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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 58ème jour de séance, 142ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 8 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

      RÉFORME DE L'ORGANISATION
      DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE (suite) 2

      ART. 4 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 4 2

      TITRE 2

      ASSISTANTS MATERNELS ET FAMILIAUX 3

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 9 FÉVRIER 2005 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

ART. 4 (suite)

M. le Président - Cet après-midi, le vote sur l'amendement 153 du Gouvernement, qui propose la suppression de l'article 4, a été reporté, en application de l'article 61-3 du Règlement.

L'amendement 153, mis aux voix, est adopté et l'article 4 est supprimé.

APRÈS L'ART. 4

Mme Chantal Brunel - Il me paraît important qu'un an après la promulgation de la loi, un bilan permette de savoir combien d'accords de branche ou d'entreprise ont été négociés, combien de comptes épargne-temps créés et quels types d'entreprises ont négocié. Vous me répondrez sans doute qu'une telle mesure est déjà inscrite dans un autre texte, quelque part. Mais justement ! Dans ce cas, pourquoi ne pas la reprendre ici, ce qui permettrait au moins d'être plus clair ? Nous devons savoir si cette proposition de loi répond bien aux attentes des entreprises et des salariés.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles - La commission a émis un avis favorable, même si cette demande pertinente peut être couverte par le rapport annuel soumis à la commission nationale de la négociation collective.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Avis défavorable. Votre demande est légitime, mais elle est déjà satisfaite. La direction des relations du travail établit chaque année un bilan soumis à la commission nationale de la négociation collective, à laquelle participent les partenaires sociaux. Le Parlement pourrait s'en saisir, ou en tout cas la commission des affaires sociales. Ce bilan dresse en effet pour chaque année l'état du dialogue social dans notre pays - il montre par exemple qu'il a été particulièrement intense en 2003, année au cours de laquelle de nombreux accords de branche, étendus ou non, ont été signés. Je m'engage à ce que ce bilan vous soit transmis et j'espère que cela vous suffira : il faut en effet éviter d'alourdir le texte et de créer des obligations qui sont déjà remplies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Brunel - Je pense indispensable, en ce qui concerne cette réforme, d'être très clairs vis-à-vis des Français. Si cette demande est déjà satisfaite, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'elle soit rappelée dans le texte ! Nous devons savoir si cette proposition de loi répond à ses objectifs, et c'est à nous de faire ce bilan.

L'amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

TITRE

Mme Marie-Françoise Clergeau - Les amendements 91 et 92 sont défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ce sont des précisions inutiles.

M. le Ministre délégué - Même avis. Ils sont contraires à la logique qui prévaut dans ce texte.

L'amendement 91 n'est pas adopté, non plus que le 92.

M. le Président - Nous en avons terminé avec ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mercredi 9 février, après les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 21 heures 40, est reprise à 22 heures.

ASSISTANTS MATERNELS ET FAMILIAUX

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - La famille a profondément évolué au cours des dernières décennies, et elle a besoin d'un nouveau mode d'aide et d'accompagnement.

Contrairement à ce que l'on observait dans les années soixante, désormais la plupart des mères conservent une activité professionnelle. Quant aux pères, ils sont de plus en plus présents dans l'éducation des enfants.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Il y a encore des progrès à faire.

M. le Ministre - Mais aujourd'hui, 43 % des parents déclarent recourir à un mode de garde dont ils ne sont pas satisfaits. Il est inacceptable que sur 2,2 millions d'enfants de moins de 3 ans, 300 000 ne bénéficient d'aucun mode de garde identifié. Je tiens donc à promouvoir les modes alternatifs de garde, souvent mieux adaptés aux besoins des familles. Il faut pour ce faire faciliter la création des crèches privées afin que les maires qui le souhaitent puissent en doter leur ville ; il faut également développer les crèches d'entreprise afin de ne pas briser ce nouvel élan que manifestent aujourd'hui de grands groupes français pour leurs salariés, mais il faut par dessus tout professionnaliser les assistants maternels et familiaux. Tel est le sens de ce projet.

Il s'agit tout d'abord de répondre aux difficultés rencontrées par les familles et les enfants. Nous voulons donc aider les familles à surmonter les obstacles qui les empêchent de concilier vie familiale et vie professionnelle tout comme nous voulons pallier les défaillances de familles submergées par des difficultés de toutes sortes et qui ne peuvent plus accompagner leurs enfants : c'est avant tout à elles que je pense ce soir.

Les assistants maternels et les assistants familiaux jouent un rôle majeur, respectivement auprès de la petite enfance et en faveur de la protection de l'enfance. Ce projet est d'ailleurs le premier à consacrer deux professions différentes. 750 000 enfants de moins de 6 ans, dont près des deux tiers ont moins de 3 ans, sont aujourd'hui accueillis par 300 000 assistantes maternelles. L'action de ces professionnelles, deux fois plus nombreuses qu'en 1992, date de la dernière réforme de leur statut, s'inscrit dans les politiques locales d'accueil du jeune enfant. Leur rôle est indispensable, puisque près de six enfants sur dix de moins de 6 ans vivent dans une famille où les deux parents travaillent. Ce mode d'accueil séduit aujourd'hui de nombreuses familles car il autorise une plus grande souplesse des horaires, mais il permet surtout de sociabiliser les jeunes enfants.

Dans le domaine de la protection de l'enfance, les chiffres sont également éloquents : 65 000 enfants sont accueillis par 42 000 assistants familiaux. La reconnaissance de ces professionnels a une incidence particulière sur la politique familiale : en effet, nombre de familles souhaitent avoir un autre enfant, mais y renoncent car elles craignent de ne pas avoir les moyens de le prendre en charge. Je ne peux me résoudre à pareille situation alors que la France ne parvient pas à assurer le renouvellement des générations. Tel est d'ailleurs l'un des thèmes de la prochaine Conférence de la famille. Si aujourd'hui près de 20 % des enfants sont gardés par une assistante maternelle, 15 % ne bénéficient pas encore d'un mode de garde identifié. Dès la Conférence de la famille de 2003, le Gouvernement avait pris un ensemble de mesures visant à développer l'offre d'accueil. C'est Christian Jacob, à qui je rends hommage, qui les avait alors défendues. La mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, améliore considérablement l'accès des familles - notamment celles disposant de bas et moyens revenus - aux modes d'accueil individuels. Le crédit d'impôt pour frais de garde d'enfant, adopté dans le PLF pour 2005, assure désormais une équité complète entre les familles, quel que soit leur niveau de revenu.

Ce texte vise aussi à mieux répondre aux besoins des familles et des enfants en souffrance. Les assistants familiaux sont un des piliers du dispositif de l'aide sociale à l'enfance. Je rends hommage à toutes ces femmes - car ce sont presque toujours des femmes - et à ces familles d'accueil qui assument ce rôle majeur. Je tiens également à souligner le rôle essentiel des départements qui, à travers l'aide sociale à l'enfance, contribuent à la qualité de l'accueil des enfants pris en charge par la protection de l'enfance.

Nous devons aujourd'hui franchir une nouvelle étape. La reconnaissance de ces deux professions passe désormais par une redéfinition des modalités d'agrément et un renforcement des exigences en matière de formation : il est en effet indispensable de faire évoluer les droits de ces professionnels vers le droit commun, notamment en matière de rémunération, de temps de travail, de congés et de garantie en cas de licenciement. Ces propositions ont été discutées avec de nombreuses organisations syndicales et professionnelles représentant les assistants maternels, leurs employeurs, l'assemblée des départements de France, l'Association des Maires de France et la CNAF : je les salue et les remercie pour leur participation. Ce projet a reçu un avis favorable du conseil d'administration de cette caisse ainsi que des conseils supérieurs des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Il a été voté en première lecture par le Sénat qui l'a enrichi de nombreuses dispositions, tout comme le fera, j'en suis certain, votre assemblée. Je remercie le président de commission des affaires culturelles pour son écoute attentive ainsi que Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure du texte.

Les dispositions concernant les assistants maternels reposent sur l'agrément et son contrôle, la formation, l'accompagnement et l'encadrement des relations avec les parents. L'agrément devant être une garantie de sérieux, nous avons mis en place un formulaire unique de demande. Les candidats au métier d'assistant maternel seront agréés en fonction de leurs capacités éducatives. J'ai ainsi souhaité que la maîtrise orale de la langue française en soit une condition car c'est là un gage essentiel de communication. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Oui, Madame Mignon, je pense qu'il faut savoir parler le français lorsque l'on garde un enfant, c'est le bon sens !

Il est en outre indispensable de former les assistants maternels à prendre de la distance par rapport aux expériences auxquelles ils sont confrontés, afin de favoriser une meilleure adaptation à la singularité de chaque enfant accueilli. Des travaux menés en concertation avec le ministère de l'éducation nationale permettront de mettre en place une nouvelle formation dont la durée sera allongée. Un CAP « petite enfance » sera créé. Par ailleurs, l'accès des assistants maternels à la formation professionnelle continue et l'ouverture progressive des diplômes et des qualifications à la validation des acquis de l'expérience favoriseront la professionnalisation et l'évolution des carrières.

Le projet prévoit deux temps de formation : un stage de préparation à l'accueil d'enfants sera organisé pour tout nouvel assistant familial, par son employeur, dans les deux mois suivant sa première embauche ; une formation d'adaptation à l'emploi sera ensuite délivrée au cours des trois premières années d'activité professionnelle. Elle conduira à un diplôme soit par des épreuves de certification, soit par la validation des acquis de l'expérience.

Le deuxième volet de ce projet vise à améliorer les conditions de travail des professionnels de l'enfance et de la petite enfance en tenant compte du caractère spécifique de leur activité. S'agissant des assistants maternels, les améliorations de droit du travail portent sur le contrat de travail et la rémunération : l'assistant maternel sera rémunéré pour toute période d'accueil prévu dans le contrat de travail même si l'enfant est absent ; seule l'absence pour raison médicale ne sera rémunérée qu'à mi-taux. Le projet prévoit en outre le passage de la rémunération journalière à une rémunération horaire. Concernant le temps de travail et les congés, les assistants maternels pourront désormais bénéficier d'un repos quotidien de 11 heures.

Plusieurs mesures visent à améliorer le statut des assistants familiaux. Je souligne en particulier la redéfinition de la structure de leur rémunération qui concerne d'une part la rémunération globale d'accueil correspondant à la disponibilité requise indépendamment du nombre d'enfants et des jours de présence de ces enfants, et d'autre part la rémunération liée à l'accueil de chaque enfant.

Le Gouvernement cherche à apporter des réponses concrètes et justes aux attentes des professionnels mais aussi à celles des parents. C'est un souci de réalisme qui l'a animé car il ne faut en aucune manière alourdir les coûts pour les familles, les collectivités locales, et la branche famille de la sécurité sociale.

Ce secteur de service de proximité constitue également un gisement d'emplois.

