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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 18ème jour de séance, 42ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 4 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite) 2

      RECHERCHE 2

      QUESTIONS 23

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

RECHERCHE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche concernant la recherche.

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances - La loi de finances pour 2004 aura eu le mérite paradoxal de susciter sur la situation de la recherche française un débat qui était souhaité par tous, avec des motivations contradictoires, voire idéologiques, mais toutes aussi respectables.

Le système allait, il est vrai, vers une lente mais inévitable régression. Les mesures proposées dans le cadre du budget 2004 - évolution statutaire d'une partie des emplois, orientation croissante des flux budgétaires vers des thématiques déterminées - survenant après des budgets 2002 et 2003 difficiles, ont entraîné un mouvement qui est encore présent dans tous les esprits. Cette crise aura eu le mérite de rappeler à tous - y compris aux scientifiques qui, ayant « le nez sur le guidon » négligent parfois les problèmes globaux l'importance stratégique de la recherche.

Dès lors, la mécanique était enclenchée : après les débats des derniers mois et les propositions des comités locaux d'organisation, Les états généraux se sont tenus la semaine dernière à Grenoble sous l'égide du comité d'initiative et de proposition présidé par Etienne-Emile Beaulieu et Edouard Brézin. Un document de synthèse sera publié la semaine prochaine. Il mettra l'accent, comme les rencontres parlementaires que j'ai organisées cette semaine, sur des points importants tels que le développement du partenariat public-privé, élément essentiel d'une rénovation de la recherche. Des expériences décisives ont été conduites comme celle menée par les laboratoires Pierre Fabre avec le professeur Potier, du CNRS.

La réflexion doit déboucher sur une loi d'orientation et de programmation. Ce processus requiert du temps : ce n'est donc que dans quelques mois que sera décidée l'évolution de notre politique de la recherche. Mais le calendrier parlementaire étant ce qu'il est, la discussion des crédits de la recherche intervient bien avant la réforme, qui aura inévitablement des incidences budgétaires. Félicitons donc le Gouvernement de nous proposer un cadre budgétaire suffisamment souple pour répondre d'emblée aux orientations des prochaines années.

L'intérêt nouveau que l'opinion porte à la recherche est aussi un événement : le débat qui a eu lieu a permis d'intéresser les citoyens à des questions essentielles pour l'avenir de la société et de l'humanité. Cela était d'autant plus nécessaire que des formes nouvelles d'obscurantisme, voire de charlatanisme, occupaient les devants de la scène, avec les conséquences que l'on sait, sur le développement des bio-technologies - la génétique notamment, ou les nano-technologies, déjà accusées de tous les maux de la terre. D'une science respectée par tous, on est passé dans la dernière décade à une science suspectée. Le coup d'arrêt était donc nécessaire : la réhabilitation de la science est en marche, d'autant plus qu'elle se met à la portée des citoyens.

Il faut rendre hommage, en ce domaine, au travail fécond de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques. Le Parlement, si souvent décrié, dispose là d'un outil performant, interface indispensable entre le citoyen et le décisionnaire. Je salue ainsi les actions entreprises par Jean-Yves Le Déaut et Claude Birraux, qui seront poursuivies par Henri Revol. Mieux vaudrait que l'Office occupe une position charnière dans les structures de pilotage que mettra en place la loi d'orientation et de programmation, plutôt que de créer d'innombrables comités Théodule désignés selon des modalités arbitraires ou des processus électoraux byzantins...Mais nous aurons amplement l'occasion d'en discuter.

Le budget 2005 consacre la recherche comme une priorité de la nation, ainsi que l'a souhaité le chef de l'Etat. On ne peut que se féliciter que la parole du Gouvernement soit tenue et l'engagement budgétaire important. Il est vrai qu'en 2002 et 2003, la recherche a pris plus que sa part dans les efforts de maîtrise de la dépense publique. Grâce à la pugnacité de Mme Haigneré, cet effort a été limité dans le temps, mais ses conséquences sur le fonctionnement des laboratoires se font encore sentir. Elles ont hélas été amplifiées par des mesures de régulation budgétaire décidées à contretemps. La situation est maintenant normalisée. Mais le suivi de l'exécution des lois de finances pour 2002, 2003 et 2004 s'est avéré si complexe qu'il fait l'objet d'un rapport spécifique. A l'expérience, il est clair que le secteur de la recherche ne se prête pas du tout aux gels et annulations de crédits.

M. Pierre Cohen - Nous l'avons dit !

M. Christian Cabal, rapporteur spécial - Le milliard promis est là. Il se décompose en 350 millions de moyens nouveaux pour les laboratoires de recherche publique, autant pour la nouvelle Agence nationale pour la recherche et 300 millions de mesures fiscales à destination des entreprises. Le budget civil de la recherche - 9,285 milliards d'euros - augmente de 4 %, contre 0,5 à 0,9 % par an, en volume, sur les dix dernières années.

Tous les ministères - recherche, industrie, agriculture et pêche, défense - voient leurs dotations de recherche augmenter. Le budget de la recherche s'établit à 6,535 milliards, en progression de 4,7 %. Cette manne est répartie entre les moyens des services, donc les EPST - environ 6 milliards - les interventions publiques - 620 millions - les investissements et les subventions d'investissement aux laboratoires. Le CNRS, l'INRA, l'INSERM voient leurs moyens confortés.

En matière d'emplois, on note le maintien de tous les emplois statutaires, mais aussi la création de 200 postes d'accueil et de 1 000 emplois dans les universités. Au total, c'est donc plus de 1 500 emplois, qui s'accompagnent de réels moyens budgétaires. La priorité va au soutien des jeunes chercheurs : allocations de recherche, postes de doctorants, conventions CIFRE, couverture sociale.

J'approuve également la déclaration du ministre en faveur d'un plan pluriannuel de gestion des effectifs. Je l'avais d'ailleurs appelé de mes vœux lors des discussions budgétaires précédentes. Je souhaite des précisions sur ce sujet ainsi que sur les mesures de simplification administrative.

S'agissant de l'Agence nationale pour la recherche, qui doit être créée par la future loi de programmation pour la recherche, je tiens à saluer l'action du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui a anticipé, de façon que celle-ci puisse, en dépit des lenteurs administratives, être opérationnelle dès le début de 2005, dotée de 350 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les crédits non consommés des fondations pour la recherche ainsi que les crédits de paiement relatifs aux autorisations de programme du FNS et du FRT. Une enveloppe de 500 à 700 millions d'euros pourra donc être affectée immédiatement aux thématiques prioritaires définies par le ministère et les différents conseils. Il faut rendre hommage à cette volonté d'aller fort et vite. La création des pôles de compétitivité sera de même particulièrement utile.

Les engagements pris à Lisbonne exigent de renforcer également la recherche privée. Diverses mesures fiscales incitatives ont été prises au bénéfice des entreprises comme la création d'un statut de jeune entreprise innovante, l'amélioration du crédit d'impôt recherche... Tout cela permettra de développer les partenariats public-privé dont l'efficacité est unanimement reconnue, même si leur mise en œuvre est encore complexe. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Dans votre région, Monsieur Cohen, le partenariat entre le CNRS et le laboratoire Pierre Fabre a permis de déposer des brevets, qui représentent aujourd'hui 50 % des royalties perçues par le CNRS. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le projet de budget pour 2005 marque également la volonté du Gouvernement d'améliorer le rang de la France en matière de recherche mondiale. Compte tenu de son histoire, de sa culture, de la référence qu'elle constitue depuis le siècle des Lumières, notre pays ne peut qu'être l'un des tout premiers au monde en ce domaine. L'effort consenti en 2005, à la fois quantitatif et qualitatif, est exceptionnel.

Cela étant, tout n'est pas qu'affaire de volume de crédits. Il faut aussi dépenser mieux et évaluer avec certitude les résultats obtenus. Si le critère de rentabilité ne doit pas guider l'effort de recherche, l'absence totale de prise en compte des résultats économiques et de la valorisation effective de la recherche serait irresponsable. Dans cet esprit, des évolutions, sans révolution, sont nécessaires sur le plan intellectuel comme sur le plan matériel. Le sombre tableau brossé par certains, qui ont extrapolé à partir d'exemples presque caricaturaux, ne correspond pas à la réalité. Ainsi, si notre pays recule dans la compétition internationale, c'est aussi que des pays émergents, comme la Chine, se font leur place en matière de recherche. De même, si le nombre de publications de chercheurs français régresse, c'est essentiellement pour des raisons linguistiques. Il serait suicidaire de refuser plus longtemps d'utiliser la langue scientifique de référence sur le plan mondial, à savoir l'anglais. Qu'on le regrette ou non, force est de constater que la science aujourd'hui s'écrit en anglais. Enfin, si notre pays recule également en matière de brevets de droits et d'applications, c'est que la recherche publique s'est longtemps désintéressée de l'aval, qu'elle considérait comme un champ impur, et que la recherche des entreprises n'a pas été assez soutenue.

En dépit de ces handicaps, la recherche française a « de beaux restes » - ce sont les Anglais qui le disent, ce doit donc être vrai. (Sourires). Un rapport du ministère du commerce et de l'industrie britannique situe notre pays au quatrième rang mondial, après les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne, mais avant le Royaume-Uni en matière d'investissements de recherche agrégés, et au cinquième rang pour le nombre de sociétés classées parmi les soixante-dix premières du monde en matière de recherche-développement. Forts de ce constat, nous pouvons donc nourrir de grands espoirs pour notre recherche, d'autant que vous avez su, Monsieur le ministre, renouer les fils du dialogue avec la communauté scientifique et que nous sommes passés d'une culture d'affrontement à une culture d'efficacité et de résultat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Votre audition par la commission, Monsieur le ministre, a permis à tous de mieux apprécier la cohérence entre les moyens et les objectifs de votre ministère. Alors même que l'endettement excessif de l'Etat impose de réduire les dépenses publiques, le BCRD pour 2005, en augmentation de 10 %, traduit la volonté du Gouvernement de respecter les engagements internationaux pris à Lisbonne de porter les dépenses européennes de recherche à 3% du PIB d'ici 2010 et d'apporter des réponses concrètes aux revendications des chercheurs. L'effort en faveur de la recherche publique augmente de 4 %, pour atteindre 9,28 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter la dotation de la nouvelle Agence nationale pour la recherche, ce qui représente au total une augmentation d'un milliard d'euros.

Parallèlement à ces données budgétaires, il convient, en application de la LOLF, d'examiner les contours de la mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur universitaire. L'objectif est de rendre plus lisible l'articulation entre la recherche, la formation supérieure et les moyens, et plus transparent le fonctionnement actuel des laboratoires, dont les sources de financement comme les équipes sont d'origines multiples.

Les crédits de paiement du ministère augmentent de 4,7 % et ceux destinés aux EPST de 31,6 %. La même volonté de renforcer les moyens des laboratoires publics se manifeste dans la consolidation des emplois scientifiques. Après que les 550 postes de chercheurs, ingénieurs et techniciens créés en 2004 ont été intégrés dans le budget pour 2005, celui-ci comporte des mesures d'amélioration des carrières.

Pour apprécier l'effort national total en matière de recherche, il convient aussi de prendre en compte la recherche duale civile-défense, dont la place demeure sous-estimée, par comparaison notamment avec les Etats-Unis. Enfin, pour répondre à des inquiétudes passées, il importe que les pratiques budgétaires deviennent plus rigoureuses, par exemple pour le versement des subventions ou les régularisations.

L'ambition du Gouvernement de développer la recherche publique ne s'oppose pas, bien sûr, à la volonté de poursuivre l'action engagée depuis deux ans pour relancer la recherche et l'innovation dans les entreprises. Les mécanismes incitatifs existants ont été renforcés et 235 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour le nouveau crédit d'impôt-recherche, afin d'encourager les transferts de technologies en direction des PME. Il faudra favoriser les synergies, en particulier dans le domaines des hautes technologies, en améliorant l'articulation entre la recherche et l'innovation.

