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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 98ème jour de séance, 240ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 3 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES
      ET COMMUNICATION AUDIOVISUELLE (CMP) 2

      DROIT DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 13

      ARTICLE PREMIER (suite) 14

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 16

      SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET
COMMUNICATION AUDIOVISUELLE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur de la CMP - Nous sommes au terme de l'examen parlementaire du fameux « paquet télécoms » qui avait pris une dimension presque mythique depuis 2002, étant présenté à la fois comme l'instrument juridique d'une révolution des télécommunications et comme la solution aux tensions provoquées par le cadre législatif déjà dépassé de la loi du 26 juillet 1996.

Le pari d'une adoption rapide dans le cadre de la procédure parlementaire a été tenu. En décembre dernier, lorsque nous examinions le texte sur le statut de France Télécom, nous étions en effet tous persuadés que le « paquet télécoms » serait transposé par voie d'ordonnance.

Finalement, a été retenu le principe d'un examen par les deux chambres, et nous voilà en mesure de prononcer moins de six mois plus tard un vote définitif. C'est là un précédent à retenir car il est ainsi prouvé que la voie parlementaire classique peut être aussi rapide que la voie de l'ordonnance qui suppose de toute façon le vote préalable d'une loi d'habilitation.

De plus, pour une rapidité à peu près équivalente, les avantages de la voie parlementaire ont été importants puisqu'il a été possible d'ajouter à une simple transposition concernant les télécommunications toute une partie relative à l'audiovisuel : le titre II d'adaptation de la loi de 1986 n'est certes pas sans lien avec les directives du « paquet télécoms » puisque les services audiovisuels transiteront désormais par le canal des communications électroniques. Néanmoins, une ordonnance n'aurait pas permis de régler de façon aussi détaillée tous les contrecoups juridiques des évolutions technologiques sur le monde de l'audiovisuel.

Le second avantage de la voie parlementaire est d'avoir permis d'aborder dans le cadre du texte des questions qui, initialement, n'y figuraient pas - je pense en particulier à la disposition sur la gratuité de la localisation des appels d'urgence.

Troisième avantage : avoir fourni un cadre pour traiter des questions qui s'étaient posées lors de la discussion de la loi sur l'économie numérique mais dont la solution législative n'était pas finalisée - je pense aux amendements sur le contrôle des tarifs de l'opérateur historique qui ne pouvaient prendre tout leur sens qu'une fois reliés à la procédure des « marchés pertinents ».

Mais il y eut aussi des cas où le projet de loi sur les communications électroniques a servi de relais de mise au point de dispositions finalement appelées à revenir dans la loi sur l'économie numérique - je pense aux dispositions sur la gratuité de « numéros sociaux » et sur la facturation à la seconde.

L'examen du « paquet télécoms » a, de plus, permis de résoudre des problèmes de coordination restés en suspens après l'adoption définitive de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Dernier avantage de la procédure parlementaire : l'amélioration technique du texte lui-même.

La discussion, enfin, a permis de conférer une dimension législative à certaines dispositions que le projet de loi initial renvoyait plutôt au règlement. Le droit des communications électroniques en a été consolidé, par exemple sur la question critique des conditions dans lesquelles peuvent être imposées des obligations d'accès.

Dans sa partie relative aux télécommunications, ce projet tend à transposer huit textes européens en posant une triple exigence de cohérence, de concurrence et de convergence.

La cohérence sera garantie, dans un contexte caractérisé par la pluralité des opérateurs, par l'institution de règles visant à assurer le maillage du territoire. Il était nécessaire d'exiger qu'il soit fait droit à toute demande d'interconnexion et de créer un dispositif de règlement des litiges en cas de conflit sur les demandes d'accès. Le besoin d'un régulateur se justifie avant tout par la nécessité de garantir un fonctionnement cohérent des différents réseaux de communications électroniques. Le projet donne une définition de l'accès plus large que celle qui figure actuellement dans le code des postes et des télécommunications. Elle recouvre non seulement l'accès aux éléments de réseau, comme la boucle locale, mais aussi l'accès aux bâtiments, gaines et pylônes, l'accès aux équipements et logiciels servant à l'exploitation des réseaux ou encore la fourniture de prestations nécessaires à la mise en _uvre de l'itinérance ou des réseaux virtuels.

En matière de concurrence, le projet comporte, à l'article 18, une innovation issue du « paquet télécoms » : un dispositif de contrôle s'ajustant de manière dynamique à la réalité du marché. C'est une manière de prendre en compte la vitesse des évolutions technologiques, que les modes classiques de production des normes ne permettent pas de suivre.

Ce nouveau dispositif va confier à l'Autorité de régulation des télécommunications la mission de décomposer le secteur des télécommunications en « marchés pertinents » au sein desquels il faudra apprécier l'état de la concurrence. Le contrôle a priori sera réservé aux cas de fort déséquilibre. Lorsqu'un marché sera identifié comme concurrentiel, les litiges relèveront du seul Conseil de la concurrence.

C'est dans le cadre de cette procédure dite des « marchés pertinents », sur laquelle va reposer toute l'architecture du nouveau cadre réglementaire, que devraient à terme être traitées la question de la revente de l'abonnement et celle de l'allègement du carcan tarifaire, notamment en cas d'innovation technologique. Ce nouveau cadre donne un rôle crucial à l'autorité de régulation. C'est pourquoi le projet tend à améliorer son information et à renforcer son pouvoir de sanction. Il pourra prendre des mesures conservatoires en cas d'urgence et demander au juge de prononcer des astreintes. Ces dispositions s'inspirent de la formule adoptée pour la commission de régulation de l'énergie.

L'action de l'ART sera toutefois encadrée, puisqu'elle devra s'exercer en coordination avec les régulateurs des autres Etats membres, sous le contrôle de la Commission européenne.

Dans un souci de convergence, tous les supports de communication relèveront du code des postes et des communications électroniques, ainsi que du contrôle de l'ART. La mise en _uvre de ce principe de neutralité technologique permettra de simplifier et d'harmoniser le régime juridique applicable aux réseaux audiovisuels, qui sont aujourd'hui soumis à des règles distinctes selon les technologies utilisées. Le secteur du câble va se trouver à égalité de concurrence avec les autres supports de diffusion de l'information. Les contenus audiovisuels diffusés relèveront du CSA, quel que soit le support utilisé.

Les modifications apportées en CMP sont d'ordre technique. Il s'agissait de résoudre des problèmes de coordination et de lever des incertitudes. Contrairement à ce qui s'est passé à propos du projet sur la confiance dans l'économie numérique, il n'y avait pas de divergences entre l'Assemblée et le Sénat. De ce point de vue, la déclaration d'urgence apparaît, rétrospectivement, tout à fait justifiée.

Parmi les précisions apportées, la portée de l'article 9, qui exige le consentement préalable des abonnés de la téléphonie mobile, a été restreinte à la publication d'annuaires et aux renseignements téléphoniques.

A l'article 10, nous avons réintroduit la prise en compte de l'exception technique liée au coût de transmission, s'agissant de la manifestation du refus de l'utilisation des données personnelles dans les services à valeur ajoutée.

Nous avons supprimé l'avis préalable du Conseil de la concurrence lorsque l'ART décide de mettre en _uvre la procédure exceptionnelle d'encadrement d'une innovation technologique. Le Conseil de la concurrence, en effet, n'a pas été conçu pour intervenir a priori et encore moins à chaud.

Nous avons prévu une évaluation de l'action menée par l'ART s'agissant du service public des communications, dans le cadre du rapport annuel de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.

Il fallait aussi trouver un équilibre entre les droits du consommateur et ceux du fournisseur de services lorsque ce dernier modifie unilatéralement le contrat. Le consommateur disposera d'un délai de quatre mois, soit le délai de réception de deux factures, pour se rendre compte de la modification. Il pourra obtenir une résiliation sans frais, mais ne pourra réclamer un remboursement s'il a été régulièrement prévenu.

La CMP a levé quelques ambiguïtés sur les conditions dans lesquelles un opérateur doit participer à l'enfouissement de ses lignes, quand elles reposent sur des supports partagés avec EDF. L'article 90 va compléter le dispositif adopté dans la loi sur la confiance dans l'économie numérique. Il s'agit de prévenir les interprétations restrictives.

