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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 85ème jour de séance, 209ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 3 MAI 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 2

      FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (suite) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 4

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 4 MAI 2005 27

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme la Présidente - Le Premier ministre informe l'Assemblée qu'il a demandé la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique adopté par le Sénat relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite)

Mme la Présidente - Cet après-midi, l'Assemblée a entendu l'exception d'irrecevabilité défendue par Jean-Marie Le Guen. Nous en arrivons aux explications de vote.

M. Jean-Pierre Door - M. Le Guen a longuement parlé, mais tout son art dialectique ne suffit pas à cacher les contrevérités qui ont émaillé son propos. Il a évoqué la réforme de l'assurance maladie d'août dernier, en se livrant à son entreprise de démolition habituelle, qui n'a d'autre but que d'entretenir la sinistrose. Mais les résultats de la réforme sont déjà encourageants : les comportements des professionnels comme des citoyens se modifient et le bon usage des soins se généralise. Il a aussi regretté que le rapport d'Alain Coulomb n'ait pas été pris en compte. C'est faux : la déclinaison de l'ONDAM en sous-objectifs, par exemple, était une de ses préconisations. Il a posé de nombreuses questions auxquelles le ministre a répondu, notamment sur l'hôpital. Surtout, il a invoqué l'inconstitutionnalité de la méthode employée. Pourtant, tout ce que la Constitution prévoit en matière de lois organiques, c'est la saisine automatique du Conseil constitutionnel, outre, bien sûr, l'examen par le Sénat comme par l'Assemblée. L'article 39 de la Constitution prévoit que les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale, mais le texte que nous examinons n'en est pas un ! C'est une loi organique ! Aucun article de la Constitution ne donne la priorité à l'Assemblée nationale pour ce genre de textes. La méthode employée n'est donc pas un motif d'inconstitutionnalité.

Par ailleurs, le texte a été examiné par trois commissions : affaires sociales, finances et lois. Le débat démocratique a donc eu lieu. Le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a signalé que l'appréciation d'ensemble de la cour sur le projet de réforme était très positive, et l'avis des conseils d'administration des caisses l'est aussi. Le consensus règne donc, et aucun argument n'étaye cette motion d'irrecevabilité. Ce texte définit de nouvelles règles d'architecture et un nouveau champ d'application pour les lois de finances de la sécurité sociale. Il conforte la maîtrise médicalisée. Le groupe UMP ne votera donc pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne - Nous partageons pour l'essentiel les arguments développés par Jean-Marie Le Guen. Nous considérons, comme lui, que ce texte n'est pas recevable.

D'abord, il ne crée aucune rupture dans le système. Pourtant, c'est celui qui est la cause de la situation actuelle ! Les ordonnances Juppé devaient résorber les déficits et consolider les fondements de notre système. L'histoire est cruelle : neuf ans plus tard, le trou de la sécurité sociale n'a jamais été plus préoccupant ! Comme si les terrassiers avaient mis du cœur à l'ouvrage ! Les politiques de maîtrise comptable, de restriction des dépenses de santé, de sanctions, à l'égard des malades comme des professionnels, n'ont donc pas assaini la situation. Elles ont au contraire restreint les remboursements et le champ d'intervention de la protection sociale, plafonné les prestations et les pensions et asphyxié les budgets hospitaliers...

Cette politique des pétards mouillés ne pouvait avoir que des résultats lamentables, parce que la véritable question, l'enjeu fondamental n'a jamais été affronté : le financement. Toutes les lois organiques, tous les plans de redressement seront voués à l'échec si ressources débloquées ne suffisent pas à couvrir les besoins de protection sociale ! Et lorsque nous pensons à des ressources nouvelles, ce ne sont pas des artifices tels que la suppression du lundi de Pentecôte pour financer la perte d'autonomie, véritable escroquerie, injustice flagrante qui fait supporter la solidarité aux seuls salariés, exonérant l'entreprise, lieu de création des richesses, et les grands groupes, malgré leurs profits boursiers indécents ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous ne vous manifestez que lorsqu'il est question de profits boursiers !

Les échecs d'aujourd'hui seront donc ceux de demain si vous ne rompez pas clairement avec les ordonnances Juppé et la limitation des dépenses. Hélas, vous préférez la continuité, au risque de creuser un peu plus le fossé qui existe déjà entre ceux qui ont les moyens de se soigner et les autres. (Mêmes mouvements) Nous n'aurons de cesse de défendre le bien commun des assurés sociaux, menacé aujourd'hui par l'inertie de ce gouvernement et son incapacité à prendre les mesures qui s'imposent - mesures en matière de recettes, certes, mais aussi de démocratie sociale, pour donner plus de pouvoirs aux représentants des assurés sociaux et définir collectivement les priorités sanitaire et sociale et donc les budgets nécessaires. Bref, des mesures qui assurent un haut niveau de protection sociale. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, nous voterons pour l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Les arguments de Jean-Marie Le Guen ne nous ont pas convaincus et l'UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité. Il a profité, comme à son habitude, de son temps de parole pour critiquer le projet ainsi que situation actuelle de l'assurance maladie. Mais une loi organique est nécessaire : si la réforme de 1996 a constitué une avancée importante, avec l'organisation d'un débat annuel au Parlement sur les dépenses sociales du pays, ses limites sont vite apparues. Le Gouvernement s'est donc engagé à présenter une loi organique.

Ce texte comporte plusieurs progrès, en particulier le principe du vote d'un solde pour les régimes de base, la certification des comptes par la Cour des comptes et l'intégration des fonds sociaux dans les lois de financement. Mais plusieurs anomalies demeurent. Nous avons donc déposé des amendements, dont nous espérons qu'ils ne tomberont pas sous la guillotine de l'article 40. Nous proposons ainsi de renforcer les rôle des partenaires sociaux, en donnant une réelle autonomie à la caisse d'assurance vieillesse, ainsi que de créer une caisse spécifique accidents du travail et maladies professionnelles, gérée paritairement. Les amendements que nous avons déposés dans les textes précédents pour créer cette caisse n'étaient, nous disait-on, pas à leur place et l'on nous a demandé d'attendre la loi organique. Si vous ne la créez pas cette fois, c'est que décidément vous n'en voulez pas !

Nous souhaitons également que l'Etat compense intégralement les exonérations de cotisations qu'il décide : dans le cas contraire, les recettes de différentes branches ne seront pas conformes aux prévisions et le déficit sera donc aggravé. Nous demandons par ailleurs la médicalisation de l'ONDAM. Surtout, il ne faut pas que la loi organique institutionnalise la non-fongibilité entre la ville et l'hôpital, critiquée de toute part. Il faut au contraire prévoir le vote d'enveloppes régionales, fongibles.

La démarche tendant à introduire la pluri-annualité constituera un progrès indéniable, sous réserve qu'elle dépasse le stade du simple affichage : compte tenu du sort réservé aux différentes lois de programmation - notamment militaires -, il y a lieu de s'interroger à cet égard. Nous souhaitons qu'il soit possible de voter une loi rectificative dès que le comité d'alerte aura tiré la sonnette d'alarme. L'amendement de la commission demandant le vote en quatre parties est très pertinent, mais voter une loi rectificative par seule référence au texte annuel sera d'une portée finalement limitée.

N'ayant pas été convaincue par les arguments de M. Jean-Marie Le Guen, l'UDF ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. Elle souhaite cependant que l'adoption de ses amendements permette d'améliorer ce texte indispensable.

M. Gérard Bapt - C'est effondré par l'intervention de M. Préel que je prends la parole... (Murmures sur divers bancs) Le porte parole de l'UDF vient en effet de déclarer que M. Le Guen aurait « profité » de son temps de parole. Voudrait-il que le contrôle parlementaire soit limité ou les droits de l'opposition bafoués ? Quoi qu'il en soit, si M. Préel n'a pas été convaincu par les arguments de M. Le Guen, le réquisitoire implacable qu'il vient lui-même de prononcer contre le texte démontre son irrecevabilité : ne vient-il pas en effet de dénoncer l'absence de branche AT-MP, la non-fongibilité des enveloppes ville-hôpital, l'absence d'enveloppe régionale ou de loi de finances rectificative de sécurité sociale ?

Avec brio et concision, Jean-Marie Le Guen a exposé le premier motif d'irrecevabilité de ce texte : projet de loi organique, il eût dû être présenté d'abord à notre assemblée plutôt qu'au Sénat...

M. Jean-Marie Le Guen - On nous prive de nos prérogatives !

M. Gérard Bapt - En matière de loi organique, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot. Ensuite, la discussion en commission, éclatée entre trois de nos commissions permanentes et marquée par l'incohérence de leurs prises de position respectives, n'a pas abouti. Rejetés dans une commission, certains amendements de la majorité ont été adoptés par d'autres ! Au reste, il est particulièrement regrettable que ce texte n'ait pas été examiné en commission spéciale.

Le projet de loi organique présente en outre un déficit extraordinaire en matière de prévision économique et budgétaire, puisque les objectifs de la récente réforme de l'assurance maladie sont d'ores et déjà démentis. M. Préel a d'ailleurs démontré que si les lois de finances rectificatives de sécurité sociale sont permises en droit, elles ne connaîtront aucune traduction concrète. Enfin, le corps du texte ne décrit aucune forme de maîtrise médicalisée.

Le ministre a dit tout à l'heure que la marque de fabrique des socialistes, c'était de produire des excédents transitoires : celle de ce gouvernement, c'est de fabriquer des déficits permanents ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Quant à la journée de solidarité fixée au lundi de Pentecôte, elle est tout aussi irrecevable que ce texte ! A Rodez, on a convoqué les lycéens pour les épreuves facultatives du baccalauréat précisément ce jour-là ! (Mêmes mouvements)

Résolument hostile à la maîtrise comptable que vous tendez à introduire et à l'affaiblissement des prérogatives du Parlement qu'orchestre ce projet en renvoyant le contrôle du système aux proconsuls de l'assurance maladie plutôt qu'à des instances démocratiques, le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une question préalable.

Mme Janine Jambu - A la veille du soixantième anniversaire de la sécurité sociale, le projet de loi organique que présente le Gouvernement n'est pas à la hauteur de l'enjeu : obscur, inutilement compliqué, peu démocratique, le texte qui nous revient du Sénat s'inscrit dans le droit fil des tristes ordonnances Juppé, lesquelles, en neuf ans, n'ont jamais permis de redresser la situation. Dès lors, pourquoi s'entêter dans la voie - privilégiée à l'époque - de la maîtrise médicalisée assortie d'objectifs de dépenses ? Ici même, le 24 avril 1996, Jacques Barrot, ministre des affaires sociales, déclinait la réforme en trois axes : transparence, responsabilité et démocratie.

Qu'en est-il en réalité ? En matière de transparence, l'opacité de l'ONDAM et de la répartition des moyens est régulièrement dénoncée par la Cour des comptes. Quant à la responsabilité, l'histoire a montré qu'elle incombait pour l'essentiel aux assurés sociaux, suspectés tout à la fois de fraude, de consommation médicale abusive ou de nomadisme médical, ce qui a conduit à des mesures symboliques telles que l'insertion de la photo d'identité sur la carte Vitale...

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Excellente initiative !

Mme Janine Jambu - ...ou le relevé régulier des dépenses personnelles, tendant à culpabiliser ceux que la maladie oblige à consulter souvent. Par contre, la responsabilité des gouvernements enclins à consentir des exonérations de cotisations sociales, au bénéfice exclusif des employeurs et au détriment de l'équilibre financier de l'ensemble du système, n'a jamais été engagée !

