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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 86ème jour de séance, 214ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 11 MAI 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

INTERMITTENTS DU SPECTACLE 2

SOUHAITS DE BIENVENUE
À M. JACQUES SANTINI 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite) 3

RATIFICATION DU PROJET DE CONSTITUTION EUROPÉENNE 3

RELATIONS FRANCO-POLONAISES 4

TIPP FLOTTANTE 4

POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE 5

AUGMENTATION DU SMIC 6

EMPLOI 6

SÉCURITÉ DES JEUX OLYMPIQUES 7

VOLONTARIAT DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE 8

AMNISTIE FISCALE 8

FUSION AIR FRANCE-KLM 9

POLITIQUE DE LA VILLE 9

SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES ET DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 10

EXPLICATIONS DE VOTE. 10

CONVENTION FIPOL 14

ACCORD RELATIF À LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE
(Procédure d'examen simplifiée) 21

CONVENTION CIVILE ET CONVENTION PÉNALE SUR LA CORRUPTION
(Discussion générale commune -
Procédure d'examen simplifié) 23

ASSOCIATION COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE-CHILI
(Procédure d'examen simplifiée) 28

ACCORDS INTERNATIONAUX 32

CRÉATION D'UNE AGENCE EUROPÉENNE POUR LA GESTION DE LA COOPÉRATION OPÉRATIONNELLE AUX FRONTIÈRES 32

EXPLICATIONS DE VOTE 40

ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 12 MAI 2004 42

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur le Premier ministre, la caisse de retraite des intermittents du spectacle est excédentaire de 300 millions et leur caisse d'assurance maladie de 100 millions, ces sommes étant reversées aux régimes généraux au titre de la solidarité interprofessionnelle. Cependant, les intermittents sont montrés du doigt et le dossier de leur couverture sociale est renvoyé à l'UNEDIC alors qu'il concerne la nation toute entière.

Après avoir entendu nos propositions sur l'ASS, sur les chercheurs ou sur les chômeurs « recalculés », pourquoi sacrifier la culture ? (Bruit sur les bancs du groupe UMP) Après que vous avez vous-même décidé d'intervenir à ce sujet, le Medef a fait part de son refus de toute renégociation... (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP ; « Il a raison ! » sur les bancs du groupe socialiste) Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Comment réagissez-vous aux propos de M. Seillière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste ; bruit sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Le Premier ministre a très clairement formulé des propositions de sortie de crise tendant à garantir le devenir du régime d'assurance chômage des professionnels du spectacle vivant. En lien permanent avec M. Borloo, j'ai présenté aux partenaires sociaux des propositions concrètes visant au maintien d'un régime d'indemnisation adapté à la vie d'artiste ou de technicien du spectacle.

Bien entendu, nous faisons nôtre la volonté de réduire les déficits et de traquer les abus, mais nous sommes tout aussi attachés, au titre notamment du respect de l'exception culturelle française, au maintien d'un périmètre de solidarité interprofessionnelle. Je n'aurai pas besoin de préciser au président du Medef la teneur de nos propositions car elles sont à présent connues de tous.

Le Gouvernement est prêt au dialogue, mais il n'est pas disposé à laisser s'installer une situation de blocage. Au reste, je viens d'apprendre que l'UNEDIC s'engageait dans une stratégie de sortie de crise conforme aux attentes du Premier ministre... (Exclamations sur divers bancs) et je m'en réjouis car nul n'a intérêt à ce que le pays rompe avec ses créateurs. A la veille d'un événement culturel majeur, l'esprit de responsabilité doit prévaloir. Ce n'est ni une menace ni un ultimatum, mais un propos de bon sens. Nul ne saurait s'exonérer de cette responsabilité collective. Je suis heureux que des signes encourageants, répondant au v_u du Premier ministre, soient attendus dans les minutes à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOUHAITS DE BIENVENUE À M. JACQUES SANTINI

M. le Président - Je suis heureux de saluer M. Jacques Santini, sélectionneur de l'équipe de France de football. Je lui adresse en votre nom tous nos v_ux pour la coupe d'Europe, qui aura lieu en juin au Portugal (Mme et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement applaudissent longuement).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

RATIFICATION DU PROJET DE CONSTITUTION EUROPÉENNE

Mme Marie-George Buffet - Monsieur le Premier ministre, voilà onze mois que le projet de traité établissant une constitution pour l'Europe a été rendu public. Depuis, nous demandons un grand débat populaire et un référendum sur ce texte fondamental. A l'approche des élections européennes, la démocratie y gagnerait, tant ce texte exprime à lui seul toute la problématique communautaire. Et s'il n'est pas définitif, raison de plus pour ne pas le soustraire à la sagacité des électeurs qui auront à se prononcer le 13 juin sur les grandes orientations de l'Union.

Les Français doivent savoir que l'Europe de l'emploi à laquelle ils aspirent est incompatible avec une constitution libérale consacrant le règne des marchés financiers et la casse des systèmes de solidarité. La défense des services publics et des droits sociaux est incompatible avec le dogme de la libre concurrence et la démocratie est inconciliable avec l'inscription définitive dans la norme constitutionnelle d'un modèle économique, sans possibilité de retour en arrière.

Pour permettre aux citoyens d'exercer un véritable choix, il faut mettre le traité constitutionnel au c_ur du débat européen. Sa ratification ne peut donc relever que d'une grande consultation populaire. Il faut donner à nos concitoyens la possibilité de choisir et une majorité d'entre eux demandent la tenue d'un référendum. Et nombre de forces politiques - y compris dans votre majorité - se rallient à cette idée. Monsieur le Premier ministre, allez-vous produire l'effort d'information nécessaire sur ce projet de constitution ? Les Français seront-ils consultés par référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Merci, Madame la députée, de poser cette question importante. Nous vivons en effet une période historique. L'Europe sort de la tragédie. L'« Europe de l'Est » n'existe plus. L'Europe vient de se définir une nouvelle géographie, c'est l'élargissement ! Nous avons souhaité depuis toujours que l'élargissement aille de pair avec un approfondissement institutionnel pour que l'Europe à vingt-cinq fonctionne efficacement.  Il nous faut donc un traité constitutionnel.

Chère madame, ce traité, aujourd'hui, n'est pas acquis car un certain nombre de principes fondamentaux auxquels la France tient ne sont pas remplis. Nous souhaitons qu'au Conseil européen du 18 juin prochain, un accord se dégage sur des positions acceptables, notamment pour ce qui concerne l'élément clé de la double majorité - des Etats et des peuples - auquel nous sommes très attachés. Oui à un traité constitutionnel, mais pas n'importe lequel !

Vous parlez déjà de ratification. Je rappelle qu'il faut d'abord se mettre d'accord sur le traité européen ! Une fois que nous aurons eu satisfaction, viendra le temps de la ratification. Cela doit donner l'occasion d'un large débat, notamment sur le mode de ratification que nous voulons pour la France... (« Un référendum ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste) De toute façon, c'est le peuple qui décide, soit directement par le référendum, soit indirectement via la représentation nationale... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Personne ne pourra nier ici que le peuple est en cette chambre rassemblé ! Les familles politiques se sont exprimées sur le mode de ratification souhaitable et je suis heureux de constater que ma propre famille politique, l'UMP, s'est prononcée en faveur du référendum. Maintenant, que chacun s'exprime ! Que chacun fasse connaître son souhait, et, le moment venu, le Président de la République tranchera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RELATIONS FRANCO-POLONAISES

M. Philippe Vitel - Madame la ministre de la défense, vous venez d'être reçue en Pologne par le Président de la République et par votre homologue, à l'occasion des célébrations de la fête nationale polonaise. La France est aujourd'hui le premier investisseur étranger dans ce pays, pilier de la nouvelle Europe. L'action que nous menons en faveur de l'Europe de la défense et notre implication croissante dans l'OTAN conduisent notre partenaire polonais à renouer le dialogue avec nous, cependant que nos relations de ces derniers mois ne se distinguaient pas par leur chaleur... Ainsi, lors de vos discussions, vous avez envisagé un rapprochement de nos programmes d'armement et un développement de nos coopérations industrielles. Ces entretiens se sont donc déroulés dans un climat de grande confiance. Pouvez-vous nous faire part de vos impressions à l'issue de ce déplacement particulièrement fructueux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Il est vrai que nos relations avec la Pologne ont été tendues, qu'il s'agisse de l'Irak, du projet de constitution européenne ou de certains marchés d'armement. L'invitation qui m'a été transmise par le Président polonais à participer à la fête nationale et aux cérémonies d'entrée de la Pologne dans l'Union européenne était un geste symbolique fait à l'égard de la France. Il marquait le souci des autorités polonaises d'entretenir avec nous une relation de coopération.

Au plan européen, la Pologne exprime une volonté très forte d'intégrer totalement la défense européenne, qu'il s'agisse de sa participation à la future agence européenne d'armement et de défense, au groupement tactique pour la force de réaction rapide européenne ou au projet de force européenne de gendarmerie.

Sur le plan bilatéral, nous avons aussi décidé d'un rapprochement, par des échanges d'officiers et par une concertation sur les possibilités de coopération entre nos industries d'armement, afin que nos entreprises soient en mesure de mieux lutter contre la concurrence extra-européenne. Tel est le sens qu'a revêtu mon voyage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

TIPP FLOTTANTE

M. Didier Migaud - Les cours du pétrole s'envolent, le prix du baril atteint le niveau historique de 40 $, le super sans plomb a augmenté de onze centimes depuis le 1er janvier. Cette situation fait peser de lourdes menaces sur une croissance incertaine, elle compromet le pouvoir d'achat et la capacité à consommer des Français. Alors que vous baissiez l'impôt sur le revenu des plus aisés et l'impôt de solidarité sur la fortune (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), vous avez supprimé la TIPP flottante que nous avions créée lors de la précédente flambée des prix du pétrole et augmenté en 2004 les taxes sur le gazole. Avec l'annonce d'un plan pour relancer la consommation, le Gouvernement reconnaît que la croissance est molle et que la consommation stagne. Mais cette situation résulte pour beaucoup de votre politique fiscale et budgétaire, qui est injuste et inefficace (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il ne suffit pas, Monsieur le Premier ministre, de crier comme vous l'avez fait tout à l'heure, ou simplement de hocher la tête, pour donner de la force à vos arguments ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Pour relancer la consommation, plutôt que de présenter à son de trompe un catalogue de mesurettes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), nous proposons de remettre en place un mécanisme analogue à celui de la TIPP flottante, qui injecterait immédiatement 500 millions dans le pouvoir d'achat des Français (Mêmes mouvements). Allez-vous plafonner le prix de l'essence et du fioul ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Vous avez raison de poser cette question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). L'augmentation du prix du pétrole, vous le savez, est due à la politique de l'OPEP, à la consommation importante des Etats-Unis et de la Chine, et aux incertitudes internationales. La TIPP flottante, vous l'avez rappelé, a été instaurée en 2000. Le prix à la pompe est actuellement de 10 % inférieur à celui constaté quand le gouvernement de M. Jospin a pris sa décision. De plus, le cours du baril est très volatile. Vous avez cité le prix de 40 $ le baril : celui-ci est redescendu aujourd'hui à 36,15 $.

Aussi une TIPP flottante serait-elle inadaptée et très coûteuse. De votre temps, il en coûtait 200 millions au budget de l'Etat en année pleine.

Nous demeurons attentifs aux prix à la pompe. Nous ne rétablirons pas la TIPP flottante, qui est inutile. Enfin, ne critiquez pas la croissance qui, le Premier ministre l'a rappelé, s'élève en tendance à 2 %. L'économie repart, l'emploi et le pouvoir d'achat suivront (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Avec Nicolas Sarkozy, et sous l'autorité du Premier ministre, nous menons la politique qui convient et nous n'avons pas besoin de la mesure que vous proposez (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale a rendu publique le 5 mai une étude sur l'impact de la pollution atmosphérique urbaine sur la santé, en particulier sur la pollution de l'air par les particules fines. Les chiffres sont impressionnants : cette pollution serait responsable de 6 500 à 9 000 décès chaque année, par cancers du poumon et maladies cardio-respiratoires. Une bonne partie de cette pollution urbaine est émise par les véhicules automobiles, surtout ceux pourvus de moteur diesel, dont le nombre augmente. Les Français s'inquiètent de cette pollution qui touche tout spécialement les enfants.

Que comptez-vous faire pour améliorer la qualité de l'air et combattre les effets délétères de la pollution sur la santé de nos concitoyens ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - C'est vrai, la qualité de l'air est pour les Français une préoccupation majeure. L'AFSS nous rappelle à la réalité. D'abord, et même si on croit souvent l'inverse, la qualité de l'air s'améliore en France depuis quinze ans. Cependant la pollution reste forte pour les composants de l'ozone et pour les particules fines.

Aussi le Gouvernement a-t-il adopté le plan sur la qualité de l'air le 5 novembre 2003. Les industriels ont commencé à faire des efforts. De plus, dans le cadre du plan santé-environnement que nous élaborons, nous examinons la possibilité d'inciter à l'équipement des véhicules diesel en filtres à particules et de créer une prime à la casse pour sortir du parc roulant les véhicules les plus polluants. Je rencontrerai la semaine prochaine les présidents de Renault et de Peugeot pour concrétiser la mise sur le marché d'une voiture propre.

Notre majorité peut se féliciter de la politique que nous menons (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le gouvernement d'Alain Juppé a fait adopter une loi sur l'air qui a apporté des améliorations considérables. Le gouvernement de Lionel Jospin, lui, n'a jamais présenté le projet de loi sur l'eau qu'il avait promis ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AUGMENTATION DU SMIC

M. Georges Siffredi - Depuis 2002, le Gouvernement a placé au c_ur de son action la cohésion sociale et le développement de l'emploi. Vous avez ainsi choisi d'inciter au travail en assouplissant la loi sur les 35 heures et en augmentant la prime pour l'emploi. Vous menez une politique d'accompagnement des personnes les plus fragiles vers le marché du travail, vous avez créé le RMA et financé 100 000 contrats jeunes en entreprise.

Cette politique de l'emploi passe aussi par la question des salaires, en particulier ceux des travailleurs les plus modestes. Après l'harmonisation des SMIC et leur augmentation depuis 2002, le Premier ministre et le ministre d'Etat viennent d'annoncer une nouvelle hausse du SMIC pour juillet prochain. Quels sont le sens et la portée de cette augmentation ? (« Allo ! » bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le 1er juillet 2005, nous serons enfin revenus à un SMIC unique. En effet, la loi de janvier 2003 a organisé la convergence des différents niveaux du SMIC qui nous ont été légués dans le désordre par Mme Aubry (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Nous mettrons ainsi fin à un système injuste, en particulier pour les salariés les plus modestes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). De 2003 à 2005, le pouvoir d'achat du SMIC horaire aura augmenté de 11,40 % ce qui est sans équivalent depuis vingt ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Compte tenu de la hausse des prix qui sera constatée, l'augmentation du SMIC au 1er juillet devrait atteindre environ 5 %, conformément à la volonté du Gouvernement de relancer le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes. Ainsi les revenus du travail se distingueront davantage encore de ceux issus de la solidarité. La justice sociale...

M. Maxime Gremetz - Oh la la !

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - ...veut en effet que le retour à l'emploi s'accompagne d'une juste rémunération, en bref que le travail paie ! La seule logique de l'assistance n'offre en soi aucune perspective (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EMPLOI

M. Jean-Paul Bacquet - Un ministre disait le 27 avril dernier que « la France tolère plus de chômeurs que tous les autres pays d'Europe ». Tel est, en effet, le résultat catastrophique des deux années de ce gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

2003 a malheureusement été l'année des records en matière de plans sociaux avec Metaleurop, Daewoo, Air Lib, Air Littoral, Pechiney, Alcatel, Alstom et tant d'autres. La situation en 2004 n'est guère plus encourageante : 3 100 suppressions d'emplois sont déjà confirmées chez GIAT Industries, 816 chez LU, 700 personnes vont se retrouver sans emploi chez ST Microelectronics, 224 chez Johnson Controls. L'OPA d'Alcan sur Pechiney, à propos de laquelle nous vous avions mis en garde contre les risques de licenciements, va aussi se traduire par plus de 200 suppressions de postes. Votre ancienne ministre de l'industrie se voulait pourtant rassurante, parlant même d'« un gage de pérennité ».

Il n'en est malheureusement rien et dans le bassin du Val-d'Allier, comme ailleurs, les plus grandes inquiétudes se font chez Pechiney-Alcan, mais aussi chez Aubert, chez Duval, et même chez Valéo.

Les inquiétudes sont de plus en plus grandes chez les salariés, et les dernières élections ont montré combien nos concitoyens pensent que vous n'avez plus la capacité à répondre aux défis du moment : la croissance est atone, les déficits et la dette du pays augmentent. Après deux années aux commandes du pays, vous ne pouvez plus vous défausser derrière « l'héritage » et vous vous devez d'assumer vos responsabilités politiques (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; bruit ; quelques claquements de pupitres).

