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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 43ème jour de séance, 97ème séance

SÉANCE DU LUNDI 12 DÉCEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

ÉGALITÉ SALARIALE ENTRE
LES FEMMES ET LES HOMMES
(deuxième lecture) 2

QUESTION PRÉALABLE 6

ARTICLE PREMIER A 17

ARTICLE PREMIER 17

ART. 2 18

ART. 3 18

APRÈS L'ART. 3 21

ART. 3 BIS 21

ART. 4 21

APRÈS L'ART. 4 25

ART. 4 BIS 27

APRÈS L'ART. 4 BIS 28

AVANT L'ART. 5 28

ART. 5 28

APRÈS L'ART. 5 28

ART. 6 28

APRÈS L'ART. 6 28

APRÈS L'ART. 7 29

ART. 9 30

ART. 10 30

ART. 10 BIS 30

APRÈS L'ART. 10 BIS 30

APRÈS L'ART. 12 31

ART. 12 TER A 31

APRÈS L'ART. 12 TER A 32

ART. 12 TER 32

AVANT L'ART. 13 32

ART. 13 BIS 32

ART. 13 TER 32

ART. 13 QUATER 33

ART. 15 33

ART. 15 BIS 34

EXPLICATIONS DE VOTE 34

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 13 DÉCEMBRE 2005 36

La séance est ouverte à seize heures trente.

ÉGALITÉ SALARIALE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes fait honneur à notre idéal républicain, tant l'égalité est l'une de nos valeurs fondatrices.

Les discriminations que les femmes subissent, tout au long de leur vie professionnelle, ne sont plus tolérables, d'autant moins qu'elles nuisent à l'efficacité économique et sociale de notre pays. L'égalité est en effet facteur de compétitivité et permet de valoriser toutes les compétences dans l'entreprise. L'évolution démographique et la concurrence internationale nécessiteront la participation de toutes et de tous à l'activité économique.

Actuellement, l'écart de salaires selon le sexe est toujours de 20 points. Pourtant, l'égalité salariale était déjà inscrite dans le traité de Rome et l'est dans notre code du travail depuis 1972. Ce projet de loi, s'il a pour cadre les lois précédentes, instaure une démarche plus volontariste : c'est la première fois qu'un objectif de résultats est fixé et doublé d'un délai impératif de cinq ans. Nous innovons également en laissant aux partenaires sociaux le soin de parvenir à cette égalité.

L'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle, signé le 1er mars 2004, ainsi que l'essor du Label égalité, déjà attribué à 17 grandes entreprises témoignent de la volonté des partenaires sociaux. Ce texte les incite plus encore à négocier, puisqu'il prévoit qu'une convention de branche sans disposition sur la suppression des écarts de salaires ne pourra être étendue et que les accords salariaux ne seront enregistrés que si des négociations ont été engagées sur le sujet. Enfin, les entreprises qui n'auront pas ouvert de négociations pourraient se voir exiger une contribution financière dans trois ans.

L'inégalité salariale est également due à des raisons structurelles, liées aux filières d'emploi occupées par les femmes. Dans le cadre de l'action que le Gouvernement mène pour remédier aux inégalités structurelles dans l'emploi, ce texte propose des mesures destinées à lutter contre l'enclavement de l'emploi féminin, à favoriser l'accès des femmes aux postes de responsabilité, ainsi que des dispositions relatives à la parentalité.

La première des inégalités réside dans la formation initiale et dans les choix d'orientation. Plus de la moitié des emplois féminins sont concentrés dans 10 des 84 familles professionnelles, telles que l'entretien, le textile, l'hôtellerie restauration ou la grande distribution, qui ne sont pas les plus porteuses d'avenir en termes d'emplois. Cela explique que le chômage féminin représente 11% de la population active, contre 9% pour le chômage masculin. Par ailleurs, les salaires proposés dans ces secteurs sont les plus faibles. Ainsi, 80% des 8,4 millions d'actifs percevant une rémunération inférieure au SMIC sont des femmes.

Le désenclavement du travail des femmes est donc l'une de mes priorités. Le Gouvernement s'est engagé à diversifier les choix d'orientation scolaire et professionnelle et à accroître la qualification des femmes. Ainsi, la loi de programme pour l'avenir de l'école prévoit d'augmenter de 20% d'ici à 2010 la proportion de jeunes filles dans les séries scientifiques générales et technologiques : ce sera l'une des missions prioritaires du nouveau service public de l'orientation. Par ailleurs, l'article 15 du projet de loi invite les régions, compétentes en matière de formation professionnelle et d'apprentissage, à favoriser un accès équilibré des hommes et des femmes à chacune des filières. Enfin, ce texte facilite l'accès à la formation des femmes revenant de congé parental et amenées à changer d'emploi.

Les employeurs et les partenaires sociaux sont également parties prenantes de la formation de leurs salariés. Lors d'une rencontre le 5 décembre, j'ai invité les organisations patronales et les syndicats de salariés à ouvrir des pistes d'action commune et à expérimenter des démarches innovantes d'insertion des femmes dans certaines branches professionnelles. En outre, la volonté de certains secteurs, comme le bâtiment, d'accroître le recrutement doit les encourager à favoriser la mixité dans leurs entreprises.

Les secteurs où se concentrent les emplois féminins sont aussi ceux qui recourent le plus au temps partiel. Ainsi, 82% des travailleurs à temps partiel sont des femmes ; une femme sur trois travaille à temps partiel contre un homme sur vingt.

J'ai pris connaissance de vos débats en commission et je partage votre impatience. Le travail à temps partiel doit être conçu et organisé pour répondre pleinement aux attentes de l'entreprise mais aussi à celles des salariés. Si nombre d'entre eux y trouvent la possibilité d'articuler leur vie personnelle et leur vie professionnelle, beaucoup y voient l'origine d'une dégradation de leurs conditions de vie, car il peut être source de précarité. Et que dire des femmes qui, à la suite d'un accident de la vie, passent d'un temps partiel choisi à un temps partiel subi ? Il n'est pas tolérable que des chefs de famille monoparentale, résidant bien souvent loin de leur lieu de travail, voient leurs horaires éclatés sur une même journée.

Je veux d'ailleurs souligner le remarquable travail réalisé par votre Délégation aux droits des femmes qui a mis en lumière ces phénomènes. Comme je m'y suis engagée dès ma nomination, et devant le Sénat le 12 juillet, nous avons pris des mesures. En matière de droits à la retraite, un décret de novembre 2005 permet désormais aux employeurs de cotiser à taux plein pour leurs salariés à temps partiel. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit la suppression de l'abattement de 30% sur le temps partiel pour les contrats en cours, et non plus seulement pour les nouveaux contrats.

Une dynamique de négociation sociale est également engagée. J'ai organisé une rencontre le 24 juin avec les représentants patronaux des fédérations professionnelles des secteurs de la propreté, du commerce, de la grande distribution, de la sécurité et de l'hôtellerie restauration. Le 27 juin, le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes a réuni la Commission nationale de la négociation collective. M. Larcher et moi-même avons rencontré les représentants salariés des fédérations professionnelles principalement concernées par le temps partiel. Le Conseil économique et social m'a remis en novembre un rapport sur le temps partiel. Enfin, la table ronde interprofessionnelle du 5 décembre a conclu que les dispositions relatives au temps partiel relevaient essentiellement de la négociation collective.

S'il est nécessaire de laisser la plus grande place à cette négociation, il nous revient d'encourager la généralisation des pratiques exemplaires en matière d'organisation du temps de travail, d'amplitudes horaires, de transports, de modes de garde, d'évolution professionnelle ou de formation.

Le mouvement est enclenché et de nouvelles étapes sont prévues : le 21 décembre, la Commission nationale de la négociation collective sur les négociations salariales dans les branches dressera un bilan du temps partiel ; le 25 janvier, je rencontrerai à nouveau avec M. Larcher les fédérations professionnelles, incluant le secteur de la santé et de l'action sociale ; enfin, le 31 janvier, la fédération de la grande distribution alimentaire engagera une négociation sur l'égalité professionnelle, qui portera également sur le temps partiel.

Au-delà du temps partiel, l'articulation des temps de vie constitue une priorité de mon action. C'est un atout remarquable pour notre pays que les femmes y continuent de travailler lorsqu'elles sont mères. Pourtant, les difficultés que nombre d'entre elles éprouvent à concilier activité professionnelle et tâches parentales sont une source majeure d'inégalités.

Le projet de loi s'efforce d'y remédier en compensant l'effet de la maternité sur les rémunérations, en attribuant une aide aux PME pour remplacer leurs salariées en congé de maternité, en augmentant de 10% l'allocation de formation afin de financer les frais supplémentaires de garde d'enfant, ou encore en allongeant le congé de maternité pour les mères de prématurés.

Nous avons par ailleurs annoncé, lors de la Conférence de la famille du 22 septembre, une réforme du congé parental : celui-ci pourra être réduit à un an, ce qui améliorera son indemnisation. Le Gouvernement développe depuis trois ans les modes de garde, grâce notamment à la prestation d'accueil jeune enfant. Le crédit impôt famille va être doublé et nous allons créer 15 000 places de crèches supplémentaires.

L'inégalité dans l'emploi est aussi celle de l'accès aux responsabilités. Moins de 5% des membres des conseils d'administration et moins de 10% des dirigeants d'entreprises sont des femmes. C'est pourquoi, là encore, nous adoptons une démarche plus volontariste. Le projet de loi et les amendements apportés par l'Assemblée nationale en première lecture permettront d'augmenter la participation des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles. Je souhaite par ailleurs que les mesures prises pour les entreprises publiques soient étendues aux conseils d'administration des entreprises privées.

Je présenterai au début de l'année prochaine un plan d'action visant à favoriser la création et la reprise d'entreprises par les femmes. Le fonds de garantie pour la création, la reprise ou le développement d'entreprises à l'initiative des femmes apporte déjà des cautions pour les prêts bancaires : nous lui avons attribué cette année une dotation complémentaire d'un million d'euros et nous faciliterons sa saisine sur l'ensemble du territoire.

Le Gouvernement s'est résolument engagé dans une démarche globale visant à favoriser l'accès des femmes à la formation et à l'emploi. Ce projet de loi en constitue une étape importante, que les lectures successives contribueront à enrichir. J'ai la conviction que nous réussirons ainsi à établir l'égalité professionnelle, qui apparaîtra un jour comme une grande étape de notre histoire républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Edouard Courtial, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Je ne reviendrai pas sur les enjeux de cette discussion, qui demeurent inchangés. Mais il est certain que la place de la femme dans la cité, l'articulation entre parentalité et emploi, le dialogue social dans l'entreprise, ainsi que la relance de l'emploi, sont au cœur de nos problématiques.

Nous avons évoqué cette question en commission le mercredi 7 décembre. Il est bien entendu que toutes les facettes de ce projet importent et qu'il n'est pas question d'en privilégier une au détriment des autres.

Je tiens à souligner la qualité du travail accompli au Sénat et en commission afin d'enrichir ce texte. Quelques désaccords demeurent entre l'Assemblée et le Sénat, mais ils ne sont pas très nombreux, le Sénat ayant d'ailleurs adopté conformes dix articles. Je ne les reprendrai pas un à un. Beaucoup visent à faciliter l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale, et d'autres s'attachent à promouvoir la place des femmes dans les conseils d'administration des entreprises publiques ou les conseils des prud'hommes. Un point toutefois me tient à cœur. L'aide prévue par l'Etat au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption dans une petit entreprise ne doit pas favoriser la précarité de l'emploi en développant le remplacement d'emplois à temps plein par des emplois à temps partiel.

S'agissant des articles restant dans le champ de la navette, je rappelle que le Sénat a pour l'essentiel validé les dispositions du titre premier consacrées à la suppression des écarts de rémunération. En ce qui concerne le dispositif de garantie de l'évolution de la rémunération des salariés au retour d'un congé de maternité ou d'adoption, le Sénat avait précisé que cette rémunération doit être entendue en un sens large, comme recouvrant l'ensemble des avantages attribués. La commission a souhaité s'assurer de l'effectivité du dispositif de garantie de l'évolution salariale après un congé de maternité ou d'adoption : elle a tenu à préciser que les majorations sont effectuées à la suite - et non immédiatement à l'issue - des congés de maternité ou d'adoption, de façon à ne pas priver un salarié de retour de congé en cours d'année de la prise en compte d'une prime accordée en fin d'année à ses collègues, valable en fait pour l'ensemble de l'année, mais aussi pour ne pas accorder deux fois une même prime à un même salarié. Elle a également précisé que les accords collectifs signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ne pourront prévoir de garanties d'évolution salariale inférieures à celles qui résultent de la nouvelle règle prévue par le projet.

Concernant l'extension du champ des discriminations interdites à celles fondées sur la grossesse et à celles pratiquées en matière d'attribution des mesures d'intéressement ou d'actions, la commission a par ailleurs supprimé la référence à l'état de grossesse « justifié par un certificat médical », dont les effets pervers seraient trop nombreux et qui irait à l'encontre de la souplesse requise.

Concernant les dispositifs de négociations de branche ou d'entreprise relatives à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici à 2010, le Sénat a supprimé la référence au caractère « sérieux et loyal » des négociations, ce qui me semble dommageable. Non seulement cet ajout avait fait l'objet d'un accord sur tous les bancs de l'Assemblée nationale en première lecture mais cette référence existe déjà dans le code du travail à propos du travail de nuit. Aussi la commission a-t-elle choisi de consacrer la notion d'engagement « loyal et sérieux » des négociations, car il s'agit d'une garantie importante pour tous.

S'agissant des négociations de branche et d'entreprise sur la suppression des écarts salariaux, la commission a également supprimé la disposition, introduite par le Sénat, qui exonérait de cette obligation les branches ou entreprises ayant déjà conclu un accord relatif à l'égalité salariale dans les trois années précédant la promulgation de la loi pour les branches, dans l'année précédente pour les entreprises - jusqu'à l'expiration dudit accord : en effet, cette disposition risquait de priver le nouveau dispositif d'une partie de son efficacité.

Le Sénat a enfin validé l'incitation au respect de l'objectif d'égalité professionnelle dans les petites entreprises en apportant une modification rédactionnelle au texte, destinée à préciser le champ d'application des entreprises concernées.

