Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 97ème jour de séance, 239ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 2 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      DROIT DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 2

      ARTICLE PREMIER (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 3 JUIN 2004 12

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DROIT DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Daniel Paul - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Mme Jacquaint a demandé cet après-midi que votre projet soit renvoyé en commission, ce qui la majorité a refusé. Or, ce soir, entre 21 heures et 21 heures 40, ce sont 82 amendements que nous avons examinés en commission ! Et il ne s'agissait pas d'amendements de coordination ! Faites le calcul : trente secondes par amendement, dont certains comptent deux ou trois pages, sans parler de la longueur des exposés des motifs ! C'est dire leur complexité !

Deux ans de travail avec Mme Boisseau, deux mois supplémentaires du fait du changement de gouvernement, pour en arriver à ce travail bâclé, méprisant pour l'Assemblée et les associations représentatives. J'aimerais bien savoir comment a été menée la concertation avec ces dernières pour en arriver là !

Vous prétendez faire adopter une loi à la hussarde, qui touche six millions de personnes, sans concertation, et en revenant sur des dispositions précédemment votées par la commission. Ce n'est pas sérieux, et nous voulions le signaler par ce rappel car notre règlement dispose tout de même que les textes doivent avoir été étudiés avant leur passage en séance, aussi bien sur le terrain, qu'en commission pour que chacun puisse se forger une opinion. Or, je suis incapable de savoir ce que disent ces amendements qui ont pourtant pour objet de définir les barrières d'âge dont nous débattions tout à l'heure ou la compensation, autant de sujets cruciaux pour les associations concernées.

Mme Hélène Mignon - Le groupe socialiste s'associe aux propos de M. Paul.

M. Pascal Terrasse - C'est du jamais vu !

Mme Hélène Mignon - La commission s'est réunie trois fois aujourd'hui, alors que ce n'était pas prévu, pour nous présenter des amendements à une vitesse telle que nous n'avions pas même le temps de les lire ! C'est du mépris pour le Parlement, mais surtout pour les associations et pour toutes les personnes qui souffrent dans ce pays. Je m'étonne aussi du manque de coordination que cette méthode de travail révèle entre le travail du Gouvernement et celui de la commission, car nombre d'amendements proposés par le Gouvernement avaient déjà été adoptés par la commission !

Ce n'est pas une manière de travailler et je demande cinq minutes de suspension de séance.

Mme Muguette Jacquaint - C'est une demi-heure qu'il aurait fallu demander, pour qu'on ait le temps d'examiner les amendements!

La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 22 heures 05.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - L'amendement 841 est de coordination rédactionnelle.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - La création d'un titre premier, assorti d'un titre additionnel avant le titre II, rend cet amendement inutile. J'en demande le retrait.

M. le Rapporteur - Dans ces conditions, je le retire.

Mme Christine Boutin - J'ai déjà exposé les raisons pour lesquelles il faut une véritable définition du handicap. Mon amendement 799 précise qu'il s'agit de « la confrontation entre une personne ayant des limitations fonctionnelles et la réalité d'un environnement physique, social et culturel. »

Mme Martine Billard - Notre amendement 717 substitue la notion de « situation de handicap », défendue sur tous les bancs, à celle de personne handicapée.

Mme Hélène Mignon - Par notre amendement 674, nous introduisons également cette notion de situation de handicap qui est la formulation de l'OMS et que la France a reconnue en 2000.

M. le Rapporteur - L'amendement 96 place au centre de la définition la personne handicapée. Le véritable handicap ne peut être assimilé à une situation, sinon les 60 millions de Français pourraient se trouver un jour en situation de handicap (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). On imagine ce qu'il en résulterait pour la compensation. Mais la commission a bien reconnu tous les types de handicaps, y compris le polyhandicap et celui causé par une altération cognitive, ce qui englobe l'autisme. Je pense que son amendement sera complété par celui du Gouvernement.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 874 prend en compte l'environnement de la personne handicapée. Nous voulons ainsi tenir compte des différentes formes de handicap, y compris le polyhandicap, comme le demandent les associations, et non une situation de handicap. L'OMS ne préconise d'ailleurs pas précisément de retenir cette dernière notion, et la législation de pays qui sont en avance sur nous dans ce domaine ne la mentionne pas.

