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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 34ème jour de séance, 81ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 1ER DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SITUATION EN UKRAINE 2

SÉCURITÉ MARITIME 2

DIRECTIVE VOLKENSTEIN 3

INNOVATION ET RECHERCHE EUROPÉENNES 4

ADOPTION 5

POLITIQUE DE L'IMMIGRATION 5

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES 6

SURENDETTEMENT 7

LUTTE CONTRE LE SIDA 7

SUBVENTIONS DE L'ÉTAT AUX TRANSPORTS
PUBLICS DES RÉGIONS 8

LIAISONS AÉRIENNES PARIS-LA RÉUNION 9

TRANSPORT D'ANIMAUX D'ÉLEVAGE 9

HÔPITAL 10

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 11

COHÉSION SOCIALE (suite) 11

ART. 15 11

ART. 16 16

APRÈS L'ART.16 18

ART. 16 BIS 18

APRÈS L'ART. 16 BIS 19

ART. 17 19

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

SITUATION EN UKRAINE

M. Jérôme Lambert - Depuis plus de dix jours, à la frontière de l'Union européenne, le peuple ukrainien subit une situation qui doit mobiliser tous les démocrates : scrutin présidentiel frauduleux et résultat contesté entraînent de nombreuses protestations populaires. Ce peuple sera-t-il entendu des dirigeants actuels de l'Ukraine, des dirigeants russes et en particulier de M. Poutine qui semble vouloir jouer un rôle de premier plan dans les affaires de ce pays ? Le Président Chirac a-t-il pris toutes les initiatives indispensables pour soutenir la démocratie, hors le souhait exprimé que ce pays évite une « crispation » ou un « drame dont il n'a pas besoin » ? La « crispation » est là depuis dix jours et le « drame » n'est peut-être pas loin. Sur le plan international, la France se félicite de parler de sa propre voix et elle ne manque jamais de s'exprimer au nom des droits de l'Homme. Pour l'instant, face à M. Poutine, reconnaissons qu'elle est peu audible. Si nous voulons éviter tout « drame », il faut que notre détermination à défendre la démocratie soit sans aucune ambiguïté. La France, l'Europe doivent se mobiliser pour peser de tout leur poids afin que la démocratie l'emporte en Ukraine.

Alors que la presse diagnostique avec raison un embarras de notre diplomatie, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour faire entendre la voix de la France et soutenir le respect de la démocratie en Ukraine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - L'élection présidentielle en Ukraine a été en effet entachée de nombreuses fraudes, comme j'ai eu l'occasion de le dire hier ici-même. La situation évolue tous les jours : il y a 48 heures, le Président Koutchma a lui-même souhaité de nouvelles élections ; hier, les provinces de l'est ont demandé leur autonomie et ont annoncé l'organisation de référendums ; le parlement ukrainien a voté ce matin une motion de défiance contre le Premier ministre, et, enfin, le peuple ukrainien manifeste tous les jours avec beaucoup de dignité pour que sa voix soit respectée.

Je ne suis pas « embarrassé », Monsieur Lambert. L'action de notre pays repose sur plusieurs principes : le soutien à la démocratie, le refus de la violence, la recherche d'une solution politique qui préserve l'unité de l'Ukraine et la stabilité régionale, le soutien aux institutions ukrainiennes pour qu'elles trouvent une issue à la crise. La voix de la France se fait entendre, Monsieur Lambert, et je viens une nouvelle fois de l'exprimer, mais il faut également compter avec la voix de l'Europe : c'est tout le sens de la médiation qu'en notre nom M. Solana est en train de conduire en Ukraine. Vous le voyez, la diplomatie européenne, qui est une diplomatie commune et non pas unique, est en marche non seulement en Ukraine mais aussi en Iran pour lutter contre la prolifération des armes nucléaires, au Proche-Orient ou dans les Balkans. Si vous cherchiez un motif supplémentaire pour approuver la constitution européenne, il est tout trouvé. (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SÉCURITÉ MARITIME

M. Olivier Jardé - Il y a cinq ans, le 12 décembre 1999, la coque de l'Erika se brisait, provoquant la catastrophe écologique la plus importante depuis le naufrage de l'Amoco Cadiz : 400 kilomètres de rivage ont été souillés, de la Pointe du Finistère à la Vendée.

C'est sur le plan européen qu'il convient d'agir pour améliorer la sécurité maritime et pour préserver notre patrimoine maritime. L'UDF a fait quatre propositions afin de lutter contre les marées noires : bannir les pavillons de complaisance, créer des ports refuge ainsi qu'une police de la mer et, enfin, faire la chasse aux navires poubelles.

Le Gouvernement entend-il intervenir sur le plan communautaire pour œuvrer à la protection de nos littoraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - En effet, c'est bien au niveau européen qu'il faut agir en la matière et l'Europe a réagi avec vigueur après les catastrophes de l'Erika et du Prestige : des règles ont été édictées et l'agence de la sécurité maritime veille à ce qu'elles soient respectées, en particulier concernant les systèmes d'inspection des différents pays de l'UE.

La France a également réagi vigoureusement après une trop longue période d'attentisme - nous avons été en effet condamnés en raison de l'insuffisance du contrôle des navires dans nos ports entre 1999 et 2000. Les normes de contrôle sont aujourd'hui respectées. J'ajoute que depuis le début de l'année, pas moins de 16 navires ont été détournés et qu'il y aura des poursuites judiciaires en cas de pollution, que celle-ci soit volontaire ou non : nous nous sommes dotés d'un dispositif pénal draconien.

La France milite également sur le plan européen avec l'adoption d'une réglementation sur les doubles coques pour les pétroliers. Elle le fait aujourd'hui encore pour que l'UE se dote d'une directive imposant des sanctions pénales dans tous les pays de l'UE en cas de pollution maritime volontaire ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DIRECTIVE VOLKENSTEIN

M. Jean-Claude Lefort - Alors que le débat sur le projet de constitution européenne vient d'être lancé survient un projet de directive qui souligne le caractère antisocial et ultra libéral de l'actuelle construction de l'UE, la directive Volkenstein : désormais, toute entreprise de services, en Europe, sera soumise aux lois sociales non du pays où elle exerce son activité mais du pays d'où elle est originaire.

Demain, un prestataire de services installé dans un pays où les garanties sociales sont dérisoires pourra donc faire travailler chez nous des salariés venus de ce pays dans les conditions qui prévalent non en France, mais dans leur pays d'origine. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste) C'est une délocalisation des salariés par une mise en concurrence généralisée des peuples. C'est aussi une attaque directe contre les services publics, le contraire d'une harmonisation par le haut et du refus de toute « régressivité » des droits sociaux. Voilà ce que permet l'Europe, et voilà où nous conduirait inéluctablement le traité Giscard. Il y a bien une Europe de droite, que soutient avec enthousiasme le baron Seillière (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et que le traité entend conforter, et une Europe de gauche, qui est à construire par la victoire du « non ». (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est bien plus qu'une question que je pose aujourd'hui, c'est une exigence que nous manifestons : pas de directive Volkenstein en Europe, c'est clair, net et précis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Je vais essayer de répondre de manière sereine à votre interrogation. La proposition de directive dite Volkenstein a pour objectif d'établir un véritable marché intérieur des services. Elle mérite un accueil positif au regard des créations d'emplois potentielles - un récent rapport estime à 200 000 le déficit d'emplois dans le secteur des services - et de la compétitivité de nos entreprises, fortement exportatrices de services.

