III devrait s'en prendre à Raffarin II, comme l'a d'ailleurs fait le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Les Français ont sanctionné votre politique injuste et inefficace. Il vous faut assumer vos responsabilités et partir ou changer de politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Votre nouveau ministre des finances a déjà exercé ces responsabilités de 1993 à 1995. Il avait alors réduit l'impôt des riches, et augmenté les taxes sur les carburants et la CSG. En dépit de ces hausses, la dette publique avait explosé de 20 % et le déficit n'avait pas été réduit, au point que M. Juppé avait lui-même qualifié ce bilan de « calamiteux » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ce ministre des finances pourrait aujourd'hui, Monsieur le Premier ministre, vous retourner le compliment... Vous avez, du bout des lèvres, reconnu des erreurs. Aurez-vous le courage, ou tout simplement l'honnêteté, de reconnaître que votre gestion des finances publiques fait partie de ces erreurs ?

Au lieu de polémiquer, répondez à ces trois questions simples. Accepterez-vous un audit indépendant des finances publiques, comme François Hollande et Jean-Marc Ayrault vous l'ont demandé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Demanderez-vous à votre nouveau ministre des finances de poursuivre la politique fiscale injuste et inefficace menée depuis deux ans ou renoncerez-vous à vos promesses fiscales démagogiques et irresponsables que vos successeurs devront assumer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Enfin, après avoir déjà étouffé la croissance nationale, alors que la croissance mondiale est, contrairement à ce que vous dites, très dynamique, confirmerez-vous un plan d'austérité de quatre milliards d'euros, lequel aura un effet fortement récessif ? Si vous ne répondez pas vous-même à ces questions, Monsieur le Premier ministre, vous prouverez que vos jours à Matignon sont déjà comptés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vais vous prendre au mot et, sans polémique, m'en tenir aux chiffres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Depuis quand les comptes publics, toutes administrations confondues, sont-ils en déficit dans notre pays ? 1981, cela vous dit quelque chose... ? (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Depuis 1981, jamais le budget de la France n'a été équilibré... Alors que les socialistes ont gouverné quinze ans durant ces vingt-quatre années, vous voudriez nous donner des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste) Vous feriez mieux de vous taire.

Dois-je rappeler par ailleurs que c'est sous le premier septennat de François Mitterrand, entre 1981 et 1986, que la dette publique a augmenté de dix points de PIB, ce qui ne s'était jamais vu (Mêmes mouvements), et qu'elle a encore explosé de quinze points de PIB entre 1988 et 1992 ? (Mêmes mouvements) En 1993, M. Bérégovoy nous avait laissé un budget prétendument en déficit de 140 milliards de francs, alors que l'audit de la Cour des comptes a révélé par la suite que celui-ci s'élevait à 340 milliards : vous aviez donc menti. Votre intervention aujourd'hui n'est que tartuferie. La seule chose dont je sois sûr aujourd'hui est que je dois faire le contraire de ce que vous et vos amis ont fait à la France (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDF et UMP où les députés se lèvent ; brouhaha sur les bancs du groupe socialiste).

KOSOVO

M. Yves Fromion - Le Kosovo a connu en mars une nouvelle flambée de violence qui a fait une vingtaine de morts et quelque mille blessés. Je souhaite tout d'abord rendre hommage, et je pense pouvoir y associer tous nos collègues, aux soldats français qui ont tenté de rétablir le calme dans le pays, ce qui leur a coûté douze blessés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). La France a immédiatement renforcé ses unités sur le terrain et vous-même, Madame la ministre de la défense, vous êtes rendue la semaine dernière au Kosovo. Quel est votre sentiment sur la situation ? Par ailleurs, alors que la France va prendre le commandement de la KFOR à l'automne prochain, comment voyez-vous évoluer ces territoires dans des circonstances politiques qui y seront prochainement difficiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Les événements des 16 et 17 mars dernier au Kosovo, lequel n'est situé qu'à mille kilomètres de nos frontières, ont pris tout le monde de court, y compris les services de renseignement. Si les agressions qui ont eu lieu n'étaient apparemment pas préméditées, leur simultanéité est inquiétante. J'ai, hélas, constaté sur place que ces événements avaient créé une rupture et ranimé la défiance entre les communautés. Seule l'intervention rapide et forte de la KFOR a permis d'éviter que plus de sang encore ne coule et de rétablir un minimum de sécurité. Pour autant, la situation demeure extrêmement tendue. Dans ce contexte, nos militaires, qui comptent, hélas, douze blessés dans leurs rangs, ont eu une attitude exemplaire, saluée par toutes les autorités militaires et civiles internationales.

C'est dans ce contexte rendu encore plus préoccupant par la tenue d'élections le 29 octobre prochain que la France doit prendre le commandement de la KFOR. Il faudra bien sûr être très vigilant sur le plan militaire mais une action diplomatique de la part de la communauté internationale et de la France est également nécessaire. Une pression très forte devra s'exercer sur les extrémistes de tous bords. Le processus devant conduire au nouveau statut doit être engagé sans délai et avec détermination. Enfin, un effort particulier est indispensable pour le développement économique du pays. En effet, si 80 % des jeunes n'y étaient pas au chômage, sans doute seraient-ils moins facilement manipulables par des extrémistes.

La stabilité et la sécurité des Balkans sont essentielles à celles de l'Europe. La France prendra toute sa part pour les assurer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE HOMMES-FEMMES

Mme Geneviève Levy - Madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, le Président de la République, soulignant combien la mixité est « une force de transformation et de rénovation » de notre société, avait fixé l'an passé un objectif d'égalité entre les hommes et les femmes, enjeu économique car l'égalité professionnelle est facteur de croissance et d'efficacité. Après que vous-même, Madame la ministre, avez appelé au dialogue social sur ce sujet, un accord national interprofessionnel sera signé ce soir à l'unanimité par l'ensemble des partenaires sociaux. Pouvez-nous vous préciser en quoi il favorisera l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et à l'égalité professionnelle - Vous avez raison, l'économie moderne a besoin de toutes les forces et de tous les talents. Si l'égalité professionnelle est d'abord question de justice sociale, elle est aussi, et de plus en plus, facteur de croissance et de dynamisme économique. L'accord interprofessionnel qui sera signé ce soir, victoire du dialogue social, permettra de faire entrer dans les faits l'égalité professionnelle, laquelle n'était jusqu'à présent qu'un droit proclamé, sans traduction concrète pour les millions de femmes au travail. Mixité des emplois, décloisonnement social et éducatif, revalorisation des salaires et des carrières, prise en compte de la maternité non comme un handicap sur le plan professionnel, mais bien comme une chance, un épanouissement, voilà ce qui va devenir réalité. L'accord sera complété par des mesures spécifiques de la prochaine loi de mobilisation pour l'emploi. Ainsi entrerons-nous vraiment dans une ère nouvelle d'égalité professionnelle concrète entre les femmes et les hommes, nécessaire à la démocratie comme à l'économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EDF-GDF

M. François Brottes - La journée d'hier fut en quelque sorte celle du déminage des sujets délicats. Le ministre de l'économie a ainsi expliqué à propos d'EDF sur le ton : « Circulez, il n'y a rien à voir » - peut-être par nostalgie - (Protestations sur les bancs du groupe UMP) qu'EDF ne serait pas privatisée et que les personnels ne changeraient pas de statut. C'est une question grave qui mérite autre chose que le mensonge et l'excitation de M. Sarkozy répondant à M. Migaud (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il est bien dommage que la demande d'un audit soit restée sans réponse. Ce dernier aurait permis d'établir que le premier déficit budgétaire sur le plan national date de 1975, quand M. Chirac était Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Non, nous n'avons jamais signé l'ouverture totale du marché de l'électricité à la concurrence. Au contraire, M. Jospin avait obtenu que les ménages ne soient pas concernés. C'est bien le gouvernement Raffarin II qui non seulement n'a pas défendu ce garde-fou mais a demandé à Mme Fontaine de faire du zèle sur le plan européen pour que la France apparaisse comme un bon élève du libéralisme débridé.