Concernant le titre II consacré à l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, la commission a rejoint le Sénat, qu'il s'agisse des précisions sémantiques sur les articles relatifs aux nouveaux indicateurs pour le rapport de situation comparée ou à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de l'extension des cas de figure dans lesquels interviendra le crédit d'impôt famille en cas de changement d'emploi à la suite d'un congé parental, ou de la rationalisation de la rédaction relative aux règles de calcul du droit individuel à la formation en cas de congé de maternité, d'adoption, de présence parentale ou parental d'éducation. Toutefois, s'agissant de la formation d'un nouvel embauché à la suite d'un congé parental interrompu en raison de sa démission ou d'un licenciement, la commission a souhaité rétablir un délai de six mois liant la fin du congé parental et l'embauche pour préserver le caractère incitatif à l'embauche vis-à-vis des entreprises tout en ménageant au profit du salarié un temps suffisant pour chercher et trouver un nouvel emploi. Il a aussi paru important à la commission de garantir aux salariés que, pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation, la période d'absence pour un congé de maternité, d'adoption, de présence parentale ou parental d'éducation, est prise en compte « intégralement ».

Les mesures prévues dans le titre III consacré à l'accès des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles comprenaient à l'issue de la lecture devant l'Assemblée nationale des objectifs chiffrés destinés à favoriser d'une manière assez volontariste la présence des femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués des comités d'entreprise ainsi que dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués du personnel. Sur l'ensemble de ces mesures, le Sénat a préféré des rédactions plus souples n'incluant pas d'objectifs chiffrés, jugés inatteignables et donc, dans une certaine mesure, prématurés.

Le titre IV ne comportait qu'une mesure, destinée à favoriser la parité en matière de formation professionnelle et d'apprentissage, mesure adoptée par le Sénat avec quelques modifications d'ordre rédactionnel. La discussion en commission a montré qu'il serait bienvenu que le Gouvernement puisse préciser la portée de ces modifications en séance publique.

Par ailleurs, le Sénat avait ajouté au texte quatre nouveaux articles. Trois de ces mesures concernent la question de la maternité. L'une établit un mécanisme d'indemnisation d'un congé de maternité prolongé en cas d'accouchement prématuré, consécutivement à la consécration de ce congé par la loi du 11 février 2005. Cet article a été adopté par la commission. En revanche, deux des nouveaux dispositifs ont été supprimés : il s'agit de l'article relatif à l'assimilation de périodes d'absence pour maladie liée à la grossesse ou à l'accouchement à des périodes de congé de maternité, qui était de nature à accroître la confusion entre congé maladie et congé de maternité. La commission a également supprimé l'article relatif au prolongement non indemnisé du congé parental, en l'absence d'une réflexion de fond plus globale sur cette question, par crainte de renforcer l'éloignement des personnes en congé parental de l'emploi. Une dernière mesure, approuvée par la commission, inclut dans le service public de l'emploi le service des droits des femmes et de l'égalité. EIle rejoint en cela la disposition introduite par l'Assemblée nationale en première lecture selon laquelle les maisons de l'emploi mènent des actions de sensibilisation aux questions de l'égalité professionnelle.

De nombreux amendements ont été déposés concernant le temps partiel, qui constitue un sujet essentiel. Mme la ministre ayant souhaité privilégier la concertation avec les partenaires sociaux, il était important, comme elle vient de le faire, d'informer l'Assemblée de l'état des discussions...

Mme la Ministre déléguée - Je le referai s'il le faut.

M. le Rapporteur - ...notamment en donnant un calendrier précis. Je souhaite que l'Assemblée continue maintenant à enrichir ce texte équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

Mme Catherine Génisson - Nous sommes certes, pour cette deuxième lecture, entre personnes de qualité, mais nous regrettons, Madame la ministre, la discrétion du Gouvernement qui fait que ce texte est discuté un lundi après-midi.

Mme la Ministre déléguée - C'est le jour qui a été arrêté.

Mme Catherine Génisson - Cela prouve l'importance que l'on attache à l'égalité entre les hommes et les femmes.

80% des femmes de 25 à 55 ans ayant deux enfants travaillent, mais il existe pour les femmes un chômage plus massif, plus profond, plus structurel que pour les hommes, dû essentiellement à leur parcours scolaire, aux discriminations à l'emploi, à leurs parcours professionnels souvent discontinus. Ainsi, lorsque les chômeuses de plus de 50 ans retrouvent un emploi, il s'agit la plupart du temps d'un emploi précaire. 35% des femmes sont en CDI, contre 45% des hommes dans la même tranche d'âge.

M. Jean Le Garrec - Très bien.

Mme Catherine Génisson - Les écarts salariaux entre les femmes et les hommes sont encore importants. Les femmes ne constituent que 35% des 20% de salariés les mieux payés, mais 70% des 20% les moins bien payés. La différence d'accès aux formations continues est également importante. Mais c'est surtout l'organisation du travail associée avec le temps de vie familiale qui pèse sur les femmes. Le temps partiel représente aujourd'hui 16,6% des emplois contre 9% en 1982 : 30% des emplois féminins sont à temps partiel contre 5,5% des emplois masculins. 3,3 millions de femmes travaillent à temps partiel et occupent 80% des emplois de bas et très bas salaires. Aujourd'hui, 20 000 femmes travaillent et sont SDF. Nous devrons avoir ces chiffres en permanence à l'esprit.

Mme la Ministre déléguée - Tout à fait.

Mme Catherine Génisson - Le Sénat, force est de le constater, n'a pas amélioré ce texte, mais je remercie M. le rapporteur qui, en commission, a œuvré pour supprimer des mesures malencontreuses. Il en est ainsi de l'article premier A qui introduisait une confusion malheureuse entre congé de maternité et congé maladie, du quatrième paragraphe de l'article 3 qui était en contradiction avec l'objet même du texte - favoriser la négociation salariale et son aboutissement - et de l'article 12 ter A qui proposait de créer un droit sans droit puisqu'il s'agissait de permettre à un parent qui ne pouvait mettre son enfant, faute de place, à l'école maternelle à trois ans de bénéficier de la poursuite de son congé parental sans doit à financement dudit congé.

Ce texte est très en deçà des objectifs affichés dès lors que l'on examine les inégalités entre hommes et femmes, mais aussi des inégalité femmes-femmes car force est de constater la précarité croissante de nombre d'entre elles.

Selon l'exposé des motifs, « l'augmentation du taux d'activité des femmes est une réponse directe et évidente face au départ à la retraite de nombreuses générations nées après guerre et qui va priver l'économie française de plusieurs centaines de milliers de salariés et de non salariés. » Cet argument relève de la seule logique économique mais il fait fi de l'exigence de cohésion et de justice sociales. Je réitère donc mon approche critique en première lecture.

Ce texte traite le sujet de l'égalité professionnelle de façon à la fois partielle et partiale. Le congé de maternité est certes un point important, mais qui reste l'expression d'un bonheur privé - et public, car la France peut être heureuse de son taux de natalité. La question, pour les femmes, est plutôt de pouvoir articuler vie professionnelle et vie familiale et d'éviter des parcours professionnels discontinus, qui sont la cause de droits à la retraite en moyenne inférieurs de 40% à ceux des hommes.

Mme la Ministre déléguée - D'où le décret !

Mme Catherine Génisson - C'est un point positif, mais qui n'est pas dans la loi !

Par ailleurs, si le texte traite de l'inégalité salariale, il oublie qu'elle est la résultante d'autres problèmes qu'il faut aussi aborder : les inégalités dans les candidatures à l'embauche, dans l'accès aux formations professionnelles ou aux promotions et face à l'organisation du travail... L'article premier contient, sur la suppression des écarts salariaux, une proposition intéressante mais qui manque de garanties. La définition des différents revenus intervenant dans la prise en compte des ressources doit être précisée. Surtout, le dispositif doit être sécurisé par des accords collectifs de branche. La loi Fillon du 5 mai 2004, qui a atomisé le droit du travail, a substitué à cette protection collective les règles moins contraignantes des accords d'entreprises. Mme Ameline a refusé ici, en première lecture, un amendement sur ce point et vous avez fait de même au Sénat, de telle sorte que les dispositions de l'article risquent de rester lettre morte.

L'article 3 doit réaffirmer avec force le caractère loyal et sérieux des négociations, et je suis heureuse que la commission se soit exprimée à l'unanimité sur ce sujet. Il doit également prévoir que les organisations syndicales reçoivent des réponses motivées à leurs propositions. Le paragraphe II de l'article 4, lui, prévoit qu'en cas de défaut de négociation, et à la suite d'un rapport, un nouveau texte sans doute plus contraignant serait discuté au Parlement. Ce paragraphe complètement contreproductif est dénoncé par l'ensemble des organisations syndicales : il ne dit rien d'autre aux entreprises que « hâtez-vous de ne pas vous presser » ! Il organise lui-même la non application du texte ! La loi du 9 mai 2001 fait confiance aux négociateurs. Elle oblige, après un diagnostic précis, basé sur l'analyse des critères pertinents, à une négociation triennale spécifique sur l'égalité professionnelle au niveau des branches et à la négociation annuelle dans l'entreprise. D'une écriture sobre, elle donne toute sa place à la négociation. Son application est loin d'être parfaite, mais elle a été le socle de l'accord interprofessionnel de mars 2004, qui a dynamisé les négociations.

Mme la Ministre déléguée - Tout à fait !

Mme Catherine Génisson - Il aurait donc été plus opportun de donner au monde de l'entreprise les moyens d'une bonne négociation, en renforçant en particulier les directions et les inspections du travail et les délégations régionales aux droits des femmes.

Si nous devons faire preuve d'exigence quant à la négociation elle-même - protection des accords collectifs de branche, caractère loyal et sincère - nous devons également veiller à ce qu'elle ait bien lieu. L'exigence doit être la même au sujet de l'égalité professionnelle que pour les autres thèmes de négociation dans l'entreprise et le défaut de négociation doit être sanctionné. C'est une demande de l'ensemble des organisations syndicales, relayée par nombre de femmes chefs d'entreprises. Nous avons eu, en commission, une riche discussion sur ce sujet et il n'y a aucun procès d'intention : la justice sociale est une exigence partagée par la très grande majorité des acteurs de l'entreprise. Je reste par ailleurs dubitative sur la proposition à l'article 7 d'une prime pour la femme qui accouche lorsqu'elle doit être remplacée pour congé de maternité. Cette prime trouverait avantageusement sa place au titre des dispositions de l'article 8, qui permettent de majorer l'allocation formation accordée au salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre des formations en dehors de son temps de travail.

Le projet est aussi muet sur les moyens de mieux encadrer le temps partiel, dont on sait qu'il est subi pour 70% des femmes qui ne travaillent pas à temps plein. Le temps partiel subi est un fléau pour celles et ceux qui le vivent. Il affecte majoritairement des femmes et la Délégation a beaucoup travaillé sur le sujet. Le rapport commandé par Mme Ameline tire la même sonnette d'alarme que nous et le sujet a été largement évoqué en première lecture. Il y a urgence. Notre rapporteur vous a interpellée sur le sujet. Nous ne pouvons nous satisfaire, quelle que soit votre volonté, Madame la ministre, d'un simple engagement de principe. Vous avez fait état de « rendez-vous », mais un support législatif est indispensable. Mme Ameline s'était déjà engagée, en première lecture, à soutenir l'ouverture de négociations. Il semblerait qu'elles aient commencé sérieusement la semaine dernière, mais permettez-moi d'exprimer mon inquiétude : le texte sur le retour à l'emploi, en étendant, tout à fait légitimement sur le fond, l'octroi de la prime pour l'emploi aux retours à l'emploi à temps partiel, atteste en fait de votre manque de volonté de remettre en cause le temps partiel subi.

Je pense qu'il serait absolument irresponsable de faire une utilisation politicienne des événements récents qui se sont déroulés dans les banlieues. Leurs causes sont complexes et méritent une longue analyse. L'existence de foyers parentaux connaissant une grande précarité et une absence de référents adultes n'est pas étrangère au dérèglement de l'organisation de notre société, mais il ne faut pas stigmatiser. Trouvons plutôt les bons remèdes au vrai problème !

La sociologue Margaret Maruani dénonce les trois boulets de l'emploi féminin : le taux de chômage plus élevé, le temps partiel subi et les rémunérations plus basses. Nous n'avons donc pas le droit d'éluder le sujet, d'autant que la loi du 5 mai 2004 a considérablement aggravé les conditions de recours et d'organisation du temps partiel, supprimant de fait le rapport hiérarchique entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise et compromettant la solution de questions aussi graves que le délai de prévenance, le nombre et la durée des coupures à l'intérieur des journées de travail et le statut des heures supplémentaires. Nous savons tous que ces sujets sont urgents, que la situation actuelle n'est pas acceptable. Un texte sur l'égalité professionnelle doit obligatoirement évoquer les conditions de la négociation sur ces sujets, sur lesquels les débats en commission ont été de qualité. Il est temps de passer aux actes. En l'état actuel, votre texte est inconsistant. J'ose le dire, si aucun amendement n'était accepté, il serait inconséquent. Il ne répond pas à l'urgence de la situation sociale et économique des travailleurs et travailleuses pauvres. Son insuffisance explique notre question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre déléguée - Je partage le constat de Mme Génisson et son souci d'avancer en matière d'articulation des temps de vie. Ce texte nous engage clairement, dans un délai de cinq ans, à supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. La négociation entre partenaires sociaux et entreprises est érigée en moment clef. Ensuite seulement, et s'il n'y a pas d'avancées, il y aura sanction. Ce texte est le dernier avis avant sanction, et nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour l'appliquer. Les négociations que nous avons ouvertes avec eux montrent bien l'intérêt de cette démarche. Je suis donc défavorable à la question préalable.

Mme Muguette Jacquaint - Je regrette qu'un texte aussi important, dont l'objet n'est rien de moins que d'éradiquer en cinq ans les inégalités salariales, soit examiné un lundi en fin d'après-midi. L'égalité salariale est directement liée à toutes les autres inégalités professionnelles dont les femmes sont victimes. L'annonce, Madame la ministre, d'un autre texte sur l'égalité professionnelle augure mal de l'importance que vous attachez à celui-ci et rend dubitatif sur les objectifs qu'il affiche. Pire encore, ce texte est muet sur la précarité qui touche les femmes, et en particulier sur le sujet du travail à temps partiel subi. Aucun de nos amendements sur ce sujet n'a été adopté en commission. Si l'Assemblée ne se montre pas plus sage au cours de la discussion, ce texte restera très insuffisant. Je voterai donc cette question préalable.

