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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 51ème jour de séance, 116ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 18 JANVIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PRIORITÉS DE LA PRÉSIDENCE AUTRICHIENNE
DE L'UNION EUROPÉENNE 2

DIRECTIVE BOLKESTEIN
ET DIRECTIVE PORTUAIRE 2

POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
DE L'UNION EUROPÉENNE 3

DIRECTIVE BOLKESTEIN
ET DIRECTIVE PORTUAIRE 4

RECONDUITE AUX FRONTIÈRES 5

EMPLOI DES SENIORS 6

FERMETURE DE DISPENSAIRE
DE LA CROIX-ROUGE EN SEINE-SAINT-DENIS 7

NOTE DE VIE SCOLAIRE 8

GRIPPE AVIAIRE 8

CRISE EN CÔTE D'IVOIRE 9

EXCEPTION DÉMOGRAPHIQUE FRANÇAISE 10

POLITIQUE DU LOGEMENT 11

ENGAGEMENT NATIONAL
POUR LE LOGEMENT 11

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 22

QUESTION PRÉALABLE 34

DÉCLARATION D'URGENCE 41

SAISINE POUR AVIS 41

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions portent sur des thèmes européens.

PRIORITÉS DE LA PRÉSIDENCE AUTRICHIENNE DE L'UNION EUROPÉENNE

M. Alain Cousin - L'Europe représente une chance et un atout pour notre pays, et permet de mieux répondre aux défis du monde d'aujourd'hui. Au lendemain du référendum sur le traité constitutionnel, la dynamique européenne semblait s'être ralentie. Mais, l'accord récent sur le budget européen ouvre de nouvelles perspectives. Comme vous l'avez déclaré, Madame la ministre des affaires européennes, « 2006 doit être une année d'action pour l'Union européenne ». L'Autriche, qui assume la présidence de l'Union depuis le début de janvier, se place dans cette optique : le chancelier Schlüssel s'est donné pour ambition de relancer l'Europe, de rapprocher les citoyens de l'Union et de regagner la confiance des populations dans le projet européen. Le 9 janvier dernier, lors de la rencontre inaugurale entre le gouvernement autrichien et la Commission européenne, le président de l'Union a fixé deux priorités pour les six prochains mois : d'une part, la croissance et l'emploi ; d'autre part, l'avenir des institutions.

Quelles initiatives la France compte-t-elle prendre pour assurer le succès de l'Europe de l'emploi et de la croissance que nous appelons tous de nos vœux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Les priorités fixées par la présidence autrichienne sont aussi les nôtres. M. de Villepin s'en entretient d'ailleurs actuellement à Berlin avec la chancelière Merkel. La priorité absolue, c'est d'abord de remettre l'Europe au travail sur des politiques concrètes car c'est ce qu'attendent nos concitoyens. C'est possible puisque le Conseil européen de décembre est parvenu à un accord sur le budget. Par ailleurs, ce travail a été engagé lors du Conseil européen d'octobre réuni à Hampton Court où chefs d'État et de gouvernement ont défini les grandes orientations à venir. L'objet du prochain Conseil européen de mars sera de donner une forme concrète à ces orientations en matière de politique économique, de recherche et d'innovation, de sécurité intérieure et extérieure, d'investissement dans l'éducation, et enfin, de démographie et de politique énergétique. Sur ces deux derniers domaines, la France aura à cœur de partager son expérience et de faire des propositions. Le Président de la République réunira prochainement un conseil des ministres restreint pour préparer au mieux ce conseil européen de mars.

Par ailleurs, le besoin d'institutions plus adaptées et de mécanismes de décision plus efficaces demeure. Dans ce domaine, nous devrons prendre des décisions avant le mois de juin en nous appuyant sur les textes existants. En outre, la France a demandé et obtenu l'organisation d'un débat sur les perspectives d'élargissement, débat nécessaire à l'approfondissement de la réflexion sur l'identité européenne.

Tel est le programme de ce semestre qui, espérons-le, permettra un nouveau souffle européen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DIRECTIVE BOLKESTEIN ET DIRECTIVE PORTUAIRE

Mme Marylise Lebranchu - La France traverse aujourd'hui une période difficile et les salariés ne cessent de s'entendre dire que l'emploi et la croissance passent nécessairement par une réforme du code du travail et une réduction de la durée légale du temps de travail...

Un député UMP - Il fallait voter « oui » à l'Europe !

Mme Marylise Lebranchu - C'est dans ce contexte qu'un projet de directive sur les dockers (Murmures sur les bancs du groupe UMP) a été présenté au Parlement européen, lequel l'a fort heureusement repoussé.

Un député UMP - Ramenez Fabius !

Mme Marylise Lebranchu - Pourquoi ce texte alors que la concurrence entre les ports européens est très faible ? Comment comprendre que le Gouvernement ne l'ait pas combattu alors qu'il est si proche de la directive Bolkestein, laquelle aurait été retirée suite à votre opposition ? Et comment accepter l'acharnement de la Commission à présenter à nouveau les textes repoussés par le Parlement ? Selon vous, la reprise économique ne sera assurée que par une réforme du droit du travail...

M. Jean-Jacques Descamps - C'est vrai !

Plusieurs députés UMP - A bas les 35 heures !

Mme Marylise Lebranchu - Ce discours est démobilisateur !

M. Jean-Jacques Descamps - Amalgame !

Mme Marylise Lebranchu - On ne peut vouloir à la fois réconcilier les citoyens avec l'Europe et laisser filer ces directives ! D'autant plus que leur transposition est l'occasion d'un durcissement de leur contenu. Ce fut notamment le cas pour les marins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Descamps - Démagogie !

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Je tiens à réaffirmer devant l'Assemblée nationale que le Parlement européen a repoussé le projet de directive sur l'organisation portuaire en fin de matinée !

Plusieurs députés UMP - Bien dit !

M. Michel Lefait - Grâce au vote des députés Français !

M. le Ministre - De plus, je regrette très profondément les incidents qui se sont déroulés à Strasbourg (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui ternissent l'image de l'action syndicale. Il est anormal que soixante-quatre policiers aient été blessés et que, cet après-midi, l'on présente douze comparutions immédiates devant le tribunal correctionnel de Strasbourg ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur - C'est scandaleux !

M. le Ministre - Sur le fond, je rappelle que la France, par la voix de son précédent ministre des transports, avait clairement émis des réserves sur l'absence d'études d'impact précises de ce projet de directive et sur « l'auto-assistance ».

Ce projet a été repoussé par le Parlement européen. Mais il n'en est pas moins nécessaire que les ports européens soient mis en capacité de profiter de l'augmentation du trafic maritime.

M. Jean Le Garrec - Cela n'a rien à voir !

M. le Ministre - Rien ne pourra se faire sans un travail préalable de discussion avec l'ensemble des opérateurs, des organisations professionnelles et des organisations syndicales. C'est ainsi que nous pourrons empêcher le dumping social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE

M. Philippe Folliot - A l'occasion du conflit sur le gaz entre la Russie et l'Ukraine, les Français ont découvert que l'Europe ne dispose pas d'une politique commune de l'énergie. L'Union a laissé la Russie faire pression sur l'Ukraine, les Etats membres appliquant une politique strictement nationale en la matière. Cela est d'autant plus paradoxal que l'Europe s'est d'abord construite sur l'énergie, avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

Cette crise révèle l'existence de l'arme énergétique, brandie récemment par l'Iran, qui a menacé de faire flamber le cours du pétrole en cas de sanction internationale - légitime - de sa politique nucléaire. Comme l'avait compris le général de Gaulle, l'énergie est stratégique : elle est l'instrument-clé de la croissance et le symbole de la souveraineté. Nos concitoyens, qui se désolent de la hausse du prix de l'essence, mesurent chaque jour cet enjeu.

Pour sa part, l'UDF, attachée à une meilleure maîtrise de l'énergie et à une politique plus ambitieuse de développement des énergies renouvelables, pense qu'il revient à l'Union européenne de coordonner les politiques nationales, de veiller à la diversification des sources d'approvisionnement et de sécuriser les circuits d'acheminement, tout en privilégiant des énergies plus respectueuses de l'environnement.

Monsieur le ministre, quelle initiative la France compte-t-elle prendre afin qu'une politique européenne plus solidaire nous permette d'assurer nos approvisionnements et notre indépendance énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie - Vous avez raison, la question énergétique est stratégique (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), puisque notre politique vise à assurer la sécurité de l'approvisionnement, à des prix corrects...

M. Jacques Desallangre - Donc on privatise !

M. le Ministre délégué - ...et sans trop émettre de gaz à effet de serre. Notre politique est efficace (Mêmes mouvements), mais nous n'en sommes pas moins dépendants de nos divers fournisseurs. Lorsque la crise est survenue entre la Russie et l'Ukraine, nous nous sommes sentis concernés, même si nous avions moins à craindre que les Polonais ou les Autrichiens. C'est pourquoi, avec mes homologues allemand, autrichien et italien, j'ai immédiatement demandé aux pays en cause que cette crise dure le moins longtemps possible. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Les producteurs de gaz doivent respecter leurs contrats et dépendent aussi, pour leur crédibilité, des pays qu'ils fournissent.

Cette question est évidemment européenne et l'Union, par exemple, a ouvert, à l'initiative de la France, ses stocks d'essence stratégiques aux Etats-Unis lors du cyclone Katrina. Elle entretient par ailleurs un dialogue avec l'OPEP ou avec la Russie et travaille sur l'augmentation des réseaux d'interconnexion.

Mais il est vrai que cela n'est pas suffisant. Afin de promouvoir une politique européenne ambitieuse dans le domaine de l'énergie, le Président de la République a décidé qu'un mémorandum, portant sur des questions d'approvisionnement, de sécurité, de recherche, mais aussi d'infrastructures, serait déposé au Conseil européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DIRECTIVE BOLKESTEIN ET DIRECTIVE PORTUAIRE

M. Daniel Paul - Une fois n'est pas coutume, voici une bonne nouvelle : le Parlement européen vient de repousser - pour la deuxième fois - le projet de directive portuaire auquel étaient opposés tous les salariés des ports européens (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). C'est un fait unique, la preuve que l'unité des salariés paye et que les textes les plus malfaisants peuvent être battus par la mobilisation populaire (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

C'est une grande victoire des salariés, qui ont ainsi rejeté l'autoassistance, la casse des systèmes de protection sociale, les salaires tirés vers le bas, la loi de la jungle que prétendait imposer ce Bolkestein portuaire.

M. Maxime Gremetz - C'est la lutte des classes !

M. Daniel Paul - L'examen de la fameuse directive Bolkestein, celle-là même dont vous prétendiez qu'elle était abandonnée, est à l'ordre du jour du Parlement, le 14 février. Comme la directive portuaire, elle revient - après un vague ravalement de façade - pour imposer le dumping social dans le secteur des services, selon la même logique : la mise en concurrence des salariés et le laminage des droits sociaux.

Il se dit que les propositions de la directive portuaire pourraient être intégrées à la directive Bolkestein. Une telle décision serait scandaleuse et témoignerait d'un acharnement libéral antidémocratique.

Faut-il vous rappeler votre engagement, au printemps 2005, d'obtenir l'abandon de cette directive, et surtout, le vote du peuple français le 29 mai ? Le Gouvernement respectera-t-il notre peuple et interviendra-t-il afin que ces deux textes soient retirés ? Organiserez-vous un débat dans cet hémicycle avant le passage de la directive Bolkestein devant le Parlement européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Le commissaire européen chargé des transports a clairement indiqué que la Commission tirerait toutes les conséquences du vote du Parlement européen et qu'aucune proposition nouvelle ne serait déposée avant un travail de concertation avec l'ensemble des intervenants, adoptant ainsi une position conforme aux souhaits de la France.

Nous avons toujours dit notre réticence à ce que les personnels des armateurs interviennent dans les ports et demandé que ces tâches soient très encadrées. C'est la position que la France a toujours défendue, avec d'autres pays, ce qui explique d'ailleurs le vote du Parlement européen, et que nous continuerons de défendre demain. Une étude préalable d'impact est de toute façon indispensable.

Au-delà, je pense que pour protéger les salariés français, il nous faut parfois être offensifs au niveau européen pour obtenir la mise en place de règles communes favorables à l'ensemble des salariés européens. La directive portuaire peut être porteuse de progrès, si le texte en est revu dans un sens positif. Elle peut notamment permettre d'éviter certaines concurrences déloyales. Un autre exemple concerne les marins des ferries pratiquant la navigation intracommunautaire. J'ai demandé au commissaire Jacques Barrot de faire des propositions pour que ces personnes obtiennent un meilleur statut. Par ces exemples, je souhaite montrer que l'Europe peut également contribuer à la protection de nos salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RECONDUITE AUX FRONTIÈRES

M. Michel Terrot - Monsieur le ministre de l'intérieur, dès votre prise de fonctions, vous avez posé les bases d'une véritable politique de l'immigration et vous êtes attaqué avec détermination au problème de l'immigration clandestine, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), inacceptable dans notre pays car elle est dangereuse, à la fois sur le plan humain, économique et social. La loi relative à la maîtrise de l'immigration que notre majorité a votée (Mêmes mouvements) a été efficace. Vous avez, parallèlement, Monsieur le ministre, pris de nombreux contacts, tant avec les autres Etats européens pour élaborer une politique commune et renforcer les contrôles aux frontières de l'Union, qu'avec les Etats d'origine des clandestins pour freiner les départs et organiser les retours. Pouvez-vous aujourd'hui dresser un bilan précis de votre action en la matière et nous dire combien de reconduites à la frontière ont été exécutées en 2005 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Le nombre de reconduites à la frontière a été de 20 000 en 2005, ce qui est certes deux fois plus qu'en 2002, mais ce qui est bien inférieur au nombre de reconduites exécutées par le gouvernement socialiste espagnol (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il n'y a aucune raison qu'une fois une décision d'expulsion prise, celle-ci ne soit pas exécutée. En 2006, le nombre d'expulsions augmentera encore, et ce pour trois raisons. Tout d'abord, la généralisation des visas biométriques car aujourd'hui, certains étrangers en situation irrégulière détruisent leurs papiers et refusent d'indiquer leur pays d'origine, ce qui nous interdit de les renvoyer, aucun pays ne les acceptant dans ces conditions. Ensuite, l'augmentation du nombre de places en centre de rétention administrative. Enfin, nous avons décidé, en accord avec le ministère des affaires étrangères, de conditionner le nombre de visas délivrés pour un pays donné au nombre de laissez-passer consulaires accordés pour renvoyer chez eux les clandestins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il est en effet inadmissible que des pays aux ressortissants desquels la France octroie des dizaines, voire des centaines, de milliers de visas par an refusent quelques centaines de laissez-passer pour qu'y soient renvoyés leurs ressortissants entrés irrégulièrement sur notre territoire.

Je présenterai en février un nouveau plan complétant ces dispositions. Il comportera une réforme du regroupement familial - car si celui-ci est un droit, il ne peut être dignement respecté que si les conditions matérielles le permettent - et la suppression du principe de la régularisation après dix ans de clandestinité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les lois sont faites pour être appliquées : il serait profondément anti-républicain de considérer qu'après dix ans de fraude, un fraudeur est exonéré du respect de la loi. La généralisation du contrat d'intégration, mis en œuvre avec Jean-Louis Borloo, sera un autre outil de notre politique : ceux qui ne respecteront pas ce contrat ne resteront pas sur notre sol national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

EMPLOI DES SENIORS

M. Laurent Wauquiez - Le taux d'emploi des seniors n'est que de 38 % dans notre pays quand il atteint 70 % en Suède par exemple. Cette particularité est inacceptable d'une part, face au choc démographique attendu dans les années à venir qui devrait nous inciter à développer l'emploi des plus de 50 ans, d'autre part face aux difficultés d'équilibre des régimes de retraite, qui exigent de tous de travailler plus longtemps. Derrière les statistiques anonymes, se cachent des situations humaines douloureuses : un chômeur de plus de 50 ans se retrouve de fait exclu de l'emploi. Quelle que soit l'énergie qu'il met à rechercher un emploi, les dispositifs d'accompagnement de l'ANPE ne sont pas prévus pour lui et les employeurs, même lorsque son profil les intéresse, ne donnent pas suite. Le secteur public lui-même exclut dans ses offres d'emploi, les candidats de plus de 50 ans. Enfin, l'âge de la retraite tombe tel un couperet alors que des phases de transition, profitables à tous, pourraient être aménagées.

Notre bataille pour l'emploi ne peut concerner exclusivement les jeunes. Il nous faut aussi nous mobiliser en faveur des seniors. Monsieur le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale, vous avez annoncé, en liaison avec les partenaires sociaux, un plan en faveur de l'emploi des seniors. Quels outils comptez-vous mettre en place ? A quel rythme et avec quels objectifs ? Seul un effort d'ampleur pourra faire disparaître les préjugés et faire évoluer les mentalités, de façon que chacun comprenne que les seniors sont une chance dans notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à M. Borloo (« J'en ai marre ! J'en ai marre ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. Borloo n'est pas le seul à en avoir marre...

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Depuis vingt-cinq ans, la France a le triste privilège d'avoir un très fort taux de chômage à la fois des jeunes et des seniors. C'est là le fruit de préjugés en effet mais aussi de règles qui, censées être protectrices, de fait excluent les seniors.

