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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 88ème jour de séance, 218ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 13 MAI 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      AUTONOMIE FINANCIÈRE
      DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16

      ARTICLE PREMIER 27

La séance est ouverte à quinze heures.

AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales.

M. Charles de Courson - Dans son célèbre ouvrage De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville écrivait : « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science. Elles la mettent à la portée du peuple, elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir. Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n'a pas l'esprit de liberté. ».

Ce débat sur l'autonomie financière des collectivités est d'une grande actualité, car depuis 1986, cette autonomie n'a cessé de se dégrader, le mouvement s'accélérant même de 1997 à 2002. La nouvelle majorité a, hélas, continué dans la même voie en ne prévoyant pas de financer les transferts de compétences par des impôts dont les collectivités voteraient le taux et l'assiette, mais par l'attribution d'une part du produit d'impôts nationaux. Il faut reconnaître que lors de la première décentralisation en 1982, Gaston Defferre avait transféré des impôts d'Etat comme la vignette automobile ou la taxe sur les immatriculations, en permettant aux collectivités d'en moduler le taux ou l'assiette. La même majorité de gauche est, hélas, revenue en arrière s'agissant de la vignette. Les débats en cours sur la suppression de la taxe professionnelle ne font qu'inquiéter davantage les élus locaux quant à l'autonomie financière des collectivités.

La question du financement des collectivités territoriales est au c_ur même de la conception que l'on se fait de la démocratie locale. Une première conception est celle de Tocqueville et de tous les défenseurs des libertés locales, qui considèrent qu'une certaine liberté de fixation du taux ou de l'assiette des impôts par les collectivités territoriales est un élément central de la démocratie. Le consentement à l'impôt est en effet à la source de celle-ci, et le niveau des dépenses publiques locales est étroitement lié aux choix fiscaux. Cette conception est partagée par la quasi-totalité des élus locaux et une grande partie des élus nationaux. La seconde conception est celle de tous ceux qui se méfient des élus locaux, et qui sont nombreux en France. Ceux-ci pensent qu'il faut limiter au maximum les dépenses publiques locales, en allouant aux collectivités des dotations ou une part d'impôts nationaux et en les laissant se financer le moins possible par des impôts dont elles déterminent librement le niveau. Cette conception est défendue par la très grande majorité de la haute fonction publique française et par tous les jacobins qui, hélas, ne se recrutent pas seulement à gauche.

L'UDF pense que la France est l'un des Etats les plus centralisés de tous les Etats démocratiques et que cette situation nous handicape. Favorable depuis toujours à la décentralisation, fidèle aux valeurs de liberté et de responsabilité, elle est favorable à ce qu'une part prépondérante, et non déterminante, des dépenses locales soit financée par des impôts locaux dont le taux et l'assiette sont fixés par les assemblées locales. Consciente du caractère archaïque de notre fiscalité locale, elle en souhaite la modernisation avec notamment une certaine spécialisation de l'impôt par collectivité, et une assiette stable, juste et démocratique. Celle de la CSG serait une piste intéressante à explorer.

Au regard de ces principes, l'UDF regrette de devoir porter une appréciation négative sur ce texte dans sa rédaction actuelle.

M. René Dosière - Dites tout simplement qu'il est mauvais !

M. Charles de Courson - Le Gouvernement, suivi par les deux rapporteurs, nous propose de considérer comme des ressources propres le produit d'impôts nationaux affecté pour tout ou partie aux collectivités sans possibilité de modulation ni du taux ni de l'assiette, le produit d'impôts locaux dont l'assiette et (ou) le taux sont fixés par les assemblées locales, enfin les recettes non fiscales comme les redevances pour services rendus, les produits du domaine, les produits financiers, les dons et legs. Or, seules les deux dernières catégories sont bien des ressources propres. En quoi en effet le versement aux collectivités d'impôts dont l'assiette et le taux sont votés par le Parlement traduirait-il une quelconque autonomie financière ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, saisie pour avis- C'est un procès d'intention !

M. Charles de Courson - Dans l'état actuel du texte, n'importe quel gouvernement pourrait remplacer tous les impôts locaux par le versement d'une partie du produit de la TVA ou de l'impôt sur le revenu sans dégrader le ratio d'autonomie financière des collectivités ! Cela prouve que la seule solution sage est de ne pas considérer comme des ressources propres des collectivités le versement de tout ou partie d'un impôt national. Que resterait-il a contrario du principe de libre administration des collectivités.

S'il persistait dans sa position actuelle, le Gouvernement prendrait un triple risque d'inconstitutionnalité. Le premier serait que le Conseil constitutionnel considère que le produit d'impôts nationaux affecté pour tout ou partie aux collectivités sans possibilité de modulation ni du taux ni de l'assiette par ces dernières ne constitue pas une recette fiscale au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

Le second motif d'inconstitutionnalité résiderait dans le non-respect du deuxième alinéa de l'article 72 qui pose le principe de libre administration des collectivités territoriales. Le juge constitutionnel serait sans doute conduit à suggérer au législateur, par une réserve d'interprétation, de fixer une part maximale dans les ressources propres, au sens où l'entend le Gouvernement, des versements du produit d'impôts nationaux au-delà de laquelle le principe de libre administration ne serait plus respecté.

Le troisième risque d'inconstitutionnalité se fonde sur la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2003 rappelant que lorsque le transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités s'accompagne de l'attribution à ces dernières d'une part d'un impôt national en guise de ressources équivalentes, l'Etat « doit maintenir un niveau de ressources équivalentes à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert. »

M. le Rapporteur général - Il y a donc toutes les garanties.

M. Charles de Courson - Si l'on transfère des recettes fiscales dont le taux ou l'assiette peuvent être modulés, les collectivités peuvent ajuster les recettes aux dépenses par un vote de l'assemblée délibérante. En revanche, si l'on attribue une part d'un impôt d'Etat, les collectivités ne peuvent rien faire et l'Etat ne sera obligé d'ajuster son versement qu'en cas de baisse du produit dudit impôt national.

Un exemple avec le transfert d'une part de la TIPP aux départements en contrepartie du transfert des compétences en matière de RMI et RMA. Si l'on suit le Gouvernement, la nouvelle étape de décentralisation se traduirait par un accroissement de l'autonomie financière des départements, le ratio d'autonomie augmentant de cinq milliards au numérateur comme au dénominateur !

Pour l'UDF, seule la part de TIPP versée aux régions pourra être considérée comme une recette fiscale au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution si l'Union européenne accepte la modulation des taux par les assemblées régionales, ce qui n'est absolument pas certain. La Commission a en effet indiqué au Gouvernement que cette modulation ne peut concerner le gazole en raison des distorsions de concurrence qu'elle pourrait induire en matière de transport routier.

Par ailleurs, l'augmentation croissante du parc de véhicules diesel, conjuguée à la limitation de la vitesse du fait de la politique de sécurité routière, se traduit par une baisse de la consommation d'essence, donc par une baisse automatique de la recette prévue pour les régions - que l'Etat devra donc leur compenser. La Commission enfin a rappelé que seul le Conseil des ministres était compétent en matière fiscale et qu'il devait statuer à l'unanimité. Or, comment espérer un accord unanime alors que notre pays a des taux d'accises parmi les plus élevés d'Europe ?

La solution est simple : il suffit de voter le sous-amendement déposé par l'UDF à l'amendement du rapporteur général et à l'amendement du rapporteur, tous deux adoptés en commission. Ce sous-amendement précise que les seuls impôts inscrits à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, c'est-à-dire ceux dont les collectivités peuvent déterminer librement le taux ou l'assiette dans les limites fixées par la loi, constituent des ressources propres traduisant l'autonomie financière des collectivités.

Cette définition, appuyée par de très nombreux élus locaux et nationaux, est compatible avec la Constitution et va dans le sens de l'évolution du financement des collectivités en Europe. Cette conception est tout à fait compatible avec la réforme constitutionnelle de 2003. A l'époque, j'ai posé au nom du groupe UDF la question du contenu du futur ratio d'autonomie financière. Le Garde des Sceaux nous avait alors renvoyés sur ce point à la loi organique.

Un autre argument en faveur de notre thèse est tiré de la rédaction du 3e alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, qui utilise l'expression « recettes fiscales », alors que figure au 2e alinéa celle d' « impositions de toutes natures », dont, pour certains, les collectivités locales ont la capacité de fixer l'assiette et le taux. Si le Gouvernement avait raison, l'expression « impositions de toutes natures » figurerait au 3e alinéa. On voit bien que ce n'est pas le cas.

De plus, la très grande majorité des élus partage la position de l'UDF. C'était d'ailleurs celle du président de la commission des finances lors du débat sur la réforme constitutionnelle, qui écrivait de manière synthétique que « les ressources propres paraissent devoir se limiter à celles dont les collectivités disposent d'une certaine maîtrise », à l'exclusion des dotations, subventions et compensations budgétaires de l'Etat.

M. le Rapporteur général - « Paraissent devoir »...

M. Charles de Courson - C'était aussi la position du rapporteur général quand nous étions dans l'opposition. Avec Gilles Carrez, nous dénoncions les mesures prises par MM. Strauss-Kahn et Fabius tendant à réduire l'autonomie financière des collectivités territoriales.

C'est encore la position de la majorité du Sénat, qui a voté en 2000 une réforme constitutionnelle sous la forme d'une proposition du Président Poncelet lui-même...

M. Augustin Bonrepaux - Et de M. Raffarin !

M. Charles de Courson - C'est maintenant la position de la gauche, qui devrait néanmoins éviter de déployer l'ardeur des nouveaux convertis ! Elle est en effet responsable de la très forte dégradation de l'autonomie financière des collectivités, dont le taux pour les communes est passé de 58,2 % en 1997 à 54,7 % en 2002, et de 57,8 % à 35,5 % pour les régions.

C'est enfin la position de toutes les associations d'élus. L'AMF, le 6 mai, a fait connaître son profond désaccord avec le projet de loi organique comme l'a rappelé cette nuit son secrétaire général Jacques Pélissard. L'assemblée des départements de France et celle des régions de France se sont prononcées dans le même sens.

La position de l'UDF va dans le sens de l'évolution du financement des collectivités locales. L'Espagne se caractérise ainsi par une autonomie fiscale croissante des régions, basée sur une participation aux recettes de l'Etat par le biais de l'impôt territorial sur le revenu. Les régions italiennes bénéficient quant à elles d'une autonomie fiscale et budgétaire très forte jusqu'à pouvoir modifier le taux d'imposition de base fixé par l'Etat.

En Belgique,...

M. Jean-Louis Idiart - C'est un pays fédéral !

M. Charles de Courson - ...les régions disposent d'une autonomie fiscale complète, y compris dans la fixation des taux, surtout depuis les accords du printemps 2001.

Le modèle allemand est parfois utilisé pour justifier la position gouvernementale. Il n'est pourtant pas applicable en France, en raison des dispositions, bien connues de vous, de l'article 106 de la loi fondamentale allemande.

M. René Dosière - C'est votre livre de chevet !

M. Charles de Courson - Je vous en rappelle la rédaction (ici, l'orateur cite l'article en langue allemande), qui signifie que le produit de l'IR et de l'IS est réparti par moitié entre la Fédération et les Länder.

M. René Dosière - Votre traduction est approximative !

M. Charles de Courson - L'Angleterre est le seul exemple dont pourrait s'inspirer le Gouvernement, mais est-il sage d'invoquer une exception à la règle pour fixer une règle ?

En conclusion, le Gouvernement nous propose un texte illogique et dangereux. De plus, est-il bien raisonnable d'aller contre l'avis de l'ensemble des élus locaux et contre le sens de l'évolution européenne ?

Nous voterons le projet si le Gouvernement accepte notre amendement tendant à retenir comme recettes fiscale autonomes les seules impositions de toutes natures dont les collectivités ont une certaine maîtrise des taux et de l'assiette. Sinon, nous voterions contre, et nous réexaminerions notre position en dernière lecture sur le projet relatif aux responsabilités locales. Souhaitons que le Gouvernement écoute Alexis de Tocqueville plutôt que la technostructure qui a fait tant de mal à notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Grand - Il y a vingt ans, nous, les maires de toutes les communes de France, commémorions le 100e anniversaire de la loi fondatrice de 1884.