En matière audiovisuelle, la CMP a trouvé un compromis. Outre des ajustements techniques, elle a apporté trois modifications substantielles au texte du Sénat.

La première concerne l'article 36, relatif au pouvoir de règlement des litiges par le CSA. Sur ce point, le compromis adopté vise, en premier lieu, à préciser le dispositif pour éviter les ambiguïtés sources de contentieux. A cette fin, il a été prévu qu'un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du dispositif. Certains principes de référence du contrôle, qui étaient très flous, ont été supprimés. Par ailleurs, la possibilité pour le CSA d'ordonner des mesures conservatoires a été supprimée, cette disposition n'étant pas nécessaire compte tenu des délais dans lesquels le CSA se prononcera au fond.

La seconde modification concerne le seuil de population desservie à partir duquel une chaîne est considérée, au regard du régime de contrôle des concentrations, comme une chaîne nationale. La CMP s'est, sur ce point, ralliée au texte de l'Assemblée nationale.

Enfin, les conditions au vu desquelles le CSA déterminera s'il est opportun, cinq ans après le début effectif des émissions en mode numérique, de mettre fin à la diffusion en mode analogique ont été précisées. Il a été décidé de n'autoriser cet arrêt que si la couverture du territoire et l'équipement des ménages le permettent.

Je tiens à remercier le président de la commission des affaires économiques, M. Ollier, qui sait toujours trouver le ton juste et les arguments qui permettent le consensus.

M. Patrick Ollier, vice-président de la CMP - Merci !

M. le Rapporteur - Ma gratitude va aussi aux administrateurs de la commission. Enfin, je vous remercie, messieurs les ministres, pour votre écoute et votre disponibilité. Avec nos collègues sénateurs, nous avons élaboré un texte très abouti et j'ai presque le sentiment du devoir accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Vice-président de la CMP - Notre rapporteur a très bien décrit la dimension technique de ce texte. Je veux remercier le Gouvernement, représenté par MM. Donnedieu de Vabres et Devedjian, d'avoir accepté de soumettre ce texte au Parlement plutôt que de procéder par ordonnances. C'était une demande de l'Assemblée et de la commission. Le Gouvernement s'inquiétait pour les délais. C'était son seul motif d'inquiétude. Or nous avons montré qu'il était possible d'aller plus vite que les ordonnances, tout en enrichissant le texte.

Certains points, comme la question du carcan tarifaire, ont suscité des débats passionnés, mais le Gouvernement a accepté les assouplissements que nous proposions. Nous avons renforcé les pouvoirs de l'ART, tout en soumettant celle-ci à certaines règles déontologiques.

Nous parvenons donc à un texte équilibré. Je remercie les deux ministres pour le caractère interactif de notre travail.

Il est à l'honneur de la majorité d'avoir fait progresser le texte dans deux domaines très populaires : la gratuité des numéros spéciaux et la tarification à la seconde, pour laquelle je suis heureux qu'à l'issue de longues heures de débat, le bon sens et la volonté de l'Assemblée l'aient emporté.

Nous avons aussi adapté les relations contractuelles entre les opérateurs et les abonnés, afin de protéger ces derniers, et donné un peu de souplesse au CSA dans la mise en _uvre de la télévision nucléaire terrestre. Si cette dernière doit être rapide, il faut prévoir une situation où la couverture de tout le territoire et l'équipement des ménages ne seraient pas assurés.

M. Patrice Martin-Lalande - Ce n'est pas gagné...

M. le Vice-président de la CMP - Pour m'être battu jadis, au sein d'une association d'élus locaux, contre les zones d'ombre du réseau hertzien, j'attache une grande importance à ce sujet et je crois que nous sommes parvenus à un bon dispositif.

Je veux enfin remercier les membres de la CMP pour l'excellent travail qu'elle a réalisé, ainsi que M. Dionis du Séjour, rapporteur du texte sur l'économie numérique, car le travail parlementaire a aussi permis de mettre ces deux projets en concordance. Merci aussi aux administrateurs, qui ont travaillé dans des conditions difficiles, et à la Présidence, qui a su décontracter un débat parfois tendu.

Ainsi achevons-nous l'examen d'un projet important, qui donne de nouvelles bases au secteur des télécommunications et j'invite donc l'Assemblée à voter le texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Je remercie vos commissions des affaires économiques et culturelles, en particulier M. Trassy-Paillogues et le président Ollier, pour leur travail sur des textes difficiles, car M. Ollier vient de rappeler à juste titre que vous avez veillé à l'harmonisation entre ce texte et celui sur la confiance dans l'économie numérique.

Ainsi s'achève un vaste processus de réforme engagé au niveau européen dès 1998 et qui a débouché, en 2002, sur l'adoption des six directives connues sous le nom de « Paquet télécoms ». Elles auraient dû être transposées avant le 24 juillet 2003 et l'adoption de ce texte, je l'espère, ce matin par l'Assemblée et cet après-midi par le Sénat, permettra de combler notre retard.

Ce projet complète deux textes précédemment adoptés, celui sur la confiance dans l'économie numérique, actuellement devant le Conseil constitutionnel, qui définit le cadre juridique de l'internet et donne des garanties de transparence et de sécurité aux transactions électroniques, et la loi du 31 décembre 2003, relative aux obligations de service public dans le domaine des télécommunications et à France Télécom, qui transpose les directives relatives au service universel des télécommunications. Avec ces trois textes, nous aurons conduit en quelques mois une réforme en profondeur du droit de l'économie numérique et votre commission des affaires économiques y aura apporté une contribution essentielle.

Je ne reviens pas sur l'importance de ce secteur, mais je veux insister sur trois avancées. La première est la création d'un cadre juridique unifié pour l'ensemble des activités de communication électronique. Pour la première fois, nous tirons les conséquences de la convergence entre les télécommunications et l'audiovisuel et je me réjouis que le Parlement ait accepté la démarche d'harmonisation réglementaire du Gouvernement.

Ce projet définit donc un régime juridique unique, applicable en particulier au câble. Désormais tous les services de télévision et de radiodiffusion relèveront du CSA, quel que soit le support utilisé. Ce cadre favorisera le développement des offres associant téléphone, internet et télévision que nous voyons actuellement apparaître. Nous en attendons aussi un regain de dynamisme des réseaux câblés, entravés par le carcan juridique actuel.

La deuxième avancée est la refonte du dispositif de régulation dans un secteur où elle va de pair avec la concurrence et où l'existence d'une autorité de régulation indépendante dotée de suffisamment de pouvoirs est une condition de l'efficacité du marché. L'ensemble des services de télécommunication électronique seront désormais soumis au contrôle de l'ART, notamment le marché de la téléphonie mobile. Le nouveau mécanisme met l'accent sur le contrôle ex post et sur le droit de la concurrence, ce qui permettra d'adapter en permanence l'action du régulateur aux évolutions technologiques. Le débat parlementaire a conduit sur ce point à des modifications importantes, qui ne remettent toutefois pas en cause les principes fixés par les directives. Je salue les efforts des deux assemblées pour parvenir à une transposition aussi fidèle que possible, dans le respect de notre tradition juridique et de notre approche.

L'apport essentiel du Parlement porte, à l'article 18, sur les marchés émergents, afin d'adapter pleinement la réglementation à l'exigence d'innovation. Aux termes de l'accord intervenu en CMP sur ce sujet difficile, ces marchés ne pourront être régulés que s'il est porté atteinte aux grands objectifs du cadre réglementaire et le contrôle a priori ne pourra intervenir que sur la base d'une décision dûment motivée.

Le débat a aussi amené à conforter le rôle de l'ART, dont les pouvoirs sont considérablement renforcés, non seulement par l'accroissement de ses marges de man_uvre dans la régulation, mais aussi par des prérogatives nouvelles en matière de sanction, d'enquête et de règlement des litiges. Ces nouvelles responsabilités justifient une exigence accrue et un contrôle étendu du Parlement. La CMP a été favorable à l'objectif de discrétion des membres de l'ART voulu par l'Assemblée, qui ne s'oppose toutefois pas à l'expression collégiale de l'Autorité, afin de donner à ses décisions la lisibilité nécessaire dans un domaine où le besoin d'explications est fort.