L'ouverture à la concurrence n'implique pas la privatisation. Le marché de l'électricité n'a rien à voir avec la vente de savonnettes (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il en va de l'indépendance énergétique nationale, de la sécurité des installations de production, de l'égalité des tarifs, du maintien du professionnalisme des agents, de la régularité des investissements lourds. On ne vend pas à la Bourse l'indépendance énergétique et la sécurité des installations nucléaires (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

En marchandant tout ou partie d'EDF soit par idéologie soit pour boucher les trous du déficit, allez-vous abandonner aux intérêts privés une entreprise d'une telle envergure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il faut donc faire là aussi un travail pédagogique... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) La première transposition d'une directive ouvrant à la concurrence le marché français de l'énergie date de février 2000. Le Premier ministre s'appelait alors Lionel Jospin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Deuxième ouverture à la concurrence, mars 2002, au sommet de Barcelone : l'ouverture à la concurrence du marché français de l'énergie est portée de 30 % à 70 %. Le Premier ministre s'appelait alors Lionel Jospin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il a de plus accepté qu'une date soit fixée pour discuter de l'ouverture à la concurrence du marché des particuliers (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Et vous venez maintenant demander de ne pas donner à EDF les moyens de son développement !

Le statut des agents d'EDF-GDF ne sera modifié ni aujourd'hui ni demain, ni de près, ni de loin. Je leur demande de croire en la parole du gouvernement de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et non dans la parole de ceux qui les ont laissés tomber hier. Il y a des limites à l'hypocrisie et au mensonge (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

EDF-GDF ne sera pas privatisée, ni aujourd'hui, ni demain. Le gouvernement de la France veut que l'Etat conserve la majorité des parts de cette grande entreprise. Nous en débattrons d'ailleurs puisque la loi fixera un seuil minimum - il est aujourd'hui de 50 % - qui pourra ou non être relevé.

Il est inutile de polémiquer quand l'emploi de 140 000 électriciens et gaziers est en jeu. Cela compte plus pour moi que vos vociférations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

LOGEMENT

M. Gilbert Meyer - Le logement est un problème pour nombre de nos concitoyens. Il est en effet difficile de trouver un logement décent, notamment pour ceux qui vivent en ville. Face à cette crise, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures : simplification du droit de l'urbanisme, relance de l'investissement locatif privé, soutien à la création de logements locatifs sociaux, encouragement à l'accession sociale à la propriété. Il s'est également fixé des objectifs précis en matière de construction.

Certains indicateurs sont d'ailleurs positifs, je pense en particulier à l'augmentation significative des permis de construire. Quels sont les résultats chiffrés de cette politique ? Les objectifs en matière de logement social sont-ils atteints ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement - Le logement connaît en effet une crise grave dont la fondation Abbé Pierre s'est fait l'écho avec raison. Cependant, fin 2001, le nombre de permis de construire était de 353 000 ; il est aujourd'hui de 390 000, soit une augmentation de 12 % entre le gouvernement Jospin et le gouvernement Raffarin.

50 000 logements sociaux ont été construits en moyenne sous le gouvernement Jospin ; ils sont au nombre de 58 000 aujourd'hui, mon objectif étant de nous situer, à la fin de l'année, entre 75 000 et 80 000 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mais nous devons aller plus vite et plus loin. La construction de logements sociaux est la priorité des priorités. Nous sommes d'ailleurs ouverts à toutes les propositions qui viendront des présidents des conseils régionaux, qui auront à c_ur de tenir leurs promesses électorales... Nous voulons éradiquer l'habitat insalubre en amplifiant le plan de Jean-Louis Borloo sur la rénovation urbaine et donner un contenu à l'accession sociale à la petite propriété : c'est tout le sens du grand plan pour la cohésion sociale que Jean-Louis Borloo présentera avant l'été (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TURQUIE

M. Philippe de Villiers - Je n'ai pas été satisfait, Monsieur le Premier ministre, par la réponse de M. Barnier à la question de M. Salles. Je souhaite donc que vous me répondiez personnellement.

Le processus d'entrée de la Turquie dans l'Union européenne a été enclenché en décembre 1999, au Conseil européen d'Helsinki. MM. Chirac et Jospin ont alors conféré à la Turquie le statut d'Etat candidat.

Ce processus de négociation sera poursuivi en octobre, avec une recommandation de la Commission puis une décision du Conseil européen qui fixera la date d'ouverture des négociations. Après, les choses seront irréversibles.

Je me fais ici le porte-parole de nombreux Français qui considèrent que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est un non-sens géopolitique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Est-ce sur consigne du Président de la République que les députés européens de l'UMP ont voté le 11 mars dernier pour que la langue turque soit acceptée comme langue officielle de l'Union européenne ?

M. Michel Barnier, votre commissaire européen aux affaires étrangères (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP) C'est un lapsus...

M. le Président - Vous ne faites pourtant pas souvent des lapsus...

M. Philippe de Villiers - M. Michel Barnier a donc déclaré que la Turquie peut être un pont entre l'Asie et l'Europe. Je cite le ministre des affaires étrangères du gouvernement de la France : « Je suis favorable à une adhésion future de la Turquie ».

Je pense que cette question doit être tranchée par le peuple français, consulté par référendum (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP). Y êtes-vous favorable, Monsieur le Premier ministre ? (Mêmes mouvements)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Moi qui respecte votre fonction et votre personne, Monsieur de Villiers, j'ai trouvé incorrect votre faux lapsus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous pouvons discuter franchement de cette question, mais je vous demande de me respecter dans ma fonction de ministre français des affaires étrangères.

Les langues officielles de l'Union européenne sont celles des quinze pays membres et seront demain celles des vingt-cinq et seulement celles-là.

Si le processus d'une éventuelle adhésion de la Turquie a été confirmé en 1999, il date en fait de 1963. Les deux chefs d'Etat des deux principaux pays d'Europe étaient alors le général de Gaulle et le chancelier Adenauer.

Ces hommes d'Etat ne pensaient pas qu'à leurs intérêts nationaux et ne vivaient pas tournés vers le XVIIIe siècle. Ils tenaient compte de cette géopolitique que vous avez mentionnée et ce n'est donc pas un hasard s'ils ont voulu engager un dialogue avec ce grand pays, qui est à la charnière de deux continents. Et depuis, cette perspective n'a jamais été interrompue.

Je répète qu'il n'est pas question d'une entrée de la Turquie à moyen ou à court terme. Pour adhérer à l'Union européenne, il faut respecter un cahier des charges extrêmement précis qui touche à la fois aux conditions politiques - droits de l'homme, démocratie - et économiques et sociales. Pour l'instant, je constate que la Turquie ne respecte pas ce cahier des charges, même si elle s'y prépare.

