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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 83ème jour de séance, 208ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 4 MAI 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE
      DES PERSONNES ÂGÉES
      ET DES PERSONNES HANDICAPÉES 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 13

      NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT
      ET D'UN QUESTEUR 22

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 5 MAI 2004 23

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES
ET DES PERSONNES HANDICAPÉES

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je ferai un rappel au Règlement. Parce que le projet de loi que nous examinons ce soir aura des incidences sur le dispositif de l'assurance maladie, nous souhaiterions que M. le ministre de la santé nous rejoigne. De même, du fait de ses conséquences sur le droit du travail, avec une éventuelle remise en cause des 35 heures, la présence de M. Borloo serait nécessaire.

Pour ces raisons, je vous demande, Monsieur le Président, une suspension de séance d'une demi-heure pour permettre à ces ministres de venir s'expliquer sur ce dossier essentiel.

M. le Président - Le Gouvernement est représenté, et l'absence des ministres de la santé et du travail n'est nullement un obstacle à ce que vous défendiez vos motions de procédure. Néanmoins, votre demande étant de droit, je vais suspendre brièvement la séance.

La séance, suspendue, est reprise à 21 heures 50.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées - La France doit accompagner cette grande révolution sociale qu'est le vieillissement par une politique réaliste, responsable et fraternelle. Après la prestation spécifique dépendance et l'allocation personnalisée d'autonomie, qui ont constitué une étape significative dans la prise en charge de la perte d'autonomie, le projet de loi que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui pose les bases d'une prise en charge globale. Ce texte fondateur envisage la question du vieillissement dans son ensemble, lui attribue une ressource propre et crée un organisme dédié à son financement. L'unité d'un peuple repose sur la solidarité entre les générations ; de l'enfance à l'âge avancé, elles doivent toutes avoir leur place dans la société. La considération qu'on marque aux personnes âgées est toujours à la mesure de l'attachement qu'on éprouve pour son pays et son histoire. Un pays fort de son passé et confiant dans son avenir se soucie de ses aînés.

Dès 2010 en France, les personnes âgées de plus de 60 ans seront plus nombreuses que les moins de 20 ans. Le nombre des Français de plus de 85 ans va doubler d'ici à 2020. Entre 1960 et 1995, la durée moyenne de vie s'est allongée de six ans pour les hommes et de huit pour les femmes, et depuis 1975, l'espérance de vie à la naissance croît d'une année tous les quatre ans. Ces chiffres témoignent d'une évolution rapide et profonde de notre démographie, dont nos politiques publiques n'ont pas encore pris pleinement la mesure.

M. Gérard Bapt - Loin de là !

M. le Ministre délégué - Le projet de loi a donc pour but de remettre nos politiques en phase avec la réalité démographique. Le drame de l'été dernier a accéléré la prise de conscience par notre société du phénomène du vieillissement, mais aussi du retard accumulé quant à sa prise en charge. Il nous revient de prendre acte de cette révolution et de tirer les leçons de ce drame. Le Gouvernement a lancé, dès septembre, l'élaboration d'une réforme de solidarité pour les personnes dépendantes, qui comporte deux volets : un plan vieillissement et solidarité, et un volet personnes handicapées dont vous parlera Mme Montchamp. Le plan vieillissement et solidarité comporte quatre axes. Le premier est l'instauration d'une veille d'alerte pour anticiper les événements climatiques. Les trois autres poursuivent la politique mise en _uvre depuis 2002 : satisfaire les besoins de prise en charge nés du vieillissement démographique, répondre aux souhaits de vie des Français âgés et instaurer une véritable organisation gérontologique.

Les effets physiologiques d'un pic de chaleur rendent l'anticipation météorologique indispensable. Dans ce domaine, il est très vite trop tard. C'est pourquoi l'Institut de veille sanitaire et Météo France ont signé un accord-cadre relatif à un dispositif d'anticipation qui sera opérationnel le 1er juin. Il permettra de repérer les situations météorologiques à risque et de déclencher plusieurs seuils d'alerte. L'extrême dispersion des informations ayant été une cause du retard pris l'été dernier, un réseau de surveillance et d'intervention est en train d'être mis en place. La rapidité d'action sera garantie par une chaîne qui va de la prévention par les services météo à l'alerte, puis au déclenchement des opérations par le préfet et enfin à l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes fragiles recensées dans chaque commune. Des référentiels de bonne pratique préventive des risques sanitaires liés à la canicule et à la pollution vont être diffusés et des plans bleus seront bientôt opérationnels dans tous les établissements.

La prévention des effets de la canicule appelle également l'installation d'une pièce rafraîchie, permettant aux personnes âgées de récupérer au moins trois heures par jour. Cette installation devra être achevée avant l'été. C'est une absolue priorité. Mais seuls 68 % des établissements privés et 50 % des établissements publics s'y sont engagés. C'est très insuffisant. Le 10 février, j'ai donc demandé un état des lieux aux préfets, qui doivent veiller à la mise en place de systèmes de rafraîchissement dans les établissements qui n'ont communiqué aucun projet d'équipement. Le 26 mars, je leur ai adressé une circulaire avec des orientations et des recommandations sur l'installation de pièces rafraîchies. Pour aider les établissements à s'équiper, le Gouvernement apportera un concours financier important - le montant en sera annoncé dès demain matin - et de nombreux départements se sont également engagés à donner leur contribution. Mais les incitations financières ne sauraient suffire, il faut aussi que les directeurs des établissements mènent rapidement une action déterminée. Je compte donc sur la mobilisation de tous, et en particulier des élus de la nation, pour veiller à ce que tous s'équipent au plus vite.

Ce système de veille et d'alerte sera complété par un accroissement sans précédent des moyens de prise en charge et d'encadrement des personnes âgées : 4 milliards d'euros y seront en effet consacrés d'ici à 2007. Quatre cents millions d'euros supplémentaires seront alloués chaque année à l'allocation personnalisée d'autonomie. Le plan visera également à accélérer la médicalisation des services à domicile des établissements : 470 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés cette année et 2 000 conventions tripartites seront signées, permettant de médicaliser 160 000 lits. Je rappelle qu'actuellement, sur 650 000 lits, à peine un tiers le sont !

Le plan prévoit également la création de 10 000 places nouvelles en établissements, d'ici à 2007, soit l'équivalent de près de 150 maisons de retraite ; 15 000 soignants seront recrutés sur quatre ans pour travailler dans les établissements, et 10 000 pour travailler à domicile.

La montée en puissance de ce plan sera progressive, se faisant au rythme des embauches de soignants. Les quotas ont déjà été fortement relevés mais la validation des acquis de l'expérience contribuera à élargir encore les possibilités de recrutement.

Cet effort financier vise aussi à permettre à nos compatriotes âgés de mener la vie de leur choix. La plupart souhaitent demeurer à leur domicile : nous devons les y aider et nous entendons donc créer 17 000 places dans les services de soins infirmiers à domicile, 4 000 places d'hébergement temporaire et 8 000 places d'accueil de jour destinées aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées. Signalons qu'aujourd'hui, nous disposons d'à peine une place de soins infirmiers à domicile pour sept personnes de plus de 75 ans. Des dispositifs innovants seront encouragés : places de jour itinérantes, accueils et gardes itinérantes de nuit...

Dans le même esprit, nous voulons étendre la gamme des modes d'hébergement de manière à offrir un choix répondant au mieux aux besoins et aux v_ux de nos concitoyens. Ainsi, pour éviter de n'avoir à opter qu'entre le tout-établissement et le tout-domicile, nous encouragerons le développement des petites unités de vie et des résidences intégrées.

Enfin, le plan prévoit une véritable organisation gérontologique, fondée sur la proximité et sur une meilleure articulation entre les secteurs sanitaire et social.

C'est dans le cadre général de ce plan et pour contribuer à son application effective que le présent projet a été élaboré. Ce texte a un double objet : il institue le plan de veille et d'urgence et il accompagne cette révolution sociale que constitue le vieillissement en organisant le financement de l'aide aux personnes en perte d'autonomie. Le fait que j'expose les mesures relatives aux personnes âgées et Mme Montchamp celles qui concernent les personnes handicapées, ne doit pas, en effet, faire perdre de vue la visée de cette loi : traiter globalement la perte d'autonomie, quelles qu'en soient les causes.

Le plan de veille et d'urgence vise à parer aux situations exceptionnelles. Chaque département devra se doter d'un de ces plans, préparé par le préfet et par le président du conseil général ; sa mise en _uvre sera décidée par le représentant de l'Etat ; elle déclenchera l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes âgées et handicapées recensées à leur demande par les communes.

La deuxième partie du projet vise à rattraper le retard accumulé en matière de prise en charge. Le drame de l'été dernier a montré combien l'effort en faveur de la dépendance avait été insuffisant. Il a également mis en évidence un besoin accru de médicalisation. Des actions ont certes été engagées et, en particulier, ont été instituées la prestation spécifique dépendance - PSD -, puis l'allocation personnalisée d'autonomie - APA. Mais le financement a manqué : il manquait 1,2 milliard d'euros en 2003 pour financer l'APA et, au rythme où a avancé le conventionnement en 2002, il aurait fallu de trop nombreuses années pour doter convenablement les maisons de retraite médicalisées en personnel soignant - 330 conventions seulement ont été signées entre 2000 et le début de 2002, alors qu'il y a près de 8 000 établissements. C'est pourquoi nous avons accéléré le pas : 1 100 conventions ont été conclues à la fin de 2002, dont 700 au second semestre.