Un équilibre satisfaisant a aussi été trouvé dans les relations entre l'ART et la représentation nationale, dont les commissions permanentes pourront demander des comptes sur les progrès réalisés par rapport aux grands objectifs. Le contrôle est renforcé, mais sans brouiller l'organisation de la régulation ni mettre en cause l'autorité de l'ART.

La troisième avancée concerne la protection des consommateurs et le Parlement a enrichi ce volet sur trois points.

Tout d'abord, les deux assemblées ont prévu l'obligation de recueillir le consentement des abonnés à la téléphonie mobile avant l'inscription de leurs coordonnées dans les annuaires.

Ensuite, le Parlement a apporté de nouvelles garanties aux consommateurs dans le cas de modifications défavorables de clauses contractuelles par les opérateurs. Il fallait protéger les abonnés sans interdire toute évolution des contrats ni fragiliser les contrats existants : la CMP est parvenue à un équilibre satisfaisant. Le nouvel article 89 dispose que le consommateur doit être préalablement informé des modifications contractuelles envisagées et qu'il lui est permis alors de résilier le contrat sans frais pendant quatre mois. C'est une avancée importante, qui s'ajoute aux dispositions sur la tarification à la seconde adoptées dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Enfin, le texte fixe les conditions dans lesquelles les opérateurs pourront utiliser à des fins commerciales l'information relative à la localisation de l'appelant, de façon à protéger l'usager. Par ailleurs, à l'initiative de l'Assemblée nationale, une disposition prévoyant la transmission gratuite de l'information de localisation aux services d'urgence a été adoptée.

Fondation d'un cadre juridique harmonisé pour l'ensemble des communications électroniques, renforcement de la régulation, protection des consommateurs : voici un bon projet, et vous ne serez pas surpris que le Gouvernement souhaite l'adoption du texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - J'espère que vous ne m'en voudrez pas, tandis que nous parlons d'une offre culturelle et audiovisuelle élargie, de saluer dans les tribunes l'unité et la diversité de la République. Il est très symbolique qu'y soient voisins les élèves d'une école de métropole et ceux d'une école de Tahiti. A ces jeunes Français venus de Polynésie, je voudrais dire qu'ils me rappellent le service militaire que j'ai fait dans la Marine nationale, sur un petit patrouilleur dénommé La Paimpolaise, et je souhaite la bienvenue.

Monsieur le vice-président de la CMP, vous avez eu parfaitement raison d'insister sur l'utilité d'un débat parlementaire sur un sujet complexe, qu'il faut rendre accessible à chacun de nos concitoyens. Le progrès technologique n'a de sens que s'il peut bénéficier à tous ; au-delà de la fixation de normes, le travail de pédagogie accompli par le Parlement mérite donc d'être salué.

Après avoir eu mon baptême du feu législatif devant le Sénat, où j'ai défendu ce projet quelques jours après mon arrivée au Gouvernement, je suis heureux de me présenter devant vous et de saluer chacun de mes anciens collègues : nous allons continuer à travailler ensemble !

Nous arrivons au terme d'un processus qui permettra de traduire dans les faits la volonté du Gouvernement et du législateur d'anticiper et d'accompagner les bouleversements technologiques et économiques du secteur audiovisuel. Après mon collègue Patrick Devedjian, je veux saluer la qualité des travaux de la CMP. Ce texte permettra de concilier l'intérêt du téléspectateur, à travers une offre enrichie, et celui des opérateurs, dont le développement est encouragé, notamment sur le plan local.

Le lancement effectif de la TNT permettra d'offrir au public le plus large une offre télévisuelle enrichie, tout en constituant une véritable opportunité pour les télévisions locales. Je salue la modification de l'article 96 ter, relatif à l'arrêt de la diffusion des émissions analogiques cinq ans après le début effectif de la TNT, qui fera démarrer cette technologie nouvelle dans les meilleures conditions possibles. Il appartiendra en conséquence au CSA d'établir un constat précis, fondé sur quatre critères : la couverture du territoire par la TNT, la pertinence des choix technologiques, l'information appropriée du public et la mesure de ses besoins, l'équipement des foyers.

L'autre voie d'élargissement de l'offre est le développement des télévisions locales. Le rétablissement du seuil de 10 millions d'habitants, au-delà duquel un service de télévision est considéré comme national, marque un souci de cohérence de l'ensemble du dispositif applicable aux télévisions nationales et locales. Il aurait été en effet regrettable qu'une télévision diffusée sur la région parisienne relève du même régime en matière d'obligations de production que les télévisions locales dont le bassin de diffusion est beaucoup plus restreint. Par ailleurs, l'assouplissement et la modernisation du dispositif anti-concentration contribuera à créer les conditions d'un réel développement des télévisions de proximité. Dans le même esprit, le texte instaure un cadre juridique souple pour la radio numérique, quels que soient les choix techniques de diffusion.

Autre avancée majeure : l'évolution des pouvoirs de règlement des litiges par le CSA. Il ne saurait en effet y avoir de liberté viable sans une régulation consolidée et modernisée. La nouvelle rédaction de l'article 36 confie au CSA un pouvoir effectif d'arbitrage entre les éditeurs et les distributeurs, de nature à garantir le pluralisme et la diversité des opérateurs. Par ailleurs, la suppression par la CMP de la référence au développement de la production audiovisuelle et à la défense de la langue française ne saurait constituer un signe de détachement vis-à-vis de ces principes essentiels, je le dis par précaution, pour éviter toute interprétation erronée : simplement, les dispositifs existants étaient suffisants.

J'en viens à deux points sur lesquels la CMP n'a pas apporté de modifications mais qui me tiennent particulièrement à c_ur.

D'abord, l'intégration de RFO dans France Télévisions, véritable levier pour l'outre-mer et expression de la diversité et de l'unité de notre République.

Mme Béatrice Vernaudon - Merci.

M. le Ministre - Ensuite, les nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction du CSA à l'égard des chaînes extra-européennes diffusées sur des satellites relevant des compétences françaises. Au regard des événements récents, la défense du respect de la dignité humaine et la répression sans faille des propos racistes, xénophobes et antisémites constitue plus que jamais un impératif national. Vous pouvez compter sur ma totale détermination et sur celle de mes collègues pour lutter contre toutes les haines et défendre les valeurs de respect, de liberté et de pluralisme. A quelques heures de la commémoration de la Libération de notre pays, il est bon d'y insister (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

En saluant une nouvelle fois la qualité de vos travaux, je voudrais tout simplement vous dire ma fierté de voir ce projet devenir une loi de la République. Il nous restera à veiller à sa bonne application (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Christian Kert - Dans cette ambiance chaudement colorée, l'examen du texte de la CMP met à la discussion un point final, attendu par les instances européennes, et aussi par l'ensemble des professionnels du secteur. Ce texte devrait permettre d'éteindre le contentieux engagé devant les instances communautaires pour le retard pris dans la transposition des directives du paquet Télécom.

M. Patrice Martin-Lalande - C'est l'héritage des socialistes qui sont absents ce matin !

M. Christian Kert - L'examen de ce projet en première lecture a croisé le chemin du texte relatif à la confiance dans l'économie numérique, et fait suite à la loi relative aux obligations de service public des télécommunications de décembre 2003, ce qui témoigne d'une intense activité législative dans le secteur.

Ce texte technique d'une grande densité réunit en fait, à travers plus de cent articles, deux projets en un seul.

Le premier élément porte sur le paquet Télécoms, dont la transposition tend à appliquer le droit de la concurrence dans le secteur des télécommunications et à établir un véritable marché intérieur.

Le titre premier remet à plat le cadre réglementaire des télécoms issu de la loi de 1996, et modifie la régulation du secteur sur plusieurs points importants. La CMP a retenu la plupart des précisions apportées par le Sénat. La notion de convergence est confirmée, et érigée en principe fondamental.

Nous avons apprécié la clarification des règles juridiques relatives à la répartition des compétences entre le CSA et l'ART. L'option choisie par le Gouvernement nous parait cohérente, en distinguant, conformément aux directives, les contenants et les contenus.