Enfin, peut-on raisonnablement parler de démocratie alors que l'assurance maladie a été partiellement étatisée et que les salariés ont été privés de leur droit de vote ? La réforme de 1996 a tendu à faire oublier que la sécurité sociale était le bien commun des assurés, les nouvelles formes de paritarisme qu'elle a introduites faisant la part belle au patronat. Las, il n'y pas eu de rupture significative avec ces orientations par la suite. Or cette politique a échoué et les dépenses de santé présentent désormais un caractère limitatif. Alors que les ordonnances Juppé devaient assurer l'avenir de la protection sociale à la française, notre modèle est aujourd'hui de plus en plus menacé.

Consacrée dans le projet de traité constitutionnel, lequel impose aux Etats membres de limiter leurs dépenses publiques, la logique européenne tend à mettre en extinction la notion de service public de la santé. Pour faire barrage à cette dérive, il faudra répondre non au référendum du 29 mai... (« Rien à voir ! » sur les bancs du groupe UMP) L'avenir de notre système de santé en dépend. Celui-ci est tout aussi menacé par les appétits des partisans de la libéralisation à tout crin qui prônent la privatisation de toutes les branches !

Les échecs d'hier annonçant ceux de demain, il est urgent de rompre avec tout ce qui se pratique depuis vingt ans. A cet égard, il n'est que temps d'accepter l'idée que le déficit du système tient plus à l'insuffisance de recettes qu'à l'excès de dépenses. Le dépassement systématique - et croissant - de l'ONDAM depuis 1998 révèle la défaillance des outils de régulation traditionnels et l'inefficacité des actions tendant à infléchir durablement le comportement des acteurs.

Autrement dit, le déficit est l'échec des réformes fondées sur la maîtrise comptable des dépenses. Souvenons-nous du livre blanc présenté en 1994 par Raymond Soubie, et qui aura fourni la trame de tous les plans de réforme des systèmes de santé des années 1990. Il a contribué à répandre l'idée que notre système de protection sociale devait être maintenu, certes, mais à condition d'être réduit, dans l'optique d'une réduction des prélèvements obligatoires, et particulièrement des prélèvements sociaux « pesant » sur les entreprises. Le plan Juppé a repris ce raisonnement en accroissant massivement les prélèvements sur les salaires et les revenus de transferts des retraités et des chômeurs. Il a réduit drastiquement les prestations à partir d'une nouvelle organisation du système de santé, et institutionnalisé une nouvelle montée de la fiscalisation, reportée sur les ménages avec la CSG et la CRDS, afin de réduire les cotisations patronales censées peser sur l'emploi. Les parlementaires communistes se sont toujours opposés à cette fiscalisation ; nous rejetons sans réserve la CSG et la CRDS comme mode de financement de la sécurité sociale. Ce financement fait reposer presque entièrement les ressources de la protection sociale sur les revenus du travail, ce qui est injuste et contraire à l'esprit de 1945.

Les plans de réforme du système de santé depuis 1994 ont donc revêtu deux formes principales : des mesures d'économies au sens strict, et des réformes visant une maîtrise comptable des dépenses de santé, pour tenter de limiter tant la demande que l'offre de soins.

Si radicaux qu'ils aient été, ces plans n'ont pourtant pas permis une régulation efficace du système. Ils ont organisé un rationnement aveugle qui réduit à court terme les dépenses, mais produit leur reprise à moyen terme. En effet, après quelques années de répit dues à la relance économique entre 1997 et 2001, la protection sociale se retrouve, singulièrement depuis 2002, dans une situation financière préoccupante, avec un déficit généralisé. Le déficit du régime général, qui était de 3,4 milliards d'euros en 2002, est passé depuis à 14 milliards d'euros. Pour la seule branche maladie, la nouvelle majorité a trouvé un déficit de 6,1 milliards d'euros : il a atteint depuis 13,2 milliards d'euros... Bref, depuis 2002, le déficit du régime général a quadruplé et celui de la branche maladie a doublé, malgré les plans successifs de sauvetage ! Mais, puisqu'ils s'inscrivaient tous dans la même logique, aucun miracle ne pouvait être espéré.

Face à la situation critique des recettes, vous persistez à affirmer la nécessité d'économies sur les dépenses, au détriment des assurés sociaux : 800 millions d'euros sur les affections de longue durée ; 300 millions sur les arrêts de travail et les indemnités journalières ; 700 millions sur les remboursements de médicaments ; 1,5 milliard sur le remboursement des consultations médicales ; 850 millions d'euros sur l'hôpital ... Pourtant la politique de rationnement des soins, de déremboursement, d'augmentation des prélèvements sur les ménages n'a pas endigué le déficit. Pourquoi ? Parce qu'on n'a jamais abordé sérieusement la question fondamentale, celle de la réforme du financement. Elle est à nouveau absente de ce projet ; j'y reviendrai. Vous le voyez, les débats de 1996 et l'histoire récente sont éclairants ; ils conduisent à s'interroger sur l'opportunité d'examiner ce texte.

C'est d'ailleurs bien ce qu'ont observé les membres de la Mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie, l'été dernier, qui ont reconnu l'inefficacité des plans de redressement successifs et des outils de maîtrise. Toutes ces critiques demeurent face au présent projet, axé uniquement sur les aspects comptables, au détriment d'une réelle politique publique de santé et d'une démocratie sociale rénovée.

Sur l'aspect économique, vous tombez dans les mêmes travers que vos prédécesseurs. D'après ce projet de loi organique, les prévisions se fonderont sur les « cycles économiques ». Voilà tout d'abord qui en dit long sur votre conception de la protection sociale et de son lien avec les besoins recensés... Mais en outre vous reproduisez les mêmes schémas qui nous font constater chaque année que les prévisions étaient irréalistes. J'en donnerai deux exemples. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, la prévision de croissance du PIB était mensongèrement estimée à 2,5 %, alors que les économistes l'établissaient à 1,3 % ; on sait que finalement la croissance a été quasi nulle ! D'autre part, dans l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, la prévision d'un ONDAM de 3,2 % n'a été étayée par aucun élément précis relatif aux effets de la loi du 13 août 2004. Et chaque fois les prévisions sont apparues erronées, et notre sécurité sociale s'est enfoncée un peu plus dans le rouge. Voilà qui démontre l'impossibilité de « décréter » un taux directeur des dépenses de santé. Il est clairement impossible de réduire la politique de protection sociale à un enjeu comptable et financier, ce qui conduit à mettre toujours plus à contribution les assurés sociaux tout en réduisant le niveau de leurs remboursements. Cette politique gestionnaire est particulièrement illustrée par le système de la procédure d'alerte qui se déclenche si les dépenses risquent de dépasser de plus de 0,75 % le seuil fixé par l'ONDAM.

Cette volonté absurde de restreindre à tout prix la dépense publique vient d'ailleurs d'éclater au grand jour. La communauté hospitalière - fédération hospitalière de France, fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés, fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, conférences de directeurs et de présidents de commission médicale d'établissement de centres hospitaliers et de centres hospitaliers universitaires - s'est servie, pour la première fois, de cette procédure d'alerte sur les dépenses d'assurance maladie. Son but n'était pas de faire rentrer l'ONDAM dans le droit chemin, mais d'alerter l'opinion publique sur l'impossibilité dramatique de continuer à fonctionner normalement avec un budget aussi étriqué. Comme l'expliquent en effet les organismes hospitaliers, l'enveloppe dévolue pour 2005 aux hôpitaux, en progression de 3,6 % par rapport à celle de 2004, met les établissements dans une situation intenable, la progression de leurs besoins étant évaluée au minimum à 5 %. Vous devez donc le reconnaître : cette méthode qui consiste à prévoir des objectifs sans les connecter au recensement des besoins ne fonctionne pas.

Ce projet appelle d'autres critiques. Nous déplorons par exemple que l'élargissement du champ d'application de la loi de financement de la sécurité sociale demeure inabouti. Car il est incohérent que la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, ne figure pas explicitement dans le périmètre des futures lois de financement, alors que l'endettement figure en bonne place parmi les sources de financement des régimes obligatoires et qu'un prélèvement social spécifique est affecté à la CADES.

Pour ce qui est des prérogatives du Parlement, il faut souhaiter que le Gouvernement ne s'approprie pas le monopole de la définition des sous-objectifs de l'ONDAM ; ils doivent être clairement inscrits dans la loi pour faciliter leur suivi pluriannuel et améliorer la transparence de leur gestion, et par suite le dialogue avec les partenaires sociaux. Cette responsabilité ne peut pas dépendre du seul « roitelet » qu'est le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, que le Gouvernement suivra aveuglément. Les prérogatives élargies - très élargies, à notre goût - du nouveau directeur de l'UNCAM autorisent celui-ci à procéder à des ajustements comptables en cours d'exercice, sous forme de déremboursements de soins. Ce n'est pas indiqué en toutes lettres, mais c'est bien ce qui est signifié, reconnaissez-le ! Nul doute dès lors que le directeur de l'UNCAM utilisera les moyens à sa disposition en cas d'alerte, au détriment bien sûr des assurés sociaux. Encore une preuve que votre texte se fonde exclusivement sur une logique politique que nous ne saurions cautionner. Nous ne pouvons accepter qu'un homme seul, doté de super-pouvoirs, décide du niveau de la protection sociale. Si vous renvoyez au niveau organique les principes du le financement de la sécurité sociale, la logique est d'y associer le Parlement et de lui donner les moyens d'agir. Puisque vous semblez soucieux des droits du Parlement en la matière, Monsieur le ministre, nous espérons que le Gouvernement saura convaincre sa majorité de repousser les deux amendements inacceptables de la commission des lois et de la commission des finances, qui renvoient à une ordonnance toutes mesures rectificatives rendues nécessaire par la dégradation des comptes. Ce serait une véritable spoliation des droits des parlementaires. Mais peut-être, après avoir évincé les partenaires sociaux des choix de protection sociale, souhaitez-vous maintenant éviter la représentation nationale ?

Ce ne sont pas nos seules critiques. Nous déplorons ainsi que le nouveau cadre de la loi de financement de la sécurité sociale concerne peu les orientations de la politique de santé. En réalité, nous sommes loin de l'objectif de garantir un haut niveau de protection sociale : à vouloir privilégier une logique d'étatisation mêlée de privatisation, vous continuerez d'affaiblir notre système.

C'est un tout autre chemin qu'il faut emprunter. En premier lieu, il conviendrait que les dispositifs de gouvernance soient rééquilibrés au profit des conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale, en renforçant leurs prérogatives et en asseyant leur légitimité par le retour à l'élection de leurs représentants, qui sont ceux des assurés sociaux. A l'opposé, ce projet de loi entérine la tendance vers une sophistication accrue du contrôle technocratique, contrôle encore accentué par les dernières réformes comme le renforcement du rôle des directeurs d'agences régionales d'hospitalisation ou la création de la Haute autorité de santé. In fine, ce texte entérine la négation des droits de la représentation nationale, qui n'est plus habilitée qu'à observer la montée en puissance de la technocratie sociale. Comment ne pas déplorer, encore et toujours, que la démocratie sociale soit en panne aujourd'hui autant qu'il y a vingt ans ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Vous ne pouvez pas dire cela.

Mme Janine Jambu - Les assurés sociaux, premiers concernés par le devenir de notre sécurité sociale, sont privés de toute possibilité de s'exprimer, du fait qu'aucune élection aux conseils d'administration des caisses n'a été organisée depuis vingt ans.

M. le Secrétaire d'Etat - Les usagers, eux, ont toute leur place.

Mme Janine Jambu - On prétend que c'est irréalisable. On organise pourtant sans difficulté des élections à la mutualité sociale agricole : les dernières datent de janvier 2005. Ce qui est possible pour certains ne le serait donc pas pour d'autres ? La démocratie sociale nécessite, à nos yeux, une co-élaboration des projets de financement de la sécurité sociale par les conseils d'administrations des caisses nationales.

