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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 98ème jour de séance, 241ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 3 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DROIT DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 2

      AVANT L'ART. 2 2

      ART. 2 2

      APRÈS L'ART. 2 18

      MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 20

La séance est ouverte à quinze heures trente.

DROIT DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

AVANT L'ART. 2

Mme Anne-Marie Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Par l'amendement 979, le Gouvernement vous propose d'insérer dans le code de l'action sociale et des familles un article nouveau L. 114-1-1 ainsi rédigé : « La personne handicapée a droit à une compensation des conséquences de son handicap quels que soient la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. » Le champ du droit à compensation est ainsi précisé.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission ne peut qu'être favorable à cet article additionnel, qui abolit notamment la barrière d'âge.

M. Daniel Paul - L'intention est louable mais, comme tout autre droit, le droit à compensation ne vaudra que si des moyens suffisants sont destinés à son application, sans quoi, il demeurera très limité. C'est pourquoi les députés communistes, qui apprécient l'éclaircissement qu'apporte l'amendement, seront très attentifs aux suites budgétaires qui lui seront données.

L'amendement 979, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Daniel Paul - J'ai reçu d'une famille de ma circonscription, dans laquelle est née une enfant en situation de handicap, un courrier dont je tiens à vous faire connaître les termes. Après avoir dit la difficulté d'affronter le handicap, la maman explique que, pour percevoir l'AES en quatrième catégorie, qui induit une allocation mensuelle de 487 € pour une aide à temps plein, elle a dû accepter d'être radiée des ASSEDIC - et renoncer ainsi aux 370 € qu'elle percevait - et décider de ne plus travailler. Mais lorsque l'enfant a été transférée en IME, c'est une AES de troisième catégorie qui a été versée, soit 314 € par mois pour une aide à mi-temps. La maman a alors cherché à compenser cette perte de revenus en trouvant un travail à temps partiel, qui lui a procuré 144 € mensuels. Il n'était pas question pour elle de chercher une rémunération supérieure, puisque cette somme est le maximum au delà duquel l'AES de troisième catégorie ne peut plus être perçue.

Elle signale ces évolutions à la CAF, et patatras ! Voilà qu'elle doit rembourser un trop-perçu d'APL de 176 €. Elle doit ensuite se réinscrire à l'ANPE et aux ASSEDIC pour que son APL puisse repasser à 191 €, ce qui exige deux mois d'attente - je passe sur le nombre de coups de téléphone, de rendez-vous difficiles... Finalement, le passage de son AES de la quatrième à la troisième catégorie lui aura fait perdre 172 €. Bref, au total, elle aura perdu près de 300 €. Ces sommes peuvent vous paraître modestes, mais il ne reste bel et bien à cette personne et sa fille que 114 € par mois pour vivre. Ce cas, que j'ai détaillé à dessein, n'est pas unique. En effet, il n'est pas rare que la détresse du handicap vienne s'ajouter à une détresse sociale. C'est cela qu'il faut garder présent à l'esprit lorsqu'on parle de droit à compensation.

Belle et généreuse idée que ce droit à compensation. Encore faut-il qu'il se traduise concrètement pour les personnes concernées, quel que soit leur âge bien sûr, par une amélioration de leurs conditions de vie. Faute de quoi, nous n'aurions fait que voter un beau principe.

Mme Nadine Morano - Madame la Secrétaire d'Etat, vous avez l'honneur de défendre ce projet de loi, voulu par le Président de la République qui a fait de l'intégration des handicapés dans la vie sociale l'un des trois grands chantiers du quinquennat. Trente ans après la loi de 1975, cette mobilisation était nécessaire. La droite est de nouveau au rendez-vous pour proposer un grand texte sur le handicap, élaboré après une longue concertation avec les associations. Je rends hommage à votre travail, Madame la Secrétaire d'Etat, qui avez encore permis tout à l'heure que ce texte soit amélioré en commission.

Lors du colloque organisé ici à l'initiative du président Dubernard, Pascal Terrasse et moi-même avons co-animé une table ronde consacrée à l'accessibilité pour les handicapés. A cette occasion, nous avons écouté la parole des personnes handicapées : elles demandent seulement à être des citoyens à part entière, des citoyens comme les autres.

M. Paul a cité un exemple, nous pourrions tous en citer plusieurs. J'évoquerai, pour ma part, celui d'une handicapée motrice, étudiante en maîtrise de psychologie, qui souhaiterait pouvoir être autonome dans son appartement mais a, en l'état, besoin d'une assistance 24 heures sur 24. Le droit à compensation que nous instituons devrait lui permettre, et à tant d'autres qui souffrent comme elle, de vivre enfin une vie de citoyen.

Vous nous avez écoutés, Madame la Secrétaire d'Etat, dans la reconnaissance du droit à compensation, puisque les conditions d'âge seront supprimées d'ici à cinq ans et que les conditions de ressources seront revues. Vous êtes allée aussi loin qu'il était possible en ce domaine, car il est vrai que nous devons aussi faire face à d'importants déficits publics. L'important est que ce droit, tant attendu des personnes handicapées, des familles et des associations, soit reconnu.

Mme Cécile Gallez - Elue de longue date, j'ai eu l'occasion de connaître beaucoup de familles où vit un enfant ou un adulte lourdement handicapé. Je sais les difficultés qu'elles rencontrent et combien il leur est difficile, sinon impossible, de trouver une solution d'accueil quand elles sont épuisées par la tâche. Il faudrait créer davantage de places dans de petites structures adaptées et développer des modes d'accueil souples, à la journée ou à la semaine, auxquels les familles pourraient recourir en cas de maladie ou d'extrême fatigue, avec admission instantanée de la personne handicapée. Dans une maison de retraite de ma circonscription, ont pu être ainsi créées quelques places d'accueil temporaire de handicapés, particulièrement utiles. Pourquoi ne pas généraliser une telle expérience et prévoir par exemple, dans les maisons de retraite, un niveau - bien sûr le rez-de-chaussée - réservé à l'accueil de handicapés vieillissants, le handicap ne cessant pas à l'âge de la retraite ? D'où, d'ailleurs, la nécessité d'un droit à compensation sans condition d'âge. Quoi qu'il en soit, j'insiste sur la nécessité de toujours être à l'écoute des familles et des associations, car ce sont elles qui connaissent le mieux les difficultés des personnes handicapées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muriel Marland-Militello - Reconnaître à la personne handicapée un droit à compensation, c'est rétablir à son profit, autant que faire se peut, une égalité en droit, mise à mal par une inégalité de fait, consécutive à son handicap. Il s'agit de lui garantir le maximum de chances et de lui donner tous les moyens nécessaires pour vivre comme un citoyen ordinaire. Nous parlons là du handicap, non de la personne. Il importe de bien distinguer les deux. Quel que soit son degré de handicap, la personne a le droit de choisir son mode de vie. Or, elle peut n'avoir pas totale liberté sur ce point en raison des coûts. Les coûts supplémentaires induits par son handicap suscitent chez elle soit culpabilité envers les siens, soit reconnaissance envers la société, tous sentiments parfois lourds à supporter. Il faut donc rétablir l'égalité des chances au profit de la personne en situation de handicap et, dans le même temps, lui offrir la plus grande liberté de choix dans son mode de vie.

