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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 46ème jour de séance, 109ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 21 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

      ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES
      HANDICAPÉES -deuxième lecture- (suite) 11

      ART. 6 11

      ART. 8 23

      APRÈS L'ART. 8 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le Président - Ce matin, il a été convenu en Conférence des présidents que l'ensemble des questions de cet après-midi porteraient sur les négociations avec la Turquie. Les différents orateurs des groupes seront appelés successivement, à raison de dix minutes chacun, et le Premier ministre m'a fait savoir qu'il leur répondrait personnellement.

M. François Bayrou - C'est un bilan triste et révélateur que celui que le Gouvernement présentera tout à l'heure en réponse à nos questions (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Triste et révélateur pour la démocratie française, triste et révélateur pour le projet européen, triste et révélateur de la place de la France en Europe. C'est un sujet difficile que celui de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, mais personne ne pourra nier qu'il s'agit aussi d'un sujet historique. Monsieur le Premier ministre, sur ce sujet historique, vous avez interdit au Parlement de la République de s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP- applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Au nom d'une conception dépassée d'un prétendu domaine réservé, il a été décidé que les députés du peuple n'auraient pas le droit le plus élémentaire, celui de voter, fût-ce de manière indicative. Quant aux sénateurs, ils n'ont eu ni le droit de vote, ni le droit à la parole.

On a prétendu que nos institutions ne s'accommoderaient pas d'un Parlement qui se mêlerait de la politique étrangère de la France. D'abord, nous sommes nombreux à récuser cette vision. La politique étrangère, cela regarde au premier chef le peuple, et nous le représentons. Ensuite, la politique européenne, ce n'est pas de la politique étrangère. C'est au contraire la plus importante des politiques intérieures ! Ce débat à la va-vite, sans vote, ces minutes si comptées de temps de parole disent la réalité de la démocratie française : concentrée, verrouillée, sans contre-pouvoirs, sans équilibre, sans que la voix du peuple telle qu'elle est ici représentée dispose d'une enceinte pour se faire entendre et peser sur les choix qui engagent l'avenir. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF - applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur divers bancs - exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous venez d'inscrire un chapitre de plus de l'histoire d'une République où la démocratie représentative est vidée de son sens, tenue seulement pour une forme où les représentants du peuple sont écartés de l'essentiel, comme ils le sont en réalité du vote des lois, du vote du budget et même de la fixation de leur propre ordre du jour ! 557 députés, 340 sénateurs, épisodiquement autorisés aux paroles verbales, symboliquement respectés mais, en réalité, interdits d'expression sur les sujets lourds, interdits d'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Michel Bouvard - Bayrou va récrire le coup d'Etat permanent !

M. François Bayrou - Voyez-vous, Monsieur le Premier ministre, un gouvernant français en Europe, ce n'est pas n'importe qui. C'est le chef d'un grand Etat - comme d'autres - mais c'est aussi l'héritier des fondateurs de l'Europe, ceux qui, envers et contre tous, ont voulu l'Europe unitaire, l'Europe des peuples, les institutions, la Commission, la monnaie, la souveraineté et la démocratie européennes... Et que l'on soit pour ou contre l'entrée de la Turquie, on ne peut pas contester que cette perspective change profondément le projet européen que portait la France. Il suffit de mesurer l'engagement des Etats-Unis, à la limite de l'ingérence, directement ou par relais autorisés, pour comprendre que la grande victime, c'est le projet d'une puissance européenne unitaire, démocratique, autonome et libre.

Le plus célèbre des anciens secrétaires d'Etat américains, M. Kissinger, était en visite chez nous cette semaine. Interrogé en privé sur ce sujet, il a eu cette réponse qui dit tout : « l'entrée de la Turquie, si j'étais européen, je serais contre, mais je suis américain, alors je suis pour... » (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Nous, militants de l'Europe unie, nous savions depuis le début que ce projet d'Europe unitaire, politique et démocratique avait des adversaires. Nous savions qu'il avait des ennemis. Mais il avait un ami et un défenseur qui ne lui avait jamais manqué, c'était la France. Toujours, dans les moments difficiles, la France a été là : la France de Robert Schuman pour l'inventer ; la France du général de Gaulle pour le sauvegarder quoi qu'il en eut (Murmures sur les bancs du groupe UMP) ; la France de Valéry Giscard d'Estaing pour lui donner un Parlement élu et un Conseil ; la France de François Mitterrand pour le conduire à sa monnaie. Contre tous ceux qui disaient non, nous, la France, nous maintenions. Nous disions oui et nous l'emportions...

M. Jean-Pierre Soisson - Non à l'Europe fédérale !

M. François Bayrou - Cette fois, nous avons regardé ailleurs et nous nous sommes tus. Nous avons renoncé. Nous avons renoncé à introduire un élément de liberté pour l'Europe avec le partenariat privilégié, pourtant explicitement promis dans cet hémicycle. Nous avons renoncé à introduire un élément de mémoire, avec la reconnaissance du génocide arménien (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Nous avons renoncé au bon sens et à la solidarité élémentaire envers l'un des Etats membres, en acceptant que la décision du 17 décembre soit prise sans reconnaissance préalable de Chypre, occupée militairement par la Turquie (Mêmes mouvements). Les Vingt-cinq divisés, souvent sous influence, ont failli dans la négociation. La France aurait dû être forte à leur place, forte pour eux. Celui qui a été fort, c'est M. Erdogan. Nous voulions le partenariat privilégié, la reconnaissance du génocide arménien et la reconnaissance de Chypre. M. Erdogan a dit : je ne veux pas de partenariat privilégié, je ne veux pas évoquer le génocide arménien, je ne veux pas de la reconnaissance de Chypre. Nous n'avons rien obtenu de ce que nous voulions. Et comme les événements nous échappaient, nous avons seulement feint de les organiser.

Nous avons renoncé au droit de veto que nous donnaient les institutions car nous avions renoncé à porter un projet européen différent. Au bout du compte, ce renoncement implique un recul de l'influence française en Europe : abandonner le projet que l'on portait depuis des décennies, c'est s'abandonner soi-même, s'effacer de l'histoire. La politique, qui est cruelle, en tire les conséquences. Le 17 décembre, lors d'un ultime entretien avec M. Erdogan pour dénouer l'imbroglio, le président en exercice de l'Union s'est entouré du président de la Commission, du chancelier allemand et du premier ministre britannique. Pour de bonnes et de mauvaises raisons, la France, de façon très symbolique, attendait à la porte.

M. Maurice Leroy - Hélas !

M. François Bayrou - Monsieur le ministre, sans la discipline de votre parti et le verrouillage des institutions, une majorité dans cette assemblée vous dirait non (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste ; protestations sur certains bancs du groupe UMP). Ayant décidé de ne rien entendre des craintes et des espérances, vous allez nous dire que tout est pour le mieux et que dans dix ou quinze ans le peuple français sera convoqué pour dire ce que vous n'avez pas eu le courage de dire aujourd'hui. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) Bien sûr, il n'en sera rien. Au-delà des voeux pieux et des déclarations d'intention, une vérité s'impose : nous ne voulons pas la même Europe, et ce débat-là, il ne sera pas au pouvoir du Gouvernement de l'interdire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Alain Bocquet - Le 14 octobre dernier, j'avais mis l'accent, au nom des députés communistes et républicains, sur trois exigences à prendre en compte pour que les conditions de l'adhésion de la Turquie soient réunies : être attentif à l'évolution du contexte démocratique et social dans ce pays, aider les forces démocratiques qui y oeuvrent, et, dans l'Union européenne, rompre avec le système libéral qui compromet la paix et la solidarité.

Depuis, les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé de proposer à la Turquie l'ouverture de négociations dès le 30 octobre 2005. Mais l'essentiel de nos interrogations demeurent. C'est vrai des minorités, à commencer par le peuple kurde. C'est vrai de Chypre, le récent engagement d'Ankara n'étant qu'une étape vers la reconnaissance pleine et entière de cet Etat. C'est vrai encore du génocide arménien qui fit 1 500 000 victimes. Notre Parlement l'a reconnu unanimement en 2000. Le texte de Bruxelles ne le mentionne pas et la Turquie semble camper sur ses positions, alors que le devoir de mémoire s'impose. Par ailleurs, n'oublions pas l'insuffisance de la protection sociale, les atteintes aux droits de l'homme, et aux droits des femmes, et un type de développement économique qui permet au ministre des finances turc de présenter son pays comme « particulièrement séduisant pour les candidats à la délocalisation ».

Cela dit, n'oublions pas des progrès indéniables. Des réformes juridiques et constitutionnelles ont renforcé les droits fondamentaux des citoyens, langues et cultures minoritaires ont été reconnues, les cours de sûreté de l'Etat abolies et la peine de mort supprimée. Entendons aussi Leyla Zana, députée kurde arrêtée le jour de sa prestation de serment en 1994 et emprisonnée dix ans, pour laquelle la perspective d'adhésion est un immense espoir pour son peuple.

Reste que la décision d'ouvrir les négociations est assortie de conditions draconiennes et qu'elles pourront être arrêtées à tout moment par le veto de n'importe quel Etat membre. En saluant les progrès décisifs accomplis par la Turquie, le Conseil européen a ajouté que l'issue des négociations ne pouvait être garanti à l'avance. Il n'a jamais été question d'une telle clause lors des élargissements précédents. Sera-t-elle imposée demain à d'autres pays ?

C'est donc un oui d'opérette qui est concédé à la Turquie, du bout des lèvres, alors que les conditions sont largement créées pour décourager sa candidature et l'inciter à se contenter d'un partenariat privilégié avec l'Union. Nous ne tomberons pas dans votre piège, qui consiste à allumer brusquement une polémique fiévreuse sur cette question, pour parasiter la question essentielle, celle du référendum sur la constitution Chirac-Giscard, la constitution Seillière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la constitution ultra-libérale qui soumet les peuples d'Europe pour 30 ou 50 ans au carcan du libéralisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Chaque jour la résistance se renforce face à cette Europe de la haute finance, des marchands, du chômage et de la misère. Les partisans du oui à cette Europe du capitalisme mondialisé essayent de fausser la réflexion en réduisant les enjeux à l'hypothétique entrée de la Turquie, alors que cette question ne se posera en fait que dans une quinzaine d'années. Quel mépris pour les peuples, y compris le peuple turc ! Et tout cela pour étendre une domination qui fait 20 millions de chômeurs et 56 millions de pauvres dans l'Europe élargie.

Voilà le vrai visage de l'Union que vous bâtissez. Si votre constitution triomphe, ce sont les politiques que vous appliquez en France qui s'étendront à l'Europe, s'abattront sur tous les peuples, redoubleront leurs difficultés et accentueront les inégalités. L'enjeu immédiat est donc celui du référendum sur le projet de Constitution européenne, l'adhésion de la Turquie représentant quant à elle quinze ans de négociations aléatoires entre Etats au sein des institutions. Vous voulez d'ailleurs avancer ce référendum au printemps prochain.

Permettez-moi de le dire : cette confusion des enjeux relève de la manipulation d'opinion. Nous appelons donc nos concitoyens à se détourner du piège ainsi tendu pour faire de la victoire d'un non populaire et progressiste à cette constitution leur objectif. Un non porteur d'espoir, pour l'ensemble des peuples d'Europe, du peuple français au peuple turc. Un non qui offrira la perspective généreuse d'une Europe des peuples s'ouvrant demain à une Turquie respectueuse des valeurs que nous voulons mettre en œuvre.

Nous sommes pour une Europe respectueuse des peuples, celle qui est la véritable alternative à vos projets. Une Europe de quelque 500 millions d'hommes et de femmes qui, au-delà de leurs particularismes culturels et religieux, partagent la volonté de bâtir une Europe de paix, sociale et solidaire.

