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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 59ème jour de séance, 138ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 7 FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 2

      APRÈS L'ART. 3 (suite) 2

      0RDRE DU JOUR DU MERCREDI 8 FÉVRIER 2006 13

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

APRÈS L'ART. 3 (suite)

M. le Président - L'amendement 3 rectifié du Gouvernement a été présenté cet après-midi. Une large discussion a été organisée, au cours de laquelle chacun a pu s'exprimer.

M. Alain Vidalies - Je souhaite faire un rappel au Règlement fondé sur l'article 58-2. Une séance publique a été prévue mercredi matin, ce qui est contraire aux traditions de notre assemblée. Elle se déroulera en même temps que des réunions de commissions auxquelles nous devons assister, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d'organisation.

M. le Président - La Conférence des présidents en a délibéré et elle a statué. Il n'est pas en mon pouvoir de modifier ses décisions. Une séance se tiendra donc bien mercredi matin.

Nous en venons au sous-amendement 53.

M. Maxime Gremetz - J'espère que sous votre haute autorité, Monsieur le Président, nous obtiendrons enfin des réponses à nos questions.

Nous avons eu l'occasion d'expliquer ce que représente le CPE et pourquoi nous devons le rejeter en bloc. Si vous voulez l'instituer, ce pas uniquement en raison du chômage des jeunes ou de la précarité de l'emploi, puisqu'au contraire vous portez celle-ci à la puissance mille. C'est bien plutôt que vous souhaitez accompagner le rêve du Medef, en modifiant en profondeur la structure du salariat.

Tous les rapports officiels le disent : la pyramide des âges sera favorable à l'emploi dans les dix prochaines années. 600 000 emplois seront ainsi libérés par les départs à la retraite, chaque année et pendant cinq ans, soit 7,5 millions d'emplois d'ici à 2015. Ce n'est pas moi qui le dis, mais les instituts d'études et les services de prospective de vos ministères.

La question qui se pose est de savoir quelle sera la nature de ces emplois. Aujourd'hui, sur 22 millions de salariés, 18 millions sont employés en CDI. Quel bonheur cela serait, pour Mme Parisot et vous-même, de transformer un CDI en contrat de deux ans maximum, révocable à tout moment ! Un tel contrat, d'une durée théoriquement plus longue qu'un CDD, serait moins protecteur qu'un tel contrat puisque les conditions de rupture d'un CDD avant terme, comme celles de son renouvellement, sont plus contraignantes. Votre objectif est véritablement de dynamiter le CDI afin qu'il ne soit plus la norme du contrat de travail ; des ballons d'essai ont d'ailleurs été lancés avec la multiplication des contrats aidés et des emplois précaires.

Aujourd'hui, trois offres sur quatre portent sur un emploi précaire. Elles touchent une même frange de population, des jeunes peu ou pas qualifiés, des salariés qui ne parviennent pas à sortir d'une succession de contrats précaires. Vous avez gagné cette triste bataille, mais il vous faut aller plus loin en vous attaquant aux 18 millions de salariés en CDI. Ce fut le sens du CNE - limité aux entreprises de moins de vingt salariés mais qui sera étendu, à la demande du Medef, à toutes les entreprises.

Une étude vient d'ailleurs de démontrer que trois quarts des 280 000 CNE correspondent à un effet d'aubaine et que 35 % d'entre eux ont été signés avec des salariés déjà présents dans l'entreprise. Quant aux entreprises, 71 % d'entre elles avouent qu'elles auraient embauché sans l'existence de ce dispositif, et 40 % en CDI. Le Premier ministre lui-même ne l'a-t-il pas reconnu lors de sa conférence de presse, en affirmant qu'un tiers des CNE était des créations d'emploi, les deux tiers a contrario constituant des effets d'aubaine ?

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons par le sous-amendement 53 de supprimer les trois premiers alinéas de l'amendement 3 rectifié.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 114 est identique. Le site internet du ministère de l'emploi nous annonce que le taux de chômage des jeunes atteint 23 % tandis que selon l'exposé des motifs du projet de loi, ce taux est de 9,6 % pour l'ensemble de la population. Ces chiffres ne sont pas faux, mais cette présentation, qui ne tient pas compte du fait qu'une grande partie des jeunes sont encore scolarisés, est alarmiste et permet ainsi de justifier la création d'un contrat précaire.

Le site du ministère explique également que les jeunes sont confrontés à la précarité, à la difficulté de se loger, de se soigner : une source d'angoisse et de frustration à laquelle le CPE est censé mettre un terme. Certes, si les deux ans de contrat étaient assurés, cela serait mieux qu'un CDD de six mois. Mais rien n'empêche un employeur de rompre un CPE au bout d'un mois ! Au moins est-on certain, avec un CDD, à moins d'une faute grave, de ne pas être licencié, ne serait-ce que pendant six mois.