M. Frédéric Reiss - Nous ne voyons pas l'intérêt de cette question préalable. Ce texte bien équilibré contient des avancées significatives pour l'égalité professionnelle entre les femmes, alors que les écarts de rémunération sont aujourd'hui encore évalués à 25%. Il comprend des incitations à la négociation, le maître-mot étant « confiance ». Je suis persuadé que les entreprises se feront un point d'honneur d'y répondre. Il reviendra aux partenaires sociaux de s'accorder sur les mesures efficaces qui feront disparaître, même si c'est progressivement, les disparités salariales. Ce texte apporte aussi des moyens concrets pour faciliter la conciliation de la parentalité et de l'emploi. De très nombreuses femmes attendent des mesures pour mener de pair une vie professionnelle engagée et une vie familiale. Il a été enrichi en commission et le Gouvernement a lui-même déposé deux amendements au sujet du temps partiel. Nous saluons cette ouverture et le groupe UMP ne votera pas cette question préalable.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous partageons le constat de Mme Génisson sur les inégalités salariales criantes entre les hommes et les femmes, et comme elle, nous aurions préféré un texte prévoyant des sanctions en cas de statu quo : la peur du gendarme est souvent le début de la sagesse. Néanmoins, on ne peut pas demander tout et son contraire : il serait paradoxal de reporter ce débat à plus tard alors que nous y sommes prêts aujourd'hui. L'UDF ne votera donc pas la question préalable.

M. Jean Le Garrec - Nous partageons tous la même analyse : les statistiques sont terribles, et révèlent le retard considérable de notre pays en matière d'égalité salariale. Cette question ne peut d'ailleurs pas être distinguée du problème de l'égalité professionnelle : le salaire n'est que la conséquence des réticences des entreprises à sanctionner normalement une carrière et une compétence, d'autant plus que les jeunes filles - notamment celles qui sont issues de l'immigration - réussissent mieux à l'école que les garçons. Combien de jeunes filles en possession de diplômes élevés galèrent pour trouver un emploi ?

Vous avez raison, Madame la ministre, de rappeler la nécessité de la négociation entre patronat et syndicat, que j'ai toujours soutenue. Pourtant, les réticences patronales sont grandes : sans un encadrement étroit, je crains que la négociation ne puisse aboutir. Je regrette donc que vous n'ayez pu aller au bout de votre démarche en posant le problème de l'égalité professionnelle. Je remercie toutefois le Gouvernement et le rapporteur d'être revenus sur les amendements les plus inacceptables du Sénat, qui traduisent bien le retard qu'accuse notre pays.

M. Pierre-Christophe Baguet - Supprimons le Sénat !

M. Jean Le Garrec - Je n'irai pas jusqu'à une telle conclusion... (Sourires) Mais je le répète : si la négociation n'est pas encadrée, les résultats ne seront pas à la hauteur du constat que nous faisons tous. Telle est la raison de notre question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - Nous en venons à la discussion générale.

M. Pierre-Christophe Baguet - C'est avec grand intérêt que nous abordons ce texte dont l'ambition est de réduire les inégalités professionnelles - et notamment salariales - entre les hommes et les femmes. Trois lois s'y sont déjà employées, en vain. La loi de 2001, qui rendait obligatoires des négociations annuelles sur l'égalité, est très largement inappliquée.

C'est dans ce contexte que vous nous présentez un projet de loi qui vise, en cinq ans, à supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et à réduire les écarts les plus criants en matière de congés.

Les chiffres montrent combien la situation doit en effet changer : si l'activité féminine est en constante augmentation depuis les années 1970, l'INSEE indique qu'en 2003, l'emploi féminin concentre 80% des bas salaires, 82% des temps partiels et 78% des emplois non qualifiés. Les écarts de rémunérations entre femmes et hommes sont d'environ 25%.

L'excellent rapport qu'a rendu la Délégation aux droits des femmes...

Mme la Ministre déléguée - Très bon travail !

M. Pierre-Christophe Baguet - ...souligne en outre la situation alarmante des femmes issues de l'immigration, qui subissent encore davantage la précarité et les discriminations.

M. Jean Le Garrec - C'est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet - Après une formation supérieure, 40% d'entre elles n'accèdent qu'à un emploi à temps partiel - contre 22% pour les Françaises d'origine - et sept des huit professions qu'elles exercent le plus sont non qualifiées.

Le groupe UDF a pleinement joué le jeu du débat et déposé plusieurs amendements visant à rendre le texte plus efficace, en ce qui concerne notamment l'objectif d'égalité professionnelle dans les petites entreprises, la prise en compte des congés de maternité ou d'adoption dans le calcul des droits liés au droit individuel à la formation, ou encore le rôle des maisons de l'emploi.

Malgré ces améliorations, l'architecture générale du texte nous semble encore incomplète : il ne propose aucun mesure contre le temps partiel subi, alors que celui-ci concerne 30% des femmes actives et que quatre actifs à temps partiel sur cinq sont des femmes. Qu'en est-il du chantier annoncé en la matière ? L'UDF souhaite donner aux personnes qui travaillent à temps partiel les moyens, à qualification équivalente, d'être prioritairement affectées aux postes à temps plein disponibles au sein de leur entreprise. Qu'en pensez-vous ?

Nous souscrivons pleinement à votre objectif de concilier vie professionnelle et vie parentale, et proposerons un amendement visant à ce que les salariés puissent utiliser le congé parental d'éducation, d'une durée maximale de trois ans, jusqu'aux seize ans de l'enfant. En effet, l'adolescence requiert parfois une présence accrue des parents.

Une question demeure néanmoins : est-ce une loi de plus qui changera la donne ? Les lois précédentes n'ont pas été réellement appliquées. Ce sont les attitudes qu'il faut modifier : y parviendra-t-on sans mesures coercitives ? A cet égard, nous proposerons de nouveau un amendement déjà soumis en première lecture visant à sanctionner les entreprises en cas de non-respect de l'appel à négociation sur les réduction des écarts de rémunération entre hommes et femmes.

Votre texte prévoit la possibilité de proposer un autre projet de loi en cas d'échec : n'est-ce pas de toute façon l'une des prérogatives du Gouvernement ? Pourquoi n'envisager l'application de mesures coercitives que dans cinq ans ? Elles doivent s'appliquer dès maintenant. Sans défiance aucune à l'égard des employeurs, il faut tirer les leçons du passé : une bonne volonté affichée ne suffit pas à changer les mentalités.

Ouverts à votre projet, nous restons toutefois attentifs aux orientations que prendra le Gouvernement pendant la discussion et au sort qui sera réservé à nos amendements.

Mme Muguette Jacquaint - Ce nouveau projet de loi sur l'égalité salariale me laisse profondément insatisfaite. Votre politique salariale se conjugue avec déréglementation, flexibilité et liquidation du code du travail : dans ce contexte, l'emploi féminin n'est pour vous qu'une simple variable d'ajustement.

Aujourd'hui encore, les garçons sont plus nombreux dans les filières d'excellence, et malgré la signature d'une convention sur l'égalité des chances en 2000, les inégalités de traitement des élèves perdurent - souvent inconsciemment. Les filles, cantonnées aux filières peu valorisées, ont davantage de difficultés à trouver un emploi : à 25 ans, le chômage touche 20% des hommes contre 25% des femmes, et cette discrimination touche encore plus les femmes issues de l'immigration - à cet égard, je tiens à remercier Mme Zimmermann pour son excellent rapport. Le chômage touche plus de 10% des femmes actives, surtout en fin de carrière.

Pour un poste à temps plein équivalent, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes dans le privé, et 11% dans le public - et cet écart s'accroît avec le temps : si garçons et filles sont souvent au même niveau en début de carrière, ce n'est déjà plus le cas au bout de cinq ans. Le temps partiel concerne 30% des femmes actives, contre 5,5% des hommes seulement.

Les emplois de service d'assistantes maternelles sont appelés à se développer dans les dix prochaines années : si rien n'est fait pour les revaloriser, la paupérisation du salariat féminin augmentera. A preuve, la progression des bas salaires est intimement liée à l'essor du temps partiel. C'est toute une frange de salariés pauvres qui apparaît : ni chômeurs, ni exclus, ni bénéficiaires des minima sociaux, ils travaillent sans gagner leur vie. Plus du tiers des SDF sont des femmes !

Les caissières, les vendeuses ou encore les femmes de ménage gagnent trop souvent un salaire de misère alors qu'elles effectuent des horaires éclatés et décalés. Tous temps de travail confondus, le salaire médian d'un ouvrier est en effet de 789 € mensuels pour les hommes et de 744 pour les femmes. Et les chiffres chutent de façon vertigineuse pour les employés : 744 € pour les hommes, contre 603 pour les femmes !

Cette forme de travail est donc devenue le moteur du sous-emploi et de la pauvreté en France. 3,4 millions de personnes, dont 80% de femmes, touchent un salaire inférieur au SMIC.

Et il ne faut pas s'étonner que les retraites féminines soient plus faibles et perçues à un âge plus tardif. 57% des femmes n'ont pas une carrière complète et 11% n'ont pas exercé de carrière professionnelle. Le revenu mensuel des retraitées n'est donc que de 848 €, soit 42% de moins que les hommes, qui perçoivent en moyenne 1 461 € par mois.

J'ajoute que les femmes fonctionnaires perçoivent une pension inférieure de 21% à celle des hommes et que 80% des femmes vivent avec une pension en dessous du SMIC. Etre une femme seule et âgée vous expose donc à être pauvre. D'ailleurs, 74% des femmes ne touchent qu'une pension contre 51% des hommes.

Enfin, au sein des 31 catégories socioprofessionnelles distinguées par l'INSEE, les six catégories les plus féminisées regroupent 60% de l'emploi féminin en 2002. Ces chiffres résultent d'une vision sexiste du monde de travail, à laquelle j'espère que nous parviendrons enfin à mettre un terme. Comme Marie-Jo Zimmermann, je ne peux que m'indigner de l'absence des femmes au conseil d'administration du CNRS !

A ce titre, n'oublions pas que les inégalités ne diminuent pas à mesure que l'on monte dans la hiérarchie. Au contraire, une dirigeante de société en France gagne un tiers de moins que son homologue masculin, et les plus lésées de toutes sont les femmes cadres : plus on s'élève dans la hiérarchie, plus la différence de salaire est importante. De 9% pour les employées, le différentiel atteint 24% chez les cadres.

Nombreuses ont pourtant été les dispositions législatives visant à supprimer les inégalités professionnelles entre femmes et hommes depuis vingt ans, de la loi du 13 juillet 1983 à la loi dite « Génisson » de 2001.

Cette apparente volonté de lutter contre les discriminations à l'encontre des femmes dans le travail dépasse même le simple cadre national. Ces différentes lois se sont en effet appuyées sur des traités internationaux, et notamment européens : l'article 119 du traité de Rome, la directive européenne 75/117 du 10 janvier 1975 sur l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ou encore l'article 2.2 du traité d'Amsterdam, par lequel l'Union européenne a prétendu œuvrer contre les discriminations professionnelles entre les hommes et les femmes.

Sans revenir sur le travail de nuit des femmes, contre lequel je me suis longtemps battue - on constate aujourd'hui que les femmes travaillent plus la nuit que les hommes -, je dirai que c'est le caractère trop peu contraignant des mesures adoptées qui explique leur application encore incertaine.

Ce projet de loi, après l'adoption en mars 2004 d'un accord interprofessionnel visant à lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes, doit donc permettre de relancer le débat.

Regardons le contexte de plus près. Avec le départ à la retraite des générations du baby-boom - environ 150 000 personnes par an à partir de 2006 - l'économie a besoin d'une main-d'œuvre renouvelée. Le taux d'activité des femmes est en augmentation constante : entre 1975 et 2003, il est passé de 51,5% à 63,4% tandis que, pour la même période, celui des hommes a diminué de 82,5% à 75,1%. C'est donc chez les femmes qu'il faut rechercher des ressources de main-d'œuvre reconnues par tous comme un facteur essentiel de notre développement économique.

Le sommet de Lisbonne a ainsi fixé comme objectif de faire croître le taux d'emploi moyen de 61% à 70% à l'horizon 2010 et de 51% à plus de 60% pour les femmes. Reprenant à son compte les objectifs de Lisbonne, le traité constitutionnel évoque un « niveau d'emploi élevé » sans jamais évoquer le chômage, qui pourtant touche majoritairement les femmes, ni les autres manifestations des inégalités professionnelles.

Si les inégalités professionnelles entre hommes et femmes sont le résultat d'une conception machiste de l'ordre social, n'oublions pas qu'elles résultent également d'une politique libérale qui accroît chaque jour la précarité de l'emploi, et d'abord pour les femmes.

En n'abordant que la seule égalité salariale, le Gouvernement nous propose un texte qui vise à satisfaire les exigences européennes et les besoins démographiques à venir sans pour autant remettre en cause sa politique libérale de l'emploi. Je doute fort que les inégalités soient réellement éradiquées en cinq ans, comme prévu : vous ne vous attaquez ni aux parcours professionnels inégalitaires, ni au problème de l'orientation des jeunes filles, ni au temps partiel. En outre, vous repoussez les éventuelles sanctions financières à l'encontre des employeurs qui n'auraient pas ouvert de négociations.

Et si notre code du travail proscrit les discriminations salariales, celles liées au sexe demeurent la pierre angulaire des inégalités professionnelles. Rares sont en effet les femmes qui se risquent devant les juges pour exiger réparation. Afin d'éviter d'en venir à ces situations conflictuelles, privilégions des négociations loyales et authentiques, reposant sur des informations pertinentes, fixant des délais et prévoyant le recours à l'expertise !

Nous proposons donc des amendements de nature à renforcer la négociation collective, à augmenter la rémunération des salariées à temps partiel grâce à une majoration plus forte des heures complémentaires, mais aussi à mieux encadrer cette forme de sous-emploi en lui ôtant tout caractère contraignant.

Nous proposerons aussi de mettre le droit français en conformité avec le droit communautaire, qu'il s'agisse du droit de cumul entre congés de maternité et congés payés ou bien de la définition du harcèlement sexuel, qui constitue un frein évident à l'égalité.

Les inégalités professionnelles revêtant de multiples facettes, un combat efficace nécessite en effet une lutte globale. Espérons que nos débats permettront enfin d'améliorer la condition de millions de femmes, exemplaires par leur courage, leur sens de l'organisation, leurs compétences et surtout leur ténacité.