Monsieur le Premier ministre, quand tirerez-vous les conséquences de l'échec de votre politique ? Quant agirez-vous enfin pour l'emploi et la croissance, au lieu de faire croire que vous voulez financer la cohésion sociale en amnistiant ceux qui ont placé leur argent à l'étranger au détriment de l'investissement, de l'emploi et de l'intérêt du pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - La parole est à M. Borloo.

M. Julien Dray - Il n'a pas d'argent ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Nous avions anticipé la décision qu'a prise ce matin le Conseil d'Etat d'annuler la convention UNEDIC, avec effet au mois de juillet. Toutes les dispositions sont prises pour que l'ensemble des chômeurs soient indemnisés et pour que les recalculés soient réintégrés, d'autant que le TGI de Paris a confirmé ce matin la décision de celui des Bouches-du-Rhône (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas la question !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Il s'agissait pour moi d'informer tous les Français...

S'agissant du financement de l'activité économique (Mêmes mouvements), le Gouvernement vient d'être interrogé sur le sens de la hausse du SMIC et de la convergence. Vous n'avez de cesse de réclamer d'importants moyens en faveur de l'activité économique : tel est le sens de notre action. Cela pèse lourdement sur les comptes de l'Etat, mais c'est en agissant en faveur des salaires les plus bas que nous relançons l'activité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste ; M. Jean-Paul Bacquet brandit le texte de sa question).

SÉCURITÉ DES JEUX OLYMPIQUES

M. Charles Cova - Les Jeux olympiques sont la plus importante manifestation sportive au monde. A Athènes, en août prochain, seront présents 202 pays, 10 500 sportifs, plus de 100 000 journalistes et des centaines de milliers de spectateurs. A moins de cent jours de cet événement, trois bombes ont explosé à proximité d'un commissariat. Même si cela n'a pas de rapport avec les Jeux, on voit bien le symbole qu'ils peuvent représenter pour une organisation terroriste.

Parallèlement aux mesures de sécurité prévues par le gouvernement grec et le CIO, je souhaiterais savoir comment le Gouvernement entend assurer la sécurité de la délégation française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Les Jeux olympiques sont, en effet, l'événement planétaire le plus important dans le domaine du sport, mais aussi le plus exposé. Après les événements du 11 septembre 2001 et du 11 mars de cette année, les autorités grecques ont renforcé le dispositif de sécurité afin d'accueillir dans les meilleures conditions les athlètes, leur encadrement et les spectateurs. Un comité d'experts, auquel participe un représentant français, a élaboré ce dispositif, qui est désormais en place et auquel 700 millions ont été consacrés. Les Grecs feront aussi appel à l'OTAN pour renforcer la sécurité.

S'agissant de la délégation française forte de 330 athlètes et de 150 membres de l'encadrement technique et médical, nous avons prévu, avec Dominique de Villepin, la présence de policiers du RAID auprès des délégations - voile, équitation, judo - hébergées hors du village olympique, ainsi qu'auprès du Club France, qui sera un peu un morceau de terre française à Athènes.

Nous devons faire confiance aux autorités grecques qui ont fait le nécessaire pour accueillir dans de bonnes conditions l'ensemble de la famille olympique pendant ces Jeux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

VOLONTARIAT DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Mme Chantal Bourragué - Chaque année, grâce au volontariat de solidarité internationale, des centaines de jeunes Français viennent en aide aux populations les plus démunies ou victimes de catastrophes. On ne peut qu'encourager cette générosité. De nombreuses associations jouent en la matière un rôle essentiel dans cet élan de solidarité.

Le décret du 30 janvier 1995 permet chaque année à 1 800 personnes d'accomplir des missions dans le monde entier. Mais seules étaient concernées jusqu'ici les missions de longue durée dans les pays en voie de développement. Le projet que nous venons d'adopter en première lecture supprime à juste titre cette restriction et améliore la protection sociale des volontaires. Les associations, qui assurent la présence de la France auprès des populations défavorisées, ont besoin du soutien de l'Etat. Elles attendent ce texte. Quels engagements le Gouvernement peut-il prendre pour les soutenir et pour aider jeunes et moins jeunes à s'inscrire dans la démarche du volontariat ?

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie - Il y a bien des besoins dans le monde et il fallait répondre à l'intérêt que ces missions suscitent, en particulier auprès des jeunes, mais aussi des retraités. Le nouveau statut tient compte de la diversité des durées d'intervention, garantit une sécurité juridique aux volontaires et leur assure une protection sociale analogue à celle de la sécurité sociale.

Le Président de la République a souhaité que l'aide au développement soit sanctuarisée. J'ai ainsi pu récemment garantir aux ONG que leurs subventions augmenteraient. Le Président a aussi pris l'engagement exemplaire, régulièrement salué par les instances internationales, qu'en 2007 0,5 % du PIB et 0, 7 % en 2012 seraient consacrés à cette aide (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés socialistes - Vous ne serez plus là...

AMNISTIE FISCALE

M. Augustin Bonrepaux - L'emploi n'est pas une question assez importante pour le ministre de la cohésion sociale, qui n'a même pas daigné répondre à une question qui préoccupe tous les Français... (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, vous avez récemment proposé une amnistie fiscale pour financer le plan de cohésion sociale. Pourtant les résultats des expériences précédentes comme de celles en vigueur en Allemagne et en Italie sont très contrastés et rien ne garantit que les capitaux rapatriés ne se sont pas évaporés à nouveau.

Alors que M. Sarkozy, dans un plan insuffisant pour corriger les dégâts que vous provoquez depuis deux ans (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), a annoncé la suppression d'un certain nombre de niches fiscales, voilà que vous en proposez une nouvelle, particulièrement injuste et immorale. C'est un avantage honteux que vous voulez offrir aux fraudeurs, à ceux qui ont fait fuir leurs capitaux, parfois dans des paradis fiscaux. Bien plus, il peut permettre de blanchir l'argent de la drogue et de la prostitution.

M. Richard Mallié - Comme le font vos amis allemands !

M. Augustin Bonrepaux - Quelle est donc votre conception de la cohésion sociale, pour que vous proposiez de la financer par une mesure aussi immorale, et par ailleurs temporaire ? Elle mérite plutôt une solidarité renforcée et des ressources pérennes. Ne serait-il pas plus équitable de renoncer à tous les privilèges fiscaux accordés aux plus aisés comme la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les grandes fortunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et certains bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Notre politique a un objectif, faire revenir, « relocaliser », les capitaux qui sont à l'étranger (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Cela peut vous déplaire, nous le ferons quand même, car certains de ces capitaux sont peut-être sortis de façon tout à fait légale et, si certains sont partis, c'est le résultat de votre politique fiscale confiscatoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nous observons ce qui s'est passé en Belgique et en Italie, ce que le gouvernement SPD du chancelier Schröder fait en Allemagne.

M. André Schneider et M. Bernard Schreiner - Eh oui !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budget - Nous voyons donc comment le système peut fonctionner. Ensuite, que ferons-nous de ces sommes si elles reviennent ? D'abord, elles seront taxées, alors qu'elles échappent pour l'instant à toute taxation. Ensuite, puisque vous nous avez laissé les caisses vides, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) nous les utiliserons pour soutenir le plan que prépare M. Borloo. Elles serviront aux Français, à la croissance et à l'emploi, que cela vous plaise ou non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FUSION AIR FRANCE-KLM

M. François-Michel Gonnot - La semaine dernière, un nouveau géant est né, et il est français. Air France a pris le contrôle de 90 % du capital de KM pour former le premier groupe aérien mondial, donnant accès à 225 destinations, et élément moteur de l'alliance internationale SkyTeam. C'est une bonne nouvelle pour notre économie. Le Gouvernement a peut être été trop silencieux à ce propos. Monsieur le ministre des transports, quelles sont les conséquences de cette alliance, notamment pour Roissy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Je salue à mon tour la naissance de ce grand groupe français et européen qui est le premier au monde par le chiffre d'affaires dans un secteur très concurrentiel et où d'autres entreprises sont en mauvaise posture. Air France elle-même était en situation difficile en 1993. Le soutien de l'Etat, la façon dont elle a été dirigée, la mobilisation de tous ses collaborateurs, ont permis un redressement exemplaire. Il convenait de franchir une nouvelle étape. Dès le début, le Gouvernement a soutenu ce rapprochement et il a présenté deux textes, l'un l'an passé, l'autre récemment, pour accompagner cet accord. Les deux compagnies sont complémentaires grâce aux hubs de Schiphol et de Roissy et l'accord respecte les cultures d'entreprise. Face à la concurrence mondiale, le nouvel ensemble a pris une longueur d'avance.

M. Maxime Gremetz - Et le troisième aéroport ?

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Ce dossier montre que c'est dans un esprit pragmatique que le Gouvernement accorde son soutien aux entreprises privées ou publiques pour devenir des champions dont nous pouvons être fiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE DE LA VILLE

Mme Arlette Grosskost - Ma question s'adresse à Mme Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration. La politique de la ville et de la rénovation urbaine a évolué, ces deux dernières années, de façon positive et décisive. La loi du 1er août 2003 a créé une dispositif de solidarité novateur pour les ménages très endettés et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine afin d'accélérer l'intervention de la puissance publique pour améliorer le cadre de vie dans les banlieues défavorisées.

Particulièrement concernée par ce problème en ma qualité de vice-présidente du conseil régional d'Alsace... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - S'il n'en reste qu'un...

M. le Président - Vous êtes ici une élue de la nation.

Mme Arlette Grosskost - ...chargée de la politique de la ville, je ne doute pas, Madame la ministre, de votre volonté de poursuivre dans la voie tracée. Pouvez-vous apporter des précisions quant au programme qui sera mis en _uvre pour le développement social urbain, et allez-vous simplifier les procédures de la politique de la ville ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances - Oui, la politique de la ville est une priorité du Gouvernement. Jean-Louis Borloo a mis en place, par la loi du 1er août 2003, l'Agence nationale de rénovation urbaine avec laquelle M. Daubresse et moi-même travaillons. Son conseil d'administration se réunira à la mi-juin et elle engagera dans les jours qui viennent de premiers crédits, à hauteur de 300 millions.

Nous allons maintenant travailler sur l'aspect humain de la politique de la ville. Pour cela, nous voulons soutenir les communes, qui sont maîtres d'ouvrage. Celles qui ont une zone urbaine sensible, ou une zone franche urbaine, doivent disposer de ressources extérieures stables, pour sortir de l'ornière. Dans certains quartiers, le risque de désintégration républicaine est réel. Nous devons donc mener une action volontariste.

Enfin, nous voulons accompagner les tout petits, prévenir l'échec scolaire, en lien avec l'Education nationale et M. Fillon, et mettre en avant les talents de nos quartiers.

Cette politique de la ville vise à faciliter l'intégration civique et à assurer l'égalité des chances. C'est l'un des pans du plan de cohésion sociale que nous préparons, autour de Jean-Louis Borloo, à la demande du Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

M.Le Garrec remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES
ET DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

EXPLICATIONS DE VOTE.

M. Claude Leteurtre - Les discussions de la semaine dernière ont montré les limites de votre projet de loi.

Tout d'abord, veut-on, oui ou non, créer une cinquième branche ? A entendre le rapporteur et les ministres, oui. Or, la seule Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne saurait y suffire. Votre texte n'aborde malheureusement pas cette question cruciale.

Alors que nous sommes à la recherche de nouveaux financements, l'on peut s'interroger sur l'opportunité d'avoir supprimé la vignette automobile dont la recette était affectée par les départements à leur politique sociale en faveur des personnes âgées.

Par ailleurs, vous nous demandez de consacrer la création de cette Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, alors que nous ignorons tout de son périmètre d'intervention, et que vous attendez les résultats de la mission Briet-Jamet, sans parler des propositions du ministre de la santé sur la réforme de l'assurance maladie. Je ne parle pas du nouveau volet de la décentralisation, en seconde lecture au Sénat, qui modifiera le périmètre d'intervention des départements dans la prise en charge de la dépendance, ni de la discussion, prochainement, de votre projet de loi sur le handicap. Ce calendrier fait de télescopages empêche toute réflexion globale sur la prise en charge de l'autonomie.

De surcroît, en demandant aux salariés de travailler une journée supplémentaire, vous remettez en cause les 35 heures, acquis social sur lequel le Président de la République avait promis de ne pas revenir.

L'UDF vous a proposé une adaptation des 35 heures qui aurait résolu le problème : maintenir la réduction du temps de travail, tout en permettant à ceux qui le souhaitent de travailler davantage, par une amélioration du salaire, accompagnée d'une réduction proportionnelle des cotisations sociales pour l'entreprise. Il aurait été ainsi possible de créer de la richesse, tout en récompensant le travail.

Mais vous avez choisi de rétablir la corvée, et de créer une cotisation supplémentaire de 0,3 % sur les salaires.

Le rapporteur et le Gouvernement souhaitent privilégier la négociation collective dans le choix de la journée de solidarité. En réalité, aucun syndicat ne signera un accord qui oblige les salariés à travailler un jour de plus sans être payés! On retombera inévitablement sur le lundi de Pentecôte !

Enfin, comment peut-on parler d'expression de la solidarité nationale alors que ce sont essentiellement les salariés qui feront les frais de cette nouvelle contrainte?

M. Maxime Gremetz - Très juste !

M. Claude Leteurtre - Vous prétendez qu'il serait très compliqué de toucher d'autres catégories de citoyens ! Je suis pourtant certain que vous saurez les faire payer quand il s'agira de combler le déficit de l'assurance maladie!

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre votre projet de loi.

M. Michel Delebarre - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Pour répondre aux conséquences meurtrières de la canicule de l'été 2003, et malgré les remous de sa propre majorité, le Gouvernement a maintenu son projet de loi.

C'est un véritable coup de force ! Vous passez outre l'avis de nos concitoyens ! Ils étaient 45 % hier à rejeter votre texte, ils sont 60 % aujourd'hui. Vous avez méprisé les organisations syndicales et l'ensemble des associations.

Souvenez-vous pourtant des propos de François Fillon, lors de la présentation du texte : « Quant au caractère jugé archaïque du mode de financement proposé, c'est d'abord aux Français qu'il appartiendra de juger ». Ils l'ont fait les 21 et 28 mars derniers !

Avec ce texte, en Robin des bois des riches, vous avez choisi de prendre à ceux qui ont si peu, pour donner à ceux qui ont déjà beaucoup trop. Le Medef, grâce aux richesses créées, recevra 1 milliard d'euros pour alimenter les portefeuilles des actionnaires, car seulement 300 millions seront affectés aux personnes âgées et aux handicapés. Et vous lui avez déjà permis d'empocher 20 milliards d'exonérations de cotisations sociales, sans parler de la baisse de la taxe professionnelle, et de l'amnistie des financiers voyous !

Quant aux assujettis de l'ISF, ils ont profité de vos largesses pour 500 millions d'euros par an, comme les plus riches des contribuables qui ont bénéficié de la réduction d'impôts.

Avec le Medef, vous préférez ponctionner ceux qui connaissent la modération salariale, la précarité, les licenciements, les délocalisations, ceux qui subissent votre réforme des retraites et qui auront à subir celle de la sécurité sociale, encore plus dévastatrice pour nos droits.

Votre projet pénalise les plus modestes des salariés sur fond d'une intolérable culpabilisation pour mieux masquer les responsabilités de votre gouvernement.

Les conséquences de la canicule ne sont pas dues aux 35 heures ou à la supposée irresponsabilité sociale de nos concitoyens mais à votre politique sanitaire et sociale : réduction des moyens pour la santé, disparition des hôpitaux de proximité et de milliers de postes de médecins et d'infirmières, gel des crédits d'Etat pour les personnes âgées et handicapées.

Cette catastrophe aurait dû vous amener à proposer la création d'un nouveau risque « handicap-invalidité-dépendance » intégré à notre système de sécurité sociale, comme nous l'avons proposé.

Votre décision contraint les partenaires sociaux à renégocier toutes le conventions collectives et les accords de branche. Le patronat tentera d'imposer des accords dérogatoires en deçà des normes sociales. Mais ne croyez pas que les salariés se laisseront faire ! Vous n'imaginez sans doute pas les conséquences sociales et politiques de vos décisions.

Le groupe communiste et républicain votera contre ce projet et travaillera à faire grandir une autre conception de la solidarité, plus conforme à ce qu'attendent les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Perrut - Ce texte prend en compte l'évolution de l'espérance de vie : une fille sur deux qui naissent aujourd'hui deviendra centenaire. C'est un texte déterminant et historique qui pose les bases institutionnelles d'une prise en charge globale du vieillissement et permettra, grâce à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, de contribuer au financement des besoins des personnes âgées et handicapées.

Je salue la qualité du travail parlementaire, qui a permis de faire évoluer ce projet. Je remercie M. et Mme la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ainsi que M. le rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui ont su répondre à un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes concernant la journée de solidarité.

