Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session extraordinaire 2002-2003)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 9 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 8 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 7 «...»

MM. Christophe Caresche, Noël Mamère, André Gerin.
Amendements de suppression n°s 250 de M. Caresche et 306 de M. Braouezec : MM. Christophe Caresche, André Gerin, Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Pierre Cardo, Noël Mamère. - Rejet.
Amendements identiques n°s 74 de la commission des lois, 307 de M. Braouezec et 251 rectifié de M. Caresche : MM. Étienne Pinte, André Gerin, Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 75 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 222 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 388 de la commission : MM. le rapporteur, Noël Mamère, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 76, quatrième rectification, de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, André Gerin, Christophe Caresche.
Sous-amendement n° 469 de M. Cugnenc : MM. Paul-Henri Cugnenc, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Le sous-amendement n° 445 de M. Pinte n'a plus d'objet.
Adoption de l'amendement n° 76, quatrième rectification, modifié.
Amendements n°s 252 de M. Caresche et 165 de M. Goasguen : MM. Christophe Caresche, Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 165 ; rejet de l'amendement n° 252.
Amendement n° 253 de M. Blisko : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 7 modifié.

Après l'article 7 «...»

Amendement n° 366 de M. Cardo : M. Pierre Cardo. - Retrait.

Article 8 «...»

Amendement n° 77 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
L'article 8 est ainsi rédigé.

Après l'article 8 «...»

Amendement n° 308 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 370 de M. Cardo : MM. Pierre Cardo, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 9 «...»

MM. Christophe Caresche, Noël Mamère.
Amendement de suppression n° 309 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 310 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 78 rectifié de la commission : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre, Patrick Braouezec, Jean-Christophe Lagarde, Noël Mamère. - Adoption.
Les amendements n°s 223 de M. Mamère et 254 de M. Caresche n'ont plus d'objet.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Colot : MM. Christian Vanneste, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 174, deuxième rectification, de M. Mancel : MM. Etienne Mourrut, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche, Noël Mamère, Claude Goasguen, Pascal Clément, président de la commission des lois. - Adoption.
Amendement n° 255 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 9 modifié.

Article 10 «...»

MM. Christophe Caresche, Noël Mamère, le président de la commission, le rapporteur, le ministre.
Amendements de suppression n°s 256 de M. Caresche et 311 de M. Braouezec : MM. Serge Blisko, Patrick Braouezec, le rapporteur, le secteur le président de la commission, le ministre, Christian Estrosi, Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 79 rectifié de la commission, avec le sous-amendement n° 468 de M. Mamère : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère. - Rejet du sous-amendement n° 468 ; adoption de l'amendement n° 79 rectifié.
Les amendements n°s 224 et 225 de M. Mamère n'ont plus d'objet.
Adoption de l'article 10 modifié.

Après l'article 10 «...»

Amendement n° 312 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre, Jean-Christophe Lagarde, Etienne Pinte. - Rejet.

Article 11 «...»

Amendements de suppression n°s 226 de M. Mamère, 257 de M. Caresche et 313 de M. Braouezec : MM. Noël Mamère, Christophe Caresche, Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 11.

Article 12 «...»

Amendements de suppression n°s 227 de M. Mamère et 314 de M. Braouezec : MM. Noël Mamère, Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 389 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
L'article 12 est ainsi rédigé.
L'amendement n° 258 de M. Caresche n'a plus d'objet.

Article 13 «...»

Amendement de suppression n° 315 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 80 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 «...»

Amendements de suppression n°s 228 de M. Mamère, 259 de M. Caresche et 316 de M. Braouezec : MM. Noël Mamère, Christophe Caresche, Patrick Braouezec, le ministre, le rapporteur, le président de la commission. - Rejet.
Amendement n° 81 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
L'article 14 est ainsi rédigé.

Après l'article 14 «...»

Amendement n° 390 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.

Article 15 «...»

Amendements n°s 163 de M. Estrosi et 82 de la commission, avec le sous-amendement n° 458 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 82 ; le sous-amendement n° 458 n'a plus d'objet.
M. Serge Blisko. - Adoption de l'amendement n° 163.
Amendement n° 83 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 15 modifié.

Article 16 «...»

Amendement n° 318, deuxième rectification, de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 356 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 84 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 358 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 85 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 86 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 357 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 260 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 391 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 472 de M. Goasguen : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 473 de M. Goasguen : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 385 de M. Goasguen : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 261 rectifié de M. Caresche, avec les sous-amendements n°s 471 rectifié de M. Vanneste et 470 de M. Mamère : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre, Christian Vanneste, Noël Mamère. - Adoption des sous-amendements n°s 471 rectifié et 470 et de l'amendement n° 261 rectifié et modifié.
Adoption de l'article 16 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION ET SÉJOUR
DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n°s 823, 949).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 7.