M. Jean Dionis du Séjour - Le référendum ?

M. Michel Barnier, ministre des affaires étran- Il reviendra à la Commission de proposer, le cas échéant, des négociations d'adhésion. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Dire que la Turquie entrera dans l'Union demain ou après-demain, comme vous le faites, n'est donc pas vrai. Je vous recommande d'aborder ce débat avec le souci de la sincérité. C'est en tout cas ce que je ferai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa premier. Rarement Premier ministre se sera déjugé avec une telle désinvolture ! Il y a deux jours, dans son discours de politique générale, il promettait le dialogue, l'écoute, la négociation ; il en appelait même à l'union nationale sur les réformes d'intérêt général. Nous l'avons pris au mot en demandant que soit suspendue l'adoption du texte sur les collectivités locales en attendant une table ronde avec les présidents de région et l'examen du projet de loi organique qui définit le financement de la réforme. Or ce matin, en Conférence des présidents, nous avons appris la réponse du Premier ministre : il impose, sans débat, le vote de son projet la semaine prochaine ! Les promesses de « Raffarin III », c'est vraiment trois fois rien ! M. Raffarin s'assied sur le vote des électeurs, qui ont donné une écrasante majorité à la gauche dans vingt-trois de nos vingt-cinq régions. Il fait passer à la va-vite un projet qui n'apporte aucune garantie financière aux collectivités, et qui est de ce fait contesté par tous, y compris au sein de la majorité : on l'a vu lors de la dernière réunion du groupe UMP, dont nous avons eu des échos en Conférence des présidents... M. Raffarin gouverne seul contre tous.

Il s'agit d'une véritable fuite en avant, très grave pour le fonctionnement de nos institutions. Elle traduit le mépris de M. Raffarin pour le suffrage universel, mais aussi pour les droits de l'opposition. Alors que son texte affiche la volonté d'affranchir les collectivités locales de la tutelle de l'Etat, il impose par la force une décentralisation bâclée et inégalitaire qui acculera les collectivités au choix impossible de renoncer à leurs compétences ou d'alourdir leur pression fiscale. Ceci conduira à une fracture entre l'Etat et les collectivités, mais aussi les citoyens. C'est une absence complète de respect envers la volonté exprimée le 28 mars par le peuple français, qui devrait conduire à suspendre l'adoption du texte et à ouvrir le dialogue avec les nouvelles majorités régionales - mais aussi avec le Parlement - sur les compétences et les financements octroyés aux collectivités locales. Dans ces conditions, le dialogue nécessaire entre le Gouvernement et les exécutifs locaux est quasiment rendu impossible. En tout cas, les socialistes ne se prêteront pas à une mascarade.

Enfin, je demande solennellement que l'opposition soit respectée. M. Hollande l'a dit lundi : on a le sentiment que vous n'écoutez plus, quoi que nous disions, et même quoi que dise le peuple français. Vous ne nous respectez pas. Nous avons assisté aux insultes du ministre de l'intérieur, devenu ministre des finances : nous demandons au Premier ministre de le calmer un peu (Murmures sur les bancs du groupe UMP), et de cesser d'asséner des contrevérités. Si vous voulez que règne dans cet hémicycle un climat digne de ce que nous représentons tous, répondez à nos questions. Et quand on vous demande si vous êtes favorables à un audit des finances publiques, y a-t-il là de quoi s'énerver comme l'a fait le ministre des finances ? Qu'y a-t-il d'insultant à demander une réponse ? Nous demandons que la démocratie fonctionne dans cette assemblée, et que l'opposition soit pleinement respectée dans ses prérogatives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Brunhes - Nous avons appris ce matin en Conférence des présidents que le vote sur la loi dite de décentralisation n'était reporté que d'une semaine. La laborieuse contrition du Président de la République et du Premier ministre après les élections régionales et cantonales a fait long feu. C'est un symbole fort - et les symboles sont importants en politique - de la volonté du Gouvernement de poursuivre dans la voie qui a été sanctionnée dans les urnes. C'est un véritable coup de force politique, qu'aucune argutie de procédure ne saurait justifier. Le Gouvernement, maître de l'ordre du jour, peut en retirer ce vote quand il veut. Sa décision est cyniquement délibérée, et traduit un mépris inquiétant envers les électeurs. Ce gouvernement qui a déjà, en quelques jours, perdu toute crédibilité, manifeste sa volonté de poursuivre comme si de rien n'était. Je le dis solennellement : c'est préoccupant pour le pays, pour la démocratie, mais aussi pour la vie parlementaire. Un peu de bon sens, Monsieur le ministre : laissez du temps au dialogue et au débat, et retirez ce vote de l'ordre du jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Permettez-moi un mot. Je ne suis pas membre du Gouvernement, et vous savez ce que je pense de ce texte. Mais cette question a été longuement discutée en Conférence des présidents ce matin. Je ne peux vous laisser dire, Monsieur Ayrault, Monsieur Brunhes, qu'on ne respecte pas l'opposition dans cette enceinte. Je fais le maximum pour que vous puissiez vous exprimer, et je continuerai (Signes d'approbation sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas vous qui êtes en cause.

M. le Président - D'autre part, pour ce qui est de l'ordre du jour prioritaire, c'est le Gouvernement qui décide. J'ai pris acte de vos rappels au Règlement.

M. Jean-Marc Ayrault - Je tiens à lever un malentendu : ma demande de respect envers l'opposition s'adressait au Premier ministre et aux membres du Gouvernement, et il n'est pas question de mettre en cause la Présidence, dont chacun reconnaît l'impartialité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

Simplement, compte tenu des questions posées par M. Brunhes et moi-même, nous ne comprenons pas que le Gouvernement ne réponde pas. Je demande donc une suspension de séance, le temps nécessaire pour que le Premier ministre vienne s'expliquer devant nous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'ai l'intention d'informer personnellement le Premier ministre de ces deux rappels au Règlement et je suspends la séance pour un quart d'heure.

La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 45.

M. le Président - J'ai informé le Gouvernement de la teneur des rappels au Règlement faits par MM. Ayrault et Brunhes. Vous comprendrez aisément que je ne puis que vous confirmer ce que j'ai déjà dit sur les prérogatives du Gouvernement dans la fixation de l'ordre du jour.

M. Jean-Marc Ayrault - Je comprends à vous entendre, Monsieur le Président, que ni le ministre délégué présent en séance, ni le Premier ministre, ni le ministre des relations avec le Parlement ne veulent répondre aux questions qui ont été posées. Je prends acte de ce refus. Il n'enlève rien à notre détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Salles remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

FORMATION PROFESSIONNELLE ET DIALOGUE SOCIAL (CMP)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le projet relatif à la formation professionnelle et au dialogue social.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - J'ai entendu les rappels au Règlement et je transmettrai au Premier ministre vos observations. Mais permettez-moi de rappeler l'intérêt de ce texte qui reconnaît à tout salarié le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Permettez-moi aussi de penser à François Fillon, dont je salue le travail.

