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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du lundi 18 septembre 2006

Séance de 21 heures 30
8ème jour de séance, 20ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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Énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’énergie.

ART. 3 (suite)

Mme la Présidente - Cet après midi, l’Assemblée s’est arrêtée aux amendements 7272 à 7568.

M. François Brottes – Nous avons eu des débats intéressants sur cet article et je note que –pour une fois ! – M. Breton n’a pas caricaturé nos propositions. Nous demandions qu’un minimum d’énergie soit laissé à ceux qui vivent dans la précarité, notamment en fonction de la superficie de leur logement ou de leur région. Cette proposition n’a pas été retenue, mais il me semble qu’elle a été entendue. Nous n’irons pas plus loin dans nos contre-propositions, de peur qu’on les caricature.

Nous sommes tous favorables à une tarification sociale, même si nous craignons, pour notre part, que la privatisation des entreprises publiques provoque une hausse des prix, à seule fin de permettre la distribution de dividendes. Le tarif social sera donc de plus en plus sollicité, comme Jean Dionis du Séjour l’a par exemple souligné. Le seuil de la CMU ne suffira donc pas.

Nous ne voterons pas les dispositions relatives à la tarification sociale, qui n’offrent pas suffisamment de garanties : sur proposition de la commission, tout est renvoyé à un décret, ce qui manque de transparence ! Certes, le ministre a esquissé les contours de ce décret, et le rapporteur a laissé entendre que nous aurions des précisions lors de la lecture au Sénat ou au moment de la CMP, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle imprécision sur un sujet qui concerne directement des millions de Français. Ce que vous nous proposez d’adopter est encore plus imprécis que le projet de loi initialement déposé ! J’ajoute que vous ne prenez pas en compte la pression sur les tarifs qui résultera de l’ouverture à la concurrence, acceptée en 2002 par Jean-Pierre Raffarin, et de la privatisation de GDF.

Puisque nous avons déjà défendu nos propositions sur ce sujet, nous retirons les amendements 7272 à 7568, ainsi que les 7569 à 7997 et 9153 à 9680, qui abordaient tous, sous différentes facettes, la proposition que je viens de rappeler.

Les amendements 7272 à 7568 sont retirés, ainsi que les amendements 7569 à 7997 et 9153 à 9680.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques- Le Gouvernement et la commission s’efforcent que ce débat ait lieu : nous ne sommes pas d’accord sur tous les points – et ce n’est pas une surprise –, mais je suis heureux de nos échanges. Je remercie M. Brottes, qui a bien voulu retirer ses amendements. Nous avançons vers un débat de plus en plus constructif, et je vous en suis reconnaissant.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques  Les amendements 88532 et 88533 sont rédactionnels et le 88534 est de précision.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - Avis favorable à ces trois amendements.

Les amendements 88532, 88533 et 88534, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Muguette Jacquaint – Les amendements 39966 à 40537 tendent à modifier le taux de la contribution due par les fournisseurs pour assurer le financement de leurs charges de service public, notamment le financement de la tarification spéciale de solidarité. Du fait de la privatisation de GDF et de la libéralisation, la tarification spéciale devra être fréquemment appliquée face à l’explosion des tarifs du gaz. Nous devons donc assurer le financement de cette action sociale par une augmentation de la contribution due par les fournisseurs. Je propose donc que nous la portions de 2 à 2,5 %.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements : le chiffre de 2 % correspond à l’estimation actuelle des dépenses. Il est donc inutile de le relever aujourd’hui.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Les amendements 39 966 à 40537, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 88535 est de précision.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

L'amendement 88535, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Les amendements 40538 à 40647 sont défendus.

Les amendements 40538 à 40647, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour - J’ai été convaincu par les arguments développés en commission par le rapporteur. Je retire donc l’amendement 137568.

L'amendement 137568 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 88536 est de précision.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

L'amendement 88536, mis aux voix, est adopté.

Mme Janine Jambu – Les amendements 40648 à 41087 tendent à augmenter la pénalité de retard appliquée au fournisseur qui ne s’acquitte pas de la contribution prévue pour le financement des obligations de service public.

Nous avons de vives inquiétudes sur le comportement qu’adopteront les opérateurs, une fois la privatisation réalisée. En effet, nous avons déjà constaté que les agences clientèle situées dans le sud des Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et l’Essonne ferment les unes après les autres – celle d’Issy-les-Moulineaux vient par exemple de fermer en août. À l’agence d’Arcueil, la borne de paiement accessible aux usagers fermera également le 8 septembre : les paiements devront donc être effectués par voie postale, ce qui allongera les délais et retardera les rétablissements de courant.

Alors que les agents d’EDF ou de GDF étaient attentifs aux situations de détresse sociale et s’efforçaient de rétablir l’électricité ou le gaz dès qu’un paiement était enregistré, cette nouvelle organisation éloigne les usagers des entreprises. En outre, on imagine mal que les actionnaires Suez ou Poweo se soucieront que des enfants, des femmes et des personnes âgées restent sans lumière et sans chauffage pendant plusieurs semaines.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Il n’est jamais arrivé que la pénalité de retard ait dû être appliquée. Il n’est donc pas utile d’en augmenter le taux. Avis défavorable.

Les amendements 40648 à 41087, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 88537 est de précision.

L'amendement 88537, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L’esprit des amendements 41088 à 41747 et 41748 à 41769 est le même que celui de nos amendements précédents.

Les amendements 41088 à 41747 et 41748 à 41769, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - Par les amendements 41770 à 42957, nous en appelons une nouvelle fois à un moratoire sur l’ouverture intégrale à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz. L’enjeu dépasse les clivages partisans. L’étude réalisée par NUS Consulting en apporte la preuve : selon M. Michel Brugnon, son auteur, on assiste à un blocage car, étant donné les hausses spectaculaires enregistrées sur le marché déréglementé, aucune entreprise ne veut plus y aller. Le Gouvernement devrait donc s’interroger, et interpeller ses partenaires européens pour obtenir la renégociation des directives considérées. L’adoption de ces amendements apaiserait l’inquiétude de nos concitoyens.

Les amendements 41770 à 42957, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - Au vu de l’accélération du débat, je demande une suspension de séance avant que nous passions à un autre sujet.

La séance, suspendue à 21 heures 50, est reprise à 22 heures 5.

APRÈS L'ART. 3

Mme la Présidente – Nous en venons aux amendements identiques 3141 à 3290, précédemment réservés et qui sont en discussion commune avec d’autre amendements.

M. François Brottes - Ils servent de préalable à nos débats sur ce qu’il était convenu d’appeler, en juin, le « tarif de retour » – et sans doute faut-il entendre désormais « de retour à meilleure fortune »… À l’origine, certains – pas nous - étaient convaincus que l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité ferait baisser les prix. On sait que c’est l’inverse qui est advenu, et beaucoup s’en mordent les doigts. Au reste, ce n’est pas un hasard et, s’agissant de l’électricité, les cours du pétrole n’y sont pour rien. La triste réalité à laquelle il a bien fallu se rendre, c’est que le profit ne se dégage qu’à coup de hausses de tarifs.

Pour ne pas faire miroiter à ceux qui l’attendent avec impatience un dispositif qui, une fois voté, ne serait pas applicable, nos amendements demandent que l’on vérifie auprès de la Commission européenne si elle est prête à donner son accord pour que soit créé un tarif de retour. Il ne faudrait pas, comme on l’a vu pour la TVA sur la restauration, que les décisions prises ici même à l’issue d’un débat riche et contradictoire ne trouvent jamais à s’appliquer, faute du feu vert de Bruxelles. Prenons garde de ne pas vendre à nos concitoyens un système qui n’entrera jamais en vigueur.

