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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 88ème jour de séance, 214ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 10 MAI 2005

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

        PROTECTION DES LOCATAIRES VICTIMES
        DE VENTES À LA DÉCOUPE 2

        FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROTECTION DES LOCATAIRES VICTIMES DE VENTE À LA DÉCOUPE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues renforçant la protection des locataires victimes de ventes à la découpe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois - Cette proposition de loi, rédigée sous la direction de Patrick Bloche, est le fruit de la réflexion collective du groupe socialiste et de rencontres avec les organisations représentant les locataires. La vente à la découpe est la manifestation d'une crise du logement plus large, qui touche désormais, outre les plus modestes, les classes moyennes : 3 millions de nos concitoyens sont mal logés, mais tous les Français sont touchés par la hausse vertigineuse des prix à la location comme à l'acquisition. Depuis plusieurs mois, les nombreux cas relatés dans la presse de résistance de locataires à la vente à la découpe de leurs immeubles révèlent l'ampleur du phénomène et la gravité de la situation des locataires.

Selon les termes de l'accord collectif du 9 juin 1998, la vente à la découpe se définit par la mise en vente, par le bailleur, de plus de dix logements dans un même immeuble. Ces opérations sont effectuées dans le seul but de réaliser d'énormes plus-values.

L'accord collectif du 9 juin 1998, étendu par le décret du 23 juillet 1999, se révèle insuffisant devant la recrudescence des ventes à la découpe - en augmentation de 50% à Paris depuis 2001. Aussi, l'objet de cette proposition de loi est d'offrir des garanties efficaces contre les dérives des ventes à la découpe.

De manière presque systématique, la vente par appartements s'accompagne d'un congé donné aux locataires afin de valoriser le bien vendu. Les premières victimes des ventes à la découpe sont donc naturellement les locataires placés devant un choix délicat : acheter l'appartement qu'ils occupent ou le quitter à l'issue du bail.

Or, dans une période de hausse des prix de l'immobilier alimentée du reste par les ventes à la découpe, les locataires sont pour la plupart incapables d'acheter l'appartement qu'ils habitent. Leur projet de vie s'en trouve alors bouleversé : les familles, les enfants, les personnes âgées doivent reconstituer leur cadre de vie et de relations et, dans les cas les plus graves, l'éloignement du nouveau logement peut compromettre l'emploi. Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que les locataires luttent pour faire valoir leurs droits.

Les locataires qui veulent racheter leur logement peuvent également s'exposer à de graves difficultés. Dans une conjoncture de pénurie de logements, le prix de vente est toujours très élevé malgré le bénéfice théorique d'une décote au profit du locataire, et l'âge ou l'état de santé peuvent bloquer l'obtention d'un prêt. Par ailleurs, le locataire prend difficilement la mesure du coût des charges de copropriété, plus élevées que les simples charges locatives, qui peuvent inclure des dépenses obligatoires telles que la mise aux normes des ascenseurs, la suppression des canalisations en plomb et l'obligation de ravalement.

La gravité des problèmes posés à chacun des locataires « découpés » justifie l'intervention de la puissance publique. Au demeurant, celle-ci doit combattre les dérives spéculatives des ventes à la découpe car elles sont contraires à l'intérêt collectif en ce qu'elles menacent l'équilibre du marché immobilier et la mixité sociale de nos villes.

L'équilibre du marché locatif, déjà fragilisé par la pénurie de logements, est bouleversé par les ventes à la découpe réalisées par les marchands de biens et les fonds d'investissement internationaux qui sont intéressés, non par la fonction locative des immeubles, mais par leur seule valeur patrimoniale. Le parc locatif devient un simple « actif circulant » au même titre qu'une valeur boursière et les « découpeurs » se comportent en véritables golden boys de l'immobilier. Cette formidable partie de Monopoly ne se joue pas seulement sur les célèbres avenues parisiennes. A Paris, le XIXe a été l'arrondissement le plus touché en 2004 et l'agglomération francilienne est aujourd'hui touchée. Dans une commune du Val-de-Marne, 220 sur 950 logements construits dans la première ZAC de rénovation du centre-ville, ont fait l'objet d'une revente à la découpe.

Enfin, en réduisant le parc locatif privé, ce phénomène accentue la tension sur le marché locatif social et la liste des demandeurs de logements sociaux s'en trouve allongée.

La puissance publique devrait d'autant moins admettre cette spéculation qu'elle nuit également à la mixité sociale. Le locataire, se trouvant dans l'impossibilité d'acheter l'appartement, doit se reloger. Or l'évolution actuelle du niveau des loyers l'oblige souvent à changer de quartier, et même de commune. Les locataires du parc des investisseurs institutionnels sont particulièrement touchés car le montant des loyers pratiqués, souvent inférieur au prix du marché, permettait le maintien d'habitants aux revenus plus modestes que la moyenne de ceux du quartier concerné. Rien ne saurait légitimer que les efforts entrepris par les pouvoirs publics depuis des années pour promouvoir la mixité sociale soient tenus en échec pour satisfaire la spéculation financière.

Avec l'explosion du cours de l'immobilier et l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de la vente à la découpe, les protections offertes aux locataires sont devenues largement inopérantes. Il suffit en effet aux bailleurs des secteurs II et III de revendre un appartement occupé à un intermédiaire pour que celui-ci ne soit plus tenu par les mêmes obligations.

Les dispositions en vigueur se révèlent donc limitées. De surcroît, l'amendement du sénateur Marini a eu un effet incitatif pour les spéculateurs et désastreux pour les locataires. Lors des débats sur la loi de cohésion sociale, l'Assemblée a rejeté l'amendement du groupe socialiste permettant une décote sur le prix de vente au profit du locataire. Enfin, l'accord du 16 mars 2005, simple toilettage du précédent, n'offrait aucune garantie sérieuse. Il a donc été refusé par une majorité d'associations représentatives de locataires. Ne leur imputons pas la responsabilité d'un échec. La solution législative s'impose. Quant à la proposition de loi de Mme Aurillac, son intérêt demeure limité puisqu'elle ne concerne que les locataires désireux d'acheter.

Au contraire, le présent projet tend à apporter une solution globale aux différents problèmes provoqués par les ventes à la découpe, en premier lieu à ceux qui se posent aux locataires.

Contrairement à la proposition de Mme Aurillac, celle du groupe socialiste tend à protéger aussi les locataires qui ne peuvent pas racheter leur logement. A cette fin, elle garantit le maintien dans les lieux en limitant - sans l'interdire - le droit d'exercice du congé pour vente.

L'article premier instaure des obligations de renouvellement du contrat de bail pour les locataires les plus fragiles ; il garantit en outre un délai de trois ans à tout locataire dont le logement fait l'objet d'une vente par lots de plus de dix appartements. L'article 5 incite fiscalement l'acquéreur d'un logement vendu à la découpe à ne pas utiliser le droit de congé dont il dispose pendant six ans. L'article 6 interdit la transmission du congé pour vente déclenché par le vendeur au profit de l'acheteur. L'article 7 garantit au locataire le maintien d'un bail de six ans une fois l'appartement acquis par une personne physique. Enfin, les articles 13 et 14 étendent le champ de validité des accords collectifs de location.

Une seconde série de mesures permet aux locataires d'accéder à la propriété dans de bonnes conditions. Les articles 2 et 3 allongent les délais d'exercice du droit de préemption qui doivent permettre au locataire de se décider après avoir examiné toutes les possibilités financières permettant l'acquisition. L'article 4 instaure l'obligation pour certains bailleurs de faire précéder l'offre de vente d'un audit contradictoire. Il met également à la charge du bailleur les dépenses de travaux de mise aux normes et de sécurité. Enfin, l'article 8 prévoit une décote lorsqu'un appartement vendu par un bailleur des secteurs locatifs II ou III est acquis par le locataire. Celle-ci est au minimum de 10% du prix de l'appartement vendu libre d'occupation, auxquels s'ajoutent 2% par année d'occupation dans le limite de 30% du prix du bien.

Notre proposition vise également à relever les défis lancés à la puissance publique. Plusieurs dispositions tendent ainsi à protéger l'équilibre du marché immobilier en encadrant ses tendances spéculatives. A cette fin, un statut juridique de la profession de marchand de biens est pour la première fois établi : l'article 9 qualifie de marchand de biens toute personne pratiquant l'achat de biens immobiliers affectés à l'habitation en vue de leur revente dans un délai de moins de six ans, dès lors que la personne pratique plus de deux reventes par an. L'article 10 renvoie à un décret en Conseil d'Etat les règles encadrant l'exercice de cette profession dans le domaine du logement ; il prévoit également la sanction du non-respect de certaines obligations. Sur cette base, il serait désormais possible de construire un véritable code de conduite : ainsi l'article 11 supprime le droit de recourir au congé pour vente dont disposent les marchands de biens. Ceux-ci n'exerçant pas leur activité en vue de remplir la fonction de bailleur, il est normal de ne pas leur accorder les mêmes droits qu'aux « propriétaires bailleurs ». Ils retrouvent cependant l'usage de ce droit dès lors qu'ils agissent avec les locataires comme des bailleurs. Enfin, l'article 12 réduit de deux à un an le délai de revente ouvrant à un marchand de biens le bénéfice de l'exonération des droits de mutation lorsque celui-ci procède à une vente par lots. Toutefois, des cas dérogatoires sont prévus : lorsque le marchand de biens s'engage à vendre sans utiliser le congé pour vente, il bénéficie du délai originel de quatre ans ; lorsque la vente est faite par un organisme à vocation sociale ayant pour but le redressement des copropriétés en difficulté, le délai est porté à six ans.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. le Rapporteur - Je termine.