Le débat est ardu. Il n'est pas seulement technique, mais aussi politique. Cette directive est en effet complexe et son champ d'application, trop large. Elle aborde de manière trop simple le concept du pays d'origine. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Le Gouvernement aborde ces négociations avec des exigences fermes et incontournables. (Mêmes mouvements) Pour assurer la confiance des consommateurs et éviter un alignement par le bas des législations nationales (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), il faut une harmonisation préalable avant toute application du principe du pays d'origine. Nous exigeons de la Commission - et vous ne l'avez pas dit - des garanties s'agissant de l'application aux services publics. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Nous réclamons des exclusions sectorielles pour préserver la diversité culturelle, notre modèle social et les spécificités juridiques de nos professions réglementées. Nous sommes donc loin de la dérive ultra-libérale que vous dénoncez ! Nous sommes confortés dans notre fermeté par l'avis que le Conseil d'Etat a rendu au Premier ministre. Je voudrais saluer ici nos députés au Parlement européen, qui se sont saisis de ce dossier, notamment Mme Comparini que j'ai reçue à plusieurs reprises. Vous serez associés aux négociations, que nous voulons résolues mais constructives.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

INNOVATION ET RECHERCHE EUROPÉENNES

M. Michel Herbillon - A l'heure où nos compatriotes se penchent sur les enjeux de la construction européenne, aux « réalisations concrètes », comme le disait Robert Schuman, je souhaiterais, Monsieur le Premier ministre, que vous fassiez le point sur les politiques menées par l'Union européenne pour relancer la stratégie de Lisbonne, visant à faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde, où l'innovation et la recherche joueraient un rôle clé pour la croissance, la cohésion sociale et l'emploi.

Quelles mesures concrètes l'Union et la France prendront-elles pour répondre à cette ambition ? Où en est la candidature du site de Cadarache pour l'installation du réacteur ITER ?

M. Maxime Gremetz - C'est dans la presse !

M. Michel Herbillon - Où en est la réforme du Pacte de stabilité visant à réserver un traitement spécial aux dépenses de recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Vous avez raison de replacer la stratégie de Lisbonne au cœur du projet européen, comme vous le faites dans le rapport que vous venez de remettre au Gouvernement sur les universités du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous avez raison d'applaudir ce travail de la Délégation aux affaires européennes !

La stratégie de Lisbonne vise à donner à l'Europe la première place dans la société mondiale de la connaissance et de l'information. Si nous sommes en retard, c'est parce que nous n'avons pas aujourd'hui les institutions européennes capables de porter un projet aussi ambitieux. Le traité constitutionnel nous donnera les institutions qui pourront porter des ambitions aussi prometteuses que la stratégie de Lisbonne, notamment pour ce qui est de la recherche, de l'innovation, et tout ce qui concerne l'intelligence ajoutée, dans le projet économique et social de l'Union. C'est le projet de l'Europe et celui de la France. C'est pour cela que le budget 2005 met en place une Agence de la recherche et que nous lançons une mobilisation nationale en faveur de la recherche, des industries de la connaissance, du développement et de l'éducation - grande ambition nationale, puisque l'éducation est désormais placée au plus haut niveau de la hiérarchie gouvernementale.

ITER, grand projet de recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), a suscité la mobilisation à l'échelle internationale de la communauté scientifique française et européenne. Lors du Conseil de compétitivité de vendredi, l'Union européenne a réitéré son soutien au projet et à sa localisation à Cadarache. Claudie Haigneré et François d'Aubert sont pleinement mobilisés sur ce dossier. La légitimité du site pour l'implantation d'ITER est aujourd'hui reconnue par nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je ne doute pas qu'elle le sera demain par nos partenaires américain et coréen - nous le dirons au président coréen qui sera en France la semaine prochaine.

Ce qui a été fait à Cadarache est exemplaire sur les plans scientifique et industriel comme sur celui de la décentralisation. Comme pour le projet du musée du Louvre à Lens, une grande décision nationale et européenne est soutenue par les collectivités territoriales : c'est cela la décentralisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ADOPTION

M. Yves Nicolin - Monsieur le Premier ministre, dès votre prise de fonctions, vous avez affirmé votre volonté de faire de l'adoption un des piliers de la politique familiale, jetant ainsi les bases d'une réforme de fond. Au nom du Conseil supérieur de l'adoption, je prends part au travail en cours qui doit déboucher sur la création d'une Agence française de l'adoption.

Or, les démarches de plusieurs compatriotes ont été bloquées au Cambodge par le moratoire décidé en 2003 par la France. En particulier, douze enfants à qui les autorités cambodgiennes avaient attribué des parents ne peuvent rejoindre leur famille adoptive. Mme Tabarot et moi travaillons avec les services de l'Etat au règlement de ces situations douloureuses. A cet égard, je salue l'action de Renaud Muselier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pouvez-vous m'indiquer si ces douze enfants pourront fêter Noël au sein de leur nouvelle famille ? La France va-t-elle reprendre les adoptions dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je tiens à vous remercier pour cette question et pour votre engagement à la tête du Conseil supérieur de l'adoption. Je salue aussi l'action de Mme Tabarot.

Adopter un enfant, c'est un acte d'amour et de générosité. Plusieurs d'entre vous l'ont vécu. C'est la fraternité à l'état pur.

Nous avons été contraints à des mesures de restriction à l'encontre du Cambodge et d'autres pays dans lesquels nous avons constaté des dérives dangereuses allant jusqu'au trafic d'enfants. Nous n'avons pas voulu être complices. Il fallait prendre cette décision, mais je reconnais qu'il est inacceptable de rompre les liens affectifs qui avaient pu s'établir avec les enfants dès le premier contact. Nous avons donc décidé de faire en sorte que ces douze familles puissent accueillir le plus tôt possible leur enfant. Nous ferons de même pour les familles qui avaient établi des contacts avec des enfants de Roumanie. Nous considérons qu'une fois le premier contact établi, nous n'avons pas le droit de rompre, pour des raisons administratives, des liens qui relèvent de la sphère privée.

Nous allons bâtir une autre politique de l'adoption, plus généreuse, tout en restant indépendants de tout trafic. Je veux rassurer les familles : elles peuvent considérer que les enfants vont les rejoindre. C'est cela, la France fraternelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE DE L'IMMIGRATION

M. Jean-Yves Hugon - Monsieur le ministre de l'intérieur, afin que la France puisse demeurer une terre d'accueil, le Gouvernement a défini une nouvelle politique de maîtrise de l'immigration, ouverte et généreuse pour ceux que nous accueillons, intransigeante et ferme pour les clandestins. Les lois que nous avons votées ont donné un sérieux coup de frein à l'immigration clandestine. Votre prédécesseur et vous-même avez travaillé en coopération avec les pays sources et les pays européens pour endiguer le phénomène. Pouvez-vous faire part à la représentation nationale des résultats obtenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - L'immigration irrégulière est inacceptable car elle est dangereuse au triple point de vue humain, économique et social. Elle met en péril notre société, c'est pourquoi notre mobilisation a été particulièrement forte.

C'est une politique globale que je mène. En amont, nous coopérons avec les pays sources, mais aussi avec les pays de transit. C'est la raison pour laquelle je me suis rendu à plusieurs reprises dans les pays du Maghreb. Il faut que cette action se poursuive aux frontières. C'est ainsi que notre coopération avec le Royaume-Uni a permis de diviser par vingt le nombre des candidats à l'immigration dans ce pays.

Il faut aussi mener une politique globale à l'échelon national. Dans les dix premiers mois de 2004, il y a eu 13 000 reconduites à la frontière, soit 40% de plus qu'en 2003 et 60% de plus qu'en 2002. Pour 2005, je me suis fixé l'objectif de 20 000.

Une politique de fermeté exige des moyens supplémentaires. S'agissant des moyens juridiques, Thierry Mariani indique dans son excellent rapport que nous disposons maintenant des certificats d'hébergement et des visas à identifiant biométrique. Il faut aussi des moyens logistiques. C'est pourquoi le nombre de places dans les centres de rétention va passer de 1 100 à 1 600. Au lieu d'un million en 2003, nous en consacrerons 33 à ces centres en 2005. Enfin, pour renforcer les moyens administratifs, je vais créer un pôle d'éloignement dans chaque département.

