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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 58ème jour de séance, 135ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 2 FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

Sommaire

      ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) 2

      ARTICLE PREMIER 2

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 19

      ART. 2 19

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 7 FÉVRIER 2006 20

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite)

M. Yves Durand - Par l'amendement 225, il s'agit d'aider le ministre de l'éducation nationale à préciser sa pensée et à l'inscrire dans ce projet, puisqu'il a déclaré cet après-midi que les dispositions de l'article premier organisent un parcours d'initiation aux métiers et que l'élève de moins de seize ans engagé dans une telle formation restera dans le système scolaire, ce qui ne paraît pas évident alors qu'il sera sous contrat d'apprentissage. Nous proposons donc de substituer à la formule « formation d'apprenti junior », aux vertus médiatiques évidentes mais quelque peu ambiguë, le terme de « parcours d'initiation aux métiers ». Nous sommes en effet tout à fait d'accord avec l'idée de ce parcours, dont tous les élèves devraient d'ailleurs bénéficier.

M. Pierre Cardo - Quel besoin alors de pinailler ?

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a rejeté cet amendement car le terme de « parcours d'initiation aux métiers » ne recouvre que la première partie de la formation de l'apprenti junior.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Alors que nous voulons faire de l'apprentissage une voie d'excellence, la formule que vous proposez, le « PIM », sonnerait mal. Il nous appartient au contraire de valoriser ce beau terme d'apprenti, qui ne devrait plus être utilisé de manière péjorative, puisque rien n'est plus noble que d' « apprendre ». Avis défavorable.

L'amendement 225, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Valérie Pecresse - Je retire l'amendement 86 rectifié.

ARTICLE PREMIER

Mme Danièle Hoffman-Rispal - À la crise des banlieues, le Gouvernement répond par l'apprentissage junior. Cela ne correspond pas à notre vision de l'égalité, de la citoyenneté et du droit à la formation non plus qu'à la réalité du monde du travail et aux demandes des employeurs. Mme Lebranchu l'a démontré cet après-midi en s'appuyant sur l'exemple des artisans. Cette formation ne correspond pas à ce qu'est l'apprentissage puisque vous la réservez aux élèves en échec scolaire. Je connais bien l'entreprise : ce n'est pas le lieu où pourront être résolus les problèmes des enfants - à quinze ans, on est encore un enfant - ni l'endroit le plus approprié pour prévenir la délinquance. De plus, cette orientation trop précoce ne reposera pas sur un véritable choix de l'élève. Quant à la possibilité pour l'apprenti de revenir vers l'enseignement général sur laquelle vous vous avez tant insisté cet après-midi, elle reste hautement théorique. En bref, avec l'apprentissage junior, vous limitez l'accès aux études des jeunes des milieux populaires. Cette proposition est contraire au titre que porte ce projet de loi « pour l'égalité des chances ».

Les émeutes de l'automne ont été un drame pour de nombreux Français qui ont vu leurs biens ou ceux de leur commune partir en fumée. Nous les avons condamnées. Au-delà, il faut nous interroger sur leur signification : pour nous, il s'agit d'un appel confus à plus de reconnaissance et de citoyenneté. En barrant l'accès à l'école d'une grande partie de la jeunesse, vous n'encouragez pas cette aspiration positive. Votre formation apprenti junior, c'est en réalité une sortie express de l'école. L'enseignement obligatoire pour tous jusqu'à seize ans est l'un des fondements de notre société. Il a été décrété par l'ordonnance du 6 janvier 1959, la loi de 1882 ne concernant que les enfants jusqu'à treize ans. En le remettant en cause, vous offensez ce grand homme qu'était le général de Gaulle, vous portez atteinte aux valeurs républicaines que l'on invoque tant ces temps-ci. C'est une démission devant l'échec scolaire.

On nous a reproché de ne pas faire de propositions. Mais, si ma mémoire est bonne, la gauche quand elle était au pouvoir avait commandé à M. Hirsch un rapport dont la résolution n°11, « gommer les discriminations négatives dans l'éducation », comportait des pistes de réflexion ambitieuses. En s'appuyant sur le constat que l'échec scolaire et la difficulté d'accéder à un emploi sont liés aux inégalités sociales, Martin Hirsch proposait de renforcer les fonds accordés aux ZEP en les recentrant sur les quartiers les plus difficiles. En France, les ZEP bénéficient de 7 % de moyens de plus que les autres zones ; aux Pays-Bas, où il existe un dispositif analogue, ces subventions sont parfois majorées de 100 %. La responsabilité peut être partagée, je le reconnais. Il faut en tout cas cesser d'envoyer en ZEP des professeurs non qualifiés, qui sont des débutants. Il convient de renforcer les moyens, plutôt que de proposer une sortie du système ! Le rapport Hirsch propose également d'aider financièrement les familles modestes pour la poursuite des études après seize ans, ce qui est en contradiction avec votre dispositif d'apprentissage junior.

Enfin, nous aurions pu trouver un semblant d'unanimité cet après-midi lorsque certains ont évoqué l'idée, reprise par nos collègues de l'UMP, de nouvel espace public de la petite enfance : en effet, les inégalités apparaissent dès la naissance de l'enfant. Il ne s'agit pas seulement des modes de garde, mais des apprentissages cognitifs, de la présence de services de médecine scolaire, et de tout un univers qui permet de traiter à la racine ces inégalités. Considérez les propositions que nous vous faisons, et relisez le rapport Hirsch (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Jego - Heureusement qu'il y a le rapport Hirsch pour inspirer le parti socialiste !

M. François Brottes - Je souhaite associer Martine David à mon propos. Outre que vous voulez instituer le CPE, « contrat de précarisation extrême » qui revient à tuer le CDI, car vous prenez plaisir à détricoter progressivement le code du travail, vous ôtez tout droit à l'avenir à une génération entière, sous prétexte de vous attaquer aux problèmes d'emploi et aux difficultés scolaires. L'avenir ne se bâtit pas sur des sables mouvants, mais sur des perspectives et des bases solides !

Vous avez supprimé les emplois-jeunes, qui avaient pourtant prouvé leur efficacité...

M. Xavier de Roux - Ils étaient quand même assez précaires !

M. François Brottes - Vous ne les connaissez pas, vous ne les avez pas utilisés ! La garantie d'un contrat de cinq ans, avec un engagement de pérennisation, la possibilité d'effectuer des périodes d'essai ailleurs, y compris dans des entreprises privées, constituaient des atouts et mettaient aux jeunes le pied à l'étrier. Mais vous avez sabordé les emplois-jeunes par idéologie, et votre sentiment de culpabilité vous amène aujourd'hui à inventer un dispositif, qui, pour le coup, instaure une précarisation absolue !

Alors que le gouvernement de Lionel Jospin avait ramené - ne vous en déplaise - le taux de chômage des 15-24 ans à 17,8 % en 2001, vous avez délibérément cassé tous les dispositifs en leur faveur. Leur taux de chômage atteint aujourd'hui 23 %. Certes, le modèle de la précédente législature n'était pas une fin en soi, mais la banalisation de la précarité, que vous présentez comme un passage obligé, n'est en aucun cas une solution.

Votre projet d'apprentissage junior - qui sont les seniors ? - et l'abaissement de l'âge de départ en apprentissage ont de quoi choquer et mettent un terme à la scolarisation obligatoire jusqu'à seize ans, progrès pourtant indéniable par rapport au XIXe siècle. Il convient de dénoncer un tel dispositif qui va à l'encontre du socle commun de connaissances que vous avez pourtant promu : comment ces jeunes pourront-ils atteindre les objectifs linguistiques, culturels, technologiques, de pratique sportive, prévus par la loi ? Vous faites le choix de sortir prématurément les adolescents du système scolaire, en demandant aux entreprises de payer l'enseignement que vous refusez de leur donner. Vous attendez des entreprises qu'elles fassent un autre métier que le leur : la plupart d'entre elles ne s'y trompent pas, et refusent d'entrer dans cette logique.

