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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 22ème jour de séance, 51ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 10 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉINTÉGRATION DES SALARIÉS DE WOLBER 2

ACTION DU GOUVERNEMENT POUR LA CORSE 3

AFFECTATION DU PRODUIT
DE LA JOURNÉE NATIONALE DE SOLIDARITÉ 4

RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES 4

POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'IMMIGRATION 5

PLAN PÉRINATALITÉ 6

RÉFORME DES PENSIONS DE RÉVERSION 6

PRÉVENTION DES INONDATIONS 7

OUVERTURE DU CAPITAL D'AREVA 8

SANTÉ PUBLIQUE 8

HÉBERGEMENTS D'URGENCE 9

QUALITÉ DES VIANDES DE VOLAILLE IMPORTÉES 10

HOMMAGE AUX SOLDATS TUÉS
EN CÔTE D'IVOIRE 10

LOI DE FINANCES POUR 2005
-deuxième partie- (suite) 11

SANTÉ, FAMILLE, PERSONNES ÂGÉES
ET PERSONNES HANDICAPÉES 11

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement

RÉINTÉGRATION DES SALARIÉS DE WOLBER

M. Jacques Desallangre - Vendredi, le conseil des prud'hommes de Soissons a qualifié d'illicite la procédure de licenciement économique collectif qui avait jeté à la rue, en juillet 1999, 451 salariés de l'usine Wolber, filiale de Michelin, en raison d'irrégularités dans la consultation du comité d'entreprise. En 2002, déjà, le juge avait condamné le plan de restructuration, inspiré par le seul désir d'améliorer la compétitivité, et jugé que le licenciement économique était sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur le Premier ministre, ces jugements doivent vous amener à revenir sur certains articles relevant de M. Larcher dans le projet de loi dit de cohésion sociale, qui ferait revenir quinze ans en arrière les droits des salariés. Ainsi, les employeurs pourraient contourner les obligations liées au plan de sauvegarde de l'emploi pour échapper aux recours en annulation de l'ensemble de la procédure de licenciement. Les dispositions de la loi de modernisation sociale de janvier 2002 déjà suspendues par la loi Fillon - droit d'opposition, recours à un médiateur, étude d'impact social et territorial, négociation d'un accord sur la réduction de la durée du travail - seraient définitivement abrogées.

Bref, toutes les mesures que M. Larcher propose n'ont d'autre but que d'éviter les recours en justice contre la procédure et le plan de sauvegarde de l'emploi. S'il persévère, il n'y aura plus de condamnation de plan social illicite et de licenciement économique abusif. Au nom de notre groupe, j'ai déposé une proposition de loi contre les licenciements boursiers, et M. Gremetz une proposition pour lutter contre les délocalisations. Las ! Vous n'entendez que la voix du Medef ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Entendez plutôt celle de ces salariés qui n'ont plus de travail depuis 1999, et plus d'usine, car M. Michelin l'a fait raser en hâte après avoir transféré la production en Inde. Pourtant ses profits ont augmenté de 20 % et son propre salaire de 144 % en 2003 !

Allez-vous user de votre influence pour que la recommandation du conseil des prud'hommes de Soissons soit effective et que des négociations soient menées immédiatement sur la réintégration du personnel injustement licencié ? Si vous nous répondez oui, nous pourrons espérer que M. Larcher ne défendra pas devant l'Assemblée des dispositions qui mènent à une régression sociale sans précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le conseil des prud'hommes de Soissons a décidé la réintégration de 115 salariés de l'entreprise Wolber licenciées en 2000. Il n'appartient pas au gouvernement de commenter une décision de justice prud'omale, a fortiori lorsqu'elle n'est pas définitive et qu'on n'en connaît pas encore la totalité des motifs.

J'observe cependant que cette décision contredit partiellement l'arrêt rendu le 7 octobre 2003 par la cour d'appel d'Amiens dans la même affaire. Dans les deux cas, les juges ont considéré que la procédure de licenciement était irrégulière et l'ont annulée. Mais le conseil des prud'hommes a ordonné la réintégration des salariés au niveau du groupe, tandis que la cour d'appel, suivant en cela la jurisprudence de la cour de cassation, a constaté que la fermeture de l'entreprise rendait impossible cette réintégration, et a conclu au versement d'une indemnité.

Le feuilleton judiciaire n'est sans doute pas achevé. Il met en évidence les effets pervers de la judiciarisation excessive des affaires de restructuration dans notre pays (Vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste) Ces salariés ont vécu, avec l'angoisse qu'on peut imaginer, la fermeture de leur entreprise. Après des années de contentieux, on leur reconnaît le droit de réintégrer un établissement disparu.

M. Maxime Gremetz - Non, pas l'établissement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - C'est une perspective pour le moins évanescente.

Heureusement, la très grande majorité d'entre eux ont retrouvé un emploi depuis longtemps. Sur les 450 personnes concernées en 1999, 18 à ce jour n'ont pas trouvé de solution (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Desallangre - Ce n'est pas vrai !

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - La décision de réintégration, des années plus tard, dans ce qui est désormais une usine fantôme, n'est pas la réponse appropriée aux mutations économiques (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Aux procédures et au conflit, il faut préférer l'action en amont et l'anticipation par la négociation. C'est l'article 37 du plan de cohésion sociale dont nous aurons l'occasion de discuter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

ACTION DU GOUVERNEMENT POUR LA CORSE

M. Camille de Rocca Serra - Depuis 2002, le Gouvernement a engagé de nombreux chantiers pour le développement de la Corse. Vendredi dernier, Monsieur le ministre, vous êtes venu à nouveau sur l'île, marquant ainsi votre attachement à mobiliser les énergies pour assurer à la Corse un avenir prometteur. Qu'il s'agisse de culture, d'agriculture ou d'artisanat, la Corse a besoin pour compenser les handicaps liés à l'insularité et à ses spécificités, d'un véritable partenariat avec l'Etat. Ainsi, l'action déjà engagée en faveur de l'université de Corte doit être poursuivie.

Lors de votre visite, vous avez confirmé les engagements du gouvernement et insisté sur les dossiers du développement et de l'emploi. Vous avez annoncé que l'Etat tiendrait ses promesses pour l'exécution du plan exceptionnel d'investissement et le financement du contrat de plan, afin de combler le retard de nos infrastructures.

Pouvez-vous nous éclairer sur les principes qui guident la politique économique et sociale du Gouvernement en Corse et sur les actions concrètes qui seront engagées pour développer notre île ? (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je réponds volontiers à votre question. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Trois principes clairs guident l'action de la République pour la région Corse. En premier lieu, c'est le respect de l'Etat de droit. J'approuve donc sans réserve l'action menée avec fermeté et responsabilité par Dominique de Villepin (« Et Sarkozy ? » sur les bancs du groupe socialiste) pour que tous les Corses aient le droit à la sécurité dans notre République (quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) En second lieu, nous avions proposé aux Corses une évolution institutionnelle et ils ont répondu...

Plusieurs députés socialistes - Non !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - ...à la question. Par conséquent, le respect de la démocratie commande d'en rester à la stabilité des institutions et il n'est pas prévu de réforme institutionnelle.

Troisième principe : assurer le développement économique et social. Nous avons augmenté les dotations de façon que la signature de l'Etat, notamment sur les contrats de plan, soit respectée, pour la région de Corse comme pour les autres. Elle le sera pour les dossiers d'infrastructures, pour le dossier agricole comme pour celui de l'université de Corte.

Je voudrais saluer le sens des responsabilités de la collectivité territoriale corse. Et j'associe dans, cet hommage, M. Zuccarelli, qui a su faire preuve de courage et de dignité alors qu'il était victime d'attentats, montrant par là que l'avenir de la Corse mérite l'attention de la République mais mérite aussi que l'Etat veille à ce qu'en Corse, on respecte les principes républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AFFECTATION DU PRODUIT DE LA JOURNÉE NATIONALE DE SOLIDARITÉ

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Vous avez institué pour les seuls salariés, Monsieur le ministre de la santé, une journée de travail supplémentaire non payée et vous rencontrez maintenant de grandes difficultés pour fixer la date correspondante. Par ailleurs, l'ensemble des acteurs concernés sont dans la plus grande incertitude concernant le fonctionnement de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, créée pour répartir ces nouveaux prélèvements.

Alors que le prélèvement fondé sur la journée de travail supplémentaire sera intégralement perçu, les aides destinées à nos aînés n'augmentent, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que de 200 millions d'euros. Vous vous étiez pourtant engagé sur trois fois plus. Vous faites ainsi des économies pour vous constituer une cagnotte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En fait, chaque lundi de Pentecôte, les salariés ne travailleront pour la solidarité qu'une partie de la journée. Pour l'essentiel, leur travail servira à combler le déficit de l'assurance maladie, que vous n'avez cessé de creuser depuis 2002 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Allez-vous donc, oui ou non, affecter à l'amélioration de la vie des personnes âgées et des personnes handicapées l'ensemble de l'argent des Français prélevé à cette fin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - La loi du 30 juin dernier a créé la CNSA. Comme vous le savez, nous avons prévu une contribution des entreprises et des administrations de 0,3 %, à laquelle s'ajoute une contribution du même taux sur les revenus du patrimoine. C'est l'ensemble de ces contributions, soit un total de 2,1 milliards qui sera affecté aux personnes handicapées et aux personnes âgées, à hauteur de 850 millions pour les premières et autant pour les secondes, tandis que 400 millions d'euros serviront à financer l'APA - dispositif qui n'avait pas été financé, permettez-moi de vous le rappeler. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Cette caisse sera opérationnelle dès la fin de 2004. La volonté du Gouvernement est claire : pas un euro ne devra manquer au financement de la dépendance. En assurant ainsi l'accompagnement de la dépendance, nous montrons que notre pays est conscient des enjeux de sa démographie. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont voulu, nous le faisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

M. Michel Hunault - La semaine prochaine se déroulera le congrès de l'Association des maires de France. Dans cette perspective, ma question portera sur la fiscalité locale. Le Gouvernement a annoncé la suppression de la taxe professionnelle, le chef de l'Etat celle de la taxe sur le foncier non bâti - deux ressources importantes pour les collectivités locales. Les élus sont donc un peu inquiets (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste). Sachant, Monsieur le Premier ministre, que vous avez pris des engagements clairs, lors de la loi de décentralisation, sur l'autonomie des collectivités locales, j'aimerais que vous nous précisiez quelles sont les ressources auxquelles pourront prétendre ces dernières après la suppression de ces deux taxes. Nous arrivons à un moment où les élus doivent préparer les budgets pour 2005 et où les incertitudes doivent donc être levées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. François Sauvadet - Excellente question !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Vous avez raison d'évoquer l'inquiétude légitime des élus locaux, qui ont été, il faut bien le dire, échaudés dans les années 90 par les compétences non financées qui leur tombaient du ciel (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Cela étant, la réflexion à laquelle nous invite le Président de la République pour moderniser la fiscalité locale est indispensable. On sait en effet que la taxe professionnelle pénalise l'emploi et l'investissement et que la taxe sur le foncier non bâti constitue plutôt un handicap pour la défense de la ruralité.

Mais je veux vous rassurer quant au respect de certains principes. Comme je l'ai maintes fois répété, le transfert se fera à l'euro près. Par ailleurs, nous avons maintenant une loi organique pour garantir le respect de l'autonomie financière des collectivités locales, cette loi organique dont nous aurions eu tant besoin à l'époque où la gauche décentralisait un peu vite sans regarder si les financements suivaient ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous veillerons à ce que les réformes aient lieu dans la plus grande concertation. Ce sera le cas pour la taxe professionnelle avec la commission de Fouquet, pour le foncier non bâti avec la commission Arthuis. M. Bussereau et moi-même travaillerons étroitement sur ces sujets avec les élus de toutes sensibilités politiques, l'objectif étant de retrouver des relations de confiance. Premier témoignage de notre considération envers les collectivités locales : des dotations en hausse de 3 ,3 %. Voilà qui s'appelle tenir parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'IMMIGRATION

M. Jean-Claude Guibal - Les flux migratoires sont l'une des tendances lourdes de notre époque et constituent l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens. En 1999, à Tampere en Finlande, les dirigeants de l'Union européenne avaient lancé la construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Vendredi dernier à Bruxelles, ils ont adopté un nouveau plan de cinq ans destiné à renforcer, d'une part, les politiques communes d'asile et de lutte contre l'immigration clandestine, et d'autre part la collaboration policière et judiciaire entre les Etats membres.

Concernant le droit d'asile, l'objectif est de doter les vingt-cinq pays de l'Union européenne d'une procédure commune d'ici 2010. Il s'agit d'éviter que des pays plus accueillants que d'autres ne servent de voie d'accès à l'ensemble de l'Union. Pour ce qui est de l'immigration illégale, l'accent est mis sur une coopération accrue avec les pays d'origine et de transit.

Il s'agit en particulier d'empêcher les clandestins de traverser la Méditerranée, et pour cela d'aider les pays du Maghreb à contrôler leurs frontières. Il s'agit également de les aider à se développer et à créer des emplois pour fixer leur population. Pouvez-vous nous préciser comment cette politique européenne va se mettre en œuvre, et comment elle s'articulera avec la politique française en la matière ? Pouvez-vous aussi nous dire si dans le domaine de l'immigration vous estimez que des coopérations devraient être rendues plus faciles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Vous avez évoqué ce grand enjeu qu'est le droit d'asile, et la France veut être à la hauteur de sa mission. Cela implique un devoir d'humanité, mais aussi, compte tenu de demandeurs économiques qui veulent contourner ce droit d'asile, une exigence de fermeté. C'est pourquoi nous avons voulu réduire les délais d'instruction des dossiers : nous en sommes à trois mois seulement pour l'OFPRA, à dix-huit mois encore pour la commission de recours. Mais le Premier Ministre a débloqué 150 emplois supplémentaires, et nous espérons ramener rapidement ce temps d'instruction à six mois pour l'ensemble de la procédure.

Il faut aller plus loin au niveau européen, en définissant des critères communs : c'est tout l'intérêt d'une liste de pays sûrs qui permettra une instruction plus rapide ; c'est aussi celui de moyens de contrôle communs, et notamment de la prise d'empreintes digitales pour tous les demandeurs d'asile, afin d'éviter les demandes multiples.

