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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 4ème jour de séance, 9ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 7 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 2

      ART. 2 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole.

ART. 2

M. François Guillaume - Cet article a pour objet de favoriser la cessibilité des baux. Le fonds agricole permettra de fixer une indemnité versée au preneur par le sortant.

On l'a vu, celui-ci se composera de valeurs stables comme le cheptel chef vif et mort, c'est-à-dire le capital d'exploitation, mais aussi des biens immatériels telle que le DPU, qui pourra être valorisé par le preneur sortant. Si la prime est importante, ce dernier pourra naturellement demander à l'entrant des sommes plus conséquentes.

Mais si nous accordons la possibilité de céder le bail, un fermier dont le bail court sur 18 ans, pourra arrêter son activité au bout de neuf ans pour vendre les années restantes. Alors même que leur valeur n'est pas formalisée dans la liste des biens matériels et immobiliers, elle apparaîtra nécessairement. La valeur du fonds risque donc d'augmenter en fonction de la durée restante du bail.

Comment expliquer cette mesure ? Bruxelles ayant artificiellement séparé la terre de la prime, un certain nombre de fermiers pourraient être tentés de céder la prime au plus offrant sans louer la terre à celui qui achète. Pour éviter pareille situation, le projet de loi rassemble ces deux éléments que dissociait Bruxelles.

Toutefois, ce dispositif ne va pas sans inconvénients, à commencer par la hausse du prix des fonds qui en résultera. D'autre part, si le statut du fermage précise clairement que le bailleur paiera une prime au sortant en fonction de certains éléments, comme les amélioration foncières ou les arrière-fumures, l'interruption du bail obligera-t-elle à payer une indemnité ? Et qui se portera garant du paiement du fermage en cas de désaccord entre le bailleur et le fermier sortant au sujet du successeur ? Selon le projet de loi, le tribunal paritaire pourra désigner le repreneur, mais que se passera-t-il si le fermage n'est pas payé ? Il se peut enfin que la valeur des fonds augmente de façon insupportable pour les fermiers. Que ferons-nous à ce sujet ?

Nous avons néanmoins accompli hier des progrès essentiels, dont nous sommes reconnaissants au ministre : le fonds devient optionnel ; c'est l'agriculteur qui reste en place qui choisira lui-même de le constituer ; et enfin, les plus-values qui viendraient à naître lors du transfert du fonds du sortant à l'entrant seront supprimées.

A la lumière de ces avancées acceptées par le ministre, je retirerai l'amendement de suppression de l'article que j'avais déposé.

M. André Chassaigne - - Pour dresser un bilan de l'excellente soirée d'hier, l'intérêt du fonds agricole n'a aucunement été démontré. Monsieur le ministre Dupond, vous nous avez dit : « le fonds c'est bien, c'est quelque chose de bien », et Monsieur le rapporteur Dupont a affirmé : « le fonds c'est bien, c'est quelque chose de bien ».

Certes, vous avez indiqué que le fonds présenterait un avantage en matière successorale, ce que M. Dionis du Séjour a démenti en s'appuyant sur son expérience personnelle. Je vous mets donc au défi de présenter un seul argument en faveur du fonds agricole.

Mais c'est vraiment le bail cessible, dont nous parlons aujourd'hui, qui décroche le pompon ! Vous nous dites qu'il sera optionnel. Mais cela anéantit l'objectif que vous voulez lui assigner ! Dans le département de la Haute-Loire, vous avez jusqu'à 30 ou 40 propriétaires différents pour une même exploitation agricole ! Un même fonds comportera à la fois des parcelles sous bail cessible et d'autres sous bail classique. En outre, les baux ne seront pas tous signés à la même date s'il y a plusieurs propriétaires. Comment voulez-vous obtenir ainsi une entité économique performante ? L'article 2, au fond, anéantit les objectifs purement verbaux de l'article premier.

M. Jean Gaubert - Il y a cinquante ans, un propriétaire avait couramment plusieurs locataires, tandis qu'aujourd'hui, un locataire a souvent affaire à plusieurs propriétaires. Voilà qui complique beaucoup la mise en place du bail cessible et le parcours du locataire, qui devra convaincre plusieurs propriétaires de signer la même convention ! D'autre part, le cédant devra signer bien avant l'âge de la retraite - comment un propriétaire accepterait-il de signer un bail cessible de 18 ans avec un fermier de 58 ans ? Même si le fermier signe à 50 ans et part à 60 ans, il restera huit ans de bail ajoutés à cinq ans de renouvellement, soit treize années de bénéfice à peine supérieur à un bail normal. Le renchérissement sera fort - de 50% pour un exploitant qui aura payé dix ans. Lorsqu'à la cession, il voudra récupérer sa mise - quoi de plus normal ? - le renchérissement se reportera sur le jeune qui s'installe. Et pourquoi reviendrait-on alors au tarif normal du bail ? On continuera sur la base du tarif ancien, et le jeune agriculteur paiera deux fois le prix du bail pendant cinq à dix ans, sans pouvoir se venger sur personne... Quinze ans plus tard, au mieux il trouvera un accord avec le propriétaire, au pire il devra solver. Voilà l'avenir que vous réservez aux jeunes kamikazes qui accepteront de s'installer. Certes, le pire n'est pas toujours devant nous, et les jeunes agriculteurs savent compter. Mais c'est vous qui mettez de nouvelles contraintes à leur installation !