Sur le second volet du texte, le Sénat est intervenu de façon substantielle. Le titre II tend à modifier la loi relative à la liberté de communication. Ainsi, l'article 68 qui prévoit, pour certains types de radios, d'autoriser le CSA à agréer un changement de personne morale titulaire d'une autorisation, a été maintenu dans la rédaction adoptée par le Sénat. Cependant, s'agissant des télévisions locales, la CMP a ramené de 12 millions d'habitants à 10 millions le seuil au-delà duquel une chaîne est considérée comme nationale. Les conséquences pratiques de cette mesure se feront sentir principalement en région parisienne. Nous accordons, à l'UMP, une grande importance à l'émergence de chaînes locales. L'équilibre trouvé à l'article 41 sur la diffusion de publicités nationales dans le cadre de décrochages locaux n'a pas été modifié.

Sur le CSA, Monsieur le ministre de la culture, j'ai bien entendu votre propos. Nous sommes satisfaits du maintien des dispositions permettant de demander aux opérateurs de réseaux satellitaires toutes les informations nécessaires pour identifier les éditeurs de télévisions qu'ils transportent, ce qui rejoint le souhait du CSA et aussi du Premier ministre. Nous nous étions interrogés sur l'extension des pouvoirs du CSA. Si elle permet d'améliorer les procédures de règlement des conflits entre éditeurs et distributeurs, et d'éviter les risques d'abus de position dominante, il nous parait cependant nécessaire que le secteur de l'audiovisuel n'échappe pas totalement aux règles habituelles du commerce et de la concurrence. C'est à quoi s'est employée la CMP.

J'ai été sensible, Monsieur le ministre, à ce que vous avez dit des critères de réussite de la TNT. Cependant le CSA n'a toujours pas communiqué de date officielle pour le lancement de la TNT. Quelle qu'elle soit, il faut disjoindre, pour le passage à la TNT, le cas des chaînes gratuites et celui des chaînes payantes.

Nous approuvons l'intégration de RFO dans le groupe France Télévisions : les deux parties devraient en tirer profit.

Le groupe UMP, attentif à tout ce qui a trait aux évolutions considérables à l'_uvre dans le secteur des communications et de l'audiovisuel, se réjouit de l'excellent climat qui a présidé aux travaux de la CMP. Nous voterons le texte, et poursuivrons nos réflexions sur l'avenir de la TNT (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Il nous est proposé, via la transposition de directives européennes, de franchir l'étape décisive de la déréglementation du secteur des communications électroniques en vue de l'application du droit commun de la concurrence.

Pourtant, la concurrence a montré ses limites et les carences de l'initiative privée sont en réalité structurelles. Aussi, ce projet ne contribue-t-il pas à résorber la fracture numérique.

Seuls les grands services publics, comme EDF-GDF ou France Télécom, ont su conjuguer développement économique et innovation technologique tout en assurant l'égalité de traitement pour tous. Pourtant, depuis 1986, on s'emploie à les liquider, alors qu'ils étaient destinés à nous faire sortir des impasses de la loi du marché.

Quels sont les effets du processus de libéralisation ?

Voici Erenis, opérateur né en 2002, qui assure le raccordement à l'internet haut débit de 5 000 logements. Sa stratégie consiste à s'approprier une niche très rentable. Le choix de cet opérateur se porte sur des immeubles de taille importante situés en région parisienne, dont il peut assurer un raccordement haut débit sans passer par le réseau local de France Télécom. L'abonnement proposé est de 4,90 € par mois au lieu de 13 chez l'opérateur historique, et la facture mensuelle moyenne est comprise entre 40 et 45 €. Le PDG de la société juge qu'il s'agit là de « l'offre la plus compétitive du marché ». A l'entendre, les Franciliens n'ont-ils pas tout à y gagner ?

De son côté, la communauté d'agglomération de Pau a suscité la construction d'un réseau dont l'exploitation a été déléguée au groupe SAGEM. Depuis le 13 avril, les foyers palois peuvent ainsi être raccordés au réseau fibre optique pour 30 € mensuels. Il s'agit « de convaincre Japonais et Américains de s'implanter à Pau » explique un conseiller de la communauté d'agglomération. A le croire, les Palois n'ont-ils pas tout à y gagner ?

Aussi n'est-il pas surprenant que le projet, à l'article 6, tende à créer un régime déclaratif en matière d'établissement de réseaux ouverts au public. En gros, Erenis montrerait le chemin, encouragé par le législateur. Dans le même temps, la loi pour la confiance dans l'économie numérique renforce les capacités des collectivités à devenir, à l'instar de Pau, opérateur de réseau, là où les acteurs privés sont désespérement absents. Erenis entend équiper 30 000 logements en fin d'année. A, Pau SAGEM souhaite connecter 37 000 foyers sur quarante mois. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Cependant, ces perspectives sont inquiétantes pour ceux qui, comme nous, entendent assurer l'accès de tous aux nouvelles technologies. Or, un tel objectif n'a jamais été aussi illusoire, en dépit des deux exemples précédemment cités.

Le cas d'Erenis est symptomatique d'une dérive qui ne pourra qu'être accentuée une fois le présent texte adopté et qui se traduit par l'absence de réseau dans de nombreuses zones rurales alors que ces réseaux se multiplient dans les zones densément peuplées. Ces doublons sont une véritable gabegie économique, à l'échelle continentale. Des millions d'euros sont dilapidés pour s'accaparer des niches rentables, sans vision d'ensemble et au détriment de la plus grande partie du territoire. Qui plus est, ces réseaux sont souvent rapidement menacés d'obsolescence, à l'heure où les applications d'internet requièrent un débit toujours plus important. Pau, en choisissant la fibre optique, a fait un choix d'avenir pour ses administrés, mais le débit de 512 kilobits d'Erenis se révélera rapidement insuffisant.

Pour préparer l'avenir, il est nécessaire d'en finir avec ce gâchis financier et de canaliser les moyens en vue d'un équipement en fibre optique de l'ensemble du territoire. Avec la privatisation de France Télécom et la promotion de la loi du plus fort à l'échelle européenne, les pouvoirs publics se condamnent à ne pas pouvoir appliquer le principe de l'égal accès de chacun aux nouvelles technologies. A chacun selon ses facultés et selon l'endroit où il habite : voilà qui semble résumer le futur qui est promis aux 450 millions d'habitants de l'Union Européenne !

L'exemple de Pau est, sur le plan des principes, tout aussi critiquable. On ne reprochera certes pas aux élus d'avoir fait le choix du très haut débit, mais il faut garder à l'esprit que les collectivités territoriales ont un potentiel fiscal très inégal. Les collectivités les plus pauvres ne seront pas en mesure d'injecter les millions nécessaires pour se doter d'infrastructures analogues. Le législateur, en autorisant les collectivités à devenir opérateurs de réseau sans instaurer des mécanismes de péréquation élémentaires ni même mettre à contribution les opérateurs privés, qui ne s'occupent que des zones les plus rentables, a entériné le désengagement de l'Etat. Plus que de modèle à imiter, le cas palois fera figure d'horizon inaccessible pour une majorité d'élus locaux. « A chacun selon ses facultés » n'est pas un credo pour une République qui se proclame sociale ! L'égoïsme local ne remplace pas un projet global seul capable de maintenir un semblant de solidarité nationale.

Ces deux exemples relèvent donc d'une vision du monde profondément inégalitaire. Ils suffisent amplement à justifier notre choix de voter contre l'adoption de ce texte.

M. Jérôme Lambert - Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous nous apprêtons, avec un an de retard, à adopter définitivement le projet de loi qui transpose dans notre droit le paquet télécoms. Notre manque d'ardeur nous aura valu plusieurs avertissements de la Commission européenne.

M. Patrice Martin-Lalande - Triste période !

M. Pierre-Christophe Baguet - La France s'honorerait à mieux respecter ses propres engagements. A la veille des élections européennes, ce serait un signe positif de notre volonté de rendre l'Europe plus efficace et plus proche.