Il faut aller encore plus loin, et vous avez évoqué ce grand projet d'une politique d'immigration européenne. La France a pris des positions de principe et fait des propositions : nous refusons une politique d'immigration qui se réduirait à des centres de transit dans les pays d'accueil du Maghreb, car ils constitueraient d'inacceptables abcès de fixation. Il faut une grande politique d'immigration, liée à une grande politique de coopération, comportant des efforts de co-développement, un appui aux projets personnalisés, et la possibilité de fixer dans les pays sources ceux qui veulent venir chez nous. Nous avançons dans cette voie ; dans le cadre du G5 nous faisons des propositions et expérimentons un certain nombre d'idées, qu'il faudra ensuite généraliser. Déjà le dernier Conseil européen a marqué une étape ; après Tampere, La Haye 2 marquera notre volonté de relever le défi d'une immigration maîtrisée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

PLAN PÉRINATALITÉ

M. Jean-Michel Dubernard - Enfin, Monsieur le ministre de la santé, voici ce plan périnatalité tant attendu, qui améliorera la qualité des soins pour l'enfant comme pour la mère - dix ans après le plan gouvernemental que vous aviez lancé, six ans après les décrets de 1998 et, s'il m'est permis de le citer, six mois après le rapport de l'Office parlementaire sur l'évaluation des politiques de santé. Enfin ! Car chaque année, en France, soixante-dix femmes meurent encore en couches, cinq mille enfants meurent dans la période qui entoure la naissance, et quinze mille naissent avec un handicap qui marquera leur vie... La France vient au huitième rang en Europe pour la mortalité périnatale et au onzième pour la mortalité maternelle. Voici enfin un plan concret, et financé, que vous avez présenté ce matin à l'hôpital Tenon avec Mme Montchamp. Pouvez-vous nous en donner les grands axes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Vous l'avez dit, la France vient au huitième rang de l'Union européenne pour la mortalité périnatale et au onzième pour la mortalité maternelle : ce sont de mauvais chiffres. Il faut réagir, c'est-à-dire améliorer la sécurisation médicale des maternités, notamment pour ce qui est des accouchements à risques. Nous devons donc d'une part obliger toutes les maternités à se mettre aux normes fixées par le ministère de la santé, pour le nombre de médecins, d'anesthésistes, de chirurgiens, mais aussi de sages-femmes et d'infirmières ; et d'autre part orienter toutes les grossesses à risques vers des centres spécialisés. Le plan doit donc concerner à la fois les futures mamans et les enfants. Pour les premières, il faut d'abord faire en sorte que les obstétriciens soient des chirurgiens, pour être prêts à opérer dès qu'il y a hémorragie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Quant aux nouveaux-nés, il importe de les envoyer vers des centres de réanimation dès qu'il y a souffrance fœtale aiguë : car la différence entre une souffrance fœtale aiguë de trois minutes et une autre de vingt minutes, c'est un handicap à vie ! Et cela, je suis désolé que nos prédécesseurs ne l'aient pas fait (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nous devons être au rendez-vous de la sécurité, aussi bien pour les enfants que pour les mères. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉFORME DES PENSIONS DE RÉVERSION

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Monsieur le Ministre de la santé et de la protection sociale, votre récente réforme des retraites apporte chaque jour son lot de déceptions, en particulier pour les femmes, dont les témoignages nombreux confirment les réserves que nous avions exprimées lors de la discussion du projet de loi. Loin de réduire les inégalités existant avant la réforme entre hommes et femmes, elle contribue à les accentuer. Quand on sait que le montant des retraites des femmes est, du fait du temps partiel non choisi et des inégalités de salaires, inférieur de 40 % à celui des hommes, on voit que la mise en œuvre de votre réforme marque pour les femmes un recul sans précédent : l'allongement de la durée de cotisation précarise leur situation, et les femmes fonctionnaires perdent le bénéfice d'un an de bonification par enfant.

Ces situations injustes sont encore aggravées par la réduction scandaleuse du montant des pensions de réversion qui concerne les veuves - car 80 % des conjoints survivants sont des femmes. Nous ne partageons pas cette conception d'une société qui creuse les disparités entre hommes et femmes. Comment pouvez-vous accepter que les femmes, après avoir travaillé durement tout en élevant leurs enfants, puissent se retrouver, demain, près du seuil de pauvreté ? Vous aviez annoncé de nouvelles propositions avant la fin octobre. Aujourd'hui, toujours sans réponse de votre part, et devant la gravité de la situation, nous vous demandons ce que vous comptez faire pour modifier votre loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - (Huées sur les bancs du groupe socialiste) S'agissant des pensions de réversion, la loi de juillet 2003 portant réforme des retraites a apporté deux améliorations : la suppression de la condition de remariage et l'abaissement des conditions d'âge. Cela permet à 300 000 veufs de bénéficier d'une pension de réversion. Ce n'est pas vous qui l'avez fait, c'est nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Quant au décret, le Gouvernement l'a suspendu. Il a saisi le Conseil d'orientation des retraites, qui rendra son avis la semaine prochaine. Vous conviendrez avec moi que la composition de ce conseil est diversifiée et qu'il privilégie le consensus. En outre, la compétence de ses membres est reconnue.

Mme Martine David - Cela n'a rien à voir !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Dès que le COR aura rendu son avis, nous entamerons une négociation avec les partenaires sociaux et avec les associations de veufs, de veuves et de retraités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En tout état de cause, aucun bénéficiaire actuel d'une pension de réversion ne verra modifier sa situation financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, leur pouvoir d'achat sera maintenu : c'est la moindre des choses. Ceux qui sont les plus dangereux pour les retraites, ce sont ceux qui n'ont rien fait pendant cinq ans alors qu'ils pouvaient le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

PRÉVENTION DES INONDATIONS

M. Etienne Mourrut - En décembre 2003, le Languedoc et la Provence ont subi d'importantes intempéries qui ont touché de plein fouet les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône, et plus particulièrement seize communes de ma circonscription. Dans les jours qui ont suivi, le Gouvernement a su mettre en oeuvre les actions qui s'imposaient. Le Préfet de la région Rhône-Alpes a immédiatement été désigné pour conduire une mission interrégionale chargée de coordonner la réparation des digues du Rhône et de ses affluents. 24 millions d'euros ont été débloqués pour financer les travaux de première urgence. Enfin, des moyens ont été prévus pour élaborer une stratégie globale de prévention et de gestion des inondations du Rhône et de ses affluents. Permettez-moi de saluer la diligence du Gouvernement, des services de l'Etat et de l'armée, que tous reconnaissent, au-delà des clivages politiques.

Grâce à l'intervention de l'Etat et des collectivités territoriales, 95% des dégâts ont pu être réparés. Au nom des populations sinistrées et des élus locaux, je vous serais reconnaissant de bien vouloir dresser un bilan des actions réalisées sur le terrain et nous informer des stratégies retenues à moyen et long terme pour nous protéger des caprices du Rhône et de ses affluents. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - La prévention des inondations et la protection des populations sont une priorité pour le Gouvernement. Deux millions de personnes sont en effet exposées dans notre pays à des risques naturels majeurs. Après les inondations d'Arles, le Gouvernement a d'abord engagé des actions de réparation des dégâts : 24 millions d'euros ont immédiatement été débloqués pour des travaux de première urgence ; sur cette somme, 20 millions ont été engagés ou vont l'être dans les jours qui viennent, principalement pour réparer des digues. Je salue le partenariat qui s'est instauré avec les collectivités territoriales pour mener ces travaux rapidement.

Une prévention efficace requiert une stratégie globale pour le Rhône. Elle a été confiée au préfet de la région Rhône-Alpes ; les élus sont consultés. De nouveaux travaux seront menés et l'Etat apportera son concours financier à la construction d'une nouvelle digue pour protéger les quartiers Nord d'Arles.

La prévention des inondations est un axe majeur de notre politique. Nous réformons les services de prévision des inondations, dont le nombre passera de 52 à 22, et 170 millions d'euros sont prévus sur la période 2003-2007 pour financer les projets de prévention des inondations par bassin versant. Le Gouvernement reste très vigilant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

OUVERTURE DU CAPITAL D'AREVA

M. Claude Birraux - Après le vote en première lecture de la première loi d'orientation sur l'énergie, après le changement de statut d'EDF que commande l'ouverture du marché de l'électricité...

M. Jean-Pierre Brard - Il n'y a pas de quoi se vanter !

M. Claude Birraux - Et après l'autorisation donnée à EDF de lancer le premier réacteur EPR, la dotant ainsi d'un projet industriel pour le futur, le Gouvernement s'apprête, si j'en crois la presse, à ouvrir le capital d'Areva.

M. Jacques Desallangre - Hélas !

M. Claude Birraux - Areva est une entreprise performante, soumise à la concurrence sur un marché mondial étroit. Son savoir-faire et sa réactivité sont remarquables, en particulier aux Etats-Unis où ses parts de marché dans la maintenance progressent.

Quelle sera la part du capital d'Areva mise en Bourse, et selon quelles modalités ? Quelles garanties l'Etat prendra-t-il pour préserver un outil industriel aux technologies de pointe sensible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Fin connaisseur de ces questions, vous savez que l'ouverture du capital d'Areva n'est pas une nouveauté : 4,5 % du capital sont déjà détenus par le secteur privé. Ce n'est pas non plus une surprise : lorsque le groupe a été constitué en 2001 à l'initiative de MM. Jospin et Fabius, le communiqué officiel prévoyait déjà qu'une part du capital serait introduite en Bourse. Nous tenons les promesses de nos prédécesseurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Il s'agit de porter la part du capital privé de 4,5 à environ 40 % (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

L'Etat restera donc majoritaire...

M. Jacques Desallangre - Pour combien de temps ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - ...et il est souhaitable qu'il en soit ainsi pour des raisons de sécurité et parce que l'énergie nucléaire constitue un enjeu stratégique. Une ouverture supplémentaire du capital donnera en outre plus de cohérence à la filière nucléaire, permettra de financer les démantèlements et confortera la position de leader mondial d'AREVA sans pour autant endetter l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SANTÉ PUBLIQUE

M. Gérard Bapt - M. le ministre de la santé présentera tout à l'heure le budget de la santé et de la protection sociale dans la foulée de la loi de santé publique adoptée en juillet, loi qui a réaffirmé la primauté de l'Etat dans la définition et l'application des politiques de santé publique.

Présentée comme une loi de programmation par M. Mattei, puis comme une loi d'orientation, elle apparaît aujourd'hui comme une loi d'affichage, puisque le budget de la santé publique se défausse sur l'assurance maladie, dont le déficit aggravé pèsera sur les générations futures, qu'il s'agisse des actions de prévention, de l'investissement hospitalier, des établissements sanitaires et médico-sociaux pour les personnes âgées ou handicapées, encore de l'accès des plus modestes aux soins.

Ainsi, le simple relèvement d'un euro du forfait logement pour le calcul du plafond de ressource d'accès à la CMU complémentaire pour une personne seule aura pour effet d'exclure des dizaines de milliers de personnes : nous connaissions l'euro Raffarin sur les actes médicaux, nous allons avoir l'euro Raffarin bis. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Quant au crédit d'impôt destiné à l'acquisition d'une assurance complémentaire pour des familles modestes, il sera financé par les fonds sociaux de l'assurance maladie.

Dès lors, estimez-vous que ce budget permet d'affirmer la primauté de l'Etat en matière de santé publique ou estimez-vous que la réforme de l'assurance maladie, notamment après la nomination de l'ancien directeur de cabinet du ministre de la santé au poste de directeur général de l'ensemble des caisses de sécurité sociale, assure une étatisation suffisante pour que la loi de santé publique ne soit pas déjà bafouée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Douste-Blazy, qui a dû gagner le Sénat pour y participer à un débat sur les prélèvements obligatoires.

Monsieur Bapt, vous suivez l'évolution des politiques de santé depuis trop longtemps pour ne pas être au fait des réalités : vous vous êtes livré à un exercice de démagogie et vous avez récité une litanie de contre-vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je rappelle que, pour les Français les plus modestes, le minimum vieillesse passera de 569 à 574 euros mensuels. Le Gouvernement, en outre, a mis en place une aide pour nos compatriotes qui ne disposent pas d'une assurance complémentaire : les deux millions de Français dont le revenu mensuel est compris entre le plafond d'éligibilité à la CMU et 665 euros pourront ainsi désormais bénéficier d'une complémentaire santé. Nous avons réalisé ce que vous n'aviez jamais osé imaginer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Je rappelle enfin que le budget de la santé est cette année supérieur de 5 % à ce qu'il était en 2002, lorsque votre majorité était au pouvoir, et qu'il nous permettra de mettre en œuvre notre politique, dans le droit fil de la loi de santé publique votée cet été : prévention, lutte contre les maladies rares ou chroniques, lutte contre le cancer, plan santé-environnement. Ne cherchez donc pas à dissimuler votre absence de propositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

HÉBERGEMENTS D'URGENCE

Mme Françoise Branget - Les dispositifs d'accueil d'urgence et d'insertion en faveur des plus démunis offrent près de 90 000 places. Or, ils sont de plus en plus saturés : une étude nationale de 2003 a ainsi signalé un taux d'occupation proche de 100%.

L'an dernier, un dispositif hivernal spécifique avait été mis en place dès les premières baisses des températures. Cela sera-t-il le cas cette année ? Pourriez-vous, Madame la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion, faire le point de l'application du plan 2004-2005, et en particulier des changements par rapport à l'hiver dernier ainsi que des moyens d'ores et déjà déployés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion - La capacité d'accueil permanente des plus démunis est en effet aujourd'hui de 90 000 places. Dès 2002, 8000 places supplémentaires ont été créées, à quoi s'ajoutent 3000 places supplémentaires en CADA.

Cet hiver, nous nous organisons toujours en fonction d'une échelle à trois niveaux : le niveau 1 correspond à une température de zéro degré, le niveau 2, à une température comprise entre moins 5 et moins 10 degrés, le niveau 3, à une température inférieure à moins 10 degrés. Pour le niveau 1, il est prévu la création de 5 380 places supplémentaires et renforcement du service 115 ainsi que des unités mobiles ; pour le niveau 2, la mobilisation de 2 680 places, le renforcement des équipes mobiles ainsi que des maraudes, et la mise à disposition de 1 500 places supplémentaires permettant à ceux qui refusent d'être hébergés continuellement de pouvoir se reposer quelques heures ; pour le niveau 3, enfin, la disponibilité de 2 700 places, et le déclenchement du plan urgence et du plan de sécurité civile.

En outre, le plan de cohésion sociale prévoit de porter, d'ici 2007, la capacité d'accueil à 100 000 places, ce qui représente un coût de 525 millions.

Enfin, les spots télévisés seront reconduits, de même que, dans le cadre d'une convention avec Météo France, le dispositif de vigilance météo à l'occasion de chaque bulletin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUALITÉ DES VIANDES DE VOLAILLE IMPORTÉES

M. Gérard Lorgeoux - L'agriculture française traverse une grave crise structurelle, qui se concrétise par une réduction des poulaillers et de l'activité industrielle. La consommation de viande est en baisse, alors qu'on observe une augmentation massive des importations, consécutive aux accords de Marrakech et de Doha. Il faut donc sensibiliser et informer les consommateurs, qui détiennent la clef de l'avenir. Les produits importés bénéficient de prix extrêmement bas, en raison de coûts sociaux et de contraintes réglementaires moindres. Il faut renforcer les contrôles de conformité aux frontières, afin qu'ils répondent aux mêmes exigences que les produits français. Les contrôles ne doivent pas se limiter à quelques échantillons : il s'agit de santé publique ! D'autre part, les produits importés peuvent être incorporés dans des produits élaborés, qui sont commercialisés avec une estampille de conformité européenne. Pour mieux informer le consommateur sur la composition de ces produits, il faut mentionner l'origine des viandes utilisées. Ces mesures peuvent-elles être mises en œuvre, tant par l'administration - française et européenne - que par les producteurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales - Le Gouvernement est très conscient des difficultés de la filière avicole et travaille avec les professionnels pour qu'elle puisse se restructurer, conquérir des parts de marché et innover. C'est l'un des aspects du plan de développement de l'industrie agroalimentaire auquel je travaille. L'obligation de mentionner l'origine des viandes importées, qu'elles soient destinées aux abattoirs ou qu'elles entrent dans la composition d'un produit élaboré, peut créer des distorsions de concurrence, mais elle se fait dans l'intérêt du consommateur et donc, en fin de compte, du producteur. Deux textes la régissent. Dans le premier, un règlement du Conseil européen de juin 1990, l'indication du pays d'origine des viandes de volaille est facultative pour la viande destinée à la découpe et n'est même pas exigible pour les produits élaborés. Quant à la directive de 2000 sur l'étiquetage, elle ne prévoit pas l'indication du lieu d'origine.

Hervé Gaymard et moi avons engagé depuis plusieurs mois des actions très précises, en relation avec les professionnels. Nous avons demandé aux directions départementales de la concurrence de clarifier les questions liées à la mention des origines. Une volaille portant l'étiquette « volaille élaborée ou transformée en France » devra mentionner l'origine de la viande incorporée. Au niveau européen, nous avons saisi la Commission pour étendre l'obligation de mention du pays d'origine à tous les produits importés. Enfin, j'ai demandé une comparaison entre tous les pays de l'Europe élargie pour savoir où se trouvent les risques de distorsion de concurrence. Voyez que nous sommes actifs et concrets !