D'autres mesures donnent par ailleurs aux maires les moyens de protéger la mixité sociale des villes. En vertu de l'article 17, un bailleur des secteurs II ou III qui procède à une vente par lots d'un ensemble de plus de dix logements avec utilisation du congé pour vente doit en informer le maire et les locataires trois mois à l'avance. Si un tiers de l'ensemble des locataires concernés le décident, ils peuvent demander au maire une enquête d'utilité publique.

La commission, dont je remercie les administrateurs, a décidé de ne pas examiner les articles de ce texte, ce que je regrette profondément étant donné la gravité de la situation. Je vous propose néanmoins, chers collègues, de vous saisir effectivement de cette proposition afin de répondre aux légitimes exigences de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Monsieur le rapporteur, vous avez pratiquement doublé votre temps de parole. J'invite les orateurs suivants à respecter le leur.

Mme Annick Lepetit - Notre proposition tend à mieux protéger les locataires victimes de vente à la découpe, phénomène qui s'amplifie depuis un an, bouleversant ainsi l'équilibre urbain, et le Gouvernement reste inactif alors qu'il conviendrait d'apporter des solutions efficaces.

Des immeubles entiers sont achetés le plus souvent par des marchands de biens puis revendus appartement par appartement dans le but de réaliser d'énormes plus-values. Les locataires, dont certains se sont baptisés les « découpés », sont inquiets et révoltés. Apprenant la vente de leur appartement, ils doivent décider, en deux mois, s'ils s'en portent ou non acquéreur et se trouvent face à une alternative brutale : acheter - souvent pour un montant prohibitif - ou partir dès l'expiration du bail. Ils décident souvent de partir car, majoritairement issus des classes moyennes et populaires, ils ne sont pas tous assujettis à l'ISF comme je l'ai entendu dire.

Deux cas de figure se présentent. Ceux qui ne peuvent pas acheter, et c'est le plus grand nombre, sont contraints de chercher précipitamment un nouveau logement et beaucoup sont alors obligés de quitter leur quartier ou leur ville compte tenu de la pénurie de logements locatifs et de la cherté des loyers. Ceux qui achètent - à peine 30% des locataires - ont eu deux mois au maximum pour se décider, ce qui est très court, en particulier pour constituer un dossier de prêt bancaire. Les futurs propriétaires doivent payer le prix fort et s'endetter pendant de longues années.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Mais ils ont la chance de pouvoir devenir propriétaire.

Mme Annick Lepetit - En outre, nombre d'entre eux ne prennent pas en compte dans leur calcul financier les charges de copropriété incompressibles dont ils devront s'acquitter, par exemple pour la mise aux normes des ascenseurs ou la suppression des canalisations en plomb. Non seulement le risque est grand de voir se dégrader de plus en plus de copropriétés mais ce type de ventes accentue les dérives actuelles du marché de l'immobilier locatif, nuit à la mixité sociale et méconnaît le droit au logement.

A Paris, en 2003 et en 2004 les ventes à la découpe ont représenté 15% des transactions. D'autres villes sont également touchées comme Marseille, Strasbourg, Lille ou Montreuil.

M. Bernard Debré - C'est aussi le cas de Lyon.

Mme Annick Lepetit - En effet.

Le Gouvernement a les moyens d'agir. Dès octobre dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances, les députés socialistes ont pris leurs responsabilités en défendant plusieurs amendements propres à freiner cette spéculation. Tous, à l'exception d'un seul, ont été rejetés par le Gouvernement. Celui qui a été adopté à l'unanimité réduit les avantages fiscaux dont bénéficient les marchands de biens en ramenant de quatre à deux ans le délai pendant lequel ils sont exonérés des droits de mutation. En décembre, lors de l'examen du projet de loi dit de cohésion sociale, deux amendements à peu près identiques instituant une décote au profit des locataires se portant acquéreur de leur logement ont été déposés, l'un par un député de l'opposition, l'autre par un député de la majorité. En séance publique, l'amendement UMP a été retiré avec la bénédiction des ministres Borloo et Daubresse. Ce dernier, pour se justifier, a déclaré qu'il avait « pour objectif de présenter au conseil des ministres le projet de loi Habitat pour tous début février - soit dans un délai raisonnable - et qu'il voulait laisser les associations de locataires et les bailleurs s'exprimer dans le cadre de la commission nationale de concertation, tout en recherchant des pistes d'action à partir des propositions des parlementaires. Si un chemin est trouvé - poursuit-il - je promets de m'y engager dans le cadre du projet de loi Habitat pour tous ». Plus de six mois après, le bilan est nul !

La virtuelle loi Habitat pour tous, que le ministre de Robien nous avait déjà fait miroiter, n'a toujours pas été présentée en conseil des ministres. Quant à la fameuse concertation entre bailleurs et locataires, elle se solde par un échec. L'accord au rabais qui a été conclu n'a pas été signé par la majorité des associations, ce qui le rend inapplicable. Le ministre a donc perdu beaucoup de temps en imposant une concertation alors que la plupart des associations de locataires réclament une loi depuis le mois d'octobre. Pendant ce temps - et il ne serait pas inutile de le rappeler au président Clément -, les spéculateurs continuent de prospérer.

D'autres épisodes illustrent la remarquable inaction du Gouvernement. Deux exemples seulement : d'abord le cadeau fiscal à l'initiative du sénateur UMP Marini, dont l'amendement - adopté en novembre 2002 - allège opportunément la fiscalité des sociétés foncières. Sans doute n'est-il pas neutre dans l'expansion des ventes à la découpe. Une information judiciaire étant ouverte à ce sujet, je n'en dirai pas plus.

Ensuite, l'attitude du ministre chargé du logement, lorsque Patrick Bloche, Tony Dreyfus et moi-même l'avons interrogé lors des séances de questions. A trois reprises, ses réponses furent infondées, mensongères et méprisantes. A Patrick Bloche, le 26 janvier dernier, M. Daubresse répond : « Si les propositions avancées ne sont pas suffisantes, je vous indique d'ores et déjà que le Gouvernement a élaboré un dispositif et qu'il prévoit d'aller plus loin, par voie réglementaire et législative, pour protéger les locataires (...). Sachez que je vous associerai, ainsi que les autres parlementaires parisiens, à la mise en place de ce dispositif, qui sera annoncé dans la première semaine de février. » A Tony Dreyfus, le 5 avril, le ministre délégué réplique : « Nous avons établi un accord contractuel. Il peut être étendu par un décret, notamment aux marchands de biens. Je comprends qu'on puisse ne pas signer un accord. Mais ceux qui s'y opposeront choisiront la politique du pire, car on ne pourra pas l'étendre aux marchands de biens alors même que cette extension est nécessaire. »

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Je persiste et signe. En quoi ce propos serait-il mensonger ?

Mme Annick Lepetit - A moi-même enfin, le 23 mars, vous avez rétorqué : « Pour ma part, j'ai dit ce que je ferai et je fais ce que j'ai dit. La réunion de la commission nationale de concertation entre les locataires et les propriétaires a débouché la semaine dernière sur la signature d'un accord visant à protéger les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, ainsi que les catégories intermédiaires (...). Cet accord étant conclu, nous signerons le décret dès la semaine prochaine. La loi Habitat pour tous comportera également des dispositions tendant à lutter contre les abus et la spéculation. »

Monsieur le ministre, le décret dont vous parlez ne peut pas être publié et vous le savez bien !

M. le Ministre délégué - Je l'ignorais au moment où je vous ai répondu !

Mme Annick Lepetit - Seule une loi peut endiguer la spéculation immobilière provoquée par les ventes à la découpe.

M. le Ministre délégué - La faute à qui ? Demandez-le à vos amis !

Mme Annick Lepetit - Du reste, une large majorité de députés, bien au-delà des rangs de la gauche, s'accorde sur ce point. Pascal Clément, président de notre commission des lois, n'a-t-il pas déclaré mercredi dernier, en commission, après avoir entendu les arguments de notre rapporteur, qu'il était acquis à l'idée de légiférer ? Les Français attendent une décision législative.

M. le Ministre délégué - Moi aussi !

Mme Annick Lepetit - Depuis, le groupe UMP a découvert la proposition de loi de Martine Aurillac (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et décidé de l'examiner le 16 juin prochain. D'autres parlementaires - en l'occurrence des sénateurs communistes - ont aussi déposé une proposition de loi. Si une telle convergence de vues se dégage, c'est bien parce que les premiers concernés - les locataires et les associations les représentant, souvent soutenus par leurs maires - demandent une loi pour les protéger depuis plusieurs mois.

Jugeant que la voie législative est effectivement le seul outil à même d'endiguer les ventes à la découpe, le groupe socialiste a élaboré une proposition de loi pour mieux informer et protéger les locataires, réglementer l'activité des marchands de biens et organiser le rôle des maires. Le Gouvernement ayant refusé de l'inscrire à l'ordre du jour prioritaire, nous avons décidé d'en débattre dans l'une de nos deux niches parlementaires du mois de mai. Ainsi, notre proposition de loi est la première à être débattue dans cet hémicycle.

Mieux informer et mieux protéger les locataires, c'est bien sûr leur offrir davantage de droits, en les sensibilisant aux pratiques et en leur présentant les règles qui permettent de se défendre. Encadrer les activités des marchands de biens dès lors qu'elles sont uniquement spéculatives, c'est proposer un statut juridique de la profession et élaborer une déontologie adaptée. C'est en agissant sur tous les acteurs - locataires, bailleurs et spéculateurs - que nous mettrons un terme à une pratique qui aggrave la crise du logement.

S'agissant des locataires, notre objectif est de leur garantir la possibilité de demeurer dans les lieux pour un temps compatible avec leur situation, ou de créer les conditions leur permettant d'acquérir leur logement. Pour les locataires qui ne rachètent pas leur logement, nous augmentons la durée de maintien dans les lieux quel que soit le bailleur. Ainsi, nous proposons que, dans tous les cas, un locataire concerné par une vente à la découpe soit assuré de conserver son logement pendant une durée minimale de trois ans, pour lui permettre de rechercher dans des conditions plus favorables une autre solution de logement. Quant aux personnes particulièrement fragiles, elles doivent être assurées de conserver leur logement. Nous prévoyons également diverses dispositions tendant à restreindre le droit d'exercice du congé pour vente. Enfin, notre proposition de loi sera applicable à toute opération de vente à la découpe en cours.