Telle est notre politique, qui permet de réduire la pression migratoire. Nous le voyons à Roissy, la première de nos frontières : le nombre d'étrangers non admis, qui était de 540 par jour, est tombé à moins de 80. Nous continuerons d'agir avec la même détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

M. François Dosé - Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, je souhaite vous interroger sur la prise en charge des personnes âgées désorientées, victimes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées. Nous connaissons tous les besoins et les attentes des intéressés parfois, des proches toujours. Compte tenu des volontés affichées par vous, des priorités annoncées par le Président de la République, des établissements publics, des associations voire des sociétés privées nous soumettent de nombreux projets.

En Lorraine et ailleurs, les comités régionaux d'organisation sociale et médicosociale ont validé des dossiers pertinents, soutenus par les conseils généraux, toutes tendances politiques confondues, par les DDASS et par les associations. Mais, faute de crédits, les préfets ne peuvent signer ni les arrêtés de création, ni les conventions de financement. Les maîtres d'ouvrage finissent par reporter les travaux, les familles s'impatientent et la parole politique est une nouvelle fois discréditée...

Monsieur le ministre, je ne vous demande pas l'impossible : des crédits à la hauteur des besoins, par exemple... Mais je vous demande de respecter vos engagements. Quand sortirons-nous de cette situation inadmissible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - En ce domaine, le texte que vous avez présenté en janvier 2002 prévoyait deux étapes : d'abord l'acceptation par le CROSS, puis le financement. Mais ce second volet, c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a organisé, avec le plan vieillissement et solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour se conformer à ce plan, des crédits pour 10 000 places étaient inscrits au budget pour 2004, et le seront également pour 2005. Pour 2005, l'ONDAM médicosocial est en augmentation de 11% et 3 600 places seront consacrées aux nouvelles pathologies de type Alzheimer... (« Baratin ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Il n'est pas convenable de parler de baratin sur des sujets aussi graves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les Français attendent du Gouvernement qu'il se mobilise et qu'il agisse, et c'est ce qu'il fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SURENDETTEMENT

M. Michel Raison - Le surendettement constitue depuis plusieurs années un véritable désastre social et financier pour de nombreuses familles qui ont cédé à l'illusion des prêts « pas chers » ou « sans engagement » pour lesquels la publicité abonde. L'absence de coordination entre organismes de crédits permet le cumul de prêts pour des personnes qui ne peuvent en assumer la charge. Vous avez mis en place, en 2003, une procédure de redressement personnel qui donne une seconde chance aux ménages surendettés, mais la situation reste grave. Les 35 heures, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) poison à diffusion lente, qui ont fait croire à nos concitoyens qu'ils pouvaient avoir plus de loisirs sans plus de revenus, n'ont fait qu'aggraver le surendettement. Pouvez-vous nous faire connaître votre analyse du problème et un premier bilan de la procédure de redressement personnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Le surendettement est un fléau qui n'a cessé de s'aggraver. Aujourd'hui, près de 700 000 familles vivent dans la spirale infernale des frais d'huissiers et de procédure. Pour traiter le problème, il faut d'abord s'attacher à la prévention, en particulier concernant les nombreuses offres de crédits un peu trop faciles. Christian Jacob s'est saisi des propositions de la commission Jolivet pour éliminer le « pousse-au-crédit » irresponsable, tout en laissant des possibilités de crédit pour les plus modestes d'entre nous. C'est un exercice d'équilibre dans lequel il est pleinement engagé. Il faut aussi s'intéresser à la situation des familles. Le Parlement a voté en août 2003 une loi de la deuxième chance pour les familles de bonne foi. Après huit mois d'existence et grâce au comité de pilotage présidé par Guy Canivet, près de 17 000 familles ont bénéficié de cette procédure et nous avons enregistré en octobre, pour la première fois depuis de longues années, une réduction du nombre de dossiers de surendettement, même si ce mouvement reste fragile. Enfin, une des réponses se trouve dans la mise en route la plus rapide possible du plan de cohésion sociale, avec 14 milliards qui permettront à beaucoup de familles de réintégrer le train de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE LE SIDA

Mme Chantal Bourragué - Le sida, avec en 2004 plus de 3 millions de morts et 40 millions de personnes touchées dans le monde, se montre toujours plus ravageur. La proportion de femmes et d'enfants infectés augmente de façon dramatique. Le constat de l'institut de veille sanitaire pour la France est extrêmement préoccupant : l'épidémie ne recule toujours pas. Elle a fait 6 000 victimes en 2003. Les régions Ile-de-France et Aquitaine sont parmi les plus touchées, et un tiers des nouveaux cas ont été contaminés depuis moins de six mois. La France aujourd'hui compte près de 100 000 séropositifs et, dans la plupart des cas, les personnes ne savent pas qu'elles sont contaminées ! Nous devons donc nous concentrer sur la prévention et sur l'accompagnement des malades. En cette journée mondiale contre le sida, je tiens à saluer le travail formidable des associations et du corps médical, qui nous rappellent chaque jour que lutter contre la maladie impose aussi de se battre contre sa banalisation et les discriminations qu'elle engendre. Le Premier ministre a déclaré la lutte contre le sida grande cause nationale pour 2005. Vous avez annoncé, Monsieur le ministre de la santé, dans cette perspective, un nouveau programme de lutte contre le VIH. Quels sont son contenu et ses objectifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - L'épidémie du sida a commencé il y a vingt ans, et jamais l'humanité n'avait été confrontée à une épidémie comme celle-là : il y a aujourd'hui dans le monde 48 millions de personnes séropositives, et selon ONUSIDA il faut prévoir 68 millions de morts dans les vingt ans qui viennent... C'est donc un phénomène planétaire unique. Il faut y faire face et au niveau français, et au niveau international.

En France, on compte 6 000 séropositifs de plus chaque année. Il y a des signes encourageants : ainsi les chiffres ont baissé chez les toxicomanes, grâce aux politiques de réduction des risques. Il y a en revanche des signes inquiétants. Ainsi, pour la première fois depuis cinq ou six ans, la communauté homosexuelle voit fléchir la prévention et reparaître des comportements à risque : elle fournit 22% des nouveaux diagnostics. Autre signe très préoccupant : 50% des femmes séropositives sont originaires de l'Afrique sub-saharienne et nous n'arrivons pas vraiment à les suivre. Vous avez enfin les disparités régionales : 50% des nouveaux cas concernent l'Ile-de-France et l'Aquitaine, contre 8 % pour les Antilles et la Guyane.

Ainsi le problème est terrible : nous n'arrivons pas à endiguer le phénomène. Il serait vain d'en parler sans rappeler que le Président de la République nous a fixé l'impératif de verser 150 millions d'euros au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme - ce qui fait de nous le premier contributeur mondial par habitant. J'espère que pour leur part les Etats-Unis maintiendront leur contribution de 200 millions d'euros. Enfin rien n'est possible s'il n'y a pas en Afrique de génériques et de traitements gratuits, si nous sommes assez égoïstes pour ne pas comprendre que, plus il y aura de malades en Afrique et en Asie, plus il y en aura aussi dans les pays du Nord ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs)

M. le Président - Le sida nous concerne tous, et la lutte contre le sida a été reconnue grande cause nationale pour 2005 : l'Assemblée tout entière est heureuse de cette décision. (Applaudissements sur tous les bancs)