Je souhaite porter une nouvelle ambition pour la politique familiale de notre pays où l'âge de la première grossesse se situe aujourd'hui entre 27 et 28 ans. Comment faire en sorte de l'abaisser ? Il faut d'abord favoriser une meilleure prise en charge des enfants.

M. Alain Néri - Il faut surtout un emploi et un logement.

M. le Ministre - Mais la situation que vous nous avez laissée n'y aide guère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri - Et vous, en trois ans, qu'avez-vous fait ?

M. le Ministre - Je comprends votre gêne, Monsieur Néri, car c'est en général le centre et la droite qui ont à coeur de développer la politique familiale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Françoise Clergeau - Parlons de la politique familiale de M. Juppé en 1994 !

M. le Ministre - Pour que les femmes aient un enfant plus tôt, il faut une meilleure politique familiale et donc un premier emploi pour les jeunes (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) , un logement - MM. Borloo et Daubresse y travaillent -, ainsi qu'une meilleure garde d'enfant. Ce n'est pas parce que les socialistes n'ont rien fait pendant cinq ans...

Mme Hélène Mignon - Mensonge !

M. le Ministre - ...qu'ils empêcheront cette majorité d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Néri - Incroyable !

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C'est un grand plaisir pour moi de rapporter ce projet de loi. Il m'a permis de pénétrer dans l'intimité de la vie familiale et de mesurer l'enjeu de ce qui est un véritable choix de société.

Ce texte est le deuxième volet de la réforme de la politique familiale. Le premier visait à développer l'offre de places en crèche. Il a également instauré un crédit d'impôt pour toutes les familles et la prestation d'accueil du jeune enfant. Grâce à ces soutiens aux familles, la demande d'accueil d'enfants a fortement augmenté. Malheureusement, elle ne s'est pas accompagnée d'une augmentation de l'offre : nous manquons d'assistants maternels et familiaux.

Les jeunes couples éprouvent les plus grandes difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle : c'est un danger pour notre société, car cela contribue à la baisse de la natalité. Il faut donc rendre ces métiers plus attractifs, pour que chacun de nos concitoyens puisse bénéficier des prestations de services destinées aux enfants.

Ce projet de loi propose deux axes de réforme : améliorer le statut et les conditions d'exercice de la profession, notamment en offrant des perspectives de carrière, et assurer la qualité de l'accueil et des soins prodigués aux enfants, grâce à un meilleur accompagnement des accueillants.

La loi consacre pour la première fois l'existence de deux professions distinctes. Les assistantes maternelles non permanentes accueillent de jeunes enfants confiés par les parents qui souhaitent concilier vie professionnelle et vie familiale. C'est le mode d'accueil qui rencontre le plus de succès et selon un rapport du Haut conseil de la population et de la famille, c'est celui qui a l'effet le plus positif pour le développement du langage et l'adaptation à la vie sociale des jeunes enfants, d'où l'intérêt d'exiger la maîtrise orale du français lors de l'agrément.

Les assistants familiaux accueillent pour leur part des enfants en grande difficulté dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, souvent à la suite d'une décision judiciaire imposant des mesures d'assistance éducative. Ils assument également l'accompagnement social des familles en situation de précarité, d'où l'intérêt, pour eux aussi, de pouvoir communiquer en français.

Les assistants maternels et familiaux remplissent donc une mission de service public, en assurant pour les uns l'accueil personnalisé des Français de demain, et pour les autres la réinsertion sociale et le rééquilibrage psychique d'enfants en difficulté. La garde pure et simple est devenue secondaire par rapport à la fonction d'accompagnement et d'éducation. C'est cette dimension psycho-sociale qui les distingue des nourrices.

La loi renforce ainsi les garanties statutaires de ces deux métiers. Elle s'attache d'abord à garantir l'équité, en mettant fin aux disparités entre départements, s'agissant des conditions de l'agrément : il nous a paru essentiel d'instaurer des critères nationaux connus de tous les assistants maternels et familiaux.

Le projet reconnaît d'autre part à ceux qui exercent ces métiers la juste place qu'ils méritent dans le fonctionnement des services d'aide à l'enfance. Un assistant qui n'est plus en activité, mais peut justifier de dix ans d'expérience et possède un diplôme réglementaire, pourra participer aux procédures d'agrément et de suivi de la profession. La présence d'un praticien chevronné aux côtés de professionnels qui n'ont qu'une connaissance théorique du métier me paraît très importante.

Le texte comporte de nombreuses dispositions visant à rapprocher ces professions du droit commun et à limiter les risques de précarité : contrat de travail obligatoire, mensualisation et bulletin de salaire, indemnisation chômage en cas de licenciement, maintien de la rémunération en cas d'absence de l'enfant non justifiée par un certificat médical. Les assistants familiaux bénéficient d'une revalorisation de leur salaire plancher, surtout pour l'accueil du premier enfant.

A ces avancées contractuelles répond un renforcement de la qualification professionnelle. Nous sommes aujourd'hui dans une phase transitoire qui impose de conforter les salariés actuels, mais aussi de susciter de nouvelles vocations en offrant des perspectives professionnelles. C'est pourquoi le projet améliore la formation professionnelle, en doublant les heures de formation - 120 heures pour les assistantes maternelles et 240 pour les assistants familiaux, auxquelles s'ajoutent 60 heures de stage - et en prévoyant la formation initiale entre l'agrément et le premier engagement. Les assistants familiaux seront formés spécifiquement selon les difficultés de l'enfant qu'ils ont en placement. Nous ménageons également des possibilités de passerelles : à l'issue des 120 heures de formation, les assistants maternels doivent passer l'examen du premier module du CAP petite enfance, ce qui permettra une éventuelle reconversion à ceux qui le souhaiteraient. Les assistants maternels et familiaux peuvent également présenter des dossiers de validation des acquis de l'expérience au bout de trois années d'exercice de leur profession.

Une grande liberté de choix s'ouvre donc aux professionnels. Améliorer la qualité professionnelle des accueillants encouragera la qualité des soins et de l'accueil des enfants. De nombreuses dispositions procèdent ainsi d'abord d'un souci de sécurité.

Sur un plan éducatif comme sur un plan moral, l'autorité des assistantes maternelles et des assistants familiaux est indiscutable. Nous avons donc étendu à l'ensemble des majeurs qui vivent dans le foyer la demande de volet B3 du casier judiciaire. L'environnement familial de ces professionnels doit être contrôlé. Nous avons également inclus dans la formation une initiation aux premiers gestes de secourisme.

La capacité de s'occuper d'un enfant dépend beaucoup de l'aménagement des temps de repos. Nous tenons donc beaucoup aux 11 heures de repos consécutives pour les assistants maternels. De même, les assistants maternels et familiaux doivent pouvoir prendre effectivement leurs congés.

En vue de garantir un accueil personnalisé de chaque enfant, les professionnels ne pourront accueillir plus de trois enfants simultanément et plus de six au total. Cependant, dans un souci de souplesse, des possibilités de dérogation seront soumises à l'autorisation du conseil général, notamment pour éviter de séparer les fratries.

S'agissant des assistants familiaux, souvent négligés par les médias alors que leur rôle social est essentiel et qu'ils n'hésitent pas à bouleverser leur vie familiale au profit de la collectivité,...

M. le Ministre - Tout à fait !

Mme la Rapporteure - ...la création d'un projet de service de l'aide sociale à l'enfance améliorera le suivi social des familles, les professionnels bénéficiant pour leur part d'un accompagnement par une équipe pluridisciplinaire. Parallèlement, un contrat d'accueil distinct du contrat de travail sera mis en place, afin que les enfants placés bénéficient d'un suivi éducatif et psychologique adapté.

Après avoir regretté les reports successifs de l'examen de ce texte en séance publique, j'en suis venue à m'en féliciter, car j'ai mis à profit ce délai pour mieux connaître des professions qui méritent la reconnaissance de la nation, tant la richesse humaine de ceux qui les exercent fait honneur à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marchal-Tarnus.

Mme Corinne Marchal-Tarnus - Ce texte répond aux attentes des professionnels et des parents et tend à améliorer la vie quotidienne de milliers de familles. Les assistants maternels assurent un mode d'accueil dont les parents apprécient la souplesse. Il se noue dans les échanges qu'il crée un lien affectif durable, rassurant pour tous. Las, la dernière modification du statut remonte à 1992 et le présent projet est annoncé depuis le début de 2002.

Les assistants familiaux et leurs proches assument la délicate responsabilité de prendre en charge les jeunes au profit desquels ont été prononcées des mesures de protection de l'enfance. Cela représente un investissement personnel de tous les instants, un quasi-sacerdoce qui mérite d'être reconnu à sa juste valeur. Nous devons changer de regard sur une activité trop longtemps perçue comme un sous-métier, n'exigeant aucune qualification particulière.

Ajouter à l'agrément délivré sous le contrôle du médecin de la PMI une véritable formation qualifiante constitue un gage de qualité de l'accueil et des soins. Certes, 60 à 120 heures de formation pour une nouvelle assistante maternelle agréée, cela peut être vécu comme une contrainte, mais le stage actuel, limité à quelques heures et souvent très tardif, s'apparentait par trop à une simple formalité, son contenu étant de surcroît de qualité variable. Bénéficier d'une formation de 120 heures s'inscrit dans la logique qualifiante du présent projet, cependant que la validation des acquis de l'expérience doit permettre à ceux qui le souhaitent de préparer un CAP « petite enfance » et de diversifier son parcours professionnel.

Compte tenu de la complexité de leur métier, les assistants familiaux recevront pour leur part une formation pouvant aller jusqu'à 300 heures.

La distinction entre les statuts d'assistants maternels et familiaux qu'opère ce texte était devenue indispensable, étant entendu que tous deux remplissent une mission d'intérêt général, voire de service public. En milieu rural, la faible densité démographique et l'état des finances locales permettent rarement de faire fonctionner des crèches ou des haltes-garderies. Dès lors, l'accueil du jeune enfant devient un enjeu déterminant pour les familles, et le manque de structures adaptées tend à aggraver le vieillissement de la population. Il en découle des fermetures d'écoles, toujours douloureuses, et un tassement de l'activité locale.

L'obligation d'établir un contrat de travail écrit va mettre les pratiques en conformité avec le droit du travail et garantir aux intéressés des revenus réguliers. Une telle évolution est d'autant plus opportune que les 35 heures avaient tendu à appauvrir la profession, d'où la préoccupante crise des vocations que traduit le ralentissement des demandes d'agrément depuis 2000.

Tout en saluant les avancées que permettra ce texte, je tiens à réaffirmer qu'il est vital que ce mode de garde conserve la souplesse qui a fait son succès, en particulier pour ce qui concerne la flexibilité et la longueur des plages horaires travaillées. Un régime trop contraignant aurait des effets non désirables, en privant de mode d'accueil adapté les parents qui travaillent la nuit ou selon des horaires atypiques.