Vingt ans après, vous présentez un texte sur l'autonomie financière des collectivités territoriales et donc, selon l'article 72 de la Constitution, de nos communes. Or, ces dernières années, celles-ci ont connu de grandes mutations, en conséquence des lois de décentralisation sur l'intercommunalité. Sans doute les établissements publics de coopération intercommunale sont-ils de nature à assurer une bonne gestion de l'aménagement du territoire. Cependant, la loi Chevènement a créé des distorsions que de nombreux maires souhaitent voir aborder franchement, à commencer par le problème de l'autonomie financière.

De fait, nos communes ont perdu le produit fiscal dynamique de la taxe professionnelle, désormais destiné à financer les politiques dites structurantes.

Nos villes ont l'obligation d'offrir les équipements publics les plus performants qu'exigent les usagers du service public. Or nous ne disposons désormais pour financer nos obligations légales et notre politique de proximité que du produit des impôts ménages, qui lui-même stagne. Ce constat, nous le partageons tous.

Les attributions de compensation dont bénéficient nos communes de façon complémentaire demeurent totalement fossilisées depuis la loi Chevènement, au prix d'une perte fiscale considérable, si ce n'est insurmontable, et l'Etat peut toujours affirmer que la loi prévoyait que l'équilibre financier entre les différents acteurs de l'intercommunalité reposait sur des charges transférées aux EPCI et sur les dotations de solidarité communautaire

Les lois de décentralisation ne sont pas vécues et appliquées partout avec la même rigueur et dans le même esprit républicain et démocratique. Il y a des distorsions spectaculaires selon les régions et selon les EPCI, même si 90 % des communautés d'agglomération ont instauré des dotations de solidarité communautaire qui compensent les pertes de produit fiscal.

Le transfert de charges et leurs évaluations sincères peuvent contribuer également à un meilleur équilibre des finances communales. Là aussi, une majorité d'EPCI sont arrivés à cet accord.

L'exercice de la compétence en matière d'urbanisme par les EPCI peut aussi avoir sur l'autonomie financière de nos communes un effet positif ou dévastateur. Plus que la remise en cause de la souveraineté des maires, ce qui m'inquiète, ce sont les charges communales incontournables liées à l'urbanisation de nouveaux secteurs, qui nous sont imposées notamment par la loi SRU, et qui se cumulent avec des pertes financières désastreuses, par exemple lorsqu'une communauté d'agglomération gèle l'aménagement des terrains à vocation économique d'une commune située dans son périmètre.

M. Henri Emmanuelli - Rude accusation !

M. Jean-Pierre Grand - En effet ! Quand le maire de Montpellier, qui est de votre bord, prévoit l'implantation des bassins de rétention d'eau sur le territoire de ma commune et celle des bâtiments industriels et commerciaux sur la sienne, c'est bien une dérive de la loi Chevènement...

Accentuation des charges et pertes considérables de recettes fiscales : aucune commune ne résistera à une telle dérive dans le fonctionnement des lois de décentralisation ! Aussi, Monsieur le ministre, c'est plus comme maire que comme député que je demande à l'Etat de garantir par la loi l'autonomie financière de nos communes. A défaut, ayons le courage d'annoncer à nos concitoyens leur disparition programmée. Je lance ce cri d'alarme parce que c'est ainsi que je vis au quotidien l'application de la loi Chevènement qui, en faisant en sorte que la souveraineté économique et financière de nos communes échappe aux maires, foule au pied le principe constitutionnel qui interdit à une collectivité d'exercer une tutelle sur une autre.

M. Etienne Pinte - On proclame depuis des années que notre système administratif est illisible, c'est vrai ! Faute d'une véritable volonté de réformer, on a tout empilé avec pour seul objectif de ne froisser personne et de ne remettre en cause aucune des parcelles de pouvoir et de représentation que chacun de nous détient.

De 1978 à 2001, les dépenses de l'Etat sont passées de 22,1 % à 22,5 % du PIB, celles de la sécurité sociale de 18,9 % à 24 % et celles des collectivités territoriales de 7,6 % à 10 %. Ces dernières ont donc augmenté de 30 %. Cela montre que les collectivités ont dû financer des mesures transférées sans que l'Etat, diminue corrélativement sa part de prélèvement du PIB.

Ainsi, la France continue à superposer deux systèmes non aboutis qui ont la même vocation, déconcentration et décentralisation. Décentraliser est considéré comme un dogme alors que ce qu'il faut c'est simplifier, donc dresser le bilan des structures et de leur action. La déconcentration, qui correspond vraisemblablement plus à l'état d'esprit national que la décentralisation, n'est pas achevée. Quant à la décentralisation, son organisation actuelle provoque des lourdeurs, des injustices et elle coûte très cher. Tant que l'Etat voudra tout réguler, le système sera mauvais.

Commençons donc par faire enfin un vrai bilan après presque vingt-cinq ans d'expérimentation. Le débat national de 2003 n'avait pour but que de faire passer quelques mesures supplémentaires permettant à l'Etat de se défausser pour donner meilleure mine à son budget. Quel est en effet l'intérêt d'annoncer le transfert des personnels des lycées et collèges sans qu'un vrai débat ait eu lieu sur le secteur secondaire ?

M. Henri Emmanuelli - Très bien !

M. Etienne Pinte - Pour faire accepter une telle mesure, il faut lui donner du sens, et pas seulement celui des allers-retours dus aux hésitations politiques. Si l'on tient absolument à décentraliser, il faut avoir le courage de s'interroger sur l'existence des départements même si cette idée est iconoclaste ; de répartir les compétences entre communes, régions et Etat après avoir achevé la déconcentration des pouvoirs et de l'action de l'Etat ; d'envisager les modalités d'un transfert équitable et définitif des moyens financiers, sans que l'Etat puisse ultérieurement agir sur ces transferts, donc rendre inconstitutionnels ou illégaux les transferts de charges non couverts par une ressource pérenne ;...

M. Henri Emmanuelli - Très bien !

M. Etienne Pinte - ...de lier décentralisation et aménagement du territoire ; de définir et d'expliquer les objectifs de l'Etat à long terme ; de prendre acte que les « ressources propres » des collectivités territoriales doivent être exclusivement constituées de ressources dont l'assemblée délibérante peut faire varier librement le montant par l'assiette ou par le taux, comme le propose l'association des maires des grandes villes de France ; de donner la parole à ceux qui savent, en institutionnalisant le rôle de l'association des maires et de celle des maires de grandes villes, aux côtés du comité des finances locales ; de moderniser le statut des fonctions publiques.

Il faut également définir et fixer une fois pour toute la place et la forme de l'intercommunalité dans le dispositif administratif. L'acte II de la décentralisation a fait l'impasse sur les communes et l'intercommunalité, ce qui prouve encore une fois son caractère de circonstance...

M. René Dosière - Eh oui !

M. Etienne Pinte - La France est connue pour avoir le plus grand nombre de communes, elle l'est moins, heureusement, pour sa multitude de regroupements intercommunaux. En la matière, depuis des années, tout se crée et tout se transforme au gré des idées du moment. Tout ceci ne vaudrait pas sans l'expérience d'un maire.

Versailles vit difficilement la conduite erratique des élans décentralisateurs. La liste de nos désaccords avec l'Etat est longue. Sous l'effet des modifications successives des réglementations, nos collectivités perdent des ressources tous les ans. L'Etat régule son budget en réduisant de manière constante ses concours aux collectivités locales. Pour le budget de Versailles, la perte due au cumul des différentes mesures prises depuis 1992 atteint 8,4 millions d'euros, soit plus de 20 points d'impôts. En outre, en base 100 en 1990, la DGF est passée à 108,5 en 2003 alors que l'inflation atteignait 125. Il est facile, dans ces conditions, de dire que les impôts locaux flambent !

Les villes supportent de plus en plus les charges de l'Etat défaillant dans ses missions régaliennes. Il serait logique que le maire exerce les missions relevant de l'action de l'Etat avec les moyens que lui donne l'Etat ! L'impôt local et les dotations communales doivent être affectés à l'action locale et pas à autre chose, ce devrait être un principe intangible.

Voici donc l'inventaire, non exhaustif, de ce que supportent nos villes. Les polices municipales, qui ne devraient pas exister puisque l'Etat doit être le garant unique des libertés, de la sécurité et de l'application des lois ; les contraventions qui relèvent de la responsabilité des maires ; l'instruction des demandes de cartes nationales d'identité et celle des passeports ; la délivrance des attestations d'accueil ; la prise en charge des SDF qui doit relever d'un traitement national. Autre exemple, le 21 janvier 2004, le ministère de la défense sollicitait ma ville afin d'envoyer ses agents dans les lycées et les collèges pour y procéder au recensement militaire. Mais pourquoi ne pas faire appel à des militaires en activité ou à des réservistes ?

M. René Dosière - Très juste !

M. Etienne Pinte - Autre exemple, concernant la modernisation du service public : un système de télétransmission des délibérations à la préfecture est expérimenté à Versailles, mais il semble question de le rendre payant pour les villes, alors que ce système économisera des moyens pour l'Etat ! Et que dire du vote électronique : Versailles a souhaité participer à cette nécessaire modernisation ; j'y ai renoncé devant le coût d'achat des machines, soit 5 200 € pour une subvention de l'Etat de 800 €...

Je pourrai poursuivre cette triste énumération par le financement des conservatoires nationaux de région qui, comme leur nom ne l'indique pas du tout, sont pris en charge essentiellement par les villes, par celui des cours de natation scolaire. Bref, pour l'Etat, la décentralisation n'est qu'un concept de communication. Quel sens donner à tout cela si au bout de vingt ans il n'a pas été possible d'atteindre la moindre stabilité ni la moindre lisibilité ? Malgré le label flatteur, l'Etat agit par le fait du prince.

Si donc « autonomie financière des collectivités » il y a, des moyens doivent d'abord permettre de solder le passé. Il faut que les transferts de compétences et cette autonomie financière s'inscrivent dans une véritable vision de ce que doit être la France dans les vingt années à venir. En résumé, pour l'Etat il n'est de richesse que celle des collectivités locales... Cela doit cesser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UDF)

M. Charles de Courson - Voilà un esprit libre !

M. Didier Migaud - Je tenterai de tenir des propos aussi pertinents que ceux de M. Pinte.

Alors que ce projet était très attendu par la représentation nationale, il aura fallu sept mois au Gouvernement pour l'inscrire à notre ordre du jour !

Si nous étions si impatients de l'examiner, c'est parce que les vagues principes ajoutés à l'article 72 de la Constitution ne seront pas applicables tant que la loi organique n'aura pas été adoptée. La réforme constitutionnelle a suscité des espoirs dans la majorité et des craintes dans l'opposition ; avec ce projet, les espoirs sont trahis et les craintes confirmées. Ce débat risque du reste de ne pas servir à grand-chose, le ministre de l'intérieur nous ayant déclaré hier que la définition qu'il donne des ressources propres est la seule politiquement acceptable : les élus doivent être comme les policiers, au garde-à-vous ! Curieuse conception des rapports entre l'Etat et les collectivités locales... Les réactions de nombreux collègues de l'UMP montrent que notre point de vue est largement partagé.

La droite parlementaire a de longue date fait de l'autonomie fiscale - et je dis bien fiscale, et non financière - un principe essentiel. Elle y a encore manifesté son attachement en déposant une proposition de loi au Sénat, cosignée notamment par le Président du Sénat et l'actuel Premier ministre. Son rapporteur en résumait l'esprit en déclarant : « Il n'y a pas d'autonomie locale sans autonomie financière, laquelle doit être assurée à 50 % au moins par des ressources propres, c'est-à-dire des ressources dont les collectivités locales fixent elles-mêmes le montant ». On ne saurait être plus explicite. S'agissant du Premier ministre, on ne saurait davantage se renier.