M. Julien Dray - Ayons une pensée émue pour les Pays de la Loire !

M. le Ministre délégué - Ce texte constitue une étape décisive, après des années de conservatisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

De colloque en colloque, toutes sensibilités confondues, tout le monde jugeait indispensable une évolution. C'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a pris l'initiative de faire bouger les choses. Le Premier ministre l'a rappelé dans sa déclaration de politique générale, il s'agit de consolider le pacte social.

M. Henri Emmanuelli - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre délégué - Ce texte s'inscrit dans une démarche de consolidation de la démocratie sociale, en posant le principe de l'accord majoritaire, en renforçant le degré d'autonomie aux différents niveaux de responsabilité, en donnant aux partenaires sociaux une légitimité et un rôle accrus. Il faut leur faire confiance en leur permettant de prendre leurs responsabilités à tous les niveaux (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Certains ont critiqué le texte du Gouvernement, oubliant qu'il s'appuyait sur un accord signé en juillet 2001. Nous avons respecté l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux eux-mêmes.

Ce texte n'est qu'une étape. Il doit ouvrir la voie au changement dans les relations collectives et à la reconnaissance de l'accord majoritaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) même s'il ne faut pas tout corseter.

Il n'est jamais facile au législateur de transcrire un accord signé par les partenaires sociaux. Or ce texte suit à la lettre l'accord interprofessionnel.

Mme Elisabeth Guigou, M. Henri Emmanuelli et Mme Martine Billard - C'est faux !

M. le Ministre délégué - Le Parlement lui a apporté les adaptations nécessaires (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La loi va donner à tout salarié de nouvelles possibilités de formation, y compris un droit régulé de formation collective. La refonte du dispositif de formation en alternance va offrir de nouvelles opportunités aux jeunes. Les salariés en deuxième partie de carrière pourront bénéficier de périodes de professionnalisation. C'est donc une boîte à outils qui est mise à la disposition des entreprises, des jeunes et des salariés. C'est la meilleure assurance contre le chômage. Ce texte témoigne de notre volonté de renforcer la cohésion sociale, comme Jean-Louis Borloo en a la mission (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Je veux enfin reprendre à mon compte ces mots de François Fillon : « Rien ne peut réduire la portée de cette idée simple : après des décennies d'immobilisme, la rénovation de la démocratie sociale est en marche ». Nous entendons poursuivre dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Alain Vidalies - La première partie de votre projet, qui vise à transposer l'accord sur la formation professionnelle signé par toutes les organisations syndicales, aurait mérité de recevoir l'approbation unanime de l'Assemblée nationale.

Mais, par une man_uvre médiocre, politicienne, vous avez décidé de vous servir de cet accord comme d'un leurre pour tenter de camoufler un des plus mauvais coups qui aient été portés à notre législation sociale.

Vous prétendez nous présenter un texte sur le dialogue social, alors qu'il suscite l'hostilité de toutes les organisations syndicales. La CGC parle d'une « loi scélérate », FO d'une « loi de régression sociale », la CFDT d'une « mesure libérale », la CGT d'une « perspective scandaleuse » et la CFTC d'un « cataclysme ». Il n'y a plus que vous, Monsieur le ministre délégué, pour invoquer l'accord des organisations syndicales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vos propositions sur la réforme du dialogue social paraissent dérisoires, au regard de l'abandon du principe de faveur, de la remise en cause de la hiérarchie des normes entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche, de l'extension de toutes les dérogations au niveau de l'entreprise.

Vous n'avez même pas tenu compte des demandes de l'UPA et de la CAPEB, représentant 800 000 entreprises artisanales.

Dans quelques semaines, les Français seront confrontés aux conséquences pratiques du texte que vous allez voter aujourd'hui. Ils s'apercevront qu'il sera possible de remettre en cause le paiement du treizième mois ou de telle indemnité particulière sans que l'accord de branche les protège contre un chantage au licenciement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Ils s'apercevront que les règles de concurrence, dans une même branche professionnelle, seront en permanence faussées par la pratique du moins disant social (Mêmes mouvements).

Ils s'apercevront que vous avez ajouté, après la consultation des organisations syndicales, un article supplémentaire. Cette disposition autorise des dérogations au code du travail au niveau de l'entreprise, alors que cette possibilité était limitée à l'accord de branche. Il s'agit pourtant de domaines essentiels, comme les conditions de recours à l'emploi précaire ou les modalités de calcul du temps de travail.

Comme pour la réforme de l'ASS, comme pour la modification des durées d'indemnisation des chômeurs, vous aurez demain rendez-vous avec les millions de Français, victimes de votre vote.

Enfin, vous ne pouvez prétendre que ce texte fait progresser la démocratie sociale, alors qu'en refusant l'organisation d'une véritable élection de représentativité, vous avez renoncé à l'application du principe majoritaire.

Dès lors, votre projet tend davantage à généraliser le droit d'opposition, ce qui est une démarche négative, qu'à valoriser la volonté majoritaire des salariés.

Les socialistes sont favorables à l'organisation d'une élection de représentativité et à l'application de l'accord majoritaire à tous les niveaux.

Le Président de la République et le Premier ministre ont fait semblant d'avoir une préoccupation sociale après la sanction électorale du 28 mars. L'illusion n'aura duré que deux jours, puisque le premier vote, sous ce nouveau gouvernement, marquera au contraire une très grande continuité avec la politique que vous menez depuis deux ans et que les Français ont rejetée.

Sur la question sociale, rien ne change et les Français, lorsqu'ils manifestent ou lorsqu'ils votent, ne sont de toute façon pas entendus par cette majorité.

Il y a loin des mots à la réalité. C'est une provocation supplémentaire que d'inaugurer un ministère de la cohésion sociale par le vote d'une loi d'atomisation du droit du travail. Sur cette question comme sur toutes les autres, les Français comprendront bien vite qu'il n'y a rien à attendre de cet exécutif à bout de souffle.

Vous avez décidé de maintenir le cap de la régression ; pour leur part, les socialistes maintiendront celui d'une opposition résolue, en votant contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Vercamer - Au terme de notre débat, le groupe UDF reste doublement inquiet. En premier lieu, l'avancée sociale incontestable qu'est le droit individuel à la formation risque d'être effacée par les interrogations liées au contrat de professionnalisation. En outre, le droit à dérogation, s'il est mal encadré, pourrait bouleverser la hiérarchie des normes sociales.

Dans la ligne de l'accord interprofessionnel, ce texte reconnaît à chaque salarié un droit à la formation tout au long de la vie. Cette reconnaissance marque une étape considérable, dans l'esprit du compte épargne-temps-formation, proposé par Hervé Morin et l'UDF il y a deux ans.

Nous regrettons cependant que les inquiétudes des professionnels de la formation, notamment sur le volume d'heures de formation dans le futur contrat de professionnalisation, n'aient pu être levées.

Le texte de la CMP comporte de nombreuses améliorations comme l'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans les négociations triennales sur la formation professionnelle, l'ouverture de l'apprentissage aux personnes handicapées âgées de 26 à 30 ans, l'information des salariés en CDD sur leurs droits à formation ou bien encore l'inscription parmi les objectifs de la formation professionnelle du retour à l'emploi des personnes, en général les femmes, qui ont cessé de travailler pour s'occuper de leur famille. Le groupe UDF, qui avait demandé des mesures volontaristes en matière de transparence du financement de la formation, se félicite de la création d'un Conseil national de la formation professionnelle.