De même, si elle participe d'un souci légitime de sécurisation, la prise en compte dans la délivrance de l'agrément de la présence au foyer de l'assistant maternel d'enfants de moins de 3 ans risque de décourager les plus jeunes d'entre eux de s'engager dans cette profession.

Enfin, la valorisation du statut des assistants maternels aurait dû avoir pour corollaire la revalorisation de leur salaire. A terme, des mesures salariales semblent donc inévitables pour achever la professionnalisation de métiers trop longtemps négligés.

A ces réserves près, je considère que ce projet de loi permet franchir un grand pas dans la voie de la reconnaissance des assistants maternels et familiaux, pour le plus grand bénéfice des enfants et de leurs familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Patricia Adam - Nous étions décidés à participer à ces travaux dans un esprit constructif et à tout faire pour améliorer ce texte. Las, nous avons appris en début d'après-midi que la majorité des commissaires avaient choisi de voter l'amendement de suppression de l'article 29 bis introduit par le rapporteur du Sénat, voté à l'unanimité des sénateurs, et permettant de compenser les extensions de compétences des collectivités territoriales prévues par le projet. Par ailleurs, celui-ci renvoie à une multitude de décrets, ce qui traduit une approche superficielle et déséquilibrée des enjeux...

M. Bernard Accoyer - Allons, cela n'est pas sérieux !

Mme Patricia Adam - Est-il raisonnable d'alourdir encore et sans compensation les charges des départements ? Il est un peu facile de légiférer en laissant à d'autres le soin de financer les mesures instituées... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - Vous êtes orfèvres en la matière : souvenons-nous de l'APA !

Mme Patricia Adam - Malgré ce mauvais coup, le groupe socialiste réaffirme - avec l'association des départements de France - son arrachement à la création d'un véritable statut des assistants maternels et familiaux, du reste initiée par Ségolène Royal, alors ministre de la famille et de l'enfance... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce chantier n'ayant pu aboutir avant l'alternance de 2002, il est revenu à votre gouvernement de répondre aux attentes qui s'exprimaient dans le pays...

M. Alain Gest - Il est vrai que vous n'aviez eu que cinq ans pour les combler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Quel toupet !

M. le Président - Laissez parler Mme Adam.

Mme Patricia Adam - Heureusement, nombre de départements ne vous ont pas attendus pour prendre des mesures novatrices en matière de formation et de rémunération. Pour eux, votre texte n'apporte pas grand-chose !

De longue date, les professions concernées et leurs représentants demandent la mise en place d'un véritable statut, et leur impatience a été exacerbée par le retard pris dans la discussion de ce texte : adopté en première lecture par le Sénat en juin 2004, il n'a été examiné par notre commission qu'en décembre, pour n'être finalement discuté qu'aujourd'hui en séance publique, tard dans la soirée de surcroît...

M. Alain Gest - La faute à qui ?

Mme Patricia Adam - Au reste, ses dispositions mettent en jeu des problématiques plus vastes que les stricts enjeux statutaires, liées à la place du jeune enfant dans notre société, à la conduite de la politique familiale dans ce pays et aux nouvelles formes d'emploi telles que le temps partiel subi. Nul doute que les progrès de la parité en politique ont aidé à ce que ces thèmes soient mieux pris en compte par la représentation nationale. En discutant de ce texte, c'est sur la vie quotidienne de millions de Français et sur la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes que nous agissons directement.

Les assistants maternels et familiaux représentent un maillon essentiel de la politique de l'enfance. Ces emplois, très majoritairement féminins, ont longtemps été considérés comme des activités complémentaires procurant un revenu d'appoint, non comme une véritable profession. Ces approches sont dépassées. Le soutien à leur développement constitue en effet un élément-clé pour permettre aux mères de mieux articuler leurs vies familiale et professionnelle. Un rapport de l'OCDE de juillet 2004, intitulé Emploi des mères et garde des jeunes enfants en Europe, démontre en effet que ce sont bien les politiques publiques qui déterminent l'ampleur du travail féminin. La pénurie de modes de garde accessibles décourage les femmes de travailler et une politique visant à égaliser l'accès au marché du travail ne peut ignorer le partage inégal des tâches parentales ou les modalités particulières de prise en charge du jeune enfant. Il est inacceptable que les contraintes familiales déterminent l'emploi des mères et fassent obstacle à leur émancipation ou à leur réussite professionnelle.

Rééquilibrer cette tendance est un enjeu majeur pour une société moderne ; des pays comme la Suède ou le Danemark nous montrent le chemin. Les besoins sont énormes et les attentes exprimées sont multiples, voire contradictoires. Les parents veulent un mode de garde sûr, souple, adaptable à l'évolution de leurs besoins et financièrement abordable. Les professionnelles souhaitent se voir reconnues comme telles dans un cadre d'emploi mieux défini, donc plus contraignant pour l'employeur, et permettant une meilleure conciliation entre leur activité et leur vie familiale, tout en leur laissant la liberté de s'adapter à la demande. Les collectivités locales, enfin, s'appuient sur ces professionnelles pour mettre en œuvre les politiques de la famille et de l'enfance. Elles s'efforcent de développer une offre de qualité tout en maîtrisant les coûts qu'elle engendre, qui sont un obstacle réel au développement de structures de garde collectives. Le tout, sur fond de disparités géographiques importantes, en terme d'adaptation entre offre et demande, de statut, de protection sociale, de salaires, de formation, de critères d'agrément ou de contrôle.

Ce texte, même s'il propose des améliorations, ne va pas jusqu'au bout de ces questions. C'est un projet minimaliste, même si le fait qu'il soit attendu depuis trop longtemps tend à le faire apparaître comme un progrès. Comment ne pas être déçu ? Ces propositions ne règlent pas les problèmes de fond sur l'organisation de la garde des enfants, le nombre de places disponibles, la qualité de l'accueil, le libre choix des structures les mieux adaptées à l'enfant, la solvabilité des parents, l'organisation des temps de vie. Au delà de l'amélioration statutaire d'une catégorie de salariés du secteur de la petite enfance, ce que nous attendons tous, c'est que la société s'empare de cette question et lui apporte des réponses solidaires, y compris par la création de nouveaux services publics.

La revendication d'un statut professionnel est d'autant plus justifiée qu'elle est l'une des clefs de la reconnaissance de ces professions. Le projet propose de différencier la fonction d'assistante maternelle de celle d'assistante familiale. Nous y sommes favorables : c'est un début de reconnaissance d'une profession et d'une qualification. Nous aurions aimé que les capacités éducatives de ces salariées soient reconnues et valident un diplôme de la petite enfance, leur permettant de construire un véritable parcours professionnel. Le texte est imprécis et traite presque uniquement du cas des professionnels employés par des associations de droit privé ou des particuliers. Ainsi la référence exclusive aux conventions collectives du secteur privé pour déterminer la rémunération des professionnels et les cotisations des employeurs, ainsi que l'organisation de leur formation continue, laisse un vide juridique pour les agents non titulaires des collectivités locales, d'où une précarité prolongée pour les 34 000 agents employés sous ce statut. Il y aura des compensations à définir dans ce domaine. Nous sommes, avec les professionnelles concernées, les familles et les collectivités locales, plus que fondés à nous interroger sur ce point.

Pourtant, du côté des parents, semble s'exprimer le besoin d'un soutien accru des collectivités en matière de garde d'enfants. Mais ils n'ont pas été assez entendus. Ainsi, ce texte fait perdre aux parents le bénéfice d'une procédure d'embauche simplifiée : ils deviennent des employeurs à part entière, désormais soumis au formalisme de droit commun, mais sans recevoir aucune aide pour la transition vers ces nouvelles responsabilités. Or, nul ne s'improvise employeur, car cette fonction implique des responsabilités : n'y avait-il pas d'autres moyens de répondre à la revendication légitime des assistantes maternelles sans pour autant abandonner les parents ?

Pour notre part, nous proposons un amendement qui répond aux besoins exprimés conjointement par les parents, les assistantes maternelles et les collectivités, en permettant l'exercice de la profession non plus au domicile, mais dans un lieu répondant aux conditions de l'agrément, rassemblant deux ou trois professionnelles au sein d'une crèche familiale. Les collectivités pourraient la soutenir, en investissement comme en fonctionnement, sans supporter les coûts d'une crèche classique, mais avec une amélioration certaine de la qualité de l'accueil. Cela permettrait en outre une revalorisation de l'exercice du métier des assistantes maternelles en brisant leur isolement et en favorisant une meilleure articulation entre leur vie professionnelle et familiale. Les collectivités sont prêtes à oser l'expérimentation, ainsi que les assistantes maternelles dans certains départements : la mission du législateur est de les accompagner et de leur en donner les moyens.

Revenons à la question cruciale : qui paye ? Les départements seront encore sollicités, puisqu'une fois de plus vous augmentez la facture des collectivités locales par le biais de transferts de charges, sans consultation préalable, ni compensations financières, ni transfert des pouvoirs de décision correspondants ; c'est notamment le cas en matière d'agrément et de contrôle. Dans ces conditions, la raison de la hausse des impôts locaux, souvent évoquée ces jours-ci, est sans doute à rechercher, plus qu'ailleurs, dans l'abandon par l'Etat de politiques publiques. Vous contraignez ainsi les départements et les régions à agir directement à l'échelle locale, donc à dépenser plus.

En outre, ce texte laisse les collectivités livrées à elles-mêmes quant à l'organisation de la formation, sans qu'un cadre national uniforme de la formation et des diplômes soit créé : les professionnels en formation seront ainsi formés et payés selon les choix politiques et les moyens des départements. Le cadre national des diplômes représente pourtant une condition indispensable à la reconnaissance d'une profession. Les attentes légitimes des professionnels risquent donc d'être rapidement déçues par les insuffisances de ce texte. Pour notre part, nous nous attacherons à convaincre notre assemblée de le modifier au fil des débats, afin de ne pas décevoir les attentes exprimées par les professionnels, les parents et les élus locaux concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pierre-Christophe Baguet - Elever des enfants, les aider à se construire est une mission noble. Mais c'est aussi, désormais, un métier. Les parents sont de plus en plus nombreux à confier leurs enfants à une assistante maternelle ; c'est aujourd'hui le premier mode d'accueil, qui concerne plus de 55 % des enfants. Ce succès montre que les assistants maternels, comme les assistants familiaux, répondent à un besoin essentiel et croissant de notre société. Mais ils manquent de garanties statutaires, et souffrent de précarité face à l'emploi. Il était urgent que le législateur définisse les conditions d'exercice de leur métier, leurs obligations et droits et ceux de leurs employeurs, afin de conforter la reconnaissance de ce métier. L'UDF se félicite, en particulier, de l'avancée considérable que constitue l'obligation d'une formation initiale et d'une formation continue pour tous les assistants maternels : on peut en attendre un élargissement de leurs perspectives de carrière, notamment vers le secteur de la garde collective.