Le deuxième axe que vous auriez dû retenir pour votre réforme serait de donner un contenu sanitaire et social aux objectifs que doit s'assigner la loi de financement. C'est ce qui a fait la grandeur de notre système avant qu'il soit perverti par les aspects comptables. Cette évolution a dégradé le lien entre la population et le système de protection sociale, et noyé les fondements humanistes et solidaires de ce dernier dans une logique comptable, fortement individualiste et source de nouvelles inégalités dans l'exercice du droit constitutionnel à la santé, à la protection de l'enfance, de la famille et des personnes âgées.

Comment donner plus de « cohérence, de crédibilité et de sens » aux lois de financement de la sécurité sociale sans chercher à mieux les articuler avec les besoins sociaux, les objectifs sanitaires, les orientations retenues en matière de politique familiale, de retraite ou de prévention et de réparation des accidents de travail ? Il faudrait pour cela rompre avec une vision strictement comptable des dépenses de santé.

Nous proposons, pour notre part, une démarche plus cohérente consistant à évaluer les besoins, établir les priorités, déterminer les dépenses nécessaires et, ensuite, à trouver les financements permettant d'y pourvoir. De nouvelles pistes doivent pouvoir être explorées de façon que la dépense ne soit pas contrainte par avance.

Ce projet de loi organique ne comporte aucune allusion aux orientations de la politique sociale et sanitaire du Gouvernement. Pourtant, comment garantir une protection sociale efficace si aucun débat démocratique n'a lieu sur les besoins à satisfaire ni le niveau de ressources à mobiliser pour y parvenir ? Les objectifs de dépenses devraient être fixés en regard des besoins à satisfaire, préalablement recensés et évalués, et non en fonction de recettes arrêtées d'avance.

Si le contenu des lois de financement de la sécurité sociale mérite d'être amélioré, les conditions de leur élaboration devraient l'être également, ce qui supposerait de traiter de la réforme du financement. Or, de cela, vous ne voulez pas entendre parler. Pourtant, quelles que soient les réformes engagées, les plans de sauvetage concoctés, les lois organiques votées, vous échouerez à inverser la tendance des comptes de la sécurité sociale si vous ne réformez pas son mode de financement. Sur ce sujet, vous connaissez notre position. Il faut en finir avec la fiscalisation des ressources, qui va de pair avec l'abaissement des garanties collectives. Il serait grand temps de moduler les cotisations des entreprises en fonction des emplois et des richesses qu'elles créent, au lieu de privilégier la rentabilité financière de court terme, source de dégâts sociaux qui expliquent une bonne part de l'insuffisance des recettes de notre protection sociale.

En cette période de relative incertitude économique, la qualité de notre système de sécurité sociale est déterminante pour consolider le lien social, prévenir les exclusions et permettre à chacun d'exercer pleinement l'ensemble de ses droits. Une profonde réforme est donc nécessaire. Il faut notamment mettre un terme à la politique d'exonération de charges patronales qui creuse les comptes. Sans cette rupture, toute future réforme ne ferait que se traduire par une hausse de la fiscalité et de la CSG qui touche des millions de Français de toute catégorie.

Votre politique, qui allie exonérations de charges et fiscalisation des ressources, a fait la preuve de son inefficacité. Pour les salariés comme pour les retraités, elle a entraîné la réduction de remboursements. Le forfait d'un euro par visite, prétendument pédagogique, représente en réalité un déremboursement de 14 %.

M. le Secrétaire d'Etat - Non.

Mme Janine Jambu - Qu'adviendra-t-il demain de ce forfait ? Certains laissent entendre qu'il pourrait atteindre de cinq à sept euros.

M. le Secrétaire d'Etat - Pas du tout !

Mme Janine Jambu - Lorsque nous avions exprimé la crainte que cette franchise d'un euro suive le même chemin que le forfait hospitalier, vous vous en étiez défendus, jurant qu'il s'agissait d'une mesure symbolique. Mais jusqu'où peut aller un montant symbolique ? Un système de santé à deux vitesses est en train de se mettre en place dans notre pays, avec les conséquences dramatiques que l'on sait. Il faut stopper cet engrenage et pour cela mettre un terme à la réforme d'août dernier, suspendre la convention médicale et trouver les moyens d'un nouveau financement. Celui-ci ne passe par la suppression d'un jour férié qui fait reposer la solidarité sur les seuls salariés. Vous imposez aujourd'hui à ceux-ci de travailler gratuitement en supprimant le lundi de Pentecôte au prétexte de la nécessaire solidarité en faveur des personnes âgées. Supprimerez-vous demain le jeudi de l'Ascension au profit des personnes cancéreuses, le 11 novembre au profit d'autres... ? Dans le même temps, vous épargnez les grands groupes, dont les profits explosent pourtant. Ainsi, les entreprises du CAC 40 ont-elles réalisé l'an passé 60 millions d'euros de profits, soit deux fois plus qu'en 2003. Pourquoi refusez-vous de vous tourner de ce côté pour faire jouer la solidarité, plutôt que de continuer à ponctionner le monde du travail ? Supprimer un jour férié et imposer le travail gratuit, ce n'est pas de la solidarité, mais de l'exploitation.

M. Maxime Gremetz - Une escroquerie !

Mme Janine Jambu - Si notre protection sociale va mal, c'est parce que l'activité économique et l'emploi, socles de ses recettes, vont mal. L'absence de croissance et la dégradation continue de l'emploi, avec un taux de chômage de 10 % de la population active, plombent notre système.

Cette réforme n'arrangera rien. Votre obstination à faire des marchés financiers votre boussole et à démanteler le code du travail n'est pas compatible avec la recherche d'une protection sociale de haut niveau.

Notre bien commun qu'est la sécurité sociale est menacé. Ceux qui prétendent aujourd'hui vouloir le sauver, en réalité le menacent en se détournant de ses principes fondateurs et en esquivant les vrais débats. Une privatisation rampante guette. A l'approche du soixantième anniversaire de la création de la sécurité sociale, il faut repenser à ce qui la motiva pour comprendre le danger de vos propositions actuelles. Nous ne tomberons pas dans le piège que vous nous tendez, consistant à laisser se creuser le déficit, pour ensuite expliquer aux Français qu'une réforme structurelle, supposant une réduction des droits, est inévitable, alors que d'autres choix sont possibles.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore que nous développerons au cours du débat, nous pensons qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce texte, non que nous éludions le problème du déficit, mais bien parce que vos réponses ne sont pas adaptées. Nous invitons donc l'Assemblée à voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois - Les précédentes dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale datent de 1996. Depuis lors, de nombreuses propositions d'amélioration ont été formulées, par la Cour des comptes, par les parlementaires eux-mêmes. Le Conseil constitutionnel s'est lui-même prononcé à plusieurs reprises. Il existe une grande impatience et il est donc hors de question de voter cette question préalable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Secrétaire d'Etat - Vous écoutant avec attention, Madame Jambu, j'ai entendu à nouveau nombre des arguments qui avaient été développés, avec non moins de talent, par M. Gremetz lors du débat de l'été dernier. Mais il me faut corriger certaines contrevérités ou inexactitudes.

Tout d'abord, les lois de financement de la sécurité sociale n'ont pas fait la preuve de leur inefficacité, comme vous le prétendez. Elles sont au contraire devenues un outil indispensable de gestion de notre protection sociale. 350 milliards d'euros de dépenses par an, ce n'est pas rien, et les millions de Français qui en bénéficient le savent. Nos réformes des retraites et de l'assurance maladie nous ont permis de préserver les principes fondateurs de notre système : nous avons sauvé la retraite par répartition et la sécurité sociale à la française qui garantit la liberté de choix de son médecin, mais aussi l'égalité d'accès sociale et territoriale aux soins.

Nous souhaitons davantage de transparence et de responsabilité du Parlement dans les lois de financement de la sécurité sociale. N'est-ce pas non plus votre cas ?

Vous avez par ailleurs parlé à diverses reprises de déremboursements. Mais c'est le gouvernement précédent qui y a procédé, pas nous. La réforme de l'été dernier ne comporte aucun transfert du régime obligatoire vers les régimes complémentaires. (Exclamations de M. Gremetz) L'enjeu aujourd'hui n'est pas de dépenser moins, mais de dépenser au mieux.

Nous voulons seulement que chaque euro soit dépensé le plus efficacement possible. A rien ne sert d'agiter l'épouvantail de la maîtrise comptable puisque c'est précisément la maîtrise médicalisée des dépenses qui fonde notre action. Il est temps maintenant de débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse - Mme Jambu n'a pas tort. Les modifications introduites par le Sénat sont négligeables et les trois commissions n'ont pas non plus apporté d'améliorations significatives.

Ce projet, tout d'abord, ne permettra pas d'améliorer les comptes de la sécurité sociale, ni de combler des déficits pharaoniques.

Il ne favorisera pas un meilleur contrôle du Parlement. Nous sommes de ce point de vue très en deçà des modalités retenues par le précédent gouvernement.

Cette loi, de surcroît, ne réforme en rien l'ONDAM alors que nous aurions souhaité qu'il le rende moins technocratique.

Enfin, la lisibilité des lois de financement de la sécurité sociale ne sera en rien assurée. J'aurais par exemple souhaité que le texte indique les critères objectifs et subjectifs déterminant les évolutions de dépenses d'assurance maladie.

Au total, ce projet exclusivement financier ne réglant rien, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Luc Préel - Le groupe UDF n'a évidemment pas été convaincu par les arguments de Mme Jambu.

J'ai déjà eu l'occasion de dire pourquoi une nouvelle loi organique était nécessaire. Avant 1996, en effet, le Parlement ne pouvait pas se prononcer sur des dépenses sociales supérieures au budget de l'Etat et dont le poids économique et social était également important, puisqu'elles sont financées par des cotisations sociales, des impôts ou des taxes. Les lois de financement de la sécurité sociale jouant un rôle essentiel pour l'emploi et la solidarité, il est donc logique que le Parlement se prononce. Jusqu'à présent, nous avions du mal à tenir leurs objectifs faute de critères assurés. Si les recettes peuvent être faciles à évaluer dans le domaine des retraites et de la famille à condition que les prévisions économiques soient justes, il n'en va pas de même dans le domaine de la santé, et tout d'abord parce que l'ONDAM n'a jamais été médicalisé et qu'il a toujours été sous-évalué. L'UDF demande donc l'élaboration d'un ONDAM médicalisé, essentiellement sur le plan régional, seule façon selon nous de parvenir à une maîtrise durable des dépenses de santé.

Enfin, Monsieur le ministre, quid du comité d'alerte qui, lorsque les dépenses dépassent le seuil admis de 0,75 %, doit alerter le Gouvernement afin de prendre les mesures qui s'imposent pour « rentrer dans les clous » et, en premier lieu, une loi de finance rectificative ?

M. Maxime Gremetz - Il a raison.

M. Jean-Luc Préel - Or, si cette loi ne permet pas de dégager des recettes supplémentaires ou de faire des économies, ne nous dirigeons-nous pas vers une maîtrise comptable des dépenses ?

M. le Secrétaire d'Etat - Notre loi est claire.

M. Jean-Luc Préel - Vous prévoyez de voter une loi rectificative à Noël qui ne permettra évidemment pas de rectifier les recettes ou les dépenses de l'année.

M. Maxime Gremetz - Joli cadeau !

M. Jean-Luc Préel - J'espère que le Gouvernement et la commission, dans leur grande sagesse, accepteront un certain nombre d'amendements que j'ai déposés et, dès lors, nous voterons avec enthousiasme cette loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Maxime Gremetz - Il y a d'autant moins lieu de délibérer que l'on discutera donc d'une loi rectificative à Noël.