Pour ce qui est du dialogue social, nous sommes globalement favorables à l'accord majoritaire - à condition qu'il ne porte pas atteinte au pluralisme syndical -, car il obligera les partenaires sociaux à privilégier la responsabilité. Nous sommes en revanche réservés quant à la possibilité de déroger par un accord de branche ou d'entreprise à une règle supérieure plus favorable. Cette disposition risque, en bouleversant la hiérarchie des normes, de nuire aux salariés et de créer des distorsions de concurrence entre entreprises.

Nous regrettons que ce texte n'ait pas fait de la négociation collective une échelle normative par elle-même, comme le souhaitaient les partenaires sociaux. Nous pensons que le droit à la négociation devrait figurer dans la Constitution, et que les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux devraient y être précisés.

Sceptiques sur le volet du texte relatif au dialogue social, mais favorables au volet relatif à la formation, notablement amélioré en CMP, nous approuverons le texte qui nous est soumis (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - En cet instant, se joue le dernier acte d'une sinistre pièce d'un bien mauvais goût pour les salariés de notre pays, et, d'une manière générale, pour le développement économique et social. En effet, le texte de la CMP, fruit du diabolique tandem UMP-UDF, est, sans surprise, fidèle aux engagements pris par le Premier ministre et le Président de la République à l'égard du Medef. Il s'inscrit dans le droit fil de votre _uvre de régression sociale, pourtant sévèrement sanctionnée dimanche dernier. Comme le dit le baron Seillière : « C'est formidable, nous avions un Sarkozy, Guillaume, vice-président du Medef ; maintenant, nous en avons deux, avec Nicolas aux finances. Nous sommes les maîtres. » Vous poursuivez la casse sociale que nos concitoyens vous ont pourtant demandé de stopper : acharnement contre les 35 heures, démolition de notre système de retraites, radiation de plus de 260 000 chômeurs pour faire baisser en apparence les statistiques du chômage, institution du RMA, réduction de l'AME, remise en question des droits des intermittents du spectacle, provocation à l'égard des chercheurs et des professionnels de l'éducation, sans parler de l'assouplissement des licenciements prévu par le rapport de Virville, le démantèlement de la sécurité sociale et de la suppression d'un jour férié, que nous examinerons dans quelques jours. Votre projet en faveur de l'autonomie des personnes âgées et handicapées, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation, fait d'ailleurs l'unanimité contre lui, comme le texte qui nous est soumis aujourd'hui, que seul le Medef approuve.

Nous aurions apprécié qu'un gouvernement modernise le dialogue social dans notre pays. Hélas, la réforme reste à faire et notre proposition de loi posant le principe de l'accord majoritaire demeure d'actualité car vous vous êtes contentés de généraliser le droit d'opposition. Votre texte dénature en réalité l'accord majoritaire, ouvrant grande la voie aux accords dérogatoires qui aboutiront à démanteler notre code du travail. Non seulement les accords existants pourront être remis en question mais il risque d'y avoir désormais autant de droits que d'entreprises ! C'est un recul sans précédent qui ouvre l'ère du moins-disant social.

Le volet du texte relatif à la formation professionnelle n'atténue pas nos inquiétudes. Certes, l'équilibre trouvé correspond mieux à la lettre et à l'esprit de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, même si le Parlement aurait dû pouvoir instituer une véritable sécurité sociale professionnelle grâce à une formation tout au long de la vie.

Dans la mesure où vous ne nous permettez pas de dissocier les deux réformes, nous voterons résolument contre ce texte dans son ensemble, de bien mauvais augure pour les salariés de notre pays. Marquant une régression sociale sans précédent, il doit être repoussé avec une vigueur égale à celle du coup qu'il porte au monde du travail. Nous en saisirons le Conseil constitutionnel et avons invité nos partenaires de gauche à se joindre à notre démarche.

Une réforme moderne de la démocratie sociale reste donc à mener dans notre pays, pour donner davantage de droits aux salariés et à leurs représentants. C'était le sens de nos propositions, que nous continuerons de défendre.

Les 21 et 28 mars derniers, les salariés ont utilisé leur bulletin de vote comme moyen d'action. Aujourd'hui nombre d'entre eux sont dans la rue. Le mouvement social et syndical, encouragé par votre défaite, est déterminé à obtenir, non seulement l'arrêt de tous vos mauvais coups, mais des réformes résolument progressistes indispensables au monde du travail et à notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Bernard Depierre - Le vote de ce texte arrive à point nommé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), ouvrant une nouvelle démarche politique.

Le groupe UMP se félicite de l'avancée que représente un droit à la formation tout au long de la vie, fidèlement inspiré de l'accord interprofessionnel du 20 septembre dernier. La réforme proposée constitue une véritable révolution culturelle, qui devrait permettre de remédier aux insuffisances de notre système de formation professionnelle et de relever le double défi démographique et économique. D'un côté, les entreprises ne doivent plus considérer la formation comme une charge financière imposée par la loi, mais bien comme un investissement dans la qualification de leurs salariés. De l'autre, les salariés ne doivent plus « subir » les formations qui leur sont proposées mais comprendre qu'elles leur permettront de se reconvertir plus facilement.

En première lecture, notre assemblée a adopté le principe d'une information annuelle obligatoire des salariés sur leurs droits acquis à formation, transférables d'une entreprise à l'autre. Le Sénat a ensuite amélioré l'accès à la formation des mères de famille ayant interrompu leur activité, des personnes handicapées et des personnes illettrées, et instauré un titre-formation pour financer les frais supportés par les employeurs.

Cette réforme facilitera la reconversion des salariés, améliorera la compétitivité des entreprises et permettra de surmonter le paradoxe d'un si grand nombre de chômeurs alors que de nombreux secteurs souffrent d'une pénurie de main-d'_uvre. Le Gouvernement s'était engagé à s'inspirer des propositions des partenaires sociaux en matière de formation professionnelle. Il a tenu ses promesses.

Il a également souhaité rénover le dialogue social. C'est ainsi que le deuxième volet de ce texte modifie les règles de conclusion des accords collectifs afin d'en renforcer la légitimité, donne plus d'autonomie à la négociation et favorise le dialogue social à tous les niveaux. Pour ce qui est de l'accord majoritaire, les socialistes, qui n'ont rien fait à ce sujet pendant cinq ans, sont aujourd'hui fort mal placés pour nous donner des leçons ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Loin de menacer tout notre édifice social, comme l'opposition le laisse accroire, la possibilité de déroger par un accord d'entreprise aux accords de branche est très utile, permettant notamment de prendre en compte les spécificités et les besoins de chaque entreprise. Cet assouplissement reste bien entendu strictement encadré par la loi et les contrats de travail.

A l'heure où l'on se mobilise pour l'emploi, il faut se féliciter de l'amendement, adopté à l'initiative de l'UMP, qui prolonge de deux ans la possibilité pour les entreprises de moins de vingt salariés de n'imputer les heures travaillées sur le contingent d'heures supplémentaires qu'à partir de la 36ème heure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il faut également saluer les dispositions introduites par le Sénat sur la participation et l'épargne salariale, que la CMP a toutefois quelque peu limitées...

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Bernard Depierre - Ce texte n'est pour nous qu'une première étape (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Les partenaires sociaux devront s'approprier le nouveau dispositif et le faire vivre, en endossant les responsabilités que la loi leur confère. Le statu quo aurait été la pire des solutions.