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

HOMMAGE AUX SOLDATS TUÉS EN CÔTE D'IVOIRE

M. le Président - Pour nous permettre de nous associer au deuil des familles et de nous rendre à la cérémonie qui aura lieu dans quelques instants aux Invalides, la séance ne reprendra qu'à 17 heures.

La séance, suspendue à 15 h 55. est reprise à 17 heures, sous la présidence de M. Le Garrec.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

SANTÉ, FAMILLE, PERSONNES ÂGÉES ET PERSONNES HANDICAPÉES

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances - Les crédits consacrés à la santé, aux personnes âgées et handicapées s'élèveront à 8,63 milliards en 2005. Mais, si l'on tient compte des transferts opérés vers d'autres ministères, ce budget baisse de 0,39 % à périmètre constant.

Ce budget est dans la ligne du désengagement de l'État du champ social et médico-social qui avait déjà marqué les budgets 2003 et 2004 : ainsi, les crédits d'intervention du titre IV diminuent de 10 %, l'Etat a pratiquement abandonné toute politique d'investissement et le désengagement du financement de la CMU se poursuit.

L'exécution du budget, en 2003 et cette année, a été rendue difficile par la régulation budgétaire, qui s'est très tôt traduite par des gels, puis par des annulations. En 2003, il s'est agi de quelque 55 millions, soit 3,65 % des crédits hors dépenses d'allocations. En 2004, 20 millions ont été annulés, dont 3 ont touché les crédits de la MILDT. Ces incertitudes compliquent la tâche des gestionnaires, et peut-être la vôtre, Monsieur le ministre, en rendant aléatoire le déroulement des actions. Il est donc souhaitable qu'elles ne se renouvellent pas en 2005 !

Pour préparer l'application de la LOLF, deux expérimentations sont prévues : la mission santé et la mission interministérielle « sécurité sanitaire », en liaison avec le ministère de l'agriculture. Mais le projet d'un programme « conception et gestion des politiques de santé » commun aux deux missions nous paraît contraire aux dispositions de la loi organique. Enfin, une mission « solidarité et intégration » regroupera certains crédits santé concernant la famille et les personnes âgées et handicapées ; elle fera l'objet d'une expérimentation en Haute-Normandie.

On remarque, dans le découpage en programmes, actions et sous-actions, le contraste entre les ambitions affichées et les indicateurs retenus, qui se limitent souvent à mesurer la rapidité d'action des services centraux. Par ailleurs, certaines sous-actions semblent être des fourre-tout. Ainsi des «actions transverses», qui comprennent notamment les programmes régionaux d'accès aux soins. J'avais critiqué, dans mon précédent rapport spécial, l'action « autres programmes de santé publique », qui, sous un intitulé vague, cachait la réduction de 43 % des crédits destinés aux programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins - c'est-à-dire aux populations fragilisées. Ce projet de budget reproduit ce travers, puisqu'il est particulièrement difficile de définir ce qu'il faut entendre par «actions transverses» et que les mêmes programmes régionaux subissent une nouvelle ponction de leurs moyens - mais la baisse de 17,9 % passe inaperçue grâce à cette nouvelle présentation...

Je m'insurge contre la tentation de tirer profit d'un changement d'intitulé des actions menées pour masquer un désengagement coupable envers les plus démunis, désengagement qui s'est notamment traduit, à Toulouse, par le renoncement à certaines actions médicales des CHRS en direction des publics les plus fragiles.

Votre budget pour 2005 montre une progression de 16 % des crédits concernant l'action « santé publique et sécurité sanitaire », dont 10 % pour la santé. Priorité présidentielle oblige, un effort supplémentaire est fait en faveur de la lutte contre le cancer, ce dont je ne peux que me féliciter : une mesure nouvelle de 21,5 millions est prévue, qui portera à 80,5 millions les crédits de l'Etat consacrés à la lutte contre cette maladie, en particulier par la création de l'Institut national du cancer.

Mais, dans le même temps, les moyens destinés aux autres actions de santé publique sont en baisse, ce qui contredit l'affirmation du rôle de l'Etat contenue dans la toute récente loi du 9 août 2004. Votre prédécesseur, M. Mattei, avait annoncé une loi de programmation, qui s'était vite transformée en loi d'orientation et qui n'est plus que loi d'affichage puisqu'elle ne se traduit par aucune enveloppe en 2005.

Enfin, l'Etat se désengage totalement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, alors que les dossiers sont en constante augmentation.

Concernant la lutte contre les toxicomanies, le plan quinquennal proposé au Gouvernement par la MILDT a été signé en juillet avec près de dix mois de retard. Mais encore faudrait-il que la mission se voie dotée des crédits nécessaires à son action, que ces crédits soient effectivement disponibles et que le devenir même de la structure soit mieux assuré ! Il est par ailleurs regrettable que les recommandations de révision de la loi de 1970 faites par la MILDT n'aient pas été entendues par le Gouvernement, qui a reculé devant une réforme pourtant nécessaire. En outre, bien qu'en 2004 comme en 2003, le budget de la mission ait souffert de gels et d'annulations de crédits, il stagnera en 2005 ! Comment appliquer une politique efficace si, chaque année, 10 % des crédits sont gelés, annulés, ou partiellement disponibles en fin d'année seulement ?

Quant à la politique de veille et de sécurité sanitaires, est-ce toujours une priorité du Gouvernement ? La loi du 9 août 2004 relative à la santé publique a conforté le rôle de l'Etat en cette matière, mais l'exercice 2003 aura été marqué par une ponction sans précédent sur les budgets des diverses agences de sécurité sanitaire. Certes, le niveau du fonds de roulement de ces établissements pouvait paraître trop important, mais cela s'expliquait par leur montée en puissance : il fallait faire face à des projets d'ampleur, immobiliers notamment.

Par ailleurs, les crises sanitaires récentes ont montré la nécessité de renforcer notre dispositif de veille sanitaire, et le rebasage des dotations financées sur les crédits de l'Etat dans la loi de finances pour 2004 était bien le moins que pût faire le Gouvernement. Pourtant, le budget global des dotations aux agences devrait s'élever à 58,64 millions en 2005, en baisse de 9,85 %. Il est regrettable que le renforcement des missions des agences de sécurité sanitaire ne s'accompagne pas d'un renforcement de leurs moyens et que leurs dotations soient, au mieux, stables, au pire réduites.

Le dispositif d'alerte sanitaire bénéficie de mesures nouvelles concernant la lutte contre le bioterrorisme et les situations de crise. Mais les crédits affectés à la sécurité sanitaire en 2004 ont été malmenés par les gels budgétaires. Ainsi, 23 % des crédits de gestion des risques sanitaires liés à l'environnement ont été gelés - les leçons de la canicule ont-elles bien été tirées ? Comment ne pas s'étonner que les moyens de l'INVS, dont les missions ont été considérablement élargies à la suite de la canicule, ne voie pas ses moyens renforcés ? Le ministère insiste sur le rôle primordial des centres nationaux de référence, mais le doublement de leur dotation n'aura de sens que si ces crédits restent disponibles. Or, un tiers a été gelé cette année ! N'est-ce pas contradictoire ?

Les missions de l'AFSSE ont été renforcées par la directive concernant les produits biocides, et l'AFSSAPS voit ses missions élargies sans financement supplémentaire de l'État : son budget sera majoré par des taxes et redevances faisant l'objet d'articles non rattachés. L'agence de biomédecine se met en place.

J'en viens à l'organisation des soins, marquée par un nouveau désengagement majeur de l'Etat. L'investissement hospitalier bascule entièrement vers l'assurance maladie. Le FIMHO a disparu, les subventions d'équipement sanitaire ne devraient plus représenter que 10 millions de crédits de paiement en 2005, en baisse de 13,79 % par rapport à 2004, où la subvention n'était déjà que de 11,6 millions. Aucune autorisation de programme n'est demandée en 2005, les moyens alloués aux ARH sont reconduits à l'identique et aucun crédit n'est prévu pour les expérimentations d'ARS.

Le pilotage de l'offre de soins est en mutation, avec l'installation de la Haute autorité en santé. Le projet de budget comporte une mesure nouvelle de 1,6 million, avec création de cinq emplois, mais ces moyens ne sont pas, tant s'en faut, à la mesure des missions nouvelles. Pour prendre un seul exemple, 4.000 médecins libéraux ont été accrédités, mais il en reste des dizaines de milliers. A ce rythme, il y faudra des décennies !

Cent mille euros sont affectés à la création du GIP « Institut de données en santé », mais l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, qui accompagne la mise en œuvre de la tarification à l'activité, subit une baisse de 22 % de la subvention de l'Etat, et deux tiers de son budget provient de l'assurance maladie. L'informatisation du système de soins ne bénéficie que d'une reconduction des moyens, alors que la télémédecine doit encore se développer. Ainsi l'Etat se désengage-t-il progressivement du financement de l'offre de soins.

Mais il se désengage aussi de l'accès aux soins, avec le transfert accéléré de la CMU vers l'assurance-maladie. En 2004, la modification du remboursement aux caisses primaires au titre de la CMU complémentaire avait déjà entraîné un transfert de 128 millions vers l'assurance maladie. Or, dans le budget 2005, la dotation de l'Etat au fonds CMU-C baisse de 30 %. Certes, il est prévu à l'article 77 du projet de loi de finances d'affecter au fonds CMU les 370 millions de la cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 25° qui était affectée à la CNAMTS. Mais celle-ci perd en fait 100 millions à l'occasion du transfert aux régions des écoles d'infirmiers et de sages-femmes.

Par ailleurs, si 300 000 enfants supplémentaires devaient bénéficier de la CMU complémentaire pour 35 millions, l'alignement du forfait logement sur celui du RMI procure une économie de 21 millions : c'est un euro en moins pour une personne seule, deux euros pour un couple. Après l'euro Raffarin pour l'acte médical, voilà l'euro Raffarin pour la CMU !

Enfin, dans le cadre de l'article 56 de la réforme, l'assurance maladie supportera un coût de 100 millions pour aider à l'acquisition d'une mutuelle. L'impliquer de cette façon, c'est transférer une partie du déficit de l'Etat.

Les crédits en faveur des personnes âgées baissent de 61% en raison des transferts de décentralisation. A périmètre constant, la baisse est de 8,6%. Aucune mesure nouvelle n'accompagne l'annonce d'un plan Alzheimer.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Ce n'est pas vrai.

M. Gérard Bapt , rapporteur spécial - J'en serais heureux, mais nous n'avons pas eu d'informations. Il est vrai nous n'avions reçu qu'un tiers des réponses à notre questionnaire à la date souhaitée, et que nous en avons reçu jusqu'à la réunion de la commission des finances.

Quant à la transformation des établissements, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, elle est assurée à 35 %, à deux ans de l'échéance.

Les crédits pour les personnes handicapées augmentent de 3,7 %. Le plan pluriannuel de création de places en établissements se poursuit, mais sera financé en 2005 par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Dans les contrats de plan, la programmation n'est couverte qu'à 41 % à deux ans de l'échéance.

En conclusion, ce budget est décevant pour la santé publique, hors le plan cancer.

M. le Ministre - C'est mieux que rien.

M. Gérard Bapt - C'est même bien, mais sur ce point seulement. M. Bertrand m'a répondu, lors des questions d'actualité, que le budget de la santé était cette année supérieur de 5 % à celui de 2002. Pour des gens qui nous répètent sans cesse que nous n'avons rien fait et qu'ils ont tout engagé, et après une grande loi de santé publique, c'est bien peu.

Après les reculs en ce qui concerne l'obésité et l'alcoolisme, de nombreuses décisions sont en attente de négociations conventionnelles, par exemple pour l'entretien de santé à l'entrée en 5ème ou la consultation périodique de prévention. Quant à la visite médicale d'aptitude à la conduite, il n'en est plus question.

Après avoir affirmé la primauté du rôle de l'Etat en matière de santé publique, vous vous défaussez sur l'assurance maladie. Où est, au passage, la signature des deux décrets que nous attendons sur l'aide médicale d'Etat ? Vous poursuivez le désengagement, notamment pour le secteur médico-social .

Malgré cela, la commission des finances, dans sa majorité, a adopté ce budget.

M. Edouard Landrain - Et elle a eu raison.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour la santé - L'engagement pris par le Président de la République lors de ses vœux aux forces vives de la nation de faire de 2004 une année de résultats dans le domaine de la santé est déjà devenu réalité. Quel gouvernement aura fait plus que celui de Jean Pierre Raffarin pour la santé ? Il peut se prévaloir, en deux ans, d'avoir rénové la politique de santé publique, actualisé la loi bioéthique, mis en oeuvre un plan de lutte contre le cancer, lancé le plan Hôpital 2007, réformé la recherche biomédicale et modernisé l'assurance maladie.

Mme Martine Aurillac - Très bien !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis- Trois points méritent d'être soulignés.

D'abord, la loi relative à la politique de santé publique a consacré le rôle de l'Etat et fixé des objectifs à notre système de santé sur les cinq ans à venir. Les plans d'action stratégique pour 2004-2008 s'inscrivent dans cette perspective. Le chantier de la lutte contre le cancer, lancé par le Président de la République, bénéficie de plus de 80 millions en 2005, notamment en faveur de l'Institut national du cancer et des programmes de dépistage.

Ensuite, à la suite des dysfonctionnements révélés par la canicule et plusieurs crises sanitaires, le Gouvernement a réformé en profondeur le dispositif d'alerte et de sécurité sanitaire.

Enfin, il prévoit les moyens nécessaires pour accompagner les réformes afin de renforcer la qualité de notre système de soins, qu'il s'agisse de la Haute autorité de santé, de l'Institut des données de santé, de l'acquisition d'une couverture complémentaire ou du transfert aux régions d'écoles de formation.

La désertification médicale devient préoccupante. Le Gouvernement a pris toute la mesure du problème. En avril dernier, il a annoncé le relèvement du numerus clausus et proposé d'instituer des aides à l'installation. L'Observatoire national de la démographie médicale, créé en juin 2003, fournira des données précises à partir de diagnostics locaux et proposera des améliorations. Le comité de démographie médicale donnera désormais un avis sur la fixation du numerus clausus, ce qui est très positif.

Aujourd'hui, il faut privilégier l'incitation. C'est ce que fait le Gouvernement en proposant des aides à l'installation et au maintien des professionnels de santé. Pour cela, il faut identifier les zones déficitaires, ce qui n'a pu encore être fait, compte tenu de la complexité des procédures de zonage et des délais nécessaires pour consulter tous les partenaires au niveau régional. Il faut avancer rapidement dans ce domaine.

La télémédecine pourra également constituer un outil innovant et efficace qui favorisera l'égalité d'accès aux soins. Selon les termes du rapport établi par le sénateur Etienne et notre collègue Dionis du Séjour, elle se révèle indispensable à l'aménagement du territoire, et même une condition de survie pour les hôpitaux ruraux ainsi qu'un gage de qualité de la médecine libérale. Ainsi, en Midi-Pyrénées, la visioconférence permet à des généralistes de transmettre des données au CHU de Toulouse pour bénéficier d'une expertise. En Vendée, 80 femmes enceintes bénéficient de la télésurveillance mise en place entre l'hôpital de l'île d'Yeu et le centre hospitalier de Challans. Ces échanges rompent l'isolement des professionnels en milieu rural et participent à leur formation. Cependant des obstacles subsistent dans les esprits, mais aussi faute d'accès au haut débit ou du fait de la faiblesse de l'organisation ou du financement.

Ces dernières années, le ministère de la santé a soutenu la télémédecine, notamment grâce à l'Observatoire des réseaux de télésanté. Beaucoup d'ARH ont inscrit des crédits pour la développer, et neuf régions bénéficient de crédits d'appui à cette fin dans le cadre des contrats de plan. Il faut la promouvoir encore mieux, et la loi du 13 août dernier a constitué une avancée historique en la matière. Il faut en particulier poursuivre la réflexion sur la déontologie de cette pratique. Par exemple, pour la collecte de sang, il est sans doute possible de réaliser à distance l'interrogatoire du donneur potentiel par un médecin.