Tel est le contenu de nos propositions pour juguler les ventes à la découpe. Équilibrées, elles concernent à la fois les locataires, les bailleurs, les marchands de bien et les collectivités locales. Je regrette par conséquent que la commission des lois ait donné un avis défavorable à l'examen des articles de notre proposition de loi. Alors que l'urgence est patente, vous avez choisi d'attendre encore, afin que ce soit une proposition de loi UMP - au reste sensiblement plus restrictive - qui soit examinée. Il aura donc fallu plusieurs mois pour convaincre les députés UMP de la nécessité de légiférer. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, il faut vous convaincre de la nécessité d'une loi protectrice de tous les locataires, et pas seulement de ceux qui ont les moyens d'acheter ! Il est urgent d'agir, car trop de temps a déjà été perdu.

Aussi, je vous demande solennellement, au nom du groupe socialiste, de limiter dès aujourd'hui ces spéculations immobilières aux terribles conséquences en votant notre proposition de loi. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Martine Billard - Très bien !

M. Bernard Debré - La proposition de loi que présente le groupe socialiste dit vouloir renforcer la protection des locataires victimes de ventes à la découpe. Je souhaite cependant rappeler que Mme Martine Aurillac a déposé une proposition de loi sur le même objet bien avant M. Ayrault,...

M. Christophe Caresche - Allons, quinze jours avant tout au plus, et elle a été enterrée !

M. Bernard Debré - ...le 9 février 2005, et qu'il a alors été convenu que le Gouvernement poursuivrait la concertation engagée avec les locataires et les bailleurs avant qu'il en soit débattu au Parlement...

M. Patrick Bloche - L'UMP s'est trouvée un nouvel avocat ! (Sourires)

M. Bernard Debré - Il faut donc travailler sereinement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Certes, la concertation n'a pas abouti, car les bailleurs demandent que la question soit réglée par la voie législative plutôt que par décret. Mais la majorité n'est pas restée inerte : s'agissant de la proposition Aurillac, un rapporteur a été nommé, le texte viendra en discussion le mois prochain, et l'urgence, évoquée par certains, ne doit pas conduire à faire n'importe quoi...

M. Christophe Masse - C'est la situation des locataires qui devient urgente !

M. Bernard Debré - Au reste, la question ne préoccupe pas nos collègues de l'opposition depuis si longtemps ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

Si le problème des ventes à la découpe mérite toute notre attention, la proposition de loi du groupe socialiste n'est pas recevable, en ce qu'elle attente de manière inacceptable au droit de propriété, pourtant inscrit dans notre Constitution. Conjuguant démagogie et excès, elle risquerait de bloquer la situation plutôt que de la résoudre.

Un bref rappel des faits : une société française a vendu en bloc un certain nombre d'appartements à un intermédiaire, lequel a décidé de vendre à la découpe en réalisant une plus-value qui semble disproportionnée par rapport au prix de vente initial. En outre, une ambiguïté a pu naître, du fait de l'adoption simultanée de l'amendement Marini - peut-être du reste justifié sur le fond. La concordance des deux événements a pu choquer et l'affaire fait d'ailleurs l'objet d'une procédure judiciaire ; il ne nous appartient donc pas d'en débattre : la justice tranchera.

Il reste que l'idée même de vendre à la découpe peut déstabiliser un grand nombre de locataires et pose - à Paris et à Lyon en particulier - un véritable problème social. Rappelons cependant que les ventes à la découpe ne sont pas récentes et qu'elles n'ont jamais été aussi nombreuses que du temps des gouvernements socialistes... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christophe Caresche - Peut-être, mais elles n'étaient pas spéculatives !

M. Bernard Debré - ...sans que personne ne semble s'en émouvoir. Aujourd'hui encore, Bertrand Delanoë use de cette procédure et Gérard Collomb en abuse ! (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste)

La proposition de loi socialiste n'est donc ni opportune ni acceptable. Inopportune, car le ministre Daubresse s'est solennellement engagé à résoudre le problème dans la loi Habitat pour tous, en cours d'élaboration...

M. Patrick Bloche - C'est l'Arlésienne !

M. Bernard Debré - Inacceptable procès d'intention ! Il est vrai que les vociférations font parfois oublier la vérité... Cette loi, annoncée, tout en préservant le droit de propriété, aidera les locataires à rester dans les lieux le temps suffisant pour leur permettre, soit d'acheter leur appartement, soit de trouver avec le propriétaire une autre solution.

La proposition de loi qui nous est soumise, inopportune, est également inacceptable. Elle porte gravement atteinte au droit de propriété et donne aux maires des pouvoirs exorbitants par rapport aux propriétaires, risquant d'entraîner des dérives autoritaires et un gel des transactions.

Je ne voterai donc pas ce texte coercitif et démagogique, déposé dans la précipitation. Pour autant, la vente à la découpe provoquant, dans certains cas, des problèmes sociaux, je demande instamment au Gouvernement de trouver une solution qui protège le faible contre le fort sans stigmatiser les propriétaires.

En tant que député de Paris, je reste vigilant sur ces questions. J'ai reçu et recevrai encore les associations de bailleurs, comme les propriétaires. S'il s'avérait que certaines sociétés ont réalisé des profits illégaux ou qu'il y a eu ne serait-ce qu'un début de délit d'initié, je demanderai à l'Assemblée nationale de créer une commission d'enquête sur le sujet. Pour l'heure, je compte sur vous, Monsieur le ministre pour prendre ce problème à bras-le-corps et ne suivrai pas les socialistes, qui n'ont pas mis en œuvre lorsqu'ils étaient au pouvoir, ce qu'ils proposent aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme Janine Jambu - Lors du débat sur le projet de loi d'orientation sur la cohésion sociale en décembre dernier, nombre de voix s'étaient élevées pour demander au Gouvernement de soumettre au Parlement des mesures législatives afin de lutter contre les ventes à la découpe. Certains de nos collègues avaient déposé des amendements visant à suspendre ces ventes ou à les soumettre à un permis de diviser, conçu sur le modèle du permis de construire. Malgré notre insistance et celle de nos collègues socialistes et verts, malgré la mobilisation des élus locaux et des associations, malgré l'ampleur de la protestation qui n'a cessé depuis de grandir, le Gouvernement s'est contenté de mesures marginales et complu dans les effets d'annonce, renvoyant à la future loi Habitat pour tous le toilettage législatif qu'il envisage.

Nul, même dans les rangs de la majorité, n'ignore pourtant la gravité de la situation. Selon une étude récente des notaires, plus de 6 300 logements ont été vendus à la découpe à Paris en 2004, soit 15% du marché parisien des ventes d'appartements anciens. 198 opérations de ce type, dont 124 à Paris, seraient actuellement en cours. Nous avons tous en mémoire l'acquisition, il y a quelques mois, par le fonds de pension américain Westbrook, de 98 immeubles, soit 3 200 logements, dans des conditions pour le moins choquantes. Mme de Panafieu elle-même s'en était émue, fustigeant des « comportements de cow-boys ». Il ne s'agit, hélas, pas de cas isolés. Le phénomène se développe et concerne désormais aussi bien les quartiers populaires du nord et de l'est de la capitale que ses quartiers cossus de l'ouest. Les agglomérations de Lyon, Marseille ou Strasbourg ne sont pas non plus épargnées.

M. Jean-Louis Dumont - Même les villes moyennes sont touchées.

Mme Janine Jambu - Tout à fait. Les locataires n'ont que le choix entre acheter leur appartement au prix fort, quand celui-ci n'est tout simplement pas prohibitif, ou partir. Des couches de plus en plus larges de la population sont ainsi, de fait, exclues du droit au logement, tandis que, s'engouffrant dans les brèches de notre législation, certains investisseurs réalisent des opérations dont la brutalité le dispute à la rentabilité de court terme.

Rien aujourd'hui ne permet d'endiguer cette épidémie. Au contraire, les institutionnels et les marchands de biens sont fiscalement incités à vendre leurs immeubles. Un amendement, inspiré au sénateur Marini par la Fédération des sociétés immobilières et foncières, avec la bénédiction de Bercy, a ainsi considérablement allégé la fiscalité des sociétés foncières, substituant au traditionnel impôt sur les bénéfices de 34% une simple taxe de 16,5% sur les plus-values latentes. Cet amendement a donné le véritable coup d'envoi des ventes à la découpe. Ainsi, depuis son adoption, en novembre 2002, le groupe Gecina, l'un des principaux acteurs du dépeçage des immeubles locatifs, a triplé ses ventes à la découpe, passées de 500 millions d'euros en 2002 à 1,5 milliard en 2003. Le Gouvernement et sa majorité portent, on le voit, de lourdes responsabilités dans la frénésie spéculative actuelle, machine infernale à produire de l'exclusion.

Nous ne pouvons donc qu'approuver la démarche de nos collègues socialistes et les orientations générales de leur proposition de loi, dans laquelle se retrouve l'esprit de la loi de 1989. Le renforcement des droits des locataires en cas de ventes à la découpe par l'interdiction des congés motivés par la seule spéculation immobilière dans un plus grand nombre de cas, et de toute façon par l'allongement du délai de congé, constituerait une incontestable avancée. Nous sommes en revanche plus réservés sur les effets réels des mesures fiscales incitatives proposées, bien qu'elles replacent le locataire au cœur du dispositif en subordonnant par exemple l'allégement des droits de mutation à l'engagement de ne pas donner congé au locataire.