Ce n'est pas en mettant fin à l'obligation de scolarisation jusqu'à seize ans, en renonçant au collège unique et en dévalorisant l'image de l'apprentissage, que vous atteindrez votre objectif : extraire les jeunes en difficulté scolaire des statistiques. L'apprentissage deviendrait la seule destination possible des élèves fragilisés ; il mérite pourtant bien mieux que cela, et nous nous emploierons à le démontrer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy - Cet article premier est dangereux et difficilement applicable. Il est dangereux car, sous couvert de pragmatisme, il constitue, avec le CPE, l'une des mesures les plus idéologiques de votre projet de loi. Il répond de manière indécente aux violences de l'automne dernier dont, semble-t-il, vous n'avez pas saisi toutes les dimensions. Il s'agit d'une mesure populiste, de pseudo revalorisation du travail, alors même que vous vous acharnez à le précariser.

Vous continuez de détruire le système éducatif en accomplissant ce que vous n'aviez pas osé faire avec la loi Fillon : remettre en cause la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, instaurée en 1959. Vous n'avez pas tenu compte du rejet massif, à 39 voix contre 12, de ce dispositif par le Conseil supérieur de l'éducation.

Pourtant, la lutte contre l'échec scolaire et la promotion d'une orientation choisie, et non contrainte, ne passent surtout pas par la remise en question des acquis positifs des dernières décennies, qui ont permis la généralisation de l'accès à l'enseignement secondaire. Vous remettez en question le collège unique instauré en 1975, en excluant du système ceux qui ont des difficultés et en leur interdisant, vous le savez Monsieur le ministre, toute orientation ultérieure.

L'école ne doit pas être réduite à un instrument destiné à produire une main d'œuvre malléable et corvéable dès le plus jeune âge. La droite est d'ailleurs cohérente avec elle-même lorsqu'elle précarise le travail avec le CPE, et le système éducatif avec l'apprentissage junior. Il y a là entre elle et la gauche un clivage fondamental qui n'est d'ailleurs pas récent.

En outre, votre dispositif est difficilement applicable. Des formules similaires existent et ont un échoué  : le centre de formation des apprentis permet aux jeunes de quatorze à quinze ans de mettre à niveau leurs connaissances en intégrant une classe préparatoire à l'apprentissage, sans rémunération et avec stage de deux semaines par mois en entreprise. Pas plus que les classes d'initiation pré-professionnelles en alternance, le CFA ne fonctionne : 10 000 élèves sont actuellement concernés, soit beaucoup moins qu'au début des années 1970.

Puisque l'on constate un taux de rupture des contrats d'apprentissage de l'ordre de 25 %, pourquoi contraindre les jeunes en difficulté à s'orienter vers l'apprentissage ? Votre proposition n'est pas le meilleur moyen de revaloriser les enseignements manuels. Nous estimons qu'un grand plan doit être mis en place, pour promouvoir une véritable culture technologique et permettre la formation en alternance.

Enfin, les professionnels - chambres des métiers, confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment - ont exprimé leur circonspection face à ce dispositif : ainsi le président de la CAPEB du Tarn-et-Garonne souhaitait-il, dans la Dépêche du Midi, que les jeunes viennent aux métiers par choix, et non par défaut. L'Union professionnelle artisanale déplore pour sa part l'association entre échec scolaire et apprentissage.

Il faut rendre le travail manuel plus attractif. Si les jeunes délaissent cette voie, c'est que ces métiers sont précaires, faiblement rémunérés et que les conditions de travail y sont difficiles. C'est sur ces aspects qu'il faut agir, alors que vous vous acharnez depuis quatre ans à favoriser la baisse du coût salarial des jeunes. Les élèves en alternance éprouvent déjà des difficultés à trouver des entreprises qui les rémunèrent ; le crédit d'impôt que vous proposez ne sera certainement pas suffisant !

Enfin, l'apprentissage junior prétend laisser une grande place à l'accompagnement des jeunes : mais comment les tuteurs seront-ils désignés, dans un contexte de réduction des postes à l'Éducation nationale ? Ce texte semble bricolé. L'apprentissage junior est un recul social et culturel, qui accentuera les effets néfastes d'une sélection déjà trop précoce.

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Président, nous avons fait partie l'un et l'autre d'une délégation du Bureau de l'Assemblée nationale conduite à l'Elysée le 3 janvier par notre Président. M. Debré, présentant ses vœux au Président de la République, s'est déclaré préoccupé de constater que certains projets de loi étaient précipitamment rédigés, et que le Gouvernement était amené à amender son propre texte en plein milieu de la discussion. Il a cité comme exemples le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées et celui relatif aux droits d'auteur - sur lequel le Gouvernement a présenté deux amendements de quatre pages - et a regretté que le travail de concertation avec les parlementaires, en amont, en commission ou dans l'hémicycle soit de moins en moins bon.

Or, nous allons bientôt examiner un amendement qui constitue une loi en soi-même : l'article additionnel relatif au contrat première embauche. C'est d'abord anticonstitutionnel : en effet, aux termes de l'article 39 de la Constitution, les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Or, si l'on légifère par amendements, il n'y a plus de consultation du Conseil d'État. Pire : les députés sont eux-mêmes dépossédés de leur pouvoir d'amendement ! Ils ne peuvent plus que sous-amender le texte - en l'occurrence, un article additionnel entier. Les sénateurs, eux, pourront amender cet article, puisqu'ils seront saisis du texte adopté par l'Assemblée nationale. Cette méthode a donc pour effet pervers de subordonner l'Assemblée au Sénat. L'urgence étant déclarée, une commission mixte paritaire sera réunie dès la fin de la première lecture et le compromis auquel elle arrivera ne pourra pas être amendé : les députés n'auront donc à aucun moment pu exercer leurs droits sur les parties du texte présentées par amendement.

Nous avions déjà constaté le renforcement des pouvoirs du Sénat au moment de la discussion de la loi de décentralisation et du chantage sur le calendrier électoral. La pratique de la déclaration d'urgence transforme l'Assemblée nationale, comme le dit Jean-Luc Warsmann, en chambre d'enregistrement des dérives du Sénat. Ce nouveau déséquilibre est particulièrement grave. Sous Bonaparte, le Tribunat discutait sans voter et le corps législatif votait sans discuter. Aujourd'hui, l'Assemblée n'est plus là que pour regarder passer les trains ! Mais ses pouvoirs sont l'affaire des députés, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, car ceux qui sont dans la majorité aujourd'hui seront un jour dans l'opposition. Aucun de nous ne peut supporter que les pouvoirs de l'Assemblée soient rognés de quelque façon que ce soit.

M. le Président - Merci, Monsieur Brunhes, pour cette mini motion d'irrecevabilité.

M. Christian Paul - Nous atteignons enfin l'article premier, l'un des piliers du texte, et nous avons la chance d'avoir parmi nous le ministre de l'éducation nationale. Si M. de Robien est fin escrimeur et a réussi, depuis le début de la journée, à esquiver le débat et à détourner tous les arguments de l'opposition, il faudra tout de même bien qu'il assume ses positions de fond sur l'article premier.

Le Premier ministre, lors de la crise de novembre, a eu une illumination : la seule réponse possible à la déscolarisation serait l'apprentissage à quatorze ans. Il faut aujourd'hui expliquer ce choix au Parlement. C'est en effet bien la fin de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans. Vous créez une période de préapprentissage sous statut scolaire dès quatorze ans et généralisez l'accès à l'apprentissage à partir de quinze ans. Ce qui était une dérogation devient une voie d'orientation massive. Il faut assumer devant le pays cette rupture avec une règle qui a permis, depuis un siècle, d'élever le niveau d'éducation des jeunes Français.

Pire : vous sous-traitez le problème de l'échec scolaire. Vous en transférez la prise en charge massivement vers les entreprises et les régions. Ce sont elles qui devront réunir les moyens que vous ne donnez plus à l'éducation nationale. Avant même que la loi ne soit votée, les budgets de l'enseignement technique professionnel connaissaient une purge massive. On a supprimé des BEP, des bacs professionnel, des IUT et des BTS qui ouvraient à des jeunes des milieux modestes une voie d'excellence. Si les lycéens sont aujourd'hui dans la rue, c'est contre le contrat première embauche bien sûr, mais aussi contre cette carte scolaire qui anéantit des filières qui avaient réussi à donner des emplois aux jeunes.

