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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 17ème jour de séance, 39ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 27 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite) 2

APRÈS L'ART. 15 2

ART. 16 3

ART. 17 4

ART. 18 6

ART. 19 8

ART. 20 8

ART. 21 9

ART. 22 9

ART. 23 9

ART. 24 10

APRÈS L'ART. 24 10

ART. 25 11

AVANT L'ART. 26 11

ART. 26 12

APRÈS L'ART. 26 13

ART. 27 17

APRÈS L'ART. 27 20

ART. 28 23

APRÈS L'ART. 28 24

ART. 29 26

La séance est ouverte à quinze heures.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

M. Jean-Marie Le Guen - L'Assemblée vient de voter une réduction de 90 millions d'euros de la taxe sur les industries pharmaceutiques, montant qui correspond au rendement de la nouvelle franchise de 18 euros. Je préviens donc le Gouvernement que nous demanderons tout à l'heure la suppression de cette réduction afin d'éviter aux familles un nouveau prélèvement.

APRÈS L'ART. 15

Mme Muguette Jacquaint - Dans le Grand Secret de l'industrie pharmaceutique, paru en 2003, Philippe Pignarre explique que cette industrie est aujourd'hui la plus rentable du monde, avec un taux de profit moyen de 19%, contre 16% dans la banque. Comment ce résultat est-il obtenu ? Est-il justifié au regard du service rendu à la société ? Que les dépenses de médicaments aient augmenté de 9,1% en moyenne depuis 1980, pour atteindre 16 milliards d'euros en 2004, n'est pas essentiellement dû au comportement des patients et des praticiens, contrairement à ce que tendrait à accréditer une propagande calomnieuse. En France, les prix ont crû de 63% entre 1990 et 2001 alors que la hausse n'excédait pas 28% en Italie et 17% en Allemagne. L'industrie pharmaceutique se caractérise également par une insuffisante innovation. Selon le magazine Prescrire, seules 7 nouveautés sur 1 996 produites en vingt ans peuvent être considérées comme réellement innovantes et les groupes ont tendance à concentrer leurs recherches sur un nombre réduit de pathologies, réputées rentables.

L'absence d'innovation est également liée au fait que 30% des dépenses des laboratoires sont dédiées à la communication, et 14% seulement à la recherche. Les industriels avancent que la publicité rend le marché plus transparent et informe les consommateurs, mais un tel déséquilibre est inacceptable au regard des situations sanitaires dramatiques que nous connaissons. Le groupe communiste estime qu'il est plus que temps que les pouvoirs publics adoptent une démarche incitative car, là comme ailleurs, le libre jeu du marché a démontré son impuissance à satisfaire les besoins de la population.

L'amendement 151 vise donc à encourager l'industrie pharmaceutique à consacrer davantage de moyens à la recherche, en majorant de 10% la contribution prévue à l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale pour les entreprises pharmaceutiques qui ne consentiraient pas un effort équivalent au tiers de leur chiffre d'affaires.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général - Ayant été chargé d'un rapport sur la recherche privée et publique face au défi international, je puis vous assurer que l'industrie pharmaceutique fait partie des bons élèves, certains laboratoires investissant dans la recherche jusqu'à 20% de leur chiffre d'affaires. Avis défavorable.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Même avis.

L'amendement 151, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bruno Gilles - L'amendement 352 tend à plus de justice sociale et financière en plafonnant les six contributions spécifiques demandées à l'industrie pharmaceutique : la taxe sur les ventes directes, la taxe sur la promotion, la remise conventionnelle, la taxe sur le chiffre d'affaires, la clause de sauvegarde et la taxe sur les spécialités pharmaceutiques. Certaines d'entre elles entraînent de notables inégalités de traitement, que l'augmentation importante des assiettes et des taux prévue par le projet de loi renforcera, au détriment de l'attractivité de la France. Nous proposons de fixer ce plafond à 5% du chiffre d'affaires annuel, sachant que les 932 millions attendus par le Gouvernement cette année correspondent à une hausse de 4%.

L'amendement 352, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 16

M. Jean-Luc Préel - L'article 16 traite de la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales, d'un montant de 21,6 milliards d'euros. Pourquoi basculer cette ligne sur le budget de la sécurité sociale au lieu de maintenir le principe de la compensation par l'Etat ? Pourquoi ne pas affecter une ressource unique à cette compensation au lieu de recourir à neuf impôts et taxes différents - taxes sur les salaires, sur la consommation des alcools et des boissons non alcoolisées, sur la circulation des vins, cidres, poirets et hydromels, sur la consommation des produits intermédiaires, sur les contributions patronales, sur les primes d'assurances automobiles, TVA brute sur les produits pharmaceutiques, TVA brute sur les tabacs ? Avec ce catalogue à la Prévert, on se croirait revenu au temps du FOREC ! Et pouvez-vous garantir la pérennité de cette compensation ?

D'autre part, les exonérations liées aux contrats d'avenir et aux contrats d'accompagnement dans l'emploi n'étant pas compensées, bien que la réforme de 1994 ait posé le principe de la compensation intégrale, il manquera 2,7 milliards d'euros que vous mettez à la charge de la protection sociale. M. Door a bien raison, dans son rapport, d'appeler l'Etat à compenser les exonérations qu'il décide !

M. Gérard Bapt - Innovation décidément que ce transfert du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale des exonérations de charges liées à la politique nationale de l'emploi ! Cette mesure illustre d'ailleurs parfaitement l'étatisation actuellement à l'œuvre, s'agissant du budget de la sécurité sociale.

Au moment même où beaucoup s'interrogent, y compris au sein de votre majorité et en tout premier lieu le rapporteur général du budget et le président de la commission des finances, sur l'efficacité des allégements de charges accordés sans aucune contrepartie en matière ni d'emplois ni d'investissements ni de recherche, voilà que, non contents d'accroître ces exonérations, vous en reportez la charge sur la sécurité sociale ! Vous institutionnalisez une contribution du budget de la sécurité sociale à la politique de l'emploi.

Ces exonérations seront intégralement compensées, nous assurez-vous. Permettez que nous en doutions, échaudés comme nous l'avons été par la compensation « à l'euro près » promise lors du transfert du RMI aux départements. Tous les conseils généraux, de droite comme de gauche, ont fait l'amer constat qu'on en est loin... Comment d'ailleurs s'effectueront les compensations au-delà de 2006, le montant des exonérations de charges étant appelé à croître - si l'on en croit vos prévisions de progression de la masse salariale -, alors que les recettes seront, elles, beaucoup moins dynamiques ? Par ailleurs, la régularisation nécessaire ne pourra, au mieux, être constatée que l'année n+1 et intervenir l'année n+2, si bien que, pendant deux ans, le budget de la sécurité sociale servira de trésorerie pour les entreprises. Enfin, le produit des taxes sur l'alcool et le tabac devrait être intégralement affecté à la sécurité sociale pour financer des actions de prévention ou de santé publique, et non, comme cela va être le cas, pour compenser des exonérations de charges dont, à aucun moment, la sécurité sociale n'a eu à décider.

Vous comprendrez nos vives inquiétudes, d'autant que, contrairement à ce qu'avait promis M. Douste-Blazy devant le Sénat à l'été 2004, il y a bel et bien eu de nouvelles exonérations sans compensation : je pense aux nouveaux contrats de la loi Borloo ou bien encore au « bonus Villepin ».

Mme Muguette Jacquaint - Cet article 16, s'il apporte une certaine transparence, entérine surtout le principe, pourtant de plus en plus décrié, des exonérations de charges. Le Premier président de la Cour des comptes lui-même s'interrogeait sur leur opportunité, étant donné le rapport coût-avantage - entendez par là le bénéfice pour l'emploi rapporté au coût pour les comptes de la sécurité sociale. Le président de la commission des finances lui-même faisait observer que le taux des cotisations patronales au titre de la protection sociale était passé de 46 à 20% - il aurait pu signaler que pour les salaires au niveau du SMIC, il est même tombé de 30 à 4%. « Il n'est pas certain que les employeurs s'en soient avisés », ajoutait-il. Je pense, pour ma part, que les entreprises s'en sont fort bien rendu compte et qu'elles s'en sont même très bien servi. Le problème est qu'aucune contrepartie en matière d'emploi n'est exigée d'elles.

Bien que nous n'ayons cessé d'alerter les différents gouvernements sur ce point, vous avez atteint des sommets puisque le total des exonérations se monte à 21 milliards d'euros sur les deux dernières années. Autant de moyens qui auraient pu être affectés à la protection sociale ! En réalité, vous entretenez le déficit de la sécurité sociale. Le produit des taxes sur le tabac, sur les alcools, sur les primes d'assurance automobile... pourrait servir à financer la prévention et ainsi faire faire des économies à l'assurance maladie plutôt que de compenser les cadeaux consentis en pure perte au patronat.

Ce constat d'échec milite pour un autre financement de notre protection sociale. Nous faisons depuis longtemps des propositions en ce sens, je n'y reviens pas. Cet article est censé compenser les exonérations accordées pour 2006. Mais le retard accumulé les années antérieures sera-t-il rattrapé ? Le passif se monte à 32 milliards d'euros sur treize ans, sans parler des cotisations non recouvrées, dont le total représente une dette de près de deux milliards d'euros. Le Gouvernement doit s'engager à rembourser à la sécurité sociale l'intégralité des sommes qu'il lui doit, comme le recommande d'ailleurs la Cour des comptes.

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

Mme Muguette Jacquaint - Cet article, qui vise à renforcer la lutte contre le travail dissimulé, appelle quelques observations de notre part.

Le Gouvernement semble avoir la volonté de s'attaquer à cette forme de délinquance patronale, ce à quoi les employeurs respectueux de la loi seraient les premiers à gagner. Hélas, il n'a pas les moyens de ses ambitions. L'inspection du travail est sinistrée. On comptait en 2004 427 inspecteurs pour quinze millions et demi de salariés... contre 110 en 1910 pour trois millions de salariés. Les chiffres sont éloquents. Comment croire que 427 inspecteurs, même assistés de 813 contrôleurs, pourront contrôler efficacement 1,2 million d'entreprises et lutter vraiment contre le travail au noir ? Nous avons donc des raisons de douter de votre volonté et ces doutes sont d'autant plus justifiés que 81 députés UMP ont déposé il y a quelques mois une proposition de loi visant à réformer le statut de l'inspection du travail et à en changer la dénomination. Leur idée consisterait à recentrer les missions des inspecteurs sur le respect de l'hygiène et de la sécurité au travail. Si ce texte venait à être adopté, il remettrait en question le droit d'entrée et de visite des inspecteurs dans les entreprises, ainsi que leur indépendance, pourtant garantie par la convention 81 de l'OIT. Cette proposition de loi, inspirée par une idéologie hostile au droit du travail, et d'une manière plus générale, à tout l'ordre public social, a suscité une vive émotion dans le monde du travail. Si elle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour parlementaire, elle n'a toutefois jamais été reniée ni par le Gouvernement, ni par les principaux responsables de l'UMP. Aussi pensons-nous que cet article 17 répond surtout à un souci d'affichage, alors que l'absence de moyens pour lutter efficacement contre le travail au noir est criante.

Nous réservant d'y revenir lors de l'examen de l'article 57, nous ne nous opposerons toutefois pas à l'adoption de cet article 17, mais nous entendions en dénoncer l'hypocrisie et la vanité.

M. Gérard Bapt - Dans son principe, la lutte contre le travail illégal ne peut être qu'approuvée. Encore faut-il en avoir les moyens et, à cet égard, nous ne pouvons qu'approuver le diagnostic de Mme Jacquaint. Je note aussi que la rémunération directe au moyen du titre emploi entreprise, notamment dans les petites entreprises du bâtiment, rendra encore plus difficile à prouver la présence illégale d'un travailleur sur un chantier.

A propos du VI de cet article, qui tend à consolider l'obligation de vigilance des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs co-contractants étrangers, je voudrais évoquer ce qui s'est passé dans ma commune. Un contrat de sous-traitance passé par une entreprise générale de bâtiment avec une société polonaise a donné lieu après contrôle non seulement à la transmission d'un dossier au procureur de la République pour délit de marchandage, mais aussi à la saisine de la délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal. En effet, il a été impossible aux contrôleurs et inspecteurs du travail d'avoir connaissance de la rémunération des salariés concernés, effectuée à l'étranger en monnaie étrangère. J'ai écrit à ce propos au ministre du travail, mais j'aimerais savoir si ce VI s'imposera bien aux contrats de sous-traitance avec des entreprises étrangères - même européennes.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - La mesure d'annulation des réductions et exonérations doit pouvoir s'exercer sans ambiguïté, quelle que soit la forme de la dissimulation d'emploi salarié constatée. C'est pourquoi je propose par mon amendement 354 de viser les infractions définies, non seulement au quatrième alinéa de l'article L. 324-10 du code du travail, mais aussi au cinquième alinéa.