Mme Martine David - Vous faites fi des associations !

M. Pascal Terrasse - Ces propos relèvent de la confusion, voire de la mystification, et même de la régression. On affirme que le handicap est consubstantiel à la personne, alors que les travaux scientifiques attestent qu'il s'agit d'une déficience à prendre en compte dans un environnement. La France doit d'ailleurs traduire en droit français cet élément reconnu au niveau européen. Une personne handicapée est quelqu'un qui est en situation de handicap devant un obstacle, quelle que soit sa nature. Ne pas le dire dans l'article premier, c'est s'interdire toute avancée, alors que toutes les associations le demandent. Ce texte ne sera qu'un rafistolage de la loi de 1975.

Mme Hélène Mignon - En outre, l'amendement du Gouvernement mentionne de façon restrictive l'environnement proche de chaque individu. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de son environnement global.

M. Daniel Paul - Dans une excellente intervention, Mme Marland-Militello nous a tous fait réfléchir sur la situation de handicap. Lors de la conférence d'Ottawa en 1986, l'OMS a défini la santé comme la capacité pour tout être humain de réaliser ses ambitions, de satisfaire ses besoins et de s'adapter à son environnement, ce qui englobe un logement décent et le droit à l'éducation notamment. La recommandation 1185 de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a défini le handicap comme une limitation née d'une confrontation à des obstacles de différentes natures qui empêchent la personne handicapée de participer à la société. On ne peut s'en tenir à une définition médicale, trop centrée sur l'individu. Il convient donc de reprendre la conception dynamique de l'OMS, qui oblige le législateur à agir sur l'environnement, et n'exclut aucune forme de handicap.

Le principe de compensation qui en découle doit donc s'appliquer quels que soient l'âge de la personne et le degré d'altération de ses fonctions. Par conséquent, nous ne comprenons pas très bien. Ou peut-être comprenons-nous trop bien : tel un cheval devant l'obstacle, vous vous cabrez et refusez de le franchir parce que votre conception même des rapports entre handicap et société vous en empêche.

M. Jean-Pierre Decool - Par l'amendement 356 je souhaite que soit explicitement mentionné le polyhandicap, qui n'a pas à ce jour de définition législative.

M. Jacques Domergue - L'amendement 340 de M. Morel-A-L'Huissier a le même objet. Il s'agit de reconnaître les personnes polyhandicapées, qui cumulent différentes altérations d'ordre physique, sensoriel, mental ou sanitaire.

M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement 874 du Gouvernement. Il donne une définition du handicap qui en couvre toutes les formes, faisant état de l'altération substantielle, durable ou définitive, d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap - MM. Domergue et Decool noteront que le polyhandicap est mentionné - ou d'un trouble de santé invalidant.

Cet amendement satisfait la commission, mais aussi votre rapporteur, qui a toujours eu le souci de voir pris en compte le polyhandicap. Je rappelle que celui-ci n'est pas un multihandicap, l'addition de plusieurs handicaps cumulés, mais la situation d'une personne incapable de se gérer et qui a besoin d'aide à tout instant. Jusqu'à ce texte il n'y avait pas de reconnaissance législative de cet état ; il faut se féliciter qu'il en trouve une. Il faut se féliciter également que la rédaction proposée permette d'intégrer les altérations cognitives et les personnes atteintes d'autisme.

