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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 63ème jour de séance, 155ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 17 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

            PROJET DE LOI D'ORIENTATION
            POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite) 2

            ART. 6 (suite) 2

            APRÈS L'ART. 6 11

            ART. 7 13

            APRÈS L'ART. 7 13

            ART. 8 14

            RAPPORT ANNEXÉ 17

            ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 18 FÉVRIER 2005 22

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

M. François Liberti - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Le président du groupe UMP a utilisé, à la fin de la dernière séance, un argument fallacieux pour réclamer un quorum. Il n'y avait pas plus d'élus UMP en séance que d'élus de l'opposition. En outre, M. Accoyer s'est livré à une forte obstruction du débat sur l'article 6, l'un des plus importants de ce projet. Je demande donc une suspension de séance pour permettre à notre groupe de remettre à l'ordre du jour une proposition concernant la répartition des quorums entre la majorité et l'opposition.

M. le Président - Le président Accoyer a fait référence à l'article 61 du Règlement pour demander le quorum.

M. François Liberti - Ce sont les raisons qu'il a invoquées qui posent problème !

M. le Président - Je vous accorde trois minutes de suspension (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) .

La séance, suspendue à 21 h 32, est reprise à 21 h 35.

ART. 6 (suite)

M. le Président - Cet après-midi, le vote sur l'amendement 451 à l'article 6 a été reporté, en application de l'article 61, alinéa 3, du Règlement.

M. Pierre-André Périssol - L'amendement 451 répond à un souci de précision. Il m'a semblé que l'ensemble de connaissances et de compétences nécessaires pour chaque élève pouvait se résumer dans le terme de « socle », et que ce socle devait être qualifié de « commun ». Il m'a semblé qu'il fallait aussi préciser les finalités de l'acquisition de ces connaissances et compétences : poursuivre sa scolarité et conduire sa vie professionnelle et de citoyen. Mon collègue Guy Geoffroy proposera par ses sous-amendements de préciser encore ces finalités.

Par ailleurs, j'avais dans un premier temps voulu supprimer les mots « au moins », qui sont source de confusion et souvent critiqués dans cet hémicycle. Mais si la scolarité obligatoire doit garantir l'acquisition d'un socle commun, celui-ci doit être complété par des enseignements complémentaires qui ne figurent pas au même article. Je suis donc favorable au sous-amendement qui réintroduira l'expression.

M. Guy Geoffroy - Je propose en effet quatre sous-amendements. Le 470 précise que la scolarité obligatoire doit garantir « au moins » l'acquisition d'un socle commun. Sans ces mots, on pourrait en conclure que la scolarité obligatoire se résume à cela. Or, il est clair que le socle commun est une base incompressible au sein d'une scolarité beaucoup plus vaste. Ensuite, à quoi sert ce socle commun ? Il ne s'agit pas de parvenir coûte que coûte à la fin de sa scolarité sur une base minimale ! L'amendement 471 précise donc que ce socle commun est indispensable pour poursuivre « et réussir » sa scolarité. Par ailleurs, la vie de l'adulte ne se résume pas à sa vie professionnelle. L'amendement 472 mentionne donc sa vie « personnelle et » professionnelle. Enfin l'amendement 473 propose de remplacer par deux points les mots « les champs suivants », pour alléger le texte.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a donné un avis favorable à l'amendement de M. Périssol, en remarquant qu'il faudrait peut-être écrire « ce socle comprend » au lieu de «comprendra ». Pour ma part, j'ai également été convaincu par les explications de Guy Geoffroy et, à titre personnel, je suis favorable aux quatre sous-amendements.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Avis favorable à l'amendement et aux quatre sous-amendements.

Le sous-amendement 470, mis aux voix, est adopté, de même que les sous-amendements 471, 472 et 473.

M. Pierre-André Périssol - Je retire la demande de scrutin public sur l'amendement 451.

L'amendement 451 sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Durand - Monsieur le ministre, nous avons appris que vous aviez reçu ce soir une organisation de lycéens, la FIDL, et que vous rencontreriez l'UNL demain matin. Nous nous félicitons que vous leur ouvriez enfin votre porte. La représentation nationale a le désir légitime d'être informée de la teneur de ces entrevues et d'éventuelles évolutions. Les préoccupations de ces organisations étant au cœur de notre débat et des manifestations qu'elles organisent, ces informations pourraient changer la donne. Je vous prie donc de nous les communiquer et je demande une suspension de séance pour réunir ensuite mon groupe.

M. le Ministre - La suspension est certes de droit, mais elle ne sera pas nécessaire. Je reçois les organisations lycéennes depuis plusieurs semaines, chaque fois qu'elles le souhaitent, et le mot « enfin » ne me paraît guère approprié.

Je ne vous dirai rien ce soir de l'entretien que je viens d'avoir. Mais je m'exprimerai demain, après avoir reçu les deux organisations. Par ailleurs, il n'y a pas d'interférence entre les discussions que j'ai avec elles et l'examen du projet au Parlement. Vous avez entendu les critiques des lycéens, mais c'est ici que le débat a lieu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 21 heures 45, est reprise à 21 heures 50.

Mme Christine Boutin - L'amendement 407 substitue au mot « scolarité » le mot « instruction », pour reconnaître le droit des parents, peu nombreux, qui ont choisi d'instruire leur enfant eux-mêmes. Il s'agit souvent de situations particulières, et un rapport du ministère de l'éducation nationale de 1998 reconnaît que cette formule est efficace.

M. le Président - Je vous ai laissée vous exprimer, mais l'adoption de l'amendement 451 fait tomber cet amendement 407.

Mme Christine Boutin - Le ministre voudra peut-être rassurer ces quelques familles.

L'amendement 408 précise de manière explicite la mission de l'école : apprendre à lire et à écrire. S'il n'y avait qu'une raison de soutenir le projet, ce serait parce qu'il définit les connaissances fondamentales.

M. le Rapporteur - L'apprentissage de la lecture et de l'écriture va de soi. Rejet.

M. le Ministre - Cette proposition est réductrice. La maîtrise de la langue française couvre d'autres aspects, comme l'expression orale.

Quant à l'amendement 407, il est satisfait. En effet la scolarité obligatoire désigne un temps de formation de 6 à 16 ans, mais ne met pas en cause le choix d'un type de scolarisation. La situation des enfants instruits en famille est donc couverte.

Mme Christine Boutin - Je vous remercie.

L'amendement 408 est retiré.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 30 substitue au quatrième alinéa la formulation suivante : « une culture humaniste et historique permettant l'exercice de la citoyenneté ; une culture scientifique et technologique ». L'initiation à une culture technique de base est indispensable pour revaloriser l'enseignement professionnel et technologique.

M. le Rapporteur - Le texte parle déjà d'une culture humaniste, essentielle pour préparer l'avenir, et d'une culture scientifique qui englobe la technologie. La commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Le Gouvernement avait hésité à mentionner la culture technologique, mais c`est l'académie de technologie qui a souhaité une approche commune de la technologie et de la science au début de la formation, pour les distinguer seulement en quatrième ou en troisième. Rejet.

L'amendement 30 est retiré.

M. le Président - L'amendement 427 de Mme Billard n'est pas défendu.

M. Christian Paul - Je le reprends.

M. le Président - Vous ne pouvez reprendre un amendement qui n'est pas signé par au moins un membre de votre groupe.

Mme Christine Boutin - Mon amendement 409 précise que cette culture facilitera l'exercice « libre » de la citoyenneté. C'est reconnaître aux élèves la dignité qui est celle de toute personne.

M. le Rapporteur - L'expression « exercice de la citoyenneté » convenait à la commission, qui a rejeté cet amendement.

M. le Ministre - Le citoyen est libre par définition. Mais sur l'amendement, je m'en remets à la sagesse de l'assemblée.

Mme Christine Boutin - Dans ce cas, j'insiste auprès de mes collègues pour qu'ils acceptent cette affirmation de la liberté de la personne.

L'amendement 409, mis aux voix, est adopté.

Mme Juliana Rimane - L'amendement 152 2e rectification de M. Victoria est défendu.

L'amendement 152 2e rectification, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Par son amendement 103, M. Lachaud souhaite appeler l'attention sur l'enseignement des langues régionales. Il convient en effet d'éviter qu'en faisant référence aux langues « étrangères », on exclue du socle l'enseignement des langues de France. Je suis toutefois prêt à le retirer si M. le ministre nous apporte des garanties à ce sujet.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Les langues régionales sont dans l'offre scolaire mais elles n'ont pas vocation à être intégrées au socle.