De bonnes intentions ne mènent à rien si le financement fait défaut. Le projet apporte donc les financements permettant de pérenniser et de développer les dispositifs antérieurs, et ce sans recourir à un prélèvement obligatoire de plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Sur ce point, la rupture est double : au lieu de ponctionner une richesse présente, le projet est gagé sur la création de richesses nouvelles, dans la mesure où il institue une journée de travail supplémentaire ; l'affectation de ce financement est garantie par son versement à une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

L'idée de cette journée de solidarité n'est pas nouvelle : elle a déjà été avancée par plusieurs associations, l'Allemagne l'a mise en pratique depuis plusieurs années et elle a été soutenue, dans un appel publié par le journal La Vie le 26 juin dernier, par cent députés de toutes tendances - la gauche en effet ne fut pas en reste puisqu'on relevait parmi les signataires les noms de MM. Fabius, Ayrault, Terrasse, Bianco, Migaud...

M. Maxime Gremetz - Mais il n'y avait parmi eux aucun communiste ! On ne peut donc parler de députés de toutes tendances !

M. le Ministre délégué - La mesure concrétisera une des valeurs fondatrices de notre République : la fraternité. Il ne s'agit en rien d'une sanction : nos concitoyens ne sont pas des enfants que l'on punit, mais des adultes soucieux de solidarité et prêts à en assumer la responsabilité. Les Français sont généreux et je suis convaincu que, dans leur très grande majorité, ils sont disposés à apporter cette aide à leurs aînés et aux personnes handicapées.

Certains ont vu là une tentative de mettre à bas la réduction du temps de travail. Il ne s'agit pourtant que de sept heures par an, soit 4 % des 175 heures de RTT et 0,4 % du temps de travail total. Belle remise en cause des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Cette journée sera fixée librement, après concertation, ce dans le secteur privé comme dans le secteur public. Ce n'est qu'à défaut d'un accord que le lundi de la Pentecôte sera ouvré.

Salariés et fonctionnaires ne perdront aucun pouvoir d'achat, contrairement à ce qui se serait passé en cas de relèvement des cotisations ou de supplément d'impôt.

M. Augustin Bonrepaux - Mais vous les taxez !

M. le Ministre délégué - Quant aux employeurs, ils restitueront la valeur ajoutée ainsi produite, sous forme d'une contribution patronale dont le niveau a été estimé à 0,3 % des salaires et traitements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Réformons les 35 heures !

M. le Ministre délégué - Les travailleurs indépendants et les agriculteurs seront associés à cet effort de solidarité : ils acquitteront la contribution dès lors qu'ils emploient au moins un salarié. Mais le travail ne sera pas seul sollicité : les revenus du capital seront assujettis à une participation du même montant, à l'exception des produits de l'épargne populaire.

Nous serons ainsi à même de mobiliser chaque année quelque deux milliards d'euros - et cette recette croîtra avec la richesse nationale. Son versement à une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en garantira l'affectation, je le répète, et sera gage de transparence, de sorte que les Français pourront être certains du bien-fondé de leur effort.

Afin que la journée de solidarité corresponde bien à des actions en faveur des personnes dépendantes, âgées ou handicapées, son produit ne sera pas fondu dans le budget de l'Etat ou dans les comptes de la sécurité sociale, mais affecté à un organisme bien identifié, qui prendra la forme d'un établissement public national à caractère administratif et dont les organes de surveillance associeront élus, partenaires sociaux et représentants des milieux associatifs.

Des interrogations se sont néanmoins exprimées à l'égard de cet organisme, dont la dénomination de « caisse » a pu induire certains en erreur. Nous n'avons pas choisi ce terme en référence aux caisses de sécurité sociale mais pour bien marquer notre volonté de mettre en place une politique forte et globale en faveur des personnes âgées.

Etant donné l'urgence dans laquelle nous sommes amenés à légiférer, il va de soi que le présent projet ne peut définir tous les contours de cette structure. Ils font actuellement l'objet d'une réflexion que nous avons confiée à MM. Briet et Jamet, dont le rapport nous sera remis au début du mois de juin. Sur cette base, et à partir des orientations de la réforme de l'assurance maladie, nous définirons, après concertation, les missions définitives de cette structure nouvelle.

Certains craignent une éventuelle dérive vers une sécurité sociale à deux vitesses. Il n'est en réalité pas question de mettre en place un dispositif qui amènerait à un démantèlement de la sécurité sociale ou à un système d'assurance maladie cloisonné selon les âges.

La nouvelle caisse viendra en complément des caisses de sécurité sociale existantes. Elle n'est nullement destinée à se substituer à l'une ou l'autre d'entre elles. Les personnes âgées continueront bien évidemment de relever de la caisse nationale d'assurance maladie pour tout ce qui concerne leurs soins. A cette prise en charge sanitaire, la nouvelle caisse apporte une prestation nouvelle : la prise en charge de la dépendance.

Son premier objectif est de pérenniser le financement complémentaire que nous avons instauré en 2003 pour sauvegarder l'allocation personnalisée d'autonomie : 400 millions d'euros s'ajouteront désormais chaque année au dixième de point de CSG déjà affecté au fonds de financement de l'APA.

L'emprunt de même montant, contracté au titre de 2003, sera remboursé dès cette année par anticipation. La caisse sera ainsi en mesure de mettre un terme, de manière durable, à la grave impasse financière héritée du précédent gouvernement.

Le deuxième objectif de la caisse, c'est de financer le plan « Vieillissement et solidarités », c'est-à-dire : la médicalisation des établissements, la modernisation des services d'aide à domicile, la création de places et le renforcement du personnel. Elle financera également des actions en matière de prévention de la perte d'autonomie.

A compter de 2005, le champ d'action de la caisse sera étendu à la perte d'autonomie résultant du handicap.

Sur les 650 000 places en hébergement, seul un tiers des lits sont médicalisés à ce jour ; à domicile, nous comptons en moyenne une place de SIAD pour sept personnes âgées de plus de 75 ans ; enfin, 135 000 personnes sont atteintes chaque année de la maladie d'Alzheimer et nous manquons déjà de places en accueil de jour et en hébergement temporaire. Dans ces conditions, comment pourrions-nous expliquer à nos concitoyens qu'il faut encore attendre un an pour obtenir les moyens indispensables à la préservation de la dignité de nos aînés ?

Ce projet de loi vous propose de construire un partenariat d'un type nouveau pour répondre à des besoins nouveaux. La réforme privilégie un mode de gestion décentralisé, fondé sur la proximité et adossé à une organisation nationale, garante de l'utilisation exclusive de la nouvelle ressource au bénéfice des personnes dépendantes. La nouvelle caisse ne démembre nullement la sécurité sociale mais maintient au contraire son unité et préserve l'universalité de l'assurance maladie, en refusant toute prise en charge différenciée des soins aux personnes âgées. Pour la première fois, nous mettons en place une logique de prise en charge globale de la perte d'autonomie, qu'elle soit due à l'âge ou au handicap.

On peut toujours faire mieux et plus. Reconnaissons néanmoins que ce projet de loi constitue une véritable avancée face au défi du vieillissement.

Les circonstances tragiques qui en ont accéléré l'élaboration doivent nous rappeler l'impérieuse nécessité d'anticiper les évolutions sociales et économiques de notre pays, fussent-elles taboues comme l'est encore le vieillissement.

Plutôt que de bercer les Français d'illusions, nous avons choisi un langage de vérité et de responsabilité. Nous demandons un effort, mais c'est un effort qui n'ampute pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens. C'est un effort juste, car il est équitablement réparti, et c'est un effort qui fait honneur aux Français, car il est généreux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Le ministre délégué aux personnes âgées vient de rappeler l'évolution rapide et profonde de notre démographie ainsi que la nécessité d'y adapter nos politiques publiques.

Je souhaite lever d'emblée l'ambiguïté de l'expression « vieillissement de la population ». Une population vieillit quand un nombre insuffisant de naissances ne permet pas le remplacement des générations. Ce n'est pas le cas de la France. La natalité y est plus forte qu'ailleurs en Europe et c'est d'autant plus remarquable que nous sommes parvenus à la concilier avec l'activité professionnelle des femmes.

Une population vieillit aussi lorsque l'espérance de vie s'accroît et, avec elle, la durée moyenne de vie. C'est le cas de la France. L'allongement de la durée de la vie est une évolution heureuse, l'aboutissement du rêve de toutes les générations qui nous ont précédés. Mais il multiplie les situations de dépendance et crée, par conséquent, une charge supplémentaire pour les familles et pour la société.

Nous savons tous que le grand âge emporte le plus souvent avec lui la perte partielle ou totale d'autonomie. Et nous savons aussi que les femmes sont plus nombreuses que les hommes aux âges élevés de la vie .

M. Maxime Gremetz - Oui, on n'arrive pas à les rattraper !

Mme la Secrétaire d'Etat - La disparition du conjoint a en général pour effet de diminuer les ressources du survivant et, bien sûr, d'accentuer son isolement. Un isolement qui tient d'ailleurs moins au desserrement des liens familiaux qu'aux contraintes de la vie moderne.

Dans ces conditions, il est légitime de solliciter la solidarité nationale pour prendre en charge la perte d'autonomie et pour organiser les services individuels et collectifs auxquels ont droit les personnes âgées. Il ne s'agit pas de compassion mais d'une solidarité qui est avant tout un acte de citoyenneté partagée.

Le présent projet est très attendu par les personnes âgées. Je veux vous dire qu'il l'est aussi par les personnes handicapées.