Mme Catherine Génisson - Très bien !

Mme Françoise de Panafieu - Rappelons quelques chiffres : 80% des femmes travaillent aujourd'hui entre l'âge de 25 et 49 ans, qu'elles aient des enfants ou non. Et même si nous ne parvenons pas à renouveler les générations, notre taux de natalité est le plus élevé d'Europe, juste derrière celui des Irlandaises. Ces résultats convenables, nous les devons aux générations de femmes qui se sont battues depuis des siècles. Rendons-leur donc hommage, et remercions-les encore.

Malgré bien des avancées, leur situation professionnelle reste pourtant insatisfaisante : 60% des femmes travaillent en effet dans 30% des métiers du secteur des services et des professions intermédiaires ; 77% des employés et 80% des personnes travaillant à temps partiel sont des femmes et 30% des femmes travaillent à temps partiel, souvent sans l'avoir choisi.

Par ailleurs, les salaires sont si faibles que bien souvent les femmes ne parviennent pas à vivre décemment de leur travail, et leurs horaires sont si décalés qu'elles ne concilient que très difficilement leur vie professionnelle avec leur vie familiale. J'ajoute que plus de 80% des travailleurs pauvres sont des femmes et que les écarts de salaires entre les femmes et les hommes se montent à 25%, dont 6% demeurent totalement « inexplicables » !

Le montant moyen de la retraite des femmes est en outre inférieur de près de 50% à celui des hommes. Enfin, 9,1% seulement des postes de dirigeants d'entreprises, et 13% des emplois supérieurs de la fonction publique laissés à la discrétion du Gouvernement sont occupés par des femmes. Celles-ci sont moins de 5% dans les conseils d'administration des entreprises, contre 22% en Norvège et 20% en Suède.

Il est donc temps d'agir ! Ce projet de loi est nécessaire : par delà des mesures concrètes, il s'agit en effet de lancer un signal fort en direction des entreprises. Etre une femme ne doit plus constituer un handicap !

Toutes les études démontrent plutôt que les femmes sont une richesse pour les entreprises et pour la société en générale. Si elles ne travaillent pas mieux que les hommes, elles le font différemment : le travail masculin et le travail féminin se complètent, s'enrichissent, pour le plus grand profit de l'entreprise et de leurs salariés.

Les principales sources de discrimination contre les femmes étant la maternité, la formation, l'organisation du temps de travail, nous devons agir dans ces trois directions, en dénonçant par exemple les réunions trop tardives, véritable « exception française » qui empêche les femmes de conjuguer vie professionnelle et vie familiale.

Le texte que nous examinons aujourd'hui s'appuie donc sur l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, signé en mars 2004 par les partenaires sociaux. En prévoyant une relance de la négociation collective au niveau des entreprises et des branches, il propose ainsi de supprimer en cinq ans les écarts de salaire entre les femmes et les hommes.

L'expérience montrant, hélas, que les lois demeurent trop souvent des « vœux pieux », nous devons adopter des mécanismes plus autoritaires. A défaut d'initiative patronale, des négociations pourraient s'engager dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation représentative. Par ailleurs, il est prévu qu'une conférence nationale soit organisée dans un délai de trois ans en vue de tirer le bilan de l'ensemble des négociations. En dernier recours, une contribution sur les salaires pourra enfin être instaurée pour les entreprises récalcitrantes.

Par ailleurs, ce texte prévoit de neutraliser les effets financiers du congé de maternité en faisant bénéficier toute salariée qui revient dans son entreprise de l'augmentation générale des salaires et de la moyenne des augmentations individuelles au sein de sa catégorie. Les mesures tendant à limiter les effets négatifs d'un congé de maternité sur le fonctionnement de l'entreprise sont également bienvenues - en particulier l'aide financière de 400 € aidant les petites entreprises à remplacer un salarié en congé de maternité ou d'adoption.

Le texte entend aussi promouvoir l'accès des femmes aux postes de responsabilité et développer l'accès des jeunes filles à l'apprentissage, en vue de les orienter vers des métiers traditionnellement réservés aux hommes. Il tend également à ce que l'accès à la formation tout au long de la vie favorise l'égalité professionnelle. On le sait, la formation continue constitue un puissant moteur d'évolution, qui doit être plus systématiquement proposé par les entreprises en ce qu'il permet aux femmes de combler leur déficit éventuel de formation initiale.

Il est temps pour nos entreprises de changer de culture ! Certaines l'ont déjà compris, en se conformant aux 18 critères du Label égalité créé en 2004. Il s'agit pour l'instant de grands groupes, mais il faut compter avec l'effet d'exemplarité de ces bonnes pratiques, tant il est vrai que l'égalité professionnelle se réalise en généralisant les meilleures expériences. A cet égard, la sphère publique ne doit pas être en reste et le Gouvernement doit se montrer attentif aux nominations auxquelles il procède. Le sort fait aux femmes à l'occasion du renouvellement du conseil d'administration du CNRS offre un parfait exemple de ce qu'il ne faut pas faire et nous avons saisi le ministre délégué à la recherche à ce sujet, dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes...

Mme la Ministre déléguée - Vous avez raison.

Mme Françoise de Panafieu - Notre pays doit tout faire pour attirer plus de jeunes femmes dans les carrières scientifiques et valoriser leur parcours.

Bien que le présent projet n'en traite pas, je souhaite évoquer le temps partiel subi. En 2004, notre Délégation aux droits des femmes en avait fait son thème d'étude et son rapport d'activité pour cette année a émis plusieurs propositions intéressantes. De son côté, le Gouvernement a organisé, entre juin et décembre 2005, quatre tables rondes sur ce thème, co-animées par Mme Vautrin et par M. Larcher et réunissant l'ensemble des parties intéressées.

Mme la Ministre déléguée - Et nous allons continuer !

Mme Françoise de Panafieu - En effet, de nouvelles concertations sont prévues à la fin de ce mois et en janvier prochain. Le 28 novembre dernier, un rapport sur le travail à temps partiel féminin a en outre été remis au Conseil économique et social. Bien conscient de la nécessité d'améliorer les conditions de travail des salariés à temps partiel, le Gouvernement a introduit le thème du temps partiel dans les négociations annuelles des entreprises et trisannuelles des branches. Il souhaite donc que le dialogue social se saisisse officiellement de cette question et nous demande d'adopter deux amendements en ce sens. Parallèlement, en application d'une disposition de la loi sur les retraites, un décret important vient d'être publié, puisqu'il permet en cas d'emploi exercé à temps partiel, qu'avec l'accord de l'employeur, les cotisations vieillesse correspondent à un emploi exercé à temps plein. Introduire cette possibilité apporte un progrès indéniable et permettra sans doute à nombre d'employeurs de fidéliser leurs salariés à temps partiel.

Je considère ce projet de loi comme une première étape intéressante en faveur du travail des femmes. Une négociation parallèle avec les partenaires sociaux doit s'engager sur tous les thèmes qu'il aborde, qu'il s'agisse de l'égalité salariale, du désenclavement du travail féminin, de la création d'entreprises par des femmes ou du temps partiel. Une conférence nationale en dressera le bilan dans trois ans, et, sous cinq ans, des sanctions financières pourront être infligées aux entreprises n'ayant fait manifestement aucun effort pour se rapprocher de l'objectif d'égalité. D'ici là, je souhaite, en vertu de l'article 86 de notre Règlement, que notre rapporteur poursuive l'excellent travail qu'il a déjà accompli en nous présentant un bilan d'étape de l'application de la loi, six mois après sa promulgation...

Mme la Ministre déléguée - Très bonne proposition.

Mme Françoise de Panafieu - Merci, Monsieur le rapporteur, du travail que vous avez réalisé, et merci par avance de persévérer ! Bien entendu, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Arlette Grosskost - Nos collègues sénateurs ont amendé de façon cohérente et souvent pertinente le présent texte, notamment pour ce qui concerne l'inclusion dans la négociation de branche ou d'entreprise des mesures tendant à supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Il est tout aussi remarquable que tout soit fait désormais pour que les congés de maternité ne pénalisent plus les carrières féminines. Notre majorité envoie là un signal fort, tant en matière de politique de la famille que d'égalité salariale. J'approuve également la majoration du montant de l'allocation de formation et la prolongation du congé parental d'éducation.

Le monde du travail ne peut rester décalé par rapport à la réalité de notre société. En effet, il existe aujourd'hui une égalité reconnue dans la sphère privée qui contraste avec l'inégalité perçue dans les sphères décisionnaires. Les Français s'accordent à reconnaître la persistance d'une inégalité entre les sexes pour ce qui concerne la vie professionnelle - et la vie politique - et il était devenu urgent de lutter contre ces disparités. Ce combat passe nécessairement par la consécration de l'égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle. Il est impératif de garantir un salaire identique et un égal accès aux responsabilités.

Un sondage de l'IFOP indique que pour plus des deux tiers des Français, c'est à la société de prendre en charge cette question, et non à la loi. A titre personnel, je partage cet avis. L'égalité doit d'abord être reconnue dans nos sociétés. Le monde du travail doit reconnaître la compétence, que le salarié soit homme ou femme ; cela vaut aussi pour toute forme de discrimination. Mais, puisque le marché du travail n'a pas su le faire, il était naturel que le législateur s'en préoccupe.

La commission des droits de la femme du Parlement européen a constaté que les écarts de rémunération s'élèvent à près de 30% dans l'Union européenne, la France se situant à mi-chemin entre les meilleurs et les plus mauvais élèves de l'Europe. Dans notre pays, le salaire moyen des hommes est toujours de 25% supérieur à celui des femmes ; si l'on tient compte du niveau de formation, de l'ancienneté, du volume horaire et des responsabilités, il reste un écart d'environ 6% qu'aucune raison objective ne permet d'expliquer ! Par ailleurs, le constat sur la situation de l'emploi féminin reste toujours aussi préoccupant : un taux de chômage supérieur à celui des hommes, des situations fréquentes de temps partiel subi, une inégalité de traitement dès le premier emploi, une surreprésentation dans les métiers taxés de « féminins » du fait de filières de formation initiale encore trop largement stéréotypées.

Dès lors, que faire ? Je passe sur le vœu pieu qui consiste à en appeler à un « changement des mentalités »... Sans doute est-il plus efficace de faire évoluer notre droit du travail, en gardant à l'esprit les limites qui s'attachent à toute action coercitive en ce type de matières. En tout état de cause, la société doit apporter des réponses qualitatives aux attentes des femmes qui souhaitent simplement concilier vie professionnelle et vie familiale.

Votre projet de loi, Madame la ministre, remplit son objectif en apportant une réponse pragmatique aux inégalités professionnelles que nous dénonçons tous. Dans un rapport publié le 7 décembre dernier, le Commissariat général au Plan rappelle que notre pays risque, dès 2015, d'affronter une crise du recrutement due à l'explosion des départs à la retraite des générations nées après 1945. D'ici une dizaine d'années, le nombre de postes à pourvoir sera en principe supérieur au nombre de jeunes sortant du système éducatif. Dans cette perspective, les femmes auront tout leur rôle à jouer ! L'augmentation du taux d'activité féminin permettra de relever le défi démographique, l'égalité salariale en étant un autre d'égale importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Boisseau - Lorsque nous avons abordé ce texte en première lecture, nous sommes collectivement convenus de la nécessité de convaincre plutôt que de contraindre. Dans cet esprit, Mme Nicole Ameline a organisé de multiples consultations, puis des négociations qui ont abouti à la conclusion de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle de mars 2004, ainsi qu'à l'élaboration du Label égalité pour les entreprises en 2005.

Fondé sur la promotion du dialogue social, ce texte met opportunément en évidence le lien entre l'égalité et la performance des entreprises. Il vient rappeler à propos que l'égalité des chances, en particulier en matière salariale, est une exigence de cohésion sociale, en même temps qu'elle dynamise la croissance et l'emploi.

Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes résultent de plusieurs facteurs. D'abord, la valorisation différenciée du même travail, selon qu'il est exercé par un homme ou par une femme, vient probablement de l'époque industrielle où le travail était plus physique. Ensuite, la culture traditionnelle voudrait que les femmes se dirigent moins naturellement vers les carrières technologiques et scientifiques, sensiblement plus rémunératrices. La mission en cours sur l'enseignement des matières scientifiques dans le primaire et dans le second degré témoigne malheureusement de la persistance de certains de ces préjugés. Connaissez-vous, Madame la ministre, les initiatives prises dernièrement pour accroître la proportion de jeunes filles dans les filières scientifiques ?

Ces deux premiers facteurs d'inégalité sont plutôt d'ordre qualitatif. Plus quantifiables, les autres font l'objet du présent texte, peu modifié par les sénateurs qui ont apporté d'utiles précisions.

Les mesures tendant à limiter les conséquences de l'absence pour maternité sur les carrières féminines sont excellentes. Elles réconcilient deux exigences : la carrière des femmes et leur maternité. Il faut accompagner ces dispositions législatives par un développement des crèches d'entreprises et des services à la personne, ainsi que par l'extension du Label égalité.

L'autre facteur principal d'inégalité salariale tient à la difficulté de bien articuler l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. Ce thème fait l'objet du titre II, auquel le Sénat a apporté plusieurs modifications d'ordre sémantique. S'agissant de l'obligation faite aux entreprises de fournir des indicateurs sur ce thème, je plaide pour ma part pour qu'on n'alourdisse pas trop les contraintes administratives pesant sur les plus petites structures. Pour les entreprises de 50 salariés et plus, il est déjà prévu d'établir un document spécifique écrit consacré à la description de la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et hommes dans l'entreprise. Sans doute ne faut-il pas aller au-delà dans les exigences de recueil statistique et généraliser cet outil.

S'agissant de l'accès aux plus hautes responsabilités - les dispositions qui y ont trait font l'objet du titre III - une évolution favorable a été enregistrée au cours des dernières années. Une disposition adoptée en première lecture tendait à introduire une obligation chiffrée dans la composition des conseils d'administration des société anonymes. Le Sénat l'a modifiée et j'approuve la rédaction qu'il a adoptée.