Le Gouvernement a fait preuve de beaucoup d'imagination en créant une nouvelle notion, la « période de consolidation », puisqu'une période d'essai de plus de six mois ne serait pas acceptée par la Cour de cassation et les Cours européennes. Mais toute la jurisprudence sera à créer sur ce point. Ainsi, pour les femmes enceintes, vous affirmez sur votre site qu'elles ne pourront être licenciées pendant la période de consolidation ; la commission a toutefois jugé utile de le préciser par un amendement, car il ne s'agit pas d'une période d'essai telle que définie par la jurisprudence : cela prouve que les choses ne sont pas si claires et que l'on pourrait bien se trouver dans une situation invraisemblable, où le droit ne s'applique pas.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

M. le Président - La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces sous-amendements.

M. François Brottes - Nul besoin d'aller très loin pour constater l'injustice flagrante de cet amendement : son deuxième alinéa interdit en effet le recours au CPE dans les entreprises employant moins de vingt salariés. Faut-il comprendre que de tels employeurs n'ont pas besoin de main-d'œuvre jeune ? Ou bien souhaitez-vous que les moins de vingt-six ans n'aient pas accès à ces entreprises, pourtant très nombreuses sur notre territoire ?

Vous allez nous répondre - je mets les mots dans votre bouche, car vous n'écoutez pas nos questions, en règle générale, ou alors vous n'y répondez pas (Protestations sur les bancs du groupe UMP) - que les entreprises de moins de vingt salariés peuvent déjà recourir au CNE, contrat ouvert à tous, quel que soit l'âge du bénéficiaire, et lui aussi assorti d'une période d'essai de deux ans.

Or, voilà précisément la raison pour laquelle vous n'avez pas jugé bon de permettre aux entreprises de moins de vingt salariés de recourir au CPE. Comme l'a déjà souligné Laurent Fabius, vous ne poursuivez qu'un objectif : généraliser la période d'essai de deux ans. Cet amendement en est l'aveu !

M. le Président - Les sous-amendements 53 et 114 ne sont pas adoptés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Plusieurs députés du groupe socialiste - Nous n'avons pas eu le temps de discuter ce sous-amendement !

M. le Président - Essayons de donner une bonne image du Parlement et avançons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - Avant de défendre le sous-amendement 98, je voudrais faire remarquer que nous n'en avons pas fini avec la discussion générale (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous avons jusqu'à présent traité des questions de procédure, qui ne sont pas minces : nous avons ainsi souhaité que la discussion soit fractionnée pour que chacune des difficultés posées par cet amendement puisse être abordée. Mais nous n'avons pas encore eu le temps de discuter au fond et d'exposer nos arguments.

Si vous mettez en place un nouveau contrat, c'est que les précédents n'ont pas atteint leurs objectifs. Commençons donc par évaluer la politique que vous menez depuis 2002.

Chacun a entendu le Premier ministre affirmer que la situation actuelle interdisait tout immobilisme et justifiait au contraire de nouvelles mesures. Or, que montrent les chiffres ? Depuis 2002, 30 000 jeunes supplémentaires sont venus grossir le chômage des 16-25 ans, et la comparaison des mesures destinées aux jeunes en 2002 et en 2005 fait apparaître un déficit de 160 000 emplois, si l'on inclut les contrats en alternance, les contrats d'apprentissage, les emplois-jeunes et les contrats jeunes compris. Voilà le bilan de votre politique !

Au demeurant, il faut partir de chiffres exacts, si nous voulons débattre dans de bonnes conditions. M. Borloo nous a déclaré que 80 % des jeunes se trouvaient au chômage ou en situation précaire : j'aimerais connaître sa source, car je n'arrive pas du tout au même constat que lui si je me réfère aux chiffres de l'INSEE, qui portent sur les 16-29 ans. J'obtiens en effet un taux de 40 %, ce qui est considérable, mais bien inférieur à ce que vous avancez !

Comme je n'imagine pas un seul instant, Monsieur le ministre, que vous nous présentiez des chiffres infondés, j'aimerais que vous nous fassiez connaître vos sources. Il me semble établi, en revanche, que le chômage des jeunes résulte en partie de la suppression d'emplois aidés depuis 2002.

M. le Président - Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

M. Alain Vidalies - Nous avons engagé nos débats à partir de chiffres très largement diffusés, selon lesquels le chômage des jeunes aurait crû de 19 à 22 % au cours des dernières années. Or, ces chiffres sont faux, tout le monde le sait !

Bien des jeunes continuent en effet leurs études, et sont ainsi exclus de la population par rapport à laquelle est calculé le taux de chômage. Une étude de l'OFCE montre que présenter ainsi le taux de chômage de cette tranche d'âge n'a guère de sens, tant le taux d'activité y est faible : il n'atteint que 37,7 % en France, contre 64,4 % au Royaume Uni. Il paraîtrait donc plus pertinent de prendre en considération l'ensemble des 15-24 ans pour calculer le taux de chômage, qui s'établit alors à 7,9 %, c'est-à-dire très près de la moyenne européenne - de 7,5 % - et des chiffres britanniques - 7,3 %. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Le chômage des jeunes est en fait concentré sur un petit nombre d'eux : les peu ou non qualifiés,...

Un député du groupe UMP - Allez donc le dire aux jeunes !