Elles-mêmes vivent la révolution de la longévité. Les progrès de la médecine leur permettent aujourd'hui de vivre beaucoup plus longtemps, mais cette évolution heureuse se transforme en une source d'angoisse pour les parents : « Que va-t-il devenir lorsque nous ne serons plus là ? ».

Il est difficile de chiffrer la population des personnes handicapées. Ce que l'INSEE appelle « le noyau dur du handicap » est estimé à 1,2 million de personnes : ce sont celles qui déclarent à la fois une ou plusieurs incapacités, une limitation des activités et une reconnaissance d'un taux d'incapacité ou d'invalidité. Mais entendue au sens large, la population handicapée serait de l'ordre de 5,3 millions de personnes : ce sont celles qui ne déclarent qu'une ou plusieurs incapacités, sans restriction d'activité ni reconnaissance administrative.

Quels que soient les effectifs concernés, une chose est certaine : les personnes handicapées ne trouvent pas dans notre pays la réponse adaptée à leurs besoins et à leur projet de vie.

Malgré les efforts continus des gouvernements successifs, la réponse en institution est loin d'être satisfaisante. Les listes d'attente sont longues pour tous les types d'établissements, pour les enfants comme pour les adultes. Nous manquons cruellement de foyers pour adultes et de maisons pour les personnes handicapées vieillissantes. Quand je vois un trisomique 21 âgé de 40 ans ou un adulte autiste dans un hôpital psychiatrique, je ne peux m'empêcher de penser que la société porte une lourde responsabilité, car ce n'est pas sa place.

Aussi criant est le déficit de réponse adaptée à domicile. Ni l'allocation compensatrice de tierce personne, ni les services d'auxiliaires de vie, ni le remboursement par l'assurance maladie des aides techniques ne sont à la hauteur du droit que revendiquent avec raison les personnes handicapées. C'est là l'ambition du projet de loi relatif à l'égalité des droits, des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées qui a été voté en première lecture par le Sénat et dont nous débattrons prochainement.

Conformément à l'engagement du Président de la République, il est fondé sur le droit à la compensation du handicap pour augmenter l'autonomie des personnes handicapées. Tel qu'il a été voté, ce projet comporte la création d'une prestation de compensation destinée à couvrir les dépenses de toutes natures liées aux besoins des personnes handicapées.

Ce droit à compensation était inscrit dans la loi dite de modernisation sociale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Tout à fait.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous avions le devoir de lui donner un contenu.

L'aide à la dépendance des personnes âgées et le droit à compensation pour les personnes handicapées sont liées par l'exigence de citoyenneté. La société se doit de garantir aux uns et aux autres le maximum d'autonomie possible. Ce devoir de solidarité - je devrais parler plutôt d'un devoir de fraternité - s'exprime de multiples manières.

La perte d'autonomie est quasi irréversible quand elle résulte du grand âge des personnes dépendantes. L'APA leur apporte une aide pour l'accomplissement des gestes courants de la vie quotidienne. La situation n'est pas toujours comparable pour les personnes handicapées.

D'ailleurs, pour elles, une autonomie insuffisante peut être liée à une déficience autant qu'à l'environnement - je pense aux handicapés physiques, bien entendu. L'autonomie peut également comporter des risques pour la personne elle-même, ou pour un tiers - je pense aux handicapés mentaux, dont il faut encadrer l'autonomie, en particulier par la protection juridique.

Dans tous les cas, la compensation du handicap vise à maintenir ou à restaurer la plus grande autonomie possible et ne saurait être confondue avec l'aide due aux personnes âgées dépendantes.

Ce projet est l'aboutissement de l'annonce faite le 6 novembre dernier par le Premier ministre, annonce novatrice qui porte l'espoir d'un nouveau paradigme de la protection sociale. Pour la première fois, le risque dépendance-autonomie est reconnu comme vrai, universel et irréductible à un autre.

La reconnaissance de ce risque s'accompagne en outre de la définition de moyens institutionnels et financiers nouveaux. Le Gouvernement a choisi de jeter les bases d'une protection sociale fondée sur la solidarité nationale. En invitant nos compatriotes à travailler un jour de plus chaque année au profit des personnes dépendantes, le Gouvernement établit le lien entre obligation individuelle et obligation générale de venir en aide aux plus fragiles. Notre société, trop technocratique, trop froide, doit aller au-delà de la solidarité comptable faite de transferts sociaux anonymes. Nous devons enclencher, dans notre communauté de destin, une solidarité citoyenne.

L'Allemagne a donné l'exemple, en 1993, en créant une assurance dépendance financée par la suppression d'un jour férié. Cette réforme a été votée à l'unanimité et approuvée par les syndicats.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - On ne peut pas comparer la situation.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nul n'y a vu un démantèlement de l'Etat social. Les Allemands ont su faire le choix de l'innovation. Pour la première fois, un progrès social fut possible sans réduction du niveau de vie, sans alourdir la charge des assurés sociaux ni compromettre la compétitivité des entreprises. Osons dire à notre tour que la protection sociale à visée universelle ne peut plus reposer sur la seule redistribution des revenus monétaires.

La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie permet de répondre à quatre préoccupations majeures.

Il s'agit d'abord de dégager un financement substantiel, pérenne et individualisé pour le nouveau droit à compensation : 380 millions sont ainsi alloués à la prise en charge de la dépendance-autonomie. Neuf milliards d'euros supplémentaires sont en outre prévus d'ici 2008. Pour les personnes handicapées, le droit à compensation consiste d'abord en la possibilité de choisir son mode de vie.

Il s'agit ensuite d'associer les personnes handicapées, dans un mode de gouvernance nouveau, à la gestion des aides qui leur sont destinées. C'est ainsi que sera garantie l'indispensable égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Il s'agit, de plus, de distinguer la compensation du handicap de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.

Enfin, il s'agit d'amorcer la création d'une nouvelle branche de la protection sociale qui consacrera à terme le passage définitif de l'aide sociale à la solidarité nationale. Le droit à compensation sera ouvert sans condition de ressources à toute personne handicapée, quel que soit son âge. La CNSA concrétisera à la fois le changement de niveau et de nature de l'effort social de la nation.

Ce texte marque l'avènement d'un ordre social nouveau et fournit l'architecture institutionnelle et le financement de deux dispositifs ambitieux.

Je souhaite, au cours de nos débats, que nous soyons guidés par cette perspective nouvelle de protection sociale, avec la conviction que la vie vaut toujours la peine d'être vécue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Des voix se sont élevées pour demander le report du projet de loi tandis que d'autres expliquaient qu'il arrivait trop tard pour prévenir les conséquences d'une éventuelle canicule.

Or, ce texte permettra, par un réel effort de solidarité nationale, de dégager près de un milliard dès cette année et plus de deux milliards chacune des années suivantes. Cet argent servira à financer des milliers de places supplémentaires en établissements, à moderniser l'aide à domicile, à former des personnels, à pérenniser le financement de l'APA, à financer le droit à compensation du handicap.

Qui parmi nous pourrait expliquer qu'il est trop tôt pour agir ? Qu'il faut attendre je ne sais quelle réforme, attendre les conclusions de la mission confiée à deux hauts fonctionnaires, attendre les résultats de la réforme de l'assurance maladie ?

Voici près de trente ans qu'on s'enlise dans les débats institutionnels : cinquième risque, cinquième branche, gestion par la sécurité sociale, gestion par les départements... Chacun d'entre nous a ses convictions. Elles ne doivent pas paralyser l'action.

M. René Couanau - Très bien !

M. le Rapporteur - La canicule n'a fait que précipiter une prise de conscience inéluctable : les personnes en perte d'autonomie sont de plus en plus nombreuses. La perte d'autonomie touche de plus en plus nos parents ou nos amis. Il y a urgence à agir !

Ce texte serait-il, à défaut d'être critiquable dans ses objectifs, critiquable dans ses moyens ?

Le Gouvernement s'est appuyé sur de nombreux travaux et sur les modèles en vigueur dans d'autres pays, ne serait-ce que chez nos voisins allemands. Dès lors, le Premier ministre a pu annoncer, dès le 6 novembre 2003, les grandes lignes d'une réforme majeure visant à créer « une nouvelle branche de la protection sociale », dont le présent projet constitue le fondement.

Pour la première fois, il est proposé de traiter de la perte d'autonomie dans sa globalité et dans sa diversité : seront ainsi prises en compte les personnes âgées dites dépendantes, mais aussi les personnes handicapées.

Par ailleurs, le Gouvernement prévoit des moyens financiers pérennes et sanctuarisés, sans lier ces actions nouvelles à la définition immédiate d'un cadre institutionnel, surmontant ainsi l'un des facteurs majeurs de blocage de la réforme. Le drame que la France a vécu l'été dernier ne permet plus de tergiverser.

La première des réformes consiste à améliorer l'identification des personnes en situation de perte d'autonomie : c'est l'objet du titre premier.

La canicule a montré que trop de nos compatriotes vivent isolés, souffrant de la solitude. Par la mise en _uvre d'un plan d'alerte départemental et par la création d'un recensement au niveau communal, il s'agit de restaurer les liens de la solidarité, non seulement en cas d'urgence, mais au quotidien.

La commission a souhaité enrichir ce dispositif en l'élargissant à un public plus large que les seules personnes en perte d'autonomie. Elle l'a également rendu plus efficace en prévoyant que la demande de recensement peut émaner non seulement de la personne, mais aussi de tiers : parents, services sociaux, professionnels de santé... La commission a adopté un amendement visant à éviter que ce dispositif au service de l'intérêt général n'entraîne la mise en jeu de la responsabilité pénale des maires.