Il faut que le non l'emporte pour garantir la construction d'une Europe fraternelle « de l'Atlantique à l'Oural », en passant par la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Bernard Accoyer - Je remercie le Président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, d'avoir pris l'initiative de ce débat sur l'ouverture des négociations en vue d'une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et le Gouvernement d'en avoir accepté le principe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La position de l'UMP est connue et claire (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF), elle a été fixée par le conseil national du 9 mai 2004 et j'ai eu l'occasion de la présenter ici même le 14 octobre : nous sommes favorables à la mise en œuvre d'un partenariat privilégié avec la Turquie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour la majorité d'entre nous, une éventuelle adhésion de la Turquie pose toute une série de questions géographiques, politiques, institutionnelles, économiques, qui doivent être examinées au regard de notre projet européen : bâtir une Europe puissance politique fortement intégrée et assez homogène pour parler d'une seule voix sur la scène internationale. C'est ce projet qui fait que l'adoption du traité constitutionnel européen est désormais pour nous une ardente priorité.

Fallait-il, dès lors, ouvrir les négociations entre l'Union européenne et la Turquie, qui aujourd'hui, personne ne le conteste, ne remplit pas les conditions d'adhésion ?

Oui, il le fallait, afin de prolonger le dialogue ouvert en 1959 entre l'Union européenne et la Turquie, un dialogue riche avec un pays de culture musulmane, mais un Etat laïc, une démocratie ancrée dans la société et ouverte à l'alternance. Oui, il le fallait, parce que c'est l'intérêt de la France et de l'Union européenne de ne fermer aucune porte dans un contexte géopolitique instable. Oui, il le fallait, parce que la Turquie a engagé une véritable révolution silencieuse pour se conformer aux conditions fixées par l'Union

Chacun peut comprendre que ces négociations soient, à leur ouverture, présentées avec pour objectif final l'adhésion. Néanmoins, il est clair qu'elles pourraient déboucher sur l'hypothèse qui nous paraît la plus probable, celle qui est inscrite dans les conclusions du sommet de Bruxelles, à savoir celle d'un « lien fort » et approfondi entre l'Union et la Turquie. Il est en tout état de cause clairement stipulé dans les conclusions du sommet que « négociation ne vaut pas adhésion ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Jamais, jusqu'ici, des négociations n'avaient été ouvertes avec des conditions aussi nombreuses.

En cas de violation des droits de l'homme ou des libertés fondamentales, ce que nous ne voulons et ne pouvons pas imaginer, il est évident que le Conseil déciderait immédiatement de les suspendre. Et comme il s'agit d'une négociation intergouvernementale, chaque Etat membre pourra l'interrompre à tout moment, s'il l'estime nécessaire.

Comme pour toute conférence intergouvernementale, il faudra à chaque fois l'unanimité pour ouvrir et fermer chacun des trente chapitres de la négociation, c'est-à-dire l'unanimité dans tous les domaines, pris un par un, de l'acquis communautaire.

Ainsi, pour qu'une éventuelle adhésion de la Turquie puisse être soumise à l'accord nécessairement unanime du Conseil européen et à la ratification également unanime de chacun des Etats membres, la Turquie devra satisfaire aux dispositions des quelque 90 000 pages de l'acquis communautaire. Les engagements pris par la Turquie devront être effectivement introduits dans sa législation, concrètement mis en œuvre et dûment évalués par l'Union européenne. Des périodes transitoires pouvant être longues et des clauses de sauvegarde permanentes sont prévues.

La Turquie devra faire sien l'idéal européen, fondé sur la réconciliation et le respect entre les peuples. Il faudra que la question chypriote trouve une solution négociée sous l'égide de l'ONU, laquelle passe obligatoirement par la reconnaissance de Chypre, Etat membre de l'Union, par la Turquie. Les droits de la minorité kurde devront être respectés. La Turquie devra satisfaire aux exigences du devoir de mémoire. Je pense en particulier au génocide arménien que notre assemblée a reconnu par la loi du 29 janvier 2001 adoptée à l'unanimité. Les Français, qui auront le dernier mot par la voie référendaire, seront vigilants sur cette question essentielle.

Le chemin qui reste à parcourir est donc considérable. C'est pourquoi le Conseil a prévu l'échec des négociations, quelle qu'en soit la cause. Sous l'impulsion de notre diplomatie et du Président Jacques Chirac, le Conseil a fait preuve de réalisme en précisant que si l'Etat candidat n'est pas en mesure d'assumer intégralement toutes les obligations liées à la qualité de membre, il conviendra « de veiller à ce que l'Etat candidat concerné soit pleinement ancré dans les structures européennes par le lien le plus fort possible. »

L'alternative ne sera donc pas, à l'issue des négociations, l'adhésion ou le rejet, mais : adhésion ou « lien le plus fort possible. » L'article 57 du projet de traité constitutionnel européen, consacré aux accords que l'Union peut conclure avec ses voisins proches, apporte un cadre à ce partenariat privilégié que nous défendons. Ce qui souligne encore toute l'importance de dire oui au projet de traité constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Un long débat va s'ouvrir en Europe, dont les enjeux pourraient se trouver largement bouleversés au cours des quinze années qui constituent la durée probable de ces négociations. En tout état de cause, ce seront les Français eux-mêmes qui auront le dernier mot par un vote référendaire comme l'a voulu le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

Au nom du groupe UMP, très attaché aux valeurs sur lesquelles s'est bâtie l'Europe, et qui sont inscrites dans les décisions du sommet du 17 décembre, je vous demande, Monsieur le Premier ministre, quel sera le calendrier des négociations, et comment vous comptez associer le Parlement à ce débat, comme l'a souhaité le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - L'accord signé à Bruxelles par vingt-cinq gouvernements est un acte majeur. L'Europe démontre une nouvelle fois sa capacité à dépasser les fractures de l'histoire et à unifier le continent. En acceptant de négocier l'entrée de la Turquie, l'Europe fait plus que tenir un engagement vieux de plus de quarante ans ; elle est surtout fidèle à sa mission de fédérer des peuples, des cultures, des confessions différents. Elle se définit dans une construction politique fondée sur des valeurs laïques, pluralistes et démocratiques. L'Europe, en effet, est avant tout une idée politique. Que la Turquie veuille y adhérer avec le consentement unanime de vingt-cinq nations témoigne de sa force d'entraînement, et aussi de la volonté de modernisation de la Turquie elle-même.

Au-delà de cette dimension historique, la réussite de l'accord de Bruxelles dépendra de la capacité des Etats à entraîner leurs peuples dans ce nouveau défi pour l'Europe. Or, sur ce point, le Conseil européen a quelque chose d'inachevé. D'abord, le projet européen risque de se diluer au fil d'élargissements mal maîtrisés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF). Le Conseil européen a eu d'ailleurs la sagesse d'y répondre en introduisant certains garde-fous, comme les socialistes le souhaitaient : les négociations ne comportent pas de date butoir, elles ne préjugent en rien le résultat, qui peut être soit l'adhésion, soit l'association, soit aussi le statu quo. Tout dépendra de la volonté turque de faire siennes les valeurs et les règles de l'Union.

M. Jean-Christophe Lagarde - Ça commence bien !

M. Jean-Marc Ayrault - Or, malgré des efforts d'adaptation considérables, la Turquie accuse encore de nombreux retards (« Sans blague ! » sur les bancs du groupe UDF) dans le fonctionnement de sa démocratie, qu'il s'agisse des violences policières, des entraves à la liberté religieuse, de la faiblesse des normes sociales, des atteintes aux droits des femmes, de l'insuffisante acceptation des minorités, du refus de reconnaître le génocide arménien, dont la France, par une loi votée à l'initiative des députés socialistes rejoints ensuite par la majorité du Sénat malgré l'opposition de Jacques Chirac, a fait un engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La démarche est compliquée par le refus de M. Erdogan de reconnaître officiellement la République de Chypre. L'Union européenne, je le répète, tire sa force du dépassement des conflits de l'histoire. Si chaque Etat avait le loisir de récuser certains partenaires, l'Union disparaîtrait. Imagine-t-on que l'Angleterre soit entrée dans la Communauté européenne en refusant de reconnaître la République d'Irlande à cause de l'Ulster ? Non, Monsieur Accoyer, la reconnaissance mutuelle entre Etats membres n'est pas négociable. Il est regrettable que le Conseil européen ne l'ait pas clairement signifié aux Turcs. Cette faiblesse est d'autant plus coupable qu'elle a permis au département d'Etat américain de s'immiscer dans la négociation en élaborant la formule de compromis finalement adoptée. Il est invraisemblable qu'aucun Etat membre, à commencer par la France et particulièrement le Président de la République, n'ait réagi contre une telle interférence.

En outre, comment l'Union va-t-elle assurer le développement de territoires déshérités une fois et demi plus grands que le nôtre en continuant de plafonner les fonds structurels ? Comment réussira-t-elle la mise à niveau économique et sociale de la Turquie en diminuant, contre toute raison, le budget européen, comme le Président de la République l'a demandé à Bruxelles ? Tant que l'Europe ne se dotera pas des armes capables de supporter la charge de ses élargissements, elle récoltera le scepticisme de ses peuples.

Dès lors, Monsieur le Premier ministre, comment convaincre les Français de l'importance de cette ouverture vers la Turquie ? Le Président de la République a promis que le Parlement serait associé à chaque étape des négociations (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Or, votre gouvernement commence par organiser un ersatz de débat sans que les députés puissent se prononcer par un vote. Voilà une pratique indigne de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF). Vous restez rivé à cette conception archaïque de la Ve République qui considère les questions européennes comme un domaine réservé de l'Elysée. Cette défaillance démocratique, qu'il faudra bien un jour redresser, a aujourd'hui pour vous l'avantage de masquer les divisions du groupe UMP (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - Et celles du parti socialiste ?

M. Jean-Marc Ayrault - Le président Accoyer a eu l'honnêteté de les reconnaître. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Je comprends bien qu'on puisse débattre au sein des partis politiques. Cela ne me choque pas du tout (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais la réalité, c'est le décalage abyssal qui sépare les propos du Président de la République de ceux du président de l'UMP. Quand Jacques Chirac exprime l'intérêt pour la France et l'Europe d'une intégration de la Turquie, Nicolas Sarkozy souligne aussitôt la difficulté incontestable qu'elle représente. Quand Jacques Chirac met en évidence les liens historiques qui unissent la Turquie et l'Europe depuis Byzance (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), Nicolas Sarkozy le contredit sans ménagement : « Si la Turquie était européenne, cela se saurait ». Quand le président de l'UMP réclame un simple partenariat avec les Turcs, le Président de la République souligne que ceux-ci n'en veulent pas.

Je suis donc obligé de demander : y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Nous assistons en effet au grand concert de la discorde, nous entendons la polyphonie des peurs... L'UMP et l'UDF font assaut de simplisme pour expliquer que la Turquie et l'Europe sont incompatibles. On convoque l'histoire, la géographie, la démographie, le PIB, la religion. On rejoue le siège de Vienne, la bataille de Lépante. On évoque le déferlement migratoire, l'instabilité frontalière, les « différences culturelles ». Sans jamais le dire précisément, MM. Sarkozy et Bayrou suggèrent, insinuent qu'il serait impossible d'intégrer 70 millions de musulmans dans une Europe de plus de 400 millions d'habitants.

En attisant ainsi les peurs et les fantasmes, ils prennent la responsabilité de brouiller les enjeux et de conduire leurs électeurs à exprimer immédiatement leur refus de la Turquie en s'opposant à la Constitution européenne. Voilà comment d'une pierre, on commet deux catastrophes ! Faut-il donc encore une fois rappeler, et c'est la position des socialistes... (« Lesquels ? » sur les bancs du groupe UMP)

Quand les socialistes ont des débats, ils les tranchent par des votes !

M. Henri Emmanuelli - Votez, Messieurs de l'UMP !

M. Jean-Marc Ayrault - Faut-il donc rappeler que ce processus de négociations avec la Turquie sera long - dix ans, quinze ans, plus peut-être - et qu'il sera tranché souverainement par chacun des Etats membres ? Voilà la vérité, et la dignité politique consiste à dire la vérité !

Le courage en politique n'est pas, en effet, de chevaucher les peurs ; il n'est pas de désigner des boucs émissaires - Monsieur le Premier ministre, vous avez donné le mauvais exemple en parlant des « bureaux anonymes de Bruxelles » -, pour justifier nos renoncements ou nos impuissances.