M. Alain Vidalies - ...ce qui fait du chômage des jeunes un problème très spécifique. En effet, ce ne sont pas tous les jeunes qui mettent onze ans à s'intégrer à la vie active, comme le laisseraient croire les chiffres publiés par la DARES, mais seulement ceux qui sortent sans qualification de notre système scolaire. Toutes les études de l'OFCE et du CEREQ pointent un décrochage entre les jeunes qui ne parviennent pas à s'intégrer et ceux qui y parviennent en moins de deux ou trois ans. Voilà le problème auquel vous auriez dû vous atteler !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - À vous écouter, Monsieur Vidalies, il n'y a pas lieu de s'inquiéter du chômage et de la précarité des jeunes. Il n'y aurait que 7 % de chômeurs chez les 16-25 ans ! Grâce à vous, je vais passer une bonne soirée ! Mais si la comparaison entre le taux d'activité et le taux de chômage est intellectuellement séduisante, elle ne change rien à la réalité! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Comment pouvez-vous nous accuser, pendant toute la journée, de créer du travail précaire, lorsque nous luttons contre l'intérim, le CDD et la généralisation des stages, et à 22 heures 15 expliquer que tout va bien parce que seulement 7,5 % des moins de 26 ans sont au chômage ! Dans quel monde vivez-vous ? Où le parti socialiste a-t-il vu cela ? Monsieur Vidalies, ressaisissez-vous ! Le taux d'activité ne correspond pas au taux de chômage, je vous en donne acte, mais le taux de chômage de notre jeunesse ne se situe pas à 7,5 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Si nous avions pu discuter d'un projet digne de ce nom, nous aurions eu un vrai débat. L'essentiel, en l'occurrence, est de ne pas changer de paramètre en fonction des circonstances. Les autres pays connaissent les mêmes problèmes mais en Allemagne, par exemple, le nombre de jeunes au chômage est inférieur au nôtre car nombreux sont ceux qui suivent une formation en alternance. Dès lors, ou vous proposez une solution globale, ou vous préconisez des solutions adaptées à ces jeunes en particulier. Je n'accepte pas que M. le ministre caricature notre raisonnement. Le Gouvernement utilise les chiffres dans le sens qui lui agrée afin de promouvoir le CNE ou le CPE et, plus tard, de généraliser le contrat unique que M. le Premier ministre appelle de ses vœux. Assumez donc politiquement le choix de la précarité, mais ne me reprenez pas sur ce ton, avec ces arguments, car c'est vous qui n'êtes pas à la hauteur du débat que les Français attendent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Le sous-amendement 98, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en venons au sous-amendement 99.

M. Gaëtan Gorce - M. Vidalies insiste sur un point essentiel : le Gouvernement cherche à faire passer une mesure générale en ignorant les situations particulières. Je suis frappé que le rapport ne présente quasiment pas d'éléments concernant le chômage des jeunes. Il est vrai que M. le rapporteur a disposé de fort peu de temps et que nous n'avons guère discuté en commission. Nous nous appuyons quant à nous sur les données fournies par vos propres services : CEREQ, DARES, INSEE. Il est exact qu'un grand nombre de jeunes connaissent des situations précaires, et vous en êtes pour une part responsables, mais pour nombre d'entre eux la situation n'est heureusement pas aussi délicate : d'après une étude du CEREQ, 270 000 jeunes sont en CDI dès leur premier emploi ; une majorité ne l'est donc pas, mais avec le CPE, ces 270 000 jeunes entreront désormais dans la vie active avec un contrat précaire. Et c'est ainsi que vous prétendez résoudre le problème de la précarité ?

De surcroît, en quoi le CPE aidera-t-il les 160 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification ? Ils pourraient donc bénéficier de ce nouveau contrat sans passer par l'apprentissage ? Vous avez déjà tenu le même raisonnement avec le contrat jeune sans aucun succès. Vous allez en fait précariser ceux qui ne le sont pas et vous n'aiderez pas ceux qui connaissent les difficultés les plus graves à trouver une solution. J'ajoute que selon l'INSEE, 58 % des jeunes actifs, en 2003, ont occupé un CDI pendant quatre trimestres consécutifs : c'est beaucoup moins que la moyenne des salariés, mais ces 58 % seront demain condamnés au CPE : telle est la réalité ! Les autres ne bénéficieront pas d'une insertion professionnelle que le CPE ne pourra leur donner. Il ne s'agit pas de polémiquer pour savoir qui est archaïque et qui est moderne mais, avec les reculs que vous infligez au droit du travail, il est certain que vous ne comptez pas parmi les plus modernes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - La commission a évidemment étudié les rapports des instituts cités par MM. Vidalies et Gorce. Tout le monde peut reconnaître le bien-fondé du chiffre de 8 %. Le taux d'activité des 16-25 ans, quant à lui, tient compte de ceux qui travaillent, certes, mais également de ceux qui suivent une formation en alternance ou de ceux qui, pendant leurs études, travaillent à temps partiel ou pendant leurs vacances. Notre pays, en l'occurrence, n'est pas à la hauteur puisque le taux oscille entre 27 % et 35 % selon les années alors que la plupart des pays européens se situent entre 60 % et 70 %. Ceux qui parviennent à un tel taux ont développé beaucoup plus que nous la formation initiale en alternance et ont misé, comme nous sommes en train de le faire, sur l'apprentissage.