Outre le paquet télécoms, le Gouvernement a inséré dans ce texte un important volet audiovisuel qui touche aussi bien à la TNT qu'au périmètre du service public, aux obligations de reprise, aux compétences du CSA, aux chaînes locales ou à la radio. C'est ce qui explique le paradoxe selon lequel, bien que nous ayons pris notre temps au regard du calendrier européen, nous avons travaillé dans la plus grande urgence ! Le Gouvernement a tellement élargi le texte initial que nous avons manqué de recul sur des enjeux pourtant fondamentaux. Trois jours pour discuter, à l'Assemblée nationale, de plus de cent articles, c'est un peu court ! L'UDF avait proposé, lors du débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse écrite qu'elle avait organisé dans sa fenêtre parlementaire, d'instaurer, avant l'examen de chaque texte, un dialogue préalable avec les médias. Ce temps de concertation devrait nous permettre de mieux prendre en compte les implications que chaque mesure concernant l'un des médias a sur les autres, et permettre à l'Etat de jouer pleinement son rôle de régulateur, moteur de la modernisation du secteur.

L'UDF se félicite du renforcement, dans le projet de loi, des compétences du CSA, de l'ART et du Conseil de la concurrence, qui doivent pouvoir jouer efficacement leur rôle. En revanche, il est regrettable que leurs champs de compétences ne soient pas plus cohérents. La CMP n'est pas revenue sur certaines dispositions pouvant prêter à confusion, comme le règlement de certains litiges commerciaux par le CSA plutôt que par le Conseil de la concurrence. Je regrette également que le CSA ne puisse toujours pas s'appuyer sur les décrets définissant l'_uvre audiovisuelle. Monsieur le ministre, votre prédécesseur nous assurait sans relâche de leur publication imminente. Qu'en est-il réellement ?

En ce qui concerne la TNT, la CMP a maintenu l'article 96 ter fixant l'arrêt de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique cinq ans après le lancement des émissions en mode numérique. La mesure est bonne, et je regrette que son application soit subordonnée à une couverture numérique du territoire que l'on estimerait suffisante. La réussite de la TNT passe par des signes forts et un calendrier précis. Protégeons la TNT de tout argument susceptible de différer encore un peu plus son développement ! Et, quitte à constater un retard dans son lancement, et sans offrir d'arguments à de quelconques opposants, je souhaite que la représentation nationale s'interroge davantage sur le choix de la norme technique retenue. N' est-il vraiment pas possible de concilier respect du calendrier et choix technologique d'avenir qui ne se limite pas au seul transfert de l'analogique au numérique ? Certes, la technologie du lendemain sera toujours plus performante et il ne faut pas passer son temps à l'attendre. Mais il y a certainement une opportunité à saisir. A défaut de toute possibilité d'évolution, assurons-nous au moins de ne pas nous interdire définitivement toute capacité d'adaptation technologique !

Enfin, je suis favorable à un lancement différé entre les chaînes gratuites et payantes. En proposant les deux offres en même temps, le risque que les téléspectateurs préfèrent s'habituer d'abord à l'ensemble de l'offre gratuite est réel. Ne déstabilisons pas les équilibres financiers fragiles du secteur. En adoptant l'amendement de notre excellent rapporteur pour avis (M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, applaudit) tendant à permettre au CSA de regrouper à l'avenir les chaînes gratuites sur les mêmes multiplexes, nous avons fait un premier pas, mais il faut aller plus loin. Le CSA doit pouvoir procéder à une différenciation de lancement entre gratuit et payant.

J'en viens aux télévisions locales, qui sont la richesse de notre vie culturelle et contribuent au développement de la convivialité et de la démocratie. Il est nécessaire de les aider. Un amendement de mon collègue Rodolphe Thomas a été adopté, visant à appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux rémunérations versées par les collectivités territoriales aux télévisions locales qui ont passé un contrat d'objectifs et de moyens. Le Sénat avait supprimé cette excellente mesure et le groupe UDF se félicite que la CMP l'ait rétablie.

En ce qui concerne les obligations de reprise, l'essentiel est la garantie des libertés publiques et des grands équilibres entre les différents modes de diffusion. En couplant le principe d'une obligation de reprise, sur leur demande, des chaînes hertziennes avec un système de service antenne, les deux assemblées ont adopté une solution juste et équitable.

Je terminerai avec la radio, qui m'est chère, comme à tous nos concitoyens, et donc avec la replanification des fréquences. La CMP a maintenu deux de mes propositions. La première consiste à demander au CSA une étude poussée sur la replanification. J'ai toutefois un sentiment mitigé sur la volonté commune de faire avancer ce dossier, bien que le CSA ait enfin décidé, le 6 février, de créer un groupe de travail. Votre prédécesseur n'avait cessé de nous annoncer le lancement de l'étude. Il est allé jusqu'à dire, début février, que l'étude était prête, mais en mars, on la cherchait toujours ! Les opérateurs ont été ensuite consultés par deux fois pour rédiger le cahier des charges de la future étude et ont, fait très rare, rédigé une réponse commune. Depuis, sans nouvelles du CSA, c'est par Renaud Muselier, ministre délégué aux affaires étrangères, qu'on avait appris que le cahier des charges était bouclé... et aujourd'hui, il paraît que les opérateurs l'ont rejeté en bloc car il était tellement « orienté » que l'étude ne pouvait conclure qu'à l'urgence de ne rien changer ! Pire, alors que notre assemblée avait décidé de doter le CSA d'une équipe technique spécifique pour la radio, le recrutement n'est toujours pas effectué car l'administration refuse de répondre aux exigences des candidats concernant leur statut.

Ce n'est pas sérieux. Le temps presse ! Entre 2006 et 2008, près de la moitié des autorisations privées vont parvenir à échéance. C'est une chance. Saisissons-la, d'autant que nous avons - et c'était ma deuxième proposition - adopté un amendement permettant de prolonger d'au maximum deux ans les autorisations arrivant à expiration, pour permettre au CSA de choisir la meilleure date pour procéder à la replanification. J'ai bien noté les réserves des radios indépendantes et associatives. Je suis heureux que l'article 68, modifié par le Sénat, réponde pour partie à leurs souhaits. Mais au-delà de la replanification, les radios associatives sont beaucoup plus inquiètes du non-remplacement des emplois jeunes, des CES ou des CEC ! Elles s'interrogent aussi sur la diminution du fonds de soutien à l'expression radiophonique, notamment pour l'année 2002, qui n'a toujours pas été compensée. Il y a là matière à enquête : comment une taxe, calculée sur une pourcentage de publicité et versée à un compte d'affectation spéciale, peut-elle autant diminuer ? Les entorses à la loi de finances, en matière de communication, se répètent trop souvent. Si l'on veut réellement offrir à tous nos concitoyens la liberté d'entendre la radio de leur choix, et bien que j'aie toute confiance en Mme Denis, nouvellement chargée de ce secteur au CSA, il faudrait qu'elle dispose des moyens nécessaires à sa mission ! Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour redonner un élan politique à ce dossier si important pour notre démocratie. Dans cet esprit de confiance, l'UDF votera le texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Emmanuel Hamelin - Je me réjouis de ce texte équilibré, enrichi par de nombreux amendements. L'abaissement des coûts de diffusion pour les télévisions locales dans le cadre de la TNT et grâce à l'harmonisation des techniques de diffusion, est en particulier très positif.

La TNT, qui présente de nombreux avantages, est déjà largement en place dans la plupart des pays européens et la France se devait d'être au rendez-vous. Le CSA pourra désormais envisager le lancement de la TNT dans la sérénité. Il lui revient d'ailleurs d'en définir les modalités, tant en ce qui concerne le calendrier - que l'on souhaite conforme aux préconisations du rapport Boyon - qu'en ce qui concerne l'organisation des offres gratuite et payante.

A ce propos, j'avais déposé un amendement qui permettait de réorganiser les multiplex entre l'offre gratuite et l'offre payante. Je crois que cette possibilité est aujourd'hui acquise même si elle ne se fera sans doute pas dans le cadre de cette réorganisation.

M. Pierre-Christophe Baguet - C'est dommage.

M. Emmanuel Hamelin - Je rappelle que les normes MPEG 2 ou 4 relèvent de la responsabilité du Gouvernement et non plus du CSA et que le multiplex R5 fait encore débat. Je souhaite donc que des décisions ne soient pas prises trop rapidement pour que l'on puisse réfléchir à une expérimentation sur le MPEG 4 et la haute définition dans le cadre de ce multiplex.

