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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 57ème jour de séance, 131ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 1ER FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

FISCALITÉ EUROPÉENNE 2

OPA DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR 2

POLITIQUE EUROPÉENNE AU PROCHE-ORIENT 3

DIRECTIVE BOLKESTEIN 4

LUTTE CONTRE LES AGRESSIONS ANTISÉMITES 5

EMPLOI DES JEUNES 6

POLITIQUE INDUSTRIELLE 6

NAUFRAGE DE L'ECE 7

ÉPIDÉMIE DE CHIKUNGUNYA 8

TAUX RÉDUIT DE TVA DANS LA RESTAURATION 9

CRÉATIONS ET CESSIONS D'ENTREPRISES 10

COUVERTURE DES ZONES BLANCHES
DE TÉLÉPHONIE MOBILE 11

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 12

ERRATUM 40

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions portent sur des thèmes européens.

FISCALITÉ EUROPÉENNE

M. Yves Censi - Le fonctionnement de l'Union européenne doit être expliqué à nos concitoyens, c'est une responsabilité qui incombe en partie aux parlementaires. A cet égard, je déplore que de trop nombreux députés de gauche aient, au cours de la campagne référendaire, caricaturé l'Europe ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ce n'est pas un service qu'ils ont rendu à notre démocratie.

Je souhaite donc évoquer aujourd'hui la fiscalité européenne. Les négociations sur les taux réduits de TVA mettent en évidence la nécessité d'adapter les règles du jeu dans une Europe à 25, et au-delà, d'harmoniser nos politiques dans certains domaines.

Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, qu'il est temps de déclarer prioritaire le chantier de la fiscalité européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Nous devons effectivement poser la question de la décision. Les choses ne sont plus aussi faciles que dans une Europe à quinze et nous devrons avancer vers un vote à la majorité qualifiée.

L'harmonisation fiscale est un sujet vital. On ne peut travailler dans une Europe à vingt-cinq avec de tels risques de distorsion de concurrence : l'impôt sur les sociétés qui est de 33 % en France est nul dans d'autres États membres. S'agissant de la TVA, il faut approfondir la réflexion et faire la part entre les activités liées à la concurrence, délocalisables - 95 % du champ de couverture de la TVA - et celles sur lesquelles il ne peut y avoir distorsion de concurrence. La restauration et la rénovation de logements font partie de cette deuxième catégorie. Cette distinction est au coeur du combat que nous comptons mener.

Enfin, si je me suis opposé il y a quelque temps au vote de l'amendement présenté par certains de vos collègues, c'est tout simplement parce que le droit européen ne permet pas la subsidiarité dans ce domaine.

M. Pierre Lellouche - Ce n'est pas vrai ! Reportez-vous à l'article 93 du traité de Maastricht !

M. le Ministre délégué - Je ne voulais pas prendre le risque de voir les restaurateurs obligés de rembourser a posteriori cette TVA. Nous devons travailler dans le respect de la règle de droit, et nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

OPA DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR

M. le Président - La parole est à M. Fabius. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; « Le plan B ! Le plan B ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Fabius - Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu ce matin M. Junker, le Premier ministre luxembourgeois pour évoquer, entre autres sujets, l'OPA hostile de Mittal Steel sur le grand groupe européen Arcelor.

Beaucoup d'entre nous sont convaincus que si cette OPA réussit, plus aucun groupe européen ne sera assuré de son développement. Par ailleurs, les activités de Mittal Steel, différentes de la spécialité d'Arcelor - une production de haute qualité - nous laissent méfiants, en dépit des engagements de son président, sur les résultats d'une telle OPA en termes d'emploi.

M. Jean Leonetti - C'est scandaleux !

M. Laurent Fabius - Ensuite, dans le cadre de ce raid, les actionnaires seraient payés « en papier » et leur droit de vote serait de seconde catégorie, le pouvoir étant majoritairement détenu par la famille Mittal.

Enfin, il y va de l'intérêt de la France et de l'Europe, constituer le groupe Arcelor ayant nécessité des sacrifices considérables, en termes financiers et d'emploi.

Puisque votre majorité s'est exprimée, sur ce point, de diverses manières... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pouvez-vous confirmer, comme l'ont fait la Belgique, le Luxembourg et l'Espagne, votre opposition à ce raid hostile ?

Des initiatives doivent être prises en direction des investisseurs institutionnels, mais cela nécessite que vous reveniez sur le texte concernant les OPA, voté malgré l'opposition de la gauche, et qui rend toute intervention impossible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, protestations sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, je souhaite, Monsieur le Premier ministre, que vous rappeliez à la Commission, qui affirme ne pas vouloir de champions nationaux et européens, que, pour notre part, nous ne souhaitons pas d'un monopoly où les salariés et les entreprises européennes feraient figure de pions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - La parole est à M. Loos. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - C'est une honte !

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie - Oui, nous avons une politique industrielle, et nous ne sommes pas favorables à l'OPA de Mittal Steel sur Arcelor, et je vais vous dire pourquoi !

Sur la forme, Mittal Steel a enfreint les règles de conduite de la finance internationale : on n'aborde pas un fleuron de l'économie européenne et de la sidérurgie française sans vision, sans projet industriel.

Sur le fond, le groupe Arcelor est aujourd'hui, après diverses restructurations, un groupe performant qui fabrique des aciers à très haute valeur ajoutée qu'il exporte jusqu'en Chine. Nous pouvons en être fiers.

Fermement opposés au succès de l'OPA de Mittal sur Arcelor, nous ne dirons pas comme M. Jospin en son temps après Vilvorde : « L'État ne peut rien », mais saurons prendre, nous, nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Un peu de calme, je vous prie.

POLITIQUE EUROPÉENNE AU PROCHE-ORIENT

M. François Rochebloine - La victoire surprise du Hamas aux élections législatives en Palestine constitue un véritable tremblement de terre. La situation au Proche-Orient est de plus en plus préoccupante pour la communauté internationale, compte tenu des dernières avancées de l'Iran dans le domaine nucléaire.

L'Union européenne a un rôle éminent à jouer dans cette partie du monde et une responsabilité particulière, l'Autorité palestinienne dépendant pour partie de son aide. S'il ne s'agit pas de couper l'aide aux Palestiniens, trois conditions doivent toutefois être posées à son maintien : refus officiel de la violence, reconnaissance du droit à l'existence de l'État d'Israël et reconnaissance des accords d'Oslo. Encore faut-il que les États membres n'agissent pas, comme par le passé, en ordre dispersé. Si elle parle d'une seule voix, l'Union européenne pourra peser efficacement sur les deux camps en présence. Plus impartiale et plus juste que les États-Unis, elle est mieux à même de se faire entendre et d'amener Palestiniens et Israéliens à se réconcilier.

Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, quelles initiatives la France compte-t-elle prendre pour que l'Europe, unie, parvienne à obtenir le rétablissement de la paix et la fin du terrorisme au Proche-Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - La large victoire du Hamas aux dernières élections dans les territoires palestiniens soulève de nombreuses questions. Le Premier ministre Dominique de Villepin a d'emblée fait part de ses inquiétudes, le Hamas figurant sur la liste des organisations terroristes recensées par l'Union européenne et le terrorisme étant, par nature, incompatible avec la démocratie.

La position du Président de la République comme du Premier ministre est sans ambiguïté : le prochain gouvernement palestinien doit faire le choix de la paix. Cela exige qu'il reconnaisse l'État d'Israël, qu'il renonce à la violence et qu'il respecte les accords d'Oslo. Ces trois conditions, rappelées par Philippe Douste-Blazy lundi dernier au Conseil Affaires générales, fondement de la position commune des Européens, figurent dans les conclusions de ce Conseil mais aussi dans la déclaration du Quartet qui réunit le secrétaire général des Nations unies et les représentants de l'Union européenne, des États-Unis et de la Russie. Nous appelons solennellement le prochain gouvernement palestinien à respecter ces conditions et à s'y conformer dans les faits. C'est seulement ainsi que pourront se poursuivre le dialogue et la coopération avec l'Union européenne, et s'établir la paix dans cette région du monde.

Pour l'heure, l'Autorité palestinienne a toujours à sa tête un président élu, Mahmoud Abbas, qui demeure l'interlocuteur de la communauté internationale et qu'il convient de conforter. Les ministres de l'Union européenne et les représentants du Quartet ont, à ce stade et dans l'attente de la formation du prochain gouvernement, décidé de maintenir leur aide financière à l'Autorité palestinienne. Mais nous serons intransigeants : sa poursuite sera fonction de l'attitude et des engagements effectifs du prochain gouvernement palestinien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. Pierre Goldberg - Monsieur le Premier ministre, contrairement à ce qu'avait annoncé le chef de l'État lors de la campagne référendaire sur le projet de Constitution européenne, non seulement la directive Bolkestein sur la libéralisation des services n'a pas été abandonnée, mais, au mépris du vote des Français intervenu le 29 mai dernier, elle sera soumise au Parlement européen à la mi-février.

Il n'est pas mauvais d'en rappeler à nos concitoyens le contenu. Elle consacre le principe du pays d'origine qui ouvre la voie à un dumping généralisé : règles sociales, protection des consommateurs, préservation de l'environnement, autant de règles qui risquent d'être mises à bas. Cela signifie demain de nouvelles délocalisations, de nouveaux plans sociaux, de nouveaux licenciements, et de lourdes menaces sur les droits des salariés comme sur les conventions collectives. La logique purement libérale qui inspire cette directive est, hélas, aussi celle de votre gouvernement, qui vise à casser notre droit du travail et à démanteler les acquis sociaux. Le projet de contrat première embauche, dont il propose aujourd'hui l'adoption, dans la précipitation et sans aucune concertation, illustre de façon terrible la mainmise du patronat et des lobbies de la finance sur les politiques économiques et sociales, tant en France qu'en Europe.

Monsieur le Premier ministre, les Français ont dit « non » au projet de traité constitutionnel et redoutent avec raison les conséquences de cette directive sur l'emploi, sur les salaires et sur leurs droits. Voter ce texte, au mépris de la souveraineté populaire, serait un déni de démocratie. Quelle sera la position exacte du Gouvernement si cette directive devait être adoptée et soumise au Conseil des ministres européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Je vous remercie de votre constance sur le sujet, Monsieur le député, qui n'a d'égale que celle du Gouvernement à obtenir, avec l'aide de ses partenaires et du Parlement européen, une profonde révision de cette directive. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Celle-ci revêt une importance particulière pour la France, deuxième pays exportateur de services en Europe. Le premier projet, totalement déséquilibré, était inacceptable. C'est donc logiquement que le Conseil européen a demandé, à l'unanimité, sa remise à plat au printemps dernier. Celle-ci est en cours au Parlement européen. Deux votes ont déjà eu lieu en commission et celui en séance plénière est prévu le 16 février. Nous souhaitons que le travail engagé se poursuive. A cet égard, le vote du 16 février est particulièrement important. Nous formons le vœu qu'il rejoigne les préoccupations de la France, notamment en matière sociale. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Après ce vote, il reviendra à la Commission européenne de réécrire sa proposition en tenant compte de l'ensemble des préoccupations exprimées tant au Parlement qu'au Conseil, où beaucoup partagent l'avis de la France.

M. Maxime Gremetz - Réponse de Normand ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre déléguée - Je souhaite que la Commission prenne le temps d'intégrer les observations de chacun et présente un nouveau texte au Conseil - vous n'ignorez pas, Monsieur le député, qu'après le renouvellement de la Commission en 2004, c'est désormais M. Mac Creevy qui est chargé du dossier. Il reviendra ensuite aux États membres de décider. Le Gouvernement reste vigilant et cette question sera à l'ordre du jour du prochain comité interministériel sur l'Europe qui se tiendra lundi prochain sous la présidence du Premier ministre. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Monsieur Gremetz, il semble que Mme Bassot et M. Lenoir n'aient pas apprécié votre mise en cause des Normands. (Sourires)

LUTTE CONTRE LES AGRESSIONS ANTISÉMITES

M. Yves Jego - Le fléau du racisme, de l'antisémitisme et de la xénophobie apporte trop souvent son cortège de drames. Au début des années 2000, notre pays a connu une résurgence de ces actes intolérables, et nombre de nos compatriotes se sont alors sentis abandonnés face aux menaces et aux agressions dont ils étaient l'objet.

Lors de votre arrivée au ministère en 2002, Monsieur le ministre d'État, vous avez fait du combat contre ce fléau une de vos priorités. Contrairement à ce qui avait pu prévaloir dans le passé, vous ne vous êtes pas contenté de discours ou de colloques, mais vous avez courageusement choisi d'agir, pour, au-delà de la compassion, obtenir des résultats.

L'actualité internationale pourrait favoriser la résurgence de ces phénomènes. Quelles sont les dispositions prises pour faire à nouveau diminuer de façon significative les agressions racistes, antisémites ou xénophobes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - La question de l'antisémitisme dans notre pays a préoccupé toutes les formations politiques lorsque les menaces et actions antisémites se sont multipliées au début des années 2000.

D'abord, chaque fois qu'un juif de France a peur, ce qui est en question, ce n'est pas la communauté juive, mais la communauté nationale dans son ensemble, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) car l'antisémitisme est une tache sur le drapeau de la République.

Ensuite, devant l'antisémitisme, il n'y a qu'une politique possible, celle de la fermeté la plus totale. Ce qu'il faut, ce n'est pas expliquer, mais combattre car quand on cherche à expliquer l'inexplicable, c'est qu'on s'apprête à excuser l'inexcusable.

Les statistiques pour 2005 montrent que les menaces et les violences antisémites ont diminué de 50 %. (applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) Je ne dis pas que le travail est fait. Mais s'il y avait eu une hausse de 50 %, vous auriez été nombreux, à juste titre, à m'interroger sur le sujet.

M. Patrick Lemasle - La hausse, vous l'avez eue l'an dernier !

M. le Ministre d'État - Nous allons pourtant renforcer nos moyens, d'abord en généralisant la vidéosurveillance. Ensuite, le Premier ministre a reconduit le crédit de 3 millions permettant d'assurer une meilleure sécurité dans un certain nombre de lieux de culte. Nous procéderons à l'expulsion systématique des prêcheurs de haine, notamment des imams qui tiennent des propos antisémites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous en avons expulsé 21 en 2005.

M. Maxime Gremetz - La racaille !

M. le Ministre d'État - Les services seront très vigilants, et ceux qui tiennent ces propos au mépris de l'idéal républicain seront expulsés. Ils n'ont rien à faire en France. En la matière, seuls comptent les faits, et ils sont têtus : les agressions ont diminué de moitié par rapport à l'an dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

EMPLOI DES JEUNES

M. Dominique Tian - Ma question s'adresse à M. Larcher. Le Gouvernement est en passe de gagner la bataille de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Tous les observateurs sérieux en sont d'accord. Pour le neuvième mois consécutif, le chômage régresse pour s'établir à 9,5 %. Durant l'année écoulée, 130 000 personnes ont retrouvé un emploi, grâce à une forte augmentation des créations et non à des radiations administratives ou à l'évolution démographique.

Cependant 150 000 jeunes sortent chaque année de l'école sans diplôme, 60 000 sortent du collège sans aucune qualification et 15 000 sont en « errance scolaire ». Le texte sur l'égalité des chances que nous examinons actuellement aborde l'ensemble des problèmes que rencontrent les jeunes. Que peuvent-ils attendre des nouvelles mesures que vous proposez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Effectivement, le nombre des chômeurs a diminué de 180 000 en neuf mois.

Plusieurs députés socialistes - Et combien de RMistes en plus ?

M. le Ministre délégué - On le sait moins, pour les trois premiers trimestres de 2005, 60 000 salariés supplémentaires ont été affiliés à l'UNEDIC : il s'agit donc d'emplois nouveaux dans le secteur privé - encore comptabilise-t-on avec un grand retard les emplois dans les services à la personne, le médicosocial et le secteur éducatif. 225 000 entreprises ont été créées, soit 40 000 de plus qu'en 2000, et le nombre d'apprentis en alternance a atteint un record.

La politique de l'emploi consiste à renforcer notre attractivité, grâce aux pôles de compétitivité ou aux pôles d'excellence rurale, à l'agence d'innovation industrielle, à la qualité de la formation. C'est pourquoi nous nous engageons à la fois en faveur des seniors, qui ne doivent plus être la variable d'ajustement des plans sociaux comme c'est le cas depuis vingt-cinq ans, et des jeunes. Nous améliorons l'orientation et avons pour objectif de former 800 000 jeunes en alternance en 2009. Ce que ces jeunes peuvent attendre du développement de l'alternance, des stages, du contrat première embauche, c'est d'en finir enfin avec la galère, les petits boulots et de réussir leur entrée dans la vie professionnelle et sociale. Les seniors, les jeunes, tous sont l'avenir de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

POLITIQUE INDUSTRIELLE

M. Michel Liebgott - Monsieur le Premier ministre, je vous ai regardé attentivement hier soir à la télévision. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous avez parlé en particulier de la sidérurgie. A l'instant, Laurent Fabius (Huées sur les bancs du groupe UMP) vient de vous demander de répondre à la représentation nationale, aux députés lorrains, inquiets pour l'avenir de ce secteur stratégique pour notre pays. Je souhaite que votre réponse soit à la hauteur de l'enjeu.

Nous vous avons d'ailleurs souvent interrogé ces dernières années sur les restructurations, et malheureusement avons obtenu toujours la même réponse : on ne peut pas influencer les orientations des grands groupes.

Mme Sylvia Bassot - Comme Jospin !