La souplesse constitue le principe directeur de ce texte et fait sa force. Faisant appel au libre choix, le temps de solidarité privilégie la négociation et la concertation, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Ce plan global est juste car il ne repose pas sur des prélèvements supplémentaires, il ne creuse pas le déficit et n'entraîne pas la baisse du pouvoir d'achat. Mais nous ne pouvons cacher à nos concitoyens que notre système de protection sociale a un coût : nous devons les appeler à faire des efforts. Nous demandons ainsi à ceux qui travaillent de donner une journée de travail...

M. Maxime Gremetz - C'est honteux ! Qu'on s'adresse donc aux patrons du CAC 40 !

M. Bernard Perrut - ...et aux entreprises de participer à ce grand effort de solidarité (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est cela, la générosité, celle que nous exprimons déjà dans des engagements humanitaires et sociaux (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Le professeur Dubernard disait récemment que pour rétablir le lien entre les générations, il faut trouver des symboles forts de solidarité. Ce texte le permet grâce aux dispositions pour le recensement des personnes âgées et handicapées, à la mise en place d'un dispositif de veille et à la création de la caisse nationale de solidarité qui permettra d'avoir des financements sécurisés.

Des moyens financiers nouveaux serviront en effet à financer l'APA (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste), à médicaliser les établissements, à créer 15 000 postes de personnels soignants, 4 000 places d `hébergement temporaire et 8 000 places d'accueil de jour.

Ce texte favorise également l'insertion des personnes âgées. Nous sommes attachés à la création d'un véritable droit à compensation du handicap (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), c'est-à-dire à la prise en charge personnalisée des surcoûts liés au handicap.

Le groupe UMP soutient ce texte, qui exprime une véritable prise de conscience collective. Qui oserait repousser cet engagement civique et solidaire ? Ceux qui le critiquent refusent de voir les réalités en face et de prendre leurs responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je rappelle que la fraternité a été déclarée grande cause nationale de 2004 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est une force de la République qui se vit chaque jour au c_ur de la société. Le groupe UMP soutient tous les efforts accomplis en faveur des personnes âgées et handicapées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Oui, l'accompagnement et la prise en charge des personnes âgées et handicapées mérite une vraie mobilisation, mais le groupe socialiste ne peut que condamner les choix de ce gouvernement.

En créant un financement spécifique pour la prise en charge des personnes handicapées, vous rompez une fois de plus le pacte social (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Après les mensonges sur l'APA, les réductions de crédit pour les maisons de retraite et vos discours culpabilisateurs, vous faites adopter par l'Assemblée un texte dangereux.

La solution retenue pour le financement doit en particulier être combattue. Les salariés, en effet, travailleront plus sans être payés davantage. Vous remettez en cause le principe même de la solidarité nationale, puisque ce sont essentiellement eux qui devront financer la politique en faveur des personnes âgées et handicapées (Protestations sur les bancs du groupe UMP). C'est une mesure inégalitaire.

Pour la première fois dans l'histoire sociale de la France, un gouvernement augmente la durée du travail sans augmenter les rémunérations !

L'instauration d'un jour de travail non payé conduira de plus l'ensemble des branches professionnelles à réexaminer accords et conventions.

Enfin, votre projet est anti-économique car il crée de nouvelles charges pour les entreprises. Selon certaines études, 30 000 emplois pourraient ainsi être supprimés, alors que l'APA en a créé 70 000.

Autre danger : la création de la Caisse nationale pour l'autonomie signifie l'éclatement de l'assurance maladie. La prise en charge des personnes âgées, de leur santé, du droit à compensation pour les personnes en perte d'autonomie, relèvent bien de la protection sociale. Ces questions auraient dû être posées dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Votre choix révèle en fait votre manque d'ambition : vous avez raté une belle occasion de mettre en place un véritable droit à compensation pour tous.

Contre l'avis de tous - syndicats, associations, caisses de sécurité sociale -, vous maintenez le cap d'une réforme en trompe-l'_il et vous n'hésitez pas, selon les mots de Jean Le Garrec, à introduire dans le code du travail la « monstruosité juridique » que constitue le travail non rémunéré.

Dans ces conditions, le groupe socialiste votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la majorité de 322 voix contre 195 sur 519 votants et 517 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées - Au terme de ce débat, je remercie le président Dubernard et votre rapporteur M. Denis Jacquat pour la qualité de leurs travaux et de leurs propositions. Mes remerciements vont aussi aux intervenants des différents groupes, et, en particulier, aux orateurs de l'UMP pour leur soutien. Chacun a mis en évidence les enjeux d'une meilleure prise en charge des personnes âgées ou dépendantes. Des divergences d'opinion se sont naturellement exprimées : elles sont venues enrichir le débat. 129 amendements ont été examinés ; 35 amendements d'origine parlementaire ont été adoptés dont trois émanaient des rangs de l'opposition. Une fois encore, la confrontation démocratique a été fructueuse et je vous remercie d'avoir enrichi notre projet.

Il est essentiel d'anticiper et d'accompagner la révolution sociale que représente le vieillissement de la population. Tel est l'objet du plan « vieillissement et solidarité », dont les modalités de financement ont suscité des interrogations. L'instauration d'une journée nationale de solidarité présente des avantages incontestables (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)... et aux accusations de mensonge de certains nous continuerons d'opposer un langage de vérité et de responsabilité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; « Les électeurs jugeront ! » sur les bancs du groupe socialiste).

L'unité d'un peuple repose sur la solidarité entre les générations. Merci de démontrer aujourd'hui que la France est une nation généreuse. L'effort demandé à chaque Français leur fait honneur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Je m'associe aux remerciements que M. Falco vient d'adresser à la représentation nationale et je salue tout particulièrement les contributions éminentes de MM. Dubernard et Jacquat. Chacun aura pu apprécier la qualité d'écoute et la force de proposition de votre rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous avez, par votre vote, contribué à un effort de solidarité nationale sans précédent. En faisant don d'une part de leur temps libre, nos compatriotes soutiennent une cause qui concerne, directement ou non, chaque famille française et le texte qui viendra bientôt en discussion pour promouvoir l'égalité des chances des personnes handicapées donnera un sens supplémentaire à cette nouvelle dynamique de fraternité entre les générations et entre les citoyens.

Mesdames et messieurs les députés, vous pouvez être fiers de votre pragmatisme et de votre sens des responsabilités. Par ce vote, vous faites évoluer le regard porté sur l'âge et sur le handicap. Je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à16 heures 55.

CONVENTION FIPOL

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole à la convention du 27 novembre 1992 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Le protocole du 16 mai 2003 portant création d'un second fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures - FIPOL II - représente une étape importante dans la mobilisation de la communauté internationale contre le fléau de la marée noire. Je ne reviendrai pas sur la douloureuse litanie des catastrophes maritimes, qui, depuis près de quarante ans, du Torrey Canion au Prestige en passant par l'Erika, souillent les côtes de l'Alaska, de la Bretagne ou de la Galice. Elle demeure, hélas, gravée dans la mémoire de chacun de nos concitoyens. La communauté internationale a réagi pour la première fois en 1969, avec la convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, laquelle prévoit un régime plafonné de responsabilité du propriétaire du navire.

Ce premier accord a été suivi, en 1971, par la création du FIPOL, conçu pour indemniser les victimes au-delà du plafond de la première convention. Dans le FIPOL, la charge de l'indemnisation repose sur les principaux importateurs d'hydrocarbures.

Malheureusement, la pression des armateurs sur certains Etats a fait que ces deux conventions n'ont pu entrer en vigueur qu'en 1978.

La France, qui avait déjà été l'un des éléments moteurs des deux premières négociations, a poursuivi son objectif de renforcement du dispositif international d'indemnisation des victimes et a obtenu en 1992 l'adoption des protocoles triplant le montant maximum d'indemnisation.

Pourtant, en 1999, trois ans après son entrée en vigueur, l'ampleur de la catastrophe de l'Erika a eu des conséquences financières excédant largement le plafond d'indemnisation alors en vigueur.

La France a réagi immédiatement en saisissant l'Organisation maritime internationale, le FIPOL, et l'Union européenne en vue d'obtenir une révision du système d'indemnisation et des normes de sécurité maritime. Grâce à cette démarche, l'OMI a inscrit la question de l'indemnisation en tête de ses priorités.

Ainsi, en octobre 2000, les Etats parties décidaient de relever de 50 % le plafond d'indemnisation fixé en 1992. De ce fait, le montant total disponible pour indemnisation était porté à 245 millions d'euros par sinistre à compter de novembre 2003.

Pour autant, le mécanisme ne permet toujours pas l'indemnisation rapide et complète des victimes dans le cas des sinistres importants, en raison de la modicité des fonds disponibles. C'est pourquoi, à l'initiative de la France, un nouveau protocole, instituant un dispositif supplémentaire d'indemnisation, a été adopté à l'OMI le 16 mai 2003.

Avec l'entrée en vigueur de ce protocole, le montant total mobilisable pour indemniser les victimes d'un sinistre sera de plus de 900 millions d'euros. Un tel montant aurait permis une indemnisation intégrale du préjudice subi par l'Etat à la suite du naufrage de l'Erika, alors qu'il lui a fallu s'effacer pour garantir l'indemnisation des particuliers et des collectivités territoriales.

En raison des divergences entre états au sein de l'OMI, il n'a pas été possible de se borner à une simple révision des plafonds en vigueur, et il a fallu créer une nouvelle organisation, le fonds complémentaire FIPOL II, qui est indépendant du fonds déjà existant mais dont le fonctionnement s'appuie en grande partie sur les procédures en place.

Ce fonds complémentaire pourra intervenir dès que l'ampleur du sinistre paraît supérieure au plafond du fonds créé en 1992. Il dispose actuellement d'environ 662 millions. L'indemnisation d'un sinistre sera en premier lieu à la charge du propriétaire du navire, en vertu de la convention de 1979. Le fonds de 1992 interviendra ensuite jusqu'à un certain plafond et le fonds complémentaire prendra le relais jusqu'à un niveau considéré comme suffisant.

FIPOL II présente certaines similitudes avec le premier FIPOL. Ainsi la charge financière des indemnisations est assurée par des prélèvements sur les compagnies qui reçoivent dans chaque Etat membre de FIPOL II plus de 150 000 tonnes d'hydrocarbures par mer chaque année. En conséquence, les industriels français participent à hauteur de 10 % à l'indemnisation de chaque sinistre survenant dans l'un des 84 Etats membres.

FIPOL II apporte aussi des améliorations. Les Etats cotiseront pour un montant minimum plus élevé, puisque désormais chacun d'eux sera réputé recevoir un million de tonnes d'hydrocarbures et devra acquitter des contributions sur cette base. De plus, les Etats seront tenus, à peine de sanctions, de faire rapport à l'OMI des quantités d'hydrocarbures reçues.

La majorité des Etats de l'Union européenne déposeront leur instrument d'approbation avant le 30 juin et le Japon le fera au cours de l'été, ce qui devrait permettre au protocole d'entrer en vigueur avant la fin de l'année.

Cette amélioration, cependant, ne résout pas tout. Il conviendra de réexaminer le système afin d'éviter une déresponsabilisation des propriétaires de navires ou des autres parties prenantes au transport d'hydrocarbures. Aussi le Gouvernement s'emploie-t-il à faire aboutir les travaux au sein de l'OMI destinés à réviser la convention sur la responsabilité civile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé de Charrette, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Depuis la catastrophe du Torrey Canion en 1967, les marées noires se sont succédé, suscitant des sentiments à la fois d'exaspération et d'impuissance. L'Assemblée a d'ailleurs créé deux commissions d'enquête sur ce sujet, l'un en janvier 2000 à la suite du naufrage de l'Erika, l'autre en février 2003 après celui du Prestige. Toutes deux ont conclu à la nécessité d'améliorer les systèmes d'indemnisation. Tel est bien l'objet du protocole signé à Londres le 16 mai 2003.

L'état du droit international en la matière est le suivant : l'OMI est chargée d'élaborer les normes relatives à la sécurité de la mer. Depuis sa création en 1948, elle a permis la signature d'une quarantaine de conventions internationales. Son implication en faveur d'une meilleure régulation du transport maritime est indéniable, mais elle se heurte à certaines limites, faute de pouvoirs d'obligation et de sanction.

De son côté, l'Union européenne a mis en _uvre une série de mesures à l'occasion des conseils des ministres de décembre 2002 et de mars 2003. Elle a ainsi décidé de publier une liste noire des navires afin de dissuader les compagnies pétrolières de les affréter, d'accélérer le calendrier de création de l'Agence européenne de sécurité maritime, d'imposer des délais rigoureux pour le retrait des navires à simple coque, et d'instaurer un régime de responsabilité pénale au niveau européen. Elle a également adopté, le 4 avril 2001, une directive relative au niveau minimal de formation des gens de mer.

Reste que le caractère unilatéral des réglementations communautaires en limite la portée. Il est donc essentiel que les Etats membres coordonnent leurs positions, afin de peser sur l'évolution du droit maritime international. C'est à quoi ils sont d'ailleurs parvenus avec la signature du protocole sur FIPOL II le 16 mai 2003.

Le système d'indemnisation existant dissocie le droit à l'indemnisation de la détermination des responsabilités afin, en principe, d'accélérer l'indemnisation des victimes. La convention CLC de 1992 comporte ainsi un système de responsabilité civile à l'encontre des armateurs, qui retient en fait une conception restrictive du dommage par pollution et des navires concernés. Aussi la possibilité de mettre en cause la responsabilité des armateurs est-elle réduite, et les montants sont strictement plafonnés en fonction du tonnage des navires. Ainsi pour le Prestige, la responsabilité de l'armateur a été engagée à hauteur de 24 millions.

L'indemnisation au titre du FIPOL de 1992 vient en complément. Ses montants sont plafonnés, actuellement, à 250 millions. Le fonds doit donc procéder à une proratisation des créances. Dans le cas de l'Erika, le FIPOL a indemnisé à 100 % les préjudices jugés recevables, en raison de la renonciation de l'Etat et de Total à leurs indemnités à hauteur de 360 millions. Au contraire, pour le Prestige, parce que l'Etat espagnol a maintenu sa demande, le FIPOL a réduit l'indemnisation à 15 %.

Cette situation ne pouvait pas durer.

Le protocole permet maintenant de porter de 250 millions à 900 millions le montant maximum des dommages indemnisables et de répartir plus équitablement la charge entre les Etats membres.

En dépit de ces améliorations incontestables, certaines questions demeurent en suspens. Ainsi la procédure d'examen des demandes d'indemnisation demeure lourde et opaque. L'irresponsabilité des armateurs reste ce qu'elle était. Enfin, la priorité donnée à la rapidité d'indemnisation nous éloigne encore du système américain.

Malgré ces insatisfactions, la commission a approuvé le projet. Au demeurant, il serait souhaitable que la France se préoccupe du traitement des préjudices résultant des pollutions chimiques, car rien n'existe dans ce domaine au plan interministériel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Delebarre - Les insuffisances de l'indemnisation résultant de la convention de 1992 sont connues et nos deux commissions d'enquête avaient recommandé d'y remédier.

Dans le cas de l'Erika, les dommages n'avaient pu être indemnisés entièrement par le FIPOL que dans la mesure où l'Etat et Total avaient renoncé à leur créance. Dans le cas du Prestige, le comité exécutif du fonds a décidé en mai 2003 d'indemniser les demandes jugées recevables seulement à hauteur de 15 %, en attendant de connaître le montant total des dommages subis. On mesure là la nécessité de réviser les plafonds à la hausse. En effet, pour le naufrage du Prestige, les créances de l'Etat espagnol sont estimées à 700 millions, alors que le plafond d'indemnisation est de 171 millions d'euros, son relèvement à 250 millions à compter du 1er novembre 2003 n'ayant pas d'effet rétroactif.

Il y a donc urgence à ratifier ce protocole. Mais cela ne doit pas nous dispenser d'améliorer le fonctionnement du FIPOL, dont la transparence pour l'évaluation des préjudices subis et l'examen de la recevabilité des demandes d'indemnisation laisse à désirer. De plus, ce protocole ne saurait constituer la seule réponse aux marées noires qui se répètent sans qu'on puisse établir de manière satisfaisante la chaîne des responsabilités, même si des progrès ont été accomplis dans les enceintes internationales pour la prévention, en particulier sous l'impulsion de l'Union européenne. L'Organisation maritime internationale a ainsi décidé d'accélérer le retrait des pétroliers à simple coque transportant du pétrole lourd. Pour sa part, l'Organisation internationale du travail a imposé un niveau minimal de formation pour les équipages. Mais ces mesures demeurent très insuffisantes face à l'opacité des chaînes de commandement et à la multiplication des pavillons de complaisance.