Je rappelle en outre que nous attendons toujours l’avis définitif de la Commission européenne sur le projet de fusion entre Gaz de France et Suez et sur l’action spécifique – la fameuse golden share. M. le ministre peut-il indiquer si ses contacts avec Bruxelles permettent d’espérer que le tarif de retour sera applicable ?

M. le Rapporteur - Avec Patrick Ollier, Serge Poignant et Alain Cousin, nous avons déposé l’amendement 88538 rectifié pour tenter de régler un problème délicat auquel sont confrontées nombre d’entreprises françaises. La loi du 10 février 2000 a ouvert le marché de l’électricité et rendu possible le changement de fournisseur pour les gros consommateurs. Par la suite, d’autres dispositions ont progressivement élargi le segment au sein duquel les entreprises les plus consommatrices d’électricité pouvaient changer de fournisseur ou de contrat avec l’opérateur historique qu’est EDF. En libéralisant les échanges, la loi permet, au fur et à mesure que s’étend la catégorie de consommation à laquelle vous appartenez, de négocier avec votre fournisseur d’électricité.

Que s’est-il passé une fois cette loi promulguée, ou, pour être précis, à partir de 1999, la loi de 2000 venant seulement confirmer une possibilité déjà ouverte à la catégorie des « électro-intensifs » ? En effet, suite à la directive de 1996, les entreprises qui pesaient le plus lourd pouvaient déjà négocier les conditions dans lesquelles l’électricité leur était fournie. Entre la fin 1998 et 2001, le marché s’est donc libéralisé.

Au début, le prix de l’électricité était relativement bas par rapport à celui de nos principaux voisins. Et cet avantage particulier du système français – dû, pour l’essentiel, au nucléaire – était unanimement reconnu. À cette époque, pour ceux qui ont choisi de sortir des tarifs, les prix ont baissé d’environ 20 %. Pendant deux ou trois ans, les entreprises ayant pris cette option ont donc été gagnantes.

À partir de 2003, les choses ont changé. Le prix de vente du mégawatt est passé de 20 à 30 euros ; mi-2005, il était à 40 euros ; fin 2005, à 50 euros et il est aujourd’hui à un peu plus de 56 euros. En l’espace de trois ans, le prix du mégawatt a donc pratiquement triplé. Bien entendu, on pourrait organiser un débat sur les raisons de cette augmentation et l’on sait déjà que plusieurs facteurs y ont concouru. Il reste qu’au final, les prix français ont rejoint les prix allemands et qu’ils correspondent aujourd’hui, pour les plus gros consommateurs, à la moyenne européenne.

L’impact de la taxe sur le dioxyde de carbone est quasiment nul puisque notre énergie utilise peu les fossiles – charbon, gaz, pétrole. Notre électricité est pour l’essentiel d’origine nucléaire, et, pour une part significative, d’origine hydraulique. 90 % de notre production ne peut donc pas être taxée à ce titre. Lorsque le Gouvernement a organisé un débat sur l’énergie, j’avais indiqué qu’il y avait un préalable à lever avant d’examiner tout nouveau texte et de transposer la directive : la question des prix de l’électricité pour les industriels qui avaient choisi de négocier librement avec un fournisseur.

Les entreprises très dépendantes de l’électricité, y compris des PME, ont alors connu de graves difficultés en raison de hausses atteignant 60 % à 80 %.

M. Michel Bouvard - Et même plus, jusqu’à 150 % !

M. le Rapporteur – Certaines ont dû reconsidérer leur programme industriel, d’autres ont envisagé des délocalisations ou des compressions de personnel.

Pourquoi l’électricité était-elle devenue brusquement si chère ? Certes, le prix du pétrole joue, mais dans quelle mesure ? Notre électricité d’origine nucléaire a longtemps été présentée comme un atout non seulement pour la sécurité d’approvisionnement, mais pour le prix. Force était donc de constater que le marché de l’électricité à ses débuts connaissait des à-coups. Il fallait intervenir. Depuis le printemps, j’y ai travaillé avec le président Ollier et le Gouvernement. La loi de 2000 interdit au consommateur qui a choisi de quitter le tarif de revenir sur son choix. Mais l’Union européenne ne prohibe pas les tarifs. C’est pourquoi j’ai proposé également un amendement qui permet de les maintenir au-delà du 31 décembre 2007 pour les entreprises.

M. Michel Piron - C’est fondamental.

M. le Rapporteur – Effectivement. Nous serons ainsi dans un système où coexisteront des tarifs régulés fixés par les pouvoirs publics et le marché.

Dès lors qu’il n’est pas interdit de maintenir des tarifs, nous avons envisagé comme solution, pour les entreprises fortement pénalisées par la hausse des prix, l’accès à un tarif transitoire. Mais qu’on ne parle pas de « tarif de retour ». De ce point de vue, les nombreux amendements de l’opposition qui renvoient au tarif sont contredits par celui que vient de défendre M. Brottes, qui prétend que Bruxelles n’acceptera pas un tarif transitoire intermédiaire – cela vaut aussi pour tous ces amendements de « retour ».

Notre solution est juste : il ne serait pas normal que les entreprises qui ont choisi le marché se retrouvent au même niveau que celles qui sont restées au tarif.

M. Pierre Cohen - C’est une punition ?

M. le Rapporteur – Non, mais quand on fait un choix, il faut en assumer les conséquences. Ces entreprises passées au marché ayant d’abord gagné 20 % puis subi des hausses, nous avons proposé une augmentation de 30 % par rapport au tarif intégré – c’est-à-dire comprenant, outre la fourniture d’électricité, le tarif d’acheminement. Le tarif réglementé transitoire se situe ainsi à environ 15 euros au-dessus du tarif réglementé et à 18 euros de moins que le tarif moyen du marché.

En second lieu, les entreprises qui sont passées au marché peuvent demander d’ici au 30 juin 2007 à bénéficier de ce tarif, soit environ pendant six mois après la promulgation de la loi…

M. Jean-Claude Lefort - Et vous ne serez plus là !

M. le Rapporteur - …Et ce « tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché », une fois obtenu, s’appliquera pendant deux ans. Telle est l’économie de l’amendement 88538 rectifié, qui rend une certaine stabilité aux entreprises grosses consommatrices d’électricité.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances – La commission des finances a adopté un amendement 88410 rectifié à l’initiative de M. de Courson, qui va le présenter.

M. Charles de Courson – Nous sommes sur un marché qui ne peut pas fonctionner s’il n’est pas encadré. Actuellement, le prix de l’électricité ou du gaz est fixé à partir de celui du baril de pétrole. Dès lors, à qui doit aller la rente que représente la différence entre le prix de marché et le prix de revient de l’électricité d’origine nucléaire ou hydraulique ?

M. Michel Bouvard - Bonne question !

M. Charles de Courson – Pour les ultralibéraux, cette rente enrichira l’entreprise, c’est-à-dire EDF, donc l’État et quelques actionnaires privés. À la commission des finances nous avons pensé qu’elle devait profiter à la compétitivité des entreprises françaises. Nous avons donc, après bien des débats, adopté à une forte majorité un amendement qui dit que lorsque le prix de marché s’écarte de plus de 25 % du tarif réglementé, les entreprises qui ont fait jouer l’éligibilité peuvent revenir au tarif réglementé, mais majoré de 20 % – car il serait trop facile de passer de l’un à l’autre – et cela après une période de deux ans et pour deux ans. Nous avions aussi hésité entre 25 % et 30 %, ce pourcentage étant calculé uniquement sur la composante du prix qui est libre, non sur le transport, qui reste régulé. Sur le prix total, ces 25 % correspondent à 15 %. Le dispositif est financé de la même façon que celui de la commission de la production, par prélèvement.