L'amendement 354, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Par notre amendement 153, nous proposons d'aller au-delà de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations en cas de recours au travail dissimulé : ce n'est que justice de demander le remboursement des aides publiques de toute nature - et elles sont nombreuses - indûment perçues.

L'amendement 153, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Mon amendement 355 tend à calculer le montant de l'annulation en fonction du rapport entre le montant des rémunérations dissimulées - relevées ou estimées - et celui des rémunérations soumises à cotisations.

L'amendement 355, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 302 de la commission est rédactionnel.

L'amendement 302, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Au moment où l'on essaie de renforcer la lutte contre le travail dissimulé et la répression des fraudes, et après le drame dont ont été victimes un inspecteur du travail de l'agriculture et un inspecteur de la MSA en septembre 2004, il est inopportun de faire disparaître une disposition visant à la protection des corps de contrôle. C'est le sens de mon amendement 356.

L'amendement 356, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Le Gouvernement pourrait quand même répondre aux questions que je lui ai posées...

M. Gérard Bapt - J'ai moi aussi interrogé le ministre...

M. le Président - Il va vous répondre.

M. le Ministre délégué - Les ressources fiscales que ce projet affecte à la sécurité sociale sont pour l'essentiel le produit de la taxe sur les salaires et de la TVA sur les médicaments et le tabac. Il fallait des ressources à hauteur exacte des exonérations de cotisations sociales - dont jusqu'à 50%, sous les gouvernements que vous avez soutenus, n'étaient pas compensées, alors que nous n'en sommes plus qu'à 10%. Actuellement, 8 des 9,4 milliards de droits sur les tabacs financent les régimes d'assurance maladie, ce qui est d'ailleurs tout à fait logique.

Mme Muguette Jacquaint - Et mes questions sur l'inspection du travail ?

L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Jean-Luc Préel - Cet article concerne les prévisions de recettes des régimes obligatoires pour 2006. Je crains fort que M. Philippe Séguin ne vienne l'année prochaine nous redire que la protection sociale n'est plus financée... Les prévisions de recettes sont en effet surévaluées car personne ne croit à une croissance de 2,25% en 2006 - on pense plutôt qu'elle se tiendra entre 1,5 et 1,8%. Pourquoi ne pas en tenir compte ? Cette surévaluation risque de conduire à un creusement du déficit, ce qui renforcera le scepticisme de nos concitoyens quant à la capacité qu'a le Gouvernement à gérer la sécurité sociale. Quant à la compensation des exonérations de cotisations, je vous rappelle qu'il manque encore 2,7 milliards, pour des mesures pour la plupart décidées en 2005 ! Il se fait jour une tendance regrettable.

Vous allez créer cependant des recettes nouvelles, dont une ponction sur l'industrie pharmaceutique qui contrevient à des engagements contractuels antérieurs, une augmentation des cotisations vieillesse et accidents du travail ou un prélèvement sur les prêts épargne logement. Au total, cela représente 2,8 milliards de recettes nouvelles, sans compter l'augmentation d'un euro du forfait journalier hospitalier et la mise en œuvre de la franchise de 18 euros. Tout le monde sera donc mis à contribution pour tenter de diminuer le déficit de la protection sociale.

M. Gérard Bapt - Personne ne croit à vos prévisions, Monsieur le ministre. Pour les recettes, les experts pensent que votre estimation de la croissance de la masse salariale n'est pas plus juste que les années précédentes et, pour les dépenses, personne ne croit en vos prévisions d'économies. Cette année déjà, vous en aviez annoncé pour un milliard, grâce à la maîtrise médicalisée : vous n'en réaliserez que les deux tiers, et encore les deux tiers de ces deux tiers sont-ils dus à la réduction des indemnités journalières pour arrêt de travail. Car cette baisse traduit certes un changement de comportement des prescripteurs, mais elle s'explique aussi par la pression sociale. Ces indemnités ne pourront continuer de diminuer à ce rythme. Les économies seront donc réalisées désormais sur les affections de longue durée ou par le transfert d'une partie des dépenses sur les mutuelles et les patients. Nous ne pouvons par conséquent accepter vos chiffres.

M. Jean-Marie Le Guen - Les doutes sur la crédibilité de vos prévisions de recettes et de dépenses sont en effet répandus. Nous ne tarderons d'ailleurs pas à savoir comment le Gouvernement compte réagir au vote par l'Assemblée d'une diminution des recettes issues de l'industrie pharmaceutique. J'ai une suggestion : les rétablir dans leur montant initialement prévu et supprimer la franchise de 18 euros ! Je suis sûr que les Français y seraient sensibles...

Mais vos propositions sont surtout marquées par un fort déséquilibre entre les efforts demandés aux entreprises et ceux exigés des assurés. Pour ces derniers, la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires, qui sera payée in fine par les mutualistes, représente 750 millions ; le ticket modérateur de 18 euros, 100 millions - bien que vous ayez vous-même parlé du double - et la nouvelle classe remboursée à 15% pour les veinotoniques, 150 millions. Le déremboursement de 156 médicaments, à moins que vous ne preniez la décision de les retirer de la pharmacopée, entraînera un report de 130 millions à la charge des familles, qui paieront en outre 100 millions au titre de la hausse du forfait journalier. Les actes de prévention qui vont devoir être pris en charge par les mutuelles - c'est une innovation ! - se montent à 300 millions... Au total, ce sont 1,7 milliard de dépenses qui sont mises à la charge des assurés. Du côté des entreprises, et si j'oublie la polémique sur les hausses de cotisation en espérant que vous allez répartir celles-ci équitablement, on compte les 400 millions de la hausse de la cotisations sur les accidents du travail - mais la branche reste largement déficitaire -, les 70 millions de la taxe sur la C3S et les 50 millions procurés par notre vote sur la taxe sur les industries pharmaceutiques. Total : 750 millions ! Même sans prendre en compte le fait que vos prévisions sont irréalistes, vos comptes font la preuve du caractère inéquitable de votre politique !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 12 rectifié améliore la présentation du texte pour le rendre conforme à la loi organique.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Avis favorable.

Monsieur Le Guen, ce n'est pas parce qu'on parle fort qu'on parle juste. Le seul chiffre que je reconnaisse est celui du ticket modérateur de 18 euros, qui représente effectivement 100 millions. Tout le reste est complètement faux. Soit vous êtes mal informé, et j'aurais grand plaisir à vous éclairer ; soit vous cherchez à mal informer, ce que je ne peux imaginer. Le prélèvement sur les organismes complémentaires représente 200 millions et 160 millions plutôt, si vous considérez le solde réel. Quant aux médicaments à service médical rendu insuffisant, je vous signale que le porte-parole du parti socialiste sur les questions de santé a demandé au Gouvernement de suivre l'avis de la Haute autorité de santé et de ne plus rembourser les 221 médicaments qu'elle a désignés. Etes-vous en désaccord avec lui ?

M. Jean-Marie Le Guen - Je me suis exprimé sur ce sujet ce matin, mais vous n'étiez pas là !

M. le Ministre - La courtoisie me garde, moi, de signaler chaque moment où vous êtes absent. Heureusement, d'ailleurs, parce que ce serait souvent ! Quoi qu'il en soit, ne me reprochez pas d'avoir pris une mesure recommandée par le parti socialiste simplement parce qu'elle a un coût ! Les veinotoniques vont être remboursés à 15% pendant deux ans, parce qu'il n'existe pas aujourd'hui d'alternative thérapeutique, mais nous avons également décidé d'en diminuer le prix, ce qui bénéficiera aussi bien aux patients qu'à l'assurance maladie et aux organismes complémentaires.

En ce qui concerne la prévention, nous ne transférons aucun acte aux organismes complémentaires ! Nous voulons en créer de nouveaux, qui soient pris en charge au titre des contrats responsables. Nous cherchons à faire plus et mieux. N'ajoutez donc pas des choux et des carottes pour faire gonfler la note ! Nous demandons des efforts, c'est vrai, mais aussi bien à l'industrie du médicament et aux organismes complémentaires qu'aux assurés. Et j'ajoute que les organismes complémentaires n'augmenteront pas leurs cotisations pour 2006 et que, depuis la séance du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie de ce matin, je ne suis plus le seul à le dire ! J'aurai grand plaisir à vous lire ses conclusions dès qu'elles seront en ma possession (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 12 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Les amendement 303 et 304 sont rédactionnels.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 303, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 304.

L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Le fait que le parti socialiste soit pour ou contre le déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant n'influe en rien sur le coût que cette mesure a pour les assurés ! Sauf si vous aviez le courage de dire qu'il ne faut plus prescrire ces médicaments, mais vous faites le contraire !

M. le Ministre - Arrêtez vos mensonges !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous avez le droit d'estimer que cette mesure est médicalement et socialement utile, même si je ne suis pas tout à fait d'accord...

Mme Claude Greff - On ne rembourse pas les tisanes non plus !

M. Jean-Marie Le Guen - ...mais en tout état de cause, elle a un coût pour les assurés. Assumez seulement vos décisions !

Quant aux chiffres, vous avez soutenu dans une émission télévisée que l'ensemble de l'argent tiré des alcools et du tabac était destiné à la sécurité sociale. Je maintiens ici que c'est un mensonge (Protestations sur les bancs du groupe UMP). C'est inscrit noir sur blanc dans le texte ! Sur les droits du tabac, Monsieur le ministre, vous avez menti.

M. le Ministre - Non !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous êtes un menteur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Evitons ce genre d'invective.

M. Jean-Marie Le Guen - L'article 41 du projet de loi de finances prévoit explicitement que 15% de l'argent du tabac est réservé à l'Etat, soit 1,5 milliard cette année. L'article 42 dispose que les exonérations de charges dues par l'Etat à la sécurité sociale seront payées avec l'argent des droits de l'alcool. Cela signifie bien que l'Etat se paye avec l'argent de la sécurité sociale, qu'il se défausse de ses dettes sur elle. Alors, Monsieur le ministre, ou vous ne connaissez pas vos dossiers, ou vous mentez effrontément !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Quelle incorrection !

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le ministre, vous détenez la vérité. Vous la déteniez aussi à propos du PLFSS de l'an dernier et vous avez été largement démenti par les chiffres. De même, vous vous satisfaites aujourd'hui d'une baisse du chômage, et sur le terrain, ce que nous voyons, c'est que ceux qui ne sont plus chômeurs passent au RMI, aux frais des conseils généraux. Je n'ai jamais dit que je détenais la vérité absolue mais vous ne la détenez pas non plus : voyez les chiffres des experts. Ce qu'on vient de dire des taxes sur le tabac et l'alcool est vrai. Si des députés de la majorité disent le contraire, qu'ils nous le démontrent !

M. le Président - Personne ne ment, mais chacun a sa vérité...

Mme Muguette Jacquaint - En tout cas, quand on fait des déremboursements, il faut arrêter de soutenir que cela ne coûte rien aux usagers ! Les mutuelles et les assurances vont évidemment demander une compensation pour ce qu'elles prendront en charge.

M. le Ministre - J'aimerais convaincre M. le Guen, mais cela demanderait beaucoup d'énergie. Je n'en manque pas, mais sans doute peut-elle être mieux utilisée.

M. le Président - D'autant que ce n'est pas l'objet de cette séance...

M. le Ministre - En tout cas, c'est le script de l'émission à laquelle nous avons participé qui serait intéressant. J'y disais clairement que, à l'inverse de ce que vous avez fait avec le FOREC - c'est-à-dire détourner l'argent de la sécurité sociale pour financer les 35 heures (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) -, nous avons, par la réforme de l'assurance maladie, fait passer 1,5 milliard du budget de l'Etat vers la sécurité sociale. Les plus gros mensonges ne peuvent masquer vos turpitudes passées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ART. 19

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 13 est de cohérence.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 19 est ainsi supprimé.

ART. 20

M. Jean-Luc Préel - Cet article comporte les tableaux d'équilibre les plus symboliques de ce budget 2006. Le déficit prévu est de 10,1 milliards mais, avec ceux du FSV et du FFIPSA, soit respectivement 1,5 et 1,7 milliard, il atteindra au total 13,3 milliards. Malheureusement, il sera sans doute dépassé puisque les recettes sont surévaluées puisque estimées sur la base d'une croissance de 2,25%. Quant aux dépenses, elles seront proches de la réalité pour la branche famille et la branche vieillesse, mais il est à craindre une perte de pouvoir d'achat pour les retraités du fait d'une revalorisation de 1,8% inférieure à l'inflation. En tout cas, les dépenses d'assurance maladie seront sans doute supérieures à vos prévisions ; il y a bien eu une inflexion à la baisse en 2005, d'origine psychologique, mais l'ONDAM est sous-évalué. L'enveloppe pour l'hôpital ne permettra pas la simple reconduction des moyens. Pour la médecine de ville, le taux de 0,9% est des plus volontaristes, et résulte de deux évolutions en sens inverse : une augmentation de 3,2% pour les honoraires et une diminution de 3,3% pour les prescriptions. Qui peut croire à cette dernière baisse ?