Article 7

    M. le président. « Art. 7. - L'article 12 bis de la même ordonnance est modifié comme suit :
    « I. - Au deuxième alinéa, après les mots : "carte de séjour temporaire, sont insérés les mots : "ou de la carte de résident et les mots : "titulaire de cette carte sont remplacés par les mots : "titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes.
    « II. - Au cinquième alinéa, après les mots : "ait été régulière, sont insérés les mots : "que la communauté de vie n'ait pas cessé. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, mes chers collègues, l'article 7 comporte plusieurs dispositions, dont certaines portent sur le regroupement familial. Désormais, les personnes faisant l'objet d'un regroupement familial ne pourront pas accéder de plein droit à la carte de résident qu'ont obtenue les personnes qui les attendent en France. Le regroupement familial sera donc limité. Mais nous y reviendrons à l'occasion de l'examen d'autres articles.
    Je voudrais centrer mon intervention sur un point particulier qui nous inquiète : il s'agit de la mesure proposée par l'amendement n° 76, qui remet en cause l'effectivité du plein droit à l'obtention de la carte de séjour pour les personnes étrangères gravement malades comme le prévoyait la loi RESEDA de 1998. L'amendement tend en effet à faire en sorte qu'il ne soit plus tenu compte de l'avis du médecin inspecteur de santé publique pour autoriser ces personnes étrangères à venir se faire soigner dans notre pays.
    Il s'agit d'une mesure inquiétante. D'abord, c'est l'indépendance même des médecins qui est remise en cause. Ils sont d'ailleurs eux-mêmes meurtris de voir leur compétence professionnelle contestée. Ensuite, les délais d'accès aux soins de ces personnes vont être considérablement allongés. Elles viennent pourtant dans notre pays souvent en urgence pour se faire opérer rapidement. Nous reviendrons sur ce point au cours du débat sur les amendements, mais je voulais d'ores et déjà souligner que cette remise en cause du droit au séjour des personnes étrangères gravement malades - un droit qui honorait notre pays - ne nous paraît pas justifiée.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Avant de revenir sur le sujet que vient d'évoquer mon collègue Caresche, je souhaite approfondir la question du regroupement familial.
    L'article 7 complète la liste des conditions requises pour que le conjoint d'un Français se voie délivrer une carte de séjour temporaire. Il est désormais exigé que la communauté de vie n'ait pas cessé. Il s'agit d'un net recul par rapport à la loi du 11 mai 1998, dite RESEDA, qui permettait la délivrance d'une carte de séjour temporaire à un étranger marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière. La condition d'une communauté de vie entre les époux n'était exigible que lors du renouvellement de la carte de séjour temporaire ou lors de la demande d'attribution d'une carte de résident.
    Nous ne pouvons que nous interroger sur les justifications d'une telle modification, et en particulier sur la réalité des éventuels détournements. Comme les dispositions proposées à l'article 11, ces nouvelles exigences font peser un soupçon systématique sur les mariages mixtes.
    M. Pierre Cardo. Il n'est pas systématique !
    M. Noël Mamère. Elles risquent de conduire à des situations inextricables. L'article 7 traduit l'esprit qui préside à ce projet : faire de chaque demandeur de carte de séjour, de chaque étranger, une sorte de fraudeur en puissance.
    M. Pierre Cardo. On voit bien, nous, l'esprit qui préside à cette intervention.
    M. Noël Mamère. La législation actuelle permet au conjoint étranger de déposer, dès le lendemain de son mariage, une demande de délivrance de carte de séjour. Un étranger devra-t-il justifier de sa vie commune avec son conjoint depuis le mariage même si celui-ci a été célébré la veille ? Des preuves de vie commune avant même la célébration du mariage seront-elles demandées ?
    Par ailleurs, les contrôles supplémentaires introduits par le projet de loi - notamment à l'article 11 - pour les mariages mixtes vont entraîner une augmentation des mariages célébrés à l'étranger et donc un allongement des délais entre la célébration du mariage et la demande du titre de séjour.
    Cet allongement des délais provoquera souvent une séparation temporaire entre le conjoint français revenu sur le territoire et le conjoint étranger en attente de délivrance d'une autorisation d'entrée. La séparation, liée aux nombreuses démarches administratives demandées, pourrait être considérée, d'après les nouvelles dispositions, comme une véritable rupture de vie commune, justifiant un refus de titre de séjour.
    En matière de santé, l'article 7 est extrêmement dangereux parce que, derrière la question de l'immigration, le projet de loi touche aux problèmes de santé publique en excluant de l'accueil dans notre pays des étrangers gravement malades. Si nous avons critiqué la loi dite RESEDA de Jean-Pierre Chevènement - les Verts ont voté contre pour divers manquements aux promesses faites à l'époque - nous considérions néanmoins qu'elle avait marqué un progrès en faveur de la dignité et des droits humains dans notre pays puisque la reconnaissance du droit au séjour pour les étrangers gravement malades n'avait pas d'équivalent en Europe.
    Les associations, notamment celles qui sont regroupées dans l'Observatoire du droit à la santé des étrangers qui a publié un rapport édifiant en ce début du mois de juillet, nous expliquent qu'il y aurait dans notre pays aujourd'hui une véritable « épidémie » - je vous prie de m'excuser d'employer ce mot en la circonstance - de non-renouvellement de cartes de séjour temporaires pour des personnes régularisées et travaillant depuis plusieurs années et dont l'état de santé n'a pas changé. C'est une source de précarisation. D'autres atteintes au droit sont d'ailleurs constatées quotidiennement dans les préfectures, comme la délivrance d'autorisation provisoire de séjour sans droit au travail, des difficultés d'accès aux procédures, des refus du guichet d'enregistrer les demandes et des cas de violation du secret médical.
    Or l'article 7 du projet de loi accentue la logique de restriction et de précarisation puisqu'il ouvre la possibilité aux seuls préfets de remettre en cause par une contre-expertise les décisions des médecins de l'administration qui interviennent dans la procédure des demandes de titres de séjour pour raisons médicales. Le préfet n'ayant pas accès au dossier médical, on ne voit pas sur quels éléments d'appréciation il pourrait contester la décision d'un médecin de sa propre administration. Le projet de loi est donc fondé sur la suspicion qui est jetée sur tous les demandeurs et - c'est encore plus grave - sur la suspicion de complaisance des professionnels de santé qui légitimerait a contrario la violation du secret médical.
    L'article 7 du projet de loi aura des conséquences sanitaires désastreuses.
    M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
    M. Noël Mamère. Il risque de faire disparaître un droit au séjour pour soins jusqu'à présent unique en Europe. La présomption de fraude et l'obsession du détournement de procédure doivent céder la place à une volonté politique affirmée de protection des personnes. C'est en tout cas ce qu'a souhaité M. le ministre de l'intérieur.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Mamère.
    M. Noël Mamère. Nous demanderons donc le retrait de l'amendement visant à modifier la loi, l'application effective de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui et le renouvellement automatique des cartes de séjour temporaires délivrées aux étrangers malades.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Avec l'article 7, nous abordons la disposition la plus grave du projet de loi pour les étrangers en situation régulière en France. Les précédents articles nous ont donné l'occasion de dénoncer la fabrique à sans-papiers et de prouver que la réalité démentait depuis quinze ans l'objectif affiché de lutte contre l'immigration irrégulière.
    Si la machine répressive et la fermeture officielle des frontières n'ont eu que peu d'effets sur le nombre d'habitants étrangers, les effets ont été dévastateurs sur la qualité de leur statut. Cette politique se traduit par un nombre important d'habitants de nos villes rejetés ou maintenus dans la clandestinité.
    L'article 7 montre un autre aspect déplorable du projet, en définissant une véritable politique de désintégration et de déstabilisation des immigrés en situation régulière. L'article propose en effet de ne délivrer à tous les enfants et les conjoints admis au titre du regroupement familial qu'une carte de séjour temporaire d'un an et non de dix ans comme c'est le cas aujourd'hui quand la personne qu'ils rejoignent en est titulaire. La multiplication des cartes temporaires d'un an constitue un handicap grave à la bonne insertion sociale et professionnelle des résidents réguliers en France. Elle ne peut que déstabiliser les familles.
    Cette disposition va créer des inégalités au sein des foyers avec un des conjoints qui sera titulaire d'une carte de dix ans tandis que l'autre n'aura qu'une carte d'un an. La mesure frappera plus durement les femmes, puisque dans 80 % des cas, c'est l'époux qui demande le regroupement familial. L'article 7 souligne la duplicité du Gouvernement et de la majorité, qui prétendent favoriser l'intégration en précarisant les personnes.
    Afin de ne pas handicaper l'insertion sociale et professionnelle des membres de famille admis au titre du regroupement familial et de protéger notamment la situation des femmes, nous proposerons par nos amendements de supprimer cet article 7.
    Nous défendrons également une extension des mesures de régularisation pour les parents d'enfants nés et/ou scolarisés en France afin de rompre avec le maintien hypocrite de ces personnes dans la clandestinité alors que, de fait, elles ont vocation à vivre durablement en France et à y élever leurs enfants qui, pour une grande part, seront français dès l'adolescence.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 250 et 306.
    L'amendement n° 250 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 306 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 7. »
    La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 250.
    M. Christophe Caresche. Aux termes de l'article 7, une personne qui fera l'objet d'un regroupement familial ne pourra plus désormais bénéficier d'une carte de résident comme le regroupant. J'avoue qu'une telle mesure comme celle qui consiste à exiger que la communauté de vie n'ait pas cessé pour les conjoints des Français, m'étonne s'agissant d'étrangers qui viennent dans notre pays pour s'y installer, qui ont vocation à y rester et à y faire leur vie, avec leur conjoint ou leurs parents. Pourquoi leur faire faire tout un parcours en leur délivrant d'abord une carte de séjour temporaire, avant de leur donner accès à une carte de résident ?
    De surcroît, cela semble même contradictoire avec les objectifs d'intégration qui sont invoqués par le Gouvernement. En effet, l'intégration, par définition, ne peut pas être un préalable au titre de séjour. L'intégration suppose, pour l'étranger, un minimum de capacités à mettre en oeuvre un projet d'avenir. Nous reconnaissons la nécessité que l'étranger manifeste son adhésion et sa volonté de s'intégrer.
    Mais l'intégration ne peut pas être une démarche à sens unique. On a le sentiment que ces mesures ont pour effet de précariser le statut des étrangers qui viennent d'arriver dans notre pays et qui ont vocation à y rester.
    M. Pierre Cardo. Ils ont le désir d'y rester, pas la vocation.
    M. Christophe Caresche. Sur bien des points, les conditions de séjour sont durcies par ce texte, en pleine contradiction avec l'idée d'intégration.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement n° 306.
    M. André Gerin. Avec cet article, ce n'est ni plus ni moins que le regroupement familial qui sera remis en cause.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Que ne faut-il pas entendre et supporter !
    M. André Gerin. Il faut supporter le débat politique et accepter qu'il y ait des approches et des opinions différentes.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce n'est pas le débat qui me dérange, ce sont vos propos ! Ce que vous dites est faux !
    M. André Gerin. Il ne faut pas croire que, parce que le Gouvernement présente un projet de loi il y aurait une opinion unique sur la question...
    M. Éric Raoult. En tout cas, la réalité est unique !
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas parce que vous êtes majoritaires que vous avez tous les droits !
    M. André Gerin. Vous n'êtes pas obligé de me couper la parole, monsieur le ministre !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La réciproque est vraie !
    M. André Gerin. Monsieur le ministre, ce n'est pas mon style.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai ! Le vôtre est bien différent !
    M. André Gerin. Actuellement, les membres d'une famille venant rejoindre un parent vivant en France reçoivent le même titre de séjour que lui. La stabilité que procure à un parent une carte de résident s'étend donc aux membres de sa famille. Or, l'article 7 remet en cause ce principe, et partant l'intégration à la société française des familles, à laquelle le Gouvernement est pourtant si chèrement attaché, selon ses propres termes. Cette modification de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 entraîne donc de graves conséquences pour les familles étrangères dont les membres recevront systématiquement une carte de séjour temporaire, même si le parent qu'ils viennent rejoindre est titulaire de la carte de résident.
    L'article 7 introduit également une condition supplémentaire à la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « Vie privée familiale », celle que la communauté de vie n'a pas cessé. Cette obligation existait déjà, mais uniquement pour le renouvellement de la carte de séjour temporaire, et pour obtenir à une carte de résident. Votre idée est d'éviter qu'un étranger marié avec un Français ne se voie remettre une carte de séjour, alors que la communauté de vie aurait déjà cessé. Peu anodine en apparence, cette disposition nous semble dangereuse. Elle incitera l'administration à subordonner la délivrance du titre sollicité à une condition de vie commune impossible à remplir, à moins que les conjoints ne soient en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune antérieure au mariage, ce qui serait paradoxal.
    La crainte que nous éprouvons n'est pas sans fondement, puisque le Conseil d'Etat a dû rappeler que la communauté de vie est une condition du renouvellement de la carte de séjour temporaire, mais qu'elle n'est pas nécessaire pour une première délivrance. Telles sont les raisons qui justifient, selon nous, de supprimer l'article.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression.
    M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. J'ai relu, pendant les interventions de nos collègues M. Gerin et M. Caresche, le texte de l'article. Franchement, je ne vois pas ce qui lui vaut une telle indignité. L'article 7 vise seulement à lutter contre les détournements de procédure et à mieux encadrer le regroupement familial. Les problèmes spécifiques à la maladie seront abordés plus tard. Je m'en tiens pour le moment à l'architecture générale de l'article 7.