Nous sommes, pour notre part, favorables, à l'instauration d'un permis de diviser, à l'instar du permis de construire. Dans les villes où les ventes à la découpe portent gravement atteinte à la mixité sociale, un tel dispositif serait particulièrement utile. Nous regrettons que la proposition de loi de nos collègues n'aille pas jusque là, le renforcement des prérogatives du maire qu'elle comporte n'étant pas suffisant.

Il est de la responsabilité de l'Etat et des collectivités locales de prévenir les conséquences de la déréglementation du marché immobilier, dont la multiplication des ventes à la découpe n'est d'ailleurs que l'un des symptômes. Il conviendrait de revenir sur le dispositif de Robien qui a accru la rentabilité de l'investissement locatif privé, au détriment de la satisfaction des besoins sociaux. Les incitations fiscales qu'il comporte sont non seulement coûteuses pour le budget de l'Etat mais alimentent la flambée des loyers dans le secteur privé, lesquels ont doublé en six ans à Paris. De même, l'exonération des droits de mutation sur les ventes par lots, opérations pourtant hautement spéculatives, prive l'Etat et les collectivités des moyens financiers d'une véritable politique de maîtrise foncière, d'aménagement urbain et de construction de logements.

En adoptant de fortes incitations fiscales à l'investissement locatif et en réduisant encore la portée de l'impôt de solidarité sur la fortune, arguant précisément de l'envol des prix de l'immobilier, ce Gouvernement a encouragé la spéculation immobilière. Pour lutter contre la multiplication des ventes à la découpe, illustration la plus brutale du libéralisme sauvage en matière de logement, d'autres mesures seraient nécessaires.

Alors que chacun s'accorde à dénoncer la profonde crise du logement qui touche désormais des couches de plus en plus importantes de la population, il faut reconsidérer en profondeur le rôle de la puissance publique pour faire respecter le droit au logement. Celui-ci, affirmé par le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1948, puis par les lois du 22 juin 1982, 6 juillet 1989 et 31 mai 1990, est, comme le droit à l'éducation et à la santé, fondamental pour les citoyens et l'avenir de notre société. Il est, hélas, largement bafoué dans les faits. Le droit à un logement accessible et confortable, dans un environnement agréable, dans la commune et le quartier de son choix, est un rêve inaccessible pour la majorité de nos concitoyens. Trois millions de personnes sont aujourd'hui mal logées dans notre pays et des centaines de milliers de familles habitent des logements insalubres, où elles vivent dans des conditions inhumaines.

L'incendie de l'hôtel Paris Opéra, en avril dernier, tragique illustration de la gravité de la situation, prouve, s'il en était besoin, la nécessité d'instituer une véritable sécurité sociale du logement. L'ampleur de la crise actuelle appelle à desserrer l'emprise des critères marchands sur le secteur du logement et à engager une politique publique volontariste pour faire respecter le droit au logement.

La loi de décentralisation d'août dernier, passée en force au Parlement, engage, hélas, sur la voie inverse. Elle aboutit en effet à faire supporter aux seules collectivités qui ont fait le choix solidaire du logement social, le poids financier de sa réalisation et de sa gestion. Elle aggravera donc encore la relégation et la concentration des couches de la population les plus fragiles et les plus en difficulté, déjà alimentées par la spéculation immobilière dans les grandes agglomérations.

Tout soumettre à la loi du marché et priver la collectivité publique des moyens d'agir, telle est la politique catastrophique que vous menez et qui aggrave les inégalités. Nous la refusons, nous affirmons la nécessité de créer un véritable service public national du logement, et nous voterons donc cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Decocq - Pour que chacun apprécie mieux les raisons qui ont conduit la commission à ne pas présenter de conclusions, je voudrais procéder à un examen objectif des ventes dites « à la découpe ».

Selon une étude de la chambre des notaires d'Ile-de-France, le nombre de logements ainsi vendu a effectivement augmenté de 2001 à 2004, passant de 4 389 en 2001 à 6 378 en 2002. Mais rappelons qu'en 1998, la vente à la découpe concernait plus de 7 000 logements et en 1999 plus de 6 500 ! Ce qui est sans précédent en revanche, c'est la contestation menée par certains collectifs de locataires, qui ont transformé en conflit des opérations immobilières qui peuvent aussi constituer une chance pour les locataires concernés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Christian Decocq - En effet, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 donne aux locataires un droit de préemption et ils peuvent acquérir au meilleur prix.

Mme Martine Billard - Au meilleur prix ?

M. Claude Goasguen - C'est la loi !

M. Christian Decocq - En outre, selon cette même étude, à Paris, les appartements vendus à la découpe sont en moyenne moins chers au mètre carré. Cette pratique n'est donc pas si défavorable aux locataires qui veulent acheter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Bloche - Alors pourquoi des milliers de locataires ne peuvent-ils pas acheter ?

M. Christian Decocq - Le vrai problème est le niveau des prix de l'immobilier, et ce n'est pas en intervenant pour une seule catégorie qu'on les empêchera de s'emballer. La spéculation a un rôle dans la flambée des prix, mais son fondement, c'est une grave crise du logement. C'est non pas la vente par appartements, mais la carence de logements disponibles, qui entraîne la spéculation.

Remédier à cette pénurie de logements est donc la vraie solution, qui permettra d'appliquer l'article premier de la loi de 1989, selon lequel l'exercice du droit au logement implique « la liberté de choisir son mode d'habitation grâce au maintien d'un secteur locatif et d'un secteur d'accession à la propriété ». Depuis 2002, le Gouvernement et sa majorité ont agi avec pragmatisme en ce sens. Le plan de cohésion sociale prévoit - c'est sans précédent - la construction de 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans. L'ANAH a reçu une aide accrue pour mieux mobiliser le parc privé. Le prêt à taux zéro a été étendu.

Reste que, dans certains quartiers la situation est extravagante, je le reconnais. Mais pour protéger les locataires qui ne peuvent acheter, les organisations de bailleurs et de locataires ont conclu des accords collectifs en 1998 et en avril 2005. Sans doute faut-il explorer d'autres pistes, plus audacieuses, pour leur permettre d'exercer leur droit alors que les prix montent. C'est pour cela qu'au nom de notre groupe, Mme Aurillac a déposé dès février, un mois avant le groupe socialiste, une proposition relative à cette question.

M. le Président de la commission - Merci de le rappeler !

M. Patrick Bloche - Quinze jours avant !

M. Christian Decocq - Nommé rapporteur fin mars, je poursuis les auditions, afin d'aboutir à un texte réaliste et équilibré pour les bailleurs et les locataires. Plutôt que d'engager le débat sur cette proposition, vous avez hâté le mouvement, pour, disons-le, nous brûler la politesse, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) au risque de proposer, dans l'urgence, un remède pire que le mal !

M. le Président de la commission - Absolument !

M. Christian Decocq - En effet, en instituant une protection dans le seul secteur de la vente par appartements, on risque de créer une tension sur les prix de l'immobilier dans toutes les grandes villes.

Dans ces conditions, la commission ne pouvait que repousser votre proposition, et je vous invite à ne pas voter le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Annick Lepetit - Vous n'avez aucun argument de fond.

M. Patrick Bloche - La crise du logement touche en priorité les plus modestes, mais aussi les classes moyennes, notamment en raison de l'ampleur inquiétante qu'à pris la vente à la découpe, laquelle aboutit à évincer brutalement des locataires incapables de racheter le logement qu'ils occupent ou de supporter l'augmentation de loyer qui suit la vente. Ces opérations spéculatives accentuent la flambée des prix de l'immobilier et celle des loyers.

M. Claude Goasguen - C'est l'inverse.

M. Patrick Bloche - Pas du tout. Désormais, c'est la mixité sociale qui est menacée dans de nombreuses villes, et le ministre a lui-même décrit la situation à Villeneuve-d'Ascq. A terme, ne pourront habiter nos villes que les plus aisés ou les plus aidés.

Selon la chambre des notaires d'Ile-de-France, les 6 378 logements vendus à la découpe dans Paris en 2004 représentent 15% des ventes dans l'ancien. En trois ans, l'augmentation a été de près de 50%, et la tendance se poursuit. De plus, l'an dernier, le quartier le plus touché a été le 19e arrondissement, et non, comme on le prétend souvent, les beaux quartiers des gens aisés et des personnalités.

M. le Président de la commission - Personnalités de gauche, d'ailleurs !

M. Patrick Bloche - Il y a donc urgence sociale, et les associations de locataires concernés se mobilisent. Le groupe socialiste s'en est fait le relais dès l'automne dernier, en proposant, dans la discussion budgétaire, un amendement pour réduire de quatre à un an le délai de revente permettant à un marchand de biens de profiter de l'exonération des droits de mutation lorsqu'il procède à une vente par lots. La CMP a ensuite porté ce délai à deux ans, mais l'adoption de cet amendement à l'unanimité par l'Assemblée ainsi que les propos de Gilles Carrez et de M. Bussereau étaient un encouragement fort à mieux protéger les locataires victimes de ces ventes à la découpe. Las ! Six mois plus tard, force est de constater qu'il ne s'est strictement rien passé.

M. Claude Goasguen - Si, cela a fait augmenter les prix !

M. Patrick Bloche - Vous vous êtes contenté, monsieur le ministre, d'effets d'annonce destinés à gagner du temps - tactique habituelle, que le Gouvernement a déjà utilisée à propos des intermittents du spectacle. Encore, pour ceux-ci, le ministre de la culture a-t-il pris des mesures transitoires. S'agissant des ventes à la découpe, on n'a même pas pris la mesure minimale que constituait le moratoire demandé par Bertrand Delanoë dès le 16 janvier. Au Sénat, le 27 janvier dernier, M. Larcher a répondu à Gérard Madec que le Gouvernement n'instituait pas de moratoire, car il n'entendait pas différer les problèmes, mais les régler « dans les semaines qui viennent » !