Par ailleurs, il serait paradoxal de relever les plafonds d'indemnisation du FIPOL sans revoir les plafonds de la convention de 1992 sur la responsabilité civile des transporteurs, actuellement limités à 80 millions. A défaut d'une telle revalorisation, on s'écarterait davantage encore du principe du « pollueur-payeur » qui doit prochainement être inscrit dans la charte de l'environnement.

Enfin, le naufrage, en octobre 2000, du Levoli Sun, qui transportait des produits chimiques, nous a rappelé qu'aucun mécanisme d'indemnisation comparable au FIPOL n'existait pour les produits toxiques non pétroliers. Une convention sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives a été conclue à Londres en 1996, mais notre pays ne l'a toujours pas ratifiée. Il conviendrait d'y remédier rapidement.

Notre président de séance, notre collègue Guy Lengagne et moi-même sommes investis de responsabilités sur le littoral du Pas-de-Calais, sur les rives de la mer et du détroit les plus fréquentés du monde, avec une probabilité élevée d'accidents importants. Nos préoccupations sont, d'abord, la sécurité et les garanties à apporter à celles et ceux qui effectuent ces transports et à l'ensemble des métiers de la mer ; ensuite, le droit à une juste et rapide réparation pour les personnes et activités victimes des catastrophes, mais aussi pour les collectivités territoriales qui sont en première ligne, même si elles sont soutenues par l'Etat.

Ce texte est sans doute insuffisant, mais il est utile et nécessaire. C'est pourquoi, en dépit de ses réserves, le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christophe Priou - Depuis presque quarante ans, les catastrophes maritimes se sont succédé, provoquant exaspération et sentiment d'injustice chez les populations victimes des marées noires provoquées par les voyous des mers.

Les deux commissions créées par notre assemblée ont insisté sur la nécessité d'améliorer les systèmes d'indemnisation en vigueur. Dans cette perspective, l'Organisation maritime internationale a adopté le 16 mai 2003, à la demande insistante de la France et de ses partenaires de l'Union européenne, un nouveau protocole relevant le montant des indemnisations.

L'objectif est de permettre aux Etats de disposer d'une couverture des sinistres assurant une indemnisation rapide et complète de leurs ressortissants. Avec l'entrée en vigueur de ce protocole, c'est un montant total de 750 millions de droits de tirage spéciaux, soit plus de 900 millions d'euros, qui pourra être mobilisé pour indemniser les victimes d'un sinistre.

Le protocole vise également à corriger certains dysfonctionnements dans la gestion du FIPOL. Il répartit plus équitablement la charge entre les Etats membres et limite à 20 % la part pouvant être versée par un Etat en cas de sinistre.

Pour entrer en vigueur, huit Etats doivent avoir déposé leur instrument d'approbation. A ce jour, seuls le Danemark et la Norvège l'ont fait. Compte tenu de la décision communautaire demandant aux Etats membres de déposer leur instrument de ratification avant juin 2004 et de l'annonce faite par le Japon qu'il entendait ratifier dans le courant de l'été, le protocole devrait entrer en vigueur vers novembre 2004.

En dépit de ces améliorations, des interrogations persistent. Par exemple, la procédure d'examen des demandes d'indemnisation demeure lourde et opaque. Ainsi, Le Croisic est toujours dans l'attente d'une couverture des 350 000 € de déficit liés à la perte de taxe de séjour, à la réfection des voiries et aux opérations de nettoyage. En outre, en raison de leurs difficultés de trésorerie, les professionnels du tourisme ont souvent accepté des indemnisations représentant seulement 30 % de leur préjudice. Enfin, la relance de l'économie locale n'a été possible que grâce à des avenants aux contrats de plan et à des subventions de l'Etat, des régions et des départements, faute d'une véritable indemnisation du FIPOL.

M. Daniel Paul - Très juste !

M. Christophe Priou - Faute d'une révision de la convention de 1992 sur la responsabilité civile des propriétaires de navires, le protocole confortera l'irresponsabilité des armateurs, en les déchargeant de la quasi-totalité du poids de l'indemnisation sur le FIPOL.

Il convient aussi de poursuivre nos efforts au sein de l'Union en vue d'améliorer la régulation du transport maritime de matières dangereuses. Peut-être notre dernier grand chantier naval, celui de l'Atlantique, pourra-t-il garnir son carnet de commandes avec la construction des nouveaux pétroliers et méthaniers à double coque.

Enfin, la plus grande fermeté des tribunaux français permettra sans doute de mieux lutter contre les déballastages sauvages au large de nos côtes.

Même si ce texte n'est pas une fin en soi, il marque une avancée et nous devons donc le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul - Il aura fallu les catastrophes de l'Erika et du Prestige pour qu'enfin soit revalorisé le plafond d'indemnisation des victimes de pollutions. Ayant participé à la commission d'enquête sur la seconde et présidé la première, je puis témoigner de notre volonté de remédier à ce qui apparaissait comme une injustice à l'égard des victimes terrestres. Les opinions publiques auront aussi pesé pour que des réponses soient enfin apportées. Ce texte est, aussi, le résultat de ces colères et je me félicite de ce progrès.

Il nous faut toutefois en apprécier la portée réelle. Le plafond d'intervention du premier niveau - celui du propriétaire du navire - reste fixé à 90 millions de droits de tirage spéciaux et celui du deuxième niveau, le FIPOL, à 203 millions. C'est au-delà que se déclenchera le fonds complémentaire de 750 millions. Nous n'en sommes donc pas au principe de l'indemnisation de tous les dommages et de la couverture totale de toutes les victimes ! Il reste notamment à évaluer les coûts de la destruction de la faune et de la flore et de tous les dommages écologiques, ce qui ne semble guère à l'ordre du jour, même si l'on proclame son attachement au développement durable...

La nouvelle architecture laisse une part mineure - 12 % du coût global en cas de pollution majeure - à la charge des propriétaires de navires. L'assureur de l'Erika n'avait supporté que 7 % des sommes versées. Alors que l'Oil Pollution Act faisait peser, dès 1999, une responsabilité civile pouvant aller jusqu'à 2,7 milliards de francs sur les plus gros pétroliers, on en est bien loin avec le système actuel.

Le travail doit donc se poursuivre pour responsabiliser davantage les propriétaires et l'ensemble de la chaîne du transport maritime. Nos commissions d'enquête ont montré les effets de l'opacité qui règne en la matière et dénoncé le scandale des camouflages qui font que navires comme cargaisons changent parfois de propriétaires pendant les traversées...

La France doit donc insister sur la transparence, pour que la responsabilité soit bien établie à chaque échelon jusqu'au propriétaire de la cargaison, qui aurait alors intérêt à souscrire une assurance et à recourir à des navires dont la fiabilité serait assurée. Il faut protéger les bons navires ayant de bons équipages, non la course au moindre coût. Dans son livre blanc en 2000, la Commission européenne envisageait d'ailleurs une responsabilité illimitée pour l'affréteur comme pour le transporteur. C'est l'objectif à atteindre pour faire disparaître ceux que le Président de la République avait qualifiés de « voyous des mers ».

Reste le problème de l'indemnisation des victimes des marées noires. L'expérience montre qu'il faut intervenir rapidement en faveur des entreprises conchylicoles souvent fragiles et du secteur touristique. Il faudrait donc revoir les modalités d'intervention en leur faveur.

Le protocole laisse entière la question de la pollution par des marchandises nocives et potentiellement dangereuses. Il faut faciliter l'identification des cargaisons dangereuses, donc soumises à contribution, pour aboutir à un niveau d'indemnisation suffisant.

Le protocole améliore donc la situation actuelle, malgré des insuffisances relevées dans le rapport, en particulier le risque d'accroître l'irresponsabilité des propriétaires de navires. Mais dans le contexte actuel, avec une politique européenne dont on peut redouter le libéralisme croissant, et la probable mise en place en France du registre international, il ne permet pas de relancer les discussions pour aboutir à une solution plus efficace. Il semble plutôt constituer un point d'arrivée.

Dans l'attente du résultat des discussions dans les instances internationales sur une refonte du dispositif global, nous nous abstiendrons, en appelant tous les responsables à agir pour que les acteurs du transport maritime soient enfin pleinement responsables.

M. Alain Vidalies - Les victimes du naufrage du Prestige ne seront indemnisées qu'à hauteur de 15 %. Ce montant presque dérisoire dissuade de présenter des dossiers très complexes, d'autant que les critères d'examen ne sont guère transparents. Le passage du fonds d'indemnisation de 250 à 900 millions est donc une bonne nouvelle. Mais ce nouveau plafond ne s'appliquera qu'aux sinistres survenus après le 1er novembre 2003. Les victimes du Prestige en sont donc exclues, selon l'interprétation acceptée par les autorités françaises. Pourtant, la pollution se poursuit et des galettes de fuel continuent de polluer les rivages des Landes et de toute l'Aquitaine. Le président du conseil général des Landes a écrit au Gouvernement pour soulever cette question. Quelle est votre interprétation en ce qui concerne la prise en compte des dommages dus au naufrage du Prestige mais survenus après le 1er novembre 2003 ?

Pour sa part, le gouvernement espagnol a décidé, le 20 juin 2003, d'indemniser directement les victimes, puis de faire une demande globale au FIPOL. Pourquoi le gouvernement français n'a-t-il pas agi de même. Certes, il s'est engagé à reverser aux victimes la part d'indemnisation qu'il obtiendra pour les frais qu'il a lui-même engagés. Mais c'est une procédure inutilement complexe, et qui laissera une majeure partie des dommages à la charge des victimes. Il est encore temps pour lui de consentir le même effort que le gouvernement espagnol.

Comme le souligne le rapport, au-delà de l'indemnisation, l'objectif prioritaire est d'améliorer la sécurité maritime. Les victimes veulent connaître les circonstances exactes du naufrage du Prestige. Il est regrettable que des députés européens, notamment des élus de l'UMP, se soient opposés en décembre 2002, puis en janvier 2003, à la création d'une commission d'enquête européenne. Nous voulons connaître la vérité sur la gestion de la crise par le gouvernement espagnol et sur le niveau d'information des autorités françaises.

Les victimes seront certes heureuses de savoir que le plafond du FIPOL est augmenté et que les victimes à venir seront mieux traitées. Elles espèrent surtout que le gouvernement français va enfin s'engager, comme le gouvernement espagnol, à les indemniser directement et totalement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La discussion générale est close. Sur l'article unique, je suis saisi d'une demande d'explication de vote.

M. Guy Lengagne - Le groupe socialiste votera ce texte, même si les sommes prévues sont largement insuffisantes. Mais je m'adresse à la ministre des affaires européennes. La réglementation internationale est très insuffisante et il faut des années pour la faire évoluer dans le cadre de l'OMI où des partenaires influents ont souvent de grandes flottes sous pavillon de complaisance. Aussi la commissaire européenne, Mme de Palacio, avait-elle courageusement proposé, pour aller plus vite, d'imposer au niveau européen des règles qui pourraient ensuite être reprises par l'OMI. Or, comme il s'agissait de sanctions pénales, donc du troisième pilier, on a renvoyé les décisions non à une directive, mais à une décision cadre, dont l'application n'est pas obligatoire. Je ne suis pas sûr que la France ait vraiment soutenu Mme de Palacio ; or si l'on avait suivi les orientations de la Commission, la catastrophe du Prestige n'aurait peut-être pas eu lieu.

Nous voterons ce protocole, mais en rappelant que nous sommes loin d'avoir résolu les difficultés - elles pourraient même peut-être être accrues si la perspective d'une forte indemnisation des victimes encourage le monde de la mer à l'irresponsabilité. C'est en reprenant les propositions de la Commission que nous ferons de vrais progrès et obligerons l'OMI à avancer.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement est très sensible aux différents aspects de ce dossier, outre celui de l'indemnisation.

Effectivement, au niveau européen, une proposition de directive sur la prévention de la pollution par les navires a été déposée en mars 2003 et, parallèlement, une proposition de décision cadre relative à la pollution pour ce qui relève du troisième pilier. Les Etats membres n'ont pu adopter une position commune et les textes sont encore à l'étude dans des groupes de travail, mais la France participe activement aux négociations et nous espérons aboutir, sans que je puisse indiquer de date.

Pour revenir sur l'indemnisation, en octobre 2003, par la voix de Mme Bachelot, le Gouvernement s'était engagé ici même à indemniser les victimes à hauteur de 85 %, puisque le FIPOL prenait en charge 15 %. L'indemnisation était ainsi complète, mais il est vrai que la procédure était lourde. Nous avons essayé de la simplifier, ce qui n'a pas été possible immédiatement. Mais le problème a été soulevé au comité exécutif du FIPOL et des améliorations ont été apportées en ce qui concerne les contre-expertises, qui étaient source de retard. Depuis le naufrage du Prestige, il a été convenu que l'expert des victimes serait agréé par le FIPOL. Quant au problème des simples et doubles coques, le Gouvernement reste mobilisé.

Enfin, s'agissant des produits chimiques, la convention de 1996, comme vous l'avez rappelé, n'est pas facile à appliquer. Le secrétariat d'Etat aux transports et à la mer a été chargé dès octobre 2000 d'y réfléchir, mais nous avons besoin d'un texte plus opérationnel au sein de l'organisation internationale.

M. le Rapporteur - Du fait de sa situation géographique, la France est particulièrement concernée par ces événements dont tout porte malheureusement à croire qu'ils se reproduiront.

Certes, régler ces problèmes est long et compliqué, mais on connaît les forces qui s'opposent à l'indemnisation des victimes : les grandes entreprises productrices de pétrole ou les transporteurs, sans parler des multiples intermédiaires. L'autorité publique française doit être ferme, quelles que soient les pressions.

Par ailleurs, même s'il est compliqué de faire collaborer le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de l'environnement, l'administration doit prendre conscience de la gravité de ces événements.

A cet égard, j'apprécierais que le Gouvernement rende compte dans quelques mois, devant la commission des affaires étrangères, de l'état d'avancée de ces dossiers (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

ACCORD RELATIF À LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE
(Procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile.

M. le Président - Ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Voici un texte qui m'est cher et que je connais bien pour être la seule de cet hémicycle à avoir séjourné quelque temps à bord de cette station spatiale en 2001.

L'accord entre le Canada, les Etats membres de l'Agence spatiale européenne, le Japon, la Russie et les Etats-Unis sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile a été signé le 29 janvier 1998 à Washington.

La signature de cet accord par la France traduit la volonté de notre pays de s'associer au plus important programme spatial international de vol habité jamais entrepris, avec la construction, prévue à l'époque pour 2005, d'un complexe orbital dont on sait aujourd'hui les difficultés d'assemblage, liées à des accidents techniques qui ont conduit à des drames et à la perte d'êtres chers.

Un premier accord a été conclu en 1988 pour une coopération en matière de conception détaillée, de développement, d'exploitation et d'utilisation d'une station spatiale civile habitée en permanence. La chute de l'Union soviétique, la fin de la rivalité Est-Ouest en matière spatiale, l'implication de la France et de l'ensemble de l'Europe, ont conduit à sa renégociation, en 1994.

Ce nouvel accord a permis de mettre en perspective des actions jusqu'en 2004. Aujourd'hui, la France doit être présente dans la politique spatiale, qu'il s'agisse de faire des expériences sur la microgravité ou d'explorer l'espace extra-véhiculaire. La participation européenne comprendra donc deux éléments essentiels: le module Colombus, qui n'est pas encore à bord de la station, et un cargo permettant de transporter du fret et du matériel - ATV - qui devrait être lancé en 2005, et qui sera le seul moyen d'approvisionner cette station spatiale internationale.

La ratification de cet accord est important pour affirmer notre participation à la conquête et à l'exploration de l'espace, d'autant plus que les Etats-Unis ont des projets ambitieux et que des puissances étrangères émergentes prennent place dans ce domaine.

L'Europe, et en particulier la France, au vu du rôle qu'elle a joué, doit s'impliquer dans la construction de la station spatiale internationale civile.

M. Jacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères - La station spatiale est l'un des programmes scientifiques et technologiques majeurs de ce siècle. Il revêt de surcroît une dimension politique et de coopération internationale importante. Il s'agit de mettre en place un laboratoire multidisciplinaire de longue durée, habité de façon permanente par des équipages successifs d'astronautes qui se relaient tous les trois à six mois.

Un premier accord a été signé en 1988, entre douze pays, suivi par un deuxième, le 29 janvier 1998, afin de traduire juridiquement l'entrée de la Russie.

Ce projet de loi porte sur ce deuxième accord, signé par les Etats-Unis, la Russie, le Canada, le Japon, et onze pays européens. L'accord est entré en vigueur le 27 mars 2001 après sa ratification par le Japon, les Etats-Unis, la Russie et le Canada. Sans avoir ratifié le traité à l'époque, les partenaires européens ont commencé à remplir leurs obligations.

Le projet de station spatiale habité en orbite et de véhicules réutilisables a été conçu aux Etats-Unis, à la fin des années 1970, après les missions Apollo.

