Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 60ème jour de séance, 140ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 8 FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SERVICE CIVIL OBLIGATOIRE 2

APPLICATION DE LA LOI SRU PAR LES MAIRES 3

SERVICES À LA PERSONNE 3

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 4

OPA SUR ARCELOR 5

RELANCE DE L'ÉDUCATION PRIORITAIRE 6

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 6

GRÈVE SURPRISE DES CONTRÔLEURS AÉRIENS D'ORLY 7

CRISE DE LA VITICULTURE 8

POLITIQUE DE LA MONTAGNE 9

SERVICES AU PUBLIC DANS LES ZONES RURALES 10

OGM 11

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 12

APRÈS L'ART. 3 (suite) 12

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SERVICE CIVIL OBLIGATOIRE

M. Pierre-Christophe Baguet - Comment recréer du lien social ? Comment donner une formation et transmettre des valeurs à notre jeunesse ? Comment renforcer son sens de la citoyenneté ? Dès 2001, l'UDF a proposé de créer un service civil, universel et obligatoire pour permettre aux jeunes de toutes origines et de toutes conditions sociales d'acquérir de l'expérience, de donner de leur temps aux autres et de se consacrer à des causes humanitaires, en France et ailleurs. Les événements urbains de cet automne en ont rappelé tout l'intérêt.

Pourtant, le service civil volontaire que vous proposez dans le projet de loi sur l'égalité des chances, guère éloigné des dispositifs existants, ne s'adresse qu'aux jeunes issus de quartiers difficiles. Or un service civil n'a de sens que s'il est obligatoire . il doit permettre un brassage de la jeunesse, essence même de l'esprit républicain.

Dans le magazine La Vie, de nombreuses personnalités et plus de 450 parlementaires, sur tous les bancs, ont soutenu cette proposition, par ailleurs très attendue des Français. Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous répondre à cet appel du pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Je suis totalement d'accord (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). L'engagement au service de la nation est plus que jamais nécessaire pour maintenir le lien social, et c'est la raison d'être du service civil volontaire. Annoncé par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement, ce dispositif accompagnera, avec les programmes « Défense deuxième chance », « cadets de la République », le volontariat associatif ou les contrats aidés - dans le domaine de l'environnement par exemple - les jeunes vers l'insertion professionnelle. C'est aussi ce que nous accomplissons au travers du plan cohésion sociale ou du CPE.

Pour autant, il ne semble pas nécessaire de dénaturer cet esprit désintéressé de volontariat, au risque de voir très vite les problèmes s'amonceler : comment donner des missions d'intérêt général à 800 000 jeunes par an ? Ne risque-t-on pas de voir les jeunes chercher par tous les moyens à se décharger de cette contrainte ?

M. Yves Bur - Exactement ! C'était le cas du service militaire !

M. le Ministre - En outre, la proposition émise par l'opposition d'un service obligatoire de deux fois quinze jours n'a aucun intérêt (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous évoquez pour votre part une durée moyenne de six mois.

M. Jean Glavany - Tout à fait !

M. le Ministre - Cela risque de désorganiser totalement les cursus de formation et de mettre en danger les jeunes qui éprouvent des difficultés à trouver un emploi. Or la priorité du Gouvernement est de leur donner un emploi stable. Enfin, le coût est loin d'être négligeable puisqu'une telle organisation est évaluée à un minimum de 10 milliards par an.

M. Jean Dionis du Séjour - Trois milliards !

M. le Ministre - N'utilisons pas les recettes d'hier pour répondre aux préoccupations d'aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

APPLICATION DE LA LOI SRU PAR LES MAIRES

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le Premier ministre, vous êtes un homme lettré, et chacun se rappelle de votre intervention à New York. Aussi ai-je consulté Le Littré, qui donne les définitions suivantes : Délinquant, « celui qui a commis un délit » ; délit, « infraction quelconque à la loi ».

Comme le dit si bien Nicolas Sarkozy, « ce qui est en question, c'est l'impunité d'un certain nombre d'individus qui croient pouvoir s'exonérer des conséquences de la loi républicaine. Cette période est révolue. » Mais quelle est la réalité ? Sur 36 000 maires qui se dépensent sans compter, une centaine de maires délinquants refusent d'appliquer la loi imposant 20 % de logements sociaux dans les villes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Rochebloine - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le Premier ministre, quelle action comptez-vous entreprendre à l'égard des maires de Saint-Maur, d'Ormesson, d'Arcachon... (« Délation ! » sur les bancs de l'UMP et interruptions) Et comptez-vous demander au ministre de l'Intérieur le nom du maire de Neuilly-sur-Seine, commune qui compte 1,34 % de logements sociaux ?

Qu'allez-vous faire pour que la loi soit respectée et que les voleurs de poules ne soient pas les seuls à être interpellés ? Les maires délinquants doivent répondre de leurs actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Richard Mallié - Scandaleux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je suis surpris que vous posiez cette question alors que vous en connaissez la réponse. Depuis le 23 août, il a été demandé aux préfets de constater l'application de la loi SRU dans chaque commune : lorsque le rattrapage n'a pas été effectué dans les conditions prévues par la loi, les sanctions sont doublées et les préfets ont le pouvoir de se substituer au maire pour délivrer les permis de construire (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme Martine David - C'est faux !

M. le Ministre - Cela dit, votre brillante intervention ne saurait vous exonérer d'un effort de mémoire. Je rappelle que la majorité que vous avez soutenue est celle qui, depuis la dernière guerre mondiale, a construit le moins de logements sociaux en France ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Mensonges !

M. le Ministre - Ce sont 40 000 logements qui ont été construits en 2000. Nous en avons construit 80 200 cette année et nous avons comme objectif de passer à 100 000, grâce à l'engagement national pour le logement. Il est plus facile, Monsieur Brard, de construire des discours que des logements sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SERVICES À LA PERSONNE

M. Jean-Pierre Nicolas - Le développement des services à la personne, rendu possible par la loi du 26 juillet 2005, participe de l'ambition du Gouvernement d'améliorer la vie quotidienne des Français. Il répond aux défis du vieillissement et à la chance que représente un taux de natalité élevé. Il permettra enfin à chacun de mieux concilier vie professionnelle, vie personnelle et vie familiale, à tout âge et partout en France. Nous répondrons ainsi à une aspiration profonde de nos concitoyens, comme je le constate chaque jour dans ma circonscription d'Évreux.

Mais l'objectif est aussi de créer dans ce secteur des emplois de qualité, pourvus grâce à des formations adaptées et offrant de réelles perspectives de carrière.

Pouvez-vous donc, Monsieur le ministre, nous donner quelques indications sur la mise en œuvre du plan de développement des services à la personne, s'agissant notamment du chèque emploi service universel, mesure phare de la loi du 26 juillet 2005 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Notre objectif est effectivement de simplifier la vie de nos concitoyens, qui doivent pouvoir accéder facilement aux services à domicile et au quotidien. Il fallait donc un dispositif simple, qui garantisse des prestations rapides et au prix du travail « au noir », n'ayons pas peur de le dire !

Un titre de paiement facile à utiliser, le chèque emploi service, sera mis en place dès le début de la semaine prochaine, grâce à la mobilisation de la Banque de France, qui sécurisera le système retenu. Nous allons ainsi révolutionner les services à la personne tout en créant plusieurs centaines de milliers d'emplois - entre 500 000 et un million selon les estimations d'économistes reconnus - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je sens qu'on en frémit déjà sur certains bancs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. Philippe Vuilque - Ma question sera précise, Monsieur le Premier ministre, et appelle une réponse claire de votre part - je le souligne, car cela ne semble pas dans vos habitudes ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

Un exemple concret me permettra d'illustrer les risques et les dérives de votre projet de CPE pour les salariés et les jeunes en particulier. Il s'agit d'une jeune femme de 29 ans qui a signé un CNE, pour travailler dans une supérette de ma circonscription. Parce qu'elle est consciencieuse, cette salariée a prévenu son employeur qu'elle devait subir une intervention chirurgicale, qu'elle a repoussée afin d'éviter une absence pendant la période des fêtes de fin d'année.

Or, qu'a-t-elle reçu le 3 janvier ? Un courrier lui signifiant la fin de son contrat, sans la moindre explication, comme le prévoit votre dispositif. Cet exemple montre bien qu'en cas de maladie, de problèmes familiaux graves ou liés aux risques de la vie, le jeune salarié pourra se retrouver au chômage du jour au lendemain, sans motif ni sans entretien préalable.

De tels excès résultent de l'absence de motivation de la lettre de licenciement, qui n'existait plus depuis 1973 dans le code du travail et que vous avez réintroduite afin légaliser la précarité !

Plusieurs députés du groupe UMP - C'est faux !

M. Philippe Vuilque - Bien sûr, tous les chefs d'entreprises n'agissent pas de la sorte, mais chacun sait que le CPE, quasi-identique au CNE, occasionnera de telles dérives.

Vous objecterez peut-être qu'il est impossible de licencier ainsi un salarié en maladie. Or la preuve en est faite, et les motifs du licenciement étant discrétionnaires, le contrôle du juge sera réduit à néant ! Voilà la réalité ! Il faut que les jeunes sachent quel sera le résultat de votre Contrat « première embauche ».

Plusieurs députés du groupe UMP - La question!

M. Philippe Vuilque - La voilà : avez-vous l'intention de revenir sur ce dispositif, injuste et inadmissible, Monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Merci d'avoir posé cette question, Monsieur Vuilque, car nous allons pouvoir recadrer ainsi le débat. Le CNE, et demain le CPE, sont-ils des contrats exorbitants des règles de l'ordre public social ?

Plusieurs députés socialistes - Oui !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - La réponse est non, comme vous le sauriez si vous aviez assisté à nos débats en séance ! Il sera possible de saisir le juge en cas de discrimination, quelle qu'elle soit, mais votre embarras vous empêche de le voir !

Ce que vos schémas dépassés vous empêchent également de comprendre, c'est que la période de consolidation n'a rien à voir avec une période d'essai, puisqu'elle est assortie d'indemnités et d'un préavis en cas de rupture du contrat de travail. Le CPE offre au salarié donc toutes les protections traditionnelles prévues par l'ordre public social ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Un peu de calme !

OPA SUR ARCELOR

Mme Marie-Jo Zimmermann - Depuis plus de dix jours, un groupe familial indien a lancé une OPA sur le groupe ARCELOR, leader européen de l'acier. Bien que l'Etat ne soit pas actionnaire d'Arcelor, le Gouvernement s'est, à juste titre, saisi du dossier. Je voudrais donc savoir comment vous comptez préserver les intérêts de notre pays et ceux des trois autres pays européens concernés.

Rappelons en effet qu'Arcelor emploie près de 100 000 personnes en Europe, où le groupe réalise plus de 75 % de son chiffre d'affaires, et qu'il s'agit du champion européen des aciers plats au carbone et des aciers inoxydables, ainsi que d'autres produits à valeur ajoutée technique.

Comment l'État va-t-il défendre les intérêts sociaux, économiques et industriels du groupe face à la logique financière...

M. Maxime Gremetz - Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann - ...qui fait peser de lourdes menaces sur Arcelor, et face aux propositions de Mittal Steel ?