L'amendement 103 est retiré.

Mme Juliana Rimane - L'amendement 274 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné : avis personnel défavorable.

L'amendement 274, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous voulons, par l'amendement 28, insister sur l'importance de l'enseignement artistique, lequel doit absolument faire partie du socle de connaissances indispensables. Nous sommes très attachés à cette reconnaissance, notamment parce que nous considérons que nous la devons à tous les acteurs du monde de la culture.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous avons adopté, à l'article 4, un amendement visant à affirmer explicitement la place essentielle des enseignements artistiques dans le parcours de réussite de tous les élèves, mais nous ne considérons pas pour autant que ceux-ci aient vocation à être inclus dans le socle.

M. le Ministre - Même analyse. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'éducation, les enseignements artistiques sont obligatoires. Mais la philosophie du socle, c'est de mettre l'accent sur les disciplines indispensables à la poursuite d'études. Dans cette optique, il est exclu d'intégrer tous les enseignements, fussent-ils obligatoires.

M. Christophe Masse - Nous sommes au cœur du débat car cet amendement permet de mesurer combien il est difficile de distinguer l'essentiel de l'accessoire. M. Geoffroy s'est exprimé très clairement à ce sujet en définissant le socle comme l'ensemble des connaissances que l'élève doit « au moins » posséder. Cette approche nous semble très restrictive...

M. Guy Geoffroy - Pas du tout ! Il faut entendre « au moins ça »...

M. Christophe Masse - Précisément, c'est là que nos approches divergent. Nous ne sommes pas hostiles par principe à l'idée de socle commun, mais il faut en définir le contenu de manière ouverte, en fixant des objectifs clairs et adaptés aux exigences du moment.

M. Yves Durand - M. le ministre vient de confirmer que nous avions à ce sujet un désaccord de fond. Pour la majorité, le socle est bien envisagé comme un bagage minimal dont les enseignements artistiques n'ont pas vocation à faire partie. Le danger évident de cette approche, c'est que toutes les disciplines non retenues dans le socle commun soient progressivement considérées comme secondaires, voire négligeables. C'est pourquoi nous sommes résolument opposés à cette logique. En effet, la conséquence d'une telle évolution serait d'exclure du cadre scolaire l'enseignement des disciplines artistiques au risque de les réserver en pratique aux enfants issus des milieux favorisés, la famille venant pallier le désengagement de l'école. Votre conception est donc à la fois minimaliste et élitiste.

M. Pierre Cardo - Procès d'intention.

M. Yves Durand - Parce que nous préférons l'ambition au renoncement, nous insistons pour que les enseignements artistiques soient intégrés au socle de connaissances, au même titre que l'EPS.

M. Pierre-Christophe Baguet - Lors du débat organisé le 9 décembre dernier à l'initiative de M. Donnedieu de Vabres sur la place de la culture dans notre société, nous sommes tous tombés d'accord sur la nécessité de promouvoir les enseignements artistiques. Notre collègue Christian Kert avait rendu un rapport à ce sujet et Mme Marland-Militello a été chargée d'une mission d'information parlementaire dont les travaux ne sont pas achevés. C'est dire toute l'attention que notre assemblée accorde à ces questions et l'importance qui s'attache à inscrire ces enseignements dans le socle de connaissances tel que le définit l'article 6.

M. Guy Geoffroy - Tout ce qui vient d'être dit prouve que nous souhaitons tous réaffirmer l'importance fondamentale des enseignements artistiques et de l'EPS. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Mais il faut bien distinguer les disciplines qui relèvent du socle commun indispensable et celles qui, tout en concourant de manière essentielle à la formation de la personnalité, sont complémentaires des savoirs fondamentaux. Il est vain d'opposer les unes aux autres, et nous appauvririons à l'évidence le contenu de nos enseignements si nous tendions à tout inscrire a priori dans le socle commun. L'urgence du moment, c'est de fixer des priorités et de « mettre le paquet » pour les atteindre, tout ce qui n'est pas prioritaire n'étant pas pour autant accessoire. (Même mouvement) Notre pays s'honore de proposer à ses élèves, au-delà de la pratique des sports, une véritable éducation physique et sportive et, au-delà de celle des arts, de véritables enseignements artistiques. Nul ne peut nous accuser d'éprouver un quelconque mépris pour ces disciplines.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Dans la suite de la discussion que nous venons d'avoir, notre amendement 29 vise à inclure la pratique sportive dans le socle commun. Je comprends la position de M. Geoffroy, mais cet article nous donne l'occasion de poser des symboles forts. Il convient d'éviter à tout prix que l'EPS puisse être considérée comme une discipline accessoire.

M. Jacques Domergue - L'omission de l'aspect physique de l'individu dans le socle serait fort regrettable à l'heure où l'on relève les problèmes de la jeunesse et les conséquences de la sédentarité sur la santé. La notion d'activité physique, quelle que soit la terminologie retenue, doit être valorisée et introduite dans le socle. Tel est l'objet de l'amendement 43.

Mme Martine Billard - Par l'amendement 154, nous voulons souligner, à l'instar de nos collègues, l'importance de l'activité sportive. Partie intégrante des épreuves du brevet et du baccalauréat, elle doit faire partie du socle. Lancer des campagnes contre l'obésité en direction des jeunes ne remplace pas la pratique sportive dans le cadre scolaire. Par ailleurs, affirmer que l'éducation physique et sportive fait partie de l'éducation n'est pas inutile à l'heure où certains élèves croient pouvoir s'en dispenser sous des prétextes religieux.

M. le Rapporteur - L'éducation physique ou la pratique sportive, selon la formule retenue dans les différents amendements, contribue effectivement à l'épanouissement physique des jeunes, permet l'apprentissage des règles de vie collective et initie à la compétition. Mais l'importance du sport est reconnue par le fait qu'il constitue une épreuve obligatoire du baccalauréat, et un amendement l'introduira en outre au brevet. La commission a donc émis un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

M. le Ministre -Le rapport Thélot distingue un enseignement commun à tous les élèves, comprenant le socle et tous les autres enseignements fondamentaux dont l'EPS ; et d'autre part des enseignements complémentaires choisis.

Qu'est-ce que le socle ? Le soutien individualisé, qui implique des efforts importants de la nation, sera réservé au socle. Or, on n'imagine pas de soutien pour de faibles performances en sport. Jamais un enfant n'a été refusé en classe de sixième pour des notes insuffisantes en sport !

La mécanique du socle, parce qu'elle déclenche le soutien personnalisé, doit être réservée aux cinq fondamentaux.

M. Julien Dray - Quels sont les professeurs les plus respectés dans les collèges et les lycées ? Qui appelle-t-on à la rescousse lorsque des tensions surviennent dans les établissements ? Les professeurs d'EPS, par la qualité du dialogue et la relation de confiance qu'ils nouent avec les jeunes, permettent souvent de remettre au travail les élèves les plus en difficulté.

La définition que vous proposez, Monsieur le ministre, est dangereuse car les élèves concentreront leurs efforts sur les matières principales et délaisseront le sport, classé discipline secondaire, et donc dévalorisé à leurs yeux.

Le public de l'éducation nationale est divers : les élèves n'ont pas la même origine sociale, ni les mêmes facilités. Ceux des milieux modestes ont bien souvent une énergie que le sport leur permet de dépenser. Or, la pratique en club leur est souvent fermée par manque de moyens. Du reste, les fédérations, par exemple celle d'escrime ou celle de football, après les grands événements sportifs, ont été dans l'incapacité d'accueillir tous les jeunes faute d'installations suffisantes. Ces jeunes ont un potentiel sportif énorme qui ne peut s'exprimer que dans le cadre scolaire. Il importe donc de rappeler l'importance de cette discipline. Nous enverrions ainsi un message aux professeurs d'EPS, qui se sentent souvent délaissés, et un message aux jeunes et à l'ensemble du monde sportif. L'éducation nationale ferait savoir qu'elle soutient les millions de bénévoles qui accompagnent les jeunes le week-end. L'éducation physique et sportive est un élément constitutif de la personnalité !

Monsieur le ministre, il n'y a pas des matières nobles pour lesquelles il faudrait déclencher le soutien individuel et les autres qui ne seraient que des compléments.

M. Christophe Masse - Ce débat sur l'EPS nous permet de constater la fragilité du socle. Sur l'éducation physique, nous avons réellement un effort à faire et des signes forts à donner aux élèves et aux professeurs.