M. le Président - L'amendement 77 a été retiré. Il reste deux amendements de suppression.

M. Jean Gaubert - L'amendement 491 est défendu. Je m'interroge sur la voie dans laquelle vous engagez notre agriculture.

M. André Chassaigne - L'amendement 664 a le même objet. Vous prétendez que les fermiers approuvent vos propositions ? Certes, le fonds agricole suscite un certain intérêt, dans la mesure où est garanti le maintien du statut du fermage. Mais le bail cessible provoque de fortes craintes : dans le Massif central, les fermiers souhaitent un fonds qui permettra la cessibilité du bail, mais demandent également un encadrement réglementaire des grands principes qui fondent le statut du fermage. La pérennité des exploitations est menacée par la multiplicité des propriétaires et la diversité de la durée des baux. Quelles seront les perspectives à long terme d'un fermier dont l'exploitation est menacée en tant qu'entité ? Le bail cessible remplacera progressivement le bail classique, car les propriétaires y verront leur intérêt. Il y aura donc un vaincu - le fermier - et un vainqueur - le syndicat des marquis !

M. Yves Simon - N'importe quoi !

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La commission a repoussé ces amendements.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - Défavorable.

Les amendements 491 et 664, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Raison - Merci à l'opposition de se faire le meilleur avocat de nos propositions ! Après que M. Gaubert, hier, a dit la nécessité d'introduire les DPU dans le fonds, M. Chassaigne a démontré aujourd'hui que le plus gros inconvénient du bail cessible serait de ne pouvoir être appliqué à chaque fois ! (Protestations de M. Chassaigne ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Tocqueville disait que lorsque le passé n'éclaire plus l'avenir, le présent marche dans les ténèbres - grâce à vous Monsieur le ministre, nous marchons dans la lumière !

M. François Brottes - Il faudra lui donner le mérite agricole !

M. Michel Raison - Que n'a-t-on pas entendu lors de la mise en place des quotas laitiers, avant de reconnaître qu'ils n'étaient pas une si mauvaise chose ! Mais le fait qu'ils soient attachés au foncier a des effets pervers pour le fermier et pour le propriétaire, dont les terres pouvaient perdre la moitié de leur valeur si le fermier prenait une prime de cessation laitière.

Aujourd'hui, en intégrant les DPU dans le fonds et en rendant le bail cessible, on résout en partie le problème. Arrêtons la démagogie ! Dans un contexte européen et mondial, nous mettons en place le système qui comporte le moins d'inconvénients - il n'y a pas de système parfait.

M. Jean-Louis Dumont - C'est un aveu ?

M. Michel Raison - Oui, mais vous n'avez fait que des critiques, et pas de propositions !

M. Jean Gaubert - Monsieur Raison, j'admets que si vous m'avez mal compris, c'est que je me suis mal exprimé ; mais n'interprétez pas mes propos !

L'amendement 664, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert - On aura tous compris que, faute d'être plus nombreux, nous ne pourrons empêcher le bail cessible de devenir la grande nouveauté de l'agriculture française : « Tu peux rester plus longtemps dans la ferme, mais tu paieras plus cher » ! Or, tous ceux qui connaissent bien le monde agricole savent que ce dispositif profitera d'abord aux agriculteurs qui ont déjà une exploitation et les moyens de s'agrandir, avant de favoriser l'installation des jeunes qui devront s'endetter pour se lancer dans ce genre d'opération.

Pour cette raison, l'amendement 765 tend à préciser que ce dispositif s'adresse d'abord aux jeunes qui s'installent. Le rejeter serait démontrer que l'installation des jeunes n'est pas votre priorité, et que vous préférez laisser couler les choses au fil de l'eau, au risque de ne plus avoir que 50 000 exploitants dans vingt ou trente ans, comme le craint notre ami Jean Lassalle.

M. André Chassaigne - Monsieur Raison, ne dites pas n'importe quoi, nous voulons simplement vous montrer toutes les contradictions de ce dispositif voué à l'échec. Inutile de jouer sur les mots, le bail cessible conçu pour faire fonctionner le fonds agricole que vous avez voté hier, ne manquera pas de poser des problèmes importants.

L'amendement 669 vise à vous prouver qu'il y avait une autre manière de traiter le bail cessible, notamment en respectant le statut du fermage. Face à nos interpellations, vous n'avez eu de cesse de nier qu'atteinte fût portée à ce statut, mais que l'augmentation de 50% du loyer, la réduction de la durée de préavis du bail de 18 à 12 mois, le droit pour le bailleur de ne pas renouveler le bail sans justification contre le versement d'une indemnité compensatrice de licenciement, la remise en cause du caractère automatique du renouvellement du bail, en totale contradiction d'ailleurs avec la création du fonds, ne constituent pas autant d'atteintes ? Le statut précédent posait le principe d'un bail de neuf ans renouvelable, et vous voulez aujourd'hui le transformer en bail de 18 ans, avec un seul renouvellement garanti de cinq ans. Ne songez-vous pas qu'en ne garantissant que 23 ans, vous obligerez nombre d'exploitants à changer de ferme au cours de leur carrière ?

Aujourd'hui, le fermage est d'ordre public, mais vous créez tant de dérogations à ce statut que de fait, il perdra ce caractère et il est fort à craindre qu'un droit des contrats classique ne s'impose à terme.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces deux amendements.

M. André Chassaigne - Sans aucun argument !

M. le Ministre - Même avis.

M. André Chassaigne - Quel mépris !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Comment pouvez-vous dire que l'on ne fait rien pour l'installation des jeunes alors que nous essayons justement de clarifier le cadre juridique de leur installation ! Pour qu'un jeune ait envie aujourd'hui de se lancer dans l'agriculture, il faut qu'il ait l'espoir d'en vivre. Vous trouverez ainsi dans la loi d'orientation de nombreuses mesures qui vont dans ce sens, notamment en favorisant le développement des bioénergies, et j'espère que vous les voterez avec nous.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur le vote de l'amendement 765.

M. François Guillaume - Il faut reconnaître que le contexte actuel - chaque fermier a en moyenne huit propriétaires - risque de limiter l'application du bail cessible. J'ai bien compris, Monsieur le ministre, que vous vouliez éviter l'éclatement des exploitations existantes, mais je ne suis pas certain que le bail cessible soit la bonne réponse. Puisque vous devez revoir par ordonnances la politique des structures, pourquoi ne pas chercher dans l'autorisation préalable au démantèlement des exploitations un moyen de résoudre cette question ?