La France se perd à se recroqueviller sur elle-même, à vivre en forteresse assiégée. Elle abandonne sa capacité à peser sur la marche de l'histoire, sur le cours de l'Europe. Elle renvoie l'image d'une nation déboussolée, sans repère, en crise de confiance. C'est ce découragement, cette tentation du repli qui sont aujourd'hui notre ennemi, et non la Turquie.

Arrêtons de faire croire que l'Europe-puissance se bâtira par rejet ou par décret. Elle naîtra de notre capacité à entraîner nos partenaires et nos peuples dans une Europe de projets : le gouvernement économique, l'harmonisation sociale, la défense commune, la recherche et l'innovation. Là est la vraie grandeur du politique : dire la vérité, expliquer les enjeux, montrer des chemins. En d'autres termes, Monsieur le Premier ministre : agir plutôt que subir !

Ma dernière question sera donc : où est la grande politique européenne de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - La parole est à M. le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Pour l'ouverture des négociations européennes en vue d'une éventuelle adhésion de la Turquie, le Président de la République a fixé la position de la France : oui à l'entrée de la Turquie à terme, si elle remplit les critères d'adhésion à l'Union (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). En effet, si ces conditions sont réunies, ce sera l'intérêt de la France et de l'Europe.

Répondant aujourd'hui à vos questions comme vous l'avez souhaité, je poursuis avec le Parlement un dialogue que je veux régulier, transparent et conforme à la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Et ce dialogue continuera tout au long de négociations qui peuvent ne s'achever qu'en 2020...

M. François Hollande - En 2020, vous ne serez plus là !

M. le Premier ministre - J'engage donc mes successeurs ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)

A chaque étape, le ministre des affaires étrangères se tiendra à la disposition de votre Assemblée.

La France propose une vision courageuse de l'histoire

Depuis 1963, la question de l'entrée de la Turquie est clairement posée. Aucun Président, aucun chef de gouvernement, aucun des ministres présents n'y a répondu par la négative. En 1999, l'ensemble des Etats membres a reconnu la vocation européenne de ce pays. Le 6 octobre, la Commission a rendu un avis positif sur l'ouverture des négociations que le Conseil européen a autorisée le 17 décembre. Ce choix nous engage. Ce n'est pas un choix d'opportunité comme je viens de l'entendre : c'est un choix qui s'appuie sur une vision de la France et de l'Europe.

Nous proposons à la Turquie de faire sa révolution européenne.

Notre projet européen est à la fois un projet de paix et de stabilité, un projet pour la démocratie, les libertés et les droits de l'homme et un projet de développement économique et social. C'est sur ces valeurs que la Turquie devra se prononcer, c'est à elle de rejoindre notre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'ancrage de la Turquie dans l'Union peut renforcer l'Europe dans ces trois domaines : il consolidera la paix et renforcera la sécurité ; il rendra irréversibles la démocratisation de ce pays et la défense des libertés ; il assurera son propre développement économique tout en contribuant à notre prospérité.

La Turquie doit donc faire sa révolution européenne. Laissons l'Europe exercer sa force d'attraction démocratique, car là réside sa puissance.

Rien ne condamne la Turquie à l'exclusion éternelle de l'Europe.

La géographie ? Depuis des siècles, ce pays se pose la question de la part d'Europe qu'il porte en lui. Nous voulons qu'il penche résolument du côté européen : c'est en effet l'intérêt de l'Europe de ne pas avoir à ses portes un foyer d'instabilité qui lui serait hostile parce qu'elle aurait refusé l'espoir.

La religion ? Les dirigeants turcs nous disent vouloir construire un Etat laïc. La France, pays de la laïcité, et ce Parlement qui a voté à l'unanimité une loi d'avant-garde sur le sujet doivent-ils les décourager ? Nombreux sont les musulmans qui, en Turquie, ne veulent pas faire de la religion un projet politique. Retrouvons-nous sur l'essentiel, sur les valeurs fondamentales et construisons un vivre ensemble européen qui sera d'autant plus fort qu'il rassemblera des Européens de toutes confessions.

L'immigration ? A chaque élargissement, la question s'est posée et la réponse fut toujours la même.

L'entrée dans l'Union permet de fixer les populations, parce que c'est un choix d'identité, parce que c'est un choix de prospérité, parce que c'est un choix de liberté. Le développement est toujours plus humain à la maison.

La négociation n'est pas l'adhésion. Je le dis clairement, iI n'y a pas, contrairement aux caricatures que j'ai entendues tout à l'heure, automaticité de la négociation à l'adhésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le processus va être long et durer plusieurs années - dix ans, quinze ans peut-être - pour une raison simple : ni l'Europe ni la Turquie ne sont prêtes aujourd'hui à une adhésion.

En Europe d'abord et en France en particulier, il faudra du temps pour faire partager à tous les acteurs concernés l'intérêt de la candidature turque. Évidemment !

La Turquie elle-même doit consolider sa démocratie, progresser dans le respect des droits de l'homme et des minorités avec, notamment, les tragiques questions arménienne et kurde... (« Génocide ! » sur les bancs du groupe socialiste) Il n'y a aucun problème à parler du génocide arménien de 1915 ! C'est la loi, le Parlement l'a votée : je ne fais que vous citer, avec conviction ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je le dis clairement. Mais il y a derrière ce mot une stratégie, une volonté claire d'affirmer cette reconnaissance : c'est pour tous les pays de l'Union européenne un devoir de mémoire que nous devons assumer tous ensemble, comme l'a fait le Parlement français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Il faut aussi confirmer le processus de réconciliation régionale qui a été engagé avec la Grèce et régler la question de Chypre dans l'esprit de réconciliation qui caractérise le projet européen.

Des progrès socio-économiques majeurs devront également être établis. Enfin, un considérable travail d'intégration de l'acquis communautaire doit être poursuivi.

Des périodes transitoires longues et des clauses de sauvegarde pourront, si c'est nécessaire, être prévues et engagées.

Les négociations vont donc s'ouvrir. Il va de soi que s'il s'avérait que la Turquie ne veut ou ne peut pas adhérer à l'ensemble des réformes que l'Union lui propose, celle-ci devra lui proposer un lien partenarial en lieu et place de l'adhésion. Nous souhaitons que cette proposition soit faite si la Turquie ne veut ou ne peut réunir les conditions d'adhésion au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pendant toute la période des négociations, chaque Etat, chaque nation, chacun des vingt-cinq membres de l'Union européenne pourra utiliser son veto pour bloquer la totalité des négociations s'il considère que ces dernières ne sont pas conformes au projet européen. Je le dis à M. Bayrou avec gravité, la France n'a pas abandonné son droit de veto. Elle le conserve, parce que ce n'est pas un calcul léger, mais un choix d'une extrême importance, qu'elle exercera le moment venu si le projet turc n'est pas conforme au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Dans quelques semaines, une réforme constitutionnelle va vous être proposée avant que le nouveau traité constitutionnel soit soumis au référendum. Et dans cette réforme, comme le Président de la République l'a souhaité, il est prévu qu'après la Roumanie, la Bulgarie, la Croatie, toute nouvelle adhésion fera l'objet d'un traité qui sera obligatoirement soumis, pour sa ratification, à un référendum. Ainsi, chaque Française et chaque Français conservera son droit d'expression personnelle.

Vous avez exprimé le souhait d'un débat. Ce débat peut avoir lieu : nous serons toujours disponibles. Mais ne comptez pas sur moi, ni sur mon gouvernement, pour mettre à mal les principes de la Ve République, qui ont fait leurs preuves (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et qui donnent au chef de l'Etat la mission essentielle de négocier les traités, et au Parlement et au peuple...

M. Henri Emmanuelli - C'est faux !

M. le Premier ministre - ...la possibilité de les ratifier. Le peuple souverain aura le dernier mot : telle est la conception que j'ai de la Cinquième République ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli - Merci pour le vote !

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Bur.

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES
-deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour l'égalité des droits des personnes handicapées.

M. Daniel Paul - Rappel au Règlement.

Madame la ministre, vous avez indiqué hier soir que les personnes touchant l'allocation pour adultes handicapés bénéficieraient d'un complément de ressources de 140 euros. Je le conteste formellement. En effet nous avons supprimé en première lecture le complément d'AAH institué en 1994, qui concernait 155 000 allocataires et était d'environ 94 euros par mois. L'augmentation n'est donc que de 46 euros. Que nous en soyons là tandis qu'on allège l'ISF, cela me rend malade ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement...

M. Daniel Paul - Dans le document que vous nous avez distribué hier, vous ajoutez qu'en aucun cas, on ne pourra cumuler le complément de 140 euros et la prestation de vie autonome.

Nous aimerions des explications. Les personnes concernées par ce complément bénéficieront-elles de 140 euros de plus, ou seulement de 46 euros ? Il y a des cas où, hélas, 100 euros, cela compte...

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - D'abord quelques précisions sur notre méthode. Contrairement à ce que vous avez dit hier soir, ce n'est pas sous la pression de la rue que nous avons pris nos décisions. J'ai engagé dès mon arrivée au gouvernement un travail de longue haleine, en créant divers groupes de travail. C'est dans le cadre d'une négociation permanente avec les associations que la question de la garantie de ressources des personnes handicapées a été étudiée. Il était en effet d'autant plus nécessaire de le faire que vous aviez en première lecture supprimé le complément d'AAH.

Qu'allait-il advenir des personnes qui, entrant dans le système, ne pourraient en bénéficier - étant entendu que, bien sûr, il n'y aurait aucun changement pour celles qui en bénéficiaient déjà ? J'ai pris l'engagement devant les associations qu'elles ne perdraient rien à la modification du système. C'est pourquoi nous avons créé pour elles la « majoration pour vie autonome », d'environ 100 euros, soit plus que le complément d'AAH.

D'autre part, se posait la question des ressources attribuées aux personnes qui ne peuvent pas travailler de manière générale. Nous avons créé pour elles la garantie de ressources, qui a été fixée à 140 euros dès 2005. Environ 160 000 personnes sont concernées, soit 30 000 de plus que précédemment.

Par ailleurs, je vous confirme que nous nous consacrerons en 2005 à un travail méthodique sur notre système d'information, qui aujourd'hui ne nous permet pas d'identifier les personnes qui pourraient avoir droit à une augmentation de ressources. Les mailles du filet de la caisse d'allocations familiales sont en effet beaucoup trop larges.

Les ressources des personnes handicapées relevaient depuis des décennies du minimum social, et ont peu évolué dans les dix dernières années. J'ai donc fort bien compris, lorsque je suis arrivée au gouvernement, que ces personnes me disent qu'une AAH et rien d'autre, c'était trop peu pour vivre.

ART. 6

M. Jacques Domergue - Cet article rappelle le principe de l'obligation scolaire des enfants et adolescents handicapés et en précise les modalités. Inscrit à l'alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946, et faisant à ce titre partie du « bloc de constitutionnalité », le principe de l'égal accès à l'instruction publique doit être garanti par la nation. Il est amplement invoqué par les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l'homme.

Quoi de plus essentiel en effet que l'instruction ? Et qui pourrait nier que ce droit fondamental doit être garanti aux enfants et adultes handicapés ?