Parallèlement, les Russes ont entrepris des vols de longue durée à bord d'une station à orbite basse habitée de façon permanente, Salyut puis Mir.

Puis, en 1984, la NASA a défini le concept de la station spatiale internationale. Dès 1985, l'Agence spatiale européenne et ses Etats membres ont accepté l'invitation du Président Reagan à participer à sa construction et à son utilisation.

La France a procédé à six vols d'astronautes: MM. Baudry, Clervoix, Chrétien, Tognini, Perrin et Mme Haigneré ont ainsi rejoint la station.

Le programme SSI a connu deux drames: la navette Challenger en 1986 et l'accident de Columbia en 2003. La NASA a alors décidé d'interrompre les vols de navette qui devraient reprendre en 2005. L'échec de 2003 et les coûts élevés du programme suscitent un débat aux Etats-Unis sur la politique d'exploration spatiale humaine. Un comité indépendant a d'ailleurs été constitué pour proposer de nouvelles orientations.

Grâce à sa participation à l'exploitation de la station, l'Europe tend à améliorer la compétitivité de son industrie en maîtrisant des technologies exigeantes - en particulier à travers le processus de production du laboratoire Colombus -, à maîtriser la conduite opérationnelle d'un avant-poste complexe dans l'espace, à démontrer son savoir-faire avec le véhicule de transport automatique - ATV -, et enfin, à développer des projets pédagogiques ainsi qu'à promouvoir des applications et des services spatiaux industriels et commerciaux.

L'Europe doit fournir à la station le laboratoire pressurisé Colombus développé sous maîtrise d'_uvre allemande chez EADS-ST - le financement prévu pour son développement est de l'ordre de 1,2 milliard et Colombus ne pourrait être lancé qu'à partir de 2007 -, des conteneurs logistiques sécurisés développés sous maîtrise d'_uvre d'Alenia avec un financement de l'ordre de 300 millions , des véhicules de transfert orbital - le premier véhicule a été développé par EADS-LV aux Mureaux et les autres seront produits par EADS à Brême. Le coût en sera de 930 millions.

Les responsables politiques et scientifiques sont parfois partagés quant à la priorité que constituent les vols habités dans l'espace. Néanmoins, tous admettent que le programme évoqué aujourd'hui permet aux principales agences mondiales, dont le CNES, de travailler ensemble et d'envisager des missions futures d'exploration du système solaire.

Le coût général de la station est difficile à appréhender car chaque partenaire apporte sa contribution. Depuis 1985, le Congrès américain a déjà attribué 32 milliards de dollars au programme. La part européenne est d'environ six milliards d'euros.

Le partenaire européen contribue donc à hauteur de 8,3 % à la totalité des ressources mises à la disposition du programme, hors la contribution de la Russie. La France participe au programme par le biais de l'Agence spatiale européenne et son engagement global pour le développement de la station, pour la période 2000-2004, s'élève à près de un milliard d'euros.

Les coûts d'exploitation, quant à eux, n'interviendront qu'à partir du lancement du laboratoire Colombus soit, au plus tôt, en 2007. Ils sont évalués à 80 millions d'euros par an. Le coût total du programme s'élèverait donc à 1,7 milliard si le laboratoire Colombus fonctionnait pendant dix ans. Notre engagement représente une participation de 25,6 % de l'engagement européen sur le programme de vol habité.

Les appels à contribution se font dans le cadre des budgets annuels de l'Agence spatiale européenne. Notre contribution est de 685 millions d'euros pour 2004.

Le Gouvernement en fonction au moment de la signature avait souhaité recevoir l'assurance que les coûts prévus ne seraient pas dépassés. Ils l'ont été légèrement mais ils sont néanmoins maîtrisés. La ratification doit donc être effectuée, d'autant que la France est le dernier pays à y procéder.

Des incertitudes demeurent. Le Président Bush a ainsi annoncé le 14 janvier un nouveau programme de vol habité vers la lune afin de disposer d'une base pour envoyer des engins spatiaux sur Mars. La NASA teste en ce moment les réactions des partenaires européens. Toutefois, l'accord du Congrès sur ce programme - évalué à 12 milliards de dollars sur les cinq premières années - est loin d'être acquis.

Quelles seront les suites données au programme de la SSI du côté américain ? Les engagements pris doivent en principe mener le programme à son terme, en 2015. Les navettes américaines s'arrêteront en 2010, mais les Soyouz et Progress doivent continuer jusqu'en 2015 et le futur cargo automatique européen ATV volera pour la première fois au début de l'année prochaine.

L'attitude américaine semble marquer un recul : les échecs et les coûts financiers pousseraient la NASA à réduire les ambitions du programme, voire à réajuster les objectifs et les modalités d'utilisation. Cette attitude contradictoire - annonce de vols habités pour Mars, hésitations sur l'avenir de la SSI - jette un doute sur l'avenir des vaisseaux habités. Mme la ministre pourra sans doute nous éclairer sur la position américaine.

Par ailleurs, la recherche sur les sondes et la robotique spatiale se développe rapidement aux Etats-Unis. L'Europe a-t-elle développé des programmes dans ces domaines ? Le CNES y participe-t-il ? A mon sens, l'Europe doit relancer sa réflexion quant à l'avenir de son programme spatial, mais dans l'immédiat, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre déléguée - Vous avez évoqué la contribution française de 685 millions au budget de l'Agence spatiale européenne mais je tiens à préciser que cette somme concerne l'ensemble des activités menées par la France dans le cadre de l'Agence.

Le débat sur les vols habités a parfois été très vif, en effet. Actuellement, nous n'avons aucune réponse définitive quant au devenir de la station spatiale internationale. Vis-à-vis des Etats-Unis, la France, l'Europe veulent être à même de participer aux réflexions et aux négociations avec leur propre projet. Il importe de pouvoir tenir son rang.

Vous avez insisté enfin sur la coopération internationale. Les partenariats en vigueur, au-delà de l'exploration et de la conquête spatiales, sont stratégiques. Nous les voulons multilatéraux.

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 15.

CONVENTION CIVILE ET CONVENTION PÉNALE SUR LA CORRUPTION
(D
iscussion générale commune - Procédure d'examen simplifié)

L'ordre du jour appelle la discussion des projets de loi autorisant respectivement la ratification de la convention civile et la ratification de la convention pénale sur la corruption.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune et feraient l'objet d'une procédure d'examen simplifié dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Le Gouvernement souhaite procéder à la ratification de deux conventions, pénale et civile, sur la corruption, adoptées à Strasbourg le 27 janvier et le 4 novembre 1999. Les années 1990 ont été marquées par une prise de conscience, par les opinions publiques et les dirigeants, de l'impérieuse nécessité de renforcer les instruments juridiques de lutte contre le fléau de la corruption. En effet, la diffusion de la corruption met en danger la stabilité des institutions démocratiques, les fondations morales de la société et l'économie de marché.

Plusieurs conventions internationales destinées à lutter contre la corruption ont donc été conclues, qu'il s'agisse de celle relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des Etats membres de l'Union européenne du 26 mai 1997 ou de la convention de l'OCDE sur la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales du 17 décembre 1997, laquelle est le pendant international de la convention européenne.

C'est dans ce contexte que les ministres européens de la justice jetèrent à La Valette en 1994 les bases d'un programme d'action contre la corruption à l'échelle du Conseil de l'Europe. Ils ont recommandé la création d'un groupe multidisciplinaire sur la corruption, chargé d'examiner les mesures à prendre pour lutter efficacement contre ce fléau et d'élaborer les deux conventions dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre approbation.

La convention pénale sur la corruption innove par son large champ d'application et par une approche globale du phénomène, ce qui la différencie des instruments internationaux précédemment cités. Elle vise à développer des normes communes en matière de corruption et à imposer aux Etats signataires l'adoption d'incriminations recouvrant les différents aspects que peut revêtir la corruption.

La convention permet ainsi de progresser dans la voie du rapprochement des législations pénales, en étendant les infractions de corruption active et passive à de nombreuses catégories professionnelles, ainsi qu'au secteur privé, et en incriminant le trafic d'influence, le blanchiment du produit des délits de la corruption et les infractions comptables.

Pour la France, la ratification de la convention pénale entraînera une adaptation du droit interne. Un projet de loi est en préparation au sein des services de la Chancellerie. En effet, la convention fait obligation d'incriminer des comportements, non prévus par notre législation, tels que la corruption active et passive d'agents publics étrangers, de membres d'assemblées publiques étrangères, de fonctionnaires internationaux, de membres d'assemblées parlementaires internationales, de juges et d'agents de cours internationales, mais, aussi, la corruption active et passive dans le secteur privé.

Enfin, dans le but de rendre plus efficace la lutte contre la corruption, la convention pénale offre aux Etats signataires une base juridique leur permettant de coopérer, même en l'absence d'accords internationaux. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2002, 29 Etats en sont parties et 46 Etats, dont les Etats-Unis d'Amérique, en sont signataires.

La convention civile contre la corruption est le premier texte international visant à lutter contre la corruption par l'utilisation des moyens du droit civil.

Elle permet aux victimes d'un dommage résultant d'un acte de corruption de défendre leurs droits et intérêts et d'obtenir, le cas échéant, des dommages-intérêts.

Les préjudices susceptibles d'être indemnisés sont de trois ordres : les préjudices patrimoniaux, le manque à gagner, et les préjudices non patrimoniaux, telle l'atteinte à la réputation d'un concurrent. La convention exige des parties qu'elles prévoient des procédures appropriées pour permettre aux victimes de demander réparation à l'Etat dans des conditions procédurales efficaces et des délais raisonnables, lorsque l'acte de corruption est commis par un agent public.

Enfin, l'acte de corruption ayant été constaté, la convention civile pose le principe de la nullité de tout contrat dont l'objet est un acte de corruption, ce qui correspond à la sanction usuelle des obligations à objet illicite.

Notre droit interne dispose de tous les moyens dont la convention civile recommande la mise en _uvre, mais le texte présente cependant l'intérêt d'afficher la possibilité d'utiliser pour la lutte contre la corruption ces règles de droit civil, lesquelles peuvent relayer utilement l'action pénale, notamment en termes de dissuasion, compte tenu de la sanction pécuniaire de fait que constitue le paiement de dommages-intérêts.

Signée par 38 Etats et ratifiée par 20, la convention civile est entrée en vigueur le 1er novembre 2003.

Afin que les dispositions des deux conventions soient effectivement appliquées par les Etats, un groupe d'Etats contre la corruption - le GRECO - a été constitué. Sa mission est de veiller au respect des engagements des parties, grâce à des visites d'évaluation, à l'issue desquelles des recommandations sont adressées aux Etats membres en vue de les inciter à améliorer leur législation en matière de lutte contre la corruption.

La ratification de ces deux conventions confirmera la volonté de la France de lutter fermement contre la corruption, déjà exprimée à Merida le 11 décembre dernier par la signature de la convention des Nations unies sur la corruption.

M. Bernard Schreiner, suppléant M. Marc Reymann, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Le début des années 1990 a été marqué par l'irruption du phénomène de la corruption sur la scène médiatique. Dès 1994, conscients des dangers d'un tel fléau pour les économies et les systèmes démocratiques, les ministres de la justice du Conseil de l'Europe consacraient leur dix-neuvième conférence à l'examen des aspects administratifs, civils et pénaux de la lutte contre la corruption pour élaborer des instruments internationaux.

Les travaux se poursuivirent jusqu'en 1999 et la France signait, le 9 janvier 1999, la convention pénale sur la corruption et, le 26 novembre 1999, la convention civile sur la corruption.

Après les quatorze ratifications nécessaires, la convention pénale est entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Trente-neuf Etats membres du Conseil de l'Europe - et quatre non-membres dont les Etats-Unis - l'ont d'ores et déjà ratifiée. Plus récemment, le 1er novembre 2003, la convention civile est entrée en vigueur grâce aux quatorze ratifications nécessaires et, à ce jour, elle a été ratifiée par dix-sept Etats.

La négociation s'est déroulée dans les diverses instances du Conseil de l'Europe chargées d'élaborer les textes car la lutte contre la corruption devait avoir un caractère multidisciplinaire et passer par un renforcement de la coopération internationale.

La France a joué un rôle actif dans la négociation de ces instruments. L'avant-projet de convention pénale a été rédigé en janvier 1996 par le secrétariat du Conseil de l'Europe. La France s'est efforcée, tout au long des négociations, de rechercher l'adhésion du plus grand nombre d'Etats possible et a demandé que l'entrée en vigueur de la convention soit subordonnée au nombre le plus élevé possible de ratifications.

Notre pays s'est d'ailleurs opposé à l'extension des possibilités de réserve, car celles-ci risquaient d'affaiblir la portée contraignante de la convention pénale, en introduisant une disparité dans les obligations des Etats parties.

De même, la France a joué un rôle très actif dans les négociations de la convention civile, en veillant à la précision des définitions des termes d'auteur, de victime, de corruption, de perte de chance ou de dommages-intérêts. Néanmoins, il est regrettable que la procédure menant au dépôt du projet de loi de ratification ait été longue, même s'il fallait connaître les réserves - au demeurant nombreuses - sur la convention pénale, déposées par les autres Etats parties.

Il reste que la convention pénale sur la corruption est ambitieuse, puisqu'elle vise à incriminer de manière coordonnée un large éventail de conduites de corruption et à améliorer la coopération internationale pour accélérer ou permettre la poursuite des corrupteurs et des corrompus. Elle reflète aussi une approche globale du phénomène, ce qui la différencie des autres instruments internationaux de lutte contre ce fléau.

Le vaste champ d'application de la convention pénale permet de progresser dans la voie du rapprochement des législations pénales, en étendant les infractions de corruption active et passive à de nombreuses catégories professionnelles et au secteur privé, pour éviter toute lacune dans la stratégie globale de lutte contre la corruption. Par ailleurs, le trafic d'influence, le blanchiment du produit des délits de corruption et les infractions comptables liées à la commission des infractions de corruption comme les actes de complicité sont incriminés. Toutefois, le champ de la corruption active et passive est limité à l'activité commerciale. Sont ainsi exclues du champ d'application les activités à but non lucratif. Les personnes visées sont nombreuses : agents publics nationaux et étrangers, parlementaires nationaux et étrangers, membres d'assemblées parlementaires internationales, fonctionnaires internationaux, juges nationaux, étrangers et internationaux et agents des cours internationales.

La convention institue un suivi obligatoire des Etats, qui sont tenus d'adopter les mesures législatives nécessaires à l'établissement de leurs compétences pour connaître des infractions sanctionnées par ce texte, lequel préconise de recourir à des autorités spécialisées. Elle contient des dispositions concernant les critères de compétence des Etats, la mise en place d'unités spécialisées dans la lutte contre la corruption, la protection des collaborateurs de justice ainsi que la collecte de preuves et la confiscation des produits de la corruption.

La convention vise aussi à promouvoir la coopération internationale par l'intermédiaire du groupe d'Etats contre la corruption, créé le 1er mai 1999 et qui compte trente-sept membres, dont la France. Sa vocation est de suivre l'application des principes de lutte contre la corruption et la mise en _uvre des instruments juridiques internationaux adoptés en application du programme d'action contre la corruption.

La législation française n'est pas conforme aux exigences de la convention pénale. Aussi la France devrait-elle déposer trois réserves sur l'incrimination de la corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères, sur l'incrimination du trafic d'influence en direction d'un agent public étranger ou d'un membre d'une assemblée publique étrangère, et sur les critères de compétence territoriale. Pour le reste, la France devra modifier sur plusieurs points sa législation relative à l'incrimination de la corruption active et passive, dans le secteur public comme dans le secteur privé. La loi de transposition serait en cours d'élaboration à la Chancellerie.

La convention civile, plus conforme au droit français, constitue l'unique texte tendant à utiliser le droit civil pour lutter contre la corruption. Elle insiste sur le caractère indû de l'avantage obtenu par ce moyen illicite et définit pour la première fois des règles internationales communes dans le domaine du droit civil et de la corruption.

Les Etats contractants devront introduire dans leur droit interne des recours efficaces en faveur des victimes d'un acte de corruption, y compris la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts.

La convention tend à engager la responsabilité de celui qui commet ou autorise un acte de corruption, les victimes devant même pouvoir demander réparation à l'Etat quand la corruption est commise par un agent public.

La ratification des conventions pénale et civile du Conseil de l'Europe est très opportune, - même si les réserves de certains Etats parties affaiblissent la portée de la première -, parce qu'elles organisent la coopération internationale, seul moyen de lutter avec efficacité contre le fléau de la corruption. La commission des affaires étrangères a donc donné un avis favorable à l'adoption du projet autorisant leur ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Les Etats membres du Conseil de l'Europe affirment leur volonté de développer une coopération plus étroite contre la corruption. Belle intention !

La corruption à la française, dont la première caractéristique est de nier jusqu'à l'évidence, existe bel et bien.