La deuxième urgence, et c'est le c_ur du projet, consiste à se donner les moyens d'améliorer la prise en charge de la perte d'autonomie.

Paradoxalement, alors que le financement de la perte d'autonomie est supporté par de très nombreux acteurs, il n'est pas correctement assuré. En témoignent par exemple les difficultés rencontrées pour mettre en _uvre l'APA : il a fallu, en 2003, apporter des correctifs au dispositif et même recourir à l'emprunt.

La solution passe par un effort de solidarité nationale. Le projet prévoit donc, dans son titre II, d'instituer une journée de solidarité dans le secteur privé et la fonction publique. Il faut, à ce stade, nuancer l'assimilation généralement faite de cette mesure à la suppression d'un jour férié, et plus particulièrement du lundi de Pentecôte. L'objectif n'est pas de supprimer un jour férié : il est de créer un jour de travail supplémentaire pour accroître la richesse nationale et, à partir de ce surplus de richesse, financer des actions nouvelles.

La suppression d'un jour férié n'est que l'une des modalités possibles. L'article 2 du projet permettait déjà de retenir d'autres moyens. La commission a en outre adopté plusieurs amendements allant dans le sens d'une plus grande souplesse. Le principe est désormais celui du libre choix des modalités, aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique. Je vous rappelle que la négociation collective permettra d'effectuer cette journée de solidarité n'importe quel jour précédemment non travaillé, voire sous forme d'heures réparties sur plusieurs jours. Ce n'est qu'en l'absence de toute autre possibilité que la journée de solidarité sera fixée au lundi de Pentecôte, qui continuera, grâce à deux amendements de la commission, de figurer sur la liste des jours fériés légaux.

La commission a également précisé les conditions d'application de cette journée aux salariés à temps partiel, en contrat à durée déterminée ou en intérim : chacun devra effectuer une journée de solidarité, mais dans les conditions les plus satisfaisantes pour lui.

La richesse issue de cette journée supplémentaire permettra de demander aux employeurs une contribution qui, ajoutée à un prélèvement sur les revenus du capital et du patrimoine, permettra de dégager 2 milliards d'euros. L'exercice de la solidarité nationale ne réduira ni le pouvoir d'achat des Français, ni la compétitivité des entreprises.

J'insiste, nous parlons d'actions supplémentaires et non d'actions financées autrement : en effet, ces fonds seront confiés à un organisme de protection sociale, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui garantira le bon usage de ces crédits.

Le titre III prévoit en effet une affectation sans ambiguïtés des moyens dégagés. L'apparition du nouveau risque que constitue la perte d'autonomie justifie pleinement la création d'une nouvelle branche de la protection sociale. Celle-ci s'appuiera sur un nouvel organisme de protection sociale, la CNSA, ainsi que sur une organisation et un mode de gouvernance dont les modalités ne sont qu'ébauchées dans le projet. Il faudra les définir en fonction de la concertation engagée et de l'évolution d'autres réformes, comme celles de l'assurance maladie ou de la décentralisation.

Dans l'immédiat, il est indispensable de garantir aux Français que la journée de solidarité ne constituera pas un avatar de la défunte vignette automobile.

Les articles 9 et 10 du projet de loi définissent de façon précise l'affectation des moyens nouveaux qui serviront à pérenniser le financement de l'APA, financer le renforcement de la médicalisation des établissements et services prenant en charge des personnes en perte d'autonomie, ainsi qu'à financer la modernisation des services d'aide à domicile et les actions d'animation ou de prévention.

Cependant, ce dispositif de sanctuarisation ne règle pas tous les problèmes et les auditions ont fait apparaître de nombreuses interrogations sur le titre III du projet.

La réflexion sur les modalités de prise en charge doit être menée avec soin, sans précipitation.

Le calendrier est en effet complexe. Compte tenu du rôle joué par les départements, la gestion de la perte d'autonomie ne peut pas être séparée des évolutions de la décentralisation.

Il faut aussi tenir compte du projet relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées. Le champ, le montant, les modalités d'octroi de la nouvelle prestation devront être définis avant que les contours de la CNSA soient clarifiés.

Compte tenu de l'importance des dépenses assurées par l'assurance maladie en faveur des personnes en perte d'autonomie, la réforme qui se prépare revêt naturellement une dimension essentielle. De même, on peut s'interroger sur la pertinence du périmètre actuel de l'ONDAM médico-social après la mise en _uvre du présent projet.

Enfin, on ne peut que s'interroger sur une éventuelle modification du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.

En conséquence, le présent projet ne prétend pas régler l'ensemble des problèmes relatifs au risque de la perte d'autonomie. Le Premier ministre a d'ailleurs chargé deux hauts fonctionnaires, MM. Briet et Jamet, d'une mission visant à définir les contours de la CNSA, le périmètre précis de ses activités, ses modalités de fonctionnement et de financement.

Le projet peut être précisé sur certains points, même si les débats en commission ont parfois montré l'existence de conceptions divergentes.

Entre un nouveau mode de gestion bâti de toutes pièces et la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, l'éventail des choix est largement ouvert. Si un certain nombre de garanties sont déjà apportées dans le projet et dans les engagements pris par le Gouvernement, elles méritent sans doute d'être complétées et précisées dès maintenant.

J'ai donc proposé à la commission de préciser la structure des organes dirigeants de la CNSA et leur composition, qui devra être largement ouverte à d'autres représentants que les acteurs traditionnels du paritarisme, notamment aux représentants du monde associatif. Sans préjuger de ses missions futures, il faut aussi préciser dès maintenant les missions que la CNSA devra assumer dès sa création. Elle ne saurait être une simple gare de triage des financements. Il faut clairement affirmer qu'elle doit veiller au respect de l'égalité de traitement sur le territoire.

Enfin, une réforme d'une telle ampleur suppose un effort en termes de contrôle.

Les défauts de la prestation spécifique dépendance et les tâtonnements de l'APA montrent la nécessité d'un réel pilotage s'appuyant non seulement sur le contrôle mais aussi sur l'évaluation.

Même en complétant ce texte, le Parlement n'aura pas achevé sa tâche. Votre rapporteur souhaite que s'instaure un débat régulier, peut-être à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur ce pan majeur de notre politique sociale.

Les personnes en perte d'autonomie ont trop longtemps été laissées dans l'ombre. Il nous appartient de placer cette cinquième branche de la protection sociale au c_ur du débat social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - L'honneur du politique, c'est de protéger les plus fragiles. La fin de notre session illustrera cette fonction protectrice de l'Etat, qu'il s'agisse de la modernisation de la sécurité sociale, du plan national de cohésion sociale ou de ce projet.

Le Gouvernement a décidé d'appréhender le problème de la dépendance de manière globale. Le texte sur l'égalité des chances et la citoyenneté des personnes handicapées constituera le second volet de cette réforme. Il va moderniser la prise en charge et ouvrir un véritable droit à compensation. Il sera financé par une nouvelle ressource.

Actuellement, 20 % des adultes ont dans leur entourage une personne qui ne peut plus vivre seule. En reculant les limites de la mort, les progrès médicaux ont rendu fréquent ce « décroist » dont parlait Montaigne : une longue période de dégradation durant laquelle les capacités physiques et mentales s'altèrent progressivement.

Notre société, depuis trop longtemps, refoule cette réalité. Le credo contemporain rejette le déclin. Les personnes âgées n'ont souvent trouvé dans la société que mutisme et déni comme réponses à leurs angoisses et à leurs difficultés. Là est toute l'ambiguïté d'une société vieillissante, qui allonge la durée de vie tout en déconsidérant la vieillesse, sans parler de la question de la prise en charge dans un pays de plus en plus individualiste, où la solitude prend figure d'épidémie.

Le plus grand défi d'un Etat providence est aujourd'hui de secourir les individus sans démanteler les solidarités privées et familiales.

Malgré la multitudes d'ouvrages parus à ce sujet, la société n'a pas su anticiper le vieillissement de la population, et le drame sanitaire de l'été dernier en témoigne.

Cette crise a hâté notre prise de conscience. « La force des choses conduit à la catastrophe », disait le philosophe Benjamin il y a un peu plus d'une soixantaine d'années. Il n'est plus possible de ne rien faire, mais que faire?

Malgré la création de la prestation spécifique dépendance, puis de l'allocation personnalisée d'autonomie, il reste beaucoup à faire. Il est devenu urgent de mener une véritable politique en faveur des personnes dépendantes. Le 6 novembre dernier, le Gouvernement a annoncé un plan de solidarité en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, et a tout mis en _uvre pour que le financement de l'APA soit assuré en 2003.

Ce projet de loi permettra de bâtir une véritable politique de prise en charge des personnes âgées dépendantes, tant à domicile qu'en établissement, avec une particularité : nous allons la financer !

Parce qu'il faut prévenir toute crise analogue à celle de l'an passé, il est urgent d'examiner ce texte. La gouvernance, ce n'est pas seulement gérer le présent, c'est aussi anticiper le pire.

Ce projet de loi crée un dispositif de veille et d'alerte, qui doit permettre l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes les plus vulnérables en cas de crise. Par ailleurs, aux titres 2 et 3, ce texte répond à notre deuxième préoccupation : le renforcement des moyens grâce au produit d'une journée de solidarité, qui permettra à chaque Français de faire personnellement un geste de solidarité. En Allemagne, le gouvernement d'Helmut Kohl avait agi de même pour créer l'assurance dépendance.