L'importance de l'éducation sportive n'est plus à démontrer : elle est comptabilisée dans les épreuves, elle joue un rôle dans la santé des jeunes et le développement des pratiques sportives comme l'a souligné récemment M. Lamour. Et voilà que vous bafouez tous les efforts engagés depuis des années.

Dans cet hémicycle, nous avons souvent répété que le sport est un facteur de cohésion sociale : ne manquons pas l'occasion d'inscrire les activités physiques et sportives dans ce socle commun. Sans cela, Monsieur le ministre, vous ne feriez que proposer une « scolarité obligatoire minimum » avec ce que vous avez appelé maladroitement des « annexes dérivées ».

M. le Ministre - je n'ai jamais dit ça !

M. François Liberti - Nous sommes à un tournant du débat. Depuis des heures, nous échangeons des arguments et la fragilité du socle se dessine progressivement. Et maintenant, les parlementaires de l'UMP, sur l'éducation physique et les matières artistiques, développent la même argumentation que l'opposition ! Le ministre ne veut toujours pas entendre !

Il n'a pas voulu faire un compte rendu de sa rencontre avec la FIDL. Mais, les lycéens, eux, se sont exprimés. Ils disent que la mobilisation continue, que le ministre a écouté mais n'a pas entendu, et qu'ils continueront à réclamer le retrait du projet de loi. Alors, oui ou non, veut-on un débat sérieux !

M. Guy Geoffroy - J'adhère pour une très large part à l'argumentaire de notre collègue Julien Dray, tant il est vrai que l'éducation physique et sportive est essentielle. Il aurait raison jusqu'au bout si l'examen qui va sanctionner la scolarité obligatoire ne comprenait pas d'épreuve sportive : mais, avec l'accord du Gouvernement, nous avons proposé que le brevet comporte également une épreuve d'EPS, sous forme de contrôle continu, ce qui est une manière d'inciter les élèves à l'assiduité.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste, sur le vote de l'amendement 154, d'une demande de scrutin public.

M. Pierre Cardo - Que le sport ne figure pas dans le socle ne signifie pas qu'il n'est plus obligatoire, mais il n'est pas nécessaire d'avoir acquis un certain niveau dans cette discipline pour en retirer tous les bénéfices. Il en va différemment d'autres matières, comme les mathématiques ou le français, dont il convient de maîtriser les bases pour réussir. Tel est le sens de la notion de socle.

M. Henri Nayrou - Au moment où vous avez préparé ce projet, vous n'aviez sans doute pas conscience de la place du sport dans notre système éducatif, et vous avez grandement inquiété les enseignants d'EPS. Je prends acte de votre décision relative à l'épreuve du brevet et je me permets de vous rappeler les propos de M. Mékachéra lors de la séance de questions orales sans débat du mardi 8 février : « L'EPS conserve toute sa place au sein de l'éducation nationale. Les trente articles du code qui y font référence ne seront pas supprimés ». Mais si vous aviez voulu vous montrer réellement ambitieux, vous ne vous seriez pas contenté de restaurer le sport dans sa place actuelle, vous lui auriez donné toute son importance.

M. André Schneider - C'est un véritable dialogue de sourds !

M. Jean-Pierre Brard - Ah oui !

M. André Schneider - Dites-moi donc quelle matière n'est pas importante ! Toutes le sont, et il faut inciter les élèves à en pratiquer le maximum, mais à vouloir tout inclure dans le socle, on ruine l'idée même de socle.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Julien Dray - Je connais des associations sportives qui vont en pâtir !

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 52 voix contre 30, sur 82 votants et 82 suffrages exprimés, l'amendement 154 n'est pas adopté.

Mme Martine David - Rappel au Règlement, sur l'organisation de nos travaux. Nous avons appris par une dépêche, en fin d'après-midi, que le Congrès se réunirait à Versailles le 14 mars. Puis, cette information a été démentie, et il semblerait que la réunion pourrait avoir lieu bien plus tôt, à notre retour de vacances. Il est important que nous sachions exactement à quoi nous en tenir afin de pouvoir nous organiser. Le ministre de l'éducation nationale, ou vous-même, Monsieur le président, pourriez peut-être nous en apprendre davantage. Je demanderai ensuite une suspension de séance pour aviser avec mon groupe.

M. le Président - Vous conviendrez qu'il s'agit d'une extension de l'article 58, alinéa 1er, de notre Règlement. Le référendum est une prérogative exclusive du chef de l'Etat. Ni le ministre ni le président de séance n'ont été informés.

Je propose que l'on termine l'examen des amendements à cet article avant de suspendre la séance.

Par ailleurs, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'article 6.

M. Pierre-André Périssol - Mon amendement 452, auquel s'associe Mme Marland-Militello, porte sur un sujet majeur qui demande à être abordé avec sérieux et sérénité. Je propose que le Parlement soit saisi pour approbation de la définition générale du contenu du socle.

Pourquoi cela ? Tout d'abord, parce que ce socle sera déterminant pour définir les principes fondamentaux de l'enseignement ; sa définition doit donc relever de la loi. Bien entendu il ne s'agit pas des programmes, qui relèvent du domaine réglementaire, et pour lesquels un comité d'experts éminent, comme le sera le Haut conseil, doit jouer un rôle central - mais seulement une fois qu'un cahier des charges aura été validé par l'instance politique qu'est la représentation nationale. Je fais également cette proposition parce que nous avons regardé ce qui se passe dans les autres pays. Je la fais aussi pour une raison de démarche : si nous voulons que demain le socle commun soit mis en œuvre, il faut qu'il soit partagé, adopté par les parents, par les enseignants, et que la nation s'y retrouve. Encore une fois il ne s'agit pas des programmes, de la définition fine des contenus, pour reprendre l'expression de M. le ministre. Mais je suis convaincu qu'il faudra une démarche de concertation pour que le socle soit réellement adopté par tous ceux qui auront à le mettre en œuvre. La meilleure voie pour y parvenir n'est pas qu'il soit décrété.

D'autre part nous venons de décider - de façon très partagée - de la conception même que nous avons de ce socle, à savoir un ensemble de compétences et de connaissances. Nous sommes tous d'accord sur les grands secteurs qui ont été évoqués : langue française, mathématiques, culture scientifique, culture humaniste, éléments d'histoire et de géographie, une langue vivante étrangère... Mais ceci est un périmètre : reste à définir le socle même, c'est-à-dire les compétences et les connaissances que nous voulons privilégier. Ces sujets sont assez importants pour que le Parlement en soit saisi, non pas pour qu'il les élabore, mais qu'il ait à les approuver.

J'ai entendu certaines critiques. On a supposé par exemple que le Parlement pouvait être la proie des lobbies : écartons, je vous en prie, ces arguments qui font injure à notre institution. Je crois qu'au sein de la mission, qui regroupait des parlementaires issus des quatre groupes, nous avons montré - et je suis sûr qu'il en ira de même dans la mission que présidera Mme Marland-Militello - qu'on pouvait dégager un certain nombre de convergences, comme ce fut le cas dans d'autres pays, et que sur ces sujets nous étions capables de faire des choix et de dégager des priorités, lesquelles peuvent faire l'objet de larges convergences : il n'y a pas des savoirs de droite et des savoirs de gauche !

Le socle commun contribuera à définir une certaine identité nationale. A ce titre, notre Parlement doit pouvoir l'approuver.

M. le Rapporteur - La commission a examiné cet amendement avec intérêt, et les échanges ont été denses. M. Périssol, à la tête de la mission parlementaire sur les savoirs, a fourni un travail remarquable, et les membres de cette mission, dont je suis, ont été vivement intéressés par ce débat. Nous avons consulté des linguistes, de grands scientifiques, pour savoir comment élever le niveau général de la formation dispensée dans nos écoles, et aussi comment réconcilier certains jeunes avec l'école, susciter la curiosité, et développer des vocations scientifiques, par exemple. Le travail et les conclusions de la mission seront très utiles au Haut conseil de l'éducation, qui devra préciser les connaissances et les compétences constituant le socle.

L'idée que le Parlement soit consulté à ce sujet me semblait intéressante, mais la commission a rejeté cet amendement. J'en défendrai un autre demandant au Gouvernement de nous présenter tous les trois ans un rapport sur les programmes, qui prenne en compte le socle commun. Nous pourrons ainsi mesurer les effets tangibles de la démarche sur la réussite des élèves.