M. Michel Liebgott - Arcelor, aujourd'hui victime potentielle, a fermé un certain nombre de sites dans le Nord depuis 2002, et 1 500 emplois vont disparaître dans la vallée de la Fentsch.

Aujourd'hui, Monsieur le Premier ministre, vous êtes pris à votre propre piège du non-interventionnisme et du tout-libéral ! Totalement absente du capital d'Arcelor, la France se tourne vers le Luxembourg et la région wallonne, qui, bien que de taille plus modeste, détiennent, eux, des actions. Le gouvernement luxembourgeois a du reste lancé un projet d'un milliard d'euros sur la frontière. Mais du côté français, rien ! L'État est incapable de mettre un centime ! C'est pourtant bien en France que les communes concernées ont perdu un tiers, voire la moitié de leur population.

En juillet dernier, le ministre de l'industrie ironisait sur ceux qui brandissent fourches et faucilles... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Posez votre question.

M. Michel Liebgott - ...et aujourd'hui vous vous étonnez de l'offensive de Mittal Steel ! Les populations et les salariés s'interrogent : quand le Gouvernement va-t-il redécouvrir les vertus d'une véritable politique industrielle ? Comme l'a dit Lionel Jospin, ce n'est pas parce que l'on ne peut pas tout que l'on ne peut rien ! Or, vous, apparemment, vous ne pouvez rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie - Je me préparais à vous parler de la sidérurgie en Lorraine, mais vous attaquez sur un terrain politique, sur lequel nous pouvons vous donner des leçons (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). Qui parle de patriotisme économique ? Qui a fait les pôles de compétitivité ? L'Agence de l'innovation industrielle ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous sommes en train d'aider les entreprises à devenir des leaders mondiaux dans leurs spécialités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous attaquez cette politique, dont vous avez pourtant besoin dans votre région, mais c'est bien de nous que viendra la réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

NAUFRAGE DE L'ECE

M. Claude Gatignol - Hier, le chimiquier « Ece », battant pavillon des Îles Marshall, et transportant 10 000 tonnes d'acide phosphorique, a été fortement endommagé lors d'une collision en mer de la Manche. Au cours d'une manœuvre de dépassement, il a en effet heurté un vraquier sous pavillon maltais, dans la zone dite des Casquets, entre Guernesey, l'Angleterre et le Cotentin, en eaux internationales.

Les conditions climatiques difficiles ont obligé à la mise en œuvre de la solidarité franco-britannique prévue par le « Manche-Plan ». Les vingt-deux membres d'équipage ont tous été sauvés, évacués par les hélicoptères des garde-côtes britanniques. Je tiens à souligner cette collaboration exemplaire, menée sous l'autorité du Préfet maritime de Cherbourg. Que les sauveteurs soient félicités, de même que les autorités françaises et britanniques. (Applaudissements)

Mais malgré la tentative de remorquage, le navire a coulé cette nuit à environ 90 kilomètres à l'ouest des côtes de la Hague, ce qui m'amène à vous poser deux questions, Monsieur le ministre des transports. L'une est d'actualité immédiate: quelles sont les conséquences écologiques du naufrage, compte tenu de la cargaison et des réserves de carburants ? L'autre porte sur la sécurité du transport maritime dans la Manche, véritable autoroute de la mer. Les Casquets connaissent un trafic de 300 bateaux par jour et cette zone est la porte d'un rail qui reçoit 600 à 700 bateaux par jour, soit environ 20 % du trafic maritime mondial. Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, qu'il faut accroître les moyens de surveillance - je pense en particulier aux radars de longue portée - et de prévention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Vous avez raison de souligner les conditions remarquables dans lesquelles le sauvetage a été organisé et la façon exemplaire dont la coopération franco-britannique a fonctionné. Comme vous, je remercie les équipes de sauvetage.

Cela dit, le bateau qui a coulé était chargé de grandes quantités d'acide phosphorique, substance qui est totalement soluble dans l'eau et qui ne se stocke pas dans la chaîne alimentaire. La pêche sur le site a de toute façon été immédiatement interdite. S'agissant de la cargaison, les conséquences ne devraient donc pas être trop négatives. Par contre, le navire contient dans ses soutes 70 tonnes de fuel lourd et 20 tonnes de gazole. Une certaine irisation a été observée ce matin à la surface de la mer et cet après-midi, une surveillance aérienne a été mise en place. Compte tenu des vents et des courants, il ne devrait pas y avoir de dérive de cette pollution dans les 72 heures qui viennent. J'ajoute que des navires de dépollution se tiennent prêts à intervenir au cas où les soutes s'entrouvriraient.

Vous m'interrogez aussi sur l'avenir. Dans le budget 2006, la majorité a voté un renforcement des moyens de prévention des accidents maritimes, avec en particulier un renouvellement des radars. Ce travail de modernisation se poursuivra au-delà de 2006 grâce à des radars de plus longue portée, qui pourraient être installés à Guernesey et à la Pointe du Raz de façon qu'avant même leur arrivée dans le rail de séparation de trafic, les bateaux puissent être pris en compte, ce qui n'avait pu être fait dans le cas qui nous occupe. Ce dispositif supplémentaire nous donnera une meilleure maîtrise de l'ensemble du trafic, très important sur cette zone. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ÉPIDÉMIE DE CHIKUNGUNYA

M. Pierre-Louis Fagniez - Ma question s'adresse au ministre de la santé et porte sur l'épidémie qui sévit actuellement à La Réunion. Il s'agit d'une maladie virale, qui, jusqu'à présent n'était pas connue sur le territoire national mais qui existait sur le continent asiatique et en Afrique de l'Est et qui est arrivée chez nous après être passée par les Comores, Mayotte et Maurice. Le virus est transmis par un moustique. Les symptômes sont une très forte fièvre, des douleurs articulaires, quelquefois une éruption, et surtout on a le dos courbé, ce qui en swahili se dit « chikungunya ».

Cette épidémie rappelle celle de la grippe, mais il n'existe pas d'autre moyen de prévention que la lutte contre les moustiques, même si certaines gazettes ont parlé d'un vaccin... Face à ce problème grave, à la fois en termes économiques et de santé publique, vous avez dépêché sur place le directeur général de la santé, accompagné du directeur de l'Institut national de veille sanitaire. Vous-même, Monsieur le ministre, en revenez et avez pu constater sur place le désarroi des populations. Quelles mesures comptez-vous prendre face au génie évolutif de ce curieux virus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - L'île de la Réunion traverse une épreuve : ce sont en effet 35 000 personnes qui ont été contaminées par ce virus et qui souffrent d'importantes douleurs musculaires et articulaires. Après avoir rencontré de nombreux malades, chez eux et dans les établissements de santé, je sais toutefois que le courage et la solidarité seront plus forts que l'épreuve et la douleur.

En réponse à cette crise, le Premier a ministre a tout d'abord souhaité que quatre cents militaires supplémentaires soient formés à la lutte contre les moustiques, afin d'être opérationnels demain matin. La prévention est en effet notre priorité, et ces équipes, qui sont appréciées par la population réunionnaise, ont fait la preuve de leur efficacité.

Mais nous devons également assurer la meilleure prise en charge possible des malades, et c'est pourquoi je me suis rendu sur l'île de la Réunion avec une équipe médicale comprenant des médecins, des infirmières et du matériel. Si cette équipe s'est immédiatement mise au travail, nous allons naturellement continuer à envoyer sur place d'autres unités en provenance de la métropole.

Face à cette maladie insuffisamment connue, la recherche doit en outre nous permettre de mieux comprendre, donc de combattre plus efficacement ce mal. Des programmes hospitaliers de recherche clinique seront donc menés sur place, et nous avons décidé de saisir le centre national de référence des arbovirus ainsi que l'organisation mondiale de la santé. Nous pourrons ainsi établir un point précis et exhaustif des connaissances sur ce dossier.

Le Premier ministre a enfin souhaité réunir d'ici à la fin de la semaine l'ensemble des ministres concernés, notamment François Baroin, le ministre de l'outre-mer, en vue d'accélérer l'aide à destination des Réunionnais et des Réunionnaises.

J'ajoute que cinquante six cas d'infections ont été constatés à Mayotte, où je me suis rendu hier en compagnie de Mansour Kamardine. Là aussi, nous devons faire preuve de la plus grande vigilance afin d'anticiper le développement éventuel de la maladie.

Si la solidarité est très forte entre nos concitoyens de Mayotte et de la Réunion, soyez sûrs que la solidarité nationale ne le sera pas moins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TAUX RÉDUIT DE TVA DANS LA RESTAURATION

Mme Martine Carrillon-Couvreur - A deux reprises, vous avez refusé de répondre clairement aux questions concernant Arcelor, Monsieur le Premier ministre. Avez-vous donc l'intention de laisser faire ?

Mais le pire est à craindre dans bien d'autres domaines encore. Il y a quatre ans, le Président de la République promettait d'étendre la baisse de la TVA à la restauration dès le 1er janvier 2003 (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP). Cette promesse faisait écho aux déclarations de la droite parlementaire, qui avait prétendu, au mépris des règles européennes, que la restauration pouvait bénéficier sans délai d'une telle mesure. Notre groupe avait alors souligné qu'une telle décision ne pouvait être unilatérale, mais devait faire l'objet d'une négociation au niveau de l'Union européenne.

Quatre ans après ces promesses démagogiques et précipitées, l'engagement pris devant les professionnels de la restauration et de l'hôtellerie est resté sans suite, suscitant un immense désarroi et un mécontentement grandissant. Le coup porté touche en effet d'autres catégories de professionnels, puisque les taux réduits de TVA applicable à la rénovation des logements et aux services à domicile sont désormais menacés.

Un trait vient donc d'être tiré sur l'ensemble des mesures qui avait permis de créer plus de 60 000 emplois dans le secteur du bâtiment. Alors que le gouvernement Jospin s'était engagé sur ce point et avait tenu ses promesses (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), vous avez confondu vœux pieux et négociation, action et communication, promesse et réalité, au détriment de l'emploi et des conditions de travail de plusieurs secteurs d'activité.

Et en agissant ainsi, vous avez fait prendre le risque à la France de tout perdre. Cet échec, si injuste qu'il soit pour les professions concernées, était malheureusement prévisible. En effet, vous vous êtes imprudemment isolé de tous nos partenaires européens en énonçant des promesses de baisse unilatérale de la TVA et en accentuant la dégradation des comptes publics (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Quel gâchis ! (Plusieurs députés du groupe UMP tentent de couvrir la voix de l'oratrice) Ce mensonge d'État aura de lourdes conséquences pour l'avenir des salariés et des entreprises, qui pourraient subir le plus grand plan de licenciement de notre histoire.

Face à ce risque, je vous demande d'annoncer clairement, devant la représentation nationale, les mesures que vous comptez prendre dès aujourd'hui afin de sauver les 60 000 emplois concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État - Le ton de votre question me semble inutilement polémique (Vives protestations sur bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous aurions pourtant de bonnes raisons de nous battre ensemble !

Dans ces deux domaines, Thierry Breton a clairement rappelé la feuille de route : nous nous employons avec la plus grande détermination à convaincre nos partenaires d'adopter le taux réduit de TVA sur la restauration, et j'espère que nous y parviendrons (Mêmes mouvements). S'agissant de la TVA sur les travaux, notre détermination est également totale. Vingt-quatre pays soutiennent notre proposition ; reste la Pologne, qui après avoir exprimé son désaccord, vient de faire preuve d'une plus grande ouverture.

Depuis lundi, nous ne cessons de travailler avec l'ensemble de nos partenaires ! Le Premier ministre et le ministre des finances sont en contact étroit avec la présidence de l'Union et avec la Commission. Sur ces deux sujets, soyez sûrs que nous trouverons des solutions et que nous restons totalement déterminés à aboutir. Il y va en effet de la création d'emplois dans des secteur économiquement porteurs.

Je rappelle également que la TVA à 5,5 % continue à s'appliquer tant que les discussions continuent. Enfin, vous me permettrez d'ajouter un dernier mot sur l'Europe, puisque vous ne siégez pas très loin de M. Fabius, Madame Carrillon-Couvreur : nous attendons toujours le plan B !

M. Henri Emmanuelli - C'est scandaleux !

M. le Ministre délégué - Ce qui était hier une grande illusion, est devenu aujourd'hui une très grande déception ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Laurent Fabius - C'est faux !

CRÉATIONS ET CESSIONS D'ENTREPRISES

M. Serge Poignant - Monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, les chiffres de la création d'entreprises en 2005 ont été rendus publics hier : avec 225 000 nouvelles entreprises, la relance de la création d'entreprises est installée durablement dans notre pays. Nous avons su relever le défi quantitatif de la création d'entreprises, notamment grâce à la loi pour l'Initiative économique que vous avez su porter, et le cap d'un million d'entreprises créées pendant le quinquennat, fixé par le Président de la République, sera franchi et même dépassé.

Le Gouvernement a également beaucoup fait pour favoriser la transmission d'entreprises, par exemple en allégeant la fiscalité qui pèse sur les cessions. La réforme des plus-values adoptée à la fin de l'année était en effet essentielle, 700 000 chefs d'entreprise devant partir à la retraite dans les dix ans qui viennent.

Alors que vous avez inauguré ce matin, en compagnie du Premier ministre, le salon des entrepreneurs, qui est consacré à la création, à la transmission et au développement des petites et moyennes entreprises, pouvez-vous nous dire quels seront les axes prioritaires de votre action en faveur des PME au cours de l'année 2006, domaine où de grands progrès restent encore faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales - Grâce aux lois que vous avez votées - et dont vous avez été, Monsieur le député, le rapporteur -, nous sommes en train de gagner la bataille de la création d'entreprise, avec 225 000 entreprises créées en 2005 : record battu ! Ce surcroît de créations représente 100 000 emplois nouveaux proposés aux jeunes Français. Nous sommes également en passe de gagner la bataille de la transmission d'entreprise, car protéger le patrimoine économique des Français, c'est protéger leur emploi. Et quand j'entends M. Fabius et ses collègues rivaliser de patriotisme économique, j'ai envie de leur dire : que n'avez-vous modifié la fiscalité entre 1997 et 2002 ? Car je peux aujourd'hui dresser, département par département, la liste des PME qui ont été vendues dans cette période à des intérêts étrangers uniquement du fait d'une fiscalité confiscatoire !

Nous sommes en train de gagner la bataille de l'emploi dans les très petites entreprises : 300 000 CNE conclus, cela représente 100 000 emplois qui n'auraient jamais vu le jour si le Premier ministre n'avait pas proposé ce nouvel outil. Et nous gagnerons également la bataille de l'emploi dans les PME grâce au CPE, lequel leur offre une vraie chance d'embaucher des jeunes.

Ce matin, j'ai fait part au Conseil des ministres de notre souhait de mettre en place plusieurs programmes - financements, exportation, détection des futurs champions français, regroupement des PME - visant à doter notre pays d'entreprises à fort potentiel de croissance. Nous menons une politique complète et elle donne aujourd'hui ses premiers résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

COUVERTURE DES ZONES BLANCHES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

M. Olivier Dassault - 577, c'est le nombre des députés que compte cette Assemblée, et c'est aussi, depuis quelques semaines, le nombre des communes rurales rendues accessibles au téléphone mobile sur les 3 000 identifiées en « zone blanche ». Pour y remédier, le Gouvernement a mis en place un plan d'action en deux phases doté de 60 millions, en collaboration avec les collectivités locales et les opérateurs. Toutefois, quelques conseils généraux bloquent la mise en œuvre de ce plan pour de déplorables raisons politiciennes. Il s'agit de huit départements : l'Eure, le Finistère, le Nord, le Pas-de-Calais, la Haute-Savoie, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne et l'Oise... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Si j'ajoute à ces «zones blanches» sans relais les 16 000 communes sous équipées, cela signifie que près de la moitié de la France souffre encore d'une couverture insuffisante, alors que l'on est désormais joignable jusque dans les plaines les plus reculées de la Hongrie !

En 2006, pour les Françaises et les Français, mais aussi pour les entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales, ne pas avoir accès au téléphone mobile ou au haut débit, ce n'est pas une gêne, c'est un handicap ! Parce que la politique de l'aménagement du territoire ne saurait être dissociée de la stratégie tendant à renforcer l'attractivité du territoire, vous avez, Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, dévoilé ces derniers jours la feuille de route pour 2006 du plan téléphonie mobile.

Pouvez-vous nous indiquer les mesures concrètes que vous allez prendre pour étendre la couverture du téléphone mobile et permettre un plus large accès au haut débit, et à la télévision numérique terrestre, qui est une fenêtre ouverte sur la France du XXIe siècle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Nous avons un devoir d'équité vis-à-vis de chaque foyer français, de chaque entreprise, de chaque commerçant et de chaque artisan, en quelque lieu du territoire qu'ils se trouvent : leur donner accès à toutes les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

M. Augustin Bonrepaux - Qui paye ?

M. le Ministre délégué - S'agissant de la téléphonie mobile, au mois de juin dernier, sur 3 000 communes recensées antérieurement en zone blanche, 91 seulement étaient couvertes ; au 31 décembre, elles étaient 577. Pour obtenir ce résultat, j'ai mobilisé tous les opérateurs pour qu'au rythme de 100 nouvelles communes équipées chaque mois, nous obtenions la couverture totale du territoire dès 2007. Le Gouvernement participe à hauteur de 44 millions, le reste de l'effort étant financé par quelque 20 millions d'exonération de TVA. Je salue le partenariat de la plupart des conseils généraux, huit d'entre eux seulement - dont celui de l'Oise - ne s'étant pas associés à notre plan.