Dernier facteur d'inégalité salariale : le travail à temps partiel, qui fera l'objet d'un examen ultérieur mais sur lequel je voudrais faire observer deux choses. D'abord, un certain nombre de femmes souhaitent un temps partiel pour des raisons familiales. Ensuite, le travail a beaucoup changé - il y a de moins en moins de travail à la chaîne dans l'industrie, alors que celui-ci occupait de nombreuses femmes -, et les nouveaux types d'emploi requièrent des conditions de travail et des horaires différents, qui passeront notamment par le travail à temps partiel, partagé, ou segmenté. Il nous faut vraiment imaginer ces nouvelles formes de travail.

Pour terminer, je voudrais évoquer la portée internationale de cette loi. L'Europe a longtemps été un moteur de l'égalité entre les femmes et les hommes, avec pas moins de dix directives sur le sujet. La présence de vingt-quatre ministres européens dans nos tribunes lors de la première lecture montre bien que, par ce texte, la France donnera un signe fort à l'Europe et l'inspirera certainement. Je rêve qu'il soit voté à l'unanimité...

Nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour en assurer le plus rapidement possible l'application, en lien avec les entreprises et les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre déléguée - Je voudrais tout d'abord m'associer à l'hommage que Françoise de Panafieu a rendu à toutes celles qui nous ont précédées pour faire avancer la cause des femmes.

M. Baguet a évoqué l'excellent rapport de la Délégation aux droits des femmes sur l'immigration, rendu la semaine dernière : certaines de ses recommandations seront reprises dans un texte dont nous discuterons demain matin.

Pour revenir à l'égalité salariale, je voudrais rappeler que le code du travail, à l'article L. 212-4-9 donne déjà priorité aux salariés à temps partiel qui désirent occuper un poste à temps plein dans leur entreprise. Concernant le temps partiel, je vous proposerai deux amendements de portée générale, dont l'objectif est de pousser encore à la négociation. Nous avons confiance, mais c'est la dernière négociation avant sanction - que nous avons prévue en cas de besoin.

Madame Jacquaint, vous avez raison d'évoquer le problème de la retraite des femmes. Le Gouvernement en est bien conscient, et c'est pourquoi un décret a été pris il y a quelques jours pour permettre aux employeurs de cotiser à taux plein pour leurs salariés à temps partiel. C'est une mesure de justice sociale, qui permettra à nombre de femmes d'avoir une retraite plus correcte. Le Comité d'orientation des retraites nous remettra le 15 décembre son rapport sur ce sujet ô combien important.

Le désenclavement du travail des femmes en est également un, comme plusieurs orateurs l'ont souligné. Il commence dès la formation initiale : je suis frappée notamment par le faible nombre de jeunes filles qui s'orientent vers les filières scientifiques. Et il passe aussi par la formation tout au long de la vie, indispensable pour permettre aux femmes une évolution professionnelle.

Madame Grosskost, l'évolution des mentalités est un objectif de ce texte, et le Label égalité en sera un instrument. J'ai rencontré à Marseille il y a quelques jours, dans une grande entreprise française, une femme qui avait été employée de bureau et était restée au chômage pendant plus de trois ans : ayant appris que cette entreprise embauchait, elle s'est présentée et a suivi une formation d'électricien ; aujourd'hui, elle est électricienne sur hélicoptère et en est très heureuse. Je souhaite que demain, ce type de bonnes pratiques s'étende à notre tissu de PME, et c'est tout le sens de ce label.

Ce texte, appuyé sur le dialogue social comme l'a dit M. Boisseau, doit nous permettre de faire évoluer les pratiques. J'ai réuni dès septembre le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, avec lequel nous allons créer les outils de mesure des progrès ; c'est la première fois, je vous le rappelle, qu'un texte fixe un objectif chiffré. Je prends l'engagement que son application fera l'objet de rapports réguliers car tout en voulant éviter d'alourdir les procédures pour les entreprises, nous tenons impérieusement à faire vivre l'égalité salariale.

Madame de Panafieu, vous avez raison : l'Etat doit montrer le chemin. Le Premier ministre a pris des engagements. En ce qui concerne mon ministère, j'ai procédé depuis six mois à deux nominations, et ce sont les hommes qui risquent de réclamer la parité car dans les deux cas, il s'agit de femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER A

M. le Rapporteur - L'amendement 1 tend à supprimer cet article, afin d'éviter toute assimilation des absences pour maladie liée à la grossesse au congé de maternité.

Mme la Ministre déléguée - Excellent amendement !

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 21 vise à apporter des garanties en matière d'évolution de la rémunération après un congé de maternité, qu'il y ait ou non accord collectif de branche ou d'entreprise ; sa nécessité résulte des dispositions Fillon, qui ont bouleversé la hiérarchie des normes juridiques en remettant en cause le principe de faveur.

Mme Catherine Génisson - Notre amendement 56 va dans le même sens.

M. le Rapporteur - La commission comprend cette argumentation, mais elle a repoussé ces amendements au profit de son amendement 2.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable. Je préférerais l'amendement de la commission.

Les amendements 21 et 56, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 précise que les garanties apportées par un accord collectif doivent être au moins aussi favorables que celles indiquées à cet alinéa.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse, dans la mesure où il ne paraissait pas indispensable d'apporter cette précision.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 précise que le rattrapage s'effectue « à la suite » des congés.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

Mme Arlette Grosskost - L'amendement 20 tend, par souci de cohérence, à viser non seulement l'intéressement, mais aussi la participation et le plan d'épargne salariale.

M. le Rapporteur - La commission, soucieuse de ne pas surcharger le texte, a décidé de repousser cet amendement.

Mme la Ministre déléguée - Les accords de participation, notamment ceux qui concernent l'ouverture d'un plan d'épargne salariale, sont collectifs et ne permettent pas de distinguer les salariés. Il n'existe donc pas de risque de discrimination.

Mme Catherine Génisson - Cet amendement me semblait intéressant, mais je suis sensible à l'argument de Mme la ministre.

L'amendement 20 est retiré.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 4 de Mme Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint - L'article 2 impose déjà à la salariée de justifier de son état de grossesse. Afin de laisser un peu de souplesse au dispositif, il est proposé de supprimer l'exigence d'un certificat médical.

Mme Catherine Génisson - Les membres du groupe socialiste avaient demandé en commission à cosigner l'amendement.

L'amendement 4, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART.3

Mme Muguette Jacquaint - Nous l'avons vu, les écarts de rémunération sont une manifestation des inégalités entre les femmes et les hommes. L'application de la loi Génisson est corrélée à la taille des entreprises. En effet, la proportion d'entreprises ayant conduit des négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, qui est de 19% en 2004, monte à 32% pour les entreprises de plus de 1 000 salariés.

L'amendement 23 tend à améliorer les dispositifs de négociation et ajoute à l'égalité salariale toutes les dimensions constitutives de l'égalité professionnelle.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission a estimé que cet amendement ne correspondait pas à l'objet spécifique des négociations nouvelles, à savoir la suppression des écarts de rémunération. Par ailleurs, elle s'est demandé en quoi l'augmentation de la fréquence des négociations permettrait d'en accroître l'effectivité.

Mme Muguette Jacquaint - Parce que, dans certaines entreprises, ces négociations n'ont pas lieu !

Mme la ministre déléguée - Le Gouvernement partage le souci de Mme Jacquaint d'inclure toutes les dimensions de l'égalité dans la négociation spécifique de branche. Toutefois, cet objectif est rempli par l'article 3, qui vise à intégrer la négociation spécifique dans les négociations obligatoires de branche. Par ailleurs, il ne semble pas utile d'introduire une nouvelle périodicité. Avis défavorable.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Catherine Génisson - L'amendement 57 permet de préciser quels sont les écarts éventuels de rémunération et d'expliciter ce que sont les rémunérations.

M. le Rapporteur - La commission a considéré qu'il s'agissait d'une précision bienvenue.

Mme la ministre déléguée - Le Gouvernement partage cette analyse.

L'amendement 57, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 68 est rédactionnel.

L'amendement 68, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Il s'agit, par l'amendement 5, cosigné par Mmes Jacquaint et Génisson, de réintégrer le caractère loyal et sérieux des négociations dans ce texte, précision retirée par le Sénat.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 30 est identique. On a vu certaines négociations dénuées de sérieux et de loyauté, c'est pourquoi il est sage de le préciser dans la loi.

Mme la ministre déléguée - Il me semble que le principe de loyauté et de sérieux sous-tend la négociation de toute convention ou de tout accord, du moins faut-il l'espérer. Un certain nombre de dispositions du code du travail le prévoient. Cela étant, vu le caractère particulièrement sensible de la question et l'unanimité de votre assemblée, je m'en remets à sa sagesse.

Les amendements 5 et 30, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 67 est de coordination.

L'amendement 67, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 6 sur proposition de Mme Génisson.

Mme Catherine Génisson - Il tend à supprimer le IV qui pourrait rendre inopérantes les dispositions de la loi.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la ministre déléguée - Nous avons longuement évoqué le temps partiel. Comme vous l'avez compris, nous avons déjà tenu avec M. Larcher quatre tables rondes avec les représentants patronaux des fédérations professionnelles ; la Commission nationale de la négociation collective ; les représentants des salariés des secteurs de la propreté, du commerce, de la grande distribution, des services aux personnes et de la sécurité ; les organisations patronales, les syndicats de salariés représentatifs. Un rapport nous a été remis par le CES et de nouvelles étapes de concertation sont prévues.

Cela étant, le Gouvernement est conscient de la nécessité d'améliorer les conditions de travail des salariés à temps partiel. L'amendement 43 vise ainsi à renforcer le dialogue social au sein de l'entreprise, tout en laissant aux partenaires sociaux le soin de définir les modalités précises pour la mise en œuvre des différents thèmes abordés par la négociation.

Cette démarche s'inscrit dans la continuité de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui a voulu donner une place plus importante à l'accord d'entreprise.

L'amendement 43 modifie en ce sens la rédaction du cinquième alinéa de l'article L. 312-12 du code du travail - et non du troisième comme il est écrit.

M. le Rapporteur - La commission a jugé cet amendement ainsi rectifié comme opportun : il convient de laisser toute leur place à la concertation et à la négociation collective en matière de temps partiel mais aussi d'établir un échéancier, semblable à celui adopté pour les négociations spécifiques, à savoir tous les trois ans.

Mme Catherine Génisson - Les explications de Mme la ministre me laissent perplexe. D'abord, il ne s'agit pas de la négociation de l'accord d'entreprise mais de la négociation d'accord de branche. Ensuite, il semble paradoxal de laisser d'un côté à l'entreprise le soin de conduire la négociation selon des critères pertinents issus de la loi de 2001, et de l'autre imposer le sujet du temps partiel.

Le temps partiel figure parmi les critères. Cet amendement est donc superfétatoire. En revanche, pour traiter du temps partiel, nous pourrions légiférer sur le délai de prévenance, sur la durée et le nombre des interruptions de travail dans une journée, sur les heures complémentaires, ou encore sur la priorité donnée aux employés à temps partiel pour l'accès aux heures supplémentaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je soutiens cet amendement car même si les conditions de travail sont en effet incluses dans les thèmes énumérés, le rajout de la question du temps partiel témoigne du volontarisme gouvernemental. En outre, Mme la ministre a eu raison de réunir le Conseil supérieur à l'égalité professionnelle, ce qui n'avait pas toujours été le cas dans le passé, et celui-ci pourra donner son avis sur cette question.

Je souhaite enfin que la question du temps partiel demeure une priorité afin d'améliorer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Mme Muguette Jacquaint - La précarité, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est en effet une question essentielle. Or, nous savons que dans le secteur de la grande distribution par exemple, et l'actualité en témoigne, des salariées apprennent deux heures avant la fin de leur journée qu'elles doivent revenir travailler le lendemain alors que cela n'était pas prévu. Comment, dans ces conditions, organiser la garde d'un enfant ? La semaine dernière, l'Assemblée a voté un texte censé favoriser le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux, mais si c'est ce type d'emploi qui est proposé, une femme seule préférera rester au RMI ou à l'ASS. L'amendement du Gouvernement ne règle en rien cette situation.

Mme Catherine Génisson - On se donne bonne conscience avec pas grand chose. Je répète que la mention des conditions de travail inclut la question du temps partiel mais si le Gouvernement veut travailler précisément sur cette question, il faut tenir compte des sujets spécifiques en la matière. L'amendement du Gouvernement, que l'on ne peut pas ne pas voter certes, n'aura aucune incidence sur la négociation avec les entreprises.

Mme la Ministre déléguée - Le temps partiel est en effet cité dans les accords de droit commun aux articles L. 132-27 ou L. 132-12 du code du travail mais il n'est pas cité dans les négociations spécifiques sur l'égalité. Nous pourrons mettre ainsi en place des indicateurs ad hoc. Nous ne cherchons pas à nous donner bonne conscience : nous voulons avancer.

L'amendement 43, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Pierre-Christophe Baguet - L'article L. 132-27 du code du travail précise que l'employeur est tenu chaque année d'organiser une négociation sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle. Suite aux conclusions du rapport d'information du Sénat de Mme Gisèle Gautier sur la situation professionnelle des femmes, l'amendement 27 vise à ce que cette négociation puisse s'insérer dans une négociation professionnelle obligatoire plus large déjà existante. En effet, le rapport montre qu'une majorité d'entreprises n'ont jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle et sont néanmoins favorables à l'intégration de cette thématique dans les négociations obligatoires existantes. Plus une l'entreprise est petite, plus il est difficile d'engager à la fois les négociations spécifiques et les négociations non spécifiques. Je sais que M. le rapporteur a déjà répondu à Mme Comparini que cela était redondant avec l'article L. 132-27, mais cela ira mieux en le répétant.

M. le Rapporteur - Avis défavorable car cet amendement est en effet déjà satisfait par l'article L. 132-27, alinéa 1, du code du travail.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3 BIS

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 45 propose de supprimer la référence au seuil de onze salariés pour la mise en place des délégués du personnel dans l'entreprise. Ceux-ci n'étant pas en tant que tels des négociateurs, ce seuil n'a pas de raison d'être. En outre, des entreprises de moins de onze salariés peuvent très bien, en l'état actuel du droit, être soumises à l'obligation de négocier, soit parce que la convention collective qui leur est applicable prévoit la possibilité de désignation d'un délégué syndical quel que soit l'effectif de l'entreprise, soit parce qu'un accord de branche étendu permet la négociation en l'absence de délégué syndical avec le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou un ou plusieurs salariés mandatés. Ainsi, la rédaction proposée permet de limiter le recours à la décision unilatérale de l'employeur aux entreprises non soumises à l'obligation de négocier.