L'apprentissage à quatorze ans est un leurre et va renforcer la discrimination scolaire. Il a provoqué de nombreuses réactions, que vous n'avez pas entendues : de la part des régions, qui se sont insurgées contre ce projet toutes appartenances politiques confondues, des parents d'élèves, qui voient bien le piège - en dévalorisant l'apprentissage, on ne règle pas la question de l'échec scolaire et on compromet l'avenir de ceux qui s'étaient déjà engagés dans ces filières - et aussi des entreprises. Les entreprises artisanales, celles qui accueillent les apprentis, vous disent depuis des mois qu'elles ont besoin de dispenser une qualification de plus en plus haute et que leurs apprentis doivent avoir acquis les connaissances de base. Ce n'est pas le cas des jeunes qui partiront en apprentissage : à quatorze ans, ce sont encore des enfants !

M. le Président - Monsieur Paul, je vous prie de conclure.

M. Christian Paul - Cette mesure de régression éducative sans précédent n'est accompagnée d'aucune garantie de succès. Le taux d'abandon sera sans doute encore plus élevé qu'aujourd'hui - dans certaines filières, un contrat sur quatre est déjà rompu avant son terme - mais les jeunes ne reviendront pas vers le collège pour autant, contrairement à ce que vous laissez croire. Ce que vous leur offrez, c'est un aller simple !

Qui seront les tuteurs de ces jeunes ? Où sont les milliers de postes d'enseignants nécessaires si l'on veut 500 000 apprentis par an ? Où sont les moyens, financiers et humains ? Qui ira vérifier les conditions de sécurité dans les entreprises ?

M. le Président - Monsieur Paul...

M. Christian Paul - Enfin, qu'en sera-t-il du travail de nuit des apprentis juniors et des apprentis de quinze ans ?

De grâce, chers collègues, prenez la mesure de ce qui nous est proposé !

M. le Président - Je signale que tous les orateurs ont dépassé leur temps de parole. Dans la défense des amendements, j'appelle chacun à ne pas dépasser la durée maximale de cinq minutes.

M. Gilles de Robien, ministre - Je tiens à répondre aux orateurs.

Madame Hoffman-Rispal, ce n'est pas ou l'apprentissage ou les ZEP, c'est et l'apprentissage et la relance des ZEP. En effet, depuis vingt-cinq ans, la belle idée de l'éducation prioritaire n'a pas failli, mais elle s'est affadie, affaiblie. Comme vous l'avez très justement dit, il est nécessaire, au sein de ces zones, d'apporter à certains établissements le renfort d'enseignants expérimentés pour épauler les plus jeunes. C'est pourquoi nous avons bâti un système d'incitation, destiné à faire revenir 1 000 enseignants dans 200 à 250 collèges que nous baptisons «ambition réussite », qui seront sélectionnés selon des critères nationaux correspondant à des difficultés particulières. En outre, nous allons affecter aux collèges et écoles des réseaux ambition réussite 3 000 assistants pédagogiques, qui permettront d'organiser quatre fois par semaine des études obligatoires. Ces 1 000 professeurs et 3 000 assistants pédagogiques ne vont pas recevoir de feuille de route précise ; chaque réseau ambition réussite aura son comité directeur, qui bâtira un projet, lequel sera validé par l'inspecteur d'académie.

De plus, nous allons affecter à chacun de ces collèges ambition réussite au moins un infirmier ou une infirmière.

Le plan de relance des ZEP comporte une quinzaine d'autres mesures, notamment l'organisation de nouvelles relations entre la communauté pédagogique et les parents ; nous demandons qu'une salle soit réservée à cet effet dans chaque établissement et qu'une fois par trimestre, les enseignants ou le responsable d'établissement rencontrent les parents. Nous voulons aussi que cette pièce permette à des parents de discuter entre eux des difficultés qu'ils rencontrent, ou de recevoir les conseils d'associations - ce que certains n'aiment pas voir appeler l'école des parents, terme que pour ma part je trouve très beau. Par ailleurs, on fera appel à des traducteurs en cas de besoin, une formation spécifique sera dispensée aux enseignants, et ces établissements seront prioritaires pour recevoir du tutorat étudiant.

En septembre 2006, il y aura davantage d'établissements en ZEP qu'à la rentrée 2005.

M. Jean-Pierre Blazy - Avec quels moyens ?

M. le Ministre - Nous les avons dans le budget, tant pour les assistants pédagogiques que pour les professeurs. En ce qui concerne ces derniers, la baisse des effectifs scolaires aurait mathématiquement dû conduire à retirer 2 585 postes dans le secondaire ; en en retirant que 1 300, il en reste plus de 1 200 pour augmenter l'encadrement dans les collèges prioritaires. Et je vais également recruter 1 000 professeurs dans le premier degré, ce qui permettra d'augmenter le taux d'encadrement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je sais que cela vous ennuie...

M. Jean-Pierre Blazy - Nous n'y croyons pas !

M. le Ministre - Que vous y croyiez ou non, c'est la réalité, et vous pourrez la constater sur place ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Par ailleurs, il n'y a aucune différence entre ce que j'ai dit en décembre et ce que j'ai dit hier. Le 13 décembre, j'avais déjà annoncé la sélection de 200 à 250 collèges sur des critères nationaux. Pour le moment, nous avons une liste de 164 établissements, que j'ai demandé aux recteurs et inspecteurs d'académie de compléter.

M. Jean-Pierre Blazy - 200 à 250 collèges, cela fait combien d'élèves ? Pas beaucoup...

M. le Ministre - J'ai dit aussi que d'ici trois ans, des établissements pourraient sortir de l'éducation prioritaire, dans la mesure où ils atteindraient des résultats suffisants, ce qui serait une preuve de succès.

Quant aux apprentis juniors, Monsieur Blazy, je suis convaincu que les entreprises vont les prendre. Non seulement parce qu'elles vont bénéficier d'avantages fiscaux, mais parce qu'ils seront bien mieux formés que les autres et parce qu'ils seront d'autant plus motivés qu'ils auront choisi cette voie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Contrairement à ce que vous dites, ce n'est pas une remise en cause du collège unique. Je veux faire du collège unique un collège pour tous, qui respecte les talents et les besoins de chacun, qui aide chacun personnellement à réussir.

Les CLIPA, ce n'est pas mal, mais ce n'est pas suffisant. L'apprentissage junior, ce sera mieux, parce qu'il y a une garantie du socle et un meilleur suivi des jeunes ; chacun reste rattaché à son collège d'origine.

Monsieur Paul, l'apprentissage à quatorze ans n'est pas la fin de la scolarité obligatoire ; c'est, dans le cadre de celle-ci, une autre voie de formation et de réussite. Lisez le projet : le parcours d'initiation aux métiers est effectué sous statut scolaire, et le contrat d'apprentissage peut être rompu jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, le jeune pouvant alors reprendre sa scolarité dans un collège (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En outre, l'article 115-1 du code du travail dispose que l'apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la nation. Non, nous ne proposons pas la sortie précoce du système scolaire : je vous renvoie à la lecture de l'alinéa 4 de l'article premier. Le texte d'application prévoira que l'élève suivant une formation d'apprenti junior restera inscrit sur le registre du collège et sera suivi par un professeur référent. Enfin, l'apprenti junior acquerra par la formation en apprentissage le socle commun de connaissances - alinéa 7.

Je suis à votre disposition pour vous apporter dans la suite du débat d'autres réponses à vos interrogations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Monsieur Brunhes, je vous rappelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel, confirmée par la décision du 19 janvier dernier : est autorisé tout amendement non dénué de lien avec l'objet du texte. Tel est bien le cas pour les trois articles additionnels proposés, qu'en outre nous avons soumis à la commission. Sur le texte de modernisation sociale, le Gouvernement avait introduit 60 articles additionnels mais beaucoup n'avaient pu être examinés par la commission.

M. Henri Emmanuelli - D'où sortez-vous cela ?

M. le Ministre délégué - Quant à la procédure d'urgence, elle avait été utilisée sur le projet de loi contre les exclusions de 1998.