    Je rappelle à M. Gerin et à M. Caresche que la commission a adopté, à l'article 10, un amendement n° 79, qui répond aux préoccupations qu'ils ont exprimées et que partagent également les associations que nous avons auditionnées. Cet amendement réduit de cinq ans à deux ans la durée de séjour nécessaire pour que les parents d'enfants français ou les étrangers entrés en France au titre du regroupement familial bénéficient d'une carte de résident.
    L'article 7 s'inscrit tout à fait dans la logique du texte qui me semble d'autant plus équilibré que l'amendement n° 79 à l'article 10 sera adopté. L'avis de la commission est défavorable sur les amendements n°s 250 et 306.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement ?
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement est du même avis que le rapporteur. Je voudrais apporter deux précisions susceptibles, sinon de lever les désaccords, au moins de leur donner un fondement.
    Premièrement, pourquoi supprimer le caractère automatique de la délivrance de la carte de résident aux regroupés familiaux ? Au fond, c'est l'intention qui compte. Monsieur Caresche, il arrive à ceux qui connaissent l'automaticité de l'attribution de la carte de résident de faire venir, au titre du regroupement familial, une personne, en général leur femme, et de la laisser ensuite enfermée dans la communauté familiale reconstituée.
    M. Éric Raoult. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... sans lui permettre d'apprendre le français, dans un communautarisme parfaitement clanique. Comme il n'y a aucune condition d'intégration pour les malheureuses, personne ne s'en occupe. On peut être en désaccord sur le raisonnement, monsieur Caresche, mais, à défaut de vous convaincre, je souhaite qu'au moins vous compreniez notre démarche. Peut-être allons-nous échouer, mais nous cherchons à obliger celui qui fait venir dans le cadre de regroupement familial, en général sa conjointe, à lui faire apprendre le français et à l'aider à s'insérer dans la société française. Sans parcours d'insertion, elle n'aura pas droit à la carte de séjour. Peut-être est-elle insuffisante, mais c'est la solution que nous avons trouvée, monsieur Caresche, pour éviter que des personnes étrangères venues dans notre pays au titre du regroupement familial restent claquemurées dans leur appartement, totalement isolées de la société française, dépendantes de leur mari, sans apprendre un mot de français et sans avoir le droit de sortir. Tel est, de notre point de vue - je ne prétends pas avoir raison - le résultat de l'automaticité de la délivrance de la carte de résident en cas de regroupement familial. Au moins, convenons ensemble que le problème se pose. Je suis tout à fait prêt à reconnaître que la solution que nous proposons n'est peut-être pas la panacée.
    J'ai interrompu M. Gerin - qu'il m'en excuse - quand il affirmait que je supprimais le regroupement familial. Pas du tout ! Le regroupement familial, moi, j'y tiens ! On ne peut pas demander à quelqu'un de s'intégrer si on le prive de sa femme et de ses enfants. Vous ne m'avez jamais entendu défendre autre chose.
    En revanche, je souhaite que la personne qu'on fait venir au titre du regroupement familial, ait l'« obligation » - pour moi, c'est plutôt un droit - d'apprendre le français et de s'insérer afin de ne pas être prisonnière de son mari, comme on le constate dans un certain nombre de communautés. Le regroupement familial n'est pas supprimé, mais la République a la volonté de lutter contre le communautarisme qui emprisonne un certain nombre de femmes. Je dis « femmes » parce que, naturellement, ce n'est pas le mari qui se retrouve claquemuré à la maison. Le mari, lui, il trouve toujours le moyen d'apprendre le français et d'avoir une activité, pas les femmes.
    Encore une fois, on peut tout à fait être en désaccord sur les modalités, mais qu'on ne nous fasse pas de procès d'intention ! J'espère au moins, monsieur Caresche et monsieur Mamère, vous avoir fait comprendre notre intention. Je ne veux pas de malentendu à ce sujet.
    Deuxièmement, pourquoi instaurer une condition de communauté de vie pour la première délivrance d'un titre de séjour au conjoint ? A partir du moment où une carte est délivrée au conjoint étranger, on veut être sûr qu'au moment où elle est délivrée, le couple vit ensemble. Je ne pense pas qu'il soit malhonnête, ni même dramatique, de dire cela.
    M. Gérard Léonard. C'est même élémentaire !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Gerin l'a très bien dit, cette condition existe pour le renouvellement de la carte, mais pas pour sa première délivrance. Je vous demande devant nos concitoyens, pourquoi, si vous êtes d'accord pour mettre une condition de vie commune pour le renouvellement, vous ne le seriez pas pour la première délivrance de la carte. On veut seulement que des gens qui nous déclarent qu'ils sont mariés et qui, à ce titre, demandent une carte de séjour nous prouvent qu'ils respectent une condition de vie commune !
    Voilà les deux mesures que nous proposons. Monsieur le président, je suis désolé d'avoir été aussi long. J'ai pris ce temps pour convaincre mais aussi pour expliquer qu'il n'y a pas d'autre arrière-pensée que celle que je viens d'exprimer, afin de continuer cet excellent débat dont la tonalité fait honneur à tout le monde. Je crois que cela méritait d'être souligné. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, contre l'amendement.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est clair, tout de même ?
    M. Gérard Léonard. Pour nous, c'est très clair.
    M. Pierre Cardo. Monsieur le ministre, c'est d'autant plus clair que l'expérience de plusieurs années que nous avons de la loi précédente nous amène à essayer d'en rectifier les défauts. Comme vous l'avez souligné, rien n'est parfait et il n'est pas évident que l'on arrive à lutter contre tous les abus. Mais je ne trouve pas votre texte excessif.
    Plusieurs cas de figure se présentent, nous n'allons pas tous les citer. Le premier concerne les femmes qui sont maintenues dans le milieu familial, cloîtrées, coupées du milieu extérieur. Mais quel regard portera sur sa mère l'enfant qui sera, lui, éduqué dans une école française, qui parlera français et qui pensera en français ? Et comment se fera la communication au sein de la famille si la mère ne connaît pas un mot de français ?
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Pierre Cardo. Un contrat d'intégration doit être un itinéraire. Et la difficulté, c'est qu'une fois qu'on a signé le document pour dix ans, on ne peut plus rien négocier.
    Notre objectif, c'est justement de nous donner des moyens de construire un outil d'intégration qui s'étale dans le temps, un véritable itinéraire. Ce n'est pas parce que vous aurez dit : « Monsieur, il faut que votre femme apprenne le français », que cela se fera. Une fois le document signé du côté français, certains étrangers oublient les obligations auxquelles ils semblaient avoir accepté de se soumettre au départ.
    Le deuxième cas, nous sommes sûrement nombreux sur ces bancs à l'avoir observé en tant que maires. Après certains mariages, on voit disparaître brutalement l'heureux époux qui, sitôt qu'il a reçu sa carte, abandonne femme, et éventuellement enfants, sans tambour ni trompette.
    Je suis désolé que cette remarque laisse certains collègues dubitatifs. Pour ma part, j'en ai vu des drames de ce type. Et il nous revient ensuite d'en gérer les conséquences. A mon sens, le mariage ne doit pas être un simple outil qui permette aux étrangers de rester, car quel que soit leur désir - le terme de vocation ne me paraît pas approprié - le droit d'en décider nous appartient encore !
    Il me semble à cet égard que le texte de loi est assez équilibré pour éviter tout abus, d'un côté comme de l'autre.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour répondre à la commission.
    M. Noël Mamère. Je souhaite répondre aussi à mon collègue Cardo et à M. le ministre qui essaient de nous convaincre. Ce qui me gêne c'est qu'ils établissent une règle à partir d'exceptions, en considérant le cas de femmes séquestrées dans le cadre du regroupement familial. Effectivement, quand on est maire, on est confronté à ce genre de situation. Mais franchement, ce n'est pas la majorité des cas, très loin de là.
    M. Pierre Cardo. Ça arrive !
    M. Noël Mamère. De la même manière, vous présupposez qu'au fond la plupart des conjoints de Français viendraient en fait chercher un titre de séjour et qu'une fois le mariage célébré les couples se sépareraient.
    Votre amendement apporte en fait une grave restriction à la vie paisible de ceux qui ont choisi notre pays, fuyant souvent soit le sous-développement, soit la tyrannie et, quelquefois, les deux, et qui pensent que la France est encore une terre d'asile sur laquelle on peut vivre et faire vivre sa famille.
    Ces dispositions sont dangereuses derrière une apparente banalité. C'est ainsi que vous avez présenté les choses, monsieur le ministre, en parlant du but recherché, tandis que M. le rapporteur répétait pour la cinquante-troisième fois, comme le faisait le Premier ministre de la gauche, ou M. Chevènement,...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La comparaison avec Chevènement est cruelle !
    M. Noël Mamère. ... qu'il s'agissait d'un projet équilibré. Il ne me convient pas, je pense que cette recherche désespérée de l'équilibre penche plutôt du côté de la fermeture.
    Mon collègue Gerin a donné quelques arguments tout à l'heure, notamment sur la question des conjoints de Français. Toutefois, il n'est pas allé jusqu'au bout de sa démonstration, ce que je vais essayer de faire.
    La condition que vous avez ajoutée pour les conjoints de Français, à savoir que la communauté de vie n'a pas cessé, s'avère dangereuse, puisqu'elle incite l'administration à subordonner la délivrance du titre sollicité à une condition qui est souvent impossible à remplir. Et cette crainte n'est pas illusoire, puisque le Conseil d'Etat a été récemment amené à rappeler que la communauté de vie, qui est une condition de renouvellement de la carte de séjour temporaire, n'est pas nécessaire pour la première délivrance. Il a même censuré la décision d'un préfet qui, pour ce motif, avait refusé une carte de séjour à un ressortissant marocain ayant épousé au Maroc une ressortissante française. Je vous invite à vérifier : il s'agit d'un arrêt en date du 22 novembre 2002 - préfet du Val-d'Oise contre El Ghallaoui. Vous nous proposez, tout simplement, d'entériner les pratiques illégales de l'administration, ce que nous ne pouvons accepter !
    M. Pierre Cardo. Non ! Nous proposons de modifier la loi !
    M. Noël Mamère. Loin d'être de bon sens et équilibrées, les deux dispositions concernant le regroupement familial et les conjoints de Français aboutissent à la précarisation et l'exclusion des étrangers.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour répondre au Gouvernement.
    M. Christophe Caresche. L'argument du ministre est habile. En tout cas, c'est la première fois qu'il nous éclaire sur ses intentions qui n'ont été mentionnées ni dans le projet de loi, ni dans l'exposé des motifs, ni dans les discussions que nous avons eues jusqu'à présent.
    Cette mesure sur le regroupement familial concernera plusieurs milliers de personnes. Les situations que vous avez évoquées, même si elles existent, il ne faut pas le nier, sont sans doute assez marginales. Pourtant, à cause d'elles, un certain nombre de personnes qui arriveront sur notre territoire dans le cadre du regroupement familial, se verront appliquer des dispositions qui entraveront leur capacité à s'intégrer dans notre pays. Sur ce plan, nous avons tout de même le sentiment d'une certaine régression.
    Le rapporteur nous a indiqué qu'il avait déposé un amendement pour atténuer la disposition que vous proposez. En effet, dans le cadre du regroupement familial, une personne titulaire d'une carte temporaire ne devra plus attendre cinq ans pour obtenir une carte de résident, mais deux ans, ce qui montre bien que la disposition initiale vous a paru, même à vous, quelque peu disproportionnée.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 250 et 306.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 74, 307 et 251 rectifié.
    L'amendement n° 74 est présenté par M. Mariani, rapporteur, et M. Pinte ; l'amendement n° 307 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 251 rectifié est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après le I de l'article 7, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - Dans le 2°, le nombre : "dix est remplacé par le nombre : "treize. »
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 74.
    M. Étienne Pinte. Le projet de loi prévoit, dans un article que nous n'avons pas encore examiné puisqu'il concerne la peine complémentaire dite « double peine », d'accorder en matière d'expulsion et d'interdiction du territoire une protection quasi absolue aux étrangers arrivés en France avant l'âge de treize ans. Il convient, me semble-t-il, d'harmoniser les catégories non éloignables et celles qui bénéficient d'un titre de séjour de plein droit. Il serait donc cohérent d'accorder aux étrangers justifiant qu'ils résident habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de treize ans au plus - et non de dix ans - la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant mention : « Vie privée et familiale », telle que le prévoit, d'ailleurs, l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement n° 307.
    M. André Gerin. Cet amendement vise à aligner les catégories d'étrangers protégées contre une expulsion avec celle des bénéficaires d'un titre de séjour de plein droit. En effet, l'article 12 bis 3° prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « Vie privée et familiale » est accordée de plein droit : « 2° à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans. » Or, dans le projet de loi, est protégé d'une « double peine » l'étranger qui justifie par tous les moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans.
    Cette disparité va entraîner la création de fait d'une catégorie d'étrangers : ceux qui sont entrés en France entre l'âge de dix et treize ans, qui ne seront ni expulsables, ni régularisables. En effet, les étrangers arrivés en France avant l'âge de treize ans seront protégés contre les mesures d'éloignement, alors que l'article 12 bis 3° de l'ordonnance n'accorde la délivrancee de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « Vie privée et familiale » qu'aux seuls étrangers justifiant par tous moyens avoir leur résidence habituelle en France depuis qu'ils ont atteint, au plus, l'âge de dix ans.
    Cet amendement de cohérence me semble intéressant et positif. La commission a par ailleurs adopté un amendement de notre collègue Pinte visant, lui aussi, à harmoniser les catégories d'étrangers non expulsables et celles qui bénéficient d'un titre de séjour de plein droit.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 251 rectifié.
    M. Christophe Caresche. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Cet amendement propose une mesure de cohérence et nous nous réjouissons que la commission l'ait adopté.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Le projet de loi vise à éviter que la législation présente des failles ; ces amendements répondent tout à fait à cet objectif. En effet, la disposition qu'ils proposent est nécessaire pour éviter de créer une nouvelle catégorie d'étrangers qui seraient ni expulsables, ni régularisables, puisque les dispositions du projet de loi relatives à la réforme de la double peine protège contre les mesures d'éloignement les étrangers qui justifient qu'ils résident en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de treize ans.