Pour ce qui concerne le haut débit, nous en sommes à 95 % de couverture du territoire et d'accès aux foyers par l'ADSL, et nous allons nous approcher de 100 % de couverture en 2007, grâce au recours à des solutions satellitaires innovantes.

S'agissant enfin de la TNT, s'il faut se féliciter que la moitié des foyers français aient désormais accès à dix-huit chaînes gratuites, il est anormal que certains en restent exclus. En liaison avec le CSA, France Télévisions et nombre d'autres opérateurs, le Premier ministre nous a donné des instructions pour que nous puissions équiper 85 % du territoire. Dans votre département de l'Oise, Beauvais et Compiègne ne sont toujours pas équipées et cette situation n'est pas acceptable. Je veux vous dire qu'avec la solution satellitaire que nous mettrons en place en 2006, 100 % du territoire y aura accès en 2007. En 2002, dans notre pays, 3 000 communes n'avaient pas accès à la téléphonie mobile, un foyer sur deux n'avait pas accès à internet et la TNT n'existait pas. En 2007, nous aurons relevé le défi d'apporter le tout numérique à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Dosière.

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

M. Gaëtan Gorce - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Sur des questions aussi importantes que l'égalité des chances et l'emploi des jeunes, puisque le Gouvernement a choisi d'introduire le contrat première embauche dans ce texte, nous sommes tous d'accord pour vouloir un débat sérieux, serein et approfondi. Le Premier ministre, dans cet hémicycle, a invité l'opposition à un tel débat - il lui en a presque lancé le défi. Mais il semble de loin préférer s'exprimer, pour sa part, dans les médias. Pendant que nous débattions ici, il a défendu à la télévision le contrat première embauche - on comprend qu'il se fasse du souci sur ce sujet - et a affirmé que la question opposait, non pas la droite et la gauche, mais ceux qui veulent s'attaquer au problème du chômage des jeunes et ceux qui ne veulent rien faire. Il me semble qu'il s'est quelque peu trompé dans la répartition des rôles : lorsque les responsables sont aux affaires depuis quatre ans, ce sont eux qui peuvent être taxés d'immobilisme ! Et ce sont ceux qui avaient réussi à faire reculer le chômage des jeunes qui sont dans l'opposition.

Les arguments qui fondent le contrat première embauche méritent d'être discutés au fond, à la lumière de toutes les données dont nous pouvons disposer. Nous estimons qu'il s'agit d'un contrat précaire et ne comprenons pas que vous l'étendiez à l'ensemble des jeunes dont une partie seulement, certes trop importante, est touchée par la précarité. Quant à la forme, le Premier ministre semble se dérober au défi qu'il nous a lancé. Mais chiche ! Nous aimerions qu'il trouve dans son agenda déjà bien occupé par les rendez-vous médiatiques une après-midi pour venir discuter devant la représentation nationale et déterminer qui sont vraiment les tenants de l'immobilisme et du changement.

Je crois que nous aurions alors un véritable débat politique. Malheureusement, le Premier ministre ne fait pas ce choix : il attaque l'opposition quand elle ne peut lui répondre et s'efforce de noyer le débat dans un texte fourre-tout. Je souhaite donc que le Gouvernement s'explique sur la place qu'il entend réserver dans ce débat à la question de l'insertion des jeunes, et à ceux qui souhaitent s'exprimer sur ce sujet. Nous voulons bien relever le défi que nous a lancé M. de Villepin, pour autant qu'il ne s'y dérobe pas. Après que le Gouvernement se sera exprimé, je demanderai une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Le Gouvernement est présent ! Azouz Begag, Jean-Louis Borloo et moi-même, qui nous colletons jour après jour au problème de l'insertion des jeunes, sommes en capacité, je crois, d'entrer dans ce débat que vous appelez de vos vœux. Voilà pourquoi il nous faut, Monsieur le président, sans tarder, poursuivre cette discussion.

M. Alain Joyandet - Je souhaite dénoncer, au nom du groupe UMP, cette nouvelle tentative de ralentissement du débat. Il y a urgence : la jeunesse de ce pays nous regarde. Je prends acte de votre stratégie ; pour notre part, nous voulons construire et mener cette bataille pour l'emploi.

M. Gaëtan Gorce - Nous ne sommes pas animés par un souci de retardement. Faites preuve de décence : vous nous accusez de vouloir retarder le débat, vous qui avez choisi la précipitation ! Le Premier ministre est monté à plusieurs reprises au front, vous laissant vous « colleter », comme vous le dites, Monsieur le ministre, avec le quotidien. Il a affirmé haut et fort dans cet hémicycle vouloir une grande discussion : qu'il l'assume, plutôt que de se rendre sur les plateaux de télévision, sans contradicteurs politiques, pour asséner des mensonges !

Nous estimons que cette question est suffisamment grave pour y consacrer le temps nécessaire avec la personnalité politique de premier plan qui semble porter ce débat devant l'opinion. Au lieu de quoi, vous organisez la dérobade. N'ayez crainte, cette suspension de quelques minutes ne retardera pas le train en marche du Gouvernement, déterminé enfin à faire reculer le chômage des jeunes !

Le Premier ministre ne peut pas faire de grandes déclarations pour ensuite s'en exonérer : c'est contre cela que nous voulons protester. Nous aurons ensuite des questions extrêmement précises à poser au Gouvernement sur sa responsabilité dans l'immobilisme dénoncé par M. de Villepin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer - Au nom du groupe UDF, et en tant que membre d'un parti libre (Sourires), je dois dire que j'ai l'impression, d'un côté, que les groupes socialiste et communiste veulent faire traîner en longueur ce débat ; mais, de l'autre côté, je regrette la précipitation avec laquelle il a été engagé. J'ai donc une proposition : si le ministre retirait son amendement sur le CPE, nous repartirions sur de bonnes bases ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 45.

M. Maxime Gremetz - Dans l'urgence, pour ne pas dire dans la précipitation avec laquelle ce projet de loi nous est soumis par le Gouvernement, je veux ici réaffirmer notre plus profond mécontentement sur les conditions réservées à nos travaux parlementaires. Le mépris - je pèse mes mots - avec lequel le Gouvernement traite la représentation nationale et les partenaires sociaux est inadmissible et sans précédent.

Mais ce mépris va plus loin car le projet de loi qui nous est soumis n'est qu'une partie du plan du Gouvernement. Vont en effet y être ajoutées par voie d'amendement diverses mesures que le Premier ministre qualifie de « favorables à l'emploi des jeunes », parmi lesquelles le contrat première embauche. L'urgence ne tient pas aux tensions sociales qui se sont exprimées en fin d'année dernière, largement embrasées par quelques membres du Gouvernement lui-même, ne le pensez-vous pas avec moi, Monsieur Begag ? « Voyou », « racaille »..., autant de propos indignes d'un ministre de la République ! Des mesures immédiates auraient pu être prises en loi de finances. Mais votre projet est beaucoup plus machiavélique. Votre précipitation s'explique par votre volonté d'empêcher l'expression du mouvement social. Mais contre votre texte, tous les syndicats de salariés, tous les syndicats d'enseignants et toutes les organisations étudiantes et de jeunesse, de l'UNEF à l'UNL, sont d'ores et déjà mobilisées contre le CPE. Si vous essayez de passer ainsi en force, vous le paierez comptant, et sans attendre 2007, croyez-moi. Vous avez accéléré le calendrier pour éviter un grand rassemblement unitaire, mais c'est peine perdue ! Tous vous demandent dès aujourd'hui de retirer votre projet inacceptable.

Ces procédés sont indignes d'une démocratie. Votre Gouvernement, qui refuse le débat avec les forces vives de la nation, préfère s'en remettre dans l'urgence à sa majorité, laquelle est à sa solde (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). On parlait auparavant de godillots - je n'emploie plus le terme car je sais qu'il vous gêne !

M. Denis Jacquat - Mais que signifient donc tous ces gestes, Monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz - Enfin, vous êtes bien là pour voter les textes du Gouvernement, non ?

L'abbé Pierre, malgré son grand âge, est venu ici même la semaine dernière vous dire que vous vous apprêtiez à prendre des mesures qui constituent une honte pour la France - ce qui ne vous a d'ailleurs pas empêché de les voter...

MM. Daniel Paul et Jacques Desallangre - Ils n'iront pas au paradis !

M. Maxime Gremetz - S'il en avait la force, nul doute qu'il reviendrait vous dire la même chose s'agissant du contrat première embauche car, comme il l'a bien souligné, les questions de logement et d'emploi sont intimement liées.

Nous ne travaillons pas dans des conditions normales sur un sujet qui pourtant l'exigerait, tant en raison des événements qui ont poussé le Gouvernement à présenter ce texte qui serait mieux intitulé « projet de loi pour l'inégalité des chances », que des mesures régressives à venir, que seul le Medef soutient, avec une joie non dissimulée. Mme Parisot ne se vante-t-elle pas que l'organisation, depuis qu'elle en a pris la tête, « vole de victoire en victoire » ? Mais sans doute n'est-ce pas encore assez et souhaiterait-elle que des contrats du type CNE ou CPE soient généralisés à l'ensemble des salariés ? Vous allez bien céder à ce lobbying ?

La situation dégradée que subissent depuis plusieurs années certains de nos quartiers, délaissés des politiques publiques et devenus des espaces de relégation sociale et de discrimination, des ghettos de misère, appellerait d'autres mesures de fond, concrètes et efficaces. Ce n'est pas une crise des banlieues que nous avons connue, mais une crise sociale de quartiers qui cumulent le chômage, la précarité, le manque de logements... et dont les habitants, Français blancs, noirs ou bis, de toutes couleurs et de toutes origines n'ont plus ni perspective ni espoir. Comment les jeunes pourraient-ils en avoir quand, comme dans les cités d'Amiens Nord, 60 % d'entre eux, y compris ceux qui ont fait des études, sont au chômage ? Le problème est qu'on ferme les entreprises, qu'on licencie et qu'on ne crée plus d'emplois, ce qui n'empêche pas de donner beaucoup d'argent public à des entreprises qui, comme la dernière entreprise française de velours à Amiens, empochent les subventions avant de démonter leurs machines, licencier et partir s'installer ailleurs.

M. Arnaud Lepercq - Cela n'a rien à voir avec ce débat.

M. Maxime Gremetz - L'abbé Pierre ne pense pas comme vous car, voyez-vous, la personne est une. Savez-vous que lorsqu'on a un « petit boulot », un emploi précaire - mais comment pourriez-vous le savoir car vous n'avez jamais été concerné ? -, on ne peut pas obtenir de crédit, de logement... Vous ne connaissez rien à ces réalités. Venez visiter avec moi les zones nord d'Amiens. Leurs 30 000 habitants, qui d'ailleurs, loin de baisser la tête, sont bien déterminés à ne pas se laisser faire, vous expliqueront de quoi il retourne.

Dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est deux fois plus élevé que dans le reste du pays ; 40 % des 15-24 ans y sont demandeurs d'emploi, et ce pourcentage peut monter jusqu'à 60 %, comme à Amiens. Les retards scolaires y dépassent de dix points la moyenne nationale. La ségrégation géographique s'aggrave de façon inacceptable. Et c'est bien votre libéralisme pur et dur qui est en cause. Si notre modèle social est aujourd'hui en panne, la faute en incombe aux politiques qui ont promu ou accompagné ce libéralisme destructeur de toutes les solidarités et vidé de tout leur sens les valeurs de notre République. Les faits sont là : des millions de nos concitoyens vivent dans l'insécurité professionnelle et sociale, subissent une précarité d'un autre âge, alors que l'argent coule à flots pour quelques privilégiés et pour les gros actionnaires - ceux que j'appelle les 15-20, ceux à qui un profit de 10 % ou 12 % ne suffit pas, mais exigent 15 % ou 20 %... Nos jeunes ne peuvent pas construire de projet d'avenir car, lorsqu'ils ne sont pas lâchés par le système éducatif ou lorsqu'ils ne sont pas au chômage, ils ne se voient offrir que des emplois précaires ne leur permettant pas de vivre dignement. Ils auraient besoin d'un véritable plan qui traduirait une autre orientation pour l'ensemble de notre société, et non d'un saupoudrage de mesures éculées qui ne feront qu'aggraver leur condition et la colère des salariés comme des chômeurs. Or, vous ne leur proposez, véritable provocation, que le CPE et l'apprentissage junior.

Le CPE est inacceptable. Je ne reviens pas sur ses conditions d'examen. Il va nous être présenté sous forme d'amendement, qu'il nous sera donc très difficile de modifier, alors qu'il aurait dû faire l'objet d'un texte à lui seul dans la mesure où il traduit un choix de société. Ce nouveau contrat va dynamiter le contrat de travail. Il fait miroiter aux jeunes un CDI, mais au bout de deux ans seulement, pendant lesquels ils pourront se faire licencier sans motif. Cela ne s'est jamais vu dans notre pays...

M. Arnaud Lepercq - Vous n'avez donc pas de mémoire !

M. Maxime Gremetz - Pour une simple grimace, le patron pourra, sans autre forme de procès, licencier le titulaire d'un CPE, sans que celui-ci ait le moindre droit de contester cette décision. On en revient au temps des journaliers... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Sans doute n'avez-vous jamais eu de patron ? Vous ne savez donc pas ce que c'est.

M. Arnaud Lepercq - Je suis patron.

M. Maxime Gremetz - Alors, je comprends. De telles mesures, vous en rêviez ! Mais pensez-vous à ces jeunes qui, tous les jours, seront hantés par la question de ce qui leur arrivera le lendemain et se demanderont s'ils ne vont pas être licenciés ?

M. Arnaud Lepercq - Aujourd'hui, ils sont sans travail. Est-ce mieux ?

M. Maxime Gremetz - Votre CPE, c'est la précarité puissance mille ! Cela rappelle des temps anciens où des salariés allaient chaque matin essayer d'obtenir un travail, se demandant s'ils allaient être choisis (M. Lepercq s'exclame). Je vois, Monsieur, que cela ne vous préoccupe pas. Restez confortablement assis et continuez à lire votre journal. Tout cela ne vous empêche pas de dormir. Tant mieux pour vous !

M. Lionnel Luca - De tels propos sont inadmissibles.

M. Maxime Gremetz - Bref, pour vous, les jeunes sont tout simplement taillables et corvéables à merci. On en revient au bon temps du patronat de droit divin !

M. Lionnel Luca - Les quinze minutes sont dépassées.

M. Maxime Gremetz - Vous n'êtes pas content ? Demain, vous avez votre lettre ! Aujourd'hui, il y a encore la peur des prud'hommes, mais là, plus rien !

M. le Président - Monsieur Gremetz, il vous faut conclure.

M. Maxime Gremetz - Mais j'ai été interrompu, moi qui n'interromps jamais personne (Rires).

M. le Président - Ne vous laissez pas déstabiliser (Sourires).

M. Maxime Gremetz - Mais, nous dit-on, le contrat nouvelles embauches va créer de l'emploi. Vous avez annoncé le chiffre de 285 000, Monsieur le ministre.

M. le Ministre délégué - Non.

M. Daniel Paul - Il a dit 300 000 contrats.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Maxime Gremetz - Je citerai simplement l'étude de Xavier Timbaud, économiste à l'OFCE. Selon lui, à partir de juin 2005, les contrats d'avenir et les contrats d'accès à l'emploi ont permis de créer 50 000 emplois. En revanche, les 280 000 contrats nouvelles embauches signés jusqu'au 30 septembre n'ont pas provoqué de création d'emploi, car il y eu effet de substitution. Les entreprises ont remplacé des CDD ou des contrats d'intérim par des contrats nouvelles embauches.

M. Arnaud Lepercq - Ce n'est pas plus mal.

M. Maxime Gremetz - Mais cela contredit complètement les discours du Gouvernement. Si le chômage paraît baisser, c'est qu'on radie des demandeurs d'emploi à l'ANPE - ce qui fait augmenter le nombre de Rmistes, mais c'est le conseil général qui paye ! - et on multiplie les contrats aidés. La réalité, c'est que les entreprises, les grandes entreprises aussi, veulent des salariés jetables, comme des kleenex.

M. le Président - Concluez.

M. Maxime Gremetz - Vous êtes bien sévère, Monsieur le président.

M. le Président - La patience de la présidence a ses limites.

M. Maxime Gremetz - On pouvait espérer q'un président socialiste nous rendrait un peu du temps dont le Gouvernement nous a privés. M. Leroy, lui, nous en accorde un peu.

M. le Président - Cessez de mettre la présidence en cause.

M. Maxime Gremetz - Un dernier mot sur ce scandale, cette régression que constitue l'apprentissage junior. Aucun ministre n'a pu m'expliquer ce dont il s'agit.

M. Christian Paul - Aucun.

M. Maxime Gremetz - L'apprentissage est un statut, on a une rémunération, on sait où l'on va, on passe un CAP, un bac pro, un BTS. Mais l'apprentissage junior, c'est quoi ?

M. le Président - Votre temps de parole est épuisé. Concluez, et rapidement

M. Maxime Gremetz - Attendez ! C'est affreux de proposer un statut scolaire pour être apprenti à quinze ans. Aujourd'hui, pourtant, on a besoin d'un tronc commun de connaissances bien plus important qu'auparavant.

M. le Président - Je vous demande de conclure.

M. Maxime Gremetz - Deuxièmement, ...

M. le Président - Je vous retire la parole et je vous invite à quitter la tribune.

M. Maxime Gremetz - C'est votre façon de faire...

M. le Président - La séance est suspendue.

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise aussitôt.

M. le Président - La parole est à M. Vercamer.

M. Maxime Gremetz - Il est contre aussi !

M. Francis Vercamer - Parce qu'il se veut une réponse forte à la crise de nos quartiers, nous aurions pu penser que ce projet aurait pour ambition de rendre un sens concret aux valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité qui fondent notre République.