M. le Ministre - Je le ferai.

M. François Brottes - J'ai demandé un scrutin public pour attirer votre attention sur cet amendement qui tend à destiner prioritairement le bail cessible à l'installation d'un jeune agriculteur hors du cadre familial. En le rejetant, vous prouveriez que ce n'est pas là votre préoccupation.

A la majorité de 33 voix contre 11, sur 44 votants et 44 suffrages exprimés, l'amendement 765 n'est pas adopté.

L'amendement 669, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Raison - L'amendement 854 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. A propos des interventions précédentes, je voudrais expliquer à M. Chassaigne, dont j'ai senti la déception, qu'au vu du débat d'hier soir, je ne pensais pas nécessaire de me lancer dans de nouvelles explications. Je précise simplement que le titre VIII, sans rien enlever au statut actuel du fermage, ouvre la cession du bail hors du cadre familial, ce qui permettra de valoriser, au cours d'une carrière, l'ensemble d'une entreprise, et de la transmettre aux générations suivantes.

Et puisque l'on a commencé hier à citer des adages, celui-ci plaira sans doute à nos amis de l'opposition : un paysan qui meurt sans successeur est un paysan qui meurt deux fois ! Le bail cessible permet de répondre au drame personnel de ces agriculteurs qui n'ont pas de successeur direct en ouvrant les portes de l'agriculture aux nombreux jeunes qui souhaitent s'y engager.

M. François Brottes - Vous venez de voter l'inverse !

M. Michel Raison - Le but de l'amendement 854 est que le bail cessible ne soit pas obligatoirement conclu sous forme authentique. Lorsqu'on enregistre un bail, la mémoire est assurée. Quant à la qualité du conseil juridique, même si j'ai beaucoup d'estime pour les notaires - le mien est un ami, et il a sa carte à l'UMP ! (Sourires) - il faut bien reconnaître que les services juridiques de nombre d'organisations agricoles sont aussi compétents en matière de baux ! Ma proposition ne comporte donc aucun recul juridique.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois - S'agissant de baux de 18 ans, il est important de conserver des archives. Il faut aussi que des professionnels du droit vérifient que le bailleur n'a pas inscrit de clauses restrictives, mais il n'est pas indispensable que ce soient des notaires ! Il peut s'agir de membres d'autres professions judiciaires, tels que les avocats.

M. le Rapporteur - La commission tient à conserver la forme authentique du bail. En effet, le texte prévoit une durée longue, 18 ans, et un renouvellement de cinq ans au moins, ce qui laisse une part de discussion entre le bailleur et le preneur. Il est important que l'accord d'origine soit sous forme authentique pour éviter des conflits. Reste, Madame Barèges, que les avocats auront un rôle important de conseil à jouer avant la signature chez le notaire. La commission est donc défavorable à l'amendement 854.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Binetruy - J'ai cosigné l'amendement 854 car, même si l'on peut comprendre vos arguments en faveur du bail authentique, les agriculteurs sont très préoccupés par la question de son coût.

Plusieurs députés socialistes - Ah !

M. Jean-Marie Binetruy - Nous voudrions avoir l'assurance que ce coût ne pénalisera pas les agriculteurs.

M. François Guillaume - Les baux à long terme ou les baux de carrière sont-ils obligatoirement passés sous forme authentique ? Il me semble opportun d'harmoniser les régimes de baux de même nature. Pour les raisons de coût qui viennent d'être évoquées, je considère qu'un bail sous seing privé serait suffisant, à condition qu'il soit enregistré, ce qui permet de satisfaire aux nécessités liées à la mémoire.

M. Jean Gaubert - L'Assemblée progresse ! Il y a une demi-heure, vous contestiez que le système que vous mettez en place allait largement renchérir le coût de l'installation. Maintenant, vous commencez à vous préoccuper du coût d'un bail authentique, qui est toutefois loin d'être votre proposition la plus chère !

Monsieur Guillaume, il ne faut pas confondre les baux de carrière, qui fondent une relation, longue certes, entre un propriétaire et son locataire, et un dessaisissement accepté par le propriétaire au profit d'un locataire qui en choisira ensuite un autre. Il est normal, dans ce dernier cas, que la sécurité juridique soit assurée et que le contrat soit absolument irréprochable. Compte tenu du poids de cet acte dans le coût total de l'opération, ce n'est pas ce qui arrêtera les candidats ! Et c'est le moyen d'éviter d'importantes difficultés d'interprétation. Mon notaire n'a pas sa carte à l'UMP, mais s'agissant de contrats à très long terme et qui concernent plus de deux personnes privées, il faut absolument assurer leur sécurité juridique.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Il me semble que la rédaction de cet amendement est de toute façon inacceptable : il aboutit à mentionner des contrats « passés ou rédigés ». Qu'est-ce que cela veut dire en droit ?

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - C'est la même chose.

M. le Président de la commission - Dans ce cas, il faut prendre le temps d'aboutir, au cours des navettes, à une meilleure rédaction.

M. Jean Dionis du Séjour - Outre le fermage, il y a ici un « produit » supplémentaire, avec une durée et un loyer différents. Il me semble parfaitement raisonnable que, pour une durée plus longue, le loyer soit plus cher. Dans le Lot-et-Garonne, même si nous sommes très attachés au statut du fermage, un certain nombre de blocages sont apparus et des dérives se sont produites : les propriétaires hésitent de plus en plus à affermer leurs terres et les confient plutôt à des prestataires de services. Ce produit supplémentaire me semble donc une bonne chose. En revanche, quand on s'engage dans un contrat de 18 ans, il est hors de question de faire l'économie d'un acte authentique ! C'est le meilleur moyen de limiter les conflits.

M. Michel Raison - Mon amendement ne diminue en aucune manière la sécurité juridique. En revanche, je suis sensible aux arguments du président de la commission. Je retire donc provisoirement cet amendement, mais je ne désarme pas.