Quant aux honoraires, vous vous êtes engagé à les revaloriser pour les médecins s'ils réalisaient 998 millions d'économies ; ils en auront réalisé certainement 600 à 650 millions mais vous ne pourrez pour autant éluder votre promesse ! Il faudra aussi une revalorisation pour les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes, qui doivent renégocier leurs conventions. Vous aurez en outre à financer les gardes et astreintes, les augmentations promises, l'an dernier déjà, aux chirurgiens, la mise en œuvre du secteur optionnel...

Pour l'UDF, tant que les professionnels ne seront pas associés en amont aux décisions et en aval à la gestion des crédits régionalisés, il sera très difficile de mettre en œuvre une réelle maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

M. Gérard Bapt - Je me suis reporté aux articles 41 et 42 de la loi de finances. Chacun peut le faire et constater qu'une bonne partie des droits sur le tabac vont au budget de l'Etat pour financer le Fonds national d'aide au logement ou la CMU. M. Le Guen avait tout à fait raison. D'autre part, les droits sur l'alcool pour 2,5 milliards, et aussi une fraction de la TVA sur les tabacs et les produits pharmaceutiques, soit un total de 5,4 milliards, iront bien en recettes à la sécurité sociale, mais en compensation des exonérations consenties au titre de la politique de l'emploi : ce ne sont donc pas des recettes nettes.

D'autre part, je m'étonne que vous contestiez le fait que ne seront réalisés que les deux tiers du milliard d'économies annoncé pour cette année grâce à la maîtrise médicalisée, puisque c'est le chiffre cité lors des petits déjeuners de la CNAM. Selon les médecins, il y a eu des retards - la loi date quand même d'août 2004 - et la maîtrise médicalisée ne joue qu'à partir de mars ou avril. Sur ces 600 ou 700 millions, les deux tiers seront dus à la diminution des indemnités journalières. Pour l'an prochain, vous prévoyez 890 millions d'économies grâce à la maîtrise médicalisée. Ce doit être un minimum. Nous souhaitons que ces économies portent sur les prescriptions ; mais s'il y a une amélioration pour les antibiotiques, il y a aussi des retards sur les statines et les psychotropes. Les prescripteurs ne sont pas seuls en cause, dans la mesure où l'information médicale dépend uniquement de l'industrie pharmaceutique.

L'article 20, mis aux voix, est adopté.

ART. 21

M. Jean-Marie Le Guen - La présentation conjointe des articles 20 et 22 aurait donné une vision exacte de la situation financière de la sécurité sociale. Il faut en effet ajouter les déficits de 1,5 milliard du FSV et de 1,7 milliard du FFIPSA à ceux des régimes de base, et l'on constate alors que c'est 14,2 milliards de déficit que cette assemblée va voter - et encore ne peut-on se fier à ces chiffres. Donc la majorité qui, en d'autres circonstances, aime tant faire preuve de rigueur et d'orthodoxie financières, va devoir en rabattre !

L'article 21, mis aux voix, est adopté.

ART. 22

M. Jean-Luc Préel - Cet article nous amène à nous interroger sur le devenir du Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit sera encore de 1,5 milliard cette année. Quant au régime agricole, son déficit cumulé depuis 2004 atteint 7 milliards. Auparavant, l'Etat apportait une subvention d'équilibre au BAPSA. Ce n'est plus le cas pour le FFIPSA. Dans ces conditions, comment le régime agricole sera-t-il financé ? La Cour des comptes a relevé que les exploitants agricoles ne financent que 17% des dépenses du régime, mais étant donné ce qu'est aujourd'hui la démographie agricole et compte tenu de l'évolution de la PAC, il me paraît difficile d'espérer leur demander un effort accru. Le financement ne peut donc venir que d'une compensation démographique des autres régimes ou d'une aide de l'Etat. D'où ma question : que fera l'Etat ?

L'article 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Jean-Marie Le Guen - J'aurais aimé avoir une réponse du Gouvernement.

M. le Ministre délégué - D'abord, le Fonds de solidarité vieillesse verra son déficit baisser l'an prochain grâce à un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l'interdiction, à l'avenir, de servir un minimum vieillesse à des personnes qui ne se trouvent pas sur le territoire français. Une lacune de notre législation faisait qu'il était possible de l'obtenir à l'étranger, du fait par exemple d'un travail saisonnier accompli quelque dix ou vingt ans auparavant ! Cette mesure permettra une économie de 50 millions d'euros.

S'agissant ensuite du FFIPSA, je veux rappeler que les prestations sociales agricoles font partie, depuis la première loi d'orientation agricole voulue par le général de Gaulle en 1962, du pacte noué entre la nation et ses agriculteurs.

M. Jean-Marie Le Guen - Dommage qu'un tel pacte n'ait pas été passé avec les salariés !

M. le Ministre délégué - L'Etat remplira donc tous ses devoirs envers les agriculteurs. D'ailleurs, le ministre du budget a dit la semaine dernière que les recettes du fonds seraient majorées, sans dégrader le déficit budgétaire, et qu'il envisageait une reprise par l'Etat d'une fraction de la dette. Nous avons aussi entendu les propositions pertinentes de M. Censi sur le sujet. Si chacun veut bien faire preuve du sens des responsabilités, nous pourrons rétablir la situation du FFIPSA.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce sens des responsabilités supposerait-il, d'après vous, que le régime des salariés soit mis à contribution ? Ai-je bien compris ?

M. le Président - Non.

L'article 23, mis aux voix, est adopté.

ART. 24

L'article 24, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 24

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 14 rectifié tire les conclusions d'une décision du Conseil d'Etat concernant le principe de responsabilité personnelle et pécuniaire des agents comptables des organismes de la sécurité sociale.

M. le Ministre délégué - Favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes allés tellement vite que je n'ai pas pu m'exprimer sur l'article 23. Je voudrais simplement dire que, malgré la progression - relative - de la masse salariale, l'amortissement de la dette ne progressera pas. Il n'y a donc plus que le gonflement des intérêts qui agit sur la CADES. Quant au Fonds de réserve des retraites, qui devait servir, dans le cadre de la réforme Fillon, à solvabiliser le lissage des pensions, il ne sera pas abondé notablement et ne sera donc pas en mesure, à terme, d'assurer sa fonction.

M. Gérard Bapt - Nous n'avons pas eu de réponse à notre question concernant l'amortissement de la dette sociale, qui diminue alors que l'augmentation du taux de la CRDS apporte des recettes supplémentaires à la CADES. A une époque de bas taux d'intérêt, il vaudrait pourtant mieux qu'elle rembourse plus de capital. Que se passera-t-il quand les taux d'intérêt remonteront ?

L'amendement 14 rectifié, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 40.

ART. 25

Mme Muguette Jacquaint - Qu'il s'agisse de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a fait, cette année encore, le choix de l'insincérité. Pour preuve, cet article habilite les régimes obligatoires de base à recourir à des ressources non permanentes afin de couvrir leurs besoins de trésorerie. Le régime général se voit ainsi autorisé à emprunter dans la limite de 18,5 milliards. Personne ne pourra reprocher au Gouvernement de voir large, l'expérience ayant enseigné que le déficit général peut exploser d'une année sur l'autre. Ainsi, alors qu'il ne dépassait pas 3,5 milliards en 2002, il a bondi à 10,2 milliards l'année suivante, soit 6,7 milliards de plus ! Dans ces conditions, on pourrait presque louer le Gouvernement pour la prudence qui le conduit à considérer que les besoins de trésorerie pourraient atteindre 18,5 milliards l'année prochaine. Cette année, le déficit devrait s'élever à 11,9 milliards : après tout, l'écart n'est que de 6,6 milliards, soit de quoi anticiper une surprise à la hauteur de celle qu'avait réservée 2003.

Mais la modestie et la prudence dont cet article semble empreint tranchent avec l'optimisme constant du Gouvernement, lequel avait atteint des sommets en 2004, lorsque M. Douste-Blazy avait osé annoncer que sa réforme de l'assurance maladie permettrait le retour à l'équilibre dans la période 2005-2007... On connaît la suite ! La vérité, c'est qu'en 2007, année électorale ou pas, le déficit risque d'être colossal. L'insincérité des prévisions est d'ailleurs de règle, le Gouvernement ayant fait part de son intention de fonder son action sur une augmentation des dépenses d'assurance maladie n'excédant pas 2,2% par an dans la période 2005-2009. Chacun sait évidemment qu'il n'en sera rien. A proférer de telles contrevérités, le Gouvernement perd tout crédit et s'affranchit à bon compte du devoir d'informer la représentation nationale des efforts à fournir dans les années à venir.

M. Jean-Luc Préel - Cet article autorise effectivement les régimes obligatoires de base à emprunter pour couvrir leurs besoins de trésorerie et je ne m'étonne pas pour ma part que l'autorisation atteigne la somme - au demeurant modeste - de 18 milliards. Il donne aussi, Monsieur le Président, des éléments de réponse aux responsables de la MSA de l'Eure qui vous ont interpellé, puisqu'il autorise la MSA à emprunter dans la limite de 7 milliards. Or, 7 milliards, cela correspond précisément au besoin de financement cumulé du régime agricole depuis 2004, suite à la transformation du BAPSA en FFIPSA. Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer le montant des annuités correspondantes ? Est-il raisonnable de mettre à la charge du régime agricole le paiement d'intérêts générés par le refus de l'Etat d'assumer ses propres responsabilités ?

M. Jean-Marie Le Guen - Ces dispositions traduisent bien le peu de confiance que le Gouvernement témoigne à l'égard de sa propre action. Il avoue, en autorisant ces recours à l'emprunt, que ses espoirs de financement sont minces !

L'article 25, mis aux voix, est adopté.

La troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, mise aux voix, est adoptée.

AVANT L'ART. 26

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Chaque année se pose la question d'ajuster les recettes et la difficulté de cet exercice apparaît de plus en plus clairement. Le mode de financement de la sécurité sociale a probablement trouvé ses limites (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Une réflexion est engagée sur divers bancs de cette assemblée, au Sénat mais aussi au sein du Haut conseil de l'assurance maladie et d'autres formes de financements, comme la TVA sociale, sont envisagées. Aucune des personnes auditionnées par la commission n'a refusé d'aborder ce débat, le président de la Cour des comptes évoquant pour sa part la nécessité sinon d'une révolution, du moins d'une évolution du système. L'histoire de la sécurité sociale est faite de ces remous et de la recherche de solutions - Frédéric Bastiat, en 1850, prédisait déjà des cataclysmes. Le moment est venu et nous ne pouvons plus reculer.

Nous proposons donc par l'amendement 6 rectifié, adopté à l'unanimité, de créer au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale un groupe de travail ad hoc, dont la composition pourra être précisée par un décret.

M. le Ministre délégué - Votre amendement, Monsieur Door, pose une question centrale pour l'avenir de la sécurité sociale. Depuis la création de la CSG, les gouvernements successifs ont travaillé à élargir les recettes. Ce ne sont pas les dépenses régaliennes, les dépenses d'éducation ou d'emploi qui augmenteront le plus dans les années qui viennent, mais bien les dépenses de sécurité sociale liées au vieillissement de la population. Il est par conséquent normal que nous menions, avec les experts et les partenaires sociaux, une réflexion sur les recettes qui permettront de suivre le fort dynamisme de ces dépenses.

Cela dit, le bon organe pour accueillir une telle réflexion n'est sans doute pas la commission des comptes de la sécurité sociale, dont la vocation est toute autre. C'est la raison pour laquelle je propose de mettre en place un groupe de travail, qui pourrait déposer ses conclusions en juillet 2006 afin qu'elles soient prises en compte au moins partiellement dans le prochain PLFSS. Au bénéfice de cette proposition, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je n'en attendais pas moins de vous, Monsieur le ministre et je retire cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen - Je le reprends. Voici qu'un an après la réforme, on vient nous dire qu'il y a un petit problème de financement : cela est symptomatique !

Mme Muguette Jacquaint - Nous avons toujours dit qu'il y avait un problème de financement de la sécurité sociale, tant au niveau des dépenses que des recettes. Nous ne pouvons donc être que satisfaits que la nécessité d'une réforme profonde soit enfin reconnue. Toutefois, un tel amendement et une telle déclaration ne peuvent que nous renforcer dans notre sentiment : nous ne croyons pas à la sincérité de vos chiffres !