Le développement explosif de la corruption s'explique d'abord par le triomphe de l'idéologie ultra-libérale. Or, les récentes déclarations de MM. Sarkozy et Raffarin sur l'amnistie fiscale pour les capitaux expatriés, autrement dit pour les voleurs, n'annoncent pas de rupture avec cette idéologie.

Ensuite, la mondialisation des marchés a ouvert à la criminalité financière des capacités et un terrain de développement illimités. Tout y est permis, rien n'est sanctionné. Un collier de paradis fiscaux constamment grossi de nouvelles perles entoure la planète, offrant toute sécurité contre de très improbables poursuites. Il est intéressant sur ce point d'observer le comportement des Etats-Unis. Le produit de la corruption fait le plus souvent le détour par les comptes suisses ou luxembourgeois de sociétés panaméennes ou anglo-normandes. Je pourrais aussi citer les Antilles néerlandaises et même évoquer Monaco ou encore soulever le problème des _uvres d'art, que le Gouvernement a refusé d'introduire dans l'assiette de l'ISF.

M. Charles Cova - C'est à cause de M. Fabius !

M. Jean-Pierre Brard - Je sais que vous avez une connaissance intellectuelle de cette question. La privatisation accélérée des services publics a transformé le rôle de l'Etat et des collectivités locales, qui sont devenus attributifs de marchés à des fournisseurs privés prêts à tout pour capter une part d'un pactole de plus de 100 milliards. Les mesures systématiques de déréglementation ont fait sauter les verrous qui rendaient plus difficile la collusion des intérêts privés et publics.

Ainsi, le spectre de la corruption grandit en conséquence d'une mondialisation dictée par la loi du plus fort.

Nous partageons l'idée que la lutte contre la corruption passe par un renforcement de la coopération internationale, que faciliteront les conventions civile et pénale au profit des victimes de la corruption. Mais il y a des progrès à faire : savez-vous que, lorsque le fisc français veut contrôler une filiale d'un groupe français installée aux Pays-Bas, le fisc néerlandais va demander au chef d'entreprise s'il accepte d'être contrôlé ? Le principal apport de la convention civile tient à la dissuasion que ses dispositions peuvent exercer, avec notamment l'obligation de payer des dommages-intérêts.

Dans le même objectif, la convention pénale introduit un mécanisme de suivi au sein du GRECO. Elle aussi couvre un champ d'application très large.

Nous sommes particulièrement attachés aux dispositions de ses articles 7 et 8, qui étendent l'incrimination de la corruption au secteur privé, tout en limitant le champ de la corruption active et passive à l'activité commerciale.

Reste que l'exclusion du champ d'application des activités à but non lucratif menées par des personnes ou des organisations ne doit pas constituer une brèche dans ce dispositif. L'Eglise de scientologie, par exemple, est protégée par le dispositif, alors qu'elle développe des activités financières au Luxembourg via la Kredit Bank. Je peux le dire ici parce que je suis couvert par l'immunité parlementaire.

Entendez, à travers notre accord global, une sorte d'appel pour continuer à étendre le champ d'application des deux conventions, afin que tous ces voleurs en tous genres soient mieux appréhendés, et que les dispositions adoptées, loin de demeurer au stade de la déclaration de principe, fournissent des leviers pour faire reculer la corruption. Chaque fois en effet que la corruption recule, le lien entre l'Etat et le citoyen se raffermit.

M. Michel Hunault - Le groupe UMP se réjouit de la ratification des deux conventions, qui prennent place dans une longue marche...

M. Jean-Pierre Brard - Comme disait Mao !

M. Michel Hunault - ...vers l'éthique. Déjà notre assemblée a autorisé la ratification de la convention de mars 1996 du Conseil de l'Europe relative au blanchiment de l'argent, et, en août 2000, celle de la convention de l'OCDE interdisant la rémunération des intermédiaires dans les marchés internationaux.

Aujourd'hui, nous nous dotons de moyens accrus pour lutter plus efficacement encore contre la corruption, qui constitue l'une des plus graves menaces pesant sur nos démocraties et sur la stabilité de nos institutions.

Le Conseil de l'Europe s'est attaché à élaborer des instruments internationaux, et la convention pénale, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, a été ratifiée par trente-neuf Etats non-membres, dont les Etats-Unis.

La convention civile est entrée en vigueur plus récemment, le 1er novembre 2003.

La négociation de ces conventions a été longue et délicate dans le cadre du Conseil de l'Europe qui, fort de quarante-cinq Etats membres représentant plus de 800 millions de citoyens, joue un rôle essentiel dans la consolidation des structures démocratiques et de la primauté du droit en Europe. La France y a joué un rôle très actif en s'efforçant de rechercher l'adhésion du plus grand nombre possible d'Etats et en s'opposant à l'extension des réserves, qui risquaient de vider la convention pénale de sa signification et d'affaiblir considérablement sa portée contraignante. En ce qui concerne la convention civile, les négociations ont porté sur la validité et l'effet des contrats liés à la corruption, parmi lesquels il a fallu distinguer ceux qui ont pour objet le versement de commissions occultes de ceux conclus au moyen de commissions occultes.

La convention civile constitue l'unique texte visant à utiliser le droit civil pour lutter contre la corruption. Elle définit pour la première fois des règles communes au niveau international dans le domaine du droit civil et ne soulève donc a priori aucun problème d'articulation avec les autres instruments internationaux. La convention prévoit principalement des mécanismes d'engagement de la responsabilité de celui qui commet ou autorise un acte de corruption. C'est le groupement d'Etats contre la corruption qui veillera au respect des engagements des Etats parties.

La convention pénale est un instrument visant à incriminer de manière coordonnée un large éventail de conduites de corruption et à améliorer la coopération internationale pour la poursuite des corrupteurs et des corrompus. Son approche globale du phénomène la différencie des autres instruments internationaux. Elle est ouverte aux Etats non-membres du Conseil de l'Europe et sa mise en _uvre est suivie par le GRECO. Elle couvre un champ assez vaste d'incriminations et complète des instruments juridiques existants. Elle permet de progresser dans la voie du rapprochement des législations pénales en étendant les infractions de corruption active et passive à de nombreuses catégories professionnelles ainsi qu'au secteur privé.

Ces conventions complètent un dispositif déjà très important et traduisent la volonté grandissante de la communauté internationale de lutter contre cette forme de criminalité. Parce que j'attache une grande importance à sa mise en _uvre, je forme le v_u que les magistrats qui en auront la charge disposent de moyens accrus, eux qui se heurtent trop souvent au secret bancaire, aux commissions rogatoires sans lendemain, aux paradis fiscaux, aux centres off-shore (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

La discussion générale est close.

L'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention civile, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention pénale, mis au voix, est adopté.

ASSOCIATION COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE-CHILI
(Procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part,

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Le Chili est l'un des rares pays avec lesquels l'Union européenne a négocié un accord d'association ambitieux, incluant l'instauration d'une zone de libre-échange.

Cet accord a vocation à constituer l'élément central des relations entre l'Union et le Chili dans la prochaine décennie. Il s'inscrit également dans le cadre plus large d'un partenariat stratégique entre les pays d'Amérique latine et l'Europe, afin de rééquilibrer leurs relations avec les États-Unis d'Amérique.

Lors du second sommet Union européenne-Amérique latine, qui s'est tenu à Madrid en mai 2002, les chefs d'État et de gouvernement ont conclu à l'achèvement des négociations menées entre l'Union européenne et le Chili. En revanche, les négociations menées avec les pays du Mercosur se poursuivent.

La signature de l'accord d'association a eu lieu le 18 novembre 2002 à Bruxelles. A son entrée en vigueur, il se substituera à l'accord-cadre de coopération de 1996.

Il s'articule autour de trois grands volets : le dialogue politique, la coopération, et la libéralisation commerciale. En matière politique, l'établissement d'un dialogue régulier porte sur les conditions propres à garantir la paix, la stabilité, le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme, et le développement régional. A l'instar de tous les autres accords conclus par la Communauté, le texte fait une place essentielle au respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'État de droit et de la bonne gouvernance. Les parties conviennent également de coopérer en matière de politique étrangère et de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Ce dialogue se déroulera principalement au niveau ministériel. Un dialogue est également établi entre le Parlement européen et le Congrès national chilien par le biais d'un comité d'association parlementaire.

En matière de coopération, de nombreux domaines sont couverts et incluent, en particulier, la modernisation de l'administration, l'économie, la science, la technologie, l'environnement, l'éducation, la culture, les affaires sociales, l'immigration illégale, la lutte contre la drogue et la criminalité organisée. Une clause de réadmission stipule que le Chili accepte de réadmettre tous ses ressortissants illégalement présents sur le territoire d'un État membre de l'Union. Les moyens financiers mis en _uvre pour renforcer ces coopérations seront d'environ 400 millions d'euros par an.

Enfin, en matière économique, l'accord est ambitieux mais réaliste compte tenu du niveau de développement du Chili et des progrès rapides de son économie. L'objectif général est une libéralisation progressive et réciproque de l'ensemble des relations commerciales, sur une période de transition de sept ans pour les produits industriels et de dix ans pour les produits agricoles. Des dispositions relatives au droit d'établissement, à la libéralisation des prestations de services et des marchés publics, aux règles de transparence et de concurrence, et à la protection des droits de propriété intellectuelle sont prévues. En particulier, un accord spécifique extrêmement novateur concerne les vins et spiritueux, avantageux pour nos producteurs, trop souvent en butte à la concurrence des vins du nouveau monde, d'Australie et d'Afrique du Sud. En effet, il assurera un strict respect des indications géographiques protégées et des pratiques _nologiques, la reconnaissance des mentions traditionnelles, ainsi qu'un meilleur accès au marché pour les deux parties. C'est un succès important pour la France.

L'accord d'association renforcera la présence de l'Union européenne et de la France au Chili et, plus généralement, dans le cône sud ; il encouragera la croissance économique et favorisera le développement durable, au bénéfice des deux partenaires.

En raison de son poids politique, démographique et économique et de son rôle incontournable dans une région à la fois fragile et en plein essor, le Chili est un partenaire essentiel à la réussite du « partenariat stratégique » lancé lors du Sommet de Rio de Janeiro en 1999, poursuivi à Madrid en 2002, et qui devrait de nouveau connaître un renforcement lors du Sommet de Guadalajara, les 28-29 mai.

M. Guy Lengagne, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Le Chili étant un des rares pays à avoir signé un accord de ce type, j'y vois, trente et un ans après l'assassinat de Salvador Allende, un signe réconfortant pour la démocratie.

L'union douanière européenne achevée, l'Europe cherche à développer un réseau dense d'accords de libre-échange. L'Union a ainsi développé des relations commerciales préférentielles avec des pays tiers lointains mais dont le potentiel économique, l'intérêt géopolitique ou les liens historiques avec l'Europe revêtent une importance particulière.

La politique commerciale envers l'Amérique latine est devenue une priorité, en réponse au projet américain de zone de libre-échange des Amériques et des négociations sont en cours avec le Mercosur.

En 1989, le Chili a tourné une page d'une longue histoire marquée par une dictature militaire qui a isolé le pays depuis le coup d'état meurtrier de 1973. La transition politique a été assurée par le Président Aylwin. Depuis le rétablissement d'un régime démocratique, le Chili a entrepris de renouer des relations avec les Etats démocratiques. Avec la France, elles l'ont été à partir de 1989 et la commission générale franco-chilienne, créée en 1997, est une enceinte de dialogue entre nos deux pays.

Au niveau européen, c'est sur la base de l'accord-cadre de 1996 qu'a été signé le présent accord d'association en novembre 2002. L'Union européenne est le principal partenaire commercial du Chili, le premier marché pour ses exportations, ainsi que sa plus importante source d'investissements étrangers et de coopération internationale au développement.

L'économie chilienne se caractérise par sa grande ouverture sur l'extérieur et par une spécialisation de la production nationale dans des secteurs où le pays dispose d'avantages comparatifs ou absolus comme le cuivre, le bois-papier, le saumon et les produits de la mer, les fruits et légumes, les vins. En moyenne, le taux de croissance annuel a été de 8,3 % par an de 1990 à 1997. Le PIB par habitant est passé de 2 340 dollars en 1990 à 4 160 USD en 2001. Depuis la récession de 1999, l'économie chilienne n'a pas retrouvé les taux de croissance spectaculaires du début des années 1990, mais la conjoncture mondiale semble provoquer une reprise significative.

Grâce à une politique économique rigoureuse, le Chili reste toutefois un pays émergent à faible risque et il a entrepris des réformes sociales, certes encore timides. En outre, le consensus entre patronat et gouvernement et les perspectives ouvertes par la signature de nouveaux accords commerciaux suscitent un climat favorable à une reprise en 2004.

L'accord d'association comprend trois grands volets : le dialogue politique, la libéralisation commerciale et la coopération.

Le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit en sont des éléments essentiels.

Un cadre institutionnel est créé pour renforcer les échanges réguliers sur les questions bilatérales et internationales d'intérêt commun. Il est notamment institué un comité d'association parlementaire entre le Parlement européen et le Congrès national chilien pour consolider et approfondir le dialogue politique. Le problème, désormais, est plutôt d'associer également les parlements nationaux à ce type de relations.

Sur le plan économique et commercial, l'accord d'association avec le Chili est dit de « quatrième génération », en raison de son large champ d'application. C'est le plus ambitieux conclu à ce jour par l'Union européenne.

Au total, 95 % des lignes tarifaires, soit 91,7 % des exportations communautaires au Chili, sont libéralisées depuis le 1er février 2003 ou le seront en cinq à sept ans selon les produits.

Pour les engrais, le sel, le bois, le papier et les textiles, les droits de douane diminueront immédiatement. Pour les produits européens, la baisse s'échelonnera sur sept ans pour des marchandises sensibles, tels les produits chimiques, les peintures et le plastique, ce qui donnera au Chili un délai suffisant pour s'adapter. En ce qui concerne l'acier, l'information et les télécommunications, la libéralisation porte sur 99 % des lignes tarifaires, en sept ans du côté chilien et immédiatement pour la Communauté.

Pour la plupart des produits agro-industriels - jus de fruit, concentrés de tomate, conserves de fruits -, la réduction des taxes douanières s'échelonnera sur quatre ans.

En ce qui concerne la pêche, la libéralisation porte sur l'ensemble des lignes tarifaires, sur une période de dix ans. Toutefois, un contingent est prévu pour trois produits sensibles, soit 5 000 tonnes pour le merlu frais et réfrigéré, 40 tonnes pour le saumon salé et fumé, 150 tonnes de thon en conserves.

Le Chili garde la souveraineté sur l'exploitation de ses ressources marines côtières. En général, l'Union européenne signe de tels accords pour accéder aux lieux de pêche des pays partenaires. Dans ce cas, ce ne sera possible que grâce à des sociétés chiliennes, même si les investisseurs européens pourront les contrôler à 100 %.

Une coopération est prévue dans les domaines économique et financier, technique, scientifique et technologique. En particulier, le Chili pourra participer à des programmes auxquels n'ont accès aujourd'hui que les Etats membres de l'Union.

Sur le plan social, priorité est donnée à la création d'emplois, au respect des droits sociaux fondamentaux, à l'égalité hommes-femmes, aux conventions collectives, à la non-discrimination, ainsi qu'à l'abolition du travail forcé et du travail des enfants.

Pour la première fois, un accord sur les vins et spiritueux protège bien les appellations d'origine. Les appellations usurpées devront disparaître en cinq ans sur les marchés à l'exportation et en douze ans sur le marché intérieur, et les mentions traditionnelles sont protégées alors que certains étiquetages étaient parfois détournés.

Cet accord constitue une référence pour l'Union, qui a réussi à faire valoir, auprès d'un pays, alors engagé dans une négociation bilatérale avec les Etats-Unis, des principes et méthodes de négociation qu'elle défend à l'OMC, comme les listes positives d'engagements sur les services et l'investissement, et la protection additionnelle des appellations d'origine notamment.

La partie commerciale de l'accord, qui relève de la compétence de la Commission européenne, est entrée en vigueur le 1er février 2003. Les dispositions relatives aux autres domaines devront attendre la ratification par les quinze membres de l'Union pour être appliqués.

Je souhaite que des accords de ce type soient signés avec d'autres pays d'Amérique du Sud, qui constitue pour nous un marché potentiel. Y tailler quelques croupières aux Etats-Unis ne me déplairait pas...

La commission vous recommande, à l'unanimité, d'adopter ce projet de loi.

M. Jacques Remiller - Le rapporteur aime les produits de la pêche. Mais je suis sûr qu'il apprécie également le vin. Le groupe UMP votera ce texte. Mais l'élu de la vallée du Rhône que je suis se devait d'intervenir car certaines incertitudes subsistent.