M. le Ministre - Je ne suis pas favorable à cet amendement, même si je comprends le souci de M. Périssol de faire du socle l'objet d'une décision politique, qui donc ne peut être que celle du Parlement. Mais cette décision, c'est celle que vous allez prendre en votant cet article. En adoptant l'amendement, vous retarderiez l'application de la loi.

Le travail accompli par la mission que dirige M. Périssol sera pris en compte par le Gouvernement dans la définition du socle, mais il importe que la représentation nationale puisse prendre parti dès maintenant sur les principes généraux du socle. Le rapport Thélot a éclairé notre débat, et pour aller vers une définition précise, nous aurons les conclusions de la mission Périssol, puis l'avis du Haut conseil. Ensuite le Parlement sera associé à la mise en œuvre de cette définition, et je souscris à la proposition du rapporteur tendant à prévoir un rapport périodique, voire un débat autour de la définition du socle. Mais nous devons respecter l'esprit de la Constitution : le Parlement fixe les principes, et c'est ce qu'il va faire en adoptant l'article 6 ; puis le Gouvernement opère la définition fine des programmes et de la pédagogie qui découlent de ces principes. M. Périssol n'a pas moins raison de dire qu'il doit y avoir un moment important de concertation, notamment avec les parents, pour aller vers la définition précise du socle. Le Haut conseil aura à jouer là un rôle qui va au-delà de sa fonction d'expertise. Pour ces raisons je souhaiterais le retrait de l'amendement.

M. Pierre-André Périssol - Monsieur le ministre, je ne comprends pas...

Mme Muguette Jacquaint - Nous non plus !

M. Pierre-André Périssol - Quand on propose que le Parlement se prononce sur les grandes compétences et les grandes connaissances du socle commun, on nous répond : non, mais vous aurez à connaître des programmes - ce que personne ici ne demande, et qui n'est pas de notre propos ! Ce qui compte, c'est de connaître du cahier des charges, qui sera déterminant, lui, pour ce que seront demain notre société, notre économie et l'identité de notre nation. C'est là-dessus que le Parlement doit se prononcer. Encore une fois, j'approuve les grandes orientations que nous allons approuver dans cet article et qui définissent les bases du socle. Mais ce dernier, nous l'avons dit, est un ensemble de connaissances et de compétences : ceci est l'objet d'un débat important pour l'avenir de notre société, et qui pourrait permettre en outre de dégager des convergences, comme c'est le cas dans d'autres pays européens.

M. Guy Geoffroy - L'échange qui vient d'avoir lieu entre M. Périssol, la commission et le Gouvernement est extrêmement important. Que disait la commission Thélot pour ce qui est de la détermination du socle ? Que celui-ci serait du ressort exclusif du Haut conseil. Que propose M. Périssol ? Que la définition générale du socle appartienne au Parlement.

Le Gouvernement retient une solution équilibrée, respectant les diverses responsabilités. Que faisons-nous aujourd'hui à travers nos discussions fort riches sur le socle, si ce n'est procéder à une « définition générale » ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Il faut que ce que nous décidons, abondé des apports très intéressants de la mission que préside Pierre-André Périssol, nourrisse le travail du Haut conseil de l'éducation. Il reviendra ensuite au Gouvernement de préciser dans ses détails le contenu du socle. Je ne peux donc que recommander de suivre l'avis de la commission et du Gouvernement (Même mouvement).

M. Christian Paul - M. Périssol, pour résumer, nous propose un exercice de géométrie, consistant à définir le périmètre du socle (Même mouvement). Comme nous ne souhaitons pas un socle à géométrie variable, nous sommes favorables à son amendement - sous réserve d'un sous-amendement supprimant le deuxième alinéa, puisque nous sommes défavorables à la création du Haut conseil à l'éducation. Toute révision serait ainsi soumise au Parlement. Ce que nous propose le Gouvernement constitue une véritable régression pour un certain nombre de disciplines, en particulier les enseignements artistiques et l'éducation physique et sportive ; la patrie de Coubertin renonce au sport à l'école ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - J'ai beaucoup d'estime pour les gens qui ont des convictions et qui vont pour cela jusqu'à l'indocilité, comme vient de le faire M. Périssol, bravant l'ire de son président de groupe, assis derrière lui pour le surveiller (Protestations sur les bancs du groupe UMP), mais qui ne comprenait pas grand-chose (Rires). J'imagine la perplexité de celui qui devra résumer en cinq lignes le texte de l'intervention que publiera le Journal officiel.

Monsieur le ministre, sûrement vous rappelez-vous ce que nos maîtres et nos maîtresses nous faisaient apprendre à l'école élémentaire ; pour ma part, j'ai toujours été très impressionné par l'histoire de la chèvre de M. Seguin (Rires sur les bancs du groupe socialiste), qui s'est battue toute la nuit, pour finir par rendre les armes - et l'âme en même temps (Même mouvement).

Nous avons assisté à des échanges qui s'apparentent à l'utilisation de la sécotine pour recoller les morceaux éclatés de l'UMP mais il reste, Monsieur Périssol, que votre amendement est contraire à l'esprit de la VeRépublique !

M. Pierre-Christophe Baguet - Cet amendement pose le problème du travail parlementaire. Notre Assemblée constitue des missions, au sein desquelles nous travaillons avec beaucoup de conscience, mais il y a parfois des télescopages avec le calendrier législatif. C'est le cas pour la mission menée par M. Périssol, dont la proposition mérite d'être soutenue. Même si le renvoi au Haut conseil pose problème à l'UDF, je suis favorable à cet amendement dans son principe.

L'amendement 452, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 462 demande au Gouvernement de présenter tous les trois ans au Parlement un « rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire ».

L'amendement 462, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Schreiner - Je me réjouis, Monsieur le ministre, que vous fassiez figurer une langue vivante dans le socle commun. C'est une avancée considérable, d'autant que nous avons beaucoup à rattraper dans ce domaine.

L'amendement 25 a pour objectif de garantir la diversité des langues vivantes enseignées et de promouvoir la langue de proximité. Cela fait des années que l'Europe se construit et que les relations avec l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne ou la Suisse se développent. La pratique de la langue du voisin, quel qu'il soit, est d'une importance considérable pour les relations transfrontalières, tant économiques que culturelles, administratives ou de sécurité.

M. le Rapporteur - Cet amendement a été défendu avec fougue en commission, mais, malgré le soutien du rapporteur, il a été rejeté. Avis défavorable.

M. le Ministre - Le Gouvernement attache beaucoup d'importance à ce que les langues des pays voisins soient enseignées : c'est une des conditions de la défense de notre langue que de favoriser la diversité linguistique. Mais imposer une langue par la loi dans certaines régions revient à priver les familles d'un choix que nous avons au contraire voulu laisser ouvert alors que le rapport Thélot préconisait d'imposer l'anglais.

M. Jean-Pierre Brard - Vous affirmez accorder beaucoup d'attention à ce sujet, mais cet amendement permettrait de sortir des déclarations d'intentions ! En Alsace, l'allemand est aujourd'hui concurrencé par l'espagnol et l'italien est en régression dans les régions frontalières. Il y a un vrai problème ! Votre « liberté de choix » montre une conception populiste de la liberté, qui ne prend en compte l'intérêt ni des enfants, ni des échanges transfrontaliers, ni de la construction européenne. Aujourd'hui, l'intérêt de la France passe par la diversité linguistique. L'anglais progresse, ou en tout cas ce sabir international qu'on parle médiocrement. Et l'espagnol aussi. Et pourquoi les familles le choisissent-elles ? Parce que c'est une langue très répandue, certes, mais surtout facile ! Où est l'intérêt d'encourager de telles réactions ? Nos voisins du Bade-Würtemberg l'ont compris et ont rendu l'enseignement du français obligatoire. Les gouvernements français et allemands ont exprimé de nombreuses bonnes résolutions, mais qui sont restées platoniques. Nous aurions tort de ne pas adopter l'amendement de nos collègues alsaciens, c'est une question d'intérêt national.

M. Bernard Schreiner - Cet amendement vise à enseigner la langue du voisin en priorité, mais sans exclure les autres. L'Alsace encourage depuis des années les classes bilingues sans exclure les autres langues. Mais nous devons prendre en considération que nous travaillons au quotidien avec les Suisses et les Allemands.

M. le Ministre - Le Gouvernement n'est pas opposé à donner une priorité à l'enseignement de la langue du voisin, mais cela ne doit pas figurer dans le socle, et donc pas à l'article 6. Je propose donc que cet amendement soit déposé lors de la discussion du rapport annexé.