M. le Président de la commission - Cela prouve que les choses sont plus compliquées que prévu.

M. Patrick Bloche - Or on ne voit même pas l'amorce d'un règlement. Sous prétexte d'agir plus vite qu'en légiférant, on a privilégié la voie conventionnelle, dont l'échec était pourtant prévisible.

M. le Ministre délégué - L'accord s'applique entre signataires ! Ne mentez pas par omission.

M. Patrick Bloche - Début février, Monsieur le ministre, vous mettiez en scène un accord qui n'en était pas un puisqu'une majorité des associations de locataires siégeant à la commission nationale de concertation refusaient un texte qui ne faisait que toiletter les dispositions prévues par l'accord de 1998 ou la jurisprudence. La montagne ayant accouché d'une souris, vous avez dû indiquer que l'accord du 16 mars ne serait pas étendu par décret. Vous continuez à évoquer régulièrement la loi « Habitat pour tous », notamment en réponse aux questions des députés socialistes.

Vous avez d'abord annoncé que le projet de loi serait présenté au Conseil des ministres du 19 janvier. Après avoir repoussé l'échéance au mois d'avril, puis de juin, vous venez de promettre qu'il serait transmis incessamment au Conseil d'Etat... Alors que personne ne conteste que les dispositions légales et conventionnelles actuelles ne permettent pas de résoudre le problème, vous comprendrez que les associations et les parlementaires de l'opposition puissent perdre patience !

M. le Ministre délégué - La faute à qui ?

M. Patrick Bloche - D'où l'initiative d'inscrire cette proposition de loi, présentée dès le 16 février, dans la première niche parlementaire dont nous disposons ce semestre.

M. le Président de la commission - C'est faux !

M. Patrick Bloche - La réaction de la majorité de l'Assemblée est malheureusement semblable à celle que nous avons déjà connue en décembre : deux amendements identiques, de la majorité et de l'opposition, avaient été déposés au projet de loi de cohésion sociale. Visant à introduire une décote au bénéfice du locataire souhaitant acheter son logement, ils avaient été adoptés à l'unanimité en commission. Volte-face en séance : Mme de Panafieu, je suis désolé de le rappeler, a retiré son amendement pour mieux faire repousser celui du groupe socialiste... Quand c'est l'intérêt général qui est en jeu, on ne peut agir ainsi !

M. le Président de la commission - Arrêtez ce numéro !

M. le Ministre délégué - Comediante !

M. Patrick Bloche - On ne peut nous demander une nouvelle fois d'attendre ! Jusqu'à quand ?

Le 16 juin, dans sa sixième niche parlementaire, le groupe UMP présentera la proposition de loi de Martine Aurillac, dont l'intitulé est sociologiquement fort représentatif des deux arrondissements qui l'ont élue : « droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble ». N'y est donc traité qu'un des aspects du problème, que notre proposition aborde dans son article 8. Pourquoi ce nouveau retard ? Y a-t-il une autre raison qu'un refus politicien de la majorité de discuter d'une proposition de loi pour le seul motif qu'elle émane de l'opposition ?

M. Claude Goasguen - Votre proposition de loi est absurde ! Lisez donc l'article 17 !

M. Patrick Bloche - Ce manque de volonté ne révèle-t-il pas une contradiction plus profonde ?

Prenons le cas exemplaire de la résidence du 39 bis rue de Montreuil, dans le 11e arrondissement de Paris. Construite en 1987 et gérée par la Caisse des dépôts et consignations, financée par les fonds du 1% logement, elle avait donc la vocation de mettre des logements locatifs à la disposition des classes moyennes. Cette résidence a été rachetée, au prix de 3 127 euros le mètre carré, découpée par une filiale du Crédit foncier et revendue neuf mois plus tard à 4 557 euros le mètre carré, soit une plus-value de 50% ! Cette opération, classique dans sa technique, l'est moins quand on considère ses acteurs : la Caisse des dépôts et le Crédit foncier, qui sont censés prêter leur concours aux pouvoirs publics dans leur politique du logement ! Les ventes à la découpe seraient-elles le nouveau modèle de financement social ? Celui-ci ne serait plus financé par des apports annuels de fonds publics, qui font d'ailleurs aujourd'hui cruellement défaut, mais par les locataires eux-mêmes, en pratiquant la vente à la découpe du parc de logement social arrivé à maturité !

M. le Ministre délégué - Vous croyez à ce racket ?

M. Patrick Bloche - Pour lever toute ambiguïté, la seule solution est, ainsi que vous l'aviez vous-même dit le 26 janvier, Monsieur le ministre, de réaffirmer que le dossier des ventes à la découpe est une grande cause qui nous rassemble. C'est la raison pour laquelle nous ne suivrons pas la commission des lois et vous demandons de passer à la discussion des articles. Craignez, sinon, que le mot d'ordre des dizaines de milliers de locataires concernés ne devienne : la découpe est pleine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Martine Aurillac - Le Parlement tout entier est préoccupé par le phénomène des ventes en bloc, appelées par antiphrase ventes à la découpe et pratiquées par les investisseurs institutionnels - compagnies d'assurances, banques, dont la Banque de France, et même municipalités ! Cette politique n'est pas nouvelle, mais s'est considérablement développée. Elle consiste à vendre un immeuble en bloc à un intermédiaire qui agit en marchand de biens et revend à un autre intermédiaire, qui fait de même jusqu'à la phase finale de revente au détail. En l'état du droit, les locataires « vendus » avec l'immeuble ne disposent d'aucune information, encore moins du droit de préemption prévu par la loi du 31 décembre 1975, sauf dans la phase ultime, et au prix exorbitant qui est alors atteint. Beaucoup doivent bien sûr renoncer à l'achat. Devant ce fléau, qui sévit surtout dans les grandes villes et frappe de façon générale les classes moyennes, deux réactions sont possibles.

La première étend l'information et le droit de préemption dès la première vente, en organisant une sorte de copropriété préventive. Cette mesure supprime la plus-value purement spéculative et sans aucune valeur ajoutée que réalisent les intermédiaires marchands de bien et respecte le droit de propriété. C'est l'objet de la proposition de loi datée de février 2005 que j'ai déposée avec plus de 150 collègues, représentant toutes les régions de France. La deuxième réaction, complémentaire, est une réponse immédiate de protection sociale. Il s'agit d'atténuer la rigueur de la vente : maintien dans les lieux des personnes âgées de plus de 70 ans, délai supplémentaire pour les familles, prolongation pour la fin de l'année scolaire en cours, évaluation de l'ancienneté, proposition de relogement des locataires aux revenus les plus faibles... Ces mesures ont fait l'objet d'un projet de convention négocié entre les organisations de bailleurs et de locataires, avec l'appui du Gouvernement, mais qui a malheureusement finalement été dénoncé.

M. le Président de la commission - Par qui ?

Mme Martine Aurillac - Il faut donc en passer par la loi pour poser le principe de la suppression des plus-values spéculatives et prendre ces mesures sociales. C'est dans cette direction que la commission des lois poursuivra son travail, et je ne doute pas, chers collègues, que vous aurez à cœur de présenter de nombreux amendements. Vous nous soumettez aujourd'hui une proposition déposée un mois après la mienne - je n'insiste pas sur l'élégance du procédé - alors que le rapporteur désigné avait largement entamé son travail. Votre texte tente de reprendre un peu des deux formules, mais même une lecture rapide montre qu'il les noie dans un magma de dispositions aussi compliquées que perverses, qui sont de nature à bloquer le marché de l'immobilier et à imposer aux bailleurs des contraintes nuisant gravement à leur mission. Que dire, par exemple, de cette disposition permettant au maire de suspendre la mise en copropriété jusqu'à ce que le bailleur démontre, après enquête publique, qu'il maintient un nombre suffisant de logements locatifs ? Outre une atteinte évidente au droit constitutionnel de propriété...

M. le Rapporteur - Cette disposition prouve une méconnaissance totale du droit locatif !

Mme Martine Aurillac - ...le résultat serait clair : blocage du marché et paralysie de la politique, unanimement souhaitée par les Français, d'accès des ménages à la propriété de leur logement. On créerait, comme en 1939 et 1948, des rentes de situation sans contribuer, et en la matière tout est question d'équilibre, à résoudre la crise du logement.

Mais il n'est pas nécessaire d'aller plus avant au fond : la forme suffit ; et pour les raisons exposées plus haut, nous ne pourrons ni examiner, ni souscrire à votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - La crise du logement en France est de plus en plus aiguë et constitue, avec le chômage et le travail précaire, l'un des principaux défis à la cohésion sociale. Elle renforce la ségrégation sociale et territoriale, enracine des ghettos de riches et de pauvres. La question est donc bien celle du modèle de villes que nous voulons.

Cette crise du logement a des aspects multiples. Elle se traduit par la pénurie de logements HLM pour les plus modestes, avec des listes d'attente interminables, alors que de nombreux maires refusent toujours d'appliquer la règle des 20% de logements sociaux fixée par la loi, mais également par la dérégulation totale du parc locatif privé, où les loyers flambent depuis plusieurs années. Les marchands de biens font payer au prix fort le maintien d'une offre de logements alors que les bureaux apparaissent comme plus rentables : les loyers des particuliers tendent à s'aligner sur les sociétés d'investissement et trouver un logement locatif abordable devient mission impossible.