Les futurs pôles de compétitivité associeront, au sein d'une même région, des laboratoires publics et privés, des entreprises et des établissements d'enseignement supérieur. Notre commission est très attentive à cette valorisation industrielle de la recherche qui permet des créations d'emplois et la conquête de nouveaux marchés grâce à l'innovation.

Il faut saluer la création d'une Agence nationale pour la recherche. La commission s'est interrogée sur le rôle exact qui lui sera dévolu, sur les liens qu'elle entretiendra avec le FNS et le FRT ainsi qu'avec les nouvelles fondations. Elle devra disposer d'une instance de conseil et d'évaluation au sein de laquelle l'OPECST pourrait être représenté. La commission souscrit à l'objectif de sélection des meilleurs projets dans les secteurs prioritaires, comme les sciences de la vie, les énergies du futur ou les technologies de l'information et de la communication. Mais il faudra, avant tout, que cette agence soit efficace dans sa méthode et éclairée dans ses choix.

Quant au budget européen de la recherche, que je souhaite ambitieux, il conviendra d'en harmoniser les mesures avec celles prises sur le plan national. Monter un dossier européen est difficile et demande du temps. Pourquoi ne pas imaginer une structure-relais entre les organismes de recherche nationaux et européens ? Trois projets sont en cours concernant l'hydrogène, pour lesquels un dossier doit être déposé au niveau européen avant le 8 décembre prochain. J'espère que la France sera candidate.

Je ne voudrais pas terminer sans évoquer la place que la science et la culture scientifique doivent tenir dans notre société. Il faut revaloriser la carrière des chercheurs, notamment la rendre plus attrayante pour les jeunes. Nous nous félicitons à cet égard de la création de 200 postes d'accueil de haut niveau, de l'augmentation du nombre de contrats CIFRE, porté à 1 200, de la mise en place de 4 000 nouvelles allocations de recherche et de la poursuite du programme Initiative post-doc.

Rendre à la science et à la recherche la place qui leur revient demande enfin que l'ensemble de nos concitoyens puissent s'approprier les avantages et les risques de leurs applications, et ce à une époque où, selon le philosophe Dominique Lecourt, « une idéologie antirationaliste rampante s'installe parmi les esprits les plus cultivés. » La recherche est certes l'affaire des chercheurs, mais elle est aussi celle de tous les citoyens. Les récentes déclarations du Président de la République sur la recherche en matière d'OGM rappellent donc opportunément que le respect des précautions ne s'oppose pas au risque mesuré et à la nécessité d'aborder ce type de questions en étant éclairé par l'évaluation, par l'expérience et en y incluant l'éthique.

Il a été dit à Grenoble que c'était la première fois en 25 ans qu'un gouvernement augmentait autant les crédits de recherche. Je souhaite que leur bon usage permette à notre pays de rester dans le peloton de tête face à une compétition internationale chaque jour plus aiguë et je vous demande de suivre votre commission dans l'avis favorable qu'elle donne à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre-André Périssol, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Le Premier ministre avait pris il y a huit mois des engagements vis-à-vis de la communauté des chercheurs. Engagement tenu, puisque le budget 2005 augmente d'un milliard, conformément à la volonté affirmée du Gouvernement d'augmenter d'ici 2007 de 3 milliards d'euros son soutien financier à la recherche publique et privée, dans la perspective de s'approcher de 3 % PIB.

Ce milliard d'euros supplémentaire est réparti selon trois parts quasi équivalentes entre l'augmentation du budget civil de recherche et développement, la dotation d'une Agence nationale pour la recherche nouvellement créée et le renforcement des mesures de soutien à l'innovation.

356 millions d'euros supplémentaires seront affectés au BCRD. C'est la plus forte augmentation depuis dix ans.

Les subventions adressés aux EPST et aux EPIC seront, pour l'année 2005, les plus importantes reçues par ces établissements au cours des quinze dernières années. Cet effort supplémentaire permet d'augmenter globalement les capacités de la recherche française mais aussi de dégager des thématiques prioritaires. C'est ainsi que les établissements qui voient leur subvention augmenter de la manière la plus substantielle sont ceux dont les activités concernent les sciences de la vie, les sciences et technologies de l'information et de la communication, l'énergie et le développement durable.

L'emploi scientifique bénéfice également très largement de l'accroissement des moyens des EPST, puisque le Gouvernement s'engage à ce qu'en 2005 tous les emplois statutaires soient préservés. S'ajoutent en 2005 la création de 200 nouveaux postes d'accueil de haut niveau destinés à des chercheurs étrangers, 4 000 allocations de recherche et 40 CIFRE, ainsi que 2 millions d'euros pour mettre un terme à la pratique des « libéralités » et garantir aux jeunes doctorants une véritable couverture sociale.

Autre point fort du budget 2005 : la création d'une Agence nationale de la recherche. Dotée dès sa création de 350 millions d'euros, elle prendra, dès le 1er janvier 2005, le relais des actions incitatives conduites antérieurement au titre du Fonds de la recherche et de la technologie et du Fonds national de la science. Sa mission consistera à soutenir le développement des recherches fondamentale et appliquée, l'innovation et le partenariat entre le secteur public et le secteur privé par le financement de projets de recherche sélectionnés sur des critères d'excellence scientifique et technique. Le Gouvernement a souhaité inscrire dans la loi le principe de sa création afin qu'elle puisse au plus vite disposer d'un financement. Mais soucieux de respecter le temps du débat, il a renvoyé à plus tard les contours précis de son organisation.

Troisième volet de ce budget : un ensemble de mesures fiscales s'élevant à 300 millions d'euros, dont 235 viendront abonder la dotation du crédit d'impôt recherche, étant entendu qu'un certain nombre de commissaires souhaiteraient savoir où en est sa consommation en 2004.

D'autres mesures fiscales sont prévues dans le but de favoriser la constitution de pôles de compétitivité.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, je voudrais maintenant évoquer la nécessité d'un certain renouvellement des structures, sans pour autant renier une organisation qui a fait ses preuves par le passé.

La commission des affaires culturelles estime que quatre points conditionnent l'avenir de la recherche française.

Il convient tout d'abord de faire de la future Agence nationale de la recherche une véritable agence de moyens, et même de programmes. Cela signifie que le choix des opérateurs de recherche doit moins se fonder sur leur statut, public ou privé, que sur leurs compétences et leur capacité à mener à bien un projet .

M. Pierre Cohen - Que faites-vous du CNRS ?

M. Pierre-André Périssol , rapporteur pour avis - Il faut ensuite placer les universités au cœur de pôles de compétitivité. Le rééquilibrage qui s'amorce en faveur d'un financement sur projet est de nature à permettre à la recherche universitaire de s'inscrire plus fortement encore dans la voie de l'excellence scientifique.

Il ne s'agit pas d'opposer universités, grandes écoles et organismes de recherche pour favoriser les uns ou les autres, mais de mettre en place les pôles de compétitivité afin de mutualiser les efforts et de donner à ces centres une masse critique suffisante pour apparaître sur la scène internationale. Dans le même temps, le financement sur projet assurera une certaine mise en concurrence qui fera que les chercheurs seront choisis sur leurs compétences intrinsèques et non pas parce que l'on voudra privilégier telle ou telle structure.

Mme Anne-Marie Comparini - Très bien !

M. Pierre-André Périssol , rapporteur pour avis - Troisième temps de la réforme et contrepoint indispensable à la mise en place d'une agence de moyens : l'évaluation. En effet, l'ANR ne fonctionnera efficacement que dans la mesure où elle pourra s'appuyer sur une structure d'évaluation efficace lui permettant, à l'issue de la procédure d'appel d'offre, de choisir les meilleures équipes pour faire aboutir ses projets.

Or, le dispositif d'évaluation dont dispose actuellement la recherche française est, c'est le moins que l'on puisse dire, complexe et perfectible.

Dernier aspect de la réforme mais le plus fondamental, la recherche publique française doit pouvoir s'appuyer sur un ministère à la fois pilote et stratège. Dans un contexte où le citoyen est de plus en plus enclin à s'interroger sur le bien-fondé du progrès scientifique, les grands choix de la recherche publique française doivent absolument être soutenus par le pouvoir politique. Il faut que la nation puisse participer à cette aventure, à ce défi collectif que constitue la recherche.

Cela suppose tout d'abord la lisibilité de ces grands choix de recherche. Il nous semble qu'un «Haut Conseil» composé en majorité ou en totalité d'experts scientifiques, placé auprès du pouvoir exécutif et chargé de conseiller ce dernier dans la définition des orientations de la recherche, se substituerait utilement aux divers conseils existants. Il pourrait aussi donner une meilleure publicité aux grandes priorités de celle-ci.

Cela suppose ensuite que, loin d'anticiper un effacement du ministère de la recherche, on favorise un accroissement de son rôle stratégique. Ce qu'il perdra en terme de gestion avec la création de l'Agence, il doit le gagner en capacité stratégique.

Il est clair que ce budget est un bon budget ; la commission des affaires culturelles lui a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Cohen - Je voudrais confirmer aujourd'hui les critiques que j'ai formulées en commission sur ce budget, d'autant qu'elles sont largement partagées par la communauté scientifique qui les a publiquement exprimés lors des états généraux de la recherche, la semaine dernière à Grenoble. Je saisis cette occasion de saluer le mouvement des chercheurs « Sauvons la recherche » qui a permis une prise de conscience de la place que doit avoir la recherche dans notre société.

M. Hervé Novelli - Il était temps...

M. Pierre Cohen - Examinons les principaux points d'achoppement. Tout d'abord, vous avez un « vrai faux » milliard pour la recherche. Nous trouvons en effet seulement 350 millions pour les laboratoires : simple rattrapage de vos erreurs, d'ailleurs reconnues par M. Fillon aux états généraux. Ensuite, c'est un abondement de 350 millions pour une agence qui n'a encore pas d'existence et qui constitue cependant l'un des enjeux de la loi d'orientation et de programmation. Vient enfin une défiscalisation de 300 millions supplémentaires, avec un crédit d'impôt recherche dont l'efficacité n'est pas claire, et qui semble constituer un effet d'aubaine plutôt qu'un levier pour le développement de la recherche dans le privé.

II s'agit donc d'un budget en trompe-l'œil alors que ce rendez-vous était capital pour pouvoir débattre sereinement de la loi d'orientation et de programmation. Et pourtant, vous vous en glorifiez... Comment parler de 10 % d'augmentation alors qu'à coups de gels et d'annulations, vous avez réduit les crédits, depuis 2004, de près de 650 millions ? Vous avez souvent dit qu'il n'y avait pas de moyens sans réforme ; mais il n'y pas de réformes en profondeur si elles ne sont assorties de moyens. Ce budget était l'occasion de réparer vos manquements. Mais votre grande erreur est d'être resté sourd à la demande unanime de reprendre le plan pluriannuel de l'emploi scientifique amorcé par Lionel Jospin et M. Schwarzenberg en 2001. C'est une faute capitale et il faudra un geste significatif de votre part avant le débat sur la future loi. Nous retrouvons d'ailleurs ce jugement dans l'avis du Conseil supérieur des sciences et de la technologie.

En maintenant vos positions, vous commettez deux erreurs. Tout d'abord, vous n'anticipez pas le grave déficit en emplois qui résultera des nombreux départs à la retraite à partir des années 2008 - près de la moitié des effectifs dans certains organismes. On a vu ce qui s'est passé pour les infirmières, pour lesquelles trois ans de formation suffisent : pour les chercheurs, il en faut au moins huit ! Votre deuxième erreur est de renforcer le « stock » des docteurs en itinérance, en situation précaire d'autant que la loi Fillon sur les retraites va reporter de deux ans les embauches tant attendues. Ce n'est pas ainsi qu'on évitera le divorce entre la recherche et notre jeunesse et qu'on luttera contre la fuite des cerveaux ! Vous avez anticipé en créant une agence dont les missions et l'efficacité restent floues. Ayez de l'audace : n'attendez pas la loi pour confirmer que vous avez entendu l'appel unanime en faveur d'un plan pluriannuel de l'emploi scientifique !