Cela dit, que signifie l'autonomie fiscale pour une collectivité locale dont le potentiel fiscal ne lui laisse en fait aucune marge de man_uvre dans la fixation des taux, sans parler des contraintes légales et réglementaires relatives à la liaison des taux ? La défense de l'autonomie fiscale est souvent brandie pour s'élever contre des réformes visant à renforcer la péréquation entre les collectivités ou à réduire les injustices de notre fiscalité locale. Le Gouvernement doit indiquer comment il entend traduire concrètement ce principe et le législateur doit pouvoir se prononcer sur la façon dont il pourra se concilier avec celui de l'autonomie financière.

Force est de constater que le Gouvernement, qui a souhaité inscrire dans la Constitution un principe d'autonomie financière, et non fiscale, aux contours flous, ne l'a pas respecté dans le transfert aux départements d'une part du produit de la TIPP en compensation du transfert du RMI. Si ce transfert a néanmoins été validé par le Conseil constitutionnel, en dépit de réserves importantes, ce n'est que parce que la loi organique n'était pas encore en vigueur. Faut-il trouver là l'explication du délai entre le dépôt du projet de loi organique et son inscription à l'ordre du jour ? C'est un pas que je n'hésite pas à franchir. Cette véritable duplicité du Gouvernement tient au fait qu'il y avait pour lui urgence à opérer un premier transfert de déficit aux collectivités locales. Il a en effet transféré une compétence dont les charges progressent plus vite que la recette transférée : en 2003, le produit de la TIPP n'a augmenté que de 1,4 %, quand les dépenses de RMI progressaient de 4,6 % ! Cet écart va contraindre les collectivités locales à augmenter fortement les impôts locaux, mais pour ce gouvernement, ce sera tout bénéfice du point de vue de la présentation des comptes de l'Etat, au détriment du contribuable local, de l'égalité entre les citoyens et entre les territoires, et de la solidarité.

La question se pose donc de la définition des ressources propres. Le Gouvernement ne respecte pas l'esprit du législateur constitutionnel en assimilant hypocritement à une ressource propre une part du produit d'un impôt national. Dans son rapport pour avis sur le projet de loi constitutionnelle, le président de la commission des finances avait écrit que celui-ci posait « les fondements constitutionnels d'une fiscalité locale dont les collectivités maîtriseraient les éléments principaux, plutôt que d'une affectation d'impôts d'Etat, dont les paramètres demeureraient déterminés par celui-ci et dont les modalités de répartition échapperaient à l'échelon territorial ». M. Méhaignerie rappelait opportunément dans ce même rapport ce qu'avait écrit un commentateur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : « Il n'y aurait pas de libre administration si, faute de pouvoir déterminer le taux de l'impôt, une collectivité territoriale ne pouvait arbitrer entre une charge nouvelle entraînant un surcroît d'imposition et le statu quo ».

Avec le transfert d'une part du produit de la TIPP, il s'agit non de transférer du pouvoir fiscal, mais simplement d'instaurer au profit des départements un nouveau prélèvement sur recettes, à l'instar de la dotation globale de fonctionnement. C'est donc à une réduction de l'autonomie financière des départements qu'a conduit l'article 40 de la loi de finances pour 2004. Si vous ne partagez pas ce point de vue, il faut le dire à Pierre Méhaignerie.

La seule définition valable des ressources propres est celle que, ainsi que de nombreux membres de la majorité parlementaire, nous vous proposons dans un amendement : « Les ressources propres des collectivités territoriales sont celles dont les collectivités et leurs groupements fixent librement le montant », ce qui implique le vote des taux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le ministre, sans daigner répondre au fond, a écarté cette proposition, pourtant soutenue par toutes les associations d'élus locaux. Comment le Gouvernement peut-il prétendre avoir raison contre elles toutes ?

En vérité, il n'a pas le choix. Selon toute vraisemblance, il ne pourra pas permettre la modulation, au niveau régional ou départemental, des tarifs ou taux de la taxe sur les conventions d'assurance et de la TIPP, pour des raisons d'ordre juridique dans ce deuxième cas, les règles européennes de la concurrence semblant empêcher de moduler les taux du gazole consommé pour un usage professionnel, et d'ordre technique pour la TCA. Dès 2006, la départementalisation des plaques minéralogiques sera abandonnée et il deviendra impossible de déterminer la localisation d'un véhicule.

Quant à l'intention manifestée par le Gouvernement d'inclure les dégrèvements dans les ressources propres, j'aimerais également savoir le sentiment qu'elle inspire à Pierre Méhaignerie, qui avait, à plusieurs reprises, alerté l'Assemblée nationale sur le caractère déresponsabilisant des dégrèvements de fiscalité locale pris en charge par l'Etat et avait proposé de les plafonner.

Lors de la discussion du projet relatif aux responsabilités locales, le ministre des libertés locales a refusé la déliaison des taux entre impositions locales au motif que la décision de remplacer une part de la taxe professionnelle par un dégrèvement aurait pu inciter les collectivités à augmenter fortement le taux de cet impôt. L'Etat, qui supporte le coût budgétaire du dégrèvement, n'entend en aucun cas se priver des moyens de maîtriser sa progression...

Il est parfaitement incohérent d'assimiler un dégrèvement à une ressource propre et de maintenir en vigueur les mécanismes qui empêchent les collectivités locales d'exercer leurs responsabilités.

En outre, l'existence d'un dégrèvement ne constitue en aucun cas une garantie, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement. L'Etat se borne bien souvent à compenser la perte de recettes correspondant à l'application d'un taux fixé par lui à une assiette sur laquelle la collectivité n'a que peu de prise. Ainsi, le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la TVA donne lieu à un dégrèvement sur la base d'un taux qui a été gelé par le gouvernement d'Alain Juppé en 1995. Même si la collectivité augmente son taux de taxe professionnelle, le produit n'augmentera pas pour ce qui concerne les entreprises qui font l'objet d'un plafonnement. C'est le degré zéro de l'autonomie fiscale. C'est pourtant ce que nous propose le président de la commission.

On le voit, un dégrèvement peut se révéler beaucoup moins avantageux pour les collectivités locales qu'une compensation correctement indexée.

Se pose en outre la question de la part des ressources propres dans les comptes des collectivités locales.

Selon l'article 72-2, alinéa 3, de la Constitution, « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. » Cette imprécision autorise toutes les interprétations. Voici ce que répondait le Gouvernement aux questions des députés socialistes, par la voix du ministre délégué aux libertés locales : « ...« déterminant », cela veut dire « qui donne un sens ». En l'occurrence, il s'agit d'assurer l'autonomie financière des collectivités locales. Il faut que la part des ressources propres soit d'un montant tel qu'elle détermine la liberté des collectivités. » D'un montant tel : nous sommes bien avancés !

Les professeurs François et Yves Luchaire ont tenté, non sans humour, de préciser cette notion. Ils sont parvenus à la conclusion que, dans l'esprit du législateur, le terme retenu signifie que les ressources propres peuvent ne pas être les plus importantes, mais qu'elles ne doivent pas non plus être trop faibles ! (Sourires)

M. René Dosière - Les Shadoks n'auraient pas dit mieux !

M. Didier Migaud - En réalité, la définition donnée par le Gouvernement tient plus de la tautologie que de l'effort volontariste.

Elle est si extensive qu'elle est vidée de toute portée pratique, ce qui aura, pour la péréquation, des conséquences redoutables que notre collègue Jacques Pélissard, a eu le courage de dénoncer. La péréquation peut prendre deux formes : soit la redistribution s'opère entre collectivités d'une même catégorie, des plus aisées vers les moins favorisées, soit elle conduit l'Etat à verser des dotations aux collectivités les plus pauvres. Cette deuxième option est rendue impossible par la fixation d'un taux plancher qui ne neutralise pas les flux verticaux. Ainsi, la péréquation inscrite dans la Constitution est amputée de sa composante la plus importante.

En conclusion, si l'actuelle majorité est tout à fait fondée à critiquer la politique du précédent gouvernement, elle ne peut en revanche pas lui reprocher de n'avoir pas mis en conformité ses actes avec ses projets.

Nous nous sommes engagés, en transformant le pacte de stabilité imposé par le gouvernement Juppé en contrat de croissance négocié, à assurer une progression juste et dynamique des moyens financiers des collectivités locales. Personne ici ne pourra nier que nous y sommes parvenus, mieux en tout cas que ce gouvernement.

La majorité ne peut critiquer l'action du précédent gouvernement sur le fondement de principes qu'elle s'apprête à bafouer.

L'exemple de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle est à cet égard édifiant. Cette réforme s'est fondée sur des objectifs en termes d'emploi. L'opposition de l'époque refusait de prendre en considération cet objectif, s'en tenant à une défense théorique de l'autonomie fiscale.

Que voit-on aujourd'hui ? Vous avez achevé cette réforme, reconnaissant ainsi sa pertinence. Vous avez renoncé à inscrire le principe d'autonomie fiscale dans la Constitution n'en retenant qu'une version dégradée sous l'appellation d'autonomie financière. Demain, la définition hypocrite des ressources propres que vous voulez voter va peut-être vous permettre de faire disparaître la taxe professionnelle qui est la première ressource des collectivités locales. Nous sommes totalement opposés à ce texte hypocrite et trompeur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Je veux remercier l'ensemble des orateurs, avec une mention spéciale pour vos deux rapporteurs, Guy Geoffroy et Gilles Carrez, qui ont accompli un travail remarquable sur un sujet difficile.

Je suis heureux de vous présenter ce texte : il s'agit d'un élément essentiel de l'édifice construit avec loyauté par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour garantir l'autonomie des collectivités locales (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Je vous ai écoutés avec attention et je souhaite apporter des réponses claires et précises à vos interrogations.

Qu'est-ce qu'une ressource propre ?

M. René Dosière - Une ressource fiscale propre !

M. le Ministre délégué - MM. Brard, Balligand, Bonrepaux, Dosière en ont parlé.

M. René Dosière - M. Pinte aussi.

M. le Ministre délégué - En effet. Plusieurs députés me demandent si on peut parler de transfert d'impôts quand les collectivités ne peuvent voter le taux de l'imposition en cause. S'agit-il d'une ressource propre au sens de la Constitution ? Je réponds oui, juridiquement et politiquement.

Au plan juridique, M. Carrez l'a rappelé hier, la notion de « produit des impositions de toutes natures » n'inclut pas nécessairement le vote d'un taux. Le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel n'ont jamais dit autre chose.

Au plan politique, nous sommes à la croisée des chemins. Voici deux ans que nous avons ouvert le chantier de la décentralisation. Cela fait plus de vingt ans que nous nous interrogeons sur la manière de poursuivre la réforme voulue par Pierre Mauroy et par Gaston Defferre. Or, de colloque en colloque, nous butons toujours sur le même problème : comment donner du sens à l'autonomie financière des collectivités, comment accroître la part de leurs ressources propres ?

Je rêve comme vous d'un système pur et parfait (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Mais le système actuel est-il si parfait ? Nous passons notre temps à le critiquer, à trouver dans « les quatre vieilles » l'origine de toutes les difficultés.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas une raison pour faire pire !

M. le Ministre délégué - Ces impositions sont en effet responsables d'inégalités majeures. L'assiette de l'impôt est parfois plus élevée pour des logements sociaux que pour une maison individuelle en centre-ville.

Oui, notre fiscalité locale est inadaptée et notre objectif doit être de la faire évoluer. Mais nous savons aussi qu'en procédant de façon trop brutale, on causerait de telles ruptures de charges que vous-mêmes n'avez pas osé le faire.

On ne peut dire que le partage d'un impôt national équivaut à une dotation.

Nous apportons en effet aux collectivités une ressources évolutive, qui a sa propre dynamique, alors que c'est sur une décision de l'Etat qu'augmente la DGF (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Balligand a évoqué les difficultés européennes. Je ne peux lui laisser dire que la Commission de Bruxelles interdit aux régions de faire varier le taux de la TIPP.