Cette affaire a suscité de vives réactions aux quatre coins de l'Europe, Monsieur le Ministre. Pouvez-vous donc faire le point devant l'Assemblée nationale sur l'état de ce dossier, qui est vital pour l'industrie de l'acier en France et en Europe, mais aussi pour l'emploi dans notre pays, en particulier en Lorraine, et pour la crédibilité de notre politique économique ? Comment parviendrez-vous à éviter que cette opération affecte nos valeurs économiques, industrielles et sociales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Ce dossier est essentiel pour le Gouvernement comme pour la France. L'État français n'est plus actionnaire d'Arcelor depuis la vente de sa dernière participation sous le gouvernement de M. Jospin, mais reste très impliqué : Arcelor, présent dans quatre pôles de compétitivité, emploie près de 30 000 salariés sur notre territoire. Le gouvernement français a, dès le premier jour, exprimé sa vive préoccupation quant à la manière dont cette OPA hostile a été initiée.

Plusieurs députés socialistes - Mais vous ne faites rien !

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nous avons exigé d'avoir l'accès à un projet industriel, d'intégration et de gouvernance, dont nous ne disposons toujours pas à ce jour.

Au-delà des divers effets d'image, la solidarité européenne se manifeste avec force. Et hier, à New York, où j'ai félicité les conseillers du commerce extérieur français - les ventes françaises ont augmenté de 9 % aux Etats-Unis l'an dernier -, j'ai rencontré la communauté des affaires américaine qui partage notre position. Il ne s'agit ni de protectionnisme, ni d'interventionnisme, mais du respect des règles de bonne gouvernance au sein d'un monde globalisé où la France a toute sa place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RELANCE DE L'ÉDUCATION PRIORITAIRE

Mme Françoise Branget - Le 13 décembre dernier, vous annonciez, Monsieur le ministre, une relance de l'éducation prioritaire et la création de collèges « Ambition réussite ».

M. Bernard Roman - Et les suppressions de poste ?

Mme Françoise Branget - L'éducation prioritaire est au cœur de l'égalité des chances ; donner à chacun les clefs de la liberté que sont la lecture et l'écriture est le premier devoir de la République. Il faut rappeler ces principes pourtant élémentaires, tant l'urgence est grande aujourd'hui : 15 % des élèves de sixième lisent mal, et jusqu'à 40 % en ZEP !

L'idée de donner plus à ceux qui ont moins était bonne, mais l'éducation prioritaire doit changer : les ZEP suscitent un sentiment de relégation et marquent l'échec plus que l'ambition. Dès lors, votre programme « Ambition réussite » n'est-il qu'une énième politique de zonage...

Plusieurs députés socialistes - Oui !

Mme Françoise Branget - ...ou tient-il compte des évolutions de notre société selon des principes nouveaux ? Quels en sont l'architecture et le calendrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - La première phase de relance de l'éducation prioritaire entrera en vigueur dès la rentrée 2006 selon une logique nouvelle. Deux principes l'ont inspirée : le soutien individualisé remplace la zone, et les moyens augmentent là où se concentrent les vraies difficultés. J'ai donné, ce matin même, la liste des 249 collèges « Ambition réussite » et des écoles avoisinantes auxquels, parce que leur environnement et leurs résultats sont mauvais, seront affectés mille professeurs expérimentés supplémentaires et trois mille assistants pédagogiques qui garantiront quatre séances hebdomadaires d'étude accompagnée. Chaque collège devra disposer d'une infirmière - ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui - et des dispositifs d'accueil seront consacrés aux éléments perturbateurs. Il faut, dans les trois ans à venir, sortir de ce dispositif les établissements dont l'environnement urbain et social a progressé ; au contraire, j'y ai ramené dix-huit autres établissements dès la rentrée 2006.

Pour la première fois depuis 1982, la logique est inversée : on arrête le saupoudrage, on augmente les moyens, et l'on consacre plus de moyens là où les difficultés sont les plus importantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. Gaëtan Gorce - Contrairement à ce que disait M. Borloo tout à l'heure, c'est à la jeune femme qui a été licenciée parce qu'elle était enceinte qu'il revient d'apporter la preuve de la faute commise par l'employeur : voilà qui renverse le droit tel qu'il protégeait les salariés jusqu'ici !

M. Pierre Cardo - Stupide ! C'est contraire au texte que vous avez voté il y a cinq ans !

M. Gaëtan Gorce - Le débat parlementaire semble dissiper les contrevérités qui entourent le CPE au-delà même de vos espérances, Monsieur le Premier ministre... Vos ministres ont ainsi reconnu, en votre absence, que le CPE était, après le CNE, la deuxième étape sur la voie de la généralisation de la période d'essai de deux ans à tous les salariés. Ils ont également admis qu'un même jeune pourra faire plusieurs CPE successifs et qu'un même employeur pourra embaucher plusieurs jeunes successifs en CPE - qui, de fait, ne garantira ni l'insertion des jeunes, ni la création d'emploi.

M. Richard Mallié - Voilà des heures que nous en débattons ! La question !

M. Gaëtan Gorce - Enfin, ils ont avoué que le CPE s'adressait à tous les jeunes, sans qualification ou diplômés : ainsi, sans garantir l'embauche des premiers puisqu'il ne leur accorde aucune aide spécifique, il déstabilisera l'embauche des seconds pour qui il remplace désormais tout espoir de CDI (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, interruptions sur les bancs du groupe UMP) ! Voilà les informations que le débat parlementaire a fait émerger. Votre absence dans cet hémicycle en serait-elle la cause ? (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP) Vos ministres auraient-ils trahi votre pensée par une franchise excessive ? Peut-être devriez-vous envisager de vous en séparer avant la fin de leur période d'essai, mais il serait dommage de leur imposer la même précarité qu'aux jeunes... (Brouhaha grandissant sur les bancs du groupe UMP) Ne préférez-vous pas changer de projet de loi pour enfin garantir l'insertion professionnelle de nos jeunes ?

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. Arnaud Montebourg - On ne peut jamais parler !

M. Gaëtan Gorce - Ou bien aurez-vous à répondre à l'appel du poète qui écrivait : « Dis qu'as-tu fait, ô toi que voilà, pleurant sans cesse, dis qu'as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ? » Monsieur le Premier ministre, avec le CPE, qu'aurez-vous fait de notre jeunesse ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - En dépit de votre colère, Monsieur Montebourg, je fais et ferai respecter le Règlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous. La parole est à M. Borloo (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Si je n'ai pas entendu votre question, c'est probablement que vous n'en aviez pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Tout cela ne fait que traduire votre immense désarroi. Vous voilà réduits à vous faire les chantres de l'intérim, des stages et des CDD... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) A quoi tient ce désarroi ? Tout d'abord, vous savez pertinemment que mieux vaut avoir un CDI qui se consolide au fil des ans et qui confère des droits - même si ce contrat n'est pas parfait, et nul ici n'a prétendu qu'il l'était, ni qu'il devait se substituer aux autres formes d'insertion : contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, CDI traditionnel, voire CDD. Vous êtes désemparés ensuite parce que vous ne comprenez plus le monde qui vous entoure. Les propositions des partis sociaux-démocrates européens vous restent étrangères et vous ne comprenez plus rien à la jeunesse. Il est vrai que vous vous étiez habitués, de CES en CEC, de TUC en emplois-jeunes sans formation, à la maintenir dans la précarité. Ce que nous faisons, nous, est beaucoup plus difficile, mais nous nous y attelons parce que nous croyons en une jeunesse conquérante (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

GRÈVE SURPRISE DES CONTRÔLEURS AÉRIENS D'ORLY

M. Louis Giscard d'Estaing - Monsieur le ministre des transports et de l'équipement, j'associe à ma question tous les passagers qui devaient hier matin décoller d'Orly ou s'y rendre, et qui ont été pénalisés par une grève surprise de certains contrôleurs aériens, lancée sans aucun préavis, et dont nous sommes nombreux ici à avoir fait les frais. Certains vols approchant d'Orly ont dû faire demi-tour et atterrir là d'où ils avaient décollé. Au total, 322 vols ont dû être annulés, empêchant des milliers d'usagers de tenir les engagements qu'ils avaient pris (« Scandaleux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). Cette prise en otages des passagers est inadmissible, alors que les motivations des grévistes demeurent floues et semblent n'avoir eu de justifications que locale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur - Licenciez-les !

M. Louis Giscard d'Estaing - Seule une poignée de contrôleurs aériens, une dizaine tout au plus, s'étaient mis en grève, dans le cadre d'un mouvement qui n'avait d'ailleurs pas reçu le soutien de la plupart des organisations syndicales. Pour autant, cette grève surprise a paralysé tout le trafic aérien et entraîné d'importants préjudices économiques, pénalisant au final tous les contribuables français.

Quelles mesures immédiates avez-vous prises dès hier pour assurer la reprise du trafic dans des conditions normales ? Quelles conséquences en tirez-vous en matière d'information des usagers ? Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre à l'avenir pour garantir la continuité du service public du contrôle de la navigation aérienne afin qu'une telle paralysie inadmissible du trafic ne puisse plus se reproduire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Ce qui s'est passé hier est parfaitement inacceptable. Les conséquences de cette grève surprise sont hors de proportion avec les enjeux de la discussion qui aurait dû avoir lieu en lieu et place. A la reprise de six heures du matin, une équipe de contrôleurs a argué du préavis de grève lancé pour l'ensemble de la fonction publique pour ne pas reprendre le travail, ce qui, soit dit au passage, fait que cette grève n'est pas illégale. Les dispositifs prévus, notamment par la loi de 1984, qui permettent en cas de préavis de grève des contrôleurs, et après discussion entre la DGAC, les organisations syndicales et les compagnies, de placer sous astreinte certains personnels et de dresser une liste minimale de vols maintenus, n'ont pu jouer hier du fait de la surprise.

M. Yves Bur - Quelles sanctions prendrez-vous ?

M. le Ministre - Il faut donc s'assurer qu'à l'avenir, on pourra en toutes circonstances, mettre en place un service minimal garanti. J'ai demandé au directeur de la DGAC d'entamer immédiatement des discussions avec les organisations syndicales à ce sujet (« Des sanctions ! Des sanctions ! » sur les bancs du groupe UMP). Cette grève n'étant pas illégale, la seule sanction sera le non-paiement des jours de grève, mais celui-ci est une évidence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CRISE DE LA VITICULTURE

M. Paul-Henri Cugnenc - La viticulture française connaît aujourd'hui la conjoncture économique la plus dramatique des cent dernières années et jamais, depuis 1907, autant de vignerons et leurs familles n'ont à ce point eu l'impression d'être sacrifiés dans une spirale infernale conduisant à leur disparition. Et, pour la première fois de notre Histoire, presque toutes nos régions viticoles sont victimes de la crise. En Languedoc-Roussillon, région française au vignoble le plus étendu, le chiffre d'affaires du vigneron moyen sera en 2006 divisé par deux par rapport à 2005, pour une même surface cultivée, alors même que les coûts de production demeurent identiques.