D'autre part, j'estime comme M. Couanau que tenir compte du patrimoine pour attribuer l'allocation de compensation est injuste. Certains parents consentent un effort énorme pour constituer un patrimoine à transmettre à un enfant handicapé qui a de fortes chances de leur survivre. Va-t-on les pénaliser doublement en en tenant compte pour limiter le droit à compensation ? Je renonce cependant à proposer un amendement pour exclure la prise en compte du patrimoine dans l'attribution de cette prestation car les conséquences financières ne peuvent, à ce jour, en être évaluées. L'esprit de responsabilité doit ici l'emporter sur la conviction, car pour trop de beaux projets, comme Handiscol, la déception a succédé à l'espoir, faute de financement. De plus, je me sens très solidaire envers un gouvernement qui incarne les valeurs que nous défendons et je le remercie de consentir ces efforts dans une période très difficile sur le plan budgétaire. Cependant, je vous demande de faire évaluer le coût de la suppression de toute condition de ressource à la compensation et de nous le faire connaître avant l'examen du projet de budget pour 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Robert Lecou - Cette loi est un progrès. Il ne sera cependant complet que si le regard porté sur les handicapés change, afin qu'ils aient toute leur place dans notre communauté, à commencer par l'école. Les enfants savent bien, d'ailleurs, que chacun peut participer à la vie commune. Plus généralement, les handicapés eux-mêmes savent compenser une partie de leur handicap. Qui ne connaît une personne dont la volonté, le caractère est un exemple pour nous ? J'ai eu cette chance et j'ai ainsi acquis des valeurs fondamentales.

Cela étant, notre société doit se soucier de l'accompagnement, qu'il s'agisse d'accessibilité ou de droit à compensation. Certes, l'Etat ne doit pas tout faire ; les personnes en situation de handicap n'attendent d'ailleurs pas tout de lui. Ce droit à compensation est déjà une grande avancée. Cependant, je plaiderai fortement pour que l'on supprime les barrières d'âge ou de ressources pour en faire un droit universel. Vous avez fait des propositions qui vont dans ce sens. Mais, j'y insiste encore, changeons d'abord les mentalités et l'éducation pour permettre aux personnes en situation de handicap de s'épanouir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Hélène Mignon - Nous ne pouvons que nous féliciter de l'adoption du principe de compensation mais, comme les associations, nous nous inquiétons du financement et de l'organisation de la prestation. Il s'agit d'un droit universel, mais soumis à condition de ressources ; sera-t-il également lié à un taux d'incapacité permanent ? Il faudra mieux le préciser. Qui, d'autre part, procédera à l'évaluation des besoins et selon quels critères ? Qui gérera la prestation ? Comment mieux reconnaître la place des aides familiales ? Ils demandent une formation, peut-être une rémunération grâce à l'intégration dans les équipes soignantes, et dans tous les cas un répit bien nécessaire.

En pratique, toutes ces mesures passent par des décrets dont nul ne connaît encore le contenu et les critères. La solidarité nationale va de soi, mais les politiques publiques doivent favoriser une autonomie maximale, à domicile ou en institution. Or, qui va évaluer le projet de vie de chaque personne en situation de handicap ? On est là dans un domaine très subjectif. Il ne faudrait pas que l'incompréhension d'une équipe tue l'espoir de certaines de ces personnes. Enfin, il n'y aura pas de vraie compensation sans accessibilité. A quoi bon permettre à un handicapé de s'acheter un fauteuil roulant si on le laisse seul face à des escaliers ? On ne peut considérer le problème que dans son ensemble tant ses différents aspects sont imbriqués, tant le niveau de compensation dépend aussi des obstacles dans l'environnement.

Un pas important est fait. Mais nous ne pourrons être satisfaits tant que l'on n'aura pas répondu à nos questions.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je prends acte de la volonté de Mme la ministre de mieux préciser le droit à compensation, et je lui dis que nous voulons avancer ensemble. Je répète donc mes questions, en espérant cette fois obtenir une réponse.

D'abord, qui va gérer cette prestation de compensation ? La sécurité sociale, l'Etat, les conseils généraux qui gèrent déjà l'allocation compensatrice pour tierce personne ? Nous n'en savons toujours rien.

.La deuxième question, abordée par Mme Marland-Militello, est celle des conséquences financières d'une suppression des conditions de ressources. De fait, une étude d'impact, comme il en faudrait pour beaucoup de lois, s'imposerait particulièrement pour celle-ci, dont les conséquences financières seront importantes.

En troisième lieu, et bien que ce soit le point sur lequel vous avez donné le plus de précisions, je demande à nouveau à qui le dispositif s'adresse. Je prends acte de votre volonté d'aller vers la suppression des barrières d'âge, et de ne plus faire référence à un taux d'incapacité. Mais la question se pose alors de savoir qui évalue, et comment. Qui construira le plan d'aide ? Les maisons du handicap ? Dans ce cas, par qui seront-elles gérées ? Par un GIP ? Par le département ? Une situation où le conseil général est à la fois juge et partie n'est peut-être pas la meilleure. Je vous invite, Madame la ministre, à regarder les premiers bilans de l'APA, département par département. Il y a un enjeu énorme autour de l'évaluation, qui a d'ailleurs fait l'objet de vifs débats dans nombre de pays européens.

Enfin, que prend en charge la prestation ? Vous avez évoqué l'appui technique, humain, l'adaptation au logement, et tout cela est très important. Mais je m'interroge sur le nursing ; là aussi il y a eu débat dans tous les pays européens. L'infirmière, le kinésithérapeute, l'orthophoniste seront-ils pris en charge dans le cadre du droit à compensation, ou continueront-ils de l'être par l'assurance maladie ? C'est une réponse qu'il faut nous donner, car sur le terrain on constate déjà des pressions, par exemple sur la prise en charge des services de soins à domicile. C'est de tout cela que dépend l'effectivité du droit à compensation.

M. Marc Le Fur - La compensation est au c_ur de ce texte, et nous réalisons là conjointement - et, je le constate, unanimement - un vrai progrès. De telles circonstances ne sont pas si fréquentes : ne boudons pas notre plaisir. Nous avons, les uns et les autres, le sentiment d'honorer notre mandat. Beaucoup en ont rêvé, certains en ont parlé : nous le faisons.

Mon propos portera sur un point particulier de cet article 2 : la reconnaissance de l'aide animalière. Même les spécialistes que nous sommes ne sont peut-être pas sensibilisés comme il le faudrait à l'aide que peut représenter l'animal pour la personne handicapée. L'appareillage, quels que soient ses extraordinaires progrès, n'est pas tout. A ce jour pourtant, l'aide animalière, qu'a évoqué notre collègue Dupont dans la discussion générale, n'était pas reconnue. Nous allons la reconnaître, et je souhaite quelques précisions sur les modalités de cette reconnaissance. Quand on évoque l'aide animalière, on pense aux chiens guides d'aveugles. Mais n'oublions pas les chiens d'assistance pour handicapés moteurs. Dans ma circonscription une association, l'ANECAH, fait fonctionner une école de formation pour ces chiens. On y forme en un an de jeunes chiens capables de répondre à cinquante-deux ordres, ce qui leur permet ensuite d'être non seulement des compagnons et des amis, mais un précieux soutien : ils savent ouvrir une porte, un réfrigérateur, ils aident à faire les courses, ils donnent l'alerte si la personne est en difficulté...

Mais cette formation a un coût : elle implique un professionnalisme qui interdit de la faire reposer entièrement sur le bénévolat. Or les chiens sont remis gratuitement aux personnes handicapées, ce qui limite bien sûr l'action de l'association. On pourrait pourtant imaginer que ce genre d'école se multiplie, d'autant qu'après dix ans il va être nécessaire de renouveler les chiens. La reconnaissance de l'aide animalière était donc indispensable, et permettra à l'association de recevoir les moyens de développer son activité.

Madame la ministre, en vous félicitant pour tout ce que vous faites, je vous saurais gré de me confirmer que la reconnaissance de l'aide animalière ne s'appliquera pas seulement aux chiens d'aveugles, mais également aux chiens d'assistance pour les handicapés moteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Je veux dire tout d'abord, Madame la ministre, que j'ai bien entendu vos propos en commission, et votre volonté de faire avancer les difficiles questions dont nous débattons. Je souhaite qu'ensemble nous puissions aboutir. La compensation est la clé de ce texte. Elle doit s'entendre des réponses spécifiques apportées aux personnes en situation de handicap, sous une forme individualisée - qu'il s'agisse d'aide technique, humaine, juridique, animalière... - quel que soit leur lieu de vie, individuel ou collectif. Cette compensation doit être intégrale pour les personnes et les familles, quels que soient l'âge de la personne, l'origine de sa déficience, et son régime de protection sociale. Financée par la solidarité nationale, elle constitue un droit. Il nous appartient aujourd'hui de répondre à ces attentes, et de prendre toutes mesures pour supprimer, réduire ou compenser les handicaps. Des exemples comme ceux qu'a cités M. Daniel Paul, nous en connaissons tous. Quel projet de vie est possible pour ces personnes, ces familles qui ne reçoivent pas les aides nécessaires ?