Or, même défendu avec talent, conviction, et même émotion, par le ministre délégué à l'égalité des chances, ce texte est très en deçà de ce que nous aurions pu attendre.

Déjà, les conditions de son examen illustrent de façon éclatante le peu de considération du Gouvernement pour le Parlement : ordre du jour bouleversé, auditions des ministres perturbées par d'autres débats, auditions des partenaires sociaux et des associations sacrifiées pour cause d'urgence. Que d'improvisation, de justifications mal assurées ! Avancer ainsi de quinze jours l'examen d'un projet aussi symbolique, c'est court-circuiter le débat parlementaire.

M. François Rochebloine - Absolument.

M. Francis Vercamer - Après les ordonnances, c'est un nouveau coup de ce gouvernement contre le débat démocratique, mais aussi un signe de la mauvaise santé de notre démocratie sociale. Une fois de plus, l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail, pris par M. Fillon, n'a pas été respecté.

L'égalité des chances méritait mieux qu'un débat tronqué, pollué par cette mesure massivement rejetée par les partenaires sociaux, qu'est le contrat première embauche. Ce CPE inquiète tous ceux qui, comme nous, ne croient pas que la précarité soit le passage obligé vers l'emploi. Il fait peur aux jeunes. Il inquiète surtout, car il est bâti sur le modèle du contrat nouvelles embauches, qui n'a pas fait preuve de son efficacité. En effet selon une enquête, que M. Gremetz a citée également, 70 % des embauches en CNE auraient été réalisées sans ce dispositif, dont 40 % en CDI et 28 % en CDD. L'effet de substitution est donc clair. De plus, 48 % des employeurs ayant embauché en CNE déclarent ignorer à ce jour s'ils garderont la personne embauchée. Il paraît donc difficile de conclure à la stabilité de la relation de travail créée par ce nouveau contrat.

A cette précarité pour les salariés pourrait bien s'ajouter le péril de l'incertitude juridique pour les entreprises, car s'il simplifie la rupture, le CNE n'en soulève pas moins quelques interrogations auxquelles devront sans doute répondre les tribunaux. Peut-on enchaîner CDD et CNE ? Faut-il donner le motif de la rupture du contrat de travail ? En cas de rupture abusive, le CNE sera-t-il requalifié en CDI ? Croyez-en le conseiller prud'homal que j'ai été pendant dix ans, les entreprises qui se seraient précipitées dans l'eldorado des procédures simplifiées du CNE se préparent des réveils contentieux difficiles, qui porteront un coup fatal à ce nouveau contrat.

D'une manière générale, en modifiant à intervalles réguliers la réglementation du travail et en créant une succession de contrats spécifiques, on ne sécurise pas l'environnement juridique de l'entreprise. Nous sommes donc loin de la sécurité annoncée, raison pour laquelle le groupe UDF ne votera évidemment pas les dispositions instaurant le CPE.

S'agissant de l'emploi des jeunes, le problème réside surtout dans l'inadéquation entre l'offre et la demande, car bien des entreprises ne recrutent pas faute de trouver les qualifications et les compétences dont elles ont besoin. C'est donc sur cette problématique qu'il faudrait nous concentrer.

Le CPE nous est présenté comme un outil visant à l'égalité des chances, mais il ne répond pas au phénomène des discriminations à l'embauche, alors que près de 50 % des réclamations enregistrées par la HALDE se rapportent à ces discriminations. Certes, vous renforcez le pouvoir de sanction de la HALDE, mais outre que les comportements discriminatoires peuvent déjà faire l'objet de sanctions pénales, il est évident que la voie de la sanction ne saurait être la seule qui permette de promouvoir l'égalité des chances et le respect de l'autre. Ce sont les mentalités qu'il faut faire évoluer.

Le chemin étant long et difficile, c'est dès maintenant qu'il faut agir pour lutter contre les discriminations, qu'elles concernent le logement, l'emploi ou l'embauche. Ces dernières minent notre pacte républicain. Quand les enfants des quartiers difficiles qui font le choix de la réussite scolaire se rendent compte, une fois leur diplôme en poche, que l'embauche dépend de facteurs qui n'ont rien à voir avec leur formation et leurs compétences, mais bien plutôt avec leur nom, leur adresse, et la couleur de leur peau, toutes les belles déclarations sont vidées de leur sens.

Nous ne pouvons pas accepter plus longtemps de tels comportements. La HALDE est utile et il serait temps que le groupe UMP cesse, à chaque loi de finances, de tenter de la priver de son budget ! Il serait également souhaitable qu'elle puisse enfin mener des contrôles sur place. Le groupe UDF présentera des amendements pour faire évoluer les comportements en matière de recrutement.

Nous ferons aussi des propositions pour que cette loi affirme plus nettement le rôle de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances en matière de prévention et de lutte contre les discriminations, sachant que celle-ci a absorbé le FASILD. Au passage, je veux me faire l'écho de ceux qui, au sein du FASILD, vivent actuellement la réforme que vous proposez comme une véritable négation de leur savoir-faire et de leur engagement en faveur de la lutte contre les discriminations.

Mmes Martine David et Danièle Hoffman-Rispal - C'est vrai.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Je les ai reçus !

Mme Martine David - Nous aussi !

M. Francis Vercamer - Il faut que le Gouvernement nous garantisse que l'expérience des agents du FASILD dans la prévention des discriminations sera toujours employée dans ce but.

La création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances se fait dans un texte où les mesures disparates foisonnent. Entre des outils nouveaux comme l'apprentissage junior, le contrat de responsabilité parentale et le service civil volontaire, s'intercalent des mesures visant à renforcer des dispositifs qui existent déjà, tels que les zones franches ou la HALDE. On peut s'interroger sur la présence de dispositions concernant le pouvoir des maires en matière d'incivilités : on aurait pu s'attendre à les trouver dans le texte annoncé sur la prévention de la délinquance. Faut il y voir le résultat d'une lutte d'influence entre ministères ?

De même, on aurait davantage attendu le contrat de responsabilité parentale dans un texte prenant plus globalement en compte la situation des familles. Notre pays compte un million d'enfants pauvres, le plus souvent issus de familles monoparentales, mais également de familles nombreuses. La vraie question est celle de l'accompagnement social de ces familles. Le Gouvernement ne nous semble pas apporter de réponse, dans le cadre de sa politique familiale.

Par ailleurs, nous n'avons pas d'a priori négatif sur l'apprentissage junior, pourvu qu'il soit strictement encadré, de manière à offrir une continuité d'acquisition des savoirs fondamentaux et la possibilité de réintégrer, le cas échéant, la filière d'enseignement général. Pour autant, est-ce au seul apprentissage junior de répondre à la question de l'échec scolaire ? Ne risque-t-on pas de faire de l'apprentissage une filière de formation pour élèves en échec scolaire, alors qu'il devrait être une filière d'excellence ?

L'éducation nationale est l'acteur déterminant de l'égalité des chances. C'est elle qui permet l'ouverture aux autres, c'est elle qui permet de mesurer l'apport essentiel des autres cultures à la nôtre. L'enseignement de notre histoire et de notre littérature, loin d'enfermer les plus jeunes dans des jugements de valeur, doit permettre aux citoyens de demain de prendre conscience de la diversité de notre culture, qui reflète celle de notre société. Peut-être tout cela se traduit-il difficilement dans un projet de loi. Toujours est il que nous ne sentons pas le Gouvernement faire de cet aspect un axe de travail.

La création de l'Agence nationale de cohésion sociale nous amène à nous interroger sur l'organisation administrative de la politique de la ville. Qui fera quoi sur le terrain ? Qui sera l'interlocuteur des maires et des associations ? Avec quels objectifs, et quelles priorités ? La crise des quartiers de l'automne dernier a soulevé bien des interrogations, qui ont fait écho aux réflexions que nous avions pu avoir, en avril dernier, lors des assises nationales de la politique de la ville, sur les inflexions à donner à cette dernière. Nous aurions pu attendre de ce projet qu'il traduise les orientations esquissées alors.

On se souvient que le budget 2006 de la politique de la ville a fait l'objet d'un correctif de 124 millions d'euros supplémentaires en faveur des associations qui agissent dans le cadre de la politique de la ville...

M. Daniel Paul - Quel tour de passe-passe !

M. Francis Vercamer - J'étais encore avant-hier soir avec un collectif de cinquante associations roubaisiennes et je peux vous assurer que leurs craintes quant au financement de leurs actions ne sont pas levées. Ces associations de quartier sont pourtant des acteurs à part entière de l'égalité des chances. Sur les garanties de financement du monde associatif et l'acheminement des subventions, nous attendons donc du Gouvernement un point d'étape précis.

Notre sentiment général est que cette boîte à outils n'est pas réellement à la hauteur de l'enjeu, qui est de permettre à chacun, quelle que soit son histoire, son origine, son quartier, d'une part, de s'assurer un avenir grâce à un emploi et un logement, d'autre part, de se sentir membre à part entière de la communauté nationale, de se vivre citoyen à part entière. Ce projet de loi doit contribuer à faire évoluer les mentalités et les comportements, même s'il ne peut y suffire.

Il nous faut apporter des réponses concrètes à la détresse sociale que vivent les habitants de nos quartiers urbains difficiles, qui étaient restés trop longtemps loin des yeux des téléspectateurs du journal télévisé de 20 heures, et donc loin du cœur des débats politiques. La crise des banlieues aura au moins servi de révélateur.

Il appartient aux politiques d'apporter des réponses fortes. Nous souhaitons que ce texte en soit l'occasion. Une société ne peut durablement avancer dans l'ignorance d'une partie d'elle-même, dans l'indifférence à l'égard de ceux de ses membres qui souffrent le plus.

Certains pensent que notre modèle républicain est en crise. Je suis convaincu que notre République souffre d'abord des promesses de liberté, d'égalité et de fraternité qui tardent à se concrétiser. Notre modèle doit passer le cap des mots pour devenir une réalité.

Le vote du groupe UDF dépendra du sort fait à ses propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Christian Paul - Revenons trois mois en arrière. Qui pouvait imaginer, pendant la crise des banlieues, avec son cortège de souffrances sociales, de violences sans espoir, de repères durablement perdus, que cette crise allait conduire à une remise en cause de la scolarité jusqu'à seize ans ? Qui peut raisonnablement concevoir que l'on invoque la promesse d'égalité républicaine pour habiller un tel renoncement devant l'échec scolaire, une telle capitulation de notre République ?

Dans ce projet de loi à l'intitulé abusif, il y a des mesures insuffisantes et des voies inacceptables. L'insuffisance, je la vois d'abord dans ce combat trop tiède contre les discriminations de toute nature. Je comprends mal d'ailleurs que M. Azouz Begag cautionne un tel manque d'ambition. Quant à l'inacceptable, il réside dans deux erreurs gravissimes qui font que tout va à la précarité, rien à l'égalité. D'abord, le CPE transformera beaucoup d'emplois durables en emplois précaires, mais pas beaucoup de contrats précaires en contrats durables.

M. Pierre Cardo - Il vaut mieux un contrat que pas de contrat du tout, non ?

M. Christian Paul - C'est un préjudice qui est ainsi porté à toute une génération de Français, dès lors que ce CPE remplacera le CDI.

M. Pierre Cardo - Et s'il remplaçait le chômage ?

M. Christian Paul - Selon une étude du CEREQ, 71 % des jeunes Français bénéficient aujourd'hui d'un contrat à durée indéterminée. Mais combien seront-ils deux ans après l'approbation de votre loi, lorsque le contrat « première embauche » aura systématiquement remplacé le CDI ?

Votre seconde erreur, c'est ensuite l'apprentissage à partir de quatorze ans. Apprendre un métier a sa noblesse, notamment par la voie de l'apprentissage. Vous ne réussirez pas à faire croire que les socialistes sont hostiles à l'apprentissage, car nous soutenons l'enseignement par alternance dans les vingt-quatre régions dont nous avons la responsabilité. Nous n'avons pas de leçons à recevoir d'un Gouvernement qui se désengage complètement de la politique d'apprentissage depuis quatre ans !

M. Laurent Wauquiez - Il revient aux régions de les financer !

M. Christian Paul - Voilà ! Ce n'est plus l'Etat, mais les régions et les branches professionnelles !

M. le Rapporteur - Deux cents millions de cotisations, ce n'est pourtant pas rien !

M. Christian Paul - L'article premier de cette loi appelle une critique éducative, mais aussi économique et démocratique.

Sur le plan éducatif, votre mesure vient à contre-temps et à contresens. Derrière le paravent commode, mais contestable, de « l'égalité des chances », vous renoncez à lutter contre l'échec scolaire qui frappe trop de jeunes Français, au collège et parfois dès l'école primaire. En réponse à l'échec scolaire, à l'absence de qualification et même aux « sorties de route », faut-il marginaliser précocement ces « malgré nous » du système scolaire qu'évoquent le sociologue Stéphane Beaud ?

Votre choix est hélas très clair. Au lieu de refonder l'éducation prioritaire et de soutenir massivement les filières techniques et technologiques, vous les dépouillez jour après jour, en décapitant des filières entières par le biais de la carte scolaire.

M. Pierre Cardo - Encore une interprétation erronée !

M. Christian Paul - Vous préférez emprunter une autre voie, celle de l'éviction et du délestage. En effet, les remèdes aux inégalités sociales et scolaires ne sont plus recherchés au sein de l'école, mais à l'extérieur ! Et loin de faire de l'apprentissage une voie de formation de bon niveau, à égalité de dignité, de fierté, de réussite avec les autres filières, vous l'associez à nouveau avec l'échec scolaire. Quel retour en arrière !

Alors que nous avions voulu faire de l'enseignement par l'alternance une voie d'excellence, vous en faites une voie d'orientation de masse pour les jeunes en difficultés scolaires, dès la fin du CM2.

Vous savez pourtant que les dispositifs qui se rapprochent le plus de votre projet - les CPA et les CLIPA par exemple - souffrent à tort « d'une mauvaise image, associée à la perspective d'une réorientation précoce sans droit au retour possible », comme le soulignait le rapport Dutreil de 2003.

L'apprentissage junior, en dépit de vos discours, sera un aller sans retour ! Eclatant paradoxe d'ailleurs : c'est aux élèves les plus en difficulté que vous demandez l'effort d'orientation le plus précoce, et vous allez ainsi amplifier leur décrochage.

Certes, vous affirmez que beaucoup Français approuvent vos mesures. Mais pour qui ? Pour leurs propres enfants ou pour les enfants des autres ? Pour les vôtres ou pour ceux des familles qui tentent dans l'adversité d'offrir à leurs enfants un avenir grâce à l'école ? Vous proposez au Parlement une mesure qui relève d'une vision archaïque, d'un faux bon sens dépassé, bref d'une conception de l'éducation d'avant-guerre. Selon vous, il y aurait une hiérarchisation des dons, certains enfants étant plutôt manuels et d'autres plutôt intellectuels, comme si l'épanouissement des enfants ne réclamait pas que l'on sollicite enfin l'ensemble des savoirs et des savoir-faire !

M. Pierre Cardo - Et que faites-vous de l'opération « la main à la pâte » ?

M. Christian Paul - Vous rompez en outre avec l'ambition d'élever le niveau de formation et de qualification, qui nous anime depuis cinquante ans. Cette loi consacre en effet la fin de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans : l'apprentissage est un contrat de travail et tout retour est illusoire.

M. Pierre Cardo - Et que fait-on quand les enfants sont dans les rues ?

M. Christian Paul - Et vous restez muet sur la question de l'accompagnement scolaire. Il existait pourtant des modèles alternatifs qui auraient permis de respecter et de valoriser toutes les voies de formation dans leur diversité.

Nous nous interrogeons sur la crédibilité de votre engagement en faveur de l'apprentissage. J'aurais en effet souhaité poser bien des questions à M. de Robien, s'il avait daigné venir s'expliquer sur un texte qui concerne l'éducation nationale. Qui seront les tuteurs des apprentis de quatorze et quinze ans ? Plusieurs milliers de nouveaux enseignants, au bas mot, seront nécessaires. Or, les ravages de la carte scolaire sur les BEP, les Bacs Pro, les IUT et les BTS montrent bien votre absence d'efforts budgétaires en faveur de l'éducation.

Partout où vous fermez à l'aveugle des filières techniques, c'est pour orienter vers l'apprentissage précoce. Mais où sont les places en entreprises ? Les CFA peinent à trouver des places d'apprentissage en entreprise dans de nombreux bassins d'emplois. Avez-vous donc mesuré l'impact de cette loi ? Et celui de l'objectif de 500 000 apprentis en 2009 ? Quel en sera le prix pour l'enseignement public ?

Êtes-vous enfin conscient des discriminations qui touchent également l'accès à l'apprentissage, et qui contribuent à miner un dispositif qui était censé bâtir l'égalité des chances ?

Pour toutes ces raisons, l'article premier de cette loi ne fait que capituler devant l'échec scolaire et le chômage des jeunes les moins qualifiés.

D'autres orateurs reviendront sur les insuffisances économiques de vos mesures, mais il est évident que notre économie a besoin de jeunes qualifiés. Et pourtant, le décrochage que vous organisez dès quatorze ans va encore fragiliser le socle de connaissances dont M. Fillon faisait le cœur de la politique scolaire dans sa loi d'orientation.

L'exemple allemand démontre également que les apprentis les moins formés sont ceux qui connaissent le plus vite et le plus longtemps le chômage. Apprenti à quatorze ans, CPE à seize ans, chômage durable à seize ans et demi, voilà le futur programmé de la génération CPE ! Et c'est pourquoi votre texte provoque aujourd'hui une forte et sincère protestation démocratique.