Nous sommes très favorables à la coopération avec le Chili, pour lutter contre la criminalité ou le terrorisme, mais certains d'entre nous ne sont pas convaincus par les mesures relatives au vin. La diminution progressive des droits sur les vins chiliens, qui sont très bons au demeurant et ressemblent aux nôtres, doit les favoriser dans l'Union européenne par rapport à leurs concurrents australiens et américains. Or cette mesure dessert également nos producteurs français et européens.

De 1994 à 2001, les vignobles chiliens sont passés de 54 000 à 103 000 hectares. En 2000, le Chili est devenu le cinquième exportateur mondial et en 2002, la filière viticole a créé un organisme de promotion à l'exportation de ses vins haut de gamme pour séduire avant tout l'Allemagne, les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni : ces vins, qui ressemblent aux nôtres vont attaquer notre marché. Le Chili a de grandes ambitions. Selon le plan stratégique de la filière pour la période 2002-2006, le Chili doit passer de 4 % à 10 % du marché mondial et le chiffre d'affaires à l'exportation de 602 à 800 millions de dollars. Il prendra forcément des parts de marché aux Français. Certains veulent se rassurer en disant que le Chili n'a pas de politique de grands crus et ne sait pas encore faire vieillir ses vins. Mais la situation pourrait évoluer. L'abaissement, même progressif, des droits de douane, est une menace pour les vins français. Je souhaite que vous nous apportiez quelques garanties pour rassurer notamment les producteurs d'AOC, qui subissent le plus cette concurrence.

Mme la Ministre déléguée - Certes, il s'agit là d'un élément tout à fait sensible pour la France, mais nous avons déjà quelques garanties. Chaque ministère concerné, dont celui de l'agriculture, sera attentif au respect de ses engagements par le Chili. Les vins d'Afrique du Sud entrent déjà librement dans l'Union européenne. Les vins chiliens, chers et très typés, ne devraient pas avoir d'impact significatif sur le marché français, s'agissant notamment des AOC.

M. le Rapporteur - Je crains davantage la concurrence des vins produits par certains pays de l'Est, dont la Hongrie, récemment entrés dans l'Union Européenne, que de ceux du Chili.

M. Jacques Remiller - C'est vrai, mais la plupart des vins hongrois sont blancs alors que le vin chilien est rouge et que la France est le principal producteur de vins rouges.

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

ACCORDS INTERNATIONAUX

L'ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d'examen simplifiée, de quatre projets de loi, dont trois adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation d'accords internationaux.

M. le Président - Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets aux voix l'article unique de chacun de ces textes.

L'article unique de l'accord France-Chine sur les centres culturels est adopté.

L'article unique de l'accord France-Slovénie sur les centres culturels est adopté.

L'article unique de l'accord France-Russie sur la coopération en matière de sécurité intérieure est adopté.

L'article unique de l'accord France-Ukraine sur la coopération policière est adopté.

CRÉATION D'UNE AGENCE EUROPÉENNE
POUR LA GESTION DE LA COOPÉRATION OPÉRATIONNELLE AUX FRONTIÈRES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Mariani sur la proposition de règlement du conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieure des Etats membres de l'Union européenne.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - L'élargissement de l'Union européenne déplace nos frontières extérieures vers l'Est et le Sud, et en transfère une partie du contrôle aux nouveaux Etats membres.

Parce que ce bouleversement ne doit pas nuire à l'efficacité de nos contrôles, les dix nouveaux Etats membres ne sont pas encore membres de l'espace Schengen, et il appartiendra au Conseil européen d'en décider autrement, à l'unanimité.

Il est en effet essentiel de combattre efficacement l'immigration clandestine, la traite des êtres humains, la criminalité organisée et le terrorisme.

La création de l'Agence répond en partie à ces préoccupations, tout en n'étant qu'une étape avant la création d'une police européenne des frontières, à l'initiative de la France et de l'Allemagne.

La Commission européenne a proposé de créer cette Agence à la demande du Conseil européen, formulée à Thessalonique, en juin 2003, puis à Bruxelles, en octobre dernier. Cette agence devrait avoir pour missions de coordonner la coopération opérationnelle entre les Etats membres en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, d'aider les Etats membres à former leurs garde-frontières nationaux, d'évaluer les risques, de suivre l'évolution de la recherche en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, d'assister les Etats membres aux frontières extérieures, enfin de coordonner leurs actions en matière d'éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

En revanche, l'Agence ne jouera aucun rôle politique, et ses agents n'auront pas de pouvoir répressif.

Il s'agirait donc d'une agence communautaire, dotée d'une structure légère - une trentaine de personnes - et d'un budget de 6 millions d'euros en 2005 et 10 millions en 2006.

Son conseil d'administration serait composé de douze représentants nommés par le Conseil et de deux représentants de la Commission. Ce conseil d'administration nommerait un directeur exécutif, indépendant dans l'exercice de ses fonctions.

Le Conseil souhaite que cette Agence soit opérationnelle dès le 1er janvier 2005. Il est parvenu à un accord informel sur ce texte le 30 mars dernier, après lui avoir apporté quelques modifications.

Tout d'abord, il a rappelé que la responsabilité du contrôle et de la surveillance des frontières extérieures incombe aux Etats membres, et a accru leur représentation au sein du conseil d'administration. Par ailleurs, un bureau exécutif a été crée pour superviser la gestion quotidienne de l'Agence par le directeur.

Les compétences de l'Agence en matière d'éloignement ont été réduites : elle se contentera de fournir l'assistance nécessaire. En revanche, ses compétences en matière de formation des garde-frontières ont été renforcées.

Enfin, les possibilités de coopération entre l'Agence, les organisations internationales et les pays tiers ont été accrues, la limitation à l'échange d'informations stratégiques non personnelles ayant été supprimée.

Cependant, ce point ne me paraît pas satisfaisant, aussi vous proposerai-je d'exclure l'échange de données à caractère personnel ou d'introduire des dispositions relatives à la protection des données personnelles.

Quelques questions restent en suspens.

Le siège de l'Agence n'a pas encore été fixé. L'Estonie, la Hongrie, la Pologne, Malte et la Slovénie se sont portés candidats, et le Président de la République a apporté son soutien à la candidature de Budapest lors de sa visite officielle en Hongrie les 23 et 24 février derniers.

Le régime linguistique de l'Agence n'est pas défini. La France a obtenu qu'il soit fait référence à celui de la CEE - soit vingt langues officielles depuis le 1er mai. Il faut maintenant espérer que le conseil d'administration de l'Agence définisse un régime simplifié, reposant sur un nombre limité de langues de travail, dont le français. Tel est, du reste, l'objet du cinquième point de la résolution.

Son quatrième point tend à créer un contrôle parlementaire adéquat de l'Agence. En effet, ses missions touchent à des prérogatives de puissance publique et à l'exercice des libertés fondamentales. L'instauration d'une commission mixte, composée de parlementaires européens et nationaux serait une solution.

Enfin, un article a été ajouté pour que les compétences répressives du personnel de l'Agence et des experts des Etats membres opérant sur le territoire d'un autre Etat membre soient régies par la législation nationale de celui-ci.

Sans remettre en cause l'incompétence en matière répressive des agents de l'Agence, cet article tend à leur permettre d'exercer les pouvoirs que leur reconnaissent les législations de ces Etats membres.

Cependant, l'application à l'Agence du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes est rendue problématique si certains Etats autorisent le personnel de l'Agence à exercer des compétences d'exécution.

Aussi ma proposition de résolution tend-elle à exclure, dans ce cas, l'application de ce protocole.

Enfin, la création de l'Agence est une étape importante, bien que limitée, sur la voie d'une gestion intégrée des frontières extérieures. On est encore loin du corps européen de garde-frontières que la France et l'Allemagne appellent de leurs v_ux, mais auquel de nombreux Etats restent encore réticents - Royaume-Uni, Pays scandinaves, Pologne. Le dernier point de ma proposition tend à mettre en place une police européenne des frontières, dans le cadre d'une coopération renforcée.

Ce corps européen de garde-frontières, que l'adoption de la constitution européenne rendrait possible, marquerait une étape pour l'Europe de la sécurité intérieure, qui connaîtra un nouvel essor, avec le passage à la majorité qualifiée de la politique européenne d'asile à l'automne prochain.

Pour ces raisons, je vous demande d'adopter cette proposition de résolution.

Mme Mignon remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Il y aura bientôt cinq ans, en effet, que se tenait à Tampere le premier Conseil européen entièrement consacré aux questions de sécurité et de justice. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont alors défini des orientations fondamentales en matière de droit d'asile, d'immigration, de contrôle des frontières et de coopération policière et judiciaire. A la nécessité de protéger les frontières extérieures de l'Union répondait le souci de favoriser l'intégration des ressortissants de pays tiers en situation régulière.

Le travail accompli depuis cinq ans est important et nous souhaitons que la prochaine Constitution nous donne les moyens d'aller plus loin.

La création de l'Agence est un élément à cet égard essentiel. Ce projet a été adopté par la Commission en novembre 2003 et le Conseil des ministres européen est parvenu à un accord politique sur le texte lors de la cession du 30 mars. L'adoption formelle devrait avoir lieu prochainement, une fois achevé l'examen au Parlement européen. L'Agence devrait entrer en fonction le 1er janvier 2005.

Ce projet s'inspire des orientations définies aux conseils de Séville, Thessalonique, Bruxelles, sous présidences espagnole, grecque, italienne, autant de pays méditerranéens qui ont donné un relief particulier aux questions de contrôle des frontières et de maîtrise des flux migratoires.

Des projets pilotes ont été mis en _uvre tel les vols groupés pour les mesures d'éloignement.

Il est vrai que dans sa version définitive, le projet de règlement limite les capacités de l'Agence à un rôle d'assistance, le contrôle des frontières relevant de la responsabilité première des Etats. Il s'agit bien de coordonner l'action des Etats, non de s'y substituer.

Ainsi, l'Agence agira dans le domaine de la formation des garde-frontières, assurera la veille technologique et facilitera les actions de coopération dans des situations d'urgence, y compris en apportant des moyens humains et une logistique propre.

Cette Agence sera assistée par des bureaux spécialisés. Elle emploiera une trentaine de personnes, son budget sera de 16 millions pour les deux premières années, son conseil d'administration sera composé de 27 personnes. Les règles de vote seront celles de la majorité absolue des ayant droits et, pour certaines décisions, des trois quarts, notamment pour la nomination du directeur exécutif.

Concernant les accords conclus par l'Agence avec les organisations internationales ou les pays tiers, la délégation française a exprimé une réserve à propos de la possibilité d'échanger des données à caractère personnel. Le règlement précise que de tels accords devront être passés conformément aux dispositions pertinentes du traité, et notamment aux textes communautaires.

Concernant la référence aux compétences d'exécution, les personnels de l'Agence ne disposeront pas de pouvoirs répressifs.

Concernant le contrôle parlementaire, les dispositions du règlement sont similaires à celles qui ont été établies pour les autres agences communautaires. Je rappelle que la France demeure attachée à une meilleure association des parlements nationaux à la politique communautaire.

Le choix du siège a quant à lui été renvoyé à une décision ultérieure du Conseil. Le Président de la République a en effet soutenu la candidature de Budapest.

Concernant le Royaume-Uni et l'Irlande, les deux pays siègeront au conseil d'administration sans disposer du droit de vote.

Concernant enfin le régime linguistique de l'Agence, la France a obtenu une référence explicite, dans le règlement, à l'usage des langues officielles de l'Union.

L'Agence devra également contribuer à la lutte contre le terrorisme. Ses réalisations seront suivies avec attention.

La mise en place de l'Agence constitue une avancée dans la voie d'une gestion mieux intégrée des frontières et pourrait préfigurer la création de cette police européenne des frontières que la France appelle de ses v_ux.

M. Jacques-Alain Bénisti - M. le rapporteur l'a dit, nous devons désormais tenir compte de l'élargissement de l'Union. Comme nous comptons près de 6 000 kilomètres de frontière extérieure, il importe de mettre en place un système commun de gestion.

L'ampleur des problèmes liés aux filières d'immigrations clandestines, à la traite d'êtres humains, au terrorisme, ont poussé le Conseil à faire de la surveillance des frontières extérieures une priorité politique.

Quelques chiffres : 80 % des sans-papiers sont en fait arrivés en France avec un visa touristique de trois mois. Ils restent sur le territoire en déchirant leurs papiers pour ne plus être expulsables, leurs pays d'origine étant donc inconnus. L'immigration légale a augmenté de 36 % entre 1999 et 2002 tandis que l'immigration clandestine, elle, est estimée entre 100 000 et 300 000 personnes par an.

Une politique commune plus structurée doit être menée, notamment grâce à la création d'une nouvelle structure institutionnelle de coordination. La présente proposition de résolution répond en partie à ce besoin.

La création de l'Agence constitue une étape essentielle vers une politique commune en matière d'asile et d'immigration, bien que ses moyens soient limités. Elle devrait garantir un niveau élevé et uniforme de contrôle et de surveillance.

Sur le plan économique, le marché européen s'accroît de 20 % et le PIB devrait augmenter de 5 % dès cette année. Ces perspectives de prospérité rendent les Etats membres de l'Union d'autant plus attrayants. Face à ce constat, la France a fait des propositions pour inciter ses partenaires à développer une meilleure coopération. Nicolas Sarkozy a ainsi été à l'initiative de la création du groupe des Cinq qui réunit les ministres de l'intérieur français, allemand, britannique, espagnol et italien, pays les plus exposés aux enjeux de l'immigration, pour prendre des mesures communes qui puissent être avalisées par le Conseil.

De même, la France a incité ses voisins à appliquer de façon plus stricte les mesures d'éloignement à l'encontre de ressortissants de pays tiers n'ayant pas de passeports comportant le tampon d'entrée dans la zone Schengen.

Les Etats membres doivent harmoniser leur législation en matière de lutte contre le terrorisme, comme l'ont souligné nombre de Conseils européens.

C'est dans cet objectif que le plan pour la gestion des frontières extérieures des Etats membres, adopté par le Conseil le 14 juin 2002, prévoit la mise en _uvre d'actions rationalisées dans le cadre d'une coopération renforcée. L'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures s'inscrit dans cette perspective, à l'instar d'Europol, d'Eurojust ou de la création d'un poste de « M. Anti-terrorisme ».

Depuis le 11 septembre 2001, sept attentats terroristes ont été commis dans le monde, faisant de la sécurité intérieure une question de plus en plus centrale. Au sein du groupe UMP, nous considérons que nous sommes entrés dans le temps de l'urgence, du fait de l'augmentation des flux migratoires et de la persistance de la pression terroriste. Ces phénomènes doivent nous inciter à mettre en place des outils opérationnels et à mener une politique communautaire efficace de protection des Européens. Nous devons renforcer les mesures de surveillance et de contrôle et développer dans les meilleurs délais une politique de coopération institutionnelle.

Si un cadre commun est nécessaire pour structurer l'action, il revient aux nouveaux Etats membres d'assumer ces nouvelles responsabilités. C'est pourquoi la création d'un système intégré de gestion des frontières extérieures constitue une étape importante, cependant que la France continue d'appeler de ses v_ux la constitution d'un corps multinational de garde-frontières.

Le groupe UMP ne peut que soutenir cette initiative, laquelle marque l'une des concrétisations les plus tangibles du travail accompli depuis deux ans par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin auprès de ses partenaires européens pour mener une politique réactive de sécurité intérieure et de maîtrise de l'immigration.

S'agissant de la création d'un système d'échange d'informations, les députés du groupe UMP jugent indispensable que l'Agence soit soumise à un contrôle parlementaire, dans la mesure où son action touchera à des prérogatives de puissance publique intéressant les libertés fondamentales.

Il est essentiel que son action soit soumise à un contrôle constant et à une évaluation régulière.

Le groupe UMP soutient sans réserve cette proposition de résolution sensée et cohérente (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Floch - Tout a été très bien dit par notre excellent collègue Thierry Mariani, lequel a considérablement progressé dans son approche de l'Europe et de la défense de nos frontières ! (Sourires) Quelle évolution, en treize ans, par rapport aux propos que nous avions entendus ici-même lors de la ratification des accords de Schengen ! Que n'avait-on entendu ! C'en était fini de la souveraineté nationale et, pourquoi pas, de la France, envahie par tous ces gens de l'Est en quête de prospérité et de protection sociale. Au reste, au vu des projets de réforme de l'assurance maladie qui se discutent en ce moment, peut-être y regarderont-ils à deux fois !

L'examen de cette proposition de résolution nous donne l'occasion de nous interroger sur ce que recouvre aujourd'hui la notion de frontière. Est-ce un simple pointillé sur la carte, une limite qui a vocation à être transgressée ? A l'évidence, dans un monde ouvert tel que le nôtre, les frontières sont destinées à être franchies par ceux que pousse l'urgent besoin d'un toit, d'une assiette garnie ou d'un système éducatif évolué pour leurs enfants. Je suis un Européen convaincu, et je considère que tant qu'il y aura ici plus de prospérité qu'ailleurs, l'on pourra dérouler autant de kilomètres de fil de fer barbelé que l'on veut et multiplier les corps d'agents spécialisés, nos frontières resteront des lieux de passage car nos pays resteront des terres d'accueil. Quant à l'idée de faire « garder » les frontières de l'Europe à l'est, avec des puissances telles que la Russie ou l'Ukraine, par des Etats aussi faibles démographiquement que les républiques baltes, elle me semble bien peu réaliste ! Il faut aider nos nouveaux partenaires à remplir correctement les missions que nous leur confions.