Pour ce qui est de l'Assemblée permanente des chambres de métiers, elle a adopté, à l'unanimité moins une voix, un texte dans lequel elle déplore que la fixation à seize ans de l'âge de l'accès à l'apprentissage ait longtemps constitué un frein à l'apprentissage dans certains métiers et se félicite de son abaissement à quatorze ans, « réponse de long terme pour une filière, rappelle-t-elle, qui assure plus de 80 % de placements en fin de formation, et a fait ses preuves en matière d'intégration et de resocialisation de publics en difficulté. »

M. Henri Emmanuelli - Et que pense l'UPA ?

M. Jacques Brunhes - Monsieur Larcher, vous ne semblez pas avoir bien compris les propos du président Debré lorsqu'il fustigeait ceux qui déposent à la dernière minute des amendements de quatre pages. En effet, le Gouvernement persiste et signe, déposant sur ce texte un amendement de cinq pages qui constitue bel et bien un cavalier puisqu'il pourrait, et devrait, faire à lui seul l'objet d'un projet de loi. Dans la mesure où il s'agit d'un amendement, non seulement le Conseil d'État n'en a pas été saisi mais nous ne pourrons que sous-amender ce texte, ce qui remet bien en cause notre droit d'amendement. Vous ne pourrez pas nous démontrer le contraire.

Monsieur de Robien, quant à vous, vous êtes très optimiste...

M. le Ministre - C'est ma nature.

M. Jacques Brunhes - L'optimisme est une qualité, mais vous en faites preuve ici à contre-temps. Vous êtes bien le seul à penser que l'apprentissage dès quatorze ans ne remet pas en cause la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans. Toutes les organisations syndicales disent le contraire et dénoncent un « recul historique inacceptable ». Les artisans et les patrons de PME ne voient non plus rien de bon à orienter vers l'apprentissage des jeunes de quatorze ans en échec scolaire. Ainsi, le président de la Fédération nationale de la coiffure souligne « qu'avant seize ans , les jeunes manquent encore souvent de maturité, de discipline et d'éducation. »

Il est inacceptable que l'État refuse de donner à notre système éducatif les moyens dont celui-ci aurait besoin et qu'il serait parfaitement possible de trouver. Un plan d'envergure de lutte contre l'exclusion, notamment contre l'échec scolaire d'un trop grand nombre de nos jeunes, doté de 6,2 milliards d'euros cumulés sur 2006 et 2007, aurait pu être engagé simplement en supprimant certaines des dispositions fiscales de la dernière loi de finances, destinées à accroître les profits des entreprises, les gains des actionnaires et le train de vie des plus fortunés. La suppression du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée rapporterait à elle seule, selon les estimations du rapporteur général lui-même, 1,5 milliard d'euros par an, ce qui permettrait de tripler les moyens spécifiques consacrés aux ZEP - estimés par la Cour des comptes à 516 millions d'euros par an.

Alors que le Président de la République dénonce « les discriminations qui sapent les fondements mêmes de notre République », le Gouvernement et sa majorité ont donc été bien mal inspirés d'offrir 1,2 milliard d'euros d'allègements fiscaux en 2006 à une minorité de privilégiés. L'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème de l'impôt sur le revenu rapportera 885 millions d'euros à quelque 120 000 foyers les plus aisés. Le bouclier fiscal, quant à lui, permettra à 14 000 contribuables parmi les plus fortunés d'économiser au total 250 millions, sans parler des 68 millions d'économies d'impôts offertes aux 12 000 hauts cadres et PDG actionnaires de leur entreprise qui bénéficieront d'un abattement de 75 % sur la valeur de leurs actions, au titre de l'impôt sur la fortune. Face à cela - il est bon de faire le parallèle - le président de la Fondation Emmaüs s'alarme de la progression de la misère à un rythme jamais atteint dans notre pays. Est-il acceptable que les pertes de recettes fiscales représentent le double des moyens engagés en faveur de la rénovation urbaine et de l'équité sociale et territoriale ? D'autres choix budgétaires étaient possibles qui auraient permis de mettre en place une école de la réussite pour tous.

Faire quitter l'école à quatorze ans à un jeune, c'est sceller son sort prématurément...

M. le Président - Monsieur Brunhes, il faut conclure.

M. Jacques Brunhes - ..., ce n'est pas le préparer convenablement à une vie citoyenne, c'est aussi renforcer l'image d'un enseignement professionnel dont la seule vocation est pour vous d'accueillir les jeunes en échec scolaire. Refusant cette vision, nous proposons par notre amendement 38 de supprimer l'article premier.

M. Alain Joyandet - Rappel au Règlement. Certains de nos collègues viennent de nous rejoindre dans ce débat, quand certains d'entre nous sont là depuis trois jours. Nous avions convenu de terminer l'examen des deux premiers articles avant 1 heure du matin. A ce rythme-là, ce ne sera pas possible. Quatre inscrits sur l'article premier appartenant à l'opposition ont tout à l'heure dépassé leur temps de parole. Je vous demande, Monsieur le Président, de faire respecter le Règlement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Avant le dîner, les très nombreux amendements déposés avant l'article premier ont permis d'engager un débat de fond, dans lequel le Gouvernement s'est largement exprimé. Et voilà que l'on nous ressert de nouveau les mêmes arguments. Je vous l'assure, Monsieur le président, vous qui arrivez également, votre prédécesseur cet après-midi a déjà entendu tout cela. Si le Règlement n'est pas respecté non plus que ce qui a été convenu entre nous, nous serons obligés de demander une suspension de séance pour voir comment nous organiser.

M. le Président - Si elle n'a pas à se prononcer sur le contenu des interventions, la présidence doit faire respecter les temps de parole, et je le fais. Le groupe socialiste a déposé douze amendements de suppression de l'article premier. Peut-on considérer, Monsieur Gorce, qu'en présenter deux ou trois suffira ? M. Durand n'étant pas là, l'amendement 240 n'est pas défendu.

M. Christian Paul - Je défends pour ma part le 241. Nous ne pouvons qu'être résolument opposés à l'apprentissage dès quatorze ans. Tout d'abord, parce que cela ne sert pas cette filière.

Un député UMP - Et pourquoi ?

M. Christian Paul - Parce que l'apprentissage va devenir une orientation subie pour les jeunes en échec scolaire. Tous les gouvernements successifs depuis quinze ans, y compris ceux de droite, se sont battus pour que celui-ci soit reconnu comme une voie de réussite scolaire comparable aux autres. M. de Villepin s'est imaginé qu'il tenait là une panacée pour répondre à la crise des banlieues de la fin de l'année dernière, sans voir que cela desservirait gravement cette filière d'excellence tout en ne résolvant en rien l'échec scolaire.

Vous avez essayé de démontrer, Monsieur le ministre, que cela ne remettait pas en question la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans , mais vous n'avez convaincu personne. Des jeunes à peine entrés au collège, venant tout juste pour certains d'entre eux de quitter le CM2, vont être envoyés en apprentissage junior, où ils échoueront faute de posséder les bases suffisantes et sans aucune possibilité de retour au collège. C'est un aller sans retour que vous leur proposez.

Vous avez tout à l'heure évoqué les ZEP en réponse à Danièle Hoffman-Rispal. Nous savons ce qui reste aujourd'hui des crédits pédagogiques dans les ZEP et aimerions d'ailleurs des précisions à ce sujet. Après quatre ans, les Français ne croient plus à vos annonces. Il suffit de voir ce qui se prépare pour la prochaine rentrée, et qui sera un désastre sans précédent. Mille postes supplémentaires pour les ZEP, nous promettez-vous. La belle affaire ! Dans la seule région de Bourgogne, en deux ans, cinq cents postes, transférés vers d'autres régions, ont été supprimés dans l'enseignement secondaire et plusieurs filières d'excellence avec des BEP ou des bacs professionnels ouvrant vraiment vers des emplois, ont été fermées, alors même que les enseignants avaient parfois mis quinze ans à les mettre en place et à les faire connaître. Et on dit maintenant aux parents dans les rectorats que cela s'explique du fait que l'on met désormais l'accent sur l'apprentissage dès quatorze ans (M. de Robien fait un signe de dénégation). Interrogez les proviseurs de lycée professionnel.

Ils vous diront que le ministre met en place une carte scolaire dont les ravages seront sans précédent.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Faites respecter le temps de parole, Monsieur le président !