Les grandes mutations de notre économie exigent que l'expérience des seniors soit transmise au plus grand nombre. C'est d'ailleurs pourquoi Gérard Larcher travaille actuellement sur le tutorat des seniors auprès des jeunes en alternance ou en apprentissage. Diverses mesures techniques, dont un CDD seniors, sont actuellement à l'étude avec les partenaires sociaux. Dans le cadre du large plan d'action que nous a demandé le Premier ministre, Gérard Larcher rencontrait hier encore les partenaires sociaux pour examiner trente et une mesures, parmi lesquelles un assouplissement des conditions du cumul emploi-retraite et des dispositifs d'accompagnement spécifiques de l'ANPE en faveur des seniors. Il les rencontrera de nouveau le 1er février, de façon que ce plan soit validé fin mars et puisse être présenté à l'Assemblée nationale avant le 30 juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques du groupe UDF)

FERMETURE DE DISPENSAIRE DE LA CROIX-ROUGE EN SEINE-SAINT-DENIS

M. Bruno Le Roux - Le 2 janvier au matin, plusieurs dizaines d'habitants de Seine-Saint-Denis ont trouvé closes les portes du centre de santé de la Croix-Rouge où ils avaient l'habitude de se faire soigner. M. Mattéi, président de la Croix-Rouge française, venait de décider brutalement la fermeture des dispensaires de Drancy, du Blanc Mesnil et du centre Blumenthal d'Epinay-sur-Seine, sans concertation, dans la plus totale opacité, et avec des justifications fallacieuses. La Croix-Rouge n'avait cherché aucune solution et semble uniquement soucieuse de quitter au plus vite la Seine-Saint-Denis. La mobilisation exceptionnelle des salariés, des usagers, des citoyens a permis une prise de conscience nationale.

Les centres ont rouvert il y a quelques jours. Mais cette affaire ne renvoie pas seulement au fait que M. Mattéi n'a pas respecté les procédures légales. Les administrateurs représentants l'Etat l'ont porté à la présidence de la Croix-Rouge après le fiasco de la canicule (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Avait-il un mandat du Gouvernement pour faire disparaître l'offre de soins dentaires pour les plus défavorisés ? Avait-il un mandat pour déséquilibrer la politique de prévention et pour quitter ces quartiers où il faut plutôt renforcer la lutte contre les inégalités de santé ?

Les discours du Gouvernement sur les banlieues atteignent leurs limites quand sont prises de telles décisions injustes et scandaleuses. Allez- vous agir pour maintenir l'offre de soins à Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis et dans tous les quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Je vous pose moi aussi une question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Avez-vous un mandat de la population de Seine-Saint-Denis pour soulever la polémique ou pour chercher des solutions ? (Protestations sur les mêmes bancs) Celui du Gouvernement, c'est de trouver des solutions pour préserver l'accès aux soins dans ce département. Nous nous en sommes entretenus en début d'année : dès la fin de décembre, j'ai saisi le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales pour avoir un point précis de la situation et dès la semaine dernière, je lui ai demandé de rencontrer l'ensemble des acteurs, comme j'ai demandé au préfet de rencontrer avant la fin du mois l'ensemble des élus et des acteurs du système de santé pour trouver des solutions durables. (« Répondez ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste) Vous ne pouvez pas dire que la Croix-Rouge se désengage de Seine-Saint-Denis. Elle a 21 délégations, sur 40 communes, avec 350 secouristes et plus de 600 bénévoles qui se dévouent au quotidien (Mêmes mouvements). La polémique n'intéresse que vous. En réalité, ces centres assurent 1 % à 1,5 % des examens médicaux. Il faut certes trouver une solution. Le problème est plus important pour les examens dentaires, puisque ces centres en effectuent 9 %. Ma responsabilité, celle de chacun, est de trouver des solutions durables au-delà du mois de mars. Rendez-vous fin mars, pour constater si l'accès aux soins est préservé. La réponse sera oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli et M. Jean Glavany - Respectez le Parlement !

NOTE DE VIE SCOLAIRE

M. Frédéric Reiss - La violence et les incivilités quotidiennes rongent l'école. Ce sont parfois des intrusions extérieures, malheureusement souvent des problèmes de discipline dans les classes. Or les enseignants, qui font un travail remarquable, ont besoin d'un climat de sérénité pour mener à bien leur mission. Il est plus que temps de restaurer leur autorité.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la semaine dernière qu'allait être créée au collège la note de vie scolaire, introduite par l'Assemblée nationale pour le brevet dans un amendement à la loi sur l'avenir de l'école. Quand entrera-t-elle en vigueur et quels effets en attendez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le socle commun que tous les jeunes doivent acquérir à l'école de la République comporte des connaissances, mais aussi des compétences, dont celle de se comporter en vrai citoyen dans la société. Cela passe par le respect des autres, du règlement, des valeurs de la République. Si les familles éduquent à la politesse et surveillent l'absentéisme, l'école obligatoire apprend la citoyenneté. J'ai donc décidé qu'à partir de septembre 2006, une note de vie scolaire sera instituée à partir de la 6ème. Elle comptera pour l'obtention du brevet, comme l'a voulu l'Assemblée nationale. Elle récompensera le respect des valeurs, mais aussi des engagements de l'élève, dans l'établissement ou au-dehors, au service des handicapés, des personnes âgées ou des associations. Cette note permettra de sanctionner comme de récompenser. Elle ne résoudra pas les problèmes de violence à l'école, mais contribuera à donner des repères aux jeunes. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

GRIPPE AVIAIRE

M. Marc Joulaud - L'Europe et la France suivent avec vigilance la progression de l'épizootie de grippe aviaire, qui a atteint l'Europe centrale en 2003 et fait ses premières victimes récemment en Turquie. L'emballement médiatique a renforcé les inquiétudes. Nos filières aviaire et agro-alimentaire souffrent, alors qu'elles sont les plus sûres au monde. Pour l'instant, il n'y a pas eu de mutation du virus même si les experts n'écartent pas totalement cette hypothèse. Le risque, certes, ce n'est pas de manger de la volaille dans notre pays, mais qu'un jour dans le monde, le virus mutant puisse passer de l'homme à l'homme, transformant l'épizootie en une pandémie.

Depuis 2004, le Gouvernement a mis en place un plan de prévention, et la mission d'information de l'Assemblée travaille sur les mesures de précaution. Pouvez-vous faire le point sur les moyens mis en œuvre pour que notre pays soit prêt en cas de mutation du virus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Il faut bien distinguer trois niveaux, comme vous venez de le faire : l'épizootie, qui touche seulement les oiseaux, la transmission à l'homme, qui a été constatée en Asie du Sud-Est et en Turquie, et enfin la transmission d'homme à homme, qui n'a encore jamais été observée. Une mutation du virus en Turquie a certes été évoquée, mais n'oublions pas que des cas semblables ont déjà eu lieu à Hong-Kong en 2003 et au Vietnam en 2005, sans qu'il y ait eu pour autant de contamination de l'homme par l'homme.

Ce risque existe toutefois, comme l'indiquent les experts depuis plusieurs mois, et il est donc de notre responsabilité de nous préparer au mieux. Le plan de préparation de la France à la grippe aviaire vise ainsi à nous doter des moyens nécessaires : notre pays est le seul à disposer de deux médicaments, le Tamiflu et le Relenza, et à avoir déjà réservé des vaccins en cas de mutation du virus.

Il est bon d'avoir des moyens de protection ; mais, mieux encore, il faut savoir qui doit les utiliser. Notre plan a donc une vocation pratique, et Dominique de Villepin a souhaité que nous accélérions notre travail en vue de présenter les annexes du plan et les fiches techniques dès la semaine prochaine. Voilà pourquoi je rencontre les responsables nationaux des professionnels de santé depuis plusieurs mois, et ce midi encore leurs représentants au niveau régional. Nous devons savoir très précisément comment les acteurs vont s'approprier ce plan et le mettre en œuvre en cas de pandémie.

N'oublions pas non plus la solidarité internationale : intervenir hors de nos frontières, c'est en effet aider les pays qui se trouvent en première ligne, mais aussi mieux comprendre la maladie et chercher plus efficacement un vaccin.

Voilà donc comment la France se prépare. J'ajoute que ce plan n'a pas de caractère définitif : tant que nous pourrons l'améliorer, nous le ferons.

Nous avons enfin une dernière responsabilité : informer nos concitoyens. Nous devons leur dire ce que nous savons de la grippe aviaire, comment nous nous préparons, et surtout comment nous allons continuer à nous y employer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CRISE EN CÔTE D'IVOIRE

M. Paul Quilès - La situation en Côte est d'une extrême gravité. Depuis la décision de la communauté internationale de suspendre l'Assemblée nationale ivoirienne, les provocations et les violences contre les casques bleus se multiplient. Abidjan est totalement paralysée depuis trois jours, des manifestants ont tenté de pénétrer à l'intérieur du quartier général des Nations unies, et des diplomates français ont été mis en joue non loin de notre ambassade, de même que le représentant du Secrétaire général de l'ONU.

Au plan politique, le Front populaire ivoirien, le parti de Laurent Gbagbo, s'est retiré du processus de paix et de transition, dénonçant une « recolonisation de la Côte d'Ivoire engagée sous l'égide de l'ONU » et demandant à Laurent Gbagbo de débarrasser le pays de « l'occupant étranger ».

Le chef d'Etat-major de nos armées - probablement mandaté en ce sens, en tout cas je l'espère - a déclaré ce matin que le moment était venu de sanctionner la Côte d'Ivoire. Mais nul ne peut imaginer que cela suffira à dénouer la crise

Depuis les accords, discutables selon nous, de Marcoussis et Kléber...

Un député du groupe UMP - Et d'Accra !

M. Paul Quilès - ...négociés sous parrainage français il y a trois ans, nous avons dénoncé à de nombreuses reprises le grippage militaire et diplomatique du dispositif. Aujourd'hui encore, toutes les parties en présence - française, ivoirienne, africaine et onusienne - se renvoient la responsabilité.

Afin de mieux comprendre la situation, nous venons de proposer pour la deuxième fois la constitution d'une commission d'enquête. Or il semble qu'à nouveau cette demande sera rejetée.

M. Henri Emmanuelli - C'est un scandale !

M. Paul Quilès - Monsieur le Premier ministre, la situation s'aggrave : la violence est à peine contenue et la crise risque de dégénérer, ce qui mettrait en danger nos ressortissants et nos militaires, et dégraderait l'image de la France en Afrique. Je vous demande donc solennellement de nous indiquer quelle est l'analyse du Gouvernement et l'attitude que vous comptez adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Les incidents et les provocations qui ont lieu depuis plusieurs jours en Côte d'Ivoire ne détourneront certainement pas la communauté internationale de son but, qui est de rétablir la paix dans ce pays, de garantir son unité et d'obtenir enfin des élections libres, transparentes et crédibles.

Il y va de l'avenir de la Côte d'Ivoire, du sous-continent, mais aussi de l'Afrique dans son ensemble : par capillarité, la crise ivoirienne risque en effet de déborder les frontières de ce pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Telle est la raison de notre mobilisation générale.

Il est faux de dire, Monsieur Quilès, que le groupe de travail international a suspendu l'Assemblée nationale ivoirienne. Voilà encore un exemple de la désinformation habituelle dans notre pays ! En vérité, l'Assemblée nationale ivoirienne est arrivée depuis plus d'un mois au terme de son mandat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et le groupe de travail n'a fait que constater un fait juridique évident aux yeux de tous.

S'agissant maintenant d'éventuelles sanctions, le Secrétaire général de l'ONU a fait part il y a quarante-huit heures de son extrême préoccupation face à la situation en Côte d'Ivoire et aux provocations que je viens d'évoquer. Il a réuni le groupe du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a évoqué l'application éventuelle des sanctions déjà prévues par une résolution de l'ONU.

J'ajoute que la mission de la force Licorne étant de soutenir l'ONUCI, elle a effectivement contribué à protéger le quartier général de cette dernière, qui était assiégé par des jeunes, et elle a aidé les forces de l'ONUCI à se dégager des lieux où elle était empêchée de circuler - dans l'Est de la Côte d'Ivoire. Telle est notre mission, et nous continuerons à la remplir.

La communauté internationale est unanime, Monsieur Quilès, et il vaudrait mieux aller dans le sens de l'apaisement, de l'appel à la raison et aux solutions internationales, au lieu de critiquer sans cesse notre action, sans faire la moindre proposition (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION DÉMOGRAPHIQUE FRANÇAISE

M. Patrick Delnatte - Selon les derniers chiffres de l'INSEE, la natalité française vient de connaître un important rebond, puisqu'elle a enregistré 807 400 naissances en 2005, résultat à rapprocher de celui de 2000. Grâce à son taux de natalité de 1,94 enfant par femme, la France se situe ainsi au deuxième rang de l'Union européenne, dont la moyenne s'établit à 1,5.

Notre dynamique démographique se confirme, alors même que le taux d'activité des femmes est proche de 80 %. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une forte natalité est donc compatible avec la pérennité de deux salaires dans les ménages, et il importe d'aider les parents à concilier vie professionnelle et vie familiale.

Si le précédent « baby boom » de 2000 n'avait pas d'autre explication que le passage à un nouveau siècle, on constate depuis 2003 une progression continue du nombre de naissances. Pouvez-vous donc nous indiquer, Monsieur le ministre, pour quelles raisons la France est devenue un exemple au sein des pays européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Vous avez raison : il y a bel et bien une exception française en matière de natalité, et les chiffres que vous avez cités confirment les bons résultats des années précédentes (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Il y a une première cause toute simple à cela : les Français ont confiance en leur avenir et en leur pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La seconde raison est un modèle de politique familiale efficace, et qui ne cesse de s'améliorer d'année en année (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). On trouve dans ce modèle des prestations très ambitieuses, la maternelle à partir de 3 ans mais aussi 80 % de femmes qui ont une activité professionnelle, ce qui prouve bien que la natalité n'est pas l'ennemie de l'emploi des femmes. Nos jeunes filles font désormais des études plus longues que les garçons et ne renonceront pas un double engagement, familial et professionnel. Depuis 2002, nous avons mis en place la prestation d'accueil du jeune enfant... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Je vous en prie ! C'est un sujet sérieux !

M. le Ministre délégué - ...qui a concerné 250 000 bénéficiaires, nous avons créé le congé d'un an, rémunéré 750 euros par mois, qui n'éloigne pas trop du marché du travail, et nous avons surtout beaucoup travaillé pour les crèches ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Messieurs qui vociférez, rappelez-vous que la dernière année où Ségolène Royal a été ministre de la famille ont été créées 264 places de crèche, contre 7 850 cette année et 11 000 l'année prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Voilà l'action du Gouvernement, après votre triste bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE DU LOGEMENT

Mme Martine Aurillac - Le projet de loi portant engagement national pour le logement, qui doit mettre en œuvre le pacte pour le logement annoncé, à la suite du rapport Pommelet, par Jean-Louis Borloo, va nous être soumis aujourd'hui, à son retour du Sénat. Ses dispositions concernent essentiellement le financement du logement social, la libération des terrains de l'Etat, l'encouragement pour les maires à construire, l'accession sociale à la propriété ainsi que l'urgence des mal logés. Combien de logements entendez-vous créer ? La diversité de l'offre sera-t-elle améliorée, notamment en Ile-de-France ? Quel est le calendrier prévu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Avec la construction d'environ 50 000 logements sociaux par an pendant une dizaine d'années, la France est entrée petit à petit dans une grave crise du logement. Le Gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). En 2005, on a compté 402 000 mises en chantier et 80 000 constructions de logements sociaux, soit le double de votre époque ! Ces résultats sont dus à la mobilisation de tous, des maires aux organismes HLM, et aux mesures prises en son temps par Gilles de Robien.

Il faut encore accentuer cet effort, et notamment en Ile-de-France, où la crise est encore plus grave que dans le reste de la France.

M. Maxime Gremetz - Surtout à Neuilly !

M. le Ministre - En ce qui concerne les terrains d'Etat, 20 000 logements, dont les deux tiers en Ile-de-France, doivent être construits. L'ensemble des terrains ont été identifiés. Les procédures d'acquisition ont commencé. Nous présenterons bientôt l'ensemble du dispositif aux élus d'Ile-de-France. Une mission interministérielle, confiée à M. Besson, doit aider à la prise de décision avec, en cas de difficulté, un arbitrage du Premier ministre. Enfin, trois opérations d'intérêt national ont été décidées : Massy-Saclay, Seine-amont et Seine-aval. Nous devrions ainsi atteindre, dans le cadre du plan de cohésion sociale, le chiffre historique de 100 000 constructions de logements sociaux. J'espère que les exploits que nous avons réalisés cette année seront répétés : cela faisait vingt-sept ans que l'on n'avait pas autant construit en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 h 55, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Warsmann.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

ENGAGEMENT NATIONAL POUR LE LOGEMENT

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour le logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Avec Dominique Perben, nous venons vous présenter un texte que le Sénat a sensiblement enrichi. Le logement - la « maison » - constitue un enjeu de société majeur. Sans un logement de qualité, bien inséré dans la ville ou dans le village, nul ne peut trouver un bon équilibre de vie. Or nombre de Français, en particulier parmi les plus modestes, accèdent difficilement au logement et la crise qui frappe le pays depuis plusieurs années s'est progressivement étendue à l'ensemble du territoire ; pis, elle tend désormais à toucher toutes les couches de la population.

Fort de ce diagnostic partagé, le Sénat a enrichi le projet initial, lequel constitue une déclinaison très attendue du plan gouvernemental pour le logement, en complément de mesures financières et réglementaires plus conventionnelles. De même, il prolonge et amplifie le volet logement de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Le Gouvernement conduit par conséquent une action ambitieuse, dont les premiers résultats sont déjà tangibles. Mais s'il revient souvent à l'Etat de donner l'impulsion, le logement constitue le domaine par excellence du partenariat entre la puissance publique, les collectivités et les différentes familles qui composent le mouvement HLM...

M. Jean-Louis Dumont - Soyez assuré de leur mobilisation !

M. Augustin Bonrepaux - Il faudrait commencer par donner aux collectivités les moyens d'agir !

M. le ministre de l'emploi - L'action procède souvent d'un consensus et, isolés, les acteurs ne peuvent rien.

Dans notre pays, la crise du logement social ne date pas d'hier puisqu'elle trouve son origine dans les années 1985-1990, à l'exception notable du regain d'activité obtenu grâce au plan Périssol. La situation française se caractérise par un fort décalage entre l'offre et la demande de logements, les retards de construction accumulés depuis quinze ans pénalisant les classes modestes et moyennes.

Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a engagé une action déterminée qui a abouti à la mise en chantier de 402 000 nouveaux programmes entre le 1er décembre 2004 et le 1er décembre dernier. Ce chiffre traduit un rythme de construction que notre pays n'avait pas connu depuis vingt-sept ans, le nombre de mise en chantier n'excédant pas 300 000 en 2000. Avec 100 000 unités de retard chaque année, on arrive vite à une crise difficile à résorber ! S'agissant du financement de la construction de logements locatifs aidés, les résultats de cette année sont les meilleurs obtenus depuis dix ans, soit la fin du plan Périssol.

Confortées par la loi de programmation pour la cohésion sociale, les mesures prises depuis bientôt quatre ans, sous l'autorité de Gilles de Robien ou sous l'égide du ministère de la ville, ont fait leur œuvre. Le plan de cohésion sociale prévoit ainsi de garantir la mise à disposition de 100 000 nouveaux logements locatifs sociaux par an pendant cinq ans et un quasi doublement de l'accession à la propriété, du fait notamment de la réforme du prêt à taux zéro. Parallèlement, l'objectif de porter à 100 000 le nombre de places d'hébergement est en voie d'être atteint. Ces actions complètent l'aide à l'investissement locatif privé, qui a été créée antérieurement et qui contribue à l'enrichissement de l'offre nouvelle.

Avec les partenaires sociaux et les familles du mouvement HLM, le Gouvernement a aussi engagé un ambitieux programme de rénovation urbaine, en vue de donner un meilleur cadre de vie aux habitants des zones urbaines sensibles. Il prévoit, dans le cadre de la résidentialisation, de réhabiliter 400 000 logements et de remplacer 250 000 logements obsolètes ou présentant de graves problèmes d'urbanisme par de nouvelles constructions. Ce programme est d'ores et déjà un succès, puisque la récente - mais désormais fonctionnelle - ANRU a déjà approuvé 131 projets portant sur 112 000 réhabilitations et 58 700 constructions. Initialement doté de 15 à 20 milliards pour une durée de cinq ans, il devrait être porté dans les jours qui viennent à 30 milliards sur dix ans, dans le cadre d'une convention avec les partenaires sociaux et pour faire suite aux demandes de plus en pressantes des élus. Fixé à l'origine à 200, le nombre de quartiers jugés prioritaires a été progressivement étendu.

Les organismes du logement social, les propriétaires du parc privé, les partenaires sociaux du 1 % et les autres professionnels de l'immobilier se sont appropriés ces objectifs en les traduisant par des engagements précis, dans le cadre d'accords nationaux passés avec l'Etat. Je pense notamment à l'accord de décembre 2005 signé par Michel Delebarre qui tend à doubler la production des organismes HLM, en contrepartie des engagements pris par l'Etat en matière de fiscalité et d'aide au financement dans la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Par ailleurs, en 2005, seize agglomérations et départements ont conclu avec l'Etat des conventions de délégation de compétences reprenant au minimum les objectifs du plan de cohésion sociale et ils devraient être rejoints par au moins soixante-dix autres délégataires en 2006, ce qui veut dire qu'avant la fin de l'année, l'essentiel - en nombre d'habitants - du territoire national devrait être couvert.

L'implication de l'ensemble des acteurs dans la mise en œuvre du plan de cohésion sociale a permis d'obtenir des résultats éloquents en 2005 : 80 000 logements sociaux ont été financés, hors le concours de l'ANRU ; 28 000 logements privés à loyer maîtrisé financés par l'ANAH, contre 24 000 en 2004 ; 13 000 logements vacants remis sur le marché en 2005, contre moins de 11 000 en 2004 : 200 000 prêts à taux zéro distribués au titre de l'accession à la propriété, soit près du double de l'année précédente.

M. de Villepin a souhaité renforcer cette action en lançant le pacte national pour le logement. Il s'agit essentiellement de relancer l'offre de logements en agissant sur l'ensemble de la chaîne. Sur bien des points, ce pacte prolonge les actions déjà engagées.

Premièrement, l'amélioration du financement des opérations de logement locatif et d'hébergement. S'agissant du logement social, j'ai annoncé, dès septembre, une baisse des taux des prêts de 0,15 %, aujourd'hui effective pour les PLA-I, les PLUS et les PLS. Ensuite, la durée des prêts a été allongée : 40 ans au lieu de 35 pour la partie « construction » des PLUS et des PLA-I, et 50 au lieu de 30 pour la partie « foncière » des PLS. Ces deux mesures équivalent à une subvention de 8 % des opérations. Ensuite, nous avons mis en place des prêts de la Caisse des dépôts dédiés à l'acquisition de terrains pour faciliter le portage foncier par les bailleurs ainsi que des prêts fonciers d'une durée de 50 ans permettant aux communes d'acquérir des terrains pour les donner à bail à des organismes de logement social. Par ailleurs, en Ile-de-France, le reclassement en zone 1 de 328 communes classées jusqu'ici en zone 2, permet d'améliorer le financement des opérations qui y sont réalisées. Enfin, pour accélérer le paiement des subventions de l'Etat aux organismes de logement social, 250 millions d'euros supplémentaires seront versés dans les meilleurs délais. Avec cette série de mesures, les bailleurs sociaux estiment qu'ils pourront atteindre les objectifs du plan de cohésion sociale, sous réserve de ressources foncières suffisantes. Le logement social ne souffre pas d'un manque de crédits.

Pour relancer le logement locatif à loyer maîtrisé, le taux des PLI a été abaissé dès le début de cette année, grâce aux ressources du livret A. Et, dans le cadre de la présente loi, un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif vous sera proposé ainsi qu'un élargissement du rôle de l'ANAH pour favoriser le développement du parc locatif privé.

Concernant l'offre d'hébergement d'urgence, 5 000 logements sont en cours de réalisation afin d'éviter les drames humains connus en 2004 et en 2005 et 5 000 places en hôtellerie à vocation sociale et de qualité seront créées dans un délai de deux ans, sachant que les premières expérimentations seront lancées dès cette année. Ensuite, 50 millions ont été débloqués pour réaliser des travaux de sécurité dans les centres d'hébergement d'urgence et les logements-foyers.

Deuxièmement, l'accession à la propriété. Lors de la loi de finances pour 2006, il a été décidé d'étendre le bénéfice des prêts à taux zéro aux ménages dont les revenus moyens sont insuffisants pour faire face sans risque à une accession à la propriété dans les grandes agglomérations où les prix sont élevés. Dans le souci de développer les prêts sociaux de location-accession, PSLA, aujourd'hui sous-utilisés, nous avons aligné leur plafond de ressources sur ceux des prêts à taux zéro. Ainsi, nous atteindrons l'objectif de 10 000 PSLA fixé pour 2006.

Troisièmement, la mobilisation de la ressource foncière, paradoxalement rare alors que le taux de densité de notre pays est faible. Parce que ce point est essentiel pour assurer le succès du plan, l'Etat a décidé de montrer l'exemple en cédant certains de ses terrains à une valeur moindre - une décote pouvant aller jusqu'à 35 % dans les zones les plus tendues sera appliquée - afin d'encourager la construction de logements sociaux. Les collectivités locales doivent prolonger les efforts de l'Etat dans ce domaine. Du reste, le Gouvernement a engagé une réflexion, en concertation avec les élus locaux, sur la possibilité d'améliorer les ressources des communes vertueuses en la matière.

Enfin, et c'est le dernier point, un comité interministériel, présidé par le Premier ministre et composé des principaux ministres concernés, a été créé pour suivre la réalisation du pacte.

Le projet de loi soumis à votre examen aujourd'hui comprend les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre du pacte. Sur le plan de la mobilisation de la ressource foncière, il permet d'accélérer la cessation des actifs fonciers de l'Etat afin d'atteindre l'objectif de 20 000 logements construits en trois ans. Il dote les élus de nouveaux outils afin de mener des politiques d'urbanisme ambitieuses, notamment en améliorant le régime des PLU. Les maires « bâtisseurs » seront aidés par de nouveaux dispositifs fiscaux, proposés par le Sénat : une majoration substantielle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties qui permettra de lutter plus efficacement contre les phénomènes de rétention foncière ; et une taxe sur les terrains devenus urbanisables et dont la valeur aurait été réévaluée du fait d'une décision administrative qui aura pour effet de partager la plus-value entre le propriétaire et la commune.

M. François Brottes - Il eût fallu être plus audacieux !

M. le Ministre de l'emploi - Ensuite, afin de faciliter l'accession à la propriété, ce texte prévoit l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux opérations d'accession sociale à la propriété, dans lesquelles intervient l'ANRU, dans les quartiers dits « sensibles » alors qu'ils sont en réalité situés sur de superbes terrains préemptés par le passé pour les besoins de l'équipement. Sera ainsi facilitée l'accession des habitants des quartiers en difficulté, et partant, la mixité sociale. Certains d'entre vous souhaitent élargir ce taux réduit de TVA (Murmures sur les bancs du groupe UMP) mais c'est un sujet délicat au point de vue financier.

M. Jacques Myard - Eh oui !

M. le Ministre de l'emploi - Quant à l'offre de logements locatifs à loyers maîtrisés, son développement passe également par le soutien au parc privé. Aussi le projet de loi prévoit-il que l'ANAH pourra passer des conventions avec les bailleurs, indépendamment de la réalisation de travaux et des aides qu'il accorde à cette fin. Par ailleurs, les sénateurs ont introduit une disposition fiscale visant à inciter les propriétaires de logements vacants à les remettre sur le marché : une déduction pendant deux ans de 30 % des revenus des logements vacants mis en location avant le 31 décembre 2007.

Ce texte propose un nouveau dispositif qui visera des loyers 30 % au-dessous de ceux du marché et des locataires dont les ressources n'excèdent pas les plafonds du prêt locatif intermédiaire. Il comprendra un amortissement fiscal sur quinze ans et une déduction forfaitaire sur les revenus locatifs. Le produit actuel d'aide à l'investissement locatif sera maintenu mais sa rentabilité sera sensiblement inférieure à celle du produit locatif intermédiaire. Avec ces deux produits complémentaires, la production de logements locatifs devrait rester aussi importante qu'aujourd'hui.

Après un long travail de concertation avec les offices HLM, le texte prévoit l'unification des statuts. Il renforce la présence des collectivités locales dans les instances dirigeantes et retient le statut d'établissement public industriel et commercial. Il est proposé au Parlement d'autoriser le Gouvernement à prendre une ordonnance, compte tenu de la complexité et du caractère technique du texte d'ensemble, lequel a été communiqué à vos rapporteurs.

Nous prévoyons par ailleurs, par un amendement gouvernemental, de réformer les sociétés anonymes de crédit immobilier. Ces sociétés de HLM, spécialisées dans l'accession sociale, ont à présent un rôle d'actionnaires de filiales bancaires et immobilières, sans vocation sociale particulière, alors que leurs moyens financiers ont été en grande partie obtenus dans le cadre de leur activité sociale antérieure. Nous souhaitons donc qu'elles se recentrent sur le logement social, en laissant aux acteurs du marché les activités financières concurrentielles. Nous veillerons toutefois à préserver le droit de leurs actionnaires.

Le Sénat a élargi la compétence des organismes HLM d'outre-mer, afin qu'ils puissent réaliser tous les produits spécifiques qui y sont développés.

S'agissant de l'accès de tous au logement, le projet de loi n'institue par de droit au logement opposable - même si l'idée s'impose peu à peu dans les esprits - mais il propose des avancées fortes pour un droit au logement effectif. Il permet ainsi aux EPCI de signer avec les bailleurs sociaux des accords collectifs pour le logement des personnes défavorisées, indépendamment des accords passés par le préfet, en autorisant la délégation directe du contingent préfectoral. Le Sénat a aussi introduit une commission de coordination des attributions pour les personnes défavorisées, au niveau de l'agglomération.

Le texte considère comme prioritaires les personnes sortant d'un hébergement d'urgence ou d'une longue période de chômage. Il renforce le rôle de la commission de médiation qui pourra favoriser les personnes en attente d'un logement pendant un temps anormalement long.

En outre, le projet vise à renforcer le dispositif du loyer de solidarité dans le parc social afin d'y inciter à la mobilité. Le Sénat a prévu que les programmes locaux de l'habitat formuleront des orientations et pourront préciser les secteurs où le surloyer ne s'applique pas. Le texte prévoit aussi d'interdire les coupures d'eau, d'électricité et de gaz pour les ménages de bonne foi en grande difficulté, le Sénat en ayant défini le champ.

Enfin, le Sénat a adopté un certain nombre de dispositions, comme l'introduction d'un diagnostic sur la sécurité électrique lors des ventes, l'incapacité à exercer pour les agents immobiliers condamnés pour discrimination et le report d'un an de l'entrée en vigueur des nouvelles règles comptables. Il a aussi introduit un contrat de vente en l'état futur de rénovation, comparable à la vente en l'état futur d'achèvement dans le neuf.

Vous noterez que le projet prévoit d'avancer au 1er mars 2006 la date d'entrée en vigueur du nouvel indice des loyers, mais la loi de finances rectificative l'ayant avancée au 1er janvier, l'article n'est plus pertinent. Enfin, le projet prévoit de ratifier l'ordonnance logement construction du 8 juin 2005.

Ce projet de loi, très complet, qui s'inscrit dans le cadre d'une mobilisation générale des élus ainsi que des organismes constructeurs privés et publics, veut apporter des réponses législatives indispensables et nous permettre de poursuivre - et d'amplifier - l'effort historique de 2005, en prévoyant une véritable détente de l'offre foncière. Chacun doit y trouver un intérêt rationnel, ce qui n'était pas toujours le cas auparavant.

Si notre pays avait, dans les quinze dernières années, continué à construire autant de logements sociaux qu'à l'époque de M. Périssol...

M. Jean-Louis Dumont - C'est n'importe quoi !

M. le Ministre de l'emploi - ...nous ne connaîtrions pas de crise du logement...

M. Jacques Myard - Le logement social n'est pas la panacée !

M. le Ministre de l'emploi - ... Ce texte va nous permettre d'en sortir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes - Ça, c'est de la déclaration !

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Face à la crise, les objectifs fixés par le Premier ministre sont ambitieux. Dans le domaine de l'urbanisme et du foncier, nous avons lancé des chantiers pour simplifier et clarifier la réglementation, renforcer les pouvoirs opérationnels des élus et faciliter l'obtention des autorisations de construire.

A cet égard, en votant à l'unanimité la réforme des concessions d'aménagement, vous avez libéré de ses contraintes l'aménagement opérationnel et renforcé le pouvoir de décision du maire. Par ailleurs, la très importante réforme du permis de construire se concrétisera en 2006 grâce aux décrets d'application, aux guides méthodologiques et à la formation des 9 000 instructeurs.

M. Rodolphe Thomas - C'est essentiel !

M. le Ministre des transports - Il faut également traiter l'amont de l'acte de construire : le foncier, la planification, les finances. Le présent projet de loi améliorera la production de logement suivant quatre grands axes : faciliter la mobilisation du foncier ; rendre plus opérationnels les documents d'urbanisme ; sécuriser les actes d'urbanisme ; mettre en place des moyens financiers nouveaux pour soutenir les maires bâtisseurs.

L'absence de foncier disponible est un frein important. Le Premier ministre a donc décidé de mettre sur le marché des emprises publiques importantes afin d'y construire plus de 20 000 logements, et il a souhaité accélérer les procédures foncières ou les procédures d'urbanisme préalables.

M. Jean-Louis Dumont - Pour le logement locatif ?

M. le Ministre des transports - Je me tiens, avec mes services, à votre disposition pour combattre les réticences qui pourront apparaître sur le terrain.

Par ailleurs, les sénateurs ont introduit deux mesures intéressantes de transparence des marchés fonciers, en obligeant l'administration fiscale à communiquer les éléments essentiels des transactions depuis cinq ans, et en invitant les préfets à communiquer l'état du patrimoine foncier public dans les départements.

Pour faire face à la crise du logement, aggravée par la pression foncière, les élus, et au premier chef les maires, doivent disposer d'outils opérationnels efficaces : c'est le deuxième objectif de ce texte.

Nous introduisons une dynamique au sein des PLU, documents souvent perçus comme statiques, voire figés. Les sénateurs ont prévu que les documents d'urbanisme pourront contenir un échéancier prévisionnel des réalisations, ce qui donnera aux acteurs une vision du rythme du développement urbain. Ainsi, avec l'obligation triennale de délibérer sur l'adéquation entre le PLU et les besoins de la commune, les élus pourront dynamiser leur urbanisme réglementaire.

Dans le même esprit, les maires pourront, à titre provisoire, apporter des dérogations limitées à leur document d'urbanisme si les règles de densité sont trop faibles, afin de pouvoir délivrer des permis de construire sans attendre sa révision. Je suis convaincu que ces mesures permettront aux élus de mieux organiser l'usage du sol.

Ce texte renforce également la sécurité juridique des actes d'urbanisme en reprenant quatre dispositions du rapport Pelletier. Celles-ci permettront aux constructeurs, aux aménageurs et aux maires de se concentrer sur la construction sans craindre un blocage juridique.

Enfin, il me faut évoquer le très important volet financier de ce projet de loi. Le Gouvernement souhaite accompagner financièrement les maires bâtisseurs. Le Premier ministre a décidé de consulter l'Association des maires de France pour envisager une réforme de la dotation globale de fonctionnement. Mais sans attendre la conclusion de cette concertation, le Gouvernement propose d'améliorer le rendement de la taxe locale d'équipement et de permettre aux communes de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains constructibles.