SUBVENTIONS DE L'ÉTAT AUX TRANSPORTS PUBLICS DES RÉGIONS

M. Michel Destot - Lors de la dernière campagne présidentielle, puis au sommet de la Terre à Johannesburg, le Président de la République n'a pas été avare de déclarations ambitieuses sur le développement durable. Ces discours sont pourtant en contradiction flagrante, Monsieur le Premier Ministre, avec la politique de désengagement de votre gouvernement, notamment en matière de transports publics. Ainsi vous avez supprimé les aides de l'Etat pour les transports collectifs en site propre de province dans les lois de finances pour 2004 et 2005 ; une enveloppe de 65 millions d'euros pour solde de tout compte étant concédée fin 2003... Cette somme, très éloignée des 300 millions nécessaires, était loin de satisfaire les élus locaux, qui ne l'ont pas caché sur tous les bancs. Face au tollé général, M. Copé, alors ministre délégué à l'intérieur, déclarait le 22 octobre à Lille, lors de l'assemblée des communautés urbaines, qu'au-delà de cette ouverture de 65 millions d'euros au collectif budgétaire 2003, l'Etat continuerait à tenir ses engagements pour tous les chantiers sur lesquels il avait engagé sa signature. Est-ce vraiment la position de votre gouvernement ? On peut en douter, tant les annonces récentes sont, au mieux, source de confusion, au pire, signe d'une partialité de l'Etat ! Ainsi, entre les deux tours de la législative partielle de Bordeaux, la communauté urbaine se voyait attribuer une subvention de 20 millions d'euros. Où sont pris ces crédits ? Plus largement, que penser de la répartition de l'enveloppe de 65 millions d'euros ? A ma droite, 15 millions pour Strasbourg, 10 millions pour Saint-Étienne et pour Marseille, 9,5 millions pour Toulon ; et d'autre part 6 millions pour Clermont, 5 pour Montpellier, 2 pour Lorient, zéro pour Le Mans et zéro pour Nantes ! Bref, Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous encore parler d'impartialité de l'Etat ? Que croire, qui croire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Vous êtes un fin connaisseur des problèmes de transports en commun, puisque vous êtes le président du GART, le groupement des autorités responsables de transports. Comme tel, vous connaissez l'histoire. C'est notre majorité qui, il y a dix ans, avec les ministres Bernard Bosson et Anne-Marie Idrac, a mis en place des systèmes incitatifs pour les transports collectifs dans nos villes et nos agglomérations. Et c'est le gouvernement précédent qui a acté des projets de transports en commun en laissant impayés 460 millions d'euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Devant cette situation, le Premier Ministre a pris trois types de décisions. Tout d'abord il a inscrit immédiatement en loi de finances rectificative pour 2005 45 millions d'euros, et dans le collectif pour 2004 65 millions. Ensuite, il a confié à Christian Philip un rapport pour trouver des financements pérennes pour ces transports en commun ; M. Philip a fait preuve d'imagination et remis un excellent rapport. Enfin nous avons mis en place trois lignes de crédits, à des conditions de durée et de taux particulièrement avantageuses, qui équivalent à 100 millions d'euros de subventions. Alors oui, puisque vous parlez de développement durable, je suis fier de cette politique ! Depuis deux ans, les trois quarts des infrastructures que nous construisons respectent l'écologie : fer, canaux, transports maritimes. Et la deuxième différence avec vous, c'est que, lorsque nous annonçons des projets de transports, nous ne laissons pas d'ardoise : nous les finançons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

LIAISONS AÉRIENNES PARIS-LA RÉUNION

M. Bertho Audifax - A plusieurs reprises, Monsieur le Ministre de l'équipement, des compagnies aériennes ont cessé brutalement leurs activités sur les lignes reliant Paris et La Réunion, notamment ainsi Air Outremer, Air Lib et aujourd'hui Air Bourbon... Chaque fois le scénario est le même : la compagnie cesse son activité du jour au lendemain, et les billets ne sont ni compensés ni remboursés. Les conséquences en sont graves pour le budget des familles ; il en résulte aussi des problèmes aigus de voyage et d'hébergement pour les touristes et les Réunionnais. Cela nuit en outre à la crédibilité de futures compagnies et à celle de la destination elle-même. Est-il possible de créer pour les compagnies aériennes une obligation de compensation pour les passagers nantis de titres de voyage et qui se retrouveraient dans une telle situation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - La situation n'est pas identique selon la manière dont les voyageurs ont acquis leur billet. Ceux qui ont acheté un forfait touristique dans une agence de voyages sont protégés par la loi de juillet 1992, et seront donc transportés. En revanche, sur les mille voyageurs touchés par la disparition d'Air Bourbon, quelques centaines sont vraiment en panne, y compris financièrement. L'Etat va les aider, à hauteur de 300 euros par billet, mais il est vrai que cette somme ne couvre pas en totalité le coût du billet. Les collectivités locales, elles aussi, se mobiliseront en faveur des voyageurs en panne. Dès demain, un vol de 145 voyageurs regagnera la métropole, et 745 autres seront rapatriés après demain. Les derniers emprunteront des vols d'Air France lundi ou mardi. Comme vous l'avez souligné, il appartient à l'Union européenne de mieux protéger les voyageurs en cours de transport. Nous allons porter ce message à Bruxelles, où la voix de la France, forte de ces expériences malheureuses, saura se faire entendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TRANSPORT D'ANIMAUX D'ÉLEVAGE

M. Marc Bernier - Le 22 novembre, la Commission européenne a adopté un compromis sur les règles de transport des animaux d'élevage en Europe. Saluons cette initiative, qui répond aux demandes des associations protectrices des animaux ainsi qu'à celles des professionnels de l'élevage, du négoce et du transport. Cependant, cet accord laisse de côté les questions les plus controversées concernant les séquences de transport et la densité de chargement des véhicules. En effet, les professionnels considèrent de façon unanime que l'arrêt de douze heures imposé par le projet de règlement précédent après neuf heures de transport est un non-sens. Le stress des animaux s'en serait trouvé accru puisqu'il était prévu qu'ils resteraient dans les véhicules. Dans mon département de la Mayenne, qui accueille le premier marché aux veaux d'Europe, le transport des animaux, soit 40% des exportations, serait passé de quinze heures à vingt-sept heures pour l'Espagne ou l'Italie. Les temps et les frais de transport auraient augmenté d'autant, portant un coup fatal à toutes les parties prenantes de la filière animale. Les professionnels ont souhaité être entendus, tant il est vrai qu'ils sont les premiers défenseurs du bien-être animal et sont désireux de conserver à l'élevage de notre pays la qualité qui en fait la réputation.

La France ayant posé pour condition la révision des règles relatives aux temps de transport et aux densités de chargement, quelles garanties seront désormais accordées aux éleveurs, aux négociants et aux transporteurs d'animaux après l'adoption de ce compromis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité - De fait, les ministres de l'agriculture de l'Union viennent de conclure un accord modifiant les règles applicables au transport des animaux. Les véhicules seront désormais suivis par satellite, les transports de longue durée feront l'objet d'exigences renforcées, la formation communautaire sera harmonisée à partir du modèle français.

Comme le souhaitait la France, les règles relatives aux rythmes et aux densités de transport demeurent inchangées. Ce bon compromis entrera en vigueur le 1er janvier 2007. Son application donnera lieu à un rapport rendu avant la fin de 2010. Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement sera très attentif au point de vue des professionnels. C'est ainsi que, dès cet après-midi, je recevrai le président de la FNSEA, M. Lemétayer. Comme c'était le cas avec Hervé Gaymard, nous travaillerons en étroite concertation avec les agriculteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

HÔPITAL

M. Edouard Leveau - Le plan de modernisation des hôpitaux fixe des objectifs ambitieux, à travers une complémentarité entre les secteurs public et privé, pour éviter la surabondance comme la pénurie de l'offre de soins dans certaines activités. Les investissements dans le domaine de la santé doivent tenir compte de cette complémentarité, en particulier lorsqu'il s'agit d'équipements lourds, de radiothérapie anticancéreuse par exemple. Ainsi, dans ma circonscription, l'élaboration d'un plan hospitalier public-privé éviterait de très nombreux transports qui font perdre du temps et causent de la fatigue à bien des malades, et qui coûtent cher à l'assurance maladie.