A l'heure où l'avancée fulgurante du progrès médical permet aux personnes handicapées de vivre de plus en plus normalement, il ne serait pas admissible que les enfants et les jeunes handicapés n'aient pas accès à l'éducation à laquelle ils ont droit. Cet article s'impose donc d'autant plus que plus de 40 000 enfants handicapés échappent encore à toute forme de scolarisation. Pour remédier à cette aberration, il pose le principe de l'inscription de tout enfant handicapé dans l'établissement le plus proche du domicile de ses parents. Cette évolution va dans le sens des préconisations du rapport Lachaud, constitue une garantie de suivi individualisé et, à terme, de bonne intégration. A l'instar d'autres dispositions de ce texte essentiel, cet article tend à prendre en compte la particularité des personnes handicapées. Nous devons redoubler d'efforts pour qu'elles accèdent aux mêmes droits et devoirs que l'ensemble des citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Cet article met en jeu la notion essentielle d'accès à l'éducation, posée par la loi d'orientation de 1975. On pourrait croire que les droits afférents sont acquis, mais il n'est pas superflu de les rappeler, puisque trop d'enfants n'accèdent toujours pas à l'éducation. Pour nous, il revient à l'Etat de mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires à l'éducation de tous les enfants handicapés, laquelle doit être assurée dans le cadre du droit commun du service public de l'éducation. Chacun a droit à être scolarisé au plus près de son domicile et à bénéficier d'un soutien personnalisé. Pour les enfants et pour les jeunes qui ont besoin de soins réguliers, des temps aménagés doivent être prévus afin de leur permettre d'alterner les périodes d'hospitalisation et celles consacrées aux études. Des enseignants référents doivent donc être désignés pour faire le lien entre l'établissement scolaire et la structure de soins. Nous devons tenir bon sur ces dispositions, car elles tendent à nous mettre enfin en conformité avec la Convention internationale des droits de l'enfant stipulant que tout enfant handicapé a le droit de bénéficier d'une éducation adaptée à sa situation. C'est à l'école que tout se joue. C'est en garantissant l'obligation scolaire sous une forme renouvelée que l'on transformera en profondeur le regard porté sur le handicap. Ayant dirigé un institut médico-éducatif, je puis témoigner que les mentalités ont beaucoup évolué au cours des vingt dernières années. A l'école maternelle, l'accueil des enfants handicapés se passe dans de très bonnes conditions ; nous devons nous mobiliser pour que l'entrée en élémentaire ne soulève plus de difficultés et pour que tout enfant puisse être inscrit à l'école de son quartier. Je sais qu'une telle évolution suscite encore des inquiétudes. Notre devoir est de les lever. Nous faillirions à nos obligations en renonçant à ce que chacun puisse en bénéficier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Billard - Une interrogation, Madame la ministre, sur les compléments de ressources liés à l'AAH que vous venez d'évoquer. Hier, dans le cours de la discussion, nous avions compris que la majoration pour vie autonome se situerait au même niveau que la garantie de ressources proprement dite, soit 140 €. Il ressort de votre dernière intervention que la MVA ne dépasserait finalement pas 100 €. Qu'en est-il ? Pouvez-vous préciser ce point essentiel ?

En l'état actuel de notre droit, tout jeune n'ayant pas atteint l'âge de seize ans doit être scolarisé. A nos yeux, il n'y a aucune raison pour que les enfants handicapés ne soient pas soumis à la même obligation et il est de la responsabilité des pouvoirs publics que les structures scolaires s'adaptent. A l'avenir, nous ne voulons plus entendre le témoignage de ces parents angoissés à chaque rentrée scolaire par la perspective d'un possible refus de l'établissement d'accueillir leur enfant, ou par le risque de non-renouvellement du contrat de l'auxiliaire de vie scolaire chargé de l'accompagner. Les enfants handicapés ne sont pas extérieurs à l'institution scolaire. A cet égard, je me félicite que notre commission ait permis que l'on renonce à la notion stigmatisante d'intégration scolaire. Il n'est en effet nul besoin « d'intégrer » des éléments qui appartiennent naturellement à l'ensemble commun.

Nous pouvons collectivement nous féliciter de l'évolution des mentalités qui permet aujourd'hui de poser l'intégration en milieu scolaire ordinaire comme un droit, et j'admets bien volontiers que l'adoption des présents articles constituera une avancée significative. Il restera cependant à lever la restriction inopportune introduite par le Sénat, mais nous y reviendrons au cours de la discussion. Une fois le texte adopté, il faudra rester aux côtés des familles pour en suivre la bonne application, et pour les informer des nouvelles possibilités qu'il ouvre.

M. François Liberti - En précisant le contenu de l'obligation scolaire qui s'exerce à l'égard des enfants handicapés, cet article constitue un bon repère pour évaluer la capacité de l'école à s'adapter à la diversité des publics qu'elle a vocation à accueillir. Aujourd'hui, force est hélas de constater que si 75 000 enfants sont scolarisés en milieu ordinaire à l'école maternelle et élémentaire, leur nombre chute à 20 000 dans le secondaire et que seuls 7 500 étudiants handicapés sont accueillis dans nos universités. En 1999, un rapport de l'IGAS a pourtant clairement établi que la scolarisation en milieu ordinaire - sous réserve qu'elle soit valablement accompagnée, notamment grâce à l'intervention des SESSAD, donnait aux jeunes handicapés un avantage sans équivalent pour s'intégrer et pour réussir leur parcours professionnel. En outre, le milieu scolaire s'enrichit en accueillant des élèves handicapés, car la vie en commun avec des personnes différentes éduque à la solidarité et à la citoyenneté. Pour toutes ces raisons, l'accueil en établissement spécialisé, s'il reste indispensable pour certains, doit devenir l'exception cependant que la scolarisation en milieu ordinaire sera désormais la règle du droit commun. A cet égard, au-delà des intentions louables, comment ne pas douter de la possibilité d'atteindre cet objectif au vu des coupes que vient de subir le service public de l'éducation dans le cadre de la loi de finances pour 2005 ? Le désengagement financier de l'Etat exige que nous suivions avec la plus grande attention l'application du présent texte. Sans moyens, il restera lettre morte.

M. Yves Durand - Bien entendu, on ne peut que voter cet article en faveur de l'accueil de tous les enfants handicapés en milieu ordinaire. J'en profite pour rendre hommage aux équipes éducatives et aux maires, qui font des efforts pour adapter les locaux scolaires. Mais avec quels moyens allez-vous mettre cette disposition en application ? De manière générale, les mesures de carte scolaire pour la rentrée prochaine sont catastrophiques. Les moyens d'encadrement baissent de façon inacceptable, par exemple dans l'académie de Lille. Pour les enfants handicapés en particulier, les 800 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire inscrits au budget 2005 sont notoirement insuffisants. De plus, des crédits prévus pour l'intégration des enfants handicapés ont été gelés en 2004. Vous aurez un accord unanime sur le principe. Mais comment le traduirez-vous dans les faits ?

M. le Président - Les amendements 335 et 542 sont défendus.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable, leur rédaction n'ayant pas de portée normative.

Mme Martine Billard - Garantir que l'appartenance de l'enfant handicapé au milieu scolaire ordinaire est « dans le cadre du droit commun », comme nous le faisons par notre amendement 542, tend à réaffirmer la mission de service public de l'éducation nationale.

Mme Muriel Marland-Militello - Au contraire, mentionner le droit commun, c'est renforcer l'exclusion : ce qui va de soi, on n'en parle pas.

Les amendements 335 et 542, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 84 est retiré. Je laisse Mme Marland-Militello présenter l'amendement 85 rectifié, que la commission a adopté à son initiative.

Mme Muriel Marland-Militello - La scolarisation des enfants handicapés ne passe pas seulement par l'accessibilité des locaux, mais aussi par des moyens matériels et humains. Il paraît nécessaire d'affirmer que l'Etat les met en place de façon globale.

Mme la Secrétaire d'Etat - Cette formulation ignore le rôle des collectivités territoriales, qui ont la responsabilité des locaux scolaires. Avis défavorable.

M. Pascal Terrasse - Madame la ministre, vous faites une erreur fondamentale, sur le plan juridique. Vous avez à l'esprit l'article L. 111, alinéa 7, du code de la construction et de l'habitat. Evidemment les différentes collectivités sont responsables des écoles, collèges et lycées. Mais il y a les moyens humains. On ne peut s'en décharger sur elles car elles n'ont pas compétence pour assurer l'intégration en milieu scolaire. Le vote d'un tel amendement les rassurerait.

Mme Christine Boutin - Effectivement, il revient à l'Etat d'assurer la solidarité dans ce domaine. Les collectivités locales peuvent prendre des mesures de leur côté et n'y manquent pas, mais en complément.

M. Claude Leteurtre - Les difficultés ne viennent pas des élus locaux qui s'efforcent de faire leur devoir. C'est à l'éducation nationale qu'il faut rappeler qu'il y a un droit acquis et qu'elle doit fournir les moyens de l'appliquer. En ce sens, l'amendement est important.

Mme la Secrétaire d'Etat - Au fond, nous disons la même chose. Simplement, nous n'allons pas reprendre dans ce texte tous les principes fondamentaux. Chaque collectivité, à son niveau, assume ses responsabilités. Ainsi, l'éducation nationale a une ligne budgétaire propre pour les auxiliaires de vie scolaire, car il s'agit d'une obligation que l'Etat honore. Mais ne créons pas de mention spécifique pour les handicapés dans ce qui relève du droit commun.

L'amendement 85 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 336 de M. Chatel, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Leteurtre - Notre amendement 619 rend obligatoire l'inscription par la mairie des enfants handicapés dans l'établissement scolaire de leur secteur.

M. le Président - Cet amendement tombe du fait de l'adoption du précédent.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'inscription de l'enfant handicapé dans l'école la plus proche de son domicile est obligatoire et l'éducation nationale doit collaborer étroitement avec les services médico-éducatifs. Notre amendement 510 précise que la formation se fait « au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés ».

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Une telle mention n'apporte rien en droit : cette possibilité existe, avec l'accord des parents.

L'amendement 510 est retiré.

Mme Muriel Marland-Militello - Il me semble préférable de parler de « projet personnalisé » plutôt que de « projet individualisé », car le mot « individu » a quelque chose de péjoratif et d'anonyme. Tel est le sens de mon amendement 610.

M. le Rapporteur - A titre personnel, je suis d'accord sur le principe, mais la commission a repoussé l'amendement, car la notion de projet individualisé ou personnalisé n'est introduite qu'un peu plus loin.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce n'est peut-être pas l'endroit le plus judicieux du texte pour introduire cette notion, mais j'ai un avis favorable, car avec le projet personnalisé, nous sommes au cœur de l'esprit de l'article et de la loi.

M. Philippe Tourtelier - J'en profite, Madame la secrétaire d'Etat, pour vous interroger sur le devenir des équipes spécialisées qui dépendaient jusqu'ici des établissements médico-sociaux tout en intervenant en milieu ordinaire. Elles-mêmes s'interrogent sur leur avenir. J'aimerais d'autre part savoir s'il ne serait pas possible que les auxiliaires de vie scolaire œuvrant dans les établissements d'enseignement privés soient payés directement par l'Etat, comme c'est le cas dans les établissements publics. Enfin, je note que ni la circulaire de juin 2003 ni le projet ne disent rien des auxiliaires de vie à l'université. La scolarisation s'arrêterait-elle aux portes de l'université ?

L'amendement 610, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 86 de la commission a pour objet de dissiper le flou qui entoure l'idée de double inscription en précisant que l'inscription de l'enfant handicapé dans une école autre que celle de référence - c'est-à-dire celle qui est la plus proche de son domicile - est assurée par l'établissement de référence, avec l'accord des parents. Il s'agit que l'éducation nationale assume ses responsabilités.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je remercie le rapporteur de cette précision, qui correspond bien à l'intention du Gouvernement et met fin à un certain malentendu. Il me paraît toutefois souhaitable d'apporter à l'autorité compétente pour l'inscription le soutien de l'équipe départementale de suivi de l'intégration scolaire. Tel est le sens du sous-amendement 827 rectifié.

M. le Rapporteur - Favorable.

Le sous-amendement 827 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 86, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 87 est de coordination.

L'amendement 87, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 88 est rédactionnel.

L'amendement 88, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 89 à l'initiative de Mme Mignon.

Mme Hélène Mignon - Nous voulons qu'il soit clairement dit que l'orientation vers une structure médico-sociale n'exclut pas le retour de l'élève à son établissement de référence.

Mme la Secrétaire d'Etat - Favorable.

L'amendement 89, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Je laisse notre collègue socialiste défendre l'amendement 90 rectifié.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Il s'agit de préciser que, lorsque exceptionnellement ou de façon transitoire, l'état de santé du jeune handicapé nécessite une admission dans un établissement spécialisé, sa formation doit lui être assurée par l'éducation nationale.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cette proposition.

Mme la Secrétaire d'Etat - Favorable.

L'amendement 90 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Muriel Marland-Militello - L'amendement 337 est défendu.