Je ferai donc deux suggestions pour alimenter notre débat. La première concerne l'accueil des enfants aujourd'hui en attente dans nos départements. Il faut que, grâce à ce texte, nous parvenions à développer les formules d'accueil souples et immédiates, en particulier l'accueil temporaire, afin que les familles en attente trouvent vite des solutions.

Ma seconde suggestion consiste à rechercher une solution, permettant de favoriser dès aujourd'hui la compensation pour les très jeunes enfants qui arrivent dans les commissions départementales d'éducation spéciale. Peut-on trouver un moyen pour que, sans attendre le délai que vous avez mentionné et que je comprends bien, nous puissions commencer à mettre en _uvre pour eux le droit à compensation ? Si c'est techniquement possible, je pense qu'il faudrait donner là un élan, ou au moins un signe.

Enfin notre collègue a évoqué le plan Handiscol. Nous en comprenons les difficultés financières, mais n'oublions pas la volonté politique. Dans mon département, Handiscol a bien fonctionné ; il a permis, grâce à la volonté de nombreuses personnes, d'améliorer la connaissance et la coopération entre partenaires et de ce fait d'apporter des réponses aux enfants en attente. J'espère donc que nous aurons la possibilité d'adresser un message fort et symbolique à la nation, car nous avons l'obligation, avec ce projet, de faire un véritable pas véritable en avant (M. le rapporteur manifeste son approbation).

Mme Muguette Jacquaint - La prestation de compensation des conséquences du handicap remplacera l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne. La compensation peut se définir à partir d'une évaluation individualisée des besoins de la personne à partir de ses possibilités, de ses projets, de son environnement. Le droit à compensation doit assurer la couverture intégrale des besoins en aides humaines, techniques et animalières, ainsi qu'en adaptation du cadre de vie, que la personne vive à domicile ou en institution.

Ce droit implique trois grands principes : universalité, évaluation individuelle des besoins, respect du choix de vie. Vous vous êtes déclarée, Madame la ministre, très attachée à ce dernier concept. Il doit également inclure, selon nous, la reconnaissance des aidants familiaux. J'ai reçu dans ma permanence une femme de 70 ans qui n'avait pu trouver de place pour son fils de 40 ans qu'en Belgique, avec la fatigue et le coût des transports que l'on imagine. Elle cherche en vain dans ce texte ce qui pourrait changer leurs vies...

Au-delà des progrès déjà réalisés en termes de protection et d'assistance, il faut parvenir à l'égalité des chances, à la non-discrimination, voire à la valorisation des capacités et des aptitudes des personnes en situation de handicap. De nombreux textes internationaux vont dans ce sens, voulu par les associations.

Dans cet esprit, et dans le prolongement de l'article 53 de la loi de modernisation sociale qui pose un droit à compensation universel, l'exposé des motifs du présent projet indique que toute personne handicapée aura désormais droit aux aides qui lui auront été reconnues nécessaires pour compenser les conséquences de son handicap.

Si, grâce au Sénat, le critère d'attribution de cette prestation n'est plus soumis à un taux d'incapacité de 80 %, de nombreuses restrictions subsistent, que nous souhaiterions voir levées. Il convient en particulier de supprimer tout critère d'âge afin d'éviter les inégalités de traitement, chacun s'accordant sur la nécessité d'appréhender la personne handicapée dans sa globalité et dans sa spécificité et de garantir à chacun une réponse pérenne et adaptée aux besoins.

Pour terminer, je souhaiterais évoquer un amendement tombé sous le couperet de l'article 40. Nous proposions une définition de la prestation de compensation ne retenant comme critère que celui du besoin de compensation, écartant ainsi les critères d'âge. M. Bonnet a souligné devant le Conseil économique et social la difficulté de définir le handicap et la dépendance et montré que la compensation relève de l'expression d'un choix personnel, à partir d'un projet de vie. Je m'étonne donc que les amendements relatifs aux projets de vie que nous avions déposés aient été déclarés irrecevables, car le financement de la compensation n'est pas un mince sujet.

M. Claude Leteurtre - Je salue le travail du rapporteur, qui a su nous rassurer en nous expliquant que, si tout n'était pas parfait, la ministre était prête à nous entendre et à redéfinir le droit à compensation. Mme Marland-Militello a décliné avec talent l'articulation de ce droit avec la liberté du choix de vie, et j'aimerais, Madame la ministre, que vous nous redisiez ici ce que vous aviez déclaré lors du débat sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, quant au droit intégral et inconditionnel à compensation.

M. Daniel Paul - Très bien !

M. Claude Leteurtre - Par ailleurs, nous savons combien il est difficile, dans les départements, de savoir qui pilote le dispositif : souvent, préfet, DDASS et associations se renvoient la balle tandis que les élus locaux entendent les plaintes... Or il faut que le droit à compensation soit effectif et exercé. Pour cela, nous devons savoir qui gèrera les 850 millions annoncés, même si le rapport Briet-Jamet n'est pas achevé.

M. Yvan Lachaud et Mme Muriel Marland-Militello - Très bien !

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous reviendrons dans le cours du débat, Monsieur Paul, sur le niveau de l'AES, que vous avez évoquée à partir d'un cas précis, et sur les barrières d'âge.

Mme Morano a insisté à juste titre sur le droit à compensation, ce projet ayant pour principal objectif de fonder ce droit nouveau pour les personnes handicapées.

Mme Gallez a évoqué des solutions simples : chaque fois que l'expérimentation de terrain nous inspire et peut être généralisée, nous gagnons en efficacité.

Mme Marland-Militello a présenté brillamment la notion de droit à compensation, qui réduit une inégalité primaire et permet d'accéder à des droits pleins et à la citoyenneté. Son sens des responsabilités lui a permis de comprendre que, s'agissant d'un droit nouveau, nous ayons quelque difficulté à placer le curseur pour la prise en compte des situations particulières. J'ai bien entendu sa demande que l'on parvienne, d'ici la deuxième lecture, à mieux cerner l'enveloppe nécessaire.

M. Lecou a parlé de l'universalité du droit, nous y reviendrons.

Mme Mignon s'est inquiétée de l'application du texte. Les groupes de travail dont j'ai parlé ne sont pas destinés à gagner du temps, mais à apporter des réponses, notamment sur le pilotage. Nous disposons de 850 millions pour financer le droit à compensation et la maison du handicap sera le guichet unique qui gérera ce droit nouveau et qui apportera des réponses de proximité.

Dans la mesure ou le rapport Briet-Jamet n'est pas achevé, la sagesse commande de ne pas prescrire de solution à ce stade et de laisser à l'Etat, au cours de la période transitoire, la charge de la maison du handicap. Nous avons tout le temps, d'ici le 1er janvier 2005, d'expérimenter divers modes d'organisation.

Il nous faut réfléchir ensemble à ce qui devra être de la responsabilité du département, en sa qualité d'opérateur de premier niveau, et qui a montré son savoir-faire dans le domaine de l'action sociale, à ce qui devra relever de la région, maillon fondamental sur certains aspects du handicap - la formation en particulier -, et à ce qui restera du rôle de l'Etat, garant de la politique de handicap et seul à même de s'occuper des affections les plus rares.

Madame Jacquaint, la notion de projet de vie est tout à fait centrale, mais en effet subjective. Il va donc falloir que nous nous outillions. Actuellement, notre logique repose sur un barème ; il nous faut trouver le moyen d'appréhender de manière qualitative le projet de vie de la personne. Cela nécessite des études précises, l'établissement de grilles d'analyse qui aujourd'hui n'existent pas. Une mission de l'IGAS a été diligentée il y a quelques semaines sur le sujet.