La commission a repoussé l'amendement 356, et je suis également défavorable, à titre personnel, au 340, parce qu'ils sont satisfaits par l'amendement du Gouvernement. Quant à l'amendement 96, je le retire. Enfin, la commission a repoussé les amendements 799, 717, 674 et 627.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Je tiens à préciser notre position, que M. Paul a tort de percevoir comme une vision strictement médicale. Notre texte répond au souhait des associations de voir prise en considération la spécificité de ceux dont elles se font les porte-parole. Il prend en compte toute la mesure dans laquelle l'environnement pèse sur la situation des personnes handicapées, puisque nous écrivons : « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne », etc. Si, du reste, on relit les textes de l'OMS, la résolution de 1993 de l'ONU ou la déclaration de Madrid de 2003, on constate que ces documents n'imposent aucune contrainte d'appellation, mais laissent toute liberté en la matière. Ce qui importe est d'affronter la réalité du handicap, ce qui passe par la reconnaissance de la diversité de ses formes : d'où notre formulation.

M. Pascal Terrasse - Cette réponse ne nous satisfait pas. C'est à croire que nous ne rencontrons pas les mêmes associations. Ou bien ce texte n'a pas été discuté avec elles, ou bien ce travail n'a pas abouti. Mme la ministre propose une vision étriquée, qui se cantonne à une approche sanitaire et médicale (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP). Selon nous, il faut intégrer dans la définition du handicap tous les éléments relatifs à l'environnement de la personne, comme on l'a fait au sujet de la dépendance des personnes âgées. La définition qu'on nous propose est en réalité une régression par rapport à ce qui existe (Mêmes mouvements). D'autre part, les personnes polyhandicapées sont intégrées dans la définition générale du Gouvernement, alors que les associations souhaitaient voir reconnue la spécificité du polyhandicap. C'est pour nous une seconde raison de nous opposer à cet amendement.

Mme Christine Boutin - Je vais retirer mon amendement, je le dis clairement, par solidarité avec le Gouvernement - même si on me sait peu coutumière de ce genre de souplesse. Mais je maintiens qu'il y a entre mon amendement et celui du Gouvernement une véritable différence d'approche culturelle, et que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Je le regrette et je suis convaincue que, bien avant trente ans, nous aurons une autre vision et une autre loi, et que nous ne percevrons plus la personne handicapée en la stigmatisant par rapport à l'ensemble de la population, mais en la voyant comme partie intégrante de cette population. Car ne sommes-nous pas tous - je souhaite que nous en prenions conscience - des handicapés les uns pour les autres ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - Je reprends l'amendement de Mme Boutin. Je ne comprends pas l'obstination de Mme la ministre à maintenir une définition du handicap peu différente de celle des années 1975. Nous avons pourtant eu un débat très riche en vue de parvenir à une définition moderne et progressiste du handicap. Votre amendement, Madame la ministre, ne répond pas, quoi que vous en disiez, aux aspirations des associations. Il faudrait en outre voir de plus près ce qu'impliquent exactement les textes de l'OMS - mais pour cela il faudrait que nous cessions de travailler dans la précipitation comme tout à l'heure en commission...

Notre amendement 375 consacre un définition large du handicap, qui n'est pas limitée en fonction de l'âge ni de l'origine des perturbations. Il en résulte que le principe de compensation doit s'appliquer à tout âge et à tout degré d'altération des fonctions de la personne. En effet, la définition du handicap que l'on retient n'est pas sans conséquences sur l'application du principe de compensation.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Ce que dit Mme Jacquaint est important. L'histoire de la construction des politiques du handicap montre que c'est faute d'avoir précisément défini cette notion, et notamment d'avoir précisé que la situation de handicap échappait à tout critère d'âge, qu'ont été menées des politiques inadéquates. En refusant de lever cette ambiguïté, Madame la ministre, vous entretenez cette confusion et méconnaissez la demande des associations. Souvenez-vous que la même erreur avait été commise à propos de la prestation spéciale dépendance.

Les amendements 799, 717, 674 et 627, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 96 est retiré.

L'amendement 874, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 356, 340, 375, 640, 641 et 376 tombent.