Paris, sa couronne et les centres de nombreuses grandes villes connaissent un phénomène d'éviction des classes populaires mais aussi moyennes. Les ventes à la découpe se sont accélérées avec le désengagement du marché locatif des investisseurs institutionnels qui géraient les immeubles en monopropriété, souvent dans le cadre du 1% logement. Les logements sont vendus à des marchands de biens qui cherchent les meilleurs placements et revendent par lots avec d'énormes plus-values, sans même, et c'est nouveau, avoir effectué de travaux et bien sûr sans égards pour les drames humains. C'est ainsi que des sociétés comme le groupe américain Westbrook ont mis des quartiers de Paris en coupe réglée, comme l'îlot des Arquebusiers, dans le troisième arrondissement de Paris : les locataires n'ont aucune chance de pouvoir suivre les prix pratiqués. Ce phénomène ruine toute politique de mixité sociale et aggrave la crise générale du secteur locatif. Les loyers du privé devenant inaccessibles au plus grand nombre, le parc social ne désengorge pas. Le parcours résidentiel devient ainsi moins fluide et, en bout de chaîne, ce sont les plus modestes qui éprouvent des difficultés à trouver un toit. Derrière ce mécanisme économique, ce sont des familles entières qui sont précarisées et chassées du centre des villes. Le principe du « droit au logement » est réduit à bien peu...

La protection des locataires victimes de ventes à la découpe doit s'insérer dans la régulation de l'ensemble du parc locatif. Mais on ne sait toujours pas si la loi Habitat pour tous, qu'on nous promet depuis des mois, sera discutée avant la fin de la session ou non... Pourtant, les collectifs de locataires victimes disent unanimement la nécessité et l'urgence qu'il y a à légiférer. C'est pourquoi je salue la démarche du groupe socialiste, qui profite de sa séance d'initiative parlementaire face à l'immobilisme du Gouvernement. En décembre dernier, lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale, on nous avait promis des décisions rapides. J'avais déposé plusieurs amendements visant à empêcher les ventes à la découpe à visée spéculative, en distinguant le principe général des congés-ventes, qui constituent une garantie pour les petits propriétaires, et les congés-ventes massifs à visées spéculatives pratiqués à grande échelle par les marchands de biens. Il ne s'agit pas de remettre en cause le droit de propriété, mais le droit de spéculation !

Mon premier amendement visait ainsi à modifier la loi de 1989 sur les rapports locatifs afin de rendre nuls les congés pour vente dans les opérations d'achat et de revente à la découpe spéculatives, alors que le deuxième tendait à instituer le « permis de diviser » pour permettre aux maires d'intervenir et de maintenir un parc locatif privé.

A l'époque, tous nos amendements avaient été rejetés, au prétexte que des négociations allaient venir, mais l'accord minoritaire conclu le 16 mars dernier ne permet pas de protéger de manière générale tous les locataires ; au mieux, il améliore à la marge la situation de personnes très âgées - plus de 70 ans - et, au cas par cas, celle de personnes particulièrement fragiles, sans exclure les inévitables effets de seuil - quid des personnes qui n'ont pas 70 ans à quelques mois près ?

On nous a parfois reproché de prendre la défense de locataires assujettis à l'ISF ! Soyons sérieux ! La grande majorité des locataires concernés ont des revenus modestes ou moyens.

Quant à Mme Aurillac, elle oublie tout simplement, dans sa proposition, les locataires qui n'ont pas les moyens d'acheter ou qui ne peuvent obtenir de prêt.

Il faut donc revenir sur l'amendement fiscal Marini qui a favorisé les spéculations, et empêcher les travaux abusifs qui visent à chasser les locataires.

Cette proposition de loi a le mérite d'être un premier pas, mais une fois de plus on nous rétorque que ce n'est pas le moment, alors qu'il y a urgence, et que vous savez faire preuve de réactivité lorsque vous le voulez, par exemple pour vous attaquer aux 35 heures !

Pour toutes ces raisons, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - On pourrait penser que cette discussion n'intéresse que quelques arrondissements parisiens, ou au mieux les départements franciliens. Rendons-nous à l'évidence, la vente à la découpe concerne aussi les grandes agglomérations et les villes moyennes.

Faut-il aujourd'hui la condamner, alors qu'elle a prouvé qu'elle pouvait faciliter l'accès à la propriété ? En vérité, c'est la spéculation qui est en cause aujourd'hui, et la brutalité avec laquelle interviennent des intermédiaires qui ne sont pas toujours des fonds de pension anglo-saxons.

M. le Ministre délégué - En effet, et vous le savez bien...

M. Jean-Louis Dumont - Je ne reviendrai pas sur l'exemple donné par M. Bloche, sauf pour en tirer un enseignement. Les ventes à la découpe, après spéculation, d'immeubles construits il y a vingt ans avec le 1% logement, peuvent apparaître aujourd'hui comme le moyen de financer à l'avenir le marché locatif. Que la Caisse des dépôts et consignations veuille ainsi valoriser son patrimoine pour d'autres opérations, quoi de plus normal ? Mais pourquoi ne s'est-elle pas adressée, dans ce cas, à la Société foncière, plutôt que de vendre à une nébuleuse composée de ses propres filiales et de celles de la Caisse d'épargne et du Crédit foncier ? Toute l'opération de la rue citée par Patrick Bloche est menée par un même groupe qui réalise une plus-value de 50% !

Je vous signale au passage que les filiales de la Caisse ont décidé de déconventionner, ce qui favorisera dans une dizaine d'années la vente d'appartements dont les nouveaux propriétaires pourront augmenter librement les loyers ! Voilà le travail de la SNI et d'ICADE ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est le patron lui-même de la société qui nous en a parlé !

Monsieur le ministre, si le préfet de l'Essonne a refusé les conditions prévues pour la vente à l'une des filiales de la Caisse des dépôts, j'en connais un autre qui propose de sectoriser le futur patrimoine du logement locatif social, en cours de relance, en réservant le 1% logement de l'UESL à une partie du parc, tandis que l'autre partie sera réservée aux interventions publiques ? Qu'en sera-t-il dans dix ans ?

M. le Ministre délégué - Je me suis occupé de cette question.

M. Jean-Louis Dumont - Je conclurai par une question : le logement aidé, par le 1% ou par divers fonds, appartient-il toujours à la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Françoise de Panafieu - En 1998, 7 030 appartements ont été vendus par le mécanisme de la vente à la découpe, soit plus que l'an dernier où l'on n'en a compté que 6 378. Si les chiffres n'ont pas augmenté, pourquoi le sujet est-il donc devenu si brûlant ? C'est que depuis deux ans, les affaires ne se passent plus seulement entre le propriétaire et le locataire : des intermédiaires, que j'ai pu appeler parfois des cow-boys, sont intervenus ! Et je ne parle pas de la hausse des loyers, ni de la pénurie d'appartements qui empêchent les locataires de se reloger.

Au moment du projet de loi de cohésion sociale, c'est vrai que nous avions déposé un amendement, mais nous avons finalement préféré laisser la commission nationale de concertation faire son travail et proposer un nouvel accord, qui a été signé le 16 mars dernier, par les bailleurs et par deux associations de locataires, trois autres ayant refusé.

Grâce à cet accord, toute décision du bailleur de mettre en vente un lot de plus de dix logements dans le même immeuble doit faire l'objet d'une information très précise et précoce en direction des locataires. Le locataire peut demander au bailleur une prorogation du bail - de trente mois au plus - pour l'obtention d'un prêt, la vente d'un bien immobilier, un départ à la retraite, ou une mutation professionnelle.

Enfin, l'accord protège certains locataires qui ne peuvent pas acheter leur appartement. Pour ceux dont les revenus sont inférieurs au plafond PLI, le congé doit s'accompagner d'une offre de relogement. De surcroît, l'accord impose le renouvellement de plein droit du bail pour les personnes souffrant de graves problèmes de santé, celles âgées de plus de 70 ans, et celles titulaires d'une rente d'invalide du travail.

Le non-respect de ces conditions entraîne de plein droit la nullité du congé de vente.

Plusieurs députés socialistes - Mais cet accord n'existe plus !

M. le Ministre délégué - Mais bien sûr que si ! Et il s'applique !

Mme Françoise de Panafieu - Il faut s'attaquer aux causes de la crise immobilière, lancer un plan Marshall du logement, mobiliser l'ensemble des opérateurs économiques et publics. Le Gouvernement y travaille. La construction de 500 000 logements en cinq ans a été programmée dans le plan de cohésion sociale alors qu'on n'en était qu'à 39 000 par an lorsque M. Jospin était Premier ministre. De nombreux partenariats voient le jour, des conventions sont signées entre les acteurs sociaux et les politiques, plusieurs outils ont été créés ou modernisés - le prêt à taux zéro favorisant l'accession sociale à la propriété, le dispositif Robien favorisant l'investissement locatif. Sur quelque 5,5 millions de logements locatifs, 93% sont loués par des personnes privées.

Enfin, l'attitude des collectivités publiques est déterminante en la matière. Que dire de la ville de Lyon qui a vendu un ensemble immobilier pour une valeur de 87 millions, soit 2 000 euros le mètre carré, à la société Cargill, laquelle, un an plus tard, revend les appartements à 3 200 euros le mètre carré ! Faut-il que je vous rappelle le nom du maire de Lyon ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Quant à la ville de Paris, elle baisse son coefficient d'occupation des sols de 3,25 à 3% et empêche donc toute construction nouvelle. Que faire quand aucun appartement neuf n'est proposé à la location par la ville de Paris et qu'on appartient à la classe moyenne ?

M. Patrick Bloche - Le propos est scandaleux !

M. Claude Goasguen - Ce sont les Verts qui bloquent les projets !

Mme Françoise de Panafieu - Les maires sont responsables quand ils créent la pénurie par une politique de logement inadaptée.

Cette proposition de loi n'est pas crédible. Pourquoi faire référence au prêt locatif intermédiaire que nombre de mairies socialistes ne pratiquent plus ? (Mêmes mouvements) De plus, ce texte, tout en s'inspirant des travaux remarquables de Mme Aurillac et des idées du ministre, consacre la violation du droit à la propriété à l'article 17.

Pour toutes ses raisons, nous préférons rejeter cette proposition de loi et attendre l'examen de la proposition de Mme Aurillac, le 16 juin prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Annick Lepetit - En somme, il est urgent d'attendre !