L'amendement 337, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Le fait qu'un enfant ou un adolescent puisse provisoirement être accueilli dans un établissement d'enseignement autre que le plus proche de chez lui ne doit pas dispenser ce dernier de réaliser les travaux de mise en accessibilité. Tel est le sens de notre amendement 544.

M. le Rapporteur - Les délais imposés par l'amendement sont trop courts. Avis défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Les dispositions de l'article 21, qui s'applique aux établissements recevant du public, concernent pleinement les établissements d'enseignement. L'amendement ne se justifie donc pas.

Mme Hélène Mignon - Et si un enfant handicapé est bien intégré dans un milieu scolaire, il serait peut-être dommage de le faire changer d'école simplement parce que la première prévue a réalisé entre-temps les travaux nécessaires.

L'amendement 544 est retiré.

Mme Marie-Renée Oget - Notre amendement 511 souligne que l'accompagnement scolaire de l'enfant handicapé doit tenir compte des spécificités de chaque handicap. Je pense notamment aux personnes sourdes ou malentendantes et j'en profite pour signaler, Monsieur le président, que la salle Lamartine n'est pas équipée à leur intention.

M. le Président - J'en prends note.

M. le Rapporteur - La précision est inutile, car il va de soi que l'accompagnement scolaire tient compte de la spécificité du handicap. Avis défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le projet personnalisé tient compte en effet de la spécificité du handicap. Ne surchargeons pas le texte, dès lors que nous avons posé d'emblée que nous visions toutes les formes de handicap.

L'amendement 511, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 91 de la commission et 620 de M. Leteurtre sont identiques.

M. le Rapporteur - Un enfant handicapé accueilli en établissement de santé trouvera grand profit à passer un ou deux jours par semaine dans son école de référence. Ce sera aussi pour les autres enfants l'occasion de faire l'apprentissage de la différence.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement s'en rapporte à la sagesse de l'Assemblée. Je suis très intéressée par l'amendement, mais je ne voudrais pas qu'il crée une obligation ou un automatisme.

M. Pascal Terrasse - Cette proposition part d'un bon sentiment, qui est de créer davantage de passerelles entre le milieu ordinaire et le secteur protégé. Mais, telle qu'elle conçue, elle risque de ne pas pousser les équipes pédagogiques dans ce sens. Pourquoi en effet un ou deux jours plutôt que trois ou quatre ? Mieux vaudrait concevoir une forme de relation plus souple.

M. Patrice Martin-Lalande - Cette question n'est pas du domaine de la loi.

M. Yves Durand - Evitons de rigidifier une démarche qui relève en fait du projet pédagogique individualisé.

M. Claude Leteurtre - Je comprends ce que mon dispositif peut avoir de normatif et de rigoureux, et je suis ouvert à tout sous-amendement. Mais je me suis inspiré de la pratique : la fréquentation du milieu scolaire ordinaire par l'enfant handicapé est bonne pour lui et pour les autres élèves, et importante pour les parents au moment de définir le projet personnalisé pour leur enfant.

M. le Rapporteur - Nous pourrions écrire « un ou deux jours par semaine ou plus » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Plus sérieusement, je rejoins Claude Leteurtre : les autres élèves doivent faire l'apprentissage de la différence. Cet amendement est donc utile.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sur l'esprit nous sommes tous d'accord. L'enfant handicapé et sa famille ne doivent pas se sentir enclos dans des parois étanches. Mais évitons toute disposition de caractère normatif. Donnons du sens, mais ne créons pas de carcan.

Les amendements 91 et 620, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Secrétaire d'Etat - Afin que chaque collectivité territoriale assume bien ses responsabilités, le Sénat a repris l'obligation de mise en accessibilité de tous les établissements recevant du public tels que définis à l'article 21. L'amendement 826 tend à supprimer cette disposition, dont l'application risque d'être complexe et coûteuse, en particulier en matière de transport.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. De fait, les déplacements entraînent des surcoûts, que la prestation de compensation pourrait prendre en charge. Si c'est la collectivité qui les supporte, elle ne doit pas être exonérée pour autant de son devoir de mise en accessibilité.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - La suppression de cet alinéa risque de mettre en cause les conditions d'accueil et d'intégration des enfants handicapés. Nous devons veiller à ce que chaque collectivité assume ses responsabilités.

L'amendement 826, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 265, 663, 405, 476, 244, 621, 92 et 93 tombent.

M. Claude Leteurtre - L'amendement 626 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission, me semble-t-il, l'a repoussé.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suggère de le retirer car il aurait pour effet de ranger les sourds dans une catégorie particulière, ce que nous souhaitons éviter.

M. Claude Leteurtre - Je le maintiens.

M. Pierre Cohen - La surdité est un handicap qui ne trouve pas de réponse adaptée dans le milieu scolaire ordinaire. N'est-il pas nécessaire de faire appel à des enseignants possédant la langue des signes ? Je soutiens donc l'amendement.

M. Philippe Tourtelier - Madame la ministre, à ma question écrite vous aviez répondu : « Le projet prévoit que les personnels enseignants relèvent systématiquement du ministère chargé de l'éducation nationale. Cependant, dans certaines situations, les enseignants intervenant auprès des jeunes déficients sensoriels ont suivi un cursus de formation particulier et ne relèvent pas de ce ministère. A ce titre il est prévu de fixer par voie réglementaire les conditions dans lesquelles ils exercent leur mission auprès de ces jeunes, en leur reconnaissant une place pleine et entière au sein de l'équipe pédagogique. » Nous voudrions savoir quelles sont ces conditions.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce sujet relève des dispositions de l'article 8. Je propose donc que nous en traitions dans ce cadre.

L'amendement 626, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - L'amendement 352 rectifié vise à affirmer le droit à l'évaluation. S'agissant en particulier des compensations techniques ou humaines, les projets personnalisés doivent être évalués en permanence ou, à tout le moins, une fois par an. Cette nécessité s'impose plus encore pour ce qui est de la scolarité. D'autre part, il importe aussi que les parents ou les représentants légaux soient obligatoirement entendus, afin d'éviter que cette évaluation ne se déroule dans une sorte d'anonymat administratif. Ce serait d'ailleurs conforme à l'esprit d'une loi où l'on cherche à ce que les usagers participent à l'élaboration du plan destiné à leur venir en aide.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement car il fait disparaître le projet individualisé - ou personnalisé, comme préfère le dire Mme Marland-Militello - de scolarisation. En outre, son adoption ferait tomber l'amendement de la commission sur les allers-retours entre milieu ordinaire et dispositifs adaptés.

Mme la Secrétaire d'Etat - S'agissant de l'évaluation, la mention d'une périodicité adaptée à la situation du jeune handicapé me paraît suffisante. Toutefois, je vous confirme que toutes dispositions réglementaires seront prises pour que le délai entre deux évaluations n'excède pas trois ans. Pour le reste, la fréquence des réexamens sera fixée au cas par cas, en fonction des besoins de l'enfant. La périodicité de l'évaluation fait partie quasi intégrante du projet individualisé, et l'on ne saurait donc la figer a priori.

Pour ce qui est de l'audition des parents, la rédaction actuelle - « les parents sont entendus à cette occasion » - garantit à mon avis que leurs vues et leurs choix seront pris en compte.

M. François Liberti - Un délai de trois ans me paraît bien long, s'agissant d'un enfant !

L'amendement 352 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Leteurtre - L'amendement 622 est défendu.

M. le Président - Le 266 est identique.

M. le Rapporteur - La commission leur préfère les amendements 94 et 464, également identiques.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est défavorable aux quatre, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure.

M. Pascal Terrasse - Cependant, Madame la secrétaire d'Etat, pour que le parcours de formation personnalisé garde tout son intérêt, il est essentiel que l'équipe pluridisciplinaire puisse s'appuyer sur une évaluation précise du travail fait. Cette évaluation doit être permanente, mais elle paraît tout particulièrement indispensable au moment où l'enfant passe d'une classe à une autre. D'autre part, la famille est bien évidemment concernée. Si donc vous refusez ces amendements, il conviendra à tout le moins que, dans les textes réglementaires et s'agissant du primaire, vous reconsidériez l'architecture des contrats d'intégration : dans certains établissements, ils se résument à deux ou trois mots sur une grande feuille blanche ! Beaucoup de parents souhaitent des règles plus précises et l'évaluation serait à cet égard utile...

M. Claude Leteurtre - J'ai la culture du résultat plus que celle des règles. Néanmoins, l'expérience montre que celles-ci sont parfois indispensables. Il me semble que c'est ici le cas, car il faut informer les parents et, surtout, il faut disposer d'un bilan en fin d'année scolaire, comme en milieu ordinaire !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Je partage l'avis de mes collègues, d'autant que, dans les établissements médico-sociaux, les projets individuels sont déjà évalués tous les ans. La même règle devrait s'imposer dans le cadre de la scolarité et, pour cela, on pourrait s'inspirer de cette expérience de qualité.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je comprends votre préoccupation, mais il faut distinguer plusieurs niveaux d'évaluation : il y a l'évaluation du parcours de l'enfant handicapé telle que la commission des droits et de l'autonomie va la définir, mais il y a aussi une évaluation permanente - celle que vous évoquez -, qui est de l'ordre du projet pédagogique individualisé. Pour cette dernière, rien ne nous dit que les réexamens ne devront pas intervenir tous les six mois, sinon tous les trois mois, en fonction de l'évolution de l'enfant. C'est pourquoi je vous suggère de procéder par la voie réglementaire - en prenant en compte la pratique des établissements médico-sociaux car nous avons en effet beaucoup à apprendre d'eux.

Mme Muriel Marland-Militello - Les amendements 94 et 464 se bornent à exiger un minimum : « au moins une fois par an ». Ils n'interdisent pas d'évaluer à intervalles plus rapprochés et ils auraient le mérite d'éviter que l'on ne se fourvoie trop longtemps.

Les amendements 266 et 622, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 94 et 464, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Muriel Marland-Militello - Par l'amendement 752 rectifié - et par le 340, identique -, nous demandons que les parents soient « associés au processus », plutôt qu'« entendus à cette occasion ». Ils ont en effet de la situation de l'enfant une compréhension à laquelle ne peuvent toujours prétendre médecins ou éducateurs.

Mme Martine Billard - L'amendement 477 va dans le même sens. On peut entendre ce que les parents ont à dire et ne pas en tenir compte. « Associer » suppose en revanche un travail en commun. Cela étant, je suis prête à me rallier à toute rédaction qui relèverait du même esprit...

M. Antoine Herth - L'amendement 406 vise lui aussi à associer les parents à l'évaluation. J'en ai moi-même rencontrés qui souhaitent soutenir l'équipe des enseignants dans le travail qu'ils font pour intégrer leur enfant handicapé, et rendre cette association obligatoire me semblerait donc une bonne chose.

M. Claude Leteurtre - Afin que le dispositif ait un caractère dynamique, il est important que les projets personnalisés soient actualisés en permanence. Lorsque l'enfant est en pleine croissance par exemple, il faut que l'appareillage soit adapté très régulièrement. D'où l'amendement 623.

M. le Rapporteur - ...Pardonnez-moi, Monsieur le président, j'étais un peu distrait, parce qu'ému par une nouvelle qu'on vient de m'annoncer et que vous confirmerez peut-être. La commission a adopté l'amendement 95 qui a le même objet que le 623. Je ne puis qu'être favorable à l'introduction d'une obligation d'entendre les parents. Les parents doivent être « entendus », et non « convoqués » comme le proposent certains : le terme est un peu dur.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'obligation d'entendre les parents me paraît indispensable. Cela relève de l'esprit même de la loi. Veillons cependant à ne pas faire entrer les parents dans le processus d'évaluation de leur enfant. Nous avons besoin ici de l'appui et du regard neutre du professionnel qui doit faire le choix. Je partage donc l'avis du rapporteur : entendre obligatoirement les parents est extrêmement important, mais on ne peut les associer au processus d'évaluation.

Les amendements 752 rectifié et 340 sont retirés.

Mme Martine Billard - Je maintiens mon amendement 477 : j'avais en effet pris soin de préciser que les parents sont associés « à une partie de cette évaluation ». On ne doit pas se contenter de les écouter : il faut qu'il y ait une discussion, un échange.