Je note tout d'abord une extraordinaire évolution depuis le temps où M. Chirac affirmait que la santé n'avait pas de prix. Il fallait, alors, disait-il, réduire la fracture sociale...

M. Pascal Terrasse - Et surtout gagner les élections !

M. Maxime Gremetz - Il disait aussi que la fiche de paie n'était pas l'ennemie de l'emploi.

Mme Janine Jambu - Eh oui !

M. Maxime Gremetz - La sécurité sociale gère 350 milliards, vous l'avez dit, Monsieur le ministre. Comment voulez-vous qu'une telle somme n'intéresse pas les assureurs privés ? Ils ont fait déjà de la publicité. Souvenons-nous aussi des fonds de pension que défendait notre ancien collègue Thomas. Oui, la sécurité sociale a besoin de moyens importants pour des raisons objectives : il est en effet des dépenses nécessaires si l'on veut répondre aux besoins, dont nous savons qu'ils sont exponentiels et, pourtant, de moins en moins satisfaits, surtout parmi les catégories populaires.

Cette loi organique n'est que la mise en œuvre de votre réforme néfaste...

M. le Secrétaire d'Etat - Nécessaire.

M. Maxime Gremetz - ...injuste et inégalitaire.

On frappe sur ceux qui abuseraint du système. Mais si vous affirmez ne rien dérembourser, vous augmentez le forfait hospitalier.

M. le Secrétaire d'Etat - Qui l'a créé ?

M. Maxime Gremetz - Peu importe : j'ai voté contre, ce qui n'est pas le cas de l'actuelle majorité.

Votre réforme nous impose de choisir un médecin traitant. Comme mes collègues communistes, j'ai choisi M. Douste-Blazy : je n'ai toujours pas de réponse.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Et moi, Monsieur Gremetz ? (Sourires)

M. Maxime Gremetz - Je serai donc moins remboursé, et je payerai un supplément, par la faute du ministre et par la vôtre ! Nous avions pourtant proposé une autre réforme.

Mme la Présidente - Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Maxime Gremetz - Tant que l'on ne s'attaquera pas réellement au problème du financement de la protection sociale - ce qui impose de revoir l'assiette des cotisations -, on continuera de réduire les soins et les assurés paieront davantage pour être moins bien soignés. Nous appelons donc à voter cette question préalable tout à fait justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Door - Cette question préalable est totalement hors sujet. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Mme Jambu s'est bornée à un discours stéréotypé et partisan (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), que nous avions déjà largement entendu lors du débat sur l'assurance maladie de l'été dernier. Le ministre a du reste parfaitement répondu à ces arguments. La réforme est en marche. Cette question préalable est donc inutile, et le groupe UMP ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - Nous en venons à la discussion générale.

M. Pascal Terrasse - Avec la loi constitutionnelle du 22 février, les ordonnances du 24 avril et la loi organique du 22 juillet, 1996 avait fait naître l'espoir du vote d'un budget de la sécurité sociale. Enfin, la représentation nationale allait délibérer, à partir du rapport annuel de la Conférence nationale de santé, sur un montant et une évolution de la dépense sociale. Enfin, un choix véritable allait pouvoir être opéré sur le montant de cette dépense et des arbitrages allaient pouvoir être rendus entre les différentes missions collectives, en prenant en compte des priorités de santé publique définies sur le plan politique.

C'est peu de dire que cet espoir a été déçu. L'insuffisance de volonté politique et l'imperfection des outils d'évaluation et du système d'information...

M. le Secrétaire d'Etat - Dès 1997 !

M. Pascal Terrasse - ...ont empêché la loi de financement de la sécurité sociale et l'ONDAM qui lui est attaché de s'ancrer dans le domaine sanitaire. Conçus de façon empirique, ils ont été mis en place à partir d'éléments macro-économiques et comptables, sans référence aucune aux priorités de santé publique proposées par les instances scientifiques.

Rien d'étonnant donc à ce que l'on observe depuis plusieurs années une déconnexion manifeste entre les dépenses votées et les impératifs sanitaires. Pire, les dépassements systématiques des dépenses votées ont entaché la crédibilité du vote du Parlement. Les taux d'évolution des dépenses ont à plusieurs reprises été fixés à un niveau inférieur à 3 %, alors que les seuls déterminants objectifs de ces dépenses - démographie, progrès technique et croissance économique - induisent à eux seuls une croissance des dépenses de 3 % à 3,5 %.

La technique du « rebasage » ne va guère dans le sens de la transparence. La pratique des constats - qui conduit à actualiser les prévisions de dépenses, sans que l'on puisse percevoir la mise en œuvre de marges de manœuvre - l'a en effet emporté sur le but à atteindre.

De plus, aucune opposabilité de l'ONDAM, même relative, n'a été prévue : la loi du 13 août 2004 a bien instauré un comité d'alerte en cas de dépassement des prévisions d'un certain montant, mais elle est demeurée évasive sur les solutions à apporter. J'espère que le ministre aura à cœur de nous éclairer sur ce point.

Enfin, la fixation par le Gouvernement de sous-objectifs au sein de l'ONDAM, autrement dit d'enveloppes, a figé les évolutions et instauré des cloisonnements entre les différents domaines du secteur sanitaire et le secteur médico-social. Ainsi le système semble-t-il désormais évoluer pour son propre compte, avec un incontestable déficit démocratique.

Or, loin de remédier à ces lacunes, le présent projet risque de pérenniser de graves défauts. Le débat mérite pourtant d'être posé en termes plus explicites à la représentation nationale, mais aussi à l'ensemble des Français. Sa procédure d'adoption a été conduite de façon précipitée et sans aucune concertation. Une première hypocrisie consiste à prétendre qu'on redonne du pouvoir au Parlement, alors que celui-ci ne voit aucunement renforcer sa capacité de se prononcer en cours d'année sur les mesures nécessaires. Une seconde consiste à parler, dans le sillage de la LOLF, d'une logique de résultat, alors qu'on ne s'en donne pas les moyens. Enfin, la déconnexion entre les objectifs de santé publique revendiqués et une maîtrise purement comptable des dépenses est aggravée.

Ce projet de loi organique s'analyse comme le troisième volet du triptyque législatif que composent la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie et celle du financement de la sécurité sociale. En ce sens, il s'agit d'un enjeu majeur, qui méritait un débat approfondi, mais aussi élargi au plus grand nombre d'acteurs possible. Pourquoi n'avoir pas pris le temps d'auditionner plus longuement les partenaires sociaux, qui avaient pourtant demandé à plusieurs reprises à être entendus ? Les réunions de dernière minute au ministère ne peuvent tenir lieu de concertation.

S'il y a avait bien, pourtant, une leçon à tirer de la mise en œuvre des lois de financement depuis 1996, c'était bien que le dispositif ne peut fonctionner sans concertation. Le processus conventionnel, établi sans concertation en amont, s'est révélé d'une grande fragilité juridique ces dernières années, puisque le destin de toute convention avec les professionnels de santé a été d'être annulée par le Conseil d'Etat.

Rappelons que ce projet de loi organique se voulait l'équivalent d'une LOLF de la sécurité sociale. Le Premier ministre a en effet confié le 7 mars à MM. Didier Migaud et Alain Lambert une mission sur le suivi de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, et sur « la possibilité d'étendre les principes de la LOLF, au-delà du périmètre de l'Etat, aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale ». Là encore, la précipitation est-elle vraiment de mise ? Lorsque l'on sait que c'est sa procédure d'adoption qui donné son caractère exceptionnel à la LOLF, comment ne pas voir dans le présent projet une réplique bâclée ?

Ce défaut procédural se répercute sur le fond de la réforme, qui est loin d'avoir les mêmes conséquences sur le pilotage des comptes sociaux que la LOLF sur les comptes de l'Etat.

Le motif essentiel du projet de loi organique aurait dû être un renforcement significatif du rôle de la représentation nationale en matière de comptes sociaux. Or non seulement celle-ci ne voit pas sa compétence renforcée, mais elle perd une partie de son initiative au profit du tout-puissant directeur de l'UNCAM. C'est d'autant plus regrettable que les modalités de la campagne budgétaire 2005 ont montré la nécessité d'une plus grande transparence : les principes concernant l'identification des dépenses de psychiatrie, adoptés par les parlementaires dans le cadre du vote de l'ONDAM, n'ont pas été respectés par l'exécutif dans la circulaire du 4 mars 2005.

Le texte comporte certes quelques avancées. Le nouvel article LO 111-3, qui scinde la LFSS en deux parties, prévoit que le Parlement approuve le rapport qui décrit les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que l'ONDAM, pour les quatre années à venir. Par ailleurs, il élargit le champ d'application de la LFSS, en y intégrant de nouvelles mesures.

Mais vous n'êtes pas allé jusqu'au bout de votre logique. S'il est vrai que la portée de l'ONDAM devrait être renforcée par la loi organique, grâce à l'instauration de sous-objectifs détaillés permettant de distinguer les grands postes de charges, le rôle de la représentation nationale ne devrait pas être sensiblement renforcé. En effet, le Gouvernement décidera seul du périmètre de chacun des sous-objectifs, sans présentation claire dans un cadre pluriannuel, notamment si ces périmètres sont modifiés d'une année à l'autre.

M. le Rapporteur - Il y a un amendement à ce sujet.

M. Pascal Terrasse - Nous en serons ravis.

Il faut définir clairement les grandes composantes de l'ONDAM pour que la représentation nationale ait une vue exacte des affectations des dépenses d'assurance maladie et puisse apprécier les priorités sanitaires et médico-sociales ainsi que l'équilibre entre hôpital et médecine ambulatoire.

Pour éviter la rigidité, il faudrait également introduire la fongibilité entre sous-objectifs, tout en tenant compte de la situation spécifique de la nouvelle CNSA.

Le Gouvernement avance que, désormais, le Parlement aura plus de pouvoir puisqu'il votera les dépenses et les recettes. En réalité, il ne votera pas un objectif, mais un solde. Mais aucun mécanisme contraignant n'est prévu en cas de dépassement des objectifs, à la différence de ce qui existe dans la loi de finances.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est contradictoire.

M. Pascal Terrasse - Contrairement aux dépenses de l'Etat, faites-vous valoir, celles de la sécurité sociale ne peuvent être plafonnées a priori. Vous voulez donc promouvoir leur maîtrise médicalisée. Reste que le Parlement n'exercera aucun contrôle réel si le solde final est différent de celui voté. La gestion de ce solde est confiée à l'UNCAM et au Gouvernement ; il serait plus pertinent de faire se prononcer le Parlement sur les mesures qu'il juge légitimes, dans le cadre d'un collectif social. Enfin, la technique de « rebasage » rend la détermination de l'ONDAM particulièrement opaque, j'y reviendrai.

D'autre part, la loi de financement, telle que vous la prévoyez, obéira à une logique de moyens, et non de mise en parallèle des objectifs et des résultats permettant une véritable évaluation, comme pour la LOLF.

En fait, on se heurte toujours au même problème, que le Sénat a souligné, celui de la compensation intégrale des allégements de cotisations décidées par l'Etat. M. Douste-Blazy n'avait-il pas promis de l'inscrire dans la loi organique ? Je reconnais que cela nécessiterait une modification de la LOLF, ce qui serait lourd et peu souhaitable. Sans aller jusque là, je veux du moins dénoncer l'absence d'articulation entre les deux lois organiques, s'agissant des impôts au produit partagé et des ouvertures de crédits et de dépenses.