M. Christian Paul - Les Français sont en train de vous juger, Monsieur le ministre.

M. le Président - La parole est à M. Vidalies pour présenter l'amendement 242.

M. Alain Vidalies - Votre initiative, qui consiste à envoyer en contrat d'apprentissage les élèves en échec scolaire, est en train de sérieusement mettre à mal, Monsieur le ministre, l'idée que l'apprentissage est une filière d'excellence. Va-t-on assister au retour de ces discours dignes du XIXème siècle selon lesquels il conviendrait de distinguer l'intelligence conceptuelle de l'intelligence manuelle ? Ceux qui n'auraient pas la première et qui ne pourraient donc pas faire des études auraient tout naturellement la seconde, qu'il conviendrait d'exploiter dans l'artisanat (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il n'y a plus guère qu'ici, sur les bancs du groupe UMP, que l'on entend encore ce genre de discours poujadiste. Les chefs d'entreprise ne pensent pas cela.

Une étude du CEREQ montre qu'un tiers seulement des entreprises qui reçoivent des apprentis les conservent comme salariés. Et selon les professions, les différences sont considérables. Dans la coiffure, il n'y a que 15 % des apprentis qui sont ensuite embauchés...

M. Guy Geoffroy - Ils sont embauchés ailleurs !

M. Henri Emmanuelli - Dites cela aux chômeurs !

M. Alain Vidalies - Permettez-moi enfin de citer la conclusion de cette étude : « la poursuite des études par la voie scolaire protège toujours mieux du chômage qu'une orientation précoce vers un centre de formation des apprentis. » Voilà la conclusion d'une étude réalisée par un organisme officiel sur 700 000 jeunes, une étude où l'on regarde de près quelle est la situation des apprentis trois ans après la fin de leur apprentissage !

Par pure idéologie, Monsieur le ministre, vous vous engagez tout de même dans une voie dont je viens de dire les limites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J'aimerais par ailleurs que vous répondiez à la question suivante, Monsieur le ministre : ces enfants de quinze ans auront-ils à travailler la nuit ?

M. le Président de la commission - Le temps de parole !

M. le Président - Il faut conclure.

M. Alain Vidalies - Mais enfin, il faut que le ministre réponde à ces questions-là. Les Français ont le droit de savoir ! Un décret de janvier 2006 a déjà autorisé le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés dans une vingtaine de professions. Cela va concerner des enfants de quatorze ou quinze ans. Quel progrès social !

M. Gérard Voisin - Rappel au Règlement. Il y a des choses que l'on ne peut pas entendre sans réagir. S'il y en a un qui peut parler sur le sujet, c'est moi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Oui, Monsieur Emmanuelli, bac moins deux ! Ni fier, ni heureux de cela, mais...

M. le Président - Je vous ai donné la parole pour un rappel au Règlement. Si vous voulez parler contre les amendements de suppression, je vous la donnerai tout à l'heure.

M. le Président de la commission - On n'a plus le droit de parler, alors ?

M. Alain Joyandet - Rappel au Règlement. Quatre orateurs de gauche viennent de s'exprimer en dépassant leur temps de parole. Un député du groupe UMP demande la parole et vous l'interrompez, Monsieur le Président ! Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas s'exprimer dans le cadre d'un rappel au Règlement, comme un autre président a, précédemment, incité des orateurs de gauche à le faire ! Il faut remettre de l'ordre dans nos travaux.

M. le Président - Il n'y a pas eu de dépassement de temps de parole dans la présentation des amendements, compte tenu de la procédure que j'ai utilisée. Vous pourrez parler contre les amendements, mais lorsque tous les amendements identiques auront été présentés.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Nous avons pour l'instant un débat de qualité, qui porte sur des questions de fond, et il serait dommage de s'enfermer dans des considérations sur la procédure. Des questions très précises ont été posées. M. Vidalies a par exemple demandé... (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. le Président - En effet, Monsieur Gorce. Je vais donner la parole à M. Brunhes, qui me l'a demandée pour un rappel au Règlement.

M. le Président de la commission - Je souhaitais m'exprimer !

M. le Président - Vous aurez la parole tout de suite après.

M. Jacques Brunhes - Oui, chacun son tour.

M. le Président de la commission - Cela fait dix minutes que j'ai demandé la parole, avant M. Brunhes ! Et je suis président de commission ! Mais il n'y a que la gauche qui peut parler !

M. Jacques Brunhes - Tout à l'heure, j'ai été mis en cause par M. Joyandet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...

M. le Président - S'il s'agit d'un fait personnel, vous devez le faire en fin de séance.

M. Jacques Brunhes - Non, M. Joyandet a simplement fait remarquer qu'un certain nombre de collègues, dont moi-même, n'étaient pas là lors des séances précédentes. Permettez-moi donc de lui répondre qu'il n'y a que 22 présents sur les 354 membres que compte le groupe UMP. Cela fait donc 332 absents sur vos bancs ! N'employez donc pas ce type d'arguments, Monsieur Joyandet, c'est inacceptable ! Je demande une suspension de séance.

M. le Président de la commission - Non, c'est moi qui la demande !

La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 23 heures 10.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 246 est défendu.

M. Michel Charzat - L'amendement 247 tend à supprimer cet article, qui porte atteinte à la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, et multiplie les stages en milieu professionnel. Or, la situation de ces jeunes stagiaires est inacceptable, à tel point qu'en septembre 2005, un appel à la grève a été diffusé sur internet, suivi par la première manifestation des stagiaires le 4 octobre 2005. Camouflés derrière un masque blanc pour préserver leur anonymat, mais aussi dénoncer leur condition de mannequins jetables et interchangeables, ils sont venus crier leur colère au grand public.

L'existence d'une armée de réserve de l'entreprise, toujours disponible, sans cesse renouvelée, sans aucun droit, pas même celui de recevoir un salaire, sert de variable d'ajustement, peu onéreuse, à des entreprises parfois peu scrupuleuses. Il arrive d'ailleurs que certaines d'entre elles fonctionnent avec plus de stagiaires que de salariés.

Cette forme d'exploitation moderne est à l'origine d'un cercle vicieux auquel seule une loi pourrait mettre fin. Pourquoi en effet embaucher des salariés bien plus coûteux que des stagiaires ?

Face à ce constat, il convient de rappeler la véritable vocation du stage. Souvent effectué au cours de la formation, il est censé, grâce à l'encadrement pédagogique, permettre aux jeunes de s'insérer professionnellement.

C'est cette mission que nous souhaitons restaurer par nos amendements.

Le Gouvernement semble n'avoir que très partiellement entendu les revendications des jeunes précaires. L'alinéa 6 de l'article premier prévoit ainsi que les entreprises devront verser une gratification aux stagiaires apprentis. Plus généralement, un amendement gouvernemental introduit une indemnisation pour les stages supérieurs à trois mois. Ces concessions minimales ne sont qu'un premier pas, et il reste beaucoup à faire avant de parvenir à un véritable statut du stagiaire en entreprise.

Aussi proposerons-nous des dispositions d'encadrement pédagogique et juridique du stage, comme l'obligation d'établir une convention de stage, et d'expliciter les capacités d'encadrement de la structure d'accueil.

Afin de s'assurer que le stage concoure réellement à la formation, et participe pleinement au projet d'insertion professionnelle du jeune, nous proposerons que l'accompagnement du stagiaire soit personnalisé et individualisé sur la base d'un système de tutorat.

Par ailleurs, afin de limiter les abus et l'enlisement des jeunes dans une situation précaire, nous demanderons que le stage ait une durée déterminée, fixée dans la convention, et qui soit prise en compte, en cas d'embauche, comme période d'essai, et dans le calcul de l'ancienneté.

Enfin, afin de valoriser le jeune, et qu'il ne supporte pas le coût du stage, nous proposerons que le stagiaire soit rémunéré, et que ses frais d'hébergement, de transport et de restauration soient remboursés. Tels sont les objets des amendements que nous défendrons prochainement, si vous n'avez pas la sagesse de renoncer à ce funeste article.