M. Augustin Bonrepaux - Expliquez-nous.

M. le Ministre délégué - Les choses ont évolué : nous avons entrepris des démarches pour que les régions puissent, par dérogation, faire varier les taux de la TIPP. Que ce soit la TIPP pour les régions ou la taxe sur les conventions d'assurance pour les départements, il s'agit de deux impôts pour lesquels il y aura une véritable marge de man_uvre sur les taux.

C'est vrai, il faut être pragmatique, et la perfection n'existe pas. Bien sûr, nous voulons une marge de man_uvre en termes financiers, mais voyez la TIPP dont le rendement varie avec l'activité économique. Nous avons bien là une différence avec les dotations de l'Etat. Vous ne pouvez prétendre, à la fois à l'autonomie financière, et à l'assurance d'un revenu minimum qui augmente chaque année !

Entre 1993 et 2003, le rendement de la TIPP a augmenté de 2,6 % par an.

M. Augustin Bonrepaux - Balladur et Juppé !

M. le Ministre délégué - Autre exemple : le produit de la TIPP a augmenté de 3,1 % au premier trimestre 2004.

M. Jean-Pierre Brard - Parlons-en !

M. le Ministre délégué - La reprise économique, en ce qu'elle relancera la consommation des carburants en France, profitera forcément aux collectivités locales. Je ne peux donc que vous inviter à soutenir la politique économique de ce gouvernement.

S'agissant des dégrèvements, ils consistent à réduire la cotisation fiscale du redevable de l'impôt, mais sans jouer sur la base imposable, ce qui permet de les inclure de fait dans les ressources propres, contrairement aux compensations. C'est pour cette raison que nous avons préféré attendre la fin de la réforme de la taxe professionnelle avant de déterminer l'année adéquate.

Autre question, celle du niveau de la part déterminante garantissant l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Doit-elle être fixée en valeur absolue ?

Si nous fixons une référence avec un taux unique - outre la difficulté de s'accorder sur ce taux si j'en juge par les divers amendements -, on risque de ne plus tenir compte de l'hétérogénéité des niveaux d'autonomie ; aussi avons-nous retenu ce qui me semble être une bonne formule, calculée par rapport à l'année 2003 : 53 % pour les communes et les groupements, 51,6 % pour les départements, 35,5 % pour les régions.

Il faut savoir que la moyenne de l'autonomie fiscale des pays du Conseil de l'Europe est de 25,5 %, la France se plaçant en huitième position.

M. René Dosière - Vous voyez que notre bilan n'est pas si mauvais !

M. le Ministre délégué - Vous ne mesurez pas à quel point je suis consensuel cet après-midi.

M. Jean-Pierre Brard - Faut-il que votre position soit faible !

M. le Ministre délégué - Pourquoi avoir choisi 2003 ? Parce qu'il fallait que le processus de compensation de la taxe professionnelle soit achevé.

Comment ce dispositif s'articulera-t-il avec le principe désormais constitutionnel de péréquation ?

Il s'est engagé hier une sorte de course à l'échalote, pour savoir qui, de la gauche ou de la droite, avait le plus participé au devoir de péréquation.

M. René Dosière - Il n'y a pas photo !

M. le Ministre délégué - C'est tout de même notre gouvernement qui a proposé d'inscrire solennellement dans la Constitution le devoir de péréquation et il faudra que justice nous soit rendue.

M. René Dosière - Mais vous n'avez pas fait grand-chose encore !

M. le Ministre délégué - La péréquation sera un axe fort de la prochaine réforme des dotations prévue pour 2005. Le comité des finances locales y travaille activement, et j'espère que nous pourrons améliorer ce dispositif auquel vous êtes tous attachés.

Enfin, comment allons-nous garantir le maintien de la part déterminante ? Ce projet de loi a défini les conditions dans lesquelles le Gouvernement rend compte au Parlement de l'évolution de la part des ressources propres pour chaque catégorie de collectivités, et les moyens de garantir le niveau atteint en 2003.

Concernant la réduction des écarts à la moyenne, demandée par nombre d'entre vous, le Gouvernement ne pourra disposer de ces données que pour les départements et les régions.

Monsieur Balligand, il faut être clair et précis sur le transfert en fonctionnement, notamment à destination d'une collectivité. Je pense aux personnels TOS. M. Mauroy écrivait à ce propos, dans son rapport, en 2000, que le visage de la France scolaire avait radicalement changé grâce à l'action des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un truisme.

M. le Ministre délégué - « Les collectivités locales ont su agir avec célérité et efficience là où l'Etat avait tardé », ajoute-t-il. « La logique implique maintenant que les 95 000 agents affectés aux tâches d'entretien et de maintenance soient mis à disposition des collectivités territoriales. Les collectivités gèrent et entretiennent ces bâtiments alors que les personnels compétents ne sont pas placés sous leur autorité. » La décentralisation marque notre confiance dans les collectivités.

Monsieur Bouvard, vous avez insisté sur la simplification et sur la péréquation. Je suis prêt à travailler à une meilleure clarté et cohérence, et je m'engage évidemment à donner vie à ce grand principe constitutionnel qu'est la péréquation.

Monsieur Brard, je partage votre émotion. J'ai aussi le souvenir douloureux de ces compétences transférées sans financement, qu'il s'agisse de l'APA, des 35 heures ou des SDIS. Je vais vous rassurer. S'il manque encore une réforme de la fiscalité locale, nous allons y travailler, comme nous travaillons à la réforme des dotations. Cela dit, j'ai vainement attendu des propositions de réforme de votre part sur ce point.

Le principe de péréquation figure désormais dans la Constitution, cela devrait vous rassurer (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Quant aux dotations d'Etat, ce sont tout de même des ressources sûres, à la progression garantie et que les collectivités peuvent utiliser librement. Ce n'est pas rien pour les communes les plus petites, comme l'a fort bien rappelé M. Morel-à-l'Huissier pour la Lozère.

M. Jean-Louis Idiart - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre délégué - Dans dix pays sur quinze de l'Union européenne, les dotations d'Etat représentent entre 35 % et 65 % des ressources locales. Les recettes des Länder allemands proviennent à 51 % de dotations d'Etat et à 18 % de ressources fiscales propres. Personne n'en déduirait pour autant que les Länder ne sont pas autonomes ! Enfin, Monsieur Brard, il est quelque peu contradictoire de regretter que les collectivités n'aient pas davantage de liberté dans la fixation du taux ou de l'assiette des impôts locaux et de dénoncer sans cesse, comme vous le faites par ailleurs, le dumping fiscal auquel se livrent les collectivités.

Pour ce qui est de la constitutionnalité du texte - vous estimez notamment qu'il peut porter atteinte à des droits aussi fondamentaux que le droit au logement ou le droit au travail -, chaque chose en son temps ! Le Conseil constitutionnel, de droit saisi de toute loi organique, se prononcera le moment venu.

Quant à l'évaluation des transferts de charges, dont vous vous êtes inquiété, elle sera conduite de façon permanente et totalement transparente par la commission consultative. Le Parlement pourra par ailleurs en débattre chaque année à l'occasion de l'examen de la loi de finances. Tous les verrous ont été prévus pour garantir la loyauté et la transparence de la réforme.

Vous vous êtes enfin demandé, Monsieur Brard, si les CAF qui assuraient gratuitement la gestion du RMI pour le compte de l'Etat continueraient de le faire demain pour les départements. Vous pouvez être rassuré, un décret du 29 mars 2004 le prévoit expressément.

Si seulement toutes les réponses que je vous ai apportées pouvaient vous amener à voter avec enthousiasme ce texte...

M. Jean-Pierre Brard - Votre enthousiasme, Monsieur le ministre, n'est pas très communicatif !

M. le Ministre délégué - Pourtant, croyez-le, il est sincère !

M. Martin a regretté l'absence préalable de réforme de la fiscalité locale. Sur ce point, je lui réponds, comme à M. Brard, que nous travaillons sur le sujet, mais chaque chose en son temps, et aujourd'hui nous en sommes à cette loi organique. Je regrette seulement que M. Martin, dont l'intervention a été si critique, n'ait pas trouvé le temps de formuler ne serait-ce qu'une seule proposition concrète sur la péréquation ou la sécurité financière des collectivités. Fustigeant le transfert des routes nationales, au coût non évalué, a-t-il dit, il a cité le cas de la RN 21 qui n'a pas connu de travaux depuis vingt ans. Ayant été à la fois préfet et élu d'un département qu'elle traverse, il est bien placé pour en parler. On voit ce que font concrètement les élus locaux, et les électeurs en sont d'ailleurs les meilleurs juges.

M. Henri Emmanuelli - Ces propos sont inadmissibles, surtout de la part de quelqu'un qui a brigué la présidence de l'Ile-de-France.

M. le Président - Les interpellations ne sont pas autorisés par le Règlement.

M. le Ministre délégué - M. Morel-à-l'Huissier a insisté sur l'importance de l'autonomie financière et de la péréquation pour l'avenir des territoires ruraux. L'augmentation de la dotation de solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation, permise par la refonte de l'ensemble des dotations, constitue un progrès majeur pour les petites communes à faibles ressources.

Oui, Monsieur Pélissard, la garantie d'un niveau d'autonomie financière pour les collectivités représente une vraie révolution et une profonde rupture avec ce qui s'est passé sous la précédent législature ou en des temps plus anciens.

Monsieur de Courson, je mesure les divergences qui existent entre nous et ne sais si nous parviendrons à les réduire au cours du débat. Il nous appartient maintenant de prendre des décisions essentielles pour l'avenir de la décentralisation. Il n'est certes pas dispositif parfait, mais celui que nous proposons, qui inscrit le principe de péréquation dans la Constitution et définit l'autonomie financière des collectivités d'une façon exceptionnelle en Europe, ne manque pas d'ambition.

Monsieur Grand, vous avez fait part de vos inquiétudes. Je sais le combat courageux que vous menez au service de vos administrés. Nous sommes tous favorables au développement de l'intercommunalité, mais nous ne devons pas oublier l'exigence d'impartialité. Les structures intercommunales ne sauraient menacer les communes, elles doivent au contraire les conforter dans leur rôle.

Monsieur Pinte, votre plaidoyer a été à la fois brillant et sévère.

M. Jean-Pierre Brard - Il était sincère.

M. le Ministre délégué - J'ai attendu, en vain, un mot d'encouragement. Je reste ouvert à toutes les propositions, en particulier lors de la deuxième lecture du projet relatif aux responsabilités locales ou bien encore en matière d'intercommunalité. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur tous ces sujets. Je parviendrai peut-être alors à vous convaincre de l'avancée que représente ce texte pour les libertés locales et surtout l'efficacité de l'action publique.

Monsieur Migaud, il est bien prévu que les régions pourront voter le taux de la TIPP transférée et les départements celui de la taxe sur les conventions d'assurance... à la condition toutefois que nous obtenions une dérogation de Bruxelles. Il n'y a que les départements qui ne pourront pas fixer librement le taux de la part de TIPP qui leur sera transféré, et ce pour des raisons de complexité que chacun peut aisément comprendre. Il faut parfois savoir choisir entre plusieurs inconvénients. Si nous devions décider que seul le produit d'impôts dont les collectivités pourraient fixer librement le taux pourrait être transféré, nous nous interdirions toute autre étape de décentralisation.

Ecoutant vos propos virulents, parfois presque blessants, j'ai eu le sentiment que vous doutiez du caractère loyal de notre démarche (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Mais enfin la Constitution, cette loi organique, la loi organique relative aux lois de finances, dont vous êtes le père spirituel...