Sur de nombreux points, Monsieur le ministre, ce projet va dans le bon sens. Nous souhaitons néanmoins lui apporter certaines améliorations. Tout d'abord, les enfants confiés à des assistants maternels en formation ne doivent pas souffrir des contraintes qui en découlent. Nous proposons que les départements offrent systématiquement un mode de garde alternatif. Le temps de ces formations doit être adapté aux horaires de travail des parents et ne pas pénaliser l'enfant.

S'agissant de la formation, je m'interroge d'autre part sur les disparités toujours possibles entre départements. Comment répondre, par exemple, au risque de voir un conseil général manquer de crédits formation entre la date de délivrance de l'agrément et la formation préalable à la signature du premier contrat ? Dans son article 7, le texte fixe à deux mois l'obligation de formation qui précède l'accueil d'un premier enfant pour les assistants familiaux, mais il ne précise rien pour les assistants maternels. Ce point soulève le problème du financement des nouvelles mesures, dont je reparlerai. Enfin, nous souhaiterions que la formation initiale abordée à l'article 10 puisse être considérée comme la première partie du CAP petite enfance.

Nous proposons par ailleurs d'étendre les possibilités de dérogation à la limite des trois mineurs accueillis simultanément, aux cas de force majeure : grève dans les structures d'accueil collectives ou les écoles, événements familiaux imprévisibles. On ne peut que souscrire à cette règle dans le principe ; mais la limitation à six employeurs pose de graves problèmes dans certains cas. J'ai eu connaissance par exemple du cas d'une assistante maternelle proche d'un hôpital, qui accueille les enfants d'infirmières dont certaines travaillent le matin et d'autres l'après-midi : elle se voit ainsi privée de toute possibilité d'accueil, même temporaire. Il faut évidemment respecter les normes de qualité de l'environnement à offrir aux enfants, mais ne pas sombrer dans un excès de rigidité, compte tenu de l'insuffisance fréquente de l'offre de garde dans les grandes villes.

Nous souhaitons d'autre part que l'employeur d'un assistant maternel dont l'agrément est suspendu n'ait pas à payer le préavis de licenciement. Il est anormal que les parents, déjà obligés de chercher un remplaçant, doivent assumer une double dépense.

Ce projet était nécessaire et attendu. Mais nous nous interrogeons sur son financement, qui ne semble toujours pas réglé. (M. Rochebloine approuve) L'évaluation du coût des mesures proposées n'a pu être faite avec précision, faute d'une étude d'impact. Il est pourtant clair que des charges nouvelles vont peser sur les collectivités locales, puisque le temps de formation est doublé, triplé, voire quadruplé. A cela s'ajoutent - et c'est bien légitime - des augmentations salariales, des droits à congé, sans oublier les remplacements qui seront nécessaires. L'opération sera lourde pour les départements. Or, la Constitution dispose en son article 72-2, que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » Nous connaissons tous la situation difficile des finances publiques ; il faut donc trouver un financement juste sans reporter de nouvelles charges sur les collectivités territoriales. Je souhaite connaître les moyens dont dispose le Gouvernement pour mener à bien cette légitime réforme.

Je m'interroge d'autre part sur quelques contradictions entre la convention collective signée le 28 décembre et le présent projet. Je pense notamment à l'indemnisation versée aux assistants maternels en cas de maladie de l'enfant : la convention ne prévoit pas d'indemnités à concurrence de dix jours de maladie non consécutifs ou quatorze jours consécutifs, alors que le projet prévoit une indemnité compensatrice dont le montant minimum est fixé par décret. Le Gouvernement peut-il nous éclairer ?

J'ai constaté par ailleurs que chaque famille employeur avait son propre bulletin de salaire. Une harmonisation n'est-elle pas souhaitable ? D'autre part certains assistants maternels lésés par des familles peu scrupuleuses ne sont pas avertis assez tôt du non-paiement des charges sociales. De même, en fin de contrat, certains assistants maternels désespèrent de recevoir de leurs employeurs la feuille jaune donnant droit aux indemnités des ASSEDIC. Enfin il faut réfléchir à la revalorisation de la retraite des assistants maternels, peut-être en revalorisant la cotisation des employeurs, qui la choisissent souvent au minimum de 16,50 €.

Les assistants maternels et les assistants familiaux remplissent une vraie mission de service public. Cette réforme répond à leurs attentes, elle prend en compte l'intérêt de l'enfant et les préoccupations des parents. C'est pourquoi le groupe UDF la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - Rarement texte aura connu un parcours législatif aussi long et chaotique : préparé sous la précédente législature par Mme Royal, le projet de loi sur les assistants maternels et familiaux a été présenté en conseil des ministres en février 2004 par M. Jacob, pour être défendu par Mme Roig en mai au Sénat.

M. le Ministre - Ce projet de loi use bien des ministres ! (Rires)

Mme Muguette Jacquaint - Son examen à l'Assemblée, prévu successivement en juillet puis en novembre, a été repoussé par deux fois. Pourtant, la poursuite de la hausse de la natalité et la participation de plus en plus importante des femmes à la vie active militaient en faveur de son adoption rapide. A l'heure où le Gouvernement déclare prioritaire la politique de la famille, ces reports successifs ont vivement préoccupé les familles et les 342 000 professionnels.

En France, 45 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents. Combien par choix ? Combien par obligation ? L'absence d'étude précise ne permet pas de répondre à cette question. En Seine-Saint-Denis, seuls 22 000 enfants sur 45 000 bénéficient d'une place en crèche ou chez une assistante maternelle agréée. Malgré l'effort important réalisé par les départements, collectivités locales, caisses d'allocation familiales ou associations, les modes d'accueil existants ne répondent pas totalement à la demande. 27,5 places pour 100 enfants ! L'Etat doit s'engager financièrement, bien plus qu'il ne le fait aujourd'hui, afin que l'accueil du jeune enfant ne soit pas un véritable parcours du combattant pour les parents qui travaillent, et notamment pour les familles monoparentales. Si le Gouvernement veut véritablement faciliter la vie professionnelle et la vie familiale, les modes d'accueil doivent être diversifiés.

En France, deux enfants sur trois restent dans leur famille ; 18% sont confiés à un assistant maternel ; 8 % seulement sont accueillis en crèche, essentiellement par manque de places ; et 4 % sont pris en charge par leurs grands-parents. Trouver le juste équilibre entre la lutte contre la précarité défendue par les assistants maternels, la qualité exigée pour le bien-être et le développement des enfants et la souplesse de ce mode d'accueil attendu par les parents n'est pas chose facile. Pour toutes ces raisons, il était devenu nécessaire que la représentation nationale examine à nouveau la question du statut des assistants maternels.

Pour des raisons idéologiques, et souvent budgétaires, vous privilégiez le mode d'accueil le moins coûteux pour la collectivité. Après les lois de 1977 et 1992 qui avaient soumis l'activité des « nourrices » à un agrément dont les conditions de délivrance ont été précisées par la suite, et posé le principe d'une formation obligatoire, votre projet de loi se fixe pour objectifs d'assurer une plus grande qualité des soins apportés aux enfants, grâce à une meilleure intégration professionnelle des accueillants ; et d'améliorer le statut des assistants maternels et familiaux pour rendre le métier plus attractif.

En outre, innovation majeure, vous distinguez les deux métiers d'assistants maternels et d'assistants familiaux. Bien qu'il s'agisse d'enfants dans les deux cas, il n'était plus possible de mettre sur le même plan l'accueil des jeunes enfants confiés temporairement par les parents et l'accueil des enfants en grande difficulté confiés à un tiers de façon permanente dans le cadre de la protection de l'enfance.

Si nous souscrivons aux objectifs louables de votre projet, leur mise en œuvre s'avère problématique. Les retouches apportées par le Sénat vont dans le bon sens : limite de six enfants par assistant maternel, facilité d'accès aux logements sociaux, annualisation du temps de travail et création d'un compte épargne-temps. Notre commission des affaires sociales proposera d'améliorer le contrôle de l'activité des assistants maternels et familiaux, leur formation et la validation de leurs acquis et de leur garantir une rémunération mensuelle et des congés payés.

Pourtant, le projet n'est pas à la hauteur des ambitions affichées, en particulier auprès des professionnels. Il renvoie au règlement la résolution de questions essentielles telles que la disparité des rémunérations, la revalorisation des salaires, les droits à la retraite ou encore les modalités de la formation.

Vous rendez ce texte difficilement lisible en raison de la référence constante à des articles issus de trois codes différents, et encore plus obscur et aléatoire en renvoyant aux décrets d'application. Certes, la loi pose des principes, mais en énonçant les choses précisément, elle permet que les textes qui s'en inspirent, comme les conventions collectives, ne la trahissent pas.

Pis encore, le financement de la réforme n'est pas assuré par l'Etat : il est reporté sur les collectivités territoriales. Cette question, objet d'un âpre débat avec votre majorité au Sénat, a été soulignée par la rapporteure en personne. L'extension des compétences des collectivités territoriales dans les domaines de la formation initiale et continue des assistants familiaux entraînera automatiquement une hausse des charges des départements qui devront recruter du personnel.

Il en va de même pour les mesures de revalorisation salariale décidées par l'Etat. Le salaire net moyen de ces professionnels, 542 €, justifiait de telles mesures mais leur coût n'a pas été évalué. Sans doute est-ce pour cela que vous n'avez pas prévu de ressources supplémentaires pour les collectivités territoriales ! Vous me répondrez que l'article 72-2 de la Constitution oblige à compenser les transferts et extensions de compétences à l'euro près, mais j'ai des doutes ! L'Etat n'a pas consulté les collectivités sur le coût de ces transferts, et il y a fort à parier que les services de Bercy s'emploieront à en limiter le plus possible la compensation...

Ce projet comporte certes des avancées, puisqu'il tend à revaloriser et à professionnaliser ces deux métiers et à améliorer la qualité d'accueil des jeunes enfants, mais vous êtes restés à mi-chemin sur des questions essentielles comme la rémunération, la retraite ou la compensation financière de l'Etat. Nous défendrons des amendements dans ces domaines. S'ils n'étaient pas adoptés, nous ne pourrions voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Perrut - Ce projet de loi était particulièrement attendu. Les médias nous en donnent un écho très positif depuis plusieurs jours, et nous vous en félicitons, Monsieur le ministre, car vous montrez par ce texte l'attention que vous portez aux familles de France et aux droits des enfants. Naguère « nourrices » ou « gardiens d'enfants », les assistants maternels assument désormais davantage de missions. S'ils sont de plus en plus nombreux, ils ne suffisent pourtant pas à répondre aux besoins, car ce mode de garde est devenu essentiel pour de nombreuses familles. L'évolution des modes de vie et les contraintes du travail exigent des réponses nouvelles. Aujourd'hui, près de 740 000 enfants de moins de 6 ans sont accueillis par environ 300 000 assistants maternels, véritables assistants de la vie familiale auxquels je rends hommage.