Neuf milliards d'euros seront ainsi offerts sur quatre ans par les Français pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées et des handicapés, en permettant la pérennité du financement de l'APA, l'accélération de la médicalisation des établissements, la création de milliers de places nouvelles en maison de retraite, en hébergement temporaire et en accueil de jour, dans les services de soins infirmiers à domicile, et le recrutement, sur quatre ans, de 15 000 nouveaux aides soignants en établissements, et 10 000 à domicile.

Il y a eu beaucoup de débats autour des modalités pratiques de la suppression d'un jour férié. Les difficultés ne me semblent pas insurmontables. Le bon sens, c'est la souplesse, et c'est ainsi que nous l'avons entendu en commission.

Dans le secteur privé, ce sont les partenaires sociaux qui choisiront cette journée, et c'est seulement en cas de désaccord que le lundi de Pentecôte sera imposé.

Dans la fonction publique territoriale, la décision appartiendra à l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente après avis du comité technique paritaire.

Dans la fonction publique hospitalière, elle relèvera des directeurs des établissements de santé, après avis du comité technique d'établissement.

Quant à la fonction publique d'Etat, la journée sera déterminée par le ministre compétent après avis du comité technique paritaire et, pour l'éducation nationale, sur proposition des recteurs.

Là encore, c'est seulement en cas de désaccord que le lundi de Pentecôte sera retenu.

Loin d'être un sacrifice, cette journée de travail supplémentaire relève de l'égoïsme intelligent : offrir à nos parents, à nos proches, à nos aînés, la qualité de vie que nous souhaiterons pour nous-mêmes demain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF).

M. Gérard Bapt - Rappel au règlement sur la base de l'article 58. Cet après-midi, pendant les questions d'actualité, le Premier ministre a gravement mis en cause notre président de groupe, M. Ayrault, et d'autres députés socialistes, dont Mme Mignon, et moi- même, qui avions signé un texte paru dans l'hebdomadaire La Vie, aux termes duquel il apparaissait que 75 % des Français étaient prêts à faire don de l'équivalent financier d'une journée de travail pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées. Faire don de cet équivalent financier, nous le faisons chaque jour par diverses initiatives privées, et cela n'a rien à voir avec la suppression d'un jour férié ! Le Premier ministre a voulu faire croire à des contradictions dans notre attitude, sans parler de ses tentatives de culpabilisation, conjuguées à la dénonciation d'une prétendue paresse française ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Après son absence au moment de la canicule, après la culpabilisation des familles et des médecins généralistes, le Premier ministre s'attaque à l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Tous les partenaires sociaux se sont opposés à ce texte, et M. Fragonard, la semaine dernière, parlait de l'inquiétude du Haut conseil face à la perspective d'une autonomisation des soins aux personnes âgées, contradictoire avec le principe d'unicité du régime de la sécurité sociale.

Je vous demande donc une suspension de séance afin que le Premier Ministre nous explique pourquoi il impose un texte auquel tous s'opposent et qui va à l'encontre de son souhait d'une réforme concertée de l'assurance maladie.

M. le Président - Je me demande si ce rappel est dans l'esprit de notre règlement, mais la suspension est de droit.

M. le Ministre délégué - Je voudrais simplement rappeler les termes très clairs de ce soutien, signé le 26 juin 2003 dans le journal La Vie : « les députés sont prêts à faire don de l'équivalent d'une journée de travail pour améliorer la situation des personnes handicapées en France » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 23 heures 10, est reprise à 23 heures 25.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je voudrais d'abord revenir sur le débat lancé par le Premier ministre cet après-midi autour de l'appel lancé par un hebdomadaire l'an dernier, et qui nous mène directement au c_ur de la question du financement de la perte d'autonomie. Lorsque Jean-Marc Ayrault, et beaucoup d'autres, ont signé cet appel, ils envisageaient un don, c'est-à-dire un acte libre et individuel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous êtes en train d'organiser, en vous appuyant sur la culpabilité des Français face aux personnes âgées, une obligation. Voilà qui est très loin de la grande idée des fondateurs de notre système collectif de protection sociale. L'idée lancée cet été ne peut en rien constituer l'organisation politique d'un financement public (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agit en effet du c_ur du débat sur la perte d'autonomie, comme de celui d'ailleurs sur l'assurance maladie : allez-vous toujours vous baser sur la culpabilisation ? Sommes-nous prêts, tous ensemble, à établir un dispositif véritablement collectif ?

J'avais, en début de séance, demandé à ce que MM. Douste-Blazy et Borloo soient présents pour s'expliquer sur cette grande réforme. Ils ne sont pas venus. Malgré tout le respect que je porte à M. Falco et à Mme Montchamp, je ne peux m'empêcher de penser que c'est là l'illustration du peu d'intérêt que porte ce gouvernement aux personnes âgées et handicapées (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ni le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, ni celui de la santé et de la protection sociale ne sont présents alors que les décisions qui vont être prises sont de nature, à l'évidence, à modifier profondément l'organisation et le financement de l'assurance maladie ainsi que le droit du travail. C'est dire si le Gouvernement, qui se contente d'un pur toilettage de façade, n'a pas compris le message sorti des urnes le 28 mars dernier.

Après le grave échec de votre gestion de la canicule, qui a eu les conséquences que l'on sait, vous avez en toute hâte élaboré ce projet censé garantir la solidarité envers les personnes âgées ou handicapées. Dispositif de veille et d'alerte en cas de risque exceptionnel, journée de solidarité, caisse nationale de solidarité : l'affichage politique semble parfait, mais ce texte, par sa forme comme par son contenu, s'inscrit en réalité dans la droite ligne de ces deux années passées - des années de régression sociale. Sous le masque de la modernité, vous avez opté pour une méthode d'où la concertation est absente et où l'incohérence le dispute au cynisme !

Le moteur, avec ce projet, n'est autre que la culpabilisation des Français. C'est au reste votre leitmotiv depuis ce terrible mois d'août 2003 : vous avez reproché aux familles de ne pas s'occuper de leurs parents, vous avez dénigré les services médicaux et les généralistes, vous avez stigmatisé les salariés qui ne travailleraient pas suffisamment et qui seraient donc responsables de ce que la France manque d'argent pour s'occuper des personnes âgées et handicapées ! Comme si ce n'était pas vous qui aviez réduit les crédits pour les maisons de retraite !

M. le Président de la commission - Et les 35 heures, qu'en faites-vous ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je tiens au contraire à souligner l'immense effort accompli par les familles. Ceux qui ont dans leur famille une personne handicapée savent par exemple quelle énergie il faut déployer pour accompagner ce proche. Et s'il est des cas de délaissement, les généraliser relève du sophisme !

Certes, la solidarité envers les personnes âgées a changé de formes : on n'accueille plus ses parents sous son toit, mais on les installe dans le même immeuble ou dans le même quartier ; on divise ses congés pour être tour à tour auprès du vieux père atteint d'une maladie dégénérative ; des frères et des s_urs s'organisent pour assister leur vieille mère... Des études de la CNAV montrent d'ailleurs que, dans les années quatre-vingt dix, 50 % des personnes âgées en perte d'autonomie étaient prises en charge par la seule famille, que 30 % l'étaient par la famille et par des professionnels et 20 % seulement par des professionnels uniquement. Récemment, la présidente de la MSA expliquait de même que, dans le monde rural, 40 % des sexagénaires aidaient un parent âgé et dépendant. Voilà, Monsieur le ministre délégué, la situation réelle dans la « France d'en bas » ! Cessez donc de culpabiliser les familles !

Quant aux généralistes, la mission d'enquête a pu voir qu'on n'avait pas fait plus souvent appel à leurs services en août 2003 que pendant les mois d'août des années précédentes !

Un drame comme la canicule devrait plutôt alimenter notre mémoire collective, dirai-je en paraphrasant le Professeur Sanmarco. Car c'est bien une défaillance collective qui a eu lieu - et je ne suis pas sûre que vous en ayez tiré toutes les conséquences avec ce projet !

Ce texte a en outre été élaboré en toute hâte, alors même qu'un autre, visant celui-là à garantir l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, était adopté en conseil des ministres et discuté au Sénat. Quelle est donc la cohérence de cette action législative, prétendue « réformatrice » ? Il est vrai qu'entre les promesses du Président de la République et les contraintes budgétaires que vous créez, vous êtes bien embarrassés...

Le désordre de votre méthode atteint au comble quand, à ces deux projets, s'ajoute le projet de réforme de l'assurance maladie. Où est la cohérence ? Nulle part dans le présent texte ne sont expliquées les futures relations entre la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et l'assurance maladie. Il est vrai que, selon l'exposé des motifs, « la mission confiée à MM. Briet et Jamet permettra de donner un contour définitif » à cette caisse « dans le cadre d'un autre projet de loi, qui permettra également de tirer les conclusions du futur texte réformant la loi du 30 juin 1975 sur les personnes handicapées ». Vous nous demandez donc de voter un dispositif dont on ignore s'il est conçu ou non pour durer, et dont on ne sait précisément ce qu'il va prendre en charge ! Vous voulez que nous nous prononcions alors que les concertations ne sont pas terminées, non plus d'ailleurs que les travaux de la mission d'information sur l'assurance maladie !