Monsieur Leteurtre, en effet le travail du rapporteur a déjà nourri nos débats. Je ne doute pas que ceux-ci continueront d'être fructueux dans les heures qui viennent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en venons aux amendements.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 891 précise que pour bénéficier de la prestation de compensation, la personne handicapée doit résider de façon stable et régulière sur le territoire national et renvoie, pour préciser cette condition de résidence, à un décret en Conseil d'Etat.

M. le Rapporteur - La commission l'a adopté, mais dans la nouvelle architecture que la ministre, avec raison, nous a proposée pour ce texte, un élément n'est pas à sa place : un article additionnel que nous devrions examiner après l'article 2, mais que je voudrais évoquer dès maintenant. Il est ainsi rédigé : « Dans les trois ans, l'harmonisation des dispositions applicables aux enfants et aux adultes handicapés sera réalisée. Dans un délai maximum de cinq ans, toutes les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d'âge et pouvant provoquer de ce fait des ruptures de droit qui leur seraient préjudiciables seront supprimées ou revues de manière à corriger ces effets. »

Il a été sous-amendé en commission à l'initiative de René Couanau et de nombre de nos collègues appartenant à tous ces bancs. Un premier sous-amendement ajoute, après les mots « dans les trois ans », les mots « suivant l'entrée en vigueur de la loi ». Le deuxième indique que les dispositions opérant une distinction en fonction de critères d'âge seront supprimées. Nous nous étions heurtés sur ce point à l'article 40, mais le Gouvernement l'a repris et nous ne pouvons que vous en remercier, Madame la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 891, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 892 a pour but d'affirmer le caractère individualisé de la prestation. Il ajoute après les mots « besoins de compensation » les mots « au regard de son projet de vie », car cette prestation doit être au service des choix de la personne.

M. le Rapporteur - Avis favorable, étant précisé que le projet de vie inclut la vie quotidienne et sociale.

Mme Marie-Renée Oget - La notion de projet de vie me paraît particulièrement importante dans le cas des psychotiques dits stabilisés, lesquels s'engagent dans une vie « autonome » mais qui néanmoins ne va pas sans problèmes. Un suivi de ces personnes est nécessaire.

M. Daniel Paul - Permettez une question de béotien, Madame la ministre : c'est quoi, le projet de vie ? Et si, pour certaines personnes, c'était tout simplement de vivre ? Comment alors évaluer la compensation ? Certaines personnes handicapées peuvent avoir de grands projets, d'autres non...

Mme Hélène Mignon - L'expression « projet de vie » couvre-t-elle une reconversion professionnelle après un accident de la vie ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Au-delà de la question de M. Paul, qui est très pertinente, je voudrais souligner que le projet de vie est par nature évolutif. En ne prévoyant pas qu'il sera régulièrement revu, on risque de le figer.

Mme la Secrétaire d'Etat - Monsieur Paul, vous connaissez comme moi des personnes handicapées pour lesquelles le simple fait de vivre nécessite un niveau de compensation considérable.

M. Daniel Paul - Bien sûr.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce que nous souhaitons, c'est permettre à la personne d'exprimer ce qu'elle entend faire de sa vie. Il arrive, dans les cas les plus lourds, que la discontinuité dans la prise en compte de ce projet de vie conduise la personne à se poser des questions existentielles. Je sais que ce que nous proposons est compliqué, et que nous devrons nous outiller; mais je suis convaincue qu'il nous faut aller dans ce sens.

Quant au handicap psychique, il entre dans le champ de la loi. De plus, un décret relatif à l'accueil temporaire vient d'être publié et un autre le sera, qui reconnaîtra les lieux d'accueil thérapeutiques chers à votre collègue Cosyns. Il faut expérimenter ; le droit à compensation le permettra.

L'amendement 892, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 89 est défendu.

M. Philippe-Armand Martin - L'amendement 656, identique, tend à supprimer les mots : « qui a le caractère d'une prestation en nature », car tout ou partie de l'allocation doit pouvoir également être servie en espèces. Ainsi garantira-t-on la liberté de choix.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux deux amendements, car la prestation doit pouvoir être versée en nature ou en espèces selon les cas. Le projet le permet mais pas les amendements tels qu'ils sont rédigés. Ils n'apportent donc rien.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable, pour la même raison que votre rapporteur : la prestation en nature fonde le droit à compensation, laquelle pourra ensuite prendre diverses formes. Je saisis l'occasion pour confirmer à M. Le Fur, auquel j'avais malencontreusement omis de répondre, que l'aide animalière entre dans le champ de la compensation du handicap. Je suis donc favorable à l'adoption, en son temps, de l'amendement de M. Dupont, sous réserve que disparaisse la référence à la formation spécifique des animaux, qui n'a pas sa place dans cette partie du texte.

M. Marc Le Fur - Je vous remercie, Madame la ministre.

M. Philippe-Armand Martin - Si le texte permet que la prestation soit aussi servie en nature, je suis prêt à retirer l'amendement 656.

M. Jean-Pierre Brard - Est-ce de l'ingénuité ou de la docilité ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J'avoue ne pas avoir compris grand chose aux explications de madame la ministre, ne toujours pas savoir ce qu'il faut entendre par « projet de vie » et continuer d'ignorer qui va en apprécier la teneur. Autant dire que le risque de voir se multiplier ces interprétations tatillonnes qui font ensuite le pain quotidien du médiateur de la République n'est que trop clair. Je ne comprends donc pas la réponse qui a été faite à notre collègue Philippe-Armand Martin, dont l'amendement permet pourtant d'introduire la souplesse voulue. Je vois qu'il acquiesce : c'était donc bien de la docilité ! (Mêmes mouvements) Le rapporteur et la ministre affirment que le texte, en l'état, est suffisamment imprécis pour satisfaire notre collègue ; évitons donc le risque d'interprétations divergentes et disons clairement, comme il se doit, que la prestation peut être servie soit en nature, soit en espèces.

M. le Rapporteur - L'amendement ne peut être retenu car, tel qu'il est formulé, il supprime la prestation en nature sans dire par quoi elle serait remplacée. La commission avait adopté à l'unanimité un amendement tendant à ce que la prestation soit servie, selon le choix de chacun, en nature ou en espèces, mais il n'a pas passé le cap de l'article 40. Si notre collègue Philippe-Armand Martin voulait reprendre la formulation de la commission, je ne pourrais que l'en féliciter... Mais je remercie Mme la ministre d'avoir bien voulu nous soumettre un amendement qui va dans le même sens.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Nous ignorons toujours qui va verser cette prestation ! (Mme Franco proteste) En avez-vous la moindre idée, Madame Franco ? Tout le monde, pourtant, aimerait des éclaircissements à ce sujet.

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 25.

M. le Président - Le Gouvernement va présenter un amendement 991, au profit duquel a été retiré l'amendement 656.

Mme la Secrétaire d'Etat - Cet amendement complète la première phrase du premier alinéa du I par les mots « qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces. » Cela signifie que l'évaluation se fait sur la base de la prestation en nature - par exemple, un certain nombre d'heures d'auxiliaire de vie -, mais que si le bénéficiaire le souhaite, l'équivalent lui est versé en espèces.

M. le Rapporteur - Avis favorable. Mais qu'un nouvel amendement soit finalement présenté par le Gouvernement dépossède de leur idée les auteurs de l'amendement 656 !

M. Jean-Pierre Brard - Notre rapporteur a décidément une curieuse façon d'écrire l'histoire, qui n'est pas sans me rappeler ce qui fut la pratique en certain pays dans les années cinquante... Il oublie de dire que M. Martin avait retiré son amendement et que si je ne l'avais pas repris, la ministre n'eût pas pu présenter celui-ci, ce qu'elle a fait à notre demande. Si nous avions été aussi dociles que M. Martin, tout serait passé à la trappe !