M. René Dosière - Le père réel !

M. le Ministre délégué - Alors, quelles autres garanties vous apporter ? Quels verrous supplémentaires prévoir ?

Comment vous convaincre si ce n'est peut-être en vous citant, encore et toujours, Pierre Mauroy, lequel nous est si utile dans ce débat, aux uns comme aux autres ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) M. Mauroy avait cosigné avec d'autres collègues socialistes un amendement au projet de loi constitutionnel indiquant qu'il n'était pas utile d'inscrire dans la Constitution que les collectivités territoriales peuvent recevoir le produit des impositions de toute nature ni qu'elles peuvent en fixer l'assiette ou le taux. Auparavant, en 2001, il avait déclaré qu'une grande réforme de la décentralisation inspirée de ses propositions ne pourrait que « susciter l'adhésion d'une majorité de Français, aujourd'hui éloignés de la politique. » Il avait aussi regretté qu'une grande réforme des finances locales ne soit pas engagée, mais reconnaissait avoir échoué à convaincre Bercy de transférer des impôts d'Etat. Nous, nous avons réussi à le faire. Pour avoir réussi, Monsieur Migaud, certes avec le concours de collègues d'autres bords comme Gilles Carrez, à faire plier Bercy s'agissant de la LOLF, vous en savez toute la difficulté. Vous devriez donc aujourd'hui nous soutenir.

M. Henri Emmanuelli - Une fois pour toutes, assumez vos turpitudes !

M. le Ministre délégué - Ce serait la preuve qu'il est possible de se retrouver sur des sujets aussi essentiels que l'efficacité de l'action publique ou l'avenir de nos institutions. Nous avons en cet instant une occasion exceptionnelle de dire ensemble que nous franchissons une nouvelle étape pour une meilleure décentralisation, au service de la République et des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement. La discussion des articles va principalement porter sur les ressources destinées à faire face aux charges transférées. Vous nous avez parlé, Monsieur le ministre, de la TIPP, sur laquelle nous disposons de plusieurs rapports fournissant des évaluations. Mais, à plusieurs reprises, on nous a cité aussi la taxe sur les conventions d'assurance. Or, aucun des rapports présentés à l'occasion des discussions sur le RMI et sur les responsabilités locales ne comporte la moindre indication sur le produit de cette taxe.

M. le Président - Est-ce un rappel au Règlement ?

M. Augustin Bonrepaux - Nous devons disposer des informations nécessaires à la discussion qui va s'ouvrir. Quelles sont les bases, quelle est la répartition entre les départements du produit des conventions d'assurance ? Comment faire en sorte qu'il ne soit pas délocalisable ? Quel en est le montant par département par rapport aux charges transférées ? De quelles marges d'évolution disposeront les départements ?

Faute de réponses à ces questions fondamentales, nous aurons l'impression que vous voulez décentraliser sans transférer les ressources correspondantes. Il est indispensable que nous recevions toutes les informations nécessaires avant le début de la discussion, sous peine de devoir demander alors une suspension de séance.

M. le Président - M. Dosière va défendre une motion de renvoi en commission. Le ministre répondra, et nous pourrons ainsi avancer.

M. René Dosière - Mon rappel au Règlement est fondé sur son article 58.

Monsieur le ministre, nous avons cru comprendre que vous mettiez en cause un de nos collègues absents, Philippe Martin, non pas en tant qu'élu, mais en tant que préfet et représentant de l'Etat dans le département qu'il était chargé d'administrer.

Pouvez-vous nous indiquer que telle n'était pas votre pensée, sachant au surplus que Philippe Martin, citant hier François Mitterrand qui plaçait les élus avant le corps préfectoral, a refusé de prendre à sa charge cette dernière appréciation.

M. le Ministre délégué - Monsieur Bonrepaux, j'ai souhaité depuis le début de la discussion faire prévaloir un ton tout à fait dépourvu d'agressivité. Nous ne sommes pas ici dans un de ces débats fortement chargés d'idéologie qui nous conduisent à nous opposer vivement. C'est pourquoi je propose d'éviter les interventions comminatoires, consistant par exemple à dire : « si je n'ai pas tout de suite tel élément chiffré, le débat ne pourra pas se poursuivre ». Je suis à la disposition du Parlement pour lui fournir tout ce que je possède, mais je ne lis pas dans le marc de café. Nous vous ferons connaître le montage des enveloppes globales tout au long du débat.

Mais le projet de loi organique tend à définir des principes en vertu desquels les collectivités locales bénéficieront à l'euro près des ressources correspondant aux charges transférées.

M. Henri Emmanuelli - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre délégué - Votre exclamation n'est pas une démonstration !

Les montants en question vous ont été indiqués à plusieurs reprises. Le volume global de compétences transférées s'élève à 8 milliards pour les départements et à 4 milliards pour les régions. Celles-ci recevront 4 milliards au titre de la TIPP, et les départements 5 milliards d'un côté et 3 de l'autre. Ainsi aux enveloppes fixées correspondront des impôts transférés...

M. Augustin Bonrepaux - Quels impôts ?

M. le Ministre délégué - La TIPP et la taxe sur les conventions d'assurance. Je crois avoir été assez clair.

Monsieur Dosière, n'ayez aucune inquiétude. Je n'ai nullement chercher à blesser M. Philippe Martin. Reconnaissez avec moi que lui-même n'avait guère ménagé le Gouvernement.

Il peut m'arriver d'être assez vif, mais aujourd'hui l'ambiance dans l'hémicycle ne me paraît pas s'y prêter. Nous devons pouvoir débattre avec sérénité.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 10.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission.

M. René Dosière - Les collectivités locales sont un sujet conflictuel et compliqué, qu'il convient d'aborder avec modestie. En effet, selon que l'on est dans la majorité ou dans l'opposition, on voit les choses de façon un peu différente : dans la première, on évoque, parfois avec enthousiasme, les transferts de compétences qui deviennent, quand on est dans la seconde, des transferts de charges...

Les rapporteurs ont retracé l'histoire du transfert des recettes fiscales en dotations, mais je leur rappelle que le premier remonte à 1968, quand on a heureusement remplacé cet impôt indirect injuste qu'était la taxe locale par le VRTS, faisant ainsi passer les recettes fiscales des collectivités de 90 à 60 % de leurs ressources de fonctionnement.

Le fait que je travaille sur ces questions depuis fort longtemps ne me donne nullement le droit de donner des leçons à qui que ce soit et, si j'ai été un peu l'initiateur de mon ami Gilles Carrez aux finances locales, l'élève a désormais sans doute dépassé le maître... C'est donc en égaux que nous parlons de ces questions, auxquelles convient un ton serein que je n'ai pas toujours retrouvé dans le rapport de la commission des lois, dont les excès s'expliquent sans doute par la foi du nouveau converti aux finances locales... Le rapport de M. Carrez est plus mesuré même si le ton de son intervention m'a parfois surpris...

J'espère que ce débat permettra d'enrichir le texte, même si le fait qu'aucun amendement n'ait été adopté, pas même ceux de l'UDF, ne le laisse guère présager.

Bien sûr, comme je n'ai cessé de le dire, le remplacement des impôts locaux par des dotations remettrait en cause l'autonomie financière des collectivités locales.

Dans mon rapport sur le budget de l'intérieur de 1998, j'écrivais déjà : « Faute d'entreprendre la réforme de la fiscalité locale, les gouvernements et les majorités qui se sont succédé se sont constamment bornés à corriger ses imperfections les plus évidentes du point de vue économique et social, en instituant à chaque loi de finances des exonérations et des dégrèvements toujours compensés par l'Etat, ce qui a eu pour effet de faire de celui-ci le premier contribuable local, ou plutôt de substituer le contribuable national au contribuable local pour le paiement, notamment, d'une part de plus en plus importante de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. Le versement de ces sommes peut s'analyser comme une mise sous perfusion des collectivités locales, dont l'Etat contrôlerait l'écoulement ». C'est dire que même lorsqu'on appartient à la majorité, on peut avoir un point de vue critique. A cet égard, je salue l'intervention de notre collègue Pinte.

Pourquoi le remplacement des impôts locaux par des dotations met-elle en cause l'autonomie financière des collectivités ? Parce que la collectivité perd la maîtrise de la recette, et parce que l'Etat contrôle la distribution des dotations. C'est d'ailleurs pourquoi, en 1981-1982, les socialistes avaient dit que lorsqu'ils opéreraient des transferts de compétences, ceux-ci seraient financés pour moitié par des impôts locaux et pour moitié par des dotations. A l'époque, la position de la droite était différente. Le rapport Guichard disait : il faut décentraliser, mais il faut alimenter les collectivités par une dotation. Pour notre part, nous avons tenu à opérer un transfert de recettes fiscales - droits de mutation et vignette.

N'oublions pas le rôle majeur des collectivités locales dans les investissements publics : elles en réalisent 35 milliards d'euros, soit cinq fois plus que l'Etat. Sans elles, nous serions un pays sous-développé en matière d'équipements publics ! Même lorsqu'il s'agit de faire une université, l'Etat est obligé de solliciter les collectivités pour qu'elles financent au moins 50 %, comme je l'ai encore récemment vu à Reims.

Par leurs investissements, donc, les collectivités jouent pour notre économie un rôle moteur, et c'est d'ailleurs la raison qui a amené récemment l'INSEE à corriger le taux de croissance pour 2003. Si elles n'ont pas la maîtrise des recettes fiscales, leurs emprunts vont peser sur l'économie du pays.

Plus important encore, la démocratie locale suppose de maintenir, à travers l'impôt local, le lien entre le contribuable et l'électeur. A chaque fois que l'on a exonéré une catégorie de gens de la taxe d'habitation, par exemple, on a distendu ce lien, ce qui est regrettable. Vous lisez d'ailleurs le rapport Mauroy de manière un peu sélective, Monsieur le ministre, car il insiste beaucoup sur la nécessité de maintenir ce lien. Pierre Mauroy s'était exprimé très clairement en ce sens lors de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. Poncelet, en 2000.

Il ne faut pas pour autant être intégriste et considérer que les ressources fiscales garantissent l'autonomie financière. Certaines collectivités disposent de ressources fiscales très faibles, et leur autonomie financière peut venir davantage d'une DGF en progression régulière : une subvention évolutive peut donner à certaines communes beaucoup plus d'autonomie que la fiscalité locale. Par ailleurs, la libre administration des collectivités n'a pas que des aspects financiers : le fait que l'exécutif ne soit plus le préfet mais que la collectivité soit dirigée par un élu l'a évidemment beaucoup renforcée. Je pourrais citer mon expérience en Picardie. De même, la création d'une fonction publique territoriale en 1984 a été décisive - elle a permis aux collectivités de recruter des personnels qualifiés. La globalisation des subventions va dans le même sens, de même que la libéralisation du régime des emprunts : lorsque vous étiez à la Caisse des dépôts, Monsieur le ministre, vous aviez commis sur le sujet un ouvrage que vous aviez eu l'amabilité de me dédicacer. Nous avions auparavant un système d'emprunts à la soviétique !

Les changements de structure ont également des effets importants : l'intercommunalité permet souvent aux collectivités de retrouver davantage d'autonomie.

Enfin, l'exemple de nos voisins européens montre que parfois, l'autonomie financière réelle peut s'accompagner d'une fiscalité faible et de dotations élevées. Mais la condition est que le niveau des dotations soit fixé dans la Constitution ou résulte d'une négociation nationale entre l'Etat et les collectivités.

Il n'y a pas d'autonomie des collectivités locales quand l'Etat décide tout seul, l'exemple britannique l'a montré. Quand on s'inspire d'exemples étrangers, il faut être prudent. En outre, on a plutôt le sentiment que les pays étrangers s'inspirent de l'exemple français. Monsieur le président de la commission des finances, je vois que vous possédez l'étude de Dexia sur les collectivités locales étrangères. On y découvre que les collectivités françaises ont aujourd'hui le plus haut degré d'autonomie, si bien que l'Espagne, l'Italie, tendent à se rapprocher de notre modèle.

Pour certains, l'autonomie fiscale n'est pas liée à l'autonomie financière. Un certain nombre de mes amis socialistes ont voulu substituer des dotations aux impôts locaux ; pour eux, l'important est que les collectivités aient des ressources, quelle qu'en soit l'origine. Telle n'est pas ma conception, mais je sais que tous ne pensent pas comme moi. Le sénateur Mercier, dans son rapport, explique pourquoi les collectivités locales doivent disposer de ressources fiscales en citant deux motifs tirés de mes rapports budgétaires : la nécessité de permettre à ces collectivités d'investir et celle de maintenir le lien entre l'électeur et le contribuable. Ce lien doit au moins être fort dans la collectivité de base, la commune.