Comment les ARH peuvent-elles inviter les investisseurs privés à rechercher la complémentarité avec le secteur public en contrepartie des subventions qui viennent les amender ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - Oui, il faut moderniser l'hôpital. C'est à quoi tend le plan Hôpital 2007, d'une ampleur jamais égalée puisqu'il mobilise 10 milliards. Dans cette perspective, il faut accepter la constitution de réseaux hospitaliers, donc l'idée qu'il existera des plateaux techniques de haut niveau dans certains hôpitaux mais pas dans tous. Comme tous les territoires de la République ont droit à une offre hospitalière décente et efficace, je suis hostile à la fermeture des hôpitaux locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Naturellement, la médecine libérale et la médecine hospitalière doivent travailler ensemble, puisque l'assurance maladie les finance toutes deux. Au reste, la loi portant réforme de l'assurance maladie oblige dans chaque région les caisses d'assurance maladie à coopérer avec l'ARH. Il faut enfin que les hôpitaux publics et privés travaillent ensemble. Je regrette que les cliniques de Fougères et de Saint-Pierre, à Dieppe, ne travaillent pas avec l'hôpital de Dieppe, alors qu'une centaine de collaborations de ce genre sont déjà à l'œuvre. Il n'est pas concevable qu'une partie de notre territoire demeure sans hôpital (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.

M. le Président - Je vous informe que la Conférence des présidents a décidé que la séance de cet après-midi serait levée à 17 heures 45, et que celle de ce soir reprendrait donc à 21 heures, et non 21 heures 30.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant que, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel de la loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel.

COHÉSION SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale.

ART. 15

M. Rodolphe Thomas - Cet article concerne les aides apportées aux entreprises qui forment les apprentis. Je ne reviendrai pas sur la mesure phare de ce projet qui est la modernisation de l'apprentissage, et la création de 500 000 contrats d'apprentissage. Cet objectif est ambitieux, mais réalisable, grâce à une politique de confiance et d'incitation financière. Pour autant, le Gouvernement vient de prendre une mesure arbitraire, contre l'avis des députés UMP et UDF. Le 3 novembre dernier, Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, avait en effet fait voter, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2005, le rétablissement de l'exonération des cotisations sociales patronales, au titre des salaires versés aux apprentis, pendant toute la durée de leur stage. Cette disposition cohérente avait du reste fait l'unanimité au sein de la commission. Or, le 19 novembre, le Gouvernement a demandé une seconde délibération, et à trois heures du matin, a obtenu le retour au dispositif antérieur ! Comment voulez-vous instaurer un climat de confiance dans ces conditions ? J'espère que le Gouvernement reviendra sur sa décision en CMP.

Mme Muguette Jacquaint - Cet article institue un crédit d'impôt au bénéfice des entreprises qui emploient des apprentis, alors que leur accueil et leur accompagnement ne sauraient s'improviser. L'abandon précoce de l'apprentissage peut avoir des conséquences graves et pénaliser l'insertion professionnelle de ces jeunes et notamment des filles, dont la réussite peut ainsi dépendre de la qualité de l'investissement du tuteur dans sa mission.

Pour autant, le crédit d'impôt, dont l'intérêt pour l'entreprise dépendra uniquement du nombre de contrats signés, ne garantit pas la qualité de la formation. Pis, cet article pourrait créer un effet d'aubaine.

Pour accueillir correctement les jeunes, les entreprises doivent trouver dans l'apprentissage un intérêt autre que financier, aussi l'amendement 228 tend-il à supprimer l'article 15.

M. Christian Paul - Vous devrez déployer des trésors d'imagination pour parvenir à nous convaincre du bien-fondé de ce crédit d'impôt ! Les entreprises elles-mêmes, que nous avons auditionnées, sont hostiles à la réforme du dispositif d'incitation des entreprises. Le risque de créer un effet d'aubaine est réel, et c'est une nouvelle niche fiscale que vous mettez en place.

Je profite par ailleurs de la présence de M. Borloo pour lui faire part de l'inquiétude des régions qui devront désormais prendre en charge la rémunération des apprentis, en échange d'une participation de l'Etat, dont on sait qu'elle ne suffira pas à compenser les dépenses, comme d'habitude dès qu'il s'agit de décentraliser !

Alors que nous aurions eu besoin d'une grande loi sur l'apprentissage, nous devons nous contenter du simple volet d'une loi de lutte contre l'exclusion.

M. Richard Mallié - Il ne s'agit pas d'exclusion, mais de cohésion sociale !

M. Christian Paul - C'est la formation professionnelle de nos jeunes qui est en cause !

Il ne s'agit pas de créer des diplômes de troisième ordre : l'apprentissage doit être une voie d'excellence. Si nous sommes d'accord sur les objectifs, nous sommes en revanche en désaccord sur vos propositions qui constituent un très mauvais signal pour les formateurs et les jeunes. Les inclure en outre dans cette loi constitue une faute stratégique.

En ce qui concerne le financement, le crédit d'impôt ne nous parait pas justifié et les compensations mises en place en faveur des régions ne seront pas à la hauteur des efforts demandés. L'amendement 583 vise donc à supprimer cet article.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Avis défavorable aux deux amendements.

Monsieur le ministre, il ne s'agit pas pour moi de m'opposer au dispositif que vous préconisez...

M. Christian Paul - Il faudrait oser, pourtant !

Mme la Rapporteure - Sur ce plan-là, je n'ai vraiment pas de leçon à recevoir.

M. Christian Paul - C'était un encouragement !

Mme la Rapporteure - J'attire donc votre attention, Monsieur le ministre, sur la situation de certaines entreprises qui, plus fragiles que d'autres, ne recourent pas toujours à l'apprentissage. Ne souffriront-elles pas de l'absence de crédit d'impôt ?

M. Christian Paul - Nous y voilà !

Mme la Rapporteure - Je pose la question et M. le ministre donnera sa réponse, Monsieur Paul.

Il est vrai que l'on peut objecter que ce projet vise précisément à développer l'apprentissage. Quoi qu'il en soit, il faut que le Gouvernement soit attentif à ce type de problème et puisse, en cas de déséquilibres, apporter les nécessaires correctifs.

J'ajoute que la commission proposera après l'article 16 bis un amendement qui prévoit un bilan de l'ensemble du dispositif avec des indicateurs tant qualitatifs que quantitatifs.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes - Monsieur Thomas, le Gouvernement est attentif aux conclusions de la commission des finances et de la commission des affaires sociales du Sénat concernant l'article 75 du PLF pour 2005. Nous serons jeudi prochain à la Haute Assemblée avec MM. Borloo et Larcher à l'occasion de l'examen des crédits du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Nous avons entendu ce que nous a dit la majorité sur le paradoxe qu'il y aurait à mener une large réforme de l'apprentissage et à préconiser une mesure plus restrictive concernant quelques semaines de contrats de travail sans exonération. J'ai bien compris que vos propos ne visaient pas tant des considérations financières que l'ajout de formalités supplémentaires pour les employeurs d'apprentis.

Quant au crédit d'impôt évoqué par Mme Jacquaint et M. Paul, je souhaite dissiper quelques malentendus. Les régions supporteraient-elles la rémunération des apprentis ? Nous ne modifions en rien l'économie du code du travail : le contrat d'apprentissage reste un contrat de travail, la rémunération de l'apprenti est donc versée par l'employeur et si une institution s'engage financièrement, c'est bien l'Etat qui paie les exonérations de charges sociales.

Le salaire des apprentis en première année correspond aujourd'hui à 25% du SMIC et nous souhaitons le rapprocher du taux du contrat de professionnalisation, soit un peu plus de 50% du SMIC. Cet effort supplémentaire sera supporté par l'employeur, à travers le versement du salaire brut, et par l'Etat, à travers le versement des cotisations patronales. Là non plus, les régions ne seront donc pas concernées par l'augmentation salariale annoncée pour le premier semestre de 2005.