M. Henri Emmanuelli - Monsieur Larcher, on nous dit que vous auriez entendu beaucoup de répétitions, mais nous vous avons entendu répéter trois fois en deux jours que l'assemblée permanente des chambres de métiers avait donné son accord. Vous êtes moins disert sur la position de l'UPA, deuxième organisation patronale française qui regroupe 800 000 entreprises, et qui n'est pas favorable à votre réforme. C'est que l'UPA connaît l'étude du CEREQ, qui montre que les enfants prématurément sortis du système scolaire ne font pas de bons apprentis. Si l'on veut revaloriser le travail manuel, il ne faut pas orienter systématiquement les enfants en difficulté vers l'apprentissage. C'est là toute la faiblesse de votre raisonnement. On ne valorisera pas l'apprentissage en créant une sous-catégorie d'apprentis recrutés sur la base de l'échec ! Quant à dire que ces apprentis juniors restent dans le système scolaire, c'est un conte de fées ! Selon vous, ces enfants pourront être réintégrés dans le système scolaire mais on les en a fait sortir justement parce qu'ils étaient en échec. Ça ne tient pas debout ! Vous le savez parfaitement. C'est pourquoi, par l'amendement 251, nous vous demandons de renoncer à cet article premier.

M. le Rapporteur - Quelques mots de l'étude du CEREQ. Au-delà des clivages politiques, nous voulons tous donner à l'alternance une place plus importante dans notre système éducatif.

Plusieurs députés socialistes - L'alternance ! Pas la formule que vous nous proposez !

M. le Rapporteur - Alors que 80 % d'une tranche d'âge préparent un diplôme de niveau baccalauréat ou plus dans la filière générale, cette proportion tombe à 40 % dans la filière professionnelle. Si l'on conçoit ainsi la filière professionnelle, autrement dit l'apprentissage, comme un système coupé de la filière générale, on arrive au résultat suivant : la filière professionnelle ne permet pas d'acquérir d'aussi bonnes qualifications que la filière générale. Les élèves qui suivent ce cursus sont donc moins bien protégés contre le chômage. C'est la conclusion de l'étude du CEREQ. Face à cette situation, il y a deux manières de réagir : soit maintenir la cloison entre les deux systèmes, soit l'abattre. Or, l'apprentissage junior prolonge une série de réformes tendant à développer l'apprentissage à tous les niveaux de diplômes. C'était l'un des objectifs du plan de cohésion sociale. Il se concrétise aujourd'hui par la conclusion de conventions entre l'État et les régions en 2005 - l'État a puisé 250 millions d'euros dans le fonds national de modernisation et de développement - afin de développer des formations en apprentissage aux niveaux bac, bac + 2, bac + 3 et bac + 5. Il faut également prévenir la rupture des contrats d'apprentissage, dont le taux est très élevé en France par rapport à des pays comme l'Allemagne qui ont une tradition d'alternance - 20 à 25 % en France, contre 7 à 8 % en Allemagne. Pour cela, une seule solution : faire découvrir les métiers et préparer l'entrée en apprentissage dès que l'orientation vers la voie professionnelle se profile. C'est tout l'intérêt du système d'apprentissage junior : une phase de découverte des métiers en amont de la signature du contrat ; puis un suivi pédagogique durant la première année d'apprentissage, qui faisait cruellement défaut jusqu'alors dans les CPA et les CLIPA. Plus de deux tiers des régions françaises ont d'ailleurs choisi de consacrer une partie des fonds fournis par l'État pour l'apprentissage au développement de la préparation à l'apprentissage et au préapprentissage. En revanche, le tutorat devra davantage être développé et la commission vous proposera des amendements en ce sens.

Autre aspect fondamental de la question, nous continuons de centrer l'apprentissage sur les diplômes - c'est le cas de 90 % des titres délivrés en apprentissage - afin de permettre des passages entre la filière professionnelle et la voie générale.

L'étude du CEREQ a donc également nourri ma réflexion. Comme les présidents des régions,...

M. Henri Emmanuelli - Ne parlez pas à leur place !

M. le Rapporteur - ...j'en ai conclu que l'entrée en apprentissage doit être préparée. C'est ce raisonnement qui a conduit la commission, sous réserve de l'adoption de ses amendements, à soutenir le dispositif de l'article premier. Par conséquent, avis défavorable aux amendements de suppression 38, 241, 242, 246, 247 et 251.

M. le Ministre - Messieurs Emmanuelli et Vidalies, vous avez exprimé des doutes sur la réversibilité de l'entrée en apprentissage et l'acquisition du socle commun. Reportons-nous donc à la loi républicaine à qui vous accordez votre confiance. Aux termes du quatrième alinéa de l'article premier, « le contrat d'apprentissage peut être rompu jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire » et « le jeune peut reprendre sa scolarité dans un collège ».

M. Henri Emmanuelli - C'est une pure fiction !

M. le Ministre - Quant au socle commun, il est bien spécifié au cinquième alinéa que l'apprentissage concourt à son acquisition, et au septième que le jeune doit être jugé apte à poursuivre son acquisition par la voie de l'apprentissage. Je ne peux pas vous dire mieux que le texte de loi !

M. Henri Emmanuelli - La loi n'a pas le pouvoir de transformer la fiction en réalité !

M. le Ministre délégué - À plusieurs reprises, a été évoqué le décret du 13 janvier encadrant les dérogations à l'interdiction du travail de nuit. Rappelons que, pendant trente ans, ce domaine était simplement réglementé par circulaire, ce que la cour de cassation a jugé illégal en janvier dernier. Ce décret est conforme à nos engagements. Dans la restauration et l'hôtellerie, les apprentis ne pourront plus travailler au-delà de 23 heures 30 et la présence effective de leur maître d'apprentissage sera requise.

M. Henri Emmanuelli - Encore heureux qu'on ne laisse pas le gamin tout seul !

M. Christian Paul - C'est une grande conquête sociale !

M. le Ministre délégué - Par ailleurs, l'enfant de quinze ans, en raison de son âge, n'est pas un salarié comme les autres. Il bénéficie, et c'est normal, de protections renforcées inscrites dans le code du travail - interdiction de manipuler des machines dangereuses, d'effectuer des tâches pénibles, contrôle de l'inspection de l'apprentissage. Le comité de pilotage sur l'apprentissage, mis en place par les ministères du travail et de l'éducation nationale, a d'ailleurs créé un groupe de travail pour travailler sur ce dossier.

Enfin, l'article 211-1 du livre II du code du travail, qui s'applique également aux élèves de formation générale en stage, s'appliquera à l'apprenti durant son initiation à la découverte des métiers.

Mme Valérie Pecresse - Bravo !

M. le Ministre délégué - L'accompagnement de l'apprenti et sa protection sont bien les préoccupations majeures des ministères du travail et de l'éducation nationale ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Voisin - Le rapporteur et les ministres ont réussi à apaiser nos débats.

M. Henri Emmanuelli - Sans nous convaincre pour autant !

M. Gérard Voisin - Les socialistes et les communistes ont des discours de nantis, d'intellectuels. Je ne suis pas fier de ne pas avoir le bac, mais c'est un fait. Cela ne m'a pas rendu malheureux. J'ai été garagiste, j'ai lavé des pneus, des voitures... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Je suis l'un des seuls à pouvoir faire du Zola ici ! J'ai été conseiller général, maire puis député et je suis un grand-père heureux !

M. Henri Emmanuelli - Quel homme ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Mignon - Un peu d'humilité...

M. Guy Geoffroy - ...et de décence !

M. Gérard Voisin - Monsieur Emmanuelli, vous ne respectez pas grand monde. Vous faites bien peu de cas de l'intelligence naturelle, ordinaire...

M. Henri Emmanuelli - Qu'est-ce que c'est l'intelligence ordinaire ?

M. Gérard Voisin - ...et de ce que peut offrir l'apprentissage. Ce matin, vous affirmiez que personne ici ne souhaitait à ses enfants d'entrer en apprentissage. C'est faux ! Mon fils m'a succédé, et il est heureux. Vous fabriquez des malheureux pour satisfaire vos ego.

M. Jean-Pierre Blazy - Heureusement, que les débats étaient « apaisés » !

M. Henri Emmanuelli - Ça va déraper à nouveau !

M. Gérard Voisin - Il y a des apprentis heureux et des cols bleus qui valent bien des cols blancs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Geveaux - Le bonheur est dans l'apprentissage !

M. Jean-Paul Anciaux - Si nous avons décidé de faire avancer ce dossier, c'est que la filière de formation professionnelle par alternance, qui aurait dû mêler formation en lycée professionnel et apprentissage, n'a pu, en quinze ans, se mettre en œuvre. Les socialistes en sont, pour une grande part, responsables.