L'amendement 6 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 26

M. Mansour Kamardine - Au moment où l'Assemblée nationale aborde l'examen de la quatrième partie relative aux dépenses sociales pour 2006, je souhaite évoquer la situation sociale de Mayotte.

En février 2002, à la veille d'échéances électorales, le régime des allocations familiales de Mayotte, le plus discriminant de France, a été figé : plafonnement du nombre d'enfants éligibles et impossibilité de toute évolution malgré le niveau de PIB par habitant, dix fois inférieur à la moyenne nationale. Dans le même temps, le robinet des allocations familiales versées aux étrangers en situation régulière était grand ouvert en métropole. Aujourd'hui, Mayotte connaît une fracture sociale béante, avec un taux de chômage proche de 40% et un SMIC à 647 euros.

De plus en plus de Mahorais fuient cette misère pour s'installer à La Réunion ou dans les Bouches-du-Rhône, où leur intégration se fait de plus en plus difficile. Leurs terres ou leurs logements sont aussitôt occupés par des clandestins qui réclament, selon le droit coutumier, qu'ils soient immatriculés à leur nom.

Depuis trois ans, je tente d'attirer l'attention du Gouvernement sur cette situation, sans grand succès. Que faut-il pour que la détresse des Mahorais soit entendue ? Tout doit être mis en œuvre, au 1er janvier prochain, pour redonner espoir à ceux qui ont fait le choix de rester à Mayotte et leur permettre de vivre dignement sur ce territoire de la République sans qu'ils soient contraints à un déchirement familial, social et culturel. Monsieur le ministre, mettrez-vous un terme à ce dispositif qui bafoue l'idéal de justice sociale auquel je vous sais profondément attaché ?

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a quelques années, un régime spécifique d'assurance maladie avait été mis en place à l'intention des personnes détenues, qui était alors assez protecteur, ce qu'il est relativement beaucoup moins depuis l'instauration de la CMU. Il est donc légitime aujourd'hui de le modifier. Aussi sommes-nous plutôt favorables à l'article 26 qui dispose que les dépenses de santé des détenus sont prises en charge dans le cadre du droit commun. Demeure toutefois posé le problème des prestations en espèces, comme les indemnités journalières. Les détenus sont rétablis dans leurs droits à leur sortie de prison, mais ne touchent rien durant leur incarcération. Ils n'en ont pas besoin, m'objectera-t-on puisqu'ils sont logés, nourris...

M. le Président - Et blanchis !

M. Jean-Marie Le Guen - En effet. Mais les détenus ont aussi une famille qui peut se trouver en grande difficulté du fait de l'interruption du versement des prestations. C'est un problème auquel il faudrait réfléchir.

M. le Ministre délégué - Monsieur Kamardine, vous m'avez longuement exposé le problème soulevé par le plafonnement des prestations familiales à Mayotte, leur montant étant limité à celui servi pour trois enfants. Après un travail interministériel, conduit avec mon collègue chargé de l'outre-mer, je puis aujourd'hui répondre favorablement à votre demande de déplafonnement. C'est en effet une question de justice sociale. Il va toutefois de soi que ce déplafonnement, qui devrait être effectif dès 2006, ne s'appliquera que pour les familles mahoraises en situation régulière, comme vous l'avez vous-même demandé.

M. le Rapporteur - Les amendements 305 à 307, 15 et 308 sont rédactionnels.

L'amendement 305, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté de même que les amendements 306, 307, 15 et 308.

L'article 26 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 26

M. le Ministre délégué - L'amendement 335 rectifié, qui pourrait paraître très technique, est toutefois fondamental pour les patients reconnus en affection de longue durée. En effet, aux termes de la loi d'août 2004, un nouveau formulaire dit « protocole de soins » doit remplacer le formulaire actuellement utilisé pour l'admission en ALD. Sa mise en place ne peut toutefois être que progressive. Afin que nul ne soit pénalisé, il convient de prévoir, à titre transitoire, que les patients actuellement reconnus en ALD continuent à être remboursés à 100% jusqu'à l'élaboration de leur nouveau protocole.

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail - La commission a donné un avis favorable à cet amendement. A titre personnel, j'y étais au départ plutôt défavorable, craignant que cela ne retarde encore la mise en place du nouveau formulaire, lequel ne sera généralisé qu'au 1er juillet 2008. Mais il faudra du temps pour régulariser sept millions de dossiers. Cet amendement se justifie donc.

M. Jean-Luc Préel - Lors de la réforme de l'assurance maladie, j'avais dénoncé l'extrême complexité d'un contrat passé entre le patient en ALD, son médecin traitant et le médecin de la caisse d'assurance-maladie. Le dispositif peut paraître intéressant, mais il sera difficile à mettre en place. D'une part, on dénombre aujourd'hui plus de six millions de patients en ALD ; d'autre part, les pathologies concernées sont très diverses et un même patient peut être atteint de plusieurs d'entre elles à la fois. Ce n'est pas demain que la Haute autorité de santé, à laquelle vous avez demandé de définir un contrat de bonnes pratiques pour chaque ALD, aura terminé sa tâche. L'entrée en vigueur du dispositif, déjà reportée à juillet 2008, risque de l'être encore ! Aussi en attendre, comme vous le dites, des économies importantes me paraît-il relever surtout d'un effet d'annonce.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes là au cœur du problème. Il faut aller beaucoup plus vite en matière de contractualisation des actuels PIRES - protocoles inter-régime d'examen spécial -, et surtout ne pas différer encore la réforme. Nous vous avons fait des propositions concrètes sur ce point. Des gains colossaux, se chiffrant en milliards d'euros, sont possibles, sans parler même de l'amélioration de la qualité des soins et du suivi des malades qui en résulteraient.

L'amendement 335 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 336 dispose expressément que le conciliateur, désormais présent dans chaque caisse d'assurance maladie, est compétent pour connaître des réclamations liées au protocole de soins établi pour chaque patient atteint d'une ALD.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission a donné un avis favorable. Accroître le champ de compétences du conciliateur, et donc les possibilités de recours, risque toutefois de faire augmenter le nombre de litiges.

L'amendement 336, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre-Louis Fagniez - L'amendement 288 rectifié permettrait aux assurés de saisir le conciliateur lorsqu'un praticien leur a fait payer des dépassements d'honoraires qu'ils estiment irréguliers ou contraires au tact et à la mesure. Ouvrir cette possibilité de recours apaiserait sans doute bien des conflits.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission a donné un avis favorable à cet amendement auquel je suis, à titre personnel, défavorable. En ce domaine, comme en tant d'autres, mieux vaut prévenir que guérir. Je crains qu'avec ce type de disposition, les litiges ne se multiplient. Il me paraîtrait plus judicieux de prévoir une négociation des honoraires en amont.

M. le Ministre délégué - Je remercie M. Fagniez de cet excellent amendement, que le Gouvernement approuve !

M. Jean-Marie Le Guen - Première remarque : la conciliation dont il s'agit étant très différente de celle évoquée tout à l'heure, il n'est pas souhaitable de la confier à la même personne. S'il y a conflit, il doit être géré par une personne indépendante ou une commission spécialisée car il s'agit du droit des assurés.

Par ailleurs, j'observe que s'agissant des abus et des fraudes, ce texte est d'une extraordinaire sévérité a priori pour tous les assurés, mais non pour le corps médical, pour lequel on parle de « conciliation » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Les dépassements sauvages qui ne respectent pas la convention médicale, chers collègues, doivent pour moi être classés dans les abus et fraudes !

M. Claude Evin - Cet amendement mérite d'être soutenu, mais il faut bien distinguer les dépassements d'honoraires, qui sont autorisés par la convention sous réserve qu'ils soient appliqués avec tact et mesure - et pour lesquels il faut en effet donner aux assurés les moyens de réagir quand ce principe n'est pas respecté -, et les fraudes caractérisées que sont les rémunérations non déclarées.

En cas d'adoption de cet amendement - même si le mot « conciliateur » n'est pas bien choisi -, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de réfléchir aux modalités d'application, afin de ne pas nuire à la relation, souvent complexe, entre le patient et son médecin.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Prenons garde, en effet, de ne pas créer un amalgame entre le dépassement d'honoraires, qui est légal, et les « dessous de table ». Je répète qu'à mon avis, la négociation entre le praticien et son patient doit avoir lieu avant l'acte ; il est très dangereux de mettre en place un système de négociation en aval, qui va provoquer une inflation des plaintes.

M. le Président - Pourquoi ne pas dire « médiateur » plutôt que « conciliateur » ?

M. Pierre-Louis Fagniez - C'est une excellente idée, Monsieur le Président, et j'apporte cette correction à mon amendement car c'est bien de médiation qu'il s'agit. Il n'est pas question ici de fraudes, Monsieur Le Guen ! M. Evin sait bien de quoi nous parlons, et sa position est plus modérée...

Monsieur le rapporteur, quand on est malade, on pense avant tout à sa maladie ; c'est une fois qu'on est guéri qu'on réfléchit à ce genre de choses.

L'amendement 288 rectifié, corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - La commission des finances a adopté l'amendement 45, qui vise à rattacher au régime étudiant tous les étudiants, même ceux qui occupent un emploi salarié, comme le recommandait déjà en 1999 la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'évolution du régime étudiant.

Mais ce rattachement représenterait pour le régime général un coût supplémentaire de 25 millions. D'une manière générale, j'aimerais connaître les intentions du Gouvernement concernant les délégations de gestion, car la gestion par le régime général serait nettement moins coûteuse. Le coût de ces gestions déléguées pour l'assurance maladie atteint quand même 419 millions ...

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement comprend l'exigence de clarté qui sous-tend cet amendement mais il souhaite son retrait car il y a bien une distinction à faire entre un étudiant non salarié, qui ne verse pas de cotisations, et un étudiant salarié.

Concernant la question plus générale que vous avez posée, il est exact que les coûts de gestion des organismes délégués étaient substantiellement supérieurs à ceux de l'assurance maladie. C'est la raison pour laquelle les remises de gestion aux mutuelles ont été révisées à la baisse ces dernières années, pour leur demander un effort d'amélioration de leur gestion.

Mme Guinchard remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Mme Muguette Jacquaint - Si cet amendement était adopté, j'aimerais en connaître les conséquences pour les étudiants salariés concernant leur retraite.

M. Jean-Marie Le Guen - Je soutiens cet amendement et, s'il était retiré, je le reprendrais.

Le problème de la retraite ne se pose pas car il s'agit simplement de transférer la gestion des droits maladie.

La cotisation étudiants n'a évidemment pas de rapport avec les frais de maladie ; elle est perçue pour mémoire eu égard au coût de gestion de l'assurance maladie.

Il n'y aurait donc absolument aucune perte si l'assurance des étudiants pouvait gérer les prestations du régime général. Quant aux coûts de gestion, c'est un vieux débat : vous avez beaucoup polémiqué ces derniers mois sur le coût des cartes Vitale, et vous savez que le fameux doublement ou triplement du nombre de cartes venait essentiellement des allers-retours permanents entre le régime général des salariés et celui des étudiants, chacun faisant sa propre carte. Avec l'amendement de M. Bur, il y aurait beaucoup moins de mouvements à gérer. Enfin, le coût de gestion moyen de l'assujetti du régime général n'est pas du tout le même dans un régime étudiant, qui doit vérifier chaque année les droits de tous ses affiliés, que dans un régime de salariés - quoique la précarité croissante de l'emploi puisse changer les choses... Vos arguments ne nous convainquent donc pas et nous voterons pour l'unité de gestion du régime étudiant.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission a donné un avis défavorable. Je comprends votre souci d'unification, mais le transfert des étudiants, qui sont gérés aujourd'hui par le régime général, aux mutuelles créerait pour elles une charge supplémentaire. Il me semble préférable de laisser les choses en l'état.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Je suis très conscient de la difficulté de la question et je retire cet amendement. J'ai la conviction, après avoir approfondi le dossier, que les coûts de gestion de l'assurance maladie - et nous veillerons attentivement à ce qu'elle poursuive ses efforts d'économie - sont aujourd'hui bien inférieurs à ceux des sections locales mutualistes. L'assurance maladie, en les réintégrant, pourrait donc faire de grosses économies. Il faudra y réfléchir, ou alors imposer des économies à l'ensemble des sections mutualistes. On ne peut pas exiger des efforts de la part de l'assurance maladie et surpayer le même service ailleurs !