Depuis quatre ans, vous avez tous moyens et tous les pouvoirs, et vous ne pouvez prétendre découvrir le chômage des jeunes non qualifiés dans la foulée des violences urbaines.

Le Gouvernement n'aura pas raison tout seul, contre la jeunesse, dont vous fermez le futur ; contre les syndicats, qui ont manifesté leur opposition lors du conseil national de la formation professionnelle ; ni contre les régions, qui sont en charge de la mise en œuvre de l'apprentissage. Si elles sont pas hostiles à l'apprentissage - et elles en font tous les jours - elles ne veulent pas ça et pas comme ça. Les présidents de région ont en effet manifesté leur profonde opposition à votre projet tout en s'étonnant de ne pas en avoir été saisis : c'est eux qui détiennent la compétence de droit commun en matière de formation et qui apportent les financements depuis les lois de décentralisation !

Enfin, si vous n'entendez pas les autres critiques, entendez au moins celles des entreprises et des dizaines de milliers d'artisans représentés notamment par l'UPA !

M. le Président - Il faut conclure, Monsieur Paul.

M. Christian Paul - Nous ne pouvons rester indifférents devant votre abandon de l'engagement historique de notre pays en faveur de l'école. C'est en son sein que la bataille républicaine pour l'égalité doit se mener et se gagner, et l'apprentissage ne doit pas devenir une formation au rabais. La jeunesse ne s'y trompe pas d'ailleurs : sa colère est grande, et ce n'est pas la froideur de vos chiffres et le cynisme de vos politiques sans lendemain qui pourront l'apaiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Joyandet - C'est un honneur pour moi de m'exprimer, au nom du groupe UMP, sur un projet de loi aussi essentiel que celui qui nous réunit aujourd'hui. Je veux saluer l'excellent travail qu'a fait notre collègue, Laurent Hénart, sur ce texte qui correspond aux attentes de nos concitoyens, et plus particulièrement de notre jeunesse, qui traverse une période de profond désarroi.

Expression de la dimension sociale de notre action, ce texte est le prolongement cohérent de la bataille pour la cohésion sociale et la « bataille pour l'emploi » engagée par le Gouvernement depuis dix mois.

Il fallait en effet apporter des réponses et ouvrir des portes à ceux qui sont dans la plus grande précarité, et c'est ce qu'a fait la loi de cohésion sociale, qui a créé des contrats aidés innovants et adaptés pour retour à l'emploi de celles et ceux qui, au quotidien, vivent l'exclusion et la précarité.

Il importait également lever des verrous et d'introduire plus de souplesse, comme l'a permis le contrat « nouvelles embauches », qui a connu un succès sans précédent - 280 000 contrats signés depuis août !

Il fallait enfin favoriser le retour à l'emploi en réformant le code du travail : c'est ce qu'a fait la loi de retour à l'emploi que nous avons votée.

M. Christian Paul - Vous êtes le comique de séance !

M. Alain Joyandet - Voilà ce que nous avons fait depuis dix mois, malgré vos critiques systématiques. Vous vous opposez à toutes nos mesures, mais le chômage baisse grâce à notre action cohérente, qui conjugue traitement social et social des difficultés... Voilà le résultat.

M. Alain Vidalies - Donnez-nous les chiffres sur les créations d'emploi !

M. Alain Joyandet - Nous entrons maintenant dans la phase II. Vous pensez savoir ce que les jeunes veulent, mais j'en doute ! La réalité que certains de nos collègues refusent d'admettre, c'est que 23% de nos jeunes sont au chômage alors que le taux de chômage global s'est stabilisé à environ 10 % de la population active...

Mme Chantal Robin-Rodrigo - La faute à qui ? N'êtes-vous pas au pouvoir depuis quatre ans ?

M. Alain Joyandet - Oh ! la situation n'était pas meilleure quand vous étiez aux commandes...

Mme Élisabeth Guigou - Bien sûr que si !

M. Alain Joyandet - Que nous ont dit les nombreux jeunes que nous avons rencontrés ? « Nous voulons une formation mieux adaptée à nos emplois futurs, des stages en entreprise plus faciles à décrocher et que l'on ne nous oppose plus notre manque d'expérience pour nous refuser un premier emploi »...

Plusieurs députés socialistes - Le texte du Gouvernement ne traite aucun de ces problèmes !

M. Alain Joyandet - Au contraire, il vise précisément à mettre en adéquation les formations avec les attentes du monde du travail - qu'il s'agisse du reste d'employeurs publics ou privés - et à casser tous les blocages du système. L'objectif sur lequel nous pourrions facilement nous retrouver, c'est de mieux accompagner nos jeunes vers l'emploi, en favorisant notamment la formation en alternance et l'accueil en entreprise. Le groupe UMP soutient sans réserve cette politique, bonne pour les jeunes et pour le pays tout entier. Je l'ai dit, dans le cadre de la préparation de ce texte, nous avons rencontré beaucoup de jeunes...

M. Alain Vidalies - Surtout ceux qui participent aux universités d'été de l'UMP !

M. Alain Joyandet - Et nous sommes par conséquent en mesure de nous féliciter que le projet de loi du Gouvernement colle à ce point à leurs attentes, telles qu'ils les avaient notamment exprimées à la convention sociale de l'UMP.

Compte tenu de l'ampleur du chômage des jeunes, on ne peut pas continuer comme si de rien n'était. Force est d'admettre que tous les dispositifs dédiés ont échoué...

M. Alain Vidalies - Et les emplois-jeunes ?

M. Alain Joyandet - Un CDD de cinq ans avec rien au bout ? Pas même l'indemnisation ASSEDIC puisque nous avons dû la mettre en place ! A vrai dire, vous n'êtes pas les mieux placés pour dénoncer la précarité !

Mme Élisabeth Guigou - N'importe quoi !

M. Alain Joyandet - C'est nous qui avions proposé de jeter des passerelles entre les emplois jeunes et le secteur privé et c'est bien la gauche qui a installé la précarité dans ce pays ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Élisabeth Guigou - Vous n'avez pas honte ?

M. Alain Joyandet - Ce qui vous dérange, c'est que le chômage baisse continûment depuis huit mois et que les 280 000 CNE conclus ont largement contribué à ce bon résultat. Dans quelques mois, lorsque le CPE aura produit ses premiers effets positifs, vous viendrez nous dire avec le même aplomb que ce n'est pas grâce à lui que le chômage des jeunes recule ! Le CPE va permettre aux jeunes demandeurs d'emploi de travailler, d'accéder au crédit et de se loger...

M. Christian Paul - Imposture !

M. Alain Joyandet - La précarité qui fait passer du stage à l'intérim, puis de l'intérim au CDD et du CDD au chômage de longue durée, ce n'est pas nous qui l'avons créée et il est tout à notre honneur de la combattre avec détermination...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

M. Alain Joyandet - Nous prenons nos responsabilités et nous agissons. Au reste, je trouve un peu curieux que M. Ayrault ait ouvertement « déclaré la guerre à ce texte » car il ne faut pas se tromper de cible ! Contre qui lutte-t-il ?

Mme Élisabeth Guigou - Contre la précarité !

M. Alain Joyandet - On pourrait croire que vous êtes plutôt soucieux de combattre le Gouvernement et que la bataille pour l'emploi n'est pas votre première préoccupation. Pour ma part, je suis fier d'appartenir à la famille politique qui a décidé d'agir pour le logement social, contre toutes les formes de discriminations et de ségrégation sociale et qui invente de nouvelles recettes pour favoriser la cohésion sociale en offrant à nos jeunes générations une meilleure voie d'entrée dans la vie active. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Alain Vidalies - Dans la compétition pour la présidence de la République qui s'est engagée entre le président de l'UMP et le Premier ministre, il est au moins une règle commune : chacun « surfe » sur ses échecs. Lorsque les agressions contre les personnes augmentent et que la violence explose dans les banlieues, M. Sarkozy tire argument de son propre échec pour aggraver l'arsenal répressif. Quand le chômage des jeunes augmente de quatre points en quatre ans, M. de Villepin s'appuie sur ce résultat calamiteux pour justifier le démantèlement du code du travail auquel il procède avec méthode. Dans les deux cas, la démarche s'appuie sur une communication envahissante qui s'apparente à de la propagande, dès lors qu'elle vise à tromper les Français sur les véritables intentions du Gouvernement.

Ainsi, la diminution du nombre des demandeurs d'emploi alimente en permanence vos discours. J'appelle pourtant l'attention sur deux contradictions flagrantes. Comment un pays qui affiche 5,2 % de chômeurs en moins pour l'année 2005 peut-il présenter, dans la même période, une aggravation du déficit de l'assurance chômage ?

Mme Élisabeth Guigou - Eh oui !

M. Alain Vidalies - Et comment se peut-il qu'un pays qui annonce une diminution de 5,2 % du chômage en une année enregistre dans le même temps une augmentation de 5,2 % - soit exactement le même chiffre - du nombre d'érémistes ? En vérité, la contradiction n'est qu'apparente car si notre pays crée peu d'emplois, il élimine beaucoup de chômeurs. Les dizaines de milliers de titulaires de l'ASS - demandeurs d'emploi potentiels - « basculés » sur le RMI pourraient en témoigner !

En matière de communication, vous méritez par contre un prix d'excellence ! Au moment où nous débattons, beaucoup de Français croient encore en toute bonne foi que le Gouvernement a décidé de créer des emplois spécifiques pour les jeunes au chômage, comme la gauche l'avait fait avec les emplois-jeunes. Beaucoup sont persuadés qu'il s'agira de recrutements supplémentaires, opérés dans un cadre juridique spécifique. Or, votre projet, non content de ne proposer aucune création d'emploi, destine tous les jeunes - y compris ceux qui seraient susceptibles de s'insérer sans aucune difficulté - à la précarité, au moins jusqu'à vingt-six ans.

Votre démonstration repose sur deux postulats : « le CPE , c'est mieux que rien » et il « se justifie par le délai de onze ans mis par les jeunes pour s'intégrer durablement dans la vie professionnelle ».

M. Éric Raoult - C'est imparable !

M. Alain Vidalies - Vous disposez pourtant du rapport du Conseil économique et social du 6 juillet 2005 et de l'étude du centre d'études et de recherche sur les qualifications publiée en décembre 2004, qui analyse l'évolution professionnelle de toute une génération, en l'espèce celle sortie du système scolaire en 2001. J'en cite les principales les conclusions : « Dans 36 % des cas, le premier emploi occupé par les jeunes de la génération 2001 est à durée indéterminée - contre 32 % pour la génération 98. Cette proportion varie fortement selon le niveau de formation, à savoir 50 % pour les jeunes diplômés de l'université - et même 76 % pour les jeunes issus d'une école d'ingénieur. Parmi cette génération 2001, qui représente 762 000 jeunes , 5 % n'ont jamais travaillé au cours des trois premières années de leur vie active, mais cette proportion varie de 14 % pour ceux qui n'ont aucun diplôme à 2 % pour les titulaires au minimum d'un bac +2 ».

Une autre étude du CEREQ - de novembre 2003 - porte sur les 60 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans qualification. Un an après avoir arrêté leurs études, 42 % sont au chômage, contre 26 % pour les jeunes ayant atteint le niveau V - équivalent à un BEP ou à un CAP.

Madame et Messieurs les ministres, vous ne pouvez pas défaire le code du travail en affirmant que pour tous les jeunes, le délai d'insertion de onze ans est une réalité ! Au reste, l'exposé des motifs de l'amendement gouvernemental est plus nuancé que les annonces faites dans les médias par le Premier ministre lui-même ! Le délai de onze ans ne correspond même pas à une moyenne : il correspond en réalité au temps nécessaire pour que tous les jeunes d'une génération donnée soient définitivement intégrés dans la vie active. Ce chiffre prend donc en compte la situation de ceux qui sont le plus en difficulté. Votre raisonnement, très particulier et scientifiquement contestable, ne peut servir à justifier quoi que ce soit. La référence aux onze ans, d'ailleurs très critiquée, ne peut que vous égarer ou, plus probablement, vous sert de prétexte. Pourquoi imposer la précarité aux jeunes qui, heureusement, s'insèrent sans difficultés majeures dans la vie professionnelle ? Pourquoi ignorer le succès des emplois jeunes, qui ont conduit dans 80 % des cas à une insertion professionnelle ? La réponse doit être ciblée et graduée en fonction du niveau de formation. Certes, l'alternance est une solution, mais pour les jeunes les plus en difficulté et dans un cadre sécurisé.

Quant au slogan : « le CPE c'est mieux que rien »... Évidemment, un peu est toujours mieux que rien : avec de tels raisonnements, on pourrait même justifier la diminution du SMIC ou des congés payés ! Mais le CPE est loin d'être mieux que rien : il est pire que tout.

M. Éric Raoult - Comme le socialisme !

M. Alain Vidalies - Il est bien pire qu'un contrat à durée déterminée, qui interdit tout licenciement, sauf circonstances exceptionnelles. Un CDD de six mois, c'est l'assurance de travailler pendant six mois. Un CPE, c'est la crainte, chaque jour, d'être licencié sans motif. Vous abandonnez la rédaction équilibrée de la loi de 1973 pour en revenir à celles de 1890 ou de 1928. Être licencié sans explications, sans entretien, par simple lettre, voilà l'avenir des jeunes Français - sans compter que cette absence de motivation va jeter la suspicion sur leur CV lors de leurs entretiens d'embauche ultérieurs.

Les arguments que vous avez successivement utilisés pour vous justifier sont contradictoires. En août 2005, le CNE était présenté comme une exception nécessaire pour convaincre les entreprises de moins de vingt salariés d'embaucher. Aujourd'hui, le même dispositif serait à la disposition de sociétés comptant plusieurs milliers de salariés ! Manifestement, la suite consistera à généraliser la période d'essai de deux ans en l'étendant à tous les contrats.

Mais vos attaques contre le code du travail ne s'arrêtent pas au CPE : la récente conférence de presse du Premier ministre marquera ainsi de façon assez extraordinaire notre histoire sociale. Alors que le recours à l'intérim, par exemple, était jusqu'à présent réservé à des situations particulières, comme l'absence d'un salarié, le Gouvernement prévoit de l'étendre au seul motif de « l'amélioration des revenus d'un salarié » - et cela même si celui-ci est déjà titulaire d'un contrat de travail à plein temps dans une autre entreprise ! Aussitôt dit, aussitôt fait : une première modification en ce sens a été votée trois jours après en deuxième lecture au Sénat. Aucun contrôle sur l'intérim ne sera plus possible et ni l'Assemblée nationale ni les partenaires sociaux n'auront à en débattre ! C'est absolument scandaleux et nous allons saisir le Conseil constitutionnel. Quant à la baisse des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, il est bien évident qu'elle va aboutir à donner du travail à ceux qui en ont déjà plutôt qu'à ceux qui recherchent un emploi. Plus étrange encore, l'idée de favoriser le prêt de personnel entre entreprises : jusqu'ici, les délits de prêt illicite de personnel étaient réprimés par la loi pénale. Demain, on pourra prêter des travailleurs comme on prête des machines. Décidément, le progrès social est en marche !

C'est toujours au nom de l'emploi que la droite s'attaque au code du travail. Hier, M. Gattaz s'engageait à créer 350 000 emplois si le contrôle sur les licenciements économiques était supprimé. On connaît la suite ! Aujourd'hui, vous vous engagez sur un chemin dangereux, à la recherche d'un modèle qui n'est pas le nôtre. La précarité généralisée est un vrai choix de société. En remettant ainsi en cause notre contrat social, vous fixez un des enjeux majeurs des élections de 2007. Les socialistes défendront une autre conception du vivre ensemble et du rôle de l'entreprise. La précarité généralisée que vous nous proposez est, au mieux, un renoncement et, au pire, une provocation. Dans tous les cas, elle est tout simplement inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Denis Jacquat - Le projet de loi pour l'égalité des chances s'inscrit parfaitement dans le cadre du plan de cohésion sociale. Il complète les actions déjà engagées dans le cadre du chantier de la rénovation urbaine et du plan d'urgence pour l'emploi ainsi que les mesures annoncées en matière d'éducation, telles que la réforme des ZEP. Spécifiquement, il vise à « mettre fin aux inégalités et aux discriminations dont sont victimes les jeunes des quartiers sensibles, à renforcer la cohésion sociale et à préserver notre pacte républicain ».

L'un des cinq objectifs qu'il sert est de favoriser l'emploi des jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles ou connaissant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle. Cet objectif est fondamental. La création d'une formation d'apprenti junior, en particulier, est une excellente mesure pour faire diminuer le chômage des jeunes, dont il ne faut pas oublier qu'il n'est jamais tombé en dessous de 16 %, même en période de croissance ou de baisse générale du chômage. Ce dispositif permet de concilier le principe de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans, et donc l'acquisition du socle fondamental des connaissances, et la possibilité de s'ouvrir à des métiers et d'en apprendre un.

« Scandaleux et consternant », « lamentable » : tels sont les termes utilisés à son propos par certains syndicats d'enseignants. En tant qu'élu d'Alsace-Moselle, j'avoue en être très choqué : nos trois départements ont pratiqué le préapprentissage à quatorze ans et savent que ce système fonctionne bien. Le dispositif reposait sur l'organisation scolaire de l'époque, et donc sur l'obligation d'acquérir les fondamentaux, et s'adressait à l'ensemble des jeunes : celui qui nous est présenté est semblable. Pourquoi refuser un système qui a fait ses preuves ? Il est vrai que ses détracteurs ont longtemps rejeté de même le principe de la faillite civile en matière de surendettement. Ce principe est aujourd'hui adopté au niveau national, grâce à la volonté de Jean-Louis Borloo, et personne ne le regrette.