L'amendement 477, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Antoine Herth - Je retire l'amendement 406.

L'amendement 95, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Mes chers collègues, Madame la ministre, j'ai l'immense plaisir de vous informer que nos deux compatriotes Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été libérés. (Applaudissements sur tous les bancs) Votre enthousiasme est à l'image du soulagement que ressentiront tous les Français à l'annonce de cette bonne nouvelle. Je vous propose de suspendre la séance pour quelques instants. (Applaudissements sur tous les bancs)

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures 5.

Mme Muriel Marland-Militello - L' amendement 611 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 611, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 801 de la commission est retiré.

M. le Rapporteur - La présence d'un « enseignant référent » est essentielle à la réussite du projet individualisé de scolarisation. La supprimer serait très préjudiciable tant aux enfants ou adolescents handicapés qu'au personnel de l'éducation nationale. C'est pourquoi l'amendement 96 tend à rétablir les deux derniers alinéas de l'article L. 112-2 adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale, qui précisent que l'enseignant référent assure notamment les transitions entre les établissements adaptés et le milieu scolaire ordinaire, ainsi que les relations avec les familles.

Mme Hélène Mignon - Notre amendement 512 est défendu.

M. Jean-Pierre Decool - Mon amendement 407 également.

Mme Geneviève Levy - De même que l'amendement 269.

M. Claude Leteurtre - Et l'amendement 624.

M. Laurent Wauquiez - Et l'amendement 662.

M. le Rapporteur - Tous ces amendements sont satisfaits par celui de la commission.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le premier alinéa de l'amendement de la commission, qui concerne les transitions entre le milieu adapté et le milieu scolaire ordinaire, est déjà satisfait par le deuxième alinéa de l'article L. 112-2, lequel favorise les passerelles, tout en privilégiant la formation en milieu scolaire ordinaire.

Concernant l'enseignant référent, il convient de ne pas créer un statut spécifique qui rigidifierait le système, au risque de provoquer des ruptures dans le suivi des élèves.

Je vous suggère donc de retirer ces amendements, tout en m'engageant à affiner avec vous la question de l'enseignant référent.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C'est en effet une question complexe, et il faut veiller à éviter les difficultés d'application. Il me semblerait judicieux de retirer ces amendements et de revenir sur ce sujet dans le cadre de la loi sur l'école.

M. le Rapporteur - Je retire l'amendement de la commission, à condition d'être sûr que nous y reviendrons dans la loi sur l'école.

Mme la Secrétaire d'Etat - J'en prends l'engagement. Le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées travaille en permanence avec l'éducation nationale, et il est de très bon augure que la question de la scolarisation de l'enfant handicapé soit abordée de façon naturelle dans la loi sur l'école.

M. Laurent Wauquiez - Avant de retirer mon amendement au bénéfice de cet engagement, je veux souligner qu'il ne s'agissait pas de créer un statut de l'enseignant référent, mais simplement de faire en sorte qu'un enseignant assure la fonction de suivi de l'élève handicapé.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je comprends votre préoccupation, et nous veillerons à y répondre dans la loi sur l'école, mais nous voulons éviter d'enfermer la personne handicapée dans des règles spécifiques.

Les amendements 96, 512, 407, 269, 624 et 662 sont retirés.

Mme Geneviève Levy - L'amendement 275 est défendu.

L'amendement, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Leteurtre - L'amendement 625 s'inscrit dans la continuité du rapport Lachaud, puisqu'il tend à revenir définitivement sur la notion « d'intégration scolaire », par trop discriminante, en affirmant le principe de la scolarisation des élèves handicapés. L'amendement 97 rectifié est très proche de l'amendement 625.

L'amendement 97 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 98 rectifié vise à ce que les équipes de suivi remettent chaque année à la maison départementale et au comité départemental consultatif des personnes handicapées les informations concernant la scolarisation des enfants handicapés dans le département.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je comprends l'intention, mais les garanties de confidentialité dont doit s'entourer la transmission de telles informations n'étant pas posées, j'invite au retrait de l'amendement.

L'amendement 98 rectifié est retiré.

M. Pierre Cohen - Par notre amendement 514, nous proposons que tout enfant sourd choisissant la langue des signes française puisse bénéficier d'un enseignement sous ce mode de communication, de la maternelle à l'université. Notre pays privilégie traditionnellement la communication orale, mais il faut tenir compte du souhait de l'enfant et du développement continu de la LSF, désormais reconnue comme une option possible au baccalauréat et excellent vecteur d'éducation à la citoyenneté.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, aucun consensus ne s'étant dégagé en son sein pour privilégier la LSF.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le sujet est intéressant, mais je crois qu'il serait de très mauvaise méthode de donner une prééminence à la LSF sur les autres modes de communication.

M. Pierre Cohen - Telle n'est pas du tout notre intention, puisqu'il est bien précisé que la liberté de choix entre les différents modes de communication est laissée au jeune sourd. En outre, la crainte qu'exprime Mme la ministre peut être levée d'emblée puisque notre pays donne traditionnellement la préférence à la communication orale, la LSF ayant été trop longtemps négligée.

Mme la Secrétaire d'Etat - J'entends vos arguments. Dans la mesure où la liberté de choix du jeune est garantie et où le dispositif ne tend pas à privilégier tel ou tel mode de communication, je suis prête à vous suivre. Il est assez logique de garantir la continuité de l'enseignement en LSF si l'élève a opté pour ce mode dès le début de sa scolarité. N'oublions pas en outre que la maîtrise de l'écrit est l'apprentissage qui pose le plus de problèmes aux jeunes sourds. (Assentiment sur divers bancs)

L'amendement 514, mis aux voix, est adopté.

Mme Muriel Marland-Militello - Identique à l'amendement 102 de la commission, notre amendement 465 tend à éviter que le temps supplémentaire accordé à un élève ou à un étudiant handicapé dans le cadre d'un examen ou d'un concours ne soit pris sur le temps de repos minimum entre les épreuves dont bénéficient l'ensemble des candidats.

Les amendements 102 et 465, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Geneviève Levy - L'amendement 280 est défendu.

M. Pierre Cohen - Notre amendement 515 est identique. Il tend à prévoir, au titre des aménagements nécessaires des épreuves des concours et examens, la mise à disposition d'un interprète en langue des signes pour les élèves et étudiants qui le souhaitent.

M. le Rapporteur - Défavorable. Le dispositif serait trop lourd à installer.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Pierre Cohen - Il faut être cohérent. Nous venons d'adopter un amendement garantissant à tout étudiant sourd la possibilité de suivre l'ensemble de son cursus de formation en LSF. Allons au bout de la logique en lui permettant aussi de passer les examens dans cette langue ! Il serait pour le moins paradoxal de mettre des élèves en difficulté au moment de passer l'examen après les y avoir préparés tout au long de leur scolarité.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ces précisions relèvent du domaine réglementaire. La loi fixe la ligne directrice. Ne nous lançons pas dans une énumération des différents aménagements souhaitables car elle ne saurait être exhaustive.

M. Pierre Cohen - Dans ce cas, le texte du Gouvernement ne devrait pas comporter un début d'énumération des aménagements possibles - temps supplémentaire, présence d'un assistant, équipement adapté - excluant l'interprétariat en langue des signes.

Les amendements 280 et 515, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Beaudouin - Mon amendement 553 permet aux élèves handicapés d'utiliser leur matériel personnel lors des épreuves.

M. le Rapporteur - Avis tout à fait favorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 553, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 103 complète le précédent. Un dispositif de communication adapté doit être fourni sur demande du candidat.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je préfèrerais le retrait de cet amendent. N'introduisons pas de mesure spécifique pour une seule catégorie de dispositif de communication. Le décret concernera tous les dispositifs adaptés.

L'amendement 103 est retiré.

M. Alain Marty - L'amendement 289 prévoit que la scolarisation de l'enfant handicapé doit être possible dès l'âge de trois ans, sauf décision contraire de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté car plusieurs amendements, dont l'un qu'elle a adopté, sont présentés sur ce sujet au paragraphe VII.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 289 est retiré.

M. Claude Leteurtre - Notre amendement 627, et l'amendement identique 104 adopté par la commission, étendent aux enseignants du supérieur la sensibilisation aux spécificités des enfants handicapés prévue dans la formation.

Les amendements identiques 104 et 627, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 517 est défendu.

M. le Rapporteur - L'amendement 105 a le même objet. Il s'agit de confier aux associations représentatives des personnes handicapées la conception ou la réalisation de la formation spécifique des enseignants et personnels des établissements à l'accueil et l'éducation des élèves handicapés.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis tout à fait d'accord avec l'esprit de l'amendement, mais le voter serait inopérant à ce stade, puisqu'il n'y a pas encore d'associations représentatives.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 517 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 105 de même, mais on aurait pu se tourner vers les comités départementaux consultatifs des personnes handicapées.

M. le Président - Les amendements 281, 516 et 670 sont en discussion commune.

M. Pierre Cohen - J'observe d'abord qu'il est dommage de prévoir une disposition pour les calculatrices mais pas pour l'interprétation en langue des signes.

Je félicite Madame la ministre pour tout ce qui est fait pour les sourds. Mais nous demandons, par l'amendement 516, que ceux qui leur enseigneront aient une double qualification, d'une part dans la matière enseignée, d'autre part en langue des signes.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois amendements.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis. Cette formation existe déjà, c'est le CAPSAIS option A, le certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaire.

M. Pierre Cohen - Je maintiens néanmoins l'amendement car je ne suis pas certain que nous parlions de la même chose.

M. Philippe Feneuil - L'amendement 281 est retiré.

M. le Président - Je considère que l'amendement 670 l'est également.

L'amendement 516, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 106 rectifié, 677, 288 et 509 sont en discussion commune.

M. le Rapporteur - L'amendement 106 rectifié rétablit la disposition que nous avions votée en première lecture pour que tout élève handicapé qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas obtenu un niveau de formation sanctionné par un diplôme, puisse poursuivre ses études pour l'atteindre. Il convient de prendre en considération l'âge de développement intellectuel et non l'âge physique des élèves.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'article L. 122-2 du code de l'éducation permet déjà à tout élève qui n'a pas atteint un niveau de formation reconnu de poursuivre ses études jusqu'à son obtention, l'Etat devant prévoir les moyens nécessaires pour cela. Une fois de plus, ne créons pas un régime spécifique, et finalement discriminatoire, pour les handicapés. Par ailleurs, l'amendement contient une erreur de référence.

M. le Rapporteur - L'amendement 106 rectifié est retiré.

Mme Hélène Mignon - Je retire également l'amendement 509, mais les explications de Mme la ministre ne me satisfont pas tout à fait. Chaque année nous avons des cas d'enfants qui vont d'école en école jusqu'à en trouver une qui les gardera.

M. le Président - Je considère que l'ensemble des amendements à ce sujet sont retirés.

L'article 6, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Après l'émotion qu'a causée la modification de l'article 8 au Sénat, il faut nous ressaisir et revenir à la rédaction votée par l'Assemblée en première lecture. Même si le Sénat avait de bonnes intentions, les propos qui y ont été retenus sur le caractère perturbateur des enfants handicapés pour les autres élèves ne sont pas acceptables. Quant au problème de sécurité, il se pose de même à tous les parents. Il faut renoncer à ce type de limitation.

M. Daniel Paul - L'article tel que voté au Sénat nous fait revenir cinquante ans en arrière, quand les enfants handicapés n'étaient pas admis dans les écoles car ils faisaient peur. La loi de 1975 est passée par là. Ces enfants doivent pouvoir vivre normalement et on ne peut les exclure sous prétexte qu'ils provoqueraient des « troubles qui perturberaient de manière avérée la communauté d'élèves ». Il faut revenir à la rédaction initiale.

Quant à la rédaction proposée par le Gouvernement - « sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité de leur enfant ou des autres élèves » -, elle n'est pas plus acceptable que le texte du Sénat, car elle ouvre la porte à toutes les discriminations et parce que si l'on peut à la rigueur admettre qu'une scolarisation en milieu ordinaire puisse faire courir un risque à l'enfant handicapé, on ne voit pas quel pourrait être le risque pour les autres élèves.