M. Christophe Masse - La discussion de cette proposition de loi est l'occasion de mieux réguler les ventes à la découpe - problème récurrent à Paris mais qui s'est étendu à d'autres villes - et de revenir sur les questions de mixité sociale, non résolues à ce jour. Aujourd'hui, une loi est nécessaire pour garantir aux locataires victimes de ces ventes, en particulier aux plus fragiles d'entre eux, des protections suffisantes, pour favoriser leur maintien dans leur logement, et pour encadrer plus strictement la profession des marchands de biens.

A Marseille, la rue de la République, bordée par des immeubles de type haussmannien, est au cœur de l'opération nationale de réhabilitation « euroméditerranée ». Elle fait l'objet d'opérations de ventes à la découpe orchestrées par deux acteurs : Lone Star, fonds de pension américain, qui gère 1 311 logements et 331 commerces ; Eurazeo, filiale du groupe bancaire Lazard, qui possède 1 350 logements.

Certes, tous les appartements ne sont pas occupés et certains locataires ont pu acquérir leur habitation. Pourtant, de nombreuses associations se sont élevées contre les pratiques des propriétaires gestionnaires, contraires au respect dû à la personne humaine : envoi de lettres de congé sans proposition de relogement, augmentation des loyers de plus de 20%, relogement dans des conditions inacceptables, pressions sur les locataires afin de faciliter leur départ « volontaire ».

Or, Madame de Panafieu, si nous connaissons l'identité du maire de Lyon, nous connaissons également celle du maire de Marseille...

Les gens aux revenus modestes et les personnes âgées, sensibles aux intimidations, sont les plus touchés : ils ne peuvent acquitter les loyers des appartements réhabilités ni, bien sûr les acheter. Ces opérations indispensables de requalification d'un quartier ne peuvent pourtant être menées sans respecter les principes de mixité sociale, à moins de vouloir repousser les populations les plus fragiles vers les zones périphériques.

Si, chaque année, des familles venant d'autres régions de France viennent s'installer par milliers dans notre ville afin de goûter au climat méditerranéen, ce sont les « enfants de Marseille » qui partent faute de moyens. La crise du logement est profonde. Marseille compte 30 000 sans-logis, tandis que les salariés et fonctionnaires eux-mêmes sont de plus en plus exclus du marché immobilier par ce type de pratique. Aujourd'hui, le travail ne garantit plus un toit !

Pour mettre fin à ce désastre, il faut développer la construction de logements et, dès maintenant, encadrer les ventes à la découpe. Le rôle du maire et de la puissance publique, aujourd'hui ignoré dans le cadre conventionnel, doit être renforcé. De même, si les personnes les plus âgées bénéficient de quelques mesures de soutien, les classes moyennes sont de nouveau délaissées.

Les dispositions concrètes contenues dans ce texte faciliteront l'accès à la propriété de ceux qui le souhaitent et le maintien des autres dans leurs appartements afin de préserver la mixité sociale. Elles permettront également de mieux réglementer la profession de marchand de biens et de ralentir les tendances spéculatives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Tony Dreyfus - Monsieur le ministre délégué, lors d'une séance de questions d'actualité, vous m'avez qualifié de « pompier pyromane ». Pompier peut-être, pyromane certes non ! Ma profession d'avocat m'ayant donné le goût de convaincre, j'essaierai de vous démontrer que ce procès d'intention était infondé - et que cette proposition de loi, de bon sens, mérite d'être discutée.

M. Claude Goasguen - L'article 17 n'est pas acceptable !

M. Christophe Caresche - Il ne s'agit pas du traité constitutionnel. Inutile de débattre à coups d'articles !

M. Tony Dreyfus - En tant qu'élus, nous sommes tous conscients que, face à une demande considérable, la pénurie de logements constitue un danger. D'autre part, la mixité sociale n'est pas un impératif idéologique, mais une nécessité pour combattre la formation de ghettos de riches et de ghettos de pauvres, ce séparatisme social qui menace l'ordre public aujourd'hui.

Quelle est la cause du développement des ventes à la découpe ? Un statut fiscal assez favorable suite à l'adoption de l'amendement Marini. N'en déplaise à Mme de Panafieu, si les ventes à la découpe existaient auparavant, elles étaient réalisés par des investisseurs institutionnels, comme l'Assistance publique et ne s'accompagnaient pas, comme aujourd'hui, d'expulsions sanglantes, mais d'un dialogue entre locataires et propriétaires.

M. le Ministre délégué - C'est la raison d'être du nouvel accord !

M. Tony Dreyfus - Nous ne pouvons laisser les marchands de bien organiser notre société. Pour cela, il est nécessaire de taxer une vente intervenant deux ans seulement après le rachat et de réglementer la profession, comme Mme Lepetit l'a fort bien exposé.

Enfin, le rapporteur a montré que les transactions immobilières, parce qu'elles touchent à la vie des familles, ne peuvent être considérées comme le sont les transactions sur des biens mobiliers.

Cette proposition de loi ne concerne que l'activité des personnes morales, c'est-à-dire des fonds, non les personnes physiques : elle est donc acceptable par la majorité de cette Assemblée. Nous ne pouvons laisser faire les fonds anglo-saxons pour lesquels la valeur marchande des biens prime sur le respect de la personne. Cette proposition mérite d'être discutée et on ne peut la rejeter en bloc.

M. Claude Goasguen - Vous ne l'avez pas lue !

M. Tony Dreyfus - J'ai participé à sa rédaction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Raoult remplace M. Baroin au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. le Président de la commission - Quel fut mon étonnement en apprenant ce matin dans la presse que les élus socialistes et en particulier ceux de Paris répondaient enfin à un grave problème, laissant le Gouvernement et la majorité sans voix ! Laisser accréditer une telle idée n'est pas honnête. Outre que la commission des lois est par nature pluraliste et permet à chaque sensibilité de s'exprimer, je crois que nous avons bien plutôt assisté à une petite course à l'échalote afin que le groupe socialiste puisse présenter sa proposition avant celle de Mme Aurillac. Monsieur Bloche, il est faux de prétendre que vous ayez voulu déposer cette proposition dans le cadre de votre première niche parlementaire puisque vous aviez originellement inscrit un débat sur la politique étrangère.

M. Patrick Bloche - C'est un détail ! Quelle importance ?

M. le Président de la commission - Le Président de l'Assemblée en ayant décidé autrement, ce n'est qu'ensuite que vous avez choisi de déposer cette proposition. Ne faites donc pas croire aux médias que ce sont les élus socialistes qui se sont saisis les premiers de cette question quand ce sont les élus de Paris de l'UMP !

J'ai été en outre effaré par la nature des propositions contenues dans votre texte : le 10 mai est certes pour vous un jour anniversaire mais je note que depuis le 10 mai 1981, le parti socialiste n'a rien appris en économie ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marylise Lebranchu - Combien la France compte-t-elle de chômeurs ?

M. Patrick Bloche - C'est une provocation !

M. le Président de la commission - Il est démagogique de laisser croire aux Français que la loi ou le règlement peuvent plafonner le prix du mètre carré ou maintenir les locataires dans leur appartement.

Mme Annick Lepetit - Nos propositions sont équilibrées.

M. le Président de la commission - Vous avez tenté un coup politique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et joué de votre influence pour que votre proposition soit discutée, mais vous n'avez pas de solution à ce difficile problème et votre coup politique a finalement échoué. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Ce débat me permet de rétablir quelques vérités sur les ventes par lots.

Monsieur Le Bouillonnec, tout le monde convient que ce type de vente crée des problèmes sociaux et économiques et qu'une réponse politique s'impose. Si votre rapport est intéressant quoique incomplet, votre proposition, elle, est déséquilibrée sur le fond et inacceptable formellement, car il n'est pas de bonne politique que la passion l'emporte sur la raison ou que la commission des lois soit victime d'une mauvaise manière ; j'ajoute que le Gouvernement proposera des solutions avant l'été.

M. Jean Glavany - Supprimez donc les niches parlementaires !

M. le Ministre délégué - Vous n'avez même pas suivi nos débats, Monsieur Glavany (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Puis-je exprimer le point de vue du Gouvernement sans que vous vocifériez ?

M. Jean Glavany - Ne soyez pas méprisant !

M. le Président - Personne ne l'est. Laissez le ministre s'exprimer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Vous parlez sans cesse de la crise du logement alors que nous avons porté le nombre de logements sociaux financés de 39 000 à 74 000, à la fin de 2004.

Mme Annick Lepetit - Allez à l'essentiel !

M. le Ministre délégué - De 2001 à 2004, le nombre des ventes à la découpe a baissé de 17% par rapport à la période 1997-2000 grâce à la régulation du marché et à la pratique convientionnelle dans laquelle nous nous sommes engagés à la suite de M. Besson. En revanche, les interventions d'intermédiaires ont compliqué considérablement la situation, et je pense en particulier à Westbrook dont M. Le Bouillonnec connaît bien le dirigeant...

M. le Président de la commission - Ah bon ?

M. le Ministre délégué - ...puisqu'il était membre du cabinet de M. Besson. C'est ensemble que nous devons trouver des réponses adéquates aux comportements inadmissibles qui témoignent d'un grand mépris à l'endroit des personnes.

Madame Lepetit, j'ai toujours privilégié la voie conventionnelle tout en considérant qu'elle ne suffirait pas et que des mesures législatives s'imposeraient : je n'ai jamais eu l'intention de me limiter à des mesures règlementaires. J'ai associé M. Bloche à la réflexion sur l'accord dès la fin du mois de janvier...

M. le Président de la commission - Il ne l'a pas dit !

M. le Ministre délégué - ...et je me suis engagé à ce que nous examinions ensemble un certain nombre de dispositions, y compris certaines figurant dans la présente proposition.

Mme Annick Lepetit - Quand ?