Ouvrons-nous avec confiance à l'avenir car c'est bien de confiance qu'il s'agit. Par son vote, le groupe UMP encourage le Gouvernement et témoigne de sa confiance dans la démocratie sociale et dans ses acteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 339 voix contre 163, sur 502 votants et 502 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 19 heures.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 15 avril inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu.

La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux responsabilités locales, auraient lieu le mercredi 14 avril, après les questions au Gouvernement.

Elle a pris acte du retrait de l'ordre du jour de demain du projet autorisant la ratification de la décision du Conseil relative à une modification de l'article 10-2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE - deuxième lecture -

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Pouvions-nous souhaiter meilleur jour que la journée mondiale de la santé pour débattre devant la représentation nationale de la politique de santé publique ? Dans un monde troublé par d'incessantes évolutions, nos concitoyens ont besoin de savoir que leur bien le plus précieux, la santé, sera protégé. Mondialisation, terrorisme, phénomènes migratoires... l'actualité est lourde d'inquiétudes ; pollution, risques climatiques, sida, cancer, dépression, légionellose, méningite... c'est la vie quotidienne qui est concernée ; déficit de l'assurance maladie, urgences saturées, manque de médecins et d'infirmiers... nos compatriotes s'interrogent. Continuera-t-on à les soigner et à les accompagner alors que la population vieillit et que le progrès médical est de plus en plus coûteux ?

Cela ne sera possible que grâce à une action volontariste et organisée. Notre pays fait un effort considérable pour la santé : environ 10 % de la richesse qu'il produit. Depuis 1946, la République reconnaît à la santé une valeur constitutionnelle, ainsi que l'a voulu le mouvement issu de la Résistance incarné par le général de Gaulle. La nation garantit à tous, et en particulier à l'enfant, à la mère et au vieux travailleur la protection de leur santé. Cela repose sur des valeurs qui font partie de notre patrimoine commun, désignées par la devise de notre République mais qui peuvent aussi s'appeler solidarité sociale, accessibilité aux soins ou refus des discriminations. Ce sont des valeurs que nous partageons tous. Pourtant, et en dépit de l'effort consenti par la nation, nous ne pouvons être satisfaits de la situation sanitaire de notre pays.

Bien sûr, il faut garder raison : on est en meilleure santé en France que dans bien d'autres pays. Mais si nous sommes bons en médecine curative et individuelle, nous ne le sommes pas dans la médecine préventive et communautaire - c'est-à-dire la santé publique. Sans politique de santé publique au plus haut niveau de l'Etat, nous n'acquerrons pas la culture de santé publique dont nous avons besoin. Est-il acceptable que la surmortalité des hommes jeunes soit telle en France qu'elle nous enlève sept années d'espérance de vie par rapport à la Suède ? Que le différentiel d'espérance de vie soit de six années et demie entre les ouvriers et les cadres et de six ans entre les différents départements, sans parler des écarts entre la métropole et l'outre-mer ? Que le taux de prématurité soit plus élevé d'un quart chez les agriculteurs, commerçants et artisans ? Que nous restions parmi les plus grands consommateurs d'alcool ? Allons-nous tolérer qu'une forte proportion de notre jeunesse devienne obèse ou meure prématurément de cancer, de suicide ou d'accidents de la circulation ? Comme citoyen et comme médecin, ces constats me bouleversent. Comme ministre, ils me donnent une détermination absolue.

Comment faire vivre les principes que j'ai évoqués ? En modernisant nos hôpitaux, notre médecine de ville et notre assurance maladie, certes, mais aussi en organisant la prévention et l'anticipation des risques. Tel est l'objet du projet de loi relatif à la politique de santé publique. Notre prévention reste en effet très faible. L'exemple du dépistage des cancers montre combien la culture de santé publique nous fait défaut. Depuis la grande loi hygiéniste de 1902, notre système de santé s'est élaboré par strates : lois sur l'assurance maladie, sur l'hôpital, sur la sécurité sanitaire, sur les droits des malades - une très bonne loi d'ailleurs... Le présent texte ne vise pas à bouleverser cette organisation, mais à lui donner plus de cohérence. Il va créer le cadre nous permettant de nous doter de programmes de dépistage et de promouvoir l'éducation à la santé. A ce propos, j'avais demandé, il y a dix ans, avenue de Ségur, aux chaînes publiques de développer des programmes d'éducation à la santé. Il y eut quelques minutes par ci par là, puis plus rien... Ce cadre nous permettra d'organiser des actions de santé environnementale et de lutte contre les épidémies ou la violence, d'améliorer la qualité de vie des malades et surtout de répondre aux situations de crise sanitaire. Il faut s'organiser pour que l'ensemble de la population, et surtout les plus fragiles, bénéficient des progrès de la science. Il faut améliorer nos capacités d'anticipation.

Pour cela, ce projet de loi définit un principe et une méthode. Le principe est d'instituer l'Etat comme le garant de la santé publique - ce qui ne veut aucunement dire que le système de santé sera étatisé. Je comprends que certaines générations de médecins, qui peuvent d'ailleurs se trouver dans cet hémicycle, n'aient aucune culture de santé publique. C'est nouveau ! L'Etat sera le seul pilote dans le domaine de la santé publique. Cela impose une clarification dans les rôles des différents acteurs. Aujourd'hui, entre l'Etat, les agences, les observatoires régionaux de santé, l'assurance maladie, les collectivités, les établissements de santé, les ARH, les professionnels libéraux, les entreprises et les associations, je suis bien incapable de savoir qui fait quoi ! Mais ce qui est sûr, c'est qu'en cas de crise sanitaire, c'est l'Etat qui est unanimement montré du doigt. Il faut donc que l'Etat développe et dirige une politique de santé publique.

Quels en seront les objectifs ? Le drame de la canicule illustre les cloisonnements de notre système de santé : entre le terrain et le niveau national, le médical et le social, les soins de ville et l'hôpital... Pour prévenir les conséquences d'une canicule, il faut être en mesure d'intervenir à domicile, dans les établissements médico-sociaux, dans les réseaux gériatriques. Cela n'est possible qu'à condition d'avoir soigneusement établi le rôle de chaque intervenant : pompiers, SAMU, personnel médical, travailleurs sociaux, associations, sécurité civile, médias... chacun doit connaître son rôle.

Le 21 septembre 2001, à Toulouse - Gérard Bapt s'en souviendra -, nous étions face à un drame sanitaire. Et nous avons mesuré le manque d'une réflexion en amont de la part de l'Etat, sur tout ce qui est requis pour parer au plus pressé et pour être efficaces. Les crises sanitaires, environnementales, industrielles, les épidémies sont choses auxquelles il faut se préparer.

Pour coordonner un ensemble aussi complexe, il faut un chef d'orchestre, qui ne peut être que l'Etat, dont la mission fondatrice est d'assurer la sécurité des personnes. Mais qu'on ne s'y trompe pas : un Etat garant n'est pas un Etat gérant, qui aurait le monopole des actions de santé publique. Il lui appartient de coordonner, d'impulser la politique de santé publique, mais celle-ci ne peut réussir que par la mobilisation de tous les acteurs. Ce qui manque le plus, c'est une organisation cohérente qui assure la meilleure utilisation des ressources. Pour faire face à la perspective d'une pandémie grippale - comme nous y appelle l'OMS - ou à la surmortalité liée aux canicules, seul l'Etat peut donner l'impulsion.