Mme Martine Billard - Au Sénat, le Gouvernement a donné un avis favorable à l'amendement de la commission ainsi qu'au sous-amendement ajoutant « ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent de manière avérée la communauté des élèves. » J'aimerais bien comprendre pourquoi. Peut-être étiez vous fatiguée, Madame la secrétaire d'Etat, ou bien les choses allaient trop vite. Quoi qu'il en soit, nous avons décidé en commission de supprimer l'ajout du Sénat. Après quoi nous avons appris qu'un amendement du Gouvernement refaisait référence à la sécurité de l'enfant ; et voici qu'il est question d'un amendement rectifié faisant également référence à la sécurité « des autres élèves » ! La même idée revient donc par la fenêtre après être sortie par la porte. Qui se cache donc derrière cet amendement ?

Il est déjà un peu étrange d'envisager que des parents puissent mettre en danger la sécurité de leur enfant. A quelle situation pourrait bien correspondre une atteinte à la sécurité des autres élèves ? Si l'on va par là, il faudrait exclure les enfants turbulents !

Mme Geneviève Levy - Je suis moi aussi gênée par ce texte. L'amendement 637 m'avait presque convaincue, dans sa version initiale. Mais la rectification qui y a été apportée fait que je ne peux pas suivre le Gouvernement dans le compromis qu'il propose. Trouvons donc une formulation plus appropriée à ce que nous pensons, les uns et les autres.

M. Jean Dionis du Séjour - Notre position est qu'il faut supprimer l'ajout du Sénat, de façon que l'article 8 ne remette pas en cause l'avancée que représente l'article 6. Par définition, un enfant handicapé « perturbe » toujours quelque peu son environnement. La référence que fait le Sénat à des troubles perturbant de manière avérée la communauté des élèves ouvrirait donc la porte à une exclusion quasi systématique.

Mme Billard demande à juste titre ce qu'il y a derrière l'initiative sénatoriale puis gouvernementale. Je crois qu'il y a eu des gens dans le corps enseignant qui ont évoqué des cas limites et souhaité que ceux-ci puissent être traités. Quoi qu'il en soit, si nous n'étions pas tous d'accord pour supprimer l'ajout sénatorial, je pourrais me rallier à l'amendement de M. Daniel Paul qui prévoit qu'en dernier recours, il soit fait appel à un médiateur extérieur aux deux parties - famille et milieu enseignant.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est un sujet difficile, mais j'ai l'intention de vous parler avec beaucoup de liberté et d'honnêteté, en particulier pour expliquer l'évolution de l'amendement. Les choses ne sont ni simples ni linéaires et je vous remercie, Monsieur Dionis du Séjour, d'avoir osé dire que tout le monde ne partage pas forcément notre analyse.

Après l'adoption au Sénat des dispositions dont nous parlons, j'ai fait le choix de revenir à une rédaction qui évite toute discrimination à l'égard de l'enfant handicapé puisque, comme vous le savez, je milite pour une scolarisation en milieu ordinaire et que je sais les retards qu'accuse la France en ce domaine. Mais il y a des allers et retours. Je veux dire par là que tous ceux qui suivent nos travaux - associations, professionnels, parents d'élèves - réagissent au fil des jours, ce qui est d'ailleurs parfaitement normal et légitime et ce qui explique notre présent débat. Je ne vois pas là une mauvaise pratique et je n'ai pour ma part aucune gêne à vous parler de ces allers et retours du texte.

Je vais maintenant vous proposer de revenir à la première version de l'amendement 637, qui dit : sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité de leur enfant. Cela rejoint la préoccupation que nous partageons tous, tout en montrant que nous avons été attentifs au problème soulevé par certains, étant entendu que la sécurité d'un enfant peut renvoyer à son accès aux soins, à son confort psychologique et à sa qualité de vie dans une classe donnée.

M. Philippe Tourtelier - Qui décidera de la sécurité de l'enfant ? Nous revenons au débat d'hier sur la relation entre l'enfant handicapé et son environnement. Trop centrer la démarche sur la personne handicapée crée des normes qui risquent d'avoir des effets pervers. Par exemple, certains enfants à l'école sont très, très turbulents. A quel moment juge-t-on qu'ils basculent dans les troubles du comportement et les considère-t-on comme handicapés ? En attendant, ils bénéficient du maintien jusqu'au bout en milieu ordinaire, alors que l'enfant classé handicapé dès l'origine ne dispose pas de la même chance. Faisons confiance aux professionnels et aux parents pour apprécier au mieux l'intérêt de l'enfant et supprimons la disposition introduite par le Sénat.

M. Laurent Wauquiez - Il est normal que se produisent des allers et retours, et nous vous remercions, Madame la ministre, pour l'honnêteté de votre approche. Votre proposition nous paraît tout à fait acceptable, car la sécurité de l'enfant mérite d'être prise en compte. L'insertion scolaire de l'enfant ne doit pas être opérée à son propre risque. La référence au projet personnalisé de l'enfant permettrait peut-être de lever les craintes qui se sont exprimées, puisqu'il est le fruit d'une concertation entre les professionnels et les parents. Mais l'essentiel était de vous remercier d'avoir accepté d'en venir à une rédaction à nos yeux bienvenue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Comme vous tous, le rapporteur a mal ressenti l'amendement du Sénat lorsqu'il l'a lu. Je l'ai considéré, en tant que parent, comme une discrimination et une insulte envers l'enfant handicapé, et j'en suis bouleversé. J'ai conclu, comme tous ceux que j'ai consultés autour de moi, qu'il était inconcevable de penser et d'écrire ce que nous avons lu. C'est pourquoi j'éprouve aujourd'hui une double satisfaction : d'abord nous pouvons poursuivre ici le débat et améliorer le texte ; ensuite, je retrouve dans votre proposition, Madame la ministre, celle que le rapporteur a suggérée à la commission, qui consiste à tenir compte du cas où un élève handicapé se trouve mal à l'aise dans la communauté scolaire ou expose sa sécurité personnelle. Mais on ne doit pas admettre qu'un enfant, au motif qu'il est handicapé, perturbe de ce fait les autres élèves.

M. Daniel Paul - Même votre amendement rectifié, Madame la ministre, pose problème. C'est quelqu'un qui a été durant dix-huit ans chargé de ces questions dans une grande ville, c'est le père d'un enfant scolarisé d'abord en milieu normal puis en établissement adapté, qui vous le dit. Associer étroitement les parents à la décision d'orientation est une avancée décisive. Le titre de la loi ne fait-il pas référence à « la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées » ? Ce sont donc les parents ou les représentants légaux des enfants qui décident de leur orientation. Décrocher de l'objectif de citoyenneté marquerait un inacceptable retour en arrière.

En cas de désaccord, la décision finale revient aux parents ou au représentant légal qui peuvent se faire accompagner d'une personne de leur choix. En effet, certaines déficiences peuvent faire difficulté lorsqu'il s'agit d'envoyer un enfant en milieu ordinaire, et il est bon alors de prendre conseil aussi bien auprès des professionnels que des associations. Il peut alors se produire un décalage d'appréciation, même pour des enfants qui sont indemnes de toute déficience. Lorsque la décision finale paraît en décalage trop important - et ne cherchons pas à en détailler les raisons - avec les préconisations de la commission, un médiateur sera chargé de négocier l'orientation finale. Telle est la substance de mon amendement 353 rectifié, qui me paraît être la sagesse même, et qui découle de mon expérience d'élu, de père et de professionnel. Il n'est pas besoin de faire référence dans la loi à la sécurité de l'enfant, une préoccupation qui va partout et toujours de soi. Trouver des solutions humaines, négociées, et tenant compte des aspirations des uns et des autres, voilà quel doit être à mes yeux notre objectif.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à cette proposition, qui donnerait lieu à une procédure trop complexe. De plus, comment apprécier le caractère « trop important » du décalage ? Enfin, le médiateur n'a pas sa place dans le choix d'orientation scolaire.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis. Introduire la notion de « sécurité de l'enfant » permet d'élargir le champ du projet éducatif de l'enfant, et aussi d'amener à l'école ordinaire dans de bonnes conditions des enfants présentant des formes de handicap très variées, alors qu'actuellement l'école n'est pas suffisamment ouverte.

L'amendement 353 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muriel Marland-Militello - Quel que soit le trouble personnel qu'a suscité chez moi la disposition adoptée par le Sénat, sachons bien que les enfants handicapés qui ont été scolarisés sont ceux qui ont été considérés comme aptes à suivre une scolarité ordinaire. Ces enfants-là n'ont qu'un seul but, s'intégrer, et ils posent peu de problèmes. Dans nos écoles, nombreux sont les enfants qui perturbent la scolarité des autres, mais comme ils n'ont pas de handicap, on ne se soucie pas de leur sécurité ni des troubles qu'ils peuvent occasionner. Je ne conçois pas cette discrimination. Des enfants, parce qu'ils sont handicapés, troubleraient la classe plus que les autres, alors même qu'ils ont la volonté profonde de bien travailler ? Les petits Tchétchènes que l'on intègre automatiquement dans une classe sans qu'ils sachent un mot de français ne créeraient donc, eux, aucun trouble ? La moindre restriction à l'accueil d'un enfant handicapé, même si elle part de l'intention louable de préserver sa sécurité, risque de servir à protéger le refus d'accepter les différences. C'est cela qui me gêne profondément : la possibilité de fournir un alibi à des gens de mauvaise volonté.

Mon amendement 719 vise donc à supprimer la disposition introduite par le Sénat et, tout spécialement, la dernière phrase : « Dans tous les cas et lorsque leurs besoins le justifient, les élèves bénéficient des aides et accompagnements complémentaires nécessaires. » Qui va en effet décider que les besoins le justifient ? Je me méfie toujours de ce genre de précision...

La loi, générale, ne peut s'occuper de cas particuliers. Nous devons éviter tout ce qui pourrait servir d'alibi, au moins aussi longtemps qu'une révolution culturelle n'aura pas changé le regard qu'on porte sur ces enfants. Et la loi est d'ailleurs aussi là pour cela, pour forcer ce changement !

M. le Rapporteur - Lorsque je lui ai demandé de se prononcer, la commission a été unanime pour supprimer la fin de l'avant-dernière phase : «, sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité physique et psychique de l'enfant ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves. » Tel est le sens des neuf amendements identiques qui vont maintenant être soutenus, dont le 107 de la commission.

Cependant, après avoir entendu Mme la secrétaire d'Etat - et, cette fois, je m'exprime à nouveau à titre personnel -, je pense qu'il faut certes oublier le risque de perturbation de la communauté scolaire, mais que nous devons prendre en considération la sécurité de l'enfant lui-même.

M. le Président - Et quel est votre avis sur l'amendement 719 ?

M. le Rapporteur - Il a été accepté par la commission, contre mon avis puisque je souhaitais une rédaction conforme à ce que propose le Gouvernement.

M. Michel Heinrich - Je sais gré à Mme la secrétaire d'Etat de l'honnêteté de son propos, mais je dois dire qu'elle ne m'a pas convaincu. Maire, je me suis battu pour intégrer dans mes écoles le maximum d'élèves handicapés et, de cette expérience, j'ai appris que, si on laissait la moindre ouverture, toutes les mauvaises volontés s'y engouffraient. C'est pourquoi je maintiendrai l'amendement 423, qui ne laisse place à aucun refus.

Quant à la sécurité de l'enfant, elle doit toujours être assurée, qu'il soit handicapé ou non !

M. Philippe Feneuil - Il est vrai que, par l'amendement 250, mes collègues et moi nous prononcions pour la suppression de toute la fin de l'avant-dernière phrase mais, si j'ai des assurances sur qui va apprécier les besoins de l'enfant, je pourrais le retirer, Madame la secrétaire d'Etat. Toutefois, en l'état, je ne vois que peu de différence entre votre position et celle du rapporteur...

Mme Muriel Marland-Militello - Je retire mon amendement 466 pour ne maintenir que le 719.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous ne pouvons laisser ouverte la possibilité d'écarter l'enfant handicapé de l'école, au nom d'un impératif de sécurité dont on ignore qui l'appréciera ! Nous maintenons donc l'amendement 471 en espérant être entendus.