Votre troisième erreur est de n'avoir pas porté attention au problème des thésards. En pleine crise de la recherche, vous gelez l'augmentation annuelle de 5 % des allocations de recherche, ce qui, si nos calculs sont exacts, ramènera cette allocation en dessous du SMIC l'année prochaine. Comment comptez-vous attirer des jeunes de niveau bac plus cinq avec une rémunération amputée d'un tiers, voire de moitié, par rapport à celle d'un premier emploi, cependant qu'aucune garantie d'embauche n'est assurée au bout de trois ans? Nous touchons là l'enjeu majeur de la future loi. Le doctorat ne doit pas préparer aux seuls emplois de recherche académique, mais aussi alimenter les entreprises, les administrations et pourquoi pas former de futurs élus ? La formation par la recherche doit être un levier pour préparer l'avenir.

Je conclurai sur une thématique qui me tient particulièrement à coeur et qui n'a jamais eu beaucoup d'échos, quels que soient les gouvernements : celle de la culture scientifique et technique. Dans ce domaine, la hausse, d'ailleurs trop faible, du budget concerne la Cité des Sciences, à qui bénéficie 90 % de l'effort pour la culture scientifique et technique. Je n'entends pas remettre en question cet établissement, qui est nécessaire et remplit parfaitement ses missions. Mais je revendique une reconnaissance de l'immense travail réalisé par les associations, les collectivités territoriales, les laboratoires et les universités.

Il faudra bien un jour que la culture scientifique et technique soit valorisée au même titre que la culture générale, et ce pour de multiples raisons. Je n'en évoquerai que deux. Tout d'abord, le XXIe siècle sera celui du développement technologique et les enjeux scientifiques seront de plus en plus prépondérants. Les appréhender sera une garantie contre l'obscurantisme et pour la démocratie. Ensuite, le succès de votre loi est à ce prix, car science et société doivent faire bon ménage. Je ne connais d'ailleurs pas d'autre moyen pour réconcilier les citoyens avec la science.

Le signal fort tant attendu avec ce budget n'est pas au rendez-vous de l'histoire qui s'écrit. Le groupe socialiste votera donc contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Birraux - Le groupe UMP votera ce budget ; dans un contexte budgétaire difficile, l'effort du Gouvernement doit être souligné. Je rappelle la création de 1 000 emplois dans l'enseignement, et le maintien des effectifs dans la recherche, malgré la tendance à réduire le nombre des fonctionnaires.

J'insisterai sur trois points. Tout d'abord, l'objectif de Lisbonne de 3 % du PIB pour la recherche exigera une augmentation considérable du nombre des chercheurs en France et en Europe, et la stabilisation des effectifs ne suffira pas. Ensuite, l'Agence pour la recherche doit être mise en place rapidement, avec une organisation connue à l'avance, transparente, simple et souple : ne faisons pas comme pour les pôles de compétitivité, où il faut franchir pas moins de douze étapes avant la mise en place... Il faut dire également que les structures existantes vont disparaître : le FRT et le FNS doivent s'intégrer dans l'Agence. Enfin, j'accorde que l'appel à projets est la méthode habituellement utilisée dans la plupart des pays européens et par l'Union européenne. Toutefois, il faut laisser une chance d'être subventionnés à des « projets blancs » émanant de la base et qui ne s'inscrivent pas dans les thématiques définies par l'Agence.

Ne négligeons pas le problème de l'emploi des docteurs, si perturbant pour les jeunes chercheurs qui nous lancent des appels de détresse. Il faudrait, Monsieur le ministre, aménager le crédit d'impôt recherche pour inciter l'industrie à embaucher des docteurs. Il faut lui expliquer qu'un docteur est quelqu'un qui a été capable de prendre un sujet de recherche et de le faire avancer - quelqu'un qui s'est formé à la recherche et qu'elle peut intégrer. Elle doit en effet comprendre que l'innovation est nécessaire à sa compétitivité.

Partout sauf en France, les docteurs sont chefs de laboratoires ou d'administrations.

Ayant participé aux débats des assises de la recherche à Grenoble, aux initiateurs et aux acteurs, desquelles je rends hommage car de très bonnes choses en sont sorties, j'y ai exprimé au nom de l'Office parlementaire deux convictions. La première est qu'il n'y a pas à opposer recherche fondamentale et recherche appliquée : si on ne remplit pas le tonneau de la connaissance, c'est en vain qu'on voudra ouvrir le robinet de la recherche finalisée. La seconde est qu'aujourd'hui la recherche est pluridisciplinaire, et qu'il faut en tenir compte.

Les vingt-sept propositions issues des assises sont une bonne base de discussion pour la loi à venir. Toutes ne relèvent peut-être pas de la loi, mais il n'y a pas lieu de penser que ce qui est d'ordre réglementaire peut attendre... Chacun juge bon que l'instance de pilotage soit placée auprès du Premier ministre. Je crois souhaitable, d'autre part, qu'elle rende compte au Parlement, à travers son Office.

Par ailleurs, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur doivent être au service de la recherche, et non constituer un étage supplémentaire de son organisation. Il doit y avoir une sorte de mutualisation des moyens ; s'il y a des obstacles réglementaires, il faut les lever.

Des propositions ont été faites concernant les maîtres de conférence : ils doivent pouvoir d'abord mettre en place leur projet de recherche, puis moduler leur temps d'enseignement, enfin l'évaluation doit englober toutes les tâches qui leur sont confiées.

A propos de l'évaluation, il est bon que, pour la première fois, on lise dans un document qu'elle doit avoir des conséquences. Mais l'évaluateur doit être choisi sur sa seule compétence, j'y insiste et l'évaluation doit être transparente.

J'ai été troublé par la passion avec laquelle s'est élevé contre l'usage du terme « excellence », auquel on a préféré celui de « qualité ». Personne n'a réclamé de pôle de médiocrité, ce qui m'a un peu rassuré. Mais, me suis-je dit, qu'aurait pensé un des participants dont le fils, passionné de football, se serait inscrit au club local avec pour seule ambition de rester sur le banc de touche ? Pourquoi « excellence » suscite-t-il un tel blocage ?

La démarche de valorisation rencontre encore quelques difficultés, mais les exemples de nos voisins que j'ai pu citer devraient ouvrir quelques pistes. D'autant que, de François Mitterrand à Jacques Chirac, tous nos dirigeants ont prôné la relation entre la recherche et l'industrie. Comme souvent, les assises ont un peu tourné à l'exercice franco-français, la dimension européenne demeurant à l'écart.

Un des participants a déclaré que les assises se devaient d'être festives. J'en ai conclu qu'il en allait des assises comme des Rave Parties : l'important, c'est l' « after », c'est-à-dire la préparation de la loi, à laquelle doivent participer le Parlement et en particulier l'Office parlementaire, afin que l'échange soit permanent entre l'exécutif, le législatif et le monde de la recherche. En outre, rien ne sert de faire une loi si le cadre administratif et financier ne change pas. La recherche doit pouvoir se développer hors des contraintes actuelles. Le premier signe à donner serait d'accorder le contrôle a posteriori aux établissements publics scientifiques et techniques. Les chercheurs ont manifestement la volonté d'avancer. Les gouvernements successifs n'ont pas toujours bien traité la recherche, même si certains orateurs promettent aujourd'hui d'en faire plus, de raser gratis et de décrocher la lune (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) . Nous devons donner corps à une grande ambition, à travers et au-delà de la prochaine loi : réconcilier le monde de la recherche avec le monde politique, et donc avec la société française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Frédéric Dutoit - Dans un contexte mondial dominé par le libéralisme, la recherche publique française constitue une originalité qu'il faut à la fois défendre et transformer. En effet, tout en jouant un rôle essentiel dans la richesse et le rayonnement de notre pays, elle a montré sa capacité à s'adapter et même à anticiper les besoins de la société. Elle représente un atout pour quiconque envisage l'avenir de la planète autrement qu'à travers le prisme déformant et dévastateur de la rentabilité financière. Mais il faut la transformer, parce que le monde a changé.

Or, ses acteurs constatent souvent avec un sentiment d'impuissance les carences dont elle souffre, et leurs conséquences sociales. Le mouvement des chercheurs du printemps dernier a provoqué un changement radical dans la conscience collective et la recherche est désormais un débat de société. Au cours des assises nationales de la recherche, près d'un millier de personnes de ce secteur, de toutes catégories, ont tracé les grands axes de l'avenir de la recherche et de l'enseignement supérieur. Mais deux conceptions s'affrontent. La première, obsédée par la guerre économique que se livrent les multinationales, se concentre sur la course à l'innovation et sur l'adaptation de l'appareil de recherche public au besoin des entreprises. Face à ce dogme libéral étayé par les traités européens, se dresse une autre conception qui refuse la précarité des emplois et des financements. Votre budget prouve que vous avez choisi la première voie.

Vous annoncez un milliard supplémentaire pour la recherche en 2005, avec en perspective une augmentation de 3 milliards d'ici 2007 afin d'approcher l'objectif de 3% du PIB consacrés à la recherche en 2010 retenu au conseil européen de Barcelone en 2002. Ce milliard est réparti entre le BCRD, la nouvelle Agence nationale pour la recherche et le soutien à l'innovation. Mais nombre de chercheurs craignent que cette agence finisse par faire disparaître les organismes publics de recherche. Au vrai, l'augmentation réelle, loin d'atteindre le milliard annoncé, se réduit à 700 millions qui font à peine plus que compenser les 620 millions perdus en 2003 et 2004 en raison des baisses et annulations de crédits. Nous nous retrouvons en fait au niveau de 2002.

S'agissant des personnels, la question la plus douloureuse est celle de l'emploi des jeunes chercheurs. La situation des 70 000 doctorants et de milliers de docteurs sans poste est une honte. 4 000 postes supplémentaires seraient nécessaires chaque année pour rester à niveau. Aussi la communauté scientifique réclame-t-elle un plan pluriannuel pour l'emploi, ainsi que la reconnaissance du caractère professionnel du doctorat. Les chercheurs demandent également une réforme profonde des universités et des organismes de recherche. La proposition de François Fillon de créer des pôles de compétitivité n'a pas été très bien accueillie, car elle risque d'aboutir à de fortes disparités.

Mieux vaudrait veiller à ce que la recherche se développe dans toutes ses dimensions et sur tous les fronts, grâce au maintien d'un fort secteur public, et en refusant de sacrifier aux critères très réducteurs de la rentabilité financière immédiate. Là comme ailleurs, les chercheurs ont besoin de stabilité, de liberté et de pluralisme. Pour cela, le financement de la recherche publique par l'Etat doit être accru de façon vigoureuse, associé à un dispositif amélioré d'évaluation nationale. Il importe que notre système de recherche garantisse l'expression des besoins sociaux et culturels de la population et le fonctionnement démocratique des institutions, et permette d'organiser des coopérations sans subordination avec les industries et les services, de freiner les délocalisations et de développer l'emploi. Enfin, la situation des personnels, quel que soit leur statut, doit être substantiellement améliorée, ainsi que le niveau de recrutement. Il faut que de leur côté les entreprises accroissent leur effort et embauchent de jeunes chercheurs dans l'industrie.

Non, Monsieur le ministre, votre budget pour 2005 n'ouvre aucune perspective dans un horizon qui demeure bouché. La communauté scientifique ne s'y trompe pas. Il appartient aux états généraux de la recherche de donner lieu à un débat national destiné à définir la politique de recherche dont la France a besoin. Telle est la condition pour que la loi de programmation soit une réussite. Notre groupe votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. Christian Blanc - Deux années successives de forte baisse du budget public de la recherche ont mis le feu aux poudres. Face à l'ampleur de la mobilisation des chercheurs, le Gouvernement s'est engagé à consentir un effort financier d'un milliard supplémentaire. Le budget tient cet engagement.