La création de missions régionales de santé est de nature, dans la mesure où celles-ci assureront une coordination entre les secteurs hospitalier et ambulatoire, à favoriser le développement de la télémédecine. Mais il serait utile qu'elles se dotent d'une cellule sur le sujet et qu'elles incitent de même les hôpitaux à désigner en leur sein un correspondant télémédecine et à intégrer cette problématique dans leurs projets d'établissements.

Il faudra également améliorer la formation initiale et continue en ce domaine et envisager des modalités spécifiques de reconnaissance et de rémunération des actes de télémédecine.

En conclusion, je vous invite, au nom de la commission des affaires culturelles, à adopter cet excellent budget de réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Geneviève Levy , rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour les personnes handicapées - Avant de parler de la décentralisation des interventions en faveur des personnes handicapées, je voudrais attirer votre attention sur trois points.

L'allocation adulte handicapé, d'abord. Représentant environ 40 % de la dépense budgétaire de l'Etat dans ce domaine, cette prestation sociale, qui constitue un revenu minimal garanti, focalise de nombreuses revendications. Il faut dire qu'elle est d'autant plus capitale que ses allocataires disposent de faibles revenus. La quasi-totalité des associations représentatives dénoncent donc l'écart croissant entre l'évolution de l'AAH et celle du SMIC - l'AAH représente 58 % du montant du SMIC net. Il n'a cependant pas paru opportun d'aligner l'AAH sur le SMIC, sachant que le projet de loi crée la prestation de compensation qui offrira une aide pour la prise en charge des dépenses supplémentaires entraînées par le handicap selon des tarifs fixés en fonction de leur nature, ce qui permettra de réserver l'AAH à la couverture des frais nécessités par la vie courante.

Néanmoins, j'estime que des progrès devraient être faits en faveur de deux catégories d'allocataires de l'AAH : les adultes qui, en raison de leur handicap, n'ont aucune perspective d'embauche professionnelle et dont l'horizon financier se résume jusqu'à l'âge de 60 ans à la perception de l'AAH à taux plein ; les adultes qui, accueillis ou placés dans un établissement social, médico-social ou de santé, ne touchent qu'un reliquat de l'AAH, souvent qualifié de « reste à vivre », égal à 12 % de l'AAH.

Ensuite, l'évolution des concours de l'Etat pour le financement des établissements. Faute de financements suffisants pour appliquer les dispositifs législatifs et réglementaires, les conventions collectives et les accords salariaux, les associations gestionnaires d'établissements sont contraintes de réaliser des économies de gestion. Une tarification à la personne selon son handicap pourrait éviter cette dérive. Resterait à déterminer un tarif pour chaque type de handicap.

En troisième lieu, je voudrais rappeler que le Gouvernement a élaboré un plan de création de 40 000 places sur 2003-2007 dans les établissements accueillant des personnes handicapées. Le rythme de création de places sera ainsi doublé par rapport à la période 1998-2002. Concernant les centres d'aide par le travail, la loi de finances pour 2004 a ouvert les crédits pour la création de 3 000 places supplémentaires. Le même effort sera reconduit en 2005. Concernant les ateliers protégés, 2 500 places nouvelles sont annoncées par le Gouvernement.

J'en viens à la décentralisation.

Depuis la loi fondatrice du 30 juin 1975, l'Etat a été considéré comme l'initiateur, le coordinateur, l'ordonnateur et le banquier du soutien aux personnes handicapées. Indéniablement, son action a porté ses fruits. Cependant, les lois de décentralisation ont, à partir du 1er janvier 1984, confié aux collectivités locales, et tout particulièrement aux départements, des missions primordiales en ce domaine. Depuis vingt ans, les conseils généraux et leurs présidents ont su développer, dans la limite de leurs moyens, des politiques actives, novatrices et proches des besoins des personnes handicapées.

Le département apparaît comme l'échelon le mieux adapté pour la gestion de la perte d'autonomie mais s'agissant des personnes handicapées, son action reste encore en retrait par rapport à la place conservée par l'Etat et surtout par la sécurité sociale. Il faudra que la gestion décentralisée les concernant s'inspire des principes de gestion décentralisée des personnes âgées.

Les travaux législatifs sur le projet de loi « égalité des droits et des chances, participation à la citoyenneté » ont permis l'adoption d'articles additionnels mettant en place une nouvelle organisation des structures de soutien aux personnes handicapées. Une mission de gestion de proximité est ainsi confiée au département, qui disposera à cette fin de deux instances nouvelles : la maison départementale du handicap et la commission des droits et de l'autonomie, les COTOREP étant dissoutes. Le département recevra les dotations de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Par ailleurs, le préfet de région aura la responsabilité de la programmation financière des créations de places dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux destinés aux personnes handicapées, au moyen d'un « programme interdépartemental de prise en charge des handicaps et de la perte d'autonomie ».

Enfin, la CNSA assurera la coordination nationale des moyens mobilisés sur le territoire en faveur des personnes handicapées. La caisse traduira en dotations régionales limitatives l'objectif annuel de dépenses d'assurance maladie des établissements et services sociaux et médico-sociaux, fixé par le Gouvernement en fonction du vote par le Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale.

Les missions de la CNSA seront notamment : de fournir les moyens financiers aux départements pour verser l'AAH et la prestation de complément ; de répartir entre les régions et les départements l'enveloppe des crédits de l'assurance maladie résultant de l'ONDAM médico-social destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées, ainsi que le produit de la contribution de la journée de solidarité, les préfets de région étant chargés de répartir les crédits entre les conseils généraux et les DDASS ; d'expertiser les grilles et barèmes des handicaps et dépendances et d'évaluer les besoins individuels.

Le Gouvernement n'a donc pas, pour l'heure, retenu la proposition de MM. Briet et Jamet de confier au département la maîtrise de la tarification des établissements et des services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées. Le processus de décentralisation me paraît donc, en ce sens, inachevé.

Les pouvoirs de planification du préfet de région, proposés par le Gouvernement afin de garantir l'égalité des territoires, peuvent se révéler inutiles à l'expérience. L'équilibre entre les départements pourra se faire mécaniquement par le relèvement des investissements des conseils généraux des départements les plus en retard et par une péréquation budgétaire opérée par la CNSA. Celle-ci sera donc la garante de l'unité de la politique en faveur des personnes handicapées et de l'égalité de traitement financier des territoires.

En conclusion, vous pouvez compter, Madame la ministre, sur notre appui sans faille, la commission des affaires sociales ayant émis un avis favorable sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - Au premier abord, le budget « santé, famille, personnes âgées et personnes handicapées » pour 2005 est stable par rapport à celui voté dans la loi de finances pour 2004. Pourtant, une simple lecture rapide du contenu de ce budget nous indique que cette stabilité n'est que de façade. En fait, les chiffres marquent des mouvements internes particulièrement préoccupants concernant le rôle de l'Etat en matière de santé publique et d'offre de soins.

On constate en effet un redéploiement des crédits initialement affectés à la santé vers les lignes budgétaires des dispositifs handicap et dépendance ainsi que vers celles des dispositifs exclusion et intégration. S'il est louable, a priori, d'accroître les moyens financiers de ces dispositifs, il est particulièrement condamnable de le faire avec les moyens publics destinés à la prise en charge par la solidarité nationale de la santé de nos concitoyens.

Le budget consacré globalement à la santé s'évaluait à 2,5 milliards d'euros en 2004. Il est dorénavant de 2,2 milliards en 2005, soit une baisse de 13,6%.

Si l'on considère maintenant les grands ensembles budgétaires de la santé, le constat est encore plus préoccupant.

Certes, les dépenses pour 2005 en faveur de la santé publique et de la sécurité sanitaire ont augmenté de 15,7 % par rapport à 2004. Mais cette hausse masque la réduction de 34,2 % des dépenses ordinaires d'interventions publiques. La seule audace financière du Gouvernement dans le domaine de la santé publique et de la sécurité sanitaire consiste à doter de 21 millions supplémentaires le plan cancer, ce qui est une bonne chose, mais sur un budget de plus de 11 milliards, l'ambition de santé publique apparaît tout de même très faible.

Elle l'est d'autant plus que le niveau des crédits d'Etat dégagés en faveur des demandeurs de soins les plus démunis est en forte chute pour 2005. Dans la loi de finances pour 2004, il était de 1,154 milliard d'euros ; il n'est plus que de 789 millions dans le présent projet, soit une baisse énorme de plus de 31 %.

Ce constat est encore plus alarmant lorsqu'on regarde la répartition de ces crédits et leur évolution par rapport à 2004. Si les crédits ordinaires destinés aux moyens des services perdent 300 millions d'euros en une seule année, les crédits ordinaires d'interventions publiques sont réduits de 362,4 millions, soit presque le tiers de la dotation de 2004 ! Si l'on ajoute à cela les pertes de dotations en capital pour 2005, soit 2,4 millions, ce ne sont pas moins de 665 millions d'euros qui sont détournés des efforts publics en matière d'offre de soins à des fins d'économie budgétaire !

Ces économies représentent près de six fois les mesures nouvelles concernant les moyens et les crédits d'intervention publique du ministère. Plus symboliquement encore, elles représentent plus de deux fois le montant alloué par l'Etat à la CMU, soixante-dix-huit fois les moyens nouveaux alloués à la sécurité sanitaire, trois cents fois les moyens nouveaux alloués à la formation des professions médicales et paramédicales, cent vingt fois les moyens nouveaux destinés aux établissements nationaux à caractère sanitaire et social, trente fois ceux qui sont destinés au programme « santé publique-prévention » qui regroupe le plan cancer, le plan maladies chroniques, le plan périnatalité et le plan « violence et santé ». Si l'on considère l'ampleur des besoins sanitaires toujours insatisfaits - qu'il s'agisse de la santé au travail, de la santé environnementale, de la fermeture des lits d'hôpitaux et de la faillite de nombreux hôpitaux publics - on s'explique mal le sens de ces économies sur la santé des citoyens.

A moins qu'on ne se l'explique trop bien... Car le drame est bien là : non seulement la santé publique demeure le parent pauvre de notre système, mais en outre ce budget est l'illustration des régressions législatives en matière de santé et de couverture sanitaire que nous avons connues depuis maintenant trois ans. Il confirme le désengagement progressif de l'Etat des enjeux de santé en France. Il accompagne concrètement la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'hôpital avec le plan hôpital 2007, la liquidation de l'assurance maladie solidaire et la décentralisation des compétences sanitaires de l'Etat vers les collectivités locales.

Sur le sida, l'alcool et le tabac, ce budget est encore vide de propositions fortes. Les crédits envisagés pour lutter à l'échelle européenne contre le sida sont en baisse de 17.000 euros dans ce budget. Quant aux crédits de lutte contre la toxicomanie, dont font partie l'alcool et le tabac, vous les aviez atrophiés en 2004, vous trouvez encore le moyen de les réduire pour 2005 de 38.000 euros. On peut vraiment s' interroger sur la détermination publique à lutter contre ces fléaux.

De même, comment considérer votre choix budgétaire quant aux actions concernant les maladies chroniques ? Alors que tous les rapports officiels soulignent que ces pathologies seront le fléau sanitaire du siècle à venir, vous décidez d'investir dans cette lutte moins de 1,3 million d'euros. Que faut-il en conclure sur vos intentions dans ce domaine ?

Quant à la lutte contre les risques sanitaires environnementaux, elle est dotée de 116 millions d'euros. Si cette prévision est certes supérieure de 52 millions aux dotations anciennes consacrées à ces missions, la dotation générale allouée au fonctionnement des diverses agences sanitaires est déjà réduite de 6,5 millions. C'est une étrange façon de s'engager pour la sécurité sanitaire environnementale que de restreindre ses capacités de veille, d'alerte et d'expertise.

S'agissant de l'hôpital et de l'offre de soins, ce budget confirme le désengagement de l'Etat. Dans la continuité du plan hôpital 2007, vous réduisez la part du budget de la nation consacrée à l'investissement hospitalier et reportez cette charge sur les collectivités locales. De plus vous réduisez la contribution de l'Etat à la formation et au recyclage des professions médicales et paramédicales, en supprimant 9,7 millions d'euros destinés à financer la formation de ces professions ainsi que les bourses d'études les concernant. C'est une stratégie d'économie lourde de dangers pour les malades et les personnels de santé, et qui contredit la perspective affichée de réformer l'offre de soins pour en améliorer la qualité.

Enfin, les dispositions relatives à la CMU complémentaire et à l'aide médicale d'Etat sont les plus révélatrices de votre stratégie. Alors que la contribution de l'Etat à la complémentaire santé des plus démunis s'élevait à 970 millions d'euros en 2003, vous l'avez réduite à 946,5 millions en 2004, et vous la réduisez encore d'un tiers dans ce projet de budget, la ramenant à 660,5 millions.

Avec la réduction de 20 millions de la contribution à l'AME, vous faites d'une pierre deux coups. D'un côté, vous diminuez la prise en charge sanitaire des personnes en situation irrégulière, ce qui est inhumain ; de l'autre, vous feignez de répondre aux besoins des urgentistes en leur réaffectant ces 20 millions sous prétexte que les bénéficiaires de l'AME recourent à l'hôpital pour leurs soins. Il faudrait réfléchir davantage à ce qu'on dit aux urgentistes...

Il est donc clair que ce budget de la santé poursuit la casse de l'organisation sanitaire du pays articulée sur une prise en charge solidaire de la santé et un investissement public majeur dans l'offre de soins. Petit à petit, vous réduisez à la portion congrue la place de l'Etat dans cet édifice sanitaire. Et cela, dans l'année qui suit le vote d'une loi de santé publique qui vantait l'engagement nécessaire de l'Etat dans les choix de santé publique ! Si la chose n'était pas si grave, il y aurait de quoi sourire.

C'est pourquoi, malgré l'accroissement des crédits de la lutte contre l'exclusion et en direction des personnes handicapées que je salue, vous ne nous laissez d'autre choix que de voter contre ce budget.

M. Jean-François Chossy - Mon propos, qui concernera le handicap, est donc essentiellement destiné à Mme Montchamp. Comme l'an passé, notre discussion budgétaire va se télescoper avec le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et même si je dois concentrer mes propos sur le budget, je ne peux faire abstraction de cette situation.

Le budget personnes handicapées s'accroît cette année encore, passant de 6 172 à 6 396 millions d'euros, ce qui traduit la volonté du Gouvernement et votre détermination, Madame la ministre, d'offrir un meilleur accompagnement aux personnes handicapées pour une vie digne et plus autonome. La politique en direction des personnes handicapées doit être à la hauteur des attentes : généreuse mais pragmatique, lucide et humaine, proche et solidaire - à l'image de ce que le président Jacques Chirac a voulu en 1975 alors qu'il était Premier ministre, ou en 1987 lors du vote sur les obligations d'emploi des personnes handicapées.

Le projet de loi qui maintenant porte votre marque, Madame la ministre, veut aussi répondre à ces exigences. Ses orientations s'articulent autour de plusieurs axes forts. C'est la simplification, avec la mise en place dans chaque département d'une maison du handicap, véritable guichet unique. C'est la compensation, avec la création d'une prestation totalement innovante répondant aux besoins recensés par la personne handicapée pour réaliser son projet individuel de vie. C'est la formation, initiale ou continue, qui devra s'adresser à tous ceux qui accompagnent la personne handicapée. C'est encore la scolarisation des élèves handicapés dans l'école la plus proche. C'est aussi l'accessibilité, que ce soit au cadre bâti, aux espaces publics ou privés, aux transports, ou encore à la culture, aux sports, aux loisirs, et plus largement l'accès à l'information, au travail et à l'école.

Dans tous les cas, les réponses que devront apporter l'Etat ou les collectivités, dans le cadre de la solidarité, doivent trouver leur expression dans votre projet de loi, mais aussi pour partie dans le présent budget. S'il augmente en effet de 3,7 %, ce budget permet de répondre à une demande sans cesse croissante de l'allocation adulte handicapé, servie aujourd'hui à 780 000 personnes pour une dotation globale de 4 846 millions d'euros, en progression de 3,9 %.