M. Bernard Schreiner - Dans ce cas, je retire l'amendement 25.

M. Jean-Pierre Brard - Je le reprends ! La proposition du ministre est raisonnable, à condition que la discussion permette de prendre en compte les amendements déposés. Sans quoi, il s'agirait d'un marché de dupes... Si vous vous y engagez, je renoncerai à reprendre cet amendement, qui introduit enfin un petit peu de concret dans les déclarations de principes.

M. le Ministre - M. Brard sait déjà qu'il a satisfaction.

M. le Président - Dans ce cas, nous allons procéder au scrutin public sur l'article 6.

A la majorité de 63 voix contre 22, sur 85 votants et 85 suffrages exprimés, l'article 6 modifié est adopté.

Plusieurs députés communistes et républicains - Nous n'avons pas eu le temps de voter ! C'est scandaleux !

M. le Président - J'ai annoncé le scrutin public il y a vingt minutes !

Plusieurs députés socialistes et communistes et républicains - Justement !

M. le Président - J'ai annoncé l'ouverture du scrutin et chacun de vous a eu le temps de rejoindre sa place.

La séance, suspendue à 23 h 25, est reprise à 23 h 35.

APRÈS L'ART. 6

M. Pierre-Christophe Baguet - Par l'amendement 102, M. Lachaud souhaite rouvrir le débat sur l'enseignement en immersion. Le Conseil d'Etat a considéré en 2002 qu'il allait au-delà des nécessités de l'enseignement des langues régionales, alors que toutes les évaluations ont montré que les enfants placés dans ces classes ont un niveau en français et en mathématiques supérieur à celui des autres élèves.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Je suis favorable aux langues régionales, et j'ai fait adopter en commission un amendement après l'article 12 à ce sujet. Je propose à M. Lachaud de s'y rallier.

M. le Ministre - Le Conseil d'Etat a considéré que cette immersion allait à l'encontre de la Constitution qui fait du français la langue de la République. Le code de l'éducation garantit la possibilité d'enseigner les langues régionales tout au long de la scolarité.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 102 est retiré au profit de celui du rapporteur après l'article 12.

L'amendement 226 soulève la question du statut des directeurs d'école. Actuellement, 4 000 postes sur 60 000, soit 15%, ne sont pas pourvus. Les directeurs sont surchargés de travaux administratifs, de problèmes de sécurité, ils doivent s'occuper de questions comme les exceptions dans l'alimentation, et tout cela, sans véritable reconnaissance ni formation, ni décharge suffisante pour être de véritables animateurs de leur école. Nous demandons donc au Gouvernement de s'engager à élaborer avant le 31 décembre 2005 par des décrets en Conseil d'Etat un statut pour les directeurs d'école, en définissant la formation, les missions, les responsabilités et la protection juridique ainsi qu'un nouveau système de décharge. Ces dispositions s'appliqueraient aux maîtres faisant fonction de directeurs. Ce statut faciliterait aussi leurs relations avec l'extérieur.

M. le Rapporteur - La mission des directeurs d'école est difficile. M. Teissier, et d'autres, travaillent sur le sujet. La commission a repoussé cet amendement et en a adopté un autre avant l'article 19 allant dans le même sens.

M. le Ministre - Des négociations sont en cours avec les représentants des directeurs d'école et il faut les mener à terme. De toute façon, ces dispositions n'ont pas leur place ici. Mieux vaudrait retirer l'amendement pour y revenir après l'article 19 dans la partie relative à l'organisation de l'école.

M. Guy Geoffroy - Le groupe UMP attache une grande importance à cette question. Trop de postes sont vacants, et on a des difficultés à trouver des candidats faute de valoriser la fonction. D'autre part, la grève administrative des directeurs d'école se poursuit et ils souhaitent en sortir par le haut. Nous formons le vœu que les négociations débouchent sur une solution équilibrée, et nous devrions pouvoir nous retrouver sur les amendements après l'article 19.

L'amendement 226, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Durand - Rappel au Règlement. Monsieur le président, il vous revient de diriger les travaux. Mais sur l'article essentiel qu'est l'article 6, après avoir annoncé le vote, vous y avez procédé à la va-vite, de sorte que le résultat ne reflète pas le rapport entre majorité et minorité. C'est un vote bâclé - sur une loi, bâclée, il est vrai -, un vote volé à nos collègues (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Devant ce procédé intolérable, je demande une suspension de séance.

M. le Président - D'abord, je vous demande de retirer le mot « volé » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce vote a eu lieu 25 minutes après son annonce. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yves Durand - Disons que le vote a été perturbé.

M. le Président - J'ai appelé le scrutin public demandé par le groupe communiste. Celui-ci m'a fait parvenir des précisions sur les votes qui n'avaient pas été enregistrés. Il n'appartient pas au président de séance de dire aux membres d'un groupe qu'ils doivent avoir repris leur place pour procéder à un vote annoncé 25 minutes auparavant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Votre rappel au Règlement n'en est pas un. D'autre part, je rappelle qu'il n'y a pas d'explications de vote sur un article.

La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 23 heures 47.

M. Pierre-André Périssol - L'amendement 453 vise à insérer un article additionnel disposant que « la scolarité obligatoire doit d'autre part permettre à chacun de trouver sa voie. Pour cela des enseignements complémentaires viennent compléter les enseignements du socle commun ». Cela va mieux en le disant !

M. le Rapporteur - Avis personnel favorable.

M. le Ministre - Par son sous-amendement 507, le Gouvernement propose d'alléger la rédaction de la deuxième phrase de l'amendement en disposant que « les enseignements complémentaires viennent compléter le socle commun ».

M. Guy Geoffroy - Mon sous-amendement 508 vise à préciser que la scolarité obligatoire doit permettre à chacun de trouver sa voie « de réussite ».

M. le Rapporteur - A titre personnel, je suis favorable à ces sous-amendements, non examinés en commission.

Le sous-amendement 507, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Durand - Dans son amendement, M. Périssol fait référence à des enseignements « complémentaire ». Cela confirme notre crainte d'un système éducatif à deux vitesses, certaines disciplines ne s'adressant plus à l'ensemble des élèves mais seulement à ceux que l'on juge apte à aller au-delà du socle... C'est cette conception foncièrement inégalitaire de l'éducation que nous entendons combattre.

Mme Martine Billard - L'exposé sommaire de l'amendement de M. Périssol me laisse en effet un peu perplexe, surtout lorsqu'il est dit que les enseignements complémentaires proposent « soit un approfondissement des enseignements fondamentaux compris dans le socle, soit une diversification sur d'autres champs »... Cette approche n'augure-t-elle pas des différences de traitement entre les élèves particulièrement inquiétantes ?

Le sous-amendement 508, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 453 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article traite du service public d'enseignement à distance. Créé à la Libération pour pallier les désorganisations liées à la guerre et permettre aux anciens prisonniers et déportés de reprendre leurs études, le CNED offre un enseignement équivalent à celui dispensé dans les établissements scolaires. Nous considérons que ce service doit demeurer totalement gratuit pour tous ceux qui ne peuvent pas être scolarisés en établissement.

Cette gratuité, indispensable, doit couvrir les frais d'inscription et dépenses d'équipement adapté aux technologies de l'information et de la communication. Nous avions déposé un amendement à ce sujet, qui a été déclaré irrecevable. Les enfants rencontrant des difficultés particulières ne sauraient être pénalisés financièrement, ils ont également le droit à un enseignement gratuit.

Mme Martine Billard - J'avais également déposé, au nom des verts, un amendement précisant que l'enseignement à distance doit être gratuit pour les enfants dans l'impossibilité de se rendre dans un établissement scolaire. Il a également été déclaré irrecevable.

Le commentaire du rapporteur sur cet article ne garantit pas la gratuité de ce service. On nous dit qu'il sera délivré « à des conditions financières permettant de garantir un réel droit d'accès notamment pour les enfants qui ne peuvent, pour un motif reconnu légitime par l'inspecteur d'académie, être scolarisés ». Non, ce service public et laïc doit également être gratuit !

L'article 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Yves Durand - Par l'amendement 338, nous demandons que le Gouvernement réalise un rapport sur la nécessité de mettre en place un service public de l'enseignement à distance gratuit. A la différence de nos collèges verts et communistes, dont nous soutenons la démarche, notre amendement n'a pas été déclaré irrecevable car il visait seulement à établir un rapport. L'enseignement à distance doit se fonder sur le principe de l'éducation gratuite, laïque et obligatoire. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner une réponse ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Plusieurs députés communistes et républicains - Pourquoi ?