Je me réjouis que l'extinction de la diffusion analogique soit prévue cinq ans après la mise en place de la TNT sous réserve de l'état de la couverture du territoire, d'une information appropriée du public et de l'équipement des foyers comme le préconisent le CSA et le Gouvernement.

Je me réjouis également des dispositifs qui permettent de mieux appréhender les enjeux économiques, politiques et technologiques de la télévision de demain.

Ce projet définit un cadre qui organise notre paysage audiovisuel en fonction des nouvelles technologies, et je le voterai.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande - Ce texte est très important car il constitue une indispensable mise à jour en matière technologique et une avancée pour notre pays dans le cadre législatif européen : nous savons en effet ce qu'a d'essentiel l'harmonisation des réglementations dans le domaine des réseaux, et il fallait en la matière combler notre retard.

De plus, ce texte pose les règles d'une concurrence vertueuse dont les consommateurs seront les premiers bénéficiaires grâce à une offre enrichie.

Il assure en outre la neutralité du droit par rapport aux différentes technologies afin de préserver le pluralisme le plus large, moteur essentiel de l'innovation.

Nous devions refonder la régulation publique de l'internet, et c'est fait.

Je me réjouis de l'adoption de plusieurs amendements, notamment relatifs à la gratuité des appels vers les services sociaux et à la tarification à la seconde.

Autres avancées importantes : l'obligation de reprise et de livraison qui devait évoluer pour tenir compte des novations qui caractérisent le paysage audiovisuel français, l'arrivée de la TNT, la réception déjà expérimentale de la télévision via le réseau téléphonique grâce à l'ADSL.

De plus, nous avons veillé à ne pas remettre en cause brutalement les équilibres économiques qui ont permis le développement d'un large éventail de chaînes.

Nous savons que dans le domaine du numérique, toute législation est éphémère, « technodégradable » et même « eurodégradable » : nous devrons rapidement remettre l'ouvrage sur le métier.

Le Parlement et le Gouvernement ont démontré leur capacité à doter notre pays des atouts juridiques nécessaires au mariage de la République et du numérique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - Je remercie à nouveau l'Assemblée nationale, le rapporteur et le président de la commission. Ce texte a été considérablement enrichi.

Je souhaite également que le Sénat permette à la France de combler son retard en l'adoptant.

Ce projet donnera une sécurité juridique propice au développement économique tout en protégeant les opérateurs et les consommateurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je salue M. le président de la commission des affaires culturelles puisque je n'ai pas eu l'occasion de le faire tout à l'heure.

Madame Jacquaint, il ne s'agit pas de favoriser la dérégulation mais de faire en sorte que le progrès technologique soit accessible à chacun.

Mme Muguette Jacquaint - Ça, on verra...

M. le Ministre - Je suis sûr que vous saurez persuader le maire de Pau de prendre en la matière toutes ses responsabilités.

Monsieur Baguet, vous craignez que les fonds de soutien à l'expression radiophonique ne diminuent. Je vous enverrai les chiffres exacts : les crédits ne diminuent pas, mais comme les radios associatives éligibles à cette aide sont de plus en plus nombreuses, il est inévitable que certaines souhaiteraient avoir plus de moyens. Le Gouvernement est en tout cas attaché à la plus grande diversité et au plus grand pluralisme.

L'_uvre audiovisuelle est un sujet particulièrement conflictuel. A ce jour, il n'y a pas d'accord entre les différentes parties prenantes. Il faut y travailler, et c'est ce que je ferai dès qu'un autre front social me le permettra (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 11heures 15,est reprise à 11 heures 50.

DROIT DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. le Président - La suspension a été plus longue que prévue, en raison du dépôt de plusieurs amendements par le Gouvernement.

Mme Hélène Mignon - Rappel au Règlement.

Hier soir, nous avons écouté avec intérêt Mme la Secrétaire d'Etat. Nous avons eu le sentiment que pour elle, comme pour nous, comme le pensent aussi de nombreuses associations, ce texte même enrichi par le Sénat n'est pas satisfaisant. Il s'agit d'un replâtrage et non d'une grande loi.

Les amendements du Gouvernement - nous en recevons encore - montrent qu'on s'achemine vers un autre texte que celui qui a été examiné en commission. Il ne s'agit pas de simples ajustements.

Nous sommes étonnés, pour ne pas dire indignés, de devoir travailler dans ces conditions. On ne peut accepter que ce texte soit remanié dans la précipitation.

Ce serait indigne du Parlement et peu respectueux des personnes concernées.

Monsieur le président, je souhaite donc que nous interrompions nos travaux. Toutes les lois sur le handicap ont fait l'objet d'un consensus. Aujourd'hui, nous ne voulons pas légiférer dans la précipitation, puisque aussi bien nous légiférons pour de nombreuses années.

Je demande donc au président Dubernard de bien vouloir nous réunir en commission pour entendre Mme la Secrétaire d'Etat. Ainsi, nous pourrons débattre dans la clarté.

Au nom du groupe socialiste, je demande une suspension de séance de trente minutes.

M. Daniel Paul - Hier soir, nous avons eu une séance difficile. Pour les parlementaires, ce n'est pas grave : ils sont là pour cela... Mais je regrette qu'il n'en ait rien résulté de positif pour les personnes concernées.

Tout le monde regrette que le renvoi en commission n'ait pas été adopté (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Nous aurions évité les difficultés auxquelles nous voici confrontés.

L'amendement 872 rectifié du Gouvernement vise à insérer un article additionnel qui crée un nouveau dispositif. Des sous-amendements ont été déposés. Créer un observatoire, définir un programme de prévention, ce n'est pas neutre. L'amendement comporte neuf points, de A à I. Il ne s'agit plus de coordination ou d'ajustement, mais d'un remaniement en profondeur du texte.

Nous avons besoin de faire une pause. Il faut réunir la commission pour examiner les amendements du Gouvernement, dans un esprit de consensus. Je ne dis pas, en effet, que ces amendements soient mauvais. Je dis simplement qu'ils méritent d'être examinés de manière précise en commission.

Pour gagner du temps, il faut parfois savoir en perdre. Nous devons nous réunir en commission pour aboutir à de bonnes dispositions qui donnent satisfaction à ceux qui nous écoutent, et que nous ne devons pas décevoir.

Au nom du groupe communiste et républicain, j'approuve la demande de Mme Mignon.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - J'ai entendu les arguments de Mme Mignon et de M. Paul. Ce texte est d'une grande importance. Depuis trente ans, nous n'avons pas légiféré sur les droits des personnes handicapées, qui attendent de nous le texte le meilleur possible. La rédaction du projet a été considérablement améliorée par le Sénat. Il nous faut aller de l'avant. Il s'agit d'un des trois grands chantiers du Président de la République. Par ailleurs, la commission a organisé l'an dernier un colloque qui nous a permis de débattre longuement. Cependant, je partage l'avis de nos collègues socialiste et communiste sur les difficultés de forme que nous rencontrons. Nous nous sommes réunis quatre fois au titre de l'article 88, dont trois fois pour des raisons de forme.

Je vous propose que nous nous réunissions à 14 h 30 en commission, pour que le Gouvernement explique les raisons qui l'ont conduit à déposer de nouveaux amendements (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Yvan Lachaud - J'approuve cette suggestion. Cependant, j'ai trouvé regrettable, hier soir, qu'un amendement déposé par le Gouvernement, même s'il en reprenait d'autres, ait occulté le débat.

On ne peut parler de « replâtrage » à propos de ce projet, qui va modifier en profondeur la loi de 1979.

Je souhaite que nous puissions débattre du fond. Hier soir, j'aurais voulu évoquer la question du polyhandicap. Il est normal que la représentation nationale se saisisse de tels débats, aussi intéressants que soient les amendements du Gouvernement.

M. François Vannson - Je veux tout d'abord saluer l'exceptionnel esprit d'ouverture dont a fait preuve Mme la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Sur le fond, j'observe que le Gouvernement nous présente un projet qui apporte des solutions et des moyens, notamment financiers. Alors, on peut vouloir approfondir le débat, mais je souhaite que cette mise au point qu'a demandée le Président de la commission soit la dernière et que nous reprenions sereinement la discussion avec la seule volonté de lui donner toute l'humanité nécessaire. Les handicapés attendent de nous des réponses concrètes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Chaque fois que vous me demanderez de parler avec vous de ce texte, dans cet hémicycle ou en commission, je répondrai présente car je partage avec vous la volonté de bâtir un texte qui améliore la situation des personnes handicapées.