Vous n'avez pas cité, Monsieur Vidalies, le chiffre concernant la précarité de l'emploi des jeunes. Selon une étude de la DARES, 90 % des 16-25 ans perdent leur emploi moins de six mois après leur embauche : le CDI n'est dons pas aussi protecteur que vous le pensez, d'autant que 66 % des jeunes sortent du CDI dans les trois premiers mois après leur embauche. La période d'essai, en effet, est trop courte pour que les jeunes puissent « transformer leur essai ». C'est à cet indice qualitatif qu'il convient également de s'attacher : il me paraît déterminant et il justifie le CPE. Les jeunes doivent bénéficier d'une période suffisamment longue afin de pouvoir consolider leur emploi.

Avis défavorable au sous-amendement 99.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Même avis.

M. Alain Joyandet - La majorité suit vos recommandations, Monsieur le Président, et ne parle qu'avec parcimonie, sur les sujets les plus importants.

J'entends les arguments avancés : certes, Monsieur Gorce, on peut toujours douter de l'efficacité de telle ou telle mesure et redouter les effets d'aubaine mais depuis plusieurs mois, le Gouvernement propose des solutions pour réduire le chômage. Entre décembre 2004 et décembre 2005, le taux de chômage est passé, selon la DARES de 10 % à 9,5 % de la population active. Il est évidemment toujours possible de prétendre que, sans intervention aucune, ce taux aurait baissé, mais force est de constater que le nombre de contrats signés a tout de même entraîné une diminution du nombre de demandeurs d'emplois. Le traitement social du chômage ne me fait pas peur. Que M. Gorce nous reproche des chiffres insuffisants, soit, mais quand les chiffres sont meilleurs, il devrait le reconnaître. Je note, enfin, que nous n'entendons guère ses propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Si les statistiques ne valent rien, il faut le dire ouvertement ! C'est du reste ce que vous prétendez quand les chiffres ne vous arrangent pas. Selon une étude sur le CNE datant du 11 janvier 2005, 29 % des entrepreneurs interrogés déclarent qu'ils n'auraient pas embauché sans l'existence de ce contrat ; 71 % d'entre eux affirment qu'ils auraient de toute façon recruté - 40 % en CDI et 28 % en CDD. La rupture du CNE intervient dans 44 % des cas à l'initiative du chef d'entreprise. Ceux-ci considèrent avant tout ce contrat comme une opportunité permettant de ne prendre aucun risque en cas de ralentissement de l'activité. Plus encore, cette précarisation profite aux entrepreneurs en raison des exonérations de cotisations dont ils bénéficient. Le CPE ne profitera pas aux PME. Les multinationales du CAC 40 vont y avoir droit ! (« Allez ! » sur les bancs du groupe UMP) Regardez donc les chiffres !

M. Yves Bur - C'est de l'archéogremetz !

M. Maxime Gremetz - Vous allez offrir de nouvelles exonérations aux entreprises qui licencient, restructurent et délocalisent.

Le sous-amendement 99, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 100 est défendu. Je remercie le rapporteur d'avoir, malgré la difficulté de sa position, quelque peu nuancé les propos du ministre. Il y aurait 80 % de jeunes en difficulté ? C'est probablement le seul chiffre qui lui ait paru susceptible de justifier l'horreur qu'est le CPE ! Plus sérieusement, nous nous situons dans la moyenne européenne, mais avec une catégorie de population beaucoup plus en difficulté qu'ailleurs. Pour répondre à ce problème, nous sommes parfaitement d'accord pour développer une alternance ciblée, mais vous faites exactement l'inverse !

Le CEREQ, organisme commun aux ministères du travail et de l'éducation, a procédé à des études extrêmement intéressantes : il s'agissait de considérer tous les jeunes d'une génération - celle de 1998 et celle de 2001 - et de recenser leur situation professionnelle trois ans plus tard. Or, 36 % des jeunes de la seconde étude ont trouvé un premier emploi à durée indéterminée, contre 32 % pour la génération précédente. Les détails sont révélateurs : 76 % des jeunes sortis d'une école d'ingénieur sont en CDI pour leur premier emploi ; 50 % des diplômés bac à bac + 2 ; et plus la qualification baisse, moins il y a de CDI... Vos propres études donc, et bien d'autres, font apparaître des situations très diverses et des problèmes très ciblés. Je pense que vous les connaissez et que vos chiffres globalisés ne servent qu'à faire passer votre réforme.

Le sous-amendement 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 101 est défendu. Le silence du Gouvernement est éloquent : le ministre des affaires sociales fonde sa politique sur des erreurs de jugement et des approximations. Il nous parle de 80 % d'une classe d'âge en situation précaire ou au chômage : c'est faux ! Les chiffres de l'INSEE et du CEREQ le démontrent. Trop de jeunes sont en situation précaire, certes, mais pas 80 %. Ce que vous voulez, c'est précariser ceux qui sont pour le moment en CDI. Pour redresser la situation, il faudrait mener une politique globale, mais vous ne vous en donnez pas les moyens parce que vos objectifs sont autres : la précarisation de tous les salariés, l'extension du CPE à tous les cas de figure.