Notre excellente collègue Geneviève Lévy souligne dans son rapport pour avis que si l'AAH représentait 78 % du montant du SMIC en 1982, ce taux est aujourd'hui tombé à 58 %. Elle estime avec raison que des progrès doivent être fait en faveur de deux catégories d'allocataires : tout d'abord, ceux qui, en raison de leur handicap, n'ont aucune perspective d'embauche professionnelle ; ensuite, les adultes accueillis dans un établissement et qui ne perçoivent qu'un reste à vivre à peine égal à 12 % de l'AAH, soit 70 euros par mois. Mais je sais votre engagement, Madame la ministre, pour une progression de l'AAH, ainsi que pour une évolution des ressources des personnes handicapées qui ne peuvent travailler.

La prestation de compensation améliore directement les ressources des personnes handicapées, ce qui mérite d'être souligné même si elle ne relève pas de ce budget. Elles pourront désormais financer avec l'AAH les frais de la vie courante, et réserver la nouvelle prestation aux interventions nécessaires à la compensation.

Cette réflexion, Madame la ministre, devra être poursuivie lors de la deuxième lecture devant notre assemblée, et nous évoquerons encore cette demande récurrente, mais inaccessible, formulée par les associations : que l'AAH soit égale au SMIC.

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. Jean-François Chossy - Je me réjouis que Mme Jacquaint m'approuve quand je dis que cette allocation ne saurait être égale au SMIC...

Vous maintenez le plan de création, sur 2003-2007, de 40 000 places en foyer d'accueil médicalisé, maison d'accueil spécialisée, centre d'aide par le travail, foyer de vie ou institut médico-éducatif. Le rythme de création sera ainsi doublé par rapport à la période 1998-2002 : merci, Madame Boisseau, bravo Madame Montchamp !

3 000 places en CAT seront financées par un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et 2500 nouvelles places sont annoncées dans les ateliers protégés.

Ces efforts apporteront, il faut l'espérer, une solution à une anomalie que je dénonce depuis 2002 : l'accueil de plus de 3 000 personnes handicapées françaises dans des structures qui leur sont réservées en Belgique et sont financées par la France. Je crains que la cause de cette situation ubuesque ne tienne au manque de places d'accueil sur notre territoire. Or cette pratique aboutit à une situation paradoxale : la Belgique offre à ces personnes handicapées un service auquel ses ressortissants n'ont pas accès, puisqu'elle a bloqué toute création de places dans ses établissements médico-sociaux pour des raisons budgétaires. Le manque de places en France et les coûts de revient inférieurs dans les établissements wallons conduit notre pays à subventionner des établissements belges qui ne sont pas soumis aux mêmes normes que les établissements français, simplement parce qu'il n'est pas en mesure de fournir lui-même ce service.

Il faut donc - et ce budget est un début de réponse - mettre en place un accueil temporaire afin d'apporter une solution intermédiaire à de nombreuses familles désemparées.

Je me félicite que le Gouvernement finance des postes d'assistants d'éducation pour remplir l'obligation d'accueil des enfants par l'Education nationale. En effet, trop d'enfants handicapés ne sont pas scolarisés faute d'auxiliaire de vie scolaire. Plus de 9000 postes seront donc créés.

Il n'est pas possible d'apporter des réponses catégorielles dans le cadre de la discussion budgétaire. Mais je sais, Madame la ministre, que vous avez présenté des dispositions en faveur des personnes autistes, des polyhandicapés ou des traumatisés crâniens.

Ce budget n'est qu'une étape avant le vote de la loi. Sensible aux efforts qui sont les vôtres, le groupe UMP le votera dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Blisko - Même si une bonne partie du financement de la santé relève du PLFSS, le désengagement de l'Etat dans l'organisation des soins a pris une ampleur inégalée jusqu'à présent. Ce budget se traduit ainsi par une baisse sensible des crédits par rapport à 2004. L'excellent rapport de M. Bapt fait apparaître que l'organisation des soins est la grande perdante de ce projet de loi de finances.

Serait-il plus logique que l'assurance maladie ou les collectivités territoriales assument ces dépenses ? Non, il est dommageable de leur abandonner la charge de l'investissement hospitalier : seuls 10 millions de crédits de paiement sont prévus à ce titre sur votre budget.

La rationalisation de l'offre de soins hospitaliers entreprise par les ARH depuis sept ans exige que ces agences - qui viennent de recevoir la mission de veiller à la généralisation de la tarification à l'activité - soient renforcées en moyens humains et matériels pour assumer leur mission traditionnelle de définition du Schéma régional d'organisation sanitaire et social, mais aussi une mission d'expertise et d'appui à l'investissement hospitalier.

Une organisation hospitalière nouvelle dans une région doit être portée par les élus locaux, les communautés médicales, voire les patients et les citoyens. On sait les sacrifices que consent une commune quand elle ferme ou transforme un hôpital. Le projet ne peut réussir que si les usagers et les professionnels de la santé perçoivent, en échange de ce sacrifice, une nette amélioration des soins et des conditions de travail. Point de restructuration réussie, de rapprochement de plateaux techniques, de fusion d'équipes sans une sorte de « gagnant-gagnant » où l'investissement vient compenser les sacrifices demandés.

L'application généralisée de la T2A à l'horizon 2007-2008 requiert un peu de doigté. Président du Conseil d'administration d'un hôpital qui emploie 2300 personnes, je pense qu'il faut gérer la durée et prendre en compte les spécificités de chaque hôpital. L'Union régionale des Hôpitaux d'Ile-de-France a fait des projections au printemps : avec la T2A, les deux tiers des établissements publics franciliens auront des budgets déficitaires.

Pour la partie médico-chirurgicale de l'hôpital que je préside, la première année de tarification à la T2A, qui ne portait que sur 10 % du budget, a déjà entraîné 4 % de déficit. Si l'on suivait le rythme préconisé par l'ARH, on serait à 40 % ! On ne peut prétendre restructurer des hôpitaux en trois ans ni avancer vers la carte hospitalière rationalisée avec de tels déficits.

Je plaide pour qu'on examine ce rythme et ce calendrier de près. N'avez-vous pas vous-même, Monsieur le ministre, fait verser des fonds exceptionnels au CHU de Toulouse?

M. le Ministre - Je l'ai beaucoup aidé.

M. Serge Blisko - La T2A ne doit pas être vécue comme une contrainte budgétaire supplémentaire mais comme une reconnaissance des efforts de rationalisation que consentent presque tous les hôpitaux aujourd'hui. Comment imaginer qu'une telle réforme réussisse avec des hôpitaux en report de charges ou dont l'équilibre budgétaire est artificiel? La T2A pourrait fonctionner si l'offre de soins bénéficiait d'investissements complémentaires.

Les élus qui président les hôpitaux, les directeurs, les syndicats, ont le sentiment qu'on leur demande beaucoup de sacrifices.

M. le Ministre - C'est vrai.

M. Serge Blisko - Ils y sont prêts, parce qu'ils savent que la santé a un coût élevé et que notre système qui consiste à admettre tout le monde à l'hôpital, sans considération de fortune, d'âge ou de pathologie, mérite d'être défendu. Ils sont aujourd'hui inquiets car ils n'ont pas l'impression que la gravité de la situation ait été comprise.

Je vous remercie de dissiper leurs doutes en annonçant es mesures budgétaires qui s'imposent.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Modeste, ce budget est loin de refléter la politique de la santé de la nation. Nous venons en effet de débattre de la loi de financement de la sécurité sociale. Les dépenses remboursées par l'assurance-maladie sont estimées à 134,9 milliards et les dépenses courantes de santé à 160 milliards.

Le budget du ministère se limite quant à lui à 11,18 milliards, intégrant d'ailleurs les agrégats développement social, intégration et lutte contre les exclusions. Les crédits concernant la santé diminuent, passant de 8,6 à 7,5 milliards.

Permettez-moi de commencer par deux regrets : d'abord, les modifications de chapitres et de lignes empêchent les comparaisons d'une année sur l'autre. Ensuite, les quelques mesures nouvelles présentées chaque année font immanquablement l'objet de gels ou d'annulations sans débat parlementaire. J'émets donc le vœu que votre budget soit cette année épargné par ces gels hivernaux.

La santé est l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Ils sont inquiets, à juste titre, et je déplore à nouveau que vous ayez choisi de reporter sur les générations futures le déficit cumulé.

Tous les secteurs sont en crise. Nous obtenons des résultats médiocres dans le domaine de la prévention et de l'éducation à la santé. Mais en matière de permanence des soins, d'urgences, de possibilité de consulter un médecin sur l'ensemble du territoire, de problèmes hospitaliers, les Français attendent beaucoup de vous.

Des lois ont été votées, des décrets sont en cours de publication. Suffiront-ils à résoudre les problèmes ? Vous avez renforcé l'étatisation avec un proconsul nommé en conseil des ministres, un « super-préfet » de la santé, en vous abritant derrière un pseudo-paritarisme rénové. Nous sommes bien loin d'une vraie responsabilisation des acteurs.

A l'UDF, nous pensons au contraire qu'il faut prendre en compte les besoins, et surtout impliquer tous les acteurs dans les décisions en amont et dans la gestion en aval. C'est pourquoi nous prônons une réelle régionalisation de la santé avec des conseils régionaux de santé délibératifs et un exécutif régional regroupant tous les secteurs de la santé.

Vous n'avez pas choisi cette voie, vous avez surtout accru la confusion au niveau régional, avec la création des GRSP présidés par le préfet.

Vous avez ainsi creusé le fossé entre le soin et la prévention, ce qui est absurde. Vous avez confié au préfet - dans les faits, au DRASS - la présidence de ce groupement alors que l'ARH est nommée en conseil des ministres. Comment un tel groupement fonctionnerait-il ?

Vous n'en avez pas profité pour clarifier les rôles respectifs des préfets, des DRASS, des DDASS, des ARH.

Vous pourriez déjà fusionner les DRASS et les DASS du département siège de la région et ainsi optimiser les moyens humaines et financiers, confier aux ARH la politique de la santé et aux DDASS la politique de la ville et de la solidarité.

Mais il faudrait une volonté forte et, hélas, vous ne disposez pas de moyens considérables. Qu'il me suffise d'évoquer la grande détresse des médecins inspecteurs de la santé dont les tâches s'alourdissent sans que leur action soit pour autant reconnue.

Nous attendons vos réponses sur des sujets majeurs : permanence des soins, rémunération des astreintes, coordination SAMU-pompiers-ambulanciers , démographie médicale, mise en œuvre effective de la formation médicale continue, responsabilisation des conseils d'administration des hôpitaux, prise en compte de la pénibilité et de la responsabilité des tâches, urgence d'un rebasement budgétaire pour s'engager dans la tarification à l'activité. Qu'en sera-t-il précisément des investissements alors que l'Etat semble se désengager ?

Cette Haute autorité doit être l'un des organes essentiels de la réforme. Nous sommes à ce propos étonnés de la discordance entre une nomination très solennelle et un rôle seulement consultatif. Nous aurions souhaité également qu'il s'agisse réellement d'une autorité scientifique indépendante. Le sera-t-elle?

M. le Ministre - Oui.

M. Jean-Luc Préel - Aura-t-elle les moyens de fonctionner alors que vous lui octroyez 1,6 million et cinq emplois complémentaires ?

L'UDF plaidait pour la création d'un « INSEE de la Santé » plutôt que pour un Institut des données de santé car les professionnels ne font pas confiance aux caisses, lesquelles ne souhaitent pas que les URML disposent des données. Il nous paraissait en effet nécessaire de disposer d'un organisme scientifique chargé de recueillir toutes les données, de les traiter et de les mettre à disposition de tous. Cet organisme aurait pu par exemple regrouper les services informatiques existants, notamment ceux de la CNAM. Vous avez choisi un Institut des données de santé anonymisées mais vous y croyez si peu que vous lui accordez seulement 100.000 euros.

Nous saluons en revanche la création d'un Institut pour le cancer. La lutte contre ce fléau est ainsi dotée de 21 millions supplémentaires mais il est également nécessaire d'obtenir une meilleure participation des femmes au dépistage du cancer du sein, de mettre en œuvre le dépistage du cancer du colon et du rectum. Il est en outre indispensable de renforcer la lutte contre les facteurs de risque notamment l'alcool et le tabac. Il ne faut donc pas remettre en cause la loi Evin.

M. Jean-Marie Le Guen - Très, très bien !

M. Jean-Luc Préel - La réforme de l'assurance maladie autorise une bien timide régionalisation, mais comment seront mises en œuvre les missions régionales et comment seront expérimentées les ARS? La prévention, l'éducation, la formation seront-elles intégrées dans leur périmètre d'action ? Comment expérimenter les ARS qui doivent conduire à une fongibilité des enveloppes hospitalières et ambulatoires? Cette expérimentation s'accompagnera-t-elle de conseils régionaux de santé délibératifs contrôlant l'exécutif? Quels moyens avez-vous prévu pour cette expérimentation ?

La lutte contre la toxicomanie est présentée à juste titre comme l'un des axes majeurs de la politique gouvernementale. La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie doit être le fer de lance de l'action gouvernementale. Or sa dotation budgétaire pour 2005, d'un montant de 38 millions, est en baisse par rapport à 2004. Souhaitons que ces crédits soient épargnés lors des régulations budgétaires.

Depuis le début de l'épidémie, le sida a tué 20 millions de personnes dans le monde et près de 35 000 personnes en France. Aujourd'hui, on estime à 120 000 le nombre de porteurs du virus dans notre pays. Malgré les plans de lutte contre l'infection et les progrès médicaux, la maladie ne recule pas assez et la vigilance se relâche. Il est plus que jamais nécessaire que le Gouvernement mette en œuvre une politique ambitieuse axée sur la prévention et l'information.

En remplaçant une partie des crédits alloués à la CMU par un crédit d'impôt au titre des contrats d'assurance complémentaire de santé individuels, le Gouvernement a pratiqué un tour de passe-passe budgétaire visant à abaisser ses recettes tout en diminuant ses dépenses pour donner l'impression que ces dernières se stabilisent. Or, cette opération se réalise au détriment des considérations sociales qui doivent présider à la CMU, alors que les plus démunis n'y ont toujours pas accès. La mise en œuvre d'une aide personnalisée à la santé qui supprime l'effet de seuil ne serait-elle pas préférable ?

L'aide médicale d'Etat permet chaque année à des personnes étrangères en situation irrégulière de bénéficier de soins urgents. Il semble néanmoins que la dotation votée en loi de finance initiale se révèle chaque année insuffisante et que des crédits supplémentaires doivent être attribués en loi de finances rectificative. Ainsi, en 2004, 233 millions avaient été votés en LFI, puis 410 en LFR. Il convient donc de corriger au plus vite cette mauvaise pratique budgétaire.

Le secteur de la santé connaît aujourd'hui une crise profonde et vous ne pouvez tout résoudre en quelques mois avec un budget limité. Je vous ai néanmoins posé quelques questions et j'attends vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Marie Le Guen - Ces propos sont très intéressants.

M. Edouard Courtial - Je centrerai mon propos sur le volet « famille ». Certes, les crédits consacrés à la famille tiennent en deux lignes dans le « bleu » budgétaire ; certes, le budget du ministère de la famille et de l'enfance ne représente que la partie émergée de l'iceberg de la politique familiale, dont les grandes lignes sont tracées par le PLFSS. Mais ne boudons pas notre plaisir de voir que les crédits d'Etat consacrés à la famille devraient augmenter de plus de 12 %.

Hors budget du défenseur des enfants, les dépenses en faveur de la famille s'élèveront à 1,60 milliard en 2005. Les dépenses de transfert en faveur des familles fragilisées constituent encore l'essentiel du budget. Les dotations de l'Etat à la branche famille de la Sécurité Sociale pour le paiement de l'Allocation de Parent Isolé et les dépenses versées aux gestionnaires des tutelles et curatelles représenteront en effet plus de 97 % des dépenses. Par ailleurs, nous nous félicitons de la hausse des dépenses d'intervention : en deux ans, elles ont augmenté de près de 20 %, passant de 22,7 à 27,1 millions d'euros.