M. Jean-Marie Le Guen - Je reprends l'amendement 45.

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 16 de la commission et mon amendement 217 rectifié sont identiques. Ils demandent un rapport pour faire le point sur les indemnités de déplacement des professionnels de santé. Leurs frais de déplacement sont en effet très différents selon qu'il s'agit des médecins, des infirmiers, des sages-femmes ou des laboratoires. Est-il possible de les harmoniser ? Il faut aussi répondre au problème posé par l'augmentation du prix du carburant. Le rapport serait l'occasion d'étudier l'indexation des frais de déplacement sur les carburants et la création d'un carburant professionnel. Les infirmiers libéraux se déplacent beaucoup, notamment pour se rendre au chevet des personnes dépendantes. Je pense que vous aurez à cœur de répondre à cette question.

Enfin, j'avais déposé un amendement, qui n'a pas été accepté, proposant la création d'un ordre des infirmiers. Il s'agit pourtant de la profession médicale la plus importante, et elle n'est pas organisée. Il existe seulement divers organismes et syndicats, et l'une des premières revendications des infirmiers lors de leur grève du printemps a été la création d'un tel ordre. Les infirmiers m'ont dit avoir été reçus au ministère par un de vos conseillers, selon lequel le ministre était d'accord sur le principe, à condition que la création ne résulte pas d'une proposition de loi UDF déposée par M. Préel. Je suis sûr qu'il y a eu un malentendu, mais je voudrais connaître votre position sur la question.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Personne ne pourra concevoir ici, Monsieur Préel, que le ministre ait pu donner une réponse pareille. Vous n'avez certainement pas été parfaitement informé. Quant aux amendements, la commission y était favorable. Toutefois, comme nous sommes dans le domaine conventionnel, il me semble préférable de les retirer.

M. Jean-Luc Préel - Vous rapportez au nom de la commission !

M. Jacques Domergue, rapporteur - Un rapport de plus ne servira à rien. Vous soulevez un problème de fond, mais votre amendement ne le règle pas. Je retire l'amendement 16.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est très sensible à ce problème, mais il relève de la politique conventionnelle, en application de la loi sur la gouvernance de l'assurance maladie que vous avez vous-même votée. Il doit être traité parmi l'ensemble des revendications de la profession et dans le cadre posé par le législateur. Je vous demande donc de retirer cet amendement afin que les négociations, qui se dérouleront après que la CNAM aura procédé, avec les professionnels, à toutes les expertises requises, ne soient pas brouillées par une intervention extérieure.

M. Jean-Luc Préel - Le rapporteur présente les amendements adoptés par la commission. Il ne peut pas les retirer de son propre chef ! Je ne souhaite pas retirer l'amendement 217 rectifié, qui demande un rapport sur deux questions très importantes : l'harmonisation des frais de déplacement entre les professions et la création d'un carburant professionnel. Et vous n'avez pas répondu, Monsieur le ministre, à ma troisième question sur l'ordre des infirmiers. J'en profite pour vous demander si les décrets concernant les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues vont bientôt sortir.

M. Pierre-Christophe Baguet - Chaque fois qu'on retire un amendement demandant un rapport, on n'en entend plus jamais parler ! Il est vrai que lorsqu'on vote de tels amendements, on n'a pas toujours les rapports... Des rapports confidentiels circulent entre Bercy et le ministère de la communication - pas le ministère de la santé, c'est vrai - mais n'arrivent jamais à l'Assemblée !

Je voterai donc cet amendement. J'ai accompagné très récemment une infirmière dans sa tournée, entre six heures et demie et treize heures. Entre la circulation urbaine, le coût du carburant et le PV qu'elle a attrapé, je vous garantis qu'elle n'a pas gagné sa vie ce matin-là ! Il serait donc souhaitable d'harmoniser les indemnités de déplacement de toutes les professions et peut-être de faire une différence entre la région parisienne et la province. Quant à l'ordre des infirmiers, j'ai cosigné la proposition de loi de Jean-Luc Préel. Il faut une réponse aux infirmiers.

L'amendement 217 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - Existe-t-il, Monsieur Préel, un consensus dans la profession sur la création de cet ordre ?

M. Jean-Luc Préel - Oui !

M. le Ministre - Non ! Les infirmiers le reconnaissent eux-mêmes ! La position des syndicats de salariés sur ce sujet n'est pas la même que celle des infirmiers libéraux. Je propose donc qu'ils essayent déjà de trouver entre eux les voies d'un consensus. Si ce n'était pas possible, nous prendrions nos responsabilités. Ce qu'il faut, c'est disposer d'une instance capable d'édicter des règles de déontologie, d'évaluer les pratiques professionnelles et de sanctionner les manquements à la déontologie. Nous l'aurons, mais je ne peux pas encore vous dire si ce sera un ordre ou un autre type d'instance.

J'ai reçu à plusieurs reprises ces professionnels, car il s'agit d'éviter une crise des vocations qui ne tient pas seulement à la rémunération ou à la formation, mais aux conditions mêmes d'exercice. Notre ambition est d'opérer des décloisonnements entre personnels médicaux et paramédicaux, grâce à des délégations de compétence, qui sont de bon sens - nous ne parlons pas de transferts. Le conseil supérieur de la profession infirmière les examinera, et j'en ai déjà parlé devant l'ordre des médecins. Les esprits ont évolué.

Pour ce qui est des masseurs-kinésithérapeutes et des podologues, la concertation a eu lieu et le décret est transmis au Conseil d'Etat. Nous avons pris des engagements, nous les tenons.

ART. 27

M. Philippe Vitel - L'amendement 69 est retiré.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 216 supprime le I de cet article, afin que la Haute autorité de santé continue à donner son avis pour les décisions modifiant la hiérarchisation d'un acte ou d'une prestation.

M. Jacques Domergue, rapporteur - L'amendement 17 est identique.

M. le Ministre délégué - Le I auquel vous faites référence figurait dans l'avant-projet soumis au Conseil d'Etat, non dans la version définitive. La Haute autorité donnera bien son avis, comme vous le souhaitez. Dès lors, je demande le retrait ou le rejet de cet amendement.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 216 est retiré.

M. Jacques Domergue, rapporteur - De même l'amendement 17.

M. Philippe Vitel - Le II de l'article fait obligation aux médecins de tenir compte des avis publiés par la Haute autorité uniquement en matière de soins de suite ou de réadaptation, ce qui est trop restrictif. Mon amendement 70 étend cette obligation à l'ensemble des prescriptions.

M. Dominique Tian - Mon amendement 85 est identique.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission les a rejetés.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Les amendements identiques 70 et 85, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Vitel - Dans la perspective de l'exercice en cabinet de groupe ou en centre de santé, l'article permet au patient de désigner plusieurs médecins traitants. Cela remet en cause le rapport de confiance qui doit exister avec ce médecin, investi de missions précises et qui doit en assumer la pleine responsabilité. Mon amendement 71 et l'amendement 86 identique de M. Tian encadrent cette disposition.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission les a repoussés. J'en comprends l'esprit, mais l'exercice de groupe doit être encouragé,..

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien !

M. Jacques Domergue, rapporteur - ...et on ne peut voir dans cette formule commode un obstacle à la mise en place du médecin traitant. J'ai d'ailleurs déposé un amendement pour préciser que nous visons des médecins qui travaillent en groupe en exerçant une même spécialité et non les professionnels divers qui se mettent en SCI.

M. le Ministre - Même avis.

M. Philippe Vitel - Ce que dit le rapporteur vaut quand il y a entente entre les médecins. Mais le contrat qu'ils signent ne le garantit pas. En réalité, ils se regroupent pour partager des moyens, mais gardent des clientèles bien séparées. Je sais d'expérience que les problèmes sont fréquents.

Les amendements identiques 71 et 86, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jacques Domergue, rapporteur - L'amendement 18, auquel je viens de faire référence, précise que les médecins qui peuvent être désignés conjointement comme médecins traitants dans un cabinet médical doivent exercer la même spécialité.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Tous, nous voulons éviter que se créent des déserts médicaux. Il faut donc ouvrir le chantier de la démographie médicale. Professionnels et élus locaux y ont réfléchi et le rapport du doyen Berland indique trois voies, l'incitation, la réforme des études et, surtout, l'évolution de la pratique médicale elle-même. Dans ce projet, nous faisons de premières propositions. Il y en aura d'autres, réglementaires - vous en serez informés - et dans le cadre des conventions. Mais nous voulons agir par l'incitation, non la coercition ou le conventionnement sélectif comme certains le proposent, et qui n'aboutirait qu'à une crise des vocations.

Sans doute faut-il aller même au-delà du rapport Berland, ce qui suppose un plan d'ensemble. Nous proposons que les outils soient disponibles dès le 1er janvier 2006. Dans cet esprit, l'amendement 364 permet à l'assurance maladie de moduler l'aide forfaitaire aux professionnels qui exercent dans les zones déficitaires en fonction de leurs modalités et de leur niveau d'exercice. Elle pourra ainsi mieux rémunérer les actes dans les zones sous-médicalisées. Il ne s'agit pas de créer un effet d'aubaine mais, selon des critères que préciseront les partenaires, de faire cet effort pour l'exercice de groupe ou dans des maisons de santé, qui peuvent aussi abriter d'autres professionnels. Dans ces zones, la question première est moins la rémunération que la charge de travail. Cette disposition favorisera une meilleure répartition des professionnels de santé, mais toujours sur la base du volontariat.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Il faut en effet permettre une évolution de la pratique, et la modulation proposée aura un effet incitatif. A titre personnel, j'y suis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes devant un problème majeur de notre système de santé, confronté à une évolution de la démographie médicale qui va s'accentuer avec le départ en retraite de la génération du baby-boom, à la transformation des pratiques et de l'engagement professionnel, notamment, mais pas seulement, chez les jeunes, et enfin à une sorte d'anarchie du système qui incite à s'installer dans les zones où la clientèle pourra payer des dépassements ou être très bien couverte.

Face à ce problème, la réponse consistant à renforcer les aides financières directes à l'installation me semble vouée à l'échec, car elle ne répond pas aux aspirations de ces professionnels, qui ont eux aussi besoin d'un temps de repos, de loisir et de formation. Ils aimeraient pouvoir être sûrs qu'ils n'auront pas à travailler six jours sur sept, douze à quinze heures par jour et cinquante semaines par an. Pour y répondre, il faudrait investir massivement sur certains territoires défavorisés plutôt que de distribuer l'argent de façon un peu aveugle.

Je suis pour autant strictement opposé à un conventionnement territorial et je ne pense pas que l'on puisse forcer des médecins, après sept ou huit ans d'études, à s'installer dans tel ou tel territoire. Nous devons donc avoir une autre approche. Je note que par cet amendement, le Gouvernement met fin au dogme du paiement à l'acte. C'est une des pistes possibles et une première avancée, mais cela ne suffira pas. Il faudra aussi créer des sociétés d'exercice professionnel, avec des salariés, réfléchir à l'évolution de la profession, rassembler le médical et le médicosocial, créer des maisons de santé... Il nous faut en tout cas concentrer l'effort sur les zones où l'offre médicale est faible et ne pas alimenter la tendance inflationniste enregistrée dans d'autres, car autant il ne me paraît pas possible de forcer les gens à aller ici ou là, autant nous n'avons pas vocation à solvabiliser n'importe quelle installation.

M. Jean-Luc Préel - Pour répondre à ce que vous avez dit, Monsieur le ministre, oui, j'ai eu l'avant-projet.

M. le Ministre - Comment l'avez-vous eu ?

M. Jean-Luc Préel - C'est certainement vous qui me l'avez envoyé.

Pour résoudre le problème de démographie médicale que connaît notre pays, le groupe UDF préconise depuis longtemps des mesures incitatives. Nous avons donc approuvé les aides à l'investissement et demandé qu'elles soient pérennes. Vous proposez ici un système de rémunération variable. Nous sommes d'accord à condition que le patient soit totalement remboursé.

Il faudrait aussi, selon nous, mettre en place des maisons médicales. Nous demandons également l'instauration d'un numerus clausus régional par spécialité, car il n'est pas normal que tant de postes ne soient pas pourvus dans le nord et l'est du pays. Il faut pouvoir adapter l'offre aux besoins constatés au niveau régional. D'ailleurs, les professionnels qui ont fait leurs études dans une région, ont tendance ensuite à y rester, surtout s'ils s'y sont mariés. A moins bien sûr qu'ils veuillent fuir leur belle-mère.

M. Claude Evin - Votre intention est louable, Monsieur le ministre, mais l'outil proposé me paraît faible. La démographie médicale est de plus en plus préoccupante : certaines spécialités ne sont plus du tout représentées dans certaines zones et l'on manque aussi de généralistes. Mais il serait illusoire de croire que la possibilité d'une rémunération complémentaire suffira à résoudre le problème. D'autant que les partenaires sociaux avaient déjà depuis quatre ou cinq ans la possibilité de négocier des modes de rémunération différents du paiement à l'acte. Or, ils ne s'en sont jamais saisis !