M. Rodolphe Thomas - Très bien !

M. le Ministre des transports - Je suis persuadé qu'elles seront toutefois soucieuses de modération fiscale.

Le Sénat a par ailleurs, avec l'accord du Gouvernement, profondément réformé la fiscalité foncière, proposant notamment un meilleur partage de la plus-value lorsque des terrains sont rendus constructibles. Les communes qui le souhaitent pourront récupérer une fraction de cette plus-value afin de financer des équipements publics ou de préparer l'avenir. Voilà une disposition novatrice et audacieuse, qui respecte le principe de subsidiarité. Le Gouvernement cherche ainsi à doter les communes d'outils complémentaires, adaptables au contexte local, pour être efficaces.

Les volets urbanisme et foncier de ce texte sont particulièrement denses. Les débats ont été très riches au Sénat, témoignant de l'importance du sujet pour les élus. Je ne doute pas qu'ils seront d'aussi grande qualité à l'Assemblée.

Ce texte nous donne l'occasion de moderniser notre pays et de l'aider à surmonter la crise majeure du logement qu'il connaît, en dotant les pouvoirs publics de nouveaux outils concrets, efficaces et simples. Dans une France décentralisée, l'Etat ne peut agir seul. C'est l'ensemble des acteurs, publics et privés, qu'il convient de mobiliser, au service d'une politique du logement plus dynamique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques - Ce projet de loi, qui vise à répondre à la crise de l'offre de logement que traverse notre pays depuis de nombreuses années, était très attendu des parlementaires comme des professionnels du secteur, ayant fait l'objet de multiples annonces de la part du Gouvernement.

M. Jean-Louis Dumont - Trois ans qu'on en parle !

M. le Rapporteur - La commission se félicite que deux lectures aient été prévues dans chaque assemblée, tant le problème du logement est complexe et les avis partagés sur le sujet.

Depuis une vingtaine d'années, la France a accumulé un retard important en matière de constructions de logements sociaux comme de logements privés. Ce retard a en outre été aggravé par un phénomène de rétention foncière, par divers freins à la mobilisation du foncier disponible et par la réticence de nombreux propriétaires à louer leurs logements vacants. L'offre insuffisante de logements, conjuguée à une demande croissante, a alimenté la flambée des prix sur le marché du logement.

Dans le contexte actuel, marqué par un véritable boom de la construction, l'insuffisance de l'offre n'est pas seule en cause. Ont également leur part de responsabilité l'asymétrie d'information sur le marché foncier, la hausse du coût des terrains qui s'est accompagnée d'une flambée des prix due au fort accroissement du nombre de demandeurs de logements, l'augmentation du nombre des ménages parallèle à la diminution de leur taille, en raison du vieillissement démographique, des phénomènes de décohabitation et du plus grand nombre de séparations des couples.

L'ensemble de la chaîne du logement se trouve désormais engorgé, rendant plus difficile l'accès au logement des ménages aux revenus modestes et moyens, allongeant les délais d'attente des demandeurs de logements sociaux, et rendant de plus en plus précaire l'hébergement des ménages les plus défavorisés. La crise du logement a grippé la mobilité résidentielle et nui à la mixité des quartiers.

Le parcours résidentiel qui permettait dans les années 1960 et 1970 aux ménages de passer d'un logement HLM à un logement privé locatif puis à l'accession à la propriété, est bloqué. Les ménages sont contraints d'occuper un segment de marché immédiatement inférieur à leurs préférences de départ. La diminution du nombre de primo-accédants, notamment issus de logements sociaux, pèse sur les marchés locatifs privés ou publics, qui servent alors de solution de rechange, définitive ou d'attente. Les ménages ont en outre des difficultés croissantes à accéder au logement social, ce qui fait s'allonger les files d'attente. Enfin, ceux qui sont logés en HLM ne peuvent plus en partir.

Si les ménages les plus modestes sont contraints de recourir à des solutions toujours plus précaires, les classes moyennes ne sont plus épargnées par la crise. La vulnérabilité croissante des ménages accueillis dans le parc social ainsi que les difficultés accrues des classes moyennes à accéder à la propriété remet en question la possibilité, pour ces ménages, de choisir le type et la localisation de leur logement et la perspective de pouvoir en changer un jour. Les populations modestes se concentrent dans le parc social et le parc locatif le moins cher, et les plus aisées dans les zones de propriété ou de logement locatif privé.

Mais la quantité de logements disponibles n'importe pas seule. Leur qualité est aussi un enjeu majeur pour les pouvoirs publics. Un seul exemple : si à Paris plus de 90 % des logements sont aujourd'hui dotés du confort de base, il subsiste, dans la ville, un parc insalubre dont profitent les marchands de sommeil, qui y logement des ménages aux revenus les plus modestes dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité inacceptables. La résorption de cet habitat indigne n'est pas la seule préoccupation qualitative, même si elle est bien sûr prioritaire. Les exigences croissantes de la société en matière de confort et de développement durable, ainsi que le vieillissement démographique, supposent des normes de construction prenant en compte des objectifs aussi différents que la maîtrise de la demande énergétique, l'accessibilité aux personnes âgées ou à mobilité réduite...

Face à ces problèmes, le Gouvernement a engagé depuis 2002 une politique active visant à agir sur les différents maillons de la chaîne du logement : rénovation des quartiers, relance de la construction de logements sociaux, promotion d'un habitat économe en énergie et respectueux des objectifs nationaux de développement durable, mise en place d'un nouvel indice de référence des loyers, lutte contre les ventes à la découpe, simplification du droit de l'urbanisme, résorption de l'habitat indigne.

Afin de compléter ces mesures, le Gouvernement a défini un pacte national pour le logement, dont le présent projet de loi constitue le volet législatif. Ce texte, qui a fait l'objet de modifications importantes au Sénat, vise notamment à faciliter la mobilisation de terrains publics, à adapter la procédure d'élaboration des documents d'urbanisme aux objectifs de construction de logements, à soutenir l'effort de construction des communes, à favoriser l'accession à la propriété, à relancer l'offre de logements privés à loyers modérés, à lutter contre l'insalubrité et la vacance des logements, à favoriser la mixité, à aider les personnes défavorisées à se loger décemment.

Ce projet de loi vise à une régulation du marché et préfère l'incitation à la contrainte. Les incitations fiscales ont ainsi été privilégiées tant pour lutter contre la rétention foncière et la vacance des logements, que pour relancer l'offre de logements à loyers modérés, l'accession à la propriété, ou encore améliorer la transparence du marché foncier.

Il assouplit le droit de l'urbanisme, parfois trop contraignant pour les maires bâtisseurs. Dans l'esprit de la décentralisation relancée en 2004, il conforte d'une part, le rôle des groupements intercommunaux dans la définition de politiques cohérentes de l'habitat au niveau des bassins de vie, d'autre part celui de l'Etat, garant de l'intérêt général à l'échelon local.

La commission, tout en se félicitant de ces mesures, a enrichi le texte sur trois points principaux. Tout d'abord, l'accession sociale à la propriété, point sur lequel elle a adopté quatre amendements majeurs. Le premier améliore le dispositif du bail à construction, en permettant de dissocier l'acquisition du bâti et du foncier, ainsi que les garanties hypothécaires dont le dispositif est assorti. Le deuxième étend, dans certaines conditions, le bénéfice du taux réduit de TVA aux communes dont des quartiers ont conclu des conventions avec l'Agence nationale de rénovation urbaine. Le troisième permet, dans le cadre des opérations d'accession sociale à la propriété, aux organismes vendeurs d'appliquer une décote ou une surcote au prix du logement, par rapport à l'estimation du service des Domaines. Enfin, le quatrième incite les communes à réaliser des opérations d'accession sociale à la propriété, en prévoyant que celles-ci pourront être comptabilisées, durant cinq ans, dans le décompte des 20 % de logements sociaux rendus obligatoires par l'article 55 de la loi SRU.

Deuxième point sur lequel la commission a enrichi le texte : l'aide personnalisée au logement. Elle a sur ce point adopté deux amendements, l'un supprimant le délai de carence d'un mois pour le versement de l'allocation, le second remettant en question le seuil de 24 euros par mois, montant en deçà duquel l'aide n'est pas versée.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. le Rapporteur - Ces deux amendements ont, hélas, été déclarés irrecevables.

M. Jean-Louis Dumont - C'eût été trop beau !

M. le Rapporteur - Je souhaite, Monsieur le ministre, appeler votre attention sur le caractère inique de ce seuil qui pénalise les ménages les plus modestes et sur l'absolue nécessité de le supprimer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Un large consensus s'est fait jour sur tous les bancs de cette assemblée à ce sujet.

Enfin, la commission a souhaité que l'application des surloyers soit prévue dans les programmes locaux de l'habitat.

La commission a également adopté des mesures en faveur de la mixité de l'habitat et de la lutte contre l'insalubrité des logements. Elle a aménagé les règles comptables pour faciliter la gestion des petites copropriétés. Enfin - j'y suis très attaché - elle a étendu aux établissements d'hébergement d'urgence le taux réduit de TVA dont bénéficient les bailleurs sociaux. Elle vous demande d'adopter le projet ainsi amendé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et certains bancs du groupe UDF)

M. Jean-Louis Dumont - La commission a assez bien travaillé. Il faut qu'elle continue.

M. François Scellier, rapporteur pour avis de la commission des finances - Malgré la relance récente de la construction, une crise du logement qui résulte d'un déséquilibre persistant entre l'offre et la demande, en raison des retards de construction accumulés pendant trop d'années, frappe principalement les ménages modestes et plus particulièrement les grandes agglomérations.

Face à cette crise, dans le cadre du plan de cohésion sociale de 2004, la loi de programmation a prévu la construction de 500 000 logements sociaux sur cinq ans, le conventionnement de 200 000 logements à loyer maîtrisé, et la remise sur le marché 100 000 logements vacants. La réforme du prêt à taux zéro dans la loi de finances pour 2005 devrait permettre l'accession à la propriété chaque année de 240 000 ménages.

Déjà 75 000 logements locatifs sociaux ont été financés en 2004, soit le niveau le plus élevé depuis dix ans. Et grâce notamment à l'impulsion très forte donnée par le dispositif « de Robien », plus de 400 000 logements ont été mis en chantier en 2005, Ces résultats encourageants rompent avec l'immobilisme que nous avons connu pendant des années, avec ce point bas historique de 42 000 logements locatifs sociaux financés en 2000 !

M. Jean-Louis Dumont - Vous connaîtrez la même chose pour les réhabilitations dans deux ans.

M. le Rapporteur pour avis - Mais la politique volontariste du Gouvernement se heurte encore à des obstacles. Ainsi, en Ile-de-France notamment, il est difficile de mobiliser le foncier. Les réformes proposées sont donc opportunes.

Ce projet constitue le volet législatif d'un ensemble plus vaste, le Pacte national pour le logement. Il s'agit de conforter les actions entreprises et d'intervenir plus globalement sur l'ensemble de la chaîne de production d'un logement accessible au plus grand nombre.

Quatre priorités de ce projet, qui a été très enrichi par le Sénat, me semblent essentielles.

La première est de mobiliser la ressource foncière. Ainsi la possibilité de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains constructibles ainsi que la création d'un nouveau dispositif de partage, entre la commune et le propriétaire, des plus-values engendrées par le classement en zone constructible de terrains auparavant non constructibles encourageront les maires à agir. Cependant, sachons garder l'équilibre entre le soutien à la construction et une fiscalité juste et efficace : trop de taxes feraient renchérir le prix des terrains.

La seconde priorité est d'encourager les communes à s'engager en faveur de la construction de logements sociaux.

M. Jacques Myard - Il n'y a pas que le logement social dans la vie !

M. Jean-Pierre Brard - Surtout à Maisons-Laffitte.

M. le Rapporteur pour avis - Il est proposé notamment de majorer la taxe locale d'équipement et de compenser intégralement la taxe foncière sur les propriétés bâties supportées par les communes et les EPCI au titre des logements PLUS et PLA-I financés pendant la durée du plan de cohésion sociale. Cette mesure était réclamée depuis longtemps par les élus locaux.

La commission des finances a adopté un amendement exonérant les sociétés d'économie mixte d'impôt sur les sociétés sur les plus-values réalisées lors de la cession d'immeubles, si ces dernières sont réinvesties dans la construction ou la réhabilitation de logements sociaux.

La troisième priorité, la plus importante pour beaucoup d'entre nous car il s'agit d'accroître la mixité sociale, est de favoriser l'accession d'un plus grand nombre à la propriété. C'est l'une des aspirations principales des Français. Or, pour les plus modestes, elle suppose l'intervention publique. L'instauration de la TVA à 5,5 % pour tous les projets d'accession à la propriété dans les quartiers faisant l'objet d'une convention de rénovation urbaine favorisera la mixité sociale. Il faudra voir à l'usage comment il serait possible d'en étendre le champ d'application.

Par ailleurs, la commission a adopté sur ma proposition un amendement visant à créer un « plan d'épargne retraite-logement ». Le titulaire d'un plan d'épargne retraite populaire - PERP - pourrait bénéficier, à l'âge de la retraite, d'un versement en capital destiné à l'acquisition d'une première résidence principale, alors que pour l'instant il ne peut que toucher une rente. Bien sûr, il conviendrait d'aménager l'avantage fiscal - je dis cela pour rassurer Bercy que je devine inquiet.

Cet amendement devrait renforcer l'attractivité du PERP, qui rencontre malheureusement un succès limité, et garantir un meilleur niveau de vie à des retraités dont les revenus baissent.

M. Rodolphe Thomas - C'est vrai.

M. le Rapporteur pour avis - Le quatrième axe du projet est le développement de l'offre de logements locatifs à loyer maîtrisé. L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, qui devient l'Agence nationale de l'habitat, pourra désormais passer des conventions avec des propriétaires, qu'ils fassent ou non des travaux d'amélioration. Ils bénéficieront alors d'une déduction de 30 % des revenus fonciers au titre de l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, le projet instaure un nouveau produit d'investissement locatif intermédiaire, le « Borloo populaire »,...

M. Jean-Pierre Brard - C'est contradictoire dans les termes !

M. Michel Piron - Non, c'est un pléonasme.

M. le Rapporteur pour avis - ...assorti de contreparties sociales, à savoir des loyers de 30 % en dessous des prix du marché et des plafonds de ressources égaux à ceux des logements PLI. Mais un tel plafond de loyer met en cause la rentabilité même de l'investissement, voire la qualité des constructions. Je vous proposerai donc, par amendement, de fixer le plafond de loyer à un niveau inférieur de 20 % aux prix du marché, pour que le dispositif reste suffisamment incitatif.

Au total, ce projet présente un ensemble de mesures cohérentes, ambitieuses et pragmatiques pour lutter contre la crise du logement. Il reste cependant, j'y insiste, à veiller à ce que certaines mesures, dont on comprend l'esprit, n'aillent pas à l'encontre du but recherché. Aussi, dans ce domaine plus encore que dans d'autres, faut-il observer de façon continue l'évolution du marché, faire preuve de pragmatisme mais aussi, même si cela peut apparaître contradictoire, assurer la stabilité des règles.

Je salue, Monsieur le ministre, votre décision de ne pas faire déclarer l'urgence, pour laisser les élus s'exprimer pleinement sur ce sujet qui concerne la vie quotidienne. La commission des finances est favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle était saisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Bravo, Messieurs les ministres, pour ce texte ambitieux qui permettra de construire plus de logements. Il faut en effet accélérer le processus, compte tenu du retard accumulé. En 2000, on a produit 200 000 logements, dont 42 000 logements sociaux. En 2005, nous en sommes à 402 000 logements construits, dont 75 000 logements sociaux. C'est, Monsieur Borloo, un effort remarquable que les Français doivent connaître.

Mais j'insisterai plus encore sur l'accession sociale à la propriété. C'est l'aspiration de la majorité des Français. Aidons-les à la réaliser.

M. Philippe Pemezec - Très bien !

M. le Président de la commission - Vous proposez des mesures. Nos amendements les améliorent.

Il n'y a que 56 % de propriétaires en France, contre 83 % en Espagne, 74 % en Grèce, 68 % en Grande-Bretagne et 70 % en Italie. Ce retard, propre à notre pays, est totalement insupportable, et il nous faut donc aller plus vite et plus loin, en mettant en place une véritable politique d'accès social à la propriété.

Pour cela, nous avons besoin d'une procédure garantissant plus de lisibilité et de simplicité. Evitons à nos concitoyens d'avoir à errer de banques en conseillers. Installons des guichets uniques dans les mairies, à l'image des procédures qui existent pour les HLM (Approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont - Instituez aussi une procédure sécurisée.

M. le Président de la commission - Nous devons également globaliser les moyens disponibles et faciliter la construction. Le taux réduit de TVA à 5,5 % pour le logement est une excellente nouvelle, dont je me félicite. La commission a toutefois accepté un amendement que j'ai déposé avec M. Hamel, car nous jugeons les propositions du Gouvernement timides. Alors que vous souhaitez limiter les procédures d'accession sociale à la propriété aux zones couvertes par l'ANRU, nous pensons en effet qu'en cas de surdensification, qui empêche de nouvelles constructions, ou d'impératifs de mixité sociale, le maire doit pouvoir étendre les procédures d'implantation dans un rayon de quelques kilomètres autour de la zone d'intervention de l'ANRU.

S'agissant ensuite des maisons dites « Borloo », le PSLA constitue une bonne disposition, mais nous vous proposerons également d'autres mesures fiscales. J'ajoute que l'augmentation du plafond du prêt à taux zéro, porté à 51 900 euros, contre 38 690, est également une excellente mesure. Ainsi, 240 000 ménages pourront bénéficier de la procédure d'accession sociale à la propriété.

Afin de mieux structurer le dispositif, nous vous proposerons en outre un amendement tendant à fixer par décret des critères de revenu, qui garantiront que les fonds concernés ne seront utilisés qu'à des fins sociales. C'est en effet dans une politique sociale de grande ampleur que notre majorité entend s'engager résolument, et c'est tout à son honneur !

J'en viens enfin à la vente à l'occupant des logements sociaux, dont la commission souhaite le développement.