Mme Martine Billard - L'amendement 718 tend à préciser et à compléter les droits élémentaires de la personne en situation de handicap, en commençant par souligner l'obligation de prévention et de dépistage du handicap, préalable à l'existence de ces droits. Mais sa rédaction tend aussi à éviter toute discrimination et, par là, à garantir que les citoyens en situation de handicap se voient reconnaître l'ensemble des droits constitutionnels, en tout temps et en tous lieux. Enfin, l'amendement précise que l'Etat est garant de l'égalité de traitement des personnes en situation de handicap sur l'ensemble du territoire : on ne comprendrait pas que les dispositions de l'article L. 141-2 du code du travail relative à la garantie du pouvoir d'achat des salariés aux rémunérations les plus faibles ne s'appliquât pas à ces citoyens comme les autres, ce qui les empêcherait de fait de bénéficier d'un revenu décent ou de ressources suffisantes. En résumé, l'amendement exprime l'idée que l'Etat doit garantir un accès aux droits égal pour tous et non consentir une faveur à une personne qui est handicapée. Là est bien le débat de fond.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car l'amendement 97 de la commission est plus précis.

Mme Martine David - Mais il ne s'agit pas de la même chose !

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement préfère l'amendement 97 à l'amendement 718.

M. Pascal Terrasse - Comment prétendre que les deux amendements vont dans le même sens ? Si Mme Billard a pris soin de préciser, dans l'amendement 718, que l'Etat est le garant de l'égalité de traitement des personnes en situation de handicap sur l'ensemble du territoire, c'est que l'on ne connaît que trop les criantes inégalités territoriales en cette matière. L'amendement 718 souligne la nécessité de droits universels, ce que ne fait pas l'amendement de la commission, dont je déplore la rédaction restrictive.

Mme Martine Billard - Contrairement à ce que suggèrent le rapporteur et la ministre, il y a une différence de fond entre les deux amendements, car celui du Gouvernement place d'emblée les personnes en situation de handicap hors la collectivité nationale en mettant en exergue le droit à la solidarité nationale... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) alors que l'amendement 718 expose que les mêmes droits valent pour tous (Mêmes mouvements).

L'amendement 718, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 97 la commission s'attache à garantir aux personnes handicapées le plein exercice de la citoyenneté. D'autre part, il apaisera les appréhensions éventuelles en précisant, comme le souhaite Mme Billard, que l'Etat est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire. Mais sa rédaction est encore perfectible, et je ne verrais pas d'inconvénient à ce que le dernier membre de phrase soit modifié.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est ce que vous propose le Gouvernement, qui est favorable à l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement 876, qui en élargit le champ.

Mme Martine Billard - La citoyenneté doit notamment s'exercer lors des opérations électorales, et des dispositions doivent être prises à cette fin. C'est l'objet du sous-amendement 918.

M. le Rapporteur - Ce sous-amendement n'a pas sa place à l'article premier. Si Mme Billard en est d'accord, nous en débattrons ultérieurement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Comme votre rapporteur, je pense que le sous-amendement a plutôt sa place au titre VI.

M. Pascal Terrasse - Le sous-amendement du Gouvernement n'apporte rien et, surtout, ne garantit rien. Or, qui, parmi nous, ignore l'écart entre les crédits votés et la dépense réelle ? De grands principes ont beau être énoncés, les sommes débloquées sont très en deçà de ce que voulait le législateur. La définition que vous avez retenue, Madame la ministre, est très dangereuse en ce qu'elle aura pour conséquence de perpétuer, sinon d'aggraver les inégalités locales.

Le sous-amendement 918, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 876, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 97, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 578, 676, 54, 16, 56, 675, 719, 8, 357, 678, 20, 52, 673, 813, 53, 18, 480, 720, 494, 579, 533 et 672 tombent.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 869 est de conséquence, pour tenir compte de l'insertion de la définition du droit à compensation au titre II.

L'amendement 869, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Cet amendement fait tomber les vingt amendements suivants.

M. Yvan Lachaud - L'amendement 341 concerne les personnes polyhandicapées, qui ont besoin d'un accompagnement tout au long de leur vie.

M. le Président - L'amendement 642 est identique.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ces amendements sont déjà satisfaits.