Néanmoins, il s'agit d'un budget de transition, puisque le BCRD examiné cette année sera le dernier avant la loi d'orientation et de programmation. Nous nous trouvons donc dans un sas, mais vers quoi ? La création de l'Agence nationale pour la recherche suscite l'interrogation. Ce serait un élément de réponse si cette création annonçait une gestion par agences de moyens. Seulement, rien n'est dit de l'architecture du système de recherche dans laquelle la nouvelle agence s'inscrira. On ne sait pas quelles seront les missions respectives du ministère de la recherche et des grands organismes publics, et pas davantage qui sera chargé du pilotage stratégique. On ignore aussi comment les universités s'intégreront au nouveau système et donc, en bref, comment se fera l'articulation entre les structures existantes et la nouvelle agence.

Plus largement, la France étant, comme tous les autres pays, entrée dans l'ère de l'économie de la connaissance, une réflexion s'impose sur la place de la recherche. En premier lieu, une approche sectorielle est-elle encore pertinente, au moment où la France doit faire face à la concurrence croissante des pays émergents qui profitent de faibles coûts salariaux et du progrès technologique ? On constate que, parmi tous les pays confrontés à ce défi, ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui sont en pointe en matière d'innovation. Or, dans cette course, la France est en retard car elle n'a pas encore su adapter son modèle de développement. Notre économie est figée dans une organisation qui a bien servi le pays en permettant un rattrapage spectaculaire après guerre, mais qui n'est plus en phase avec l'époque. Les acteurs économiques, et particulièrement les acteurs de la recherche, sont, pour la plupart, engoncés dans des systèmes nationaux et hiérarchisés qui entravent les interactions entre recherche, enseignement et entreprises ; la conséquence en est une déperdition de cette vitalité d'où naît l'innovation.

Les régions et les pays européens qui connaissent les croissances les plus performantes ont pour point commun d'avoir su faire travailler en synergie l'universitaire, le chercheur et l'entrepreneur. La France doit y réussir et elle le peut grâce à un potentiel d'exceptionnelle qualité. La question de la recherche, bien que centrale, n'est donc qu'un aspect de la réflexion sur le modèle de développement qui nous permettra de renouer avec une croissance forte et durable.

Une approche purement quantitative de la question de la recherche serait vouée à l'échec : faute d'objectifs de qualité et d'organisation, comment penser accroître durablement le budget de la recherche ? Une stagnation de la croissance empêcherait d'augmenter ses moyens et mettrait en faillite notre modèle social. La cohérence et l'efficacité commandent de traiter simultanément la question de la recherche et celle de l'université, car des réformes isolées et successives ne sont que de simples aménagements. Faute de s'inscrire dans un projet plus large, ces réformes se heurteraient à la résistance légitime des acteurs, car lorsque les perspectives d'avenir sont incertaines, l'objectif, conservateur mais clair, est la protection des acquis.

Le risque principal d'une approche sectorielle serait de négliger, une fois de plus, nos universités, déjà dévitalisées par les grandes écoles et par les organismes nationaux qui concentrent l'essentiel des moyens de la recherche. A cette exception française là, il faut mettre un terme. Dans l'économie de la connaissance, la matière première décisive, c'est la matière grise. Or, le lieu naturel de concentration de la connaissance, c'est l'Université. C'est sur le campus des universités que sont formés ceux qui seront demain les moteurs de notre économie ; c'est donc là qu'ils doivent, pendant et après leur formation, être en contact avec ce qui se fait de mieux dans le domaine de la recherche et de l'innovation.

Pour atteindre cet objectif, il faut réformer la gestion des universités et leur laisser une large autonomie. Ainsi parviendra-t-on à trois évolutions majeures : les universités pourront gérer tout le personnel des unités de recherche qu'elles abritent ; ce transfert permettra de créer un nouveau statut d'enseignant-chercheur regroupant tous les personnels ; enfin, les universités pourront gérer leurs effectifs avec une plus grande souplesse au lieu de contraindre tous les enseignants-chercheurs à un quota uniforme d'heures de cours. Actuellement, nul ne prend en compte l'âge des chercheurs ni leur appétence pour l'enseignement ni même l'état de leurs travaux. Si chaque université fixait les obligations d'enseignement, cela permettrait aux jeunes chercheurs de se consacrer pleinement à la recherche au début de leur carrière, au moment où ils sont le plus créatifs.

Le corollaire de ces réformes, c'est l'abandon par les grands organismes nationaux de recherche de leur fonction de gestion des personnels. Votre projet de budget prévoit la création d'une première agence de moyens ; menons l'idée à son terme et confions ce rôle aux instituts de recherche, au premier rang desquels le CNRS. Ainsi éviterons-nous l'écueil bien connu qui consiste à empiler les structures nouvelles pour ne pas prendre le risque de réformer les structures existantes. La nouvelle organisation permettrait de financer les laboratoires par contrats pluriannuels sur projet et de rompre ainsi avec la mauvaise habitude consistant à stériliser des masses importantes de crédits par reconduction permanente.

Vous l'aurez compris, le soutien critique que nous apportons aujourd'hui au budget proposé n'est que ponctuel. Il ne sera durable que si la loi d'orientation et de programmation de la recherche définit une stratégie tendant à créer un écosystème de la croissance. Si, au contraire, cette loi se limite à une planification budgétaire, notre soutien s'évanouira aussitôt ; en pareil cas, ce budget de la recherche serait le dernier que nous approuverions au cours de la législature.

Une approche globale de la question de la recherche suppose un fort investissement politique. La semaine dernière, des chercheurs ont dit leur vision de l'avenir de la recherche française à l'occasion des assises de la recherche. La consultation des acteurs est une étape indispensable sur le chemin d'une réforme réussie, mais il ne sont pas les seuls acteurs concernés par les changements nécessaires pour inscrire la France dans l'économie de l'innovation. L'une de leurs propositions correspond d'ailleurs à la création d'un ministère regroupant recherche, université et technologie - le constat, donc, que l'approche sectorielle n'est pas suffisante. Mais peut-on concevoir de créer un tel ministère sans avoir auparavant consulté les universitaires ? Une approche globale suppose aussi d'élargir la consultation pour entendre tous les acteurs de la croissance, y compris les entreprises. Mais, en dernière instance, seul le Gouvernement et le Parlement, garants de l'intérêt général, ont la légitimité d'arrêter la stratégie qui s'impose. Le temps devra donc être donné au Parlement de participer aux choix qui conditionneront le développement économique et social (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Pierre Mendès France, Charles de Gaulle et François Mitterrand avaient fait de la recherche une priorité fondamentale, considérant, à juste titre, qu'elle conditionne à la fois le progrès des connaissances, l'indépendance nationale et notre compétitivité économique. Mais qui souhaite développer la recherche doit en premier lieu développer l'emploi scientifique. Conscient de cet impératif, le gouvernement Jospin a créé 2 042 emplois pour la recherche. Mais, quand la droite est au pouvoir, l'emploi scientifique est souvent sacrifié, comme on a pu le constater au cours des deux décennies écoulées. Ainsi, les budgets 1996 et 1997 ont supprimé 791 emplois et la tendance du gouvernement Raffarin est la même, puisque le budget 2003 a supprimé 150 emplois statutaires et que le budget 2004 prévoyait d'en supprimer 550, dont les titulaires auraient été remplacés par des « intermittents de la recherche », voués à la précarité. A la suite du mouvement des chercheurs et des élections régionales, le Gouvernement est finalement revenu sur ces 550 suppressions d'emplois statutaires ; pour autant, il n'a créé aucun emploi nouveau de ce type dans les organismes de recherche en 2004, et il en sera de même l'an prochain puisque le budget 2005 se limite à remplacer les départs en retraite sans créer aucun emploi, à l'exception de 200 postes d'accueil temporaires. En bref, pour les organismes de recherche, le bilan des trois budgets présentés par le gouvernement Raffarin se traduira par la suppression de 150 emplois en 2003, sans aucune création d'emplois statutaires ni en 2004, ni en 2005.

Et pourtant, si la France et l'Union européenne veulent pouvoir rivaliser avec les Etats-Unis et le Japon, elles doivent augmenter le nombre de leurs scientifiques. Le commissaire européen à la recherche expliquait d'ailleurs au début de l'année qu'il importait de trouver 500 000 chercheurs supplémentaires d'autant plus rapidement que la moyenne d'âge des chercheurs européens est élevée. La France a la chance de disposer d'un vivier de jeunes docteurs et doctorants de grande qualité. Mais au lieu de faire appel à eux, nous les condamnons à piétiner interminablement et retardons leur recrutement à un âge de plus en plus élevé. Faute de postes disponibles, beaucoup de jeunes docteurs se trouvent durablement dans des situations précaires, où ils cumulent très bas revenus et absence de couverture sociale. Pour changer cela, les budgets 2001 et 2002 avaient créé 805 emplois dont 228 destinés à la résorption de la précarité. Mais le gouvernement Raffarin n'a nullement persévéré dans cette voie, ce qui explique l'inquiétude des jeunes chercheurs. Ils ont le sentiment de ne pas avoir d'avenir en France, le message que leur adressent les pouvoirs publics se résumant à un inacceptable : « No future ».

Ceux-ci sont contraints de s'expatrier, aux Etats-Unis en particulier, ce qui représente une perte de substance et un gâchis de matière grise. A l'injustice s'ajoute un non-sens économique : l'Etat investit des sommes importantes pour former des docteurs, qui vont ailleurs. Notre pays est formateur à titre onéreux, mais exportateur à titre gracieux. Il met les chercheurs qu'il a formés à la disposition d'économies concurrentes qui bénéficient de cet effet d'aubaine. Nous faisons donc du mécénat : nous subventionnons, indirectement, la recherche américaine, canadienne et celle de nos voisins européens.

Pour mettre fin à cette situation, nous avions adopté en 2001 un plan décennal de gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique. Il visait à anticiper les départs à la retraite massifs des années 2006-2010, à rendre justice aux jeunes docteurs en leur permettant de s'insérer dans la recherche publique et à renforcer durablement les effectifs de celle-ci. Ce plan ouvrait des perspectives claires aux étudiants. Il créait mille emplois entre 2001 et 2004, dont huit cents auraient été conservés à titre définitif. Les budgets de 2001 et de 2002 ont créé cinq cents emplois. Ceux de 2003 et de 2004 devaient faire de même. Au lieu de cela, le gouvernement Raffarin a supprimé 150 emplois statutaires dans le budget de 2003 et 550 dans la loi de finances initiale de 2004. Cette dernière mesure a finalement été annulée, mais vous ne créez pas d'emplois nouveaux dans les organismes de recherche. Vous renvoyez ces créations à une future loi d'orientation qui risque de ne pas être promulguée avant la fin 2005 ou le début 2006.

Pourtant, aux états généraux de la recherche, François Fillon avait considéré comme nécessaire un plan pluriannuel de l'emploi scientifique. Il faut saluer cette lucidité tardive. Mais pourquoi ne pas lancer ce plan dès maintenant, au lieu d'adopter une position d'attente qui nous est dommageable ?

Ce budget, en effet, est un budget d'attente, qui ne comporte pas de véritables avancées. Il se borne à stabiliser les effectifs. On nous annonce un milliard supplémentaire, mais seulement 356 millions iront au BCRD, ce qui n'est qu'un rattrapage partiel des annulations décidées depuis 2003. Le Gouvernement choisit l'immobilisme.

En 1956, lors du colloque de Caen, Pierre Mendès-France déclarait : « Le développement de la science est, au premier chef, une affaire politique. » Votre Gouvernement a-t-il une telle volonté politique ? J'en doute, à l'examen de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Lasbordes - Depuis très longtemps, n'en déplaise à l'orateur précédent, les crédits de la recherche n'avaient pas connu une telle augmentation. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Dans un contexte économique incertain, le Gouvernement a montré sa volonté d'ouvrir à la recherche une vaste perspective. Vous apportez un milliard d'euros supplémentaire, conformément à l'engagements pris d'augmenter de 3 milliards avant 2007 le soutien à la recherche publique et privée. C'est une première étape, mais elle est significative d'une ambition retrouvée, qui aura sa traduction dans la future loi d'orientation.