M. Jean-Louis Dumont - Elle existe déjà.

M. le Président de la commission - Nous voulons que les bailleurs sociaux s'engagent résolument en ce sens, à hauteur d'au moins de 0,5 % de leur patrimoine. L'accession par l'achat dégagera en effet des moyens financiers qui permettront de construire de nouveaux logements sociaux et de satisfaire l'aspiration légitime de nos concitoyens, qui souhaitent accéder à la propriété. L'amendement prévoyant une surcote ou une décote de 35 % devrait y contribuer efficacement.

Je voudrais conclure par un vœu.

M. Jean-Pierre Brard - Qui n'engage à rien !

M. le Président de la commission - Il me semble normal que ces logements restent dans la liste des logements sociaux définis à l'article 55, dès lors que les critères de revenus que j'ai évoqués sont respectés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) .

M. Jean-Louis Dumont - Les masques tombent !

M. le Président de la commission - Si l'accession sociale à la propriété dépend de critères aussi justes que ceux des allocations sociales, qui pourra critiquer une telle mesure ? Démontrez-nous plutôt que cette proposition n'est pas sociale - et je serai le premier à y renoncer !

Vous avez fixé des objectifs auxquels nous souscrivons, Monsieur le ministre, et nous soutenons votre politique : grâce à ce projet, nous allons en effet donner au Gouvernement les moyens d'aller plus vite et plus loin en matière de logement.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. F5 et des membres du groupe F5 une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. Je vous rappelle que la Conférence des présidents à fixé à trente minutes la durée de l'intervention.

M. Jean-Marc Ayrault - Est-il une plus grande indignité pour une nation que de ne pas savoir offrir un toit à chacun de ses enfants ? Est-il une plus grande injustice que des milliers de Français soient privés de ce droit élémentaire au logement ?

Nous avons tous à l'esprit les victimes des incendies dans des taudis parisiens cet été et la terrible errance des sans domicile fixe. Nous connaissons tous certains de ces trois millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent dans des logements considérés comme dégradés ou vétustes par l'administration - images choquantes, qui nous renvoient à l'appel à « l'insurrection de la bonté » lancé par l'abbé Pierre il y a un demi-siècle. Qu'avons-nous donc fait de son message ? Qu'est devenu le préambule de la Constitution : la nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ?

Aujourd'hui, la crise va bien au-delà de ces situations d'urgence : c'est une grande majorité de familles qui est désormais confrontée à la difficulté de trouver un logement à un prix ou à un loyer abordable. Or, ces hommes et ces femmes ne sont pas des accidentés de la vie, car ils ont le plus souvent un emploi, un salaire, un statut. Leur malchance est d'avoir des ressources trop modestes pour faire face à l'envolée des loyers ou des statuts trop précaires pour remplir les conditions d'accès que la collectivité impose.

L'inflation immobilière a engendré l'une des principales inégalités de notre République. Elle grève le pouvoir d'achat ; elle interdit le choix de sa résidence ; elle paralyse la mobilité sociale. Et nous n'avons pas l'excuse des pénuries de l'après-guerre : jamais le marché immobilier ne s'est si bien porté, et jamais la construction n'a atteint de tels sommets depuis vingt cinq ans. Et pourtant, rarement les difficultés de logement ont été aussi grandes ; rarement les fractures spatiales et urbaines ont été aussi béantes.

Le sociologue Eric Maurin a ainsi dénoncé la ghettoïsation à l'œuvre sur notre territoire du haut en bas de l'échelle sociale, et son collègue Jacques Donzelot a évoqué « la barrière invisible » du prix de l'immobilier qui sépare les catégories sociales : centre-ville pour les plus favorisés, quartiers périphériques pour les classes moyennes, banlieues de plus en plus lointaines pour les catégories populaires. Ghettos chics, ghettos chocs : la rupture du lien social s'inscrit désormais dans toute la géographie de nos villes.

La politique globale de votre gouvernement consistant à défaire les sécurités et les solidarités sociales a grandement contribué à cet état de fait. Les inégalités devant le logement en sont une des conséquences. C'est l'ensemble de cette politique que nous entendons changer.

Mais ayons l'honnêteté de reconnaître que nous n'avons pas pris la complète mesure de la crise du logement. L'Etat a ainsi très mal évalué la progression de la population française, puisqu'il estimait en 1996 le nombre de ménages à 23 millions de ménages, alors que ce sont finalement 24,5 millions de ménages qui ont été recensés en 1999, écart considérable qui a conduit à une sous-estimation des besoins de logements de l'ordre de 80 000 unités chaque année. L'Etat n'a pas non plus pris en compte l'impact des transformations du modèle familial sur le logement : le divorce, la décohabitation, le vieillissement. Autant d'erreurs de prévisions qui ont creusé la pénurie de logements sociaux.

Mais nous avons aussi, à droite comme à gauche, trop souvent succombé à la tentation de défaire le travail du Gouvernement. La politique du logement, comme la politique de la ville, a en effet connu trop d'à coups depuis trente ans, quand elle ne servait pas de variable d'ajustement budgétaire ! Au fil des alternances et des changements ministériels, des dispositifs se sont accumulés, et parfois contredits, là où l'ampleur de la question appelait au contraire un effort massif et continu de la collectivité nationale.

L'action de ce gouvernement, Messieurs les ministres, a parfaitement illustré cette démarche en dents de scie. Pendant les trois années de gouvernement Raffarin, la crise du logement a été sous-estimée, voire niée. On croyait en effet que la stimulation du marché de la construction suffirait à répondre aux besoins. Double erreur ! L'évolution inflationniste s'est accrue sans mécanismes correcteurs, et seuls ont été servis ceux qui pouvaient suivre l'inflation des prix. L'Etat s'est donc défaussé de ses missions sur le marché et sur les collectivités locales.

Les premières lois de finances de la législature ont eu des effets dramatiques. Outre la baisse en volume des crédits alloués au logement, leur affectation a accentué tous les déséquilibres. La plus grande partie de l'effort a ainsi été consacré à des avantages fiscaux exorbitants en faveur de la construction privée - tel le dispositif dit « de Robien » qui, de l'aveu même du rapporteur au Sénat, ont contribué à l'inflation des prix, alors que les moyens nécessaires pour répondre à la demande sociale étaient amputés.

Comment admettre qu'au moment où l'augmentation des loyers atteint un rythme annuel de 5 %, les aides à la personne aient diminué de 8 %, faute de réactualisation ? Comment accepter que des modifications mesquines du calcul des plafonds et le relèvement du seuil de non-versement aient exclu 200 000 personnes du bénéfice de ces aides au logement ?

Or, rien dans le texte que nous examinons ne permet de remédier à cette injustice. Les allocations logement ne sont pourtant pas une aumône, une charité que l'on octroie pour se donner bonne conscience : elles sont l'une des clés qui permettent aux familles les plus modestes d'accéder au logement.

Et comment comprendre qu'en pleine pénurie de constructions sociales, le Gouvernement ait pris la responsabilité de diminuer continuellement le volume des aides à la pierre ? Vous invoquez la bonne santé du bâtiment portée par une conjoncture exceptionnelle. C'est exact. En 2005, la barre des 400 000 constructions nouvelles a été franchie, et on ne peut que s'en féliciter. Mais vous oubliez de dire à qui cela profite.

M. le Ministre de l'emploi - La construction de logements sociaux a doublé !

M. Jean-Marc Ayrault - Seulement 40 % des 400 000 constructions nouvelles sont accessibles aux trois quarts des Français ! L'offre est pléthorique pour ceux qui ont les moyens, les autres doivent se contenter de miettes !

M. François Brottes - Voilà !

M. Jean-Marc Ayrault - En dépit de vos annonces flamboyantes, la production de logements locatifs sociaux est approximativement au même niveau qu'en 1998. Il y a eu 54 000 mises en chantier effectives l'an dernier, non pas 80 000 ! Et pendant ce temps, les listes d'attente pour un logement social atteignent un record : 1,3 million de personnes ! Au rythme actuel, il faudra trente ans pour résorber la demande, et le secteur locatif privé est incapable d'offrir une alternative.

Le niveau des loyers et les garanties exigées par les bailleurs deviennent des obstacles de plus en plus rédhibitoires, et votre politique ne fait que rendre encore plus pénible le chemin de croix des familles. On ne compte plus les titulaires de contrats nouvelle embauche qui se voient refuser un bail ou un prêt immobilier, sans parler des contrats aidés, et il en ira de même avec les contrats première embauche, trop précaires pour être solvables. C'est le cœur de notre débat. Vous croyez que la dynamique du marché va corriger ces excès et s'adapter à la demande, y compris sociale : nous sommes convaincus que l'Etat doit jouer un rôle régulateur, pour aider en premier lieu ceux qui ne peuvent pas se loger par eux-mêmes. Voilà l'exigence sociale d'aujourd'hui !

Mais vos incitations fiscales, par exemple, sont sans contrepartie sociale. Elles ont provoqué la spéculation et la flambée des prix. Le patrimoine des plus fortunés s'est accru et les familles modestes n'ont pas été aidées à se loger. Voilà qui illustre la dérive du dispositif de Robien : son coût pour l'Etat, en aides fiscales, est équivalent au montant budgétaire des subventions versées aux bailleurs sociaux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est incroyable !

M. Jean-Marc Ayrault - Voilà la politique du Gouvernement ! Vous en convenez vous-même en proposant un nouveau produit, un Borloo populaire censé corriger les effets pervers du Robien. Toutefois, les plafonds de ressources sont très élevés - le dispositif sera donc accessible à presque tout le monde, notamment à ceux qui n'en ont pas besoin - alors que le loyer de sortie est de 30 % inférieur au prix du marché parisien - progrès tout relatif, puisque les grandes villes de province sont toutes en dessous !

L'inflexion de votre projet vers le logement locatif est donc bien faible. Il est vrai que votre préférence est toujours allée à l'accession à la propriété, et le premier nom du texte était d'ailleurs « propriété pour tous ». Je suis convaincu que la mixité urbaine impose de répondre à l'ambition de nos compatriotes de devenir propriétaires, mais à une double condition : que les dispositifs de soutien aident ceux qui en ont le plus besoin et qu'ils n'assèchent pas, comme c'est le cas actuellement, les aides locatives. Or, d'un côté, vous étendez le prêt à taux zéro à presque tous les ménages, sachant que cela va en barrer l'accès aux familles les plus modestes, et de l'autre vous supprimez tout à la fois la prime et le fonds de garantie pour l'accession à la propriété, qui permettent aux catégories populaires de devenir propriétaires sans tomber dans le surendettement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous parlez beaucoup d'accession à la propriété, mais vous êtes loin d'agir en conséquence !

Vous vous délectez de votre trouvaille médiatique : la maison à 100 000 euros, mais il s'agit plutôt d'un palais des mirages ! On a fait du vertical pas cher, vous voulez faire de l'horizontal pas cher ! Bien des constructeurs ont tenté de bâtir ce genre de maisons - souvenez-vous des chalandonnettes - mais leur qualité médiocre et le coût exorbitant de leur entretien ont fait capoter tous les programmes. Si vous continuez dans cette voie, il faudra de grandes actions de rénovation dans quelque temps ! Surtout, vous semez l'illusion en prétendant financer ces maisons par la TVA à 5,5 %, le prêt remboursable sur vingt ans et la mise à disposition gratuite des terrains par les collectivités locales. Mais vous avez été maire ! Vous savez pertinemment que la plupart des communes sont confrontées à la cherté des terrains, parfois plus coûteux que la maison ! Les communes riches ne feront pas cet effort et les pauvres en seront incapables. Ou alors, ce sera au détriment du logement social...

La vente d'appartements HLM, proposée par des amendements de votre majorité, relève de la même contradiction : la diversité des statuts d'occupation est un facteur de brassage de la population. Dominique Strauss-Kahn a proposé un système de prêt-bail qui permettrait à un locataire d'appartement HLM de devenir propriétaire au bout de quinze ans. Cette proposition peut faire consensus à condition de s'inscrire dans un programme ambitieux de construction sociale, alors que pour votre majorité, elle est le cache-misère de la pénurie. J'en veux pour preuve cette annonce qui frise la démagogie : le renforcement du surloyer. Vous imputez une nouvelle fois l'engorgement du logement social non à l'insuffisance de constructions et aux prix du marché libre, mais à la trop forte présence de personnes qui ne seraient pas éligibles. En clair, les logements sociaux seraient pris d'assaut par les profiteurs !

M. Michel Piron - Ce sont vos propos !

M. Jean-Marc Ayrault - La réalité est que 3 % des locataires, d'après les bailleurs sociaux, dépassent le plafond de ressources. Beaucoup sont déjà assujettis au surloyer. Son renforcement n'est qu'une annonce simpliste qui conduira à recréer les ghettos de pauvres. Je vous mets en garde : mon expérience de maire montre qu'en cas de surloyer, les ménages dont les revenus sont à la limite des plafonds partent dans des logements privés aux loyers comparables, ce qui conduit directement à la paupérisation de certains quartiers. Vous n'avez pas pris la mesure des événements de novembre ! Il ne faut pas accepter ce durcissement des surloyers. Je vous demande d'y réfléchir : la mixité sociale sera remise en cause.

M. le Rapporteur - C'est complètement faux !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous me répondrez ! Vous avez entendu le chef de l'Etat tonner contre les communes qui ne respectent pas la loi SRU, mais nous savons tous que les pénalités sont très faibles et que la plus grande tolérance a cours pour ceux qui ne la respectent pas. Rien, dans votre projet ne prévoit de renforcer cette loi. Pis, un collectif de députés de l'UMP a appelé à son démantèlement ! Un amendement adopté en commission des finances prévoit que la prise en compte des 20 % de logements sociaux ne se fera plus au niveau de la commune, mais de l'intercommunalité. C'est inacceptable ! Comment peut-on exiger un comportement civique exemplaire de nos concitoyens quand ceux qui sont chargés d'appliquer la loi, les élus, la triturent en fonction de leurs intérêts locaux ?

M. le Président de la commission - L'amendement a été repoussé !

M. François Brottes - C'est qu'il a été proposé !

M. Jean-Marc Ayrault - Et qu'il peut donc surgir à nouveau ! On les connaît, ces sous-amendements déposés subrepticement par des députés de la majorité et qui sont votés ! Pensez à l'amendement Vanneste sur la colonisation !

Faire tomber les murs invisibles qui cloisonnent notre société, c'est réinventer le vouloir vivre ensemble, redonner un sens aux principes républicains. Les amendements du groupe socialiste s'inscrivent dans cette volonté.

Mais je veux aussi être objectif et reconnaître les mesures intéressantes de votre texte, comme celles relatives à l'outil foncier. C'est notamment le cas de la décote des terrains cédés pas l'Etat en vue de réaliser du logement social. Le coût du foncier entrave trop souvent les bailleurs sociaux. Nous voulons allons plus loin en permettant à l'Etat de leur céder gracieusement les terrains. C'est également le cas de la récupération d'une partie de la plus-value réalisée par la vente d'un terrain classé en zone constructible. La taxe forfaitaire que vous avez fixée est insuffisante, mais c'est une avancée. Ce chapitre et beaucoup d'autres pourraient être l'amorce d'une confrontation constructive. Mon regret est que vos intentions, souvent pertinentes, restent prisonnières des dogmes de votre majorité, des conservatismes de votre électorat et des pressions de vos lobbies. La crise urbaine qui a eu lieu cet automne et à laquelle la problématique du logement était liée appelle autre chose que l'accompagnement des inégalités du marché que fait votre texte. Elle impose de repenser en profondeur toute l'architecture de l'intervention publique. Elle nécessite de définir un nouveau partenariat entre l'Etat, les collectivités, les bailleurs et les citoyens.

Nous ne nous contentons donc pas de critiquer : je voudrais vous exposer les clefs des députés socialistes pour le logement - les CLES : contrats logements équitables et solidaires. Car notre projet contient ces trois dimensions. Le contrat tout d'abord, car la dérégulation du marché immobilier requiert un nouvel équilibre des droits et des devoirs entre l'Etat, le secteur social et le secteur privé. Tout avantage fiscal consenti par la puissance publique doit trouver sa contrepartie en terme de modération des loyers et de mixité du logement. Le prêt de Robien doit donc être remplacé par un dispositif reprenant ce principe. Une telle approche commence par une remise en ordre du marché immobilier s'inspirant des trois grands secteurs qui existent dans notre système de santé : le secteur social, dont l'Etat et les collectivités assurent le financement, un système conventionnel où les aides publiques sont liées à des engagements du bailleur et un secteur libre où la loi de l'offre et de la demande joue sans intervention publique.

La deuxième dimension est l'équité, avec une volonté de clarifier les droits et les devoirs de chacun. Nous avons une obligation de résultats dans la lutte contre les exclusions et d'accès de tous à un logement décent. L'égalité des chances doit devenir un lieu commun de la République.

La solidarité, enfin, s'inscrit dans la continuité de la loi SRU : il s'agit de construire une société qui reconnaît et fédère ses diversités - des habitant, des acteurs, publics et privés, des statuts d'occupation ou des types d'habitat. Il faut à cet égard parler clairement à nos concitoyens : le cloisonnement urbain, l'entre-soi, les stratégies d'évitement sont les ferments de la destruction du sentiment national. Si l'on veut que la France reste une nation une et indivisible, que ses citoyens aient une conscience collective commune, alors il faut accepter que des règles favorisent le brassage de nos diversités. Sans cette exigence, nous serons condamnés à la ghettoïsation et aux conflits communautaristes qu'elle génère. Derrière ces mots se dessine une politique nationale du logement qui sera l'un des cinq grands programmes d'un gouvernement de gauche.

M. Philippe Pemezec - Mais qui a construit les quartiers qui explosent aujourd'hui ?

M. Jean-Marc Ayrault - Ce que je propose aujourd'hui, au nom des députés socialistes, vaut engagement pour l'avenir. La première des clefs que nous proposons est que le coût du loyer soit limité à 25 % du revenu des ménages.