Sur les questions de forme que vous évoquez à juste titre, je rappelle que c'est parce que nous avons voulu entendre jusqu'au dernier moment les parlementaires et les associations que tous ces aménagements sont devenus nécessaires. Je comprends votre sentiment de frustration, mais la rédaction du Gouvernement ne trahit en rien vos intentions puisque nombre de vos idées y sont reprises, notamment une de votre groupe, Monsieur Paul, au point i) de l'amendement 872 rectifié.

Rendez-vous est donc pris pour 14 heures 30 ; pour le reste, donnons à cette loi l'architecture qu'elle mérite et avançons : les associations nous attendent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Compte tenu de ces explications, maintenez-vous votre demande de suspension, Madame Mignon ?

Mme Hélène Mignon - Je la retire.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - L'amendement 842 est de coordination.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 842, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 843 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 843, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Emmanuel Hamelin - La disposition qui prévoyait le dépôt d'un rapport au Parlement tous les cinq ans ayant été supprimée, je propose, par l'amendement 534, qu'un tel rapport soit déposé et débattu tous les trois ans.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé, non parce qu'elle l'a jugé sans intérêt, mais parce qu'il sera satisfait par un amendement que je défendrai ultérieurement, qui prévoit un rapport global sur la problématique du handicap. Nous aurons donc bien, tous les trois ans, un débat sur le bilan de la politique menée en la matière et sur d'éventuelles améliorations à lui apporter.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable, même si, en effet, cet amendement sera satisfait par celui du rapporteur après l'article 49. Je suis attachée à ce que nous puissions évaluer ensemble l'action conduite en faveur des personnes handicapées, d'autant qu'elle mobilise des investissements considérables.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Cette évaluation me paraît une bonne idée, mais je souhaite savoir comment le dispositif proposé s'articulera avec les objectifs de la caisse nationale de solidarité et d'autonomie, qui risque ainsi d'être dessaisie d'une de ses compétences, et avec l'évaluation de l'ensemble des politiques publiques, locales et nationales, prévue par la loi de décentralisation.

M. René Couanau - Ce n'est pas le sujet !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je ne suis pas agressive, mais je me souviens que M. Devedjian m'avait répondu que nous n'aurions plus besoin d'autres mécanismes d'évaluation et je souhaite donc avoir des précisions sur la façon dont tous ces dispositifs seront coordonnés.

M. le Rapporteur - Cet amendement ne traite pas d'un organisme d'évaluation mais d'un rapport qui sera soumis au Parlement par le Gouvernement, après avis du Conseil national des personnes handicapées.

M. Emmanuel Hamelin - Compte tenu des explications du rapporteur, je retire l'amendement 534.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 868 crée un nouveau titre intitulé « Prévention, recherche, accès aux soins », je m'en suis expliquée hier.

M. le Rapporteur - Cette nouvelle présentation est souhaitable car plus on ira loin dans la recherche et dans la prévention, plus on s'occupera du sort des personnes handicapées. La commission est donc favorable.

L'amendement 868, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous avons également déjà débattu de l'amendement 872 rectifié, qui reprend la plupart des préoccupations de votre commission et qui fait aussi droit à d'autres idées comme celle des actions pédagogiques en milieu scolaire et professionnel, qui émane du groupe communiste et de Mme Boutin.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à cette rédaction même si je proposerai sans doute, au cours de la navette, que l'on se préoccupe aussi de l'environnement des personnes handicapées, afin d'en finir avec ces établissements sinistres avec uniquement des chambres de chaque côté d'un couloir, et de réfléchir à la conception - pour ne pas employer le mot « design » - et à l'esthétique.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous sommes bien sûr favorables aux améliorations proposées, mais il serait important que le Conseil national des personnes handicapées soit consulté sur les programmes de recherche. Par ailleurs, il faudrait préciser comment ceux-ci seront financés.

M. Daniel Paul - Bien entendu, nous apprécions l'introduction d'éléments proposés par notre groupe. Cependant, un droit nouveau ne vaut que par les moyens accordés pour le rendre effectif.

On aurait pu comprendre que les opérations du type Téléthon lancées par les associations, qui font appel à la solidarité directe du public, servent, au-delà de l'aide apportée aux personnes, à la recherche appliquée ; mais elles servent à financer la recherche fondamentale en génétique. C'est dire l'insuffisance des budgets publics de recherche dans ce domaine. Alors, oui à cet amendement, mais à condition qu'il ne reste pas lettre morte : l'Etat doit consentir un effort financier, afin de ne pas contraindre les associations à pallier ses insuffisances. A cet égard, les chercheurs ont manifesté récemment leurs inquiétudes.

M. Claude Leteurtre - Dans la discussion générale, j'avais insisté sur la nécessité d'avoir une vraie politique de recherche dans le domaine du handicap. Comme M. Paul, j'approuve cet amendement, mais je demande qu'on dégage des moyens financiers, et qu'on les sanctuarise car il faut les préserver des aléas budgétaires. Ne nous contentons pas de déclarations d'intentions car, ne l'oublions pas, chaque année 8 000 personnes naissent avec un handicap.

M. le Président de la commission - L' office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, qui s'est réuni hier au Sénat, publiera au début du mois de juillet un rapport, qui contiendra des suggestions extrêmement intéressantes en matière de prévention du handicap.

M. Claude Leteurtre - Je m'en réjouis, tout en insistant sur l'importance des moyens financiers. En les utilisant de manière ciblée, on peut faire beaucoup de progrès.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - M. Paul a raison de souligner l'action extraordinaire des associations, en particulier de l'AFM, qui ont fait énormément pour le développement des métiers et des dispositifs d'évaluation et pour l'organisation de la prise en charge. Il faut adopter une logique ni exclusivement sanitaire, ni exclusivement génétique, mais globale. Pour cela, nous avons besoin d'une part de financements clairement identifiés, d'autre part d'une animation non seulement nationale, mais aussi régionale. Dans le cas de l'AFM, notamment, les structures régionales jouent un rôle essentiel. Le lien avec la politique de santé publique est fondamental.

M. le Président de la commission - Tout à fait d'accord.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Notre sous-amendement 980 tend à recueillir l'avis du conseil national consultatif des personnes handicapées sur l'ensemble des programmes. Par notre sous-amendement 981, nous demandons que le Gouvernement transmette régulièrement au Parlement un rapport sur ces programmes.

M. le Rapporteur - Avis défavorable au sous-amendement 980, même si j'ai beaucoup de sympathie pour le CNCPH, qui est placé sous l'autorité d'hommes de grande qualité. En effet il ne faudrait pas que ce conseil mène une action dispersée.

Quant au sous-amendement 981, il est satisfait.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis sur le sous-amendement 981. En ce qui concerne le sous-amendement 980, il ne faudrait pas adopter des dispositions qui risqueraient d'aboutir à l'inverse de l'effet recherché. Nous avons besoin d'une recherche foisonnante, qui ne soit pas soumise à trop de contraintes. Bien entendu, les associations seront informées des travaux. Avis défavorable donc.

M. Daniel Paul - J'avoue ne pas comprendre votre position sur le sous-amendement 980. Certaines composantes de ce conseil conduisent elles-mêmes d'importants programmes de recherche. Imaginons que, malheureusement, le Téléthon disparaisse. Il a produit cette année environ 500 millions de francs, et l'AFM, sur cette base, a engagé des actions. Le Gouvernement est-il disposé à prendre le relais, afin de ne pas laisser perdre l'acquis de nombreuses années ? Consulter le CNCPH sur les dispositifs que vous venez vous-même d'énumérer, c'est tout simplement prendre en compte les travaux menés par les associations sur le handicap.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Je ne comprends pas moi non plus pourquoi vous refusez de prendre l'avis du CNCPH. Ce dont nous discutons ici trouve pour l'essentiel son origine dans les travaux de ce conseil, qui regroupe des associations elles-mêmes engagées dans des actions de recherche.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Madame la ministre, répondre favorablement ne vous coûterait rien ! Il existe un lien profond entre le monde politique et le monde du handicap.