Le BCRD progresse de 356 millions, la quasi-totalité de cette somme étant affectée aux personnels et aux laboratoires. Les subventions aux établissements publics seront les plus importantes des quinze dernières années et le soutien de base aux unités progresse de 10 %. Les crédits de la recherche universitaire augmentent de 11,2 % et les mille créations de postes dans l'enseignement supérieur annoncées au printemps sont confirmées dans ce budget. La parole est donc tenue.

La mise en place de l'Agence nationale pour la recherche traduit la volonté de faire émerger des projets sur les thématiques prioritaires en rendant plus souple le fonctionnement de la recherche publique. Véritable agence de moyens dotée de 350 millions d'euros, elle sera chargée de soutenir la recherche fondamentale ou appliquée et les partenariats entre secteurs public et privé. Prenant le relais du Fonds national de la science et du Fonds de la recherche et de la technologie, cette agence doit être opérationnelle au 1er janvier 2005. Son fonctionnement sera, je l'espère, le plus simple possible. Sa place dans la future organisation de la recherche devra être précisée. Cependant, outre les programmes définis comme prioritaires, il importe de soutenir également les domaines qu'on dit « non fléchés ». Je pense en particulier aux sciences dures.

Le soutien à la recherche privée et à l'innovation constitue un point central du dispositif, la recherche privée devant contribuer pour deux tiers à l'effort consenti pour atteindre l'objectif de Lisbonne, autrement dit les 3 % du PIB. Vous prévoyez dans ce but 300 millions de mesures fiscales, dont 235 millions au titre du crédit d'impôt recherche.

Votre budget témoigne donc d'une politique ambitieuse. Il est vrai, les attentes des chercheurs sont immenses. Je tiens à saluer ici la qualité des travaux réalisés au cours des assises régionales, conclues ces derniers jours à Grenoble par les états généraux de la recherche.

Vous maintenez le potentiel scientifique, vous rétablissez les 550 postes de titulaires et vous garantissez le nombre d'emplois statutaires. C'est un effort important. Pour accroître le potentiel scientifique, il nous faut un plan pluriannuel d'emploi scientifique, mais financé celui-là, et qui obéisse à d'autres exigences que des préoccupations électoralistes. François Fillon a pris l'engagement, à Grenoble, de nous présenter un tel plan. Cette initiative serait de nature à rassurer les jeunes en leur donnant la visibilité qui aujourd'hui leur fait tant défaut. Nous avons besoin d'une véritable politique de gestion des ressources humaines et d'une réforme de l'évaluation, qui doit devenir plus transparente et plus globale. La mobilité, vers l'entreprise en particulier, devra être valorisée. Dans les jurys d'évaluation, la participation de personnalités étrangères et reconnues pour leurs compétences est indispensable. Il faut enfin donner un véritable suivi à l'évaluation.

Les chercheurs ont aussi l'espoir qu'on simplifie leur quotidien en réduisant les pesanteurs administratives. Le temps qu'ils consacrent à observer des règles administratives obsolètes est démesuré. Je propose qu'on substitue au contrôle financier a priori un contrôle a posteriori et qu'on choisisse un seul logiciel de gestion comptable pour l'ensemble des laboratoires. En outre, les procédures du code des marchés publics constituent une contrainte dont la communauté scientifique souhaite être totalement exonérée. L'objectif n'est-il pas de libérer du temps au profit de la recherche, en substituant une culture de confiance à une culture de défiance ?

La recherche, seul secteur de l'administration en milieu concurrentiel, ne pourrait-elle pas jouer un rôle pilote en matière de simplification administrative ?

Il faut enfin redonner au doctorat sa vraie dimension. Les augmentations de l'allocation de recherche d'Etat, qui a fait l'objet d'un rattrapage depuis deux ans, devraient être calées sur celles du SMIC, considéré comme un seuil symbolique.

Comment l'Etat peut-il valoriser le titre de docteur dans les conventions collectives ? Cela passe-t-il, comme on l'a proposé à Grenoble, par la transformation de la thèse en un véritable contrat à durée déterminée ?

Les écoles doctorales doivent mieux préparer l'entrée des futurs docteurs dans les organismes de recherche, mais aussi dans les entreprises.

Le Gouvernement envisage-t-il d'allonger la durée des contrats « post doc » à trois ans, comme le font d'autres pays développés ? Votre effort pour mettre un terme à la pratique des libéralités et pour garantir une couverture sociale aux doctorants va dans le bon sens.

La société met dans la recherche ses espoirs de vie meilleure, mais elle doute aussi du progrès. Des peurs apparaissent, qui traduisent une méconnaissance des enjeux scientifiques. La réconciliation de la recherche et de la société passe par la diffusion de la culture scientifique et technique.

Ce budget annonce la loi d'orientation que nous examinerons au printemps. Celle-ci devra mettre l'accent sur la jeunesse et améliorer le pilotage de cette recherche dont, disait le général de Gaulle, « le développement est, au premier chef, affaire de politique ». J'invite mes collègues, au nom du groupe UMP, à voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Anne-Marie Comparini - Rapports, manifestations, colloques se succèdent pour nous rappeler les défis à relever : éviter la fuite des cerveaux, améliorer la rémunération des chercheurs, encourager l'innovation. Vous le disiez mardi, monsieur le ministre, au cours des rencontres parlementaires de la recherche. Il faut rendre la recherche plus attractive auprès des jeunes, qui désertent les filières scientifiques.

Dans cette perspective, le budget 2005 comporte les mesures nouvelles promises par le Gouvernement : création d'emplois statutaires, accueil de chercheurs de haut niveau, moyens accrus pour les laboratoires, Agence nationale pour la recherche.

Mais ces annonces sont loin de répondre aux challenges de ce secteur stratégique pour le développement économique et social. Le budget civil enregistre une hausse, mais après deux années de chute. Les emplois scientifiques subissent un effet de stop and go - 1000 créations en 2004, 200 en 2005 - alors qu'il faudrait une continuité pour anticiper les départs à la retraite. Quant aux moyens nouveaux des laboratoires, ils ne feront que combler le retard accumulé depuis des années.

Ces annonces sont aussi loin du sursaut attendu par la communauté scientifique, qui connaît bien, pour les vivre au quotidien, les lacunes de notre système : manque de lisibilité, de coordination, de réactivité, et faiblesse financière, l'érosion du poids de la recherche dans I'investissement national étant régulière.

Ce budget, me direz-vous, est un budget charnière dans l'attente de la loi d'orientation. Mais le chantier « recherche » est si symbolique de la confiance retrouvée des chercheurs qu'il aurait mérité dès aujourd'hui des signes forts et une réflexion sur des changements organisationnels. C'est sur eux que je concentrerai mon propos, après mon collègue Christian Blanc.

Il faut réunifier recherche et enseignement supérieur. 80 % des capacités de recherche sont implantées au sein des universités : il faut donc insister sur leur rôle structurant. Elles doivent devenir, comme dans tous les pays européens, des lieux d'application du triptyque recherche-formation-innovation.

Une telle évolution permettrait de tendre vers le plus haut niveau international, de développer les métiers d'enseignant-chercheur et de chercheur en encourageant la mobilité, de renforcer leurs capacités sur des secteurs ciblés de recherche fondamentale, et enfin d'organiser la recherche et l'enseignement supérieur autour d'un site ou d'une région, afin de valoriser les idées issues de la recherche en multipliant les liens avec les entreprises.

Il faut réfléchir à un statut unique qui mette fin à la multiplicité des situations administratives - « post-doc », bourses de fondations, CDD - qui confine certains emplois scientifiques à la précarité. Ce statut donnerait de la souplesse dans la temporalité, l'alternance ou la concomitance des activités de recherche, de formation et d'animation des équipes. Car enfin nous voulons renouveler les générations de chercheurs et encourager les interactions entre recherche publique et privée.

Il faut aussi confier la gestion des chercheurs aux universités. Quand ils travaillent dans des laboratoires mixtes, le contrat quadriennal des universités intègre déjà les projets à terme des deux missions. L'introduction des masters de recherche sera une nouvelle étape de ce rapprochement. Plutôt que de le subir, organisons-le.

Ce budget nous interpelle, car la recherche est pour le groupe UDF un immense patrimoine sur lequel on doit investir résolument, afin qu'il gagne en transparence, en souplesse et en efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Yves Le Déaut - Les restrictions qu'a connues la recherche française lors des deux dernières années ont provoqué une crise sans précédent. De nombreuses propositions ont été avancées lors des états généraux de la recherche qui se sont tenus à Grenoble les 28 et 29 octobre derniers.

La France doit mettre à profit cette prise de conscience pour effectuer les choix budgétaires et les réformes structurelles qui s'imposent.

A Grenoble, le Gouvernement a reconnu ses erreurs et affirmé qu'il fallait consacrer plus de crédits à la recherche publique et assurer une programmation de l'emploi scientifique, contrairement à l'orientation précédente du gouvernement Raffarin.

On ne peut invoquer la qualité de la recherche sans octroyer les moyens indispensables. On ne peut non plus asservir la recherche aux seuls besoins de la conjoncture économique, ni tolérer la confusion entre souplesse et précarité. Il reste urgent de réformer la gestion et le fonctionnement de la recherche.

Dans ce contexte, ce budget se veut l'écho, hélas trop lointain, des propositions des universitaires et des chercheurs.

Quand un « vrai faux milliard » promis aux chercheurs pour sortir de la crise se transforme en 350 millions directement consacrés aux laboratoires, des crédits équivalents sont attribués à une agence qui n'est pas encore créée. A ce propos, qu'est-il advenu des fondations qui devaient, l'année dernière, recevoir 200 millions? Elles n'existent toujours pas ! Quant au crédit d'impôt recherche, on ne peut par définition pas le comptabiliser. Il apparaît d'ailleurs plus comme un replâtrage après les dérapages de 2003 et 2004. La réalité du budget se résume à l'organisation du report sur l'année 2005 des engagements pris en 2004.

Vous comptez sur l'initiative privée pour assumer la recherche et l'innovation par le biais du crédit d'impôt. Lors du débat sur budget 2004, le ministre de l'Industrie de l'époque déclarait que l'avenir passait par le renforcement de l'encouragement à l'innovation et de la recherche industrielle, indispensables pour contrer la désindustrialisation. On peut partager l'objectif, pas le choix des moyens. Vous avez été l'un des premiers à prendre des mesures en faveur de l'innovation, mais vous n'avez pas eu le temps de le mettre en œuvre... Douloureux souvenirs de 1997 !

Le soutien aux jeunes entreprises innovantes est une excellente initiative. Mais aux Etat-Unis, le dispositif des « Small Business Innovation Research » octroie 100 000 euros pour l'émergence du projet et, lorsqu'il est validé, un million d'euros. Nous manquons en France de crédits de pré-amorçage. Pourquoi ne pas décider, comme le proposent certains chercheurs, de consacrer 5 % des crédits de l'assurance vie au capital risque à l'échelle nationale ?

L'objectif européen des 3 % de PIB ne pourra être atteint, François Hollande l'a dit à Grenoble, que si les crédits de la recherche augmentent de 50 % en cinq ans. Les Américains l'ont fait dans le domaine des sciences de la vie.

On ne peut dissocier la recherche de l'enseignement supérieur et de l'innovation. Rappelons qu'un étudiant coûte moins cher en France qu'un lycéen. Mettons des moyens dans l'enseignement supérieur : c'est le lieu de la formation des chercheurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Pour répondre aux évolutions scientifiques, il faut un programme pluriannuel pour l'emploi scientifique. Le rapport que j'avais remis au Premier ministre Lionel Jospin, avec Pierre Cohen, en 2000, indiquait que 2000 seulement des 10 000 thésards formés chaque année intègrent le secteur privé. C'est insuffisant. Comment un jeune pourrait-il s'engager dans une carrière scientifique dans les conditions actuelles de statut et de rémunération ?