    En conséquence, notre commission émet un avis favorable sur ces trois amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 74, 307 et 251 rectifié.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 75, ainsi rédigé :
    « Après le I de l'article 7, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. »
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire « Vie privée et familiale » à l'étranger qui justifie « par tout moyen » résider en France habituellement depuis plus de dix ans - quinze ans pour les étudiants.
    Cet amendement précise que les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. Ce faisant, il s'oppose à des pratiques dont la recrudescence est observée par les préfectures - usurpation de l'identité d'une tierce personne, fausse nationalité, fausse carte de résident - à l'occasion de l'examen des dossiers de demande de carte de séjour temporaire et qui correspond, au demeurant, à des délits punis par le code pénal.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 222, ainsi rédigé :
    « Supprimer le II de l'article 7. »
    La parole est M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure en défendant un amendement qui avait trait à la situation du conjoint de Français, nous considérons que l'obligation de prouver que la communauté de vie n'a pas cessé - obligation qui est ajoutée par le projet de loi - ne doit pas s'appliquer à la première demande. Là encore, je vous renvoie à l'arrêt du Conseil d'Etat auquel j'ai déjà fait référence et qui, de ce point de vue, est extrêmement clair.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 388, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 7 par le paragraphe suivant :
    « II bis. - Après les mots "à la condition qu'il, la fin de la première phrase du septième alinéa est ainsi rédigée : "établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement vient conforter le dispositif d'ensemble présenté par le Gouvernement pour lutter contre les paternités dites « de complaisance ». Nous ne voulons pas que le seul fait d'être parent d'un enfant français ouvre des droits au séjour. Ceux-ci doivent en effet être réservés aux parents qui s'occupent effectivement - j'insiste sur ce terme - de leurs enfants. A cet égard, la contribution financière des parents est appréciée en proportion de leurs revenus et d'autres formes de participation. Je pense notamment aux soins, au temps consacré et à l'éducation.
    Le Gouvernement a proposé de rendre cumulatives les deux conditions d'exercice de l'autorité parentale et de contribution aux besoins de l'enfant, qui étaient jusqu'à présent alternatives. Je précise que nous serons confrontés à ce problème complexe à quatre reprises dans le texte, si ma mémoire est bonne.
    En tout état de cause, il nous a semblé préférable de mieux prendre en compte les conséquences de la loi du 4 mars 2002, qui réforme l'autorité parentale et, en définitive, d'exprimer plus clairement notre volonté. Il vous est donc proposé de faire directement référence à l'article 371-2 du code civil, qui prévoit l'obligation de contribuer en fonction de ses ressources à l'entretien et à l'éducation des enfants. L'amendement n° 388 porte sur la délivrance de la carte de séjour temporaire mais, je le répète, nous retrouverons cette problématique à plusieurs reprises, à propos de la délivrance des titres de séjour et du champ d'application des protections contre les mesures d'éloignement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je suis bien évidemment défavorable à cet amendement, et j'espère que mes collègues de l'opposition partagent ma position. A mon sens, cet amendement apporte une restriction de plus à l'intégration et à la délivrance de la carte de séjour.
    M. Pierre Cardo. Bien sûr : ne pas s'occuper de ses enfants favorise l'intégration. C'est un peu n'importe quoi !
    M. Noël Mamère. L'article 371-2 du code civil, qui est lu lors de la célébration des mariages, n'intègre pas cette obligation que vous imposez aux étrangers, à savoir l'entretien, l'éducation de l'enfant et certaines conditions financières.
    Ainsi, petit à petit, article par article, vous créez une sorte de droit d'exception pour les étrangers, alors que la philosophie qui semble vous animer devrait nous conduire à un droit commun.
    La disposition que vous proposez est grave, au regard des nombreux cas que nous connaissons de pères ou de mères étrangers d'enfants français, qui ont construit leur vie en France, et qui n'ont pas d'autre projet que de continuer. Je ne vois pas au nom de quoi on les laisserait dans cette grande précarité...
    M. Pierre Cardo. Ce serait les précariser que leur demander de s'occuper de leurs enfants ?
    M. Noël Mamère. ... sous les deux motifs que vous invoquez. La loi Chevènement en avait déjà évoqué un ; vous avez éprouvé le besoin d'en « rajouter une louche ». C'est non seulement injuste, mais c'est surtout une manière de les précariser encore un peu plus.
    Cela va engendrer des situations inextricables. Et que nous soyons députés ou maires, et quelquefois les deux, si nous sommes des « cumulards », nous allons devoir intervenir, auprès des préfectures, auprès du ministère de l'intérieur, pour que soient examinés avevc bienveillance les cas difficiles, que votre loi aura contribué à créer. Ce n'est ni juste ni honnête.
    M. Pierre Cardo. Interprétation fallacieuse !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Toutes les opinions sont parfaitement respectables. Mais devant des situations complexes, il faut essayer d'être précis.
    J'ai là le code civil. Vous venez de dire que l'article 371-2 ne tenait pas compte des ressources ? Je me permets de lire le texte, et ce sera très rapide : « Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. » Peut-on être plus clair ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Noël Mamère. Les interprétations sont différentes...
    M. André Gerin. Dans ce cas, votre article ne se justifie pas ! Le code civil suffit !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Je veux expliquer à M. Mamère pourquoi la commission a proposé cet amendement n° 388.
    Le texte initial imposait à la fois l'autorité parentale et la contribution aux besoins de l'enfant. Or, lors des auditions auxquelles une partie d'entre vous ont participé, un certain nombre d'interlocuteurs nous ont fait remarquer que les deux conditions ne pouvaient pas être cumulatives : si, par exemple, une personne avait des revenus insuffisants ou par exemple, si l'un des parents était en prison. L'amendement qui vous est proposé vise justement à résoudre ce genre de problèmes.
    M. André Gerin. Non !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit en effet de prendre en compte les activités possibles des parents comme l'éducation. Vous nous dites que cet amendement est trop restrictif. Je pense franchement qu'il va plutôt dans le sens que vous souhaitez.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 388.
    (L'amendement est adopté.)
    M. André Gerin. Cela va aggraver la marginalisation !
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 76, quatrième rectification, ainsi rédigé :
    « Compétez l'article 7 par le paragraphe suivant :
    « III. - Le douzième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : "La décision de délivrer la carte de séjour est prise par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, après avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin-chef peut convoquer le demandeur. L'avis peut faire l'objet, à la demande du préfet ou, à Paris, du préfet de police, d'une contre-expertise par une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission à l'initiative du rapporteur. Il prévoit que les demandes de cartes de séjour motivées par des raisons médicales pourront donner lieu, à la demande du préfet, à une contre-expertise par une commission médicale régionale. Cette disposition permettra d'unifier les réponses des préfectures, qui sont très variables selon les départements, et l'égalité devant la loi s'en trouvera donc renforcée.
    Dans le même temps, elle permettra de contenir certains détournements. En effet, l'obtention par les étrangers malades d'une carte de séjour constitue de plus en plus l'ultime moyen de recours, lorsque les autres possibilités de légalisation du séjour ont été épuisées.
    Un récent rapport de l'inspection générale de l'administration affirmait même que l'article 12 bis 11° sur les étrangers est désormais « la faille majeure du système ; l'ultima ratio des sans-papiers ». Il convient de rendre à cette procédure la portée exceptionnelle que le législateur entendait initialement lui donner. De ce point de vue, la lecture de la loi est éloquente : « L'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ».
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je pense que mes collègues de l'opposition seront d'accord avec les observations que je vais formuler devant vous. Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, cette disposition est dangereuse, d'autant qu'elle est justifiée par le principe de l'égalité de tous devant la loi. Or c'est exactement le contraire : le principe que vous posez, avec le système de la contre-expertise et de la commission régionale, aboutit à une violation pure et simple du secret médical. Comment permettre au préfet de prendre une décision alors que, normalement, il ne doit pas avoir accès au dossier médical ?
    Une telle disposition est dangereuse parce qu'elle jette, une fois de plus, la suspicion sur la personne malade qui bénéficiait jusqu'alors de dispositions uniques en Europe et sur les médecins, c'est-à-dire sur ceux qui sont chargés de procéder à l'examen médical.
    Dans quel monde vit-on ? Quel est ce pays où des fonctionnaires, qui sont médecins, peuvent être soupçonnés de complaisances dangereuses vis-à-vis d'étrangers tout aussi dangereux ? Tout à l'heure, certains de nos collègues se sont lancés dans de grandes envolées lyriques sur le discrédit que nous jetions sur les maires et sur les collectivités territoriales. Là, vous jetez le discrédit sur certains collaborateurs de l'Etat, notamment les médecins inspecteurs. Et vous continuez à faire de l'étranger la figure de l'indésirable et de celui qui serait constamment en train de vouloir frauder.
    Notre pays, qui est la quatrième puissance du monde, a tout de même les moyens d'accueillir chez lui des gens qui sont très malades, qui ont le droit d'être soignés dans de bonnes conditions et qui peuvent, à ce titre, espérer obtenir une carte de séjour. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Notre pays doit-il continuer à accueillir des gens qui sont malades ? La réponse est « oui », et personne ne veut revenir dessus.
    Cela dit, monsieur Mamère, je fais appel à votre réflexion. Les chiffres retraçant, d'un département à l'autre, les taux de refus des médecins inspecteurs de santé m'ont interpellé : le taux de refus en Picardie est de 0 %, alors qu'en PACA, il est de 60 %. En moyenne non pondérée, le taux moyen est de 20 %. Telle est la situation actuelle. Le système que nous proposons d'instituer mérite sans doute d'être amélioré ; des amendements ont d'ailleurs été déposés. Mais qu'on ne vienne pas me dire que la situation actuelle est bonne et que l'égalité est garantie !
    L'amendement n° 76, quatrième rectification, propose d'avoir recours à une commission médicale qui offrira toutes garanties d'indépendance et de compétence. Je ne vois vraiment pas qui peut conclure, de bonne foi, au regard de la situation inégale qui est celle d'aujourd'hui, que la possibilité d'appel devant une commission remet en cause la nécessaire générosité que nous devons avoir à l'égard d'étrangers malades.
    M. Gérard Léonard. Est-il raisonnable de faire appel à la bonne foi de M. Mamère ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Encore une fois, on peut être en désaccord avec ces mesures, mais pas en avançant des arguments portant atteinte aux principes qui sont les nôtres. L'étranger malade continuera à être soigné ! Simplement, cette commission permettra un certain lissage.
    M. Noël Mamère. Vous répondez à côté de la question !
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Le rapporteur nous a dit que cette procédure est de plus en plus détournée de son objet initial et constitue désormais un moyen de recours ultime. Ce n'est pas vrai d'un point de vue général.
    Certes, dans le débat politique, il convient de soulever le problème, tout comme il convient de traiter celui que pose le communautarisme. Mais attention à la généralisation. On risque de donner le sentiment qu'on met la même étiquette à tout le monde !
    Enfin, cet amendement n° 76, quatrième rectification, introduit des restrictions supplémentaires, qui contribueront à rejeter dans la clandestinité des hommes et des femmes déjà atteints dans leur santé.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission des lois a entendu - M. Caresche était sans doute présent - certains membres de l'inspection générale de l'administration, qui avaient fait un rapport sur les titres de séjour, dont je me permettrai de citer plusieurs extraits sur les disparités que soulignait tout à l'heure M. le ministre : « S'il [le médecin] est trop libéral, ou si tout simplement il a fait le choix, par manque de temps, de compétence ou de moyens, de reprendre à son compte la plupart des certificats médicaux qui lui sont soumis, alors c'est tout le dispositif légal de régularisation qui est menacé dans sa crédibilité. Il en est ainsi à Strasbourg, à Nantes, et à Créteil où le médecin inspecteur de la DASS accepte, presque systématiquement, de donner un avis favorable sur la simple présentation des certificats médicaux, alors que dans d'autres régions il y quasiment une vérification rigoureuse. »
    On apprend, dans le même rapport de l'inspection générale de l'administration que « la multiplication des certificats médicaux, la fiabilité douteuse de nombre d'entre eux montre bien que l'article 12 bis 11° est perçu par beaucoup d'étrangers comme un artifice de plus pour tenter une régularisation hasardeuse. Il sont encouragés dans cette voie par différents relais. On peut tout suspecter les fraudes et les certificats de complaisance éventuellement monnayés. On retrouve d'ailleurs ici et là la trace de certains cabinets médicaux, grands pourvoyeurs de certificats à travers la France. »
    La notion d'exceptionnelle gravité, sur laquelle nous sommes tous d'accord - je répète qu'un étranger dont la santé est d'une exceptionnelle gravité doit être soigné et continuera à l'être -, est, dans bien des cas, totalement perdue de vue.
    La mission a pu constater que certaines situations étaient totalement outrées : maux de tête, ruminements. Certains certificats de longue durée font même état de troubles psychologiques attribués à l'état du clandestin lui-même : « Tel ressortissant algérien ne pourra être renvoyé dans son pays parce qu'il souffre de troubles liés à sa situation précaire, en France, qu'un rapatriement dans son pays aggraverait. »
    Je crois qu'on touche aux limites de l'absurdité en matière d'inégalité et de procédure détournée.
    Que vous propose-t-on ? De faire une contre-expertise. A cet égard, permettez-moi une comparaison : en cas d'arrêt de travail, une contre-expertise ne choque personne. L'étranger qui est vraiment malade n'a strictement rien à craindre d'une contre-expertise.
    Nous vous proposons donc de faire en sorte que l'étranger réellement malade puisse continuer à être soigné.
    M. Christian Estrosi. Très bien !
    M. Noël Mamère. C'est à géométrie variable !
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement pose un problème que nous rencontrons souvent avec ce texte, celui de savoir si, pour lutter contre une fraude indéniable et manifeste, il faut limiter l'accès de ceux qui ne fraudent pas à certains droits.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non !