Trois millions sont dédiés au financement de mesures nouvelles qui traduisent deux engagements forts du Gouvernement. Le premier d'entre eux concerne le lancement d'une véritable politique de l'adolescence à travers la création d'un réseau de maisons de l'adolescence. Le PLF prévoit des aides de l'Etat au démarrage des premières structures afin de financer des dépenses d'équipement ou d'investissement réalisées par des collectivités locales ou des associations. D'autres mesures en faveur de l'adolescence ont déjà été transcrites comme la mise en place d'une consultation médicale gratuite en classe de 5e. Enfin, il convient de souligner l'introduction d'un dispositif d'exonération fiscale en faveur des 16-17 ans qui effectuent des stages en entreprises pendant leurs congés scolaires ou universitaires.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - C'était une mesure très attendue.

M. Edouard Courtial - Le deuxième engagement concerne la relance de la politique de l'adoption à travers deux mesures principales : la création d'une agence française de l'adoption d'une part et le soutien financier des organismes autorisés pour l'adoption d'autre part. Je tiens à signaler également que la prime d'adoption double et que le plafond des dépenses éligibles à la réduction d'impôts pour l'emploi d'un salarié à domicile est relevé et passe de 10 000 à 15 000 euros.

Je rappelle enfin la création, en 2004, de la Prestation d'Accueil du Jeune Enfant, la création du crédit impôt familles pour les entreprises, le lancement du «plan crèches» prévoyant 20 000 nouvelles places, la mise en place des points « Infos-familles », le renforcement du dispositif de protection de l'enfance. Le Gouvernement a compris qu'une vraie politique familiale doit poursuivre deux objectifs complémentaires : la compensation des charges de familles et la redistribution en faveur des familles les plus fragiles.

Il convient également de mentionner la réforme de la législation du divorce et le développement de la médiation familiale. Pour que les engagements soient tenus, il faut concrétiser les espoirs des assistants maternels et le groupe UMP se réjouit que le projet de loi relatif à cette profession soit examiné avant la fin de l'année.

A mi-législature, le bilan du Gouvernement est bien meilleur que celui de la précédente majorité - mise sous conditions de ressources des allocations familiales...

M. Jean-Marie Le Guen - Que vous avez supprimées !

M. Edouard Courtial - ...suppression de la disposition ouvrant droit aux allocations familiales jusqu'à 22 ans, et je suis loin d'être exhaustif.

La famille est la pierre angulaire d'une société dont les nombreux maux proviennent de sa fragilisation. La politique familiale doit donc dépasser la seule aide aux familles qui vise en général à atténuer des dysfonctionnements maintes fois constatés.

Une politique familiale doit également être préventive. C'est le cas lorsqu'elle œuvre pour la conciliation de la vie familiale et professionnelle. Il faut approfondir cette piste en s'inspirant des exemples étrangers : la promotion du temps partiel aux Pays-Bas, le système très généreux de congé de maternité ou de paternité au Danemark, les heures d'ouverture des gardes collectives en Belgique par exemple. Dans le même esprit, il est indispensable de responsabiliser les familles et de développer la solidarité intergénérationnelle. La politique familiale n'a pas qu'un aspect économique et social : elle répond également à des questions de société et philosophiques. La tenue d'une conférence de la famille sur ces thèmes serait souhaitable.

J'ai bien conscience de m'être éloigné des questions strictement budgétaires : le groupe UMP considère qu'il s'agit d'un bon budget et le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées va bientôt être discuté en deuxième lecture. Je m'attacherai donc à ce volet du budget.

Si l'on peut relever des avancées, pour illustrer le caractère prioritaire qu'a donné le Président de la République au dossier des personnes handicapées, l'on peut aussi avoir des craintes sur l'application réelle des mesures annoncées. Il se confirme en effet que le plan triennal 2001-2003 n'a pas été complètement réalisé : 2,3 millions prévus pour 2003 ont été supprimés et l'enveloppe pour accompagner la fusion des Cotorep n'a pas été reconduite. L'expérience aurait pourtant été intéressante pour la mise en place des commission des droits et d'autonomie. En 2004, on se réjouissait de l'augmentation de plus de 1,2 millions des crédits consacrés aux travailleurs handicapés, après un gel de 3 millions pour 2003. Or, vous nous proposez de voter aujourd'hui une diminution de presque un million ! En 2000, le ministère avait mobilisé des moyens complémentaires pour le fonctionnement des Cotorep. Aucun crédit nouveau n'aura été inscrit au budget en 2003 et en 2004, et il en sera certainement de même pour 2005.

Deux sujets suscitent beaucoup d'espoirs : la scolarisation des enfants en situation de handicap et l'accueil des enfants les plus lourdement handicapés. Le code de l'éducation institue une obligation éducative pour les enfants handicapés et fixe comme objectif leur intégration en milieu scolaire ordinaire, sans instituer pour autant d'obligation scolaire. Le ministère de l'éducation nationale a néanmoins présenté, en 2003, un plan d'accueil des élèves handicapés qui améliore la continuité des parcours scolaires, développe la formation spécialisée des enseignants et prévoit des moyens humains et techniques. Aujourd'hui, il est encore difficile de savoir si ces moyens sont réellement mobilisés, ou s'il ne s'agit que d'un effet d'annonce. Après la suppression des emplois jeunes, nous n'avons en effet aucun moyen de savoir si les 6 000 postes d'auxiliaires de vie scolaire annoncés sont nouveaux, ou s'ils reprennent des postes qui ont été supprimés. Pour reprendre la Convention internationale des droits de l'enfant, l'enfant handicapé est d'abord un enfant, et parce qu'il est handicapé, il doit se voir garantir des prestations spécifiques. A la lecture de votre budget, les prestations que vous lui réservez doivent être bien modestes ! L'année 2005 verra l'application de la loi sur l'égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées. Nous espérons un effort tout particulier pour traduire concrètement cette priorité présidentielle. Comme les familles, les associations et les professionnels, nous demandons des moyens financiers réels pour apporter les réponses que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Leteurtre - Je m'arrêterai moi aussi sur les crédits consacrés au handicap. J'avais, l'an passé, demandé qu'un seul document budgétaire regroupe l'ensemble de ces crédits, qu'ils proviennent des différents ministères concernés ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela nous aurait permis de connaître enfin l'exact montant des politiques du handicap. Votre prédécesseur avait pris cet engagement, et même s'il n'engageait qu'elle, il est regrettable qu'il ne soit pas rempli. A l'heure de la décentralisation des politiques du handicap, je vois mal en effet comment les Conseils généraux vont pouvoir s'y préparer s'ils ignorent encore le montant des obligations financières qui vont leur être transférées. Vous avez, Madame la ministre, indiqué devant le Sénat que si les crédits s'avéraient insuffisants, il appartiendrait aux Conseils généraux de les abonder. C'est un peu facile, alors que l'Etat n'est même pas en mesure de donner une image des crédits qu'il engage ! Par ailleurs, nous ne savons toujours rien de plus sur la répartition des 800 millions tirés de la journée de solidarité. Quelle sera la part consacrée à la nouvelle prestation de compensation ? Des crédits seront-ils également affectés à l'ambitieux programme de création de places que vous avez annoncé ? En un mot, l'Etat n'est-il pas en train de faire des promesses qu'il fera payer par les autres ?

Enfin, l'examen en deuxième lecture, au Sénat, du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est achevé. A quel date reviendra-t-il devant l'Assemblée ? Au train où vont les choses, rien ne sera mis en place avant 2006 ! C'est d'autant plus grave que nous attendons toujours le projet de loi sur le statut de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Nous sommes dans le flou sur trop d'aspects pour que les personnes en situation de handicap soient rassurées. Le Sénat, notre assemblée et le Gouvernement ont suscité de grands espoirs en ouvrant ce dossier, dont le Président de la République a fait une de ses priorités. Mais le temps passe, et le chantier n'avance pas vraiment. Il est indispensable de nous rassurer, tant quant au calendrier qu'au fond de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Mansour Kamardine - Le budget sur la santé, la famille et les personnes âgées et handicapées traduit clairement l'ambition du Gouvernement. Avec 8,63 milliards, il est en hausse de 5 % par rapport à 2002 et reste stable par rapport au budget précédent. C'est une source de satisfaction : dans un contexte contraint, le fait que votre ministère bénéficie à nouveau de moyens importants traduit la priorité accordée à la santé publique. Il ne gère plus notre système de santé à court terme, avec des plans conjoncturels, mais met en œuvre une politique novatrice et inscrite dans la durée.

Ce budget s'en donne les moyens, en instaurant ce que l'excellent rapport de Mme Poletti qualifie de « nouvelle gouvernance du système de santé ». Votre projet parle aux malades et à tous ceux qui souffrent. Il apporte de vraies réponses aux difficultés de nos compatriotes. Les handicapés attendent avec impatience la grande loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui doit bientôt revenir dans cet hémicycle. Dans le même esprit, le Gouvernement a su prendre ses responsabilités en faisant adopter la réforme de l'assurance maladie. C'est à son honneur que d'avoir su mettre un terme à la dérive que nous connaissions.

Vous avez inauguré une nouvelle approche de la politique de santé avec la loi du 9 août 2004. Après la justice et la sécurité, la santé publique a eu à son tour sa loi de programmation ! Elle nous incite à appréhender différemment la santé publique et le rôle que doit jouer l'Etat, en particulier après les crises sanitaires de ces dernières années. Jusqu'à présent, notre politique était trop axée sur le curatif et pas assez sur le préventif, faisant de la France un pays paradoxal où le système de santé est l'un des plus performants mais où la mortalité des moins de 65 ans est une des plus fortes - je pense notamment au suicide ou au cancer.

La loi de programmation fixe un cap et des objectifs clairs pour les cinq années à venir en clarifiant le rôle de l'Etat, en favorisant le rapprochement des acteurs publics et privés de la santé, et en créant une nouvelle formation au travers de l'école des hautes études en santé publique. Le budget traduit cette nouvelle approche en consacrant plus de 26 millions à ces politiques. Ainsi, les moyens consacrés au « plan cancer » correspondent à la feuille de route fixée par le Président de la République : 32 millions seront alloués à l'Institut national du cancer et les moyens affectés permettront de poursuivre les programmes de dépistage précoce, dépistage qui doit devenir la règle et non plus l'exception. Ces efforts devront être soutenus et amplifiés à l'avenir.

A la lutte contre cet autre fléau qu'est le sida, 57 millions sont consacrés et d'importants efforts sont consentis pour financer le plan quinquennal de lutte contre la toxicomanie. Il le fallait, au risque, sinon, de se rendre coupable de non-assistance à jeunesse en danger.

L'autre innovation de ce budget tient à la réforme des dispositifs d'alerte et de sécurité sanitaires dont le plan national « santé environnement » est la parfaite illustration ; 3,5 millions lui seront consacrés. Toujours dans le domaine de la prévention, la création de l'Agence de biomédecine et celle de la Haute autorité de santé consacrent une nouvelle organisation plus rationnelle et donc plus efficace.

Le deuxième axe du budget porte sur l'amélioration de l'accès aux soins et de leur qualité, ce qui suppose des structures adaptées aux besoins des territoires. Sont ainsi créés des groupements régionaux de santé publique et des agences régionales de santé. L'urgence était avérée, tant la disparité de la répartition territoriale de l'offre de soins était criante. De par l'inertie du gouvernement précédent, un sentiment d'insécurité sanitaire gagnait ; il fallait agir.

Le Gouvernement a su prendre ses responsabilités pour assurer l'égal accès aux soins pour tous les Français. En ma qualité d'élu de Mayotte, je tiens à saluer l'extension du bénéfice de la sécurité sociale pour les Mahorais, qui fera de 2004 une année historique pour eux. La réforme ainsi engagée constitue un progrès considérable, mais des améliorations urgentes sont encore nécessaires pour en renforcer l'efficacité. Ainsi convient-il de mettre un terme au tri infirmier et à la gratuité des soins dans les hôpitaux tout en réorganisant la délivrance des médicaments dans ces établissements. Il faudra aussi que soit signée dans les meilleurs délais la convention prévue avec les professions libérales. Quelle est la position personnelle du ministre sur ces points ?

Chacun sait, par ailleurs, que si la famille n'est pas bien portante, la santé de ses membres en pâtit. C'est pourquoi j'ai proposé le déplafonnement des allocations familiales à Mayotte. En 2002 déjà, Mme Fontaine, alors présidente du Parlement européen, s'était émue de l'injustice dont étaient victimes les enfants français de Mayotte. Le Président de la République a donné des instructions tendant à mettre un terme à ces discriminations inacceptables, mais la décision présidentielle se heurte au refus de certaines administrations centrales - confortées par un avis de l'IGAS - pour des raisons inavouables. Quelle est donc, dans une démocratie, la décision la plus légitime : celle du Président de la République, ou celle des administrations centrales ?

Le chapitre mahorais de mon intervention étant clos, je rappelle que la loi du 13 août dernier a institué un crédit d'impôts qui bénéficiera aux personnes jusqu'ici empêchées de bénéficier de la CMU par un effet de seuil. C'est l'une des dispositions les plus heureuses de cette loi car elle permettra à quelque deux millions de nos compatriotes de bénéficier désormais d'une couverture complémentaire. C'est un autre des engagements du chef de l'Etat qui est ainsi rempli, et je tiens à saluer le pragmatisme et l'humanité de cette mesure.

Davantage de justice et d'humanité, des moyens mieux employés, au plus près des besoins, dans un mouvement de réforme audacieux : en un mot, aurais-je dit au docteur Douste-Blazy...

M. Jean-Marie Le Guen - Il n'est pas là ! Il a dû prendre un hélicoptère pour répondre à une urgence médicale !

M. Mansour Kamardine - ...votre diagnostic sur l'état de la santé publique est juste, et le remède efficace. Voilà pourquoi le groupe UMP adoptera avec enthousiasme ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Comment la représentation nationale pourrait-elle juger le budget qui nous est présenté alors que le Gouvernement multiplie les annonces comme si les fonds étaient illimités ? Ainsi, comment devons-nous interpréter l'annonce faite aujourd'hui même d'un « plan périnatalité » auquel seraient alloués 160 millions en 2005, alors que le projet qui nous est soumis ne dit pas un mot d'un tel programme ! De quoi s'agit-il exactement ? Comptez-vous dépenser une telle somme sans contrôle parlementaire ou s'agit-il simplement de mots ? Peut-être comptez-vous procéder à des redéploiements, mais dans ce cas, lesquels ? Une fois encore, comment pourrions-nous débattre sérieusement d'un budget mis à mal avant même d'être voté ? Evidemment, on pourrait trouver logique que vous demandiez au proconsul que vous avez désigné d'appliquer votre politique de la santé ; mais, dans le même temps, vous expliquez que si l'assurance maladie est désormais responsable de ses choix, l'Etat demeure garant de son action. Chacun sait que cette supposée séparation des pouvoirs n'est qu'une fiction ; dans ces conditions, dites-nous donc où vous trouverez le financement des politiques nouvelles que vous ne cessez d'annoncer !

Il est vrai que, dans certains cas, on sait à quoi s'en tenir. Ainsi du plan Biotox, qui sera financé par l'assurance maladie. En revanche, l'Etat se désengage de l'indemnisation des victimes de l'amiante, même dans le cas où sa responsabilité morale et sa responsabilité d'employeur sont engagées : rien ne figure à ce sujet dans le projet qui nous est soumis ! Autant dire que ces chassés-croisés permanents rendent notre discussion irréaliste, sinon surréaliste.