Si les Etats-Unis dominent aujourd'hui le monde, c'est parce qu'ils contrôlent les technologies clés. Et lorsque l'Europe a accepté de faire un effort volontariste, elle a su rattraper, voire supplanter ses concurrents. Nous avons dans les domaines des technologies de l'information ou de la communication, ou des sciences de la vie, des retards considérables. La recherche française doit donc miser sur l'échelon européen. Il reste que le sixième programme cadre de recherche et de développement technologique ne consacre que 5 % des crédits de recherche affichés à la recherche des Etats membres. On ne peut atteindre les 3 % qu'à une condition : accepter d'augmenter la contribution française au budget de l'Union.

Le succès de la future loi sur l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation dépendra de la prise en compte des suggestions des chercheurs. J'espère qu'après deux ans d'errements - le mot est faible - le message aura été compris. Pour l'heure, ce budget de rattrapage reste insuffisant. Mais si vous continuez à progresser et renoncez aux mesures parcellaires, nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Garrigue - Je salue, comme l'ont fait mes collègues, l'effort que représente ce budget et l'engagement pris par le Gouvernement de consacrer 3 milliards d'euros supplémentaires à la recherche d'ici 2007, pour atteindre 3 % du PIB, conformément à l'objectif fixé à Lisbonne en juin 2000. Nous souhaitons bien entendu que ces crédits soient « sanctuarisés » et, surtout, que ne se reproduisent pas les gels et les annulations intervenus ces dernières années.

Pour autant, la politique de recherche n'est pas seulement affaire de moyens. Elle dépend aussi de l'efficacité du système lui-même. La Délégation à l'Union européenne de l'Assemblée nationale a pris part au récent débat, dont le point d'orgue aura été les états généraux de la recherche, en menant une étude comparée de notre système de recherche avec ceux de nos voisins, en particulier l'Allemagne et le Royaume-Uni. De cette étude ressortent plusieurs conclusions.

Tout d'abord, il nous faut rénover le pilotage de notre recherche. Si nous maîtrisons parfaitement la gestion des grands projets de recherche, aujourd'hui relayés au niveau européen, par exemple dans le domaine nucléaire, de l'espace et de l'aéronautique, nous n'avons pas assez développé l'appel à projets, contrairement à ce qu'ont fait nos partenaires européens. C'est pourtant indispensable dans des domaines comme les sciences du vivant, les nanotechnologies ou les technologies de l'information et de la communication, qui, relevant de plusieurs disciplines à la fois et exigeant une très forte réactivité dans la mesure où les connaissances évoluent très vite, ne peuvent efficacement faire l'objet d'un pilotage centralisé. Nous espérons que la future Agence nationale pour la recherche jouera tout son rôle dans ces appels à projet.

Il faut ensuite favoriser l'émergence d'équipes de recherche ayant des perspectives pluriannuelles et disposant d'une certaine souplesse dans la gestion de leurs moyens. L'évaluation de leurs résultats doit être systématique, transparente et suivie d'effets si nécessaire.

Il faut également ouvrir davantage l'université à la recherche. Nous souhaitons bien sûr à terme l'autonomie des universités, mais, pour l'heure, il faut au moins assouplir le statut des enseignants-chercheurs, lesquels doivent bénéficier d'une décharge suffisante de leurs tâches d'enseignement pour mener à bien leurs recherches, et ouvrir aux universités des possibilités d'expérimentation, notamment dans le cadre des futurs pôles de compétitivité.

Il faut enfin donner de meilleures perspectives à nos chercheurs. Si le taux de chercheurs fonctionnaires est très supérieur en France à ce qu'il est dans les autres pays, les jeunes chercheurs y sont moins bien traités. Un meilleur équilibre doit être trouvé. Les « post-doc » notamment doivent être mieux reconnus.

Je ne saurais conclure sans évoquer l'enjeu européen. Il convient de rapprocher tous les outils, en particulier d'évaluation, des différents pays, et le prochain programme-cadre devra s'attacher à en définir de plus clairs, plus réactifs et plus performants. Les prochains budgets européens devront, quant à eux, consacrer davantage à la recherche pour éviter que l'Europe ne décroche durablement dans la compétition internationale, en particulier avec les Etats-Unis et les pays émergents.

C'est dans cette perspective que je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Vannson - Le projet de budget de la recherche pour 2005 marque une avancée importante vers la réalisation de l'objectif fixé au Sommet européen de Lisbonne en juin 2000, à savoir transformer d'ici à 2010, l'économie européenne en « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». L'objectif est plus que jamais d'actualité, alors que se multiplient les délocalisations d'activités vers les pays à faible coût de main-d'œuvre. Des régulations sont certes possibles, mais la loi du marché et la globalisation poussent inexorablement vers cette évolution. Face aux avantages comparatifs indéniables des pays émergents, l'Europe doit aujourd'hui développer des emplois à forte valeur ajoutée. L'avenir de l'emploi en Europe et en France repose donc sur notre capacité à demeurer à la pointe de l`innovation technologique. En ce domaine, l'Etat a un rôle-clé à jouer.

Si la recherche en sciences sociales et humaines participe assurément au rayonnement culturel de notre pays et mérite à ce titre d'être soutenue, dans une économie de marché mondialisée, c'est la recherche appliquée qui permet de créer des emplois. Cela peut agacer les tenants d'une recherche « pure et désintéressée ». Mais nous n'avons plus le choix aujourd'hui que de chercher à constituer des pôles technologiques compétitifs.

Avoisinant 2 % du PIB, l'effort public de recherche est quasiment identique en France et aux Etats-Unis. Ce qui fait la différence entre les deux pays, c'est la recherche privée, quatre fois plus développée outre-Atlantique. Il faut donc saluer l'effort de 300 millions d'euros consenti par le Gouvernement pour la recherche privée en 2005, avec l'augmentation du crédit d'impôt, la modernisation des FCPI et la réforme des produits d'épargne tournés vers l'innovation.

Avec 700 millions d'euros prévus, l'effort en faveur de la recherche publique est lui aussi important. La création d'une Agence nationale pour la recherche est une excellente initiative qui donnera, nous l'espérons, cohésion et direction à la recherche publique, à laquelle on a souvent reproché de n'avoir pas de vision stratégique.

Il faut se féliciter également des mesures prises en faveur des personnels. Un effort est nécessaire pour que nos jeunes chercheurs ne cèdent pas aux sirènes américaines. Le remplacement de tous les départs, la création de 200 postes dans les EPST et la revalorisation des carrières sont autant de signaux forts adressés aux chercheurs et aux étudiants qui souhaitent s'orienter dans cette voie.

S'il est bien sûr positif que la France respecte ses engagements dans le domaine spatial, on peut regretter que la subvention de l'Etat aux programmes nationaux n'augmente que de 2 %. La France a toujours été le moteur de l'Europe spatiale. Au moment où les Etats-Unis et la Chine investissent des sommes colossales dans ce secteur, nous ne pouvons nous permettre de nous laisser distancer. La recherche spatiale est en effet non seulement un formidable vecteur d'innovation technologique, mais aussi un instrument de souveraineté et de puissance.

Avec un milliard d'euros supplémentaire, les moyens de la recherche augmentent substantiellement en 2005. Cet effort de la nation est un pari gagnant sur l'avenir. Je salue donc de budget, en attendant avec impatience le débat sur la future loi d'orientation et de programmation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 20.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche - Je remercie les rapporteurs pour leur excellent travail et tous ceux qui viennent de s'exprimer pour leurs analyses et suggestions.

La recherche est capitale pour notre pays, d'abord pour nous mais aussi pour les générations futures. Elle prépare l'avenir de notre pays et l'aide à relever le défi de la compétition internationale. Elle est essentielle pour nos emplois notre croissance, notre compétitivité. Si nous continuons d'augmenter de 10 %, comme nous le faisons cette année, les dépenses de recherche et développement, nous pouvons en escompter, selon les études de l'OCDE, une augmentation du PIB de 0,3 à 0,4 point à un horizon de dix ans.

La recherche est capitale également parce qu'elle se situe au centre des grands débats de société. Qu'il s'agisse du cancer, des OGM, des cellules souches, de l'énergie de demain, de la biodiversité ou des procédés de télécommunications, presque tous les domaines exigent de la recherche, plus de recherche, et une recherche pluridisciplinaire.

La recherche relève de l'intérêt stratégique de la nation et participe à son rayonnement international. Aujourd'hui, un grand pays est un pays qui a une politique de recherche forte et ambitieuse, que celle-ci se traduise par des innovations ou par des grands programmes tels que ceux que la France a su lancer dans les domaines du nucléaire, de l'aéronautique ou de l'espace.

Enfin, la recherche est capitale parce qu'elle est, avec la science, au cœur des interrogations et des aspirations de l'homme. Il nous faut réconcilier la société avec la notion de progrès, car je crois qu'une société qui n'y croit plus va vers son déclin. Le progrès des connaissances et la diffusion de celles-ci apparaissent comme un principe majeur d'évolution et d'organisation de nos sociétés démocratiques.

Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui ce budget qui tire les conséquences financières de notre ambition pour une recherche forte, ouverte sur l'extérieur et sur les grands domaines où travaillent nos concurrents. Le Gouvernement et le Premier ministre ont placé la recherche au premier rang de leurs priorités, et jamais depuis vingt ans l'effort public n'aura autant augmenté en une seule année (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) En 2005, un milliard d'euros de financement public supplémentaire sera consacré à la recherche, soit une hausse supérieure à 10 % par rapport à 2004. Compte tenu de la progression prévue de 2,5 % du PIB en volume, cela signifie que la dépense intérieure de recherche et développement - qui n'a cessé de régresser depuis dix ans, passant de 2,4 % du PIB en 1993 à 2,19 % en 2003 - progressera en part de PIB grâce à sa composante publique.

D'après MM. Cohen et Dutoit, ce budget compenserait à peine les gels et annulations de 2003 et 2004. C'est faux ! Tout d'abord, les crédits gelés en 2002, soit 235 millions d'euros, ont été intégralement reversés dans le budget 2004. Ensuite, si les crédits de paiement ont diminué en 2003 et 2004 de 273 millions d'euros, les retards de paiement n'ont été que de 162 millions, car 111 millions d'autorisations de programme avaient été supprimés. Au total donc, si rattrapage il y a, il ne porte que sur 162 millions, sur les 356 millions du BCRD. Comparez ce montant aux 700 millions de crédits nouveaux qui iront dans les laboratoires grâce à l'Agence et aux 350 millions supplémentaires du BCRD : c'est quatre fois plus d'augmentation que l'année dernière. On le voit, ce budget est loin de se limiter à compenser les gels et les réductions de 2003 et 2004.

Au demeurant l'annulation de crédits de la recherche n'est pas l'apanage des gouvernements de droite. Entre 1998 et 2001, les gouvernements socialistes ont annulés 265 millions de dépenses ordinaires et de crédits de paiement.

M. Alain Gouriou - C'étaient des francs !

M. le Ministre délégué - Ils ont ainsi créé des impasses financières que nous avons dû combler. A quoi s'ajoutaient quelques artifices habituels aux socialistes, qui ont pris en 2001 et 2002 la mauvaise habitude d'élargir subrepticement le périmètre du BCRD. Ainsi affichaient-ils en 2001 une hausse de 204 millions d'euros, mais cette somme incluait l'intégration au BCRD de l'IRSN, devenu IPSN... En réalité, donc, le budget 2001, présenté comme un grand budget socialiste, progressait trois fois moins que celui de cette année. Et en 2002 185 millions de hausse étaient affichés, mais pour 96 millions il s'agissait de l'intégration au BCRD de crédits de constructions universitaires, ce qui diminue de près de la moitié l'augmentation réelle !

Revenons à 2005. Ce budget en hausse d'un milliard met la France sur la bonne trajectoire, au moins pour ce qui est de l'effort public, pour réaliser l'objectif de 3 % fixé par les sommets de Lisbonne et de Barcelone. Il respecte également l'engagement du Gouvernement d'accroître de 3 milliards d'ici 2007 l'effort public en faveur de la recherche publique et privée.