Pourquoi les jeunes sont-ils en situation précaire ? D'abord, parce beaucoup sortent du système scolaire sans qualification. Priorité donc à l'école, et à l'enseignement professionnel ! Mais vous faites le contraire. Ensuite, parce qu'ils ne restent souvent pas de façon stable dans des emplois à durée indéterminée. La réponse se trouve dans les formations en alternance, qui permettent à la fois d'améliorer la qualification des jeunes et de les installer solidement dans un emploi. Mais les divers contrats en alternance sont passés de 224 400 en décembre 2001 à 138 442 en décembre 2005. Vous êtes directement responsable d'un déficit de plus de 85 000 emplois : que répondez-vous à cela ? Les contrats d'apprentissage, eux, ont baissé de 5 500 sur la même période. Quant aux contrats jeunes, il en manque 70 000. Il est temps d'expliquer cet échec ! Les jeunes auraient pu bénéficier de ces 160 000 emplois. C'étaient des solutions concrètes pour faire reculer le chômage sans recourir à des dérogations au droit du travail, qui vont précariser les autres salariés.

M. Joyandet dit être pour le traitement social du chômage : la belle affaire ! Il a fallu quatre ans et demi pour que cette majorité s'aperçoive que supprimer systématiquement les crédits du traitement social du chômage était une faute. Précipitamment, avec trois plans d'urgence successifs, elle essaye de corriger cette erreur qui a coûté près de 100 000 emplois aidés : les budgets remontent péniblement, mais le déficit en emplois, lui, est bien là ! Vous devriez en répondre, avant de donner des leçons sur l'immobilisme et la modernité.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Mme Marylise Lebranchu - Faute de négociation, il me semble que certains éléments ont échappé à tout le monde. Depuis quelques années, par exemple, se développent dans le secteur technologique des entreprises moyennes qui offrent des prestations aux autres entreprises : prototypage, métrologie, installation d'un site ou changement de logiciel... Elles embauchent des jeunes qualifiés et leur offrent des CDI de bonne qualité. Mais dorénavant, une entreprise ne recourra plus à ces prestations de services pour créer son site internet : elle embauchera en CPE un jeune qui sort de l'école et lorsque le site fonctionnera bien, elle le remerciera...

M. Yves Bur - Quel mépris pour les entreprises !

Mme Marylise Lebranchu - Vous devriez considérer de plus près tout ce secteur, qui embauche des jeunes de bac + 2 à bac + 4. La propre rédaction informatique des systèmes de l'Assemblée a été entièrement faite par deux entreprises de ce type : lorsque leurs salariés ont fini, ils vont dans d'autres entreprises ! C'est l'avantage du CDI. Le CPE va détruire cette filière d'emploi des jeunes.

Le sous-amendement 101, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 416 est défendu. Si le rapporteur avait disposé d'un texte présenté dans des conditions normales, approuvé en conseil des ministres et accompagné des documents habituels, nous ne serions pas dans une telle confusion. En l'occurrence, nous avons déjà cité les chiffres du CEREQ, mais il y en a d'autres. Un rapport du Conseil économique et social par exemple, datant de fin 2005 et portant sur l'insertion professionnelle des jeunes, confirme toutes les données dont nous disposons déjà. Il montre ainsi que les jeunes actifs sortis en 2001 du système éducatif sans qualification accusent, trois ans plus tard, un taux de chômage de 40 %, contre 29 % pour ceux sortis en 1998, que les titulaires d'un bac ou d'un BTS apparaissent globalement mieux insérés, et ceux d'un deuxième ou troisième cycle universitaire encore mieux. Je précise que ce rapport a été approuvé par l'ensemble des groupes, y compris ceux représentant les employeurs. Les chiffres globalisés du Gouvernement, eux ne résistent à aucune analyse !

Le rapport précise aussi que d'après les données de l'APEC, la France, pour ce qui concerne les diplômés de l'enseignement supérieur de niveau bac +4 sans expérience professionnelle prolongée, se situe au-dessus de la moyenne d'embauche des huit principaux pays européens, avec un taux de 23 %, soit juste derrière l'Espagne mais devant l'Allemagne, le Royaume Uni et l'Italie.

Tous ces documents incontestables identifient de manière très éclairante la nature du problème. Au reste, le rapporteur lui-même a dû convenir qu'il y avait là une spécificité et il convient donc de se demander si la réponse politique qui consiste à imposer la précarité à tous - y compris ceux qui parviennent aujourd'hui à s'insérer - est vraiment la mieux adaptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Ce rapport, je le connais d'autant mieux qu'il avait été commandé par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin...

M. Alain Vidalies - Si je n'en parlais pas, personne dans votre camp n'en dirait mot !

M. le Rapporteur - Et il est surtout intéressant pour ce qui concerne les méthodes de formation initiale. Il mentionne en effet que certains diplômes généraux présentent des performances à l'emploi égales - voire inférieures - à celles de diplômes professionnalisants de niveau inférieur. Autrement dit, certains BTS ou DUT - souvent passés en alternance - « placent » mieux qu'une licence ou un master général. Et il en va de même pour certains bacs généraux par rapport aux BEP ou CAP. Tout cela confirme que nous avons raison de développer la filière d'alternance - y compris l'apprentissage junior - pour l'ensemble de la formation initiale. Le même rapport insiste sur la dégradation générale de l'emploi des jeunes diplômés depuis 2000. Les enquêtes sur la génération 2001 témoignent aussi d'une situation de plus en plus préoccupante des jeunes diplômés...