Qu'observe-t-on aujourd'hui ? Les élèves sont orientés vers les filières techniques et technologiques, qui, aux yeux de beaucoup, demeurent celles de l'échec. Par ailleurs, l'Éducation nationale - qui tente de maintenir quelques postes dans les lycées, avec des demi-filières - livre une concurrence acharnée aux CFA. Enfin, les conseils régionaux - dirigés par les socialistes - commencent à prendre conscience qu'il leur faut souvent payer deux fois : une demi-filière dans un lycée professionnel et un quart de filière dans un CFA.

Aujourd'hui, nous tentons de faire émerger une véritable filière de l'alternance, qu'il faudra, c'est vrai, évaluer. Nous voulons qu'elle soit considérée comme une possibilité d'orientation pour les jeunes. M. le ministre l'a dit : le retour est possible.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est un leurre !

M. Jean-Paul Anciaux - Vous dites de ne pas y croire, mais pourquoi ? Parce que vous refusez de faire la promotion de cette possibilité auprès des enseignants, des familles et des jeunes. Cela vous ennuie, mais sachez qu'un jeune a le droit de « s'essayer » sur une filière d'apprentissage puis de réintégrer l'Éducation nationale.

Ce projet n'est certainement pas la panacée, mais il propose une solution courageuse. Essayez de mettre les jeunes dans la rue ; nous savons, pour notre part, qu'ils nous font confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF votera contre ces amendements de suppression. En effet, il n'est pas opposé à l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, à condition qu'un certain nombre de garanties soient respectées : un vrai stage d'apprentissage en entreprise avec un tutorat et la possibilité d'un retour à la scolarité classique.

Depuis tout à l'heure, nos débats peuvent donner l'impression que l'apprentissage est une filière dévalorisante. Je regrette d'ailleurs que ce dispositif apparaisse dans ce texte, présenté comme une réponse aux violences urbaines, et par conséquent, stigmatisant.

Les amendements 38, 241, 242, 246, 247 et 251, mis aux voix, ne sont pas adoptés

M. François Brottes - Le débat ne porte pas sur l'apprentissage, mais sur la fin de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans. L'amendement 226 vise donc à substituer au nombre « quatorze » le nombre « seize ». Ne stigmatisons pas les jeunes en les extrayant prématurément du système scolaire, ne stigmatisons pas non plus les entreprises, en laissant croire qu'elles peuvent se satisfaire de jeunes pas encore formés. Enfin, ne donnons pas aux jeunes l'illusion d'une liberté de sortie et n'exonérons pas le service public de l'Éducation nationale de ses missions : l'école publique doit rester celle de l'égalité des chances, et ce, au moins jusqu'à seize ans.

Je voudrais évoquer un scénario, intitulé « Junior, le Retour ». Monsieur le ministre, vous nous affirmez que le retour est possible. Mais comment va-t-il se dérouler ? Comment rattrape-t-on le retard scolaire ? Comment analyse-t-on, avec l'entreprise et avec l'enseignant, l'échec ?

M. Christian Paul - Grand silence...

M. François Brottes - Quel sera le suivi de ce jeune, de retour au collège, stigmatisé par sa fausse sortie ? Comment se remettra-t-il de cette expérience ? Quelle sera la réputation de l'entreprise qui n'aura pas su, ou pas pu, permettre au jeune d'accomplir son rêve d'apprentissage ?

Monsieur le rapporteur, vous avez fait allusion au rapport du CEREQ, dont je ne citerai qu'une phrase : « La poursuite des études par la voie scolaire protège toujours mieux du chômage qu'une orientation précoce vers un centre de formation d'apprentis. » Je crains que « Junior, le Retour » ne soit un scénario catastrophe !

M. le Rapporteur - Par cohérence, la commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 226, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 429 vise à préciser que le jeune doit avoir quatorze ans révolus à la rentrée scolaire.

M. le Rapporteur - Il s'agit d'une mesure réglementaire. Avis défavorable.

M. le Ministre - L'intention de M. Vercamer est louable, mais je souhaiterais qu'il retire son amendement. Il faut préserver une certaine souplesse.

M. Francis Vercamer - Il est retiré.

M. Christian Paul - L'amendement 227 est défendu.

L'amendement 227, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 vise à préciser qu'une fois l'admission effectuée, un projet pédagogique personnalisé est établi et que l'équipe pédagogique peut désigner en son sein un tuteur, chargé du suivi.

M. le Ministre - Je suis d'autant plus favorable à cet amendement que ce tuteur, qui n'est pas le tuteur professionnel, pourra s'assurer de la bonne transmission du socle commun de connaissances.

M. Jean-Pierre Blazy - Je vous avais interpellé sur cette question, sans obtenir de réponse. Je souhaiterais sous-amender cette proposition en précisant que l'équipe pédagogique « désigne », substituant ainsi l'obligation à la possibilité. En effet, il faut savoir qu'un retour au système scolaire ne sera possible que grâce à un tutorat réel et obligatoire.

M. le Rapporteur - La remarque de M. Blazy me paraît fondée : le caractère systématique du tuteur permet de garantir le socle de connaissances et le respect des règles pédagogiques du Code de l'éducation. Je suis donc favorable à sa proposition.

M. le Président - Ce sera le sous-amendement 576.

M. Jean-Pierre Blazy - Je souhaite aussi que M. le ministre précise comment ce tutorat pourra concrètement s'exercer. C'est une question importante, qui conditionne la possibilité d'un retour au système scolaire.

M. le Rapporteur - Je pense que sur ce point nous pouvons nous inspirer des initiatives de pré-apprentissage dont j'ai pu avoir connaissance : l'équipe des formateurs désigne en son sein un tuteur qui sera, sur la durée des deux ans d'apprentissage, le référent pédagogique.

M. le Ministre - Je propose de préciser dans le texte réglementaire que le tuteur est issu de l'équipe pédagogique et qu'il se voit confier des missions de coordination, de suivi de l'apprenti junior par le moyen d'entretiens réguliers, de gestion des relations avec le collège référent et les entreprises d'accueil, de détection et de résolution des problèmes que rencontrera l'apprenti.

Le sous-amendement 576, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 4, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 228 est défendu.

L'amendement 228, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 180 précise que le retour à la scolarité classique est possible à l'issue de chaque période de formation prévue.

L'amendement 180, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Je laisse M. Vercamer défendre l'amendement 5 de la commission avec son amendement 430 : ils sont identiques.

M. Francis Vercamer - Il est prévu que l'élève qui met fin à sa formation peut retourner dans un collège. Ces amendements précisent qu'il peut s'agir de son collège d'origine. Des jeunes pourraient en effet être dissuadés d'emprunter la filière de l'alternance par la crainte de ne pas retrouver leur collège, et donc leurs repères. Cela permet également d'éviter que l'apprentissage ne devienne une filière d'échec qui permet de se débarrasser de certains élèves.

Les amendements 5 et 430, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Christian Paul - Puisque cet article premier semble devoir être voté, nous voudrions au moins instaurer des garde-fous. C'est l'objet de l'amendement 405. Le tutorat doit être précisé : il ne s'agit pas seulement d'une fonction d'intermédiaire entre le jeune et son établissement mais d'un accompagnement individualisé, qui porte également sur l'acquisition des connaissances de base. Nous attendons encore, aussi, des précisions quant aux moyens que vous comptez lui affecter, notamment en termes de personnel. Disposez-vous déjà d'une évaluation, même grossière ? Avez-vous envisagé les conséquences budgétaires de ce dispositif ?

M. le Rapporteur - Cet amendement est satisfait par l'amendement de la commission sous-amendé par M. Blazy.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 405, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Les amendements 409 et 410 sont défendus.

Les amendements 409 et 410, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Blazy - Les amendements 411, 412 et 413 précisent que les stages, qui participent à l'insertion professionnelle des jeunes, doivent être pris en compte dans l'ancienneté du stagiaire, et plus particulièrement dans sa période d'essai lorsqu'il intègre l'entreprise à l'issue de son stage. L'amendement 404 qui suivra a le même objet.

M. le Rapporteur - La mission mise en place par le Premier ministre auprès des partenaires sociaux doit faire connaître sa position à ce sujet. En attendant, avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Les amendements 411, 412 et 413 ne sont pas adoptés.