M. le Président de la commission - Et on compte sur Mme Barèges pour élaborer une nouvelle rédaction.

L'amendement 854 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 283 est rédactionnel.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - L'amendement 174 est identique.

Les amendements 283 et 174, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 284 est rédactionnel.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - L'amendement 175 est identique.

Les amendements 284 et 175, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Louis Léonard - Je vais retirer l'amendement 650 rectifié, au profit du 1050. Il s'agit d'y voir un peu plus clair dans le système du bail cessible et d'améliorer la fluidité du marché foncier. L'amendement 1050 redéfinit les relations entre le propriétaire et le preneur et leur donne des possibilités supplémentaires pour négocier leur contrat. Il simplifie le droit en supprimant un certain nombre de contraintes, tout en laissant à la commission consultative le soin de valider les accords entre les parties. Il supprime ainsi bon nombre de causes de conflit, qui existent déjà et seraient devenus plus importants avec le bail cessible.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement.

M. le Ministre - Le Gouvernement est très favorable à cette proposition qui opère une simplification importante.

M. François Brottes - Nous découvrons cet amendement puisqu'il n'a pas été présenté en commission. Faut-il comprendre qu'il tend à priver les SAFER d'une part de leur capacité de sanction ?

M. Jean-Louis Léonard - Compte tenu de l'ensemble de leurs prérogatives, il ne porte qu'une toute petite atteinte au rôle des SAFER et ne fait pas sortir du cadre collégial que chacun appelle de ses vœux. Une précision rédactionnelle : dans le deuxième paragraphe, l'adjectif « prescrits » doit être accordé au féminin pluriel puisqu'il désigne les primes d'assurance.

L'amendement 1050, mis aux voix, est adopté.

M. François Guillaume - Mon amendement 78 vise à ce que le bail cessible puisse être un bail de carrière. Compte tenu de l'ampleur des investissements qu'il aura généralement à réaliser, le locataire doit avoir l'assurance de pouvoir rester sur l'exploitation sa vie professionnelle durant. Il faut mettre en sécurité le dispositif.

M. Michel Raison - Mon amendement 855 poursuit le même objectif de bon sens.

M. Jean-Charles Taugourdeau - L'amendement 39 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable. Le texte prévoit que le bail de 18 ans est renouvelable de droit pour une période minimale de 5 ans, ce qui donne déjà une assurance d'exploitation pendant 23 ans. Libre aux parties de renouveler le bail initial pour une période plus longue, pouvant, au final, couvrir toute la carrière du locataire.

M. le Ministre - Même analyse. Monsieur Guillaume, vous connaissez bien mieux que moi toutes les subtilités du monde agricole. Avec la règle du « 18+5 », nous sommes parvenus à un compromis qui satisfait tout le monde.

M. André Chassaigne - Peut-être, mais l'amendement de M. Guillaume est frappé au coin du bon sens. Dans le dispositif que vous proposez, au bout de vingt-trois ans, le propriétaire aura toute latitude pour congédier son locataire, que celui-ci ait ou non réalisé des investissements de moyen et long termes. C'est un recul par rapport au statut actuel, même si l'on ne rétablit pas le fermage à trois ans qui prévalait avant-guerre. Imaginez que l'on applique les mêmes règles à un chef de PME : comment pourrait-il gérer correctement son affaire sans savoir s'il sera encore là l'année d'après ? L'amendement de M. Guillaume dresse une digue fort utile face au déferlement de vos attaques contre le statut du fermage.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - Au risque de me répéter, je rappelle que la création du bail cessible « 18+5 » n'enlève rien au statut actuel du fermage et apporte par contre une souplesse bienvenue. Le recours au bail cessible reste optionnel, les autres formes de contrats - notamment le bail de carrière - existant toujours.

M. Michel Raison - Compte tenu de ces précisions, je retire l'amendement 855.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Un mot pour faire valoir à notre collègue Chassaigne que la comparaison avec un chef d'entreprise est particulièrement mal venue dans la mesure où un patron de PME ne peut jamais savoir ce que lui réserve l'avenir et si son affaire sera toujours sur pieds à moyen terme.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 39 rectifié.

M. André Chassaigne - Notre amendement 665 tend à prévenir le renchérissement considérable du prix du bail risquant de découler de l'introduction du bail cessible. On ne peut pas répéter partout que l'on va insuffler du dynamisme dans l'agriculture et promouvoir des modèles performants tout en plombant les exploitants par des surcroîts de charges difficilement supportables.

M. le Rapporteur - Défavorable. Et ne nous reprochez pas de vouloir introduire plus de dynamisme dans l'activité, ou vous serez soupçonné de préférer la stagnation !

L'amendement 665, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Henri Nayrou - L'amendement 766 est défendu.

M. Thierry Mariani - Mon amendement 233 vise à laisser à l'autorité administrative le soin de déterminer, sur proposition de la commission consultative paritaire des baux ruraux, la fourchette de prix des loyers. Dans certaines régions - telle la Champagne -, la possibilité de majorer les loyers de 50% aboutirait à des loyers réellement prohibitifs risquant de compromettre l'accès des jeunes à la terre.

M. Philippe Feneuil - Je remercie Thierry Mariani de se soucier du sort de la Champagne mais le problème est bien plus global. Des filières entières seraient menacées de disparaître si les loyers augmentaient dans les proportions envisagées. C'est pourquoi je défends mon amendement 633.

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 932 est défendu.

M. Jean Gaubert - L'amendement 768 est défendu.

M. le Rapporteur - Pour calmer les inquiétudes sur une hausse brutale des fermages, l'amendement 285 la fixe entre les minima prévus à l'article et les maxima majorés de 50%. Et ce sont les commissions départementales consultatives des baux qui feront des recommandations annuelles. Retenir un taux local et non national satisfait M. Mariani et M. Feneuil notamment. La commission a donc repoussé les amendements 233, 633, 932 et 768.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 285 qui, effectivement, règle le problème.