    M. Christophe Caresche. Si, puisque le dispositif que vous proposez suppose qu'un certain temps s'écoule avant que l'étranger puisse avoir la possibilité de venir dans notre pays pour se faire soigner.
    Je ne vous ferai pas de procès d'intention, mais si la loi est mal appliquée, s'il y a des dysfonctionnements au niveau de l'administration, si des inspecteurs de santé publique n'appliquent pas les textes correctement, ne font pas bien leur travail, il faut les sanctionner. Au lieu de cela, vous nous proposez de modifier la loi.
    M. Pierre Cardo. On est là pour faire la loi !
    M. Christophe Caresche. Mais vous allez considérablement compliquer le dispositif, les procédures, de sorte que les étrangers qui ne fraudent pas et dont la santé est très préoccupante ne pourront pas venir se faire soigner dans notre pays. Faut-il nécessairement changer une loi qui est mal appliquée ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Caresche, vous parlez d'or quand vous envisagez des sanctions contre des médecins inspecteurs de santé publique qui ne font pas correctement leur travail. Je vous pose une question : s'il n'y a pas de contre-expertise, comment prouve-t-on que le médecin n'a pas fait son travail et comment le sanctionne-t-on ? Il faut donc une contre-expertise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. M. Cugnenc a présenté un sous-amendement, n° 469, ainsi rédigé :
    « Substituer aux deux dernières phrases de l'amendement n° 76, quatrième rectification, la phrase suivante :
    « Le médecin inspecteur ou le médecin-chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
    La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ce sous-amendement vise à fournir quelques précisions en ce qui concerne la préservation du secret médical et ainsi à apporter tous les apaisements nécessaires.
    Je précise que cette disposition préserve, bien évidemment, le secret médical auquel nous sommes tous très attachés.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très bien ! Voilà qui est plus conforme au secret médical.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Je note que, dans le cadre de cette nouvelle approche médicalisée de l'article 7 et dans un grand élan éthique - on pourrait même dire lyrique - j'ai entendu un orateur de l'opposition affirmer que ce texte aurait « des conséquences médicales désastreuses ».
    Je précise que si ses propos n'avaient pas été délibérément choisis pour être excessifs, totalement irréels et caricaturaux, j'aurais pris soin de le rassurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Léonard. Très bien.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. A titre personnel, j'emets un avis favorable à ce sous-amendement qui n'a pas été examiné par la commission. Franchement, son auteur est bien inspiré. La mesure qu'il propose permet de lever toute équivoque et de rétablir une certaine équité au sein du territoire. En outre, elle dissipe les craintes que certains, à gauche de cet hémicycle, pouvaient avoir.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je remercie le professeur Cugnenc pour cette rédaction, qui est plus conforme au respect du secret médical. Avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 469.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 445 de M. Pinte tombe.
    Je mets aux voix l'amendement n° 76, quatrième rectification, modifié par le sous-amendement n° 469.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 252 et 165, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 252, présenté par MM. Caresche, Blisko, Bloche et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Compléter l'article 7 par les deux paragraphes suivants :
    « III. - Après le 4° est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 4° bis. - A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française depuis au moins un an, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière et que le conjoint ait conservé la nationalité française. »
    « IV. - En conséquence, dans le dernier alinéa, après la référence "4° sont insérés les mots : "ou du 4° bis. »
    L'amendement n° 165, présenté par M. Goasguen, est ainsi libellé :
    « Compléter l'article 7 par les deux paragraphes suivants :
    « III. - Après le 4° est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 4° bis. - A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française depuis au moins trois ans, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière et que le conjoint ait conservé la nationalité française. »
    « IV. - Dans le dernier alinéa, après la référence "4° sont insérés les mots : "ou du 4° bis. »
    La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 252.
    M. Christophe Caresche. Il s'agit d'inclure, parmi les situations ouvrant de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, celle d'un étranger ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française. Je le rappelle, une circulaire du 10 décembre 1999 prévoit d'ores et déjà cette possibilité pour un étranger pacsé avec un Français. Nous ne proposons que d'inscrire dans la loi les dispositions de ce règlement.
    Une telle proposition ne concernerait qu'un nombre peu élevé de personnes. En effet, au 1er juillet 2001, moins de 300 demandes ont été formulées dans ce cadre auprès des préfectures. Au niveau national, le taux de délivrance des titres avoisine les 55 %. En dépit de ce nombre limité, il me paraît naturel de reconnaître par la loi cette disposition réglementaire. Cette mesure pourrait d'ailleurs nous rassembler, puisque je note que M. Goasguen a déposé un amendement identique.
    M. Claude Goasguen. Il n'est pas identique !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Le délai n'est pas du tout le même !
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour défendre l'amendement n° 165.
    M. Claude Goasguen. Il n'est pas tout à fait identique au vôtre, monsieur Caresche, même s'il procède du même esprit.
    Le PACS, depuis qu'il a été voté, est un sujet tabou de la République.
    M. Patrick Braouezec. Pas du tout. Pourquoi dites-vous ça ?
    M. Claude Goasguen. Non seulement la loi a été adoptée dans des conditions particulièrement difficiles, mais en plus elle a vu les dispositions concernant les immigrés modifiées par une circulaire dont la nature ne doit échapper à personne. En réalité, lorsque le PACS et la loi sur l'immigration ont été votés, le ministre de l'intérieur avait fait davantage une proposition démagogique qu'une véritable affirmation. D'ailleurs, le fait qu'une circulaire limite, peu de temps après, l'application du PACS dans ce domaine montre quelles étaient les dispositions particulièrement électoralistes du Gouvernement qui suscitaient une pareille disposition. Effectivement, la circulaire et l'application qui en a été faite dans les préfectures n'ont donné aucune utilisation - et c'est légitime - au PACS en question.
    Aujourd'hui, la situation est quelque peu différente. D'abord, le fait que le mariage blanc soit désormais contrôlé avec plus de sévérité va sans doute créer un appel d'air vers une autre procédure, le PACS blanc. Il est probable que certains y penseront.
    M. Patrick Braouezec. Il faut arrêter de voir des mariages blancs partout, monsieur Goasguen ! C'est incroyable.
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas incroyable, monsieur Braouezec. La preuve : le nombre de mariages blancs augmente de façon exponentielle !
    Monsieur Braouezec, le droit de ce point de vue est net : une circulaire peut-elle tenir devant des recours portés en la matière par une accumulation de demandes de PACS blancs ? Première question.
    Deuxième question : va-t-on longtemps encore se satisfaire d'une institution qui, bien que votée dans le cadre républicain, reste à l'état délétère ? On doit avoir le courage de dire les choses comme elles sont. Le PACS existe, la communauté homosexuelle en réclame l'application, et c'est son droit le plus absolu. Pour que cette institution soit appliquée, il convient que le législateur ait le courage de lui donner des conditions juridiques suffisamment fortes pour qu'elles soient incontestables. Elles ont été trouvées dans le cadre de la loi sur le PACS par la notion de vie commune et c'est en ce sens que je rejoins l'amendement de M. Caresche. La notion de vie commune a été reconnue, notamment dans le cadre des aménagements fiscaux en faveur du PACS. Mon amendement vise seulement, en reprenant cette notion, à faire accepter celle de PACS et à ratifier la loi votée à l'Assemblée lors de la précédente législature, dans les conditions que j'ai rappelées. Je souhaite simplement que la durée de vie commune soit de trois ans.
    Par mon amendement, je pense donner satisfaction aux légitimes revendications d'une partie de la communauté homosexuelle qui ne comprend pas qu'on lui ait donné la possibilité d'exercer, par un instrument juridique, ce qui est désormais un droit sans lui en donner les conditions d'exercice. En outre, monsieur Braouezec, donner une base législative solide à cet acte juridique permet d'éviter la fraude. En effet, ceux qui pratiquent la fraude en matière d'immigration étant ce qu'ils sont, je suis persuadé que la fraude qui s'exerce actuellement sur les mariages blancs s'exercera demain sur les PACS blancs.
    M. Patrick Braouezec. Vous voyez la fraude partout !
    M. Claude Goasguen. Par conséquent, et c'est paradoxal, mon amendement vise à donner la possibilité à tous ceux qui, dans des sens contradictoires, le réclament d'avoir satisfaction.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 252 et 165 ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Les amendements n°s 165 de Claude Goasguen et 252 de Christophe Caresche ont été repoussés par la commission.
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ils proposent que les conditions dans lesquelles un PACS peut ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour soient précisées dans la loi. L'amendement n° 165 de Claude Goasguen précise qu'un PACS conclu depuis au moins trois ans et une entrée régulière sur le territoire français ouvrent droit à la délivrance d'un titre de séjour. L'amendement n° 252 de Christophe Caresche réduit la durée de conclusion d'un PACS à un an. Après réflexion, la commission n'a pas jugé opportun d'inscrire dans la loi le principe de la délivrance d'un titre de séjour aux étrangers pacsés avec un Français. Je vous rappelle qu'au 1er janvier 2001, moins de 300 cas étaient concernés. Autant je suis tout à fait d'accord pour lutter contre tout détournement de procédure, autant, en la matière, je crois que les préfectures peuvent examiner au cas par cas chaque dossier. Une telle démarche, fondée sur un système souple, me semble à l'heure actuelle beaucoup plus opportune. L'article 12 de la loi de 1999 prévoit que le PACS est un élément d'appréciation. Une durée d'un an de vie commune est requise - il s'agit d'un télégramme du 4 avril 2002.
    Mais je le répète, il n'y a pas de fraude avérée sur le PACS. Et compte tenu de la difficulté de lutter contre le PACS de complaisance, il est préférable de laisser une certaine souplesse aux préfectures pour traiter ces dossiers. Il est inutile de légiférer pour 300 dossiers.
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quelle est la situation aujourd'hui ? Un étranger pacsé avec un Français a-t-il droit à un titre de séjour après un an de vie commune ? Selon le télégramme de M. Vaillant du 4 avril 2002, c'est possible.
    M. Claude Goasguen. En effet.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Actuellement, un PACS conclu entre un étranger et un Français peut donner droit à une carte de séjour, les parlementaires doivent le savoir. Et que nous propose-t-on ? D'inscrire dans la loi le télégramme de mon prédécesseur - que j'ai repris totalement d'ailleurs - qui permet d'étudier au cas par cas les demandes de titres de séjour des pacsés. Mais je suis de l'avis de la commission, je préfère en rester à une étude au cas par cas. Car si nous l'inscrivions dans la loi, nous risquerions de nous trouver face à de véritables filières, que nous ne connaissons pas aujourd'hui.
    Ma deuxième remarque s'adresse à tous les parlementaires : avez-vous souvent été saisis, les uns et les autres, d'injustices, d'impossibilités, d'une trop grande rigidité des préfectures ? Pour ma part, je n'ai pas été saisi - vous avez peut-être d'autres éléments - d'un dysfonctionnement ou d'une trop grande sévérité. Actuellement, nous avons une procédure, dont j'admets bien volontiers, monsieur Goasguen, qu'elle est au cas par cas et non inscrite dans le marbre de la loi. Elle fonctionne humainement et ne donne pas lieu à des fraudes, au fur et à mesure que le PACS s'installe tranquillement dans notre arsenal juridique. Je crois que la sagesse - si M. Caresche et M. Goasguen me permettent ce terme - doit nous inciter à continuer comme par le passé, quitte, monsieur Goasguen, à dresser un bilan afin de faire évoluer les choses. Le Gouvernement n'y est pas opposé. Pour le moment, il n'y a ni fraude ni, apparemment, de réclamations criant à l'injustice. Dès lors, pourquoi changer le système ? Le Gouvernement préfère que l'on s'en tienne au télégramme d'avril 2002.
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. J'ai écouté les remarques du rapporteur et du ministre de l'intérieur. Je pense que, tôt ou tard, il faudra dresser un bilan...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne suis pas contre.
    M. Claude Goasguen. ... et sans doute réformer la loi. Mais en l'état actuel des choses, je retire mon amendement.
    M. Christian Vanneste. Très bonne initiative !
    M. le président. L'amendement n° 165 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 252.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 253, ainsi libellé :
    « Compléter l'article 7 par le paragraphe suivant :
    « V. - Après le 9°, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 9° bis. - A l'étranger, ayant suivi une scolarité au moins depuis l'âge de seize ans jusqu'à sa majorité, qui poursuit effectivement des études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à étendre le bénéfice de la délivrance de la carte de séjour temporaire aux étrangers arrivés alors qu'ils étaient mineurs sur le territoire national et qui poursuivent des études au-delà de l'âge légal de la scolarité obligatoire. Le fait qu'ils poursuivent des études dans ces conditions démontre leur évidente volonté d'intégration.
    En outre, ces étrangers représentent une chance pour la France et la notoriété de nos écoles supérieures. Faut-il se plaindre que de nombreux étrangers souhaitent faire des études supérieures en France, lorsque l'on déplore le départ de jeunes chercheurs français à l'étranger ? Je pense qu'en retenant cette catégorie, on permet à des étrangers qui ont manifestement la volonté de s'intégrer dans notre pays - faute de quoi, ils perdent leur titre de séjour - de pouvoir poursuivre leur scolarité à l'université.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui tend à prévoir un nouveau cas d'attribution de la carte de séjour temporaire. Or M. Caresche a reconnu lui-même que le nombre des cartes d'étudiant avait augmenté de manière considérable. Il ne semble donc pas souhaitable d'ajouter un nouveau cas. L'expérience montre que quelqu'un qui veut suivre des études en France a désormais davantage de facilité qu'auparavant.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 7 modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 7