Ce projet de loi apporte des réponses à la fois aux professionnels et aux familles. Le statut des assistants maternels datait de 1977 et avait été modifié par la loi du 12 juillet 1992. Il devenait indispensable - mais encore fallait-il le faire ! - de valoriser cette profession. Ce projet de loi a le mérite de la simplicité. Il distingue les assistants maternels permanents, qui deviennent des assistants familiaux, et les assistants maternels qui accueillent des enfants à leur domicile pour la journée. La professionnalisation de ces métiers et leur rapprochement du droit commun suscitera, nous l'espérons, de nouvelles vocations. La formation professionnelle prend également une place importante dans le texte, ainsi que l'amélioration des conditions d'exercice de la profession, avec des mesures sur le contrat de travail, les congés et la validation des acquis de l'expérience, laquelle devrait permettre aux assistants maternels d'évoluer vers d'autres carrières. Nous soutenons toutes les initiatives qui permettent de promouvoir ces métiers et d'encourager les vocations. Il convient ainsi d'aider les assistants maternels par exemple à disposer d'un logement social et de mettre en place des relais pour mieux informer les professionnels et les parents.

Ce texte répond également aux attentes des familles, confrontées à une offre de garde insuffisante dans les villes comme dans les villages. La question est donc intimement liée à l'aménagement du territoire et à la survie de la France rurale. Ce texte doit également être rapproché de l'ensemble des mesures d'aide aux familles mises en place par ce gouvernement, parmi lesquelles une revalorisation significative des aides pour les parents qui ont recours aux assistants maternels et celle de l'AFEAMA, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée. Face aux inégalités, c'est l'équité sociale qui doit nous guider. Le plan crèches du Gouvernement prévoit la création de 20 000 places d'ici à 2007. La conférence de la famille de 2003, elle, a préconisé le développement des modes de garde de jeunes enfants. En effet, la natalité est en hausse et le taux d'activité des femmes aussi. Presque six enfants sur dix ont deux parents qui travaillent, et de nombreuses femmes élèvent seules leur enfant en travaillant. Le Commissariat général au Plan évalue les besoins en assistants maternels à 600 000 d'ici à 2010. C'est dire combien il importe de reconnaître leur métier, qui requiert des qualités humaines et des compétences importantes. Prenons soin d'assurer le juste équilibre entre leurs préoccupations et celles des parents. La relation contractuelle qui les lie doit demeurer souple et équilibrée, notamment pour la fixation des congés. Le rôle des assistants maternels est également fondamental pour l'accueil des enfants en difficulté sociale, et il faut reconnaître le travail admirable qu'ils accomplissent en matière de protection de l'enfance.

La politique familiale est indispensable à la cohésion sociale. Elle est un axe fort de la politique du Gouvernement et de l'UMP. Vous avez relancé, Monsieur le ministre, les conférences de la famille. Elles ont évoqué, en 2003, la création de la PAJE et les années suivantes les maisons des adolescents, les enjeux démographiques et la protection de l'enfance sur internet. Enfin, une mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant vient d'être mise en place dans cette assemblée. Nous sommes tous attachés à la période de l'enfance, une période brève et décisive pour l'âge adulte. Pascal écrivait que « la sagesse nous envoie à l'enfance ». Que cette sagesse nous guide pour mener notre politique familiale, notre politique de la santé et notre politique de la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Françoise Clergeau - Je me réjouis de pouvoir enfin discuter de ce projet de loi. Il était en effet très attendu par les professionnels, mais on ne peut pas dire que le Gouvernement ait fait preuve de beaucoup d'empressement à le soumettre à notre assemblée ! Pourtant, Ségolène Royal avait mené de larges concertations avec les organisations professionnelles et syndicales, qui avaient abouti à un large consensus et qui auraient dû vous amener à déposer le projet dès 2002. Il y a en effet urgence ! Le statut des assistants maternels et familiaux, statut dérogatoire datant de 1992, était devenu obsolète. Une réforme était nécessaire pour améliorer les conditions de travail et la rémunération des assistants maternels et familiaux et ainsi encourager les vocations, mais aussi pour faire face à la demande croissante des familles, qui recherchent à la fois un mode de garde adapté aux contraintes de la vie moderne et une meilleure qualité d'accueil pour leurs enfants.

Le texte qui nous est proposé ne répond hélas que partiellement à ces attentes, et le nombre impressionnant de renvois à des décrets multiplie les incertitudes. Il apporte toutefois un certain nombre de réponses intéressantes, telles que l'obligation d'établir un contrat de travail écrit, une formation renforcée - malheureusement sans cadre national uniforme -, la limitation du temps de travail et un droit de congé effectif, enfin une meilleure rémunération lors des absences des enfants. Le fait que le statut des assistants maternels et familiaux soit rapproché du droit commun est aussi un progrès notable.

Ce texte nous conduit à évoquer de manière plus générale la politique familiale du Gouvernement. En fonction de l'activité professionnelle et des horaires des parents, de leur niveau de ressources et des disparités géographiques, les modes de garde peuvent considérablement varier et la liberté de choix des parents peut n'être parfois que théorique. Votre politique économique favorise le travail précaire ou à temps partiel non choisi et les faibles salaires. Les familles précarisées ont les plus grandes difficultés à accéder aux dispositifs publics de garde. Leur coût et leur rareté les conduisent à recourir au réseau familial, ou obligent la mère à renoncer totalement à une activité professionnelle. Trop de femmes sont ainsi exclues du marché de travail.

Ces inégalités entre familles modestes et aisées, ces inégalités géographiques, vous ne les combattez pas. Vous continuez à privilégier l'accueil individuel. Je ne peux bien entendu que me réjouir de l'amélioration du statut des assistants maternels, que je défends depuis longtemps.

M. Alain Gest - Allons donc ! Deux fois cinq ans !

Mme Marie-Françoise Clergeau - Mais il me paraît également important de soutenir une autre politique familiale, plus diversifiée. Au Danemark par exemple, 65 % des enfants de moins de 3 ans bénéficient de structures publiques de garde et les communes doivent proposer un système de garde bien au-delà de 3 ans.

Je tiens également à souligner les contradictions entre les annonces faites par le Gouvernement lors de la dernière conférence de la famille et la réalité de sa politique. J'en profite pour noter que la conférence de la famille a été tenue pour la première fois en 1997, sous le gouvernement Jospin.

Une vraie politique familiale doit favoriser les relations entre les parents et les enfants ; en vous acharnant contre les 35 heures, vous privez les enfants de temps partagé avec leurs parents.

Enfin, il semble qu'on n'ait pas évalué les conséquences financières de cette réforme, en particulier pour les collectivités locales, qui vont devoir assumer de nouvelles charges de formation et de suivi de la pratique professionnelle. Comme à son habitude, le Gouvernement transfère des compétences sans assurer de compensation financière.

M. Alain Gest - Grotesque !

Mme Marie-Françoise Clergeau - Pour les parents, l'augmentation de la charge est estimée à 20 % ; la PAJE, présentée lors de sa création comme une amélioration des prestations familiales, servira-t-elle en fait à financer le surcoût occasionné par cette réforme ? Les familles auraient alors été victimes d'une tromperie.

Selon la fédération nationale des particuliers employeurs, la hausse des frais de garde serait compensée par un crédit d'impôt, les parents déduisant de leurs impôts 25 % des sommes dépensées dans la limite de 2 300 € par an et par enfant ; nous le confirmez-vous ? Mais dans ce cas, comment la hausse des frais de garde sera-t-elle compensée pour les familles qui ne paient pas l'impôt sur le revenu ? Encore une fois, les familles aux revenus modestes et moyens risquent de faire les frais de votre politique.

Le groupe socialiste ne peut donc voter ce texte, qui est loin d'apporter aux professionnels le véritable statut qu'ils attendaient. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Henriette Martinez - Ce projet, attendu depuis près de deux ans par les assistants maternels, a le mérite d'avoir été préparé dans la concertation, d'abord par Christian Jacob, ensuite par Marie-Josée Roig, enfin par vous-même, Monsieur le ministre.

Il reconnaît aux assistants maternels - qui ont une responsabilité immense, celle de garder des enfants - un vrai métier, un vrai statut, une vraie rémunération, de vrais congés, une vraie formation, une vraie validation des acquis de l'expérience. Il opère une distinction nécessaire entre les assistants maternels et les assistants familiaux - au nombre de 42 000 - qui accueillent dans leurs foyers des enfants placés par l'ASE ou le juge des enfants et qui sont souvent confrontés à des problèmes lourds, liés aux maltraitances ou traumatismes subis par les enfants ou à leurs handicaps. Comme les assistants maternels, ils ont besoin d'une formation - que certains conseils généraux organisent déjà - ; mais plus encore qu'eux, ils ont impérativement besoin d'une assistance et d'un suivi de la part des services sociaux, et ils doivent être pleinement intégrés dans l'équipe pluridisciplinaire chargée du suivi de l'enfant. Ils ont la charge particulièrement difficile d'éduquer un enfant marqué par une histoire douloureuse, et c'est grâce à eux que celui-ci peut retrouver la stabilité affective dont il a besoin pour se construire. J'insiste sur la nécessité, qu'ils ont souvent soulignée avec force, d'assurer aux enfants des placements stables.

Mme Hélène Mignon et Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

Mme Henriette Martinez - Il faudra revenir sur le délai maximum de deux ans, générateur d'angoisse pour l'enfant et très difficile à vivre pour les familles d'accueil, qui ne peuvent pas construire avec l'enfant un projet de vie. Que dire de ces travailleurs sociaux qui arrachent un enfant à sa famille d'accueil, au motif qu'il faut éviter un attachement réciproque, au mépris de tous les travaux des pédopsychiatres ?

Mme Catherine Génisson - Tout à fait d'accord.

Mme Henriette Martinez - Que dire aussi de ces bébés confiés jusqu'à leur adoption à des familles d'accueil, à qui on les arrache après deux ans d'attachement mutuel ? Au-delà des problèmes matériels que nous allons résoudre, n'oublions pas ces problèmes psychologiques.

Ce texte est une avancée importante pour les assistants maternels et les assistants familiaux, professionnels particulièrement méritants dont je souligne le travail exemplaire. Mais comment ne pas voir les carences de notre système de protection de l'enfance, qui date de 1970 ? Comment ne pas vouloir mettre l'enfant au centre du débat, quand il s'agit de lui et de son développement harmonieux ? Nous avons besoin de dispositifs adaptés, harmonisés entre les départements, et d'outils d'évaluation modernes et performants. Nous franchissons un étape importante avec ce projet, mais il faudra aller plus loin, en tenant compte des recommandations de la Défenseure des enfants et de celles du Comité des droits de l'enfant, en date du 4 juin 2004, visant au plein respect par la France de la Convention internationale des droits de l'enfant. Je compte sur vous, Monsieur le ministre, et je vous remercie par avance. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Huguette Bello - Un mois après l'entrée en vigueur de la convention collective des assistants maternels, l'Assemblée nationale examine - enfin - le projet sur les assistants maternels et les assistants familiaux. L'attente des professionnels, dont le statut est précaire, et des familles, qui ont de grandes difficultés pour faire garder leurs jeunes enfants, est forte.