Notre viticulture représente-t-elle encore un patrimoine que nous souhaitons défendre et préserver ? Notre pays qui reste encore en matière de notoriété, de qualité et de production, le premier pays viticole au monde, a, hélas, le triste privilège d'être le plus mobilisé et le plus dynamique pour diaboliser le vin en amalgamant de façon injuste, grossière et bête, la consommation excessive, qu'il faut bien entendu condamner, et la consommation modérée qui doit être encouragée, ses effets bénéfiques ayant été scientifiquement reconnus.

Le Conseil de la modération, que nous réclamons depuis plusieurs mois, doit réunir des représentants du monde médical, du monde viticole, du Parlement et des pouvoirs publics pour engager un travail constructif convergeant vers des objectifs communs comme l'utilisation exclusive de moût concentré rectifié comme alternative à la chaptalisation, ce qui, dès la prochaine campagne, diminuerait la quantité d'alcool produite. Il faut également, dans la compétition inégale qui nous est imposée, aider structurellement et financièrement notre viticulture jusqu'à ce que les règles du jeu européennes soient mieux harmonisées.

Aussi, Monsieur le ministre de l'agriculture, quand le Conseil de la modération sera-t-il mis en place et quelle en sera la composition ? Les aides à la restructuration du vignoble seront-elles maintenues et quel en sera le niveau ? Une possibilité de distillation de crise ouverte à tous les bassins de production au prix minimal de 35 euros le degré-hectolitre sera-t-elle ouverte ? Enfin, l'allègement de la taxe sur le foncier non bâti pour toutes les exploitations s'associant à ce processus de distillation participerait à l'assainissement du marché (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - La crise de la viticulture n'atteint pas tous les vignobles, mais frappe en particulier le Languedoc-Roussillon, que vous défendez avec ardeur. Un amendement de la majorité à la loi d'orientation agricole, voté par tous les groupes, a permis de mettre en place un conseil de la modération où professionnels, médecins, hommes de communication pourront entamer le dialogue. Le Premier ministre a souhaité que le décret d'application soit publié dans les meilleurs délais. Il est à la signature des ministres concernés et paraîtra incessamment.

S'agissant des aides à la restructuration des vignobles, nous avons modifié le dispositif pour tenir compte des règles européennes. Ces aides sont mises en place en liaison avec les organisations professionnelles. L'an dernier, nous avons organisé toute l'année la distillation de crise, et malheureusement, pour la première fois, dans les AOC. Si c'est nécessaire, et cela le sera, je demanderai de nouveau à la Commission européenne de pouvoir y recourir cette année. Enfin, nous avons déjà baissé la taxe sur le foncier non bâti dans la loi d'orientation. S'il en est besoin, nous le ferons encore dans les zones viticoles.

Conformément au souhait du Premier ministre, nous avons organisé une gestion par bassin avec des coordinateurs. Régler les difficultés sociales du moment ne suffit pas. Comme le souhaite Dominique de Villepin, je présenterai avant fin mars un plan d'avenir pour la viticulture français, notamment pour aider l'exportation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE DE LA MONTAGNE

M. Joël Giraud - En premier lieu, en tant que député de la circonscription la plus proche des sites des jeux olympiques d'hiver, qui s'ouvrent après-demain, j'aimerais, au nom de la représentation nationale, souhaiter à nos athlètes une pleine réussite (Applaudissements sur tous les bancs ).

Monsieur le Premier ministre, les comités de massif se mobilisent depuis des mois pour élaborer les schémas interrégionaux de massif. Les régions y prennent toute leur part car l'enjeu est considérable dans un contexte marqué par beaucoup d'interrogations. Que sont devenus les services publics dans nos zones de montagne où l'on ne calcule pas en kilomètres mais en temps de parcours ?

M. Richard Cazenave - Les socialistes les ont tués !

M. Joël Giraud - Qu'en est-il de la résorption de la fracture numérique, quand aucun massif n'est couvert par la télévision numérique terrestre ? Qu'en est-il des engagements de l'État sur le logement social, quand il n'apporte aucun financement direct à la création de logements pour les saisonniers ?

Nous ne demandons pas l'aumône, mais de la cohérence et de la constance dans les réponses. Rassurez-vous, Monsieur le Premier ministre, je ne vous demanderai pas combien de crédits l'État va mettre dans les futures conventions interrégionales de massif, même si les montagnards, les départements et les régions aimeraient beaucoup le savoir, et négocier de façon cohérente les fonds européens.

M. Jean-Marc Roubaud - La question !

M. Joël Giraud - Votre politique nous confirme que le loup est dans la bergerie et, dans votre gouvernement, certains ours sortent facilement de leur tanière. Mais ce que nous craignons surtout, c'est que votre politique de la montagne n'accouche d'une souris.

Certes, nous prenons acte de votre accord pour l'élaboration d'un code de la montagne. Mais François Brottes, président de l'association nationale des élus de montagne, et moi-même avons du mal à comprendre si c'est par oubli ou par mépris que vous n'avez pas réuni le conseil national de la montagne, que vous présidez. Sa dernière réunion date d'août 2003. Cela se passe de commentaire. Quand envisagez-vous de réunir son assemblée plénière pour entendre les forces vives de la montagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Le conseil national de la montagne est une instance reconnue, efficace, et vous savez combien, en tant que montagnard, j'y suis attaché.

M. Augustin Bonrepaux - Vous la réunissez quand ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - A la demande du Premier ministre, j'ai fait publier le 14 décembre dernier le décret fixant sa nouvelle composition. Toutes les personnes qui doivent y siéger ont été désignées, à l'exception des représentants de l'Assemblée nationale, dont le Président m'a confirmé qu'il me les proposerait dans quelques jours. Puis, le Premier ministre le réunira en mars prochain, avec un ordre du jour qui, comme l'a demandé l'assemblée générale de l'ANEM à Piedicroce en Corse, à laquelle j'assistais sur votre invitation et celle de M. Saddier en octobre dernier, portera notamment sur les problèmes d'urbanisme en montagne, les futurs plans d'exposition aux risques, l'élaboration du code de la montagne. Dans le prolongement de la loi de développement rural, des décrets d'application relatifs aux zones de revitalisation rurale, des pôles d'excellence rurale, jamais un Gouvernement n'aura fait autant pour la montagne.

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux ! Où sont les moyens ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Le loup est dans la bergerie, dites-vous. C'est madame Voynet et le gouvernement de M. Jospin qui l'y ont introduit, et c'est l'honneur de ce gouvernement de conduire une vraie politique pour la montagne aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, huées sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Monsieur le ministre, je vous ai transmis le 1er février tous les noms des parlementaires devant siéger dans ce conseil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SERVICES AU PUBLIC DANS LES ZONES RURALES

M. Jean Auclair - On se souvient de la tragicomédie montée en Creuse par la gauche pour « défendre les services publics », assortie de prétendues démissions d'élus et de défilés dans les rues au son de l`Internationale, avec force boules de neige, mais sans Mme Royal. Aujourd'hui le rapport de M. Durieux, président de la conférence nationale des services publics en milieu rural, est connu. Une étude spécifique sur les attentes de la population de la Creuse en ce qui concerne les services publics a été lancée. Je vous laisse en méditer les édifiants résultats : les priorités sont la santé et les services aux personnes âgées, mis à mal par les 35 heures ; les commerces de proximité ; l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication et les transports ; la formation ; les services d'accueil de la petite enfance. Mais pas un mot sur la fermeture des perceptions, qui avait déclenché la manifestation dont j'ai parlé ! C'est que les agitateurs oublient les usagers pour ne se soucier que de l'emploi public. Or l'étude montre que les habitants de la Creuse, comme tous les Français sans doute, se moquent de savoir si le service est assuré par le public ou par le privé. En milieu rural, pour faire des économies et assurer un meilleur service, il convient d'associer les deux. Ne faire aucune proposition, refuser l'adaptation des services publics revient à les tuer. Nous, messieurs de l'opposition, nous ne porterons pas cette responsabilité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser votre vision de l'avenir des services au public (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et l'ambition du Gouvernement en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Notre vision des services au public en milieu rural est moderne et dynamique, comme l'est notre vision pour la France. Elle est résolument tournée vers l'avenir. Nous avons eu le courage, après des années de démantèlement des services public en milieu rural, d'aborder le sujet sans tabou. Le 2 août dernier, Nicolas Sarkozy et moi avons envoyé aux préfets de France une circulaire pour leur demander de ne plus fermer un seul service public en milieu rural sans l'accord des élus locaux et d'engager un grand débat sur la modernisation de ces services publics.

Ce qu'attendent les Français, c'est un service de qualité, pas un service public comme il y a soixante ans ! Ils veulent un service au public modernisé. Dans le prolongement du rapport Durieux, le Premier ministre m'a demandé de préparer la rédaction d'une charte à signer avec l'Association des maires de France. Quatorze opérateurs, tels que la SNCF, l'EDF, La Poste ou l'ANPE, ont accepté de la signer. Nous arrivons donc à fixer des règles du jeu là où régnait depuis longtemps une jungle totale. Mutualisation, polyvalence, mise en commun des savoir-faire : telle est notre vision des choses. Hier, c'était le démantèlement. Avec nous, c'est la modernité dans la ruralité de France, avec un vrai service au public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

OGM

M. Christian Ménard - Les OGM déclenchent les passions. Pour les uns, les techniques y aboutissant ouvrent d'extraordinaires perspectives pour la compréhension du vivant. Pour les autres, elles contrarient l'ordre naturel du vivant. Il est vrai que ces techniques soulèvent de légitimes questions d'ordre éthique, juridique, environnemental et économique. Mais le temps est venu de décider, car il y a urgence à transposer les textes européens sur le sujet.

La France vient en effet une fois de plus d'être rappelée à l'ordre par la Commission européenne et risque prochainement de lourdes condamnations financières. Les directives laissent aux États membres le choix des mesures à prendre pour assurer la sécurité des biens, des personnes et de l'environnement. Avant de les transposer, le Gouvernement a souhaité attendre les conclusions de la mission d'information parlementaire sur les enjeux des essais et de l'utilisation des OGM, mission dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur et qui a formulé en avril dernier un diagnostic et des propositions. À la lumière de ce travail parlementaire, quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - Son projet de loi est une mascarade !

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche - Vous abordez un sujet qui suscite en effet beaucoup de questions et de passions. Après les travaux remarquables de la mission parlementaire dont vous avez été le rapporteur, il s'agit en premier lieu de sortir d'un flou juridique qui est préjudiciable. Il s'agit aussi de transposer deux directives, de 1998 et 2001, et c'est urgent de le faire. Enfin, il s'agit de respecter le principe de précaution, qui fait désormais partie de notre Constitution.

Le projet de loi qui a été présenté ce matin en conseil des ministres prévoit donc des procédures rigoureuses...

Plusieurs députés socialistes - Non !

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche - ...de déclaration, d'autorisation, de suivi et d'évaluation, en toute objectivité scientifique et en toute transparence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), des conséquences des OGM sur la santé humaine et l'environnement. Nous mettons en place un accès à toutes les informations, afin que le débat soit possible et ouvert.