M. le Rapporteur - Cet amendement de bon sens permet de concilier le nécessaire établissement d'objectifs en matière d'égalité professionnelle dans les petites entreprises et l'exonération de cette obligation pour les entreprises déjà soumises aux obligations de négociations en matière d'égalité professionnelle et salariale. Avis favorable.

L'amendement 45, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 7 est rédactionnel.

Mme Catherine Génisson - L'amendement 58 est identique.

Les amendements 7 et 58, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 42 vise à ne pas limiter les mesures de réduction des écarts de rémunération aux seuls écarts non justifiés : il s'agit de ne pas réduire la portée de l'accord d'entreprise. Il importe d'intégrer dans la politique de ressources humaines de l'entreprise d'autres éléments liés au temps partiel, à la nature du contrat, à la promotion des femmes dans l'entreprise, autant d'éléments qui influent sur l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Il convient d'être cohérent dans la recherche de la réduction des écarts de rémunération entre le niveau de l'entreprise et celui de la branche. De plus, les entreprises couvertes par un accord de branche devront appliquer les mesures prises en vertu de l'article 3 de la présente loi.

M. le Rapporteur - Il faut en effet éviter de faire figurer dans ce texte des éléments susceptibles d'atténuer la portée des nouvelles obligations établies ou d'accroître les contentieux.

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Génisson - L'amendement 59 apporte une précision.

L'amendement 59, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Pour enrichir la négociation et permettre aux partenaires sociaux de fixer des objectifs en matière d'égalité professionnelle, l'employeur doit repérer et analyser la situation des hommes et des femmes au sein de son entreprise et définir les actions visant à supprimer les inégalités. Tel est l'objet du rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Le contenu de ce rapport a été renforcé par la loi sur l'égalité professionnelle du 9 mai 2001.

Ce document sert, d'une part, de fondement au dialogue social sur l'égalité professionnelle, et d'autre part, il donne au comité d'entreprise, puis aux salariés, une information plus précise et plus lisible. Il comporte désormais une analyse d'indicateurs pertinents reposant sur des éléments chiffrés et définis par décret. Sont ainsi considérés comme pertinents : la rémunération moyenne mensuelle des femmes et des hommes par catégorie d'emploi occupé et la répartition entre les hommes et les femmes par type d'action de formation. La qualité et la pertinence des négociations et des mesures qui figurent dans les accords collectifs conclus dépendent fortement du diagnostic initial, et donc de l'élaboration de ce rapport de situation comparée. Or, le recours à l'expertise n'est pas encore prévu par notre législation sur ce point et nous pouvons penser que, parfois, cette absence est due à un problème de méthode. L'amendement 31 vise à pallier cette lacune afin de favoriser des négociations performantes.

Mme Catherine Génisson - Après l'argumentation détaillée de Mme Jacquaint, je précise simplement que, pour un bon traitement, il faut élaborer un bon diagnostic et que l'expertise peut y participer. Tel est le sens de l'amendement 60.

M. le Rapporteur - Je suis d'accord : un bon diagnostic est nécessaire...

Mme Catherine Génisson - Adoptez donc ces amendements !

M. le Rapporteur - ...mais le dispositif inscrit dans le projet suffit, puisqu'il fait déjà obligation, en matière de négociation d'entreprise comme de négociation de branche, d'établir un diagnostic des écarts éventuels de rémunération sur la base d'éléments fournis dans le rapport de situations comparées. J'ai d'autre part proposé un amendement, aujourd'hui intégré au texte, permettant la mise en œuvre d'une procédure de « reporting », élaboration d'outils spécifiques et collecte des informations relatives aux écarts de rémunération par le conseil supérieur de l'égalité professionnelle dans ce même but. Avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la Ministre déléguée - Nous partageons le souci d'un bon diagnostic. Quant au traitement, c'est à l'ensemble des partenaires sociaux de l'établir dans le cadre du plan de résorption des écarts sur la base des éléments d'un rapport fourni par le chef d'entreprise. C'est donc à eux de décider, dans le cadre de la négociation commune, de la possibilité de recourir à un expert. Avis défavorable aux deux amendements.

Les amendements 31 et 60, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 8 vise à réintégrer le caractère « sérieux et loyal » des négociations.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 69 est rédactionnel.

L'amendement 69, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 9 sur proposition de Mme Génisson.

Mme Catherine Génisson - L'argumentation est identique à celle concernant le quatrième paragraphe de l'article 3. La proposition introduite par le Sénat contrevient à l'esprit de la loi.

L'amendement 59, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 44 vise à renforcer le dialogue social au sein de l'entreprise en laissant aux partenaires sociaux le soin de définir les modalités précises de la mise en œuvre des thèmes sur lesquels doit porter la négociation. Par ailleurs, et comme l'avait déjà fait l'accord national interprofessionnel sur l'égalité du 1er mars, il inscrit explicitement le thème de l'articulation entre vie professionnelle et familiale dans le champ des négociations.

M. le Rapporteur - Cet amendement est conforme aux deux priorités de la commission : laisser toute sa place à la négociation collective d'une part, mais aussi prévoir un échéancier. Avis favorable.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Génisson - On sait combien les inégalités professionnelles sont graves et chacun s'accorde à en faire une priorité. On a aussi rappelé que le législateur ne s'est pas montré avare sur le sujet : pensons par exemple aux textes de 1972, de 1983 et du 9 mai 2001. Tout nouveau texte doit donc avoir l'efficacité comme exigence principale. La confiance que nous avons dans les partenaires sociaux et dans la qualité des négociations dans l'entreprise ne doit pas nous empêcher de déterminer une sanction lorsqu'il y a échec dans l'ouverture de la négociation. C'est l'objet de l'amendement 61. Un tel dispositif existe déjà à propos d'autres sujets de négociation dans l'entreprise et il n'y a pas de raison d'être moins exigeant pour l'égalité professionnelle.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 32 a le même objet. Il ne s'agit ni plus ni moins que de faire respecter la loi : si des négociations doivent être ouvertes et qu'elles ne le soient pas, il faut une sanction ! On nous reproche d'avoir des idées préconçues à l'encontre des employeurs, mais force est de constater que beaucoup d'entre eux se font tirer l'oreille ! Si le présent texte ne prévoit pas de sanction, il faudra revenir discuter du sujet dans quelques années...

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 25 a aussi le même objet. Il y a toujours mille et une raisons de reporter la négociation, et certains arguments sont même de bonne foi ! Sans parler de la difficulté à inscrire des textes à l'ordre du jour du Parlement, quels que soient les gouvernements et les époques... Il me semble donc que l'échec du texte dans cinq ans est déjà prévisible et qu'il serait bienvenu d'appliquer le principe de précaution. En revanche, la rédaction est peut-être un peu brutale. Je propose de rectifier mon amendement afin que la contribution sur les salaires s'applique à l'échéance du délai de cinq ans accordé pour la négociation. Cela éviterait d'avoir à repasser devant les deux chambres : songez au temps qu'il a fallu pour arriver à la deuxième lecture du texte ! Il me semble que cela serait un message fort en direction des femmes, ainsi que des partenaires sociaux.

Mme la Présidente - Il s'agira donc de l'amendement 25 rectifié.

M. le Rapporteur - Le texte présente un équilibre entre responsabilisation des partenaires sociaux et sanction éventuelle. La sanction ne doit donc pas être applicable dès l'entrée en vigueur du texte : ce serait justement donner acte par avance de son échec ! D'autant que, pour que la sanction soit probable, il faut préciser les modalités d'élaboration du rapport d'évaluation par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. C'est l'objet d'un amendement adopté par la commission. Celle-ci a donc rejeté ces amendements et, à titre personnel, je donne un avis défavorable à la rectification de M. Baguet.

Mme la Ministre déléguée - La voie est en effet étroite entre la volonté d'inciter à la négociation et l'envie légitime d'aller plus vite et de passer sans délai à la sanction. Le Gouvernement a choisi la négociation. Il a, ce qui est sans précédent, produit des objectifs chiffrés et mis en place des critères d'évaluation qui permettront au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle de savoir où nous en serons d'ici deux ans. Il suffira alors de vous présenter un texte - deux articles ! - pour mettre la sanction en place. La prévoir dès aujourd'hui reviendrait à priver la négociation de ses chances. C'est le dernier avis avant sanction. Notre détermination devrait nous permettre d'avancer par la négociation et sans alourdir les procédures.

M. Pierre-Christophe Baguet - Il est vrai que le chemin est étroit, mais le manque de progrès en matière d'égalité professionnelle est principalement un problème de mentalité. Or, la peur du gendarme est souvent le début de la sagesse ! Il n'est pas question d'appliquer d'ores et déjà une sanction, mais d'en prévoir une à l'échéance du délai de cinq ans.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Le grand mérite du texte est de mettre en avant le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Mme la ministre croit en son rôle et lui demande d'exercer ses prérogatives. C'est une avancée extraordinaire par rapport à la première lecture.

Mme Catherine Génisson - Le groupe socialiste n'est pas favorable à la rectification de M. Baguet. Pour le reste, refuser nos amendements est un signe négatif envers les négociateurs. Après la loi du 9 mai 2001, après l'accord interprofessionnel de 2004, vous dites aux partenaires sociaux d'essayer de négocier, mais que sinon, ce n'est pas grave ! Lorsque le passage est étroit, n'oubliez pas qu'on a tendance à ne pas l'emprunter ! Le résultat sera tout simplement d'attendre le prochain rapport et la prochaine loi... La sanction n'aurait aucun effet sur les chefs d'entreprise qui ont déjà envie de négocier, mais c'est des autres que nous devons nous occuper ! Et, pour eux, elle aurait un poids certain ! On a déjà trop tardé. Il est très bien de présenter des objectifs quantifiés, mais pour qu'ils deviennent réalité, la menace de sanction est indispensable. Nous ne faisons pas de procès d'intention, nous faisons le constat que certains refusent d'avancer.

Mme Muguette Jacquaint - En refusant les amendements, vous refusez toute chance à ce texte ! La réalité est pourtant là : certaines entreprises ont lancé des négociations, et d'autres traînent les pieds ! Il faudrait tout de même arriver à les faire bouger avant cinq ans ! Je sais qu'il est toujours difficile de parler de sanctions, mais il est bien d'autres situations où l'on est sanctionné si l'on ne respecte pas la loi !

Mme la Ministre déléguée - On ne perd pas cinq ans ! L'évaluation étant prévue à mi-parcours, c'est au plus tard en 2008 que les sanctions seront appliquées. Il faut avancer de façon graduée : le texte de 2001 ne présentait aucun objectif chiffré. Nous venons de franchir un pas sur ce point. Le prochain, ce seront des sanctions si nécessaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Une sanction à mi-parcours est une bonne chose. Le délai de deux ans et demi paraît certes long, mais c'est une avancée.

Les amendements 61 et 32, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 25 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 33 vise à rendre obligatoires les négociations annuelles relatives au temps partiel, et bisannuelles relatives à l'égalité professionnelle.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ici comme au Sénat, Mme la ministre a souhaité une concertation avec les partenaires sociaux avant de prendre une mesure législative. En effet, le présent texte n'est pas le vecteur adéquat pour traiter de la question du temps partiel : deux amendements du Gouvernement visent d'ailleurs à garantir le dialogue social par des rendez-vous réguliers.

Mme la Ministre déléguée - Même avis : c'est un amendement superfétatoire. Le code du travail prévoit déjà une négociation annuelle obligatoire sur l'égalité professionnelle, et une autre sur le temps partiel.

Mme Martine Lignières-Cassou - Cet amendement va pourtant dans le sens des amendements que le Gouvernement présentait plus tôt !

Mme la Ministre déléguée - Non, car nos amendements portaient sur les négociations spécifiques à l'égalité salariale, et non au temps partiel.

L'amendement 33, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

Mme Martine Lignières-Cassou - De plus en plus, les salariés pauvres sont des femmes qui travaillent à temps partiel, notamment dans des secteurs qui ne sont pas soumis à la concurrence mondiale. L'amendement 51 vise donc à assortir les heures complémentaires d'une majoration salariale de 25% pour les employés à temps partiel subi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Conformément à l'économie d'ensemble du régime, les heures complémentaires font partie de dispositifs spécifiques de temps partiel et ne donnent à ce titre lieu à aucune majoration.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

L'amendement 51, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - Dans le même esprit, l'amendement 47 vise à faire bénéficier les salariés à temps partiel d'une majoration pour les heures complémentaires au même taux que les salariés à temps complet.

L'amendement 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - Le temps partiel subi est un véritable fléau. L'amendement 48 vise à créer pour le salarié - ou, dans 80% des cas, la salariée - un droit de refus d'effectuer des heures complémentaires ou de modifier son temps de travail. Ce droit doit être porté à sa connaissance.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. C'est un amendement inopportun : le droit du travail réglemente déjà le temps partiel. Dans tous les cas, le contrat de travail à temps partiel est écrit et mentionne la durée du travail. La répartition du temps de travail, prévue par le code du travail, ne peut être modifiée et constitue un élément du contrat.

Mme la Ministre déléguée - Même avis. Le code du travail prévoit déjà le droit pour le salarié de refuser les heures complémentaires ou la modification de son temps de travail sans encourir une sanction, voire un licenciement. La législation protège donc assez le salarié : nul besoin de la modifier.

Mme Muguette Jacquaint - Si la législation protège ce droit de refus du salarié, je ne suis pas sûre qu'un tel refus n'entraîne pas parfois un licenciement. En acceptant cet amendement, vous montreriez que vous tenez à ce droit.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - Le délai de prévenance, de sept jours, pèse aussi sur les salariés à temps partiel, parce qu'il est souvent réduit par dérogation à trois jours : comment, dans ces conditions, concilier vie familiale et vie professionnelle ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'article L. 212 du code du travail encadre strictement la possibilité de réduire le délai de prévenance par de nombreuses garanties : conditions fixées par conventions ou accords collectifs, justification par les caractéristiques particulières de l'activité et contreparties au bénéfice du salarié.

Mme la Ministre déléguée - Même avis. Dans certaines activités - les services à la personne par exemple - il n'est pas toujours facile d'allier le délai de prévenance aux contraintes du travail. Pour autant, la loi prévoit que sa réduction résulte d'un accord collectif et entraîne des contreparties. C'est aux partenaires sociaux de déterminer si elle est justifiée ou s'il y a préjudice. Ils peuvent également négocier des délais de prévenance plus longs.