Au contraire, l’amendement du groupe socialiste tue le système, car il n’est pas responsable de laisser à une entreprise la possibilité de revenir au tarif régulé sans conséquence : si on choisit la liberté, il faut l’assumer, au moins pendant un certain temps, et avec un certain écart. En outre, à la différence de l’amendement de la commission des affaires économiques, nous proposons un système permanent, renouvelable. Bien malin qui pourrait dire ce que sera la situation du marché de l’énergie dans deux ou trois ans. Notre amendement a l’avantage d’assurer un encadrement : quoi qu’il se passe, il n’est pas possible de dépasser 25 %.

C’est un amendement très simple, qui consiste à dire que la rente hydraulique et électronucléaire doit rester à la compétitivité des entreprises françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP)

Je retire l’amendement 137556.

M. le Rapporteur pour avis – L’amendement 137536 rectifié, que je présente à titre personnel, partage la même philosophie que les deux amendements de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, qui visent à mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises ayant opté pour l’éligibilité d’être moins pénalisées, sans que le retour au tarif régulé soit pour autant possible. À la différence des deux autres, toutefois, mon amendement prévoit de faire subsister un lien avec le prix du marché, en fixant le tarif de retour à la moyenne entre le tarif régulé et le prix du marché. Ainsi l’amendement prévoit-il que « lorsque le prix de la fourniture d’électricité payé pour un site par un client (…) excède 140 % du tarif réglementé de vente (…), ce client peut demander à bénéficier de ce tarif pour la moitié de la consommation du site ». Le lien avec le prix de marché subsiste donc pour la moitié de la consommation du site, pour une durée de deux ans, sans autre modification contractuelle. Le dispositif n’inclut pas le prix du transport de l’électricité, mais seulement celui de la fourniture. D’après nos simulations, la facture serait de cette façon égale, pour la fourniture, au tarif majoré de 30 %, la part du transport restant inchangée.

Mme Muguette Jacquaint - Je défends les amendements 136602 à 136623. Suite à la loi du 9 août 2004, certaines entreprises ont exercé leur éligibilité. Loin de bénéficier de prix plus bas, elles ont supporté une hausse des tarifs non réglementés sur la période, entraînant un accroissement de leurs coûts de production. Nous souhaitons donc inscrire dans la loi un principe de réversibilité et d’éligibilité pour les entreprises répondant à la définition européenne de PME. Laissons aux entreprises la possibilité de revenir au tarif réglementé : il en va de leur survie !

Certes, les clients industriels ayant exercé leur éligibilité ont bénéficié au début de prix inférieurs au tarif régulé, mais ces prix ont rapidement connu des hausses vertigineuses. Nul ne conteste un tel diagnostic, qui a ainsi motivé la rédaction d’amendements proposant de permettre aux entreprises de revenir, pendant deux ans, à un tarif plafonné et de faire financer le manque à gagner pour les fournisseurs d’énergie par les gros producteurs comme EDF et Suez. Un tel dispositif nous paraît insuffisant pour enrayer la hausse des prix.

Il y a là quelque chose à faire pour l’emploi, car les PME peuvent, à cause de cet alourdissement de leur facture énergétique, être conduites à la faillite et licencier. Deux associations représentant des entreprises consommatrices d’énergie et des entreprises ayant exercé leur éligibilité ont exprimé leurs inquiétudes concernant les prix de l’électricité et du gaz. Les ayant entendues, nous proposons d’ouvrir un droit de réversibilité et d’éligibilité pour les PME, qui constituent la trame de notre tissu économique et sont souvent fragiles. Je constate avec satisfaction que certains de la majorité m’approuvent.

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux amendements du groupe communiste et républicain. J’observe d’autre part des différences entre l’amendement de la commission des finances et celui de la commission des affaires économiques, même si notre objectif est le même.

Quant à l’amendement défendu à titre personnel par M. Novelli, il propose un système de « 50-50 », c’est-à-dire un niveau compris entre le tarif et le prix de marché. Si une telle solution m’a tenté au début, j’y ai renoncé, parce que les consommateurs y sont opposés. En effet, ceux-ci demandent de la visibilité, un niveau de prix clair qui ne change pas tous les jours. Du fait de la liaison que l’amendement établit avec le prix de marché, les fluctuations, pour être moins amples, n’en sont pas moins réelles. Je mets donc en garde l’Assemblée.

Enfin, le dispositif proposé par la commission des finances présente plusieurs inconvénients. D’abord, il est pérenne.

M. Jean Dionis du Séjour - Ce n’est pas un inconvénient !

M. le Rapporteur – Mais la directive ne permet pas à ceux qui ont fait jouer leur éligibilité de revenir en arrière.

M. Jean Dionis du Séjour - Ah ! Voilà !

M. Jean-Claude Lefort - Mais alors, de quoi parlons-nous !

M. Charles de Courson - Mais cela se fait en Espagne !

M. le Rapporteur – Ensuite, l’amendement porte à la fois sur l’électricité et le gaz, alors que le problème ne se pose que pour l’électricité. En ce qui concerne le gaz, il y a peu de différence entre les tarifs et les prix du marché. Troisième inconvénient : la compensation prévue est extrêmement floue. Si l’on met en place un tarif transitoire moins élevé, les fournisseurs seront pénalisés et il faut bien prévoir une compensation par rapport aux prix qu’ils pratiquaient. La solution proposée par la commission des affaires économiques est beaucoup plus aboutie.

Enfin, la majoration ne serait que de 20 % par rapport aux tarifs réglementés. C’est oublier un objectif fondamental : préserver les capacités d’investissement. Si EDF – ou tout autre fournisseur d’ailleurs – n’est pas en mesure de renouveler l’investissement, nous rencontrerons des difficultés majeures qui se dessinent déjà. Il faudra, entre autres, dans les années qui viennent, renouveler le parc électronucléaire. En fixant de façon autoritaire des niveaux trop bas, on se donne le plaisir d’offrir aux consommateurs des prix défiant toute concurrence, mais le problème de reconstituer les capacités de production du pays se posera dans quelques années.

J’appelle solennellement l’attention de nos collègues sur le fait que le choix qu’ils ont à faire est lourd de responsabilités.

Mme Jacqueline Fraysse – Ça, c’est sûr !

M. le Rapporteur – L’amendement proposé par la commission des affaires économiques, soutenu par son président, a été longuement travaillé. Il évite de se laisser tenter par des solutions trompeuses.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est défavorable à l’amendement 3141 de M. Brottes, qui commence par « Dans les quatre mois suivant l'autorisation formelle donnée par la Commission européenne de la mettre en place ». Ce n’est pas dans ce sens que cela fonctionne ! Par ailleurs, je suis sûr que la Commission ne nous donnera jamais l’autorisation formelle d’un retour au tarif... (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) puisque nos amis espagnols, qui ont tenté de le faire, se sont vu adresser une injonction.

M. François Brottes - Merci de votre franchise !

M. le Ministre délégué - L’amendement 88538 rectifié de la commission des affaires économiques permet d’éviter tous les écueils auxquels nous sommes confrontés, et c’est le seul auquel je sois favorable. Il est tout à fait réalisable, il répond aux préoccupations des entreprises, il est eurocompatible et il propose des niveaux de tarif convenables.

L’amendement 88410 rectifié de la commission des finances aurait d’abord pour effet de faire disparaître le marché, puisque tous les consommateurs ou presque choisiraient cette solution. Ou alors, il perdurerait pour une part si faible que ses prix ne pourraient en aucune façon servir de référence, contrairement à ce qui est proposé. Ensuite, l’amendement prévoit que les autres fournisseurs – producteurs alternatifs ou distributeurs d’électricité – puissent se fournir auprès de l’opérateur historique. Mais les droits de tirage de l’opérateur principal ne peuvent être mis en vente qu’au prix du marché ! S’ils l’étaient à un prix plus faible, ce serait une véritable aubaine pour ceux qui ont le droit de les acheter, qui les revendraient le lendemain au prix du marché. Ce dispositif est donc irréalisable.