M. le Ministre - Le service public de l'enseignement à distance existe déjà, nul besoin de le recréer ! L'inscription des élèves dans l'impossibilité de se rendre dans un établissement scolaire est prévue dans le code de l'éducation et la gratuité est envisageable lorsqu'elle est justifiée. Avis défavorable.

L'amendement 338, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8

M. Pierre Cardo - La définition du contrat de réussite éducative, mis en place par le rapport annexé que l'on nous demande d'adopter à l'article 8, n'apparaît pas satisfaisante car, contrairement au parcours éducatif prévu par la loi de programmation pour la cohésion sociale, elle se limite au seul temps scolaire et ne prend pas l'enfant dans sa globalité. Autrement dit, l'éducation nationale est reconnue seul maître d'ouvrage de la mise en œuvre de ce contrat. Or, si tant de politiques de la ville ont échoué, c'est en raison du saucissonnage des réponses apportées aux mêmes individus.

La définition retenue dans le plan Borloo est meilleure car elle propose un traitement global de l'enfant par l'ensemble des partenaires, y compris les élus locaux.

Mme Muguette Jacquaint - Ce rapport annexé, qui prétend fixer les orientations et objectifs de votre politique éducative, a suscité de nombreuses craintes qui, malgré le retrait de la réforme du baccalauréat, restent vives.

Selon les chiffres que vous indiquez dans cette annexe, le recrutement des enseignants va enregistrer un déficit de plus de 10 000 postes pour le second degré. La préparation de la rentrée met en évidence une saignée dans toutes les académies. Sans moyens nouveaux, les mesures de soutien annoncées seront mises en place au détriment des ateliers de travaux personnalisés en sixième, des heures dévolues en itinéraire de découverte, des options de seconde et des dédoublements de classe en langue vivante.

Demain, ce seront les moyens de l'éducation prioritaire qui seront menacés, donc la lutte contre les inégalités.

En supprimant la deuxième option de détermination en classe de seconde pour économiser 2 000 postes, vous réduisez les choix d'orientation des élèves. La réflexion sur la voie technologique doit certes être menée à partir des possibilités de poursuite d'études en section de technicien supérieur, STS, ou encore en institut universitaire de technologie, IUT. Pour autant, la réduction du nombre de filières en sciences techniques et industrielles, STI, ne doit pas être un préalable à la rénovation de la filière technologique car les élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel poursuivent leurs études pour presque la moitié d'entre eux.

Ce rapport annexé est plein de bonnes idées, mais aussi belles soient-elles, elles n'ont aucune valeur juridique. Pis, vous continuez à appeler au développement de l'alternance dès la quatrième, avec comme objectif l'augmentation substantielle du nombre d'apprentis et la multiplication par cinq du nombre de dispositifs relais. Loin de viser la réussite de tous les élèves, vous vous inscrivez dans une logique de renoncement.

Quant aux moyens budgétaires, ils ne cessent de régresser, renforçant ainsi les inégalités dans de nombreuses régions. Contrairement à vos dires, il ne s'agit pas d'une loi de programmation, car nous n'avons aucune garantie sur le financement de vos mesures !

Pour toutes ces raisons, nous avons déposé un amendement 213 tendant à la suppression de cet article.

M. Guy Geoffroy - Nos amendements sont nombreux, mais aucun ne remet en cause l'architecture ni le sens de ce projet.

S'agissant du rapport annexe, en quoi aurait-il moins de portée que celui annexé à la loi de 1989 ? Les lois d'orientation sont ainsi faites qu'elles ont besoin, pour pouvoir être pleinement reconnues, que l'ensemble des orientations proposées figurent dans un rapport annexe.

J'ai entendu dire par l'opposition que ce rapport n'aurait aucune valeur.

Mme Janine Jambu - L'expérience le prouve !

M. Guy Geoffroy - Si le Parlement propose de faire de ce rapport la base du travail des pouvoirs publics dans les dix prochaines années, ce sera tout de même quelque chose !

Par ailleurs, l'article 8 permet d'aller directement à l'essentiel. Par définition, tout ce qui n'est pas dans la loi n'est pas modifié. Surtout, cette annexe est d'autant plus importante que le Gouvernement y fixe des objectifs précis.

Enfin, je tiens à souligner combien les députés de la majorité sont sensibles à la promesse du rapporteur de traduire par voie d'amendement les engagements pris par le Gouvernement.

M. Henri Nayrou - Permettez-moi de revenir sur la place de l'EPS, que vous avez tant négligée, au point de provoquer l'inquiétude des enseignants et la signature d'une pétition.

« Pour exercer un art, il faut commencer par s'en procurer les instruments, et pour pouvoir employer ces instruments, il faut les faire assez solides pour résister à leur usage », disait Rousseau. Et de poursuivre en affirmant que pour apprendre à penser, il faut exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence, dont on ne peut tirer parti qu'à condition d'avoir un corps robuste et sain. Que penserait aujourd'hui Rousseau de la part dévolue au sport dans notre système scolaire ?

Etonnez-vous après que l'on se plaigne, à la sortie des grands événements mondiaux, que les Français ne soient pas sportifs ou que le nombre d'enfants obèses ne cesse de croître !

Je rappelle par ailleurs qu'en octobre 2003, l'on apprenait que l'assurance-maladie ne rembourserait plus la visite médicale obligatoire pour certifier l'aptitude à la pratique d'un sport.

M. Bernard Accoyer - Mais elle n'a jamais été remboursée !

M. Henri Nayrou - Est-il possible de prendre de telles décisions au moment où L'UNESCO décrète 2005 année du sport et de l'éducation physique et à la suite des déclarations du Président de la République, lors de sa candidature en 1995 : « Le sport apparaît de plus en plus comme une école de la vie. C'est la raison pour laquelle il doit devenir une matière à part entière de l'éducation des enfants, au même titre que les connaissances de base ».

Mme Janine Jambu - Le Premier ministre a choisi de faire passer en force, en juillet dernier, la loi sur les libertés et les responsabilités locales, qui a notamment conduit au transfert des missions et des personnels TOS et administratifs vers les collectivités territoriales, remettant ainsi en cause l'unité du service public de l'éducation nationale.

L'esprit libéral qui a animé la loi sur les responsabilités locales ouvre la voie à la réduction des personnels d'encadrement et, à terme, d'éducation. Outre qu'il porte atteinte au principe d'égalité, ce transfert comporte le risque d'externalisation de certains services, dans un souci de rentabilité.

Comment parler d'externalisation et de réduction des coûts dans l'éducation nationale, si ce n'est pour répondre aux directives de Bruxelles ? Nous vous demandons donc, Monsieur le ministre, des garanties contre ces préjudices portés à l'unité de notre système éducatif.

Mme Martine Billard - Un vrai problème se pose quant au statut de ce rapport annexé. Qu'il comporte des précisions apportées aux articles de la première partie, on le comprend bien, puisque cette première partie a un caractère normatif. Mais on trouve aussi dans le rapport annexé des éléments qui ne font référence à aucun point soulevé dans les articles. Ainsi il est prévu que les professeurs de lycée professionnel pourront enseigner deux matières en sixième de collège. C'est bien une modification du statut de ces enseignants qu'introduit le rapport, sans concertation d'ailleurs, à ma connaissance, avec leurs représentants. On trouve de même dans le rapport annexé les certifications complémentaires en lettres, langues et mathématiques pour les enseignants ; la suppression de la condition de diplôme pour le troisième concours ; les dispositions relatives à la voie professionnelle, y compris des modifications non négligeables concernant les CAP-BEP et les sciences et techniques industrielles, des modifications aussi pour la série économique et sociale... Autant de points donc qui ne sont pas anecdotiques, qui exigeraient des débats, et qui figurent uniquement dans le rapport annexé et non dans les articles. On s'interroge donc sur les implications de ces mesures : y a-t-il obligation de les mettre en œuvre ? Comment se fera la concertation lorsque les mesures touchent au statut des personnels ? Nous ne le savons pas.