Mme Muguette Jacquaint - En matière de délai de prévenance, la justification vaut à la fois pour le salarié et pour l'employeur. Or, en cette période de fêtes, lorsque les ventes des grands magasins augmentent, le délai de prévenance n'est jamais respecté ! A défaut de l'écrire, on le dit clairement à la salariée : « Si tu ne viens pas demain, tu peux prendre la porte ! » Il est donc essentiel d'accepter cet amendement.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - C'est incroyable !

Mme Martine Lignières-Cassou - Dans le même esprit, l'amendement 64 vise à confier de nouveau aux accords de branche le soin d'apporter des dérogations au délai de prévenance. La possibilité de prendre de telles dispositions par de simples accords d'entreprise risque en effet d'aggraver la précarisation des salariés à temps partiel, et notamment les femmes - ce sont elles qui travaillent majoritairement à temps partiel.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Mêmes raisons que pour les autres amendements relatifs au temps partiel.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - Chacun sait que le temps partiel est le plus souvent subi et non choisi. L'amendement 52 tend donc à ce que les heures supplémentaires soient proposées en priorité à ceux qui travaillent à temps partiel.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté également cet amendement.

Mme la Ministre déléguée - La mise en œuvre du dispositif « heures choisies » est déjà encadrée par un accord collectif et ne nécessite donc pas de nouvelles clauses obligatoires. S'ils souhaitent travailler davantage, les salariés à temps partiel peuvent modifier leur volume d'heures travaillées par un avenant à leur contrat de travail, sous réserve d'un accord avec leur employeur. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

Mme Muguette Jacquaint - Ce sont des temps complets et non des heures supplémentaires que demandent les salariés à temps partiel ! Leur temps de travail ne leur permet pas de vivre ! Vous ne voulez pas aller au fond du problème en luttant contre le travail précaire imposé. Il fait pourtant des ravages considérables aujourd'hui !

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - L'amendement 50 vise à mieux concilier les activités professionnelles et les responsabilités familiales en encadrant davantage les accords sur l'organisation du temps partiel. Il s'agit de limiter l'amplitude des horaires dans une journée.

M. le Rapporteur - La commission a décidé de ne pas revenir sur ces dispositions, d'ailleurs introduites par la loi Aubry II. Elle a donc repoussé l'amendement.

Mme Muguette Jacquaint - Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire !

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable : ce sujet fait débat au sein même des fédérations de syndicats !

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - L'amendement 46 a pour objet de dissuader les entreprises de recourir abusivement au temps partiel. La baisse des cotisations patronales a en effet favorisé le développement du temps partiel. Leur majoration permettrait a contrario de freiner ce phénomène. Si le nombre d'employés travaillant à temps partiel dépasse 25% des effectifs, les cotisations seraient par exemple majorées de 10%.

M. le Rapporteur - Outre l'inopportunité de toute disposition relative au temps partiel, il ne me semble pas que des sanctions frappant les entreprises permettraient d'améliorer le sort des salariés. Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Cet amendement n'entre pas dans le cadre de la présente loi. Sur le fond, est-ce en augmentant le coût du travail que l'on améliorera l'offre d'emploi ?

Mme Martine Lignières-Cassou - L'expérience a pourtant montré que l'allégement des cotisations patronales portant sur les emplois à temps partiel a encouragé leur développement ; une fois le dispositif supprimé par la loi sur les 35 heures, nous avons au contraire constaté leur régression. Nous pensons donc qu'une majoration des cotisations aurait un effet positif.

Mme Muguette Jacquaint - Nous voilà de nouveau au cœur du débat sur les trappes à bas salaires ! Si nous voulons enrayer le recours au travail à temps partiel imposé, nous devons prendre des mesures permettant de lutter contre cette forme de travail non choisie.

Cette situation conduit en effet à des salaires de misère : on peut travailler et être pauvre en France ! Ce que nous voulons, ce sont des actes, pas des paroles !

L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4 BIS

Mme Muguette Jacquaint - La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 ne fait plus du service des droits des femmes et de l'égalité une partie intégrante du service public de l'emploi. Il y a même eu, dans certains départements, une baisse inquiétante des moyens alloués aux centres d'information des droits des femmes.

Mme la Ministre déléguée - Aux CDIF ?

Mme Muguette Jacquaint - Mais oui ! Depuis la déconcentration et la globalisation des moyens de lutte contre le chômage de longue durée et en faveur de l'insertion des publics en grande difficulté, le service des droits de femmes et de l'égalité doit pourtant être associé à la préparation et au pilotage du programme globalisé de la politique de l'emploi. Conformément à nos engagements européens, d'ailleurs repris par les plans nationaux d'action pour l'emploi, cette nouvelle orientation a permis de définir un objectif quantitatif de réduction du chômage de longue durée des femmes.

Il est donc nécessaire que le service des droits des femmes et de l'égalité reste dans le noyau dur du service public de l'emploi et que nous garantissions ainsi une approche intégrée de l'égalité professionnelle.

Mme la Ministre déléguée - Le service des droits des femmes continue à faire partie intégrante du service public pour l'emploi. J'ai déjà eu l'occasion de le dire au Sénat.

Je voudrais par ailleurs rendre hommage à l'action des CDIF, dont j'ai personnellement souhaité la présence sur les plateformes d'accueil et d'intégration, qui sont souvent le seul endroit où l'on peut entrer en contact avec les femmes issues de l'immigration. Comme l'a fort bien souligné Mme Zimmermann, leur action est en effet remarquable ! J'ajoute que leur budget a été reconduit à l'identique.

Afin de compléter l'action des CDIF, je souhaite également doubler le nombre d'ateliers « santé ville », ce qui permettra de renforcer les contacts avec les femmes habitant dans les quartiers sensibles, et en particulier de mieux les informer sur la contraception.

L'article 4 bis, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4 BIS

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 24 tend à sensibiliser les inspecteurs du travail au rôle et aux objectifs du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.

M. le Rapporteur - Votre proposition est louable, Monsieur Baguet. Hélas, elle ne relève pas du code du travail. La commission a donc émis un avis défavorable.

Je voudrais également vous rappeler que les inspecteurs du travail ont déjà de nombreuses compétences en la matière : ils ont pouvoir de constater des infractions au principe d'égalité des rémunérations, de veiller au respect de l'ensemble des normes sociales, qu'elle soient de nature légale, réglementaire ou conventionnelle, et de constater les infractions au principe de non-discrimination. Enfin, les rapports de situation comparée doivent leur être transmis.

Mme la Ministre déléguée - Si je comprends parfaitement l'intention, je relève que l'amendement entre dans le domaine réglementaire. Avis défavorable.

Mme Martine Lignières-Cassou - Certes, nous sommes dans le champ réglementaire, mais cet amendement est intéressant. Toutefois, je me demande quels inspecteurs du travail pourraient réaliser de tels contrôles, ils sont de moins en moins nombreux.

Mme Muguette Jacquaint - L'inspection du travail a effectivement de lourdes tâches, mais elle manque cruellement de moyens. Personne ne peut l'ignorer !

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L'ART. 5

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 28 appelle à l'aménagement des plages de travail à temps partiel afin de lutter contre les excès constatés. Il vise à éviter que l'employeur impose des temps de travail attentatoires à la vie privée et familiale, avec de trop grandes coupures dans une même journée.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Même avis. Vous avez raison de mettre en avant la nécessité d'une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle mais il revient en priorité à la négociation collective de branche de proposer des solutions adaptées. Je suis parfaitement consciente des difficultés que créent des horaires décalés, notamment pour les femmes de ménage qui nettoient les bureaux et doivent travailler très tôt le matin ou tard dans la soirée.

Mme Martine Lignières-Cassou - Je regrette que M. Baguet n'ait pas soutenu notre amendement tendant à encadrer les amplitudes horaires car il était, sur le même objectif, plutôt de meilleure facture... Quoi qu'il en soit, je suis favorable à son amendement.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 5

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

Mme Muguette Jacquaint - Je retire mon amendement 34 car c'était un cavalier.

ART. 6

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

Mme Arlette Grosskost - L'amendement 19 insère un article L. 122-28-1-1 dans le code du travail pour reprendre les termes de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle du 1er mars 2004.

L'amendement 19, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 36 tend à inscrire dans le code du travail que, pour un salarié, le refus de passer à temps partiel ne saurait constituer une faute ou un motif de licenciement.

L'amendement 36, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 35 supprime les exonérations de cotisations sociales liées à de nouvelles embauches lorsqu'il est établi que celles-ci s'opèrent sous le régime d'un temps partiel imposé, dont les femmes sont les premières victimes.

L'amendement 35, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 26 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Je demande à son auteur de le retirer.

M. Pierre-Christophe Baguet - Soit.

Mme Martine Lignières-Cassou - Je le reprends car il me semble effectivement souhaitable que le ou la salarié(e) à temps partiel bénéficie en priorité d'un droit d'affectation aux emplois à temps plein vacants ou créés par son employeur.

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 7

Mme Martine Lignières-Cassou - Les ambiances de travail où existent du harcèlement sexiste ou du harcèlement sexuel sont manifestement incompatibles avec la réalisation de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. C'est pourquoi notre amendement 62 tend à modifier l'article L. 122-46 du code du travail relatif au harcèlement en reprenant une définition élargie du harcèlement sexuel, elle-même conforme à la directive du 23 septembre 2002 que la France devait transposer avant le 5 octobre dernier. Il est à noter que cette définition élargie du harcèlement sexuel est déjà mise en œuvre de façon implicite par la jurisprudence.

M. le Rapporteur - L'interdiction du harcèlement sexiste est déjà assurée par celle du harcèlement moral : c'est une constante de la doctrine juridique et de la jurisprudence. Aussi, la position de la France est de considérer comme transposées les dispositions de la directive qui a été citée, en considérant que relève du harcèlement fondé sur le sexe toute situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non, survient, avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne, et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Nous sommes là dans la définition même du harcèlement moral. Le droit positif est donc conforme à la directive et il doit être clair que la victime bénéficie à ce titre des règles d'aménagement de la charge de la preuve. Cet amendement est donc inutile, d'où son rejet par notre commission.

Mme la Ministre déléguée - Peu à ajouter à la réponse très complète de votre excellent rapporteur : la disposition légale qui sert la transposition de la directive étant l'article L. 122-49 du code du travail, le Gouvernement est défavorable à cet amendement superflu.

Mme Martine Lignières-Cassou - Les femmes n'ont aucun intérêt à ce que l'on confonde harcèlement sexuel et harcèlement moral. Ces deux formes de violences existent et il convient de les reconnaître toutes deux.

Mme Muguette Jacquaint - J'avais déposé un amendement identique et je souscris aux propos de Mme Lignières-Cassou. Le harcèlement à caractère sexiste, peu reconnu, constitue une atteinte particulièrement grave à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 9

M. le Rapporteur - Le Sénat a souhaité transformer le délai de trois mois qui liait la fin du congé parental d'éducation au début de la formation en liant l'embauche au début de la formation, de manière à garantir le caractère « initial » de la formation ainsi accordée, et à laisser au salarié au chômage suffisamment de temps pour retrouver un emploi. L'amendement 10 tend à rétablir le délai de six mois suivant le terme du congé pour redonner un caractère réellement incitatif à l'embauche.

Mme la Ministre déléguée - Je suis favorable à cet amendement car il permet de favoriser la réinsertion professionnelle du salarié et de limiter les effets d'aubaine, tout en donnant plus de transparence au dispositif.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 9 ainsi modifié.

ART. 10

M. le Rapporteur - L'amendement 11 est de coordination.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 10 ainsi modifié.

ART. 10 BIS

L'article 10 bis, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10 BIS

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 65 2e rectification, traite du très important sujet des enfants prématurés dont l'état nécessite une hospitalisation post-natale, ces situations représentant environ 7% des naissances. Les mères concernées doivent surmonter un choc psychologique notable qu'il convient, dans la mesure du possible, de compenser, d'autant qu'il peut fragiliser le lien avec leur enfant, gage de son développement harmonieux. L'article 10 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a institué un congé supplémentaire pour les mères placées dans cette situation. Las, faute de l'avoir prévu dans le code de la sécurité sociale, ce congé n'est pas indemnisé. Lors de la première lecture du présent texte, en juillet dernier, un amendement a permis de corriger partiellement cette anomalie. Plus récemment, un amendement au PLFSS a été adopté en vue d'en accélérer l'application. En dépit de ces avancées, le dispositif ne s'applique qu'aux femmes salariées, fonctionnaires ou exploitantes agricoles. C'est pourquoi le Gouvernement propose d'étendre le bénéfice de ce congé supplémentaire aux femmes artisanes, industrielles, commerçantes, avocates, infirmières libérales, médecins et autres professionnelles libérales, lesquelles peuvent comme les autres accoucher prématurément et doivent elles aussi faire face à l'hospitalisation de leur enfant. L'amendement modifie l'article 10 de la loi du 11 février précitée et élargit le champ du dispositif à l'ensemble des professions non salariées. Il précise dans les différents codes la durée de ce congé supplémentaire, au regard des différentes dispositions régissant les congés de maternité. Enfin, s'agissant des femmes fonctionnaires, il est proposé pour des raisons de bonne administration de supprimer les dispositions inutiles introduites par la LFSS et de renvoyer aux différents statuts.

M. le Rapporteur - Avis très favorable. Cet amendement règle un problème délicat et met en sécurité juridique un dispositif jusqu'alors très imparfait.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je tiens, Madame la ministre, à vous remercier tout particulièrement car votre amendement répond à une préoccupation bien réelle des mères d'enfants prématurés qui travaillent. Votre proposition est tout à fait bienvenue et trouve parfaitement sa place dans ce texte.

Mme Martine Lignières-Cassou - Nous voterons cet amendement, qui assure l'égalité des droits entre les mères.

Mme Muguette Jacquaint - Même approbation.

L'amendement 65, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 12

Mme Marie-Jo Zimmermann - La Délégation aux droits des femmes soutient l'amendement 72 de M. Baguet, qui demande au Gouvernement de transmettre au Parlement, au plus tard le 1er juin 2006, un rapport étudiant la possibilité de fractionner le droit au congé parental - et l'allocation qui l'accompagne - ou la période d'activité à temps partiel, de manière que le ou la salarié(e) qui n'a pas usé de la totalité de son droit puisse en bénéficier au-delà du troisième anniversaire de l'enfant.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais j'y suis favorable à titre personnel.