L’amendement 137536 rectifié de M. Novelli propose le bénéfice du tarif réglementé pour la moitié de la consommation, ce qui revient à une réduction de moitié de l’écart – donc à la solution proposée par la commission des affaires économiques. Cette dernière a toutefois l’avantage d’être beaucoup plus facile à appliquer : une usine ne consomme jamais la même chose d’une année sur l’autre. Comment évaluer la « moitié » en question ? Les conséquences financières étant les mêmes que celles de l’amendement Lenoir, je demande le retrait de cet amendement 137536 rectifié. Enfin, les amendements 136602 à 136623 du groupe communiste s’adressent aux PME. J’ai beaucoup apprécié, Madame Jacquaint, l’éloge que vous en avez fait.

Mme Muguette Jacquaint - Ce n’est pas nouveau !

M. le Ministre délégué – Je suis un ardent défenseur des PME et des PMI, et nous nous employons à ce qu’elles puissent bénéficier des meilleures conditions économiques et tarifaires. Mais retenir un dispositif qui ferme complètement le marché et supprime tous les opérateurs alternatifs, qui ont des contrats en cours, n’est guère envisageable.

J’invite donc l’Assemblée à voter l’amendement 88538 rectifié de la commission des affaires économiques.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je voudrais donner les raisons de la préférence de la commission des finances pour l’amendement de M. de Courson. D’abord, nous savons que le retour au tarif régulé ne permettra pas à EDF de procéder aux investissements nécessaires, même si nous reconnaissons que les conditions de la concurrence n’existent pas aujourd’hui. Ensuite, la commission des finances n’a pas accepté l’amendement de M. Novelli, qui présentait pourtant une grande cohérence, parce qu’elle a trouvé les conditions dans lesquelles EDF s’est comportée vis-à-vis des entreprises du marché dérégulé inacceptables. Pour ma part, je ne peux pas accepter qu’on propose des augmentations de 70 %, qui ne prennent pas en compte le potentiel d’énergie nucléaire de la France et qui étouffent de nombreuses moyennes et petites entreprises ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Ducout - Tout de même !

M. le Président de la commission des finances – Quant à l’amendement de la commission des affaires économiques, le niveau de 30 % imposé aux PME-PMI est lourd. Par ailleurs, comment ferons-nous dans deux ans ?

MM. Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson - Bien sûr !

M. le Président de la commission des finances – Devrons-nous revenir devant le Parlement ? Revenir au marché dérégulé, avec des hausses de 70 % ? J’ai été très surpris que ce soit la commission des finances, à la quasi unanimité d’ailleurs, qui réagisse face à ce comportement inacceptable d’EDF, et non le ministère de l’industrie. Demain, lorsque le niveau sera de nouveau celui du marché dérégulé, que se passera-t-il ?

La situation est pleine d’incertitudes. Nous avons vu que le marché ne fonctionne pas dans un système de rareté, qu’il faut trouver une synthèse, aux alentours d’un niveau de 20 ou 25 %, et assurer la continuité au-delà de deux ans pour ne pas revenir aux tarifs inacceptables imposés aux PME et PMI. C’est pourquoi nous avons donné, à une très large majorité, notre accord à l’amendement 88410 rectifié.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. Christian Bataille – Ne jouons pas les apprentis sorciers, alors que nous avons un système électrique qui marche grâce à l’effort consenti par la nation. Voyez plutôt ce qu’ont donné les dérégulations en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Je vois s’accumuler des amendements, qui arrivent de façon désordonnée, et je vois le débat devenir confus. Attention au résultat !

On rend un mauvais service à la cause européenne en s’inclinant continuellement, comme le font certains collègues et comme le fait le Gouvernement, devant la volonté affirmée ou présumée de Bruxelles. « Bruxelles ne permettra pas ceci, ni cela » ! Vous partez vaincus d’avance.

Je vois aussi que, par le biais d’un projet de privatisation de Gaz de France, on est en train de remettre en cause le fait que les centrales nucléaires sont la propriété de la nation. Veut-on que ce patrimoine soit dispersé entre des mains privées ? Certes, il est normal qu’elles suscitent des convoitises, car elles ont encore quarante ou cinquante ans de vie devant elles et constituent donc ce que les Américains appellent des cash cows, autrement dit des vaches à lait. Les enjeux sont par conséquent considérables, ce qui explique peut-être que des amendements arrivent sournoisement…

Je suis d’autre part étonné d’apprendre qu’EDF pourrait ne pas faire face aux investissements nécessaires. Il me semble qu’EDF a toujours été au contraire un planificateur exemplaire, capable de prévoir des investissements sur vingt, trente ou quarante ans, alors que l’on risque au final de se retrouver avec des Suez ou des Poweo incapables d’investir à l’horizon de deux ou trois ans !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste souhaite qu’il soit possible de revenir purement et simplement au tarif réglementé et craint que la France ne soit en train de renoncer à l’un de ses principaux avantages compétitifs.

M. Jean-Pierre Soisson - Tous ces amendements tendent à sortir du domaine législatif pour empiéter largement sur le domaine réglementaire. Comme l’a rappelé le Président de l’Assemblée, ce n’est pas rendre service au Parlement que de procéder ainsi.

Sur le fond, je suis d’accord avec le président Méhaignerie pour considérer que, dans cette affaire, nous devons penser d’abord aux entreprises. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de M. de Courson. De grâce, organisons un système pérenne ! Il y en a assez des textes incompréhensibles et qui vont contre les intérêts des entreprises !

M. Pierre Cohen - Les libéraux nous expliquent sans cesse que l’ouverture des marchés fait baisser les prix et profite aux consommateurs. Or, dans le cas de l’électricité, on constate que c’est le contraire qui s’est passé. Et, comme chaque fois que le marché cause des désastres, les mêmes se tournent vers la puissance publique ou vers la loi. Voici donc que l’on nous demande de contrarier le marché en permettant à des entreprises qui ont vu leur facture exploser de revenir en arrière.

Le rapporteur nous met en garde, de façon assez solennelle, contre le risque qu’EDF ne soit plus en mesure de financer son effort de recherche et d’investir comme il le faudrait. On a du mal à le croire, d’une part parce que cela fait trente ans qu’EDF est capable de pratiquer des bas tarifs tout en ayant une excellente stratégie industrielle, d’autre part parce qu’on voit mal pourquoi la situation deviendrait catastrophique à cause de seulement 5 % de moins que ce qu’il propose lui-même.

M. Méhaignerie a d’autre part raison de dire qu’il y a dans l’amendement de M. Lenoir une stratégie qui consiste, au fond, à se donner deux ans pour charger les porteurs du tarif régulé, afin qu’au bout du compte ils tendent vers les prix du marché et qu’il n’y ait plus ni tarif régulé, ni maîtrise de la puissance publique.

Nous ne voulons pas, nous, d’un marchandage entre 20 ou 30 %. Il faut tout simplement que le retour au tarif régulé soit possible, puisqu’en définitive c’est celui qui fonctionne le mieux.

M. Charles de Courson - Le rapporteur nous dit que le caractère pérenne de notre amendement est un inconvénient. Non, c’est un avantage !

Il évoque à l’encontre de notre amendement l’exemple espagnol, mais en Espagne, c’est une disposition du type de celle que souhaitent nos collègues socialistes et communistes qui a été adoptée, à savoir un retour au tarif réglementé possible sans pénalité. Nous, nous prévoyons une pénalité.