M. Philippe-Armand Martin - Il était clair que je ne retirais mon amendement que si le Gouvernement s'engageait à en reprendre l'esprit. Bien entendu, M. Feneuil et moi nous associons à l'amendement 991.

M. le Président - L'amendement 656 est retiré. Mais toutes les idées émises sont reprises dans l'amendement du Gouvernement...

M. Jean-Pierre Brard - ...Dans un esprit de synthèse...

M. Philippe-Armand Martin - ...Et tout le monde est content !

L'amendement 991, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'extension de la prestation de compensation aux titulaires du sixième complément de l'allocation d'éducation spéciale crée un seuil très important entre eux et les titulaires des autres compléments. Aussi le Gouvernement préfère-t-il, par l'amendement 889, revenir sur cette disposition et améliorer la prise en charge du handicap des enfants en permettant plutôt à tous les bénéficiaires de l'AES de recourir à la prestation de compensation pour les dépenses relatives au logement, mal couvertes actuellement. Par ailleurs, les ruptures de droit liées à l'âge devraient disparaître dans trois ou cinq ans selon les cas.

M. le Rapporteur - Avis favorable, puisqu'il s'agit de lever une barrière d'âge.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Quand cette disposition s'appliquera-t-elle ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Au 1er janvier 2005.

L'amendement 889, mis aux voix, est adopté.

M. Ghislain Bray - L'amendement 92 est défendu.

L'amendement 92, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 893 ouvre l'accès à la prestation de compensation aux personnes développant après 60 ans une pathologie invalidante ou victimes d'un accident entraînant un handicap quand elles exercent une activité professionnelle après cet âge. Cet ajustement des conditions d'âge s'appliquera au 1er janvier 2005, dans l'attente de la réforme mentionnée au début de l'article 2.

M. le Rapporteur - La commission l'avait repoussé. Depuis qu'ils ont la certitude que les barrières d'âge seront supprimées, ses membres sont certainement prêts à l'adopter.

L'amendement 893, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 890 permet aux bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé de solliciter la prestation de compensation au titre du troisième élément concernant l'aménagement du logement.

M. le Rapporteur - Il mérite le même traitement que le précédent.

L'amendement 890, mis aux voix, est adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 689 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard et Mme Muguette Jacquaint - Pourquoi ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis. En effet, cet amendement abandonne la référence à la LPP, c'est-à-dire la liste des produits et prestations remboursables. Or la prestation de compensation a plutôt vocation à améliorer leur prise en charge. Le texte ne préjuge pas des améliorations à apporter à cette liste ni de la prise en compte par la prestation de compensation de produits ou services qui n'y figurent pas.

M. Jean-Pierre Brard - Le rapporteur ne nous convainc pas puisqu'il ne présente aucun argument. Quant à ceux de Mme la ministre, je ne les comprends guère. Supprimer la référence à une liste limitative, c'est permettre de prendre en compte la diversité de handicaps. Il ne faut pas barguigner. Pourquoi ne pas poursuivre dans l'esprit consensuel qui vient de se faire jour ?

M. le Rapporteur - Mon refus est purement technique. La commission avait adopté une nouvelle rédaction globale de l'article L 245-1 du code de l'action sociale. Elle est tombée sous le coup de l'article 40. De ce fait, tout ce qui y était lié, comme cet amendement, n'est plus acceptable.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà qui est clair. Mais le Gouvernement a toute latitude pour lever l'obstacle de l'article 40. De grâce ne soyez pas lapidaire, car les associations veulent comprendre. L'explication du rapporteur devrait lever l'inhibition de Mme la ministre (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Nous voulons, et vous voulez aussi, faciliter les projets de vie. Mais il reste bien des améliorations à apporter. Par exemple, limitons le moins possible les aides techniques.

Mme la Secrétaire d'Etat - Actuellement une partie des aides techniques sont financées par la sécurité sociale dans le cadre de la LPP.

Si on ne mentionne plus cette liste, on se prive de ce financement, ce qui réduit notre capacité d'assurer le droit à compensation. Telle est la raison de notre rejet de l'amendement : elle est purement technique et financière.

M. Jean-Pierre Brard - Et donc positive.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je le pense.

L'amendement 689, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Kossowski - Les amendements 735 et 483 sont défendus.

M. Ghislain Bray - L'amendement 628 de M. Decool a le même objet. Notre pays compte aujourd'hui plus de mille chiens guides d'aveugles, et cent cinquante sont remis chaque année à des personnes déficientes visuelles. Pourtant de nombreux dysfonctionnements persistent. M. Decool propose donc de reconnaître officiellement le statut du chien guide d'aveugle et du chien d'assistance pour personne atteinte d'un handicap moteur. Ce statut doit garantir la compétence des éducateurs et la qualité des chiens formés, et éviter tout abus. Il est en outre proposé d'accorder un agrément aux centres d'éducation. Dans ces conditions la prestation de compensation doit prendre en compte les frais d'acquisition et d'entretien de l'animal.

M. Alain Marty - Les amendements 664 et 810 poursuivent le même objectif.

M. le Rapporteur - La commission a jugé ces amendements excellents - votre rapporteur en avait d'ailleurs déposé un identique. Mais Mme la ministre a dit, avec raison, qu'il fallait supprimer le titre V et le remplacer par un titre portant sur tous les métiers du handicap, où seront inclues les activités de dressage visées ici. Je souhaite donc que ces amendements soient retirés et présentés à nouveau le moment venu.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'esprit de ces amendements mérite d'être conservé. Il faut inscrire l'aide animalière dans la loi. Je pense qu'on pourrait retenir l'amendement 735 en supprimant son dernier alinéa, qui prévoit que les chiens doivent être éduqués dans des structures agréées selon des conditions définies par décret. Cette précision relèvera en effet du plan métiers.

M. Jean-Pierre Brard - Je soutiens ici Mme la ministre, et non le rapporteur. Je ne vois d'ailleurs pas par quelle magie ces amendements, s'il étaient retirés maintenant, pourraient être représentés plus tard.

M. Jean-Marie Geveaux - Il me semble nécessaire de conserver ce dernier alinéa : les animaux ne peuvent être formés dans n'importe quelles conditions.

Mme la Secrétaire d'Etat - J'en suis d'accord. Mais ici nous discutons du droit à compensation. C'est pour des raisons d'organisation du texte que je souhaite garder l'esprit de l'amendement mais supprimer sa dernière phrase. En revanche, quand nous aborderons les métiers du handicap, je proposerai qu'il soit fait référence au décret.

M. le Président - Je suis donc saisi d'un sous-amendement 992 du Gouvernement tendant à supprimer le dernier alinéa de l'amendement 735.

M. le Rapporteur - Si je n'ai pas le soutien de M. Brard, je ne perds rien pour cela de ma stabilité (Sourires ). Mais je lui indique que j'approuve la proposition de Mme la ministre. Et nous pourrons amender le texte quand nous traiterons des métiers.

Le sous-amendement 992, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

L'amendement 735, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Ghislain Bray - L'amendement 359 est défendu.

M. François Vannson - Les amendements 635 et 643 le sont également.

M. Yvan Lachaud - L'amendement 343 est identique aux trois précédents. Dans la mesure où l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et de la famille vise particulièrement les personnes présentant un degré de dépendance grave, il nous semble opportun de mentionner les personnes polyhandicapées.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements, mais pour la seule raison qu'ils sont satisfaits par l'article premier.

Mme la Secrétaire d'Etat - En effet. Il n'est pas question d'écarter le polyhandicap, qui est intégré à la définition de l'article 1er.

Les amendements 343, 359, 635 et 643, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Secrétaire d'Etat - Pour que le droit à compensation soit effectif il importe de définir le cadre financier dans lequel il s'exerce et de définir précisément les ressources retenues pour déterminer le taux de prise en charge de la personne. L'amendement 978, 2e rectification, du Gouvernement exclut de ces ressources les revenus du travail de l'intéressé, les revenus du conjoint, ainsi que les rentes viagères constituées à son intention. Dans le même esprit, nous proposons que le reste à charge soit limité à 10 % des ressources annuelles nettes d'impôt de la personne handicapée.