M. François Guillaume - On a refusé ma proposition de faire du bail cessible un bail de carrière. Mais le bail de 18 ans, même prolongé à 23 ans, ne donne pas toute sécurité au jeune agriculteur. Certes, il n'est pas obligé d'accepter - mais la loi de l'offre et de la demande s'imposera à son détriment. Le plus souvent, il passera sous les fourches caudines du cédant. Admettre comme vous le faites une hausse de 50%, c'est beaucoup trop - en zone viticole par exemple. Pour le bail de carrière, elle est de 25% et cela me semble raisonnable, pour le propriétaire comme pour le fermier.

M. André Chassaigne - Vraiment, je découvre un nouveau M. Mariani ! Voilà que l'ultralibéral promeut une agriculture administrée, contrairement à ce que prônent le ministre et le rapporteur ! Effectivement, donner à une autorité administrative la possibilité de limiter la hausse des loyers est de bon sens. Je voterai son amendement. Monsieur Guillaume l'a dit également, il faut raison garder.

M. Philippe Feneuil - J'apprécie énormément le rapporteur, mais avec la fourchette qu'il propose, ce sera encore à chacun de décider, et il se trouvera toujours un jeune pour accepter les propositions qui lui seront faites. Ce que nous voulons, c'est que l'autorité administrative après avis des professionnels, puisse dire qu'une hausse de 50%, c'est trop. Elle peut aussi revoir les augmentations d'une année sur l'autre.

M. Jean Gaubert - Appréciant également beaucoup le rapporteur, je veux l'empêcher de cautionner une bêtise. La France n'est pas uniforme. Laisser la souplesse locale dans un cadre fixé par la loi est de bon sens, c'est ce que nous proposons. Et M. Guillaume a raison, payer cher un droit dont on ne bénéficiera pas longtemps est injustifié.

L'amendement 766, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 285, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 233, 633, 932 et 768 tombent.

M. André Chassaigne - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 10.

M. Henri Nayrou - La rentabilité d'une exploitation agricole ne saurait être comparée à celle d'un fonds de commerce ; c'est pourquoi notre amendement 770 rectifié tend à créer, concernant la reprise du bail par un jeune agriculteur en phase d'installation, un article 418-2-1 qui reconduit la durée minimale de ce bail, soit dix-huit ans.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : cette disposition pourrait se retourner contre les jeunes agriculteurs en dissuadant les bailleurs de louer.

L'amendement 770 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Guillaume - Mon amendement 78 ayant été repoussé, mon amendement 80 tombe.

M. Michel Raison - Le raisonnement de mon amendement 848 faisant tomber le 856, ce dernier est retiré. L'amendement 210 est défendu.

M. Philippe-Armand Martin - L'amendement 417 lui est identique.

M. Philippe Feneuil - Le 634 est également défendu.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement 634. Elle est défavorable aux amendements 210 et 417. Prévoir une période de renouvellement identique à celle des baux classiques peut introduire une confusion dans le mécanisme du bail cessible. La commission préfère se rallier à la formule du Gouvernement.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 210 et 417, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 634.

M. André Chassaigne - Je défends l'amendement 667 avec d'autant plus de satisfaction qu'il a été retenu en commission. La réduction de dix-huit mois à un an de la durée du préavis porte une atteinte supplémentaire au statut du fermage. Mes collègues agriculteurs détailleront bien mieux que moi les conséquences de cette disposition sur la saison culturale, mais il est évident qu'il sera plus difficile pour le fermier de s'organiser en cas de congé sur une partie de la propriété exploitée. Il s'agit de maintenir en l'état le statut du fermage

M. le Rapporteur - La commission a en effet repris cet amendement, sous le numéro 286. Une fois de plus, n'introduisons pas de confusion, cette fois sur les délais. Le chiffre de dix-huit mois est gravé dans tous les esprits : introduire un délai différent engendrerait immanquablement du contentieux. L'argumentation de M. Chassaigne touche à la perfection : la production agricole est soumise à des cycles longs qui nécessitent des délais suffisants pour que les exploitants puissent s'adapter. Je salue donc la clairvoyance de M. Chassaigne et sa contribution à nos travaux.

M. le Ministre - le Gouvernement est naturellement favorable.

Les amendements 286 et 667, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - A l'unanimité.

Mme Barèges, rapporteure pour avis - - Il a beaucoup été question de la durée du bail. Selon la loi, ce dernier peut être renouvelé pour une durée de cinq ans au moins : par l'amendement 177, la commission des lois souhaite préciser qu'il s'agit d'une durée minimale.

M. André Chassaigne - L'amendement 668 s'inscrit dans la continuité des autres amendements que j'ai déposés pour maintenir en l'état le statut du fermage. L'article L. 411-5 du statut du fermage précise que la durée du bail ne peut être inférieure à neuf ans. La continuité des investissements et des choix de culture nécessite des durées suffisantes.

M. Jean Dionis du Séjour - Le dispositif que nous construisons tient déjà grand compte de l'intérêt des propriétaires. Mais la période de renouvellement de cinq ans n'est pas naturelle en soi. Nous voulons bien croire qu'elle résulte d'un accord entre les partenaires sociaux, mais une durée de neuf ans aurait une portée symbolique plus forte pour le monde agricole. C'est l'objet de notre amendement 933.

M. Jean Gaubert - Notre amendement 987 a le même objet. Notre rapporteur insistait sur l'impératif de ne pas troubler des habitudes bien ancrées dans le monde rural : la durée des baux ruraux, c'est neuf ans ou des multiples de neuf. En outre, si nous en restons là, ce sera cher payé. Si j'étais propriétaire, je ne louerais pas un bail cessible à un exploitant de plus de cinquante ans. Je me réserverais le droit de choisir le successeur et je louerais donc à quelqu'un qui resterait assez longtemps pour me faire bénéficier du surloyer. Quel serait l'intérêt de bénéficier du surloyer pendant seulement deux ans tout en se liant les mains quant au successeur ? Nous avons accordé des garanties aux propriétaires, ce qui est légitime, mais nous pouvons bien en octroyer aux fermiers avec le renouvellement automatique de neuf ans.