Le crédit d'impôt a lui un double objectif : il s'agit d'une part d'offrir une compensation aux employeurs qui devront financer cette augmentation salariale et, d'autre part, de leur permettre de mieux accueillir les apprentis - meilleure indemnisation d'un maître d'apprentissage, recours aux services d'un tuteur, paiement de l'apprenti au-delà du minimum légal. J'ajoute que les CFA bénéficieront de crédits supplémentaires de la part du fonds national de modernisation à hauteur de 200 millions chaque année mais que ce versement est conditionné à la signature de la charte de qualité qui comporte plusieurs engagements, dont la baisse du taux de rupture : si le CFA découvrait des employeurs indélicats, à lui d'alerter la direction départementale du travail qui a autorité pour mettre fin à ces mauvaises pratiques.

Concernant les effets d'aubaine, je vous rappelle que l'apprenti doit être dans l'entreprise depuis au moins six mois pour que le droit à crédit d'impôt soit ouvert. En outre, multiplier les conditions d'obtention nuirait à la mise en œuvre du dispositif.

S'agissant enfin, Madame la rapporteure, du mécanisme de compensation, l'Etat prend toutes les précautions pour que chaque entreprise bénéficie d'une compensation à la création de la contribution additionnelle au développement de l'apprentissage. L'Etat a en outre prévu une mise en œuvre sur trois ans, ce qui permet d'apporter des réponses aux entreprises dans lesquelles l'apprentissage serait insuffisamment développé. Enfin, la compensation prévue excède les dépenses des entreprises, puisque pour 2005, le crédit d'impôt représentera un surplus de près de 150 millions par rapport à la surcharge qu'entraînera la contribution additionnelle au développement de l'apprentissage.

Avis défavorable donc aux deux amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ces deux amendements de suppression se justifient, car il est contradictoire de prétendre développer l'apprentissage à travers le crédit d'impôt. Il est en effet paradoxal d'inciter les entreprises à développer l'apprentissage en leur accordant un avantage financier alors que le Gouvernement conçoit l'apprentissage comme le moyen, pour elles, d'assurer leur pérennité. En d'autres termes, il y a lieu non pas de proposer une incitation fiscale mais de faire en sorte que les entreprises prennent en charge l'intégralité du développement de l'apprentissage. Le Gouvernement use surabondamment du crédit d'impôt, comme on l'a vu pour le PTZ. Il recourt ici à ce moyen de repousser son effort financier d'un an, au lieu de participer concrètement au soutien de l'apprentissage.

Enfin, chaque centime d'euro sollicité est une charge pour les entreprises et, comme tel, peut être déduit. Les entreprises peuvent donc raisonner uniquement en termes financiers.

M. Denis Jacquat - Depuis hier, nous entendons dire avec raison qu'il faut redonner ses lettres de noblesse à l'apprentissage. Tel est précisément l'objectif de cet article. Nombre de jeunes voulant un emploi qualifié le plus rapidement possible, l'apprentissage constitue la meilleure des voies pour eux. Pour les employeurs, la formation d'un apprenti a un coût ; aussi la création de postes exige-t-elle simplification des procédures et incitation fiscale. Quel que soit le type d'entreprise, le patron sera d'accord pour former un apprenti si la procédure est simple - et il le formera bien : Edouard Jacque et moi-même pouvons témoigner que dans nos régions frontalières, les entreprises allemandes ou luxembourgeoises viennent débaucher nos apprentis.

J'ai entendu dire que cet article n'avait pas sa place dans ce texte. Au contraire ! L'emploi des jeunes est partie intégrante de la cohésion sociale.

Les amendements 228 et 583, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Rapporteure - L'amendement 103 étant identique à l'amendement 634, je laisse à M. Thomas le soin de le défendre.

M. Rodolphe Thomas - La commission a en effet adopté cet amendement, et j'en remercie Mme la Rapporteure.

Le taux de chômage des jeunes, notamment des jeunes les moins qualifiés, a augmenté, et leur insertion professionnelle s'effectue désormais au prix d'une précarité croissante. Nous ne pouvons que constater l'échec des politiques visant à l'intégration professionnelle des jeunes peu ou non qualifiés. Revalorisons donc l'apprentissage, dont le taux d'insertion dans l'entreprise est supérieur de 80% à celui de la filière générale. L'article 15 prévoit un crédit d'impôt de 2 200 euros pour l'embauche d'un apprenti bénéficiant de l'accompagnement personnalisé. L'amendement 634 le porte à 3 200 euros, pour encourager encore davantage les entreprises qui font l'effort de s'inscrire dans une démarche citoyenne en embauchant des jeunes de 16 à 25 ans dépourvus de qualification scolaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement comprend le souci qui inspire cet amendement et y souscrit, puisqu'il a porté le crédit d'impôt de 1 600 à 2 200 euros pour les jeunes faisant l'objet d'un accompagnement personnalisé. Mais un crédit d'impôt de 3 200 euros ne serait plus justifiable, compte tenu de la prime déjà accordée aux employeurs par les régions. Pour un jeune en première année d'apprentissage, le salaire net s'établit à 3 600 euros et la prime moyenne octroyée par les régions à 2 000 euros. Y ajouter 3 200 euros, c'est permettre à l'employeur d'encaisser 5 200 euros de fonds publics. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, d'autant plus que l'amendement suivant, qui permet de faire bénéficier l'employeur d'un travailleur handicapé du crédit d'impôt majoré, aura le plein assentiment du Gouvernement.

Les amendements 634 et 103 sont retirés.

M. Patrick Beaudouin - Nous avons tous à l'esprit le grand chantier du handicap, et le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées vient dans quelques jours en deuxième lecture devant notre Assemblée. Le groupe de travail sur l'apprentissage a eu le « réflexe handicap » : il souhaite que le texte sur la cohésion sociale témoigne du regard neuf qui est porté sur le handicap. L'amendement 104 rectifié de la commission, cosigné par Jean-Paul Anciaux et par moi-même, tend donc à majorer le crédit d'impôt des entreprises employant un apprenti handicapé. Une culture nouvelle est en train de naître : la personne handicapée fait partie intégrante de notre société. C'est dans cet esprit que s'inscrit notre amendement, comme, d'ailleurs, l'amendement 169 du Gouvernement, qui propose d'ouvrir les contrats d'objectifs et de moyens aux personnes handicapées.

M. Rodolphe Thomas - L'apprentissage constitue la voie d'insertion professionnelle par excellence, a fortiori pour les personnes handicapées. Les entreprises artisanales non assujetties à l'obligation d'emploi emploient d'ailleurs massivement des travailleurs handicapés : plus de 120 000 personnes handicapées travaillent dans des établissements de moins de 20 salariés, et 228 000 dans les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi.

Afin d'inciter les entreprises à embaucher en apprentissage des jeunes handicapés, l'amendement 715 tend à majorer le crédit d'impôt des entreprises employant un apprenti handicapé.

M. Denis Jacquat - L'amendement 517 est défendu.

Mme la Rapporteure - Favorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'objectif des amendements n'est pas contestable, mais nous souhaitons un éclaircissement. Ce dispositif vient-il en sus des dispositifs affectés à la qualité de travailleur handicapé ? N'y a-t-il pas de risque que l'entreprise ait à opérer un choix purement financier ?

M. Denis Jacquat - Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Comprenez-moi bien : je pose simplement la question, je ne porte pas de jugement de valeur.

Mme Muguette Jacquaint - C'est une vraie question.

M. Denis Jacquat - Je suis surpris par ce que je viens d'entendre. J'ai siégé pendant vingt-trois ans dans une COTOREP, ce qui me confère quelque autorité en la matière...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce sont des jugements de valeur ! C'est vraiment désagréable !

M. Denis Jacquat - Quand on connaît les difficultés rencontrées par les personnes handicapées, notamment les jeunes, pour trouver un emploi, on ne peut que se réjouir que le Gouvernement porte enfin un regard neuf sur les 5 millions de personnes handicapées que compte notre pays. Je suis persuadé que jamais un chef d'entreprise ne choisira d'embaucher une personne handicapée pour des raisons financières : former un apprenti prend du temps, et plus encore lorsque celui-ci présente un handicap. Je me félicite donc de ces amendements. Continuons à porter ce regard sur les personnes handicapées !