J'ajoute que la façon dont est organisé le débat sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire ne nous permet pas, lorsque nous constatons une carence, d'y remédier. L'ARH apporte une réponse en termes de soins hospitaliers, mais pas en termes de médecine ambulatoire. Je crains donc que la possibilité que vous ouvrez ne trouve aucune application pratique. Nous aurions besoin d'une agence régionale de santé capable d'intervenir sur toute l'offre de soins.

Il nous reste donc beaucoup de chemin à faire.

M. Philippe Vitel - L'amendement du Gouvernement n'est pas la panacée, c'est vrai, mais il représente un pas décisif, qui ne consacre nullement, Monsieur Le Guen, l'abandon du paiement à l'acte. La loi d'août 2004 ouvrait déjà la possibilité d'honoraires forfaitaires pour certains modes particuliers d'exercice ou pour des actes de prévention. Nous restons dans ce cadre.

Mme Muguette Jacquaint - Dans certaines régions, c'est la croix et la bannière pour trouver certains spécialistes. Et les généralistes ne sont pas non plus répartis harmonieusement sur l'ensemble du territoire. Il faut dire qu'ils font d'autres choix, en termes de qualité de vie notamment. La proposition du Gouvernement me fait un peu penser à ce qui avait été fait, dans l'enseignement, pour les ZEP. On constate que dans ces zones, les compléments de rémunération offerts aux enseignants ne suscitent pas autant de vocations qu'on aurait pu l'espérer. Il faut se doter de nouveaux outils incitatifs pour lutter contre la désertification médicale, laquelle ne frappe pas seulement les zones rurales isolées mais aussi certains de nos quartiers. Je comprends que certains médecins aient envie de bénéficier de conditions de vie et d'exercice moins difficiles, mais c'est un problème qui ne peut nous laisser indifférents.

L'amendement 364, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Je remercie l'ensemble des députés qui ont permis l'adoption de cet amendement. Il nous dote en effet d'un nouvel outil très utile pour lutter contre la sous-médicalisation de certains territoires, le patient n'ayant de surcroît pas à supporter le coût de cette évolution. Il est normal de procurer, dans des conditions bien encadrées, un avantage aux praticiens qui acceptent des conditions d'exercice souvent difficiles. Il reviendra aux missions régionales de santé d'évaluer l'efficacité du dispositif, qui n'a évidemment pas vocation à régler l'entier du problème. Mais si je me suis engagé en politique, c'est que je refuse la fatalité : pas plus que les autres problèmes sérieux que nous affrontons, la désertification médicale n'est une fatalité !

L'article 27 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 27

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Adopté par la commission des finances, l'amendement 46 confie à la Haute autorité de santé le soin de vérifier que les logiciels d'aide à la prescription incitent bien à une prescription directe en DCI, sans l'intermédiaire obligatoire d'un nom de marque. Il vise, on l'aura compris, à inciter le Gouvernement et l'UNCAM à promouvoir encore plus activement le recours aux génériques, le niveau de prescription en DCI restant trop réduit. Il n'est plus suffisant de s'en remettre à la faculté de substitution du pharmacien. Il est temps désormais que le corps médical s'approprie la culture du générique et prescrive directement en DCI. Le point qui doit retenir notre attention, c'est que les médicaments génériques français sont vendus sensiblement plus cher que leurs homologues européens ; les pharmaciens sont donc mal fondés à se plaindre, le montant de la coopération commerciale dont ils bénéficient étant passé de 258 millions en 2003 à 420 millions en 2004, cependant que l'assurance maladie n'économisait que 300 millions l'année dernière. (« Très bien ! » sur divers bancs ; murmures désapprobateurs sur quelques bancs du groupe UMP) Il faut savoir raison garder. La rémunération des fabricants de spécialités génériques et des pharmaciens doit rester acceptable, mais il ne faut pas perdre de vue que la diffusion de la culture du générique vise d'abord à permettre à l'assurance maladie de faire des économies. Veillons à ne pas laisser déstabiliser la chaîne de distribution par des manœuvres de contournement déplacées. Songez que si les médecins s'engagent eux-mêmes directement dans la prescription en DCI, on peut espérer une économie de l'ordre d'un milliard !

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement 196 est identique à celui de M. Bur et je n'ai pas grand-chose à ajouter à sa démonstration précise et rigoureuse sur cette question stratégique. La vérité, c'est que nous sommes allés au bout de la logique de la substitution. Nous avons eu raison de l'introduire, car les Français ont désormais compris que les génériques étaient d'excellents médicaments, leur SMR étant par nature identique à celui du princeps. Ce qui bloque la chaîne de distribution, c'est que les génériques sont vendus dans notre pays à des prix colossaux, sensiblement plus élevés que partout ailleurs en Europe. Pourquoi ? Tout simplement parce que les « génériqueurs » et les acteurs du réseau de distribution ont voulu se ménager des marges considérables, les pharmaciens réalisant une part très importante de leur revenu sur ce qu'il faut bien appeler les marges arrière des génériques. (Murmures sur quelques bancs du groupe UMP) Mais si ! Il n'est que temps de remettre l'industrie pharmaceutique sur ses pieds en l'incitant à remplir ses missions essentielles : l'innovation, la recherche en santé, la prise de risque... Le marketing et le commerce ont leur place, mais celle-ci ne doit plus être prépondérante. Les pharmaciens représentent un chaînon important de l'offre de soins, mais rien ne justifie qu'ils arrondissent leurs fins de mois par un effet d'aubaine lié à la diffusion du générique. Seule une incitation du médecin à prescrire directement en DCI est de nature à remettre la chaîne de distribution dans le bon sens : c'est la clé qui permet de se libérer de toute pression commerciale. Sans cela, la politique du générique restera inaboutie.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement remercie les auteurs de ces très bons amendements, qui sont effectivement de nature à favoriser la diffusion des génériques.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission les a également adoptés. Il était de règle d'insister sur le rôle des pharmaciens dans la substitution : il convient désormais d'impliquer davantage les médecins dans la prescription en DCI.

M. Gérard Dubrac - Nous sommes tous sensibilisés à la nécessité de faire baisser les prix de vente des médicaments. Mais est-il raisonnable de faire reposer la substitution sur le paramétrage des logiciels d'aide à la prescription ? Cela semble pour le moins artificiel au pharmacien d'officine que je suis resté, fier de pratiquer l'art de la pharmacie sur le terrain et au contact direct de la population. Aujourd'hui, l'on ignore peut-être dans les ministères que pas plus de la moitié des ordonnances sont produites par une machine, le reste demeurant rédigé à la main. Il serait matériellement impossible de décrypter des ordonnances exclusivement rédigées en DCI. Localement, les caisses d'assurance maladie rendent compte de la pénétration du générique dans le volume des ventes en officine : cette méthode de suivi me semble plus efficace qu'un aménagement technique tendant à brider l'initiative des différents acteurs de la chaîne.

M. Jean-Marc Roubaud - Je suis très attentivement ce débat et je dois dire que je suis affligé par la facilité qui consiste à taper systématiquement sur le médicament, comme s'il était à l'origine de toutes les dérives, alors qu'il ne représente que 8% des dépenses de maladie. Cela témoigne d'un manque d'imagination vraiment catastrophique ! Il est devenu rituel de tenir les mêmes discours, et je n'ai, par exemple, pas entendu parler de l'hôpital public...

M. Jacques Domergue, rapporteur - Soyez patient ! Cela viendra.

M. Jean-Marc Roubaud - Il serait pour le moins malvenu de faire porter à la pharmacie d'officine une responsabilité qu'elle n'a pas. Comme toute entreprise, elle doit faire face à ses charges tout en continuant d'embaucher et d'investir, dans un contexte de plus en plus concurrentiel. Nul n'a évalué les manques à gagner que peuvent créer certaines décisions prises d'en haut ! Ce qu'il faut faire, c'est provoquer un électrochoc pour affronter enfin la réalité en face, sinon, dans dix ans, nous en serons toujours au même point et le problème restera entier.

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne boude pas mon plaisir d'entendre le Gouvernement accepter les propositions que nous faisions déjà lors du débat sur l'assurance maladie, et dont on nous disait qu'elles étaient mauvaises...

M. Jean-Marc Roubaud - Elles le sont !

M. Jean-Marie Le Guen - De la même manière, je me félicite du débat que nous venons d'avoir sur la rémunération forfaitaire. Le miracle est là, nos propositions sont reprises, mais je regrette que nous ayons perdu deux ou trois ans, pendant lesquels le déficit s'est creusé de quelque soixante milliards d'euros. Quoiqu'il en soit, ces mesures seront de nature à faire évoluer favorablement les dépenses en médicaments.

M. Gérard Bapt - Nous venons d'assister à un double choc culturel : je comprends que certains de nos collègues aient peine à suivre l'évolution de la position du ministre, car lorsque nous remettions en question, pour partie, le dogme du paiement à l'acte, cela provoquait un grand effroi ! Xavier Bertrand, venu à l'automne 2004 présenter sa réforme aux médecins toulousains, m'avait pourtant confié que les déclarations des députés socialistes remettant en cause le paiement à l'acte avaient été colligées. La disposition concernant la démographie médicale et les territoires sous-médicalisés est positive, certes, mais insuffisante. Il reste beaucoup à faire pour l'organisation de la profession elle-même, et cela pourrait passer par la péréquation. On s'aperçoit en effet que les taux de dépassement d'honoraire sont de 41% pour la chirurgie, de 34% pour la radiologie, ou de 66% pour la stomatologie, ce qui prouve qu'une régulation, notamment par les mécanismes conventionnels, est nécessaire.

M. le Ministre délégué - A écouter certains orateurs, je crains qu'il n'y ait confusion entre ces amendements et ceux rejetés, à juste titre, lors de l'examen de la loi du 13 août 2004. Il est seulement ici question de prévoir que les logiciels d'aide à la prescription ne renvoient pas aux médicaments de marque. En aucun cas ces amendements n'obligent à prescrire en DCI. Pour autant, nous savons qu'il est nécessaire de s'appuyer sur les médecins, les pharmaciens et les assurés sociaux afin de favoriser la consommation de génériques.

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements 46 et 196, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 33 voix contre 10, sur 43 votants et 43 suffrages exprimés, les amendements 46 et 196 sont adoptés.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - L'amendement 47 rectifié propose de créer un mécanisme de révision triennale du prix des médicaments et des dispositifs médicaux par le Comité économique des produits de santé. Il s'agit ainsi de décharger le CEPS de toute difficulté éventuelle de renégociation périodique et d'assurer une adaptation régulière des systèmes de prise en charge à l'évolution du progrès médical.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Un dispositif existe déjà et ce mécanisme, qui comporte certes un aspect incitatif, nous est apparu quelque peu rigide. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Si certains médicaments doivent voir leurs prix révisés tous les trois ans, d'autres peuvent bénéficier d'une période plus longue. Cet amendement nous paraît rigide car le propre du travail du CEPS est de négocier avec les laboratoires et d'ajuster les prix en fonction des réalités observées au fil du temps ; je m'engage toutefois à ce que la lettre d'orientation du ministère au CEPS s'inspire de l'esprit de cet amendement et je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

M. le rapporteur pour avis - Je le retire. L'amendement 48 est défendu.

L'amendement 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 28

Mme Muguette Jacquaint - Cet article, qui étend le dispositif de régulation appliqué aux produits de santé prescrits en ville aux médicaments facturés en sus des tarifs de groupes homogènes de séjour à l'hôpital, pourrait de prime abord paraître anodin. Mais de quoi s'agit-il ? Les laboratoires pourront demander au CEPS, qui sera tenu d'accéder à leur demande, de substituer à une diminution du tarif de responsabilité, décidée unilatéralement par le Comité, le versement d'une remise à l'assurance-maladie. Quelle nouvelle usine à gaz ! Pourquoi instituer une règle si c'est pour l'assortir immédiatement d'une dérogation ? Mais à y regarder de plus près, les conséquences ne seront pas du tout les mêmes pour les comptes de l'assurance maladie. En effet, vendre moins cher un médicament ne revient absolument pas au même pour un laboratoire que verser ultérieurement une somme équivalente à la sécurité sociale. En effet, il pourra entre temps faire des placements dont les intérêts couvriront la somme à reverser ! Il n'aura échappé à personne que le Gouvernement cherche, par ce biais, à ménager une part de sa clientèle. Mais plus grave, cette dérogation risque de réduire à néant les efforts de régulation des dépenses de médicament car elle favorise le maintien d'un écart substantiel entre le prix de vente d'un médicament et le tarif de responsabilité. Or, le remboursement du régime général est calculé sur la base du seul tarif de responsabilité. Ce sont les assurés qui feront les frais de la mesure, de manière directe s'ils ne sont pas couverts par une complémentaire et, de toute façon de manière indirecte, car le surcoût qui en résultera pour les complémentaires se traduira nécessairement par une augmentation des cotisations.