Ce fort accroissement a été conçu pour répondre à trois priorités : stimuler la recherche publique, académique et finalisée ; développer le financement par projets de la recherche française avec l'Agence ; renforcer les mesures favorables au couple science et innovation - je sais bien qu'il faudrait parler, Madame Comparini, du trio science, innovation et formation, mais les crédits de cette dernière ne sont pas encore présentés par le ministre de la recherche... Le budget 2005 prévoit une amélioration sans précédent de la situation des personnels et des laboratoires grâce à la progression de plus de 4 % du BCRD qui atteindra 9,3 milliards d'euros. Accroissement exceptionnel, le plus fort depuis dix ans, quatre fois plus qu'en 2004 et 2,5 fois plus que l'augmentation moyenne annuelle des dix dernières années, y compris les cinq années socialistes. C'est une progression très supérieure à celle du PIB, estimée à 2,5 %. Et 97 % de cette hausse bénéficient aux personnels et aux laboratoires de nos établissements de recherche et de nos universités. J'avais constaté un fort décalage entre les besoins des laboratoires et leurs moyens : ce budget apporte des réponses. L'accroissement des moyens de paiement des EPST est de 32 % ; pour les EPIC il est de 22 %, et de 13 % pour la recherche universitaire. Cela permettra à ces établissements de couvrir tous leurs engagements passés, notamment ceux des contrats de plan Etat-régions ; de faire face à des investissements lourds - je pense en particulier au synchrotron Soleil ; et d'accroître nettement les moyens récurrents des laboratoires.

A cela s'ajouteront des simplifications administratives. Chacun déplore en effet la lourdeur des procédures qui pèse sur le fonctionnement des établissements publics de recherche comme des universités. MM. Lasbordes et Birraux ont plaidé pour des mesures concrètes. Je ne peux encore leur répondre sur la mise au point d'un logiciel de gestion comptable unique par laboratoire. Je peux en revanche leur dire que le contrôle financier a priori sera supprimé en 2005 dans trois EPST, avec l'objectif de faire de même dans tous les organismes en 2006. C'en sera fini d'un facteur d'alourdissement des procédures et de retard dans l'exécution des dépenses Ainsi, par exemple, les laboratoires n'auront plus besoin d'un visa du contrôleur financier pour recruter du personnel non permanent, ce qui accroîtra leur réactivité.

Autre orientation forte de ce budget : la croissance du potentiel scientifique de nos établissements de recherche et de nos universités. Ainsi tous les emplois statutaires dans les EPST sont maintenus, c'est-à-dire que tous les départs - en retraite ou autres - donneront lieu à des recrutements. Compte tenu du nombre prévisible des départs en retraite, ceci devrait assurer aux établissements la jouvence nécessaire, avec un taux de renouvellement d'environ 4 %. Cette décision envoie un signal fort à la jeunesse, car elle implique un accroissement à moyen terme des recrutements et donc des débouchés dans la recherche publique pour les étudiants.

Le budget comporte en outre des mesures significatives pour renforcer les moyens humains dans l'enseignement supérieur, car il ouvre mille emplois budgétaires. On y retrouve les 850 emplois - dont 700 professeurs et maîtres de conférence et 150 personnels IATOS - annoncés ce printemps, à quoi s'ajoutent 150 ATER : les mille postes annoncés en 2004 sont donc consolidés dans ce budget. En outre 150 maîtres de conférence supplémentaires seront recrutés au 1er septembre 2005. Pour accompagner ces recrutements, la recherche universitaire voit ses moyens de fonctionnement augmenter substantiellement de 23 millions d'euros.

Ce budget crée par ailleurs 200 postes d'accueil de haut niveau. Nous avons évoqué le problème de l'attractivité de notre système de recherche : il est essentiel pour nos établissements de pouvoir mettre de tels postes à la disposition de chercheurs qui souhaitent revenir en France, ou de chercheurs étrangers. C'est un peu ce que signifient déjà les quinze chaires d'excellence ouvertes il y a quinze jours : elles ont permis l'arrivée en France de chercheurs avec une forte rémunération et la possibilité de constituer des équipes. Le choix politique a été fait de garantir à ces postes d'accueil un très bon niveau de rémunération, soit 60 000 euros brut par an. Cela permettra aux établissements de renforcer leur attractivité vis-à-vis des meilleurs chercheurs étrangers et de proposer à des chercheurs français expatriés de revenir travailler en France au niveau de salaire d'un directeur de recherche.

Enfin, dans ce budget, nous avons voulu renforcer le soutien aux jeunes chercheurs à tous les stades de leurs parcours. Nous le faisons tout d'abord avant qu'ils entrent dans nos établissements. C'est à quoi tend l'augmentation de 7 % des moyens consacrés à la formation à et par la recherche, qui permettra d'accueillir en 2005 4 000 nouveaux allocataires de recherche. L'allocation de recherche a été revalorisée de 15 % en deux ans et s'élève aujourd'hui à 1.308 euros par mois, soit un niveau supérieur au SMIC. Je souhaite qu'elle puisse être à nouveau revalorisée ; mais surtout je proposerai dans la future loi qu'elle soit indexée sur l'inflation. Le budget créé par ailleurs quarante nouveaux contrats CIFRE, ce qui portera leur nombre à 1 200.

Nous poursuivons le programme « Initiative post docs », et nous amplifions la résorption des libéralités en y consacrant 2 millions supplémentaires. M. Schwartzenberg a critiqué ce système des libéralités ; que ne l'a-t-il supprimé lorsqu'il était ministre ! Une fois entrés dans nos établissements, nos jeunes chercheurs, dont le nombre de ceux bénéficiant de « package » passera de 100 à 200, disposent d'un volume de crédits sur plusieurs années leur permettant de mener leur projet à bien, y compris en recrutant des post-doctorants. L'idée émise par M. Schwartzenberg que nous subventionnerions la recherche à l'étranger n'est pas tout à fait juste. Se rendre à l'étranger après son doctorat est une démarche somme toute normale. En revanche, pour que nos jeunes chercheurs reviennent, les établissements doivent faire l'effort de s'ouvrir, y compris aux étrangers. Sur ce point, nous ne sommes d'ailleurs pas si en retard qu'on le croit souvent. Sur 60 000 doctorants se trouvent 17 000 étrangers, et sur 10 000 docteurs produits chaque année, 2 100 sont étrangers. Enfin, notre système de recherche compte 12 % d'étrangers. Sans doute notre pays doit-il faire mieux pour intéresser davantage les chercheurs, mais notre dispositif ne laisse pas néanmoins d'être attractif.

Le budget de 2005 a pour seconde priorité d'augmenter très fortement le financement de la recherche par projets. M. Garrigue s'est livré, sur ce sujet, à un excellent travail de comparaison. La démarche par projets nous conduit à créer l'Agence nationale pour la recherche, qui fonctionnera sous la forme d'un groupement d'intérêt public d'ores et déjà inscrit dans le projet de loi de finances. Au total, le financement sur projets de la recherche disposera d'environ 600 millions l'an prochain.

La politique de recherche est actuellement pilotée, comme on dit, par le ministère, mais notre intention, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation, est de faire évoluer les établissements eux-mêmes, en identifiant au sein de certains d'entre eux le rôle d'agence de moyens. L'idée n'est pas, Monsieur Blanc, de segmenter l'action de recherche, mais au contraire de développer une approche globale, par exemple en traitant ensemble la recherche et l'enseignement supérieur. Sur ce point, je n'engagerai pas la discussion de savoir si les chercheurs et les enseignants-chercheurs doivent être regroupés dans un statut unique. La coexistence dans un même établissement d'une fonction d'agence de moyens et d'une fonction d'opérateur de recherche doit permettre de développer une stratégie d'établissement. Dans ce cadre, l'Agence aura pour mission de financer, après sélection, les meilleurs projets de recherche dans les thématiques prioritaires. Trois thématiques feront en 2005 l'objet d'un effort particulier: les sciences de la vie, les sciences et technologies de l'information et de la communication, l'énergie et le développement durable. L'Agence pourra financer elle-même des projets de recherche, mais aussi déléguer l'exécution de programme de recherche à certains de nos établissements dans leur fonction d'agence de moyens. Dans les deux cas, les projets seront sélectionnés sur des critères d'excellence scientifique et technique, et des modalités claires et éprouvées. L'Agence, qui sera opérationnelle dès le 1er janvier prochain, sera une structure légère, bien ancrée sur nos organismes de recherche et nos universités.

Renforcer les mesures en faveur du couple recherche et innovation, telle est la troisième priorité de notre budget. L'effort fiscal en faveur de l'innovation sera ainsi accru de 300 millions. J'ai entendu dire qu'il ne serait pas du rôle de l'Etat de tout faire pour aider les entreprises à développer la recherche. En vérité, opposer recherche publique et recherche privée n'a pas de sens. Nous devons nous efforcer de tirer bénéfice de tous les investissements de recherche, quels qu'ils soient. Une comparaison internationale fait apparaître que la France compte une proportion très importante de financements provenant des administrations publiques, près de 40 % de la DIRD contre 32 % pour l'Allemagne, dont au contraire les entreprises ont dépensé en 2001 plus de 33 milliards en R et D, soit la totalité de la dépense française et le double de celle de nos entreprises. Pour satisfaire à l'objectif de Lisbonne, les entreprises françaises devraient doubler leurs dépenses de R et D. Il n'est pas concevable de le leur enjoindre. Mieux vaut leur inspirer un volontarisme les conduisant à placer la recherche et l'innovation au cœur de leur stratégie, et à y regarder à deux fois avant d'installer des centres de recherche dans des pays émergents et de privilégier le court terme. La recherche menée dans les entreprises profite à l'ensemble de la société autant qu'à elles-mêmes. La société a donc tout à gagner à ce que l'Etat finance une partie de l'effort de R et D du secteur privé, dès lors que l'entreprise n'y trouve pas un intérêt économique suffisant. Voilà ce que signifie le propos de Jean-Louis Beffa dans Le Monde de la semaine dernière, selon lequel la connaissance est un bien public, même partiel ou imparfait.

Dans cette perspective, le crédit impôt recherche progresse de 235 millions. Je souhaite continuer d'améliorer son efficacité afin de dynamiser l'effort de recherche des entreprises. Sans ce dispositif que possèdent nos voisins européens à l'exception de l'Allemagne, nous cesserions d'être compétitifs. La hausse de 235 millions s'explique aussi par l'élargissement du champ du crédit impôt recherche, tel que nous le proposerons dans le projet de loi d'orientation, ainsi que par la prise en compte dans son calcul des dépenses pour la recherche que les entreprises font exécuter dans des laboratoires publics, ce qui contribue en outre à stimuler la recherche publique. Nous travaillons en coopération avec Bercy à obtenir que l'effet de levier induit par le CIR soit plus important. Le renforcement des coopérations entre recherche publique et recherche privée contribuera à la croissance générale.

Dans ce cadre, le programme des fondations de recherche montrent bien tout ce que peut apporter une vision partenariale, même si leur mise en œuvre n'est pas aussi aisée que nous l'avions imaginé. M. Périssol m'a demandé le bilan de l'action entreprise. A ce jour, les statuts de onze fondations de recherche ont été déposés Elles drainent 46 millions versés par les entreprises et, comme c'est la règle, 46 millions versés par l'Etat. Cependant, le reliquat du CAS ne sera pas de 104 millions, car 40 millions en ont été distraits pour être consacrés à l'opération « véhicules propres ».

Grâce à ces partenariats public-privé, des projets touchant à tous les secteurs ont pu être définis, les financements fédérant l'ensemble d'une filière économique et notamment les grandes surfaces.

Nous contribuons d'autre part, à hauteur de 35 millions, à la mise en place des pôles de compétitivité. Les entreprises qui participent à un projet de recherche dans ce cadre bénéficieront en effet d'incitations fiscales diverses.