Mme Muguette Jacquaint - J'ai participé au débat sur le handicap, et je vous rejoins tout à fait, Monsieur Jacquat, pour dire que nous devons porter un nouveau regard sur les personnes handicapées. Je suis d'ailleurs un peu choquée que vous mettiez en cause notre humanisme. Nous avons tout de même le droit de poser des questions !

M. Denis Jacquat - Certes.

Mme Muguette Jacquaint - Les personnes handicapées veulent vivre dignement et jouir des mêmes droits à la formation et au travail que les autres. Or, convenez, Monsieur Jacquat, que les entreprises ne font pas toujours preuve de la citoyenneté et de l'humanisme dont nous parlons...

Je souscris à ces amendements. Mais le crédit d'impôt est tout de même important et tout n'est pas aussi parfait que vous le dites : nous avons donc le droit de poser des questions pour nous assurer des garanties.

M. Denis Jacquat - Je suis entièrement d'accord avec Mme Jacquaint. A nous d'inciter à la citoyenneté les entreprises que vous avez dénoncées.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable, et je lève le gage. Aucun arbitrage délicat ne semble à redouter, Monsieur Le Bouillonnec. C'est un crédit d'impôt qui est prévu, alors que pour l'emploi de travailleurs handicapés, le système se fonde sur des pénalités financières.

En ce qui concerne l'accompagnement, le réseau des missions locales est déjà conventionné.

Cette initiative parlementaire est donc la bienvenue.

L'amendement 104 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 105 est rédactionnel.

L'amendement 105, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bertho Audifax - Je partage l'analyse de M. Jacquat, l'apprentissage est un sujet important en matière de cohésion sociale. A La Réunion, le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé. Mon amendement 557 vise à assimiler les jeunes de plus de 21 ans à ceux qui bénéficient de l'accompagnement personnalisé dans les régions où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25%. Le crédit d'impôt serait ainsi porté pour eux de 1 600 à 2 200 euros.

Dans ces régions qui connaissent un fort chômage des jeunes, le nombre des entreprises est faible. Le dispositif que je propose permettrait de compenser ces deux handicaps.

Mme la Rapporteure - La commission a préféré retenir comme critère les publics plutôt que les zones géographiques. Vous savez que nous sommes décidés à aider les départements d'outre-mer, mais la commission était dans l'obligation de repousser cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

Mme Hélène Mignon - Si les jeunes apprentis rencontrent de grandes difficultés, sera-t-il possible de faire appel au référent de la mission locale ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le crédit d'impôt n'est accordé que si le jeune a signé un CIVIS. Dans ce cas, le réseau d'accueil référent est celui des missions locales et des PAIO.

L'amendement 557, mis aux voix, est adopté.

M. Rodolphe Thomas - Mon amendement 633 vise à prévoir un dispositif analogue à celui de M. Audifax, mais en faveur des zones urbaines sensibles, où le taux de chômage des jeunes a redoutablement augmenté. Il s'agit de favoriser l'embauche de jeunes exclus, en conformité avec la politique de la ville souhaitée par M. Borloo.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que le précédent.

M. le Secrétaire d'Etat - Pour les jeunes des ZUS rencontrant des difficultés à trouver un emploi, il est déjà prévu un accompagnement par la mission locale et un crédit d'impôt majoré. Ces personnes sont donc aidées. En allant plus loin, on ne ferait que multiplier les niches fiscales, au risque de rendre la loi incohérente, voire injuste.

Mme Hélène Mignon - Nous sommes d'accord.

Mme Muguette Jacquaint - Dans ma circonscription, si les jeunes ont du mal à trouver un emploi, ce n'est pas seulement faute de formation, c'est souvent à cause de leur nom ou de la mauvaise réputation de leur ville. Il y a là un véritable barrage à l'embauche. Il serait anormal d'accorder un crédit d'impôt supplémentaire à ceux qui ne font pas l'effort d'embaucher ces jeunes. Ce serait pousser le bouchon un peu loin... Dans les ZUS, d'ailleurs, beaucoup d'entreprises bénéficient déjà des avantages accordés au titre des zones franches. Je m'oppose à cet amendement.

L'amendement 633, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

Mme Muguette Jacquaint - Cet article vise à donner aux acteurs de l'apprentissage la faculté de signer des contrats d'objectifs et de moyens. Or, il existe déjà de nombreuses conventions entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Le contrat de plan organise pour sept ans le cofinancement des programmes. S'y ajoutent le plan régional de développement des formations professionnelles, le programme régional d'apprentissage, les schémas régionaux et les conventions d'application du plan. Cet article ne vise donc qu'à allonger une liste déjà longue, avec les mêmes objectifs et les mêmes acteurs.

Combinée à la régionalisation, la politique contractuelle est censée réussir là où les modes de gestion traditionnels auraient échoué. Elle est conçue comme un instrument de pilotage au service d'une exigence accrue de qualité et d'efficience. Mais y a-t-il échec de la politique contractuelle qui existe déjà ? Nous n'avons aucune raison de créer un dispositif supplémentaire et facultatif de contractualisation qui ne ferait que rendre le système plus complexe. C'est pourquoi notre amendement 229 est de suppression.

M. Christian Paul - Si mon amendement 757 vise lui aussi à supprimer cet article, c'est parce que nous souhaitons ouvrir le débat sur le rôle que vous entendez faire jouer aux régions en matière de formation professionnelle. Selon l'article 8 de la loi sur les responsabilités locales, elles sont compétentes dans ce domaine. Je souhaite que vous nous disiez ce que vous attendez d'elles. Le programme régional de développement des formations est-il totalement inopérant ? En inventant un nouveau mode de contractualisation, n'êtes-vous pas en train de confirmer la fin des contrats de plan ? Je souhaite connaître votre position, car les dotations ne sont pas indexées sur le nombre des apprentis.

Les amendements 229 et 757, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Rapporteure - L'amendement 106 rectifié vise à rétablir les contrats d'objectifs et de moyens, que le Sénat avait supprimés au profit de contrats déjà existants. La relance de l'apprentissage, pour aller suffisamment vite, exige un outil spécifique : il y a urgence ! Pour répondre au souci du Sénat, nous proposons que ces nouveaux contrats puissent prendre la forme d'une annexe aux contrats existants. Par ailleurs, cet amendement assigne un nouvel objectif aux contrats d'objectifs et de moyens : la promotion du soutien à l'initiative pédagogique. La commission aurait voulu y ajouter l'objectif de développement de l'accès des jeunes handicapés à l'apprentissage, mais se serait heurtée à une irrecevabilité financière. Le Gouvernement a donc déposé un sous-amendement en ce sens, conforme aux nombreuses mesures semblables adoptées aux articles précédents.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement 106 rectifié. Le sous-amendement 969 vise, en cohérence avec les article précédents, à ce que l'accueil des personnes handicapées dans les dispositifs d'apprentissage fasse partie des priorités des conventions d'objectifs et de moyens.

Le sous-amendement 969, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - Je demande une nouvelle fois au ministre de nous donner un aperçu de sa doctrine en ce qui concerne le partage des rôles entre l'Etat et les régions dans le domaine de l'apprentissage. Par ailleurs, l'amendement de la commission implique-t-il que l'Etat entend contracter avec des chambres consulaires ou avec des organismes de formation sans que le conseil régional soit partie prenante ?

M. le Secrétaire d'Etat - L'essentiel de l'apprentissage a été confié aux régions par les lois de décentralisation de 1982 et 1983. Depuis, c'est le système de compensation globale forfaitaire qui s'applique, et ni vous ni nous ne l'avons modifié. De la même façon que l'on ne compense par les charges relatives aux lycées en fonction du nombre de lycéens, on ne compense pas les dépenses relatives à l'apprentissage en fonction du nombre d'apprentis. Pourtant, ce nombre a varié de façon très sensible, notamment entre 1991 et 1994.