M. Henri Emmanuelli - Et une dégradation de leurs salaires.

M. le Rapporteur - En effet. Mais il est aussi un chiffre essentiel que vous ne voulez pas citer : globalement, 90 % des jeunes sortent de l'emploi à moins de six mois et 66 % des jeunes en CDI en sortent à trois mois. C'est cela la précarité de l'emploi, et c'est bien cette situation qui fonde la réflexion sur un nouveau contrat de travail, mieux adapté à la réalité de l'emploi des 16-25 ans, et qui conduit à proposer le CPE. La commission a repoussé ce sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - J'entends se succéder une série de références à diverses études. Je rappelle que, d'après le rapport Cahuc-Kramarz sur la réforme du marché du travail, ce n'est qu'à l'âge de 33 ans que le taux d'emploi en CDI rejoint le taux moyen de la population salariée. La précarité est donc le chemin d'entrée dans l'emploi de trop de jeunes et telle est la réalité que nous entendons combattre.

Je voudrais régler une dette avec Mme Lebranchu car je m'étais engagé à lui apporter une réponse particulière en liaison avec M. de Robien. (Sourires)

M. le Président - Je croyais que les privilèges avaient été abolis. (Même mouvement)

M. le Ministre délégué - Cela concerne les problèmes de responsabilité relatifs à l'accueil d'apprentis juniors en milieu professionnel à l'occasion de stages, lesquels se déroulent obligatoirement en application de l'article 211-1 du code, dans le cadre d'une convention de stage qui règle le partage des responsabilités. Ces conventions de stage peuvent prévoir deux types de sessions : les stages d'observation - où le jeune reste entièrement sous la responsabilité du chef d'établissement de formation - et les stages d'initiation ou d'application - où le jeune bénéficie du régime de protection des accidents du travail et se trouve donc couvert pour tous les trajets, y compris celui entre son domicile et son lieu de stage.

Mme Marylise Lebranchu - Et s'il ne conduit pas ? (Murmures)

M. le Ministre délégué - Il peut prendre les transports en commun !

M. Jean-Yves Hugon - Député depuis peu de temps, je ne suis pas un grand habitué des joutes parlementaires mais je m'étonne de voir apparaître toute une série de sous-amendements tendant à exclure tel ou tel type de profession du champ de l'amendement gouvernemental. Je comprends bien qu'il s'agit d'une technique d'obstruction parlementaire... (Exclamations sur divers bancs) mais si j'ai entendu beaucoup de critiques sur le CPE, je n'ai vu se dessiner aucune contre-proposition sérieuse. Dès lors, il ne faut pas que l'opposition se plaigne de l'absence de débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Je ne suis pas une députée plus ancienne que notre collègue mais j'ai pourtant bien compris que l'on ne peut pas proposer de contre-projet sur un amendement (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste). Et c'est précisément ce que nous dénonçons depuis le début de la discussion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marc Ayrault - Je ne vais pas reprendre toute l'argumentation que j'ai développée avant le dîner mais je souhaite redire en présence du Président Debré, garant des droits du Parlement, que nous aurions aimé que le Gouvernement ne déclare pas l'urgence. Monsieur le Président, vous avez vous-même rappelé à l'occasion des vœux au Président de la République que le recours à la procédure d'urgence était trop fréquent. Au surplus, nous déplorons que le Gouvernement use de la technique de l'amendement pour procéder à une réforme aussi profonde du code du travail. A nos yeux, la déclaration d'urgence et la technique de l'amendement gouvernemental non amendable constituent une double atteinte aux droits du Parlement. En étant réduits à sous-amender une proposition qui ne nous agrée en rien, nous sommes tout de même contraints de nous inscrire dans sa logique et nous ne pouvons espérer la modifier que de manière très marginale. Et comme il n'y aura pas de nouvelle lecture, le texte va partir au Sénat... et ce sera fini. Si vous parvenez à aller jusqu'au bout, et je crains bien que vous soyez en mesure de le faire puisque vous disposez d'une majorité écrasante...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - C'est le peuple qui nous l'a donnée !

M. Jean-Marc Ayrault - L'UMP passera, sans doute, mais elle passera en force et, en usant de tels artifices de procédure, vous prenez la responsabilité devant les Français d'attenter gravement au code du travail. Or, je rappelle que vous aviez vous-même voté une loi disposant que nulle modification législative du code du travail ne pouvait intervenir sans concertation et négociation préalables.