M. le Rapporteur - L'amendement 287 de la commission est rédactionnel. Par ailleurs, la commission n'a pas retenu l'amendement 177 de Mme Barèges, pour avoir compris que la durée pourrait être inférieure à cinq ans. Il apparaît que ce n'est pas son intention ; toutefois, cet amendement n'apporte pas de clarification.

Le bail cessible, Monsieur Chassaigne, ajoute au statut du fermage un titre VIII nouveau, mais ne porte nullement atteinte aux sept titres précédents. La commission n'a pas retenu l'amendement 668. Elle a également écarté les amendements 933 et 987, dans le souci de ne pas introduire de confusion entre le fonctionnement habituel du fermage et le nouveau bail cessible.

M. le Ministre - Je pense comme le rapporteur que l'amendement de la commission des lois n'est pas nécessaire.

Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements 668, 933 et 987, car le système 18+5 a fait l'objet d'un travail en amont avec l'ensemble des organisations professionnelles, qu'il s'agisse des fermiers ou des propriétaires. Il ne serait pas bon de remettre en cause l'équilibre ainsi trouvé par les partenaires sociaux.

M. Jean Gaubert - Monsieur le ministre, s'il faut s'interdire de toucher à ce qui a été décidé en amont, le législateur a-t-il encore une raison d'être ?

M. le Ministre - Je ne fais que vous informer des résultats du dialogue social.

M. Jean Gaubert - C'est une forme de pression. Je m'interroge aussi sur la cohérence entre les propos de M. le rapporteur et ce qu'il disait tout à l'heure sur la période de congé. Il soutenait qu'il fallait, pour simplifier, conserver les règles existantes - baux par multiples de neuf et résiliation à dix-huit mois. Or c'est l'objet de l'amendement 987. Vous prétendez ne pas vouloir toucher au statut du fermage, mais vos propositions mal justifiées peuvent inquiéter.

M. Jean Dionis du Séjour - Je partage le propos de M. Gaubert, avec peut-être moins d'agressivité. Il est important que les partenaires sociaux parviennent à un point d'équilibre - en matière agricole comme en matière sociale. Mais le Parlement conserve son rôle. Et notre amendement 933 rééquilibre le huitième titre du statut du fermage en faveur du preneur : la durée de la deuxième période de renouvellement - cinq ans - est trop courte, et étrangère à la culture agricole. Je ne crois pas qu'il en résulte un risque de confusion.

M. André Chassaigne - Pour préparer cette discussion, j'ai moi aussi rencontré l'ensemble des organisations syndicales, et je n'ai pas entendu l'unanimité dont vous parlez, Monsieur le ministre. La majorité des syndicats est même opposée à cette modification. Beaucoup y voient un coup porté au statut du fermage. C'est notamment le cas du syndicat des familles et des métayers, très proche de la FNSEA.

Au fond, cette entente des partenaires sociaux dont vous parlez masque un cadeau fait aux gros propriétaires. On demande depuis longtemps, du côté de la rue d'Athènes et du « syndicat des marquis », l'affaiblissement du statut du fermage. Vous leur donnez satisfaction, et c'est ce que vous appelez dialogue social. Quant au huitième titre du fermage, vu ses avantages pour les propriétaires, il prendra peu à peu le dessus sur les autres, qui finiront par disparaître.

M. le Rapporteur - L'Assemblée nationale a une liberté d'appréciation, et c'est dans ce cadre qu'a été mené le débat au sein de la commission des affaires économiques, dont je vous présente les positions. Son souci est de conserver l'économie générale du statut du fermage, dans un domaine où les cycles sont longs - de l'ordre de la génération. Le dispositif nouveau est certes un événement. Cette évolution a été demandée par l'ensemble des parties. Toutes ont des craintes légitimes, mais toutes ont placé un espoir dans le huitième titre. Il nous revient de ne pas les décevoir en jouant notre rôle d'orientation, en éclaircissant le cadre juridique et en éliminant, en amont, les sources de contentieux. J'insiste sur l'importance de différencier les clauses de rendez-vous entre bailleurs et preneurs par rapport au fermage classique - ce qui n'empêche pas les parties, si elles le souhaitent, de se caler sur le délai de neuf ans. De même c'est librement que la commission a jugé préférable de garder la situation actuelle pour le congé.

Les amendements 177, 668, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 933 et 987.

L'amendement 287, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - L'amendement 178 précise une disposition essentielle du bail à long terme, en permettant d'y mettre fin avec plus de souplesse. Le congé pourra être délivré sans motif - avec pour contrepartie la durée très longue du bail et sa majoration. C'est un amendement rédactionnel : puisqu'il s'agit d'un bail dérogatoire sur certains points mais qui, pour l'essentiel, reste soumis au statut du fermage, il faut préciser que, comme les baux à long terme, il déroge à la section 8 du chapitre premier du présent titre.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Défavorable : ce serait compliquer les choses.

M. Jean Gaubert - La commission a eu raison de ne pas retenir cet amendement, qui porte un véritable coup de couteau au statut du fermage et risque de mettre en difficulté nombre d'exploitants agricoles. Nous revenons à la situation des années 1930, où certains exploitants agricoles pouvaient changer trois fois de ferme en neuf ans. Heureusement, la commission des affaires économiques a été plus raisonnable que la commission des lois.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - Il ne s'agit pas de compliquer le texte mais de poser une question de fond : le refus de renouvellement doit-il être motivé ou non ? Si oui, vous avez précisé que le motif pouvait être autre que ceux expressément énumérés à l'article L. 411-53.