    M. le président. M. Cardo et M. Cova ont présenté un amendement, n° 366, ainsi libellé :
    « Après l'article 7, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 12 bis A ainsi rédigé :
    « Art. 12 bis A. - Un titre de séjour ne peut être délivré à l'étranger, entré irrégulièrement en France et s'y maintenant ou à l'étranger, entré régulièrement et auquel l'autorisation de séjour excédant trois mois a été refusée, du seul fait qu'il est parent d'un enfant mineur, né en France. »
    La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Cet amendement avait pour objet de provoquer un débat de fond sur des problématiques assez ponctuelles en apparence, mais lourdes de conséquences lorsqu'intervient un détournement de procédure et que l'enfant est utilisé dans un but autre que celui pour lequel il a, a priori, été conçu. Cependant, d'une part le débat a déjà eu lieu au début de l'examen de l'article 7 et, d'autre part, l'amendement du rapporteur me paraît donner une réponse adaptée en évitant tout excès en ce domaine.
    Par conséquent, je retire mon amendement.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Merci, monsieur Cardo.
    M. le président. L'amendement n° 366 est retiré.

Article 8

    M. le président. « Art. 8. - Au premier alinéa de l'article 12 ter de la même ordonnance, les mots : "la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 bis est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu l'asile territorial en application de l'article 13 sont remplacés par les mots : "la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 bis est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile. »
    M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 77, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 8 :
    « Dans le premier alinéa de l'article 12 ter de la même ordonnance, les mots : "l'asile territorial en application de l'article 13 sont remplacés par les mots : "le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article 2. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 8.