Le rapporteur nous répond d’autre part que notre amendement s’applique assez bien au marché de l’électricité, mais pas à celui du gaz. Mais si le marché du gaz ne fonctionne pas de façon trop erratique et reste en dessous des seuils de déclenchement de la réversibilité, tant mieux ! Reste que bon nombre d’entreprises ont tout de même subi des hausses du gaz importantes.

Quid de la compensation ? nous demande d’autre part le rapporteur. Mais nous prévoyons la même que celle préconisée par la commission des affaires économiques. Quant aux niveaux que nous préconisons les uns et les autres, ils sont très proches, tant en ce qui concerne les seuils de déclenchement que pour les tarifs.

Le rapporteur nous dit enfin que, si l’Assemblée adopte l’amendement de la commission des finances, elle va réduire les bénéfices d’EDF et donc ses investissements à venir. Mais est-ce qu’une minorité – à savoir les entreprises qui ont choisi l’éligibilité – doit financer la totalité de l’effort d’investissement d’EDF ? Ce ne serait pas acceptable.

J’en viens aux arguments du ministre contre notre amendement. Non, Monsieur le ministre, il n’y aura pas disparition du marché, mais seulement encadrement de celui-ci avec un plafond de 25 %. Le marché fluctuera entre les tarifs réglementés et 25 % au-dessus de ces derniers. Vous nous dites aussi que nous allons créer des rentes. Mais que l’on retienne 30 %, comme le souhaite la commission des affaires économiques, ou 20 %, comme le souhaite la commission des finances, le problème se pose à peu près dans les mêmes termes !

Notre position serait-elle enfin contraire au droit communautaire ? Précisons que dans le cas de l’Espagne, la réversibilité ne s’accompagnait d’aucune sanction : il s’agissait donc d’un retour « sec » au tarif réglementé au bout d’un an, ce qui me semble effectivement excessif, car il n’y aurait plus de responsabilisation de ceux qui ont choisi la liberté !

M. François Brottes – Je rappelle que, sans le Conseil d’État, qui a souhaité que le projet de privatisation de GDF s’accompagne d’une transposition de la directive européenne, le Gouvernement n’aurait jamais abordé cette question. Je crois même me souvenir que vous n’aviez pas prévu de retour au tarif : c’est sous la pression de certains députés UMP que vous ajouté cette mesure afin de mieux faire passer la pilule.

Sur le fond, je voudrais remercier le ministre pour sa franchise, car il nous a clairement indiqué que la Commission n’était pas favorable à ce dispositif. Nous sommes donc face à une mesure du même type que la TVA sur la restauration !

Pis encore, vous cherchez à soigner le mal sans en traiter les causes. Contrairement à ce que laisse entendre M. Méhaignerie – seule la commission des finances se serait souciée du sujet –, le parti socialiste avait demandé une commission d’enquête sur les prix de l’électricité, travail qui nous aurait permis de mieux comprendre pourquoi le mal actuel s’est développé ! Toutes les entreprises, grandes ou petites, pâtissent en effet de la hausse des prix de l’énergie. Cela, chacun le sait et le dit, mais sans toujours s’appesantir sur les déséquilibres à l’origine du problème : certaines entreprises vendent de l’énergie sans en produire et d’autres vivent même du dérèglement du marché ! En cas de pénurie, elles vendent les kilowattheures au prix fort ! Voilà pourquoi le prix de marché est parfois bien éloigné en France du prix moyen de production dans d’autres pays.

Mais qu’on ne se méprenne pas : je ne propose pas de renier l’organisation bien particulière de notre pays en matière d’énergie – soyons fiers de notre héritage et ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !

Pour en venir à votre amendement, Monsieur le rapporteur, il s’agirait non d’appliquer un taux de 30 %, mais un taux qui varierait de 0 à 30 %, et vous proposez que l’on puisse changer de fournisseur lors du retour au tarif, ce que nous ne pouvons accepter. Par ailleurs, comment pourrions-nous nous prononcer sans régler la question de la compensation de la baisse des prix ? Qui paiera, sinon EDF ? Et elle paiera d’autant plus cher que certains clients profiteront du retour au tarif pour aller voir ailleurs ! EDF devra donc non seulement fournir sa production, mais également compenser les baisses de tarif des autres fournisseurs ! Face à cela, chacun peut facilement deviner qu’elle exigera une hausse du tarif administré, qui se rapprochera alors des prix du marché.

C’est donc un marché de dupes que vous nous proposez : non seulement votre dispositif risque de ne pas être applicable, mais il fera en outre augmenter le tarif réglementé et il nous conduira dans le mur en moins de deux ans !

M. le président de la commission des affaires économiques Malgré toute l’amitié et l’estime que je vous porte, M. Soisson, je suis en désaccord avec vous : nous devons passer par la voie législative, car il s’agit de modifier des contrats en cours – un décret ne suffirait donc pas.

Sur le fond, nous différons sur les moyens mais nous sommes tous d’accord sur les objectifs à atteindre et il ne semble pas que nos divergences soient insurmontables.

S’agissant de la pérennité, les autres propositions nous empêcheraient de faire jouer le principe d’éligibilité, ce qui ne serait pas conforme à la directive. Je vous propose donc, avec le rapporteur, une solution de juste équilibre. Nous voulons aider les PME qui subissent les hausses de prix – et sur ce point, MM. Novelli et Méhaignerie sont sur la même ligne que nous. Faut-il emprunter pour autant la voie suggérée par la commission des finances ? Nous devons trouver un point d’équilibre qui nous permettrait d’éviter que les entreprises paient trop cher leur énergie sans pour autant compromettre les comptes d’EDF. Pensons en effet aux investissements futurs : un EPR coûte trois milliards d’euros, et il faudra remplacer 58 centrales dans les décennies qui viennent.

Sur ce point, notre proposition d’appliquer un taux de 30 % coûterait 500 millions d’euros, ce qui nous semble correspondre au juste équilibre dont je parlais, car nous ne remettrions pas en cause les capacités financières de GDF tout en apportant aux entreprises une solution acceptable.

M. Jean-Pierre Soisson - Et à 20 %, qu’en serait-il ?

M. le Président de la commission des affaires économiques – Notre amendement prévoit que « ce tarif ne peut être supérieur à 30 % », ce qui signifie qu’il pourra être inférieur à ce chiffre, comme l’a d’ailleurs souligné M. Brottes. Tout dépendra en effet des difficultés éprouvées par les entreprises. Nous sommes donc allés dans votre sens, Monsieur Novelli, en proposant des mesures très souples, et je souhaiterais que la commission des finances se rallie à notre amendement, qui n’est pas si différent du sien.

M. le Rapporteur pour avis - L’amendement de la commission des affaires économiques ne précise pas comment se fera la compensation et il me semble que M. Soisson a parfaitement raison : les entreprises ne sauront pas quel taux leur sera appliqué, puisqu’il sera fixé par décret. Pourquoi le Parlement ne le fixerait-il pas lui-même ? J’ajoute que nous ignorons ce qui se passera au bout du délai de deux ans, comme l’a souligné le président Méhaignerie.

Pour clarifier la situation, j’accepte toutefois de retirer l’amendement que j’ai déposé à titre personnel. Restent donc en débat l’amendement de la commission des affaires économiques et celui de la commission des finances, qu’il ne m’appartient pas de retirer.

M. Jean-Pierre Soisson – Les deux commissions ne peuvent-elles se mettre d’accord ?

M. le Ministre délégué – Après ce débat intéressant, il convient, comme le suggère M. Soisson, d’en venir à une synthèse. Je suis désolé de dire à M. de Courson que c’est à un assèchement et non à un encadrement du marché que l’on assisterait si l’on adoptait le mécanisme qu’il suggère. Une fois le marché convenablement organisé, quelle entreprise accepterait de payer son énergie plus cher pour le plaisir ? Cela n’arrivera pas ! Le deuxième inconvénient du dispositif qu’il propose, c’est que l’on ne peut instituer un prix d’achat convenu auprès des producteurs, sous peine de créer un effet d’aubaine immédiat.