M. François Brottes - C'est le bail nouvelle embauche !

M. Jean Gaubert - Plutôt débauche !

L'amendement 178, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Charles Taugourdeau - L'amendement 41 rectifié est retiré.

M. Michel Raison - Je retire l'amendement 857 rectifié.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - L'amendement 179 tend à permettre au tribunal paritaire des baux ruraux, saisi d'une contestation lors du renouvellement d'un bail cessible hors du cadre familial, de statuer sur les conditions contestées du nouveau bail, mais aussi de fixer le prix de ce bail.

La rédaction proposée est identique à celle de l'article L. 416-1 du code rural, relatif à la contestation du renouvellement d'un bail de long terme.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement qui enrichit le texte du Gouvernement .

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 179, mis aux voix, est adopté.

M. François Guillaume - L'amendement 81 est défendu.

M. André Chassaigne - Ce texte s'inscrit dans la logique implacable qui marque l'ensemble de votre politique. Après avoir créé le contrat nouvelle embauche, summum de la précarité puisqu'il permet de licencier sans aucune justification....

M. Jean Dionis du Séjour - Le summum de la précarité, c'est le chômage !

M. Yves Simon - Et les TUC alors ?

M. André Chassaigne - ...vous voulez permettre de casser un bail sans davantage de justification. Vous appliquez aux agriculteurs la même politique qu'aux salariés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mon amendement 666 tend donc à supprimer le dernier alinéa de cet article.

M. le Rapporteur - L'amendement 81 de M. Guillaume, amendement de coordination par rapport à son exposé précédent sur le bail de carrière, n'a pas été retenu en commission. Quant à l'amendement 666, la commission l'a rejeté, évitant par là même de futures déconvenues à M. Chassaigne, qui n'avait sans doute pas réalisé que son amendement supprimait l'indemnité due par le bailleur.

M. le Ministre - Dans l'intérêt de M. Chassaigne, avis défavorable.

M. François Guillaume - Il n'est tout de même pas normal que le fermier sortant puisse imposer au propriétaire un fermier entrant, éventuellement par une décision du tribunal paritaire des baux ruraux. C'est là une véritable atteinte aux droits des propriétaires !

Par ailleurs, qui va garantir le paiement du fermage par le fermier entrant, imposé au propriétaire ? Je soutiendrai un amendement pour que le fermier sortant qui a proposé au tribunal paritaire des baux ruraux le fermier entrant, garantisse le paiement du fermage de ce dernier, au moins jusqu'à la fin du bail en cours dont il a cédé une partie.

Les amendements 81 et 666, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 288 tend à préciser le montant de l'indemnité due en cas de non renouvellement, sans motif légitime, du bail cessible. Il donne certains éléments objectifs de calcul de cette indemnité.

M. Jean Gaubert - L'amendement 767 a le même objet.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - L'amendement 180, qui tombera si l'amendement 288 est adopté, tend à préciser les cas dans lesquels le bailleur devra au preneur une indemnité pour non renouvellement du contrat de bail cessible hors du cadre familial.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 288 et rejeté les deux autres.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Guillaume - Ces amendements sont trop imprécis pour que je puisse les accepter ! Le statut du fermage pose déjà le principe d'une indemnité due par le bailleur au fermier, et il précise les objets sur lesquels elle doit porter - aménagements fonciers, fumures, etc. Si des indemnités supplémentaires sont créées dans le cadre du bail cessible, encore faut-il en préciser le régime. Comment voulez-vous que les tribunaux paritaires s'en sortent sur la base d'une telle rédaction ?

M. Jean Dionis du Séjour - C'est tout de même mieux que le texte initial !

M. François Guillaume - Il y a fort à parier qu'ils se déclarent incompétents et transmettent les dossiers au tribunal d'instance lequel, pour les mêmes raisons, transmettra à son tour au tribunal de grande instance. Nul ne sait alors dans quel sens penchera la balance !

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous vous engagiez à revoir le libellé de ce texte, avant que nous puissions en débattre à nouveau au cours d'une deuxième lecture.

Plusieurs députés socialistes - Il n'y a pas de deuxième lecture !

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis - J'ai justement interrogé la commission des lois sur le cumul éventuel de ces deux indemnités, et nous avons convenu qu'elles n'avaient pas le même fondement. Celle que créé le texte est fondée sur le préjudice causé par le non renouvellement, et laissée à l'appréciation du tribunal paritaire des baux ruraux, tandis que l'autre trouve sa source dans les améliorations apportées à l'exploitation par le fermier sortant. Elles peuvent se cumuler ou non, selon les circonstances.

M. le Ministre - Je pense que ces explications vous ont donné satisfaction, mais je comprends l'interrogation de François Guillaume. Je lui propose donc une réunion de travail pour vérifier la rédaction. Le président Ollier est prêt à y prendre part.

L'amendement 288, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 767 et 180 tombent, ainsi que le 21.

M. Jean-Charles Taugourdeau - L'amendement 8 est défendu.

M. Marc Le Fur - L'amendement 951 de M. Audifax est identique. Il est défendu.

Les amendements 8 et 951, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christophe Guilloteau - L'amendement 477 rectifié est défendu.

M. Marc Le Fur - L'amendement 581 rectifié de M. Victoria est identique.

M. Jean Dionis du Séjour - Notre amendement 929 l'est aussi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean Dionis du Séjour - Ces amendements me semblent pourtant relever du pur bon sens ! Ils précisent que le locataire qui entend céder son bail devra informer le bailleur - n'oublions pas que nous sommes dans le cadre d'un contrat, ce qui implique un minimum de confiance ! - non seulement de l'identité du cessionnaire, mais aussi de la superficie, de la nature et de la localisation des biens que celui-ci exploite. C'est un minimum ! Si vous ne retenez pas ces dispositions, une méfiance va s'installer qui n'est guère propice à faciliter les cessions de bail !