D'autre part j'ai une difficulté à saisir l'articulation entre l'article 11 instituant le contrat individuel de réussite éducative - qui sera peut-être nommé autrement - et les équipes de réussite éducative dont parle le rapport annexé. Du CIRE, on nous dit qu'il concerne la scolarité obligatoire, c'est-à-dire le primaire et le collège. Pour leur part, les équipes de réussite éducative renvoient à un article de la loi de cohésion sociale, et cette fois il ne s'agit plus seulement de l'enseignement obligatoire, puisqu'il est aussi question de l'école maternelle. Et elles mettent en jeu de nombreux autres intervenants possibles, comme l'a rappelé M. Cardo. Leurs objectifs, nous dit-on, seront dans la continuité du travail scolaire, mais fixé en coopération avec les élus locaux, les associations de parents, les CAF et les associations intervenant dans le domaine de l'éducation. On sait en outre, d'après la loi de cohésion sociale, que les moyens budgétaires affectés à ces équipes correspondent pratiquement à la totalité de la suppression des subventions attribuées jusqu'ici aux associations intervenant dans le cadre de la politique de la ville. Il y a donc sur ce point un vrai problème d'articulation entre l'article 11 et le rapport annexé : le contrat individuel de réussite éducative se situe-t-il uniquement dans le cadre scolaire ? Ou y a-t-il en plus des équipes de réussite éducative ? Quelle est l'articulation entre les deux ? S'agit-il seulement de la scolarité obligatoire, ou cela concerne-t-il l'ensemble des enfants des quartiers en difficulté, et notamment des quartiers de la politique de la ville ?

M. Christophe Masse - Au même titre que l'article 6, cet article 8 et son rapport annexé sont des éléments importants de ce débat. Notre système éducatif est à la croisée des chemins. Après avoir réussi la massification de l'enseignement, nous devons relever le défi de sa démocratisation. Après avoir ouvert les portes de l'école à tous les enfants, il nous faut leur offrir des chances égales de réussir dans la vie et de réussir leur vie. Nous devons offrir à chacun les mêmes chances d'inventer l'avenir. Sans une réelle égalité des chances, l'obligation scolaire perd tout son sens et devient une contrainte, alors qu'elle est un fondement de la liberté. Si notre pays ne réussit pas à offrir à tous ses jeunes un égal accès à la connaissance, c'est la démocratie qui sera remise en cause.

L'objectif central de notre projet éducatif doit être l'égalité. La recherche de l'égalité des chances est le fil conducteur de toute notre politique éducative. Cela exige des moyens : il faut que l'éducation redevienne la priorité budgétaire de la nation. Mais surtout de profonds changements doivent être réalisés. Car tout part de l'éducation : le progrès scientifique et technique, le développement économique et l'emploi, la citoyenneté et la sécurité, la cohésion sociale et, avant tout, l'épanouissement de chacun et le droit au bonheur. Le droit à l'éducation et à l'égalité pour tous est l'un des fondements de la démocratie.

L'échec scolaire, qui touche le plus souvent les enfants dont les parents sont déjà en voie d'exclusion, plonge des familles entières dans un sentiment de fatalité. Le creusement des inégalités sociales se reproduit à l'école malgré le travail acharné des enseignants pour construire l'égalité des chances. Le mouvement du printemps 2003 contre la décentralisation l'a bien montré : les enseignants se battent pour bâtir une école qui soit le lieu d'apprentissage du vivre ensemble, de la solidarité par l'égalité devant le savoir et de la fraternité.

La réduction des moyens d'encadrement des classes par la suppression de postes d'enseignants, la disparition des aides éducateurs et des surveillants ont aggravé les conditions de travail des élèves et des personnels et empêchent une scolarisation des enfants handicapés. La violence qui se développe dans la société pénètre l'école elle-même. C'est aussi parce que la société toute entière souffre que le malaise de l'éducation s'aggrave. A ce malaise, à cette souffrance il nous faut répondre vite. Construire l'égalité des chances est une véritable exigence démocratique.

Dans cette construction, nous ne partons pas de rien. L'école laïque, gratuite et obligatoire, enrichie par l'œuvre immense accomplie, notamment par la gauche, pendant tout le XXe siècle, a instauré et renforcé le droit pour tous à la scolarité obligatoire. L'accueil par l'école de tous les enfants, ou massification de l'enseignement, est un extraordinaire progrès si l'on en juge par l'élévation du niveau de connaissances qui en est le fruit. Alors qu'il est de bon ton, dans les milieux conservateurs de dénigrer l'école en considérant que son coût est trop élevé pour le contribuable, nous affirmons notre opposition à toute politique qui exclurait des jeunes du système éducatif avant la fin de la scolarité obligatoire, sous prétexte qu'ils n'y seraient pas à leur place.

Mais les progrès accomplis et le bon bilan de la gauche en matière d'éducation ne peuvent aujourd'hui masquer la réalité des problèmes et l'ampleur des défis, dont le plus grave reste l'accroissement des inégalités. Tout le monde parle d'égalité des chances, au point que cette expression perd toute signification politique, si on ne précise pas les objectifs que nous assignons à l'éducation. Nous avons toujours fondé notre vision de la société sur la capacité d'individus libres à déterminer ensemble les règles de leur vie en commun. C'est pourquoi nous assignons à l'éducation la mission de donner à chaque jeune les moyens de son autonomie et de sa liberté, tout en lui faisant partager avec les autres les valeurs du vivre ensemble. Notre projet éducatif doit répondre à ces deux objectifs : l'autonomie qui mène à la liberté, le vivre ensemble qui construit la fraternité.

L'article 8 ne répond donc pas à notre ambition. Par nos amendements, nous tenterons de mettre en œuvre celle-ci, et nous espérons qu'ils seront entendus.

M. François Liberti - Notre amendement 213 de suppression de l'article 8 a déjà été défendu.

L'amendement 213, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

RAPPORT ANNEXÉ

M. Christian Paul - Notre amendement 482 a pour but de rappeler avec fermeté un de nos principaux reproches à ce projet : c'est qu'à aucun moment le Gouvernement n'a précisé son engagement budgétaire dans la durée en faveur de l'école. Depuis des semaines, nous réclamons une loi de programmation. Le ministre a certes annoncé la création d'un certain nombre de postes, mais sans indiquer l'origine des moyens qu'il entend mobiliser.

M. le Ministre - Le budget de l'Etat... (Sourires )

M. Christian Paul - Certes, ce ne seront pas les fonds des coopératives scolaires ! Mais s'agira-t-il de moyens nouveaux ? De redéploiements ? Quelle est l'ambition budgétaire du Gouvernement pour les années qui viennent ? Il y a une loi de programmation pour la défense. Il aurait été à l'honneur du Gouvernement et de la majorité d'en faire autant pour l'éducation. Peut-être obtiendrons-nous des réponses avant la fin de ce débat ; mais à cette heure nous n'avons aucune réponse crédible et durable à la question des moyens de cette loi d'orientation.

M. le Rapporteur - Cette loi reste une loi d'orientation. Chaque chose en son temps. Quand nous aurons examiné le rapport annexé dans son détail, avec les mesures nouvelles et les moyens programmés pour elles, je proposerai que nous complétions la rédaction de l'article 8 par les mots : « ainsi que les moyens programmés ». Nous aurons alors une loi d'orientation avec des éléments de programme. La commission n'a pas examiné l'amendement 482 ; à titre personnel j'y suis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 482, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - L'amendement 484 tend à réinscrire dans cet article la laïcité comme valeur fondamentale de la République. Vous me direz que cela va de soi. Mais si j'ai bien entendu M. Geoffroy il y a quelques instants, cet article définit le fil conducteur de votre politique éducative : il n'y a donc aucun inconvénient à souligner dans ce document la valeur fondamentale de laïcité et à l'inscrire dans le rapport annexé.

M. le Rapporteur - A titre personnel, avis défavorable : il est évident que la laïcité est une valeur fondamentale de la République.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 484, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 2 2e rectification du Gouvernement tire les conséquences de ce que j'ai appelé les prémisses d'une nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel, en supprimant des considérations générales qui décrivent les enjeux de la politique éducative que nous proposons mais n'ont pas besoin de figurer dans la loi.

L'amendement 2 2e rectification, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - La crédibilité de votre projet, Monsieur le ministre, étant fortement affectée par l'amputation des moyens de l'éducation nationale que nous constatons sur le terrain, nous demandons par notre amendement 483 une loi de programmation. Nous souhaitons en effet savoir comment vous entendez traduire en actes, et donc en moyens budgétaires, les objectifs que vous affichez.