Reste la question, soulevée par M. Méhaignerie, de la durée du dispositif proposé. Elle peut, certes, excéder deux ans mais, dans tous les cas, le mécanisme doit être limité dans le temps, pour une raison constitutionnelle – le respect de la liberté contractuelle, à laquelle seules des circonstances exceptionnelles permettent de déroger. Actuellement, il en existe deux : d’abord, une hausse du prix de l’électricité beaucoup plus marquée que par le passé, qui s’explique par l’insuffisance des capacités européennes de transport et de distribution, ensuite l’incorporation du prix du CO² dans celui de l’électricité…

M. Michel Bouvard – Ce qui est invraisemblable !

M. le Ministre délégué – Ces deux phénomènes exceptionnels doivent être corrigés, le premier par des investissements, le second par une lutte renforcée contre les émissions de CO². Et c’est parce qu’ils sont voués à disparaître que nous fixons une durée limitée à ce dispositif. Quant au prix du baril de pétrole, il n’a pas d’incidence pour l’électricité d’origine nucléaire…

M. Christian Bataille - Mais il en a pour le prix du marché !

M. le Ministre délégué – C’est exact. L’amendement de votre commission saisie au fond prend en compte l’ensemble de ces contraintes, et il serait bon qu’il fût adopté.

M. Jean-Pierre Soisson - À situation exceptionnelle, il faut un amendement exceptionnel !

M. le Président de la commission des finances – Je remercie le président Ollier de l’esprit d’ouverture dont il a fait preuve, mais il n’est pas allé au bout de la synthèse. J’ai ici une liasse de courriers reçus de très nombreuses PME et PMI – équipementiers automobiles, entreprises du secteur du papier, de la chimie, de l’électronique, du plastique…. Toutes demandent que la majoration soit limitée à 15 %. On semble ne pas mesurer leurs difficultés ! Aujourd’hui, un équipementier automobile qui voit ses prix baisser de 3 % et sa production de 15 % ne peut qu’envisager de déplacer ses activités en Pologne. Dans un tel contexte, le tarif de l’électricité est un élément crucial pour certaines entreprises, et toute synthèse doit comporter un geste en leur faveur.

Par ailleurs, je maintiens que le tarif transitoire doit demeurer jusqu’à ce qu’un véritable marché fonctionne effectivement. Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour qu’il en soit ainsi. Le seront-elles dans deux ans ? Le ministre n’a pas répondu à cette question, et c’est pourquoi je préfère que le dispositif soit prévu pour durer plus longtemps. Nous devons certes tenir compte des contraintes européennes, mais la rente nucléaire doit-elle rester nationale ?

M. Christian Bataille - Oui ! Elle appartient à la nation !

M. le Président de la commission des finances – On doit donc en tenir compte dans les prix.

Le marché de l’énergie n’existe pas à ce jour. Il n’y a pas de concurrence, car des monopoles se sont constitués – c’est tellement vrai qu’en Allemagne, l’homologue de la CRE a contraint les deux entreprises du secteur à baisser leurs prix. La Commission européenne, qui le sait parfaitement, ne peut donc nous reprocher de mettre au point un dispositif transitoire tenant compte des difficultés de nos PME et PMI, et appelé à durer jusqu’au moment où le marché fonctionnera effectivement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur – Le consensus s’est fait sur la nécessité d’un tarif transitoire. Le débat s’est donc centré sur les deux questions de fond que sont la durée du dispositif transitoire et l’ampleur de la majoration. M. de Courson voudrait un tarif pérenne ; mais, dans dix ans, on ne trouvera pas une seule entreprise qui choisira de continuer à payer l’énergie plus cher que le prix du marché au motif qu’elle avait choisi un tarif déréglementé en 2002 ou 2003 !

M. Charles de Courson – Si ! Au nom de la liberté !

M. le Rapporteur – Nous avions envisagé de fixer à cinq ans la durée du dispositif transitoire, mais nous avons finalement estimé que ce serait trop. Au terme des deux ans prévus, le Parlement déterminera ce qu’il conviendra de faire, au vu des résultats obtenus (Exclamations sur plusieurs bancs). On pourrait éventuellement porter la durée prévue à trois ans, mais aller au-delà serait excessif. On a vu combien la situation du marché a évolué au cours des trois dernières années ; il faut en tirer les enseignements !

S’agissant du montant de la majoration, nous avons souhaité définir un tarif qui ne changera pas – 15 euros au dessus du tarif réglementé, mais 18 euros au dessous du prix de marché. M. Brottes a fait valoir à juste titre que la majoration de 30 % est un maximum, et que le ministre peut fixer un tarif inférieur. Et, contrairement à ce que j’ai cru entendre, les tarifs ne seront pas fixés « à la tête du client », mais en fonction d’un intérêt économique supérieur... (Exclamations sur plusieurs bancs)

M. Jean-Pierre Soisson – Qu’est-ce que cela signifie ?

M. le Rapporteur – M. Brottes a aussi rappelé que notre proposition permet pendant ce temps de changer de fournisseur pour ne pas figer les parts de marché. Mais, après concertation avec la commission des finances et le Gouvernement, et pour mieux tenir compte de la situation des entreprises au tarif bleu – celles qui consomment moins de 36 kilovoltampères – je propose un sous-amendement 137659 tendant à limiter à 20 % la majoration qui leur sera appliquée. Cela représente une avancée pour les professionnels, puisque, pour être précis, pour les consommateurs dont la puissance souscrite pour l’accès au réseau est égale ou inférieure à 36 kilovoltampères, le tarif ne pourrait être supérieur de plus de 20 % au tarif réglementé de vente hors taxes, applicable à un cycle de consommation présentant les mêmes caractéristiques.

Voilà donc le dispositif cohérent que je présente. Pour qu’il soit complet, il faudrait que je dise comment se ferait la compensation, mais je ne veux pas compliquer à l’excès ma présentation…

Plusieurs députés socialistes – Mais cela nous intéresse !

M. le Rapporteur – Je ne saurais vous décevoir ! Bien entendu, le coût du dispositif doit être compensé et la compensation se ferait sur les producteurs nucléaires et hydrauliques – EDF et Suez –, pour un montant qui reste à déterminer, puisqu’on ne connaît pas exactement ce que représentera la différence entre le prix du marché et le tarif transitoire, mais qui devrait osciller entre 400 et 500 millions.

M. Christian Bataille - C’est le particulier qui va payer !

M. le Rapporteur - Cela m’amène à une précision importante : quelle est la part d’électricité qui est allée sur le marché ? 130 térawattheures, soit moins de 30 % de la production d’EDF. Sur ces 130 térawattheures, d’où venaient les fournisseurs ? Pour une part importante – 90 térawattheures, d’EDF. Il n’est donc pas exact de dire que les entreprises ont quitté EDF pour aller à vers un concurrent et qu’EDF serait aujourd’hui obligée de compenser les prix excessifs de ses concurrents. Suez a fourni 10 des 40 térawattheures restants. Les concurrents n’ont donc servi que 30 térawatts-heure sur les 130…

M. Jean-Pierre Soisson - Arrêtez !

M. le Rapporteur – Et, parmi eux, on compte des groupes étrangers. Au final, il faut donc relativiser l’importance du volume d’électricité qui est allé sur le marché et souligner qu’EDF serait amenée à compenser pour une grande partie la différence de tarifs qu’elle a appliquée à ses propres clients. Il est vrai que des sommes considérables sont en jeu, mais ces éléments permettent de mieux appréhender le paysage énergétique né de l’ouverture du marché, en 2000.