La profession d'assistante maternelle est devenue, quantitativement, la deuxième de France après celle d'enseignant. Cette progression ne suffit pas pour répondre à la demande des familles ; il existe en outre de fortes inégalités entre les régions, et je voudrais à ce sujet évoquer le cas de l'outre-mer, et particulièrement de la Réunion.

Dans les multiples rapports et études consacrés ces dernières années à l'accueil des jeunes enfants en France, il n'a jamais été question de l'outre-mer. Les statistiques concernant ces régions ne sont jamais prises en compte, mais les retards sont considérables. Le taux d'équipement moyen en crèches collectives est de 35 places pour 1 000 enfants, alors que la moyenne nationale est de 63 pour 1 000. L'accueil individuel par les assistantes maternelles reste également bien en deçà des besoins, même si le nombre de places agréées a fortement augmenté. J'espère que la mission parlementaire se penchera cette fois sur la situation de l'outre-mer.

Des efforts importants seront nécessaires à la Réunion pour résorber les retards et répondre à la demande des familles, qui est appelée à augmenter encore au cours des prochaines décennies car le nombre de naissances devrait se maintenir aux alentours de 15 000 par an et les Réunionnaises entrent massivement sur le marché du travail ; en outre, l'appel à la solidarité familiale pour garder les enfants, même s'il est encore important, a tendance à diminuer. Enfin, la pré-scolarisation des enfants de 2 ans est très peu répandue à la Réunion.

Dans la lignée des lois de 1977 et 1992, ce texte vise à consolider le statut et les garanties sociales des assistants maternels et des assistants familiaux et à améliorer l'accueil des enfants. Dans cette recherche constante de concilier souplesse et rigueur, confiance et contrôle, la formation occupe une place centrale. Nous souhaitons en savoir un peu plus sur les modalités déjà retenues ou à l'étude car elles ne seront pas sans conséquence sur la gestion prévisionnelle des emplois par les collectivités locales. A la Réunion, les crèches ont souvent des difficultés pour recruter des aides puéricultrices, ce qui est pour le moins paradoxal quand le chômage des femmes est particulièrement élevé.

Pour améliorer l'offre d'accueil, il convient également de réfléchir aux problèmes liés à l'habitat : les demandes d'agrément sont en effet le plus souvent rejetées en raison de l'inadaptation des logements qui doivent accueillir les enfants. Je soutiens donc Mme la rapporteure lorsqu'elle propose d'« encourager l'amélioration des logements existants, soit en accordant des aides financières, soit en prévoyant un système de subvention ou en accordant des crédits d'impôts pour travaux. » Alors que le Gouvernement favorise le développement des crèches collectives privées au sein des entreprises, aucun argument ne saurait prévaloir contre l'adoption de telles mesures.

Enfin, j'attire votre attention sur la situation des parents dont un enfant est hospitalisé pour une longue période. Actuellement, dès lors que cet enfant a plus de 12 ans, rien n'est prévu pour aider ses parents à rester auprès de lui. L'inexistence d'un congé de garde d'enfant complique une situation déjà douloureuse, en particulier lorsqu'il s'agit de familles monoparentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Irène Tharin - Ce gouvernement est un de ceux qui auront le plus contribué au renouveau de la politique familiale. L'INSEE vient de publier les résultats de ses enquêtes de recensement pour 2004, qui montrent notamment que le taux de fécondité est passé de 1,72 enfant par femme entre 1990 et 1998 à 1,86 ces dernières années. Cette situation illustre notamment le bienfait de la PAJE, voulue par le Président de la République. A travers ces chiffres, c'est le dynamisme de nos sociétés qui est en jeu : un pays dont le taux de natalité est élevé progresse, s'adapte, innove ; un pays qui tourne le dos à sa jeunesse se replie sur lui-même et se détourne des voies du progrès.

Les assistants maternels mais également les familles attendent ce projet qui donnera un nouveau souffle à notre politique familiale et facilitera la vie quotidienne de centaines de milliers de familles. Le statut des assistants maternels date de 1977. Il prévoyait la mise en place d'un agrément par le président du conseil général comme préalable à la garde des enfants ainsi que l'organisation des premières actions de formation. Ce statut a été renforcé par la loi du 12 juillet 1992 qui a rendu la formation initiale obligatoire, simplifié la procédure d'agrément et institué une mensualisation des rémunérations. Toutefois, face à l'insuffisance de l'offre de garde pour la petite enfance, il était urgent de réformer et de valoriser le statut des assistants maternels.

Ce texte répond à une triple attente. D'abord, il clarifie les statuts des assistants maternels permanents, désormais appelés assistants familiaux, et celui des assistants maternels qui accueillent des enfants chez eux pour la journée, lesquels conserveront la dénomination d'assistants maternels. Le projet prévoit ensuite une revalorisation substantielle du statut juridique des assistantes maternelles qui se traduit notamment par une revalorisation des différents régimes indemnitaires et par l'introduction de garanties nouvelles relatives au droit au repos et aux congés. Enfin, ce projet améliore significativement le caractère protecteur du contrat de travail de l'assistante maternelle en introduisant des garanties en cas de rupture du contrat.

Nous en sommes tous conscients : il faut rendre cette profession plus attractive. Il s'agit en effet du mode de garde plébiscité par les parents, loin devant l'accueil en crèche collective ou familiale : ainsi, 300 000 assistants maternels accueillent 740 000 enfants de moins de 6 ans, dont près de 500 000 de moins de 3 ans, sans parler des structures d'accueil collectif, de la garde au domicile des parents, des centres de loisirs maternels et des accueils périscolaires après la classe. Par ailleurs, 43 000 assistants familiaux accueillent en permanence 65 000 enfants ou adolescents séparés de leur famille pour des raisons graves. Enfin, l'augmentation de l'offre d'assistants maternels permettra aux parents et en particulier aux mères de famille de concilier plus sereinement leur vie professionnelle et l'éducation de leurs enfants.

Je tiens à saluer l'excellent travail de Mme la rapporteure, qui s'est investie sans compter au sein de la commission des affaires sociales. Je soutiens à ce propos sans réserve aucune les propositions d'amendements de notre commission qui visent à renforcer la formation des assistants maternels et des assistant familiaux, à mieux encadrer et contrôler les conditions d'exercice de la profession et à donner encore plus de souplesse à la profession d'assistant maternel grâce notamment à la mise en œuvre d'une rémunération à l'heure.

Je me réjouis par avance du vote de ce texte pour toutes ces personnes dont j'ai pu constater dans ma commune de Seloncourt et dans le pays de Montbéliard le sens des responsabilités ainsi que la volonté d'élever, au sens fort du terme, les enfants qui leur sont confiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Bernier - J'espère que ceux qui préfèrent la critique partisane à l'action et à la défense de l'intérêt général renonceront à leur habitude.

M. Alain Néri - Voilà qui commence bien !

M. Marc Bernier - Issu d'une très large concertation, ce projet vise d'abord à donner un véritable statut aux assistants maternels et familiaux mais également à améliorer la qualité de l'accueil des enfants. Les professionnels bénéficieront désormais non seulement d'un contrat de travail écrit mais également d'une formation reconnue, de la validation de leurs acquis professionnels et d'une caisse de prévoyance maladie et accidents du travail. Leurs conditions de travail seront également améliorées puisque l'article 18 du projet substitue à la durée maximale quotidienne de travail de 13 heures une durée minimale de repos quotidien de 11 heures consécutives, plus conforme au droit commun du travail ainsi qu'aux règles communautaires.

De plus, ce texte permet aux assistants maternels de garder trois enfants simultanément, autorisant ainsi - dans la limite de six enfants au total - l'accueil à temps partiel d'un nombre plus important d'enfants. De telles dispositions contribueront à créer un véritable statut d'assistant maternel et familial afin de rendre ce métier plus attractif et d'ainsi garantir l'offre de services face à une demande toujours croissante. Dans mon département de la Mayenne, qui compte près de 20 000 enfants âgés de 0 à 6 ans et dont 90 % des couples travaillent, les habitants n'ont aucun doute quant à la nécessité d'une telle réforme.

Par ailleurs, il s'agit de rendre plus attractif ce métier grâce à une meilleure intégration professionnelle des accueillants. L'amélioration de ce statut passe également par l'indispensable rémunération à l'heure, par l'effectivité des congés payés ainsi que par la mensualisation de la rémunération des assistants maternels. Sur ce dernier point, il nous a semblé normal, avec Muriel Marland-Militello, de déposer un amendement afin d'étendre cette mesure aux assistants familiaux. J'en profite d'ailleurs pour saluer la qualité des travaux menés par Mme la rapporteure ainsi que par mes collègues de la commission des affaires culturelles.

Ce texte constitue un grand pas en avant.

M. le Ministre - Je vous remercie.

M. Marc Bernier - Bien qu'il soit plus aisé de critiquer que d'agir, je me range résolument aux côtés des défenseurs de l'intérêt général et du bon sens et c'est pourquoi je voterai ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri - Adopté en juin 2004 par le Sénat, examiné le 9 juin 2004 par la commission des affaires sociales, nous regrettons que ce texte ne soit examiné en séance publique à l'Assemblée nationale qu'après un si long délai, le Gouvernement tardant à l'inscrire à l'ordre du jour.

Ce projet propose à juste titre une refonte du statut des assistants maternels et des assistants familiaux. Je rappelle que c'est la loi du 12 juillet 1992 qui a contribué à améliorer sensiblement leur statut et que Ségolène Royal a poursuivi en 2001 d'importantes réformes...

M. le Ministre - Où est-elle ce soir ?

M. Alain Néri - ...avant que M. Christian Jacob ne se saisisse à son tour de ces questions.

Ce projet distingue donc deux métiers fondamentalement différents : les assistants maternels non permanents appelés « assistants maternels » qui accueillent de jeunes enfants confiés par leurs parents afin de concilier vie professionnelle et vie familiale. Ce sont environ 740 000 enfants de moins de 6 ans, dont près de 500 000 enfants de moins de 3 ans, qui sont aujourd'hui accueillis par plus de 300 000 d'entre eux. 270 000 assistants maternels sont employés par des particuliers et 26 000 par des personnes morales. Selon une étude du Commissariat au Plan, le nombre d'assistants maternels devrait être porté à 600 000 à l'horizon de 2010 pour satisfaire tous les besoins d'accueil.

Le projet dénomme désormais « assistants familiaux » les assistants maternels permanents qui accueillent des enfants en grande difficulté dans le cadre des dispositifs de protection de l'enfance ou des services d'accueil familial thérapeutique.

L'objet de ce projet est donc double : promouvoir la qualité de l'accueil des enfants et améliorer le statut de ces professions pour les rendre plus attractives.