Certes, si on veut maintenir une fiscalité locale, encore faut-il qu'elle soit juste. A la lumière de cette exigence, on comprend mieux les substitutions opérées par les gouvernements de gauche. Nous avions par exemple réduit les droits de mutation régionaux et départementaux. Comme le déclarait au Sénat M. Fréville, « peut-on justifier un impôt inefficace et injuste qui freine la mobilité ? » Pourquoi le contribuable qui change souvent de résidence devrait-il, au cours de sa vie, payer plus d'impôts que celui qui peut demeurer longtemps dans la sienne ? Nous avons donc baissé les droits de mutation pour favoriser la mobilité des travailleurs, encourager les transactions immobilières et relancer le secteur du bâtiment. D'autres ont, plus tard, accordé des exonérations fiscales aux entreprises implantées en zone de revitalisation rurale ou en zone urbaine sensible, ce qui n'était pas forcément injustifié.

On a aussi plafonné la taxe d'habitation, ce qui en a fait pour moitié un impôt national, parce que cette taxe est parfaitement injuste. En la plafonnant, on a soulagé les milieux modestes. Or, votre système va empêcher toute réforme de la taxe d'habitation.

Pour parodier un auteur que j'aime, Charles Péguy, je pourrais dire : tout commence en dégrèvement et finit en compensation...

M. Jean-Pierre Brard - Quelle est la phrase d'origine ?

M. René Dosière - « Tout commence en mystique et finit en politique », c'est dans Notre Jeunesse.

Vous remarquerez que je n'ai pas évoqué les exonérations de taxe professionnelle. Au sein de la précédente majorité, je n'étais pas convaincu qu'il fallait supprimer la part salariale de cette taxe, qui n'a pas tous les défauts qu'on lui prête. Dans mon rapport de 1999, j'indiquais que « la diminution de l'assiette et le remplacement de ce produit fiscal par une dotation ne manqueront pas de peser sur l'avenir de cet impôt. En effet, comment justifier le maintien d'un impôt local qui serait payé à 60 % par l'Etat ? » Je ne pensais pas être devin, mais aujourd'hui, on se propose en effet de supprimer ce qui reste de taxe professionnelle.

J'étais très réservé quand la nouvelle majorité a réduit la base d'imposition des professions libérales. Même si la mesure ne portait que sur 100 millions d'euros, il s'agissait d'un allégement peu différent dans son principe de la suppression de la part salariale.

M. le Rapporteur général - L'objectif était le même : l'emploi.

M. René Dosière - On peut en effet justifier cette mesure. En outre, supprimer un impôt local, c'est toujours positif au plan politique, pour ne pas dire politicien. Mais ce faisant, on accroît les charges de l'Etat à travers la compensation. En 1980, l'Etat prenait à sa charge l'équivalent de 1,75 milliard d'euros. Cette somme est passée à 4,74 milliards en 1986, 6,26 milliards en 1988, 10,79 en 1993, 13,93 en 1997 et 20,7 milliards en 2002. Reconnaissons que, depuis 1980, toutes les majorités ont accru la somme prise en charge par l'Etat. Il y a eu des seuils, en 1986 et en 1993, ainsi qu'une accélération forte en 2000.

Il y a un problème à résoudre en matière de fiscalité locale. Nous n'avions guère eu de succès quand nous avions proposé la taxe départementale sur le revenu. Il s'agissait pourtant d'une réforme fiscale voulue par l'Assemblée, la première depuis 1958. Son échec est tout un symbole. Le groupe socialiste avait pris l'initiative de cette réforme...

M. Jean-Pierre Brard - Que M. Charasse a fait échouer.

M. René Dosière - Il a fallu deux ans et deux fois recourir au 49-3, sous deux Premiers ministres différents, pour avancer. Nous pensions que le Parlement ne servait pas seulement à déplacer les virgules, mais qu'il pouvait prendre l'initiative d'une vraie réforme. Il est vrai que Bercy tient à son domaine réservé...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - Il y avait d'autres raisons.

M. René Dosière - Le conservatisme est présent partout. Mais, j'ai le regret de le constater, la droite s'était opposée à cette tentative de réforme et le Parlement a du mal à reprendre l'initiative.

21 milliards d'euros de fiscalité locale sont payés par le contribuable national ! Eh bien, Alphonse Allais disait qu'il fallait demander tout à l'impôt et rien au contribuable. Mais aujourd'hui, un tiers de la fiscalité locale n'est pas payée par le contribuable local, et les entreprises ne paient que 40 % de la taxe professionnelle, le reste étant à la charge de l'Etat, c'est-à-dire de l'ensemble des contribuables.

M. le Président de la commission des finances - Il reste quand même 21 milliards !

M. René Dosière - Comment le budget de l'Etat a-t-il pu évoluer ainsi ?

En fait, par une subtilité, vous remplacez la fiscalité locale par un impôt partagé. Mais dans les deux cas, c'est Bercy qui contrôle. Jusqu'à présent, l'Etat a su réduire ses recettes fiscales, et baisser les prélèvements. Il en va tout autrement des prélèvements sociaux ! Et la fiscalité locale a régulièrement progressé. Le fait que la CSG ait été affectée à la protection sociale rend plus difficile la création d'un impôt local sur le revenu, en remplacement de la taxe d'habitation. En comité des finances locales, en juillet 2003, M. Lambert a expressément écarté le transfert de la CSG aux collectivités locales.

Le ministre d'Etat, dans son récent show médiatique, a souhaité élaborer avec les collectivités locales et les gestionnaires sociaux un pacte de stabilité interne, sans doute afin de pouvoir maîtriser l'ensemble des prélèvements, mais il faut rester vigilant. Qu'est-ce qu'une recette fiscale? Un impôt partagé entre l'Etat et les collectivités sans que la collectivité ne puisse jouer ni sur l'assiette, ni sur le taux, est-il un impôt ou une dotation ? Pour moi, il n'y a pas d'ambiguïté, et je me suis appuyé sur des déclarations d'hommes politiques, d'experts, ainsi que sur l'expérience de nos voisins.

M. Sergent, en 1991, secrétaire général du conseil des communes et régions d'Europe, affirmait que l'on ne peut classer dans la même catégorie les impôts dont le taux est fixé par l'Etat et le produit reversé aux collectivités locales, et ceux dont le taux est fixé par le pouvoir local.

En 2002, M. Jacques Blanc, chargé du cours de finances locales comparées à l'institut de sciences politiques de Paris, estime que cette technique de partage des grands impôts productifs correspond à un modèle d'extrême dépendance fiscale des collectivités. Quant à la notion d'autonomie financière, il la juge ambivalente, appréciable au regard de la part relative de la fiscalité propre dans le total des ressources, mais il ne doit s'agir que d'impôts strictement locaux, à l'exclusion des dotations versées par l'Etat.

Enfin, M. Loic Levoyer, maître de conférences à l'université de Poitiers, rappelle que la formule des impôts partagés ménage très peu de place à l'autonomie fiscale locale.

En règle générale, pour les juristes de droit public, un impôt partagé n'est pas un impôt local. En revanche, pour les économistes, l'interprétation n'est pas aussi tranchée, mais il importe que les collectivités locales aient une certaine maîtrise sur cet impôt.

C'est pareil au niveau européen. Votre ouvrage, Monsieur le président de la commission des finances, précise qu'ont été considérés comme des transferts financiers les impôts nationaux ou des Etats fédérés, dont le produit est réparti entre l'Etat et plusieurs niveaux de collectivités. Un impôt partagé n'est donc pas un impôt local, mais un transfert financier.

Enfin, M. Alain Delcamp, professeur à l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, atteste que les impôts perçus par les Länder en Allemagne sont en fait un élément du pacte fédéral.

Plusieurs rapports, dont celui du sénateur Patrice Gélard, établissent clairement qu'une ressource dont les collectivités ne peuvent librement déterminer ni le taux ni l'assiette ne peut être tenue pour une ressource propre. M. Jean-Pierre Fourcade ne dit pas autre chose, et M. de Courson nous a fait tout à l'heure une brillante démonstration sur le sujet. D'ailleurs, lors de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales, nous avions voté en commission un amendement précisant que les collectivités devaient fixer librement le taux des impôts qui leur seraient transférés. Alors que le rapporteur souhaitait que l'on attende l'examen de la loi organique, c'est le président Clément lui-même qui avait insisté pour que l'amendement soit voté. Le ministre avait, hélas, réussi à le faire repousser en séance publique.

Un impôt partagé entre l'Etat et les collectivités ne saurait être assimilé qu'à une dotation et ne peut être tenu pour un impôt local. N'essayez pas de transposer dans la France de 2004 le système qui prévalait en Union soviétique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), où les collectivités locales recevaient une part, fixée à Moscou, du produit de l'impôt sur le revenu et n'avaient ainsi aucune liberté dans leur administration !

Un impôt local doit permettre un « retour sur investissement ». Les communes qui, comme Montreuil, cher collègue Brard, ont fait des efforts pour développer leur activité, récoltent aujourd'hui le fruit de cet effort avec un produit fiscal plus élevé. En quoi, demain, le transfert d'une part de TIPP aux collectivités permettra-t-elle de récompenser leurs efforts ? La meilleure solution serait assurément de renoncer à votre définition des ressources propres et d'en trouver une plus respectueuse de l'autonomie des collectivités.

Autre inconvénient de ce texte : il rendra impossible toute réforme ultérieure de la fiscalité locale, de la taxe d'habitation en particulier. Aujourd'hui, près de la moitié des contribuables sont exonérés de cette taxe ou bénéficient d'un plafonnement, de par des décisions relevant de l'Etat et aucunement des collectivités. L'Etat compense la perte de recettes pour les collectivités sous une forme improprement appelée dégrèvement - en fait, il s'agit plutôt d'une subvention. Pour la moitié environ des contribuables, la taxe d'habitation est devenue un impôt national. Ainsi, à Saint-Quentin, dans mon département, 80 % des contribuables sont exonérés ou paient une taxe d'habitation plafonnée. Considérer que ces dégrèvements, qui représentent tout de même 3,5 milliards d'euros au total, font partie des ressources propres des collectivités c'est s'interdire toute réforme de la taxe d'habitation, car elle risquerait de porter atteinte à l'autonomie financière des collectivités et au principe de leur libre administration.

La notion de ressources propres n'a d'ailleurs pas été assez précisément définie dans votre texte. Ainsi le produit des cessions d'immobilisations inscrit en section d'investissement en fait-il partie ? De même, qu'en est-il du fonds de compensation de la TVA ? On peut considérer que c'est une ressource propre dans la mesure où les collectivités en déterminent, indirectement, le niveau puisque celui-ci dépend du volume d'investissements réalisés l'année « n-2 »...

M. le Rapporteur - Mais elles n'en fixent pas le taux !

M. René Dosière - Les recettes du FCTVA sont d'ailleurs si particulières qu'elle sont les seules recettes d'équipement à pouvoir être versées en section de fonctionnement - par exemple, et sous certaines conditions, pour rembourser les intérêts de la dette. A l'évidence, le FCTVA, dont je sais bien que l'Etat aimerait le contrôler, devrait faire partie des ressources propres des collectivités.

Quid enfin du produit des amendes de police ? Il dépend bien de la politique des collectivités puisque des consignes de fermeté peuvent contribuer à l'accroître.

Mme Claude Greff - Bien ! Et maintenant ?

M. René Dosière - Rassurez-vous, Madame, mon temps de parole n'est pas écoulé. Il me reste encore une demi-heure.

Mme Claude Greff - Pour dire quoi ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Écoutez notre collègue, vous apprendrez beaucoup ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Ce n'est pas possible de faire perdre ainsi du temps à notre pays !

M. Henri Emmanuelli - Prenez un calmant !

M. René Dosière - Autre question : cette loi organique peut-elle amener le Conseil constitutionnel à modifier sa position concernant le principe de libre administration des collectivités ? Le juge constitutionnel a, pour l'instant, toujours considéré que, lorsqu'une recette fiscale avait été remplacée par une dotation évolutive, il n'y avait pas atteinte au principe. La nouveauté est que ce texte fixe un seuil plancher, on ignore d'ailleurs lequel. On nous dit que ce sera celui de l'année 2003, mais je m'étonne que le Gouvernement n'ait pas été en mesure de nous en dire plus.