M. le Rapporteur - La commission est très favorable à cet amendement. Nous avons déjà fait en sorte qu'il n'y ait pas de barrières d'âge. Voici maintenant que les revenus d'activité, les revenus du conjoint et les rentes viagères ne seront pas pris en compte : il ne reste que les ressources financières ou liées au patrimoine. C'est une très grande avancée, et nous pouvons dire qu'il n'y a plus de conditions de ressources pour la prestation de compensation.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous sommes au c_ur du projet, car c'est la notion de prestation de compensation qui fait sa force. Tous les membres de la commission, sur tous les bancs, ont voulu que cette notion soit poussée le plus loin possible. Au nom de la commission, je tiens à remercier Mme la ministre pour avoir su nous entendre, et nous associer à ce grand pas en avant auquel son nom restera attaché (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Secrétaire d'Etat - Je précise que je ferai droit à la demande de Mme Marland-Militello qu'il soit procédé à une étude d'impact avant la seconde lecture.

L'amendement 978, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 107 précise que la prestation de compensation n'est pas prise en compte pour le calcul d'une pension alimentaire ou du montant d'une dette liée aux ressources.

L'amendement 107, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Dans un souci de cohérence, l'amendement 108 supprime la limite d'âge.

M. François Vannson - L'amendement 588 est identique. Je remercie la ministre et le rapporteur de s'être ralliés à ma position.

Mme la Secrétaire d'Etat - Dans la mesure où j'ai annoncé qu'une expertise serait conduite avant la seconde lecture, je souhaite que l'on s'en tienne là car je ne puis pour l'instant chiffrer tous les éléments de ce droit nouveau.

M. le Rapporteur - En attendant, mieux vaut voter l'amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà un rapporteur résolu ! (Sourires)

Mme la Secrétaire d'Etat - Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme Hélène Mignon - Nous insistons pour que cette étude d'impact nous soit fournie avant la deuxième lecture.

Les amendements 108 et 588, mis aux voix, sont adoptés à l'unanimité.

M. le Rapporteur - Les amendements 109, 344, 360, 636 et 644, identiques, ont pour objet que la prestation de compensation soit maintenue pour les personnes prises en charge dans des maisons d'accueil spécialisées, qui peuvent être considérées comme hospitalisées.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je souhaite le retrait de ces amendements car, aux termes de la loi de 1978, les MAS assurent l'hébergement des personnes qu'elles accueillent. Parler de « prise en charge » peut renvoyer à toutes les formes d'accompagnement, même légères, qui ne justifient pas le régime spécifique de la prestation de compensation.

M. le Rapporteur - Je maintiens ces amendements, non par entêtement, mais parce qu'ils le méritent.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sagesse !

Les amendements 109, 344, 360, 636 et 644, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - Les amendements 110 et 495 visent au maintien de la prestation de compensation en cas d'hospitalisation.

Mme la Secrétaire d'Etat - Cela relève sans doute du décret d'application, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - S'agissant des hébergements, pouvez-vous me préciser si les adolescents en internat médico-éducatif bénéficieront de la prestation de compensation ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Ils relèvent de l'AES.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Mais, dans trois ans, la prestation de compensation prendra-t-elle la relève ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Oui.

Les amendements 110 et 495, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Je constate que les amendements 496, 497 et 498 sont défendus.

M. le Rapporteur - La commission les a rejetés car ils seront satisfaits par mes amendements 111 et 112.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 496, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 497 et 498.

M. le Rapporteur - Notre amendement 111 donne à la personne handicapée la possibilité de bénéficier du statut de particulier employeur, afin qu'elle puisse choisir elle-même d'embaucher quelqu'un à son service.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis évidemment favorable, mais il est presque étrange de préciser cela...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - J'en suis d'accord, Madame le ministre. Il reste cependant qu'il nous faudra trouver les moyens d'assurer des services de qualité, quelle qu'en soit la forme, et que les situations dans lesquelles l'intervenant est employé par la famille sont parfois vécues de façon très douloureuse. On a déjà progressé en inscrivant les services d'aide à domicile dans la loi du 2 janvier 2002, mais il faut aller plus loin, tant en ce qui concerne la qualité de l'accompagnement qu'au sujet des conditions de travail des salariés.

Cela dit, je ne suis pas sûre que cet amendement ne porte pas atteinte au principe de citoyenneté des personnes handicapées.

M. Jean-Pierre Brard - Il faut faire très attention, notamment aux risques d'abus. Je pense en particulier aux sectes : j'ai un exemple tout récent dans les Bouches-du-Rhône de captation d'héritage par les Témoins de Jéhovah. Ces gens-là sont des vautours, et se jettent sur les personnes vulnérables...

Mme Muguette Jacquaint - Je suis moi aussi, bien sûr, favorable au libre choix par une personne handicapée d'une personne pour l'aider, mais je soutiens les propos de M. Brard et partage également l'idée qu'il faut se préoccuper de la qualité des services rendus et des conditions de travail des intervenants.

L'amendement 111, mis aux voix, est adopté.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - C'est un amendement discriminatoire...

Mme la Secrétaire d'Etat - Dès lors que cet amendement était présenté, il était délicat de le refuser. Mais je ne nie pas qu'il pose problème.

M. le Rapporteur - Afin de donner plus d'autonomie de décision à la personne handicapée, la commission a également adopté l'amendement 112, qui substitue à la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 245-9-1 la phrase suivante : « Elle peut choisir de désigner tout organisme ou personne physique agréé à cet effet par le président du conseil général, que ce soit un centre communal d'action sociale, une association ou un professionnel, comme mandataire de l'élément mentionné au 1° de l'article L.245-2 ».

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable, sous réserve d'un sous-amendement 993 visant à en améliorer la rédaction par trois modifications : ajout, après les mots « personne physique », des mots « ou morale » ; remplacement des mots « que ce soit » par le mot « notamment » ; remplacement des mots « une association ou un professionnel » par les mots « ou une association ».

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Cet amendement me paraît beaucoup plus juste que le précédent, mais je m'inquiète du mot « mandataire ». Est-ce à dire, Monsieur le rapporteur, que vous choisissez le dispositif du mandataire plutôt que celui du prestataire ?

M. le Rapporteur - Je conclus du sous-amendement du Gouvernement que le rapporteur a été très maladroit dans sa rédaction...

Il n'empêche : j'accepte néanmoins le sous-amendement de précision proposé, dans sa grande sagesse, par le Gouvernement, puisqu'il tend à lever une ambiguïté.

Mme Marie-Renée Oget - Je tiens à souligner que pour qui parle de services d'aide à domicile, les termes « prestataire » et « mandataire » n'ont pas du tout le même sens.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je partage ce point de vue. Tel qu'il est rédigé, l'amendement, sous-amendé ou non, peut laisser penser que le Gouvernement ne veut plus que les personnes handicapées fassent appel à des prestataires, c'est-à-dire à des salariés qu'elles rémunèrent elles-mêmes. Cela me conduit à proposer un sous-amendement tendant à insérer les mots « prestataire ou » avant le mot « mandataire ».

M. le Président - J'ai pris note de ce sous-amendement 994, mais je constate que l'Assemblée est appelée à refaire assez largement un travail déjà fait en commission.

M. Jean-Pierre Brard - C'est bien ce qui justifie notre demande de renvoi en commission !

M. le Président - C'est votre avis...

M. le Rapporteur - Avis défavorable au sous-amendement 994.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

Le sous-amendement 994, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 993, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 112, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 113 est défendu.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 686 est identique. Il tend à instituer le versement mensuel de la prestation de compensation, et prévoit la possibilité d'aides ponctuelles complémentaires pour financer des dépenses coûteuses rendues nécessaires par le handicap. On peut en effet se demander comment une personne qui vit avec l'AAH pourrait faire face seule à de telles dépenses.