On ne peut que se féliciter, à cet égard, de la place accordée à la formation. C'est dans la petite enfance que tout se joue, disent les psychologues. Il importe donc d'aller vers une professionnalisation des assistantes maternelles. Certes, elles se dévouent déjà sans compter, mais elles ont besoin d'une véritable formation.

L'amélioration de leur statut passe par celle de leurs salaires, de leurs conditions de travail et de leurs retraites. Or, sur de nombreux points, votre texte se contente de renvoyer aux décrets d'application, ce qui n'est pas pour nous rassurer quand on sait que le décret dénature parfois l'esprit de la loi...

M. le Ministre - Mais non !

M. Alain Néri - Nous verrons bien, au moment de l'examen des amendements, quelle place vous réservez au Parlement.

Vous nous proposez un catalogue de bonnes intentions, mais vous ne dites rien du financement. Permettez-moi de vous lire une citation : « La question du financement de l'ensemble de ces dispositions n'est pas réglée. L'évaluation du coût des différentes mesures n'a manifestement pas pu, à ce jour, être établie avec précision. De quelle somme le Gouvernement dispose-t-il pour mener à bien la réforme ? » Cette question, c'est notre rapporteure elle-même qui la pose !

Nous regrettons que vous n'ayez procédé à aucune étude sur l'impact financier de ce projet. Le Sénat avait adopté - contre l'avis du Gouvernement - un amendement du sénateur Fourcade, que notre commission, dans sa grande sagesse, avait refusé de supprimer au mois de juin. Quelle n'a donc pas été notre surprise de voir les députés de la majorité voter il y a quelques heures la suppression de l'amendement Fourcade ! Ce n'est pas ainsi que vous rassurerez les assistantes maternelles et les collectivités locales.

Nous proposerons donc des amendements afin d'améliorer ce texte, qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc Le Fur - Je souhaite avant tout rendre hommage au travail et au dévouement des 265 000 assistantes maternelles, qui rendent un service irremplaçable aux familles, en apportant affection et amour aux enfants qui leur sont confiés.

C'est particulièrement vrai en milieu rural, où elles constituent souvent la seule solution de garde des enfants, faute de crèches et de haltes-garderies. Elles sont aussi, en comparaison des autres modes de garde, moins coûteuses pour la collectivité et pour les familles, grâce à la PAJE, qui est un vrai progrès à mettre à l'actif de notre majorité.

Leur grand avantage réside dans la souplesse horaire, fort appréciée des parents qui ont des horaires de travail atypiques, telles ces jeunes ouvrières de l'agro-alimentaire de ma région qui commencent leur journée à quatre ou cinq heures du matin et n'ont parfois connaissance de leur programme de travail qu'au début de la semaine. Cela exige des assistantes maternelles des efforts d'adaptation considérables.

La profession est aussi l'une de celles qui a le plus souffert des 35 heures. Garder un enfant cinq jours par semaine est devenu moins fréquent, les parents s'organisant pour ne le confier que trois jours par semaine. Cette évolution se traduit évidemment par un préjudice financier pour les assistantes maternelles.

Aussi était-il temps que le législateur se penche sur leur sort. Une convention collective a été signée, il faut poursuivre sur cette lancée.

Les assistants familiaux font un autre métier, qui relève clairement du service public. Ils rendent des services inestimables à des enfants souvent pupilles de la nation, qui en raison de leur âge ou de leur handicap ne peuvent être adoptés.

Mais revenons aux assistantes maternelles. Elles attendent depuis longtemps une reconnaissance qui contribuera à rendre la profession plus attractive. Leur rémunération sera donc améliorée par le maintien de l'intégralité du salaire en cas d'absence de l'enfant du fait des parents. De même, chaque heure travaillée sera désormais payée. Les assistantes maternelles bénéficieront enfin de la mensualisation et d'un contrat écrit. Elles auront la possibilité de prendre effectivement leurs congés. Ce sont là quelques exemples parmi d'autres des progrès apportés par cette loi.

Il conviendra toutefois d'éviter les dérives. Professionnaliser les assistantes maternelles, les former, c'est très bien pour peu que l'on ne tombe pas dans un excès de bureaucratie. La formation doit tenir compte de l'expérience. Une durée de 60 heures apparaît suffisante. Encore faut-il qu'elles soient effectivement faites et qu'elles précèdent l'agrément. Quant aux relais d'assistantes maternelles, beaucoup de professionnelles jugent leur utilité limitée.

Le conseil général est là pour donner une garantie aux familles. Il doit interférer aussi peu que possible dans la relation entre les familles et l'assistante maternelle. Veillons donc à ne pas placer les assistantes maternelles sous la tutelle parfois pesante des conseils généraux. Il est en revanche nécessaire que des assistantes maternelles siègent dans les commissions, notamment dans celles qui retirent les agréments.

Je m'étonne un peu que l'article 5 dispose, dans son alinéa 3, que le nombre des mineurs accueillis ne peut être supérieur à trois, y compris le ou les enfants de moins de 3 ans de l'assistante maternelle. Une assistante maternelle qui attend un enfant sera donc amenée à renoncer à la garde d'un autre enfant, ce qui représente une perte de revenu considérable. Cette disposition est antinataliste et risque de dissuader de jeunes mères de rejoindre la profession.

Cette loi, qui offre des garanties aux assistantes maternelles, constitue indiscutablement un progrès. Conservons cependant la souplesse qui fait tout l'attrait de ce mode de garde qui associe proximité, qualité et humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Hélène Mignon - Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je souhaite apporter quelques précisions. Mme Martinez a su replacer le débat dans sa juste dimension, celle des difficultés que rencontrent les assistants familiaux. Nous invoquons souvent le « besoin de souffler » des familles confrontées à la vieillesse. Ne devrions-nous pas envisager dans la loi une possibilité de repos aussi pour les familles qui assument cette tâche difficile ?

M. Le Fur a déploré que les assistantes maternelles attendant un enfant puissent être privées d'agrément, au motif que le nombre d'enfants dont elles auraient à s'occuper deviendrait trop important. Un nouvel enfant, c'est beaucoup d'amour à partager, mais c'est aussi une charge de travail supplémentaire très lourde, surtout dans les premiers mois. Peut-être faut-il revoir les choses au bout d'un an, mais, dans un premier temps, il faut être raisonnable et considérer qu'une jeune femme qui vient d'accoucher ne peut pas s'occuper en plus de plusieurs enfants.

J'invite enfin à ne pas mélanger les mesures destinées à soutenir la natalité et celles qui tendent à assurer l'accueil du jeune enfant dans de bonnes conditions. On ne gagne rien à vouloir tout traiter ensemble et il faut procéder par étapes. Dans l'immédiat, faisons en sorte que les assistants maternels bénéficient d'une meilleure formation : tout le monde y gagnera.

Ces quelques éclairages n'épuisent pas toutes les questions en suspens qu'ont soulevées mes collègues du groupe socialiste, mais je tenais à les apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Henriette Martinez - Très bien.

M. Michel Zumkeller - Comme l'a rappelé le ministre, le nombre d'enfants accueillis par des assistants maternels est en forte croissance, et nous savons que cette profession pourrait constituer un gisement d'emplois dans les années à venir. C'est sur ces bases que Christian Jacob a entrepris un très utile travail de concertation. Très attendu, ce projet de loi doit permettre de distinguer deux métiers différents : les assistants maternels non permanents qui accueillent de jeunes enfants confiés par les parents, et les assistants familiaux qui reçoivent au sein même de leur famille des enfants en grande difficulté. Ce texte vise également à professionnaliser le métier d'assistant maternel, car si l'on souhaite susciter de nouvelles vocations et consolider les compétences des 345 000 assistants maternels agréés, il est important d'agir sur trois leviers : le rapprochement avec le droit commun du travail, le renforcement de la formation et la modernisation des procédures d'agrément. En ce qui concerne le droit du travail, le projet de loi impose un contrat de travail écrit encadrant toutes les phases de la vie professionnelle. Même si cela peut paraître contraignant pour les familles, ce document permettra d'éviter bien des contentieux. Il permettra en effet de mieux encadrer le temps de travail, sans entamer la souplesse qui fait la spécificité de ce mode d'accueil, de mieux définir les droits à congés et de préciser les modalités de rupture.

S'agissant de la formation, les périodes seront mieux réparties et le temps de formation passera de 60 heures à 120 heures, avec obligation d'effectuer une grande partie du cursus avant l'accueil du premier enfant. Les stages porteront en outre sur de nouveaux thèmes, tels le secourisme ou la diététique.

Enfin, les modalités d'agrément sont modernisées et harmonisées sur l'ensemble du territoire. L'instruction de la demande d'agrément sera assurée par une équipe pluridisciplinaire, avec le concours d'un professionnel averti des contraintes particulières de la profession.

Pour le reste, le projet de loi maintient les principales caractéristiques des différents agréments et porte la capacité d'accueil des assistants maternels à trois enfants gardés simultanément, ce qui autorise l'accueil à temps partiel d'un nombre plus important de jeunes enfants.

Mais au-delà de cette nouvelle organisation juridique, un point me semble particulièrement important : celui de la reconnaissance légale des relais d'assistants maternels. Il est en effet indispensable d'en faire des lieux d'échanges pour les assistants maternels.

M. Alain Néri - Tout à fait !

M. Michel Zumkeller - La pratique foncièrement individuelle de ce métier exige de prévoir des temps de rencontre et de mise en commun des expériences vécues.

Au final, même si certains redoutent que ce texte n'introduise parfois un formalisme excessif, il est indispensable, dix ans après la dernière avancée statutaire, de permettre aux assistants maternels et familiaux d'obtenir une véritable reconnaissance. Celle-ci s'inscrit dans la continuité de notre politique familiale, matérialisée par la prestation d'accueil du jeune enfant, qui, en allégeant les coûts supportés par les familles, a ouvert la voie à la modernisation du statut des assistants maternels, en vue de conforter un mode de garde souple, personnalisé et épanouissant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Edouard Courtial - Je me réjouis que notre assemblée se saisisse ce soir de ce texte, car un tel dispositif législatif est attendu sur le terrain depuis bien longtemps. Je suis du reste intervenu à plusieurs reprises - notamment lors de la dernière discussion des chapitres budgétaires consacrés à la famille - pour qu'il soit adopté le plus rapidement possible. Pourquoi ce projet de loi est-il si important ? D'abord, parce qu'il complète les mesures déjà prises par le Gouvernement pour mieux concilier vie privée et vie professionnelle : instauration de la PAJE, lancement d'un plan de création de 20 000 places en crèches, création du crédit d'impôt « famille » pour les entreprises mettant en place des crèches privées... Ensuite, parce que le réseau d'assistants maternels est insuffisamment développé dans notre pays, cependant qu'il constitue souvent l'unique mode de garde dans nos zones rurales. Selon une récente étude du Commissariat général au Plan, il faudra, pour répondre à la demande croissante des familles, 600 000 emplois d'assistants maternels supplémentaires dans les dix prochaines années, dont 450 000 créations de postes. Enfin - et surtout -, ceux qui s'occupent de nos enfants tous les jours méritent d'être reconnus. Or, indéniablement, ils pâtissent aujourd'hui d'un manque de droits et de protection au regard du service qu'ils rendent à la société. Pour ces raisons, la revalorisation du métier d'assistant maternel et la définition d'un statut propre s'imposaient comme des nécessités.