La situation actuelle devrait plutôt vous convaincre d'attendre la publication du rapport définitif de MM. Briet et Jamet, en juin. Pourquoi, dès lors, ne pas débattre en premier lieu de l'assurance maladie et y intégrer des propositions sur le financement de l'autonomie ? C'est d'ailleurs, si j'en crois la presse, ce que demandent Mmes Morano et de Panafieu, MM. Méhaignerie, Clément et Mariton, qui ont qualifié voter politique d'illisible !

Votre attitude envers la représentation nationale est parfaitement illustrée par la façon dont vous avez négocié en catimini avec quelques députés UMP, pour nous signifier ensuite que la journée de solidarité se résume à sept petites heures, mais ce sans aucune négociation préalable avec les partenaires sociaux ! Et vous ne craignez pas de parler à ce propos d'exemple de démocratie participative ! J'y vois, pour ma part, une simple négociation de couloir... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Redessiner une sécurité sociale pour le XXIe siècle, relever le défi, non du vieillissement, mais du risque de dépendance et de perte d'autonomie, reconnaître un véritable droit à compensation, le tout en associant société civile et représentation nationale, voilà quel devrait être l'objectif. Mais votre surdité s'étend aussi aux partenaires sociaux, dont aucun n'a été consulté alors que tous ont donné un avis défavorable à ce projet. Vous proposez ainsi un texte qui n'a l'accord de personne.

Les associations de personnes handicapées ont vu dans le fait de faire reposer le financement de votre politique sur la suppression d'un jour férié une mesure « stigmatisante » et ont dénoncé le défaut d'universalité de la disposition, qui n'est en effet pas assise sur tous les revenus. Le Conseil national des retraités et personnes âgées a rejeté votre projet de caisse nationale, demandé que la gestion de l'APA soit rattachée à la sécurité sociale et souhaité l'abolition de toutes les discriminations par l'âge. Les quatre caisses de sécurité sociale - CNAMTS, MSA, ACOSS et CNAV- ont décelé le risque d'une rupture du pacte de solidarité et d'une « partition inacceptable des soins », les conseils d'administration de l'ACOSS et de la CNAMTS estimant pour leur part que le Gouvernement privilégiait les « effets d'annonce à court terme ».

L'ensemble des syndicats de salariés a rejeté l'idée d'un travail gratuit et la CFDT hier encore réaffirmait son opposition catégorique à un mode de financement injuste, car reposant sur les seuls salariés.

Les entreprises elles-mêmes redoutent d'être pénalisées, comme j'ai pu le constater hier lors d'une rencontre, dans ma circonscription. L'Union professionnelle artisanale regrette que le poids de la dépendance pèse essentiellement sur les entreprises de main-d'_uvre...

M. Gérard Bapt - Eh oui !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Mais il y a mieux : un sondage publié ce jour même montre que 60 % des Français n'approuvent pas l'idée d'un jour férié travaillé ! Et, parmi les 40 % favorables, il est évident que se trouvent surtout les artisans, les professions libérales et les retraités, c'est-à-dire ceux qui sont exclus du champ d'application de cette disposition.

Dans ces conditions, quelle est la légitimité du texte que vous nous proposez ? Chantre autoproclamé du dialogue social, votre gouvernement devient le spécialiste du passage en force !

M. Yves Bur - Vous n'avez pas de leçons à donner après cinq ans d'autisme !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - En ne saisissant pas le Conseil économique et social du présent projet de loi, vous méconnaissez le caractère social de la République posé par l'article premier de la Constitution. Et même si l'absence de saisine du Conseil économique et social n'est pas directement contraire à la Constitution, elle n'en viole pas moins une obligation politique du Gouvernement, puisque le CES est le lieu du débat socioprofessionnel où des points de vue au départ divergents progressent vers la recherche de l'intérêt général. A défaut de le saisir, vous auriez au moins pu vous faire l'écho des propositions formulées dans un avis intitulé « Pour une prise en charge collective quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap ». Encore eût-il fallu que le projet de loi ne soit pas déposé avant ledit rapport. Là encore, curieuse méthode !

Le ministre des affaires sociales avait pourtant laissé entendre, lors de son audition du 3 mars dernier devant la commission des affaires sociales, que le Gouvernement tiendrait compte de l'avis du Conseil économique et social et des pistes de réflexion ouvertes par le rapport de la mission d'information sur la canicule. Nous verrons bien si votre gouvernement entend s'inscrire dans cette ligne ou si, là encore, il préfère un passage en force. Allez-vous accepter de débattre du fond, Monsieur le ministre, c'est-à-dire de la définition d'un droit à compensation et des modalités de sa gestion et de son financement, fondé sur une vraie solidarité et sur l'égalité ? Car là est véritablement le c_ur de notre sujet.

Votre hâte de présenter ce projet n'était probablement motivée que par vos craintes de subir une deuxième canicule, ce que d'ailleurs nous pouvons comprendre. Mais je ne suis pas sûre qu'il était réellement de la compétence du législateur de mettre en place un dispositif d'alerte. Le pouvoir réglementaire suffisait pour cela.

En outre, le Professeur Sanmarco nous a bien expliqué, s'appuyant sur l'expérience de Marseille, que l'essentiel est ailleurs et que si l'on veut que le drame de l'été 2003 ne se renouvelle pas, il faut que s'effectue un travail de mémoire et que chacun s'approprie les gestes nécessaires pour prévenir l'hyperthermie des personnes âgées. Le risque pour les nourrissons était connu de tous. Il ne l'était pas pour les personnes âgées. Une grande campagne d'information serait donc utile pour faire progresser cette mémoire collective (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Tian - La mairie de Marseille a bien fait son travail !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Mais oui, et l'on peut s'appuyer sur son expérience...

M. Dominique Tian - M.Gaudin a de bonnes idées. Cela n'a pas été pareil à Paris !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je souhaiterais donc que soit lancée une grande campagne de sensibilisation et d'information.

Une politique gérontologique est également nécessaire : la MSA a montré que lorsqu'une telle politique existe, le niveau de décès est très faible pendant une canicule. L'APA a également joué un rôle positif : grâce au suivi assuré par des visites régulières, il y a eu moins de décès chez ses bénéficiaires. Quant à la climatisation dans les maisons de retraite, elle serait en effet bienvenue, mais aucun crédit n'est prévu, ce qui veut dire soit que les maisons de retraite paieront seules les travaux et dans ce cas se retourneront vers les personnes âgées en intégrant ces dépenses dans le prix de journée, soit que l'on fera appel aux conseils généraux.

L'incohérence du Gouvernement atteint des sommets dans sa façon d'aborder le sujet de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Les mesures sont en effet saupoudrées au gré des textes : une pointe dans le projet sur les responsabilités locales, un zeste dans le projet de loi solidarité autonomie, un brin dans le projet de loi relatif à la santé publique, une dose dans le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées et des personnes âgées, enfin une part dans le futur projet de loi sur l'assurance-maladie, mais le tout sans lien et sans vision d'ensemble. Il aurait pourtant été possible de s'appuyer sur la réflexion saine et généreuse du Conseil économique et social et de son rapporteur Maurice Bonnet.

Ce texte témoigne aussi d'une surdité certaine aux propositions des parlementaires puisque, par exemple, vous et votre majorité avez ignoré la proposition du groupe socialiste de créer un Institut national de recherche pluridisciplinaire sur le vieillissement. Pourtant, la commission d'enquête parlementaire a montré combien il était important de connaître les effets du vieillissement.

Avec le plan d'alerte proposé et les autres mesures annoncées, telles que le Plan vieillissement et solidarités, on est bien loin du « plan Marshall » réclamé par l'Association des directeurs d'établissement d'hébergement pour personnes âgées. Beaucoup des professionnels du secteur sanitaire et social ont d'ailleurs dénoncé les insuffisances des nouveaux financements apportés par le plan. Avec votre gouvernement, le secteur des personnes âgées reste le parent pauvre de la société !

Ce texte s'inscrit en outre dans la droite ligne de la remise en cause de l'allocation personnalisée pour l'autonomie que vous avez menée dès 2002 : diminution du niveau de revenus au-delà duquel une participation personnelle est exigée en déduction de l'allocation ; recul de deux mois de la date d'ouverture des droits...

M. Yves Bur - Vivre à crédit, c'est facile !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Vous devez aussi savoir, mes chers collègues, que le précédent gouvernement de M. Raffarin avait gelé et supprimé 300 millions d'euros de crédits destinés aux maisons de retraite en 2002 et 2003. Votre méthode est dans la droite ligne de vos mensonges réitérés publiquement sur le prétendu échec de la mise en place de l'APA par le gouvernement de Lionel Jospin (Protestations sur les bancs du groupe UMP) . Pour 2002-2003, nous avions estimé le montant de l'APA à 2,5 milliards d'euros et à 3,5 milliards pour 2004. Les sommes dépensées en 2002 ont été de 1,850 milliards d'euros et de 3,2 milliards d'euros en 2003. Le nombre d'allocataires était estimé à 800 000 ; il est aujourd'hui exactement de 780 000 personnes. En quoi nous serions-nous trompés ?

La seule erreur que nous ayons commise est d'avoir pensé que la montée en charge se ferait sur deux ans...

M. Yves Bur - Nous étions alors en pleine campagne électorale...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - ...alors qu'elle s'est faite sur une seule année. C'est vous qui avez choisi de ne pas augmenter la part de la CSG affectée à l'APA. La grave crise financière évoquée dans l'exposé des motifs, c'est vous qui l'avez organisée en laissant filer les dépenses d'assurance maladie. L'APA est une mesure positive dont le gouvernement socialiste peut être fier. Sa mise en _uvre a permis de créer 70 000 emplois, et il ne s'agit que d'une estimation minimale.