L'objectif est de rendre le marché locatif abordable pour toutes les familles. Pour trop d'entre elles, le logement représente une charge excessive, dépassant parfois le tiers de leurs ressources. Voilà pourquoi nous proposons que le coût du loyer dans le secteur social et dans le secteur conventionnel soit limité à 25 % du revenu de chaque ménage. Ce serait une mesure d'équité, qui bénéficierait en priorité aux familles à revenu modeste ou moyen. J'entends déjà les critiques : « vous bloquez les loyers ! », « vous spoliez les propriétaires ! », « vous tuez la poule aux œufs d'or »... En vérité, ce que nous proposons, ce n'est pas une mesure administrative, mais un contrat, négocié entre l'Etat, les bailleurs et les locataires. Et le principal effort, c'est vrai, viendra de la puissance publique via une revalorisation de 10 % des aides personnelles au logement, assortie de leur indexation sur le barème de révision des loyers. Trop de retards dans leur actualisation, trop de dispositions ont raboté depuis quatre ans cet instrument cardinal d'accès et de maintien dans le logement : le couperet des 24 euros que vous avez instauré, le mois de carence, le mécanisme de l'évaluation forfaitaire. Tout cela, nous voulons le supprimer ! Les allocations logement doivent redevenir un dispositif simple, efficace et équitable.

La seconde clé, c'est la sécurisation des bailleurs et des locataires, véritable condition pour sécuriser les rapports entre locataires et propriétaires. Nous connaissons tous les données du problème : des locataires qui ont le sentiment d'être pressurés sans jamais pouvoir négocier les conditions d'accès et de maintien dans les lieux ; et des bailleurs qui redoutent l'impayé ou la dégradation de leur bien sans pouvoir le récupérer facilement. S'il n'existe pas de formule miracle, l'Etat doit s'engager dans une négociation avec les associations de locataires et les représentants des bailleurs, en vue de trouver le moyen de garantir les deux parties contre les risques locatifs. Nous proposons de créer un fonds permettant d'indemniser les propriétaires confrontés à des situations d'impayés, tout en assurant le maintien du locataire dans les lieux dès lors qu'il est de bonne foi. Nous sortirons ainsi des dérives de la caution solidaire qui, de fait, n'aura plus de raison d'être. Nous sommes là au cœur de la philosophie du contrat logement équitable et solidaire.

Troisième clé : un programme annuel de construction de 120 000 logements sociaux (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Piron - C'est vous qui proposez cela !

M. Jean-Marc Ayrault - Mais oui, car toute stratégie de modération et de sécurisation du secteur locatif restera partiellement inefficace si, dans le même temps, l'offre de logements abordables demeure insuffisante. J'ai souligné il y a quelques instants qu'au rythme actuel de constructions sociales, le déficit ne serait pas résorbé avant trente ans..

Plusieurs députés UMP - La faute à qui ?

M. Jean-Marc Ayrault - Nous nous engageons à diviser ce délai par trois, en établissant un programme de 120 000 logements sociaux pendant dix ans. (M. le ministre de l'emploi s'exclame) Oui, dix ans d'efforts ! Vous me rétorquerez que c'est tout l'esprit de votre loi de cohésion sociale, Monsieur le ministre. A quelques différences près. La première, c'est que nous programmerons effectivement les crédits que vous n'avez jamais obtenus pour atteindre l'objectif, même si vous triturez un peu les chiffres pour le dissimuler ! (Même mouvement) La deuxième, c'est que nous donnerons la priorité aux prêts locatifs à usage social et aux prêts locatifs d'aide à l'insertion qui bénéficient aux plus modestes plutôt qu'au logement intermédiaire ouvert à tous, comme vous l'avez fait. Troisième différence, nous conditionnerons l'accroissement des subventions à une baisse de 10 % des loyers de sortie dans les nouvelles opérations. Il faut toujours prévoir une contrepartie à l'effort de la collectivité publique, accompli grâce à l'argent du contribuable. Quatrième différence de taille, nous relancerons le programme Palulos, aujourd'hui parent pauvre de votre action, hors les opérations ANRU...

M. le Rapporteur -Ce n'est pas si mal !

M. Jean-Marc Ayrault - Le problème, Monsieur Hamel, c'est qu'en dehors des opérations ANRU, il n'y a plus de financement PALULOS pour réhabiliter les logements. C'est pourquoi nous proposons d'augmenter les subventions de 40 %, en échange du maintien du niveau de loyer dans les logements réhabilités. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Enfin, et c'est notre cinquième divergence d'approche, nous imposerons que les programmes de démolition-reconstruction respectent la règle du un pour un - un logement détruit, un logement reconstruit - car trop souvent, les plans de rénovation urbaine sont détournés et utilisés par certaines municipalités pour « trier »les familles. On garde celles qui ont des ressources, on écarte les plus déshéritées.

M. le Président de la commission - Allons ! Tout cela n'est pas sérieux !

M. Jean-Marc Ayrault - La quatrième clé de notre programme, ce sont 40 % de logements sociaux et intermédiaires dans les programmes immobiliers. La sélection est en effet aussi inacceptable que le non-respect de la loi SRU. Aucune commune ne doit plus pouvoir déroger aux obligations de mixité sociale. Les sanctions financières seront relevées, le seuil de non-versement abaissé et l'obligation étendue à de nouvelles communes. J'entends souvent dire : « la mixité ne se décrète pas ». Peut-être, mais, pendant ce temps, la ghettoïsation continue de progresser. Si nous continuons de construire des logements sociaux toujours dans les mêmes villes et dans les mêmes quartiers, nous ne ferons qu'entériner la ségrégation urbaine : est-ce là la République que nous voulons ?

Bien sûr, la contrainte et la sanction ne suffiront jamais. Il faut aussi aider nos compatriotes à assumer la diversité sociale. Et, en premier lieu, les professionnels de l'immobilier. C'est du reste tout le sens de notre proposition novatrice de cohabitation résidentielle. Il s'agit de conditionner la délivrance du permis de construire à la présence de 20% logements sociaux et de 20% de logements intermédiaires dans tout programme d'aménagement public de plus de vingt logements. Les promoteurs bénéficieraient en retour de l'accès aux prêts PLS et PLUS, ainsi qu'aux subventions pour surcharge foncière. Une telle mesure aurait un triple effet : porter l'offre locative intermédiaire à 110 000 unités, équilibrer les projets de promotion immobilière et retrouver une diversité sociale dans tous les quartiers. Bien évidemment, la mise en œuvre de ce dispositif se fera en négociation avec les professionnels.

Cinquième clé de notre projet, un nouveau contrat pour le logement locatif privé. Là encore, il ne s'agit pas d'imposer, mais de promouvoir un régime conventionnel stable et durable. Son principe est que toute aide publique sera conditionnée à l'engagement du bailleur de loger un ménage sous plafond de ressources, pour un loyer modéré et pour une durée minimale de neuf ans. En retour, les opérations de réhabilitation de l'ANAH seront doublées, avec comme priorité de soutenir les propriétaires impécunieux. Une telle approche favorisera la production de logements privés à loyers maîtrisés, ainsi que la remise sur le marché de logements vacants, plaie que nous connaissons dans toutes nos grandes agglomérations.

Alors, bien sûr, il reste la question foncière. En tant que maire d'une grande ville, je sais combien la pénurie et le coût des terrains ont aggravé la pression inflationniste, au risque de casser le marché. En ce domaine aussi, le tout libéral a révélé ses dangers. En découle la sixième clé que nous proposons : une clause de non spéculation pour le foncier, négociée dans le cadre d'un partenariat entre l'Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux.

J'ai souligné combien la cession gratuite de terrains publics offrirait un ballon d'oxygène à la construction sociale. La création d'offices fonciers dans les agglomérations et les régions doit être fortement encouragée pour favoriser la constitution de réserves foncières de long terme. Mais la redistribution du patrimoine public reste un pis-aller. Elle ne répond pas à l'une des causes principales de la crise : la spéculation immobilière. C'est du reste le grand trou noir de votre projet ! Vous n'avez prévu aucun mécanisme qui permette de réguler en amont la formation des prix. Vous considérez que le marché va corriger de lui-même ses excès. C'est un redoutable pari, car cela nous expose aux violentes oscillations qui caractérisent le marché de l'immobilier depuis quinze ans. Soit la hausse se poursuivra ; soit l'on connaîtra, comme en 1993, une brutale dépression.

Je suis convaincu que nos clés permettront d'introduire de véritables sécurités. Tel est le sens de la clause de non-spéculation que nous proposons d'introduire dans les contrats de vente de terrains par les communes à des opérateurs publics ou privés. D'une durée de trois à sept ans, cette clause fixerait un prix maximum de revente des logements réalisés. A charge pour le propriétaire de reverser une part de la plus-value à la commune - ou à l'intercommunalité - en cas de revente prématurée. Ce mécanisme de prévention des effets d'aubaine n'est pas seulement souhaité par tous les professionnels qui mesurent les dangers du dérapage des prix pour leur activité. Il constitue aussi un droit de regard légitime de la collectivité sur l'utilisation de son patrimoine et de ses deniers.

Septième et dernière clé de notre action future : un programme de résorption des taudis. Peut-on taire le scandale de l'insalubrité ? Notre collègue Laurent Fabius a écrit des pages saisissantes sur « la vie avec les rats », à laquelle sont forcées des milliers de familles dans notre pays. Y répondre par la seule procédure des expulsions comme l'a fait cet été le ministre de l'intérieur à Paris est proprement indigne d'une démocratie. Entre le taudis et la rue, il doit y avoir le droit au logement.

En amont tout d'abord. Notre société ne peut plus admettre que des marchands de sommeil s'enrichissent en entassant des déshérités dans des bouges infâmes. Il est indispensable d'appliquer et, le cas échéant, de renforcer les dispositions de la loi SRU sur le logement décent - en engageant par exemple davantage la responsabilité des bailleurs qui ne la respectent pas. Mais en retour la collectivité a trois obligations majeures. La première, c'est de mettre en place un programme de logements d'urgence qui permette d'accueillir les familles en détresse ; la seconde est de doubler les actions de réhabilitation, selon le dispositif que j'ai évoqué pour l'ANAH ; et la troisième est d'augmenter les places dans le parc social pour les familles qui disposent de revenus.

En tant que maire, en tant que socialiste et en tant qu'élu de la nation, je n'accepte pas le retour de bidonvilles qui ne disent pas leur nom.

Je ne veux pas faire croire que les mesures que nous proposons vont miraculeusement remédier à la crise : faire éclore des immeubles, réguler un marché devenu fou, cela demande du temps et des investissements considérables. Le projet que je viens de vous présenter représente une augmentation budgétaire annuelle de 1,7 milliard. La nation est-elle prête à accomplir un tel effort ? Est-elle disposée à lui sacrifier d'autres demandes, parfois légitimes mais moins prioritaires ? C'est en ces termes de vérité que je m'adresse à elle : la grandeur du politique, c'est de tracer des voies, sa servitude est d'accomplir des choix.

Nous avons évidemment prévu les financements : la refonte des avantages fiscaux, la hausse des droits de mutation, la réaffectation du prélèvement de l'Etat sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts...

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault - Responsabilité, équité, solidarité. Telles sont les clés d'une politique du logement qui réponde aux enjeux de son temps. Limiter le loyer à 25% des revenus des familles. Construire 120 000 logements sociaux par an. Sécuriser les propriétaires et les locataires. Fonder un partenariat entre l'Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux sur la mixité résidentielle et le foncier. Résorber le logement indigne. Ces perspectives sont novatrices et audacieuses, en ce qu'elles responsabilisent chacun des acteurs autour de droits et de devoirs clairement définis. Elles concilient la capacité productive du marché avec le rôle régulateur de la puissance publique. Mais, au-delà, elles portent une vision de la France : la vision d'une nation qui transcende ses barrières de classes, de castes, de quartiers, pour intégrer ses différences dans une communauté de destin. Alors, oui le logement est une politique décisive ! Elle décide de l'exclusion ou de l'appartenance, de la ségrégation ou de la solidarité. Dans le mot « urbain », il y a l'urbanité, cette ouverture que l'on doit aux autres.

C'est pourquoi, par delà notre débat que j'espère constructif, c'est aux Français que je m'adresse. Le contrat que nous proposons, nous les députés socialistes, c'est un contrat de pierre. Il engage notre parole et nos actes. Mais nous ne réussirons pas sans les Français. Ni le lien social, ni la diversité urbaine ne s'imposent par une loi, fût-elle la plus équitable. Ils se forgent dans la volonté continue de chaque citoyen d'abattre les murs, de côtoyer des vies différentes, d'accepter des approches nouvelles. Oui, des hommes et des femmes ont plus besoin de soutien que d'autres. Oui, des quartiers, des communes, des villes, des territoires requièrent un effort particulier de la collectivité, parce qu'ils ont plus de handicaps et plus de difficultés à vivre.

Il y a cinquante-deux ans, Pierre Mendès France avait tracé ce cercle de l'exigence : « Trop de familles vivent encore dans des logements honteux. Des logements honteux non pas du fait des familles qui les occupent, mais honteux parce que la nation les tolère et ne fait rien pour qu'il en soit autrement ! ». C'est ce refus de la résignation que j'essaie, à travers les propositions des députés socialistes, de transmettre à notre nation. Pour aujourd'hui et pour demain. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. A plusieurs reprises, depuis l'ouverture de la présente session, la Conférence des présidents a décidé de fixer la durée de présentation des motions de procédure en retenant des temps de parole inférieurs à une heure trente. Ces décisions s'appuient sur une interprétation à nos yeux discutable des termes de l'article 91-4 du Règlement, lequel dispose que dans la discussion de chacune des motions peuvent seuls intervenir l'un des signataires, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente, sauf décision contraire de la Conférence des présidents, le Gouvernement ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Cette rédaction implique que la Conférence des présidents puisse autoriser un dépassement de cette durée, non qu'elle puisse la restreindre.

Du reste, les articles 49 et 132 du Règlement ne lui donnent pas compétence pour fixer une durée inférieure à la limite fixée par l'article 91. La notion d'organisation des débats, sauf à revenir sur la résolution du 23 octobre 1969, ne s'entend que de la seule discussion générale et, depuis la réforme de 1994, de la présentation des rapports. Par conséquent, la Conférence des présidents n'est pas fondée à limiter la durée de présentation d'une motion à trente minutes. Monsieur le Président, nous nous sentons bâillonnés !

M. Jean-Louis Dumont - On empêche le Parlement de travailler !

M. Jean-Pierre Brard - Les propositions de M. Ayrault méritaient d'être longuement développées. Trente minutes, c'est une misère ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Président - Monsieur Brard, la Conférence des présidents a retenu une autre interprétation du Règlement - une seule personne s'y est opposée - et décidé de fixer cette durée à trente minutes. Comme vous l'avez précisé, le Règlement prévoit que la durée ne peut excéder une heure et demie « sauf décision contraire de la Conférence des présidents », ce qui est le cas. Je note que M. Ayrault a respecté la durée prévue, sans que j'aie à l'arrêter.

Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pour le groupe socialiste, ce débat est l'occasion de rappeler l'importance qu'il attache à la question du logement. Aussi, Monsieur Borloo, nous vous querellerons à chaque fois que vous tenterez de dissimulez l'ampleur des besoins en logement social en travestissant les chiffres ! Vous vous y êtes employé dès hier en entretenant une confusion entre financement et mise en chantier, entre PLS et le PLUS. Vous proposez 50 000 nouveaux logements alors qu'il faudrait, pour répondre aux besoins de la population, en construire 100 000 par an !

M. Gilbert Meyer - Qu'a fait la gauche ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - A la fin de votre législature, le nombre de demandeurs de logements sociaux aura explosé !

M. Gilbert Meyer - Vous n'en avez construit que 35 000 !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Comme M. Ayrault l'a montré, votre réponse est insuffisante car elle est idéologique !

M. Philippe Pemezec - C'est vous les idéologues !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous concédez de nouveaux avantages fiscaux ! Vous développez le PLS, ce qui n'aidera pas les plus défavorisés ! En centrant les opérations de rénovation urbaine sur quelques quartiers, vous délaissez la majeure partie de notre territoire ! Cela constitue un manquement aux obligations de l'État !

M. Philippe Pemezec - Vous méprisez donc ces quartiers ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Que faites-vous de la solidarité territoriale ? Il faut construire du logement sur tous les territoires. Il est inacceptable que des maires refusent encore de construire du logement social et que certains députés UMP, à l'occasion de ce débat, aient tenté par un amendement de revenir sur l'article 55 de la loi SRU !

M. le Président de la commission - Vous ne pouvez dire cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Certes, cet amendement a été rejeté. Reste que c'est le groupe de l'UMP qui l'a présenté ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, le texte initial comportait onze articles. Il en comporte maintenant quarante-sept. Mes chers collègues, je vous invite à suivre l'exemple du Sénat et à faire œuvre législative ! Comme il l'a fait en commission, le groupe socialiste se battra à chaque fois que l'on dénaturera les objectifs du logement social.

M. Richard Mallié - Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous ne voulons pas d'une démarche au rabais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Ce projet de loi est irrecevable, car il est contraire à la Constitution ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Un député UMP - Il est drôle ce garçon ! (Rires)

M. Jean-Pierre Brard - Il est vrai que l'UMP, c'est moins amusant ! Votre politique engendre la misère.

M. Philippe Pemezec - La misère ? C'est votre fonds de commerce !

M. Jean-Pierre Brard - Vous plumez les plus modestes de nos compatriotes pour remplir les coffres-forts des autres ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous nous traitez parfois « d'idéologues ». Mais pour mériter ce titre, il faut au moins avoir des idées (Même mouvement) et ne pas se contenter de porter la parole des privilégiés !

Dans ce projet de loi, au lieu d'ouvrir un véritable droit au logement comme l'aurait voulu la Constitution, vous consacrez la faculté de disposer d'un toit selon les moyens de chacun. A Montreuil, en 2005, nous n'avons pu attribuer que 263 logements sur 5 600 demandes de logements.