Enfin, la loi de financement qui nous est proposée chaque année est un patchwork de mesures conjoncturelles qu'on y inclut au gré des contingences économiques et comptables. Cela interdit tout volontarisme politique fondé sur une rationalisation médicalisée des dépenses de l'assurance maladie et une véritable synergie entre les différentes mesures.

L'équilibre financier de la sécurité sociale, nous dit-on, tiendra compte des conditions économiques générales - pas des impératifs sanitaires ou des priorités de santé publique : la dimension économique et comptable l'emporte.

Ce qui manque surtout, c'est une réflexion sur une dizaine de déterminants fondamentaux des dépenses de santé, qu'ils relèvent de l'infrastructure - environnement, croissance, vieillissement, progrès technique, épidémiologie - ou de la superstructure - organisation de la société, comportements, système de protection sociale. Il faut quantifier leur impact sur ces dépenses, et s'interroger sur la possibilité de les modifier à court et moyen terme. Certains d'entre eux présentent une inertie qui rend difficile une politique volontariste. Ce n'est pourtant pas une raison pour les négliger, comme vous le faites dans ce projet. J'y reviendrai au cours du débat.

En raison de ces considérations, de la nécessité d'un travail plus approfondi, votre projet ne peut nous satisfaire. Le groupe socialiste est très attaché à la réforme de la Sécurité sociale et espérant reprendre bientôt des responsabilités...

M. le Rapporteur - Un peu de modestie !

M. le Secrétaire d'Etat - Les Français ne sont pas aussi pressés que vous.

M. Pascal Terrasse - ...nous ne voudrions pas retrouver une situation telle que celle que vous nous avez laissée en 1997. Or nous ne sommes pas dupes : pour vous, la maîtrise comptable l'emporte sur la maîtrise médicalisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Jusqu'en 1995, le Parlement ne pouvait se prononcer sur les dépenses sociales, pourtant supérieures au budget de l`Etat, touchant aux domaines majeurs de la famille, de la santé, de la retraite, et pesant sur la vie économique par les cotisations. La réforme de 1995 et la loi organique de 1996 marquèrent un changement important. Mais elles montrèrent vite leurs limites : les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux, du Gouvernement et du Parlement ne furent jamais clairement définis.

Il est vrai que le Parlement, déjà fortement limité par l'article 40, se mutile lui-même : depuis dix ans, les majorités successives soutiennent les gouvernements, quoi qu'elles pensent. Cette « autocastration » est fort regrettable (Exclamations sur de nombreux bancs)

M. le Président de la commission - L'urologue apprécie.

M. Jean-Luc Préel - Ainsi, plus d'une fois le groupe UMP a jugé mes amendements excellents, et a finalement voté contre, parce que le Gouvernement le demandait.

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas bien.

M. Jean-Luc Préel - Que le Parlement amende un texte pour l'améliorer, quoi de plus normal ? C'est pourtant fort rare.

Ce projet constitue un progrès : la loi de financement indiquera le solde de tous les régimes obligatoires de base. Elle couvrira les fonds sociaux dont, j'espère, la CADES. Elle fournira un cadre pluriannnuel de quatre ans - c'est un progrès dit-on ; soit, mais je n'en suis pas vraiment convaincu. Il est prévu une certification par la Cour des comptes, ce que M. de Courson juge difficilement réalisable. M. Méhaignerie doit examiner la question.

M. le Rapporteur - Le Président de la Cour des comptes a été interrogé par écrit.

M. Jean-Luc Préel - La commission a adopté des amendements améliorant le texte. On a ainsi intégré la CADES, le fonds des retraites, la CSMA. Le vote portera sur le règlement de l'exercice précédent, sur la rectification de l'année en cours - mesure théorique, car à Noël, il sera bien tard pour le faire ; du moins connaîtrons-nous le solde - et sur les recettes et dépenses de l'année à venir. En revanche, le refus du Gouvernement d'inscrire dans la loi organique la stricte compensation des exonérations de cotisations sociales, que prévoyait la loi de 1994, laisse présager que ces compensations ne seront pas totales.

M. Maxime Gremetz - Tout à fait.

M. Jean-Luc Préel - Cette loi organique demeure très imparfaite. Elle ne donne pas leur vraie place aux partenaires sociaux. L'UDF considère qu'il faut leur rendre une réelle autonomie pour gérer le régime de retraite de base comme ils gèrent l'UNEDIC et les régimes complémentaires, afin qu'ils puissent décider librement des prestations et des cotisations en évoluant vers un régime par points.

L'UDF demande également, comme cela a été évoqué lors de la réforme de l'assurance maladie, que la branche accidents du travail et maladies professionnelles devienne autonome, avec gestion paritaire. Nous avons déposé deux amendements en ce sens.

La loi demeure également imparfaite en ce qu'elle ne résout pas le problème de la définition de l'ONDAM et de son respect. Si, pour les retraites et la branche famille, il est relativement aisé d'appréhender les recettes, pourvu que les hypothèses de croissance et d'évolution de la masse salariale soient réalistes - ce qui n'est pas toujours le cas...

M. Pascal Terrasse - Surtout en ce moment !

M. Jean-Luc Préel - ...S'il est aisé de prévoir les dépenses, qui dépendent de la démographie et de la politique familiale, il n'en va pas de même pour la santé.

Le dépassement, chaque année, des objectifs de dépenses, et par conséquent du déficit, est dû à la volonté gouvernementale de surestimer les recettes et de sous-estimer les dépenses. Bref, l'ONDAM est irréaliste - une augmentation « pifométrique » établie par Bercy selon les chiffres du mois d'octobre - et le rebasement systématique aggrave encore les choses. On en vient à voter un ONDAM surréaliste, déconnecté de toute donnée médicale, dans une opacité totale, mais chacun sachant qu'il ne sera pas respecté ! Cette pratique conduit à des déficits considérables, confiés à la CADES et payés par nos enfants et petits enfants.

M. Pascal Terrasse - Ils ont réussi à inventer l'impôt sur la naissance !

M. Jean-Luc Préel - Pour faire cesser cette pratique, il convient de médicaliser l'ONDAM et de responsabiliser tous les acteurs. Nous n'en prenons pas le chemin. Certes, le vote en quatre parties et une perspective pluriannuelle peuvent paraître intéressants, mais comment respecter l'ONDAM s'il est éloigné des réalités ? Prenons l'exemple des hôpitaux, qui représentent la moitié des dépenses de santé : les dépenses de personnel constituant 65 % de leur budget, la moindre des choses serait que la ligne budgétaire correspondante couvre les salaires, le GVT et les revalorisations statutaires ! Dans le cas contraire, nous savons qu'il faudra avoir recours aux reports de charges, creusant ainsi les déficits.

L'UDF préconise une réelle régionalisation de la santé...

M. Pascal Terrasse - Ça, c'est dangereux !

M. Jean-Luc Préel - Mais Claude Evin, et d'autres au parti socialiste, y sont favorables ! Nous proposons des conseils régionaux de santé, auxquels participeraient tous les acteurs concernés et qui définiraient les besoins de santé, les priorités et l'adéquation de l'offre et des besoins.

M. Pascal Terrasse - Bonjour les dégâts !

M. Jean-Luc Préel - Comment voulez-vous médicaliser l'ONDAM sans vous baser sur des besoins définis au niveau régional ? Et comment le maîtriser si les acteurs ne sont pas responsables ?

Il faut également instituer un Conseil national de santé, émanation des conseils régionaux, pour définir les priorités prises en compte par le Gouvernement lors de la préparation, au printemps, du projet de loi d'orientation cher à Yves Bur, qui sera financé à l'automne par la loi de financement de la sécurité sociale. Ce sont les Conseils régionaux de santé et les ARS, exécutifs régionaux, qui géreront l'ONDAM régionalisé. Ainsi, tous les acteurs, associés en amont aux décisions et en aval à la gestion, deviendront responsables, seule façon d'obtenir le respect de l'ONDAM. 

Par ailleurs, et si nous approuvons le principe du vote de sous-objectifs - il est pour le moins étonnant de voter un ONDAM et de laisser l'administration décider de sa répartition ! - la disposition prévue par le texte semble dangereuse. Un reproche majeur adressé à la pratique actuelle est la non-fongibilité des enveloppes entre l'ambulatoire et les établissements et entre le sanitaire et le médico-social. L'UDF proposera donc de remplacer le vote des sous-objectifs par le vote des enveloppes régionales, sur des critères objectifs : mortalité, morbidité, âge et richesse des régions.

Enfin, reste à définir comment respecter l'ONDAM, sans quoi le vote restera un vœu pieux et les déficits se pérenniseront, financés par les générations futures. La réforme de l'assurance maladie a créé un comité d'alerte qui, lorsque l'augmentation des dépenses dépasse les prévisions de plus de 0,75 %, demande à la CNAM et au Gouvernement de prendre des mesures. Mais quelles mesures prendre, et dans quel délai ? Nous proposons qu'il soit d'un mois. Le rapporteur a prévu d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance : pourquoi pas ? Mais il est toujours regrettable de court-circuiter le Parlement. Nous préférons une loi rectificative avec déclaration d'urgence. Un autre amendement est très intéressant : à partir de 2007, le transfert d'un déficit à la CADES ne pourrait conduire à une durée d'amortissement supérieure à 10 ans. Sans doute est-ce un progrès, Monsieur Bur, et peut-être un semi-remords, après le mauvais coup de 2004, lorsque la CADES a été pérennisée !

Cette loi organique constitue un progrès, certes, mais fort modeste. Elle ne répond pas à tous les problèmes. L'UDF souhaite donc l'améliorer par voie d'amendements : il faut donner plus de pouvoir aux partenaires sociaux dans la caisse vieillesse, créer une caisse spécifique pour les maladies professionnelles et accidents du travail, médicaliser l'ONDAM, responsabiliser tous les acteurs de la santé, réaliser la fongibilité des enveloppes régionales, régionaliser notre système de santé et, bien sûr, compenser intégralement les exonérations de cotisations sociales. J'espère être entendu. Cette loi organique est nécessaire, mais elle doit être modifiée. Merci, Monsieur le ministre, de votre écoute, qui nous change de ce que nous avons pu connaître précédemment.

M. Maxime Gremetz - Deux milliards d'euros : c'est l'économie réalisée sur les dépenses de sécurité sociale pour 2004 ; deux milliards dont vous vous félicitez, Monsieur le ministre, et que vous imputez au travail engagé par votre ministère. Ainsi, selon vous, les nouvelles sont bonnes, puisque le déficit de la sécurité sociale pour 2004 ne sera que de 12 milliards au lieu de 14. Belle victoire, en vérité, que celle qui met toujours plus à contribution les assurés sociaux et les malades ! Le rééquilibrage des comptes, imposé à coups de déremboursements et de culpabilisation des assurés sociaux, a pour eux des conséquences importantes. Comme votre plan de campagne médiatique a en effet négligé de le souligner, Monsieur le ministre, si l'assurance maladie a remboursé deux milliards de moins, le niveau des dépenses de santé par rapport à l'évolution du PIB, lui, n'a pas diminué ! Il a même continué de croître ! Cela signifie tout simplement que les malades ont dû payer ces deux milliards de leur poche - ou de leur santé !

M. le Secrétaire d'Etat - Pas du tout !

M. Maxime Gremetz - Pourtant, je sais compter : pour les Picards, un sou est un sou !

Maintenant, vous prévoyez d'imposer aux assurés sociaux, avec cette réforme, trois milliards d'économies supplémentaires, afin d'atteindre votre objectif : un déficit réduit à huit milliards pour 2005. En l'espace de deux ans seulement, les assurés sociaux auront dû prendre sur leurs deniers personnels plus de cinq milliards pour répondre à des besoins fondamentaux, et cela après avoir été dépouillés de plusieurs milliards par vos réformes des retraites, des prestations familiales et de l'assurance maladie !