M. Jean-Pierre Brard - Très juste.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable aux deux amendements, sous réserve de l'adoption du sous-amendement 888 qui précise la nature des dépenses pouvant donner lieu à un versement globalisé de la prestation, - charges à caractère non répétitif ou correspondant à des dépenses dont le paiement ne peut être fractionné. Le sous-amendement évite, de plus, de donner à penser que l'on peut cumuler, pour des dépenses relevant d'un même élément, un versement mensuel et un versement ponctuel.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé le sous-amendement, considérant qu'aucune ambiguïté ne serait possible si le dispositif est convenablement expliqué.

Le sous-amendement 888, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Le sous-amendement ayant été repoussé, quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements 113 et 686 ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Sagesse.

Les amendements 113 et 686, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 114 est défendu.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable, sous réserve de la correction d'une erreur matérielle.

L'amendement 114, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 115 est défendu.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage naturellement le souci exprimé par votre commission de voir améliorées les conditions de vie des personnes âgées ou handicapées, mais je rappelle qu'un taux réduit de TVA s'applique déjà à la plupart des dispositifs médicaux qui figurent sur la LPPSR ainsi qu'à d'autres, répertoriés dans le code général des impôts. Je vous invite donc à retirer cet amendement, par lequel vous proposez l'application d'une TVA à 5,5 % sur les aides techniques, faute de quoi je serais amenée à en demander le rejet.

M. Ghislain Bray - La question est d'une grande importance, et je l'avais abordée en 2002 à la demande de nombreuses personnes concernées, qui attendent cette mesure depuis de longues années. La refuser, c'est perpétuer des inégalités flagrantes, car c'est distinguer entre l'aide initiale à l'acquisition d'un appareillage coûteux et la nécessité d'aides techniques qui, parce qu'elles sont quotidiennes, sont tout aussi onéreuses.

M. Jean-Pierre Brard - Absolument !

M. Ghislain Bray - Je ressens cette distinction arbitraire comme une manière de taxer les handicapés.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je partage totalement l'avis de M. Bray.

Pour le reste, quand, députée de la majorité, j'ai déposé à maintes reprises le même amendement, tous les ministres m'ont fait exactement la même réponse que vous, Madame. Puis lorsque j'ai été ministre, j'ai dû faire cette même réponse aux parlementaires qui présentaient ce même amendement ! Je sais donc, par expérience, Madame la ministre, que vous avez lu une réponse préparée par Bercy. La réglementation communautaire n'interdit absolument pas cette baisse de TVA. Voilà donc un beau combat politique que nous pourrions mener ensemble contre Bercy. Il est tout de même incroyable que nous soyons parvenus à abaisser le taux de TVA sur les travaux dans le bâtiment, et que nous n'y parvenions pas en ce domaine, alors qu'il y va de la qualité de vie des personnes handicapées.

Mme Muriel Marland-Militello - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - Il est évident que ce refus vient de Bercy...

M. Mansour Kamardine - Il faudrait changer Bercy, et non pas seulement de ministre !

M. Jean-Pierre Brard - Vaste programme ! Bercy nous oppose toujours la réglementation communautaire lorsque nous proposons l'application d'un taux réduit de TVA dans un secteur. Eh bien, là, la baisse proposée est parfaitement euro-compatible.

Le Gouvernement ne peut pas tenir deux langages, se dire solidaires des personnes en situation de handicap et refuser de les aider dans leur vie quotidienne. Nous avons avec cet amendement, qui ne devrait pas susciter de clivages partisans, la possibilité de mettre en accord nos actes et nos paroles et ne devons donc pas hésiter une seconde. Pourquoi hésiteriez-vous, chers collègues de la majorité, vous qui n'avez pas barguigné lorsqu'il s'est agi d'alléger l'impôt sur le revenu des plus riches ou l'impôt sur la fortune ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) D'autant que la mesure proposée serait d'un faible coût, alors même qu'il y va d'humanité. Je vous connais assez, Madame la ministre, pour savoir qu'en votre for intérieur, vous êtes d'accord avec moi. Allons, chers collègues, la morale doit l'emporter sur les calculs d'épicier !

Mme la Secrétaire d'Etat - Merci, Madame Guinchard-Kunstler, d'avoir fait part de l'expérience qui fut aussi la vôtre.

Monsieur Brard, la mesure proposée ne serait pas neutre pour les finances publiques. Une étude d'impact est nécessaire. Je peux m'engager à ce que celle-ci nous soit fournie d'ici à la deuxième lecture, de façon que nous puissions alors trancher en connaissance de cause.

M. le Rapporteur - Dans ces conditions, je suis disposé à retirer mon amendement. Mais cette étude d'impact est indispensable.

M. Jean-Pierre Brard - Je reprends l'amendement.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Bercy a déjà fait toutes les études d'impact possibles. Le problème est que nous n'avons aucun élément pour en vérifier les conclusions. Si nous voulons réellement faire avancer les choses, n'attendons pas de nouvelles études qui seront tout aussi inexploitables !

Mme Muriel Marland-Militello - Si je peux comprendre les inquiétudes des responsables des finances publiques, je pense qu'une étude d'impact sérieuse sur le sujet est extrêmement difficile car, tant que le taux de TVA reste aussi élevé, les personnes concernées n'achètent pas les appareillages dont elles auraient besoin, faute de moyens. Cela étant, la ministre s'étant engagée à nous remettre une évaluation, je m'y référerai volontiers.

M. Jean-Pierre Brard - Madame la ministre, vous devez avoir des ascendances gasconnes (Sourires). Vous n'avez pas les moyens de tenir vos promesses. Bien que comparaison ne soit pas raison, permettez-moi de rappeler que lorsque nous avons abaissé le taux de TVA sur les travaux dans le bâtiment, tous les oiseaux de mauvais augure prédisaient la ruine des finances publiques et les foudres de Bruxelles. Or, que je sache, rien de tel n'est arrivé.

Chers collègues, allons-nous céder aux calculs d'épicier voulus par Bercy, ou, sereinement, politiquement, décider de faciliter la vie de concitoyens handicapés ? Mme Marland-Militello a raison, une étude d'impact est très difficile car la perte de recettes constatée d'un côté sera largement compensée de l'autre par l'augmentation des achats.

La mesure proposée répondrait en tout cas aux attentes des associations (« Démago ! » sur les bancs du groupe UMP). Prononçons-nous en conscience.

M. François Vannson - Faisant confiance à la ministre, je retire mon amendement 589 qui avait le même objet. Cela étant, nous suivrons avec attention ce dossier.

M. Ghislain Bray - J'ai bien entendu vos propos, Madame la ministre, mais « un tiens ne vaut-il pas mieux que deux tu l'auras » ? Les personnes handicapées et les associations réclament depuis longtemps cette baisse de la TVA. Je ne pourrais me laisser attendrir, Madame la ministre, que si nous étions certains de disposer d'éléments chiffrés d'ici à la deuxième lecture et qu'à défaut, cet amendement soit adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Le Règlement n'autorise pas ce genre de garantie ! Ne passons pas un énième marché de dupes !

Chers collègues, depuis deux ans, vous n'avez eu de cesse de voter des mesures fiscales ruineuses pour les finances publiques. Allez-vous vous montrer pingres quand il s'agit d'aider les personnes handicapées ? Il faut en finir avec les beaux discours et passer aux actes. C'est sur eux que vous serez, que nous serons jugés.

L'amendement 115, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - La messe est dite. C'est éclairant.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Sénat a institué une procédure de décision simplifiée, par souci de rapidité. Mais elle est difficile à appliquer et peut avoir des effets pervers. Le Gouvernement propose donc, par l'amendement 887, de revenir au droit commun.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

L'amendement 887, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 116, que la commission a adopté, réduit le délai de décision de trois mois à un mois. Quand on a besoin d'un équipement, l'attente est bien longue.