La méthode repose sur la définition d'objectifs de santé et la réalisation de programmes pour les atteindre. Pour que chaque acteur puisse comprendre le sens de son action, il doit pouvoir se référer à une série d'objectifs. La mise aux objectifs sur cinq ans du système français de santé publique, telle est la grande innovation de ce projet. Je remercie mon prédécesseur, Jean-François Mattei, d'avoir su faire ce premier grand projet de loi de santé publique. Ce n'était pas évident. Il importe de développer une vraie culture de santé publique. Il y a certes des choses à améliorer dans ce texte ; mais surtout il n'y a pas une minute à perdre. Il faut passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. La vraie question, c'est de savoir si les moyens de notre système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé. C'est cette correspondance que le projet veut organiser.

Ce projet présente quatre grandes caractéristiques. Tout d'abord, il clarifie les responsabilités en matière de santé publique, en donnant le premier rôle à l'Etat. Ensuite, il se donne cinq priorités claires. La première est le cancer. La deuxième est l'amélioration de la santé environnementale, y compris la santé au travail. La troisième est de prévenir les conséquences sanitaires de la violence et des comportements à risque. La quatrième est de mieux prendre en charge les maladies rares. La dernière est d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.

Pour pouvoir évaluer périodiquement les progrès accomplis, le texte prévoit des objectifs, des indicateurs. En première lecture, certains ont déploré que le rapport annexe comporte trop d'objectifs.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ou pas assez !

M. le Ministre - Pour ma part, j'aurais eu tendance à en réduire le nombre. Mais il est vrai qu'on ne pouvait, pour une première fois, passer sous silence dans le rapport annexé certains sujets majeurs. Surtout, il faut bien comprendre la démarche : ces objectifs ne sont pas un programme d'action, mais un tableau de bord. Il permettront au Gouvernement de vous rendre compte périodiquement. Ils permettront de juger des progrès réalisés et des améliorations nécessaires. Ces objectifs ne sont pas des priorités : leur rôle est de représenter la diversité des pathologies et des facteurs de risque présents dans notre population.

Troisième caractéristique du texte : il organise la politique de santé publique au niveau régional, sous l'autorité du préfet. C'est à ce niveau qu'il est pertinent d'organiser l'intervention des différents acteurs et de définir les politiques. Enfin, le projet organise les nécessaires partenariats. A côté de l'Etat, des agences et de l'assurance maladie, il existe de multiples structures, plus ou moins bien financées : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation à la santé, associations, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail... Il faut créer une synergie, à laquelle prendront part, si elles le souhaitent, les collectivités territoriales ; sans quoi nous continuerons à gaspiller nos ressources.

Je ne reviens pas sur l'architecture générale du projet, que n'a pas modifiée le Sénat, mais je veux insister sur les outils concrets que ce texte va permettre de mobiliser. Tout d'abord, la création d'une grande école de la santé publique - et je salue le travail remarquable de l'école de Rennes - permettra de former les professionnels dont les secteurs public et privé ont besoin.

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne suis pas sûr que le ministre des finances vous accordera les moyens de créer une structure supplémentaire.

M. le Ministre - Il appréciera. Par ailleurs la consultation périodique permettra des services préventifs personnalisés pour tous les âges. De nouvelles mesures sont prévues concernant la qualité des eaux d'alimentation, le saturnisme, la légionellose. D'autres dispositions améliorent les droits des personnes qui participent à la recherche biomédicale. La formation continue est renforcée pour tous les professionnels de santé.

Le Sénat a fait évoluer chacun des cinq titres de ce projet, et ce m'est l'occasion de rendre hommage au travail parlementaire qui a permis d'améliorer ce texte. Je salue en particulier l'apport de votre commission, qui a bénéficié de l'investissement personnel de son président Jean-Michel Dubernard.

Le titre premier traite de la politique de santé publique, en définit le périmètre et clarifie les responsabilités. Le Sénat a souhaité mentionner explicitement ici la protection des populations fragilisées comme objectif prioritaire, et c'est bien. Il a également prévu que la conférence régionale de santé élirait son président et que les organismes d'assurance complémentaire y seraient représentés. Il souhaite, d'autre part, que le conseil régional puisse définir des objectifs et des programmes de santé particuliers en lien avec ceux de l'Etat. Il a précisé le mécanisme de représentation des associations d'usagers et de malades, dont je tiens à dire que je les considère comme des interlocuteurs incontournables.

Le titre II traite des outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. De ces missions le Sénat souhaite retirer l'éducation thérapeutique ; nous en débattrons. Nous examinerons également une disposition due au sénateur Plasait, qui donne droit de cité à la politique de réduction des risques de transmission des maladies infectieuses chez les usagers de drogues.

Sur les situations d'urgence sanitaire, le Sénat a apporté des précisions utiles, en particulier sur la question de l'indemnisation. Le chapitre IV précise les conditions d'intervention des établissements de santé et des établissements médico-sociaux dans l'investissement sanitaire.

Le titre III traite des plans nationaux de santé publique, autour desquels s'organisent les cinq priorités définies par le Gouvernement. C'est dans ce titre qu'il est fait référence au rapport annexé. Le Sénat a ajouté des objectifs ; nous en discuterons. Il souhaite notamment réduire la publicité pour les produits alimentaires qui peuvent nuire à la santé des jeunes ; l'intention est louable, mais il faudra débattre des modalités, tout comme pour les dispositions relatives à la publicité pour le tabac. Pour les bouilleurs de cru, le Sénat a renoncé à prolonger de cinq ans le régime fiscal dérogatoire.

M. François Vannson - Nous sommes là !

M. le Ministre - La protection de la santé doit primer : ne diabolisons pas l'alcool, mais ne le banalisons pas.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous pouvez compter sur l'opposition - et vous en aurez besoin !

M. le Ministre - Le chapitre sur la santé et l'environnement a été utilement précisé au Sénat, en ce qui concerne notamment les rayonnements non ionisants et la légionelle.

Le titre IV concerne la recherche et la formation en santé. La nécessité d'une école des hautes études en santé publique est reconnue de tous ; ses missions ont été précisées. Par ailleurs, le projet actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales, ce qui était très attendu par les chercheurs et les industriels. Nous devons garantir les droits de ceux qui participent à ces recherches dont bénéficieront ceux qui souffrent. Le projet remplace le régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre les recherches sans et avec bénéfice individuel direct : dans tous les cas, c'est en termes de bilan bénéfice-risque qu'il faut raisonner. Le texte organise également la participation à la recherche des personnes en difficulté pour exprimer leur consentement. Enfin, le titre IV simplifie le dispositif de la formation médicale continue, celle des médecins comme des autres professionnels : elle est indispensable au succès de la politique de qualité des soins et à l'évolution des pratiques médicales.

Le titre V comporte des mesures diverses, et notamment des dispositions importantes concernant les conditions d'exercice des sages-femmes. Le Sénat a introduit des dispositions relatives aux conseillers en génétique, qui rendront des services de plus en plus importants à mesure que la science progressera. Il a également introduit des mesures concernant l'indemnisation des affections iatrogènes ou des contaminations par le VIH, l'hémovigilance, les conditions d'exercice des pharmaciens. Il propose de conduire des expérimentations dans le domaine des compétences des professions de santé : c'est une des voies pour parer aux pénuries prévisibles, notamment en milieu rural.