La semaine dernière, j'ai demandé à différents membres du Gouvernement de nous communiquer les documents d'expertise qu'ils citaient à l'envi. Après maintes suspensions de séance, nous avons fini par en obtenir quelques extraits et cela nous donne l'occasion d'une nouvelle explication très franche avec M. Larcher : Monsieur le ministre, quand vous parlez de la situation des jeunes, êtes-vous en mesure de vous référer à vos propres documents - ceux du CEREQ - qui disent que 270 000 jeunes sont employés en CDI dès leur première embauche, soit 36 % ; et aussi que, dans les trois premières années de leur vie professionnelle, 502 700 jeunes - soit 67 % - accèdent à un CDI. Alors, vous pouvez présenter les choses comme vous le souhaitez mais il faut bien admettre que le CPE marquera la fin de cette réalité. Certes, elle n'est pas satisfaisante puisqu'il y a tous les autres : ceux qui ont eu une formation insuffisante, ceux qui quittent le système scolaire sans qualification, et c'est sur ces populations prioritaires que nous souhaiterions que le débat se porte.

Mais vous préférez défaire le code du travail, et ces CDI qui sont en nombre insuffisant finiront par disparaître complètement. Monsieur le Président, nous ne pouvons continuer nos travaux sans que le ministre accepte de confronter les chiffres qu'il cite en séance avec ses propres documents d'expertise plutôt que de se réfugier, lorsqu'on le pousse dans ses retranchements, dans un silence assourdissant. C'est pourquoi je demande une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de se ressaisir et de répondre aux députés du groupe socialiste.

M. le Président - Monsieur Ayrault, je vais donner droit à votre demande mais je vous rappelle que, pour avoir le temps de débattre, nous avons ouvert ce matin en Conférence des présidents des séances allant de demain matin à dimanche soir !

La séance, suspendue à 23 heures, est reprise à 23 heures 20.

Le sous-amendement 416, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - En défendant le sous-amendement 417, je voudrais poursuivre la discussion que nous avions commencée. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir, contrairement au Gouvernement, fait l'effort de nous donner quelques chiffres, mais vous faites forcément erreur en affirmant que 90 % des jeunes sont en situation de rupture d'emploi dans les six mois suivant leur entrée dans la vie active, ne serait-ce que parce que 36 % des jeunes obtiennent directement un CDI. C'est totalement contradictoire avec l'étude du CEREQ de fin 2004, selon laquelle plus du tiers des jeunes qui travaillent, trois ans après être sortis du système éducatif, occupent toujours le premier emploi auquel ils ont accédé.

Nous ne disons pas que la situation n'est pas grave ; nous disons qu'elle n'est pas grise pour tous les jeunes, qu'elle est noire pour une partie d'entre eux et que c'est à ceux-là qu'il fallait s'adresser, non à l'ensemble.

Je ne sais pas si ce que dit la presse est juste, Monsieur le ministre, mais il semble que cette initiative du Premier ministre n'ait pas suscité beaucoup d'enthousiasme ; l'irrationalité de vos références confirme peut-être par l'absurde que ces chiffres n'étaient pas compatibles avec ce qu'on vous a imposé de défendre devant le Parlement...

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre délégué - De même.

M. François Brottes - Monsieur le ministre, je voudrais vous poser deux questions simples sur le premier alinéa de votre amendement, selon lequel les employeurs « peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de 26 ans, un contrat de travail dénommé contrat première embauche ».

D'abord, faut-il bien comprendre que les mots « toute nouvelle embauche » visent la création d'un nouveau poste dans l'entreprise - et excluent donc en particulier le remplacement d'un jeune dont le contrat première embauche aurait été interrompu ?

Ensuite, pouvez-vous me confirmer qu'un jeune dont le contrat première embauche a été interrompu ne pourra plus jamais prétendre à un deuxième contrat du même type - puisque ce serait un contrat de deuxième embauche ?

Le sous-amendement 417, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Je défends le sous-amendement 418.

La question posée par M. Brottes avait déjà été soulevée cet après-midi lors des questions d'actualité, mais l'on conviendra que, dans sa réponse, M. Borloo l'avait oubliée... Il serait bon pourtant de savoir de quoi nous débattons car les commentateurs ont des interprétations différentes. Encore une fois, est-ce qu'un jeune de moins de 26 ans qui a été embauché dans le cadre d'un CPE, puis licencié, peut à nouveau signer un CPE avec un autre employeur, ou même plusieurs successivement, sans autre limitation que celle de l'âge ? Et est-ce que l'employeur qui licencie un jeune en CPE peut le remplacer par un autre jeune en CPE ?

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre délégué - Je rappelle que le sous-amendement porte sur les travailleurs à domicile...

Il ne faut pas jouer sur les mots. Il s'agit bien de toute embauche possible à l'intérieur de l'entreprise. Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement fixe un délai de trois mois entre deux CPE.

M. Maxime Gremetz - Dans la même entreprise ?

M. le Ministre délégué - Vous voilà donc éclairés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Cela fait trois fois que nous posons la même question, et trois fois qu'on ne nous répond pas !

M. Alain Vidalies - J'espérais une réponse par oui ou par non.

Monsieur le ministre, vous avez fait référence au délai de trois mois que l'employeur doit respecter avant d'engager à nouveau le même salarié sur le même poste. En cela, vous n'avez pas répondu à la question : un employeur pourra-t-il engager un jeune en CPE alors qu'il vient d'en licencier un autre sur le même poste ?