M. Christian Paul - L'amendement 408 est défendu.

L'amendement 408, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 230 est défendu.

M. le Rapporteur - Cet amendement avait été repoussé en commission car nous n'avions pas eu le temps d'en vérifier l'impact fiscal et social, mais je m'étais engagé à l'étudier. Il en ressort qu'il ne pose aucune difficulté tout étant favorable au stagiaire. À titre personnel donc, je souhaite souligner son intérêt.

L'amendement 230, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 404 est défendu.

L'amendement 404, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Récemment, des chefs d'établissement et des enseignants ont été pénalement condamnés pour des accidents dont ont été victimes des jeunes effectuant des stages en entreprise. Le problème se pose donc pour les tuteurs : comment vont-ils effectuer les visites en entreprise ? De quels moyens de contrôle disposeront-ils ? L'amendement 428 propose donc que la responsabilité du chef d'établissement soit appréciée dans la mesure des moyens qui lui sont affectés. Ce problème extrêmement grave ne peut qu'être amplifié si des enfants de quatorze ou quinze ans vont en entreprise. Il faut alléger la responsabilité de ces fonctionnaires qui dépendent de vous mais auxquels vous ne donnez aucun moyen.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Christian Paul - C'est un peu court !

M. le Ministre - On ne peut pas modifier le régime de responsabilité au détour de ce texte. Quant à préciser que la responsabilité est appréciée « dans la mesure des moyens affectés », laissez donc les tribunaux travailler !

M. Christian Paul - Ce n'est pas un sujet qu'on peut évacuer d'un revers de manche comme vient de le faire le rapporteur. Des fonctionnaires ont été condamnés par les tribunaux parce qu'ils n'avaient pas eu les moyens d'assurer la sécurité des stagiaires en entreprise. Cela peut vous laisser totalement indifférent, mais cela ne peut nous laisser silencieux. J'aurais retiré mon amendement si vous m'aviez dit que vous alliez remédier au problème, de la façon qui vous aurait convenu, mais en l'occurrence, je ne peux que le maintenir.

M. le Ministre - Ne dites pas que cela me laisse indifférent. Je suis responsable de l'éducation nationale. Chacun dans nos fonctions, nous assumons, et le Gouvernement comme les autres. Je prends cette remarque vraiment très mal. Pour le reste, comme vous l'avez dit, la question mérite une réflexion et je ne peux pas vous donner de réponse aujourd'hui.

M. Alain Vidalies - Il y a déjà eu trois condamnations pénales. La réaction ne se fera pas attendre : les directeurs de lycées agricoles, par exemple, ne vont plus accepter que leurs élèves aillent faire des stages dans des fermes ! Les proviseurs ne sont ni techniciens, ni inspecteurs du travail et ils ne peuvent pas savoir si le tracteur de l'agriculteur répond à toutes les normes de sécurité. Les tribunaux ne peuvent qu'appliquer les textes : c'est au législateur de les changer. Vous êtes saisi de la question. Plusieurs questions écrites ont notamment été déposées. Ce texte était l'occasion de donner une réponse.

L'amendement 428, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L'amendement 39 vise à apporter au moins quelques garanties aux apprentis juniors. A l'instar de ce qui existe dans la maigre réglementation des stages pour les élèves du secondaire, il propose que l'employeur dépose une déclaration préalable à l'inspection du travail comprenant notamment des informations relatives à la durée du travail, à la formation, aux conditions de travail, au tuteur et attestant que l'employeur est à jour de ses contributions sociales.

M. le Rapporteur - Ce dispositif est moins protecteur que l'article L.117-5 du code de travail. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, le code contenant déjà toutes les protections nécessaires. J'ai déjà rappelé les articles qui interviennent ici ; notamment les 117-5, 212-13, 2139, 234-2, 234-1 et 234-23.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Les amendements 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 406, 229, 218, 200 et 220 sont défendus.

Les amendements 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 406, 229, 218, 200 et 220, successivement repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Alain Joyandet - Je défends l'amendement 71, qui vise à préciser à l'alinéa 7 que l'objectif est de permettre au jeune d'obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un titre ou un diplôme.

M. le Rapporteur - Je vous suggère de le retirer car il est satisfait par l'alinéa 2.

L'amendement 71 est retiré, de même que les amendements 179 et 221.

M. Alain Vidalies - Les amendements 435, 436, 437 et 438 sont défendus.

Les amendements 435, 436, 437 et 438, successivement repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 439 a pour objet d'affirmer l'interdiction du travail de nuit des jeunes de moins de seize ans. Déjà, Monsieur le ministre, vous avez autorisé le travail de nuit des moins de dix-huit ans ; il faudrait à tout le moins exclure les moins de seize ans...

M. le Rapporteur - Le droit applicable au travail des mineurs est suffisamment protecteur. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Les dispositions que nous avons prises sont plus protectrices que celles qui existaient auparavant ; je suis assez étonné que vous ne vous soyez pas préoccupés de ce sujet pendant tant d'années ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Paul - Le droit actuel, c'est le décret du 13 janvier 2006, selon lequel l'interdiction du travail de nuit des moins de dix-huit ans est supprimée dans une série de secteurs, y compris les courses hippiques ! Vous êtes donc en train de réintroduire le travail de nuit pour des enfants de quinze ans !

M. Alain Vidalies - Monsieur le ministre, j'aimerais que vous répondiez clairement à cette question simple : est-ce que les dérogations que vous avez accordées pour les moins de dix-huit ans vont s'appliquer entre quinze et seize ans ?

M. le Ministre délégué - L'apprentissage à quinze ans, par voie de dérogation, était déjà possible, et les dispositions antérieures du code étaient applicables. Par notre décret, nous encadrons mieux, donc nous protégeons mieux !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Vous ne répondez pas à la question !

M. le Rapporteur - Avant que le Parlement ne légifère en 2005 sur ce sujet, le travail de nuit était exercé sur la seule base de circulaires. Nous avons mis fin à cette situation par un cadre législatif ferme, qui a été complété par un décret, le tout en conformité avec l'ensemble du droit du travail.

M. le Président - Sur cet amendement 439, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Henri Emmanuelli - La question est quand même simple, Monsieur le ministre : est-ce que, oui ou non, le travail de nuit sera possible pour les jeunes de quinze ans ?

M. le Ministre délégué - Nous avons répondu !

M. Henri Emmanuelli - Non, vous vous contentez d'effets de manches !

M. le Rapporteur - Monsieur Emmanuelli, je peux le répéter : la réponse est oui. Mais la réalité, c'est que les ministres successifs ont laissé pendant des décennies des apprentis travailler de nuit, le dimanche et les jours fériés, sur la base d'un simple texte réglementaire. C'est seulement à l'été 2005 que la situation a été fixée par la loi, et c'est nettement préférable !

M. Henri Emmanuelli - Vous ne pouvez pas dire cela pour les quinze à seize ans !

M. le Ministre délégué - Mais si !

M. Alain Vidalies - On retiendra que vous avez légalisé le travail de nuit à quinze ans ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 43 voix contre 16 sur 62 votants et 59 suffrages exprimés, l'amendement 439 n'est pas adopté.

L'article 1er modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Alain Vidalies - Les amendements 441 et 442 sont défendus.

Les amendements 441 et 442, successivement repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Francis Vercamer - Je retire mon amendement 457.

M. Alain Vidalies - L'amendement 415 est défendu.

L'amendement 415, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

ART. 2

M. Christian Paul - Mon amendement 253 de suppression est défendu.

M. Alain Vidalies - Mon amendement 254 également.

M. Gaëtan Gorce - De même que mon amendement 258.

M. Henri Emmanuelli - Et que mon amendement 263.

Les amendements de suppression, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est de précision.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 177 est défendu.

L'amendement 177, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Alain Joyandet - L'amendement 70 est défendu.

M. Francis Vercamer - Le 181 est identique.

Ces amendements, acceptés par la commission et par le Gouvernement, sont adoptés.

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance : mardi 7 février, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 15.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 7 FÉVRIER 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Questions orales sans débat.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2787) pour l'égalité des chances.

Rapport (n° 2825) de M. Laurent HÉNART, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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