Mme la Ministre déléguée - C'est une excellente suggestion : avis favorable.

Mme Martine Lignières-Cassou - Nous soutenons cet amendement, qui est issu d'une recommandation de la Délégation.

L'amendement 72, mis aux voix, est adopté.

ART. 12 TER A

Mme Muguette Jacquaint - Il est toujours facile de remettre en question l'efficacité d'une mesure lorsque les moyens manquent pour la pérenniser... La proportion des enfants qui entrent à l'école à 2 ans est aujourd'hui de trois sur dix, mais elle a tendance à baisser et est très variable d'un département à l'autre et même d'une ville à l'autre. Pourtant, d'après tous les rapports, cette scolarisation précoce est efficace tant sur le plan des apprentissages élémentaires que sur celui de l'intégration sociale. L'effet positif est particulièrement sensible pour les élèves de milieux défavorisés. Mais l'accueil des jeunes enfants suppose des locaux adaptés, une organisation souple de la journée scolaire, un personnel compétent et en nombre suffisant... A travers ce cavalier introduit par le Sénat, on y renonce - et c'est fort regrettable.

M. le Rapporteur - Cet article pose plus de problèmes qu'il n'en résout. Son inconvénient majeur, comme l'avait souligné Mme la ministre au Sénat, est d'éloigner encore davantage de l'emploi les femmes qui prennent un congé parental. En outre, il convient de ne pas anticiper sur la réforme de ce congé, que le Premier ministre a annoncée à l'occasion de la Conférence de la famille le 22 septembre dernier. La commission a donc adopté à l'unanimité l'amendement 12, qui tend à supprimer cet article.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 39 est identique.

Mme Martine Lignières-Cassou - Notre amendement 53 également, cet article étant ubuesque, comme l'a dit Mme Génisson en commission.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable.

Madame Jacquaint, en ce qui concerne l'accueil du jeune enfant le Gouvernement souhaite laisser le choix, les experts n'étant pas unanimes sur la scolarisation à 2 ans - je vous renvoie notamment aux rapports de la défenseure des enfants. Il a donc annoncé lors de la Conférence de la famille non seulement la création de places de crèches, mais un accompagnement de la maman qui souhaiterait réduire son congé parental à une année. Toute mesure éloignant trop longtemps la mère de son activité professionnelle fonctionne comme une trappe à précarité. Nous devons nous donner les moyens de conserver ce qui fait aujourd'hui notre spécificité : un taux de femmes actives qui est le plus élevé d'Europe, et un taux de fécondité qui reste l'un des plus élevés.

Les amendements 12, 39 et 53, mis aux voix, sont adoptés, et l'article 12 ter A est ainsi supprimé.

APRÈS L'ART. 12 TER A

Mme Arlette Grosskost - L'amendement 66 concerne le lundi de Pentecôte - qui après tout concerne beaucoup les femmes ! (Rires et exclamations) Il va dans le sens de la souplesse souhaitée par le rapport Leonetti dans l'accomplissement de la journée de solidarité !

M. le Rapporteur - Avis défavorable car il est prématuré de légiférer sur cette question. Laissons au dialogue social toutes ses chances.

Mme la Ministre déléguée - En tant qu'ancienne secrétaire d'Etat aux personnes âgées comme vous-même, Madame la présidente, j'ai bien sûr été attentive à cet amendement (Sourires), mais je crois que nous sortons de l'objet du texte ! Je vous invite à retirer cet amendement, Madame Grosskost.

Mme Muguette Jacquaint - Je constate, en tout cas, que la journée de solidarité ne fait pas recette !

L'amendement 66 est retiré.

ART. 12 TER

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est de précision.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 12 ter ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 13

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 40 tend à assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes lors des élections professionnelles et dans les instances de décision.

L'amendement 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 13 BIS

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je souhaiterais qu'un effort soit fait pour la représentation des femmes au sein des conseils d'administration dans les entreprises privées. L'amendement 14 précise donc l'objectif à atteindre et reprend exactement la rédaction de l'amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement. Son adoption marquerait symboliquement une grande avancée.

M. le Rapporteur - Cet amendement volontariste doit être salué. Avis favorable.

Mme la ministre déléguée -Il y a des moments où nous devons montrer notre volonté et avancer ensemble. L'objectif de 20% est modeste, et tout à fait inaccessible. Avis favorable.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Merci.

L'amendement 14, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 13 bis ainsi modifié.

ART. 13 TER

Mme Marie-Jo Zimmermann - L'amendement 15 concerne les élections au comité d'entreprise. Il reprend l'amendement adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, et prévoit, par rapport au texte peu contraignant retenu par le Sénat, d'atteindre, dans un délai de cinq ans, une proportion de femmes et d'hommes sur les listes électorales équivalente au collège électoral.

M. le Rapporteur - Ce dispositif avait en effet été adopté à l'Assemblée nationale, mais il s'avère difficile à mettre en œuvre. Mieux vaudrait s'en tenir à la formule plus réaliste du Sénat. Avis défavorable.

Mme la ministre déléguée - La rédaction du Sénat me paraît en effet plus réaliste. Ce qui est voté doit pouvoir être traduit dans la pratique, et je crains que ce ne soit pas le cas pour cet amendement. C'est pourquoi je vous invite à le retirer.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je souhaite le soumettre au vote, et je pense que ce serait une erreur de ne pas franchir ce pas.

Mme Muguette Jacquaint - Il faut parfois être volontariste, ainsi que l'histoire nous l'enseigne. Je voterai l'amendement.

Mme Martine Lignières-Cassou - Je le voterai moi aussi.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 ter est ainsi rédigé

ART. 13 QUATER

Mme Marie-Jo Zimmermann - L'amendement 16 introduit le même dispositif pour les délégués du personnel.

M. le Rapporteur - Nous partageons tous les mêmes objectifs. Il s'agit seulement d'être réaliste. L'amendement adopté par le Sénat a le mérite de pouvoir être mis en pratique. Avis défavorable.

Mme la ministre déléguée - Le Gouvernement a été influencé par l'argumentation des sénateurs qui soulignaient le manque total de réalisme de la disposition. Sur le fond, je ne suis pas opposée à l'amendement, s'il s'avère que les syndicats disposent de suffisamment de femmes pour les présenter aux élections. Nous constaterons à l'usage ce qu'il en est. Pour l'heure, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme Muguette Jacquaint - Par expérience, je sais que même les syndicats font vite le choix entre un homme et une femme, censée par exemple ne pas être disponible le soir. Mais laissons aux femmes le choix de leurs responsabilités ! Cet amendement me satisfait.

Mme Marie-Jo Zimmermann - C'est le même réalisme que les sénateurs ont voulu prêter aux partis politiques, lorsqu'ils ont prévu à l'article 4 de la Constitution que ceux-ci contribueraient à la mise en œuvre de la parité. Le résultat, ce sont 12,9 % de femmes dans cette assemblée ! Ce souci de réalisme a également conduit le Sénat à relever de trois à quatre sénateurs par département le seuil d'application du scrutin proportionnel et paritaire.

Si nous nous en tenons au réalisme, nous n'avancerons pas ! Les syndicats, comme les partis politiques, devraient faire preuve de volonté dans ce domaine. Ils disposent de femmes, et il est malheureux que nous ayons à légiférer dans ce domaine : une entreprise a besoin de femmes parmi ses délégués du personnel.

Mme Martine Lignières-Cassou - Très bien.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

ART.15

Mme Martine Lignières-Cassou - L'amendement 63 est de précision. Nous proposons que les pouvoirs publics s'engagent à assurer un « égal accès » et non pas un « accès équilibré » des hommes et des femmes aux différentes filières de formation professionnelle.

M. le Rapporteur - Le Sénat a préféré le terme « équilibré », la rapporteure de la commission des affaires sociales ayant précisé que certains présidents de conseil régional l'avaient sollicitée en ce sens afin de ne pas se trouver confrontés à des difficultés dans le cadre de l'apprentissage. Je rejoins ce souci de pragmatisme. Néanmoins, le débat au Sénat n'a pas permis de définir la portée pratique de cette modification et je serais reconnaissant au Gouvernement de préciser ce qu'il convient d'entendre par « équilibré ».

Mme la ministre déléguée - Ce terme prend sa source dans différents textes relatifs à l'accès des femmes à la prise de décision et cette expression a d'abord été consacrée par l'Union européenne et par le Conseil de l'Europe, dans sa recommandation du 12 mars 2003 relative à la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décisions politiques et publiques.

Ainsi, la recherche de la participation équilibrée est-elle la recherche de la réduction des écarts entre le nombre de garçons et celui de filles, entre le nombre d'hommes et celui de femmes qui suivent cette formation, en tenant compte de leur aptitude, de leurs choix personnels et des conditions posées par leur environnement. Il reviendra aux régions de déterminer les modalités et les objectifs qu'elles se fixent pour traduire cet accès équilibré aux filières concernées.

Avis défavorable.

Mme Muguette Jacquaint - Il y a une différence de taille entre les deux expressions. Les filières proposées aux jeunes filles sont bien moins nombreuses et les pesanteurs culturelles font que certaines filières sont plus systématiquement proposées aux garçons. Cet amendement n'est pas anodin.

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 70 est rédactionnel.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15 BIS

L'article 15 bis, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Françoise de Panafieu - Lorsque l'on parle de sujets aussi délicats et importants, le chemin est étroit. C'est ce que viennent de démontrer ces dernières minutes, où la démarche de certains a pu être jugée maximaliste. Mais tout comme nous sommes fatiguées ce soir, nous sommes aussi fatiguées de voir la dignité des femmes piétinée. Nous voulons que nos filles aient plus de facilités à avancer que nous-mêmes, que ce soit dans le monde de l'entreprise ou dans celui de la politique.

S'il convient de ne pas nuire à la vie de l'entreprise, créatrice d'emplois et de richesses, il faut aussi lui faire prendre en compte la juste revendication des femmes d'occuper toute leur place dans l'économie d'aujourd'hui. Il faut donc savoir par moments se montrer volontariste.

Votre texte est bon, et il a été amélioré sur des sujets aussi importants que le travail à temps partiel...

Mme Martine Lignières-Cassou - Hélas, non !

Mme Françoise de Panafieu - Il a été également amélioré lors de nos travaux en commission, et je remercie M. le rapporteur Courtial, qui a su tenir le cap. Il faudra revenir inlassablement sur cette question de l'égalité salariale et professionnelle, et ce sera le cas dans moins d'un an avec le rapport d'étape : nous nous en réjouissons. Le groupe UMP votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - Voilà des année que nous votons des textes pour favoriser l'égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes, mais force est de constater que les choses évoluent très lentement. J'aurais souhaité que l'on aille beaucoup plus loin et j'attendais cette deuxième lecture avec impatience, d'autant qu'à l'issue de la première lecture, un certain nombre d'améliorations avaient été promises. Tel n'a pas été le cas puisqu'en particulier vous n'avez pas voulu d'une loi plus contraignante.

La question du travail précaire et à temps partiel nous tient particulièrement à coeur. En dépit des textes présentés ou des travaux de la Délégation aux droits des femmes, certaines femmes vivent aujourd'hui dans le plus grand dénuement. Notre Assemblée aurait dû agir encore plus pour limiter le recours au temps partiel, mais vous vous refusez à imposer des sanctions. Certes, des avancées ont eu lieu, mais pas assez pour nous convaincre de voter ce texte. Je le regrette, car cela montre que nous n'avançons pas assez vite. J'espère que d'autres projets suivront rapidement.

Mme Martine Lignières-Cassou - Je reconnais la qualité du travail accompli par mes collègues, en particulier par la Délégation parlementaire aux droits des femmes, par M. le rapporteur ou Mme la ministre, dont je ne méconnais pas non plus l'engagement en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Néanmoins, nous restons insatisfaits, car entre la première et la deuxième lecture, ce projet n'a pas été amélioré : en refusant de contraindre les entreprises à négocier, il est difficile d'avancer vraiment, en dépit des rapports d'étapes ou des éventuelles sanctions. Cela fait trente ans que nous votons des lois en faveur de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes, or, depuis 1972, nous en sommes au même point.

L'inégalité salariale ne constitue pas le seul aspect de l'inégalité professionnelle, laquelle se manifeste aujourd'hui à travers le recours pervers au travail à temps partiel subi. Les travailleurs pauvres sont ainsi de plus en plus nombreux. Nous avons proposé des mesures afin de limiter ce recours, mais comme vous ne les avez pas retenues, nous ne pourrons pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - Je remercie l'ensemble des parlementaires pour le travail accompli sur un texte qui présente de nombreuses avancées, notamment en ce qui concerne les congés de maternité, la qualité de la négociation, le temps partiel, l'accès des femmes aux responsabilités. Nous nous inscrivons ainsi dans un long processus : le texte de 2001 ne comportait aucun objectif chiffré, nous en avons un désormais. De même, un calendrier précis a été établi, et ce sera le dernier avis avant sanction. Les marges de manœuvre sont étroites si l'on veut éviter de pénaliser des entreprises dont les charges sont élevées, tout en favorisant l'égalité professionnelle.

J'ai presque eu l'impression de rêver, ce soir, devant notre hémicycle : une présidente de séance, une ministre, huit députées femmes et quatre hommes seulement - dont un excellent rapporteur, il est vrai. Est-ce un présage de ce qui nous attend en matière de parité ? (Sourires)

Mme la Présidente - Lors du vote de la loi sur la parité, il y avait une présidente de séance, une présidente de commission et une ministre (Sourires).

Prochaine séance, mardi 13 décembre à 9 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 25.

                La Directrice du service
                du compte rendu analytique,

                Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR DU
MARDI 13 DÉCEMBRE 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1re SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 2219), renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple.

Rapport (n° 2726) de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

QUINZE HEURES : 2e SÉANCE PUBLIQUE

1. Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 et débat sur cette déclaration.

2. Discussion du projet de loi (n° 2626) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières.

Rapport (n° 2711) de M. François ROCHEBLOINE, au nom de la commission des affaires étrangères.

3. Discussion du projet de loi (n° 2630) autorisant l'approbation de l'accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

Rapport (n° 2712) de M. François ROCHEBLOINE, au nom de la commission des affaires étrangères.

4. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 2604), relatif à la sécurité et au développement des transports.

Rapport (n° 2723) de M. Dominique LE MÈNER, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 2733) de M. Hervé MARITON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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