Les OGM et, d'une façon générale, les biotechnologies ouvrent des perspectives qui peuvent être très prometteuses pour la mise au point de médicaments et de vaccins, ainsi que pour l'amélioration des cultures. Compte tenu de toutes les innovations possibles, nous ferons jouer à plein le principe de précaution, ce qui implique de mesurer les avantages et les inconvénients en toute objectivité et en toute sérénité. Il s'agit en somme de sortir du passionnel pour entrer dans le rationnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

APRÈS L'ART. 3 (suite)

M. le Président - Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant au sous-amendement 160 à l'amendement 3 rectifié.

M. Alain Vidalies - Le Gouvernement ne s'étant pas exprimé clairement sur ses objectifs, une confusion existe entre le champ d'application du CPE et celui du CDD. S'il est parfaitement compréhensible que l'utilisation du CPE ne soit pas ouverte aux emplois saisonniers, pourquoi permettre, si ce n'est pour semer la confusion, son utilisation pour les cas de remplacement d'un salarié absent pour cause de maladie ou de formation professionnelle ou de surcroît temporaire d'activité de l'entreprise par exemple, qui sont parfaitement couverts par les CDD et l'intérim ? Il me semble indispensable que le Gouvernement précise les choses. Le sous-amendement 160 est défendu.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Même avis.

Le sous-amendement 160, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 597 a le même objet, mais tant que le Gouvernement s'obstinera à garder le silence, nous continuerons à lui poser nos questions. Nos travaux vont servir à l'interprétation de la loi pour les décisions de justice à venir. Les tribunaux, devant se prononcer sur le recours à un CPE, devront se demander pourquoi le législateur a procédé à cette distinction et si, sans la moindre mauvaise foi, nous ne comprenons pas, je crains que les juges ne restent eux aussi perplexes.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Si ma réponse permet d'avancer plus vite sur les sous-amendements suivants, je n'hésite pas à répéter ce que j'ai dit ce matin : nous n'avons pas souhaité définir des cas de recours au CPE, car celui-ci est un CDI avec une phase de consolidation - qui n'est pas une phase d'essai - de deux années au maximum, de laquelle peuvent se déduire les autres types de contrat. Tout cela est parfaitement clair. Avis défavorable au sous-amendement.

M. Jean-Pierre Brard - On se perd en conjectures. Votre silence, Monsieur le ministre, me fait penser à Vercors, sauf que le sien est autrement profond que le vôtre, qui n'a pour but que d'éviter le débat. Vous ne devriez pas persister : d'après l'AFP, 54 % des Français estiment que le contrat première embauche est une mauvaise chose pour les salariés et 58 % d'entre eux sont favorables à l'appel à manifester des syndicats et des étudiants. Malgré votre effort immense de propagande, l'opinion n'est donc pas dupe. Et si vous vous réfugiez dans le silence, n'oubliez pas que qui ne dit mot consent !

Vous ne pouvez pas rester sourd face à ce mécontentement qui monte des profondeurs de notre pays. Vous dites que le CPE est un CDI. Autant dire un bipède sans les jambes !

M. le Président - Merci, Monsieur Brard. Madame Billard, vous n'allez pas nous lire tout le code du travail ? Gérard Fuchs, le député socialiste, l'a déjà fait, et le président a même dû l'interrompre à la tribune.

Mme Martine Billard - Je vais faire un effort, mais le ministre vient tout de même de dire que le CPE était un CDI ! Si l'on passe sur cette bizarrerie que le CDI n'a qu'une période d'essai et pas du tout de consolidation, reste que le Gouvernement ouvre le champ du CPE à tous - ou presque - les emplois mentionnés dans le code comme étant susceptibles d'être remplis par des CDD. Mais le même code précise que le CDD, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise - de tels emplois étant pourvus par des CDI ! Il y a comme une contradiction... Les CPE, s'ils remplissent les conditions des CDD, ne peuvent en aucun cas être semblables à des CDI. Est-on sûr que le Gouvernement ne s'est pas trompé ? Il aurait été plus simple de supprimer les CDI et de les remplacer par des CPE, ou alors de réserver les CDD aux plus de 26 ans et aux travaux saisonniers !

Le sous-amendement 597, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Plus le Gouvernement répond, moins on comprend.

M. le Ministre délégué - Dans ce cas, je vais arrêter de compliquer votre tâche !

M. Alain Vidalies - Soit le CPE est ouvert à tous les cas de CDD, soit à aucun, ce qui est plus logique car ils n'ont pas le même objectif, soit il peut être utilisé dans certains cas de CDD. Vous avez choisi la troisième hypothèse, mais comment fondez-vous la distinction que vous établissez ? Faute de critère parfaitement clair, nous allons au-devant de difficultés d'interprétation très graves. Même si votre objectif est de créer le cadre le plus favorable à une unification ultérieure des contrats de travail, vous ne pouvez pas vous accommoder d'une telle confusion. Le sous-amendement 598 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Alain Bocquet - Je souhaite faire un rappel au Règlement fondé sur l'article 58-2. La commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau se réunira dans quelques minutes pour auditionner le juge Burgaud, ce qui explique peut-être que les bancs de cette assemblée soient clairsemés. Cet événement sera sans doute regardé par quelque 20 millions de téléspectateurs. Il serait sage de suspendre nos travaux afin que nous puissions y assister en direct.

M. le Président - Je pourrai si vous le souhaitez vous faire parvenir une cassette complète. L'audition est censée durer au moins jusqu'à 21 heures 30 ; nous n'y assisterons pas. Cela dit, si vous demandez une suspension, elle est de droit. Vous pourrez ainsi programmer votre magnétoscope.

La séance, suspendue à 16 heures 30 est reprise à 16 heures 35.

M. Jean Glavany - Je ferai un rappel au Règlement en m'appuyant sur l'article 58 alinéa 2. Il y a quelques mois, M. Borloo a confié un rapport sur l'insertion professionnelle des jeunes à une personnalité éminente, M. Proglio, président de Veolia et proche ami du Président de la République. Mais depuis, personne n'a entendu parler de ce rapport et de ses conclusions. Or, nous avons eu vent d'une rumeur, ou plutôt d'une information, selon laquelle les recommandations de ce rapport iraient exactement à l'inverse du CPE, puisqu'il proposerait notamment d'instituer un bonus en faveur des entreprises embauchant en CDI. J'ai demandé ce matin au ministre de dire à la représentation nationale ce qu'il en était et de rendre public ce rapport. Je m'étonne que le ministre ait, pour le moment, refusé de répondre.

M. le Ministre délégué - J'ai répondu ce matin.

M. Jean Glavany - C'est faux !

M. le Ministre délégué - Lisez le compte rendu analytique !

M. Alain Vidalies - Vous commencez par ne pas évoquer ce rapport. Nous découvrons qu'il existe et qu'il porte sur le sujet que nous traitons aujourd'hui. Vous vous contentez de reconnaître son existence, sans rien ajouter. Il s'agit pourtant d'un rapport commandé par un ministre de la République, et nous sommes fondés à en connaître les conclusions. Si vous ne souhaitez pas parler de ces travaux, c'est que leurs conclusions doivent être contraires à vos espérances !

Le sous-amendement 598 vise à interdire que l'on associe le CPE à l'un des dispositifs de contrats aidés applicables dans le secteur marchand. Pourquoi ? Dans le projet de loi sur le retour à l'emploi, vous avez, par amendement, ouvert la possibilité qu'un contrat-insertion RMA revête la forme d'un CDI. Le CPE étant à vos yeux un CDI, vous permettez, nous semble-t-il, par ce biais qu'un contrat aidé soit associé à un CPE, ce qui aboutit à une lecture plus particulière encore de ce dispositif. Compte tenu de l'accumulation des textes, il serait souhaitable que vous puissiez donner une réponse aux élus en charge du RMI.

M. le Ministre délégué - Les conditions d'application du CIE, précisées par décret, concernent aussi le CPE.

Le sous-amendement 598, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 599 aborde une question de fond : une entreprise pourra-t-elle recourir à un CPE après un licenciement économique ? Si oui, dans quel délai ? Le droit commun s'applique-t-il ? Je souhaiterais savoir quelle interprétation autorise l'absence de précision du texte sur ce point.

M. le Rapporteur - L'ordre public social, comme nous l'a confirmé le ministre, s'applique au CPE. La clause de réembauche d'une année, prévue par le code du travail, est donc applicable. La jurisprudence est précise et stable : il s'agit d'une réembauche à qualification équivalente dans un cadre d'emploi équivalent. Cela me paraît plus protecteur que le dispositif que vous proposez. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - M. le rapporteur a tout dit ! Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - C'est surtout que vous n'avez rien à dire !

M. Francis Vercamer - Les propos du rapporteur me font réagir. Est-ce à dire qu'un jeune, employé en CDI et objet d'un licenciement économique peut être repris en CPE durant cette période d'un an ? Cela pose problème, car il ne s'agit plus d'une première embauche !

M. Gaëtan Gorce - Bonne question !

M. Maxime Gremetz - M. Larcher a avoué ! Il a dû reconnaître que les dispositions prévues dans l'amendement gouvernemental permettent que des jeunes, en stage, se voient proposer un CPE ou un CNE pour se faire licencier peu de temps après. Une jeune femme a d'ailleurs expliqué à la télévision qu'elle travaillait depuis deux ans, qu'on lui a proposé un CNE et qu'au bout d'un mois, elle a été licenciée !

M. Richard Dell'Agnola - C'était l'assistante de Gremetz !

M. Maxime Gremetz - Vous, vous n'avez même pas participé aux débats !

Nous avons demandé au ministre de se rapporter à la loi sur les emplois-jeunes puisque M. Joyandet affirmait que les jeunes embauchés sous ce régime devaient être licenciés au terme de leur contrat. Il n'en a pas été capable ! Nous lui avons également demandé de nous donner les conclusions du rapport sur l'insertion professionnelle des jeunes. Mais il le refuse, sachant qu'elles vont faire voler en éclat le CPE !

Je répète qu'il sera possible d'accumuler les CPE et de faire tourner les employés !

Le sous-amendement 599, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Monsieur le rapporteur, vous évoquez la clause de réembauche, qui concerne celui qui a été licencié et se voit proposer un nouveau contrat. Mais là n'est pas la question : nous vous demandons s'il est possible pour une entreprise qui a procédé au licenciement économique d'un salarié de procéder ensuite à l'embauche sous CPE d'une autre personne ? Cette précision peut être utile.

Le sous-amendement 162 soulève le problème de l'utilisation d'un CPE pour remplacer un salarié au moment d'un conflit collectif. Certes, la réponse devrait en toute logique être négative, mais soyons explicites afin d'écarter toute ambiguïté dans l'interprétation du droit ; nous éviterons ainsi bien des procédures. Si les juristes devaient se contenter de votre réponse précédente, Monsieur le rapporteur, ils pourraient en effet conclure qu'exception faite de la priorité de réembauche dont jouit un salarié licencié, il serait possible de recourir au CPE à l'issue d'un licenciement économique.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Le droit de grève est constitutionnellement reconnu, Monsieur Vidalies. Il ne peut être question d'y porter atteinte et l'article L.142-45 du code du travail s'appliquera intégralement.