M. Alain Vidalies - Comparaison n'est pas raison !

M. Denis Jacquat - La création du contrat première embauche est une autre mesure phare. Justifiée par le succès rencontré par le contrat nouvelles embauches, elle va permettre à un jeune d'être embauché directement en contrat à durée indéterminée, avec une période de consolidation de deux ans. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de pouvoir proposer quelque chose aux jeunes. Entre rien et quelque chose, la différence, c'est l'espoir ! Aujourd'hui, 70 % des recrutements se font sous contrats à durée déterminée, dont la moitié de moins d'un mois. Le CPE va permettre à de jeunes chômeurs de trouver un emploi. Peut-on penser qu'un patron de PME, qui va recruter et former un jeune ne le gardera pas au bout des deux ans ?

Plusieurs députés socialistes - Bien sûr !

M. Denis Jacquat - Quel est l'intérêt ? Il faudra former son successeur ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Chez les patrons comme chez les salariés, il y a les bons et les mauvais. Ne considérez pas que tous sont forcément mauvais ! La stabilité du personnel est une composante très importante de la réussite d'une entreprise.

Le CPE sera un nouveau marchepied vers l'emploi. En multipliant de telles mesures, nous redonnerons petit à petit espoir aux jeunes. S'il existait une méthode miracle, elle serait connue. À défaut, il faut être imaginatif. L'emploi, en particulier des jeunes, est un facteur essentiel de la réussite des programmes de rénovation urbaine. Ce projet de loi s'intègre parfaitement dans le volet social de ces programmes : nous avons traité l'urbain, nous traitons désormais l'humain. Une politique volontaire et globale ne peut qu'être efficace. Nous sommes sur la bonne voie : des lueurs d'espoir apparaissent au bout du tunnel qu'est le chômage des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Égalité des chances, cohésion sociale, contrat d'avenir, dialogue social... Il ne suffit pas d'affubler les lois de la République de noms poétiques et sucrés pour faire oublier le goût amer des potions administrées depuis plus de trois ans. L'ISF fond comme la banquise face au réchauffement planétaire et l'obligation pour les communes de construire des logements sociaux est réduite, mais en même temps, de plus en plus de richesses s'étalent sans complexe. Les gros actionnaires peuvent faire bombance - 126 milliards ont été versés en dividendes en 2004, contre 49 en 1994 - alors que les salariés se serrent la ceinture et que les chômeurs se voient proposer des contrats indéfiniment précaires.

La crise de novembre a fait éclater au grand jour l'échec de vos politiques, mais elle vous sert aussi de prétexte pour aggraver la casse sociale. Par touches successives, vous videz de nombreux dispositifs de leur contenu. La façade reste, mais l'intérieur est totalement démoli et l'on finit avec un décor social en carton-pâte !

Dans un premier temps, vous n'avez juré que par les contrats du secteur marchand, détruisant les emplois-jeunes, supprimant les contrats aidés, réduisant les subventions aux associations. Mais la réalité vous a rattrapés. Dans un deuxième temps, vous êtes passés à la glorification des exonérations de cotisations patronales - 21 milliards pour 2006 - et des avantages fiscaux. De nouveau, la réalité a été plus forte que vos présupposés idéologiques. Puis est venu, cet été, le temps des « petites entreprises qui n'osent embaucher de peur de ne pouvoir licencier facilement ». Vous avez donc, par ordonnance et dans la précipitation, créé le CNE, en tâtonnant pour éviter les foudres du Conseil constitutionnel : d'où ce contrat hybride, sans durée indéterminée et se résumant à une période d'essai de deux ans, bien au-delà du « délai raisonnable » défini par la jurisprudence.

Estimant qu'il serait dommage d'en rester là, vous avez décider de continuer de passer en force, sans attendre le bilan du CNE. Mais si vos mesures étaient si efficaces, quel besoin auriez-vous d'inventer tous les six mois de nouveaux dispositifs ? Si le chômage baisse, c'est simplement par effet de vases communicants, grâce aux radiations, aux contrats aidés, à l'explosion du RMI, et au retournement démographique. Les statistiques officielles elles-mêmes montrent que la création d'emplois stagne, avec 42 000 nouveaux emplois en 2005.

Vous instituez donc, pour les salariés de moins de 26 ans, un nouveau « Contrat d'incertitude et de précarité », repoussant jusqu'à 28 ans l'âge auquel les travailleurs pourront prétendre à la stabilité, ce qui offre aux jeunes la perspective de dix ans de galère. En effet, le CPE ne concernera pas que la première embauche, mais toutes celles qui suivront. Une partie de la jeunesse ne parvenait pas à décrocher un CDI : vous supprimez le CDI pour tout le monde ! Avec l'UMP, l'égalité des chances se transforme en inégalité dans la malchance... Quant à l'engagement sur le logement, l'amendement du Gouvernement ne parle que d'une obligation d'information. Mais déjà, le Premier ministre annonce que la prochaine étape sera le démantèlement définitif du CDI.

S'agissant du reste du projet de loi, je relève le flou qui entoure la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui déstabilise les structures existantes et dont on ne connaît pas précisément le périmètre. Par ailleurs, nous avons quelque inquiétude pour la politique de la ville et l'avenir de son instrument, la DIV.

M. Éric Raoult - Conservatrice !

Mme Martine Billard - Vos incantations à la modernité sont méprisantes pour nos compatriotes ; elles ne servent qu'une régression sociale et un retour au droit du travail du XIXe siècle. Mais attention à l'hyperactivité, Monsieur le ministre : elle peut devenir une pathologie ! Les gisements d'emplois existent, il faut faire porter l'effort national sur les emplois d'utilité sociale et environnementale ; mais vous êtes trop rétrogrades ! En refusant de relancer l'emploi associatif ou d'agir contre l'effet de serre, vous renvoyez notre jeunesse à la précarité.

Il est peu question d'égalité des chances et de cohésion sociale dans ce texte : les députés Verts voteront donc résolument contre ce projet de loi et l'amendement qui crée le CPE.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Très bien !

M. Éric Raoult - Verte réactionnaire !

Mme Martine Billard - Lui, il n'a jamais travaillé de sa vie !

M. Éric Raoult - J'ai travaillé autant que vous... Elles sont haineuses, les nénettes !

Mme Martine Billard - Rappel au Règlement ! Il est inadmissible que les femmes puissent être traitées de cette façon dans cet hémicycle ! Je trouve scandaleux que, ces derniers temps, il y ait régulièrement - en sourdine - des mises en cause de députées en tant que femmes - et ce, quelle que soit leur appartenance politique !

Mme la Ministre déléguée - Elle a raison !

Mme Martine Billard - On ne peut pas tenir des discours sur la parité et permettre que des collègues tiennent de tels propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - En tant que président, je tiens spontanément à défendre les femmes de la commission. Mais je pense que les propos de M. Raoult n'ont pas été bien entendus ou bien compris (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je sais qu'il n'est pas un abominable machiste !

M. Jean-Marc Ayrault - M. Dubernard doit souffrir d'un problème auditif, car il faut être sourd pour ne pas avoir entendu. Je m'associe aux propos de Mme Billard : il s'agit, non pas de défendre les femmes de la commission, mais de déplorer les propos machistes de M. Raoult. Mais ils ne sont pas étonnants, venant de la part d'une personne qui a attaqué de manière odieuse le maire de Clichy-sous-Bois. Tout cela relève d'une même conception de la vie politique. Je demande donc une suspension de séance et exige que M. Raoult présente ses excuses à l'Assemblée nationale, avant la reprise.

M. Éric Raoult - Il ne vous aura pas échappé, Monsieur le président, qu'il s'agit d'un fait personnel, qui devrait donc être relevé en fin de séance. Monsieur Ayrault, il serait souhaitable que vous puissiez lire les propos de Mme Billard, qui a indiqué : « Celui-là, il n'a jamais travaillé de sa vie ! ». Chère collègue, il faudrait vous habituer, lorsque vous maniez la polémique, à la subir en retour !

Mme Martine Billard - A condition qu'il ne s'agisse pas de propos machistes !

M. Éric Raoult - Monsieur Ayrault, lorsque le maire de Clichy-sous-Bois intervient dans votre congrès pour critiquer son collègue du Raincy, il oublie de dire qu'il habite dans cette ville ! Habituez-vous à recevoir des coups de même nature que ceux que vous donnez. Madame Billard, je retirerai mes propos lorsque vous retirerez les vôtres !

M. Jean-Marc Ayrault - M. Raoult est vice-président de l'Assemblée nationale : qu'il veuille rendre coup pour coup dans un combat politique, soit, mais qu'il se laisse aller à des attaques personnelles, y compris à l'égard des élus voisins, n'est pas admissible. Plus que tout autre membre ici, il est comptable de la dignité de notre assemblée et de l'État. Je maintiens ma demande d'excuses et vous prie, Monsieur le président, de suspendre la séance.

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 35.

M. Victorin Lurel - J'attends depuis longtemps, et avec grande impatience depuis mon élection de 2002, que ce gouvernement accepte de présenter enfin à la représentation nationale, et au pays tout entier, un texte qui prenne en considération la société française telle qu'elle est, avec ses atouts et ses faiblesses, ses inégalités et sa diversité. Hélas, trois fois hélas, ce projet de loi, pompeusement intitulé « projet pour l'égalité des chances », concocté dans la précipitation pour tenter d'apporter une réponse politique aux émeutes de novembre dernier, n'est absolument pas conforme aux attentes de l'opinion et porte atteinte au principe même d'égalité. Il est de surcroît dangereux en ce qu'il tente, subtilement, sournoisement, d'accréditer la fameuse thèse des inégalités naturelles, résultat de la différence des talents et des dons, des mérites et des efforts. Voilà donc le darwinisme social inscrit dans notre corpus juridique, après transposition hâtive des recommandations du rapport Camdessus ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Promouvoir l'égalité des chances consiste pour vous, Madame et Messieurs les ministres, à discriminer la jeunesse par le biais du fameux contrat première embauche - lequel, nonobstant vos dénégations et les artifices dont vous usez, contribuera bien à accroître la précarité et l'insécurité sociale. C'est aussi instaurer un apprentissage junior, autre mesure qui devrait, selon vous, permettre aux entreprises de retrouver leur compétitivité et leur redonner envie d'embaucher. Les 14-15 ans vont être enrégimentés, affectés à des travaux dévalorisés, sans avoir acquis les savoirs fondamentaux, ce qui donnera d'ailleurs une fort mauvaise image de l'apprentissage, en même temps qu'auront été remis en cause la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans et le collège unique, pourtant ferment d'égalité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Présenté à la hussarde, au mépris des droits du Parlement et du rôle des partenaires sociaux, sans que les collectivités d'outre-mer aient été d'aucune façon consultées, ce projet révèle une étrange philosophie, consistant à détruire la passion de l'égalité, dont Tocqueville avait souligné qu'elle animait toute société démocratique, et notre pays tout particulièrement.

Ce texte, que vous avez eu l'outrecuidance d'intituler « projet de loi pour l'égalité des chances », créera en réalité des inégalités funestes à la cohésion sociale. Loin de s'attaquer aux discriminations qui gangrènent notre société, et que votre politique aggrave, ce texte n'en traite que dans trois de ses articles, qui, à l'exception de celui qui légalise la pratique du testing, projet porté par les associations, ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens. En substituant l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances au Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations et, pour partie, à l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, en dotant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité d'un pouvoir de sanction, vous déjudiciarisez ces domaines et externalisez une mission éminemment politique qui devrait revenir à un ministère spécifique. La redéfinition des compétences respectives de l'Agence nationale de rénovation urbaine, de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, de la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et de l'Agence de lutte contre l'illettrisme, crée une confusion entre les politiques de l'intégration, de la ville et de lutte contre les discriminations. L'ensemble de ces missions relève en outre désormais, directement ou indirectement, du ministère de l'intérieur, par préfets et délégués départementaux de ces agences interposés.

Comment, attachés à une vision libérale, individualiste, quasiment atomistique de la société, où l'individu est livré seul à la jungle économique et sociale, où aucune politique ne vient compenser les handicaps de départ de façon que ceux-ci n'influent pas sur l'issue du parcours éducatif et professionnel, pourriez-vous défendre une réelle politique d'égalité des chances ? Loin de cette vision étriquée, nous pensons, nous, que la lutte contre les inégalités et les discriminations exige une révolution paradigmatique. Il faudrait notamment changer de politique économique, renoncer à accorder toujours davantage d'avantages fiscaux aux plus fortunés, à moins que vous ne cherchiez à appliquer scrupuleusement le désastreux apologue de Saint-Mathieu - les pauvres devraient avoir toujours moins et les riches toujours plus !

Par nos nombreux amendements, nous vous proposerons une politique alternative visant à renforcer la cohésion nationale, à réduire les inégalités, à tenir compte de la diversité sociale et culturelle, tout en veillant à éviter le communautarisme et toute discrimination positive sur des bases ethniques ou confessionnelles. Nous vous proposerons de mieux tenir les promesses républicaines d'égalité en reconnaissant à chaque citoyen, et non à chaque groupe, le droit à l'identité culturelle, notamment en lui permettant de pratiquer sa langue régionale à côté du français, langue officielle de la République.

Nos amendements permettraient aussi de diversifier la composition sociale des classes préparatoires aux grandes écoles, des instituts d'études politiques, des universités pratiquant une sélection à l'entrée, des écoles de journalisme, du conservatoire des écritures audiovisuelles. C'est, nous semble-t-il, le seul moyen de lutter efficacement contre l'endogamie et l'homogénéité sociale des élites françaises et contre la désespérance que suscitent les écrans trop blancs. Il conviendrait de même de prendre en charge les frais de transport des candidats pour les épreuves d'admission des concours des fonctions publiques, de rendre anonymes les curriculum vitae et les dossiers de demande de logement, de renforcer les moyens des tribunaux, de renverser la charge de la preuve en matière de discriminations, directes et indirectes, de doter la HALDE d'effectifs et de moyens suffisants, à l'instar de ce qui a été fait en Grande-Bretagne.

Nous vous proposerons également, de façon à mieux intégrer les régions d'outre-mer et leurs habitants, d'améliorer la continuité territoriale, de renforcer la lutte contre la fracture numérique, d'accroître les compétences du Centre national du cinéma, et d'assurer une meilleure représentation de la diversité des origines et des cultures à la télévision.

Vous l'aurez compris, voilà un arsenal de propositions alternatives. Dans l'attente de pouvoir les mettre demain en application, nous nous opposerons résolument à votre politique ultra-libérale et anti-jeunes, au démantèlement du code du travail et au délitement du pacte social auquel elle conduit. Pastichant Montherlant, nous vous adressons « le salut du combat ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Lionnel Luca - Ce projet de loi illustre la volonté qu'a le Gouvernement d'apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par la jeunesse de notre pays et de lui permettre de s'insérer pleinement dans notre société. Il rompt avec les politiques bouche-trous et démagogiques auxquelles le gouvernement Jospin nous avait habitués en matière d'accès des jeunes à l'emploi et dont les emplois-jeunes ont été un triste exemple (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La création de l'apprentissage junior reprend, en lui donnant une ampleur nouvelle, l'expérience lancée par Jack Lang des classes d'initiation pré-professionnelle en alternance (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) qui ont été un succès et sont plébiscitées par les enseignants. Tous les élèves qui aujourd'hui s'ennuient à l'école et y ennuient les autres - c'est là un euphémisme -, trouveront dans cette ouverture sur le monde professionnel une motivation nouvelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Dès lors que la scolarité jusqu'à 16 ans n'est pas remise en cause et que des passerelles continueront d'exister entre l'école et le monde professionnel, l'apprentissage junior constitue une nouvelle chance pour ceux que le système éducatif laisse aujourd'hui de côté.

Ce texte traite également du contrat de professionnalisation, dont les difficultés de mise en place entravent le développement de l'alternance, souhaité par le Gouvernement. Pour enseigner dans des classes en alternance, j'avais, en connaissance de cause, déploré en son temps que la durée du contrat de qualification soit ramenée de vingt-quatre à six ou douze mois et celle de la formation théorique de 25 % à 15 % du temps, ce qui rend beaucoup plus difficile aux jeunes concernés de valider leur formation par un diplôme d'État. Ce dispositif complexe, aux mains de quelque 254 branches professionnelles, déroute les entreprises qu'il pourrait intéresser. Par ailleurs, actuellement, la contribution des employeurs couvre trop souvent des dépenses autres que celles liées à l'alternance, ce qui réduit d'autant les moyens de celle-ci, au détriment des PME-PMI, pourtant les plus créatrices d'emplois. Il faudrait donc, comme l'a suggéré notre collègue Jacques Myard dans une proposition de loi, revenir au contrat de qualification, faute de quoi le contrat de professionnalisation demeurera marginal, alors que l'alternance est une voie de réussite et d'insertion dans la vie active, avec ou sans diplôme.

S'agissant de la lutte contre les discriminations, il faut faire preuve de pédagogie et de persuasion. Dans les Alpes-Maritimes, les communes se portent garantes, avec le préfet, auprès des entreprises qui offrent un stage ou un contrat aux jeunes des quartiers difficiles, car souvent la discrimination commence au vu de l'adresse. Cette expérience mériterait d'être encouragée.

Enfin, le service civil obligatoire est une forme possible d'engagement pour la jeunesse, mais malheureusement, ne permettra pas le brassage social, qui est le ciment d'une nation, et qui manque cruellement depuis la fin du service national. ll me semble indispensable, à terme, de mettre en place un service civil républicain, qui pourrait être pris en charge par le budget de plusieurs ministères concernés.