M. le Ministre délégué - La réponse est oui !

Plusieurs députés socialistes - Enfin !

M. Alain Vidalies - Ce ne sera donc pas un contrat première embauche, mais un contrat à embauche précaire puisqu'il pourra servir plusieurs fois pour le même jeune et pour plusieurs jeunes sur le même poste. Je remercie le ministre de cette précision fort utile qui aurait pu nous être communiquée dès la séance de questions d'actualité !

M. Maxime Gremetz - Le délai de trois mois est déjà une bien piètre garantie puisqu'il suffit à l'employeur d'attendre quelques semaines pour réembaucher le même jeune sous CPE. Mais vous êtes encore plus machiavéliques...

M. le Président - C'est sûr !

M. Maxime Gremetz - Monsieur le président, si vous me cherchez, vous allez me trouver !

M. le Président - Monsieur Gremetz, si vous êtes de mauvaise foi, vous allez me trouver aussi ! Continuez !

M. Maxime Gremetz - En vérité, Monsieur le ministre, vous proposez aux jeunes le turn over précaire,...

M. Jean-Pierre Blazy - CPE, le contrat pour éjecter !

M. Maxime Gremetz - ...ce qui n'était pas possible avec le CDD que l'employeur ne pouvait pas reconduire au-delà de dix-huit mois ! Votre proposition est tout bonnement scandaleuse ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Joyandet - Ce débat, que la majorité accepte de bonne grâce (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) se révèle fort intéressant.

M. Jean-Marc Ayrault - Merci de le reconnaître !

M. Alain Joyandet - Monsieur Ayrault, à mesure que l'on aborde le débat de fond, vous êtes de moins en moins à l'aise (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui vous a conduit à demander une suspension de séance il y a quelques instants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'était de bonne guerre !

M. Jean-Marc Ayrault - Plus le débat avance, et plus la majorité dit tout haut ce qu'elle pense tout bas !

M. Alain Joyandet - Pour en revenir à l'essentiel, les socialistes évoquent un possible effet d'aubaine du CPE et la précarité, c'est-à-dire la possibilité que les CPE remplacent pour partie les CDI. Sur le premier point, souvenons-nous des emplois jeunes ! Quel est ici le chef d'une collectivité territoriale qui n'a pas remplacé un emploi jeunes par un autre emploi jeunes ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

MM. Maxime Gremetz et Alain Bocquet - C'est faux !

M. Alain Joyandet - Qui peut affirmer qu'aucune collectivité n'aurait eu recours au CDI si les emplois jeunes n'avaient pas existé ! (Même mouvement) Enfin, M. Gremetz a démontré l'efficacité de notre politique publique puisque, selon les chiffres qu'il a cités, 280 000 CNE ont été créés...

M. Maxime Gremetz - ...dont 81 % auraient été conclus en CDI si le CNE n'avait pas existé !

M. Alain Joyandet - Peut-être, mais 29 % des personnes interrogées ont reconnu qu'elles n'auraient pas embauché sans le CNE ! Ce chiffre explique pour partie la diminution du chômage depuis un an : 118 000 demandeurs d'emploi de moins ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Et autant d'érémistes !

M. Alain Joyandet - M. Gremetz a donc fait la démonstration de l'efficacité du dispositif : 29 % des CNE sont bien des emplois supplémentaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Et les autres ?

M. le Président - Aux termes du sixième alinéa de l'article 54 du Règlement, l'orateur ne doit pas s'écarter du sous-amendement. Ce rappel vaut pour tout le monde.

M. Maxime Gremetz - M. Joyandet a porté atteinte à mon honneur ! (Rires)

M. Alain Néri - En vérité, M. Larcher est sous-employé au ministère du travail (Sourires) et devrait rejoindre celui de la recherche scientifique. Avec la diminution du nombre de chômeurs et l'augmentation des érémistes, il a redécouvert le principe des vases communicants avant de mettre en évidence le principe du mouvement perpétuel appliqué à la précarité en concédant que le contrat première embauche pourra être utilisé pour la deuxième, voire la troisième embauche du même jeune ! Nous ne pouvons accepter cela et vous nous auriez fait gagner du temps en acceptant de retirer l'amendement 3 rectifié !

M. Alain Bocquet - Le sous-amendement 418 rectifié est d'importance. Compte tenu de la gravité du sujet, les députés doivent prendre part personnellement au vote. J'ajoute que l'on nous a annoncé un menu de travail copieux d'ici dimanche soir.

M. le Président - Sans exclure lundi et mardi prochain !

M. Alain Bocquet - Pour la sérénité des débats, je demande la vérification du quorum en application de l'article 61 du Règlement.

M. le Président - Soit, bien que vous soyez un quart d'heure en avance sur votre programme (Sourires).

Je constate que le quorum n'est pas atteint. Compte tenu de l'heure, je renvoie le vote du sous-amendement 418 à la séance de demain matin.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, demain, à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 40.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

0RDRE DU JOUR
DU MERCREDI 8 FÉVRIER 2006

NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2787) pour l'égalité des chances.

Rapport (n° 2825) de M. Laurent HÉNART, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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