Vous vous flattez d'une augmentation de votre budget qui n'est pas de nature à nous satisfaire. On peut, certes, imaginer que, demain, la politique de santé mobilisera les crédits de l'assurance maladie. En revanche, on ne peut accepter que l'Etat se désengage du financement de la CMU ; pourtant, c'est exactement ce qui se passe. Et comment accepter l'impasse budgétaire sur la sécurité sanitaire ? Comment accepter que le Gouvernement ne finance pas ce qu'il affirme être ses priorités et, même, qu'il revienne sur sa parole ? Ainsi, l'un des points positifs de la loi de santé publique portait sur l'épidémiologie et la santé au travail. Mais qu'avons-nous appris la semaine dernière ? Que les crédits de ce chapitre ont été supprimés dans le budget de l'INVS !

Dans le même temps, certains postes budgétaires augmentent. On consacre ainsi 32 millions à l'Institut national du cancer. Lors de la discussion du PLFSS, j'avais demandé comment fonctionnerait ce nouvel organisme, redoutant que vous ne soyez en passe de créer une nouvelle bureaucratie. Je constate n'avoir toujours aucune réponse. On imagine que les 32 millions prévus ne constitueront pas, à eux seuls, les crédits alloués à la lutte contre le cancer ; à quoi serviront-ils donc ? Comment fonctionnera l'Institut ? Nul ne le sait, si bien qu'une fois encore, le contrôle parlementaire ne peut s'exercer.

Par ailleurs, pour ce qui est de pratiquer une solidarité exemplaire, nous attendons toujours que l'aide médicale d'Etat fonctionne normalement. Le décret n'est toujours pas paru. Sans doute faut-il en redouter le contenu, mais le minimum serait de pouvoir en juger. En commission des finances on a parlé d'un forfait hospitalier de 10 euros pour ces populations qui ont besoin de soins d'extrême urgence sans avoir les moyens d'en assumer le coût. On nous parle d'abus de la part de personnes aisées venant de l'étranger. Un rapport de l'IGAS aurait pu le démontrer et on aurait pu les déférer devant la justice pénale. Mais en tout état de cause, on n'équilibrera pas cette captation grâce aux dix euros demandés à ceux qui sont dans le besoin, et qui auront vraiment plus de mal à accéder aux soins.

Absence de transparence, de justification de vos orientations, absence de générosité et d'efficacité de votre politique nous amènent à voter résolument contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Edouard Landrain - Ce budget est l'un des meilleurs que j'ai connus en dix-sept ans, et bien entendu je le voterai. Mais à cette occasion je voudrais interroger le ministre sur les hôpitaux de proximité - petits hôpitaux, dit-on, mais riches d'humanité.

Quand un hôpital dessert 80 000 habitants, accueille 18 000 urgences et fait 700 accouchements par an ; quand il joue le jeu du réseau avec les centres régionaux, qu'il coûte finalement moins cher puisqu'il limite les déplacements et circonscrit plus aisément les maladies nosocomiales ; quand il rend service à la population, mais qu'il n'entre pas dans le désir de réforme grandiose d'une ARH, qui veut le supprimer, alors, Monsieur le ministre, vous qui voulez cette proximité, êtes-vous vraiment entendu ?

Cet hôpital est aussi le lieu de rencontre des médecins ruraux. N'est-ce pas céder à la facilité que de l'effacer du budget ? Dans ce domaine, il faut savoir raison garder. Ne renouvelons pas les outrances de la fin des années 1980, quand le ministre, aujourd'hui président de la fédération hospitalière de France, voulait supprimer brutalement tous ces hôpitaux . Je sais que vous comprenez ces problèmes. Si vous voulez voir cette réalité, venez visiter le centre hospitalier Francis Robert à Ancenis. Mais il existe d'autres exemples en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Si une formule peut caractériser ce budget c'est bien le désengagement de l'Etat, plus ou moins masqué par les mesures de décentralisation.

C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les personnes âgées. Certes, au regard du PLFSS ou des fonds de la nouvelle caisse de solidarité pour l'autonomie, votre budget ne représente qu'une part marginale dans le financement de cette politique. Mais était-il besoin de couper si brutalement des crédits déjà modestes ?

Les crédits relatifs aux personnes âgées passent de 41,7 millions en 2004 à 17 millions l'an prochain. Il y a certes transfert de responsabilités aux départements. Mais pour quel montant global ? Ils aimeraient le savoir. En tout cas, le nombre de CLIC - les commissions locales interministérielles de coordination- est insuffisant si l'on veut mener une véritable politique de proximité. Si l'on compare ce qui peut l'être, les crédits pour la modernisation des établissements d'accueil des personnes âgées en perte d'autonomie reculent de 9 %. Vous préférez transférer les charges plutôt que de financer une politique plus efficace. Vous ne respectez donc pas les engagements pris dans le plan « vieillissement et solidarité ».

D'autre part, comment faire en sorte que le coût des travaux d'amélioration des établissements ne se répercute pas sur le prix de journée ? C'est une question angoissante pour les familles. Il semble qu'un rapport de l'IGAS vous ait été remis. Pouvons-nous en avoir rapidement les conclusions ?

Enfin, au moment où l'on parle beaucoup de lutte contre le cancer, je voudrais insister sur la maladie d'Alzheimer. Vous annoncez un plan. Mais je ne retrouve pas dans le budget les 88 millions prévus. C'est de toute façon bien peu face aux 850 000 cas recensés, aux 165 000 cas déclarés chaque année. Certes, il faut créer des centres d'accueil de jour, et vous prévoyez 15500 places fin 2007. Mais il faut aussi trouver des moyens, sinon certains de ces établissements resteront vides. Je le constate à Paris, où il est difficile de régler les 50 à 60 euros demandés par jour.

Comptez-vous en rester là ? Il faudrait avancer, tous ensemble, pour mettre en place une politique d'une toute autre envergure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre-Christophe Baguet - Que font les gouvernements successifs pour les familles ? A cette question vitale, la réponse est bien peu encourageante depuis plusieurs années.

Une fois de plus, les familles sont les grandes perdantes, malgré quelques arbitrages favorables. Certes on a relevé le plafond de déduction pour l'emploi d'un salarié à domicile et allégé les droits de succession. Mais la hausse des prélèvements sociaux liée à la réforme de l'assurance maladie et au plan dépendance pèsera sur les revenus des familles.

Quant aux dépenses en leur faveur, l'effort n'est guère significatif. Le financement prévu pour les 190 000 bénéficiaires de l'allocation de parent isolé et les 180 000 personnes sous tutelle ou curatelle est du même ordre que précédemment.

Les autres dispositions sont de toute évidence assez modestes, qu'il s'agisse de la prime d'adoption ou de la PAJE, même si les volumes sont énormes.

On ne ressent pas plus aujourd'hui qu'hier l'ambition d'une véritable politique familiale. Certes, plusieurs projets de loi ou mesures ont, cette année, concerné de près ou de loin la famille, mais de biais et sans vision d'ensemble, de sorte qu'une mère de famille n'y retrouverait pas ses petits ! Il manque une ou des mesures phares, porteuses d'une grande ambition nationale.

Pourtant, notre pays connaît une situation démographique alarmante : le taux de natalité est tombé à 12,7 pour mille et le taux de fécondité - 1,9 par femme - est en dessous du seuil de renouvellement des générations. D'ailleurs, M. Borloo a parlé en commission de « choc démographique terrible entre 2007 et 2012 »

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance - En Europe.

M. Pierre-Christophe Baguet - De fait, la progression démographique de l'Union européenne - 0,3 % en 2003 - est trois fois inférieure à celle des Etats-Unis. Avec une population de plus en plus réduite, la « vieille Europe » risque de peser de moins en moins dans le monde. C'est une menace géopolitique dont notre pays ne semble pas avoir conscience.

Mme la ministre - Si.

M. Pierre-Christophe Baguet - Aujourd'hui, l'environnement économique et social est défavorable aux familles : à salaire égal, un couple sans enfant vit mieux qu'une famille, est-ce normal ?

Un pays sans natalité risque son existence même. Faire le choix d'une politique familiale ambitieuse, c'est faire le choix responsable d'assurer l'avenir à long terme de noter pays. Il en est de notre responsabilité collective. Madame la Ministre, je vous fais confiance, je nous fais confiance : travaillons ensemble à cette grande ambition nationale que doit être la famille.

Je vais maintenant vous lire le discours de M. Lachaud, qui a dû partir précipitamment.

L'année 2005 sera capitale, puisque ce sera celle de l'adoption de la nouvelle loi d'orientation sur le handicap, dont nous espérons tous qu'elle sera volontariste et courageuse, à la hauteur des attentes des personnes handicapées et de leurs familles. C'est un chantier immense.

Ce budget pour 2005 comporte assurément des dispositions positives, en particulier les 3000 nouvelles places de CAT et la poursuite de l'effort concernant les postes d'auxiliaires de vie.

Au-delà de ces dispositions, le budget pour 2005 doit concrétiser de manière significative la volonté du gouvernement et des parlementaires d'améliorer les conditions de vie des personnes handicapées. Nous attendons beaucoup de la refonte de la loi de 1975 : une grande réforme du système d'allocation, la prise en compte de nouvelles formes de dépendance, la reconnaissance effective et le traitement du handicap physique, un accompagnement réel de la personne handicapée dans son projet de vie, un meilleur dépistage de l'autisme, sans oublier l'accessibilité, indispensable à l'intégration sociale. J'insisterai en particulier sur la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. Elle passe par des effectifs suffisants d'auxiliaires de vie scolaires - et universitaires. C'est en permettant la cohabitation entre enfants handicapés et enfants ordinaires que nous ferons naître chez ces derniers une autre perception du handicap.

Si l'intégration passe d'abord par le respect du droit à l'éducation et à la scolarisation, elle passe aussi par l'accès au monde du travail. C'est pourquoi il est primordial de mieux articuler les dispositifs de scolarisation et les mesures visant à favoriser l'intégration professionnelle des personnes handicapées. Les ministères de l'Emploi, de la Santé et de l'Education nationale doivent se rapprocher à cet effet. Parce que l'entrée dans la vie professionnelle est un moment clef, faisons en sorte de prévenir toute rupture dans le parcours d'intégration. Outre les assistants de vie scolaires, la création d'un tutorat pour faciliter l'accès à l'entreprise des jeunes arrivés au terme de leur parcours scolaire peut être envisagée.

Nous avons donc face à nous une mission considérable. Il s'agit non seulement de créer des droits nouveaux, mais surtout de leur donner un contenu cohérent, sans décevoir les attentes fortes des personnes handicapées. C'est le dernier budget que nous votons avant la loi refondatrice ; je veux croire qu'un nouveau temps commence, où la compassion et la générosité feront la part belle à l'espoir et à l'acceptation de la différence, à l'école, au travail, au cinéma, dans le bus, dans la rue... Parce que le monde est sans pitié pour les plus faibles, c'est notre rôle de mettre davantage de fraternité et de solidarité dans la société, chaque jour.

M. Jean-Luc Préel - Très bien.

M. Jean-Marc Nesme - Les orientations de la politique familiale actuelle sont bonnes et je voterai ce budget. L'augmentation de 37 % des plafonds de ressources de la prime à la naissance et de l'allocation de base permet d'élargir le bénéfice de la PAJE à la grande majorité des familles. Toutefois, les jeunes mères qui n'ont pas encore eu la possibilité d'intégrer un emploi et celles comptant moins de deux ans d'activité professionnelle sont pénalisées, de même que les mères de famille nombreuse ayant cessé leur activité pendant quelques années pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants. Le dispositif de l'APE leur était plus favorable. Je souhaite donc que les conditions d'attribution du complément de libre choix d'activité puissent être revues afin de ne pas pénaliser ces mères de familles.

J'espère qu'après la rénovation très attendue du statut des assistants maternels et familiaux, un statut parental sera élaboré afin d'offrir une reconnaissance sociale et des droits sociaux aux mères de famille qui élèvent leurs enfants.

S'agissant de la maltraitance, prévoir des lieux de soins et d'écoute spécialisés est une bonne chose mais il serait nécessaire de prendre les problèmes plus en amont. Constater est une chose, prévenir en est une autre. C'est dans cet esprit que j'ai déposé deux propositions de loi. L'une vise à favoriser le développement en milieu hospitalier de services de maternologie, l'autre à lutter contre l'inceste en donnant du crédit à la parole de l'enfant.

Selon de nombreuses études médicales, 10 % des enfants qui viennent au monde, même s'ils sont bien accouchés, naissent mal, parce que le lien mère-enfant ne se fait pas comme il faudrait. Ces enfants peuvent présenter ensuite des maladies psychiques ou somatiques qui se traduiront ensuite par des troubles durables du comportement. De son côté, la femme qui n'éprouve pour son bébé ni émotion, ni tendresse souffre beaucoup, sans oser en parler. Ce désespoir maternel et cette souffrance psychique peuvent avoir des répercussions graves sur le développement du bébé

Aujourd'hui, trop souvent, ces difficultés maternelles graves sont mal soignées car prises pour des dépressions. La dimension psychique de la maternité et de la naissance nécessite une approche médicale spécifique : la maternologie. C'est pourquoi, j'ai proposé de développer des consultations maternologiques dès le séjour en maternité et la création d'unités de maternologie dans chaque département.

Les violences sexuelles commises sur des enfants par les membres de leur famille restent encore une violence invisible et taboue. Actuellement la parole de l'enfant n'est pas suffisamment prise en compte et le bénéfice du manque d'expertises profite bien souvent à l'adulte. Certaines fausses allégations d'abus sexuels ont créé un climat de suspicion autour de la parole de l'enfant, mais ces quelques cas d'enfants manipulés et le comportement de certains experts incompétents représentent une infime minorité. L'affaire d'Outreau ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt.

Aujourd'hui, la mise en place des unités médicales judiciaires en milieu hospitalier, principalement dans certains services pédiatriques, qui permettent de recueillir la parole de l'enfant dans les meilleures conditions, est une grande avancée. Malheureusement ces unités pluridisciplinaires sont encore trop peu nombreuses sur le territoire national.

Il est urgent de poser clairement l'interdit de l'inceste et de le considérer comme un crime. C'est dans cet esprit que j'ai proposé l'imprescriptibilité de tout crime de nature sexuelle commis contre les enfants.

Aujourd'hui, 73 % des signalements de mauvais traitements à caractère sexuel transmis aux autorités administratives par la SNATEM concernent des violences sexuelles commises sur des enfants par les membres de leur famille ou de leur entourage. Ces chiffres sont alarmants. On ne peut continuer à fermer les yeux sur cette réalité.

Il est des violences sur lesquelles les pouvoirs publics restent silencieux, je veux parler de celles contenues dans certains jeux-vidéo, DVD ou cassettes-vidéo, en accès libre pour les mineurs. Alors que les films sont soumis à l'avis de la Commission de classification et que, sous l'impulsion du CSA, les films télévisés sont soumis à un classement selon l'âge, les produits précités ne font, eux, l'objet d'aucune procédure de classification. Il est pourtant établi que ces images violentes ont un impact négatif sur le comportement de certains mineurs. Je demande donc que ces produits soient soumis aux mêmes contrôles que les films.

Enfin les pouvoirs publics ont salué et même participé dernièrement au lancement d'une nouvelle chaîne de télévision à sensibilité homosexuelle, Pink TV. Cette nouvelle chaîne prévoit la diffusion d'un très grand nombre de films pornographiques, dont elle sera le plus gros diffuseur parmi les services de télévision conventionnés en France après la chaîne pornographique XXL. J'ai déposé en mai une proposition de loi concernant l'accès des associations familiales à la télévision et à la radio du secteur public, au même titre que les syndicats, les associations de consommateurs et les partis politiques. A ce jour, je n'ai aucune certitude que ma proposition soit inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée ; je compte sur vous pour cela, Madame la Ministre. Je n'ose penser que notre pays en soit arrivé à autoriser Pink TV et persiste à refuser aux associations familiales quelques minutes d'antenne dans le secteur public de l'audio-visuel. Je vous remercie d'avance de votre réponse à ces différents questions, qui traduisent les préoccupations du mouvement familial français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Louis-Joseph Manscour - Je pense qu'il n'est pas sans intérêt d'entendre un peu la voix de l'outre-mer concernant le budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et des personnes âgées. Celui-ci connaît une hausse de 0,84 % par rapport à 2004. Cette hausse a minima témoigne du peu d'intérêt que votre gouvernement porte aux problèmes de santé et de protection sociale des français, y compris en outre-mer.