Le présent texte répond aux nécessités du temps en professionnalisant les métiers d'assistants maternels et familiaux - via le développement de leur formation - et en reconnaissant des garanties sociales proches du droit commun, telles l'obligation de conclure un contrat de travail ou la mise en place de droits à congés effectifs. Et je n'oublie pas la réflexion qui s'est engagée en commission sur la possibilité de voir la représentation nationale rapidement informée des droits offerts à ces salariés en matière de retraite. Par ailleurs, la revalorisation de la rémunération, en raison notamment de la suppression de l'indemnité d'absence et de l'introduction d'un salaire horaire, répond aux attentes des professionnels.

Ce texte poursuit d'autres buts, tels que l'harmonisation de la politique d'agrément sur tout le territoire ou la consécration légale de l'existence des relais d'assistants maternels. Vos services, Monsieur le ministre, devront en suivre de près l'application concrète. Pour avoir consulté un certain nombre de professionnels, j'ai en effet constaté que des préoccupations persistaient. Tout d'abord, il faudra veiller à ce que les relais d'assistants maternels bénéficient de pouvoirs effectifs et de réels moyens , sans apparaître pour autant comme des concurrents des PMI. Par ailleurs, les services de l'Etat devront instaurer une meilleure coordination entre les différentes administrations concernées et veiller à l 'homogénéisation des informations transmises aux usagers, de manière à ce que les simplifications obtenues grâce à la mise en place des centres PAJEMPLOI soient étendues.

Enfin, il est primordial qu'une large campagne de communication accompagne l'entrée en vigueur de cette loi. Les familles ne doivent pas voir dans la revalorisation du statut des assistants maternels qu'un cadre juridique plus contraignant et une dépense augmentée. Si tel était le cas, l'objectif ne serait pas atteint et nous risquerions d'avoir à déplorer un nouveau développement du travail au noir. C'est pourquoi il est utile de se demander s'il ne faudrait pas que l'Etat prolonge cette réforme, de manière à ce que les hausses de rémunération ne soient pas seulement prises en charge par les familles.

Telles sont les remarques dont je voulais faire part pour encadrer l'application d'un texte ô combien nécessaire pour des centaines de milliers de professionnels et pour nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de vos remarques et du ton employé pour traiter d'un projet de loi important pour tous.

Mme Marchal-Tarnus a rappelé que les assistants maternels offraient un mode d'accueil particulièrement adapté en milieu rural et qu'il était nécessaire d'en préserver toute la souplesse. Comme nombre d'entre vous, elle a posé le problème du nombre d'enfants accueillis par chaque assistant : je confirme que les enfants de moins de 3 ans du professionnel seront comptés dans l'effectif global, de manière à garantir la qualité de la prise en charge de chacun.

En matière de rémunération, j'estime que l'introduction du salaire horaire constitue un progrès réel. Nous avons beaucoup travaillé à ce sujet et nous sommes parvenus à une solution équilibrée.

Mme Jacquaint a déploré que ce texte renvoie à plusieurs décrets d'application. C'était déjà le cas de la loi de 1992, et cela ne doit pas être considéré comme un obstacle à son efficacité. Les textes d'application seront d'ailleurs élaborés dans le même esprit de concertation que celui a prévalu pour l'élaboration du projet, tant avec les représentants des professions concernées qu'avec les collectivités locales et les familles.

Mme Clergeau a évoqué le coût de l'accueil du jeune enfant dans notre société. C'est parce que nous partageons sa préoccupation que nous avons permis aux ménages non imposables de bénéficier d'un crédit d'impôt pour frais de garde et que nous avons créé la PAJE en vue de renforcer la solvabilité des familles les plus modestes. Toutes ces mesures permettront aux parents de faire face aux éventuels surcoûts induits par la revalorisation du statut des assistants maternels.

Pour ce qui est de la compensation financière, Madame Adam, le Sénat a souhaité rappeler dans cette loi le principe de la compensation de l'extension de compétences déjà transférées. La commission des affaires sociales de l'Assemblée a proposé de supprimer cet amendement sénatorial : l'article 72-2 de la Constitution le prévoit déjà. Le projet de loi ne transfère pas à proprement parler de compétences aux départements, puisque les services de PMI assurent les missions d'agrément, de contrôle, de surveillance et de formation des aides maternelles et des assistants familiaux.

Vous avez d'autre part évoqué le coût de ce mode de garde : la mise en place de la PAJE, que nous devons à Christian Jacob, permet l'accès aux familles disposant de bas et moyens revenus au mode d'accueil individuel ; et le crédit d'impôt pour garde d'enfant adopté dans la loi de finances pour 2005 assure l'équité entre les familles. Je ne peux d'autre part que me réjouir que certaines collectivités locales aient anticipé sur ces mesures ; cela montre qu'elles s'imposaient, et j'espère qu'elles auront votre soutien.

Monsieur Perrut, merci ! Merci pour votre compréhension et votre soutien. J'ai été touché par la chaleur de vos propos. Vous avez souligné l'ampleur des besoins en assistantes maternelles et en assistants familiaux. Le Commissariat général au Plan les évalue à près de 300 000 emplois ; vous en évoquez 600 000. Il y a là dans les années qui viennent un considérable gisement d'emplois. Vous avez soulevé, comme M. Néri, le problème de la proximité. Vous avez souligné l'importance de la validation des acquis de l'expérience, et fort bien montré la cohérence de notre politique familiale : la conférence de la famille, la PAJE, les adolescents, la maison des adolescents en 2004, les problèmes démographiques en 2005... Il est bien vrai que ce gouvernement a une attitude cohérente sur les questions de la famille.

Merci également à Mme Martinez. Le projet de loi a effectivement fait l'objet d'une ample concertation. Vous avez souligné l'importance de la formation, indispensable en effet à la professionnalisation de ces métiers. Vous en avez également rappelé le caractère collégial. Vous avez aussi parlé du soutien au système de protection de l'enfance, et j'ai été touché par vos paroles nourries par le vécu. Deux groupes de travail me remettront leurs conclusions à la fin du mois, respectivement présidés par M. de Broissia et M. Nogrix.

Le problème des placements est essentiel, vous avez su le dire, et c'est en effet un des sujets majeurs de ce texte, qui traite certes des assistantes maternelles, mais aussi des assistants familiaux. Il faut professionnaliser ces familles et les remercier de ce qu'elles font pour ces enfants, qui sans elles seraient seuls.

Je vous confirme, Monsieur Baguet, que des dérogations sont possibles à la limitation du nombre d'enfants accueillis, pour répondre aux cas que vous citez.

D'autre part, si le projet de loi et la convention collective convergent sur la plupart des points, ils ont en effet prévu des dispositifs différents pour ce qui est de l'indemnisation des jours d'absence des enfants en cas de maladie. Le projet prévoit une indemnisation égale à la moitié du salaire dès le premier jour de maladie. La convention prévoit dix jours de carence par an, puis le maintien du salaire. Le dispositif du projet est a priori plus favorable que celui de la convention, et aussi plus juste.

Je vous remercie, Monsieur Néri, d'avoir bien voulu souligner l'intérêt des dispositions du projet relatives à la formation. Les nombreux décrets qu'il prévoit traduisent simplement le partage que fait notre Constitution entre la loi et le règlement ; mais j'ai bien compris votre message, et nous ferons en sorte de ne pas dénaturer la loi.

Mme Bello, concernant l'outre-mer, a eu raison de rappeler que le retard de l'accueil individuel et collectif exigeait que nous fassions porter l'effort sur ces départements. C'est d'ailleurs un des objets de la mission confiée à Valérie Pecresse. Quant à la formation, elle est précisément renforcée par ce projet, que ce soit avant l'accueil de l'enfant ou pendant l'exercice de la profession. Mme Bello a ensuite abordé, et j'y suis sensible, la situation des familles monoparentales, pour qui les problèmes de garde sont encore plus délicats. J'ai chargé une commission de travailler sur ce point, la commission famille, vulnérabilité, pauvreté, et j'attends ses propositions.

Merci, Monsieur Bernier, d'avoir souligné l'importance de ce projet. Vous avez dit qu'en Mayenne 90 % des couples avaient une activité professionnelle : c'est dire l'importance des services aux personnes, et notamment des assistantes maternelles. Merci également d'avoir indiqué le progrès que constitue le passage à la rémunération horaire.

Vous avez rappelé, Madame Tharin, que la natalité était soutenue en France ; c'est d'ailleurs un des thèmes de la conférence de la famille 2005. J'observe toutefois que le taux de natalité auquel nous sommes parvenus ne suffit pas encore à assurer le renouvellement de la population. Vous avez montré l'importance de la revalorisation des régimes indemnitaires ; c'est un moyen de renforcer l'attractivité de cette profession, tout comme le principe de la rémunération horaire. Quand je vois l'âge des assistantes maternelles, je me dis aussi que dans quelques années il y aura beaucoup de retraites ; tout notre problème sera bien de rendre ce métier attractif, et je vous remercie de l'avoir souligné.

Vous avez parlé avec raison, Madame Mignon, du droit à souffler des familles d'accueil : il pourra entrer en vigueur avec les dispositions qui prévoient pour elles des jours de congé à répartir sur l'année.

M. Le Fur évoque le cas des assistantes maternelles qui sont recrutées seulement quelques jours par semaine. Il est essentiel de conforter leur situation matérielle, pour renforcer l'attractivité du métier. Il en va de même du droit aux congés payés, que renforce ce projet. Quant au nombre des enfants, il ne peut être supérieur à trois, dans un souci de qualité de l'accueil. Le fait d'inclure dans ce nombre les enfants de l'assistante maternelle est une garantie de plus donnée aux familles ; je ne crois pas que cette disposition soit antinataliste.

Je remercie M. Zumkeller d'avoir rappelé la concertation qui a marqué l'élaboration de cette loi. Les parlementaires ont été associés à ces travaux grâce à la mise en place d'un groupe de contact.

M. Courtial a abordé le problème des droits du travail, qui est un des axes forts de cette loi, et je l'en remercie, car nos contacts avec les représentants des assistants maternels et familiaux nous en avaient montré l'importance. De même, Monsieur Courtial, je m'attacherai à ce que les relais d'assistantes maternelles soient développés, et que les mécanismes d'agrément soient harmonisés sur tout le territoire, car là comme ailleurs il faut éviter les inégalités géographiques.

Merci à tous d'avoir su enrichir cette discussion générale de vos réflexions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 9 février, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 9 FÉVRIER 2005

QUINZE HEURES : 1ERE SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

3. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1623), relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

Rapport (n° 1663) de Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2EME SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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