Nous avons vérifié la fécondité de cet aller et retour avec le droit à compensation. C'est aux associations, sur le terrain, que l'on doit aussi la construction des professions du handicap. Nous avons tout à gagner à nous enrichir mutuellement. Je ne comprends donc pas votre refus.

Mme Muriel Marland-Militello - Je suis membre de droit du CNCPH, un organisme très utile, mais au fonctionnement assez lourd. Sa consultation ajouterait de la lenteur dans un domaine qui requiert souvent des décisions rapides.

Le CNCPH a déjà beaucoup à faire, son intervention ajouterait des délais supplémentaires, alors même que les associations concernées par la recherche sont de toute façon consultées.

Mme la Secrétaire d'Etat - Comprenons-nous bien. Le Gouvernement propose un dispositif destiné à stimuler la recherche et à accroître les programmes consacrés au handicap. Imposer un passage obligé par le CNCPH à chacun des programmes l'un après l'autre créerait une lourde contrainte. De plus, le CNCPH peut se saisir de toute question lui paraissant relever de sa compétence.

Enfin, il sera naturellement consulté sur le rapport triennal qui me sera remis.

Les sous-amendements 980 et 981, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 872 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 871 rectifié tend à compléter, dans le sens souhaité par la commission, les dispositions adoptées par le Sénat. Le Gouvernement propose en outre de créer un observatoire national sur la formation, la recherche, et l'innovation sur le handicap, chargé en particulier d'établir un rapport tous les trois ans.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement dans sa rédaction rectifiée. Il me paraît s'inspirer très fortement d'une proposition de la commission, qui cependant souhaitait créer un institut plutôt qu'un observatoire. A titre personnel, je suis favorable.

M. Daniel Paul - Je lis que l'observatoire « établit un rapport remis au ministre en charge des personnes handicapées tous les trois ans ». Instituteur, j'apprenais à mes élèves qu'il fallait écrire « Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait », avec une virgule pour éviter un faux-sens. Ici, on pourrait comprendre que le ministre est en charge des handicapés tous les trois ans (Sourires). Il convient donc d'écrire : « Il établit tous les trois ans un rapport »...

Mme Muriel Marland-Militello - Il est important d'associer l'université aux programmes pluridisciplinaires de recherche. Les personnes en situation de handicap ont tout à gagner au regard neuf que peuvent porter sur elles des étudiants. Par ailleurs, la périodicité de trois ans n'est-elle pas un peu trop espacée ?

M. le Rapporteur - C'est raisonnable.

Mme Hélène Mignon - L'absence de représentants des personnes en situation de handicap n'est-elle pas malencontreuse, lorsqu'il s'agit d'examiner comment améliorer leur vie quotidienne ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Monsieur le rapporteur, pour coordonner des actions et des initiatives de tous ordres, un observatoire nous a paru préférable à un institut. Naturellement, les associations en seront parties prenantes.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Votre intention, si j'ai bien compris, est de dynamiser la réflexion collective. Vous n'y parviendrez, à mon avis, que si vous vous appuyez sur une logique régionale, et je regrette de ne pas pouvoir présenter un sous-amendement dans ce sens. Je ne suis pas parvenue à créer un institut national sur le vieillissement, mais j'ai pu le faire avec succès en Franche-Comté.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis d'accord avec vous. Le niveau national est nécessaire pour traiter de certains types de handicap, comme les maladies rares. Mais l'échelon régional est déterminant, et je compte donc corriger dans ce sens ma proposition au cours de la navette.

Mme Muriel Marland-Militello - C'est ce que j'allais proposer.

L'amendement 871 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 873 précise que la formation initiale ou continue des professionnels de santé comporte un volet sur l'accueil du handicap. Cette obligation de formation était présente dans le texte pour maintes autres professions et il était étonnant qu'elle ne figure pas pour les professionnels de santé.

M. le Rapporteur - Avis favorable. La commission est très sensible à ce souci de formation et considère d'ailleurs qu'il doit s'étendre à bien d'autres que les professionnels : familles, associations et, de manière générale, tous ceux qui ont en charge des personnes handicapées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Pour les maternités, une circulaire, qui date de 1982, précise de quelle façon les professionnels doivent accueillir la naissance d'un enfant handicapé et sa famille. D'autres textes existent, souvent fort bien rédigés, et il serait important de veiller à leur application.

M. Daniel Paul - L'amendement mentionne l'accueil et la prise en charge des personnes handicapées : reste en suspens la question de l'annonce du handicap. Comment le professionnel, à quelque place qu'il se situe dans le système, doit-il procéder ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - A ce propos, une profession en particulier mérite un travail en profondeur : la radiologie. Les radiologues sont souvent ceux qui annoncent une difficulté. Ils sont prêts à travailler avec nous - ce qui nous renvoie une fois de plus au débat sur l'assurance maladie et la santé publique.

Par ailleurs, la formation ne doit pas concerner que les professionnels de santé. D'autres secteurs sont concernés, tels que l'éducation nationale ou les travailleurs sociaux. Il serait très profitable de s'inspirer de l'action de l'association française contre les myopathies, qui a créé un véritable métier : celui des techniciens de l'insertion, véritables médiateurs entre tous les acteurs - médecins, familles, professionnels sociaux. Cette expérience montre bien que la formation ne suffit pas : il faut un travail énorme d'animation et d'accompagnement des acteurs. C'est pour cela que je renvoie toujours à une logique régionale. L'enjeu culturel est énorme. Nous n'arriverons pas à changer les mentalités sans nous appuyer sur les réalités du terrain et sur le dispositif de la recherche-action, qui n'est pas assez développé en France.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je souhaite donner satisfaction en séance à M. Paul. Je propose donc de modifier mon amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La fin du texte deviendrait ainsi : « concernant l'accueil et la prise en charge des personnes handicapées ainsi que l'annonce du handicap ».

L'amendement 873 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 870 précise que les personnes handicapées sont pleinement concernées par les plans de santé publique. Il reprend l'idée du rapporteur visant à permettre aux personnes handicapées de bénéficier de l'évolution des traitements pour la réduction des handicaps, sans intégrer les consultations médicales qui y seront consacrées dans le cadre de la prestation de compensation, dont ce n'est pas la vocation.

M. le Rapporteur - Avis favorable. Je suis heureux de constater que j'ai pu influencer le Gouvernement sur ce point et je le remercie d'avoir repris mes propositions.

Mme Muguette Jacquaint - Votre amendement impose la prise en compte du handicap dans les politiques tant de santé publique que de prévention. Je m'en réjouis. Lors du débat sur la santé publique, nous avions attiré l'attention sur cette question et la réponse était loin d'être satisfaisante. Nous prenons donc acte. Mais il faudra que les moyens budgétaires suivent !

Mme Hélène Mignon - On ne peut être que favorable à cet amendement, mais il pose des problèmes de mise en _uvre. Qui pratiquera les consultations de prévention supplémentaires : les COTOREP, la sécurité sociale, la maison du handicap ? Et quelle forme et quelle périodicité revêtiront-elles ? Il faudra sans doute les confier à une équipe pluridisciplinaire, mais la fréquence des consultations variera selon les handicaps particuliers. Cet amendement pose donc de nombreux problèmes pratiques.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous sommes dans le contexte de la prévention, qui est organisée par le code de la santé publique et donc prise en charge par la sécurité sociale. Cela ne rentre en rien dans le financement de la compensation du handicap.

L'amendement 870, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - Je rappelle que la réunion de la commission des affaires culturelles de 14 heures 30 est ouverte à tous les députés qui souhaitent y participer, quelle que soit la commission à laquelle ils appartiennent.

M. le Président - La séance ne sera reprise à 15 heures 30, pour laisser du temps à la commission.

Mme Marie-Renée Oget - Le débat se prolongeant et la salle Lamartine étant réservée aux associations de personnes handicapées, pouvons-nous être assurés qu'elles pourront y avoir accès, notamment la semaine prochaine ?

M. le Président - Bien évidemment, nous prendrons les mesures nécessaires pour qu'il en soit ainsi. Il n'est pas question de priver les associations d'assister à nos débats.

Mme Marie-Renée Oget - Je vous remercie.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des finances a décidé de se saisir pour avis des articles 16 et 22 du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Prochaine séance à 15 heures 30.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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