Le Gouvernement prend également des mesures ciblées de soutien à l'innovation avec la création d'un nouveau contrat d'épargne assurance-vie orienté vers l'innovation. Je me félicite de l'engagement pris par les assureurs d'accroître de 6 milliards leur contribution au financement de l'innovation. Par ailleurs, le budget 2005 améliore le régime des FCPI. Quant au dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes, entré en vigueur le 1er janvier 2004, il se révèle déjà intéressant puisqu'il a permis que 500 entreprises bénéficient de 13 millions d'exonérations de charges sociales au premier semestre 2004, au bénéfice de 5 500 chercheurs. Enfin, la future loi d'orientation comportera des dispositions relatives à la commande publique destinées à améliorer l'innovation, en s'inspirant du mécanisme en vigueur aux Etats-Unis.

Au-delà du milliard supplémentaire mobilisé en faveur de la recherche, le budget qui vous est soumis est un gage donné à la communauté scientifique, puisque, grâce à lui, la nécessaire évolution de notre système de recherche et d'innovation se fera dans le cadre de moyens accrus. Certes, ce budget n'est qu'une étape. La prochaine sera la loi d'orientation et de programmation pour la recherche, qui sera soumise au Parlement au second trimestre 2005. Tous les orateurs se sont interrogés sur les orientations de ce texte, qui définira l'avenir de la recherche et des sciences françaises. A ce jour, rien n'est arrêté, mais les fondements de la réflexion existent. Le travail parlementaire contribuera à donner chair au futur projet qui sera, les chercheurs l'ont bien compris, l'occasion de dynamiser et de moderniser notre système de recherche et d'innovation. Ainsi parviendrons-nous, ensemble, à un nouveau pacte entre les chercheurs et la nation, qui nous permettra de renouer avec l'histoire commune du développement de la science en France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Michel Charzat - L'Europe investit dans la recherche 40 % de moins que ne le font les Etats-Unis. Le Conseil européen a fixé à 3 % du PIB de l'Union les sommes qui devraient être allouées à la recherche d'ici 2010, deux tiers de ce montant devant être financé par le secteur privé. Or, si la France, qui consacre 2,2 % de son PIB à la recherche, se situe à ce sujet dans la moyenne des pays membres de l'OCDE, le secteur privé est, lui, très en retrait, au point que les entreprises françaises sont les dernières de l'Union européenne, leur effort de recherche et développement dépassant à peine 1,2 % du PIB national et rien, dans le projet de budget qui nous est soumis, ne permettra d'améliorer cette situation. Le milliard supplémentaire dont il est fait état n'est qu'un trompe-l'œil. Les chercheurs ne sont d'ailleurs pas dupes : ils savent bien que ces crédits supplémentaires comblent à peine le déficit cumulé. De plus, on peut légitimement craindre que les allégements de charges consentis aux entreprises privées ne se fassent au détriment de la recherche publique, alors que la misère des universités est alarmante. L'université ne devrait-elle pas être au cœur de la recherche en France ?

L'accent est mis sur différents dispositifs tels que celui des jeunes entreprises innovantes, le crédit d'impôt-recherche ou le développement de fondations spécialisées, sans que les moyens du développement de partenariats public-privé soient approfondis. Ainsi, rien n'est dit de ce que sera le statut des chercheurs, ni des passerelles entre secteurs, ni des modalités de recrutement. Le risque est patent que l'effort se fasse essentiellement au bénéfice du secteur privé, ce qui porte en germe la paupérisation de la recherche fondamentale. Cette approche libérale n'est-elle pas en rupture avec le modèle français, au risque de nouvelles crispations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - J'ai peine à vous comprendre. Vous commencez par déplorer l'insuffisance de l'investissement des entreprises en faveur de la recherche pour vous inquiéter ensuite que l'effort consenti à cette fin ne se fasse au détriment de la recherche publique. Partout, la recherche est appuyée sur les deux piliers que sont le secteur public et le secteur privé. La répartition de l'effort - un tiers, deux tiers - est assez communément admise, mais doit-elle pour autant être normative ? Quant à exprimer l'investissement pour la recherche en proportion du PIB, ce n'est pas forcément la meilleure solution. Ainsi, la Finlande consacre 3,5 % de son PIB à la recherche ; seulement, un tiers des financements provient de Nokia, si bien que l'on peut s'interroger sur ce qu'il adviendra au cas où l'entreprise déciderait de délocaliser sa recherche en Chine... L'important, c'est de disposer de fonds suffisants ; l'inquiétant, c'est que certains grands groupes français n'aient pas placé la recherche et l'innovation au cœur de leur stratégie. Ce constat vaut particulièrement pour les télécommunications. Heureusement, France Télécom se reprend, mais de 1998 à 2002, ses investissements n'ont pas été suffisants, tant s'en faut.

M. Pierre Cohen - Cela vient de l'erreur qu'a été la privatisation ! Et vous recommencez avec EDF !

M. le Ministre délégié - Pas du tout ! Il est inscrit dans la loi qu'EDF devra maintenir son effort de recherche et développement tant pour l'énergie électrique que pour les énergies renouvelables.

Les mesures que nous prenons visent à développer l'esprit de recherche dans les entreprises et à créer des entreprises de recherche. Ce n'est pas l'application d'un modèle libéral, ce serait plutôt du néo-colbertisme... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Il n'y a pas de modèle libéral dans ce domaine, d'ailleurs. Aucun pays n'est plus interventionniste que les Etats-Unis en matière de recherche et d'innovation.

Nous menons une politique d'ensemble pour développer la recherche et nous souhaitons une plus grande mobilité entre le secteur public et le secteur privé. C'est l'objet des pôles de compétitivité, auxquels M. Christian Blanc a consacré un rapport remarquable. Il s'agit de rechercher l'osmose entre des centres de recherche et des entreprises de haute technologie.

Il reste à développer la prise de risque dans le secteur financier. Après des années de socialisme, le goût du risque s'est émoussé... Nous devons retrouver l'esprit d'innovation.

Notre volonté est d'aider à la fois la recherche publique et la recherche privée, y compris la partie de la recherche privée qui peut se faire dans les laboratoires publics.

M. Daniel Garrigue - Il n'y a plus un chercheur qui raisonne comme M. Charzat ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Gouriou - La recherche dans le domaine des télécommunications est essentiellement assurée par France Télécom, qui n'est plus une entreprise publique. Il faut reconnaître l'importance de l'effort réalisé depuis deux ans. Les autres opérateurs contribuent dans une moindre mesure aux travaux de recherche. Dans un groupe comme Alcatel, seulement 27 % du poste recherche et développement sont réalisés en France, contre 20 % dans les pays à bas coût de main-d'œuvre. Du point de vue de la R et D, on ne peut plus dire qu'Alcatel soit un groupe français.

Depuis la disparition du Centre national des études des télécommunications, la recherche publique est de plus en plus dispersée. Le Réseau national de recherche en télécommunications, créé en 1998, joue un rôle intéressant de soutien aux projets innovants : il en a retenu et aidé 220 de 1998 à 2003. Pouvez-vous nous préciser les moyens et les orientations du RNRT, qui ne sont guère lisibles dans votre budget ?

Par ailleurs, dans un contexte de crise prolongée, le CIADT du 18 décembre 2003 a reconnu que la Bretagne constituait un pôle de compétitivité dans le domaine des télécommunications, l'invitant même à anticiper les systèmes du futur. Le CIADT proposait la création d'un centre commun de recherche, mutualisant les moyens humains et financiers, ainsi que celle d'un laboratoire régional des sciences de l'ingénierie au service du handicap et celle d'un laboratoire de recherche fondamentale sur les transports intelligents.

Les acteurs économiques des bassins de Rennes, de Brest, de Lannion et de Laval attendent la traduction concrète de ces annonces, confirmées par la préfecture de région en juillet 2004. De quels moyens le centre commun de recherche disposera-t-il ? Quels seront les rapports entre le RNRT et le centre commun ?

M. le Ministre délégué - Le RNRT s'est heurté à des problèmes financiers, mais il va reprendre son activité en 2005. L'agence va reprendre les réseaux qui disposeront de moyens accrus.

La Bretagne a un passé très riche dans le domaine des télécommunications et il aurait été dommage de ne pas penser à elle pour la création d'un centre commun, au sein d'un pôle de compétitivité qui pourra se construire sur plusieurs villes. Le Gouvernement est en train d'élaborer le cahier des charges et les appels à projets auront lieu au début de l'année 2005. Les premiers pôles seront définis au premier semestre.

Les sciences et technologies de l'information sont une priorité. Je suis le premier à déplorer que les grandes entreprises n'investissent pas suffisamment et que certaines, comme Alcatel, délocalisent leur recherche.

Nous devons inciter fortement ces entreprises à investir dans la recherche. Les opérateurs de téléphonie mobile sont soumis à un régulateur qui peut leur imposer des obligations. Les nouveaux opérateurs, en particulier, achètent les technologies sur étagère, à l'étranger. L'arrivée de l'UMTS devrait inciter nos entreprises à faire de la recherche, sinon d'autres pays vont prendre des positions dominantes dans ce secteur.

Mme Jacqueline Fraysse - Les états généraux de la recherche viennent de s'achever. Or votre budget ne traduit pas vos déclarations ambitieuses. Je n'y trouve pas trace de ce « nouveau pacte entre la recherche et la nation » que vous aviez annoncé. Non seulement vous ne vous donnez pas les moyens d'atteindre l'objectif européen des 3 %, mais aucune ligne n'est prévue pour mettre fin à la précarisation des trajectoires professionnelles. Pourtant, le travail précaire est devenu la norme dans les laboratoires privés et il tend à se généraliser dans les organismes publics. Sur 10 000 docteurs formés, seulement 3 000 entrent dans un établissement public de recherche.

Vous annoncez la création de 2 400 postes d'enseignants et de chercheurs, mais la réalité est différente. Votre budget ne crée que 150 emplois nouveaux. Les 2 250 autres ne sont que des reports : 1 000 emplois promis au lendemain du mouvement des chercheurs, dont 237 ne sont d'ailleurs pas pourvus ; 550 résultant du reclassement des emplois déclassés en 2003 par votre prédécesseur ; et 750 financés non par le budget de l'Etat, mais par les établissements publics à caractère scientifique et technique.

Si vous ne créez aucun poste statutaire de chercheur pour les établissements publics à caractère scientifique et technique, vous leur offrez les moyens de financer 200 CDD supplémentaires : bel effort en faveur de la précarisation ! Non seulement vous ne vous attachez pas à faire reculer la précarité des chercheurs, mais vous l'encouragez, tout particulièrement dans le secteur public. Les intéressés apprécieront. Est-ce ainsi que vous envisagez de répondre à la demande des chercheurs « d'un plan pluriannuel de l'emploi scientifique dès le budget pour 2005 » et à leur exigence « d'une forte augmentation des moyens de la recherche » ?

M. le Ministre délégué - Les deux tiers du milliard sont consacrés à la recherche publique : ne me dites pas que ses moyens n'augmentent pas !

En ce qui concerne la précarité, vous n'êtes pas loin du contresens. Nous prévoyons de créer 200 postes d'accueil. Les établissements de recherche et les universités accueillent en effet pour deux ou trois ans des chercheurs ou des enseignants chercheurs, parfois étrangers, jeunes ou moins jeunes. Le « tarif » proposé pour ces postes est de 60 000 euros par an. Je ne pense pas qu'on puisse parler de précarité...Les établissements, les organisations syndicales elles-mêmes savent que nous avons besoin de postes d'accueil et en demandent. De grâce, ne cédez pas à la démagogie !

Il n'y a pas d'augmentation de l'emploi statutaire, c'est vrai. Mais nous nous sommes engagés à remplacer tous les départs - départs à la retraite ou autres. Encore faut-il le pouvoir. La moyenne d'âge de nos chercheurs est en effet supérieure à ce qu'elle peut être dans d'autres pays. Se pose donc le problème de la « jouvence » de nos organismes de recherche. En maintenant l'emploi statutaire - sans pourvoir cette fois les postes par des emplois contractuels - nous aurons un taux de renouvellement de 4% dans les laboratoires.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Education nationale, enseignement supérieur et recherche : recherche ».

Les crédits inscrits à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'état B, titre IV, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'état C, titre V, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'état C, titre VI, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche concernant la recherche.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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