Un député UMP - Depuis combien de temps êtes-vous le maire de Montreuil ?

M. Jean-Pierre Brard - Vingt-deux ans, Monsieur l'impertinent ! (Rires)

Evitons l'exhibitionnisme déplacé ! Voulez-vous que je cite les noms des maires délinquants qui n'appliquent pas la loi ? Montreuil, 37 % de logements sociaux !

En réalité, le Gouvernement organise la dilapidation du patrimoine social. M. Sarkozy en a pris l'initiative en cédant des terrains dans les Hauts-de-Seine, malgré la pénurie de logements sociaux. A Neuilly, il y en a moins de 3 % !

M. Philippe Pemezec - Ça ne veut rien dire ! Il y en a 20 % sur l'ensemble du département !

M. Jean-Pierre Brard - Pourquoi venir à la rescousse d'un président virtuel qui, je l'espère pour notre pays, ne le sera jamais si ce n'est parce que vous espérez un maroquin dans un futur gouvernement ! M. Sarkozy a mis en vente 2 500 logements ! Pis encore, vous éliminez ce qui reste de mixité sociale !

M. le Président - Monsieur Brard, je vous prie de conclure.

M. Jean-Pierre Brard - Mais, on ne cesse de m'interrompre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La réalité, c'est que vous êtes en train de liquider ce qu'il reste de mixité sociale, en ôtant de nos écoles les familles qui connaissent moins de difficultés, représentent les parents d'élèves, font du soutien scolaire.

Le Premier ministre parle de modèle social français : il est en cela différent du « ministre de tout », admirateur du communautarisme anglo-saxon, qui disait le 4 octobre 2004 se sentir étranger dans son propre pays. Mais comment allez-vous faire pour ne pas communautariser nos quartiers, puisqu'en laissant le marché agir, vous le laissez fabriquer des ghettos ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Piron - Je vous ai bien entendu, Monsieur Ayrault, et vous avez raison de poser la question : Qu'avons-nous fait ? Oui, qu'avez-vous fait ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous êtes en place depuis quatre ans !

M. Michel Piron - Votre mise en cause systématique et a priori de nos chiffres ne me paraît pas convenable. Cette année, nous avons construit deux fois plus de logements sociaux que ce que vous avez réalisé chaque année en quatre ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Brard, j'apprécie en général vos citations littéraires : elles me semblent plus fondées que la technicité de votre argumentation... (Sourires sur les bancs du groupe UMP) Vous comprendrez que l'UMP ne votera pas cette exception d'irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Rodolphe Thomas - L'opposition a la mémoire sélective. Nous sommes dans une phase de rénovation urbaine, commencée avec le projet de loi de cohésion sociale. Ce texte, dont vous expliquez qu'il doit être revu de fond en comble, a le mérite d'être volontariste et de prendre à bras-le-corps les tensions que rencontre le logement.

Monsieur Brard, j'ai, dans ma ville, 47 % de logements sociaux. Et je crois que nous ne pouvons gagner la bataille de la mixité sociale que dans une logique intercommunale. Or, qu'ils soient de droite ou de gauche, certains maires sont réticents et préfèrent les petites maisons.

M. Richard Mallié - J'ai huit maires de gauche dans ma circonscription qui ne veulent pas de logement social !

M. Rodolphe Thomas - Nous devons travailler sur une logique d'habitat collectif. Ce projet de loi a le mérite de rechercher un consensus global parmi les élus qui souhaitent mettre en place, à l'échelle du territoire, une véritable politique de mixité sociale. Le groupe UDF ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs du groupe UMP)

L'exception d'irrecevabilité, mise au voix, n'est pas adoptée.

M. le Ministre de l'emploi - Au début de votre intervention, Monsieur le président Ayrault, je me suis dit que les propositions du parti socialiste seraient crédibles, que vous alliez partir du constat que le gouvernement de Lionel Jospin a construit deux fois moins de logements sociaux...

M. Augustin Bonrepaux - Vous mentez, votre nez bouge !

M. le Ministre de l'emploi - Je suis d'ailleurs convaincu que vous n'étiez pas, alors, animé par la volonté de ne pas faire mais je pensais que vous essaieriez de comprendre comment on était passé de 90 000 logements sous M. Périssol à 42 000 en 2001. C'est une vraie question, et la réponse tient peut-être à la décentralisation, aux conditions d'alors.

Mais pour vous, il y un seul coupable : les statistiques. Selon vous, celles de 1996 disaient qu'il n'était pas nécessaire de construire.

M. Jean-Marc Ayrault - Je n'ai pas dit cela, j'ai parlé de sous-estimation !

M. le Ministre de l'emploi - M. Le Bouillonnec nous a dit qu'il serait intransigeant sur les chiffres. Permettez-moi donc de vous les donner, très précisément. Lorsque l'on est socialiste, il y a deux types de logements sociaux : les mauvais, les PLS ; les bons, les PLUS et les PLAI. Pour notre part, nous considérons qu'il s'agit d'une chaîne globale.

En 2000, vous aviez construit 5 880 PLA-I (« Quelle honte ! » sur les bancs de l'UMP), 33 100 PLUS et 4 000 PLS. Deux ans plus tard, les PLA-I étaient revenus à 5 200, les PLUS à 39 200, les PLS étant les seuls à avoir augmenté pour atteindre 10 800. Au total, cela fait bien la modique somme de 41 880 logements sociaux en 2000. En 2005, nous en sommes à 7 700 PLA-I, 45 400 PLUS et 22 600 PLS, soit un total de 80 100 logements sociaux. Les chiffres sont têtus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Par ailleurs, vous dites qu'il y a un problème de financement, tout en omettant de rappeler que le gouvernement Jospin a ponctionné chaque année le 1 % logement social, de 500 millions d'euros en moyenne.

M. Robert Lamy - C'est pas beau, ça !

M. le Ministre de l'emploi - S'agissant des PALULOS, je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y en a pas !

M. Augustin Bonrepaux - Il n'y en a plus !

M. le Ministre de l'emploi - Nous avons 52 000 PALULOS, dont 45 000 ont été demandés pour le moment. Il n'y a dont pas de problème.

M. Augustin Bonrepaux - Vous mentez !

M. le Ministre de l'emploi - Quant aux loyers de solidarité, je partage l'avis de M. Ayrault. Nous avons eu un débat au Sénat sur cette question : certains sénateurs souhaitaient qu'au-delà d'un certain plafond de ressources, les logements HLM soient libérés au profit d'autres personnes en attente, d'autres soulignaient la nécessité de stabiliser les quartiers. La Haute assemblée a décidé de maintenir les locataires sur les lieux, de limiter le loyer de solidarité, et de l'exclure des zones urbaines sensibles pour des raisons de mixité sociale.

S'agissant des maisons à 100 000 euros, je suis stupéfait de votre souci de caricature. Il n'a jamais été question de proposer des procédés de construction différents, la charte contient même des normes écologiques permettant notamment des économies de chauffage.

Tous les maires souhaitent faire de l'accession sociale à la propriété. Or 40 % des 100 000 euros vont à la TVA, aux frais administratifs et à l'acquisition du foncier. Nous avons donc mis en place le prêt de cinquante ans pour les collectivités locales, et nous leur proposons, non pas de donner le terrain, mais de supporter un léger différé entre le foncier et la construction. Enfin, il est indiqué dans la charte qu'il ne peut y avoir de revente. Je suis heureux de constater que le groupe socialiste a repris cette clause de non-spéculation.

Je comprends votre embarras : il va vous falloir parler très fort pour être entendu, car il est déplaisant, lorsque l'on s'estime spécialiste du logement social, d'avoir à rendre compte d'une production qui s'effondre de moitié, et de 600 000 logements insalubres nécessitant un programme de rénovation urbaine de 20 milliards d'euros...

M. Jean-Louis Dumont - Parlez plutôt des mesures de relance que nous avons prises en 2000 !

M. le Ministre de l'emploi - Vous n'avez pas voté ce programme ! Nous avons commencé par 200 quartiers. Sous la pression - légitime - des maires de gauche, nous avons porté ce nombre à 600 !

Qu'il s'agisse de qualité du bâti dans les quartiers, d'accession à la propriété, de production globale de logements et plus particulièrement de logements sociaux, je comprends sincèrement votre embarras. Du reste, vous n'avez fait aucune remarque sur les propositions contenues dans ce texte, qui n'a d'autre objectif que d'amplifier encore l'effort. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Non, Monsieur le ministre, ce texte n'est pas technique. Il est au contraire éminemment politique. Mon intervention, ainsi que celle de notre collège Le Bouillonnec, vous ont d'ailleurs contraint à aborder la question de fond. De grâce, ne caricaturez pas nos propos ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Si nous voulons faire œuvre utile dans les deux semaines à venir, il faudra que vous cessiez de manipuler les chiffres. L'an passé, ce sont 54 000 logements sociaux - PLA-I et PLUS - qui ont été mis en chantier. Vous ajoutez, vous, les PLS... Je n'ai rien contre ceux-ci et il faut en construire pour les catégories sociales intermédiaires. Mais dans ma communauté urbaine par exemple, vos amis politiques souhaiteraient qu'ils soient comptabilisés au titre des 20 % de logements sociaux : cela n'est pas raisonnable. Si vous tenez compte des PLS, vous n'êtes pas près de satisfaire les besoins de logement de dizaines de milliers de familles qui n'ont pas les moyens de payer les loyers des PLS. (M. Leonetti s'impatiente)

Comme pour le chômage et les créations d'emplois, vous manipulez les chiffres sur le logement. Cela vous évite d'avoir à rendre des comptes. Mais après bientôt quatre ans que vous êtes au pouvoir, ce n'est pas du bilan de vos prédécesseurs qu'il faudrait parler, c'est du vôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - Ils oublient les mesures Besson de 2000.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Je rappelle que la Conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée de l'intervention.

M. Jean-Pierre Brard - Au moins ne serons-nous pas venus pour rien ! Nous aurons pu constater que les députés UDF sont déjà tous partis !

Présenté en Conseil des ministres plusieurs semaines après les dramatiques incendies d'immeubles qui ont eu lieu au cœur de la capitale, ce projet de loi, au titre mystificateur, vise non à résoudre la crise spécifique du logement social, mais à la diluer au sein d'une panoplie de mesures digne des magasins La Foir'Fouille, spécialistes des gadgets qui ne coûtent pas cher. Qu'on est loin des ambitions ostensiblement affichées ! Ce projet de loi se présente comme un ensemble de mesures destinées à atteindre les objectifs du volet logement du plan de cohésion sociale, dont on mesure chaque jour davantage l'inefficacité. Et lorsque vous avez reçu, en compagnie du Premier ministre, le bureau de l'Association des maires de grandes villes, vous avez entendu plusieurs maires UMP tenir un langage fort semblable au mien ce soir...

Partant d'un constat que nous aurions pu partager sur l'urgence d'une politique de cohésion sociale, une fois encore vous n'êtes pas allés au bout de la démarche. Et ce texte va laisser de nombreuses catégories de la population dans une situation de grande précarité.

Bien que la politique de la ville ait été instituée pour réparer les dégâts les plus criants de l'abandon progressif par l'Etat de son rôle de régulateur et de redistributeur des richesses, votre gouvernement n'a cessé d'en rogner les dispositifs. Vous avez supprimé les subventions aux associations, liquidé la politique de prévention au profit de la répression, gelé en 2005 plus de 350 millions d'euros de crédits destinés aux banlieues, mis fin aux emplois jeunes sans rien proposer à la place.

Alors que se multiplient les délocalisations, que s'aggravent la dérégulation du droit et la mise en concurrence des travailleurs du Sud et du Nord, que se creusent les déficits publics, que le taux de chômage reste proche de 10 % et que le nombre de travailleurs précaires et de érémistes ne cesse de croître, votre majorité, depuis 2002, poursuit, avec entêtement et cynisme, la baisse ciblée des prélèvements obligatoires au bénéfice des plus aisés. Dans le même temps, les ménages aux revenus moyens et modestes ont supporté une hausse de 5,7 milliards d'euros des prélèvements sociaux et de 3,6 milliards de la fiscalité locale, à laquelle se sont ajoutés le relèvement des droits sur le tabac et la hausse des produits pétroliers. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Tout cela n'est pas hors sujet, chers collègues, car pour accéder à un logement, encore faut-il en avoir les moyens... Hélas, avec votre gouvernement, comme l'écrivait Balzac dans Le Bal de Sceaux, « il n'y a que les pauvres de généreux ». Sans doute est-ce parce vous connaissez leur générosité que vous les ponctionnez à ce point !

Ces mesures, injustes et inefficaces, pèsent lourdement sur nos concitoyens les moins riches, ceux-là même qui espèrent, légitimement, pouvoir se loger pour un loyer accessible. Parmi ceux-ci, les jeunes, Français ou non, nés de parents immigrés, subissent une exclusion particulière, liée à la couleur de leur peau ou à la consonance de leur nom. Une génération entière, qui voit ainsi réduits à néant ses espoirs, exprime aujourd'hui sa désespérance de la manière la plus radicale, d'autant que celle-ci est exacerbée par les propos outrageants d'un ministre de l'intérieur, adepte de la répression, qui cherche à flatter les catégories les plus populistes de l'opinion par des sorties médiatiques destinées à masquer son très médiocre bilan.

M. Richard Mallié - Cela vous va bien de dire cela !

M. Jean-Pierre Brard - Savez-vous comment s'est traduit l'ère Sarkozy à Montreuil ? 260 policiers avant lui, 210 maintenant, avec la suppression de la police de proximité...

M. Richard Mallié - C'est que l'insécurité a reculé !

M. Jean-Pierre Brard - Assurément ! N'est-ce pas sous ce gouvernement que sont réapparues les attaques de diligences comme il y a peu entre Nice et Lyon ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Cela a d'ailleurs permis au shérif national d'aller parader dans un train et annoncer des fonctionnaires supplémentaires pour la police ferroviaire. Mais tous les maires savent bien où ces postes seront pris, car le ministre de l'intérieur, tel le sapeur Camember, ne peut boucher les trous qu'avec la terre qu'il prélève ailleurs... La suppression de la police de proximité, qui patrouillait à pied dans les quartiers, est une grave erreur, mais il est vrai que M. Sarkozy ne veut pas d'une telle police proche des habitants...

Dans un tel contexte d'urgence sociale, nous aurions pu espérer, Monsieur le ministre, que vous chercheriez à engager une politique cohérente, à la hauteur des objectifs. Tel n'est pas le cas. Nombre des mesures que vous préconisez vont en fait conduire à une augmentation des loyers, dans le parc HLM comme dans le parc locatif privé. Le conventionnement global, émanation de l'article 49 bis de votre plan dit de cohésion sociale, est une réforme d'inspiration purement libérale en ce qu'elle autorise les bailleurs sociaux à augmenter sensiblement les loyers et à choisir des locataires plus aisés, afin de compenser le désengagement financier de l'Etat. Cette démarche, que vous dites empreinte de bon sens, est dans la pratique une véritable « bombe à retardement », selon la Fondation de l'abbé Pierre.

M. Philippe Pemezec - Tout ce que dit l'abbé Pierre n'est pas parole d'Evangile !

M. Jean-Pierre Brard - Si l'Evangile n'est pas toujours vérité, il est souvent sagesse. De ce point de vue, vous feriez bien de vous en inspirer...

M. Philippe Pemezec - Et cela est dit par un communiste !

M. Jean-Pierre Brard - Cela fait onze ans que j'ai quitté le parti communiste pour rester fidèle à mes convictions. Je considère pour ma part, qu'il ne faut pas jeter d'anathèmes, en particulier contre ceux qui trouvent dans leur foi des raisons de s'engager dans le combat pour la justice sociale, contre votre politique. Il est sans doute insupportable, hérétique même, pour vous que je cite la Fondation de l'abbé Pierre. Eh ! bien, je la cite car, sous la houlette de son président, M. Martin Hirsch, les personnes qui en assurent le fonctionnement font preuve d'un grand courage.

M. Philippe Pemezec - Des alimentaires !

M. Jean-Pierre Brard - Le député-maire du Plessis-Robinson considère donc que les militants de la Fondation de l'abbé Pierre sont des « alimentaires ». Je leur laisse le soin de répondre à cet outrage.

Mme Martine Lignières-Cassou - Emmaüs ne reçoit aucune subvention !

M. Jean-Pierre Brard - En effet. Laissons notre collègue déraisonner. Mais ses propos figureront au Journal officiel !

J'en reviens à notre sujet. Ce gouvernement a également diminué les aides personnalisées au logement. Les aides n'ont été revalorisées que tardivement, et de façon très limitée, 1,3% en 2003. Les forfaits de charges, eux, n'ont même pas été revalorisés. Les crédits destinés aux aides à la personne vont diminuer de 72 millions d'euros, au motif que l'emploi repart, alors que les chiffres du chômage pour le troisième trimestre 2005 nous invitent à ne pas confondre espoirs et réalité.

Anatole France a observé que « la loi, dans un grand souci d'égalité, interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans la rue et de voler du pain. » C'est de l'ironie amère, et la réalité ne prête guère à sourire.

Après la déclaration des droits de l'homme de 1948, la loi Besson du 31 mai 1990 a affirmé que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». Dans son dixième rapport annuel sur le mal-logement, la fondation Abbé Pierre souligne les apports de la loi Besson et de la loi de lutte contre les exclusions de 1998. Son expérience et son professionnalisme sont indiscutables - vous du moins, Monsieur le ministre, en conviendrez. Or, elle est beaucoup plus critique vis-à-vis de la politique actuelle en faveur du logement des plus défavorisés, en raison du manque de visibilité dans l'engagement de l'Etat et de la décentralisation. La loi « libertés et responsabilités locales » du 13 août 2004 a modifié cette politique en profondeur, et la fondation Abbé Pierre dénonce à ce propos la fragilisation du droit au logement, puisque l'Etat se retrouve « sans bras ». A l'été 2004, syndicats, associations et partis politiques lançaient un cri d'alerte sur les dangers de renforcer les ghettos urbains, alors que l'on prône la mixité sociale. Les plus modestes étaient une fois de plus les grands perdants, donnant raison à Victor Hugo : « C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches ».