J'ajoute qu'en cas de réembauche, la durée du travail déjà effectuée dans l'entreprise s'imputera naturellement sur la période de consolidation.

M. Alain Vidalies - Là n'est pas la question !

Le sous-amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - Par le sous-amendement 54, nous entendons faire obstacle au CPE, grâce auquel les entreprises pourraient désormais garder de jeunes salariés à l'essai pendant deux ans, à la plus grande satisfaction du MEDEF, qui souhaite des salariés jetables et vous presse d'élargir la palette des licenciements sans motifs et sans contraintes.

Vous avancez que ce dispositif faciliterait l'embauche des jeunes, mais c'est oublier que vous allez surtout les placer dans une incertitude permanente et les priver de tout recours juridique. Vous prétendez en outre aider les jeunes les moins qualifiés, mais il s'agit une fois de plus d'un leurre, car ces jeunes ne sont pas spécifiquement visés par votre dispositif.

Contrairement aux objectifs que vous affichez, vous allez poursuivre la destruction du CDI en accélérant la marchandisation du travail. Celle-ci est déjà en cours, puisque l'ANPE signale que les emplois durables sont de plus en plus concurrencés par des contrats précaires, malgré une certaine résistance du CDI, qui compte encore plus de 18 millions de titulaires dans notre pays. Sans doute cela vous semble-t-il trop !

Sur 217 000 retours à l'emploi recensés par l'ANPE en 2004, seulement 70 000 ont pris la forme d'un CDI, contre 75 300 en CDD, 35 000 en intérim et 34 000 sous une autre forme d'emploi. Alors que la précarisation de l'emploi que vous recherchez est déjà une réalité, voilà que vous introduisez le CPE, après avoir déjà attaqué frontalement le CDI en instaurant le CNE !

Les syndicats ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : vous voulez faire du CDI une exception, un contrat hors norme. Il serait pourtant possible d'offrir aux jeunes de véritables emplois stables en demandant aux partenaires sociaux de mener chaque année des négociations sur la base des départs prévisionnels à la retraite. Vous prétendez enfin que le code du travail freinerait l'embauche en restreignant le droit de licenciement. Or, que montre l'histoire ? Répondant aux demandes patronales, les gouvernements libéraux ont multiplié les dérogations aux droits des salariés et ainsi complexifié ce qui n'était à l'origine qu'un simple recueil des principes fondamentaux qui doivent guider les relations du travail.

Vous ne faites qu'enfoncer le clou avec ce nouveau type de contrat, qui fait régner la plus grande incertitude sur la période d'essai et les droits des salariés. Nous ne pourrons donc pas vous suivre sur ce texte, auquel les organisations représentant les syndicats et les étudiants sont d'ailleurs farouchement opposées.

M. le Président - Avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement.

Mme Martine Billard - Quel est l'objectif du CPE ? S'il s'agit de lutter contre le chômage des moins de 25 ans, il faudrait commencer par prendre en compte la réalité des faits.

Alors même que la corrélation entre le chômage et le niveau de formation n'est plus à démontrer, on peine à trouver dans la politique que vous menez depuis quatre ans une quelconque volonté d'adapter les formations aux évolutions du marché de l'emploi. Toutes les études officielles, y compris celles du ministère du travail, pointent pourtant un risque de concentration des emplois dans le secteur tertiaire et de polarisation des emplois, avec d'un côté les cadres et de l'autre les salariés non qualifiés.

Or, on peut douter que le CPE apporte une réponse à cette évolution. En effet, n'oublions pas les propos tenus par un de nos rapporteurs, il n'y a pas si longtemps : toute dénaturation du contrat de travail est condamnable, qu'il s'agisse d'exclure temporairement les jeunes du calcul des effectifs de l'entreprise, ou d'instaurer une période d'essai spécifique aux jeunes, celle-ci risquant de les stigmatiser.

Qui est donc l'auteur d'une telle condamnation du CPE ? Ce n'est pas un membre de l'opposition, mais M. Bernard Perrut, rapporteur du projet de loi sur l'emploi des jeunes en entreprise, examiné en 2002.

M. Alain Bocquet - Avant de passer au vote sur cet important amendement, je voudrais faire remarquer qu'il n'y a que 19 députés de la majorité en séance, ce qui démontre bien le peu d'intérêt de l'UMP pour le CPE. Je demande donc une vérification du quorum en application de l'article 61 du Règlement.

M. le Président - Je constate que le quorum n'est pas atteint. Compte tenu de l'heure, nous reprendrons les débats à 18 heures.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 18 heures.

M. Alain Joyandet - Au nom du groupe UMP, je souligne l'obstruction systématique que pratique l'opposition - qui n'est pas encore revenue dans l'hémicycle - à coups de suspensions de séance, de vérifications de quorum ou d'amendements répétitifs. Je proteste solennellement contre ce blocage organisé de nos institutions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le sous-amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 206 vise à exclure l'emploi à temps partiel du dispositif du CPE. On explique souvent la situation difficile de l'emploi en France par le raccourci trompeur d'une comparaison avec nos voisins. Si leur taux de chômage est faible, c'est parce qu'ils ont organisé le partage du travail entre les salariés en généralisant le temps partiel - c'est le contraire des trente-cinq heures. Ainsi, alors qu'il n'est que de 16 à 17 % en France, le taux de travail à temps partiel atteint 25 % en Grande-Bretagne et dépasse 35 % aux Pays-bas. Si le nombre de salariés à temps partiel augmente dans ces proportions en France, vous aurez certes fait perdre trois ou quatre points à notre taux de chômage et l'on criera au miracle, mais vous n'aurez pas créé un seul emploi ! Pour un million de chômeurs en moins, vous aurez un million de salariés pauvres en plus.

Le sous-amendement 206, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Les dispositions conventionnelles - concernant les congés ou les avantages particuliers, par exemple - s'appliqueront-elles au CPE ? En effet, depuis votre loi sur la démocratie sociale, qui a consacré l'abandon de la hiérarchie des normes, on ignore qui prime, de la loi, du règlement ou encore de la convention collective. Le sous-amendement 207 vise à lever ce doute.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Il est précisé que le CPE est une nouvelle catégorie de CDI. En conséquence, les accords collectifs ne peuvent contenir de stipulations affectant ses conditions de rupture, qui sont dérogatoires et auxquelles on ne peut opposer de stipulations concernant la rupture d'autres contrats de travail. En revanche, les autres stipulations conventionnelles - concernant par exemple le temps de travail ou le salaire - sont applicables au CPE, qui est régi par le droit commun en la matière.

Mme Martine Billard - Un salarié embauché en CPE qui subirait un accident de travail sera-t-il protégé contre une rupture de son contrat comme le prévoit actuellement le code du travail, sans que la jurisprudence ait à définir des garanties supplémentaires ?

M. le Ministre délégué - Oui.

Le sous-amendement 207, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 208 touche au nerf sensible de votre projet. Le CPE est fondé sur l'idée qu'il faut réduire la protection des salariés. Un CDI, par définition, n'a pas de terme fixé, et sa rupture est assortie de garanties solides : des garanties liées à la procédure, d'une part - l'entretien préalable où sont communiqués les motifs du licenciement et où s'exercent les droits de la défense - auxquelles le CPE déroge, et des garanties de fond - la nécessité de justifier la rupture par des motifs sérieux comme le prévoit la loi de 1973. Si ces garanties disparaissent, il ne s'agit plus d'un CDI, mais d'un contrat précaire, qui présente même moins de garanties qu'un CDD puisqu'il peut être rompu avec un simple préavis - inapplicable le premier mois - par lettre recommandée, sans que les motifs soient communiqués. La différence avec un CDI est grande ! Le CPE entraîne une précarisation inacceptable du statut du salarié. Il y a donc abus de langage à l'assimiler à un CDI.

J'en profite pour dire combien j'ai été surpris que le ministre des affaires sociales réponde à ma question pourtant précise par une facétie, en nous présentant comme les défenseurs des contrats précaires. Je lui ai rappelé que le Gouvernement avait admis plusieurs choses au cours de notre débat, même s'il ne l'a pas reconnu cet après-midi devant l'ensemble de notre assemblée : l'extension programmée du CPE à tous les salariés, mais surtout la possibilité pour un jeune de les enchaîner, et la possibilité pour une entreprise d'embaucher successivement et sur un même poste plusieurs jeunes en CPE. Lorsque le Premier ministre est absent, ses ministres, devant notre ténacité, se montrent soudain plus sincères... Nous persévèrerons jusqu'à ce qu'ils admettent que le CPE est moins protecteur qu'un CDD.

Mme Martine Billard - L'alinéa 5 de votre amendement ouvre une dérogation aux articles L.122-13 à L.122-14-13, qui portent sur les conditions de rupture du CDI. Mais il ajoute à cette liste l'article L.122-14-14, qui concerne l'obligation faite à un chef d'entreprise de laisser le temps à un conseiller de défendre le salarié licencié au cours de l'entretien préalable.

On m'a expliqué en commission qu'il convenait également de déroger à l'article L.122-14-14. Or, un salarié en CPE dans une entreprise pourra parfaitement être conseiller du salarié et de ce fait, appelé à défendre un salarié, y compris en CDI, d'une autre entreprise. On ne pourra pas le lui interdire au motif qu'il n'est qu'en CPE. On m'objectera sans doute qu'il y a peu de chances que des salariés en CPE deviennent conseillers du salarié, au risque de voir leurs contrats immédiatement rompus de ce seul fait. Il n'en reste pas moins qu'une telle disposition ne peut figurer dans la loi car ce serait présumer que les employeurs licencieront les salariés en CPE qui seraient conseillers du salarié. Il n'est dès lors pas logique de prévoir une dérogation à l'article L.122-14-14. D'où mon sous-amendement 118.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Un salarié en CPE pourra parfaitement exercer la fonction de conseiller du salarié. Mais la procédure de rupture d'un CPE ne comportant pas d'entretien préalable, l'assistance d'un salarié en CPE par un conseiller du salarié n'a pas d'objet.

Mme Martine Billard - Vous présupposez qu'un conseiller du salarié en CPE ne défendra que des salariés en CPE, mais il pourra défendre aussi des salariés en CDI, lesquels ont droit à l'entretien préalable prévu par l'article L.122-14. Tous les conseillers du salarié, y compris ceux en CPE, doivent être protégés par la loi. Il ne faut pas déroger à l'article instituant une protection pour les salariés conseillers du salarié.

Le sous-amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 118.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 119 reconnaîtrait le même droit à indemnité compensatrice pour les salariés en CPE que pour les salariés en CDI en cas de rupture du contrat de travail pour cas de force majeure, comme cela arrive après une catastrophe naturelle ou un sinistre entraînant la fermeture d'une entreprise. A défaut, il y aurait là inégalité de traitement entre les salariés. Je demande que cette situation soit prise en compte d'ici l'examen du texte au Sénat, et qu'il soit au moins prévu qu'une indemnité sera fixée par décret.