Votre projet comporte de vrais dangers et insuffisances.

Il fallait un texte ambitieux car nous sommes à un tournant dans la prise en charge du handicap et de la dépendance. Il aurait fallu en particulier réaffirmer le droit à compensation. La mise en _uvre d'un véritable droit à compensation serait un signal : la société prendrait l'engagement de renouveler sa conception de la solidarité et ferait ainsi écho aux bâtisseurs que furent les membres du Conseil National de la Résistance lorsqu'ils ont promu la sécurité sociale. La seule modernité qui vaille, c'est la modernité sociale au service de l'être humain.

Si vous aviez consulté les partenaires sociaux, vous auriez vu que tous réclament la sortie des schémas catégoriels, la suppression des barrières d'âge entre les bénéficiaires des politiques sectorielles, qu'ils soient handicapés ou dits dépendants. Je rappelle à ce propos que le droit à compensation figurait implicitement dans la loi de 1975 relative aux personnes handicapées. C'est votre majorité qui, en janvier 1997, a introduit, avec la prestation spécifique dépendance, la notion de barrière d'âge - ce qui a d'ailleurs entraîné un recul considérable des moyens alloués aux personnes âgées.

Nous avons retenu la séparation d'âge pour la mise en place de l'APA car le recul découlant de la mise en place de la PSD, la non-application du droit à l'allocation compensatrice tierce personne par certains départements nous ont obligés à imaginer un autre dispositif pour les personnes âgées dépendantes. L'APA a grandement réduit la différence entre personnes handicapées adultes et personnes âgées dépendantes. Elle nous permet aujourd'hui d'aller de l'avant et de mettre en place un véritable droit à compensation sans critère d'âge ou de handicap.

Le droit à compensation doit être universel et ses règles de mise en _uvre définies sur le plan national. Il doit reposer sur une évaluation des besoins individualisés, réalisés par une équipe pluridisciplinaire.

Vous avez agi avec tant de précipitation que l'on ne connaît pas la nature de la Caisse nationale prévue par le projet, comme en témoignent d'ailleurs les remarques du rapporteur. Est-ce un fonds de financement ? Est-ce une nouvelle caisse de sécurité sociale chargée de gérer un nouveau risque ? Quel est son lien avec l'assurance maladie ? Vous vantez le dialogue social, mais les syndicats n'y sont pas représentés. Que finance-t-elle ? La loi ne le dit pas.

Le rapport Briet-Jamet préconise une décentralisation très poussée qui consisterait à transférer aux conseils généraux un ensemble significatif de responsabilités afin de faire émerger un gestionnaire local de proximité qui définirait les besoins des personnes. Il s'agirait, sur le plan national cette fois, de mettre en place une institution forte.

Quels sont les véritables objectifs du Gouvernement ? Vous avez choisi de décentraliser les questions liées au handicap et à la dépendance dans le cadre de la loi sur les responsabilités locales, choix qui n'a donné lieu à aucune concertation. En l'état, l'égalité des droits entre les personnes âgées ne serait pas assuré.

Cette décentralisation entraînera de plus un nouveau transfert de charges sur les collectivités locales, et en particulier sur les départements. Quelles modalités de financement entendez-vous garantir à ces derniers?

Ce que tout le monde craignait, vous le mettez en place : la casse de l'assurance maladie par l'atomisation des prestations de soins qu'elle finance, la mise en place d'une assurance maladie spécifique pour les personnes âgées et handicapées. Le rapport Briet-Jamet le dit clairement : la médicalisation et les forfaits soins des établissements pour les personnes âgées, les services de soins à domicile entreront dans le champ de la Caisse. La commission des affaires sociales vient tout à l'heure de refuser un amendement que je proposais et qui précisait que les dépenses d'assurance maladie ne seraient pas imputées sur la caisse. J'ai bien entendu lors du conseil de surveillance, au FAPA, qu'une partie du financement de cette Caisse pourrait aller aux dépenses de santé.

L'inquiétude est d'autant plus importante que le rapport préfère le concept d'« agence » à celui de « caisse » car ce dernier mot est fréquemment associé à des dispositifs procédant de l'organisation des régimes de sécurité sociale : il y a donc bien une volonté de démanteler la sécurité sociale.

Le texte reste très flou sur les « actions en faveur de l'autonomie » que le produit de la journée de solidarité doit financer : allez-vous financer également les prestations aujourd'hui payées par l'assurance maladie ?

La lecture du pré-rapport Briet et Jamet est éclairante sur ce point. Le risque d'inégalité des citoyens devant la loi est patent. Ainsi, les frais occasionnés par les soins prodigués par une infirmière libérale pratiquant des soins à domicile seraient pris en charge par la sécurité sociale, alors que ceux d'une infirmière des services de soins infirmiers à domicile seraient pris en charge par la caisse... Cette inégalité de prise en charge, profondément choquante, est contraire au principe constitutionnel d'égalité. Elle rend encore plus criant le défaut de définition du droit à compensation, qui ne doit pas englober les prestations de soins.

Car le droit de tout homme à l'autonomie dans sa vie personnelle implique l'existence d'un droit à compensation. Pour nous, l'égalité des droits implique l'unité du financement des soins et des prestations.

Nous n'avions pas exclu d'aboutir à un dispositif unique, de type « cinquième risque ». M. Jacquat lui-même avait manifesté en 2001 la volonté d'aller vers cette solution.

M. le Rapporteur - Bonne lecture.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Quand on l'aura fait, on pourra reprocher à l'APA de ne pas aller assez loin, même si 750 000 personnes en bénéficient au lieu de 130 000 pour la PSD.

Aujourd'hui, pourquoi ne pas créer un fonds national adossé à l'assurance maladie, qui garantirait le droit à compensation, quel que soit l'âge du bénéficiaire ?

A notre conception claire d'un droit universel s'oppose la vôtre, circonstancielle, qui laisse de côté les personnes handicapées les moins âgées.

Notre proposition fait écho à celle du Conseil économique et social, qui demande la mise en place d'une prestation universelle, versée sur tout le territoire national, destinée à financer la prise en charge de la perte d'autonomie de toute personne. L'ordre logique est préservé : un fonds pour financer une prestation, un droit à l'autonomie ou, d'un autre point de vue, le droit à compensation de la perte d'autonomie.

Seules les prestations fondées sur ce droit seraient financées par le fonds, qui pourrait être autonome et paritaire ou bien former un fonds d'Etat géré par un conseil dans lequel les partenaires sociaux auraient voix délibérative.

Pour garantir le droit à l'autonomie, recourir à la solidarité nationale va de soi, à condition que tous les revenus soient pris en compte.

Or ce projet ne vise qu'à supprimer un jour férié en instituant une journée supplémentaire de travail non rémunérée.

Au plan politique, cette mesure s'inscrit dans votre logique de culpabilisation des salariés : elle ressemble à une brimade à l'encontre des Français qui n'auraient pas rempli leurs obligations familiales. Cette mesure s'apparente plus à la charité qu'à une politique ambitieuse et juste. En refusant de proclamer le droit à compensation, vous demeurez dans le champ de la charité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Votre attitude est à la fois mesquine et peu courageuse, parce que vous n'osez pas remettre en cause expressément la durée du temps de travail et que vous laissez aux branches professionnelles le soin de fixer ledit jour.

Sur le plan économique, la mesure est contestable car elle risque fort de freiner la croissance en réduisant la consommation. Maintenu au lundi de Pentecôte, le jour férié travaillé compromettra nombre de fêtes régionales ; fixé à d'autres périodes, il affectera l'industrie touristique, car la formule des courts séjours a connu un essor considérable grâce à la réduction du temps de travail.

Cette mesure est d'autant plus rétrograde que, dans le même temps, le ministre des finances a annoncé son intention d'assouplir l'interdiction du travail le dimanche, au prétexte de relance la consommation. On voit bien que l'objectif poursuivi n'est autre que d'ajouter la flexibilité à la précarité ! Quelle belle perspective de société vous ouvrez aux familles et aux jeunes, en cassant ainsi une règle sociale aussi structurante que le dimanche chômé, qui permet notamment aux familles de se retrouver ! C'est le droit à une vie familiale normale que vous bafouez !

Pour en revenir au jour travaillé non payé, les contributions prévues à l'article 8 sont injustes. Assise sur les salaires, la contribution de 0,3 % n'incite pas les entreprises à l'embauche.

Enfin et surtout, il faut rappeler que la baisse d'impôt sur le revenu pour les ménages les plus riches a coûté 1,8 milliard d'euros, soit environ ce que rapportera le jour férié travaillé... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Contrairement à la solidarité affichée, vous vous livrez, avec le jour férié travaillé non payé, à une entreprise de mystification au profit du lobby libéral.

M. Yves Bur - La solidarité, cela se paie, par le travail et par l'effort !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Sur le plan juridique, le « jour travaillé non payé » est d'une gravité sans précédent. C'est une véritable contre-réforme. En effet, vous offrez aux employeurs la possibilité de faire travailler davantage les salariés sans les rémunérer pour ce travail supplémentaire.

M. Alain Néri - On rétablit la corvée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Le contrat de travail est en effet l'expression d'un accord volontaire. Au travail du salarié répond le salaire versé par l'employeur. Or, avec la journée supplémentaire de travail non rémunérée, vous inventez le travail gratuit.

La suppression d'un jour férié va aussi servir de prétexte à la remise en question des accords sur la réduction du temps de travail. Elle va amener la révision des accords obligatoires qui encadrent le temps partiel.