Les amendements 341 et 642, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Le principe de non-discrimination impose de garantir aux personnes en situation de handicap l'entière ouverture des institutions. Tous les environnements ordinaires de travail, de scolarité et de vie doivent faire l'objet des adaptations nécessaires. Tel est le sens de notre amendement 378, qui permet de réaffirmer notre conception du handicap.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le fait d'avoir reconnu la pleine citoyenneté à la personne handicapée rend cet amendement inutile.

L'amendement 378, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yvan Lachaud - L'amendement 342 tend à prévenir la constitution de deux catégories de personnes handicapées et à reconnaître la vocation de compensation du handicap des établissements sociaux et médico-sociaux. Un texte réglementaire devra définir les conditions techniques de fonctionnement des maisons d'accueil spécialisées et des foyers d'accueil médicalisés, qui leur permettront de remplir leur mission avec l'ambition éthique et les moyens techniques que les personnes handicapées attendent et méritent.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Pourtant, quel bon amendement !

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Ce type de dispositions relève des décrets d'application de la loi rénovant l'action sociale.

M. Pascal Terrasse - Justement ! Etant un des artisans de cette loi, je sais qu'un grand nombre de décrets ne sont pas publiés. Cet amendement ne renvoie pas à un décret, mais à un acte de type réglementaire tel qu'une circulaire. Il pose donc un véritable problème, mais la ministre devra nous dire, au cours du débat, ce qu'elle entend décentraliser dans le financement des MAS et des FAM : restera-t-il assumé en partie par l'assurance maladie et en partie par le département, ou la totalité sera-t-elle dévolue aux collectivités territoriales ? Et j'insiste pour que les nombreux autres décrets d'application de la loi du 2 janvier 2002 soient pris, qui touchent par exemple au Conseil national de l'évaluation, aux lieux de vie ou à l'accueil temporaire.

L'amendement 342, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 875 supprime un paragraphe. Il tire la conséquence de la création d'un titre nouveau sur la recherche, la prévention et l'accès aux soins.

M. le Rapporteur - Avis favorable. On ne peut que se réjouir de la création d'un titre nouveau sur la recherche.

M. Pascal Terrasse - Il est surprenant qu'un titre spécifique soit créé, en plein débat, à propos de la recherche médicale et du dépistage précoce. C'était un des manques de ce projet, mais je regrette qu'il soit comblé sans un travail préalable et approfondi avec les associations et l'ensemble du champ médico-social. Nous nous réjouissons toutefois de ce qui semble être une avancée, en attendant d'examiner ce titre nouveau dans le détail.

L'amendement 875, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Cet amendement fait tomber les amendements suivants, jusqu'au 21 (Protestations sur plusieurs bancs).

M. Pascal Terrasse - Quelle confusion !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le renvoi en commission était justifié !

Mme Christine Boutin - Les amendements nouveaux sont arrivés à une telle vitesse qu'on n'a même pas le temps de se rendre compte de ceux qui tombent ! Votre excellente présidence n'est pas en cause, Monsieur le président (Applaudissements sur tous les bancs), mais il est très difficile de suivre. Les amendements du Gouvernement, que nous soutenons naturellement, font tomber nos amendements et nous n'avons même pas le temps de prendre la parole pour défendre des idées pourtant intéressantes.

M. le Président - Je vous remercie de vos propos très aimables. La présidence de séance n'est, par tradition, pas contestable, et encore moins dans le cas présent... (Sourires).

M. Yvan Lachaud - La commission avait déjà procédé exactement de même, en acceptant des amendements qui faisaient tomber les nôtres. Ce procédé est aussi frustrant pour la représentation nationale que nuisible au débat.

M. Daniel Paul - A la dernière réunion de la commission, qui a duré quarante minutes, sont arrivés des amendements que nous n'avons pas eu le temps d'examiner, qui sont importants - qu'on soit pour ou contre - et qui s'intercalent dans les listes d'amendements dont nous disposions. Nous nous devons de mener un travail correct, par respect pour ce lieu et pour les personnes que nous représentons. Pour tenter d'améliorer la situation, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures, est reprise à 23 heures 25.