Notre pays a besoin de cette loi pour résoudre des problèmes concrets. Elle nous permettra de franchir une étape importante dans l'histoire quelque peu chaotique, il faut bien l'avouer, de la santé publique dans notre pays. Tous les cinq ans, vous aurez la possibilité de juger de la performance des programmes de santé.

Ce texte garantit au pays que la protection et l'amélioration de la santé sont au c_ur des préoccupations du Gouvernement et constitueront le fil directeur de la réforme de l'assurance maladie. Il ne pourra pas y avoir sauvegarde du système de l'assurance maladie s'il n'y a pas un pilotage de la santé publique au plus haut niveau de l'Etat. La seule solution pour la sauvegarder, c'est bien d'aller vers de plus en plus de qualité et d'éviter les dérives ainsi que les abus. La seule solution, c'est de parler du malade, et donc de santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Tout d'abord, je souhaite la bienvenue au nouveau ministre de la santé et de la protection sociale : je sais qu'il a l'expérience, le courage et l'énergie nécessaires pour poursuivre les réformes dont notre système de santé a besoin et qu'avaient commencées M. Mattei, à qui je veux rendre hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je suis personnellement très attaché à ce texte, le premier texte législatif d'ensemble depuis 1902 qui aborde dans une perspective pluriannuelle le thème de la santé publique.

L'Assemblée a tenu pleinement son rôle, apportant au texte des améliorations significatives concernant l'organisation nationale et régionale - nous avons notamment réintroduit la conférence nationale de santé et la conférence régionale. Et nous avons séparé les financeurs, membres du groupement régional de santé publique, des opérateurs et autres acteurs, qui trouvent toute leur place au sein de la conférence régionale de santé. Ces modifications étaient le résultat d'un travail intense de la commission, qui avait procédé à un nombre exceptionnellement élevé d'auditions. Je remercie d'ailleurs tous les membres de la commission pour leur travail, avec une mention particulière pour Mme Billard, M. Le Guen et M. Evin, dont la contribution constructive a été prise en compte.

Le présent projet a été adopté par l'Assemblée en première lecture le 14 octobre 2003 puis par le Sénat le 19 janvier. Sur les 125 articles du projet, 102 restent en discussion, soit les quatre cinquièmes du texte.

Le Sénat a supprimé 7 articles, en a modifié 50 et a introduit, le plus souvent à l'initiative du Gouvernement, 45 articles additionnels. Beaucoup de ces ajouts n'ont pas un lien direct avec la santé publique et conduisent à un alourdissement un peu regrettable du texte. Mais dans l'ensemble, la rédaction issue des travaux du Sénat est apparue comme satisfaisante aux membres de la commission. Celle-ci a cependant adopté - outre des modifications rédactionnelles - un certain nombre d'amendements de fond.

Elle a ainsi recentré les missions du Haut Conseil de la santé publique sur la stratégie et la prospective, la gestion des crises étant assurée par les agences.

S'agissant du rapport d'objectifs de santé publique, la commission propose de revenir aux cent objectifs de santé publique mentionnés dans le projet initial, afin d'éviter une inflation du nombre d'objectifs contenus dans le rapport annexé, qui n'a pas, je le rappelle, de valeur juridique. Je conviens cependant que maintenir la progression de la résistance aux antibiotiques et réduire le contenu en sel des aliments sont des objectifs particulièrement importants. La commission a trouvé une solution élégante pour les intégrer.

La commission propose par ailleurs de rétablir la mention dans la loi que les mesures de dépistage du cancer comprennent un programme spécifique destiné aux populations les moins sensibles aux programmes prévus.

Un amendement de la commission dit que la conduite des psychothérapies exige une formation théorique et pratique en psychopathologie ou une formation reconnue par les associations de psychanalystes.

S'agissant des recherches biomédicales, plusieurs amendements ont été adoptés à l'initiative de M. Fagniez, dont je salue le travail. La commission propose ainsi d'instituer une procédure d'appel, auprès d'un autre comité désigné par le ministre, pour les projets de recherche ayant reçu un avis défavorable du comité de protection des personnes. Elle propose aussi de mieux encadrer les conditions de communication des protocoles de recherche aux associations de malades et d'usagers du système de santé. Enfin, la commission a souhaité faciliter la réalisation des recherches portant sur l'évaluation des soins courants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 15 avril inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ;

à 18 heures 30 et à 21 heures 30 :

_ Deuxième lecture du projet relatif à la politique de santé publique.

JEUDI 8 AVRIL, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Projet autorisant la ratification du protocole relatif à l'adhésion de la Communauté européenne à la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, telle qu'amendée à plusieurs reprises et coordonnée par le protocole du 27 juin 1997, fait à Bruxelles le 8 octobre 2002 ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde (ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres) ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 29 janvier 1951 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative aux gares internationales de Modane et de Vintimille et aux sections de chemins de fer comprises entre ces gares et les frontières d'Italie et de France ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres, signées le 26 novembre et le 30 décembre 2002, complétant le traité du 7 juillet 1998 entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'avenant à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

_ Projet autorisant l'approbation d'une convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

(Ces 11 textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 du Règlement)

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 13 AVRIL, à 9 heures 30 :

_ Débat sur une politique de gestion durable des déchets ménagers et assimilés ;

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet, adopté par le Sénat, relatif au divorce.

MERCREDI 14 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet relatif aux responsabilités locales ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille ;

_ Deuxième lecture du projet relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

JEUDI 15 AVRIL, à 9 heures 30 :

_ Proposition de M. Serge POIGNANT et plusieurs de ses collègues tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique ;

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Déclaration du Gouvernement relative à l'énergie et débat sur cette déclaration.

-------------------------------------------------------------------------------------------------

ERRATA

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 6 avril 2004

Page 18, rétablir comme suit la première phrase du premier paragraphe de la question de M. Jacques Myard relative à la POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES D'INONDATIONS.

« M. Jacques Myard - Je suis désolé de vous soumettre pour votre baptême du feu un sujet qui fâche, Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable... »

---------------

au compte rendu analytique de la 3ème séance du mardi 6 avril 2004.

Pages 8 et 9, dans l'intervention de Mme Geneviève Perrin-Gaillard, compléter le 6ème paragraphe par les phrases suivantes :

« Ces intérêts sont ceux des industriels et des chambres consulaires pour l'agriculture. Toujours dans la phase de consultation sur le projet de SDAGE, comment en l'état actuel des missions des EPTB, notamment du point de vue de la mise en _uvre des SAGE, justifier que les EPTB soient consultés et pas les commissions locales de l'eau...

« On peut également regretter dans la continuité de la mise en cohérence des politiques de l'eau et de l'urbanisme qu'on n'ait pas souhaité assujettir les principaux documents d'urbanisme de portée régionale au seul SDAGE intéressé, car jusqu'ici la mise en conformité d'un SCOT par exemple avec une DTA peut générer l'incompatibilité avec le SDAGE en l'absence d'une quelconque exigence de compatibilité entre DTA et SDAGE... Auraient notamment été visés ici DTA, SDRIF - schéma d'aménagement de l'Ile-de-France -, schéma d'aménagement de la Corse, les schémas de mises en valeur de la mer, schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire... »


© Assemblée nationale