M. le Président - La commission et le Gouvernement sont défavorables, je suppose ?

Le sous-amendement 119, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement. Je profite de la présence de M. Borloo pour revenir sur une question que nous avons posée cet après-midi lors des questions au Gouvernement, en évoquant le cas d'une salariée d'une supérette, embauchée en CNE, qui devait subir une intervention chirurgicale, en a prévenu son employeur, a accepté de reporter son opération à la mi-janvier pour ne pas perturber l'activité commerciale de fin d'année, ... et a reçu sa lettre de licenciement le 3 janvier. Il pourra demain en aller de même pour un salarié en CPE puisque là non plus, le licenciement n'aura pas à être motivé. Devant des millions de téléspectateurs, vous avez apporté, Monsieur le ministre, une réponse fausse sur le plan juridique, en tout cas de nature à induire en erreur. Vous avez expliqué que demeurait la protection découlant de l'ordre public social, mais nos concitoyens qui regardent la télévision le mercredi après-midi ne distinguent pas nécessairement celle-ci de celle découlant de l'application normale du code du travail. Ne laissez pas croire à des millions de téléspectateurs qu'un tel licenciement est nul, car il ne l'est pas. Pouvez-vous dire ici clairement que dans un tel cas, la salariée concernée peut contester son licenciement devant les prud'hommes ? Nous attendons avec grand intérêt votre réponse.

M. le Rapporteur - Monsieur Vidalies, l'article L.122-45 qui, entre autres, énonce les formes de discrimination prohibées - dont fait partie l'état de santé -, inverse la charge de la preuve. Il est expressément indiqué à la fin de cet article qu'en cas de litige, si des éléments de fait peuvent laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse, donc à l'employeur, de prouver que sa décision de licenciement est liée à des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Je souhaiterais que le Gouvernement confirme que cette mesure d'ordre public social s'applique bien dans le cas du CPE.

Je remercie Mme Billard d'avoir accepté de rectifier son sous-amendement 120 concernant l'intérim, que la commission avait jugé pertinent et qu'elle peut accepter au bénéfice de la modification qui y a été apportée.

M. le Ministre délégué - Monsieur Vidalies, on ne pourra pas se fonder sur le seul état de santé du salarié pour rompre un CPE.

M. Alain Vidalies - Il semble y avoir une légère différence d'interprétation entre le ministre et le rapporteur. Si le Gouvernement confirme que l'interprétation du rapporteur est bien la bonne, nous aurons accompli une avancée considérable. Confirme-t-il que la charge de la preuve est bien inversée et que dans le cas d'un salarié licencié sans motif mais en raison de son état de santé, il appartiendra bien à l'employeur de démontrer que le licenciement n'est pas lié à cet état de santé ?

M. le Ministre délégué - Tout à fait. Nous parlons d'une même voix.

M. le Président - Si j'ai bien compris, le rapporteur a donné tout à l'heure son avis sur le sous-amendement 120 rectifié de Mme Billard, que celle-ci n'avait pas encore défendu.

Mme Martine Billard - C'est cela. La jurisprudence allait déjà en ce sens, mais mieux vaut que la disposition figure dans la loi.

Je regrette que le ministre ne m'ait pas répondu tout à l'heure sur la question des indemnités compensatrices en cas de rupture du contrat pour cause de force majeure. J'admets que cela ne soit pas possible aujourd'hui, mais il faudrait y réfléchir d'ici à l'examen du texte au Sénat.

M. le Ministre délégué - L'indemnité de rupture de contrat prévue dans un CPE va croissant au fil du contrat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Elle existe dès le premier mois. Elle ne doit pas être confondue avec l'indemnisation chômage, qui n'est effective, elle, qu'au bout du quatrième mois.

Le sous-amendement 120 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité !

Monsieur Vidalies, vous avez la parole pour défendre le sous-amendement 171. Si nous pouvions accélérer un peu nos travaux...

M. Alain Vidalies - Certes, mais dans le respect du Règlement. N'oublions pas que nous faisons ici la loi.

Avec l'inversion de la charge de la preuve, dont il vient d'être question, nous sommes en train de fabriquer un étrange salmigondis juridique. En effet, inverser la charge de la preuve revient à demander de motiver le licenciement a posteriori. Vu la réponse donnée par le Gouvernement, les cabinets d'avocat conseilleront immanquablement à tous les salariés victimes d'un licenciement, justifié ou non, de plaider la discrimination. L'employeur sera alors obligé de dire pourquoi il a licencié, ce qui est l'inverse de l'absence de motivation prévue dans le texte. En pratique, il y a tromperie pour les entreprises, à qui on avait promis un allégement des procédures et, de toute façon, on va multiplier les contentieux aux prud'hommes. Sans doute l'Assemblée devra-t-elle revoir la loi sur ce point...

M. le Rapporteur - Le contentieux autour de l'article L.122-45 est déjà nourri. Cet article énumère une liste de discriminations et fixe la procédure à suivre : le salarié qui s'estime victime de discrimination communique l'ensemble des faits qui lui paraissent démontrer cette discrimination ; il appartient alors à l'entreprise défenderesse de prouver que ce sont des faits autres, rationnels, qui justifient sa décision. Le juge tranche à partir de son intime conviction, y compris en recourant à des moyens d'enquête et d'instruction. La jurisprudence est bien établie. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - M. Vidalies est trop fin juriste pour vouloir nous emmener dans des chemins de traverse. Je lui signale que la question de la charge de la preuve se pose devant le juge, non dans les relations de travail. L'article L.122-45 est d'usage constant et il y a seulement aménagement de la charge de la preuve en ce qui concerne l'établissement des faits. Rejet.

M. Francis Vercamer - Voilà une illustration de ce que je dis depuis ce matin sur l'insécurité juridique dans laquelle ce texte va plonger les entreprises puisque, déjà ici, on n'est pas d'accord sur son interprétation. Il faut au moins motiver le licenciement pour éviter d'énormes problèmes.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Avec cette inversion de la charge de la preuve, le salarié ira devant les prud'hommes. Ces instances seront encore plus embouteillées. Aujourd'hui déjà, un salarié licencié à tort n'a gain de cause qu'après un ou deux ans et, pendant ce temps, il n'a ni emploi ni droit aux Assedic. Motiver le licenciement éviterait d'aggraver les contentieux devant les prud'hommes.

Le sous-amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Je défends le sous-amendement 55.

Ce texte nous entraîne dans une logique implacable...

M. Alain Néri - C'est Dallas !

M. Daniel Paul - Oui, c'est l'univers impitoyable de la précarisation pour les jeunes. Vous nous dites régulièrement que les patrons n'embauchent pas parce que le coût du travail est trop élevé. D'où ce leitmotiv : il faut faire baisser le coût du travail. En 2005, ce sont 23 milliards d'aides qui ont été accordées à ce titre aux entreprises, sur le budget de l'État. Et quel bilan sérieux a-t-on fait de l'utilisation de ces aides publiques ? De toute façon, même en supprimant toutes les « charges » - en réalité les cotisations - patronales, on n'arrivera jamais au niveau de certains pays, y compris européens, dont on retrouve les salariés sur certains chantiers.

En fait, au-delà des baisses de cotisations patronales, votre objectif est de remettre en cause le CDI. On compte déjà 950 000 travailleurs en CDD, 650 000 intérimaires, 3 500 000 travailleurs à temps partiel, et le CDI est rongé par la progression de cette précarité.

Ce que nous voulons, c'est limiter tout ce qui, dans ce texte, accroît cette précarité : par exemple, en additionnant les périodes de stage, de travail temporaire, les délais de trois mois entre deux CPE dans la même entreprise, on peut prolonger la durée de la période probatoire bien au-delà de deux ans.

Le sous-amendement 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Je défends le sous-amendement 580. La mise en avant de la discrimination peut mener à une catastrophe, nous l'avons dit. Pour tempérer les choses, le Gouvernement a voulu obliger celui qui fait état de discrimination à déposer des éléments de fait. En l'espèce il suffit de déposer un certificat médical en disant qu'on a été licencié parce qu'on était malade. L'entrepreneur doit alors aller expliquer au conseil des prud'hommes pourquoi il a licencié.

Lorsqu'il y a motivation du licenciement, le salarié peut accepter une réalité économique, ou son conseil lui dire que la procédure est justifiée. Mais avec le CPE, la justification ne sera donnée qu'après procédure : le salarié va en engager une systématiquement. Les entreprises qui, aujourd'hui, échappent huit fois sur dix à une procédure si elles ont motivé le licenciement correctement, et qui pensent, avec le CPE, échapper totalement à cette contrainte, vont finalement se retrouver plus souvent aux prud'hommes. Tous vont y perdre. Il y a là une incohérence majeure.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre délégué - Rejet.

Le sous-amendement 580, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les sous-amendements 121 et 427 peuvent être mis en discussion commune.

Mme Martine Billard - Mon sous-amendement 121 a pour objet de dire les choses comme elles sont, et donc d'appeler période d'essai les deux premières années de travail en CPE. On saura au moins quelle est la jurisprudence qui s'applique, ce qui n'est pas le cas avec l'amendement en l'état. Vous dites qu'il y a des protections, puisque, après le premier mois durant lequel le salarié peut être licencié sans façons, un préavis de quinze jours est nécessaire pendant les cinq mois suivants, puis, entre six mois et deux ans d'ancienneté, il faut un préavis d'un mois. Mais que se passera-t-il si le chef d'entreprise oublie, le dernier jour, de prévenir le salarié qu'il n'est pas embauché ? Il y aura embauche automatique. Notons aussi que, de l'autre côté, pendant ces deux ans, le salarié peut, du jour au lendemain, quitter l'entreprise même contre le vœu de son employeur. Bref, avec cette formule qui n'ose pas dire son nom, vous créez une forte insécurité juridique pour le salarié comme pour les entreprises.

M. Francis Vercamer - Vous savez que le groupe UDF est contre le CPE. Cela ne nous empêche pas d'essayer de l'améliorer. C'est pourquoi je propose, dans le sous-amendement 427, de ramener la période d'essai - ou de consolidation, puisque c'est ainsi que vous l'appelez - de deux ans à six mois, durée plus conforme à ce que l'on peut considérer comme « raisonnable ». Il semble en effet que la convention 158 de l'OIT permet de déroger à l'obligation de motiver un licenciement uniquement pendant la période d'essai, mais à condition que celle-ci soit d'une durée raisonnable.

On diminuerait ainsi l'incertitude juridique dont vient de parler M. Vidalies, sans toutefois la dissiper complètement, dans la mesure où la Cour de cassation considère que la période d'essai ne doit pas dépasser trois mois.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre délégué - Rejet.

M. Gaëtan Gorce - Comme il y a une ironie de l'histoire, il peut y avoir une ironie du droit. Elle consisterait ici à ce qu'un texte fait pour « insécuriser » les salariés ait aussi pour effet d'insécuriser les entreprises. C'est sans doute pourquoi une grande organisation patronale a émis des réserves sur le CPE.

Vous me direz, Monsieur le ministre délégué, que le Conseil d'État a validé la période d'essai de deux ans du CNE. Mais ce n'est pas le Conseil d'État qui va être concerné par d'éventuels contentieux : c'est la Cour de cassation. Or, celle-ci considère qu'une période d'essai ne doit pas dépasser trois mois. Cela veut dire qu'un employeur qui licenciera sans motif après ces trois mois pourra être condamné. Vous essayez de parer à ce risque contentieux en rebaptisant la période d'essai « période de consolidation », mais M. de Villepin avait, lui, bien parlé à cette tribune de période d'essai de deux ans.