Enseignant dans un CFA et constatant le succès de l'alternance, je peux affirmer que le CPE sera une chance pour des jeunes pris dans la « galère » de la précarité. Je comprends donc mal que les donneurs de leçons puissent s'enorgueillir d'avoir proposé, avec les emplois-jeunes, un contrat précaire de cinq ans, non renouvelable et sans lien avec les indemnités de chômage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Tout ce qui peut donner aux jeunes une nouvelle chance doit être utilisé avec pragmatisme et sans idéologie. D'ailleurs, certains membres de l'Internationale socialiste ont mis en place dans leur pays une politique de ce type, qui produit ses effets. Les socialistes français sont bien les seuls aujourd'hui à défendre une conception archaïque de l'économie !

Ce texte répond à une vraie demande de notre jeunesse et, naturellement, nous le soutiendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Pecresse - Chacun peut le constater dans sa circonscription : malgré la reprise de la croissance, la baisse du chômage, la reprise de la construction de logements, la France reste morose. C'est que sa jeunesse est inquiète : huit à onze ans pour trouver un emploi stable, l'engrenage des stages, contrats d'intérim, CDD, la difficulté de trouver un logement à un prix abordable pour devenir autonome et de vivre ce temps de la jeunesse qui devrait être celui de la liberté... La jeunesse est une promesse. Quand celle-ci ne se réalise pas, les familles s'angoissent, le pays doute.

Les événements de banlieue ont révélé les frustrations des jeunes les moins qualifiés. Mais il existe aussi un mal-être des jeunes des classes moyennes, que le diplôme ne protége plus, puisque 21 % des jeunes parvenus à bac plus quatre sont encore au chômage neuf mois après la fin de leurs études. Vous avez donc touché juste en proposant ces mesures d'urgence, ambitieuses, rompant avec tous les tabous....

M. Christian Paul (brandissant le code du travail ) - Surtout celui-là !

Mme Valérie Pecresse - ...et offrant l'apprentissage junior, le contrat première embauche, l'accompagnement personnalisé vers l'emploi, des droits nouveaux. Sortir les jeunes de la précarité est désormais une urgence politique. J'approuve la volonté du Gouvernement de frapper fort et aller vite.

Cependant, j`insiste sur une manifestation de cette précarité qui demande réponse. Je travaille depuis plusieurs mois avec les jeunes de « Génération précaire », collectif qui dénonce les abus de stages, souvent non indemnisés, dans des entreprises qui profitent à bas prix de leurs compétences. Ces dérives condamnables doivent cesser. Vous proposez pour cela quatre excellentes mesures : une charte des stages, une indemnité obligatoire pour les stages de plus de trois mois, la reconnaissance de tous les stages longs comme un élément du cursus universitaire, leur prise en compte dans l'ancienneté professionnelle.

Je vous propose d'aller plus loin en adoptant des amendements que je vous soumettrai.

M. Christian Paul - La commission les a rejetés ce matin !

Mme Valérie Pecresse - Il faudrait fixer à la moitié du SMIC au minimum l'indemnité obligatoire pour les stages de longue durée ; inscrire l'abus de stage dans la loi, afin de sanctionner les entreprises qui maintiennent les jeunes dans cette situation en les poussant à reprendre une inscription universitaire factice ; fixer à six mois la durée maximale des stages ; permettre aux jeunes de plus de 26 ans de déduire les périodes de stage des deux premières années d'un CPE ; enfin, pour contrôler les abus, rendre la convention de stage obligatoire pour toutes les formations post-baccalauréat et imposer aux entreprises de tenir un registre des stages.

C'est, issu de son expérience de terrain, l'apport personnel d'une députée pleinement mobilisée derrière le Gouvernement dans le combat qu'il mène contre le chômage des jeunes. Que plus jamais l'un d'eux ne puisse dire à bac plus sept : « profession, stagiaire » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Malgré les réserves émises par le président de l'Assemblée nationale et par celui du Conseil constitutionnel, le Gouvernement, une fois encore, contraint la représentation nationale à légiférer dans l'urgence sur un texte fourre-tout, auquel le Premier Ministre a, dans la plus grande précipitation, ajouté son deuxième plan pour l'emploi. Mes collègues ont magistralement dénoncé sa mesure essentielle, qui fait de la précarité la norme pour la jeunesse et constitue une nouvelle atteinte majeure à notre droit du travail.

Pour ma part, je ferai porter mon intervention sur le contrat de responsabilité parentale dont traitent les articles 24 et 25. Faut-il rappeler que la loi du 4 mars 2002 a déjà instauré un dispositif relatif à l'autorité parentale ? Mais plutôt que de le mettre en œuvre, vous ajoutez encore à l'épaisseur du millefeuille législatif.

Le « contrat » que vous proposez ne concerne pas seulement l'absentéisme scolaire, mais toutes les situations où l'enfant est en difficulté en raison de défaillance de l'autorité parentale. Il prévoit la suspension du versement des allocations familiales avec la saisine de l'autorité judiciaire et l'engagement éventuel de poursuites pénales par les présidents de conseils généraux - que l'on n'a jamais consultés !- ou des travailleurs sociaux qui relèvent de leur autorité.

De son côté, le ministre de l'intérieur surenchérit en proposant dans son plan de prévention de la délinquance que les maires président « un conseil pour les droits et devoirs des familles ». Cette compétition ministérielle tous azimuts ne rend pas le dispositif très lisible !

De toute façon, il est inacceptable. D'abord, l'idée même du contrat, engagement entre deux contractants à égalité de droits et de devoirs, est pervertie par ce pseudo-contrat de père Fouettard. Ensuite, le Gouvernement se décharge ainsi sur les collectivités territoriales de politiques régaliennes dans les domaines de la sécurité, de la famille et de l'éducation. Enfin, priver de ressources des parents dont l'incapacité à éduquer les enfants relève souvent de difficultés sociales, c'est juger a priori qu'ils sont de mauvaise volonté.

Que, dans les cas avérés de mauvaise foi parentale, les allocations soient, momentanément, versées sur un compte bloqué en attendant que la famille se ressaisisse, peut se concevoir. Mais il est intolérable de faire un procès d'intention à toutes les familles en perte d'autorité parentale. De surcroît, les allocations familiales sont destinées à compenser des charges, non à décerner un brevet d'éducation aux parents.

Surtout, ce contrat est inacceptable car il n'apporte aucune réponse de nature à aider les parents à assumer leur rôle ou les jeunes à se réconcilier avec l'école.

Qu'en est-il par exemple des travaux personnels encadrés que vous avez sabordés alors même qu'ils contribuaient souvent à remotiver des jeunes n'ayant pas la chance de bénéficier d'un soutien scolaire au sein de leur famille ?

Qu'en est-il du soutien aux associations, qui font un remarquable travail avec les jeunes après l'école et dont vous avez largement amputé les moyens de fonctionnement ?

Qu'en est-il du plan pour là relance de l'internat scolaire éducatif lancé en 2001 à la demande de Lionel Jospin ? Permettre à un jeune en rupture de reprendre pied, d'être encadré, me semble en effet plus efficace que de montrer du doigt des parents démunis face à leur enfant.

Mais frapper les familles au porte-monnaie est plus aisé que redonner à l'école ses lettres de noblesse. Je vous le dis comme mère de famille, comme enseignante, comme parlementaire : votre contrat de responsabilité parentale est aussi inacceptable que les autres dispositions de ce projet qui ne contribuera pas à lutter contre les inégalités, mais les exacerbera.

« Si la jeunesse n'a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». Cette phrase de François Mitterrand me semble d'une brûlante actualité. Le Gouvernement gagnerait à la méditer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Piron - Tout a été ou sera dit sur le projet de loi. On me permettra donc de n'insister que sur deux points : l'apprentissage junior et le CPE.

Faut-il rappeler que l'alternance et l'apprentissage donnent un accès immédiat et durable à l'emploi à 73 % des jeunes qui font ce choix, dont 68 % grâce à un CDI ? En renforçant ces voies, le Gouvernement prend d'abord acte de leur efficacité pour les jeunes, efficacité largement démontrée dans d'autres pays qui font mieux que nous. Il en prend acte en fondant son action sur le principe majeur de l'égalité des chances, étant entendu que celle-ci ne passe pas nécessairement par une identité des parcours qui postulerait l'uniformité des talents. L'égalité des chances passe par la reconnaissance de la diversité des personnes et des intelligences. J'ai bien entendu M. Lurel et je répète donc que l'égalité n'est pas l'identité. Voilà pourquoi elle requiert la diversité des parcours ; et cela vaut pour la formation initiale comme pour la formation continue.

Le CPE confirme la priorité donnée à l'emploi, en particulier à celui des jeunes. Le recul constant du chômage depuis neuf mois est encourageant, mais ces premiers résultats ne nous font pas oublier les difficultés persistantes rencontrées par les jeunes pour accéder à un premier emploi. Tant de jeunes au chômage, c'est économiquement un immense gâchis et c'est socialement désastreux, tant il est vrai qu'outre sa fonction rémunératrice, le travail a une fonction intégratrice.

C'est pourquoi on ne peut qu'approuver le Gouvernement d'oser de nouvelles réponses. Loin des caricatures auxquelles il donne lieu, le CPE est un contrat à durée indéterminée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui prend en compte les périodes de travail ayant eu lieu antérieurement dans l'entreprise, qui ouvre droit à la formation ainsi qu'à une indemnisation en cas de rupture au bout de quatre mois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui permet l'accès au logement et au crédit bancaire, enfin un contrat dont les conditions de rupture sont clairement définies, y compris pour ce qui est du préavis. Le CPE tient compte d'une évidence parfois oubliée : pour qu'il y ait des emplois, il faut des employeurs qui prennent le risque d'employer.

La politique que nous soutenons prend à la fois en compte l'attente des chômeurs, en les accompagnant vers l'emploi, et le risque pris par les employeurs. C'est une politique volontaire et forte, c'est aussi une politique équilibrée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Perrut - Hier soir, le Premier ministre déclarait qu'il ne pouvait pas admettre que notre pays reste les bras croisés. Il a raison, il y a urgence, la bataille pour l'emploi est notre priorité ! Il nous faut dépasser tous ensemble le défaitisme et le pessimisme.

Le chômage est à la fois un problème économique et une réalité sociale, mais les résultats sont encourageants, puisque nous avons 177 200 chômeurs de moins qu'en mars 2005...

M. Alain Néri - Et combien de Rmistes en plus ?

M. Bernard Perrut - ...et que 122 000 CIVIS ont été signés. On pourrait aussi parler des 280 000 contrats nouvelles embauches, du succès du chèque Très Petites Entreprises, de l'amélioration du fonctionnement de notre service pour l'emploi, du suivi personnalisé des chômeurs, des contrats aidés qui deviennent lisibles et utilisables...

Mais, face à tous ces jeunes qui restent sans qualification et sans emploi, nous devons relever le défi d'une France républicaine et solidaire. L'égalité des chances doit être un souci permanent. Il faut repérer le plus tôt possible les élèves en difficulté et favoriser la formation professionnelle tout au long de la vie. Il faut faire connaître aux jeunes le monde de l'entreprise le plus tôt possible afin de faire émerger leurs talents. L'apprentissage junior, destiné aux jeunes qui ne s'épanouissent pas dans l'enseignement général, constitue à cet égard une excellente piste. L'apprentissage est un lieu privilégié pour l'insertion. Dans le texte qui nous est présenté, il repose sur un projet pédagogique personnalisé.

Le CPE répond à une exigence sociale et économique. Entre la fin des études et la stabilisation dans un emploi, il s'écoule actuellement huit à onze ans, alors que, parallèlement, on constate des pénuries de main d'œuvre dans certains secteurs d'activité. Ce nouvel instrument, conçu dans un esprit pragmatique, offrira les avantages d'un véritable CDI, je dirai : un contrat de confiance entre un jeune et son employeur. Le CPE est le contraire de la précarité.

Je salue aussi la deuxième vie que le Gouvernement donne au contrat « jeunes en entreprise », dont j'ai été en 2002 le rapporteur à cette tribune, ainsi que la création du service civil volontaire.

La responsabilisation de tous est une nécessité permanente. Les parents doivent jouer pleinement leur rôle. Le contrat de responsabilité parentale les y aidera. Il traduit un juste équilibre entre accompagnement et sanction, entre droits et devoirs.

S'agissant de la lutte contre les discriminations, je souhaite que la HALDE se montre efficace, car les discriminations sont les brindilles qui alimentent le feu de la violence, voire des extrémismes.

Autres apports importants du texte : la création de nouvelles zones franches urbaines et celle de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. J'ai bien noté l'engagement des ministres en faveur du maintien de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, qui accomplit un important travail.

Depuis 2002, c'est une action globale qui est menée contre les inégalités et les discriminations. La loi sur l'égalité salariale et celle sur la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ont été à cet égard des textes phares.

Un grand homme disait : là où il y a une volonté, il y a un chemin. Je crois que nous sommes sur le bon chemin...

M. Gaëtan Gorce - Un chemin de croix, oui !

M. Bernard Perrut - ...celui qui vise à assurer l'égalité des chances dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je consacrerai mon intervention au titre II, qui crée une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Procéder à une refonte radicale des interventions publiques en faveur des quartiers défavorisés, pourquoi pas ? Mais il me semble que la politique de la ville, même si elle a, sous sa forme actuelle, touché ses limites, mérite mieux qu'une réforme précipitée, des critiques à l'emporte-pièce et des projets brouillons.

Les flambées de violences de novembre dernier ont mis en évidence un fort sentiment de désespérance sociale chez les jeunes, ont rendu visible la question des discriminations ethniques et de la ségrégation spatiale, ont souligné enfin la faiblesse des médiations politiques par lesquelles la crise aurait pu être régulée.

Avant l'éclatement des premiers incidents, le Conseil national des villes avait appelé l'attention sur l'aggravation de la situation depuis 2002, qu'il s'agisse du chômage, deux fois plus élevé en ZUS qu'ailleurs, de la scolarité ou de la santé. Mais toutes ses préconisations sont restées lettre morte et s'il n'y avait pas eu les incidents dramatiques de l'automne, le Gouvernement aurait réduit une nouvelle fois de manière drastique les fonds consacrés à ces quartiers et aux associations qui y travaillent au quotidien !

Né dans la précipitation, le projet qui nous est présenté ne tient pas compte des actes des assises de la Ville de 2005, ni du rapport du sénateur André, ni de celui de l'IGAS, ni de celui des inspections générales concernant les contrats locaux de sécurité, ni de celui de l'Observatoire des zones urbaines sensibles.

Sans la moindre concertation, que ce soit avec les professionnels ou avec les élus locaux, vous créez un guichet unique qui rassemblerait l'ex-FASILD et ce qui reste de la politique de la ville. Vous allez ainsi faire éclater une politique globale en ce sens qu'elle était à la fois sociale et urbaine.

Votre projet de confier à une structure autonome des responsabilités qui relèvent de la puissance publique et de la solidarité assurée par l'État nous semble également pour le moins choquant. En effet, ce n'est pas « moins » d'État que nous voulons, mais « mieux » d'État !

L'imprécision des missions confiées à l'Agence nationale reflète en outre un amalgame entre les populations en difficulté, celle des quartiers sensibles, et les populations issues de l'immigration et migrantes. Par ailleurs, qui sera en charge de la prévention de la délinquance, que revendique le ministre de l'intérieur, alors qu'elle devrait relever des Affaires sociales ?

Bien d'autres questions restent hélas en suspens : l'Agence sera-t-elle un simple « guichet » de financement, ou pourra-t-elle être un opérateur ? Et si tel est le cas, avec qui et dans quelles conditions ? Les financements de l'État seront-ils également assurés ? Contrairement à l'article 7 de la loi du 1er août 2003, il n'en est pas fait mention !

Et quel sera le ministre de tutelle de cette agence ? Quels rapports entretiendra-t-elle avec la Délégation interministérielle à la ville ? Comment s'articuleront les missions de ce délégué à la ville et à la cohésion sociale, avec celle de l'ex-DATAR ? et avec les niveaux départementaux et régionaux de l'intervention de l'État ? Poursuivons : sur quoi porteront les conventions pluriannuelles ? Ont-elles vocation à remplacer les contrats de villes et les PLIE ? Et enfin que vont devenir les agents du FASILD, dont je tiens à saluer l'action remarquable de maillage du tissu social dans les quartiers ? Sur quelles bases leur transfert sera-t-il organisé ?

Vous avez fait preuve de précipitation et d'un manque total de concertation avec les élus locaux, les techniciens de terrain, les sous-préfets à la ville. En l'absence de tout débat, de toute expertise sur les événements du mois de novembre dernier et de tout travail partagé de réflexion, votre projet place l'outil avant la fonction. Il risque donc d'être inutile et même de porter préjudice à la cohésion sociale sur le terrain.

En tout cas, il est certain qu'il ne réglera pas les graves inégalités territoriales qui ont conduit à la révolte des quartiers. C'est pourquoi nous refusons la disparition du FASILD et de la DIV au profit d'une agence fourre-tout, et nous exigeons la création d'un véritable service public de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité des chances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Tian - Ni le chômage des jeunes, ni la discrimination, ni l'échec scolaire ne sont une fatalité. Ce texte courageux a toute mon approbation, car je suis certain que le CPE est une excellente initiative, et je voudrais remercier le rapporteur d'avoir accepté mon amendement relatif à la protection des femmes enceintes.

Disposant d'un temps limité, je me concentrerai sur quelques points qui font débat.