M. le Ministre délégué - L'accord conventionnel a été signé par toutes les associations foncières de bailleurs et par deux associations de locataires que vous n'avez pas jugé utile d'auditionner, on se demande bien pourquoi : la CLCV et l'Association Force Ouvrière. Or, quand on veut légiférer, Monsieur Le Bouillonnec, il faut prendre le temps d'entendre toutes les parties. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Très bien.

M. le Ministre délégué - L'accord collectif s'applique à l'ensemble des locataires soumis à une vente par lots organisée par des associations foncières. Mais, lorsque je parle de pompiers pyromanes, Monsieur Dreyfus, je vise, non votre personne, mais ceux qui ont pris le risque de pratiquer la politique du pire, car si le refus de signer un accord est compréhensible, que penser du blocage délibéré de son extension à l'ensemble des intermédiaires ? Je n'ose imaginer que certains aient voulu faire un petit coup médiatique afin de débattre de leur proposition... L'accord s'applique néanmoins aujourd'hui à plus de la moitié des locataires concernés par les ventes par bloc puisqu'il est signé par la totalité des propriétaires institutionnels. Et s'il ne s'applique pas aux locataires d'appartements vendus par des intermédiaires, c'est bien parce que trois associations de locataires ont choisi cette politique du pire que je dénonçais à l'instant... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; « Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) J'ai trouvé savoureux d'entendre M. Bloche nous blâmer de ne pas en faire assez pour les classes intermédiaires. Que n'adresse-t-il le même reproche au maire de Paris ! S'il est une ville qui pâtit d'un manque de logements intermédiaires, c'est bien la capitale.

Mme Françoise de Panafieu et M. Claude Goasguen - Absolument !

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est, lui, très soucieux d'aider les classes moyennes à accéder à la propriété et met, lui, ses actes en conformité avec ses discours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Grâce à l'accord conventionnel, les familles de trois enfants seront protégées, pourvu que leur revenu annuel n'excède pas 65 000 euros. Ne pas avoir étendu des dispositions aussi protectrices, c'est, je le répète, choisir la politique du pire.

La proposition de loi du groupe socialiste comporte cependant quelques dispositions intéressantes parce qu'équilibrées, et je souhaite que nous ayons l'occasion d'en débattre dans la perspective des textes futurs. Mme Jambu s'en est par contre tenue à sa logique habituelle, à laquelle nous ne pouvons souscrire, en préconisant des mesures autoritaires et planificatrices, pour ne pas dire collectivistes...

Mme Janine Jambu - Libre à vous de faire le jeu des fonds de pension !

M. le Ministre délégué - Mais, à côté de mesures raisonnables, la proposition de loi comporte des dispositions dangereuses en ce qu'elles tendent à créer des inégalités entre les différentes catégories de propriétaires ou de locataires. La démarche tendant à surprotéger des locataires concernés par des ventes à la découpe par rapport aux autres risquerait de subir la censure du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l'homme.

Je ne m'attarde pas sur le fait que vous travaillez par sincérités successives, en passant opportunément sous silence certaines situations propres à Lyon ou à Marseille, ou le loyer ridiculement bas acquitté dans les beaux quartiers par certaines personnalités se posant aujourd'hui en victimes alors qu'elles sont assujetties à l'ISF... La réalité de cette affaire est très diverse et il est éminemment difficile de trouver un chemin équilibré pour la trancher. Seule votre commission des lois est donc à même d'accomplir le travail de fond nécessaire pour proposer les solutions adaptées.

Je ne reviens pas non plus sur l'article 17 de votre proposition, proprement inacceptable et de nature à décrédibiliser l'ensemble du texte.

Si le projet de loi Habitat pour tous a été différé du fait du référendum du 29 mai, je puis vous garantir qu'il sera présenté comme prévu avant l'été... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Plusieurs députés socialistes - Et examiné quand ?

M. le Ministre délégué - Les présidents des commissions du Sénat et de l'Assemblée ayant souhaité constituer des groupes de travail pour approfondir certains volets du texte, vous ne me reprocherez pas d'avoir, en accédant à leur demande, privilégié la concertation avec les parlementaires. Cela justifiait bien un report de trois mois de l'examen en séance publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Reprises pour l'essentiel dans la proposition de loi de Mme Aurillac, nos orientations sont claires : étendre l'accord collectif du 16 mars, renforcer les sanctions applicables aux spéculateurs, favoriser fiscalement l'accession sociale. C'est sur ces bases que vous aurez à vous prononcer le mois prochain, le traitement du problème des ventes à la découpe n'étant pas renvoyé aux calendes grecques, mais, dans un premier temps à l'examen de la proposition de loi Aurillac.

Vous avez, Monsieur Le Bouillonnec, péché par excès de perfectionnisme : plutôt qu'à la perfection, une proposition de loi doit tendre à l'équilibre, lequel constitue assurément une forme de perfection (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Dans les explications de vote, la parole est à M. Caresche.

M. Christophe Caresche - Je souhaite exprimer la déception du groupe socialiste. Nous avions l'espoir de proposer une solution concrète à un problème dont l'urgence peut tous nous mobiliser. Las, la majorité et le Gouvernement ne nous opposent que leur embarras et leur frilosité. Présentées au fil d'une argumentation pathétiquement laborieuse, leurs arguties juridiques ne peuvent convaincre que de leur détermination à ne pas légiférer. Déterminé à refuser la voie législative, le Gouvernement a d'abord essayé de conclure un accord conventionnel. Il refuse aujourd'hui de tirer les conséquences de l'échec de sa démarche et révèle son incapacité à proposer des solutions viables. Notre proposition de loi ne visait qu'à sortir de cette impasse, et nous avons bien compris que c'était moins son contenu qui était aujourd'hui contesté que le fait qu'elle émane de nos rangs...

M. Claude Goasguen - Allons, elle est absurde ! Voyez l'article 17 !

M. Christophe Caresche - Je puis vous garantir que votre refus d'agir ne sera pas compris par les victimes des ventes à la découpe. A l'évidence, votre frilosité révèle des a priori idéologiques. Le rapporteur désigné de la proposition Aurillac, M. Decocq, a tenté de nous convaincre que la vente à la découpe, ce n'était pas si mal, cependant que Bernard Debré s'offusquait de nos atteintes supposées au droit de la propriété ! La vérité, c'est que vous ne comprenez pas ce qui se passe dans le pays. Le logement est devenu un bien spéculatif au profit des fonds de pension : c'est cette logique de profit à outrance que nous ne pouvons pas accepter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Songez qu'à New York - qui n'est certes pas la ville phare du collectivisme ! -, il existe des dispositions protectrices permettant à un locataire de s'opposer à la mise en vente de son logement. Au nom de quoi serions-nous incapables de transposer de telles mesures ? Pour nous, le droit au logement doit trouver à s'appliquer, le logement n'ayant pas vocation à se transformer en bien spéculatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

A la majorité de 146 voix contre 108, sur 254 votants et 254 suffrages exprimés, l'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles de la proposition de loi.

En conséquence, conformément à l'article 94, alinéa 3 du Règlement, la proposition de loi n'est pas adoptée.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 12 mai inclus, puis du mardi 31 mai au jeudi 9 juin inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Ce document sera annexé au compte rendu.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à midi.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 10 mai au jeudi 12 mai inclus, puis, après interruption des travaux, du mardi 31 mai au jeudi 9 juin inclus a été ainsi fixé :

MARDI 10 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

- Discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (nos 2214-2282).

MERCREDI 11 MAI, à 15 heures :

      - Questions au Gouvernement .

Eventuellement, à 21 heures 30 :

      - Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (nos 2214-2282).

JEUDI 12 MAI, à 9 heures 30 :

      - Discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre KUCHEIDA et plusieurs de ses collègues créant une couverture énergétique universelle pour les personnes défavorisées (nos 2011-2289).

      (Séance d'initiative parlementaire)

A 15 heures :

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signée à Tunis le 26 juin 2003 ainsi que de l'avenant n° 1 à cette convention signé à Tunis le 4 décembre 2003 (nos 1641-2168) ;

      - Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels (ensemble deux annexes) (nos 1853-2169) ;

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée (nos 1861-2170) ;

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (nos 1981-2171) ;

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la coopération en vue de la répression du trafic illicite maritime et aérien de stupéfiants et de substances psychotropes dans la région des Caraïbes (nos 1980-2203) ;

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'entente en matière de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec (nos 2021-2252) ;

      - Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones (nos 2173-2253) ;

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales (ensemble un protocole) (nos 2088-2284) ;

      Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 2115-2284) ;

      - Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant sous forme d'échange de lettres modifiant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 2089-2283) ;

      - Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République

      Éventuellement, suite de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (nos 2214-2282) ;

      - Discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1391 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme (nos 2162-2288) ;

      - Suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (n°s 2216-2246-2244-2245)

A 18 heures 30 :

      Éventuellement, discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.

Eventuellement, à 21 heures 30 :

      Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

MARDI 31 MAI, à 9 heures 30 :

      - Questions orales sans débat.

A 15 heures, après les  questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

      - Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (nos 2216-2246-2244-2245) ;

      - Discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

MERCREDI 1er JUIN, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

      - Suite de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

JEUDI 2 JUIN à 9 heures 30 :

      - Suite de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

A 15 heures, et à 21 heures 30 :

      Éventuellement, discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux ;

      - Suite de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

VENDREDI 3 JUIN, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

      - Suite de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

LUNDI 6 JUIN, à 16 heures et à 21 heures 30 :

      - Discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (n° 2278) ;

      - Discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 1206).

MARDI 7 JUIN, à 9 heures 30 :

      - Questions orales sans débat.

 A 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 1206).

MERCREDI 8 JUIN, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

      Sous réserve de son dépôt, discussion du projet de loi pour le développement des services à la personne et la cohésion sociale.

JEUDI 9 JUIN, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

      Éventuellement, discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi d'orientation sur l'énergie ;

      - Sous réserve de son dépôt, suite de la discussion du projet de loi pour le développement des services à la personne et la cohésion sociale.


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