J'ajoute à l'intention de M. Borloo, qui estime les socialistes quand ils sont à l'étranger...(Exclamations sur les bancs du groupe UMP), que Tony Blair, dont il aime faire l'éloge, a ramené à un an la période d'essai qui avait été initialement fixée à deux ans. Même les travaillistes britanniques, Monsieur le ministre, sont plus progressistes que vous !

M. Alain Joyandet - Puis-je répondre ?

M. le Président - Il n'y a qu'un orateur qui répond.

M. Alain Joyandet - J'avais cru comprendre qu'un orateur pour et un orateur contre pouvaient s'exprimer.

M. le Président - Non, lisez le Règlement.

M. Alain Joyandet - La majorité s'exprime à peu près une fois par heure !

M. le Président - Vous ne pouvez pas à la fois trouver que les débats s'éternisent et vouloir intervenir à chaque fois.

M. le Ministre délégué - Je rappelle une fois pour toutes qu'une période d'essai n'a ni préavis, ni indemnité, alors que la période de consolidation a les deux. La convention 158 parle à ce sujet de « qualifying period ». Pour une telle période, deux ans constituent une durée raisonnable au sens de la convention 158.

Le sous-amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 427.

M. Alain Vidalies - C'est la première fois depuis 1973 qu'un gouvernement remet en cause l'obligation de motiver un licenciement ! Avant cette date, les choses reposaient sur une jurisprudence datant de 1872, qui avait été améliorée en 1928 par la création du préavis mais était restée en dépit de cela assez floue. Les contentieux se multipliaient donc et, de leur côté, les salariés aspiraient à connaître les motifs des licenciements. Edgar Faure a donc été à l'initiative d'un texte, présenté en 1973 à l'Assemblée, sous le ministère de... - l'Histoire est terrible ! -Georges Gorse ! (Sourires)

M. le Président - Mieux vaut être futur ministre qu'ancien !

M. Alain Vidalies - Je vous remercie de vos encouragements, Monsieur le président ! (Rires) Lors de la discussion, il a été dit que la dignité et la sécurité font partie des aspirations essentielles des hommes. Ce texte constituait à cet égard un progrès collectif. Il n'a jamais été remis en question, ni par les entreprises, ni par les salariés. Et c'est ce texte que vous vous apprêtez à remettre en cause ! Le sous-amendement 590 est défendu.

M. Alain Joyandet - Si nous cherchons à tout faire pour développer l'embauche, l'opposition, elle, ne nous parle depuis une éternité que de licenciement.

Plusieurs députés UMP - Hé oui !

M. Alain Joyandet - Ce texte ne s'adresse pas à ceux qui ont du travail, mais à ceux qui galèrent, qui sont au chômage ou qui enchaînent les petits contrats. Je suis très impressionné par ce débat juridique, mais il me semble tout de même très loin de ce qu'attendent nos concitoyens. Cela ne vous heurte-t-il pas le moins du monde que des salariés enchaînent les missions d'intérim hebdomadaires et qu'on ne leur dise que le vendredi soir qu'ils reviendront le lundi matin... jusqu'au vendredi où on leur dit qu'ils ne reviendront pas ? Vous avez été dix ans au pouvoir, et vous n'avez pourtant pas rendu l'intérim illégal ! C'est à ces gens-là que le Gouvernement propose le CPE, qui constituera pour eux une véritable avancée sociale. Il faut quand même le rappeler, une fois toutes les deux heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le sous-amendement 590, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Il eût en effet été dommage de se priver de cette intervention : ce qui déclenche l'enthousiasme de la majorité, c'est que ce texte est destiné à lutter contre le développement de l'intérim. Mais le Sénat a examiné vendredi dernier, en deuxième lecture, une disposition qui va étendre l'intérim comme jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) L'intérim, qui est aujourd'hui réservé au remplacement d'un salarié absent ou aux cas de surcroît temporaire d'activité, va être possible au seul motif...(Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Vous n'y connaissez rien et vous applaudissez à n'importe quoi. C'est très grave : l'Assemblée n'a pas discuté de cette proposition - c'est pourquoi nous avons déposé ce matin un recours devant le Conseil constitutionnel - et le porte-parole de l'UMP vient nous donner des leçons sur l'intérim ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Le sous-amendement 591 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

Mme Muguette Jacquaint - Les CPE ne s'adressent-ils vraiment qu'à cette catégorie de population ? Papy-boom aidant, je crois plutôt qu'ils vont se multiplier et que tout le monde sera en contrat première embauche. Je ne vois pas en quoi ce serait une avancée que de remplacer les contrats précaires par ces CPE, mais l'intervention de tout à l'heure montre que c'est bien ce qui va se passer. Les agences d'intérim ne s'y trompent d'ailleurs pas : elles craignent que le CPE ne remplace l'intérim ! C'est très grave.

Le sous-amendement 591, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - On essaye de nous faire croire qu'on va régler le problème de la précarité avec le CPE. C'est le contraire : le CPE va prendre la place des CDI ! Si, comme vous l'avez dit, les CDD et les contrats d'intérim ont une durée moyenne d'un mois, vous pensez bien que les employeurs ne vont pas leur substituer un engagement supérieur à deux ans ! Ceux qui galèrent aujourd'hui et sont condamnés, pour le mieux, à l'intérim et aux CDD n'auront pas droit au CPE parce qu'ils ne rentreront pas dans les catégories concernées, mais la majorité des jeunes, qui sont recrutés actuellement en CDI, n'auront plus que des CPE et n'auront donc que des garanties de loin inférieures. Cette mesure ne va régler aucun problème mais précariser la situation du plus grand nombre.

D'autres pays appellent à la flexibilité-sécurité, mais lorsqu'ils assouplissent le régime de la rupture du contrat de travail, ils fixent des conditions de sécurité bien meilleures, en termes par exemple de retour à l'emploi ! Enfin, M. Joyandet nous a reproché de nous retrancher derrière des textes défendus par ses amis politiques, il y a c'est vrai trente ans. C'est un comble que des socialistes se réclamant d'un ministre et d'un député gaullistes se fassent aujourd'hui traiter d'archaïques ! Ce que défendait M. Gorse dans cet hémicycle et que vous ne parvenez pas à comprendre, c'est la dignité du salarié. Le sous-amendement 592 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

Mme Martine Billard - Face à la précarité des jeunes, il y a deux solutions. Celle que vous proposez, c'est d'établir une sorte de rotation du travail : enchaîner stages, CDD, CPE et autres... À ce propos, je vous signale qu'être appelé ou remercié du jour au lendemain fait partie du principe même de l'intérim ! L'autre solution est d'essayer de créer des emplois. Il y en a besoin dans le secteur associatif, dans le secteur environnemental, dans les quartiers en difficulté... Ce sont des emplois qualifiés, et qui servent l'ensemble de la société. Mais il faut choisir ce qu'on fait de son argent : offrir des exonérations aux grandes entreprise ou construire une politique sociale !

Le sous-amendement 592, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Je viens de recevoir un fax de la part de M. Brard, selon lequel la société ICADE, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, persévère dans sa volonté d'augmenter les loyers de cent à trois cents euros mensuels dans son patrimoine de logements sociaux. Cela n'a rien à voir avec l'emploi, mais nous sommes aussi en train de parler d'égalité des chances.

M. le Président - Merci, Madame Jacquaint...

Mme Muguette Jacquaint - C'est trop grave ! Tout ça pour être coté en bourse ! Je vous demande, Monsieur le ministre, de me donner votre opinion sur le comportement de cette société, dont les locaux sont actuellement occupés par les locataires.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - J'ai eu l'occasion de m'entretenir de ce problème avec M. Brard. La position du Gouvernement est claire : il ne peut y avoir de déconventionnement ou de fin de conventionnement sans l'accord du maire.

La séance, suspendue à 19 heures 15, est reprise à 19 heures 20.

M. Francis Vercamer - Le sous-amendement 458 revient sur la motivation du licenciement, dont l'absence peut causer de nombreux désagréments, entraîner les salariés dans des recours coûteux en temps et en argent, et plonger les entreprises dans une insécurité juridique.

Il me paraît important de modifier l'amendement du Gouvernement pour le rendre conforme à la convention 158 de l'OIT. Celle-ci indique que, dans le cas d'une période d'essai raisonnable, la motivation peut n'être pas exigée. Toutefois, le Gouvernement considère qu'il ne s'agit pas ici d'une période d'essai, mais d'une période de consolidation : il convient donc de motiver la rupture afin de rendre cette disposition conforme à un texte que la France a ratifié !

Je réponds d'avance à M. Joyandet qui dit que nous ne pensons qu'à la rupture du contrat, et jamais à l'embauche, et je le fais en reprenant la comparaison de M. Borloo : quand on se marie, on prévoit dans le contrat les conditions de la rupture !

M. Jean-Pierre Blazy - Et en général, ça dure plus de deux ans... (Sourires)

M. Francis Vercamer - Si on ne le fait pas pour le CPE, cela créera des conditions de fonctionnement exécrables et ouvrira de nombreuses possibilités de recours.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 209 porte sur les conséquences pratiques qu'emporte l'absence de motivation. Lors d'un recrutement, l'employeur demande naturellement au candidat à l'embauche les raisons pour lesquelles il a cessé son activité dans les entreprises qui figurent sur son curriculum vitae. La fin d'un contrat en CDD ou un licenciement économique n'ont pas à être justifiés par l'employé potentiel. En revanche, avec le CPE, une suspicion permanente pèsera sur les épaules de ce jeune, puisque les raisons de la rupture du contrat n'apparaîtront pas, et l'employeur sera contraint de se renseigner par des moyens détournés. Les relations entre employeur et employé ne seront donc pas apaisées, mais bien compliquées.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 593 est défendu.

M. le Président - L'avis de la commission et du Gouvernement sont défavorables.

M. François Brottes - Je comprends que le Gouvernement ne souhaite pas que les débats se prolongent. Mais nous espérions que la question très argumentée et synthétique de M. Vidalies recevrait une réponse. Que le salarié puisse bénéficier de la motivation de rupture afin de pouvoir en faire état postérieurement dans sa carrière nous semble être un sujet suffisamment grave pour que le ministre délégué nous écoute...

M. Jean-Pierre Brard - Pour M. Larcher, la messe est dite !

M. François Brottes - Nous ne pouvons continuer de travailler ainsi, monsieur le Président ! Le ministre délégué doit nous répondre. La suspicion pèsera de manière insupportable sur le reste de la carrière personnelle du salarié.

Les sous-amendements 593, 209, 458, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je souhaite faire un rappel au Règlement car j'ai une grande nouvelle à annoncer, dont je ne veux pas priver l'Assemblée. M. Bayrou vient d'annoncer que le groupe UDF voterait contre le CPE, privant ainsi l'UMP d'une majorité au Sénat.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 58, alinéa 2. Le Gouvernement ne répond pas à nos questions ! Quelle est l'utilité d'interdire la mention des motifs du licenciement ? Pourquoi empêcher le salarié d'en prendre connaissance ?

M. Alain Vidalies - Avant de défendre le sous-amendement 210, je voudrais souligner à mon tour que l'absence de motivation posera une véritable difficulté pratique aux jeunes, à moins que vous n'introduisiez une disposition générale dans la loi afin d'interdire toute mention des motifs de licenciement dans les CV.

Les moins de vingt-cinq ans risquent en effet de subir une double peine : et un licenciement et une suspicion de la part de tout employeur potentiel. Le système que vous nous proposez est donc totalement irréfléchi et inabouti !

J'ajoute que nos débats perdent leur sens si vous changez à tout instant d'arguments. Vous avez justifié le CNE par la référence à la situation spécifique des petites entreprises, et voilà que vous prétendez étendre le même dispositif à des entreprises de plusieurs dizaines de milliers de salariés ! Votre seul objectif est en fait de détruire notre code du travail en procédant par modifications homéopathiques.

M. le Président - Avis négatif de la commission. La parole est au ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Pour en venir au sous-amendement que vous n'avez pas réellement défendu, Monsieur Vidalies, je précise que la règle applicable au délai de recours est identique à celle prévue pour le CNE, et déjà validée par le Conseil d'État : ce délai court à partir de la date d'envoi de la lettre de licenciement.

S'agissant de la motivation, notre logique n'est pas procédurale ! C'est une logique d'embauche qui vise à en finir avec la précarité et avec le chômage élevé que subissent les jeunes depuis vingt-cinq ans (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Pour y parvenir, le CPE respecte un équilibre entre la souplesse dont a besoin le marché de l'emploi et la sécurité que demandent les salariés.

M. Maxime Gremetz - Mais arrêtez !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Faut-il protéger l'emploi ou bien les salariés ? Dans quel cas prend-on le risque d'exclure les plus faibles ? Voilà les questions que vous devriez vous poser !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Admirable !

M. Maxime Gremetz - Comment osez-vous tenir de tels propos, Monsieur le ministre ? Chacun sait que l'absence de motif de licenciement ne pourra que jeter le doute et engendrer des discriminations à l'encontre des jeunes. La motivation est donc une nécessité !

Et personne ne peut vous croire quand vous affirmez vouloir sécuriser l'emploi. Si le code du travail exige une cause réelle et sérieuse de licenciement, c'est pour que le salarié puisse exercer un recours effectif, qui sera désormais impossible !

Dernière contradiction : vous avancez qu'il existe des emplois libres dans des secteurs qui souffrent d'une pénurie de main-d'œuvre ; or, comment pouvez-vous croire que qui ce soit va vouloir occuper un emploi souvent pénible s'il peut désormais être licencié du jour au lendemain et sans motif sérieux ?

Loin d'apporter une quelconque sécurité aux salariés, votre projet va au contraire instaurer une insécurité permanente ! Voilà la réalité !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Comme le souligne un article du dernier numéro de Télérama, c'est un nouveau compromis social que nous devons inventer. Pouvons-nous en effet continuer à protéger ceux qui sont déjà protégés, et non ceux qui souffrent de la précarité et qui sont exclus du marché de l'emploi ?

C'est parce que nous sommes conscients de cette situation que nous avons proposé le droit individuel à la formation, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et les contrats de professionnalisation !

M. François Brottes - Merci d'avoir fait l'effort de vous expliquer enfin, Monsieur le ministre (Sourires).

Vous évoquez une « logique d'embauche », mais vous oubliez que le jeune n'a pas vocation à occuper un seul et unique emploi au cours de sa vie professionnelle. Or, tous ceux qui ont eu à pratiquer un recrutement savent qu'on ne s'intéresse pas seulement aux compétences d'un salarié, mais aussi à son parcours. L'employeur potentiel ne manquera pas de s'interroger sur les conditions de rupture des précédents contrats de travail, car cela peut l'éclairer sur le comportement du candidat au recrutement.

Non seulement la motivation permettra aux jeunes de comprendre les raisons de leur licenciement, et ainsi de s'améliorer, mais elle leur donnera également les moyens de s'expliquer devant un recruteur.

Le sous-amendement 210, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 581 va me permettre de revenir sur les propos du ministre, qui affirme que les sécurités procurées au salarié par le CPE compenseraient les insécurités qu'il lui fait subir.

A supposer que l'employeur n'exploite pas les failles de votre dispositif en concluant des CPE pour éviter le recours à un CDD, qui aurait des conséquences plus douloureuses pour lui, vous affirmez que le salarié bénéficiera d'un préavis et d'indemnités... mais je vois que je vous dérange dans votre conversation, Monsieur le ministre !

M. Bernard Accoyer - Qu'il est docte ! Donneur de leçons !

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement ! Comment pouvez-vous accepter de telles mises en cause par des provocateurs professionnels, Monsieur le président ? Vous avez déjà admis que M. Gremetz soit interrompu par des collègues qui faisaient référence à des éléments qui ne concernent que l'intéressé et ses salariés, et voici que vous laissez M. Accoyer s'en prendre à des parlementaires en faisant allusion à leur formation professionnelle ! Et pourquoi pas à leur origine ethnique ? C'est un véritable scandale ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Compte tenu de cette attitude, je demande une suspension d'un quart d'heure.

M. le Président - Je vous accorde une minute.

La séance, suspendue à 19 heures 45, est reprise à 19 heures 46.

M. le Président - Je vais mettre aux voix le sous-amendement 581...

M. Gaëtan Gorce - Je n'ai pas fini de le défendre, car j'ai dû faire un rappel au Règlement !

M. le Président - Ne me mettez pas à bout : la mauvaise foi a des limites...

M. Gaëtan Gorce - N'employez pas cet argument, Monsieur le Président.

Le ministre nous parlait tout à l'heure de protection et de sécurité du salarié : j'essaie de mesurer la portée du propos. La question du droit individuel à la formation a-t-elle été seulement évoquée avec les partenaires sociaux ? Vous allez par ailleurs abroger le délai d'un an au terme duquel le salarié pourra bénéficier du DIF au prorata du temps passé dans l'entreprise, en le ramenant à un mois : cela veut-il dire qu'un salarié qui ne sera resté qu'un mois aura droit à un douzième de vingt heures ?

Mme Martine Billard - L'Assemblée crée un nouveau contrat de travail : c'est bien la moindre des choses d'en examiner les conditions d'entrée comme de sortie ! Nous devons tout prévoir pour ne pas être considérés comme irresponsables par nos concitoyens. Ne réduisons pas le contenu des lois pour tout laisser à la jurisprudence ! De nombreuses entreprises préféreraient d'ailleurs savoir à quoi s'en tenir dès le départ.

Le DIF ne peut dépasser vingt heures par an. Sans le premier mois, cela donne un peu moins de vingt heures par an ; la formation professionnelle consiste en journées de six heures environ. Le DIF se résume donc à trois jours par an ! Croyez-vous que c'est ainsi que l'on améliorera la situation de jeunes qui ont du mal à entrer dans l'emploi ?

En outre, vous venez de dire en aparté, Monsieur le ministre, que ce droit est transférable : c'est faux ! En l'état, votre amendement n'autorise pas le transfert du DIF d'une entreprise à l'autre. Il s'agit donc d'un DIF au rabais, que les jeunes ne pourront utiliser que dans l'entreprise où ils font leur CPE et dont ils perdront donc le bénéfice s'il doivent changer d'employeur !

Le sous-amendement 581, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 582 vise à préciser que le contrat de travail ne peut être rompu en raison du sexe du salarié. Le Gouvernement me répondra que cela va de soi, puisque des dispositions d'ordre public l'excluent. Je rappelle néanmoins la situation déjà évoquée - sur laquelle le Gouvernement est resté silencieux - d'une jeune femme en CPE licenciée sans motif : la seule manière de prouver qu'elle a été licenciée parce qu'elle est une femme sera d'aller devant le conseil des prud'hommes qui, en vertu du renversement de la charge de la preuve, demandera à l'employeur les raisons de la rupture de contrat. De surcroît, dans le cas d'un licenciement économique - soit un tiers du total -, le salarié aura tout intérêt à ce que le motif soit indiqué par l'employeur pour faciliter sa recherche d'emploi. Votre système est donc incohérent, et sa mise en œuvre posera d'immenses difficultés.

Le sous-amendement 582, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 583 est fondé sur les mêmes raisons et concerne l'origine du salarié. Demain, à la lecture de nos débats, l'inquiétude se répandra, notamment dans les entreprises. Déjà, après le vote du CNE, plusieurs articles de presse se demandaient s'il ne s'agissait pas d'un mauvais cadeau fait aux entreprises. Le débat actuel nous permet de sortir du stade de l'hypothèse, en révélant la réalité de votre texte. Les articles se multiplieront de sorte que cette question sera cruciale lors de la lecture au Sénat car, avec ce texte, vous ne perturbez pas seulement le sort des salariés, mais aussi la vie des entreprises !

M. François Brottes - Je profite de la présence de M. Begag dans l'hémicycle pour lui demander son avis sur ce sous-amendement qui interdit de rompre un contrat en raison de l'origine du salarié.

M. Richard Cazenave - Mais c'est la loi !

M. François Brottes - Ne pense-t-il pas que le CPE doit contribuer à la lutte contre les discriminations dont on parle tant par ailleurs ?

M. Bernard Accoyer - C'est scandaleux !

Mme Muguette Jacquaint - Ne dites pas que c'est dans la loi ! Le CPE peut être rompu sans motif : dès lors, on peut très bien imaginer qu'il le soit en raison d'une telle discrimination, puisqu'il ne faudra justifier de rien !

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances - Je suis choqué par votre question, Monsieur Brottes.

Plusieurs députés UMP - A juste titre !

M. Azouz Begag, ministre délégué - Vous me montrez du doigt à cause d'une origine supposée, en fonction de laquelle vous me demandez de réagir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La question de la discrimination en fonction de l'origine intéresse tous les ministres, tous les députés et tous les Français (Même mouvement) ! Vous n'avez pas le droit de me désigner ainsi ! J'attends des excuses de votre part ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le sous-amendement 583, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Je profite de la présence de M. Begag dans l'exercice de sa responsabilité ministérielle pour rappeler qu'en matière d'égalité des chances, les actes valent mieux que les paroles. Après l'augmentation inique de leurs loyers, des Montreuillois locataires de logements sociaux se sont mobilisés, comme l'a indiqué Mme Jacquaint - et la mesure a été rapportée ! Vous voyez que les seules batailles perdues sont celles que l'on ne mène jamais !

M. le Président - Très bien, Monsieur Brard. Achevez votre propos.

M. Jean-Pierre Brard - Je suis heureux qu'en bon républicain, vous nous félicitiez, Monsieur le Président : nous avons fait la preuve que l'on peut gagner contre la politique du Gouvernement !

M. François Brottes - La remarque du ministre n'est pas acceptable ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Qui était le mieux à même de me répondre sur un amendement relatif aux discriminations à l'embauche que le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


© Assemblée nationale