Après l'article 8

    M. le président. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 308, ainsi libellé :
    « Après l'article 8, insérer l'article suivant :
    « Après le 11° de l'article 12 bis de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 12° A l'étranger parent d'un enfant mineur né et/ou scolarisé en France, sous réserve qu'il exerce partiellement l'autorité parentale ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet amendement est capital, puisqu'il propose la régularisation des sans-papiers parents d'un enfant né et/ou scolarisé en France. Il ne s'agit donc pas de personnes vivant à l'étranger et qui seraient susceptibles de venir en France, mais de gens habitant d'ores et déjà dans notre pays et qui sont parents d'un enfant né ou scolarisé en France.
    Il importe - je pense que chacun en convient - que ces parents puissent subvenir aux besoins de leurs enfants au moyen d'un travail régulier, ce qui suppose la régularité du séjour. En la matière, monsieur le ministre, nous proposons de donner une traduction législative à vos déclarations relatives à la régularisation des personnes non expulsables. Le rejet de cet amendement signifierait soit que le Gouvernement entend expulser les enfants mineurs accompagnés de leurs parents, ce dont il n'est pas soupçonnable puisque cela ne s'est pas encore produit jusqu'à présent, soit que la majorité souhaite maintenir ces familles pendant des années dans la clandestinité.
    Les mères d'enfants nés et/ou scolarisés en France ne sont pas, dans les faits, expulsées, à de rares et dramatiques exceptions que cet amendement permettrait de supprimer. En revanche, une violence considérable s'exerce en cas d'expulsion de pères et de séparation dramatique de familles. Cet amendement permettrait de mettre fin aux situations aussi absurdes qu'intolérables de familles entières de sans-papiers durablement constituées en France, élevant un ou plusieurs enfants mineurs, situations d'ailleurs multipliées et fabriquées par la dérive répressive de la législation, notamment avec l'affaiblissement du droit du sol.
    Cette proposition s'inscrit dans une logique de lutte contre la précarité. Elle faciliterait l'insertion de ces familles en leur permettant d'obtenir emploi et logement décent, d'assurer la réussite scolaire de leurs enfants ayant vocation à résider en France et, pour tous ceux nés dans notre pays, à devenir Français dès leur adolescence.
    Monsieur le ministre, il faut retenir cet amendement et régulariser. D'ailleurs, dans un éclair de lucidité, M. Pasqua lui-même a admis cette nécessité. Il est, en effet, indispensable de sortir de la confusion entretenue depuis des années entre, d'une part, la régularisation de sans-papiers vivant et travaillant en France et, d'autre part, l'entrée en France des étrangers.
    M. Gérard Léonard. N'importe quoi !
    M. Patrick Braouezec. C'est vous qui dites n'importe quoi !
    La régularisation consiste non pas à introduire en France des personnes demeurant à l'étranger, mais bien à diminuer le nombre de personnes privées de tout droit au sein de notre société. Or la politique actuelle consiste à ne pas compter officiellement ces habitants qui sont sur notre territoire et qui y resteront, tout simplement parce que, dans l'Etat de droit qui est le nôtre, il est impossible d'exécuter, dans des proportions significatives, les mesures d'éloignement ou d'expulsion affichées.
    M. Claude Goasguen. C'est la politique de Chevènement !
    M. Patrick Braouezec. Elu d'une circonscription populaire, je connais bien les effets de cette politique restrictive, irréaliste, inefficace et aggravée, depuis vingt ans, tant pour les intéressés que pour les quartiers qui les accueillent. Ainsi des centaines d'habitants dans les villes de ma circonscription, des hommes, des femmes déboutés du droit d'asile et leurs enfants, vivent privés de tout droit en matière de logement, de protection sociale ou de travail. Les quartiers populaires sont, de fait, les seuls à supporter les conséquences de l'hypocrisie de la non-politique d'immigration de notre pays.
    M. Claude Goasguen. C'est complètement faux !
    M. Patrick Braouezec. Le comble, c'est qu'ils sont stigmatisés pour les difficultés sociales qui résultent en partie du rejet dans la clandestinité de l'écrasante majorité des réfugiés et des parents d'enfants nés et/ou scolarisés en France.
    Régulariser, c'est permettre au travailleur sans papiers de faire valoir ses droits, d'accéder à la protection sociale et de participer à son financement. C'est aussi permettre à des familles de prétendre à un logement décent et de ne plus être le marché captif des propriétaires d'un habitat insalubre et dégradé, ce que d'aucuns, ici, ont déjà dénoncé.
    La régularisation partielle est sans doute la mesure la plus significative qui ait été prise en matière de politique de la ville depuis 1997. La régularisation d'un habitant est une mesure d'intérêt général ; tous les maires, y compris ceux de la majorité, pourraient en convenir. Le Gouvernement précédent a eu le tort de ne pas régulariser l'ensemble de ceux qui en faisaient la demande et de ne pas abroger les lois Pasqua-Debré qui continuent à fabriquer des sans-papiers.
    Rejeter cet amendement reviendrait à maintenir sciemment et hypocritement, comme le fait la loi Chevènement,...
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Patrick Braouezec. ... des familles entières dans la clandestinité pendant des années, alors que leurs enfants nés en France seront français dès l'adolescence. Je vous indique que j'avais déjà exprimé cette position lors de la discussion de la loi Chevènement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. En effet, ceux d'entre nous qui sont maires savent bien que les enfants mineurs vivant dans nos communes en situation irrégulière, parce que le visa qui les concernait est arrivé à expiration...
    M. Patrick Braouezec. L'amendement vise ceux qui sont nés sur notre territoire !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... sont systématiquement scolarisés, ce qui est heureux. En conséquence, la proposition de M. Braouezec reviendrait à régulariser les parents ayant un enfant scolarisé. Cela constituerait un détournement de procédure évident puisqu'il suffirait qu'une famille arrive en situation irrégulière avec un enfant de moins de seize ans, qui serait forcément scolarisé, pour être ensuite automatiquement régularisée. Je suis dont catégoriquement opposé à cet amendement.
    M. Patrick Braouezec. L'amendement concerne ceux qui sont déjà là, pas ceux qui arrivent.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Par ailleurs, une partie de cet amendement n'a plus d'objet puisque le problème de la parentalité a été réglée par un amendement adopté à l'article 7.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Il n'était pas là !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur Mariani, je ne vise pas les futurs immigrés, mais ceux qui sont déjà en France, qui sont parents d'enfants nés en France et qui ne sont pas expulsables.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est pareil !
    M. Claude Goasguen. Ils peuvent être régularisés grâce à la loi Chevènement.
    M. Patrick Braouezec. Mais peut-être allez-vous me répondre que, à partir de demain, ceux qui vivent aujourd'hui dans la clandestinité et dans la précarité pourront être expulsés.
    Vous ne faites qu'accentuer cette précarité en leur refusant des papiers.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Notre objectif n'est pas de régulariser !
    M. Patrick Braouezec. Nous avions compris !
    M. Claude Goasguen. Avec la loi Chevènement, ils peuvent être régularisés, au bout de dix ans !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 308.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Cardo et M. Cova ont présenté un amendement, n° 370, ainsi rédigé :
    « Après l'article 8, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement déposera au Parlement, avant le 31 décembre 2003, un rapport sur la problématique des personnes vivant en état de polygamie en France, la répudiation et les solutions envisagées pour y remédier, y compris en matière de droit de séjour des parents d'enfants nés en France. »
    La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Nous avons débattu à plusieurs reprises du problème que pose la pratique de la polygamie et de la répudiation en France. Cet amendement demande au Gouvernement de déposer au Parlement, avant le 31 décembre, un rapport sur la problématique de ces personnes. En effet, la polygamie et la répudiation sont interdites en France et sanctionnées par le code pénal. En réalité, nombre d'étrangers résident en France en état de polygamie, notamment par tradition familiale. Nombreuses sont ainsi les personnes, souvent des épouses, arrivées en France de façon irrégulière, qui se maintiennent sur le territoire national sans y être autorisées et sans pouvoir bénéficier d'un certain nombre de droits.
    Lorsque des solutions de décohabitation de ces familles polygames sont envisagées ou si les femmes sont répudiées par leur mari, elles ne peuvent être mises en oeuvre du fait de la situation administrative des femmes en question, qui ne sont pas en mesure ni de travailler ni d'obtenir un logement autonome.
    Le même problème se pose également pour des familles polygames à la recherhe d'un logement qui ne peuvent y prétendre au motif qu'un ou plusieurs membres de la famille sont en situation irrégulière.
    Compte tenu de la gravité de ces situations, il paraît difficile de légiférer avant d'avoir une connaissance parfaite des situations et une étude approfondie des solutions possibles. Toutefois, autant il paraît difficile de légiférer sans avoir étudié de façon approfondie ce problème, autant il est évident que ne pas légiférer risquerait de poser, à terme, de graves problèmes.
    C'est pour cette raison, monsieur le ministre, que je souhaite savoir si vous avez des projets dans ce domaine, car nous ne pouvons plus rester dans l'expectative. Nous avons tous les jours des problèmes de ce type à régler, mais les préfectures et les élus locaux n'ont pas de solution à proposer. Pouvons-nous envisager un groupe de travail ou un rapport du Gouvernement à notre assemblée sur ce sujet ?
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Les problèmes visés par l'amendement pourraient être pris en compte dans le rapport prévu avant l'article 1er.
    Par ailleurs, même si la proposition de Pierre Cardo est intéressante, elle n'a pas sa place après l'article 8, c'est-à-dire au milieu des dispositions modifiant l'ordonnance de 1945.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement fera droit à la demande de M. Cardo, parce que la polygamie est un vrai sujet, d'autant qu'il l'a formulée de la façon la plus adaptée en suggérant la création d'un groupe de travail, pour ne pas confondre vitesse et précipitation. Le Gouvernement partage votre opinion, monsieur le parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Je remercie M. le ministre de sa proposition et je vais retirer mon amendement, car la création d'un groupe de travail me paraît une solution tout à fait adaptée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. L'amendement n° 370 est retiré.