C'est donc là votre conception de la solidarité : faire payer plus les assurés sociaux pour qu'ils se soignent moins, le tout au nom des équilibres budgétaires imposés par Bruxelles ! Nous avons pourtant proposé à maintes reprises d'autres solutions de financement, visant à accroître les ressources de la sécurité sociale. Il est possible de moduler les cotisations sociales des employeurs en fonction de leurs efforts en termes d'emploi et de formation, d'instaurer une cotisation sur les revenus financiers des entreprises, qui lutterait contre la spéculation financière, mortifère pour l'emploi, de supprimer les exonérations patronales, qui sont dangereuses et inefficaces, comme le dit le président de la Cour des comptes ! Vous avez refusé ces propositions novatrices avec constance, sans même les expérimenter.

Pour tenter de rééquilibrer les comptes, vous avez à chaque fois, en mauvais gestionnaire, et plutôt que de chercher à accroître les recettes, réduit le niveau des dépenses et restreint le champ d'intervention de la sécurité sociale. Comme si la diminution de la prise en charge avait une influence sur le niveau des besoins collectifs de la population ! Votre gouvernement a déremboursé à tour de bras, rogné sur les budgets des hôpitaux, créé les conditions d'un étouffement complet en les mettant en concurrence, par le biais du plan Hôpital 2007 et continué à fermer des services et à supprimer des lits, notamment dans les services d'urgence. Nous sommes au bord de l'implosion pour nombre d'établissements ! Membre du conseil d'administration du CHU d'Amiens, je sais bien que le budget a été voté - pas par moi - alors qu'il manque 650 emplois ! Il a fallu inventer la notion de « dépense d'équilibre » : il manque 9 millions, dont on ne sait pas si on les aura un jour !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est faux !

M. Maxime Gremetz - Pourtant, le directeur du CHU, qui vous soutient mordicus, n'a pas trouvé d'autre solution pour équilibrer le budget ! Si vous êtes en mesure de me démentir, faites le !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous en avons parlé tout à l'heure.

M. Maxime Gremetz - Pour mieux réussir le transfert des charges sur les assurés, vous présentez cette loi organique comme tendant à donner plus de lisibilité, de crédibilité et de sens... La vérité, c'est que tout le monde est dans la panade, ne serait-ce que pour exécuter le budget de l'exercice en cours ! Quant à l'idée que vous vous faites de la transparence, nous avons pu constater depuis 1996 qu'elle ne visait qu'à diffuser une logique de restriction comptable des dépenses sociales. Au final, les assurés ont subi une diminution de la prise en charge par l'assurance maladie de leurs dépenses de santé, une amplification continue des déremboursements et un dépouillement progressif des conseils d'administration - leurs représentants légitimes - de leurs prérogatives d'orientation de la politique des caisses de sécurité sociale.

M. le Secrétaire d'Etat - Pas du tout !

M. Maxime Gremetz - Et vous voudriez à présent que nous avalisions sans réaction votre discours sur la transparence et la simplification des procédures, via une loi organique qui achèvera le processus d'étatisation et de privatisation de la sécurité sociale. A cet égard, je rappelle qu'étatisation et privatisation sont plus complémentaires que contradictoires, votre démarche tendant à étatiser dans un premier temps pour mieux privatiser ensuite...

M. le Secrétaire d'Etat - Nous nous sommes déjà expliqués à ce sujet !

M. Maxime Gremetz - A la vérité, votre réforme achève de déposséder les assurés sociaux de leur bien commun. Sous couvert de donner plus de « crédibilité », ce projet de loi renforce aussi les contraintes liées à l'ONDAM. Ainsi, il prévoit que les sous-objectifs de l'ONDAM seront débattus par le Parlement. Mais que faudra-t-il faire une fois que celui-ci sera dépassé ? Car il ne fait aucun doute qu'il le sera, puisque les besoins de santé sont croissants par nature et qu'il l'est déjà chaque année depuis neuf ans !

En clair, le texte que vous nous soumettez postule que les dépenses seront adaptées aux ressources de la sécurité sociale, et non l'inverse. Il consacre par conséquent la triste logique de la maîtrise comptable. Dans la nouvelle architecture des lois de financement que vous dessinez, le Parlement votera d'abord les recettes, avant de se prononcer sur les dépenses, lesquelles devront impérativement entrer dans l'enveloppe fixée : vous ne laissez par conséquent à la représentation nationale que le pouvoir d'ordonner l'exclusion d'un nombre croissant de personnes de la prise en charge de leurs dépenses sociales ! Alors que vous prétendez renforcer les pouvoirs du Parlement, vous verrouillez le cadre de ses interventions. La représentation nationale n'aura pas d'autre choix que de voter un niveau de dépenses conforme aux recettes, et par conséquent tributaire des impératifs économiques et budgétaires européens. Par analogie avec le traité constitutionnel européen, on pourrait dire que cette loi organique « constitutionnalise » la politique de restriction de l'offre de soins menée - sans succès - depuis plus de vingt ans.

Ces choix auront de lourdes conséquences pour nos concitoyens, car, en procédant ainsi, vous ouvrez - plus encore que vous ne l'avez fait l'an dernier - un boulevard aux acteurs privés de la couverture sociale, avides de prendre leur part d'un marché au potentiel financier exceptionnel. Déjà présents dans l'institution que vous avez créée l'été dernier, ils participent aux décisions de l'UNCAM et ils ne laisseront pas passer l'occasion que vous leur offrez d'absorber les exclus solvables de notre système de couverture sociale. Je rappelle pour mémoire qu'il s'agit d'un marché potentiel de 350 milliards d'euros : on comprend mieux alors les impatiences des requins de la finance !

Présenté comme une amélioration rationnelle de la gestion de la sécurité sociale, ce projet de loi organique n'apporte ni transparence, ni efficacité ; il accentue au contraire la logique comptable, la mainmise étatique sur la sécurité sociale et finit d'installer toutes les conditions préalables à la privatisation de la protection sociale. A coup sûr, ce sont les assurés sociaux qui en feront les frais.

En l'état, nous ne pourrons donc que voter contre ce texte, en regrettant de surcroît que la commission n'ait pas fait l'effort de retenir un seul de nos amendements !

M. le Président de la commission - Encore eût-il fallu qu'il soient présentés !

M. Maxime Gremetz - Allons donc ! Dormiez-vous lorsque Mme Fraysse et moi-même les avons défendus ?

M. Jean-Pierre Door - En 1996, les lois de financement de la sécurité sociale ont fait leur apparition dans le débat parlementaire, et elles ont permis de placer le pilotage financier de la sécurité sociale au cœur du débat public. Cependant, force est d'admettre que le cadre organique des lois de financement a désormais atteint ses limites. Une nouvelle étape législative est donc devenue indispensable.

Il y a quelques mois, nous avons débattu du neuvième et dernier PLFSS examiné dans le cadre de la loi de 1996, et vous nous avez alors annoncé, Monsieur le ministre, une nouvelle loi organique, tendant à rejeter la maîtrise comptable, à inscrire le budget de la sécurité sociale dans un cadre pluriannuel, à organiser un vote par branche, à rechercher l'équilibre pour les différents régimes, à fixer des objectifs clairs et à évaluer leur réalisation.

Vous avez considéré qu'il fallait utiliser la garantie qu'offre la loi organique, conformément au principe de compensation posé dans le plan Veil de 1994. Vous n'ignorez pas, Monsieur le ministre, que nombre de parlementaires, issus de tous les bancs, sont très attachés à la compensation. Au reste, l'article 70 la loi du 13 août 2004 consacre le principe de la compensation intégrale par l'Etat des pertes de recettes subies par la sécurité sociale. Chacun comprend en effet que l'absence de compensation par le budget de l'Etat des exonérations de cotisations sociales supportées par la sécurité sociale attente à la transparence des comptes de la sécurité sociale.

Vous entendez donner plus de cohérence, de crédibilité et de sens aux lois de financement de la sécurité sociale. Il nous paraît donc éminemment responsable de soutenir l'annexe novatrice qui dresse le bilan des mesures de réduction et d'exonération des cotisations ou contributions. Avec ce texte, vous entendez également donner davantage d'efficacité aux lois de financement de la sécurité sociale, en engageant le débat parlementaire dans une logique « objectifs-résultats », et, à l'instar de la LOLF, cette motivation repose sur un document informatif annexé. Ce dernier retracera les programmes de qualité de la politique de sécurité sociale pour chacune des branches et permettra de compléter notre information sur l'état sanitaire du pays.

S'agissant de l'ONDAM, toujours voté mais jamais respecté, le rapport Coulomb de 2003 observe que ceux qui le proposent et ceux qui le votent sont décrédibilisés, tandis que les professionnels de santé deviennent sceptiques quant à la nécessité de respecter l'engagement de maîtrise. La détermination de l'objectif de dépenses selon des critères médicaux est une aspiration légitime, partagée sur tous les bancs de cet hémicycle et au-delà. Qui dit maîtrise médicalisée, dit objectif médicalisé, et le rapport Coulomb a ciblé des déterminants structurels que je rappelle brièvement : l'environnement, la croissance économique, le vieillissement de la population et le progrès technologique.

Enfin, nous nous félicitons de la création de sous-objectifs détaillés - véritable déclinaison de l'ONDAM - qui permettent de distinguer les grands postes de charges. Je gage qu'une analyse évolutive d'un ONDAM décliné permettra d'en accepter l'opposabilité en cas de variation anormale de l'un des sous-objectifs. Et je ne suis pas partisan d'une approche trop restrictive. Il me semble en effet raisonnable de retenir au moins cinq sous-objectifs, relatifs respectivement aux soins de ville, à l'hospitalisation publique, à l'hospitalisation privée, au médico-social des personnes handicapées et au médico-social des personnes âgées. L'examen par le Parlement d'une annexe relative aux sous-objectifs de l'ONDAM confirmera l'engagement résolu dans la voie tant attendue de la maîtrise médicalisée.

Reste que les facteurs structurels, le vieillissement, l'environnement, les progrès techniques, ont en commun de ne pouvoir être réactifs à court terme sur l'évolution des dépenses, et de dépendre très peu de la responsabilité des professionnels de santé. Aussi le rapport Coulomb a-t-il mis en exergue des leviers d'action, qu'a intégrés la réforme de l'assurance maladie du 13 août dernier : la coordination des soins, la responsabilité de tous les acteurs, l'évaluation des pratiques professionnelles et des prestations. Au bout de quelques mois, ces outils donnent déjà des résultats très positifs sur la maîtrise des dépenses.

Deux autres questions étaient posées. L'ONDAM doit-il avoir un caractère annuel ou pluriannuel ? Quelle opposabilité retenir ? Le projet instaure logiquement une dimension pluriannuelle, les perspectives financières étant basées sur quatre ans pour tenir compte du contexte économique. Notre collègue Yves Bur a fait à ce sujet une proposition intéressante, que nous retrouverons en examinant les amendements.

Cet ONDAM médicalisé dépendra assurément de l'étude épidémiologique, de l'analyse de la santé de la population, de l'apparition de nouveaux risques et de nouvelles techniques. D'autres annexes seront inscrites, et la révision de leur liste permettra d'améliorer l'information transmise au Parlement. Elles pourront aussi être amendées lors des futurs débats : c'est un grand progrès, que souhaitaient beaucoup d'entre nous.