M. Jean Gaubert - Je ne comprends pas non plus les raisons de ce refus. Que le cédant informe le propriétaire sur la cession est tout bonnement naturel ! Imaginez-vous que le propriétaire, venant visiter son exploitation, découvre qu'il a changé de locataire ?

M. le Rapporteur - Ce n'est pas possible, Monsieur Gaubert, puisque le texte prévoit que le propriétaire est informé de la cession. M. Dionis du Séjour, lui, envisage d'obliger le preneur cédant à informer aussi le bailleur sur les activités du preneur entrant, données qui ne sont pas forcément en sa possession ! Dans le cas d'une installation hors cadre familial, comment vérifier l'activité du preneur ? Cette disposition fait peser une charge supplémentaire sur le cédant et risque, en cas d'inexactitude des informations, de provoquer des annulations de bail.

M. François Guillaume - Le rapporteur oublie que, quelques chapitres plus loin, ce même projet de loi oblige celui qui veut agrandir son exploitation à indiquer exactement non seulement les superficies exploitées, mais les éléments relatifs au fonds agricole ! Il ne peut pas développer deux argumentations inverses ! Les informations réclamées par M. Dionis du Séjour sont simples et connues. Elles éviteront de devoir revenir sur la cession si la location nouvelle pose problème au plan de la politique des structures.

M. Christophe Guilloteau - Ne pas préciser la superficie, la nature et la localisation des terres concernées conduira à de grandes difficultés.

M. le Rapporteur - C'est dans le texte !

M. Christophe Guilloteau - Alors ça ne coûte rien de le rajouter !

M. Jean Gaubert - Vous semblez raisonner sur la base des anciens textes, mais vous venez de voter le fonds agricole ! Il est clair que le propriétaire dont le bail est cédé à un autre exploitant, en particulier lorsque celui-ci s'agrandit, doit savoir que son propre fonds agricole va être adjoint à un autre et qu'il risque de changer de nature. Il ne s'agit plus seulement d'exploitation de terres ! Cette précision permettrait donc d'éviter des contentieux.

M. Jean Dionis du Séjour - Le texte ne propose d'informer le propriétaire que sur l'identité du cessionnaire et la date de l'opération. Je propose d'y ajouter la nature, la superficie et la localisation de ses biens. Quel propriétaire voudrait se passer de ces éléments ? Monsieur le rapporteur... Antoine ! Les yeux dans les yeux, peux-tu m'affirmer qu'un preneur cédant pourrait ne pas savoir ce que va faire le preneur entrant ? Ça n'existe pas, dans nos campagnes !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Je souhaite que mes collègues, après avoir un peu vivement rejeté mon amendement, adoptent ceux-ci.

M. le Rapporteur - Nous sommes dans le cadre du contrôle de la commission départementale d'orientation agricole sur les structures. Les sanctions éventuelles doivent s'appliquer à ceux qui exploitent un bien de façon non autorisée. Avec vos amendements, celui qui sera sanctionné sera le preneur cédant, pour avoir fourni de mauvaises informations ! Je comprends votre préoccupation, mais faites au moins porter l'obligation sur le preneur entrant ! Le cédant connaît l'identité du cessionnaire pressenti, mais connaît-il la superficie de son exploitation ? Quant à la nature et la localisation de ces biens, seuls l'administration les connaît, et ce sont des informations confidentielles !

M. Jean Gaubert - Ces précisions paraissaient relever de l'évidence, et je pensais que les amendements allaient passer comme une lettre à la poste. Mais le rapporteur reste fermement campé dans sa tranchée : y aurait-il quelque chose de plus important là derrière ? Plus il se crispe, plus on se dit que ça en vaut la peine... Parce que vous n'allez pas nous faire croire que le cédant ne connaît pas la situation du preneur ! De toute façon, même s'ils ne se connaissent pas, il est tout à fait normal qu'il soit porté à la connaissance du propriétaire que son bien va entrer dans un autre fonds, ce qui emporte une part de sa liberté.

M. André Chassaigne - Ces échanges techniques ne doivent pas nous faire oublier l'essentiel et j'avoue que la crispation du rapporteur me met un peu la puce à l'oreille : ne s'agit-il pas, en définitive, de favoriser la reprise par des investisseurs, de manière à conforter la dérive capitalistique que vous appelez de vos vœux ? (« Délirant ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais si l'exploitation est reprise par une société de capitaux, ne sera-t-il pas difficile de fournir toutes les informations sur ce repreneur ?

M. Michel Raison - Ne perdons pas de vue la dimension humaine de tout cela ! C'est à croire que certains ne connaissent pas le terrain si bien qu'ils le disent. Les gens se rencontrent, discutent, échangent les informations utiles... Il faut leur faire confiance. Bien entendu, il est tout à fait légitime - et c'est évidemment ce qui se produira - que le propriétaire rencontre le futur preneur et discute avec lui.

M. André Chassaigne - Vous avez déjà discuté avec un fonds de pension ?

M. le Président de la commission - Merci, chers collègues, de ne pas mettre en cause le rapporteur, qui répond précisément à toutes vos questions avec sérénité et courtoisie et qui a accompli sur ce texte un travail remarquable, depuis plus de six mois. (Applaudissements sur divers bancs)

Pour prévenir toute équivoque, Antoine Herth et moi-même vous proposons le sous-amendement 1117 aux amendements identiques 477 rectifié, 581 rectifié et 929, lequel fait la synthèse de vos différentes propositions en disposant que « le cessionnaire pressenti informe le bailleur de la superficie, de la nature et de la localisation des biens qu'il exploite ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à ce sous-amendement et salue la qualité de votre débat.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous nous rallions également à cette proposition, bien que je reste convaincu que l'information transitera en priorité par le preneur cédant qui connaît forcément le propriétaire.

Le sous-amendement 1117, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 477 rectifié, 581 rectifié et 929 ainsi modifiés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 25.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
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Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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