M. le Président de la commission des finances – Je constate que Jean-Claude Lenoir avait un sous-amendement sous la main car il considérait sans doute que la majoration de 20 % ferait plaisir aux PME. Mais c’est un marché de dupes ! Ces petites entreprises ne sont pas sorties du marché régulé et ce sous-amendement n’a aucun poids ! Pour nous faire plaisir, on nous donne un petit quelque chose, mais ce n’est pas sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Muguette Jacquaint - Heureusement que vous êtes tous d’accord !

M. Jean Dionis du Séjour - Restent donc l’amendement de la commission des finances et celui de la commission des affaires économiques. La commission des finances propose un tarif de retour à plus 20 %, contre plus 30 % pour la commission des affaires économiques. Plus important, cette dernière limite la durée du dispositif à deux ans – ce qui n’assure pas la pérennité – cependant que la commission des finances demande d’inscrire la mesure dans la durée. Pierre Méhaignerie a du reste posé une question centrale : que se passe-t-il au bout de deux ans dans le système que propose le rapporteur ? La réponse n’a pas été donnée. Or nos industriels ont besoin de visibilité. Le problème de la rente nucléaire est structurel et l’embarras de notre rapporteur montre que le terme ne peut pas être fixé à deux ans.

Nous, groupe UDF, avons étudié la directive de manière très scrupuleuse et nous n’y avons pas vu un mot sur les tarifs de vente. La directive ne prend position que sur le droit de choisir son fournisseur. Elle ne se prononce pas sur la faculté du législateur national de fixer les tarifs. Dès lors, que l’on ne nous objecte pas que c’est contraire à la directive.

S’agissant de la rente nucléaire, les Espagnols sont confrontés à un problème beaucoup moins grave que nous. Pourtant, ils ne se sont pas gênés ! En 2006, ils ont décidé que les sociétés qui choisissent le marché libéralisé pourraient revenir aux tarifs régulés au terme d’un an seulement et ils ont fixé la fin de marché sous tarif au 1er janvier 2011. Et nous, on en serait à deux ans ? Ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Yves Le Déaut - Merci Zapaterro !

Mme Muguette Jacquaint - Ça, c’est du volontarisme politique !

M. Pierre Ducout - Sur tous les bancs, nous sommes attentifs aux difficultés particulières des PME-PMI et de leurs salariés et il est exact que, malgré son coût estimé à environ 500 millions, le tarif de retour peut être une solution. Dans son rapport pour avis, M. Novelli a rappelé qu’il n’y avait pas de réel marché du gaz et de l’électricité dans la mesure où les risques d’ententes et de manipulations des prix ne pouvaient être écartés.

Quelques remarques. Devant la FNCCR, M. Gadonneix a indiqué qu’il ne fallait pas parler de rente nucléaire, car, dans le calcul du tarif réglementé, il faudrait tenir compte des investissements, des amortissements et du renouvellement des centrales. Par ailleurs, si l’on peut comprendre qu’EDF ait proposé à ses clients éligibles le prix de marché, on comprends moins bien que l’État, en sa qualité d’actionnaire majoritaire, n’ait pas demandé à EDF de mener une politique commerciale de vente au prix de revient avec une juste marge. Vis-à-vis des idéologues de Bruxelles, on aurait eu intérêt à appliquer une politique de prix au prix de revient. Le Gouvernement l’a-t-il demandé à EDF ? Au demeurant, comme l’a dit M. Méhaignerie, on comprend mal que les prix aient tant augmenté alors que 90 % de l’électricité est d’origine nucléaire ou hydraulique.

Enfin, après l’Italie et l’Allemagne, l’Espagne accélère la fermeture de certaines centrales nucléaires. Il faut donc rester très vigilant à cet égard. Monsieur le ministre, avez-vous eu des contacts – même informels – avec la Direction de la concurrence à ce sujet, au moment où l’on entend dire que la Commission européenne va exiger qu’il n’y ait plus d’entreprises cumulant la distribution en réseau et la fourniture ? Le président Gadonneix a indiqué à la FNCCR qu’il serait peut-être possible de conserver des tarifs réglementés pendant un certain temps : qu’en est-il, sachant que la cause réelle d’augmentation des prix, c’est la flambée des cours du pétrole ? Où est-on ? Merci, Monsieur le ministre, de nous répondre de la même manière constructive et ouverte que précédemment.

M. Michel Bouvard – Je me méfie beaucoup de la tentation, au travers de la dernière proposition de sous-amendement du rapporteur, du risque de saucissonnage des catégories d’entreprises. Si le problème concerne les PME-PMI, il touche aussi de grandes entreprises. Exeltium ne règlera pas tout ! Nombre d’entreprises relevant des industries traditionnelles de notre pays – dans l’électrométallurgie, l’électrochimie, le papier, le carton, les fibres de renforcement… – sont sorties – volontairement ou non – des prix du marché. Elles y ont parfois été contraintes à l’échéance de leurs contrats, lorsque ceux-ci prévoyaient des prix d’accès à l’énergie inférieurs aux tarifs réglementés. Aujourd’hui, nos entreprises ont besoin de visibilité à moyen et long termes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), parce qu’elles ont des investissements à programmer. Des investissements, cela ne se programme pas à deux ans, sauf à créer de l’incertitude, et l’incertitude, c’est le plus sûr moyen de provoquer des délocalisations. C’est pourquoi la proposition de la commission des finances me semble la plus judicieuse.

S’agissant d’Exeltium, nous savons que, même après que nous en avons élargi le cercle, le volume de térawattheures que le consortium a mis en appel d’offres ne satisfera pas l’intégralité des besoins des entreprises et qu’il restera un bandeau significatif directement dépendant de la possibilité de revenir ou non au tarif réglementé.

Loin de ne concerner que les PME, la question concerne donc aussi un certain nombre de grands établissements industriels représentant plusieurs dizaines de milliers d’emplois, de la sous-traitance et des savoir-faire que nous avons besoin de garder dans le pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre délégué – Michel Bouvard a raison d’insister sur les délais nécessaires pour prévoir des investissements. Les industries électro-intensives ont tout spécialement besoin de visibilité à long terme et c’est la raison pour laquelle les accords passés avec Exeltium portent sur vingt ans. Lorsque nous pouvons faire long, nous faisons long ; lorsque nous sommes obligés d’opter pour le temporaire, nous faisons court…

M. Jean-Claude Lefort - Qui vous y oblige ?

M. le Rapporteur – J’ai entendu le président Méhaignerie et, pour éviter toute confusion, je retire, en accord avec le président Ollier, le sous-amendement 137659. On n’en parle plus !

Par ailleurs, je redis avec insistance que la commission des affaires économiques n’a pas proposé le chiffre de 130 % pour lancer une discussion de marchand de tapis. Il ne revient pas à l'Assemblée nationale de fixer les tarifs de l’électricité. Nous avons proposé un système simple. Il appartient à celui qui fixe les tarifs de retenir le niveau qui lui semble le plus pertinent, mais j’invite fermement notre Assemblée à adopter notre amendement.

M. François Brottes - Rappel au Règlement fondé sur l’article 58, alinéa 3. Je suis choqué par ce marchandage qui se déroule en direct. Nous assistons à un numéro de pompiers pyromanes ! Il était possible d’aborder ce problème de réversibilité dans l’article 66 de la loi de 2005, la majorité ne l’a pas voulu. Aujourd’hui, vous jouez aux apprentis sorciers en privatisant, mais tous ici nous demandons plus d’État, plus de contrôle, plus de régulation, car notre industrie part à la dérive.