Dans les branches professionnelles qui ne renégocieront pas, eu égard à la lourdeur de telles négociations, cette mesure se traduira par une perte financière, car les entreprises seront davantage imposées, sans possibilité d'engranger de la richesse.

L'instauration d'un jour férié travaillé ou d'heures supplémentaires de travail non rémunérées est aussi une mesure contraire au principe de la liberté contractuelle puisque vous intervenez par la loi dans la relation contractuelle (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Les salariés n'ont pas signé leur contrat de travail en sachant qu'il y aurait un jour de travail à fournir gratuitement. Vous remettez ainsi en question les contrats individuels de travail signés par des millions de salariés et violez le principe constitutionnel de liberté contractuelle. Je me demande si vous n'êtes pas en train de refaire l'erreur des recalculés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur - Vous n'aviez pas financé l'APA !

M. Alain Néri - Monsieur Bur, quelle est la participation du patronat ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Le jour travaillé non payé viole également le principe d'égalité devant la loi ainsi que le préambule de la Constitution de 1946, qui proclame la « solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ». Parmi les revenus du travail, seuls les salariés et les fonctionnaires vont contribuer à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées. Les professions libérales, les agriculteurs, artisans sont quant à elles exonérées de contribution de solidarité.

M. le Rapporteur - Les professions indépendantes travaillent 70 heures par semaine !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Pourquoi exclure aussi toute contribution des retraités ? Parce que cette population n'est pas exposée au risque de dépendance ? Les discriminations créées par ce projet n'ont aucune justification.

Même si votre gouvernement comporte maintenant un ministre de la cohésion sociale, ce projet montre le décalage entre vos discours et la réalité de votre politique. C'est encore une occasion manquée pour le progrès social et la solidarité.

Ce projet n'a fait l'objet d'aucune négociation, alors que les Allemands ont mis dix ans pour élaborer leur système, qui est d'ailleurs largement déficitaire. Le système allemand, en effet, ne repose que sur la négociation sociale entre employeurs et salariés. Il ne peut être comparé au nôtre.

Votre projet, en outre, n'a donné lieu à aucune évaluation. Or, il existe des risques d'inégalités selon les départements. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement pour que ce problème soit analysé soigneusement.

Il n'existe aucune réflexion de fond. Votre projet inégalitaire poursuit la casse du droit du travail. Ayez le courage de surseoir à la discussion de ce texte, d'engager des négociations et d'assurer le financement de la prestation « handicap invalidité dépendance ».

A défaut, nous conclurons à l'irrecevabilité de ce projet de loi que nous vous demandons de retirer, et nous souhaitons que soit immédiatement inscrit un plan personnes âgées dans l'ONDAM médico-social...

M. Yves Bur - Vous ne l'avez pas fait!

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Si ! Et c'est votre Gouvernement qui a gelé les crédits !

M. Alain Néri - Prenez vos responsabilités !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Retirez ce projet dangereux pour les personnes âgées et les personnes handicapées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Quel est l'avis de la commission ?

M. le Rapporteur - On a écouté... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Voici un texte courageux, généreux et innovant, et les mauvais procès que vous en dressez sont une grossière erreur pour faire oublier vos propres responsabilités!

Vous n'avez jamais pris la juste mesure du vieillissement de la population, vous avez mis le financement de l'APA dans l'impasse, vous n'avez pas médicalisé les maisons de retraite, et vous vous posez aujourd'hui en donneurs de leçons !

A propos de cohérence, parlons de la vôtre et de vos annonces non financées ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri - Où sont les crédits pour les conventions tripartites ?

M. le Ministre délégué - Ce projet de loi nous permettra de mener une véritable politique solidaire, fraternelle, pérenne. Nous allons faire ce que vous n'avez pas fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Le Gouvernement devrait tirer certaines leçons du passé ! Ce projet, approuvé en août 2003 par la moitié de la population, est aujourd'hui désapprouvé par plus de 60 % des Français!

Les Français en ont assez de cette politique qui cherche à passer en force, et ce n'est pas faute de vous avoir prévenu l'an dernier, lors du débat sur les retraites ! Vous en payez le prix aujourd'hui.

Votre projet, injuste, ne répond même pas aux besoins des personnes âgées. Jamais un gouvernement, aussi conservateur fut-il, n'aura demandé, dans notre pays, aux salariés de travailler gratuitement une journée ! Et que rapportera cette mesure ? Pour la première fois, la durée du temps de travail est rallongée, et je vous souhaite bien du plaisir pour revoir les conventions collectives!

Avec cette politique de régression sociale, vous choisissez de faire payer les salariés qui vous ont pourtant donné la gifle qu'on sait ! Et ils ne se laisseront pas faire! Mais quel cadeau pour le Medef !

Si vous aviez réellement voulu résoudre le problème des personnes âgées, vous auriez remboursé les 3 milliards que vous devez à la sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, nous voterons cette motion.

M. Bernard Perrut - Peu d'arguments concernaient la constitutionnalité du texte dans cette motion ! Mme Guinchard-Kunstler s'est contentée d'attaquer le Gouvernement et la majorité, en les accusant de faire peu de cas des personnes âgées, de mentir sur les chiffres, de manquer de courage. Ce n'est pas acceptable.

Le Premier ministre l'a encore rappelé cet après midi, nous devons faire des efforts pour offrir aux personnes âgées les prestations nécessaires.

Vous avez fait appel à la mémoire collective : qu'avez vous fait pour financer l'APA ?

M. Augustin Bonrepaux - Heureusement qu'on l'a mise en place !

M. Bernard Perrut - Voici une réforme importante et la solidarité ne saurait être contraire à la Constitution.

M. Maxime Gremetz - Solidarité pour le Medef !

M. Bernard Perrut - La fraternité a été déclarée grande cause nationale pour 2004, et c'est dans cet esprit que la réforme a été conçue.

Vous avez évoqué la liberté contractuelle, mais le législateur peut prendre des mesures qui affectent le contenu des conventions pour un motif d'intérêt général.

Quant au principe d'égalité, le texte est conforme à la Constitution.

Pour toutes ces raisons, l'UMP repoussera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Je voudrais d'abord rendre hommage à la qualité technique et humaine des propos de Mme Guinchard-Kunstler. L'action qu'elle avait précédemment menée au Gouvernement avait pleinement montré son dévouement au service des personnes âgées, et me paraît démentir à elle seule les commentaires quelque peu rapides, voire désobligeants, qui ont suivi son exposé. Le ministre ayant cédé à un ton polémique, il me semble pouvoir lui rappeler, pour l'inciter à plus de prudence, que si nous avons effectivement rempli des responsabilités par le passé, il en a aussi eues l'été dernier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Pour qualifier le texte qui nous est présenté ce soir, il suffit de puiser dans les déclarations de nombreux députés de la majorité. Ils ont multiplié, tant devant la presse qu'en commission, les arguments pour dénoncer d'abord son incohérence : le rapporteur lui-même a expliqué qu'il aurait été plus judicieux - belle litote ! - de présenter d'abord la réforme globale de l'assurance maladie. D'autres se sont interrogés sur les compétences et l'organisation de la caisse et ont demandé à ce que ses responsabilités soient précisées. Comment mieux dire l'état d'inachèvement du texte ? Le financement même du dispositif a donné lieu à contestation. Le Premier ministre n'a pas ménagé ses effets oratoires : oui à une prestation, oui à son financement ! Mais quel financement ? Votre majorité conteste le jour férié - ah, le beau symbole ! - à un tel point que vous avez dû le découper en tranches : ce seront maintenant quelques minutes, prises ici où là pour arriver à sept heures dans l'année, comme si vous vouliez finalement masquer l'effort que vous demandez aux seuls salariés...

Le raisonnement qui conduit à ce mode de financement relève de l'économie médiévale : penser qu'il suffit de faire travailler sept heures de plus les Français pour créer l'équivalent en richesses, qu'il suffit d'augmenter l'offre pour qu'elle trouve une demande... On est loin de la réalité ! Et admettons que cela fonctionne : que serait-ce d'autre qu'un prélèvement supplémentaire, assumé pour l'essentiel par les salariés, au moment même où le ministre de l'économie entend soutenir la consommation ? Les contradictions de votre dispositif se voient jusqu'au c_ur de son financement, dont vous avez pourtant fait le symbole de votre engagement.

Enfin, tout effort de solidarité implique d'être au moins concerté, si ce n'est négocié. Où sont les partenaires sociaux dans le montage de votre dispositif ? Quand leur a-t-on demandé leur avis ? N'auraient-ils pas dû donner leur sentiment, voire leur assentiment ? Référence a été faite à l'exemple allemand, où tous se sont mis d'accord sur un dispositif. Mais n'est-ce pas mieux mettre en lumière votre propre incapacité à obtenir un tel consensus, à justifier votre idée et à créer la motivation nécessaire ? Pour toutes ces raisons, j'incite mes collègues à voter cette motion d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT ET D'UN QUESTEUR

M. le Président - J'informe l'Assemblée qu'il y a lieu de procéder à la nomination d'un vice-président et d'un questeur de l'Assemblée nationale, en remplacement de MM. Marc-Philippe Daubresse et Henri Cuq.

Ces nominations auront lieu demain, après les questions au Gouvernement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui se tiendra cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 50.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 5 MAI 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement(1).

2. Nomination d'un vice-président et d'un questeur de l'Assemblée nationale.

3. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1350) relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Denis JACQUAT, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.(Rapport n° 1540.)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr

1 () Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.


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