M. le Ministre délégué - Vous savez bien pourquoi !

M. René Dosière - C'est qu'en France tout l'appareil statistique s'occupe de la fiscalité d'Etat. Les collectivités locales passent après, elles peuvent attendre !

En dessous du seuil, le Conseil constitutionnel considèrera naturellement qu'une atteinte a été portée à la libre administration des collectivités locales. Mais lorsqu'une décision aura des conséquences néfastes sur les collectivités sans pour autant conduire à descendre sous le seuil, le Conseil constitutionnel portera une appréciation identique à celle d'aujourd'hui. A quoi bon, alors, avoir passé tant de temps à introduire dans le texte que « la part déterminante est celle qui permet la libre administration des collectivités locales ». Cette tautologie ne change rien.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - Revenir en commission ne servira donc à rien !

M. René Dosière - Je regrette que, pour les régions, vous vous satisfaisiez d'un ratio relativement faible, entre 35 % et 40 %. Je pensais que vous vous souciiez d'améliorer l'autonomie financière des collectivités, comme l'avait déclaré votre prédécesseur M. Devedjian devant le comité des finances locales en juillet 2003. M. de Courson a d'ailleurs déposé un amendement de bon sens tendant à ne pas conserver la référence à l'année 2003 pour l'éternité, mais à retenir chaque année le chiffre obtenu l'année précédente, s'il est en progression.

Le dispositif de correction que vous proposez est tout à fait irréaliste. A vous suivre, il n'existerait que deux manières de rétablir le ratio au-dessus du seuil fixé : soit diminuer les dotations, soit augmenter les recettes fiscales ! Mieux vaudrait renoncer à tout mécanisme de correction. Souvenons-nous des propos du président de la commission des lois au cours du débat sur la révision constitutionnelle.

Mme Claude Greff - Ça devient un peu plus intéressant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. René Dosière - « Il faudrait donc », déclarait M. Clément, « que le Gouvernement réduise brutalement ses dotations ! Ce serait un comble ! » « Fixer un chiffre », ajoutait-il, « n'est pas plus réaliste. Toute constitution qui ôterait de la souplesse risque fort de ne pas être respectée ou bien d'empêcher tout progrès ». M. Clément avait raison.

Mme Claude Greff - Nous atteignons le seuil de saturation !

M. René Dosière - Le seul problème, c'est qu'il semble avoir changé d'avis !

Avant de terminer,...

Mme Claude Greff - Ah ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. René Dosière - ...je présenterai quelques propositions, afin qu'on ne pense pas que je me suis cantonné à la seule critique - encore que critiquer soit le rôle de l'opposition, car en dehors des interventions de nos collègues Pinte et Pélissard, et naturellement de M. de Courson, dont pour le reste on ne sait pas s'il se trouve dans la majorité ou dans l'opposition,...

M. Henri Emmanuelli - Il est bien là où il est !

M. René Dosière - ...les autres orateurs se sont contentés d'approuver tout ce que fait le Gouvernement. C'est pourquoi je vais lui suggérer d'essayer de faire mieux.

Ainsi, pourquoi ne pas déterminer la fiscalité partagée, qui deviendrait alors la fiscalité locale qu'elle n'est pas actuellement, au moyen d'une sorte de commun accord entre l'Etat et les collectivités ? Le Parlement, ensuite, se prononcerait sur le montant ainsi défini.

En second lieu, est-il vraiment nécessaire de traiter de manière identique les différentes catégories de collectivités ?

La façon dont vous entendez restaurer l'autonomie fiscale des collectivités conduit à aggraver les inégalités entre elles. Toute intervention sur les recettes fiscales débouche donc nécessairement sur la péréquation. Or, en ce domaine, vous parlez, mais vous n'agissez pas.

M. le Rapporteur - Cela ne relève pas de la loi organique.

M. René Dosière - Vous pourriez du moins nous faire part de vos intentions. Jusqu'à présent, vous avez supprimé le fonds de péréquation entre les régions, créé par la loi de 1992, pour intégrer son montant - figé - dans la DGF. Comment comptez-vous donc établir la péréquation qui existait entre les collectivités. M. Tiberi, que j'aperçois, se souvient certainement de cette loi de 1991 qui créait la DSU et l'alimentait notamment par un prélèvement sur la commune de Paris. Il n'était pas très enthousiaste, pas plus qu'il n'était satisfait par l'amendement de M. Barrot, alors moins proche de lui qu'aujourd'hui, consistant à aider les départements pauvres en prélevant un peu sur les départements riches - parmi lesquels la ville de Paris.

M. Jean Tiberi - Merci de rappeler que des prélèvements exceptionnels ont alors été opérés !

M. René Dosière - Je rappelle cet exemple de solidarité entre collectivités, dont le RPR, qui y était hostile, avait saisi le Conseil constitutionnel, lequel avait considéré le dispositif comme tout à fait légitime. Au reste, quand vous êtes redevenus majoritaires, vous l'avez maintenu et même un peu amélioré.

M. Jean Tiberi - C'est vrai, mais pour les Parisiens, la ponction a été rude !

M. René Dosière - Il leur reste encore quelques ressources ! Tandis qu'à Saint-Quentin 20 % seulement des foyers acquittent la taxe d'habitation au taux normal, ils sont 90 % à Paris dans ce cas. Vous ne me ferez pas pleurer sur la ville de Paris !

M. Jean Tiberi - Vous mettez en cause le maire actuel !

M. René Dosière - Ma quatrième proposition consiste à supprimer le système de correction quelque peu ubuesque que vous avez imaginé, pour simplement décider que le législateur prendra s'il le faut les mesures nécessaires. Mais prévoir de diminuer les subventions de l'Etat ou de faire augmenter la fiscalité locale, ce n'est pas très sérieux !

Ma dernière proposition, de nature plus structurelle, a trait à l'intercommunalité, qui est la grande absente de ce texte.

M. le Rapporteur - Pas du tout !

M. René Dosière - Le débat au Sénat sur la proposition de M. Poncelet a montré une conception plus progressiste et plus ouverte de l'autonomie financière, qui intégrait cette intercommunalité que la droite a quand même fini par admettre mais qu'elle ne fait rien pour rendre plus démocratique.

J'ai essayé de montrer que notre ambition était plus large que celle de ce texte, que nous étions moins frileux, moins conservateurs. Nous pensons en particulier qu'il faudrait aller plus loin, en réformant ce qui subsiste des « quatre vieilles, au premier rang desquelles le foncier bâti dont les bases n'ont pas varié depuis 1970, et que supportent tous les Français, y compris les habitants des HLM. C'est sur les mêmes bases obsolètes et injustes, que sont calculées la moitié de la taxe d'habitation et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Je sais la difficulté d'avancer en la matière mais cela apparaît désormais indispensable. Or, votre système rendra impossible toute réforme - et j'aurais pu, si j'avais disposé du temps nécessaire (Sourires), faire la même démonstration pour la taxe professionnelle...

« Il y a pire qu'avoir une mauvaise pensée, c'est d'avoir une pensée toute faite », a écrit Péguy. Eh bien, Monsieur le ministre, ayez une pensée ouverte, et modifiez un texte qui risque d'asphyxier les collectivités, ce que nous ne pouvons accepter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - J'ai écouté avec attention cet exposé technique fort riche, portant sur un sujet sur lequel vous avez beaucoup écrit.

Quand on prévoit le principe du partage d'un impôt national sans liberté pour les collectivités locales d'en voter le taux, cela ne signifie pas que c'est l'Etat qui va décider, mais le Parlement.

M. André Chassaigne - Ça ne change rien !

M. le Ministre délégué - Mais si, car le Parlement, d'une part, représente la souveraineté nationale et, d'autre part, peut se composer d'un grand nombre d'élus locaux, que le Sénat a même pour fonction, de par la Constitution, de représenter. Le lien entre le local et le national est donc permanent et c'est heureux car, tous, nous concourrons à l'intérêt national.

Qui plus est, la notion de ressources propres, qui fonde l'autonomie financière - et non uniquement fiscale - des collectivités, va au-delà des seuls impôts partagés.

Je vous remercie d'avoir fait - enfin ! - des propositions. Vous avez regretté que nous ne traitions pas l'intercommunalité, mais c'est pourtant le cas à vingt-quatre reprises. Il est sans doute possible de faire mieux et, je l'ai dit, j'aborde ce débat dans un esprit d'ouverture : si l'Assemblée a des idées, je suis prêt à les étudier d'ici la seconde lecture.

Je récuse l'idée que l'on n'applique pas le même dispositif aux trois catégories de collectivités locales car notre objectif est de simplifier, ainsi que vous le recommandez dans votre ouvrage...

Vous regrettez aussi que l'on ne parle pas plus en détail de la péréquation, mais celui qui m'a appris qu'on ne franchissait qu'une haie après l'autre m'a aussi dit qu'en tentant d'en franchir deux on risquait de tomber (Sourires). Oui, à mélanger les sujets, on risque la confusion.

Mme Claude Greff - Surtout quand on est trop long... (Sourires)

M. le Ministre délégué - Nous reviendrons donc sur ce sujet le moment venu, et le dispositif sera arrêté avant la fin de l'année.

Je suis ouvert aussi en ce qui concerne la fiscalité partagée après concertation préalable : le produit pourrait être décidé chaque année, après consultation d'une instance qui reste à déterminer.

J'invite l'Assemblée à rejeter la motion de renvoi car, après les exposés précis des rapporteurs et une discussion générale très complète, il est temps d'en venir aux articles du projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff - Très bien ! Pas besoin d'une heure et demie pour tout dire...

M. le Rapporteur - Je salue la volonté de M. Dosière de conserver le sens de la mesure comme son appel à la modestie.

Il m'a semblé que la première partie de son propos entrait parfaitement dans la logique du texte, qui vise à dépasser le dogme d'une autonomie financière fondée uniquement sur la fiscalité locale. Dans cet esprit, ce projet est le moins mauvais qui puisse nous être présenté, et la motion de renvoi est donc sans fondement.

Même si le sujet est vaste et intéressant, la Constitution limite les points sur lesquels peut porter cette loi organique. Le premier a trait à l'idée qu'une compétence nouvelle suppose une capacité pérenne de la collectivité à l'assumer. Je fais observer à M. Dosière, comme à tous ceux qui ont évoqué la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre dernier sur le dispositif créant le RMI-RMA, qu'il eût été nécessaire de lire l'intégralité de sa décision, sans omettre le considérant 24 : « Considérant d'autre part que l'article 59 prévoit un mécanisme permettant d'adapter la compensation financière à la charge supplémentaire résultant pour les départements de la création d'un revenu minimum d'activité et de l'augmentation du nombre d'allocataires du RMI par suite de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique, que ce faisant il respecte le principe selon lequel toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagné des ressources déterminées par la loi ». Le Conseil constitutionnel, tout en se refusant d'intervenir au titre de l'article 72-2 de la Constitution en l'absence de la loi organique, a donc jugé que l'exemple était fourni de la totale loyauté du Gouvernement, dont l'objectif est bien de transférer, en même temps que les charges, les ressources qui permettent de les assumer, de manière pérenne et évolutive. C'est nouveau, et même assez révolutionnaire par rapport aux pratiques antérieures.

Autre idée évoquée : il ne pourrait pas y avoir de ressources propres au titre des impositions de toutes natures s'il n'y avait détermination ni de l'assiette, ni du taux. On voudrait nous faire dire que l'article 72-2 a été conçu pour mettre en place un dispositif pervers, permettant, au travers du seul transfert possible, c'est-à-dire de celui d'une fraction d'impôt national, de priver les collectivités territoriales de leur autonomie financière. C'est un mauvais procès. Dans une décision en date du 6 mai 1991, le Conseil constitutionnel écrivait : « Considérant que, dans l'exercice de sa compétence en matière fiscale, le législateur n'est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale la possibilité de déterminer seule le montant de ses impôts locaux... ».