M. Pascal Terrasse - Rappel au Règlement ! La plus extrême confusion règne dans l'examen de ce texte, pourtant considéré par le Gouvernement comme une priorité. Il est indigne du travail habituel de notre assemblée de voir ainsi autant d'articles réécrits au dernier moment. Nous ne pouvons pas accepter ce travail bâclé.

Depuis la première lecture du texte au Sénat, il y a déjà eu un changement de ministre. Et voilà que maintenant des députés de la majorité font fronde ! Sans doute est-ce pour cela que de très nombreux amendements, de la majorité comme de l'opposition, tombent, sans pouvoir donner lieu à débat. Dans ces conditions, je crois préférable, Monsieur le Président, de lever la séance. Il faut que le Gouvernement se reprenne, redonne du sens à ce texte auquel nous n'en voyons plus. Nous pourrions reprendre sereinement nos travaux demain matin. La nuit ne sera pas de trop à la majorité pour se mettre d'accord...

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1. Pour coopérer avec vous dans d'autres instances, je vous connais assez, Madame la secrétaire d'Etat, pour savoir que vous ne pouvez être à l'origine de ce qui arrive. Nul doute que l'on vous a poussée, alors que vous êtes encore toute nouvelle ministre, à faire des choses dont vous n'avez pu mesurer l'importance. D'ordinaire, les réunions de la commission, tenues en vertu de l'article 88 de notre Règlement, ont pour objet de compléter le texte, d'en corriger d'éventuelles erreurs, en aucun cas de le réécrire totalement comme c'est ici le cas. Je suis certain que l'on a profité de votre inexpérience et que ce sont là turpitudes de Matignon... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) Mme Boutin elle-même s'oppose à vous. Je l'ai entendu tout à l'heure vous dire qu'elle n'avait jamais vu cela depuis dix-huit ans qu'elle siège dans cette assemblée D'ailleurs, faute de pouvoir participer au débat, elle est partie, extrêmement irritée.

Depuis le gouvernement de Lionel Jospin, il ne vous est plus aussi facile de recourir à l'article 49, alinéa 3. Pourtant, quel désordre dans votre majorité ! Si j'en crois Le Monde de cet après-midi, vous essayez de rassurer ceux qui s'émeuvent de ce que leurs amendements tendant à étendre le champ d'application du droit à compensation soient refusés, au motif qu'ils tomberaient sous le coup de l'article 40. M. Couanau, parlementaire lui aussi chevronné, déclare ne plus admettre qu'il y ait aussi loin des effets d'annonce à la réalité - mais ce que dénonce là M. Couanau n'est que la méthode habituelle de ce gouvernement. Le rapporteur lui-même reconnaît que plusieurs des amendements de la commission n'ont « pas résisté au tir de barrage de la technostructure qui agite le carton rouge de l'article 40. »

Autant dire que le Gouvernement est en difficulté, et les airs bonasses du Premier ministre n'y changent rien ! On nous a dit cet après-midi que l'on nous ferait travailler jusqu'au 8 août, pour faire adopter durant l'été non seulement la réforme de l'assurance maladie mais quantité d'autres textes, dont celui sur la décentralisation, qui se heurte à quelques obstacles au Sénat...

Ce n'est plus la pilule que vous voulez faire passer, mais la boîte entière, et mettre les Français devant le fait accompli à leur retour de vacances. Vous pratiquez la loi du bâillon, même à l'encontre des députés de la majorité ! Quand je pense qu'il a fallu que des députés communistes et républicains reprennent l'amendement de Mme Boutin sur l'accès aux lieux de culte ! (Rires)

Madame la ministre, vous vous grandiriez en refusant de faire ce que vous ne pouvez accepter ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Messieurs Terrasse et Brard, vous m'avez mal compris : si j'ai évoqué l'article 40, c'est pour me réjouir de voir le Gouvernement jouer son rôle en reprenant à son compte des amendements qui nous avaient semblé importants, notamment sur les barrières d'âge et les conditions de ressources. C'est une avancée importante, dont il faut se féliciter, et qui a été obtenue dans la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La recherche fait également l'objet d'un titre à part entière, très attendu par les associations et l'ensemble des personnes concernées, et dans lequel nous retrouverons la plupart des amendements qui sont tombés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

C'est la première fois aussi qu'on parle de prestation de compensation, de maisons départementales du handicap (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Muguette Jacquaint - Ce n'est pas vrai !