M. Michel Piron - Triste paradis !

M. Jean-Pierre Brard - Je n'ai jamais entendu Mme Bettancourt s'en plaindre. Mais peut-être a-t-elle des remords de temps en temps, sachant que sa richesse ne vient pas de son travail mais de celui des autres.

M. Michel Piron - Je ne l'ai pas confessée.

M. Jean-Pierre Brard - Nous sommes dans une enceinte laïque !

Dans la course au logement, parmi les plus mal lotis, on trouve les étrangers ou supposé tels. Un article du Monde diplomatique d'octobre 2005 décrit ainsi en détail le périple d'une famille algérienne de six personnes qui, s'étant vu refuser un titre de séjour par la préfecture des Bouches-du-Rhône en 2001, expulsée de l'hôtel où elle vivait, recueillie, de nouveau chassée, est toujours en 2005 dans un squat, sans droit ni titre. Les Français issus de l'immigration sont également touchés et, selon une étude du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations d'août 2004, même les classes moyennes issues de l'immigration rencontrent des difficultés de logement.

Aussi, plutôt que de lancer la chasse aux squats comme le fait le ministre de l'Intérieur, il serait plus judicieux d'accorder plus de moyens à la lutte contre l'habitat insalubre. Or les crédits de paiement consacrés à la lutte contre l'habitat indigne baissent de 15% en 2006. Dans les crédits de la mission « Ville et logement », ceux qui sont destinés à la prévention et au développement social dans les quartiers en politique de la ville baissent de 11%, les crédits alloués au développement économique et à l'insertion professionnelle de 6%.

M. le Ministre de l'emploi - C'est faux.

M. Jean-Pierre Brard - Il faudra le démontrer.

M. le Président de la commission - Les chiffres le démontrent, mais pas ceux que vous citez.

M. Jean-Pierre Brard - Bien sûr ! Comme c'est bizarre. Mais je suis comme Saint Thomas, je crois ce que je vois et il me suffit de me promener dans ma ville pour savoir comment vous traitez les gens.

M. Richard Mallié - Saint Thomas, après l'abbé Pierre, quelles citations !

M. Jean-Pierre Brard - Simplement des références. Mais je fais surtout référence à mon expérience de maire, qui met tous les jours les mains dans un cambouis certainement plus épais et plus noir qu'à Rueil-Malmaison. (M. Ollier, président de la commission, proteste) C'est un constat : nous ne faisons pas le même métier tous les jours (M. Borloo marque son étonnement). Vous, Monsieur, Borloo, qui venez du Valenciennois, vous savez pourtant ce que sont les familles en grande difficulté. Votre talent n'est pas en cause, mais votre cohérence. Ayant vu cela, vous ne devriez pas être à ce banc, mais parmi nous pour porter le fer contre cette politique désastreuse, et non y contribuer.

Pour revenir à mon propos, vous réduisez de 72 millions les aides à la personne. Vous diminuez les subventions pour les réhabilitations, vous incitez les bailleurs à vendre leur patrimoine social, le nombre des expulsions augmente, les destructions massives de logements ne sont pas compensées par des reconstructions. Enfin, et c'est le pire, vous êtes complaisants envers les villes qui refusent d'accueillir des logements sociaux.

M. Richard Mallié - Il y a aussi des villes communistes, comme La Bouilladisse.

M. Jean-Pierre Brard - Le rapport de l'atelier parisien d'urbanisme de janvier 2005, sur le logement social à Paris et dans les 29 communes limitrophes, indique que 2% du territoire de l'Ile-de-France regroupent 36% de la population et 30% du parc de logements locatifs sociaux, satisfaisant aux objectifs des 20% fixés à l'article 55 de la loi SRU. Paris compte 161 000 logements sociaux, les 29 autres communes 155 000. Mais leur répartition est très inégale. Le seuil de 20% est dépassé dans 22 communes. En revanche, on compte moins de 2000 de ces logements dans sept communes, dont la célèbre ville du ministre d'Etat, Neuilly.

S'agissant de l'article 55 de la loi SRU, le sénateur Repentin faisait remarquer le 21 novembre dernier que, parmi les communes où le manque de foncier rend le retard le plus difficile à rattraper, certains respectent totalement le plan, et d'autres vont même au-delà : Paris a respecté ses obligations à quelques unités près, Lyon a réalisé trois fois plus de logements sociaux que ne le prévoyait la loi. En revanche, que fait apparaître le tableau de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction qu'on nous a communiqué lors du débat budgétaire ? Au cours de la première période triennale, 742 communes ne respectent pas l'obligation d'offrir 20% de logements sociaux, et 154 d'entre elles n'ont engagé aucune construction ! Ces maires délinquants violent la loi, alors même que nous devrions offrir, en chaque point du territoire national, toute la diversité de l'habitat, et combattre ainsi la sélection par l'argent, corollaire de la ségrégation géographique.

L'objectif posé par la loi SRU apparaît aujourd'hui tout à la fois réaliste et indispensable ! Il n'est pas acceptable que des élus continuent à mépriser les valeurs républicaines : à l'encontre des maires délinquants, c'est la tolérance zéro qu'il faut appliquer ! C'est pourquoi nous avons déposé, le 10 novembre dernier, une proposition de loi tendant à déclarer inéligibles les maires dont les communes ne respectent pas la règle et qui ne font pas d'efforts sérieux en ce sens.

Pour en revenir à la loi portant orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, on aurait pu croire que la création de l'ANRU, la mise en place d'un cadre d'action renouvelé et le déploiement de moyens substantiels allaient nous permettre d'avancer. Or, les démolitions posent la question des modalités de relogement des ménages déplacés. Et qui sont les vrais bénéficiaires du programme national de rénovation urbaine ? Vous n'ignorez pas la réponse, Monsieur le ministre. Selon les chiffres publiés sur le site de l'ANRU, les communes de droite sont nettement surreprésentées dans les dossiers ayant déjà fait l'objet d'une convention et bénéficient des taux de subvention les plus importants. Au 4 novembre dernier, près de 70% des subventions accordées revenaient à des municipalités UMP, UDF ou divers droite, le principal parti de la majorité présidentielle se taillant la part du lion : 67,5% des crédits. Il reste 2,5 % du total pour l'UDF, la faiblesse de cette part répondant peut-être à la qualité de son soutien au Gouvernement !

M. Jean-Pierre Abelin - C'est une obsession !

M. Jean-Pierre Brard - Ajoutons qu'au 1er décembre, les communes dirigées par la droite empochent 63,9% des subventions, bien qu'elles ne représentent que 53,5 % des conventions signées.

Alors que le parcours à suivre devrait être identique pour tous, Christian Chevé, représentant des partenaires sociaux au Conseil d'administration de l'ANRU, affirmait dans un entretien accordé le 19 décembre dernier, que, « dans l'instruction des dossiers, les communes de droite passent plus vite. Et s'agissant de la signature, c'est la direction de l'ANRU qui propose les dossiers à valider. »

Je citerai également Philippe van de Maele, directeur général de l'agence, qui fut également le directeur adjoint de votre cabinet, Monsieur le ministre.

M. le Président de la commission - De telles mises en cause nominatives sont inacceptables !

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes toujours choqué quand on dit la vérité ! M. Van de Maele a lui-même reconnu que « peut-être, on a signé plus rapidement pour les communes de droite au début. Effectivement, c'est possible, même si j'en doute. »

M. le Président de la commission - Comment peut-on reprocher à ces communes d'avoir été plus dynamiques, plus efficaces et plus inventives ?

M. Jean-Pierre Brard - Je ne vois qu'une façon d'en être certain : présenter une analyse objective justifiant de telles différences de traitement. Or, le comité d'évaluation et de suivi, censé veiller au bon fonctionnement de l'agence, « ne peut pas vraiment exercer sa mission de contrôle, beaucoup d'information faisant défaut », comme l'explique Michel Cantal-Dupart, architecte et urbaniste, membre de ce comité. Ce dernier ajoute qu'il n'a jamais pu obtenir les informations qu'il avait demandées.

Quant à notre collègue sénateur Thierry Repentin, qui représentait l'association des districts et communautés de France, il a démissionné du conseil d'administration de l'ANRU. Il avait du mal à admettre que « l'Etat accorde des taux de subventions importants à des communes comme Meaux, où le maire, Jean-François Copé, par ailleurs membre du Gouvernement, a pour ambition de faire baisser la fiscalité locale. »

Enfin, votre projet de loi n'apporte pas un euro de plus pour répondre à la crise du logement, et il ne comporte pas de mesures nouvelles qui traduiraient une véritable volonté de faire de la réalisation de logements sociaux à loyers accessibles une priorité de la nation et des collectivités territoriales.

Nous serons donc amenés à formuler un certain nombre de propositions tirées de l'expérience des demandeurs de logement, des associations de locataires et des acteurs du droit au logement.

Pour conclure, de quels outils disposez-vous, Monsieur le ministre ? De vos convictions ? Elles existent sans doute, mais elles me semblent bien changeantes et chancelantes. Le Président de la République n'affirmait-il pas que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ? De véritables moyens ? N'oublions pas la réalité des coupes budgétaires. Et quant à vous comparer à un génie, Monsieur le ministre, les Mille et une nuits ne font pas vraiment partie de notre tradition politique.

En fin de compte, la baguette magique est votre seul outil. Elle est hélas dépourvue de tout effet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. le Ministre de l'emploi - Vous écouter est toujours un délice, Monsieur Brard. S'agissant des expulsions, vous oubliez néanmoins que nous avons modifié les règles applicables. Alors que les APL étaient supprimées en cas d'impayés, ce qui débouchait sur des expulsions, nous avons prévu la signature de conventions de rééchelonnement, permettant le maintien des APL. Ainsi, les expulsions pour raisons financières ont été quasiment éradiquées du parc HLM. Donnez-nous en acte !

Je rappellerai en outre que le programme de rénovation urbaine ne vise nullement à démolir des immeubles, mais à restructurer le tissu urbain. A Dreux par exemple, dont le rapporteur est maire, seuls un ou deux bâtiments quasi vacants ont été détruits en vue de transformer radicalement un quartier entier. Quand les maires ou les offices de HLM demandent des démolitions, l'ANRU ne se substitue pas à eux, mais elle impose un remplacement à l'unité près.

J'ajoute que vos soupçons sont injustifiables, Monsieur Brard. L'ANRU est un établissement public dont le conseil d'administration comprend tous les partenaires concernés. La vérité, c'est que cet organisme consacre des efforts beaucoup plus importants en faveur des villes les plus pauvres, comme Clichy-sous-Bois, que la municipalité soit de droite ou de gauche. Ce n'est que justice !

Et je peux d'autant moins vous laisser mettre en cause l'honneur de l'ANRU et la régularité de son fonctionnement, fût-ce un instant, qu'il s'agit en quelque sorte de mon bébé ! J'ai mis en place un comité de suivi et d'évaluation, qui n'existe pour aucun autre organisme. Ses membres sont d'une grande compétence et proviennent d'horizons très divers. Ils sont tous libres et indépendants. Il est vrai qu'ils éprouvent des difficultés à suivre les dossiers, mais c'est la complexité de leur tâche qui l'explique.

Quant à Philippe Van de Maele, il travaillait dans une grande banque à Washington, avec un salaire si élevé que la pudeur interdit de le répéter. Il gagne dix fois moins aujourd'hui, mais c'est un véritable X-Ponts, qui connaît ces quartiers et qui les aime ! Pas un seul des maires qui a travaillé avec lui, y compris Jean-Marc Ayrault, pour le quartier Malakoff, ne peut dire ce que j'ai lu comme vous dans un quotidien. C'est tout l'équilibre moral de ces opérations qui est en jeu, des opérations extrêmement difficiles et complexes. Nous sommes le pays qui, croyant bien faire, a voulu construire très vite des quartiers entiers. Nous sommes maintenant devant un problème de réconciliation républicaine. De nombreux maires de votre bord, comme celui de Stains, travaillent avec enthousiasme avec l'ANRU et pas un seul ne peut évoquer, comme d'ailleurs pour les zones franches urbaines, le moindre soupçon. Cela me blesserait personnellement de ne pas recevoir de réponse de votre part d'ici la fin du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - Quand Jean-Pierre Brard prend la parole, il ne laisse personne indifférent ! Il a su révéler que vous-même, Monsieur le ministre, étiez toujours aussi passionné, et cela nous rassure. On avait pu en douter après votre première intervention. Je sais reconnaître l'importance du guichet unique que constitue l'ANRU, mais il y a ensuite tout ce que les administrations, les élus, les organismes et les promoteurs en font ! M. Brard a posé des problèmes qui méritent d'être entendus par la représentation nationale. Si dérive il y a, il faut pouvoir intervenir. Sur trois dossiers intéressant la Lorraine, deux dossiers de cercle 2 sont finalisés. Le conseil régional a fait connaître son financement et les conseils généraux sont sur le point de le faire. Mais c'est un autre dossier qui va aboutir, sous l'action du député-maire et du préfet de région, bien que ce soit un dossier de cercle 3 et que le conseil général n'y participe pas ! Voilà la réalité que nous connaissons ! Le directeur général de l'ANRU n'y est certainement pour rien, mais la chaîne qui fabrique le dossier n'est pas forcément exempte de toute inclination.

Nous avons, par le biais de l'ANRU, une obligation de réussite, car c'est le bien-être des populations qui est en question. Une des règles de base est celle du « un pour un ». Or, dans beaucoup d'endroits, on a commencé par démolir : lorsqu'il s'agissait de logements vacants, cela n'a pas posé de problèmes, mais lorsque la population a dû déménager, elle n'est pas forcément satisfaite de son nouveau quartier. Il faut être très attentif à ces mouvements de population : on sent poindre quelques difficultés sur le terrain. Il ne faudrait pas pouvoir dire qu'on a démoli du logement locatif social conventionné et amorti, pour construire des logements aux loyers largement supérieurs !

Vous avez parlé de la fragilisation du locataire, de ses difficultés et du non-paiement des loyers. J'ai été de ceux qui ont réclamé ce que vous avez institué : la faillite personnelle. On commence, depuis le second semestre 2005, à en voir l'application. Or, les bailleurs publics sont en charge d'un service d'intérêt général. Soyons vigilants car, en définitive, s'il reste un différentiel à payer, la charge en repose sur les bailleurs. Après avoir mutualisé les impayés, on risque de fragiliser des organismes qui n'en ont vraiment pas besoin.

Aujourd'hui, en moyenne, une opération neuve bénéficie de l'autorisation de l'État, certes, et éventuellement d'un prêt de la part de la Caisse des dépôts et consignations, en particulier le prêt sur cinquante ans initié par Louis Besson. Mais au final, l'on s'aperçoit que la subvention de l'État représente entre 1,7 et 3% de l'opération totale ! Voyez la valorisation de cette participation rapportée au délai... Il y a donc un problème de lisibilité. M. le président de la commission a dit tout à l'heure des choses que je partage...

M. le Président - Il faut conclure !

M. Jean-Louis Dumont - Tous les rapporteurs, moi y compris, les ont dites à tous les ministres qui se sont succédé. C'est une pétition de principe, mais pour qu'elle soit suivie, c'est non seulement le ministre, mais toute l'administration qui doit être mobilisée. Nous voterons cette question préalable.

M. Michel Piron - Un point fondamental fait désaccord entre nous : M. Brard présente la décentralisation comme un obstacle à une bonne politique du logement. Au contraire ! Une politique de l'habitat n'a aucune chance d'être efficace si elle n'est pas territorialisée. C'est une responsabilité partagée entre l'Etat et les collectivités locales, chacun ayant son rôle. Et puisque vous aimez les citations, songez à celle-ci, de Dostoïevski : « chacun de nous est responsable de tout devant tous ». S'agissant de l'habitat, cela se traduit par l'implication de l'ensemble des acteurs. Quant au fait que ce soit la géographie de cet hémicycle qui détermine la validité des réponses sociales qu'on propose, je ne crois pas que ce soit une certitude suffisante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Voulez-vous dire que nous ne serions pas assez nombreux ?

M. Jean-Pierre Abelin - On peut aimer les discours, je préfère les faits. En 2001, 110 logements sociaux ont été financés dans mon département, tous bailleurs sociaux confondus. En 2005, il y en a eu 418 ! Quatre fois plus ! Si vous en concluez que l'UDF est bien traitée, il faut aussi affirmer que les maires de gauche ont été spécialement malmenés par les gouvernements de gauche ! Mais mieux vaut penser en termes de bien-être de l'ensemble de la population. Un effort concret a été mené, qui s'est révélé probant. Il n'y a que cela qui m'intéresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

La question préalable, mis aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. Je remercie le ministre du ton paisible qu'il a adopté, mais je dois lui dire que je n'ai fait que reprendre des citations ou des chiffres. Si l'on me démontre le contraire, je me rendrai à la réalité - après tout, je suis marxiste ! - mais j`en doute fortement. Les chiffres que j'ai donnés sur les villes de droite et de gauche n'ont pas été inventés ! Quant aux propos de M. Cantal-Dupart, c'est lui qui les a tenus ! Enfin, je n'ai jamais mis personnellement en cause un fonctionnaire de l'Etat, et encore moins son honorabilité. En l'occurrence, je n'ai fait que citer des propos de ce brillant fonctionnaire, qui ont été publiés et n'ont pas été démentis à ma connaissance ! S'il s'exprime publiquement, il doit accepter que ses propos soient reproduits.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - M. le Premier ministre informe l'Assemblée que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi pour l'égalité des chances.

SAISINE POUR AVIS

M. le Président - La commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis des articles premier, 2, 3, 4, 5, 15 et 21 ter du projet de loi adopté par le Sénat de programme pour la recherche.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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