M. le Rapporteur - A titre personnel toujours, avis défavorable.

M. le Ministre - Avis défavorable car « l'engagement pérenne de la nation à l'égard de la République » n'est pas, contrairement à ce qu'indique cet amendement, lié à l'existence d'une loi de programmation. Par ailleurs, et M. Paul le sait bien, nous n'amputons pas les moyens de l'éducation nationale, qui ont augmenté de plus de 7% depuis trois ans. Enfin, depuis 1981, je ne sache pas qu'il y ait eu de la part des socialistes une quelconque programmation des moyens de l'éducation nationale. Nous allons, nous, grâce à l'initiative du rapporteur et du groupe UMP, proposer des engagements chiffrés. Ce ne sera pas une programmation de l'ensemble des moyens de l'éducation nationale, mais ce sera déjà une avancée très importante par rapport à ce qui s'est fait jusqu'à présent.

L'amendement 483, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - Notre amendement 492 tend à affirmer, dès l'introduction du rapport annexé, que cette loi met en œuvre le droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie.

M. le Rapporteur - Toujours à titre personnel, avis défavorable.

M. le Ministre - Le droit à la formation tout au long de la vie est garanti par la loi de programmation pour la cohésion sociale, et le rapport annexé précise les conditions dans lesquelles l'école contribue, au-delà de sa mission de formation initiale, à la formation continue des adultes. Cet amendement est donc satisfait.

M. Christian Paul - Nous avions commencé à évoquer cette question dès l'article premier. La formation tout au long de la vie est l'un des impensés de ce projet, et c'est fort regrettable.

François Fillon Acte I, ministre des affaires sociales, avait beaucoup promis en la matière.

M. le Ministre - Et beaucoup tenu !

M. Christian Paul - Il s'est borné à traduire dans la loi un accord national interprofessionnel, qui n'aura pas beaucoup coûté au budget de la nation.

Depuis, la loi de décentralisation d'août 2004 a transféré aux régions l'essentiel de la responsabilité de la formation professionnelle, et l'Etat s'est désengagé. Nous attendions que François Fillon Acte II, dans sa fonction actuelle, imprime sa marque, en donnant suite dans ce texte aux promesses faites notamment par le Président de la République.

L'amendement 492, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - Notre amendement 491 a pour but d'associer le Parlement à l'élaboration de la politique éducative, sur la base d'un rapport d'évaluation du système éducatif qui lui serait présenté chaque année.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à titre personnel.

L'amendement 491, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Notre amendement 339 est fondé sur l'idée que l'école et le savoir ne sauraient être des marchandises, pas plus que la santé ou la culture.

Cet amendement renforce le principe de gratuité de l'enseignement et s'interpose entre les élèves et tous ces marchands du temple qui considèrent que l'école est avant tout une occasion de profit.

M. le Rapporteur - La commission avait rejeté un amendement identique de M. Liberti. Avis donc défavorable.

L'amendement 339, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 7 rectifié modifie le texte pour tenir compte de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L'amendement 7 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Le Conseil d'Etat avait considéré que les objectifs que la nation fixe au système éducatif n'avaient pas leur place dans le texte de loi propre. L'amendement 1, deuxième rectification, les reprend ici : il s'agit de garantir que 100% des élèves obtiennent un diplôme ou une qualification reconnue, que 80% d'une classe d'âge accède au niveau du baccalauréat et 50% à un diplôme de l'enseignement supérieur.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Christian Paul - Nous sommes évidemment favorables à l'objectif de 80% d'une classe d'âge au baccalauréat, quoique tout dépende de la façon dont on mène cette politique, mais nous sommes plus réservés sur les 50% de diplômés de l'enseignement supérieur. Comment ferez-vous pour amener la moitié des 500 000 bacheliers de chaque année, généraux, technologiques ou professionnels, à un tel niveau ? Avec quelle politique universitaire, et quels moyens nouveaux ? On sait que seulement 60% des étudiants de l'enseignement supérieur obtiennent un diplôme. Votre ambition paraît donc considérable. Avez-vous vraiment compté juste ?

L'amendement 1 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Christophe Masse - L'amendement 495 peut paraître déplacé, mais il nous semble essentiel de lier la réussite de l'éducation aux conditions de vie de l'enfant, et notamment à leurs conditions de logement. Par les temps qui courent, il semble qu'ils doivent avoir 20 mètres carrés chacun...

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, avis défavorable.

L'amendement 495, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - L'amendement 375 vise à supprimer un paragraphe qui rappelle les missions de l'école maternelle telles qu'elles sont prévues par le code de l'éducation. La scolarisation dès trois ans est d'une grande importance, tant pour la scolarisation en elle-même que pour la socialisation de l'enfant, et les missions de l'école maternelle sont essentielles.

M. le Rapporteur - Il s'agit du paragraphe qui concerne les missions de l'école maternelle : nous n'allons pas le supprimer !

L'amendement 375, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - Je précise, quant à l'amendement précédent, que nous voulions supprimer ce paragraphe parce qu'il se contente de reprendre le code de l'éducation. Il faut éviter les lois bavardes.

L'amendement 496 précise que l'école maternelle précède la scolarité obligatoire à partir de l'âge de trois ans. Nous insistons en faveur de cette systématisation : il en va de l'éducation de l'enfant et de sa socialisation.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable.

M. le Ministre - Le Gouvernement jouerait un bien mauvais tour au groupe socialiste en acceptant cet amendement, qui aurait pour résultat de ne plus permettre l'accueil des enfants en maternelle qu'à partir de trois ans ! Mais nous ne souhaitons pas que vous vous enferriez de cette manière...

L'amendement 496, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 486 va rassurer le ministre sur l'attachement du groupe socialiste à l'école maternelle. Nous regrettons que ce projet de loi n'ait pas saisi l'occasion de faire commencer la scolarité obligatoire à l'école maternelle, dès trois ans, voire moins. L'amendement 486 ne va pas aussi loin : il affirme le rôle de l'école maternelle dans le droit à l'éducation.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, avis défavorable.

L'amendement 486, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - L'amendement 487 vise à affirmer l'importance du rôle de l'école maternelle et de sa mission éducative. Je regrette que ce projet de loi ne fixe pas le début de la scolarisation obligatoire à trois ans.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Les termes d'« identité originale » me semblent intéressants et, à titre personnel j'y suis favorable (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Le Gouvernement aussi (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 487, mis aux voix, est adopté.

M. Guy Geoffroy - Les amendements 194, 195 et 196 de Mme Gallez sont défendus.

Les amendements 194, 195 et 196, acceptés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 52 tend à organiser un dépistage de la dyslexie.

M. le Ministre - Cet amendement est satisfait par l'article L. 141-1 du code de l'éducation qui prévoit ce dépistage lors d'une visite médicale. Mais je m'en remets à la sagesse de l'assemblée.

L'amendement 52, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - Votre conception du socle commun est réductrice, nous l'avons dit sur l'article 6. En particulier, il y a un clivage redoutable entre disciplines. Nous sommes spectateurs impuissants de votre renoncement. Notre amendement 382 vous donne une ultime occasion de vous racheter sur le rapport annexé. (Sourires)

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Défavorable. C'est parce que tant de gouvernements se sont refusés à choisir des priorités que nous sommes dans cette situation. Nous sommes fiers d'avoir le courage de le faire aujourd'hui pour lutter contre l'échec scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 382, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Le courage n'est pas de persévérer dans l'erreur. En réalité, vous choisissez la facilité d'un bagage minimum. Au départ, votre socle avait plusieurs définitions. Il a fallu introduire plus de cohérence. Notre amendement 345 le permet dans le rapport annexé.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement.

M. le Ministre - Le Gouvernement aussi !

L'amendement 345, mis aux voix, est adopté.

M. Guy Geoffroy - Certains craignent que le socle commun soit réservé aux élèves en difficulté. Non. S'il doit servir à prévenir et surmonter les difficultés, c'est aussi la base maîtrisée qui « permettra à chaque élève d'exprimer son excellence et de réaliser son ambition la plus élevée », selon les termes de notre amendement 17 rectifié. Le socle commun prépare aussi l'élite.

M. le Rapporteur - C'est tout à la fois ne laisser personne au bord du chemin et tracer la voie de l'excellence. La commission a adopté.

M. le Ministre - Favorable.

M. Christian Paul - L'exposé des motifs de cet amendement résume bien votre philosophie. Loin de céder à des lobbies disciplinaires, nous dénonçons le cloisonnement excessif entre disciplines. Nous ne pouvons voter cet amendement qui témoigne d'un conformisme académique et non d'un esprit d'innovation pédagogique.

L'amendement 17 rectifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu aujourd'hui, vendredi 18 février, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 18 FÉVRIER 2005

NEUF heures TRENTE : 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2025) d'orientation pour l'avenir de l'école.

Rapport (n° 2085) de M. Frédéric REISS, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES : 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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