En décembre 2004, nous avons créé avec enthousiasme la HALDE, qui nous semblait un excellent outil pour lutter contre les discriminations. Son rôle initial était d'établir des recommandations et, le cas échéant, de saisir le procureur. Or, l'article 19 de ce projet prévoit d'une part que la Haute autorité pourra infliger directement des sanctions, jusqu'à un montant de 5 000 € pour un particulier et de 25 000 pour une personne morale, et d'autre part qu'une large publicité de ces sanctions sera assurée par voie d'affichage et de publication au Journal officiel.

Le fait de saisir un juge permettrait de garantir le respect des droits de la défense et donc des personnes mises en cause. Or, si le projet de loi évoque une procédure contradictoire, les modalités de celle-ci sont renvoyées au décret, et non à la loi, comme il conviendrait.

Plus inquiétant encore, nous n'avons aucune garantie de valeur législative concernant la recherche et la constatation par les agents de la HALDE des faits devant donner lieu à sanction. Or, de tels pouvoirs d'enquête et de constatation sont généralement prévus et encadrés par un texte de loi, qui impose en outre l'intervention d'un officier de police judiciaire.

Se pose en outre un autre problème que la France a déjà connu à l'époque de la COB, celui de la partialité, la HALDE ne comprenant qu'un seul collège, qui exercera à la fois le rôle d'autorité de poursuite et celui de formation de jugement. La procédure retenue par l'article 19 risque donc de tomber sous le coup de l'arrêt rendu le 7 mars 2000 par la Cour d'appel de Paris, qui avait censuré le fonctionnement de la COB. Il serait pourtant regrettable que l'ensemble du dispositif de lutte contre les discriminations sorte fragilisé d'un jugement similaire.

Il apparaît d'autre part hasardeux de confier à cette autorité administrative indépendante la poursuite et le jugement d'infractions pénales, compétences qui ne relèvent constitutionnellement que de l'autorité judiciaire.

Et puis, qu'adviendra-t-il en cas de contradiction de motifs entre une décision de la HALDE et celle du tribunal correctionnel compétent ? Et pourquoi faire intervenir le Conseil d'État, juridiction de l'ordre administratif, alors qu'un recours devant la cour d'appel de l'ordre judiciaire serait plus pertinent ? Nous n'allons que créer un embrouillamini supplémentaire entre les différents ordre juridictionnels.

J'ajoute que l'article 21 légalise une pratique, celle des « vérifications à l'improviste » - le « testing » -, qui pourrait apparaître contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, notamment à son article 6. En effet, cette pratique semble difficilement compatible avec deux principes énoncés à maintes reprises par la Cour de Strasbourg : la loyauté de la recherche des preuves et l'interdiction de toute provocation à la commission de délits.

Il serait, du reste, pour le moins curieux de conférer à des particuliers, accompagnés ou non d'un huissier, qui veulent faire des contrôles à la sortie d'une boîte de nuit ou d'un restaurant, des pouvoirs qui sont refusés à nos forces de police, de gendarmerie et de douane dans leur lutte contre les criminels organisés les plus dangereux.

Enfin, comment pourrait-on autoriser des associations telles que Act-Up à faire du « testing », quand on connaît les intentions politiques de ce mouvement, capable de réaliser une affiche « Sarkozy = Le Pen » ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Sachez que si je soulève ces problèmes de droit, c'est que je suis attaché à la HALDE, et préoccupé de son avenir.

Ce texte me semble toutefois volontariste et courageux, Monsieur le ministre, car il a le mérite de s'attaquer à de vrais problèmes : le chômage des jeunes, la discrimination, les l'échec scolaire et les incivilités. Il répond à ce titre aux préoccupations de nos concitoyens, et je le voterai avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp - Après les trente Glorieuses, une peur diffuse s'est emparée de notre société. Elle a trait au chômage, à une mondialisation mal maîtrisée, à la montée des risques écologiques et sanitaires, mais elle envahit désormais d'autres champs, comme le travail, la vie privée et sociale. Le besoin de sécurité augmente, alors même que notre environnement économique impose la réactivité et le mouvement.

Cette intolérance manifeste au risque paralyse notre capacité à agir et elle conduit à différer les décisions et à conforter l'acquis, au risque de fragiliser l'avenir. Fort heureusement, le projet de loi qui nous est soumis relève d'une logique strictement opposée. Avec courage, il vise à répondre à des besoins de court terme sans compromettre l'objectif à long terme : gagner durablement la bataille pour l'emploi.

Dans la logique du plan de cohésion sociale et de la loi handicap, ce projet sert cinq grand objectifs : favoriser l'emploi des jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles ou connaissant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle ; renforcer l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations ; aider les parents à exercer leur autorité parentale ; renforcer les pouvoirs des maires face aux incivilités ; et enfin créer un service civil volontaire.

Il s'adresse non seulement à ceux qui, pour diverses raisons, se sentent laissés sur le bord du chemin de l'emploi, mais aussi aux parents, aux élus locaux, à ceux qui ont envie de s'investir, et, enfin, à nos entreprises.

Cette confiance accordée aux agents économiques opère un changement tout à fait salutaire. En optant en faveur du travail plutôt que de l'assistance, de l'incitation plutôt que de la contrainte, le Gouvernement fait en effet preuve d'un réalisme offensif.

D'après les travaux actuels de prospective, les conditions d'insertion des jeunes vont s'améliorer dans les prochaines années, car les entreprises auront besoin de jeunes qualifiés. Bien sûr, c'est d'abord à l'entreprise qu'il incombe de mettre à niveau ses collaborateurs et de maintenir dans l'activité ses employés plus âgés ou handicapés, mais il faudra dégager à l'avenir des ressources humaines complémentaires. C'est pourquoi l'insertion des jeunes les plus éloignés du monde du travail devient essentielle : il faut amorcer leur mobilisation.

Le CNE offre ainsi aux jeunes la possibilité de se construire un vrai parcours professionnel. N'oublions pas en effet ce que regarde avant tout le recruteur : la ligne de la formation et celle de l'expérience professionnelle. Or, si une expérience professionnelle d'un mois compte pour peu, la présence dans une entreprise pendant deux ans constituera un véritable atout. Le CPE permettra donc aux jeunes d'accéder plus vite et de manière plus sûre à un emploi stable, qui prendra la forme d'un CDI assorti de garanties solides, en termes d'accompagnement, de droit à la formation, d'accès au logement et aux prestations bancaires, d'indemnisation du chômage dès quatre mois passés dans l'entreprise. Au reste, les jeunes ne s'y sont pas trompés puisqu'ils approuvent à une large majorité ce nouveau contrat.

Nous ne pouvons nous contenter de parier sur le retour de la croissance : les conditions de la croissance, il faut les fabriquer en mobilisant toute la ressource humaine de la nation et en investissant en priorité dans la jeunesse ! Ce ne sont pas les États mais les entreprises qui font la croissance et créent les emplois. Le dirigisme économique a échoué partout et, aujourd'hui, la Russie et même la Chine communiste s'en sont détournées.

Le rôle de l'État est de libérer les énergies, d'anticiper et d'accompagner les transitions. Nous avons besoin des entreprises pour identifier les pistes de développement stratégique dans notre économie, ainsi que les réformes nécessaires, et pour nous aider à soulever les montagnes des résistances sans rompre la cohésion sociale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Quant au politique, son rôle est de réduire la part d'incertitude pour les Français, de produire de la sécurité matérielle, juridique et économique. Une telle entreprise, dans un monde qui devient chaque jour plus incertain, ne peut s'accommoder de modes de gestion hérités du passé. Le politique sécurise vraiment si le pragmatisme l'emporte sur la doctrine ! (Même mouvement)

Les sources de la croissance, nous les détenons. Elles relèvent des efforts innombrables des individus. Elles dépendent de l'imagination, du goût du travail de millions de Français et du dynamisme de notre jeunesse.

Le projet de loi sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui témoigne de cette conception renouvelée du politique, établie en confiance et en responsabilité avec les forces vives de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Françoise Clergeau - Ce texte est censé répondre au désespoir de beaucoup de nos jeunes, qui peinent à être reconnus et acceptés dans notre société. Mais, à ces jeunes, vous proposez comme seule solution davantage de précarité !

Votre projet est également censé répondre au désarroi des familles qui n'ont plus les moyens de transmettre à leurs enfants un modèle sécurisant et porteur d'espoir pour l'avenir. Avec le contrat de responsabilité parentale, vous tendez une fois encore à culpabiliser les plus fragiles et à leur proposer pour toute solution de nouvelles sanctions. Face à l'explosion des banlieues - que vous n'avez pas anticipée - et à une société que vous semblez ne pas comprendre, vous réagissez dans la précipitation, au risque de vous contredire.

Le 2 décembre 2003, le président Dubernard déclarait à cette tribune : « Ce projet clôt une fois pour toutes le débat sur la suspension des allocations familiales. Instauré dans les années 1960, ce mécanisme s'est en effet révélé inadapté. Les prestations familiales n'ont pas pour seul objet de financer la scolarité de l'enfant et une telle sanction est donc un échec car on n'augmente pas les devoirs en diminuant les droits ». Et je me dois aussi de rappeler les propos tenus en mars 2003 par M. Christian Jacob, alors ministre délégué à la famille : « Le Gouvernement a décidé d'abroger le dispositif de suspension des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire car il est inefficace, brutal et mal adapté ».

M. Éric Raoult - Et Chevènement, que disait-il ?

Mme Marie-Françoise Clergeau - La majorité avait alors souligné que cette sanction était inéquitable car pénalisante pour les familles nombreuses et inefficace pour les 1,3 million de familles à enfant unique. Toutes ces raisons vous ont amené à légiférer en 2004 pour la supprimer.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Vous n'y aviez pas pensé !

Mme Marie-Françoise Clergeau - Or, si l'on comprend bien, voici que vous proposez de rétablir ce dispositif que vous jugiez naguère « injuste et inefficace » ! Et ne nous parlez pas de concertation, puisque l'UNAF a émis de sérieuses réserves, cependant que la CNAF rejette vos propositions et que le Conseil national de lutte contre les exclusions considère que « de telles mesures affecteraient les familles les plus en difficulté et tendraient à stigmatiser les parents concernés ».

L'absentéisme scolaire et les comportements d'incivilité sont des problèmes sérieux, qui méritent toute notre attention car ils témoignent d'un mal-être dont les origines sont diverses et ne tiennent pas qu'à une carence de l'autorité parentale. Bien entendu, les parents ont leur rôle à tenir et il ne saurait être question de minimiser leurs devoirs. Mais ils ne sont pas les seuls acteurs de l'éducation d'un jeune. L'école est impliquée et si certains enfants décrochent, c'est aussi parce que l'institution scolaire n'a pas les moyens de faire face. Or c'est bien votre majorité qui a supprimé plus de 20 000 postes dans l'éducation nationale en moins de quatre ans. Quant à la disparition des assistants d'éducation et au manque d'infirmiers, d'assistants sociaux, de psychologues scolaires ou de CPE, ils constituent autant de facteurs aggravants.

Toutes les analyses montrent que l'absentéisme scolaire touche d'abord les quartiers défavorisés et que les parents dont les enfants sont déscolarisés sont eux-mêmes confrontés à de graves difficultés financières et sociales, les allocations familiales représentant alors une part importante de leur budget. Les sanctionner financièrement conduirait à aggraver leur situation. Et comment expliquerez vous aux autre enfants de la famille qu'à cause de leur frère ou sœur, ils sont tous collectivement responsables, tous coupables et tous punis. Quelle image de la justice ! Quelle pédagogie !

Mais laissons de côté l'idéologie répressive qui sert de fil conducteur à vos propositions en matière d'éducation, pour revenir sur quelques outils à notre disposition pour lutter contre l'absentéisme scolaire. Je pense aux classes relais, que nous avons instituées en 1998 pour accueillir temporairement des collégiens déscolarisés ou en risque de marginalisation scolaire. Les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents concourent également au soutien à la parentalité. En octobre 2003, vous avez vous-mêmes instauré des commissions départementales de suivi de l'assiduité scolaire : ont-elles fonctionné ? Pouvez-vous en dresser le bilan ? Plutôt que de créer de nouveaux dispositifs, soyez cohérents et développez les outils dont la pertinence et l'efficacité peuvent être démontrées.

Votre contrat de responsabilité parentale propose de nouvelles sanctions contre les parents, mais ne dit mot des mesures d'aides et d'action sociale dont ils pourraient bénéficier.

Pour lever le flou de votre projet, pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « carence de l'autorité parentale » ? Comment celle-ci sera-t-elle évaluée ? Pourquoi avoir choisi le conseil général pour mettre en œuvre ces dispositions ? Quel sera son rôle exact et son pouvoir d'appréciation ? Quelles seront les prestations familiales susceptibles d'être suspendues : l'allocation logement ? le complément familial ? Que deviennent les sommes en cause ? Quand il y aura un contrat de responsabilité parentale, comment le respect des engagements pris par les familles sera-t-il évalué ? Quelles seront les voies de recours possibles à l'encontre des décisions de suspension ?

On le voit, Madame et Messieurs les ministres, votre projet pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses aux problèmes de la déscolarisation, de l'absentéisme, des incivilités scolaires d'enfants mineurs ou qu'il ne vient en aide aux familles qui ont besoin d'être aidées pour tenir leur rôle de parents. Une fois de plus, vous ne faites que culpabiliser des parents déjà stigmatisés par la précarité de leur situation sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cardo - Ce projet constitue l'une des réponses que le Gouvernement veut apporter aux violences collectives qui ont témoigné de la grave crise que vit une partie de notre jeunesse dans nombre de nos quartiers. A ceux qui s'interrogent sur le bien-fondé de la procédure d'urgence, je rappelle que la situation d'urgence sociale que traduisait cette violence la justifie pleinement. Et sans doute est-ce cette volonté au demeurant légitime d'aller vite qui explique certains aspects un peu « surprenants » de ce texte.

Le dispositif « apprentis junior », qui tend à permettre aux jeunes de demander une formation concrète en alternance, constitue à mes yeux une alternative valable au cycle d'enseignement général car celui-ci n'est pas toujours adapté au mode de fonctionnement intellectuel ou aux motivations de certains. Il ménage en outre une possibilité de revenir dans l'enseignement général. La philosophie de ce dispositif s'inspire de l'expérience réussie de « la main à la pâte », lancée à l'initiative de plusieurs prix Nobel.

Pour le reste, quand on observe les jeunes qui sont en « galère », ou même physiquement présents mais mentalement absents de l'établissement scolaire - au point que certains enseignants seraient favorables à leur exclusion  -, il me paraît intéressant que les dispositifs figurant dans ce texte tendent à rapprocher les jeunes de nos institutions plutôt que de la rue. Au reste, nous revient-il vraiment de décider du bonheur des jeunes et la possibilité d'avancer l'âge d'entrée en apprentissage ne va-t-elle pas valoriser l'ensemble de la filière, comme beaucoup le demandent depuis longtemps ?

Je n'ai pas grand-chose à dire sur le CPE, sinon qu'il procure plus de garanties qu'un CDD ou qu'une succession de stages et qu'en tant qu'acteur de la lutte contre les exclusions depuis plus de 30 ans, je préfère défendre un contrat qui permettra au plus grand nombre d'intégrer l'entreprise - au risque de devoir la quitter dans les deux ans - plutôt qu'un énième dispositif ne garantissant aucun accès réel au monde du travail.

S'agissant du contrat de responsabilité parentale, on peut regretter a priori que le maire soit le grand absent de ce dispositif. Les événements que nous venons de vivre les ont placés en première ligne, et, à cette tribune, le Premier ministre lui-même a décerné au maire le titre enviable d'acteur le plus crédible de l'action publique locale. Aussi sommes-nous un peu surpris de voir mettre en avant le président du conseil général, alors que les précédents textes de cette législature ont placé le maire en amont de toute la politique de prévention. Il semblerait de bien meilleure méthode, ici, de chercher la cohérence entre l'action menée par le maire et par son réseau et celle que conduit le conseil général, à deux niveaux de prévention distincts. A mon sens, notamment, le maire doit pouvoir interpeller le président du conseil général lorsque les moyens ou les conditions pour un contrat de réussite éducative ne lui paraissant pas suffisants, mais son action reste un préalable indispensable.

En ce qui concerne l'Agence de cohésion sociale, je comprends le principe du regroupement des structures et des crédits et je n'ai rien contre, mais il me semble que les implications de cette création sont si grandes qu'un temps de réflexion supplémentaire avec les élus locaux et les personnalités qualifiées serait souhaitable. Ce sont des machines très lourdes qui sont en cause et je ne suis pas persuadé qu'on ait envisagé tous les aspects de l'opération - y compris le regroupement d'autres structures.

Enfin, j'ai été surpris de voir figurer dans ce texte relatif à l'égalité des chances les pouvoirs du maire concernant le traitement des crottes de chien, la divagation des animaux, les nuisances sonores et les jets d'immondices ! J'ai du mal à voir le rapport direct avec la lutte pour l'égalité des chances et la valorisation du rôle de prévention du maire, d'autant que toutes les villes n'ont pas de police municipale. Comment les plus pauvres pourront-elles intervenir ?

Ces petites réserves mises à part et compte tenu des avancées que comporte ce texte, je lui apporterai mon soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 31 janvier.

Page 42, deuxième alinéa, lire :

« Un dispositif similaire, visant les jeunes à partir de quatorze ans, existait en Alsace-Moselle »...

A la fin du même alinéa, lire :

« Et pourquoi refuser le contrat de responsabilité parentale, quand des familles et des enseignants le demandent ? »


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