Lors de la présentation de votre projet de budget à la presse le 22 septembre, Monsieur le ministre, vous l'estimiez « satisfaisant eu égard aux contraintes globales qui pèsent sur le redressement des finances publiques ». On voit quelles priorités ont guidé sa préparation : les logiques d'équilibre budgétaire l'ont visiblement emporté sur les impératifs de protection sociale. Aussi ce budget ne me semble-t-il pas répondre aux attentes légitimes des personnes fragilisées par la maladie, le handicap où les marques du temps qui passe.

Malheureusement les craintes suscitées par la décentralisation de nombreux outils de politiques sanitaires et sociales et celles exprimées par de nombreux parlementaires lors des débats sur la loi de santé publique, la réforme de l'assurance maladie et la loi créant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, se confirment à la lecture de votre projet de budget. A la vérité tous ces dispositifs sont des signes manifestes du désengagement de l'Etat du champ social et médico-social.

A cet égard, comment ne pas s'inquiéter de la baisse sensible des subventions d'équipement sanitaire, de la diminution des fonds affectés à l'Institut de veille sanitaire, de la nouvelle baisse des crédits de lutte contre les toxicomanies ou encore des coupes franches portées à l'Aide médicale d'Etat ?

Nombre d'éléments viennent corroborer le désengagement de l'Etat de sa mission fondamentale de solidarité. Il faut ainsi déplorer la baisse de 30 % de la dotation de l'Etat au fonds CMU complémentaire, au moment même où la paupérisation s'accentue en France et plus particulièrement en outre-mer. Sur les 4 millions de bénéficiaires de la CMU complémentaire, plus de 600 000 résident dans les départements d'outre-mer, dont plus de 100 000 en Martinique. Imaginez les conséquences de cette baisse de la couverture maladie dans nos départements ultramarins. A cela s'ajoute la diminution de 3 % des crédits inscrits au budget de l'outre-mer pour financer la majoration du plafond CMU complémentaire dans les DOM.

Le désengagement de l'Etat en matière de protection sociale, qui a déjà de graves conséquences en France métropolitaine, cause donc des dégâts bien plus considérables en outre-mer, et singulièrement à la Martinique, où la situation sociale et économique ne cesse de s'aggraver. Les données de l'INSEE sur la Martinique sont parlantes : une personne sur six vit en dessous du seuil de pauvreté, le taux de chômage est de 23 %, un salarié sur six est au SMIC, on compte 30 000 bénéficiaires du RMI, 38 000 familles monoparentales, des milliers de personnes âgées isolées, de graves problèmes de toxicomanie... Ces chiffres devraient vous suffire, Monsieur le Ministre, pour comprendre la véritable crise sociale que peuvent provoquer chez nous des restrictions budgétaires en matière de santé.

Les socioprofessionnels de la santé de la Martinique ne s'y trompent pas, d'ailleurs, et vous interpellent sur de nombreux dossiers. Les centres hospitaliers de la région accusent un retard de quinze ans, reconnu par votre ministère, sur les établissements de métropole alors qu'ils assurent dans les contextes insulaires les mêmes missions. A ce titre, lors des négociations avec les parlementaires et l'Agence régionale de l'hospitalisation, votre ministère s'était engagé, dans le cadre de mesures de rattrapage, à accorder une augmentation de 6 % des charges d'exploitation des hôpitaux. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Quant aux infrastructures, les établissements hospitaliers des Antilles ne répondent pas aux normes parasismiques alors que nous sommes situés dans une zone à haut risque. Vous devez donc intégrer dans les dotations accordées aux hôpitaux les moyens de garantir la sécurité des personnels hospitaliers et des malades.

Enfin les moyens donnés à l'outre-mer par votre ministère sont insuffisants. Je relève dans le jaune budgétaire que les crédits provenant du ministère de la santé destinés aux DOM sont passés de 28,3 millions en 2004 à 22 millions pour 2005, soit une baisse de 22 %. L'outre-mer, et particulièrement les Antilles, méritent mieux de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Debré - Il faut, Madame la ministre de la famille, redonner à la politique familiale toute sa place dans notre société. C'est un impératif national. Or la famille, élément fondateur de la société, est aujourd'hui souvent négligée. Votre budget dépasse à peine le milliard, c'est insuffisant, malgré votre pugnacité. Je salue les mesures que vous avez prises en faveur des familles fragilisées ; et vous avez retenu deux mesures de la Conférence de la famille 2004.

Comme président de la fondation « Santé des étudiants de France », je suis sensible à la situation de notre jeunesse. De ce point de vue la mise en place des premières maisons pour adolescents est une bonne chose, et je souhaite en créer à Paris avec ma fondation.

Le dynamisme de notre pays passe par une politique familiale renouvelée et ambitieuse. Celle-ci devrait être fondée sur l'accueil de l'enfant et les solidarités intergénérationnelles. J'ai quelques propositions à vous faire, Madame la ministre, dont l'incidence financière est minime.

Il faut tout d'abord établir une vraie égalité juridique entre les enfants nés hors mariage et dans le mariage. Il faut réaffirmer le droit pour chaque enfant de connaître son origine, sans quoi le problème sera résolu malgré nous par le développement des études génétiques. Il faut aussi - et je sais que c'est votre combat - faciliter l'adoption en France. Pourquoi adopter un enfant français est-il si difficile ? Les parents doivent se tourner vers l'étranger, avec les risques que cela comporte.

Il faut aussi augmenter, en particulier à Paris, les capacités d'accueil des enfants en crèche. Je sais que c'est aussi votre combat, et que vous avez débloqué des crédits. Mais est-ce suffisant ? A Paris douze mille familles sont en attente potentielle d'une crèche. Comment accepter des enfants pourtant souhaités quand il est si difficile de trouver une place en crèche ? Je sais que vous avez agi ; il faut encore faire plus.

Après la réforme du divorce, il faut redéfinir l'autorité parentale et réaffirmer que nul ne peut faire obstacle à l'exercice par les mères et par les pères de leur devoir de parents. Et il faut rappeler qu'un enfant, pour son équilibre, a droit à un père et à une mère. C'est pourquoi je suis résolument contre l'adoption d'enfants par les couples homosexuels, car les enfants risquent de se déconstruire gravement à l'adolescence. Avoir un enfant, en effet, ce n'est pas seulement l'élever, le nourrir et l'éduquer : c'est transmettre le mystère de la vie, l'histoire de l'homme, et aussi l'espoir pour les générations futures dont il est le commencement - ou le recommencement... Un enfant, ce n'est donc pas simplement l'épanouissement de deux êtres qui s'aiment ou qui se sont aimés. Toutes les nations, toutes les religions honorent les ancêtres et fêtent les naissances. Je suis donc contre l'adoption des enfants par des couples homosexuels pour des raisons fondamentales, éthiques et sociales, car pour assouvir une passion immédiate - aussi honorable qu'elle soit - cette adoption briserait la longue chaîne fondamentale des générations et handicaperait socialement l'enfant.

Il faut aussi une grande politique fiscale. Il faudrait, j'ose le dire, supprimer l'ISF qui empêche les familles de développer un patrimoine transmissible. Dans le même esprit il faut encore réduire les droits de succession, qui empêchent également cette transmission. Enfin, est-il concevable que toutes les aides soient distribuées aussi facilement aux familles polygames ?

Vous conviendrez que ces pistes de réflexion ne coûteraient pas grand-chose à l'Etat. C'est pourquoi il faut les promouvoir, Madame la ministre, et je compte sur vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme Henriette Martinez - Madame la ministre de la famille, votre budget est en hausse, comme le volet famille du projet de loi de financement et les mesures fiscales en faveur des familles ; on ne peut que s'en féliciter et vous en féliciter. J'évoquerai deux aspects de votre politique que je tiens pour particulièrement importants. Le premier est la mise en œuvre de mesures en faveur de l'adolescence, notamment grâce aux maisons de l'adolescent, mais aussi à l'entretien de santé personnalisé prévu à titre expérimental en classe de cinquième. Le suivi médical, mais surtout psychologique des adolescents est primordial pour dépister la maltraitance, et ce dispositif viendra compléter la politique de prévention de la maltraitance mise en place par votre prédécesseur Christian Jacob.

Je suivrai avec intérêt les nouvelles mesures de protection de l'enfance que vous soumettrez - je l'espère - au Parlement. Il nous faut une loi pour remettre à plat notre système de protection de l'enfance et définir clairement l'intérêt de l'enfant, affirmé par la loi Jacob mais toujours sacrifié à celui des adultes. Il est temps de revoir notre système de placement, qui crée chez l'enfant une instabilité qui peut conduire à des déficiences intellectuelles et de reconnaître que l'enfant n'est pas la propriété de parents maltraitants et que l'éloignement, voire la coupure définitive avec la famille biologique, peut être indispensable à son équilibre.

La France s'honorerait en votant une grande loi de protection de l'enfance : elle se doit de respecter la convention internationale des droits de l'enfant qu'elle a ratifiée.

J'évoquerai ensuite une question qui vous est chère : l'adoption. Vous avez doublé la prime à l'adoption, fort bien. Mais le vrai problème - qui dépasse la question matérielle - n'est-ce pas le manque d'enfants adoptables ? 70 % des 5 000 enfants adoptés en France en 2003 étaient étrangers. Pourquoi y a-t-il si peu d'enfants adoptables en France ? Le désintérêt parental prolongé devrait conduire plus souvent au retrait de l'autorité parentale et à l'adoption. Pourquoi est-il si difficile d'adopter à l'étranger ? La mission d'adoption internationale donne hélas le sentiment de bloquer les procédures.

Qu'en est-il de l'adoption dans certains pays comme le Cambodge, où la France a interrompu les processus en cours au motif de protéger les enfants ? Onze dossiers complets sont ainsi en attente. Cela veut dire onze enfants encore à l'orphelinat, onze familles qui connaissent leur enfant et attendent de pouvoir le retrouver. Savez-vous que les orphelinats du Cambodge jettent désormais à la rue, faute de moyens, les enfants qui deviennent la proie des pédophiles et trafiquants en tout genre ? A l'approche de Noël, je pense à ces onze enfants parmi lesquels Sokun, trois ans et demi, qui attend de pouvoir rejoindre ses parents adoptifs dans les Hautes-Alpes. Passera-t-elle encore ce Noël dans son orphelinat de misère, ou faudrait-il que ses parents portent un nom illustre pour pouvoir la ramener ?

La position de la France est légitime, mais l'attitude de la mission d'adoption internationale va à l'encontre de votre intention de doubler le nombre des adoptions. Je vous demande donc de débloquer ces situations pour que le dénouement heureux du film de Bertrand Tavernier que vous avez évoqué l'autre jour devienne pour ces enfants et leurs familles une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Ou celui de Patrice Leconte.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je souhaite vous poser à nouveau trois questions sur le budget de la santé. A ce jour, en effet, elles n'ont toujours pas reçu de réponse.

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'importance du plan cancer. D'autres souffrances, et non des moindres, méritent cependant que l'on s'y intéresse aussi. Nous avions lancé, Elisabeth Guigou, Bernard Kouchner et moi-même, le plan Alzheimer. Il avait été mis en sourdine, vous l'avez repris, et heureusement. Mais où sont les crédits ? Il aurait fallu établir un bilan de ce que nous avions fait. A l'instar du plan cancer, ce plan implique à la fois politiques sanitaires et politiques sociales, établissements médico-sociaux, établissements de santé et médecine de ville. Faut-il chercher ces crédits dans ceux des établissements médico-sociaux, des hôpitaux ou des réseaux de soins ? Nous ne le savons toujours pas.

J'ai été très frappée par la démission du chef du service de gériatrie du CHU de Dijon. En 1997, au lendemain de mon élection, c'est à ce sujet que j'avais voulu consacrer ma première intervention à la tribune. S'il y a une spécialité abandonnée dans nos hôpitaux, plaidais-je alors, ce n'est pas la neurologie - dont relève la maladie d'Alzheimer - mais bien la gériatrie. Je garde un souvenir poignant de mes visites dans certains CHU. Si j'ai voulu travailler avec Bernard Kouchner à la mise en place d'un plan en faveur de la gériatrie, c'est pour que soit enfin reconnue la dignité des médecins responsables de ces services. Or nous n'avons aucun bilan de ce plan gériatrie. S'il ne faut pas médicaliser à l'excès la vie des personnes âgées, ceux qui sont malades doivent être pris en charge correctement. L'abandon du plan gériatrie est très grave.

Je note aussi la diminution des crédits de la lutte contre la toxicomanie. Finalement, les économies sont toujours réalisées non sur la médecine « technique », mais sur la médecine dite « humaine ». Il faut absolument reprendre ce que nous avions lancé avec Bernard Kouchner.

Je déplore l'abandon de toute politique en faveur des travailleurs sociaux et du travail social. La loi de décentralisation confie le financement des travailleurs sociaux aux régions, mais l'Etat conserve la responsabilité du Schéma national des travailleurs sociaux. Rien n'a été fait ! Le Conseil économique et social a pourtant publié un rapport de grande qualité qui insiste sur les deux enjeux du travail social : la préparation des départs à la retraite et le manque de personnels formés. Ce secteur est l'un de ceux où l'on trouve le plus de personnels « faisant fonction ».

Le Gouvernement a fait voter son plan de cohésion sociale au Sénat : rien sur le travail social et la formation des travailleurs sociaux ! Dans le champ sanitaire et social, ce sont moins les dispositifs qui posent problème que leur animation. L'enjeu de la réussite du travail social est tout entier dans la formation. Vous ne répondez pas à cet enjeu, c'est grave.

Je m'étais intéressée aussi, lorsque j'étais au Gouvernement, à la maltraitance des personnes âgées. La presse s'en est fait l'écho récemment. Il faudrait parfois s'appuyer sur les rapports des parlementaires UMP, que ce soit celui de M. Leonetti sur les soins palliatifs ou celui de M. Morange, qui tirent la sonnette d'alarme sur la formation des travailleurs sociaux. Ils font référence au rapport que j'avais commandé au professeur Debout sur la maltraitance, et qui insistait sur l'impératif de la formation. Aucun crédit n'est prévu !Comment voulez-vous accompagner les travailleurs sociaux dans ces conditions ?

La décentralisation et la négligence de ce champ d'action sont potentiellement très dangereux.

J'évoquerai enfin l'AAH. Quelqu'un de ma circonscription vous a adressé, Madame Montchamp, ses travaux de comparaison de l'AAH et des autres minima. Si aucun dispositif de rattrapage n'est mis en place, le pouvoir d'achat et le niveau de vie des personnes handicapées ne pourront être maintenus. De plus, vous mettez en place une prestation de droit à compensation sans aucune étude d'impact ni aucun financement : c'est un leurre.

Mme la Secrétaire d'Etat - Vos propos ne sont pas sérieux.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Monsieur le ministre, la continuité d'action est fondamentale. Vous avez ainsi reconnu l'inscription de votre action contre la maladie d'Alzheimer dans celle de vos prédécesseurs, mais vous savez aussi vous montrer habile communicateur. Avec M. Kouchner, j'avais engagé un travail pour la nécessaire reconnaissance des hôpitaux locaux. Nous n'avons pas eu le temps de signer la circulaire ; M. Mattei l'a fait et c'est vous qui en avez assuré la publicité.

M. le Ministre - C'est une bonne répartition des tâches ! (Sourires)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Or, nous ne sommes pas confrontés à un problème de communication mais à un problème de mobilisation, mobilisation qui échouera si elle est l'objet de tiraillements politiciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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