M. Daniel Paul - Un tel projet mérite davantage de considération de la part du Gouvernement. Or, nous ne savons plus très bien quel est son texte, car il vient de déposer 75 amendements ! Certes, c'est son projet, et il a le droit de le réécrire, mais la moindre des choses serait que les associations et les députés eux-mêmes puissent en être informés ! Je veux bien croire le rapporteur quand il prétend que le nouveau dispositif répond aux aspirations des associations, mais comment le savoir ?

La loi de 1975 avait été votée à l'unanimité, car Mme Veil, à l'époque, avait su convaincre. Ce n'est pas votre cas : vous n'êtes pas même en situation de présenter un texte susceptible d'être discuté, et l'on ne sait même plus quelles sont les positions de la commission et du Gouvernement, ni quels amendements seront repris !

M. Terrasse a demandé que nous reprenions ce débat dans le calme, et, je crois, moi aussi, qu'il faut prendre le temps de refaire le point en commission sur un sujet important, qui a trait à l'humain. Je souhaite donc, Monsieur le Président, que vous leviez la séance.

M. Bernard Perrut - L'heure n'est pas aux divisions, tant l'enjeu est crucial ! Les personnes handicapées qui nous regardent doivent être bien tristes de notre comportement.

Mme Muguette Jacquaint - C'est vrai !

M. Bernard Perrut - Il faut retrouver la sérénité et je voudrais saluer le travail mené par les deux ministres et par le rapporteur, qui, au cours de quelque cent cinquante auditions, a reçu toutes les associations, les a écoutées, et a essayé de traduire leurs aspirations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Voici un texte fondamental, qui reconnaît le droit à compensation. Bien sûr, certains auraient souhaité que l'on accorde des droits sans limites ni conditions, mais il faut tenir compte des réalités, et notamment de la situation de la France.

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez vidé les caisses !

M. Bernard Perrut - Retrouvons donc la sérénité pour faire avancer, ce soir et demain, ce texte fondamental (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je précise que je ne mets pas en cause nos collègues de la majorité, qui se retrouveront privés de débat au même titre que les députés de l'opposition.

Nous ne contestons pas le fait que le texte qui sera voté sera celui voulu par le Gouvernement et sa majorité. Ce que nous ne voulons pas, c'est que le débat se poursuive ce soir dans les conditions que nous impose, que vous impose, le Gouvernement en revenant sur ce qu'a fait la commission. Monsieur le Président, je vous demande très solennellement de lever la séance afin de permettre à la commission, demain, de réexaminer les amendements avant de rependre le débat en séance publique. C'est la seule façon honorable de traiter les handicapés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. François Vannson - C'est excessif !

M. Claude Leteurtre - Je confesse ma perplexité. J'aborde moi aussi le débat avec humilité et Mme Marland-Militello a dit avec dignité ce qu'il fallait dire.

Mme Martine David - Ça s'est arrêté là !

M. Claude Leteurtre - Reste qu'il y a un malentendu, qui n'est peut-être dû qu'à une question de forme, Madame la ministre, pouvez-vous dire clairement si oui ou non on parlera de « situation de handicap »...

Mme Martine David - Mais elle a dit non !

M. Claude Leteurtre - Je sais (Sourires). Oui ou non, peut-on espérer un travail de recherche sur le handicap ? Les barrières d'âge seront-elles levées ? Y aura-t-il une prestation universelle ? Si vous pouvez nous rassurer sur ce point, alors il n'y a plus qu'un problème de forme. Si tel n'est pas le cas, au moins dites-le clairement !

Mme Martine David - Très bien !

M. le Président - La façon honorable de débattre, c'est aussi d'avoir permis à chacun d'exprimer ses convictions sur ce sujet qui nous rassemble tous, sans s'en tenir strictement au Règlement.