L'Agence dont nous débattons existe sur le papier et elle doit contribuer à exercer, un jour, la mission de contrôle des frontières extérieures dont nous venons de parler. Certes, peut-être pourrons-nous compter demain - ou après-demain ! - sur un grand pays du sud-est de l'Europe pour protéger notre frontière orientale ! Mais cela ne semble pas encore à l'ordre du jour ! (Sourires) Un meilleur contrôle de nos nouvelles frontières passe aussi par la conclusion d'accords renouvelés avec nos grands voisins tels que la Russie.

L'Agence sera l'une des filles légitimes de Schengen, contrat certes perfectible mais qui a donné d'excellents résultats. Et, je l'évoquais à l'instant, seule l'amitié m'interdit de citer les propos tenus à l'époque de sa ratification par M. Pierre Mazeaud et que seul un Philippe de Villiers reprendrait aujourd'hui à son compte !

La construction européenne a progressé rapidement et l'Agence se présente comme un objet « raisonnable », qui permettra à chaque Etat d'assumer ses propres responsabilités en matière de gestion des frontières.

Un regret cependant : l'on n'a guère débattu de nos frontières maritimes, nationales et européennes, alors que l'adhésion d'Etats tels que Chypre ou Malte eût justifié un surcroît d'attention. Je déplore notamment que l'interception des bâtiments suspects au large de nos côtes déclenche le départ de quatre ou cinq vedettes, chacun sous l'autorité d'un organisme différent. Que ne s'est-on inspiré de l'exemple des coast guards américains pour rationaliser nos interventions ? Las, les intérêts corporatistes et les pressions de tous ordres semblent avoir prévalu. C'est par les mers que transitent les trafics les plus répréhensibles - y compris d'êtres humains ; il conviendrait par conséquent d'être plus rigoureux dans la gestion de nos frontières maritimes.

Monsieur le rapporteur, le groupe socialiste a approuvé votre présentation des missions confiées à l'Agence - même si l'on y retrouve quelques v_ux pieux...

M. le Rapporteur - On verra bien !

M. Jacques Floch - Sans doute ne pouvons-nous pas accueillir toute la misère du monde mais soyons bien conscients que les plus démunis seront toujours tentés de venir chercher chez nous un sort plus favorable !

C'est pourquoi, nous sommes, pour une fois, d'accord avec M. Mariani...

M. le Rapporteur - C'est rare !

M. Jacques Floch - Peut-être, mais l'enjeu qui nous occupe mérite que l'on dépasse les oppositions traditionnelles.

Le groupe socialiste appuiera cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UMP).

Mme Anne-Marie Comparini - Le groupe UDF est favorable à ce texte et il a, Monsieur Floch, l'habitude bien établie de soutenir toutes les avancées en faveur de la construction européenne.

La proposition de créer une Agence de gestion de la coopération aux frontières extérieures de l'UE est pour nous la suite logique de l'avènement de l'espace Schengen et, aussi, l'une des premières nécessités liées à l'élargissement du 1er mai dernier. Songeons en effet que l'Union compte désormais 6 000 kilomètres de frontières terrestres et 85 000 kilomètres de côtes.

Le moment paraît donc venu pour l'Union européenne de garantir à tous ses citoyens un niveau élevé et uniforme de contrôle de ses frontières extérieures.

La proposition de résolution s'inscrit dans un processus d'harmonisation des législations européennes en matière d'asile et d'immigration entrepris depuis deux ans, mais avec retard, puisque cinq ans après le traité d'Amsterdam nous sommes encore loin d'une harmonisation complète et rendue pourtant plus urgente dans une Europe à vingt-cinq.

Nous nous préoccupons nous aussi du suivi du fonctionnement de l'Agence. Une évaluation réalisée par la présidence grecque en juin 2003 montrait que les agences comme EUROPOL ou Eurojust souffrent d'un manque de surveillance. Souhaitons que la nouvelle agence ne soit pas une énième coquille vide qui n'aurait d'opérationnel que le nom.

Nous désirons donc que les parlements nationaux soient tenus informés des activités de l'Agence, que des objectifs chiffrés soient discutés et fixés à l'occasion d'un débat annuel préparé par la délégation pour l'Union européenne.

M. Philippe Folliot - Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini - Nous nous soucions aussi des conditions de travail des futurs agents chargés de la police. Thierry Mariani a indiqué que de graves lacunes subsistaient en matière de formation, d'effectifs, de salaires et d'équipements. Le faible niveau de rémunération peut favoriser l'apparition de cette corruption dont nous parlions tout à l'heure. Nous devons donc veiller à ce que les fonds débloqués par Bruxelles, soit près d'un milliard en trois ans, soient réellement employés à renforcer les infrastructures, les équipements et la formation. Sur cette question des moyens, je me demande si l'on peut à la fois appeler à davantage d'Europe et réclamer une baisse des budgets communautaires. Enfin, l'Agence aura pour compétence, nous dit-on, de mobiliser les moyens appropriés pour lutter contre le terrorisme et les multiples dangers qui menacent le monde actuel. Comment une équipe de trente personnes y parviendra-t-elle ? Quelles seront les relations de l'Agence avec le coordinateur de la lutte contre le terrorisme, désigné à l'issue du Conseil européen de Bruxelles des 25 et 26 mars ?

Sur ces points, demeure une ombre qu'il convient de dissiper, car l'émotion suscitée par les attentats de Madrid et les autres mérite des actes forts et efficaces.

Si souhaitable soit-elle, la création de l'Agence ne résoudra pas tout. Aussi peut-on regretter la frilosité de certains chefs de gouvernement qui refusent d'aller jusqu'à la création d'un corps de police et de douane européen. Face à la menace terroriste, choisissons, plutôt qu'une Europe molle, une stratégie commune de défense. Le recours aux coopérations renforcées montre qu'il est possible d'y parvenir. L'Europe à vingt-cinq, célébrée comme un moment historique, doit rassurer rapidement nos concitoyens dans ses capacités à renforcer leur sécurité. C'est ainsi que nous maintiendrons l'attachement des Français à l'idéal européen que l'UDF défend depuis longtemps (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Que l'on soit pour ou contre, l'élargissement de l'Union européenne est un événement historique, par rapport auquel cette proposition de résolution paraît bien décalée.

L'élargissement de l'Union est guidé avant tout par des motivations économiques et financières ; nous ne sommes pas dupes ! Ce processus répond à la volonté de la Commission européenne d'élargir le marché européen, zone de libre-échange de marchandises et de capitaux régulée au profit des groupes multinationaux et des opérateurs financiers. Bêtement, comme il m'arrive quelquefois, je me disais au vu de l'intitulé de l'Agence qu'il s'agissait d'agir contre les patrons voyous, les délocalisations, le blanchiment d'argent... Quand j'ai lu la proposition de résolution, j'ai dû me dire que je m'étais encore trompé !

Alors que la libre circulation en Europe des marchandises et des capitaux est devenue une réalité, il faut savoir que les personnes sont encore soumises à des contrôles d'identité à certaines frontières intérieures et aux frontières extérieures. Pour élaborer sa doctrine d'immigration, l'Union européenne s'est inspirée des principes les plus rétrogrades en vigueur dans certains des Etats membres, selon la méthode de l'alignement par le bas. Sourde aux mises en garde répétées du Parlement européen, elle a choisi une gestion essentiellement policière et utilitaire des flux migratoires. Je croyais que M. Mariani était souverainiste. Il a changé, ce qui arrive, mais dans le mauvais sens !

Comment contester que la fermeture officielle des frontières fait le bonheur de toute une catégorie d'employeurs qui veulent disposer d'une main-d'_uvre précaire, sous-payée et dépourvue de droits sociaux, et que les services administratifs et policiers connaissent parfaitement ? En amalgament immigration et insécurité, le texte procède d'une approche idéologique des mouvements des populations. Le réflexe sécuritaire fige l'Union européenne dans la conception dépassée d'un espace à défendre contre d'indésirables étrangers non communautaires. On est loin de notre idée d'une Europe démocratique, sociale, pacifique et ouverte sur le monde !

Votre proposition de résolution donne à croire que l'élargissement nous conduirait aux frontières d'un monde dangereux, sans foi ni loi. Guidé par une réflexe sécuritaire, ce texte dessine les contours d'une Europe prospère repliée sur elle-même comme une forteresse assiégée, dans un isolement splendide et égoïste.

Les habitants des pays extra-communautaires sont pourtant des êtres humains comme vous et moi, que leurs conditions de vie misérables peuvent pousser à risquer l'aventure migratoire, où ils sont les premières victimes des réseaux mafieux. Cessez donc de les criminaliser ! D'autant que la situation que vous dénoncez est due en grande partie aux insuffisances des textes communautaires.

Les étrangers non communautaires qui résident légalement dans un État membre, restent subordonnés à sa législation interne. Il n'est pas question, pour eux, d'envisager de s'établir librement dans un autre pays de l'Union. Quant à leur circulation dans l'espace communautaire, elle est toujours liée à l'obtention d'un visa. Comment s'assurer du respect des règles spécifiques aux étrangers non communautaires, dans un espace où les contrôles aux frontières internes sont théoriquement abolis ?

En réalité, la création de l'Agence européenne répond à des préoccupations sécuritaires qui donnent une image pour le moins sectaire de la construction européenne. Les accords de Schengen ont jeté les bases du contrôle des frontières extérieures dont la responsabilité relevait de chaque État membre et aucune gestion opérationnelle intégrée n'a été prévue.

Ce texte est une étape vers l'institution d'une police européenne des frontières, chargée de faire la chasse aux immigrants, aux plus faibles.

Nous sommes conscients de la violence qui habite notre monde. Nous sommes sensibles à la lutte contre le terrorisme, contre la criminalité internationale, notamment financière, contre la corruption, la fraude, la traite des êtres humains et les trafics. Mais la création d'une sorte de « FBI européen » est-elle le signal politique fort que nous voulons donner au monde ? N'est-ce pas, d'une certaine manière, accepter la logique de l'administration Bush, qui trouve que son représentant en Irak fait bien son travail ?

Par ailleurs, les questions de sécurité et d'ordre public continuent à relever des fonctions régaliennes de l'Etat et les missions de l'Agence touchent à des prérogatives de puissance publique et à l'exercice des libertés fondamentales. Dès lors, la création de cette Agence européenne de contrôle aux frontières constituerait un transfert d'une compétence fondamentale, qui ne peut rester sans contrôle de la représentation nationale.

En outre, on peut légitimement s'interroger sur l'efficacité du dispositif puisque l'Union européenne comptera 6 000 kilomètres de frontières terrestres et 85 000 kilomètres de frontières maritimes à la suite de l'élargissement à dix nouveaux États membres. La méthode suivie par la Commission est-elle adaptée ? Mieux vaudrait approfondir la coopération avec les Etats tiers concernés, dans un esprit de solidarité et d'amitié entre les peuples.

Le groupe communiste et républicain refuse donc de participer à la pose de la première pierre de la forteresse européenne que vous êtes en train de construire. Vous avez oublié votre attachement d'antan à la souveraineté, Monsieur le rapporteur, mais d'autres restent indéfectiblement attachés aux valeurs qu'ils ont toujours défendues. Vous croyez sans doute qu'il est bon de vous adapter, à la veille des élections européennes, mais je ne suis pas sûr que cela vous rapportera bien gros...

M. le Rapporteur - Je n'ai pas changé d'opinion, mais je suis persuadé qu'il faut tenir compte de la situation actuelle et regarder vers l'avenir. Je n'aurai certainement pas voté la ratification des accords de Schengen...

M. Maxime Gremetz - J'ai voté contre !

M. le Rapporteur - ...mais je constate qu'ils fonctionnent, que les frontières européennes ont besoin d'être défendues et que l'on n'y parviendra pas en se repliant sur celles de notre pays car un clandestin entre aujourd'hui chez nous depuis les frontières de la Pologne ou de Chypre, voilà ce que nous devons expliquer à nos concitoyens.

Dès lors, une politique de contrôle aux frontières efficace doit avoir une dimension européenne et la coopération est une chance. J'espère que celle qu'avait initiée Nicolas Sarkozy sera poursuivie par son successeur.

Il convient donc d'harmoniser les conditions de reconduite aux frontières et le droit d'asile afin que notre pays ait une politique d'immigration maîtrisée et que sa sécurité soit garantie. A défaut, nous ferions le lit du parti extrémiste qui prétend que tout ne dépend encore que de la France.

Je pense même qu'il faut aller plus loin, notamment en créant un corps de garde-frontières européens et en donnant un coup de main financier, technique, juridique à ceux qui garantissent nos nouvelles frontières. L'efficacité est à ce prix !

La politique européenne d'immigration lancée à Tampere en 1999 avance plutôt bien ; je forme le v_u qu'elle aille plus vite car c'est uniquement dans ce cadre que nous garantiront la souveraineté de la France.

Mme la Ministre déléguée - J'ai la conviction que le processus de Tampere traduit une approche équilibrée de la lutte contre l'immigration clandestine et qu'il a beaucoup fait pour le respect des droits des étrangers en situation régulière. Oui, les choses avancent et la France est déterminée à participer à ce mouvement.

Nous n'oublions pas la nécessité d'aider les nouveaux adhérents, qui bénéficieront d'une période transitoire dans la mise en _uvre du contrôle aux frontières et d'une aide de 900 millions sur deux ans. Une réflexion est en cours sur le contrôle des frontières maritimes.

Pour ce qui est du contrôle parlementaire, en confier l'exercice à une commission mixte semble être une bonne solution.

Bien évidemment, la création de la nouvelle Agence tient compte de toutes celles qui existent déjà.

S'il faut donner du temps au temps, il importe désormais d'avancer, même à petits pas.

La discussion générale est close.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. François Loncle - Ayant été rapporteur lors de la ratification de la convention de Schengen, j'ai le souvenir qu'au cours de ce débat minutieusement préparé nous avions indiqué que l'Europe ne devait devenir ni une passoire ni une forteresse.

Il s'agit de créer un espace de liberté de circulation, un espace de sécurité, avec les adaptations nécessaires - qui ont eu lieu, trop lentement peut-être, et se poursuivront.

Quant au contrôle parlementaire, la délégation pour l'Union européenne et la commission des affaires étrangères sauront nous fournir des rapports d'étape réguliers sur la convention de Schengen et ce qui en découle, telle cette Agence.

Ce qui nous inquiète cependant, ce sont les moyens. Le Président de la République et cinq autres chefs d'Etat ou de gouvernement viennent d'annoncer un plafonnement du budget européen. Pourtant, pour poursuivre la construction européenne, il faut des équipements, des moyens, par exemple des magistrats. Il faut donc revenir à un budget européen plus raisonnable.

Enfin, comme M. Gremetz, nous souhaitons qu'on lutte contre les trafics en tous genres et non qu'on fasse la chasse aux immigrés. Mais la création de cette Agence s'inscrit pleinement dans le cadre de la construction européenne, à laquelle nous sommes attachés.

M. Maxime Gremetz - Monsieur Mariani, vous n'avez guère su défendre votre changement d'opinion.

La question n'est pas de choisir entre tout ou rien, mais de savoir si, pour assurer la sécurité aux frontières, on a besoin de cette Agence. Ne peut-on le faire par la coopération entre Etats ? Vous créez un nouveau « bidule », qui sera de toute façon inefficace, quand on sait la longueur des frontières à surveiller. Si l'on veut être efficace, ce n'est pas une agence qu'il faut créer, ce sont des régiments de protection des frontières !

Si vous vous contentez d'une agence, c'est que le véritable objectif est de s'attaquer aux personnes, aux immigrants. Le reste, on s'en moque. Parlementaire européen, je n'ai pas voté en faveur des accords de Schengen, car je savais vers quoi on allait. En revanche, je suis favorable à des coopérations, y compris pour assurer la sécurité aux frontières. Mais continuez ainsi. Les marchands de canons et les marchands d'esclaves peuvent être contents, vous ne visez que des personnes. Or il en viendra de plus en plus, de pays candidats : pourquoi attendre ? Que proposez-vous pour les Turcs par exemple ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ce texte se résume en une phrase : Immigré, tiens-toi bien !

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 12 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 20 heures 35.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 12 MAI 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi organique (n° 1155) pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Rapport (n° 1541) de M. Guy GEOFFROY, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Avis (n° 1546) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au divorce.

Rapport (n° 1579) de M. Patrick DELNATTE.

2. Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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