Mme Martine Billard - Il n'y a pas si longtemps, à Paris, une mère a dû faire la grève de la faim pour obtenir que son enfant trisomique léger soit scolarisé. Je crains que de telles affaires ne se reproduisent si l'on accepte l'amendement du Gouvernement et je maintiens donc l'amendement 478.

Mme Geneviève Levy - Convaincue par les arguments de Mme la secrétaire d'Etat, je renonce à mon amendement 559.

M. Laurent Wauquiez - J'ai été ébranlé moi aussi par ce qu'a dit Mme la secrétaire d'Etat, mais, afin d'offrir une alternative à l'Assemblée, plutôt de retirer mon amendement 653, je préfère le récrire. Au lieu de supprimer cette fin de phrase, il s'agirait de la remplacer par les mots : «, sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de l'enfant. »

M. le Président - Nous y reviendrons après le vote des autres amendements.

Mme Christine Boutin - J'apprécie la sincérité de votre propos, Madame la secrétaire d'Etat, mais vous ne m'avez pas convaincue, sauf un bref instant ! Les familles ont trop de difficulté à scolariser un enfant handicapé pour que nous laissions la moindre possibilité de refus et j'estime donc que nous devons revenir à la rédaction initiale du projet. Je voterai par conséquent l'amendement de Mme Marland-Militello, dont j'étais du reste cosignataire.

M. Guy Geoffroy - Il est à l'honneur de l'Assemblée de réfléchir ainsi, point après point, sur cette question essentielle. Certes, nous nous heurtons à une difficulté : si nous adoptons ces amendements, nous ne pourrons plus ensuite débattre de celui du Gouvernement. Mais il me semble qu'au bout d'une demi-heure de discussion, nous disposons maintenant d'un acquis : nous nous accordons pour refuser l'idée selon laquelle un enfant handicapé pourrait, comme tel et par sa simple présence, perturber une classe.

Mme Christine Boutin - C'est la moindre des choses !

M. Guy Geoffroy - Cela ne va pas de soi, si l'on en juge par le texte du Sénat !

Reste maintenant à prendre en compte l'intérêt profond de l'enfant scolarisé : la décision finale devra impérativement être conforme à celui-ci, tel que l'enfant le manifeste au travers du projet personnel qu'il a élaboré. C'est cela qu'il nous faut inscrire dans la loi si nous voulons intégrer ces jeunes handicapés, tels qu'ils sont - et tout le reste n'est que considérations techniques qui n'ont pas leur place dans ce texte !

M. Claude Leteurtre - La politique est aussi faite de symboles et le vote par le Sénat de la disposition incriminée est un de ces symboles qui peuvent causer bien des dommages. On sait qu'il suffit d'une toute petite porte pour laisser passer ceux qui refusent de scolariser les enfants handicapés. Ne nous contentons donc pas de demi-mesures et supprimons totalement cette disposition scélérate !

Mme la Secrétaire d'Etat - Qui pourra prétendre que nous ne faisons pas œuvre législative ce soir en avançant ainsi pas à pas ? Ayant entendu vos arguments, je veux rappeler la position du Gouvernement. Contrairement aux lois antérieures, celle-ci concerne le handicap sous toutes ses formes.

N'oublions pas que les textes actuellement en vigueur obéissent à une vision restrictive de la notion de handicap. Notre devoir est de permettre aux enfants handicapés de s'intégrer dans de bonnes conditions au milieu scolaire ordinaire : nous devons donc être attentifs à leur bien-être.

C'est pourquoi le Gouvernement est prêt à suivre M. Wauquiez, qui propose une rédaction supprimant le mot « sécurité » qui, j'en conviens, peut revêtir une connotation péjorative. Elle permet d'insister sur ce qui est positif : le projet de l'enfant. Notre but est d'assurer la réussite de l'enfant au sein de sa classe, d'abord pour lui-même, mais aussi pour l'ensemble de la communauté éducative et de la classe : je souhaite comme vous que les enseignants qui ont fait le choix d'accueillir un enfant handicapé puissent s'en féliciter.

Je me réjouis que nous ayons pu avoir ce débat et espère donc que nous pourrons, en dernier lieu, nous retrouver sur la rédaction qui est proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin - Je ne partage que modérément l'enthousiasme de mes collègues. Si je suis prête à me rallier à la position de Mme la ministre, je déplore que l'on soit obligé d'inscrire dans la loi ce qu'on s'apprête à y inscrire !

Mme Muriel Marland-Militello - Dès lors que l'on prend en considération le projet personnel de l'enfant, je retire mon amendement 719, à condition que le mot « sécurité » soit supprimé.

M. Philippe Feneuil - Je retire l'amendement 250.

M. Michel Heinrich - Je maintiens l'amendement 423.

Mme Hélène Mignon - Je maintiens l'amendement 471.

Mme Martine Billard - Je maintiens mon amendement 478.

Les amendements 423, 471 et 478, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous en arrivons à quatre amendements pouvant être soumis à une discussion commune, dont le premier est l'amendement 653 rectifié de M. Wauquiez.

M. le Rapporteur - Je ne puis qu'approuver la contribution de M. Wauquiez à notre réflexion. Dans un souci de précision, je lui demande simplement de compléter son amendement pour écrire : « sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant ».

M. Laurent Wauquiez - Soit.

M. le Président - L'amendement devient donc l'amendement 653 2e rectification.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

Mme Martine Billard - Je m'abstiendrai sur le vote de cet amendement. Qu'écrit-on en effet ? Qu'en cas de désaccord avec la commission, la décision finale revient aux parents ou au représentant légal, sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant ! C'est tout de même assez peu réaliste... On comprend bien qu'il faut « sauver le soldat ministre. » (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous cherchez une sortie honorable, soit. Mais nous ne sommes pas obligés de vous suivre sur la méthode !

Mme Christine Boutin - Je m'interroge vraiment. « Sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de l'enfant », cela va au-delà du seul problème scolaire. D'autres incompatibilités peuvent être invoquées pour refuser l'enfant.

M. Philippe Tourtelier - Nous ne pouvons au mieux que nous abstenir. On tombe, semble-t-il, de Charybde en Scylla ! Nous étions prêts à voter le premier amendement, qui était parfaitement clair. Renvoyer au projet personnalisé de l'enfant, c'est renvoyer à la personne handicapée, en éludant la question du milieu dans lequel elle vit. Vous refusez d'agir sur le milieu !

M. le Président - Nous devons y voir clair dans la rédaction de cet amendement. Je vous propose donc une suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 heures 40, est reprise à 19 heures 45.

M. Daniel Paul - Nous sommes à un stade important du débat. Il faut le rappeler, l'amendement du Sénat a fait des dégâts parmi les personnes en situation de handicap, chez leurs parents, dans les associations et dans les instances éducatives, et enfin dans notre hémicycle. Le seul moyen de surmonter ces dégâts, c'est de faire table rase en supprimant totalement la référence à la disposition incriminée. Tout ajout qui pourrait laisser croire que nous avons compris l'intention de nos collègues du Sénat serait catastrophique.

Quel peut être le « projet personnalisé » d'un enfant handicapé de six ans ? D'être bien dans sa classe, sans doute, comme tous les enfants. Mais ce projet sera aussi inspiré par le milieu social dont l'enfant est issu. Il faut faire en sorte que les personnes responsables de l'enfant, en concertation, décident pour lui. Le projet personnalisé à 18 ans, oui ; à 6 ans, non.

M. Claude Leteurtre - Dans la discussion générale, j'avais exprimé le souhait que nous fassions une belle loi, répondant à l'espoir suscité par le Président de la République. L'amendement du Sénat a eu un effet catastrophique du fait de sa portée symbolique. Alors supprimons clairement cette disposition, évitons les demi-mesures. Je souhaiterais que le rapporteur, dont l'engagement est connu dans le monde du handicap, adopte cette position, car il ne faut pas gâcher cette loi.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement. J'ai pu mesurer le progrès qu'avait représenté la loi de 1975 pour l'éducation des enfants handicapés ; faisons en sorte ce soir de franchir une nouvelle étape, en leur permettant d'aller à l'école comme les autres, sans restriction.

M. le Président - Je suis saisi par M. Chossy d'un sous-amendement à l'amendement de M. Wauquiez. Il tend, après les mots « sauf incompatibilité avec », à substituer aux mots « le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant » les mots « l'intérêt de l'enfant ».

M. le Rapporteur - L'important est en effet l'intérêt de l'enfant, mais pour ne pas prolonger le débat, je retire ce sous-amendement ; nous reverrons cela en CMP.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous voterons contre cet amendement, dont je demande à mes collègues de l'UMP de comprendre l'enjeu. S'il est adopté, la loi de la République disposera que « la décision finale revient aux parents ou au représentant légal, sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant ». De grâce, n'écrivons pas n'importe quoi ! Qui jugera de ce projet personnalisé ?

M. le Président - Sur l'amendement 653 2e rectification, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Laurent Wauquiez - Je voudrais répondre à MM. Paul et Dionis du Séjour. D'un côté, nous voulons écarter l'idée que la scolarisation d'un enfant handicapé représente un risque pour la classe. C'est le plus important. Mais de l'autre, il nous faut éviter que des parents poussent jusqu'au bout la logique de la scolarisation même si c'est au détriment de l'enfant.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous sommes parvenus à clarifier la situation. Il n'y a en effet aucune contradiction dans l'amendement de M. Wauquiez, le projet personnalisé de l'enfant n'étant établi ni par la famille ni par la communauté éducative, mais par la commission des droits et de l'autonomie - qui remplacera l'actuelle CDES, laquelle définit d'ores et déjà pour l'enfant un projet personnalisé, afin de l'orienter au mieux. Avec cette nouvelle rédaction, qui enlève ce qu'il fallait enlever, la communauté éducative pourra accueillir avec bonheur l'enfant handicapé.

A la majorité de 27 voix contre 18 sur 48 votants et 45 suffrages exprimés, l'amendement 653 2e rectification est adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 518 est défendu.

L'amendement 518, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 108 tend à rétablir une disposition votée par l'Assemblée nationale en première lecture, en complétant l'article L. 351-1 par l'alinéa suivant :

« Un décret fixe les conditions dans lesquelles les enseignants titulaires de titres ou diplômes délivrés par l'Etat autres que ceux délivrés par le ministère de l'éducation nationale et le ministère chargé des personnes handicapées sont associés à la mission de l'éducation nationale tant au sein des établissements médico-sociaux que dans le cadre des services d'aide à l'acquisition de l'autonomie et à l'intégration scolaire. »

Mme la Secrétaire d'Etat - Les enseignants qui exercent dans les établissements médico-sociaux relèvent du ministère de l'éducation nationale, afin de permettre l'égalité des chances et de favoriser les passages entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé. Ce sont soit des enseignants mis à disposition par l'éducation nationale, soit des enseignants sous contrat. Cela ne fait absolument pas obstacle à ce que des enseignants ayant d'autres diplômes interviennent. Le troisième alinéa de l'article, qui concerne en fait les personnes enseignant aux déficients sensoriels, lesquelles, compte tenu de leur spécificité, n'ont pas été prises en charge par l'éducation nationale à la suite de la loi de 1975, renvoie à un décret en Conseil d'Etat.

L'amendement 108 est retiré.

M. Daniel Paul - Malgré l'intervention de la commission des droits et de l'autonomie, nombre de familles ne trouvent pas de lieu d'accueil pour leur enfant. Pour y remédier, notre amendement 354 tend à ce que cette commission établisse un constat de carence et en rende compte au CNCPH dans le cadre du rapport remis par l'Etat au président du conseil général et au CDCPH.

L'amendement 354, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Geneviève Levy - L'amendement 664 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable, dans la mesure où l'amendement 109 de la commission est mieux rédigé.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 664 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 109 tend à ce que les assistants d'éducation apportant une aide aux enfants handicapés dans les gestes de la vie courante - recrutés sans condition de diplôme - bénéficient au moins d'une formation adaptée.

L'amendement 109, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Alain Marty - L'amendement 290 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 290 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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