Le problème est de savoir comment nous sortirons de la difficulté liée à la TIPP départementale. Il faudrait que le Gouvernement nous confirme sa disponibilité totale pour un dialogue annuel en vue d'assurer la meilleure répartition possible. Il convient aussi d'explorer l'ensemble des pistes, y compris celle d'une spécialisation croissante des ressources des collectivités, notre attente à tous étant que la capacité d'autonomie financière des collectivités connaisse une véritable amélioration (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Très bien !

M. Michel Diefenbacher - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de M. Dosière, mais j'ai eu plutôt le sentiment d'assister à un cours magistral, qui m'a fait presque regretter de n'avoir jamais été son élève !

M. Jean-Pierre Brard - Il n'est jamais trop tard, monsieur le préfet...

M. Michel Diefenbacher - Mais ici, il n'y a pas un professeur et des élèves, il n'y a que des représentants de la nation, qui sont ici pour prendre des décisions.

Nous avons à donner corps à un principe constitutionnel, l'autonomie financière des collectivités territoriales, posé il y a maintenant plus d'un an et qui ne produira véritablement ses effets que lorsque ses conditions d'application auront été posées par la loi organique, qu'il importe donc d'examiner sans tarder davantage.

Bien sûr, il existe des divergences d'analyse, concernant en particulier la définition des ressources propres ou leur part dans les recettes des collectivités. Mais les débats que nous avons eus en commission et en séance publique montrent très clairement que nous disposons des éléments d'appréciation nécessaires à l'examen des articles. Rien ne justifie donc le renvoi en commission, et le groupe UMP votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - En effet, la démonstration de M. Dosière était magistrale ! Mais elle taillait en pièces l'argumentation du Gouvernement.

M. le Rapporteur général - Non, elle était nuancée !

M. Augustin Bonrepaux - Les arguments juridiques irréfutables que M. Dosière a développés ne vous permettent plus de dire que ce que vous proposez est juridiquement pertinent. Vous allez dire que c'est politiquement acceptable, mais acceptable pour qui ? Pour l'Etat, qui va se défausser sur les collectivités locales !

Monsieur le rapporteur, je regrette que les propositions qui viennent d'être faites ne l'aient pas été plus tôt ! Avant que la discussion des articles ne s'engage, il faudrait quand même que nous ayons certaines précisions. Monsieur le ministre, comment les conventions d'assurance dont vous ne cessez de nous parler pourront-elle être imputées à tel ou tel département ? Que se passera-t-il après le changement - prévu - des plaques minéralogiques des voitures ? Et quid des résidences secondaires : nous savons bien qu'elles sont souvent regroupées en un même contrat avec la résidence principale ! Nous aurions vraiment besoin d'éclaircissements, et cela justifie le renvoi en commission.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Charles de Courson - M. Dosière s'est exprimé sur un ton différent de celui qu'avaient employé ses collègues avant lui. C'est un homme plus équilibré, qui s'intéresse à ces questions depuis longtemps et qui évite les propos excessifs. J'ai constaté, en outre, qu'il partage l'analyse du groupe UDF sur les ressources propres.

Monsieur le ministre délégué, il n'y a pas en France d'impôts partagés : cela impliquerait une négociation qui n'existe pas dans notre pays, où le Parlement seul décide en matière d'impôts nationaux.

Par ailleurs, vous nous renvoyez au deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, mais notre débat porte plutôt sur le troisième alinéa, dans lequel il n'est pas question de « ressources propres », mais de « recettes fiscales ».

J'ajoute que le Conseil constitutionnel n'a pas tranché. Il nous a simplement incités à jouer notre rôle de législateur. Vous prenez donc un risque.

Tout le monde reconnaît que notre fiscalité locale est obsolète. Cependant, monsieur le ministre, vous n'allez pas au bout de votre pensée. Quand on vous demande quels sont les impôts qui pourraient être transférés. Vous nous répondez : la TIPP et la taxe sur les contrats d'assurance. Or la TIPP sur le gazole ne peut être transférée ni modulée, une lettre de la Commission européenne l'indique clairement. Il ne reste donc que la TIPP sur l'essence, à condition de recueillir l'unanimité au sein du Conseil des ministres européen...

De toute façon, personne ne peut prétendre qu'il existe une assiette locale de la TIPP sur l'essence, payée à la sortie des raffineries. Le bordereau de sortie ne permettra pas de localiser la taxation.

Il en ira de même de la taxe sur les contrats d'assurance. Supposons que vous assuriez un studio à Paris et un logement dans votre circonscription : vous ne souscrirez qu'une seule police d'assurance. Il va donc falloir demander aux assureurs de faire le calcul, pour chaque contrat, de la part concernant chaque département, puis de la taxe compte tenu des différences de taux. Surtout, chacun peut s'assurer au Luxembourg, en Belgique, en Allemagne : dans ce cas, il n'y a plus d'assiette !

M. Henri Emmanuelli - Monsieur le ministre délégué, vous êtes un casseur d'assiette ! (Sourires)

M. Charles de Courson - On nous dit qu'il y a une différence entre une part d'impôt national et une dotation. Tout dépend du dispositif d'indexation de la dotation, comparé à l'évolution de l'assiette de l'impôt. Si vous transférez la TIPP sur l'essence, c'est moins intéressant qu'une dotation. Si vous transférez une part de l'impôt sur le revenu, c'est plus intéressant. En tout cas, cela n'apporte aucune sorte de garantie.

Le groupe UDF, toutefois, attend toujours de connaître la position du Gouvernement sur son sous-amendement. Il ne prendra donc pas part au vote sur la motion de renvoi.

M. André Chassaigne - Ce texte apporte-t-il des réponses claires au problème de l'autonomie financière des collectivités locales ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; « Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) M. Dosière a montré que des questions essentielles demeuraient sans réponse, ce qui justifie selon nous le renvoi en commission. Il a notamment insisté sur la nécessité de maintenir le lien entre les ressources des collectivités et le contribuable local. Une discussion de fond est nécessaire en commission, d'autant qu'aucune réponse ne nous a été faite, ni par le Gouvernement ni par la commission, sur l'importance des transferts pris en charge par l'Etat. Que 21 milliards d'euros soient payés par lui aux collectivités locales constitue tout de même un problème. L'impôt partagé n'est pas un impôt local, mais tout simplement un transfert financier.

La démonstration est faite que ce texte nous mène dans une impasse. Nous devons réfléchir à un dispositif plus respectueux des collectivités locales. C'est pourquoi nous voterons cette motion de renvoi.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

A la majorité de 48 voix contre 16 sur 64 votants et 64 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement ! Je souhaite connaître la suite du déroulement de nos travaux. Nous avons quatre articles et quelque 150 amendements à examiner. Nous ne souhaitons pas retarder le débat (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), et nous n'avons d'ailleurs pas demandé de suspension. Nous souhaitons légiférer de manière constructive.

S'il apparaît que nous ne pouvons terminer l'examen du texte avant 2 heures ou 2 heures 30 du matin, nous demanderons que la fin de la discussion soit renvoyée à lundi.

Par ailleurs, il est impossible d'aborder les articles sans quelques éclaircissements, notamment sur les conventions d'assurance et sur les propositions très constructives du rapporteur - sinon tout de suite, du moins au début de la séance du soir.

M. le Président -.Nous allons aborder l'article premier, et je lèverai la séance après que nous aurons entendu les inscrits et examiné l'amendement 145.

M. le Ministre délégué - Beaucoup a déjà été dit, de nombreux points essentiels seront abordés au travers des amendements, et je vous apporterai toutes les réponses dont je dispose. Pour la bonne organisation de nos travaux, il serait préférable de terminer ce soir, d'autant plus que nous sommes tous là, et que les députés ont des obligations dans leurs circonscriptions le lundi.

Enfin, Monsieur Bonrepaux, je vous sais favorable, comme le rapporteur, à certaines ouvertures. Je le suis aussi, mais ne me demandez pas de trancher ce soir. Il y aura deux lectures dans chaque assemblée, ce qui nous laisse tout le temps de trouver les meilleures solutions, sans a priori idéologique ou autre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. René Dosière - Ne serait-il pas préférable de ne commencer les articles que ce soir, quitte à ouvrir la séance plus tôt.

M. le Président - Respectons plutôt le déroulement prévu de la séance. J'appelle donc les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. Christophe Payet - Cet article, tel qu'il est rédigé, risque de compromettre le développement encore fragile des départements d'outre-mer, plus dépendants encore des dotations de l'Etat que les départements métropolitains, du fait de la faiblesse de leur potentiel fiscal.

Prenons l'exemple d'une commune de 10 000 habitants. A la Réunion, la part de la fiscalité locale dans ses recettes est trois fois inférieure en moyenne à ce qu'elle est en métropole, en raison de notre niveau de développement : notre PIB par habitant est deux fois moindre qu'en métropole. L'inclusion des DOM dans la même catégorie juridique que les départements métropolitains sera très pénalisante, comme la commission l'a elle-même reconnu dans son rapport.

De plus, alors que l'ensemble des régions d'outre-mer militent auprès des instances européennes pour une consolidation de leur statut de régions ultra-périphériques, ne pas prendre en compte nos spécificités serait un mauvais signal envoyé à Bruxelles.

Enfin, les règles retenues pour la compensation des charges nouvelles découlant des transferts de compétences sont également pénalisantes, en ce qu'elles ne tiennent compte ni de nos retards structurels ni de notre dynamique démographique. Retenant le seul critère du niveau des dépenses antérieurement constatées, la réforme aggravera nos retards en équipements et en personnels.

Pour ces raisons, j'invite l'Assemblée à voter l'amendement que présentera tout à l'heure M. Dosière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Un problème a été soulevé en commission : les syndicats mixtes qui regroupent à la fois des départements et des communes. Allez-vous les sortir du calcul ?

M. le Ministre délégué - Je répondrai tout à l'heure sur ce point.

M. le rapporteur général - Le nombre de ces structures étant très réduit, il serait sage de les exclure du calcul, ce qui ne devrait d'ailleurs pas changer grand-chose au résultat.

M. René Dosière - Regrouper en une seule catégorie l'ensemble des communes, alors que leurs ressources comme leurs besoins sont très variables, n'a aucun sens. Aussi l'amendement 145 tend-il à distinguer entre les communes de moins de 10 000 habitants et celles de plus de 10 000. Cette distinction est d'ailleurs habituelle au ministère de l'intérieur, qui publie chaque année des statistiques relatives aux communes de moins de 10 000 habitants, d'une part, de plus de 10 000 habitants, d'autre part. Pourquoi le ministère des finances ne ferait-il pas le même distinguo ?

M. le Rapporteur - Il s'agit ici de mettre en _uvre l'article 72-2 de la Constitution, lequel ne connaît que trois catégories de collectivités, à l'exclusion de toute sous-catégorie. En outre, le seuil que vous proposez a peut-être sa pertinence mais, comme tout seuil, il est arbitraire. J'y suis donc défavorable.

M. le Ministre délégué - Cet amendement dénaturerait l'esprit même dans lequel nous avons élaboré la loi organique et qui est de simplifier. L'institution d'un seuil, contraire aux logiques de solidarité et de péréquation, créerait de nouvelles oppositions entre collectivités. Ensuite, comme l'a souligné le rapporteur, la Constitution ne distingue pas de sous-catégories au sein des différentes catégories de collectivités. Enfin, pourquoi fixer le seuil à 10 000 habitants, et pas à 5 000 ou à 20 000 ? Tout seuil a des effets pervers. Pour toutes ces raisons, j'invite l'Assemblée à repousser cet amendement.

M. René Dosière - Pourquoi 10 000 habitants ? Tout simplement parce que votre ministère publie régulièrement des statistiques reprenant cette distinction...

M. le Ministre délégué - Il faut distinguer le mode d'élaboration des informations statistiques du ministère de celui des ratios, qui doivent conserver une cohérence d'ensemble.

L'amendement 145, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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