Ce texte est important, car attendu depuis la loi d'août 2004. Il propose une structure plus claire, des comptes mieux établis - embrassant l'ensemble des régimes de sécurité sociale, et non plus seulement ceux qui dépassent les vingt mille cotisants - et des pouvoirs parlementaires nouveaux de contrôle et de suivi. La pluriannualité est aussi un grand progrès. Enfin le texte apporte plus de lisibilité et de sincérité. Aussi le groupe UMP le votera-t-il. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Dubernard - Nous abordons aujourd'hui la troisième grande réforme du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin concernant la protection sociale des Français. Ce projet de loi organique est au moins aussi important que la loi de 2003 sur les retraites ou la réforme de l'assurance maladie adoptée l'an dernier. Il touche à un aspect essentiel de la « gouvernance » de la sécurité sociale.

Au lendemain de la révision constitutionnelle du 22 février 1996, notre pays s'était doté d'un outil d'orientation et de contrôle permanent sur les recettes et les dépenses de la protection sociale. Le contrôle du Parlement en matière de finances sociales apparaît à la fois comme une nécessité démocratique et comme la condition d'un équilibre durable de notre système de protection sociale. A nos yeux, seuls les élus du peuple disposent de la légitimité nécessaire pour arbitrer sereinement entre les exigences de protection sociale de nos concitoyens et les contraintes économiques et financières qui s'imposent à tous.

Cette évolution n'allait pas de soi, bien que les sommes en cause soient supérieures au budget de l'Etat. Des obstacles d'ordre politique et technique s'opposaient à l'instauration d'un nouveau pilotage des finances sociales. Obstacles politiques : les partenaires sociaux pouvaient faire valoir que, malgré l'échec de la réforme introduite par les ordonnances Jeanneney de 1967, ils conservaient la compétence de veiller à l'équilibre final des différentes branches de la sécurité sociale ; on a ainsi beaucoup reproché au plan Juppé d'être le premier pas vers une étatisation du système de santé. Obstacles techniques : bien qu'elle soit en chantier depuis le début des années 1990, la comptabilité des organismes de sécurité sociale demeurait encore hétérogène et imprécise. Il paraissait difficile de demander au Parlement de se prononcer sur des agrégats comptables sujets à caution.

Avec le recul, nous pouvons affirmer que cette réforme a eu l'immense vertu de remettre le Parlement au centre des véritables choix démocratiques. Reste que le dispositif actuel présente des limites. En matière de finances sociales, le Parlement n'exerce toujours pas la mission de contrôle qui lui incombe en des démocraties mieux assurées que la nôtre. Notre système de financement reste peu lisible. A ce sujet l'audit rendu en 2002 par MM Jacques Bonnet et Philippe Nasse, magistrats à la Cour des comptes, était sans appel : « L'obscurité de cet inextricable dédale pose un problème général d'efficacité publique» et oppose « un sérieux obstacle à l'efficacité de notre système social ». « Sans doute serait-il futile et un peu naïf de croire que l'organisation de la sécurité sociale pourrait être simple », ajoutaient-ils, « mais il y a des limites au-delà desquelles l'excès de complexité de l'outil nuit aux fins qu'il sert ».

Nous avions besoin de nouvelles procédures. Le projet de loi organique, adopté par le Sénat en première lecture le 24 mars dernier, procède à de substantielles améliorations du cadre organique. Il s'agit tout d'abord de sortir le PLFSS de l'annualité dans laquelle il est enfermé. Cela implique un examen des exercices passés, mais aussi une mise en perspective de la recherche de l'équilibre qui tient compte du cycle économique dans lequel la sécurité sociale évolue. En second lieu, le texte a pour objet de consacrer le principe du vote par branche, de permettre un débat sur les différentes composantes de l'ONDAM, d'avoir une vision claire sur les moyens affectés à l'hôpital à la médecine de ville, ou au secteur médico-social, et de déterminer l'ONDAM sur la base d'une analyse des besoins de santé. En troisième lieu il élargit la portée des lois de financement grâce à l'intégration des fonds qui participent au financement de la sécurité sociale. Il s'agit enfin, dans une démarche comparable à celle qui a guidé la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, de fixer des objectifs à la politique de sécurité sociale et de permettre l'évaluation des résultats de cette politique et la certification des comptes par la Cour des Comptes.

En effet, le présent projet de loi s'inspire autant que possible des nouveautés introduites par la loi de 2001. Il introduit une démarche adaptée d'« objectifs-résultats ». Cette réforme nous permettra de répondre clairement à trois questions que se posent nos concitoyens : à quoi servent les 350 milliards d'euros consacrés à la sécurité sociale ? Quels sont les objectifs que nous fixons ? Les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des objectifs fixés ? Ces questions, Monsieur le ministre, les députés aussi se les posent et tentent d'y répondre... Le problème de la dépense sociale ne se réduit pas forcément à celui de son montant. Nous connaissons les facteurs d'alourdissement de ce dernier: vieillissement de la population, progrès médical, apparition de nouvelles pathologies... La question intéressante c'est avant tout celle de son utilité : cette dépense est-elle efficace ? Est-elle équitable ? Joue-t-elle encore pleinement son rôle dans la protection des individus et la réduction des inégalités ? Nous avons une double responsabilité à assumer face à tous les citoyens, et surtout à ceux qui ont besoin d'être protégés. Cette responsabilité est d'autant plus forte que nous faisons face à une formidable « demande de sécurité » de la part de nos concitoyens.

La République ne s'incarne pas seulement dans la solidarité ; elle implique aussi une exigence de transparence et de contrôle des pouvoirs et des fonds publics par les citoyens et leurs représentants. Les élus ne seront crédibles que s'ils restaurent la lisibilité. L'obscurité aggrave toujours les problèmes en retardant les solutions.

C'est cette évidence qui nous a conduits, à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, à lancer un Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé ; puis, deux ans plus tard, une mission d'évaluation et de contrôle chargée de l'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale, ou MECSS. C'est cette même évidence qui a inspiré nos travaux en commission sur le présent projet. Les membres de notre commission ont veillé pour l'essentiel à renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement : possibilité de prévoir le dépôt d'annexes supplémentaires, et ce dans des délais resserrés ; possibilité d'obtenir du Gouvernement des informations sur des mesures réglementaires ayant un impact financier sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses ; de meilleurs délais de réponse aux questionnaires budgétaires ; obligation de réponse aux questions d'une mission d'évaluation et de contrôle ; délais de réponse aux observations de la MECSS... Nous nous réjouissons aujourd'hui d'adopter une loi organique porteuse d'une nouvelle génération de lois de financement. Ce texte ouvre quelques grandes perspectives.

J'aimerais pour conclure rendre hommage à un grand absent, une figure du monde de la sécurité sociale disparue brutalement l'été dernier : Jean Marmot, président de chambre à la Cour des comptes et ancien secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Beaucoup d'entre nous l'ont « pratiqué » et ont profité de son expertise. Il avait eu, des années durant, la redoutable tâche de faire la vérité sur les finances de la sécurité sociale. En 1999, lors des auditions du groupe de travail sénatorial sur les lois de financement, il avait jugé prématurée toute remise en cause de la loi organique régissant les lois de finances et avait souhaité que la refonte du système mis en place en 1996 ne soit envisagée qu'après une dizaine d'années d'exercice : 1996-2006, nous aurons donc scrupuleusement respecté les préconisations de Jean Marmot. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Perrut - Après les réformes majeures relatives aux retraites, à l'assurance maladie, aux personnes handicapées et aux personnes âgées, voici un nouveau rendez-vous sur les lois de financement de la sécurité sociale. Depuis la loi organique du 22 juillet 1996, votée à l'initiative d'Alain Juppé, le Parlement est appelé chaque année à connaître de l'ensemble de la politique de sécurité sociale. J'ai personnellement mesuré le rôle de notre assemblée, lorsque j'ai été rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ; mais j'ai pu également mesurer nos limites, et je dirai même notre impuissance à nous prononcer sur des comptes peu lisibles. A la veille du soixantième anniversaire de la création de la sécurité sociale, une réforme était nécessaire. Vous avez eu le courage d'en prendre l'initiative.

Ici même, le 26 octobre dernier, je plaidais pour que soit mis à plat l'enchevêtrement actuel des flux financiers, qui résulte de la complexité des liens entre les différentes branches et les multiples structures de notre système. Une plus grande transparence est en effet indispensable. Bien commun de tous les Français, la sécurité sociale doit avoir un financement clair, compréhensible de tous. En introduction de mon rapport au projet de loi de financement de la sécurité sociale, je formulais l'an passé le souhait que celui-ci soit le dernier du genre car, tout en constituant un progrès, les lois de financement ne répondent pas suffisamment aux exigences démocratiques. Nous pourrons à l'avenir avoir un débat politique sur les orientations de la politique et leur mise en œuvre, une vision claire des comptes et une vision prospective de l'équilibre de la sécurité sociale. Le débat au Parlement devra être l'occasion de véritables choix.

Jusqu'à présent, le vote de l'ONDAM n'avait pas grand sens, notamment parce que son champ ne coïncidait pas avec celui de la branche maladie. Voter des recettes et des dépenses afférentes à des périmètres différents était, il faut bien l'avouer, quelque peu surréaliste. Il sera désormais possible, grâce à l'introduction de sous-objectifs, de savoir quels moyens seront respectivement affectés à la médecine de ville et à l'hôpital par exemple. Les besoins seront précisément évalués, alors que l'on se contentait trop souvent de reconduire les moyens d'une année sur l'autre. Le comité d'alerte, mis en place lors de la réforme de l'été dernier, doit désormais intervenir en cas de dépassement de l'ONDAM, ce qui permettra d'en restaurer la crédibilité, alors que jusqu'à présent son non-respect était sans conséquences. Face à des déficits qui paraissaient inéluctables, le Gouvernement a su réagir, et les premiers résultats communiqués le 6 avril dernier sont meilleurs que les prévisions faites par la commission des comptes en septembre dernier. On ne peut que s'en féliciter.

La mission de contrôle du Parlement doit être renforcée. Notre commission des affaires sociales avait déjà adopté des amendements en ce sens lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. La MECSS, mise en place dans le cadre de la réforme de l'été dernier, coprésidée par la majorité et l'opposition, est devenue un outil indispensable. Je tiens à saluer la qualité de ses travaux.

La nouvelle architecture proposée garantit clarté et efficacité : une première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera exclusivement consacrée aux recettes, une seconde aux dépenses. Les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale ont veillé à ce que soient clairement distingués le règlement du budget de l'année passée, sa rectification, et les recettes et les dépenses de l'année suivante. Le vote des recettes par branche permettra au Parlement de débattre du solde des différents régimes et de voter les différents tableaux d'équilibre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est toutefois pas et ne saurait être une loi de finances de la sécurité sociale, ne comportant que des données chiffrées.

Il est normal que le Gouvernement informe en cours d'année les commissions des deux assemblées de l'incidence des mesures réglementaires susceptibles de modifier substantiellement l'équilibre des recettes et des dépenses. Il est normal aussi qu'il informe la représentation nationale deux fois par an du montant de la dette courante de l'Etat, lequel doit être responsabilisé au même titre que les professionnels de santé et les assurés sociaux.