L'article 20 de la loi de finances pour 2005 améliore cette compensation. A la place d'une dotation inscrite dans le budget de l'Etat et qui augmentait en moyenne de 2% par an, nous proposons de créer une contribution pour le développement de l'apprentissage, additionnelle à la taxe d'apprentissage, qui sera intégralement affectée aux régions. Compenser les compétences transférées par des recettes fiscales affectées plutôt que par des subventions d'Etat permet de mieux respecter le principe de l'autonomie financière des collectivités locales. La contribution, étant assise sur la masse salariale, augmentera d'environ 5% par an, contre 2% pour la dotation budgétaire. Cette nouvelle ressource est donc bien plus dynamique.

Le fonds national de modernisation de l'apprentissage et les conventions d'objectifs et de moyens s'inscrivent parfaitement dans les lois de 1982 et 1983. L'Etat n'a pas l'intention de se substituer aux régions. Il souhaite en revanche que celles qui décident de se mobiliser soient soutenues. Le fonds de modernisation, qui se montera à 215 millions en année pleine, abondera les moyens des régions pour les actions allant dans le sens des différents objectifs mentionnés dans l'amendement de la commission. Quant aux conventions, elles sont bien sûr passées avec les régions. Elles sont spécifiquement dédiées à l'apprentissage, pour la durée du plan de cohésion sociale. En revanche, et l'Association des régions de France n'y est pas opposée, nous souhaitons que les gestionnaires des centres de formation d'apprentis - les chambres des métiers, chambres de commerce et branches professionnelles pour les CFA qu'elles gèrent - puissent aussi être signataires de ces conventions Etat-région.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur le ministre, vous avez expliqué au Sénat pourquoi le fonds de modernisation était présenté par voie d'amendement, mais je ne suis pas sûr de bien avoir compris le rapport avec le Trésor public.

M. le Secrétaire d'Etat - Le fonds national de modernisation de l'apprentissage est alimenté par une ponction sur la taxe d'apprentissage, correspondant aux exonérations que la loi a supprimées. S'y ajoutent les surplus de taxe d'apprentissage qui, faute d'affectation, iraient au Trésor public. Il ne nous aurait pas paru normal que l'Etat conserve cette part de la taxe d'apprentissage. Elle est donc affectée à un tiers.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je vous remercie.

L'amendement 106 rectifié, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 16 est ainsi rédigé.

M. Christian Paul - Je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 30.

APRÈS L'ART.16

M. Denis Jacquat - La taxe d'apprentissage est la première ressource financière des CFA. Or, il existe aujourd'hui une grande disparité dans sa répartition. Les CFA en relation étroite avec certaines branches professionnelles ou certaines chambres consulaires perçoivent des sommes importantes par apprenti. Ceux qui relèvent de l'interprofessionnel, du secteur public ou des associations perçoivent des montants beaucoup plus modestes. C'est pourquoi notre collègue Colombier propose, par l'amendement 271, d'instaurer, selon des modalités précisées par décret, un plafond de taxe d'apprentissage par apprenti. Les sommes reçues en excédent serviraient à alimenter le fonds de modernisation et de développement de l'apprentissage créé par la présente loi.

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté cet amendement. Un système de redistribution est déjà prévu à l'article L. 118 du code du travail, et les ressources annuelles d'un CFA sont plafonnées en fonction du nombre d'apprentis. Je comprends le souci de pouvoir bien évaluer les coûts année par année et d'avoir une bonne lisibilité du système de redistribution. Le dispositif de l'article L. 118 n'a pas pu fonctionner jusqu'à présent, mais devrait être opérationnel d'ici la fin de l'année. Il fallait en effet, pour qu'il fonctionne, que soit mise en place une comptabilité analytique dans les régions, afin d'évaluer les coûts de formation. Elle est aujourd'hui en place : il sera donc possible au 31 décembre 2004 de connaître les coûts, et le système de redistribution pourra opérer dès l'an prochain.

M. le Secrétaire d'Etat - A la lumière des explications de Mme la rapporteure, le Gouvernement souhaite que cet amendement soit retiré.

M. Christian Paul - Je saisis cette occasion pour interroger le Gouvernement sur la péréquation ; c'est en somme la question que pose à sa manière l'auteur de l'amendement. Vous avez dit au Sénat, Monsieur le ministre, que le fonds de modernisation comporterait deux sections, dont une vouée à la péréquation. Je souhaite savoir plus précisément comment le Gouvernement conçoit cette péréquation dans les années qui viennent.

M. Denis Jacquat - Mme la rapporteure a été très claire, et je vais retirer l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus qu'au Sénat, Monsieur Paul. Tout d'abord l'actuel fonds de péréquation va en effet devenir une section du fonds de modernisation, en conservant le même montant de 150 millions d'euros. Ensuite, à la demande de l'Association des régions de France, nous engageons une discussion avec elle pour revoir les critères de mobilisation de ce fonds de péréquation. Et pour assurer la transparence, nous avons proposé au Sénat - qui l'a adopté à l'unanimité - un amendement qui prévoit de retracer, en annexe des comptes administratifs des régions, les mouvements de fonds relatifs à l'apprentissage.

L'amendement 271 est retiré.

ART. 16 BIS

Mme la Rapporteure - Les amendements 875 et 876 sont rédactionnels.

Les amendements 875 et 876, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 16 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16 BIS

Mme Muguette Jacquaint - Si l'on crée des CFA pour faire face à l'augmentation escomptée du nombre de contrats, il importe selon nous que ces centres, compte tenu de la diversité de leurs financements, soient gérés par des conseils d'administration représentatifs des salariés apprentis comme des financeurs. Ainsi, si les régions sont partie prenante du financement des CFA, il est naturel qu'elles soient représentées dans les conseils d'administration, et non pas cantonnées à un contrôle a posteriori de la situation financière de ces centres. Cela permettrait éventuellement d'éviter des dérives - n'oublions pas qu'il s'agit d'argent public. La convention créant le CFA doit donc comporter des dispositions en ce sens : tel est l'objet de notre amendement 230.

Mme la Rapporteure - Les CFA ont des conseils de perfectionnement. De plus, la convention portant création d'un CFA en fixe les modalités d'organisation administrative, financière et pédagogique. Un décret précise enfin que chaque CFA est une unité administrative et pédagogique indépendante, dotée d'un conseil d'administration et d'une instance délibérante. C'est pourquoi la commission a jugé cet amendement inutile.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 230, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 107 rectifié de la commission prévoit la remise annuelle d'un rapport au Parlement, qui est indispensable pour apprécier l'application du dispositif de financement de l'apprentissage. Ce rapport devra être très détaillé, et viser tous les éléments en cause : nouveaux contrats, fonds de modernisation, exonération, crédits d'impôt... L'ensemble des membres de la commission demande que le Parlement soit ainsi éclairé.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

M. Francis Vercamer - Je remercie M. le ministre et Mme la rapporteure d'avoir changé d'avis sur l'utilité des rapports, après avoir objecté leur inutilité à nos amendements qui demandaient d'en créer... La nuit porte conseil !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce rapport-ci est particulièrement utile : tous les aspects dont nous avons discuté - conventions, fonds, conditions de vie des apprentis, qualité pédagogique en CFA, accueil de l'apprenti en entreprise - nécessitent une évaluation annuelle par le Parlement, et surtout de façon transversale, au-delà de ce que permettent les différents rapports budgétaires et la LOLF. Ce rapport a d'ailleurs une large assise, et intègre beaucoup des sujets de rapports que vous aviez proposés : on pourrait dire que Mme la rapporteure a synthétisé avec bonheur les différentes propositions du groupe UDF...

L'amendement 107 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

Mme la Rapporteure - L'amendement 877 est rédactionnel.

L'amendement 877, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 17 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Comme convenu et comme annoncé, nous levons la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 17 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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