M. le Président - L'amendement 590 est identique.

Mme la Secrétaire d'Etat - Chacun ne demanderait qu'à réduire ce délai à un mois, à huit jours même. Mais il faut étudier les dossiers, prendre en compte les projets de vie. Instaurer un délai d'un mois n'est pas réaliste, d'autant qu'en l'absence de réponse, la décision est réputée favorable.

Mme Muriel Marland-Militello - Je soutiens l'amendement. Si l'on donne un délai de trois mois, l'administration en prendra quatre ou six. Avec un délai d'un mois, espérons qu'elle répondra en moins de deux mois.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Il faut absolument que la loi comporte un délai, car on sait d'expérience combien l'attente varie d'un département à l'autre. Les handicapés ont des besoins immédiats. Au moins, mettez en place un dispositif assurant le versement de la prestation à partir du moment où le dossier est complet.

Mme la Secrétaire d'Etat - Il ne s'agit pas d'instituer un délai ou non, mais de savoir si ce délai est de un ou de trois mois. En un mois, le dossier ne sera pas instruit. On risque alors, pour éviter les décisions positives par absence de réponse, de rendre systématiquement des décisions négatives. Je préfère m'engager sur un délai de trois mois, quitte à faire mieux en pratique. Par ailleurs, la prestation a bien sûr effet rétroactif.

Mme Hélène Mignon - Dans ce cas, il faut revenir sur un amendement que vous avez présenté précédemment et qui est en contradiction avec votre argumentation. Quand une personne dépose un dossier, c'est que le besoin est urgent. Trois mois, cela peut être très long, voire trop tard.

M. le Rapporteur - Avec le texte actuel, l'administration peut attendre près de trois mois pour répondre. Si on lui donne un mois, elle attendra 29 jours. De toute façon, elle peut toujours décider pour le devis le moins disant.

Les amendements identiques 116 et 590, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Je retire l'amendement 117, qui était de conséquence.

Les amendements 844 et 845 sont de coordination.

Les amendements 844 et 845, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Alain Marty - L'amendement 536 porte sur l'harmonisation de la TVA. Mais Mme la ministre s'est engagée à revenir sur ce sujet pour la deuxième lecture. Elle a su obtenir des avancées sur les conditions d'âge et de ressources et je lui fais toute confiance. Je retire donc cet amendement.

M. Ghislain Bray - L'amendement 358 est défendu.

L'amendement 358, rejeté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 968 rectifié du Gouvernement a pour objet de supprimer dans un délai de cinq ans les dispositions de ce texte qui opèrent une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d'âge, et peuvent de ce fait provoquer des ruptures de droit à leur préjudice, ou de revoir ces dispositions afin d'en corriger les effets.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement avec enthousiasme, puisqu'il s'agit bien de supprimer les barrières d'âge. Nous avons toutefois adopté deux sous-amendements 987 et 988 de clarification. Le second précise que les dispositions en question seront supprimées, et non pas simplement revues.

Mme la Secrétaire d'Etat - Favorable aux sous-amendements.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - C'est une avancée, mais la rédaction proposée comporte une ambiguïté : elle mentionne « l'harmonisation des dispositions applicables aux enfants et aux adultes handicapés », c'est-à-dire l'une des deux barrières d'âge, mais non l'autre, relative aux personnes âgées.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement dit clairement que sous cinq ans tous les critères d'âge doivent disparaître, et le sous-amendement 988 supprime toute ambiguïté à ce sujet.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - En ce cas pourquoi garder la première phrase de l'amendement, que j'ai citée ?

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est à cause de l'AES, qui exige une réforme particulière.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Vos explications seront des éléments de clarification, qui éviteront tout risque d'ambiguïté dans l'interprétation de l'amendement.

Les sous-amendements 987 et 988, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 968 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 926 du Gouvernement concerne plus de 26 000 familles monoparentales bénéficiaires de l'AES. Ces familles, qui connaissent souvent les situations les plus précaires, peuvent prétendre à l'allocation parent isolé, qui vise à garantir un revenu familial minimum pour trois ans au plus, ou au RMI. Mais l'allocation de parent isolé se concentre sur un public spécifique de 2 090 personnes parmi le public potentiel de 26 000 familles qu'elle pourrait concerner. L'amendement a pour but de corriger cet état de choses et d'élargir les droits de ces familles.

L'amendement 926, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - Par l'amendement 965, le Gouvernement souhaite reprendre l'amendement 118 de la commission. Les personnes autistes doivent pouvoir bénéficier de toute la solidarité nationale, et l'élaboration de programmes à leur intention ne saurait être conditionnée par l'existence de moyens disponibles.

M. le Rapporteur - Je mets ici à vous remercier plus encore de c_ur que jusqu'à présent. C'est un amendement auquel votre rapporteur tient beaucoup. Les mots qu'il supprime blessaient l'esprit de la loi de 1996 et le respect dû aux familles des enfants autistes. Cette loi de 1996 voulait en effet donner aux autistes la possibilité d'un traitement psychologique, éducatif et social pour les aider à essayer de sortir de ce handicap lourd. C'est le Sénat, il faut bien le dire, qui a inséré les mots « eu égard aux moyens disponibles », ce qui est insultant. Je remercie avec émotion Mme la ministre pour avoir accepté de reprendre notre amendement et de régler ce mauvais compte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Les amendements 965 et 118, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - A l'unanimité.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 936 du Gouvernement vise à créer une cohérence entre la situation de l'ACTP, qui comporte une exonération de cotisations sociales pour la rémunération d'une aide à domicile, et notre prestation de compensation, à laquelle il faut étendre cette disposition.

M. le Rapporteur - Favorable.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Si l'on veut aller vers un rapprochement de tous les dispositifs de droit à compensation, il faudra aussi réfléchir à la possibilité d'étendre la mesure aux embauches réalisées dans le cadre de l'APA. Mais là encore une étude d'impact s'impose : il faut mesurer les pertes de recettes qui en résulteront pour la sécurité sociale.

L'amendement 936, mis aux voix, est adopté.

M. Yvan Lachaud - L'amendement 563 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable : un amendement qui sera examiné en fin de texte satisfera celui-ci.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

Mme Muriel Marland-Militello - Vous refusez que le rapport demandé soit déposé en 2007. Faut-il comprendre que vous souhaitez avoir cette étude plus tôt ?

M. le Rapporteur - Un amendement de votre rapporteur, que nous examinerons plus loin, prévoit que, tous les trois ans, le Gouvernement doit déposer à l'Assemblée et au Sénat un rapport sur l'ensemble de la politique du handicap. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur tous les amendements de même objet, qui seront satisfaits à ce moment.

L'amendement 563. mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Ghislain Bray - Le travail des aidants familiaux est souvent, si ce n'est toujours indispensable aux personnes handicapées. Il doit être non seulement reconnu, mais compensé. Sans eux, en effet, le maintien en milieu ordinaire serait souvent impossible, d'où résulterait pour les collectivités un coût excessif. Je propose donc par l'amendement 531 d'accorder à ces personnes une part fiscale supplémentaire. Si les aidants se substituent parfois à l'Etat, il faut songer à les rétribuer autrement que par une rémunération directe.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - C'est une question qui mérite réflexion, car les aidants familiaux sont dans une situation difficile.

Ne reconnaître leur rôle que par un avantage fiscal n'est guère valorisant pour ceux qui jouent un rôle essentiel dans de nombreuses familles. Il faudrait nous montrer plus audacieux, par exemple en les faisant bénéficier d'une formation et en leur ouvrant le droit de cotiser pour leur retraite.

L'amendement 531, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement une lettre m'informant des conditions dans lesquelles sera examinée la suite de ce texte, qui sera inscrit à l'ordre du jour du mardi 8 juin, l'après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir, ainsi qu'éventuellement le mercredi 8 juin, l'après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir.

En outre, l'Assemblée examinera le jeudi 10 juin au soir le projet relatif aux modalités d'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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