M. Jean-Pierre Soisson - Tout à fait !

M. François Brottes - Les divergences sont légitimes, mais il y a de telles incohérences que l’on ne sait plus où l’on en est. Je demande une suspension de séance avant le vote des amendements.

Mme la Présidente - Elle est de droit.

La séance, suspendue à minuit, est reprise le mardi 19 septembre, à 0 heure 10.

Mme Muguette Jacquaint - Rappel au Règlement, fondé sur l’article 58, premier alinéa. La majorité et le Gouvernement ont bien du mal à privatiser et à se mettre d’accord ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard – C’est Jospin qui a privatisé la CNR.

Mme Muguette Jacquaint - C’est à tel point que plusieurs parlementaires de la majorité ont déposé une proposition de loi pour demander la fusion entre GDF et EDF.

M. Christian Bataille - C’est la meilleure solution !

Mme Muguette Jacquaint - Il est heureux pour vous que l’opposition ait demandé une suspension de séance. Mais, sur un tel sujet, avec des amendements qui se contredisent, il aurait fallu que la commission se réunisse pour discuter en toute transparence. Au lieu de cela, vous faites votre petite cuisine. Et que fait-on des questions de l’opposition ? Il faudrait en débattre. Mais vous discutez à quelques-uns. C’est une nouvelle illustration de la manière dont on travaille dans cette assemblée ! Cela mériterait une suspension de séance.

Les amendements 3141 à 3290, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président de la commission des affaires économiques  – La commission est prête à accepter, dans un souci de synthèse, que soit ajouté l’adjectif « renouvelable » après « une durée de deux ans », cela afin d’apporter la souplesse que certains souhaitent.

En ce qui concerne la majoration, ce n’est pas par hasard que nous avons fait le choix de 30 %, mais parce que nous considérons que cela correspond à un juste équilibre. Une majoration de 20 % conduit à un tarif de 35 euros par mégawatheure, une majoration de 30 % à un tarif de 40 euros. Ce n’est pas une mince différence. Une centrale nouvelle, c’est trois milliards d’euros. Avec le nouveau nucléaire, l’EPR, le prix de revient pour produire de l’électricité est de 38 euros par mégawatheure. Avec une majoration de 20 % – 35 euros – cela ne passe pas ! Notre raisonnement est donc fondé sur un calcul sérieux.

J’aimerais maintenant que le ministre nous dise comment, à partir de notre amendement, qui dit bien – ce que nos collègues de la commission des finances ne paraissent pas avoir bien vu – que 30 % est un plafond, comment, donc, nous allons pouvoir tous ensemble avoir raison.

Mme la Présidente - Je suis saisie, par le groupe UDF, d’une demande de scrutin public sur les sous-amendements 137650, 137648 et 137649.

M. Jean Dionis du Séjour - Madame la présidente, l’amendement rectifié de la commission disposera que les deux sont renouvelables. S’agissant de la majoration de 30 %, nous attendrons la réponse du ministre pour déterminer si nous maintenons ou non nos sous-amendements.

M. le Ministre délégué – Les entreprises doivent pouvoir prendre des décisions d’investissement et donc être assurées que le tarif auquel elles adhéreront sera durable. Je suis par conséquent favorable à l’ajout du terme « renouvelables ».

S’agissant du tarif, l’amendement de la commission dispose qu’il « ne peut être supérieur de plus de 30 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site de consommation présentant les mêmes caractéristiques ». Dans certaines industries, la proportion de l’électricité dans la valeur ajoutée est très importante, supérieure à 50 %, atteignant même parfois jusqu’à 80 % ! Le taux de 30 % est effectivement un maximum, ce qui autorise une modulation en fonction du degré d’électro-intensivité des entreprises, car il faut tenir compte de ces différences et organiser une gradation. Et d’après nos estimations, la moyenne s’établira plutôt autour de 25 % que de 30 % (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le prix de l’électricité en France est dans la fourchette basse de l’Union européenne. Nos voisins européens nous envient ; il faut le dire, même si nous souhaitons que nos entreprises bénéficient le plus longtemps possible de cet avantage !

M. Charles de Courson - Nous avons déposé trois sous-amendements. Si le président Ollier présente une proposition reprenant l’adjectif « renouvelable », ce n’est pas la peine de voter le sous-amendement 134650. Notre deuxième proposition vise à fixer le taux à 20 %, mais le ministre s’engage, si nous maintenons 30 %, à ce que la majoration ne dépasse pas, globalement, 25 % ; c’est un bel effort (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), qui montre que le Parlement sert à quelque chose. J’appelle tout de même l’attention du Gouvernement et de la commission sur le troisième amendement, qui prévoit que c’est à la « part énergie » que le 30 % s’applique, car il faut bien le préciser.

M. le Rapporteur – Le taux de 30 % s’applique au tarif intégré.

M. François Brottes - Nous ne pouvons pas, sur un amendement aussi important, voter sans avoir le texte sous les yeux.

M. le Président de la commission des affaires économiques  – Vous l’avez : il suffit d’y ajouter « renouvelable » !

Mme la Présidente - Vous avez tous l’amendement 88538 rectifié qui fait l’objet d’un premier sous-amendement 137660 de MM. de Courson et Dionis du Séjour supprimant « avant le 1er juillet 2007 ». Le sous-amendement 137650 ajoute après « deux ans » l’adjectif « renouvelables » : c’est celui que je mettrai aux voix, le président Ollier ne m’ayant pas fait parvenir le texte de l’amendement 88535 2e rectification. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Charles de Courson - Le sous-amendement 137660 est un sous-amendement de coordination avec le sous-amendement 137650. Je retire notre demande de scrutin public.

M. le Rapporteur – Je suis défavorable au sous-amendement 137660 et favorable au sous-amendement 137650.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Le sous-amendement 137660, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 137650, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Dionis du Séjour – Les amendements 137649 rectifié et 137648 sont retirés.

M. François Brottes - Cette façon de légiférer est vraiment douteuse.

Mme Muguette Jacquaint - C’est rocambolesque !

M. François Brottes - Même en commission, on travaille mieux que cela. On peut bien sûr élaborer en séance la synthèse de positions différentes, mais en l’occurrence, ce n’est pas l’opposition qui aura fait de l’obstruction ! Personne ne peut être fier de cette discussion, malgré les efforts de clarification de la présidente.

Nous sommes certes conscients qu’il faut trouver des solutions pour baisser les prix de l’électricité, mais votre proposition nous semble dangereuse. D’abord, elle est totalement improvisée, et le débat vient de le prouver. La modulation annoncée promet une application à géométrie variable, et si elle peut sembler satisfaire chacun, je vous souhaite bon courage quand vous viendrez à l’exécution ! Ensuite, l’acceptation de cette dispositionpar la Commission européenne est sujette à caution, surtout depuis l’adoption des sous-amendements. Les entreprises risquent de croire à ce marché de dupes. Par ailleurs, la façon dont vous allez financer cette baisse des prix ne peut qu’accélérer la hausse des tarifs réglementés. Ce sont donc tous les ménages et toutes les entreprises qui ne sont pas sortis du tarif qui vont, mécaniquement, payer la différence. Enfin, cette proposition traduit par certains côtés une volonté de pénaliser EDF dans la concurrence effrénée à laquelle elle va se livrer avec le groupe fusionné GDF-Suez. Nous allons voter contre cet amendement.

L'amendement 88538rectifié, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Les amendements concurrents, ainsi que leurs sous-amendements, tombent.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.
La séance est levée à 0 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
DU MarDI 19 SEPTEMBRE 2006

NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (no 3201).

Rapport (no 3278) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (no 3277) de M. Hervé NOVELLI, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

© Assemblée nationale