Plusieurs députés socialistes - C'est vrai !

Mme la Secrétaire d'Etat - J'ai été extrêmement attentive aux propos de chacun, et je veux expliquer le contexte de ce débat dont je mesure et la complexité et l'enjeu.

Hier encore, j'ai présenté à la commission permanente du CNCPH l'esprit de ce texte et ses grandes dispositions. Il s'agit d'une part de revoir la définition du handicap. Les conceptions diffèrent, et l'Assemblée s'est exprimée. J'ai bien noté les considérations sur l'environnement du handicap et j'ai suivi la commission dans sa volonté de répondre au plus près aux demandes des associations. Sans doute, sommes-nous encore au milieu du gué, mais nous pourrons, dans quelques années, franchir un pas de plus. Aujourd'hui, nous avons des retards à rattraper et, pour cela, comme le demandent les associations, nous devons prendre en compte toutes les formes de handicap.

Sur un plan plus général, l'architecture du texte peut créer le trouble...

M. Pascal Terrasse - La confusion !

Mme la Secrétaire d'Etat - Dans le texte sur lequel vous avez travaillé figuraient un certain nombre d'avancées concernant la recherche, l'accès aux soins, la prévention, mais elles restaient éparses. Or les associations ont dit clairement qu'elles ne voulaient plus qu'on oublie, en traitant du handicap, la personne handicapée et ses souffrances. C'est pourquoi j'ai créé un titre I regroupant de façon dynamique les dispositions sur la recherche, l'accès aux soins, la prévention : il s'agit à la fois de mieux respecter la personne handicapée et de rendre la loi plus lisible. Certes, cela a bouleversé l'ordonnancement des articles, mais rien ne nous empêchera d'en débattre, et croyez bien que j'y suis prête. Si nous modifions quelque peu, je le répète, les formes habituelles du travail parlementaire, c'est pour mieux répondre au souci des associations.

Par exemple, vous avez tous évoqué la question fondamentale des barrières d'âge. Ce texte ne peut bouleverser l'équilibre des prestations familiales, et je n'ai pas de baguette magique. Mais je propose déjà des avancées substantielles et, dans une disposition transitoire, je mentionne la réforme nécessaire. Le droit de compensation est une avancée majeure...

M. Bernard Perrut - Tout à fait !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...pour des milliers de handicapés qui pourront poursuivre leur projet de vie et mieux participer à la vie sociale.

Mme Martine David - Avec quel argent ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Secrétaire d'Etat - Avec 850 millions. Et nous savons exactement quels progrès financer ainsi. Bien sûr, ce n'est pas assez, mais ce financement, nous l'avons.

Mme Martine David - Pour financer aussi la prestation autonomie des personnes âgées ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Secrétaire d'Etat - Voilà un sujet qu'il vaudrait mieux ne pas aborder.

Mme Nadine Morano - Oui, un peu de dignité !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je refuse une vaine polémique.

Dans l'esprit de ce texte, j'insiste aussi sur le droit à l'éducation pour les enfants handicapés. Chacun d'entre eux pourra désormais être inscrit de droit à l'école de son quartier.

M. Pascal Terrasse - C'est déjà le cas.

Mme la Secrétaire d'Etat - Mais est-ce la réalité ? Il n'y a pas d'obligation légale.

De tout cela, nous allons parler, et je souhaite donc que le débat se poursuive pour que chacun s'exprime pleinement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Ces explications étaient certainement nécessaires, et méritent que l'on y consacre une demi-heure. J'observe qu'il y aura séance demain matin à 9 heures 30, et que, par conséquent, il n'est pas d'usage de prolonger outre mesure les débats de la soirée. Je vous propose donc de lever la séance.

M. Pascal Terrasse - Merci ! Vous nous donnez raison !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, jeudi 3 juin, à 9 heures 30.

La séance est levée à minuit.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 3 JUIN 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

Rapport (n° 1630) de M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES

2. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le sénat (n° 1465), pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Rapport (n° 1599) de M. Jean-François CHOSSY, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale