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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 60ème jour de séance, 141ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 8 FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 2

      ORDRE DU JOUR du JEUDI 9 FÉVRIER 2006 33

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi sur l'égalité des chances.

APRÈS L'ART. 3 (suite)

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 584 précise que le CPE ne pourra être rompu en raison des moeurs du salarié. Certes, le Gouvernement et la commission répondront que les mœurs du salarié ne sauraient justifier un licenciement, mais ce sous-amendement vise surtout à réfléchir sur la distinction entre les licenciements légitimes pour cause réelle et sérieuse, pour raison économique ou pour faute grave, et les licenciements dans le cadre du CPE qui feront l'objet d'une lettre non motivée. Vous expliquez d'ailleurs que les salariés seront toujours protégés lorsque l'ordre public social, selon l'expression de M. Borloo, sera en cause, et notamment contre les atteintes discriminatoires. Mais lorsqu'un salarié craindra d'avoir été licencié pour ces raisons-là, il ira devant le conseil des prud'hommes et l'entrepreneur devra alors faire état des motifs réels du licenciement. Il ne suffit pas de se réfugier derrière la référence à l'ordre public social pour échapper à cette contradiction.

Je précise en outre que lorsque nous avons évoqué tout à l'heure la question des discriminations, c'est bien à M. Larcher que nous nous sommes adressés car cela concerne bel et bien son ministère et les questions liées à l'emploi.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Même avis.

Le sous-amendement 584, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 585 a un objectif comparable.

Nous avons souligné les risques que le CPE fait courir aux salariés mais également à leurs employeurs. En effet, en cas de licenciement et en particulier s'il est fait état d'éventuelles discriminations, la charge de la preuve risque de revenir systématiquement à l'employeur. En outre, la Cour de Cassation pourrait réduire et requalifier la période d'essai. J'ajoute que le dispositif que vous préconisez n'implique aucune procédure contradictoire, alors que le Conseil Constitutionnel a plusieurs fois élevé au rang de principe constitutionnel les droits de la défense, et donc, l'application d'une procédure contradictoire, y compris dans le cadre des procédures non juridictionnelles. Votre projet, quant à lui, exclut l'application de l'article L.122-14 du code du travail instituant le principe de l'entretien préalable pour tout licenciement individuel. Il est vrai que dans le cadre du CNE, le Conseil d'Etat a considéré que ce principe ne devait pas s'appliquer en raison d'une procédure dérogatoire qui, elle, s'applique dans le cas d'une procédure disciplinaire mais pas nécessairement dans un autre type de procédure. L'employeur, néanmoins, n'est pas informé de cette situation et peut légitimement penser, faute de précision dans le projet, que l'absence de procédure contradictoire s'applique dans tous les cas, que le motif soit ou non disciplinaire. Quoi qu'il en soit, les conséquences de la procédure seront les mêmes pour un salarié déjà fragilisé en raison de son jeune âge. Je souhaite évidemment que le Gouvernement nous réponde.

Le sous-amendement 585, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 586 a un objectif comparable. Il s'agit toujours de nous interroger sur la protection effective du salarié alors que la lettre de licenciement ne comportera aucune motivation. Ce type de licenciement, sans entretien préalable, constitue une grave régression sociale. Le groupe socialiste, dans les années quatre-vingt dix, avait déposé une proposition de loi instituant un conseiller du salarié afin d'assister les employés des petites entreprises qui ne disposent pas de délégué du personnel. Sa présence, dans le cadre des entretiens préalables, a entraîné le triplement des remises en cause de licenciements. Vous, vous préférez faire l'économie de ce dialogue !

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Alain Joyandet - Nos collègues n'ont pas été choqués par les emplois jeunes, CDD de cinq ans où le jeune salarié pouvait être remercié automatiquement, sans entretien préalable et sans lettre de motivation. C'était des emplois..

M. Jean Leonetti - Jetables !

M. Alain Joyandet - En effet. Cela fait des heures que nous entendons vos arguties juridiques, qui n'intéressent personne ou fort peu en dehors de rares spécialistes. Il est bon de vous rappeler de temps en temps ce que vous avez fait, car c'est ce qui nous conduit à sortir de la galère des gens englués dans des statuts précaires à répétition pour leur proposer un CPE grâce auquel ils acquièrent des droits dès le premier mois d'exécution. Alors, vous entendre asséner les mêmes choses dix fois de suite - au point que l'on ne vous répond pratiquement plus - est proprement stupéfiant ! Entre un CDD de cinq ans rompu sans motivation ni indemnité et assorti d'aucune formation et un CPE, le choix est vite fait ! Notre rapporteur, qui a accompli un excellent travail sur ces différents sujets, vous a donné tous les chiffres officiels. Très franchement, nos collègues de l'opposition s'obstinent dans l'obstruction, sous-amendement après sous-amendement, pour que ce débat n'ait pas lieu dans des conditions normales et nous le regrettons très vivement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le sous-amendement 586, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Il y a des moments délicieux dans la vie parlementaire ! Il me semblait que nous étions en train de faire la loi et que cela implique un minimum de références au droit. Mais, après tout, si l'on en est exonéré, je comprends mieux que les incohérences que nous soulevons depuis plusieurs heures dans le texte du Gouvernement n'intéressent pas le porte-parole de l'UMP. C'est du reste un moment de détente que de l'entendre parler des conditions de rupture d'un CDD, lesquelles, par définition, n'existent pas, un CDD ne donnant pas lieu à une procédure de licenciement lorsqu'il arrive à échéance. Si vous voulez continuer sur ce terrain, il faudra bien choisir si les emplois jeunes étaient des CDD ou des CDI. En toute rigueur, les deux formules existaient mais je renonce à vous faire comprendre cette nuance. Il est vrai que lorsqu'on appartient à une majorité qui, en quatre jours, décide d'instituer le licenciement du jour au lendemain et d'élargir le champ de l'intérim, on n'en est pas à cela près ! Il me semble que vous pouvez assumer politiquement cette démarche avec des arguments en matière de création d'emplois - auxquels je m'empresse de dire que nous ne croyons absolument pas - mais ne cherchez pas à la justifier sur le plan juridique car cela vous ferait prendre beaucoup de risques. Notre sous-amendement 587 est donc défendu.

Le sous-amendement 587, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - M. Joyandet ne cesse de dire que nous voulons faire de l'obstruction... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et c'est tout de même paradoxal ! Je vais défendre notre sous-amendement 588 car nous abordons les questions liées au respect de l'égalité et aux discriminations, le principe de non-discrimination étant de valeur constitutionnelle. S'inspirant de l'expérience britannique, la Cour de justice européenne l'a en outre précisé au plan communautaire, en élaborant sa jurisprudence autour du concept de discrimination indirecte. D'abord reconnue dans le domaine de la libre circulation des travailleurs migrants, ce principe a été étendu à l'égalité entre hommes et femmes par les arrêts Jenkins et Bilka. Cette jurisprudence a été consacrée par trois directives européennes : la première date du 15 décembre 1997 et concerne l'égalité entre hommes et femmes. Elle énonce qu'il existe une discrimination indirecte dès lors qu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit appropriée et nécessaire et ne puisse être justifiée par des facteurs objectifs et indépendants du sexe des intéressés. Nous sommes au cœur du débat sur l'égalité des chances et sur les discriminations.

Les deux autres directives, adoptées en 2000 et 2002, en donnent une définition similaire. La directive du 23 septembre 2002 définit la discrimination indirecte comme la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe par rapport à des personnes de l'autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.

Au regard de ces définitions, le CPE peut être de nature à entraîner une discrimination et l'on peut même se demander s'il n'est pas fondé principalement sur l'idée d'une discrimination et quel paradoxe, de ce point de vue, de l'intégrer dans un texte sur l'égalité des chances ! Le risque de condamnation de la France par la CJCE du fait de ce dispositif est donc loin d'être écarté.

En effet, la CJCE a considéré que la période d'essai britannique était contraire au droit communautaire, en ce qu'elle entraînait une discrimination indirecte prohibée, ces dispositions affectant une proportion plus grande de femmes. La Cour de justice a retenu en outre qu'après quatorze ans d'application, le Royaume Uni était incapable d'apporter la preuve que l'institution de cette période d'essai avait eu un effet favorable pour l'emploi.

Cela veut dire en clair, Monsieur le ministre, que le Gouvernement devra justifier devant les juridictions européennes à la fois qu'il n'y aura pas de discrimination dans l'application de ce texte et que certaines populations ne seront pas touchées plus que d'autres par des ruptures anticipées du contrat pendant la période de deux ans, sauf à démontrer que le CPE aura eu pour conséquence, pour ces populations, de les faire accéder plus rapidement que d'autres à l'emploi. Beaucoup de conditions dont je doute que vous soyez en mesure de les remplir mais sur lesquelles j'aimerais que le Gouvernement puisse nous apporter tous les apaisements nécessaires.

Le sous-amendement 588, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Je vais défendre notre sous-amendement 589, en déplorant que le Gouvernement ne réponde pas sur le principe de l'égalité des chances qui est pourtant le fondement de ce texte, ni du reste sur celui des discriminations. Naturellement, chaque question posée sera aussitôt considérée comme participant d'une démarche d'obstruction, comme si le débat parlementaire n'avait pas d'autre vocation que d'empêcher le Gouvernement d'agir ! Et je le dis avec d'autant plus d'ironie que ce gouvernement dispose de tous les moyens pour aboutir. Il est sûr de faire voter ce texte et il ne convaincra personne que l'emploi des jeunes est suspendu à quelques heures de débats parlementaires de plus ou de moins !

Par contre, c'est l'appréciation que l'on peut porter sur la nature du CPE qui dépend de ces quelques heures en plus ou en moins. A ce titre, nos sous-amendements tendront à démontrer que le CPE n'est pas plus favorable qu'un CDD, bien moins favorable qu'un CDI et qu'il présente toutes les caractéristiques d'un contrat précaire d'un nouveau genre.

Lorsque M. Joyandet se précipite avec tout l'enthousiasme qui le caractérise depuis le début de ce débat pour nous dire qu'il s'agit de sortir les jeunes de la précarité, nous démontrerons au contraire, arguments juridiques à l'appui, que cette précipitation va encore aggraver la précarité.

Je fais observer pour conclure que nous avons posé plusieurs questions de fond au Gouvernement, sur lesquelles nous n'avons pas obtenu de réponses. J'ai demandé à plusieurs reprises si le Gouvernement était prêt à assumer le fait d'avoir supprimé quelque 162 000 emplois pour les jeunes depuis 2002. Considère-t-il qu'au regard de la situation des jeunes par rapport à l'emploi le CPE est de nature à traiter tout à la fois les difficultés des non qualifiés et des plus diplômés ? Considère-t-il toujours que le CPE est réellement un CDI, assorti de toutes les garanties de mise, ou reconnaît-il enfin qu'il s'agit d'un contrat précaire d'une nouvelle sorte, comme nous le démontrerons ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Tous ces sujets ont déjà été maintes fois évoqués. Nous nous préoccupons évidemment de l'ensemble des jeunes et nous pensons en particulier à ces zones de notre territoire où 50 % des jeunes sont au chômage et condamnés à la galère. Notre objectif, c'est d'abord de donner une chance à ces jeunes là.

S'agissant de la discrimination indirecte, je rappelle que le droit français a transposé à la fois la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg et les directives qui en sont issues. Le CPE ne déroge nullement aux principes de la non discrimination, et notamment à ceux interdisant la discrimination indirecte à l'égard des femmes, qui sont d'ailleurs les plus frappées par les contrats précaires. Je rappelle en outre qu'un autre texte, relatif à l'égalité salariale, a rendu effectif le principe d'égalité entre hommes et femmes. Au reste, la présence de Catherine Vautrin et d'Azouz Begag démontre bien que nous voulons faire de 2006 l'année de l'égalité des chances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire que le CPE est plus avantageux pour les salariés qu'un CDD - que je combats, puisque je suis favorable aux formules d'emploi durables ? Lorsqu'un CDD prend fin, il n'est pas possible d'avoir recours à un nouveau CDD sur le même poste avant l'expiration d'un délai de carence, égal au tiers de la durée totale du contrat précédent : pour le CPE, aucun délai n'est exigé ! Un CDD doit être payé jusqu'au terme et si l'employeur le rompt sans motif, il doit payer le salarié jusqu'à l'échéance prévue : pour le CPE, il n'est est évidemment pas question ! Se séparer d'un salarié et le remplacer par un CPE sera possible : pour un CDD, ce n'est pas le cas. De même, à la différence d'un CDD, un CPE pourra remplacer un salarié licencié pour motif économique. Sauf à être requalifié en CDI, un CDD ne peut servir à pourvoir un poste permanent de l'entreprise. Bien entendu, tel ne sera pas le cas pour un CPE. Enfin, une succession de CPE sera possible et l'employeur est libre d'en conclure selon son bon vouloir, alors que les conditions de recours aux CDD sont strictement encadrées. Qu'est-ce qui le guidera sinon la possibilité de mettre le jeune dehors sans avoir à trouver de motif ?

Le Gouvernement a précisé que le jeune en CPE recevra 8% de son salaire brut en guise d'indemnité à la fin de son contrat. Oui ou non ? Pour un CDD, il est prévu de verser une indemnité de précarité représentant 10% du salaire brut. Tout pour baisser le salaire, voilà le vrai motif de votre CPE !

Le sous-amendement 589, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Notre sous-amendement 173 précise qu'en cas de faute grave du salarié, l'employeur est tenu de respecter la procédure disciplinaire prévue à l'article L.122-41 du code du travail. La situation actuelle est la suivante : si un salarié est licencié durant sa période d'essai mais que l'employeur est amené à devoir justifier son licenciement, par exemple parce qu'il est accusé de discrimination, et qu'il invoque alors un motif disciplinaire, la conclusion du juge sera qu'il aurait dû respecter la procédure disciplinaire, avec ses particularités. Je crois qu'il serait utile que le Gouvernement nous dise s'il en ira de même pour cette fameuse période de deux ans.

Le sous-amendement 173, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - A l'occasion de la défense du sous-amendement 56, je souhaite revenir sur cette violation caractérisée de notre droit du travail que constitue une période d'essai de deux ans. Il faut mesurer l'ampleur historique de l'atteinte qui est ainsi portée aux droits des travailleurs.

Pendant tout le XIXème siècle, le contrat de travail pouvait prendre fin par la volonté de l'une des parties. Dans la pratique, les travailleurs étaient dans une situation de précarité totale, soumis en permanence à la bonne volonté des patrons. C'était l'époque où les ouvriers se rendaient chaque jour place de Grève en quête d'un employeur et étaient jetés de leur emploi sans règles, sans procédure, sans motifs. Très vite, cependant, les tribunaux appliquèrent à la rupture du contrat de travail la notion d'abus de droit afin de limiter les dégâts. La loi intégra ensuite cette jurisprudence pour aboutir à l'exigence d'un motif de licenciement réel et sérieux et à l'obligation de respecter une procédure précise.

Avec ce nouveau contrat de travail, vous replongez les travailleurs en plein XIXème siècle. Votre projet vise les travailleurs jeunes, ceux qui subissent le plus l'exploitation et la dureté du marché de l'emploi. A ces jeunes, vous dites « vous angoissiez au chômage, nous vous proposons un nouveau contrat », mais vous oubliez de préciser qu'ils angoisseront deux ans de plus ! Pendant deux ans, en effet, ils auront peur d'être en retard ou de commettre la moindre petite erreur, ils viendront travailler même malades et chaque jour ils se demanderont s'ils auront encore leur travail le lendemain. Ces jeunes accepteront toutes les tâches, tous les rythmes de travail, n'exigeront pas le paiement des heures supplémentaires, n'oseront ni faire valoir leurs droits, ni se syndiquer. C'est ce que certains sociologues appellent la « barbarie douce ».

Nous sommes depuis toujours opposés aux CDD et à l'intérim, parce que ces formes d'emploi précarisent les travailleurs, mais avec la période d'essai de deux ans, c'est pire encore ! Avec un CDD de six mois, on sait au moins qu'on a six mois de salaire assuré et quelques protections. Avec le CPE, c'est chaque jour que le salarié s'interrogera sur le lendemain, avec toutes les difficultés qui s'ensuivent pour la recherche d'un logement, l'obtention d'un crédit, la formation d'un projet familial.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Votre sous-amendement, qui tend à supprimer l'alinéa 10 de l'amendement, aurait pour effet direct de supprimer l'indemnité de 8 % et la contribution patronale de 2 % destinée à financer les actions d'accompagnement.

Je ne m'attendais pas, Monsieur Paul, à ce que vous manifestiez un tel attachement au CDD. Le régime indemnitaire que nous proposons pour le CPE est au moins aussi favorable que celui du CDD, d'abord parce qu'il y a des accords collectifs qui ont ramené ce dernier en dessous de 10 %, ensuite parce que les 8 % sont totalement exonérés. Et puis il y a tout l'accompagnement personnalisé.

M. Maxime Gremetz - Je n'ai aucun attachement pour le CDD, je me bats pour le droit au travail pour tous !

M. Richard Cazenave - En licenciant ses collaborateurs !

M. Maxime Gremetz - Et j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, Monsieur le ministre : la journée dite de solidarité, que votre gouvernement avait imposée et qui est en réalité une journée de travail obligatoire, a été supprimée dans le secteur de l'assistance par un accord de branche signé par tous les syndicats.

Plusieurs députés UMP - Belle solidarité.

M. Maxime Gremetz - Les syndicats proposent de prendre plutôt l'argent là où il est : les grandes fortunes, les 57 milliards de profits des entreprises du CAC 40...

Le sous-amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Notre sous-amendement 217 précise qu'il est interdit de mettre fin à un CPE pour un motif discriminatoire. Le Gouvernement ne devrait pas avoir de mal à l'accepter.

J'en profite pour indiquer que le président de la CGC, la seule organisation qui n'était pas au départ hostile au CPE mais qui s'interrogeait, a écrit ceci : « Comme pour le CNE, il nous semble indispensable que le salarié reçoive une explication à son renvoi par l'employeur. Les droits de la défense ne peuvent être rayés d'un trait de plume. Nous proposons aussi que la prime de précarité soit progressive avec le temps passé. Il s'agirait d'une mesure de bon sens, qui montrerait que notre pays ne se dirige pas vers un État de non-droit ».

Le sous-amendement 217, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Notre sous-amendement 122 tend à supprimer l'alinéa 11 de l'amendement, qui dit que toute contestation portant sur la rupture du CPE se prescrit par douze mois. Cette nouveauté était déjà dans le CNE, mais nous n'avons pas pu en débattre, puisque le Gouvernement a procédé par ordonnance.

Pourquoi seulement douze mois ? Une personne qui est déjà dans une situation de fragilité risque d'avoir du mal à trouver en si peu de temps la capacité de réagir et à prendre un avocat pour aller devant les prud'hommes. Allez donc jusqu'au bout et dites carrément que l'on n'aura pas du tout le droit de contester la rupture du contrat !

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Gaëtan Gorce - À votre sentiment, Monsieur le ministre, le CPE est-il un contrat à durée indéterminée ou précaire, et en quoi est-il plus près du CDI que du CDD ?

M. Jean Leonetti - Ça n'a rien à voir !

M. Gaëtan Gorce - Bien sûr que si ! Dans le tiercé des trois contrats, le CPE est bon dernier : c'est le pire qu'on puisse proposer. Mais le ministre est attaché à démontrer que son poulain est en tête, ou tout du moins second.

Le sous-amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 211 est défendu. Je me vois obligé de combler les silences du Gouvernement...

M. Alain Joyandet - Vous auriez dû faire de la radio !

M. Gaëtan Gorce - Monsieur Joyandet, vous avez déjà dit que nous n'étions pas ici pour faire du droit, ni pour nous exprimer. Maintenant, vous nous envoyez à la radio. Nous serions heureux que vous fassiez de temps en temps une intervention utile.

Le CPE est-il préférable à un CDI ou pire qu'un CDD ? Démonstration a été faite qu'il ne peut être assimilé à un CDI puisque ses conditions de rupture renvoient à la situation juridique - vous voyez, Monsieur Joyandet, que nous ennuierions considérablement les auditeurs d'une radio - antérieure à la loi de 1973. Or, les garanties liées à la rupture sont à la base du CDI. Le CPE déroge par ailleurs à la quasi-totalité des articles relatifs à la rupture du CDI : sur les 49, vous n'en avez conservé que quatre, dont l'un sur le transfert du contrat de travail, ce qui est bien la moindre des choses, et l'autre sur l'intervention du conseiller du salarié - ce qui nous plonge en plein paradoxe : quel pourra bien être son rôle puisque vous avez supprimé l'entretien préalable en cas de licenciement ? Mais sans doute ne vouliez-vous pas déroger à la totalité des articles, sans quoi plus rien, vraiment, ne vous rattachait au CDI. Sans doute la décence juridique vous a-t-elle aussi empêché d'aller si loin dans la précarité sociale. Enfin, le motif économique lui non plus n'est pas requis pour justifier le licenciement. Le CPE n'a donc aucun rapport avec le CDI quant à la motivation du licenciement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Si le Gouvernement persiste dans cette attitude, les suspensions de séance vont être nombreuses. Le débat n'a eu lieu ni avec les organisations syndicales, ni en commission ; trois ministres sont présents et aucun ne répond, pas plus que le rapporteur et le président de la commission ! N'avez-vous pas le moindre respect pour la représentation nationale ? Nous savons que vous n'avez pas grand-chose à dire, mais inventez ! Vous avez des experts derrière vous juste pour ça.

M. le Président - Monsieur Gremetz, j'aimerais que la suite ait un rapport avec le sous-amendement.

M. Maxime Gremetz - Je voudrais poser une question précise au ministre de l'emploi - ou du chômage, comme on veut : comment appelez-vous le fait qu'une entreprise emploie, en France, des salariés polonais payés au lance-pierre ? Bolkestein est-il arrivé en France ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Le sous-amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Le ministre va répondre, mais il me semble que la directive Bolkestein n'a pas grand-chose à voir avec ce texte.

M. Maxime Gremetz - Mais si ! Bolkestein, c'est le CPE ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je dois d'abord redire à M. Gorce que le contrat première embauche est un CDI doté d'un période de consolidation d'au maximum deux années dont on déduit les autres contrats et stages, d'un préavis et d'indemnités de cessation de contrat, sans oublier le doublement de l'allocation forfaitaire en cas d'absence d'indemnités de chômage et le droit individuel à la formation. Pardonnez-moi de me répéter ainsi, Monsieur le Président. Sans doute est-ce nécessaire à la pédagogie.

Sur le sujet évoqué par M. Gremetz, j'ai donné les instructions nécessaires et fait procéder à des contrôles. Je serai extrêmement clair : le Gouvernement sera sans faiblesse. Il n'y a pas de directive Bolkestein : il n'y a même pas de projet de directive ! Le député européen Jacques Toubon se bat énergiquement pour que le principe du pays d'accueil s'applique, et nous sommes un des pays les plus en pointe sur ce sujet. J'en ai assez de ces procès d'intention sur la position du Gouvernement français, le plus exigeant en matière de service d'intérêt général et du principe du pays d'accueil ! J'en ai assez de recevoir des leçons de ceux qui ont laissé passer les projets de directive sans réagir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Je ne sais pas pourquoi le ministre s'énerve à ce point, mais s'il veut entamer un débat sur la directive, nous y sommes prêts, dès maintenant. Le 14, le Parlement européen aura à se prononcer sur un projet. La question est donc : que fera l'UMP ? Nous avons les plus grandes craintes à ce sujet : vous pouvez toujours faire des moulinets, ce sont les votes qui comptent !

Les conditions dans lesquelles travaille l'Assemblée nationale en ce moment ne sont pas acceptables. Il y a trois ministres au banc du Gouvernement, sans compter le rapporteur et le président de la commission, mais on ne répond pas à nos questions (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). On vient encore d'en avoir la preuve avec cette nouvelle définition expéditive du CPE. Lorsque nous interpellons le Gouvernement ou la commission, je demande qu'on nous réponde sincèrement et sans dérision. Le cœur de ce projet, tout le monde le sait maintenant, est le contrat première embauche, et c'est à travers un seul amendement du Gouvernement que nous devons l'examiner. Ne nous demandez pas de nous saborder. Nous ferons notre travail jusqu'au bout, mais pour cela, nous devons nous organiser. Je demande donc une suspension de séance d'une demi-heure.

M. le Président - Étant donné le nombre de députés de votre groupe présents, un quart d'heure suffira amplement.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 35.

M. Gaëtan Gorce - J'observe, Monsieur le Président, que vos minutes sont mesurées avec un chronomètre d'employeur ! Mais il vous revient de fixer les conditions du débat.

J'ai montré tout à l'heure, en prenant l'exemple des motifs de licenciement, qu'une feuille de vigne - à peine - masquait la différence entre le CPE et un contrat précaire. Avec le sous-amendement 212, je prendrai un second exemple tendant à démontrer qu'il est difficile de qualifier le CPE de CDI. Il est prévu que le CPE soit établi par écrit. Or un contrat à durée indéterminée peut ne pas être établi par écrit, les contrats atypiques étant seuls soumis à cette exigence en droit du travail.

On peut d'ailleurs se demander pourquoi les auteurs du projet ont prévu une telle exigence de formalisation, puisqu'elle n'est complétée par aucune autre, quant à la rédaction, aux conditions qui doivent être mentionnées, à la forme qui doit être respectée. Pourquoi donc avez-vous prévu une telle disposition, sinon pour rapprocher le CPE d'un CDD ou d'un contrat d'intérim ?

Par ailleurs, aucune sanction n'est prévue pour le non-respect de cette exigence. Pourquoi passer si près du contrat précaire puis s'en éloigner brusquement ? Il s'agit sans doute d'entretenir la confusion et d'éviter qu'un parlementaire socialiste puisse déduire que nous avons bel et bien affaire à un contrat précaire. Mais comme il ne se trouve pas de parlementaire aussi mal intentionné, je suis persuadé que le Gouvernement saisira cette occasion pour faire toute la clarté sur cette ambiguïté.

M. le Président - J'ai noté qu'il existe des parlementaires socialistes mal intentionnés (Sourires).

M. Gaëtan Gorce - J'ai dit qu'il n'y en avait pas !

M. le Président - Naturellement. L'avis de la commission est défavorable.

M. Maxime Gremetz - Elle peut le dire elle-même !

M. le Président -Le sous-amendement 212 fait l'objet d'une demande scrutin public. Elle est annoncée dans le Palais.

Mme Martine Billard - Je voudrais que le ministre délégué nous donne une explication quant à la modification soudaine du délai de contestation, qui jusque-là était constant dans le code du travail. Elle semble découler des dispositions du CNE, dont nous n'avons pu débattre puisqu'il s'agissait d'une ordonnance. Nous souhaitons donc être éclairés sur ce point. Vous ne pouvez pas, touche par touche, transformer les contrats de telle manière que vous nous direz, dans six mois, que vous les supprimez tous pour n'en faire qu'un seul. De la même manière que vous « copiez-collez » le CNE au CPE, vous appliquerez le principe du CNE aux autres contrats.

M. le Président - Monsieur le ministre, voulez-vous répondre ?

M. Maxime Gremetz - Ah !

M. le Ministre délégué - Pour contester un décret ou une ordonnance, le délai est de deux mois ; pour contester un licenciement, le délai est de douze mois. Cela nous apparaît raisonnable.

M. le Président - Monsieur Joyandet, souhaiteriez-vous dire un mot ? Nous avons un peu de temps ! (Sourires)

M. Alain Joyandet - Dans une autre vie, j'ai été journaliste de radio et j'ai appris à faire du remplissage... Nous avons entendu M. Ayrault nous expliquer une fois de plus qu'il demandait une suspension de séance parce que le Gouvernement ne répondait pas aux questions des parlementaires : mais elles sont les mêmes depuis un certain nombre d'heures ! Nous avons l'impression d'être aux prud'hommes, avec les professionnels de l'UDF, des groupes socialiste et communiste. Le porte-parole de l'UMP a dit qu'il ne voulait pas faire de droit... Quoi qu'il en soit, je me méfie beaucoup des spécialistes... Pour l'instant, le CPE n'existe pas encore...

M. Maxime Gremetz - Mais il a déjà fait des dégâts !

M. Alain Joyandet - ...et nos juridictions sont déjà débordées par l'abondance des problèmes que posent les contrats existants. Or, vous nous dites qu'un contrat supplémentaire créera d'autres problèmes.

Mme Martine Billard et M. Maxime Gremetz - Justement !

M. Alain Joyandet - Je n'y comprends plus rien ! J'ai beau ne pas être un spécialiste, je sais que les jeunes de notre pays vous regardent...

M. Maxime Gremetz - Oui, de travers !

M. Alain Joyandet - ...et constatent le décalage entre leur situation précaire et le cinéma que vous nous imposez depuis plusieurs jours !

M. Francis Vercamer - On accuse l'UDF d'examiner le CPE d'un point de vue juridique, mais si nous sommes ici, c'est bien pour introduire un nouveau contrat de travail dans notre droit ! On entend dire que le CPE va réduire la précarité pour les jeunes. Pourtant, personne n'a encore proposé de supprimer le CDD et le contrat d'intérim qu'il est censé remplacer ! Le CPE n'est qu'un contrat précaire de plus, et ce n'est pas en y rajoutant une pile que l'on simplifiera notre droit du travail. Pour que les entreprises embauchent, il faut un code du travail lisible qui ne change pas tous les six mois ! Néanmoins, je m'abstiendrai sur cet amendement.

A la majorité de 56 voix contre 21 sur 77 votants et 77 suffrages exprimés, le sous-amendement 212 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement : je suis effaré de vois combien le non-débat nuit à l'image de l'Assemblée nationale. Ne devrions-nous pas débattre vraiment, d'autant plus qu'il s'agit là d'un projet qui engage l'avenir des jeunes ? Pour que vous vous repreniez, je demande une suspension de séance de dix minutes.

La séance, suspendue à 22 heures 50, est reprise aussitôt.

Mme Martine Billard - Je m'étonne que certains collègues nous reprochent de faire trop de droit : c'est pour cela que nous sommes élus !

M. Alain Joyandet - Je n'ai pas dit cela !

Mme Martine Billard - Les lois ne sont pas codifiées partout, mais elles le sont en France ! Vous n'êtes pas spécialiste, mais c'est vous que l'UMP a choisi comme porte-parole sur ce texte : on fait avec ce qu'on a... Quoi qu'il en soit, nous devons débattre du droit du travail, puisque c'est lui que nous modifions.

L'amendement gouvernemental introduit la notion de « date d'envoi » de la lettre recommandée comme date de départ de la procédure de licenciement. Or, la procédure normale a toujours fait référence à la « date de présentation » par le facteur de cette lettre au domicile de son destinataire. Comment prouver la date d'envoi ? Il peut très bien y avoir une irrégularité entre le dépôt et l'arrivée, ou une grève de la Poste - même si vous y êtes opposés... Que fait-on dans ce cas ?

M. Alain Joyandet - Voilà bien un sujet capital pour l'emploi des jeunes...

Mme Martine Billard - Absolument, et pour les entreprises aussi, car les employeurs n'auront alors que leur bonne foi pour s'opposer à la jurisprudence !

Enfin, si vous ne créez pas de nouveaux emplois, à qui prendrez vous les emplois que vous donnerez aux jeunes ? Au lieu de dépouiller Pierre pour habiller Paul, il vaudrait mieux garantir un emploi à l'ensemble des salariés !

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car l'idée de présentation n'est pas utilisée en matière de licenciement : c'est la date de notification qui s'applique dans la procédure de rupture d'un CDI.

Mme Martine Billard - Et l'article L. 122-14 du code du travail ?

M. le Rapporteur - Néanmoins, la commission souhaite que le Gouvernement précise la différence entre la date de notification, notion utilisée pour les licenciements dans le cadre d'un CDI, et la date d'envoi que mentionne l'amendement 3 rectifié.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je l'ai dit cet après-midi : c'est la date d'envoi qui fait foi. En cas de grève, la jurisprudence permet de déduire les délais. L'essentiel est que le délai de prescription spéciale de douze mois n'est opposable au salarié que s'il est expressément mentionné dans la lettre de licenciement.

M. Alain Vidalies - Engager une procédure de licenciement sans connaître la date valide pour l'exécution et le recours pose problème... Le rapporteur nous dit que la date de présentation n'existe pas : non seulement elle existe, mais c'est la règle générale, telle qu'elle est énoncée à l'article L. 122-14 du code du travail. C'est elle qui enclenche la procédure. Jamais dans le droit - y compris dans le droit civil - on n'a retenu la date d'envoi comme celle qui crée des droits : c'est une question de bon sens ! On peut très bien imaginer une erreur volontaire sur l'adresse, afin de créer un délai... Il y a donc un problème de sécurité juridique. Cette innovation n'a aucun sens, et vos explications ne s'appuient en rien sur le code du travail. Elle ne serait qu'une singularité de plus dans un texte qui en présente déjà beaucoup, et auquel il faudrait quand même laisser quelques références communes avec le droit en général !

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur le sous-amendement 123.

M. François Brottes - Vous n'ignorez pas, Monsieur le ministre, que depuis l'adoption de la loi de régulation postale, La Poste n'est plus la seule à procéder aux envois recommandés. En cas de mouvement social, on pourra donc toujours reprocher à l'émetteur de n'avoir pas utilisé un autre opérateur.

Le délai ne peut courir qu'à partir de la date de présentation du courrier recommandé. Cela s'impose d'autant plus que l'envoi des recommandés a été ouvert à la concurrence, d'ailleurs par le biais d'un d'amendement au projet de loi relatif à la régulation postale, déposé nuitamment et sur lequel le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée. Sur des questions aussi importantes, on ne peut pas improviser. Alors que la Poste était auparavant un opérateur en situation de monopole aux compétences reconnues, elle est aujourd'hui concurrencée par une multitude d'entreprises dont toutes ne sont pas nécessairement fiables ...

M. Yves Bur - Procès d'intention !

M. François Brottes - Le contexte ayant changé, il faut garantir les droits des destinataires des courriers recommandés.

M. le Rapporteur - Afin de lever toute ambiguïté, je précise que l'article du code du travail mentionné par notre collègue Vidalies concerne le préavis et que le neuvième alinéa de l'amendement gouvernemental, relatif lui aussi au préavis, dispose bien que le délai court à partir de la présentation du courrier. Cependant, nous ne traitons pas ici du préavis, mais de la prescription. Pour le CDI, aux termes de l'article L.321-16 du code du travail, celle-ci ne court pas à partir de la présentation, mais de la notification. C'est pourquoi je jugeais préférable, dans un souci de sécurité juridique, d'en rester à la terminologie adaptée du CDI sur laquelle une jurisprudence s'est constituée.

A la majorité de 65 voix contre 23 sur 90 votants et 88 suffrages exprimés, le sous-amendement 123 n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas répondu à cette question, non plus que tout à l'heure à celle qui portait sur la nécessité d'un écrit pour la conclusion d'un CPE, contrat supposé être à durée indéterminée mais dont toutes les caractéristiques, nous le voyons peu à peu, le rapprochent d'un CDD.

Sauf en cas de faute grave ou lourde, la rupture d'un contrat à durée indéterminée ouvre droit à indemnisation, laquelle dépend de la nature et de l'étendue du préjudice subi par le salarié, alors que, dans le cas du CPE, cette indemnisation est fixée forfaitairement par la loi à 8 %, c'est-à-dire moins que dans le cas d'un CDD ou d'une mission d'intérim où la prime de précarité est, depuis la loi du 17 janvier 2002, fixée à 10 %. C'est une preuve supplémentaire que le CPE n'est en rien un CDI. Sinon pourquoi auriez-vous prévu une telle indemnité qui est bel et bien une indemnité de précarité qui ne dit pas son nom, tout comme le CPE est un contrat précaire qui ne dit pas son nom ? Je crois l'avoir démontré. A supposer que le ministre accepte de nous répondre, ce qui n'est pas acquis, il aura du mal à nous persuader du contraire.

Monsieur le Président, je montrerai tout à l'heure, avec votre bienveillance, sur laquelle je sais pouvoir compter dans l'intérêt même de ce débat, que le CPE est même pire qu'un CDD.

M. le Président - La commission est défavorable au sous-amendement. Pour ne pas perdre de temps, je fais dès à présent annoncer le scrutin public que le groupe socialiste vient de demander.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je renvoie au dernier alinéa de l'amendement, et je profite de l'occasion qui m'est donnée de faire le point sur la convention de reclassement personnalisé mise en place au printemps dernier. Depuis huit mois, 30 000 personnes en ont bénéficié, ce qui représente plus de 106 000 entretiens, un nombre considérable d'ateliers de préparation à l'emploi et cinq mille envois en formation. Cette convention sécurise véritablement les parcours de retour vers l'emploi. Nous avons bien l'intention de renforcer ce dispositif à l'intention des titulaires d'un CPE dont le contrat viendrait à être rompu, et nous accompagnerons encore davantage les jeunes les plus en difficulté, à l'instar de ce que font aujourd'hui les missions locales. C'est d'ailleurs ce que nous avons demandé au service public de l'emploi. Vous le voyez, la sécurisation du parcours d'accès à l'emploi est bien notre priorité avec le CPE !

M. Alain Joyandet - Je porte à la connaissance de l'Assemblée que le rythme de notre examen s'est accéléré ! De trois amendements à l'heure, nous sommes passés à six, grâce au Président (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Si nous gardons cette vitesse, nous avons bonne chance d'avoir terminé nos travaux à la fin de la semaine prochaine...

Le délai court-il à partir de la date d'envoi du courrier recommandé ou de sa date de sa réception ? Voilà ce qui vous intéresse, cependant que vous soupçonnez les entreprises de pouvoir adresser exprès le courrier à une mauvaise adresse pour que le délai commence à courir plus tôt, sans que le salarié en sache rien...

Plusieurs députés socialistes - Personne n'a dit cela.

M. Alain Joyandet - Vous l'avez pensé si fort que plusieurs d'entre nous l'ont entendu.

Vous auriez pu aussi bien évoquer le cas des destinataires qui n'iraient pas retirer leurs recommandés, ou encore celui où l'imprimé de remise du courrier ne serait pas déposé dans la bonne boîte aux lettres - auquel cas la mauvaise foi de personne ne serait en cause.

Quand, dans un débat où l'on devrait s'efforcer de trouver des solutions pour l'emploi des jeunes, on passe plus de dix minutes à traiter de l'envoi des recommandés, c'est la preuve que, au prétexte de préciser la loi, on fait de l'obstruction. Au nom du groupe UMP, une fois de plus, je regrette ici publiquement l'attitude de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 63 voix contre 22 sur 87 votants et 85 suffrages exprimés, le sous-amendement 594 n'est pas adopté.

M. le Président - Avant de donner la parole à M. Gorce pour défendre le sous-amendement 595, comme je présume que je vais être saisi d'une demande de scrutin public, je le demande moi-même et le fais dès maintenant annoncer pour essayer d'atteindre une vitesse d'examen de sept amendements à l'heure !

M. Gaëtan Gorce - Seriez-vous, Monsieur le Président, devenu adepte du stakhanovisme, lequel date d'une époque révolue et a sévi dans un pays pour lequel je ne vous sentais aucun attachement ? Pour notre part, nous adopterons le rythme qui nous permettra d'obtenir des réponses à nos questions, ce qui n'a pas été possible pour l'instant (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Quand j'ai démontré que le CPE n'était pas un CDI, le Gouvernement n'a pas réagi. Le fera-t-il quand je vais démontrerai que le CPE est pire encore qu'un CDD ? Et je vais le faire, Monsieur Joyandet, non parce que nous chercherions à gagner du temps, mais parce que nous voulons obtenir toutes les précisions nécessaires.

Premier élément de comparaison : l'absence de formalisme. Jusqu'à présent, le législateur s'était en effet efforcé d'encadrer les contrats précaires par des règles particulières permettant d'assurer une relative protection du salarié. Le CDD et le contrat en intérim, ainsi, doivent être établis par écrit et inclure des mentions particulières protectrices dont le non-respect est sanctionné par la requalification en CDI. L'article L.122-3-1 du code du travail, modifié par la loi du 12 juillet 1990 a posé le principe selon lequel, à défaut d'écrit, le CDD est réputé à durée indéterminée. La Cour de cassation a quant à elle considéré dans un arrêt du 21 mai 1996 que ce texte instaure une présomption irréfragable de CDI. S'agissant du contrat de travail temporaire, les textes imposent la rédaction d'un écrit avec des mentions obligatoires, tant en ce qui concerne le contrat de mise à disposition que le contrat de mission. Ce n'est pas le cas avec le CPE. J'ajoute que depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 12 juin 1981, l'omission de l'écrit entraîne la nullité du contrat en tant que contrat de travail temporaire. Rien de tel n'est prévu avec le CPE.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Francis Vercamer - Je souhaitais prendre la parole juste avant que l'on aborde ce sous-amendement pour dire que l'UDF n'est pas systématiquement opposée au Gouvernement : nous considérons en effet que la convention de reclassement personnalisée est une excellente disposition. Je félicite M. le ministre pour avoir retenu un tel dispositif, qui a d'ailleurs déjà fait ses preuves dans le Nord, notamment pour les salariés de l'industrie textile. Nous encourageons les bonnes mesures.

M. Yves Bur - C'est le tri sélectif ! (Sourires)

M. Francis Vercamer - En revanche, et malgré les efforts de M. le ministre, le CPE ne nous convainc pas.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Selon M. Joyandet, nous ferions de l'obstruction, nous ne poserions pas de bonnes questions, nous jouerions de la procédure... Or, je vous ai interpellé ce matin, Monsieur le ministre, sur la croissance économique, dont je continue à penser qu'elle constitue un facteur important de création d'emplois, et je n'ai pas obtenu de réponse.

Concernant plus précisément le CPE, le rapport de la commission m'inquiète. Si je peux certes entendre, Monsieur Joyandet, que vos collègues de la majorité souhaitent introduire plus de souplesse dans le droit du travail, j'admets plus difficilement le propos de l'une de vos collègues chef d'entreprise, selon lequel le frein à l'embauche résiderait moins dans le coût que représente un salarié que dans la crainte, qu'aurait l'employeur de ne pouvoir se séparer de ce dernier au cas où il ne conviendrait pas au poste ou en cas de baisse de l'activité. Si les contrats de travail sont exclusivement faits pour répondre aux désirs des entreprises en fonction de la conjoncture, ce n'est plus une question de droit ou de protection sociale qui se pose, mais une question économique. Je ne suis pas certaine que la réponse apportée soit en l'occurrence efficace.

A la majorité de 63 voix contre 26 sur 91 votants et 89 suffrages exprimés, le sous-amendement 595 n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Je poursuis ma démonstration avec le sous-amendement 213.

Deuxième élément de comparaison : la limitation du domaine de recours. Le CPE est réservé aux personnes âgées de moins de vingt-six ans recrutées par les entreprises de plus de vingt salariés. Comme avec tout contrat précaire, les conditions de recours au CPE sont limitées, mais là encore, cette limitation est sans comparaison aucune, du point de vue de la protection, avec la limitation des cas de recours aux CDD ou aux contrats de travail temporaire. Nous savons en effet que l'employeur ne peut recourir à ces derniers que dans un certain nombre de cas : remplacement des salariés absents, accroissement temporaire d'activité, variation inhérente à la nature de l'entreprise, contrats aidés. En l'occurrence, le législateur a instauré des procédures de contrôle et des sanctions. Dans le cadre de l'action en requalification, le juge prud'homal contrôle le motif des recours au CDD et au contrat de travail temporaire. En cas de non-respect des règles applicables, l'employeur est sanctionné par la condamnation à une indemnité de requalification. A cette sanction peut également s'ajouter une sanction pénale. Une telle protection n'est pas prévue concernant le CPE. Que se passera-t-il lorsqu'un salarié invoquera devant un tribunal la non-conformité au texte légal, par exemple au cas où le CPE aurait été conclu dans une entreprise de moins de vingt salariés ?

Vous connaissez maintenant le titre de notre feuilleton : «Le CPE, c'est moins bien qu'un CDI et peut-être pire qu'un CDD ».

M. le Rapporteur - Le sous-amendement 213 est satisfait par l'alinéa 24 de l'amendement 3 rectifié : les personnes dont le CPE aura été interrompu bénéficieront de la convention de reclassement personnalisée. Je crois qu'il s'agissait là du sens de votre amendement, Monsieur Gorce. Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Alain Vidalies - Le Gouvernement ne répond hélas pas aux questions posées par M. Gorce alors même qu'elles touchent à des points importants.

Non contents d'imposer le CNE et le CPE, vous avez voulu exclure les jeunes de moins de vingt-six ans du décompte de l'effectif déterminant la présence de délégués du personnel ou de comités d'entreprise. Vous avez dû y renoncer car le Conseil d'État a envisagé une éventuelle non-conformité de cette mesure avec nos engagements européens. De votre fait, les évolutions du droit de la citoyenneté et de la citoyenneté sociale sont en train de diverger : alors que les jeunes accèdent à la majorité politique à dix-huit ans, vous voulez les maintenir dans une minorité sociale jusqu'à vingt-six ans.

Le sous-amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement.

J'ai l'impression que nous avons un échange stéréophonique dans lequel une seule baffle fonctionnerait.

M. Jean Leonetti - Ce n'est pas de la stéréophonie, mais un monologue !

M. Gaëtan Gorce - Nous espérions que la harpe et la flûte traversière feraient entendre leur petite musique après celle de l'opposition et que le Gouvernement entonnerait enfin sa partition, mais notre oreille musicale est déçue.

M. Alain Joyandet - C'est du pipeau !

M. Gaëtan Gorce - Pour que M. Joyandet puisse élargir sa gamme et que le Gouvernement retrouve sa partition, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 30, est reprise à 23 heures 40.

M. le Président - Pour défendre le sous-amendement 596, la parole est à M. Gorce.

M. Gaëtan Gorce - J'ai indiqué tout à l'heure quels étaient les problèmes que pouvait poser le CPE par rapport au CDD et il se trouve qu'en poursuivant mes investigations, j'ai trouvé d'autres éléments défavorables au CPE, et, en particulier, l'incertitude quant à la durée du contrat. Je rappelle à ceux qui auraient pu manquer d'attention que les deux arguments précédents portaient sur l'absence de formalisme et la limitation du domaine de recours au CPE. Avec l'incertitude quant à la durée du contrat, je poursuis par petites touches le dessin qui nous permettra finalement de distinguer, lorsqu'on aura relié les différents points, un contrat précaire.

Le CDD et le contrat de travail temporaire sont garantis pour une certaine durée, au cours de laquelle le titulaire n'est pas concerné par des motifs de rupture, hors situation exceptionnelle, force majeure ou faute grave. Or tel n'est pas le cas du CPE, ce qui démontre qu'il est moins favorable au fond. Aux termes de l'article L.122-1-2 - paragraphes I et II - du code du travail, le CDD doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion. Il peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée, qui, ajoutée à la durée du contrat initial, ne peut excéder dix-huit mois. Il existe quelques exceptions à ce principe, pour les contrats de remplacement, les contrats saisonniers ou les contrats d'usage, lesquels peuvent ne pas comporter de terme précis. Cependant, dans cette hypothèse, le paragraphe III de l'article L.122-1-2 dispose que le contrat ainsi conclu sans terme précis doit l'être pour une durée minimale et qu'il a pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu : durée maximale, durée minimale, autant de garde-fous que l'on ne retrouve pas dans le CPE.

Le CPE apparaît ainsi comme une convention échappant à tout contrôle et laissant à l'employeur un pouvoir trop peu encadré. Pendant les deux ans de la période d'essai - dite de consolidation -, il est plus fragile qu'un CDD. M. Borloo, qui n'est malheureusement plus là pour débattre avec nous, a prétendu que nous étions d'ardents défenseurs du CDD : bien entendu, nous ne le défendons pas car nous préférons le CDI. Mais comparé au CPE, le CDD est tout de même moins préjudiciable au salarié. Dans le tiercé entre ces trois contrats, le CPE arrive bon dernier et nous sommes plutôt enclins à considérer qu'il n'est même pas digne de prendre le départ !

M. le Rapporteur - Faire bénéficier d'une convention de reclassement personnalisé - et donc d'un bilan de compétence, d'une orientation, d'un soutien psychologique, d'une validation des acquis de l'expérience et d'une activation du droit individuel à la formation - le jeune dont le CPE aurait été rompu est une excellente idée, mais elle se trouve déjà à l'alinéa 24 de l'amendement 3 rectifié du Gouvernement. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur ce sous-amendement.

M. le Ministre délégué - Le congé de reclassement, applicable aux entreprises de plus de 1 000 salariés, permet aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier d'une rémunération et d'une formation. Il dure neuf mois. Dans la loi de cohésion sociale, nous avons ouvert des droits très proches aux salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés. Tel est l'objet de la convention de reclassement personnalisé. L'amendement 3 du Gouvernement prévoit que les partenaires sociaux devront ouvrir des négociations pour qu'elle profite aux titulaires d'un CPE.

J'en profite pour rappeler que, si les cas de recours aux CDD ou à l'intérim sont limitativement encadrés par le code du travail, le principe est en revanche la liberté s'agissant des CDI. Le CPE étant un contrat à durée indéterminée, qui se distingue du CDI de droit commun uniquement par la période de consolidation, son champ est ouvert, à la seule exception des emplois saisonniers.

M. Alain Vidalies - On a tout de même du mal à comprendre, car, si le CPE est un vrai CDI, il n'y a aucune raison de préciser que les emplois saisonniers sont exclus de son champ. Faut-il en conclure que ce champ inclut tout ce que ne cite pas expressément le ministre ?

A la majorité de 54 voix contre 24, sur 80 votants et 78 suffrages exprimés, le sous-amendement 596 n'est pas adopté.

M. le Président - Je demande un scrutin public sur le sous-amendement 57 que va présenter M. Paul.

M. Daniel Paul - La loi n'a jamais fixé la durée de la période d'essai. Ce sont les conventions collectives ou les contrats individuels qui la font, étant entendu que les seconds ne peuvent pas prévoir une durée supérieure à celle que fixent les premières. La jurisprudence de la Cour de cassation sur la période d'essai est très claire : il s'agit d'une période destinée à tester la valeur professionnelle d'un salarié, et elle doit donc être courte : un à trois mois selon les catégories professionnelles.

Supposons que vous persistiez dans l'idée de maintenir dans la loi une période d'essai de deux ans. Comme les conventions collectives peuvent toujours faire mieux que la loi en faveur des salariés, elles retiendront une durée de un à trois mois. Pour que votre projet soit opérationnel, il faudrait un article qui déclare caduques toutes les dispositions des conventions collectives relatives aux périodes d'essai et qui interdise aux partenaires sociaux de faire mieux que la loi. Ce serait une atteinte sans précédent à la négociation collective !

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 46 voix contre 25 sur 73 votants et 71 suffrages exprimés, le sous-amendement 57 n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert - Si l'histoire n'était pas si triste, je pourrais commencer en plagiant Coluche : « c'est l'histoire d'un mec... » Il était boucher dans un supermarché du Pas-de-Calais. Recruté en CNE, il a profité de son samedi libre pour faire ses courses chez son employeur. Il l'a fait en jogging, ce qui n'a pas plu. Dès le lundi, il a été convoqué par sa direction, qui lui a reproché sa tenue négligée et qui l'a licencié. Voilà l'effet CNE !

Vous nous dites, Monsieur le ministre, que ces choses-là ne peuvent pas arriver. Eh bien, si ! Et ce patron voyou avait le texte pour lui.

M. Yves Bur - Caricatural !

M. Jean Gaubert - Je n'invente rien. Ce témoignage a été recueilli par un syndicat qui s'appelle la CFTC.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Défavorable.

M. Alain Vidalies - Nous allons à partir de maintenant donner des exemples... fondés sur des témoignages dont nous sommes en mesure de prouver l'authenticité...

M. le Président - J'oubliais de dire qu'un scrutin public est demandé sur ce sous-amendement.

M. Alain Vidalies - Dans le cas cité par M. Gaubert, si le salarié avait eu un autre contrat de travail que le CNE, il n'aurait pas pu être licencié pour un motif aussi dérisoire. Mais là, l'employeur n'a même pas besoin d'en donner un dans la lettre de licenciement. Verbalement, il l'a indiqué à ce salarié, mais ensuite, il a fait ce qu'il voulait. Avec le CPE, beaucoup de jeunes se retrouveront demain menacés d'un tel sort.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Pour répondre plus précisément à ce qui fait l'objet du sous-amendement 176, j'indique qu'évidemment, rien n'est changé à la protection des salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.

M. Alain Vidalies - C'est évident !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Cela va mieux en le disant.

M. Alain Vidalies - Nous avons défendu dans nombre de nos amendements des choses qui nous semblaient relever aussi de l'évidence et vous n'avez pas répondu. Que faut-il en conclure ? Qu'il y a des différences dans les protections ou que le Gouvernement n'a pas toujours envie de répondre ?

A la majorité de 48 voix contre 25, sur 75 votants et 73 suffrages exprimés, le sous-amendement 176 n'est pas adopté.

M. le Président - Sur les sous-amendements 59, 126 et 216, je demande des scrutins publics.

M. Dominique Tian - Le sous-amendement 59 vise à inclure les femmes enceintes au nombre des personnes protégées contre une rupture du contrat. Nous avons d'ailleurs été étonnés que le texte du Gouvernement ne mentionne une garantie particulière que pour les titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 126 est identique. Une fois de plus, nous devons préciser votre texte. À l'heure actuelle, une salariée ne peut pas être licenciée en période d'essai pour le seul fait d'être enceinte et le licenciement doit être motivé. Mais en l'occurrence, il ne s'agit pas d'une période d'essai. Il faut donc que la loi prévoie dans quel cadre entrent les femmes enceintes, sans quoi il faudra se rendre aux prud'hommes pour créer une jurisprudence. Par ailleurs, un salarié en CPE a-t-il droit au congé parental ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Le sous-amendement 216 est semblable. Les femmes enceintes doivent avoir quelques garanties : si une femme embauchée en CPE depuis quatre mois tombe enceinte, cela la mène à treize mois après lesquels elle peut être licenciée. Pour peu qu'elle connaisse d'autres problèmes et qu'elle se retrouve seule avec son enfant... Le Gouvernement ferait un geste en acceptant ces sous-amendements, qui sont soutenus par sa propre majorité.

M. le Rapporteur - Ces sous-amendements sont l'occasion pour le Gouvernement d'apporter des précisions sur ces mesures d'ordre public social. C'est l'article L.122-25-2 du code du travail qui protège les femmes enceintes. Cet article s'applique-t-il ? Si c'est le cas, il serait préférable de ne pas adopter ces amendements et de rester dans le cadre d'un article d'ordre public dont la jurisprudence est établie. J'aimerais donc connaître la réponse du ministre avant de donner l'avis de la commission.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Il s'agit d'un sujet essentiel, auquel le code du travail consacre un long développement. D'abord, le congé parental s'applique bien évidemment au CPE. Ensuite, la protection de la femme enceinte contre tout licenciement dû à son état est un des grands principes de l'ordre public social, un principe consacré par la Cour de justice des communautés européennes et clairement retranscrit dans notre jurisprudence et dans notre droit du travail. Cette protection est prévue aux articles L.122-25 et suivants du code, qui s'appliquent aussi bien aux CNE et aux CPE qu'aux autres contrats. Un licenciement d'une salariée au motif qu'elle est enceinte serait donc illicite et devrait être censuré par le juge.

Je comprends votre préoccupation, mais répéter les mêmes dispositions dans diverses lois ne pourrait qu'affaiblir l'ordre public social. Nos débats montrent que notre position en la matière est parfaitement claire. Je souhaite donc le retrait de ces sous-amendements.

M. Alain Vidalies - Ces trois sous-amendements proviennent de bancs différents. C'est que chacun a bien pris en compte que si, aujourd'hui, le licenciement est signifié par une lettre motivée, ce ne sera plus le cas avec le CPE ! Cette innovation change complètement les choses. Il est donc nécessaire d'inscrire cette précision dans la loi.

M. le Rapporteur - L'article L.122-25-2 dispose qu' « aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit en application de l'article L.122-26 ».

M. Alain Vidalies - Lisez la suite !

M. le Rapporteur - « ...qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes ». C'est clair. 

M. Alain Vidalies - « Toutefois, et sous réserve d'observer les dispositions de l'article L.122-27... » Il y a donc une exception !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous avons bien précisé que le CPE était soumis aux dispositions du code du travail, à l'exception, pendant les deux premières années, d'un certain nombre d'articles très précisément cités et dont ne font aucunement partie les articles concernant les femmes enceintes. Toute garantie leur est donc maintenue.

M. Dominique Tian - Si la mention de la protection des femmes enceintes doit affaiblir le droit commun, pourquoi donc avoir tenu à faire figurer celle des représentants du personnel ? C'est tout le monde ou personne !

Mme Martine Billard - C'est vrai. En outre, la protection que vous évoquez était conçue pour une période d'essai de trois mois. Avec le CPE, il n'y aura pas d'obligation de motiver la rupture du contrat de travail pendant deux ans ! C'est la salariée qui devra démontrer que c'est parce qu'elle était enceinte que son contrat a été rompu. Il faut vraiment améliorer la situation des femmes enceintes.

A la majorité de 42 voix contre 41 sur 83 votants et 83 suffrages exprimés, les sous-amendements 59 et 126 ne sont pas adoptés.

A la majorité de 50 voix contre 37 sur 87 votants et 87 suffrages exprimés, le sous-amendement 216 n'est pas adopté.

M. le Président - Sur le sous-amendement 124, je demande un scrutin public.

Mme Martine Billard - Ce sous-amendement 124 vise à préciser que, pendant un arrêt pour cause de maladie, la décision de rupture du contrat doit être expressément motivée. Un salarié en arrêt maladie peut être licencié pour absence prolongée, lorsque l'absence porte préjudice à l'activité de l'entreprise. Dans le cas d'un arrêt court, il faut veiller à ce que cette possibilité ne soit pas utilisée pour licencier sans préciser la cause de la rupture du contrat.

Dans ce cas, soit le salarié considère qu'il y a rupture abusive et va aux prud'hommes, soit la rupture est claire et motivée et seuls les salariés vraiment obstinés attaqueront leur employeur. Le but n'est pas d'interdire la rupture du contrat pendant l'arrêt de travail, mais d'éviter des procédures trop lourdes devant les prud'hommes. Il serait utile que vous acceptiez cet amendement, quitte à le rédiger sous une forme qui vous conviendrait davantage.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 60 voix contre 22 sur 84 votants et 82 suffrages exprimés, le sous-amendement 124 n'est pas adopté.

M. le Président - Je demande un scrutin public sur le sous-amendement 125.

Mme Martine Billard - C'est fantastique ! Sans avoir de groupe, je peux avoir des scrutins publics sur mes propres amendements.

M. le Président - Je peux le faire, c'est très bien comme cela (Sourires).

Mme Martine Billard - Il est prévu qu'une entreprise puisse conclure des CPE successifs. Il existe en droit du travail une protection contre les ruptures abusives : le délai de carence de six mois, porté à un an dans le cas d'un licenciement économique. Dans le cas du CPE, l'entreprise peut embaucher successivement sur le même poste de travail des jeunes de moins de 26 ans.

Si vous ne prévoyez pas de limiter les effets d'aubaine, Monsieur le ministre, cela signifie que vous souhaitez - à terme - étendre ce contrat à l'ensemble des salariés. Ce sous-amendement 125 prévoit un délai d'un an entre la rupture du contrat par l'employeur et l'embauche, sur le même poste, d'un jeune en CPE.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Gérard Bapt - Mme Billard a eu une très bonne idée, qui permettrait de limiter l'aggravation de la précarité que risque de causer le CPE. J'ai reçu dans ma permanence un jeune de 25 ans, embauché le 1er novembre au service et à la plonge dans un restaurant. Il a été licencié mi-janvier.

M. Georges Tron - Pour quelle raison ?

M. Gérard Bapt - Le patron l'a informé d'une baisse d'activité du restaurant pendant les semaines d'hiver. Il n'était pas obligé de le lui dire, mais, honteux, il s'est senti obligé de lui fournir une explication.

M. Georges Tron - Elle est bonne !

Mme Catherine Génisson - C'est indécent !

M. Gérard Bapt - Votre avis sera noté au Journal officiel. Heureusement, ce jeune a eu la chance de trouver un autre CNE, cette fois-ci dans la restauration rapide avec livraison à domicile, secteur qui a plus de clients l'hiver que l'été.

M. Yves Bur - L'essentiel, c'est qu'il travaille !

M. Gérard Bapt - Au printemps, ce CNE sera sûrement rompu et il devra en trouver un autre dans la restauration sur la côte languedocienne, par exemple, avant de retourner l'hiver dans une station de montagne. Le CNE est plus intéressant que le CDD car il peut être calqué sur la durée de l'enneigement, imprévisible !

M. Alain Vidalies - Cet échange est intéressant : un député, qui venait d'arriver, a demandé à M. Bapt les raisons pour lesquelles cette personne avait été licenciée, alors que cela fait deux semaines que nous débattons du licenciement sans motif. Jugez du niveau ! Monsieur, ce licenciement a été prononcé sans raison, et avec votre approbation !

A la majorité de 62 voix contre 24 sur 86 votants et 86 suffrages exprimés, le sous-amendement 125 n'est pas adopté.

M. le Président - J'annonce un scrutin public sur l'ensemble des sous-amendements à l'amendement 3 rectifié restant en discussion.

M. Francis Vercamer - Le sous-amendement 495 vise à éviter qu'un même salarié soit embauché deux fois de suite en CPE dans la même entreprise. On se demande d'ailleurs comment un salarié pourrait revenir travailler sur le même poste et avec le même employeur après rupture de son contrat. Cela n'existe nulle part dans le code du travail. Cette disposition est inutile et contraire à l'appellation du contrat, puisqu'il s'agirait d'une deuxième embauche.

M. le Rapporteur - Je saisis cette occasion pour expliciter à nos collègues les conséquences qu'aurait emportées l'adoption des sous-amendements 59 et 126. Ceux-ci protégeaient pendant neuf mois les femmes enceintes, alors que l'article qu'ils étaient censés écarter les protègent pendant douze mois et demi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

S'agissant du sous-amendement 495, il procède des mêmes contresens. Un délai de trois mois est prévu entre deux embauches. D'autre part, les périodes travaillées préalablement sont déduites de la période de consolidation, ce qui réduit la précarité du jeune salarié lors de son deuxième contrat. Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 60 voix contre 14 sur 75 votants et 74 suffrages exprimés, le sous-amendement 495 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Il y a eu une grande réunion de la gauche, dont la première décision a été de tout faire pour vous empêcher de faire passer le CPE. Je demande donc une suspension de séance.

M. le Président - Comme vous vous êtes déjà réunis, la suspension sera d'une minute.

La séance, suspendue le jeudi 9 février à 0 h 25, est reprise à 0 heure 26.

M. Alain Joyandet - Je suis choqué qu'une catégorie de nos concitoyens fasse l'objet d'attaques en règle dans cet hémicycle. Je pense aux employeurs, aux créateurs d'entreprises, à ces milliers de PME et de PMI où c'est un contrat de confiance qui existe entre les employeurs et les salariés. Dans ce pays, il n'y a pas que des personnes qui font subir de mauvais traitements à leurs salariés.

M. Yves Bur - Heureusement, ils sont minoritaires !

M. Alain Joyandet - Je voudrais que nous réaffirmions ici qu'il existe une immense majorité de chefs d'entreprise responsables, citoyens, dignes et respectables, qui ne correspondent pas du tout au tableau que vous en faites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement : si les propos enflammés qui viennent d'être tenus sont justes, pourquoi donc nous expliquer qu'il faut, par ce texte, supprimer les garanties en matière de licenciement pour encourager les entrepreneurs qui n'embauchent pas car le droit du travail est trop contraignant ? C'est donc vous qui aviez une vision négative des chefs d'entreprise...

D'autre part, je tiens à vous livrer le témoignage du directeur des ressources humaines d'une PME de l'aéronautique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)...

M. Georges Tron - Où est le rappel au Règlement ?

M. Alain Vidalies - Vous qui ne connaissez rien au texte, repartez donc d'où vous êtes venu ! Ce directeur, pour qui le contrat de qualification répond déjà aux besoins, doute de l'utilité du CPE : pourquoi investir sur quelqu'un pendant plusieurs mois pour l'abandonner ensuite ? Selon lui, se convaincre que l'on veut ou non conserver un salarié prend bien moins de deux ans. Voilà le témoignage d'un chef d'entreprise !

M. Daniel Paul - Je suis d'accord avec M. Joyandet : nombreux sont les employeurs qui veulent faire correctement leur travail. Mais certains n'en ont plus la liberté, tant le secteur des PME et des PMI est de plus en plus soumis aux grands groupes financiers et industriels.

M. Richard Mallié - La faute à qui ?

M. Daniel Paul - Les exemples d'employeurs contraints abondent : sur vos propres bancs, on a plusieurs fois relevé l'insécurité dans laquelle ce texte les mettrait.

M. Jean Launay - Le sous-amendement 169 concerne le délai de carence entre deux CPE. Nous avons plusieurs fois souligné le risque de rotation systématique, voire organisée, des CPE. Or, le lien entre le CPE d'aujourd'hui et le CNE d'hier est fort.

N'en déplaise à M. Joyandet, la loi est là pour protéger les plus faibles. Loin des amalgames que nous venons d'entendre, nous respectons les chefs d'entreprise ! Permettez-moi de citer l'exemple d'un commercial embauché en CNE dans la région angevine pour faire des démarchages dans trois départements : sa zone d'intervention et sa liste de tâches ont peu à peu été étendues, jusqu'à ce qu'il s'en plaigne à son employeur. Quelques jours plus tard, il était licencié, sans qu'aucun recours soit possible auprès des prud'hommes - il aurait fallu qu'il démissionne et plaide ensuite le changement de fonction. Puisque rien n'était écrit, l'employeur a donc pu se débarrasser de son employé sans motiver sa décision.

M. Alain Joyandet - Se « débarrasser » !

M. Jean Launay - Voilà ce qui justifie notre ténacité exemplaire : cet effet CNE se reproduira avec le CPE.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - M. Vidalies évoquait tout à l'heure les contrats de professionnalisation - et non de qualification, comme il l'a dit.

M. Georges Tron - Il n'y connaît rien !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Près de 16 000 de ces contrats ont été signés en décembre, et peuvent être associés à un CPE : la période de professionnalisation viendra alors en minoration des deux années - comme tout autre contrat. D'autre part, M. Gaubert évoquait l'absence d'écrit, mais je rappelle que toute rupture ne peut se faire que dans le cadre d'un contrat écrit. Enfin, sur les 280 000 CNE recensés, l'ANPE rapporte quelque mille cas de cessation : certes, ils méritent attention, mais n'en déduisez pas que le CNE entraîne la précarité ! La pire des précarités, c'est le chômage, et 30 % de ceux qui ont embauché en CNE disent l'avoir fait parce que ce type de contrat existe.

M. Maxime Gremetz - C'est faux !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Ainsi, 85 000 emplois ont été créés en sept mois grâce à ce contrat : notre politique de l'emploi est un succès !

M. Maxime Gremetz - C'est nous qui défendons les petites entreprises, pas vous ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je vous rappelle que la CGPME est défavorable au CPE, car les PME ont déjà des difficultés à recruter et à former des jeunes : lorsque c'est fait, ce n'est pas pour les laisser partir !

M. Georges Tron - Cela va de soi !

M. Maxime Gremetz - D'autre part, Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas tenir le discours qui vient d'être le vôtre devant le moindre ouvrier, salarié ou militant syndical : vous substituez le CNE au CDI, voilà la vérité !

A la majorité de 62 voix contre 28 sur 92 votants et 90 suffrages exprimés, le sous-amendement 169 n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - J'ai attentivement écouté le ministre annoncer des créations d'emplois, mais les chiffres du ministère indiquent que l'emploi stagne ! Où sont donc les emplois créés ?

M. Georges Tron - Mais le chômage diminue !

Mme Martine Billard - Et le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 6 % en un an : c'est un système de vases communicants !

Il existe évidemment des entreprises citoyennes qui respectent le code du travail. De même, il existe des automobilistes qui se montrent responsables au volant ; pourtant, il existe des lois qui encadrent leur comportement afin de retenir ceux qui seraient éventuellement tentés par un écart. La même situation s'applique au code du travail. Certes, sur les bancs de l'UMP, certains rêveraient de supprimer totalement le code du travail...

M. Bernard Accoyer - Quelles bêtises !

Mme Martine Billard - On l'a entendu dire ! Mais lorsque l'on crée un nouveau dispositif, il faut prévoir les protections correspondantes. D'où le sous-amendement 128.

M. Francis Vercamer - Le sous-amendement 459 vise à porter le délai de carence de trois à six mois entre deux CPE effectués par le même salarié dans la même entreprise. Je ne reviens pas sur l'argumentation de Mme Billard afin de ne pas rallonger le débat. Je dis toutefois à mes collègues de l'UMP qu'il ne sert à rien d'invectiver ceux qui défendent ici leurs convictions. Depuis qu'ils sont arrivés en nombre, leurs quolibets ont d'ailleurs notablement ralenti le débat.

M. le Président - La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces sous-amendements.

M. François Brottes - Le Gouvernement ne s'étant pas exprimé, je souhaiterais quelques éclaircissements. Comme un salarié pourra enchaîner plusieurs CPE dans une même entreprise à la seule condition d'attendre trois mois, le schéma pourrait être le suivant : quatre mois de travail en contrat première embauche, deux mois d'allocation chômage forfaitaire, un mois de congé, puis quatre mois de travail en contrat - cette fois deuxième embauche -, puis de nouveau deux mois d'allocation chômage, un mois de congé, et ainsi de suite... Quel dispositif pernicieux ! Sauf à ne pas avoir bien compris...

M. Georges Tron - Ce qui est possible !

M. François Brottes - ...un tel enchaînement de contrats pourrait devenir la règle pour les jeunes.

M. Gaëtan Gorce - Un collègue de la majorité nous dit que nous n'avons peut-être pas bien compris le texte. Mais le Gouvernement devrait nous éclairer...

Pourquoi accepter qu'un CPE rompu puisse être repris par le même salarié au bout de trois mois ? Allonger le délai de carence apporterait bien évidemment des garanties supplémentaires. Mais le plus simple pour éviter toute dérive serait d'interdire aux entreprises de réembaucher plusieurs fois de suite une même personne en CPE. Le Gouvernement pourrait-il rassurer sur ce point au moins cette partie de l'hémicycle, vu que l'autre ne semble guère s'en émouvoir ?

A la majorité de 55 voix contre 20 sur 77 votants et 75 suffrages exprimés, le sous-amendement 128 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Vous allez trop vite, Monsieur le Président.

M. le Président - Monsieur Gremetz, vous avez avoué tout à l'heure que vous cherchiez à gagner du temps. Eh bien, je vous dis, moi, que nous irons au terme de l'examen de cet amendement, à six heures du matin s'il le faut.

A la majorité de 59 voix contre 20 sur 79 votants et 79 suffrages exprimés, le sous-amendement 459 n'est pas adopté.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Je viens d'interroger le Gouvernement sur une disposition qui figure au quatorzième alinéa mais s'articule avec une autre qui se trouve beaucoup plus loin. Il nous faut un minimum d'explications de la part du ministre. Ce n'est là ni un procès d'intention, ni une quelconque volonté de ralentir les débats. C'est une question de simple bon sens.

M. le Président - Nous en venons au sous-amendement 600 (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). J'ai toujours scrupuleusement respecté les droits de l'opposition. Mais l'image que vous avez donnée de l'Assemblée nationale par votre aveu de tout à l'heure, Monsieur Gremetz, est détestable.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Le CNE a déjà entraîné beaucoup de précarité. Il en sera de même pour le CPE. Ainsi ai-je reçu le témoignage d'un jeune qui, après avoir obtenu un CAP de menuiserie aluminium, a été embauché en CNE en septembre dernier à trente kilomètres de son domicile, ce qui l'a contraint à déménager...

M. Alain Joyandet - Il n'y avait pas de route pour qu'il se rende à son travail ! (Sourires)

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Ne riez pas ! Je vous transmettrai son témoignage. Au bout d'un mois, son patron, content de lui, l'encourage à passer le permis. Mais au bout de trois mois, alors que ce patron se dit toujours satisfait, il est licencié - sans que son travail soit en cause, lui dit-on, puisqu'on lui propose même de le recommander à d'autres employeurs. Mais alors même qu'il a engagé des frais importants pour passer son permis, le voilà sans travail. Cet exemple en dit long...

Nous n'intentons pas de procès d'intention systématiques aux employeurs, contrairement à ce que vous nous reprochez. Nous souhaitons simplement que des garanties soient apportées aux salariés. Il faut notamment éviter que les dégâts provoqués par le CNE ne se renouvellent avec le CPE, et demain peut-être avec les contrats dernière embauche réservés aux seniors.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je vais répondre aux questions qui m'ont été posées. L'emploi des seniors est en effet l'autre priorité du Gouvernement en matière d'emploi. Lors de la réforme des retraites de 2003, il a été prévu que les partenaires sociaux engagent une négociation sur le sujet et que le Gouvernement accompagne cette négociation par un plan d'action. Le 13 octobre dernier, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord dont trois organisations syndicales ont confirmé qu'elles le signeraient, une quatrième ne s'étant pas encore prononcée et seule la CGT ayant exprimé son désaccord - tout en continuant de participer aux travaux. Le Gouvernement présentera d'ici à la mi-mars son plan d'action avec pour objectif de faire remonter le taux d'activité des seniors de 33,5 % à 50 % d'ici à 2010. Il ne s'agit absolument pas de créer un contrat dernière embauche, comme vous l'avez dit avec ironie, mais de faire en sorte que les seniors ne soient plus les variables d'ajustement des entreprises, comme ils l'ont trop longtemps été (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La formation tout au long de la vie, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l'aménagement des fins de carrière, au travers notamment du tutorat : autant de vrais sujets sur lesquels nous avons apporté des réponses.

Pour ce qui est du délai de carence entre deux CPE, il a en effet été fixé à trois mois mais l'employeur aura-t-il intérêt à ce qu'un salarié enchaîne les CPE, vu qu'il devra s'acquitter à chaque rupture d'une indemnité de 8 % ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Enfin, d'une manière générale, en cas de modification du contrat de travail, la jurisprudence distingue ce qui relève des conditions des travail et ce qui relève de l'objet même du contrat. En cas de modification substantielle, comme l'extension de la zone de démarchage évoquée par M. Launay, l'accord du salarié est bien entendu requis, quelle que soit la nature du contrat. Cela vaut donc aussi pour les CNE et les CPE.

Mme Martine Billard - Pour ce qui est des seniors - terme par lequel on désigne maintenant les plus de 50 ans ou les plus de 55 ans -, on ne peut que partager l'objectif d'accroître leur taux d'activité. Mais s'ils ne sont pas plus nombreux à travailler aujourd'hui, ce n'est pas de leur faute, mais de celle de leurs employeurs qui les mettent à la porte. L'accord que vous avez évoqué, Monsieur le ministre, prévoit un contrat de dix-huit mois, renouvelable une fois, destiné aux chômeurs de plus de 57 ans et qui devrait leur permettre d'atteindre l'âge de la retraite... si ce n'est que, avec la réforme intervenue en 2003 qui a porté à quarante ans, et bientôt quarante-deux, la durée de cotisations requise pour bénéficier d'une pension à taux plein, beaucoup de salariés devront travailler jusqu'à 65 ans. Ce contrat seniors ne règlera donc, au mieux, que les problèmes des salariés entre 57 et 60 ans.

M. Alain Vidalies - Dans le cas évoqué par M. Launay, il faudrait vraiment que l'employeur soit innocent pour notifier un licenciement au motif d'une modification unilatérale des conditions de l'exercice du contrat de travail puisqu'il peut licencier sans justification ! Le problème auquel nous nous heurtons demeure celui de la charge de la preuve.

A la majorité de 49 voix contre 20 sur 69 votants et 69 suffrages exprimés, le sous-amendement 600 n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa 2. Il semble, Monsieur le président, que vous ayez dit à M. Gremetz avoir l'intention de prolonger ce débat jusqu'à six heures du matin s'il le fallait.

M. le Président - Pourquoi pas ?

M. Gaëtan Gorce - Pourquoi le prolonger dans ces conditions alors que nous pouvons poursuivre notre discussion demain ?

M. le Président - J'avais l'intention de m'arrêter plus tôt, mais M. Gremetz m'a annoncé que la reconstitution circonstancielle de l'union de la gauche avait pour seul but d'empêcher de voter l'amendement 3 rectifié. Ce n'est pas l'idée que je me fais du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Je ne polémiquerai pas avec vous, Monsieur le Président. Jusqu'à présent, nos débats se sont déroulés correctement malgré quelques incidents de part et d'autre. Certains collègues de la majorité sont d'ailleurs arrivés avec l'intention de provoquer quelques esclandres, ce que je regrette. Je vous demande donc une suspension de séance - et pas symbolique - de manière à pouvoir me concerter avec mes collègues. Nous avions évoqué ensemble, Monsieur le Président, la suite de nos travaux, et vous aviez considéré que nous pouvions poursuivre jusqu'à une heure du matin. Des bruits courent maintenant selon lesquels vous voudriez travailler toute la nuit, ce qui ne me semble pas raisonnable. Si nous continuons ainsi, les incidents se succéderont et l'on n'avancera pas. Lorsque l'on respecte l'Assemblée nationale, il faut en tirer les conclusions.

M. le Président - On a prétendu que l'on ne terminerait pas la discussion de l'amendement 3 rectifié : nous la terminerons de toute façon, soit en cinq minutes, comme je le souhaite, soit en deux heures. J'ajoute que chacun a toujours pu s'exprimer.

M. Pierre-Louis Fagniez - Que l'on se respecte donc les uns les autres !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous prenez prétexte d'une déclaration, Monsieur le Président, qui n'est pas de mon fait...

M. Yves Bur - C'est l'union de la gauche !

M. Jean-Marc Ayrault - ...J'en prends acte, mais vous en subirez les conséquences (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur - Des menaces !

M. Jean-Marc Ayrault - C'est sortir de la logique de la présidence que de prendre prétexte d'un argument politique pour décider de l'organisation de nos travaux. Je n'accepte pas cette façon de faire et je demande une suspension de séance.

M. le Président - Je vous accorde cinq minutes.

M. Jean-Marc Ayrault - Ce n'est pas acceptable.

M. le Président - Vous ne voulez pas examiner le texte mais faire durer les débats en m'empêchant de les mener comme je l'entends. C'est une insulte à l'endroit de la présidence, alors que j'ai donné la parole à tout le monde. Je suis profondément vexé.

La séance, suspendue à 1 heure 5, est reprise à 1 heure 15.

Mme Marylise Lebranchu - Rappel au Règlement. Monsieur le Président, vous vous êtes senti insulté par les propos de Maxime Gremetz et, pour notre part, nous nous sentons blessés par cette interprétation. Notre but n'est évidemment pas de mener un combat de personnes mais de nous opposer en toute bonne foi au CPE, car nous considérons sincèrement qu'il s'agit d'une mauvaise réponse aux difficultés d'insertion dans l'emploi de notre jeunesse. Après que le code du travail a été entamé par le CNE, il est logique que nous combattions cette nouvelle atteinte en tentant, sans grandes illusions mais avec conviction, de faire évoluer le dispositif favorablement par nos amendements et sous-amendements. L'opposition est dans son rôle et chacun prend ses responsabilités devant le peuple français.

M. Richard Mallié - On peut défendre ses positions sans faire de l'obstruction !

Mme Marylise Lebranchu - M. Gremetz a lui aussi le droit de défendre ses convictions...

M. Yves Bur - C'est le retour de la gauche unie et solidaire !

Mme Marylise Lebranchu - Ce type de remarque n'est pas très respectueux. Libre à vous de ne pas aimer l'union de la gauche mais être démocrate, c'est d'abord respecter l'opinion d'autrui.

M. le Président - Madame Lebranchu, je vous remercie pour le ton de votre rappel au Règlement et vous savez bien que je ne conteste absolument pas le droit de l'opposition de combattre ce texte. Depuis que je préside cette Assemblée, je respecte scrupuleusement les droits de l'opposition, au point que certains de mes amis politiques considèrent que je lui donne parfois la possibilité de s'exprimer au-delà de ce qui pourrait être considéré comme normal. Mais telle est ma conception de ma fonction.

En l'espèce, il nous reste six ou sept sous-amendements à examiner avant de pouvoir procéder au vote de l'amendement 3 rectifié et je souhaite que nous les abordions le plus sereinement possible avant la fin de cette séance. Travailler dans un climat d'affrontement stérile ne changera pas le fait qu'il y a une majorité et une opposition, et que les choses iront normalement à leur terme. Puisse chacun en prendre acte et rester dans le ton donné par Mme Lebranchu.

M. Alain Joyandet - Notre débat a connu une évolution : hier après-midi, nous avons travaillé dans un climat constructif et intéressant. Chacun s'est efforcé de tenir un langage de vérité, des réponses précises ont été apportées aux questions soulevées par les uns et les autres et la technique du sous-amendement a été acceptée par souci du dialogue. Par contre, celle qui consiste à répéter les mêmes arguments à l'envi, pour créer une sorte de harcèlement alors que tout a été dit et que les exemples pris sont de plus en plus caricaturaux, ne peut qu'envenimer les choses et mettre le feu aux poudres. Mais nul, dans notre groupe, n'a jamais dit qu'il était anormal que l'opposition s'exprime.

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement. Il ne suffit pas de dire les choses calmement car on doit d'abord les dire franchement, en particulier lorsque le débat est public. Chacun comprend que ce qui se joue en ce moment n'est pas lié aux incidents de séance qui viennent d'avoir lieu. La réalité, c'est que le Gouvernement et la majorité hésitent sur l'opportunité de recourir au 49-3 et que vous êtes plutôt de ceux, Monsieur le Président, qui pensent que ce n'est pas absolument nécessaire. Pour conforter votre position, vous souhaitez que l'amendement gouvernemental instituant le CPE soit voté ce soir et voilà comment, à la faveur d'un banal incident habilement exploité, ce qui devait se conclure demain après-midi pourrait se terminer cette nuit, à l'issue d'un mercredi bien particulier où la séance publique s'est réunie le matin alors que nos différentes commissions étaient au travail. Ce ne sont pas de bonnes conditions de travail. Nous formulons des objections argumentées sur nombre de points précis et il eût été indifférent de conclure demain en début d'après-midi au lieu de ce soir, si cela nous avait permis de débattre au fond avec toute la sérénité requise. Las, vous en faites un enjeu politique mais nul ne doit être dupe de votre méthode.

M. le Président - Dans la mesure où il nous reste 25 articles et 378 amendements à examiner, je gage que vous aurez, d'ici à dimanche soir, tout le temps de vous exprimer au fond. Je vous le répète : je souhaite que les choses se déroulent tranquillement.

M. Maxime Gremetz - A vous entendre, je serais le responsable de tout cela et je vois à votre sourire, Monsieur le Président, que vous m'avez bien compris. Bien entendu, c'est sur le mode de la plaisanterie que j'ai fait référence à l'union de la gauche - ne serait-ce que parce que tous mes amis savent que je n'y suis pas spécialement favorable ! Mais voilà que vous avez saisi cette toute petite occasion pour accélérer la mise au vote de l'amendement créant le CPE et vous en prévaloir.

M. Alain Vidalies - Permettez-moi, avant de défendre le sous-amendement 601, de m'interroger à nouveau sur les raisons qui vous ont conduit, Monsieur le ministre, à ne pas respecter l'engagement, pris devant la représentation nationale et les partenaires sociaux au moment de la création du CNE, d'en évaluer les effets avant d'envisager toute possibilité de l'étendre. Pourquoi avoir changé d'avis de manière aussi radicale depuis le 30 juin ? Au surplus, à cette époque, dans un instant de lucidité louable, vous-même aviez déclaré - j'ai sous les yeux les comptes rendus des débats - que, compte tenu des conditions de rupture du CNE, il était envisageable de prévoir une indemnité plus importante que celle mise habituellement à la charge de l'employeur. Chacun avait alors pu interpréter cette promesse - elle aussi abandonnée - comme une manière de reconnaître que la précarité introduite par ce type de contrat devait être compensée.

Mardi, lors des questions au Gouvernement, nos légitimes interrogations sont restées sans réponse et il a fallu des heures et des heures pour que nous découvrions, ici-même mais surtout dans la presse, qu'un employeur pourrait enchaîner les recrutements en CPE sur un même poste sans aucun délai de carence, et qu'un même jeune pourrait lui aussi enchaîner les - mal nommés - « contrats première embauche » jusqu'à ses 26 ans au moins ! Il y a donc une incohérence entre le titre et la réalité du projet. Nous avions proposé de changer le titre. Le Gouvernement n'a pas voulu. Alors, changeons le contenu !

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Mais j'en profite pour indiquer que nous avons mis en place, dans les Vosges et dans d'autres secteurs qui connaissent des difficultés, par exemple à Romans, des conventions de reclassement personnalisé « plus », c'est-à-dire qui vont au-delà de ce qu'avaient prévu les partenaires sociaux.

M. Gaëtan Gorce - Vous ne répondez pas à la question de M. Vidalies, qui est celle de la succession de plusieurs salariés en CPE sur un même poste de travail, et ce sans le moindre délai de carence. Parallèlement, un jeune pourra enchaîner les CPE dans différentes entreprises, sans délai de carence là non plus. C'est bien une précarisation des salariés qui est ainsi organisée, et même un abus de droit.

A la majorité de 47 voix contre 22 sur 69 votants et 69 suffrages exprimés, le sous-amendement 601 n'est pas adopté.

M. le Président - La parole est à M. Gorce pour défendre le sous-amendement 214, sur lequel un scrutin public est demandé.

M. Gaëtan Gorce - Je poursuis ma comparaison du CPE avec les contrats existants. En vertu de l'article L.122-3-8 du code du travail, un CDD ne peut être rompu avant l'échéance qu'en cas de faute grave du salarié ou de force majeure. Un salarié en CDD est donc mieux protégé, pendant la durée de son contrat, qu'un salarié en CPE.

M. Borloo, qui semble nous avoir oubliés ce soir, nous disait hier qu'il ne fallait pas mettre sur le même plan le merveilleux CPE qu'il avait concocté dans le secret de son cabinet, et que nous avons découvert dans la presse, comme les syndicats, et le CDD honni. On voit bien pourtant que le premier offre à tous points de vue moins de garanties que le second !

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - Le ministre a dit tout à l'heure que le juge pouvait être saisi pour abus de droit. Mais pour qu'un tel abus soit dénoncé, encore faut-il qu'il y ait un droit ! Or, un employeur pourra, le lendemain du jour où il aura congédié sans motif un salarié en CPE, signer un autre CPE avec un autre salarié sur le même poste de travail. C'est grave.

A la majorité de 51 voix contre 18, sur 71 votants et 69 suffrages exprimés, le sous-amendement 214 n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Le sous-amendement 189 de la commission place la mise en œuvre du droit individuel à la formation ouvert aux titulaires d'un CPE dans les conditions visées aux articles L.933-2 à L.933-6 du code du travail, c'est-à-dire dans les conditions applicables aux titulaires d'un CDI. Sans entrer dans le détail de chaque article, j'indique que nous avons notamment veillé, comme le demandait Mme Billard en commission, à ce que le DIF soit transférable en cas de licenciement.

M. le Ministre délégué - La formation professionnelle est fondamentale pour les titulaires d'un contrat de première embauche et elle est organisée, qu'il s'agisse du DIF, du plan de formation, de la période de professionnalisation ou du congé individuel de formation. La transférabilité du DIF fait quant à elle l'objet d'un travail avec les partenaires sociaux et avec le Conseil national pour la formation tout au long de la vie. C'est un droit important, qui sécurise le parcours professionnel. Avis très favorable, donc.

Mme Martine Billard - Je remercie le rapporteur d'avoir étudié la question de la transférabilité. On rentre dans le droit commun, c'est bien, mais il n'y a pas non plus de quoi s'enthousiasmer. Toutes les études montrent en effet que la formation a tendance à se concentrer sur certaines catégories, dont ne font pas partie les jeunes, les femmes et les travailleurs non qualifiés. Il est à craindre que les jeunes en CPE soient les derniers servis, ne serait-ce que parce qu'un employeur sera peu disposé à investir sur quelqu'un qui peut partir du jour au lendemain.

M. Alain Vidalies - Je suppose, Monsieur le ministre, que l'ouverture des droits se fera au prorata temporis, à raison de 20 heures par année d'activité ? Au bout de six mois, cela fera donc dix heures ?

M. le Ministre délégué - Oui.

M. Alain Vidalies - Et au bout de deux ans, quarante heures. C'est peu.

Quant au sous-amendement, vous faites référence à des articles du code, mais qui ont été rédigés avant l'objet curieux que vous êtes en train de créer et seront sans doute parfois difficiles à articuler avec un licenciement sans motif. Ainsi, selon l'article 933-6, le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf faute grave ou faute lourde. Mais quid d'un licenciement sans motif ? Un salarié licencié aujourd'hui pour faute lourde peut être privé du transfert de ses droits. S'il est licencié sans motif et réclame ses droits, des difficultés se poseront ! Votre souci de cohérence se heurte donc, Monsieur le rapporteur, à l'incohérence du texte.

A la majorité de 50 voix contre 8 sur 64 votants et 58 suffrages exprimés, le sous-amendement 189 est adopté.

M. Daniel Paul - Nous approchons du terme de l'amendement du Gouvernement, examiné dans les conditions que l'on sait. Profitant du renouvellement de générations, vous voulez imposer le CPE aux jeunes avant de généraliser le CNE. C'est très grave, et même Raymond Soubie le reconnaît dans la presse : « Si on veut généraliser le CNE rapidement, on fait disparaître le CDI dans l'économie française et on crée une rupture tellement considérable qu'on peut se demander si ce ne serait pas faire oeuvre d'apprenti sorcier ». Les trois types actuels de contrats, CDI, CDD et intérim, offrent chacun une flexibilité suffisante en cas de changement d'avis de l'une ou l'autre partie. En introduisant une possibilité de rupture par l'employeur à tout moment pendant deux ans, le Gouvernement crée une nouvelle forme de précarité.

A contre-courant de plusieurs études, européennes et américaines, décrivant les mesures de protection des travailleurs comme autant de freins à l'emploi et à la productivité, celle que vient de publier l'OIT distingue l'effet positif de l'ancienneté. Ainsi, ce sont les salariés de cinq à dix ans d'ancienneté qui contribueraient le plus à la productivité de l'entreprise, notamment parce que celle-ci peut investir dans une formation qui leur est propre. Si l'apogée se situe à 13,6 ans, il semble néanmoins qu'il y ait un bénéfice à retenir les salariés au-delà, jusqu'à ce que leur salaire dépasse leur productivité. L'économie dans son ensemble aurait également intérêt à une telle stabilité, qui entraîne un pouvoir d'achat croissant et donc soutient la consommation. On est loin du CPE ! C'est d'études de cette nature que vous devriez vous inspirer plutôt que de suivre les exigences du Medef. Le sous-amendement 58 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - Nous prenons acte du silence du Gouvernement. À l'heure actuelle, un certain nombre de grandes entreprises ont gelé leurs embauches en attendant la promulgation de ce texte - dont on ne pourra pas dire qu'il n'a pas fait monter les chiffres de l'emploi ! Il faut évidemment s'attendre à un important effet d'aubaine. Nous avons si bien démontré les caractéristiques de ce contrat kleenex que, de leur point de vue, elles ont bien raison d'attendre. Il est important que les Français sachent qu'on est en train d'inventer une usine à jeter les salariés du jour au lendemain.

A la majorité de 51 voix contre 13 sur 66 votants et 64 suffrages exprimés, le sous-amendement 58 n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Restent, sur cet amendement, deux points dont nous avons peu discuté. Le premier ne pouvait pas être abordé par la technique du sous-amendement : il s'agit du logement. Le texte ne fait que préciser que l'employeur est tenu d'informer le salarié des dispositifs existants en la matière. Le Gouvernement a ajouté, dans les médias, que le CPE ouvrait droit au locapass : bien sûr ! Tous les jeunes peuvent déjà en profiter, cela n'a rien d'un droit nouveau.

Le deuxième point est l'allocation de rupture du CPE : le CPE est fantastique, parce qu'il garantit une allocation de 492 euros par mois ! Je rappelle que l'allocation minimale aux Assedic est de 750 euros par mois... Mais surtout, et c'est l'objet du sous-amendement 129, cette allocation doit être versée par le fonds de solidarité créé en 1982 pour verser l'allocation spécifique de solidarité et qui est dorénavant chargé des allocations du CNE et du CPE, mais aussi de la prime de retour à l'emploi et de la prime mensuelle. Or, la subvention de l'État au fonds, dans le budget 2006, est en baisse ! Comment allez-vous faire, sauf à transférer les allocataires de l'ASS vers le RMI ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - En ce qui concerne le locapass, la convention est en cours de discussion avec les gestionnaires du 1 % logement. Nous étudions l'extension du locapass sur la totalité du bail et celle de la période de prise en charge des mensualités de 18 à 24 mois, ainsi que la question de la caution, qui est très importante pour les jeunes.

Vous aurez bientôt à examiner un amendement 1 du Gouvernement poussant les grandes entreprises, celles dont vous dites qu'elles attendent avidement le CPE, à augmenter leur nombre de contrats de professionnalisation ou d'apprentissage. Les seuils sont fixés à 1 % de l'effectif moyen fin 2006, 2 % fin 2007 et 3 % fin 2008, contre 0,7 ou 0,8 % aujourd'hui. Ces contrats sont extrêmement importants pour les jeunes. Il faut prendre cette disposition en compte et considérer le texte dans sa globalité : nous avons aussi débattu la semaine passée du renforcement de l'alternance.

M. Alain Vidalies - Cette partie là du texte au moins, vous y croyez !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je crois très fort à l'ensemble ! Juger de la foi des autres n'est peut-être pas autorisé par votre humanisme, Monsieur Vidalies.

L'abus de droit, Monsieur Brottes, n'a pas besoin de base légale : c'est un principe général du droit qui existe sans texte et qui est donc applicable au CPE. Quant à la matière disciplinaire, la procédure contradictoire et les notions de faute grave et de faute lourde continuent à s'appliquer.

M. Alain Vidalies - Cette réponse est tardive, mais elle éclaire nos débats de façon singulière. Le droit du licenciement verra en fait s'appliquer deux régimes concomitants : le droit du licenciement sans motif et, lorsque l'employeur voudra éviter un certain nombre de ses conséquences, le licenciement disciplinaire. Je ne suis pas sûr que les entreprises s'y retrouvent : dès lors qu'il y aura un licenciement, il faudra bien, en fin de compte, qu'elles motivent leur décision parce qu'elles devront dès le départ décider d'utiliser une procédure ou l'autre. Comme le salarié, pour contester le licenciement sans motif, essaiera de prouver la discrimination, les conseils juridiques des entreprises vont les pousser, pour se mettre à l`abri, à multiplier les licenciements pour faute grave, pour qu'on ne leur reproche pas par la suite d'utiliser systématiquement la procédure allégée. On en arrivera donc au résultat exactement inverse de ce que vous affirmiez.

A la majorité de 50 voix contre 18 sur 68 votants et 68 suffrages exprimés, le sous-amendement 129 n'est pas adopté.

M. le Président - Je fais annoncer un scrutin public sur l'amendement 3 rectifié. Monsieur Gorce, vous avez la parole pour défendre le sous-amendement 215.

M. Gaëtan Gorce - J'ai parcouru la longue route qui nous mène à considérer, étape après étape, que le CPE est un contrat précaire. Pour autant, nous n'avons pas pu obtenir de réponses précises du Gouvernement sur l'absence de formalisme, sur la limitation du domaine de recours, sur la limitation liée à la durée du contrat ou sur la rupture arbitraire. Rien n'a semblé émouvoir le représentant du Gouvernement, ni même la majorité.

Reste l'absence de contrôle, qui mérite qu'on l'évoque, ne serait-ce que pour que ceux qui s'intéressent à ce texte puissent trouver les informations nécessaires. L'effectivité d'un droit dépend de la capacité que l'on a de le faire respecter devant le juge, mais cela ne s'impose pas à la lecture de votre projet. Contrairement aux CDD, le CPE échappe à l'action en requalification, un classique du droit du travail pourtant reconnu par la Cour de cassation. Par ailleurs, aucune disposition pénale n'est prévue en cas de non-respect des textes. Mais ce qui est plus grave, c'est que les conditions de recours au juge sont limitées, puisqu'il est prévu - de manière inédite - que toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois. Cela caractérise bien ce contrat spécial et précaire qu'est le CPE. On observera d'ailleurs que ce délai court à compter de la lettre de congédiement, ce qui soulève un autre problème, auquel le Gouvernement est resté indifférent (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Il existe une différence de fond entre nous et la majorité : elle a voulu faire croire que nous étions dans une tactique d'obstruction alors que nous avons traité du fond tout au long de ce débat, et que nous avons démontré, références jurisprudentielles et juridictionnelles à l'appui, que ce CPE était un contrat précaire, moins favorable qu'un CDI et - c'est un comble - qu'un CDD.

Puisque nous voici à la fin de cette discussion sur le CPE, la moindre des choses est de tirer quelques conclusions. Le CPE est, durant ses premières années, un contrat précaire, pouvant être remis en cause à tout moment et à toutes conditions fixées par l'employeur. Précaire parmi les précaires, il est pourtant dénué de garde-fous et reste un faux CDI, moins protecteur que les contrats précaires classiques. Il est précaire au sens étymologique du terme, du latin precarius, « que l'on obtient par la prière ». Faut-il que l'on aie foi en vous pour croire que ce contrat ne l'est pas !

La foi que nous avons dans la capacité de ce Gouvernement à faire respecter ces dispositions est très faible, ne serait-ce qu'au regard des textes que vous avez fait voter, il est vrai, sans difficulté. Nous combattons donc ce texte et continuerons de le combattre. Le choix de l'urgence nous a privés d'un débat en commission et nous empêchera de discuter en deuxième lecture du CPE. Les minutes qui viennent sont les dernières que nous pourrons lui consacrer, peut-être les dernières que nous pourrons consacrer à un CDI de type classique, tel qu'il fonctionne dans notre pays, protégé selon les lois votées sous notre majorité. Nous nous réclamons d'autres valeurs que les vôtres, c'est là notre différence : nous voulons protéger les salariés tandis que vous pensez défendre l'emploi en amenuisant la protection sociale.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larché, ministre délégué - Avis défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Je veux répondre à un Gouvernement silencieux. Il a été passif pendant quatre ans. L'urgence, telle une danse de Saint-Guy, s'en est soudainement emparé et il a présenté trois plans d'urgence pour l'emploi au cours des derniers mois. Il préfère ne pas répondre lorsque nous sommes amenés à discuter dans le détail des propositions qu'il nous présente. Sans doute compte-t-il attendre la conclusion de ce débat dans le mutisme. Mais nous connaissons déjà cette stratégie, que nous avons expérimentée avec M. de Villepin, qui vient à cette tribune, nous assène ses vérités pour ensuite nous quitter, laissant les ministres débattre - ce qui est un terme d'ailleurs excessif - avec nous.

Cette situation n'est pas acceptable. Aucun de nos arguments, tout au long de ces heures que vous avez trouvées longues, n'a trouvé de réponse. A aucun moment vous n'avez justifié les 160 000 emplois supprimés pour les jeunes ! Il s'agit d'un Gouvernement fantôme, qui - malheureusement - mène une politique bien réelle et met le droit des salariés en danger. Je constate que l'on peut faire de grandes déclarations lors des voeux sur la défense du Parlement, pour les oublier aussitôt le mois de janvier terminé et traiter l'opposition de manière cavalière.

A la majorité de 51 voix contre 20 sur 71 votants et 71 suffrages exprimés, le sous-amendement 215 n'est pas adopté.

M. le Président - La parole est à M. Blisko pour défendre le sous-amendement 157.

M. Serge Blisko - On ne lance pas une réforme fondamentale du droit du travail sans consulter les partenaires sociaux. Nous sommes dans un monde où des dizaines de milliers de salariés, travaillant dans de petites entreprises, ne sont pas représentés.

Je ne résiste pas à la tentation de lire ce témoignage à M. le ministre délégué : « Mon épouse a travaillé pendant trois mois dans une clinique vétérinaire en CDD. A l'issue de son contrat, son employeur lui a fait signer un CNE. Quinze jours plus tard, elle était virée sur simple lettre recommandée, sans aucun motif. (...) Elle n'a aucun recours, ni prud'hommes ni inspection du travail ( ...) Que faire ? »

Dans ce type d'activité, le salarié se retrouve seul face à l'employeur et doit avoir un syndicat pour le défendre.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis défavorable.

M. Alain Joyandet - Je veux assurer à M. Gorce que nous l'avons écouté avec attention. Mais je veux aussi lui dire que, tant sur la durée que sur la période d'essai, sur l'indemnisation ou sur l'insertion sociale, le CPE est considérablement plus avantageux que le CDD traditionnel. Je tiens un comparatif à votre disposition.

M. François Brottes - Deux ans de période d'essai !

M. Daniel Paul - Ce texte rompt avec toute l'histoire sociale que le peuple français a bâtie durant un siècle. C'est la première fois qu'un recul aussi important est imposé à une partie de la population, avec l'objectif de l'étendre à l'ensemble des salariés.

La droite apporte ainsi la preuve que la politique peut changer les choses, et je l'en remercie. Mais je souhaite que très rapidement une autre volonté s'y substitue. Nous aurons l'occasion de reparler du CPE, cher collègue, mais ce sera pour revenir dessus.

A la majorité de 50 voix contre 18 sur 68 votants et 68 suffrages exprimés, le sous-amendement 157 n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Les heures passées à débattre ont montré combien ce nouveau CDI mérite d'être évalué. Le sous-amendement 190 de la commission tend à reprendre dans l'amendement gouvernemental une initiative de Claude Gaillard, rapporteur du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi, qui avait posé le principe de l'évaluation du CNE. Le sous-amendement propose pour le CPE la même date - le 31 décembre 2008 - et la même méthode - une commission regroupant les services de l'État et les partenaires sociaux.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable. Je confirme à M. Blisko que les partenaires sociaux auront à se saisir de la convention de reclassement personnalisé, et qu'ils seront consultés sur l'ensemble des contrats de travail, comme l'a annoncé le Premier ministre le 16 janvier. Quant aux limitations du recours au juge, même les vétérinaires, Monsieur Blisko, sont dans le droit commun !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous rendez-vous bien compte de ce que vous dites, Monsieur le rapporteur ? Vous souhaitez par votre sous-amendement procéder, comme pour le CNE, à une évaluation du CPE au plus tard le 31 décembre 2008.

M. François Brottes - C'est de la provocation !

M. Jean-Marc Ayrault - C'est se moquer du monde ! Le Premier ministre - qui n'a pas consulté le Parlement, puisque la décision a été prise par ordonnance - avait déclaré que toute nouvelle modification du code du travail serait précédée d'une évaluation du CNE. Nous ne pouvons donc pas vous faire confiance, ni sur cela ni sur le reste ! L'évaluation n'a pas eu lieu, vous continuez à modifier le code du travail et vous méprisez même la loi sur le dialogue social, qui prévoit une concertation avant toute modification du code du travail. Il s'agit là d'un acte législatif particulièrement grave, dont vous devrez assumer les conséquences. Ce n'est pas une loi sur le travail des jeunes, mais sur le licenciement. Pourquoi le ministre répond-il si peu aux questions de l'opposition ? Parce qu'au fil des heures, nous dévoilons la vérité : une réforme en profondeur du code du travail comme on n'en a plus vu depuis longtemps. Vous voulez faciliter le licenciement pour tous les jeunes, et demain pour tous les salariés. C'est inacceptable ! Ne nous reprochez donc pas d'avoir fait notre travail : c'était une œuvre de pédagogie politique envers les Français. Votre silence s'explique par votre réticence à vous expliquer, mais la bataille continuera, et ce dès demain sur les autres articles de ce projet de loi. Vous avez pris une grave responsabilité : vous devrez l'assumer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

A la majorité de 51 voix contre 7 sur 60 votants et 58 suffrages exprimés, le sous-amendement 190 est adopté.

M. le Président - Je vais donner la parole à un orateur par groupe avant de passer au vote sur l'amendement.

Mme Martine Billard - Le CPE, bizarrement nommé - l'embauche n'a de « première » que le nom - est censé lutter contre la précarité chez les jeunes. Pourtant, vous augmentez le nombre de contrats sans régler la question de fond : sécuriser le parcours professionnel tout au long de la vie. Il faut créer de l'emploi sans mettre les salariés en situation de concurrence, mais vous ne voulez pas en entendre parler. Le CPE instaure donc une rotation perpétuelle, un jeu de chaises musicales où il faudra courir vite pour trouver un poste avant d'en être éjecté pour laisser la place à d'autres, et ainsi de suite jusqu'à l'âge de 26 ans. Le CPE ne crée pas de nouveaux emplois pour les jeunes, augmente la précarité et prépare sa généralisation à tous les salariés : au nom des députés verts, je voterai donc contre !

M. Daniel Paul - Personne n'est dupe : vous institutionnalisez dans notre pays une précarisation déjà bien entamée, car il y a belle lurette que les entreprises ont franchi les frontières assignées à l'intérim. Sous couvert de flexibilité, vous répondez ainsi aux attentes du Medef, dont la présidente avait vu juste en déclarant : « l'amour et la vie sont précaires, alors pourquoi pas le travail ? ». C'est un recul social sans précédent, alors même que, pour la première fois, la jeune génération vit plus mal que ses parents. Nous l'avons combattu avec les armes qui sont les nôtres. Souvenez-vous donc comment vous avez naguère combattu notre loi de progrès sur les trente-cinq heures ; de même, nous combattons votre loi de régression et continuerons de le faire en appelant les forces démocratiques de notre pays à réagir pour que l'on revienne sur ce texte au plus vite.

M. Gaëtan Gorce - A quelques heures de sa mort, dans les bras de Roxane, Cyrano disait : « Je me suis donc battu, Madame, et c'est tant mieux ; non pour mon vilain nez, mais bien pour vos beaux yeux ». Ces beaux yeux pour lesquels nous nous sommes battus, ce sont la jeunesse et son droit à l'insertion. Nous nous sommes mobilisés contre la précarité en montrant que d'autres solutions existent, et celui qui dit jadis que « c'est tellement plus beau lorsque c'est inutile » aurait naturellement siégé à nos côtés dans ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer - Un dialogue social préalable nous aurait sans doute permis de moins batailler ici en nous fournissant d'emblée un éclairage plus précis. Le CPE n'est pas qu'un contrat précaire pour les jeunes ; il présente aussi des risques juridiques pour les entreprises, qui ne souhaiteront plus l'utiliser dès que la jurisprudence commencera son œuvre. En outre, le CPE n'est qu'un empilement supplémentaire dans un code du travail déjà complexe que les entreprises - qui sont les premières à traiter le problème de l'emploi - ont parfois du mal à comprendre.

Le groupe UDF ne s'oppose pas à la flexibilité dès lors qu'elle ne passe pas par un contrat de plus : il vaudrait mieux identifier les blocages dans le code du travail et y remédier avec les partenaires sociaux en donnant toute sa place au dialogue social, plutôt qu'au détour d'un amendement inefficace. Le groupe UDF reste donc opposé au CPE car c'est une réponse inadaptée, un CDI amoindri qui n'a pas sa place dans un texte sur l'égalité des chances.

Enfin, le CPE ne réglera en rien le problème des offres d'emplois non pourvues, déjà nombreuses aujourd'hui, mais qui le seront encore plus demain, vu la pyramide des âges de notre population active.

M. Alain Joyandet - Il a été beaucoup question de précarité tout au long de ce débat. Mais c'est aujourd'hui que les jeunes la subissent avec un taux de chômage supérieur à 20 %, 70 % d'embauches en CDD et parfois jusqu'à dix ans avant de trouver un emploi stable. Contrairement à vous, nous pensons que cette situation n'est pas une fatalité. En Allemagne, où le taux de chômage des jeunes n'est que de 11 %, les solutions mises en œuvre vont à l'inverse de celles que vous préconisez. Nous ne pensons pas que le travail se partage, mais qu'il doit, comme l'amour, grandir (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Les mesures proposées par le Gouvernement visent toutes à sortir les jeunes de la précarité et à leur permettre d'accéder à l'emploi dans de meilleures conditions. Une rupture s'est produite entre notre jeunesse et un monde économique qui souhaiterait l'accueillir mais a sans doute besoin pour ce faire de davantage de flexibilité. Saint-Exupéry déplorait que l'on construise trop de murs, et pas assez de ponts. Nous avons, nous, essayé d'établir un pont entre nos jeunes en déshérence et le monde du travail. Nous sommes en définitive beaucoup plus optimistes que vous. Nous croyons aux vertus de la flexibilité et du dialogue pour rétablir un contrat de confiance indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Monsieur Gorce, vous avez cité Cyrano. Permettez que je signale que nous « touchons » maintenant à la fin de l'envoi, j'entends de ce débat.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir présidé vous-même plusieurs des séances sur les cinq que nous aurons consacrées à cet amendement du Gouvernement - preuve, s'il en était besoin, que nous avons débattu de façon approfondie. Je remercie également le rapporteur et tous les députés qui ont participé à ce débat.

Nous sommes tous d'accord sur le constat : 22,7 % de jeunes au chômage, soit deux fois plus que la moyenne nationale, c'est insupportable. Mais nous, nous avons décidé d'y remédier. Et là, citer Cyrano ne suffit pas... (Sourires) Il faut former les jeunes, les accompagner, sécuriser leur parcours d'accès à l'emploi. C'est tout l'objet du nouveau compromis social que nous vous proposons entre un monde économique qui a besoin de fluidité et une jeunesse qui a besoin de sécurité dans son parcours professionnel. Le contrat première embauche est une nouvelle arme dans la bataille pour l'emploi que nous avons engagée voilà maintenant quatre ans. Il prendra place aux côtés du droit individuel à formation, des conventions de reclassement personnalisé, des contrats de professionnalisation, des contrats nouvelles embauches... Depuis quatre ans, c'est sans relâche que nous agissons pour que notre pays en finisse avec le chômage structurel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 51 voix contre 23 sur 74 votants et 74 suffrages exprimés, l'amendement 3 rectifié, sous-amendé, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin à 10 heures 30.

La séance est levée à 2 heures 35.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
du JEUDI 9 FÉVRIER 2006

DIX HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2787) pour l'égalité des chances.

Rapport (n° 2825) de M. Laurent HÉNART, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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