Pour toutes ces raisons, nous demandons par l'amendement 154 la suppression de la dernière phrase de l'article L. 162-22-7-1.

M. Gérard Bapt - L'amendement 274 tend également à supprimer la dernière phrase de l'article. D'une manière générale, nous reprochons au Gouvernement d'avoir choisi de majorer la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires plutôt que de diminuer les prix...

M. le Ministre - Nous agissons aussi sur les prix.

M. Gérard Bapt - Avec le versement d'une remise à l'assurance maladie, le gain sera nul pour les complémentaires comme pour les assurés. Mieux aurait valu des baisses de prix qui auraient profité à l'ensemble des maillons de la chaîne, régime obligatoire, régimes complémentaires et assurés pour la part susceptible de rester à leur charge.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Claude Evin - Les laboratoires qui refuseront de baisser leurs prix, pour des raisons qui peuvent se comprendre au regard de la concurrence internationale, devront verser à l'assurance maladie l'équivalent des économies qu'aurait procurées la baisse de prix. Soit, mais cela ne sera pas neutre pour les établissements de santé. Votre prédécesseur, M. Douste-Blazy, attendait beaucoup de la passation de marchés publics dans les hôpitaux pour maîtriser l'évolution des dépenses d'assurance maladie, et il avait raison. Mais quelle sera la marge de manœuvre des établissements vis-à-vis de fabricants qui préféreront s'acquitter d'un versement à l'assurance maladie ? Ils seront bel et bien obligés d'acheter les médicaments au prix fort.

Les amendements 154 et 274, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Dans le même objectif de limitation des coûts, l'amendement 155 interdit aux laboratoires de vendre aux établissements de santé un médicament à un prix supérieur au tarif de responsabilité. C'est en effet en vendant plus cher leurs médicaments aux hôpitaux que les laboratoires compensent aujourd'hui, et au-delà, les pertes de recettes consécutives à la réduction des prix en ville. Les hôpitaux sont devenus les otages des baisses de prix décidées par le CPES.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 155, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - Particulièrement attaché au dialogue, je veux apporter une réponse à M. Evin. Il sait bien que les médicaments en question viennent en sus du budget des établissements établi à partir de la TAA, hors forfait donc. Il n'y a aucune ambiguïté possible. Pour ce qui est de la politique d'achat à l'hôpital, vous savez combien j'y suis moi aussi attaché mais aussi comment j'entends procéder. Ce n'est que par la concertation avec les responsables hospitaliers que nous parviendrons aux objectifs visés. Il ne sert à rien de fixer des objectifs jamais atteints.

L'article 28, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 28

M. Gérard Bapt - Je défends l'amendement 171 de notre collègue Martine Billard, empêchée par ce que l'on pourrait considérer comme un accident du travail. Nous lui souhaitons d'ailleurs un prompt rétablissement.

Cet amendement vise à endiguer l'inflation constatée en matière de dépassements d'honoraires chez de nombreux spécialistes de secteur 2, en donnant une traduction législative à la notion jusqu'à présent déontologique de « tact et mesure », avec lesquels doivent être fixés ces dépassements. Ceux-ci ont pris une part de plus en plus importante dans les revenus de certains médecins.

Pour les généralistes, les dépassements se limitent à 5,2%, mais pour les spécialistes, ils atteignent 16% secteurs I et II confondus, et donc un taux encore beaucoup plus élevé pour le seul secteur II. Je vous renvoie aux chiffres - 41%, 66%... - établis par la direction des statistiques et des études de l'assurance maladie. J'avais cité aussi en défendant la motion de renvoi en commission les propos du « Monsieur santé » des AGF, selon lesquels le plafonnement à 2 000 euros de la prise en charge des dépassements d'honoraires par acte avait permis à sa compagnie de faire en quelques mois des économies se chiffrant en millions d'euros...

C'est pourquoi j'invite mes collègues à voter cet amendement de Mme Billard.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission l'a repoussé car la notion de « tact et mesure » se prête mal à un encadrement rigide. Les taux de dépassement que vous avez cités me paraissent respecter ce principe. Il n'en reste pas moins que nous devons faire en sorte que les praticiens qui dérapent, qui sont une très petite minorité, puissent être sanctionnés.

M. le Ministre - Avis défavorable également, nous nous sommes très longuement expliqués sur ce sujet hier. J'ai évoqué les initiatives qui ont déjà été prises et celles qui devraient suivre pour éviter les dérives, lesquelles, il faut le souligner, ne concernent que très peu de praticiens - 2,4% d'après la CNAM. C'est l'intérêt de tous de mettre bon ordre dans le système, et je puis vous assurer que les médecins libéraux et les syndicats libéraux y sont très attentifs.

L'amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'industrie pharmaceutique, qui recherche avant tout la rentabilité, a pour politique de modifier à la marge les molécules déjà tombées dans le domaine public afin de bénéficier d'une nouvelle période de protection, plutôt que de chercher des molécules innovantes. Sur les 400 à 500 nouveaux médicaments introduits chaque année sur le marché français, moins de 5% correspondraient à de réelles innovations. Par exemple, il existe plusieurs dizaines de médicaments contre l'hypertension artérielle ; et en même temps l'on s'abstient de consacrer à la recherche sur les maladies neurologiques dégénératives les moyens nécessaires...

En commission, Monsieur le ministre, vous nous avez dit que 196 nouveaux médicaments avaient été mis sur le marché en 2004 et 60 au cours des neuf premiers mois de 2005. Mais je peux vous en citer un certain nombre qui ne sont pas remboursés : le Xenical contre l'obésité, les pilules contraceptives de troisième génération, le Méninvact - vaccin contre la méningite C qui peut entraîner de graves séquelles -, le Protelos - nouveau médicament de prévention de l'ostéoporose...

Pour que les progrès des traitements médicaux soient accessibles à tous, nous proposons par notre amendement 157 d'imposer au laboratoire, dont un médicament a fait l'objet d'une AMM, de demander son inscription sur la liste des médicaments remboursables.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable.

Vous avez cité le Xenical : je puis vous dire que le laboratoire Roche souhaiterait qu'il soit remboursé. Et quand un médicament est déremboursé, le laboratoire n'est en général pas content... D'une façon générale donc, les laboratoires souhaitent le plus souvent que leurs produits mis sur le marché puissent être remboursés.

M. le Ministre - Même avis. Je puis vous informer, Madame Jacquaint, que pour le Protelos les discussions avec le CEPS sont en passe d'aboutir.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Parmi les médicaments qui ont été inscrits l'année dernière sur la nouvelle liste de déremboursement, certains étaient couramment prescrits : c'est donc que les professionnels de santé reconnaissaient leur utilité. Pourquoi pourraient-ils être considérés du jour au lendemain comme inefficaces selon les seuls critères de la Haute autorité de santé ? Par exemple plus aucun antihistaminique n'est pris en charge à 65%, alors même qu'on constate une augmentation continuelle des cas d'allergies. Je pourrais citer aussi les veinotoniques. Certes il existe des médicaments dont l'insuffisance a été démontrée ; mais ou bien un médicament est efficace, et il doit être remboursé, ou il est inefficace, et il doit être retiré du marché : c'est le sens de notre amendement 158.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable. La notion d'autorisation de mise sur le marché n'est pas incompatible avec un service médical rendu insuffisant. Par ailleurs, l'automédication trouvera de plus en plus sa place dans nos pratiques. Ce n'est pas parce qu'un médicament a un SMR insuffisant qu'il doit être banni complètement de l'arsenal thérapeutique.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 230 rectifié porte sur le remboursement des veinotoniques. Le Gouvernement a décidé de suivre les recommandations des experts de la commission de transparence et de la Haute autorité de santé en déremboursant des médicaments à service médical rendu insuffisant. Néanmoins, il a voulu laisser le temps d'adaptation qui était nécessaire pour les veinotoniques, qui sont encore fortement utilisés par nos concitoyens, contrairement à d'autre pays européens. La date d'entrée en vigueur pour ces produits est donc repoussée au 1er janvier 2008.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis favorable. Ce délai permettra aussi aux complémentaires de prendre position sur le remboursement ou non de ces médicaments.

L'amendement 230 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Je demande une courte suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 h 20, est reprise à 19 h 25.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - L'amendement 49 vise à permettre aux caisses de conclure, avec les établissements de santé publics et privés, des conventions relatives aux prescriptions hospitalières réalisées en ville. Il donne une assise juridique aux accords-cadres qui sont actuellement négociés avec les hôpitaux. Le cadre est plus général que ce que fait la CNAM sur des problèmes particuliers tels que les antibiotiques ou les transports.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable. Il existe déjà des accords sur les bons usages des soins entre les caisses et les établissements de santé et cet amendement alourdirait encore le code de la sécurité sociale.

M. le Ministre délégué - La loi du 13 août 2004 pour la réforme de l'assurance maladie a prévu un dispositif d'accords pour l'amélioration des pratiques hospitalières, dont le premier vient d'être signé, relatif aux antibiotiques. Le Gouvernement n'est pas favorable à une nouvelle procédure contractuelle qui s'y ajouterait.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Je retire l'amendement 49. L'amendement 50 est défendu.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Je retire l'amendement 50.

ART. 29

M. Jean-Luc Préel - Cet article prévoit qu'un décret fixe la durée pendant laquelle un médecin généraliste installé pour la première fois ne se verra pas appliquer le dispositif de majoration d'honoraires ou de moindre remboursement de sa consultation. Cette durée semble devoir être de cinq ans. Cet article vise à répondre à une crainte des jeunes généralistes et des internes en formation, qui redoutent d'avoir des difficultés à créer leur clientèle. Cette crainte est sans doute quelque peu exagérée, puisqu'il est toujours possible de changer de médecin traitant, en remplissant un simple formulaire lors de la consultation, mais cette mesure rassure les futurs généralistes.

J'avais déposé un amendement tout simple, qui précisait qu'il s'agissait des généralistes « nouvellement installés en exercice libéral », ce qui couvre tous les cas de nouvelle installation : l'installation en exercice libéral d'un jeune médecin, certes, mais aussi celle d'un médecin qui reprend une activité libérale ou qui ouvre un nouveau cabinet dans un lieu différent du précédent. A ma surprise, la commission des finances l'a déclaré irrecevable. En quoi l'ajout de « nouvellement installé » tombe-t-il sous le coup de l'article 40 ?

Le rapporteur souhaitait d'autre part limiter la possibilité de dérogation aux zones sous-médicalisées. Pour l'UDF cette restriction serait inopportune. Enfin, j'ai déposé un amendement permettant de moduler les tarifs en fonction du lieu d'installation.

Mme Muguette Jacquaint - Il s'agit ici de la première entorse au principe du médecin traitant. Par cette dérogation, on veut éviter de sanctionner les patients qui iraient chez un généraliste s'installant pour la première fois, pour non respect du parcours de soins, et de gêner ces médecins, qui cherchent à se constituer une clientèle.

Lorsque nous disions que l'institution du médecin traitant était une nouvelle barrière, un pas vers une médecine à deux vitesses, vous nous répondiez que c'était là exagération et fantasme. Avec cette dérogation, vous reconnaissez à mots couverts que nous n'avions pas tort et que patients et professionnels peuvent être pénalisés. Pourtant on nous affirmait qu'il était très facile de changer de médecin traitant par simple déclaration à sa caisse primaire. Pourquoi alors y a-t-il besoin d'assouplir le système ? Faute d'obtenir la suppression du médecin traitant, nous soutenons quand même cette disposition. Mais il faut aller jusqu'au bout, et en faire bénéficier également le spécialiste qui peut être médecin traitant et qui s'installe pour la première fois. Nous avions déposé un amendement en ce sens, mais il est tombé sous le coup de l'article 40.

M. Philippe Vitel - Mon amendement 73 prévoit que la convention doit déterminer les modalités selon lesquelles les professionnels de santé libéraux sont autorisés à majorer le tarif de leurs actes, afin d'accroître le caractère incitatif des mesures proposées par le Gouvernement.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 220 rectifié a le même objet. Il est souhaitable que dans la convention il soit prévu des rémunérations différentes, et éventuellement améliorées dans les zones déficitaires.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements.

J'avais déposé un amendement pour limiter la possibilité offerte par l'article aux jeunes qui s'installaient en zone défavorisée, et non sur l'ensemble du territoire. Mais je comprends que le Gouvernement souhaite différencier le cas des jeunes et celui des médecins qui se réinstallent. C'est pourquoi j'ai retiré cet amendement.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement a un avis défavorable sur ces deux amendements. Il a souhaité lever un obstacle à l'installation des jeunes médecins en libéral. Je précise à M. Préel que l'expression « installation pour la première fois » correspond à la situation de ce jeune qui s'installe pour la première fois, et que nous voulons aider, tandis que « nouvellement installé » couvrirait le cas de tout médecin qui se réinstalle.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La désertification médicale est vraiment une question inquiétante. Je suis élu dans une région favorisée, pas très loin de Paris, qui connaît un bon développement économique, bref une région favorisée. Et c'est une de celles qui manquent le plus de médecins.