La multiplication des fonds et les financements croisés sont une source de complexité supplémentaire. La situation de certains de ces fonds est préoccupante. Ainsi le Fonds de solidarité vieillesse cumule-t-il un déficit de 5,6 milliards d'euros et ses perspectives ne sont pas bonnes. Pour autant, son conseil de surveillance n'est jamais réuni. Le déficit du BAPSA, désormais intégré dans le FFIPSA, est lui aussi préoccupant. A cet égard, je me félicite de l'installation le 12 mai prochain, par le ministre de l'agriculture, du comité de surveillance de l'établissement de gestion du FFIPSA. Les deux assemblées seront destinataires de son rapport annuel. Pour ce qui est de la CNSA, placée sous le contrôle du Parlement et de la Cour des comptes, elle ne sera pas un simple fonds de financement mais une véritable caisse de protection sociale, dotée de neuf milliards d'euros pour la période 2004-2008. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

La transparence est désormais en marche. Nous avons assez regretté ici que la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale ne permette pas d'aborder les vraies questions, pour nous en féliciter. Est-il logique de maintenir le produit des taxes sur le tabac et l'alcool dans le budget de l'Etat alors qu'il serait si profitable à celui de la sécurité sociale ? Le cadrage pluriannuel des prévisions financières constitue une autre avancée. Il était assez stérile de ne pas se prononcer au-delà de l'horizon d'un an. Le projet de loi organique répond aux attentes du monde de la santé en fixant désormais un horizon de quatre ans, qui devrait faciliter la maîtrise médicalisée des dépenses. La certification des comptes du régime général et le contrôle des différents tableaux par la Cour des comptes vont également dans le bon sens. Le fait d'indiquer pour chaque objectif les moyens mis en œuvre pour sa réalisation permettra aussi davantage de clarté et de transparence.

Toutes ces dispositions ne visent pas à instituer une maîtrise comptable des dépenses de santé, mais à nous doter d'outils efficaces afin de mieux piloter notre système de santé. Plutôt que de choisir la facilité, le Gouvernement a préféré la responsabilité.

S'agissant de la dette, je partage tout à fait l'idée selon laquelle la CADES ne doit pas être la « banque » de notre système de santé et que, même si sa durée de vie a été prolongée jusqu'en 2014, elle ne doit pas s'institutionnaliser durablement. Il serait d'ailleurs nécessaire de connaître précisément le solde de ses comptes et que le Parlement puisse se prononcer sur l'ensemble des comptes sociaux. Ce contrôle a posteriori du Parlement est indispensable.

De même, pour clarifier les rapports financiers entre l'Etat et la sécurité sociale, il conviendrait que la loi organique prévoie la compensation des exonérations de charges sociales, conformément d'ailleurs aux dispositions de la loi de 1994 et comme M. Douste-Blazy s'y était engagé. Le débat sur la réforme des cotisations patronales demeure, pour sa part, d'actualité, mais n'a pas permis de parvenir à un consensus. Quoi qu'il en soit, le retour de la croissance ne suffira pas à lui seul à endiguer le déficit structurel de la sécurité sociale.

Ce projet de loi organique est particulièrement ambitieux. L'histoire dira que ce furent deux gouvernements de droite, celui d'Alain Juppé en 1996 et celui de Jean-Pierre Raffarin en 2005, qui auront permis de mettre un terme à la dégradation des comptes sociaux... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) ou du moins de prendre les mesures nécessaires pour y parvenir. L'ensemble des branches va pouvoir aujourd'hui osciller autour de l'équilibre (Mêmes mouvements)... alors que sous le gouvernement précédent, une partie des recettes de la sécurité sociale allait alimenter le FOREC pour financer les 35 heures, ce qui assurément ne contribuait pas à la clarté des comptes !

Je souhaiterais que nous puissions répondre clairement et précisément à nos concitoyens qui nous demandent à quoi servent les 350 milliards d'euros de la sécurité sociale. Cela est d'ailleurs indispensable pour les responsabiliser. L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose d'ailleurs que tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par le biais de leurs représentants, la nécessité de la contribution publique.

Je souhaite que ce projet de loi organique, qui permettra au Parlement de travailler dans de meilleures conditions et plus efficacement, puisse être adopté dans la sérénité. Ayons à cœur de rendre concrets les principes d'humanité, de liberté et de solidarité. S'ils ont inspiré la politique de notre majorité en matière de santé, ayons à cœur qu'ils inspirent toujours notre assemblée dans le futur. Ce projet de loi y contribuera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Secrétaire d'Etat - Je salue le travail de la commission des lois et de M. Warsmann en particulier dont l'implication personnelle fut exemplaire dans l'élaboration d'un texte qui conditionne l'avenir de notre protection sociale. Les perspectives de l'équilibre des comptes seront en effet appréciées dans un cadre pluriannuel et le Gouvernement espère bénéficier de toute la réflexion du Parlement. Sans doute la présentation du texte peut-elle être améliorée, notamment par une structuration plus claire, en quatre parties, distinguant les dispositions relatives à l'exercice clos, celles régissant les mesures concernant l'exercice en cours, celles relatives aux recettes ainsi que les tableaux d'équilibre de l'exercice à venir et, enfin, celles relatives aux objectifs de dépenses. De même, les conséquences de l'exercice clos peuvent être plus clairement tirées, notamment en prévoyant que les modalités de couverture des déficits ou d'affectation des excédents soient explicitement précisées.

M. le Rapporteur - Très bien.

M. le Secrétaire d'Etat - Concernant l'exercice à venir, le projet présente une avancée importante puisque le Parlement se prononcera sur des sous-objectifs, même si le dispositif peut là encore être amélioré. La transparence des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale peut être également renforcée.

M. le Rapporteur - Très bien.

M. le Secrétaire d'Etat - Après des années de « détournement » ou de « kidnapping » des recettes de sécurité sociale, notamment entre 1997 et 2002...

M. Gérard Bapt - Que penser de la loi Borloo !

M. le Secrétaire d'Etat - ...le Gouvernement est revenu au principe de la compensation, et cette transparence peut être élargie aux dettes et aux créances.

M. Bur a évoqué trois grands objectifs, que nous partageons : une sincérité accrue, une amélioration des conditions dans lesquelles s'exerce le contrôle du Parlement, une meilleure articulation entre les PLF et les PLFSS. Le Gouvernement souhaite en effet améliorer la transparence des recettes et des charges de la sécurité sociale, intégrer dans les PLFSS l'ensemble des sources de financement et permettre au Parlement d'exercer son contrôle sur les conditions dans lesquelles les exonérations de charges sont compensées.

M. Michel Bouvard - Excellent !

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Bardet, l'analogie entre la loi de finances et la loi de financement ne peut être totale en raisons de différences irréductibles entre les crédits limitatifs de l'Etat et les crédits évaluatifs de la sécurité sociale. Il convient de s'inspirer des progrès introduits par la LOLF afin de les adapter aux lois de financement, le Parlement pouvant ainsi se prononcer sur des soldes à travers des tableaux d'équilibre rapprochant les recettes et les dépenses. La sincérité de la loi de financement et des comptes des organismes sera également renforcée grâce à la certification par la Cour des comptes. La démarche objectifs-résultats sera par ailleurs introduite avec les PQE. Vous avez également évoqué d'autres pistes qui clarifieront le projet, notamment en prévoyant une structuration en quatre parties. Nous y reviendrons sans doute dans le débat tout comme sur le renforcement de la transparence ou l'élévation du principe de compensation dont nous tenons à ce qu'il soit respecté, même si des contraintes juridiques ne nous ont pas permis d'aller aussi loin que l'auraient souhaité certains parlementaires.

M. Terrasse a évoqué le vote de la loi organique de 1996 qui avait, selon lui, ouvert de grands espoirs vite déçus. Je lui laisse la responsabilité de ses propos, qui relèvent sans doute du droit ou du devoir d'inventaire (Sourires).

M. Michel Bouvard - C'est une véritable repentance !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Terrasse a parlé d'une logique de moyens, mais nous nous situons également dans une logique de résultats.

M. Préel, et je l'en remercie, a souligné les progrès induits par ce texte : vote d'un solde, intégration des fonds, perspectives pluriannuelles. La non-élévation de la compensation au rang organique est due, elle, à une contrainte juridique. Il a estimé que l'ONDAM était « opaque et surréaliste », faisant sans doute allusion à des pratiques passées, puisque aujourd'hui, nous sommes au contraire en mesure d'élaborer un ONDAM crédible et réaliste. Je sais qu'il est fort attaché à la régionalisation et souhaite même aller jusqu'à la fongibilité entre les enveloppes régionalisés, ce qui n'est pas possible dans l'immédiat, tant les acteurs sont multiples. En revanche, le décloisonnement devra être encouragé. En outre, je rappelle que les missions régionales de santé sont en place et que certaines ont commencé leurs travaux. Enfin, les partenaires sociaux négocient en ce moment même autour de la gouvernance de la branche ATMP.

Je n'ai pas bien compris d'où M. Gremetz a tiré le chiffre de deux milliards d'euros de remboursements en moins : c'est le déficit du régime général qui a baissé de deux milliards en passant de 14 à 12 milliards. La situation de la branche maladie, elle, s'est améliorée de 1,6 milliard, essentiellement grâce à une moindre progression des dépenses : je le répète, notre réforme n'implique aucun déremboursement. M. Gremetz sait également que la réduction des gaspillages ou des fraudes n'entraîne pas la pénalisation des assurés sociaux, bien au contraire.

Concernant les urgences, non seulement aucun service n'a été fermé mais nous avons consacré à ce secteur 150 millions en 2004 ce qui a permis la création de 2740 postes. Le volet 2005 du plan a, quant à lui, été abondé de 15 millions. La progression de l'ONDAM hospitalier nous permettra d'accorder 1,8 milliard d'euros supplémentaires à la fin de 2005 par rapport à 2004.

Oui, nous renforçons le rôle du Parlement, et l'étatisation relève plus du fantasme que de la réalité. Avec deux réformes importantes, sur les retraites et l'assurance maladie, nous avons sauvegardé le système de sécurité sociale à la française : vous en aviez rêvé, Monsieur Gremetz, et nous l'avons fait (Sourires).

M. Door a souligné les avancées de ce projet, et en particulier concernant la transparence en matière de compensation. L'ONDAM sera élaboré de manière plus réaliste et décliné en plusieurs sous-objectifs. M. Door souhaite que cette déclinaison soit fine et qu'un nombre minimum de sous-objectifs soit fixé tout en évitant de complexifier le projet : nous aurons sans doute un débat intéressant mais soyez d'ores et déjà assuré que le Gouvernement souhaite également que le Parlement bénéficie d'une vision plus détaillée de l'ONDAM.

M. Dubernard a salué ce projet comme le troisième pilier de la profonde réforme de la sécurité sociale entreprise par le Gouvernement. Le PLFSS ne sera plus annuel, afin d'assurer un vote plus précis par branche et son champ est élargi au fonds de financement. J'ai été sensible aux propos que vous avez tenus sur notre double responsabilité, devant tous les citoyens qui contribuent au financement de la sécurité sociale, mais aussi - et d'abord - devant tous ceux qui ont besoin des prestations : n'oublions pas la finalité de la protection sociale. Il faut donc allier au devoir de solidarité l'impératif de transparence : c'est ce que permettra ce projet de loi organique.

Vous avez évoqué le souvenir de Jean Marmot, qui avait estimé qu'après dix ans il faudrait réformer la loi organique de 1996. Fidèles à son intuition, nous exauçons son vœu.

Si vous avez pu craindre dans le passé un bricolage de l'ONDAM, Monsieur Perrut, soyez rassuré : demain, il sera plus réaliste et un Parlement mieux informé se prononcera en toute connaissance de cause sur des éléments plus précis.

Vous avez rappelé que la logique du Gouvernement, c'est la maîtrise médicalisée, qui commence à porter ses fruits. La transparence nous permettra de réconcilier nos concitoyens avec la vision d'un Parlement qui peut valablement délibérer sur un sujet essentiel, concernant 62 millions de Français et l'avenir de leur système de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, mercredi 4 mai, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 4 MAI 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat (n° 2216), relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

Rapport (n° 2246) de M. Jean-Luc WARSMANN, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Avis (n° 2244) de M. Jean BARDET, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 2245) de M. Yves BUR, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.(1)

2.  Suite de l'ordre du jour de la première séance.

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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