M. le Ministre - Avec la Picardie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Nous y réfléchissons. Mais nous avons du mal à comprendre les raisons de ce manque. Sans doute faut-il penser aux aides financières, aux aménagements fiscaux. Syndicats de médecins et élus cherchent des solutions. Je voudrais vraiment que, tous ensemble, nous essayions d'en trouver pour l'avenir.

M. Gérard Bapt - Ces propositions sont superfétatoires par rapport à ce que nous avons déjà voté...

M. Claude Evin - Et même perverses.

M. Gérard Bapt - ...et ne conduisent qu'à prendre des dispositions conventionnelles. Comment, d'un côté, dénoncer les dépassements excessifs, et, d'un autre, y inciter ? Certes il faut chercher des solutions pour les zones sous-médicalisées, mais ce qu'on nous propose n'y suffit pas. En plus, les zones où l'on crée cette dérogation sont souvent habitées par des populations dont les moyens sont limités.

M. Jacques Le Guen - Le problème de la permanence des soins ne se pose pas que la nuit, mais aussi le jour, comme en a témoigné récemment le décès, dans ma région, d'une personne âgée qui avait appelé le centre 15 : le médecin de garde n'était pas présent et le SAMU n'a pas pu venir à temps. Je suis l'élu d'une zone blanche en couverture SAMU et je demande donc que l'on installe une antenne SMUR entre les deux centres hospitaliers existants. Je sais que cela demande des moyens financiers lourds, mais enfin on ne peut pas laisser subsister ainsi des zones blanches.

M. Philippe Vitel - Je ne crois pas que notre amendement soit superflu. Celui du Gouvernement a ouvert la route et a apporté la voiture, le nôtre apporte le carburant !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La permanence des soins est une question essentielle. Dans certains départements, dont le mien, des maisons médicales de garde ont été mises en place. Malheureusement, leur fonctionnement est menacé par une certaine incompréhension de la part de l'Union régionale des caisses d'assurance maladie, et ce alors que notre volonté expresse de parlementaires est bien que ces maisons perdurent et alors que nous avons doté de 60 millions le fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Ces maisons rendent service à nos concitoyens et permettent de soulager les services d'urgence des hôpitaux.

M. Laurent Wauquiez - Sur certains départements, on n'en est même pas aux maisons médicales de garde ! Dans certaines zones rurales, un cercle vicieux dramatique s'enclenche : il y a de moins en moins de médecins qui s'installent et ceux qui sont en place se retrouvent donc de plus en plus surchargés de travail. L'amendement de M. Vitel a le mérite d'attirer l'attention sur l'urgence de la situation.

M. Claude Evin - Je rejoins la position du Gouvernement sur l'amendement Vitel, car ce n'est pas en permettant aux praticiens de majorer leurs tarifs que l'on résoudra le problème de la démographie médicale. L'amendement du Gouvernement, qui a ouvert tout à l'heure la possibilité d'une rémunération complémentaire, suscite chez moi un certain scepticisme, dans la mesure où il renvoie au conventionnel alors que les partenaires sociaux ne s'étaient pas servi de la possibilité comparable qui existait déjà dans le système conventionnel précédent ; mais au moins ne fait-il pas peser sur les assurés sociaux le coût de ce complément, contrairement à l'amendement de M.Vitel.

Cela étant, la permanence des soins ne dépend pas seulement de la rémunération, mais aussi de l'organisation.

M. Jacques Le Guen - Tout à fait.

M. Claude Evin - Quand un décret s'en remet, pour organiser cette permanence, à une démarche volontaire des professionnels, puis, en cas d'échec de cette démarche, au Conseil de l'ordre, puis, en dernier recours, au préfet, il ne faut pas s'étonner que, des mois plus tard, rien ne soit mis en place. Nous avons bien un problème de pilotage de l'offre de soins.

M. Pierre-Louis Fagniez - Dans le Val-de-Marne, nous avons dix maisons de soins, qui ont pu être montées grâce à l'apport financier des municipalités, ce qui a représenté autant d'économies pour le FAQSV. Mais les médecins qui y vont ont du mal à se faire payer leurs honoraires et cela suscite une telle grogne que ces maisons, pourtant fort utiles, sont menacées de fermeture.

M. Jean-Marc Roubaud - La permanence des soins est bien organisée en théorie, mais sur le terrain, les difficultés apparaissent. Il est par exemple plus facile à un régulateur du centre 15 de dire à la mère dont l'enfant a 40° de fièvre d'amener celui-ci aux urgences plutôt que d'appeler le généraliste. Par ailleurs, on assiste parfois à une petite guerre entre le SAMU et les pompiers. J'ai connu le cas d'une personne qui a fait un malaise devant la caserne des pompiers et qui a été secourue, une demi-heure plus tard, par le SAMU venu de 15 kilomètres plus loin.

S'agissant des gardes de pharmacie, je voudrais que l'on veille à ce que les pharmaciens qui les font soient justement rémunérés.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Je crois qu'un jour il ne sera plus possible d'accepter que n'importe quel médecin s'installe n'importe où. Les jeunes générations sont très attachées à la liberté d'installation, mais il faudra bien trouver quelque chose d'un peu plus rigide que les incitations actuelles pour caler la démographie médicale sur la démographie tout court.

M. le Ministre - Le nombre des interventions témoigne de l'importance du sujet. La permanence des soins préoccupe tous les élus, mais nous ne devons pas envoyer aux futurs médecins un message qui leur donnerait à penser qu'avec le parcours de soins et le médecin traitant, les choses seront plus compliquées pour eux. Nous avons au contraire voulu faciliter leur installation. Lorsqu'un médecin s'installera, il sera ainsi possible que des patients le « découvrent » sans en faire leur médecin traitant et sans être pour autant affectés dans leur niveau de remboursement. Nous en avons parlé avec les syndicats d'internes et nous serons au rendez-vous de nos engagements. Il reste à fixer la durée de cette période de transition postérieure à l'installation, en sachant que la concertation devrait aboutir sur un délai de quatre à cinq ans.

Je dirai à Philippe Vitel que je comprends parfaitement sa motivation, le sachant par ailleurs très impliqué dans la défense de la permanence des soins. En prônant la modulation, son amendement risque cependant d'entraîner une diminution de la prise en charge pour le patient, alors que le système proposé par le Gouvernement - et que vous avez adopté - garantit le maintien de sa prise en charge à niveau constant, le complément forfaitaire étant financé par l'assurance maladie. C'est pourquoi je lui demanderai de bien vouloir retirer son amendement.

Plusieurs précisions sur la permanence des soins : pendant longtemps, cela n'allait pas ; aujourd'hui, tout n'est pas réglé mais cela va mieux ! Depuis le décret pris il y a quelques mois, nous n'avons eu de cesse de mettre chacun en face de ses responsabilités, qu'il s'agisse des syndicats de médecins ou de l'assurance maladie. Au-delà des images d'Epinal, les médecins se sont clairement engagés dans la voie de la permanence des soins. La sectorisation est devenue réalité dans quatre-vingt-cinq départements et nous avons diminué le nombre de secteurs. Il est tout aussi primordial que l'assurance maladie finance la permanence des soins à chaque fois que l'arrêté est signé, et ceci sans délai. J'ai eu l'occasion de le dire très clairement à la fin de l'été, et si les choses se sont améliorées, la situation reste encore perfectible.

S'agissant des maisons médicales de garde, ma position rejoint tout à fait celle du président Dubernard. Je vais vous faire une confidence : je ne m'explique pas comment les fonds importants mobilisés au titre du FAQSV n'arrivent pas dans certains points du territoire national ! Le comble est que nous ne manquons pas d'argent disponible ! Mais sans doute le circuit d'instruction des projets est-il encore trop compliqué pour qu'ils aboutissent dans des délais normaux et soient assurés de leur pérennité. Je m'en suis du reste clairement expliqué avec l'assurance maladie et avec les gestionnaires directs du fonds. Il est urgent que la situation se régularise. Autrement, si vous avez des libéraux prêts à s'engager dans une maison médicale de garde, aux côtés notamment des élus locaux, et qu'après l'avoir mis en place, on les informe que, finalement, le projet n'aboutira pas, il ne faudra pas s'étonner s'ils ne veulent plus assumer leur part des gardes ! S'il y a des fonds et si les critères sont clairement posés, il faut tout simplement que cela marche.

Il est cependant vrai que la maison médicale de garde n'est sans doute pas la solution idéale partout : dans le Finistère cher à Jacques Le Guen ou dans la Haute-Loire de Laurent Wauquiez, il faut d'abord tenir compte des réalités climatiques et géographiques dans l'appréhension des solutions les mieux adaptées. Dans les zones les plus rurales, il faut aussi se poser la question de la complémentarité entre la médecine de ville et le service public hospitalier. Nous nous appuierons sur les missions régionales de santé, mais nous avons d'abord besoin que les fonds disponibles arrivent à destination. Les maisons médicales de garde répondent à l'évidence à un besoin. Pour garantir leur efficacité, il conviendra aussi de choisir la meilleure implantation possible. A Strasbourg, la maison a été créée dans l'enceinte du centre hospitalier, ce qui suscite une véritable complémentarité entre hospitaliers et libéraux. Là encore, il n'y a pas de règle écrite valable pour tous : tirons parti des expériences menées et des bonnes volontés qui s'expriment sur place pour aller dans le bon sens.

J'indique au président Dubernard que ce qui est proposé à l'article 39, c'est d'affecter les crédits disponibles du FAQSV aux maisons médicales de garde. Je sais que, dans la région lyonnaise notamment, se pose la question des maisons médicales de garde le samedi après-midi ; je sais aussi que, parfois, l'on se pose des questions existentielles sur le point de savoir si cela doit être financé par la convention ou par le fonds... Il faut dépasser ces obstacles et rompre avec les procédures interminables qui forcent les libéraux à consacrer autant d'énergie à l'administratif qu'au médical ! De l'argent rapidement mis à disposition, moins de paperasse : c'est la clé du succès sur l'ensemble du territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Et ce que je viens de dire ne concerne pas que les médecins. J'ai parlé de la complémentarité entre médecins hospitaliers et libéraux ; je n'oublie pas celle entre les médicaux et les paramédicaux. Dans les officines, le système des gardes est tout sauf moderne. Avec le dispositif des compléments à l'ordonnance, certains officinaux, mobilisés des nuits entières pour recevoir un nombre restreint de patients, ont le sentiment qu'ils se sont dévoués sans contrepartie valable à l'intérêt général, alors qu'ils vont avoir à rémunérer leur personnel. Souvent, il n'y a pas de corrélation entre la réorganisation des secteurs pour les médecins et celles des permanences pour les pharmaciens d'officine. Je tiens à vous dire, Monsieur Roubaud, que la caisse d'assurance a été saisie de ces questions et que je serai très attentif à ce que les gardes médicalisées des pharmaciens bénéficient des avancées dont nous rendrons bénéficiaire l'ensemble des professionnels de santé.

Au-delà de la volonté, qui est commune, je demanderai à ce qu'une évaluation sur la permanence des soins puisse être menée sur tout le territoire. J'ai confié ce travail à l'IGAS. Je réunirai ensuite l'ensemble des acteurs de la permanence des soins, pour qu'on en finisse avec l'idée reçue que tout le monde ne s'engage pas avec la même détermination. L'engagement dans la permanence des soins permet de répondre à une exigence très simple : la qualité et la continuité du service public de la santé pour nos concitoyens. C'est ce qu'ils attendent, soyons à ce rendez-vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel - J'insiste sur le rôle important que jouent les collectivités locales, municipalités et conseils généraux, dans la défense de la permanence des soins et leur implication financière pour la garantir, en fournissant notamment des locaux équipés aux médecins candidats à l'installation. Je précise en outre que nous n'avions pas connaissance de la proposition du Gouvernement lorsque nous avons déposé notre amendement : il est donc retiré.

M. Jean-Luc Préel - Dois-je comprendre, Monsieur le ministre, que vous me suggérez aussi de retirer mon amendement ? Dans la mesure où vous ne m'avez pas cité...

M. le Ministre - J'ai omis de le préciser et je m'en excuse, mais les arguments que j'ai développés au sujet de l'amendement de M. Vitel sont tout à fait valables pour le vôtre !

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 220 rectifié est retiré.

L'article 29, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 10.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


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