Article 9

    M. le président. Art. 9. - I. - Les quatre premiers alinéas de l'article 12 quater de la même ordonnance sont remplacés par les alinéas suivants :
    « Dans chaque département, est institué une commission du titre de séjour, composée :
    « - du président du tribunal administratif ou d'un conseiller délégué, président ;
    « - d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ;
    « - du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ou de son représentant ;
    « - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale ;
    « - d'un maire désigné par le président de l'association des maires du département.
    « Un représentant du préfet ou, à Paris, du préfet de police, assure les fonctions de rapporteur de cette commission. »
    « II. - Après l'article 12 quater, il est inséré un article 12 quinquies ainsi rédigé :
    « Art. 12 quinquies - Le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut également saisir la commission du titre de séjour pour toute question relative à l'application des dispositions du chapitre II de la présente ordonnance. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet article traite de la composition des futures commissions du titre de séjour. Chacune sera composée de personnalités et il lui appartiendra de donner son avis sur la délivrance de certains titres de séjour, sur saisine du préfet. Cette disposition avait d'ailleurs été introduite dans la loi RESEDA.
    A ce propos, je vais évoquer deux problèmes qui feront l'objet de deux amendements.
    D'abord, le Gouvernement propose d'attribuer dans ces commissions un siège à un maire. En cohérence avec notre affirmation selon laquelle la question de l'immigration et du droit au séjour sur notre sol n'est pas une compétence municipale, mais qu'elle relève des prérogatives régaliennes de l'Etat, nous considérons qu'un maire n'a pas sa place dans cette commission. Néanmoins, puisque le Gouvernement souhaite la présence d'un élu, nous proposons qu'il s'agisse d'un parlementaire.
    Ensuite, nous estimons que l'avis de cette commission ne doit pas être simplement consultatif. Il faut qu'il lie le préfet dans sa décision. En effet, va siéger en son sein le président du tribunal administratif ou son représentant. Or, au cours des auditions auxquelles nous avons participé avec M. Mariani, l'association des magistrats administratifs a appelé notre attention sur le fait qu'il serait difficile à un magistrat du tribunal administratif de siéger dans une commission, d'y donner son avis puis, dans le cadre d'un recours éventuel, d'avoir à juger la décision prise par le préfet.
    Il est, en effet, probable que quand un préfet refusera la délivrance du titre de séjour, malgré l'avis favorable de la commission, l'étranger concerné intentera un recours qui viendra devant le tribunal administratif. Il sera alors étrange qu'il puisse être jugé par une personne qui aura déjà donné son avis dans le cadre de la commission du titre de séjour.
    Le fait de lier la décision du préfet à l'avis de la commission éviterait ce problème et empêcherait qu'un magistrat ait éventuellement à se déjuger.
    Telles sont les deux modifications que nous proposons tout en reconnaissant les avancées du texte, en particulier en ce qu'il donne au préfet la possibilité de saisir cette commission, non seulement à propos des titres de séjour, comme cela est déjà prévu, mais aussi sur les conditions générales de séjour dans son département.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Avant d'en venir à l'article 9 lui-même, il convient d'abord de faire le constat qu'aucun bilan réel n'a été dressé de l'activité de ces commissions. Pourtant, les associations concernées ont relevé de nombreux détournements de procédure qui leur ôtent actuellement toute capacité à apporter un appui efficace à l'autorité administrative dans sa gestion des dossiers relatifs à la situation administrative des étrangers présents sur notre territoire.
    En effet, le nombre des dossiers qui leur sont soumis est extrêmement faible au regard du nombre de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour. On peut même dire que les préfets, en général, se livrent à une sorte de petit tour de passe-passe juridique pour ne pas saisir ces commissions, dès lors qu'ils estiment que l'étranger ne remplit pas les conditions donnant droit à la délivrance d'un titre de séjour. Pourtant, ces commissions avaient été créées pour se prononcer sur des situations dans lesquelles les préfets estimeraient que les conditions ne sont pas réunies. Sinon, pourquoi engageraient-ils des procédures de refus de titre de séjour ?
    Par conséquent, avant de penser à élargir leur composition et les cas dans lesquels elles peuvent être saisies, il conviendrait de modifier l'ordonnance de 1945 afin que leur consultation ne dépende plus du bon vouloir des préfets. Dans ces conditions, elles pourraient alors jouer un rôle central dans la procédure et permettre de trouver des solutions à l'amiable évitant le recours à des procédures contentieuses qui engorgent inutilement les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat.
    Enfin, ce texte apporte un changement notable concernant la composition de ces commissions du titre de séjour, puisqu'il prévoit la présence d'« un maire désigné par le président de l'association des maires du département. » Or vous savez qu'il y a des associations de maires de colorations politiques différentes. Je ne vois donc pas comment vous pourrez choisir quelle est la bonne association de maires dans chaque département.
    M. Gilbert Meyer. Pas du tout ! Il y en a une seule par département !
    M. Noël Mamère. On comprend mal ou plutôt trop bien quel sera le rôle des maires dans ces commissions. Ne seront-ils pas là seulement pour dire stop, quand ils estimeront qu'il y a trop d'étrangers dans leur commune ? En apportant une réponse qui pourrait être démagogique à la revendication de certains élus locaux d'exercer un contrôle sur l'immigration dans leur commune, cette innovation ouvre la porte à tous les dérapages sur fond de seuil de tolérance plus ou moins avoué.
    Enfin, et je rejoins les propos de Christophe Caresche, nous déplorons que le changement de composition de ces commissions soit accompagné d'une modification de l'équilibre en leur sein, au détriment des magistrats qui, jusqu'à présent, constituaient la majorité de leurs membres.
    M. le président. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 309, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 9. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet amendement est, en fait, un amendement de repli, parce que je suppose, a priori, que l'amendement n° 310 sera rejeté. Il vise à supprimer l'article 9, car nous considérons que la commission du titre de séjour actuelle, même si elle n'est pas vraiment satisfaisante, vaut encore mieux que celle que vous nous proposez, pour les raisons qui viennent d'être exposées par Christophe Caresche et Noël Mamère, d'autant que nous nous interrogeons sur la légitimité de la présence d'un maire dans cette commission.
    J'ai entendu dire, tout à l'heure, qu'il n'y avait qu'une association de maires dans les départements. Je regrette, mais dans le département dont je suis l'élu, il n'y en a pas qu'une. Il y a bien une association des maires d'Ile-de-France,...
    M. Richard Mallié. Ce n'est pas du tout la même chose ! Pas de confusion !
    M. Patrick Braouezec. ... mais, dans le département, on compte diverses associations de maires et c'est le cas dans chaque département. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    D'ailleurs, l'article traduit bien les pressions exercées par certains maires afin de contrôler étroitement la présence d'étrangers sur le territoire de leurs communes.
    Voilà pourquoi nous demandons que cet article soit supprimé. A défaut, nous vous proposons d'adopter l'amendement que je défendrai dans quelques instants.
    M. le président. Monsieur Braouezec, il est difficile de dire qu'un amendement de suppression est un amendement de repli alors que l'amendement qui le suit est un amendement de modification.
    M. Patrick Braouezec. J'anticipais le vote sur cet amendement.
    M. le président. N'anticipez pas, monsieur Braouezec.(Sourires.)
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 309. Nous avons un désaccord de fond : nous faisons confiance aux maires.
    M. Richard Mallié. Exact !
    M. Patrick Braouezec. A certains maires.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous sommes logiques : à propos des attestations d'accueil, nous faisons confiance aux maires ; sur les regroupements familiaux, nous faisons confiance aux maires et, dans le cas présent, nous pensons aussi, chers collègues, que la présence d'un maire dans cette commission est un élément positif.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 309.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 310, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le I de l'article 9 ;
    « I. - L'article 12 quater de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour, composée :
    « - du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ou d'un juge délégué par lui, président ;
    « - d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ;
    « - d'un conseiller de tribunal administratif.
    « Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements.
    « Le préfet est tenu de saisir la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ou lorsqu'il envisage de refuser l'admission au séjour d'un membre de famille au titre d'une demande de regroupement familial, au seul motif de la résidence habituelle en France de ce membre de famille.
    « L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec un interprète. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, cette faculté étant mentionnée dans la convocation ; l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président de la commission.
    « L'étranger, s'il ne dispose pas d'un titre de séjour ou si celui-ci est périmé, est mis en possession d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail pendant toute la durée de la procédure, jusqu'à ce que le préfet ait statué après avis de la commission.
    « Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent pour l'octroi ou le renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, au préfet qui statue. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé.
    « Si la commission émet un avis favorable à l'octroi ou au renouvellement du titre de séjour, celui-ci doit être délivré. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Par cet amendement, nous souhaitons accroître les pouvoirs de la commission du titre de séjour, renforcer sa composition judiciaire, garante des libertés, et rendre obligatoires sa saisine et le suivi de ses décisions.
    Le fonctionnement actuel de la commission n'est pas vraiment satisfaisant, comme l'a indiqué M. Mamère. Les préfets la saisissent très peu, et quasi exclusivement pour les seuls conjoints de Français qui ne sont pas entrés de façon régulière sur notre territoire. De plus, les préfets ne suivent pas toujours les avis favorables qui sont émis. C'est la raison pour laquelle, dans cet amendement, nous proposons que l'avis de la commission soit suivi d'effet.
    Il importe également d'étendre la saisine de la commission en cas de refus envisagé de regroupement familial sur place, l'application de l'article 29 de l'ordonnance se traduisant par des refus quasi-systématiques.
    Le passage en commission sera de nature à assurer un meilleur respect du droit des intéressés à avoir une vie privée et familiale et une meilleure prise en compte de l'intérêt supérieur des enfants, notamment en veillant à la continuité de leur scolarité dans de bonnes conditions sur notre territoire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet. Selon l'amendement de M. Braouezec, la commission serait composée uniquement de trois magistrats. Nous préférons, je le répète, une commission plus ouverte - nous y reviendrons tout à l'heure.
    Avec humour, mon cher collègue, permettez-moi de dire,...
    M. Patrick Braouezec. Je vous en prie.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... que l'avant-dernier alinéa de votre amendement trahit une déformation partisane qui déteint, à mon avis, sur le vocabulaire employé. J'en prends à témoin le président de la commission des lois. Je vous cite : « Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent pour l'octroi ou le renouvellement d'un titre de séjour. » Je ne suis pas persuadé que ce mot sympathique et cher à tous les militants, quelle que soit leur opinion, celui de « militant » soit le terme juridique adéquat.
    M. Claude Goasguen. C'est guerrier !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, et M. Goasguen ont présenté un amendement, n° 78 rectifié, ainsi rédigé :
    « Substituer du cinquième à l'avant-dernier alinéa du I de l'article 9 les cinq alinéas suivants :
    « - du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou de son représentant ;
    « - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière de sécurité publique ou de son représentant ;
    « - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale ou de son représentant ;
    « - d'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département et à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris.
    « A sa demande, le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné, ou son représentant, est entendu. »
    La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Tout en restant dans la logique de l'article initial, nous proposons de modifier la composition de la commission du titre de séjour de manière à coller davantage aux problèmes de contrôle et de terrain. Nous prévoyons la présence du directeur départemental du travail, car c'est souvent dans le domaine de l'emploi que se situent les difficultés. Nous lui adjoignons une personnalité désignée par le préfet, qualifiée pour sa compétence en matière de sécurité publique car, il faut bien le reconnaître, un certain nombre de problèmes de sécurité et d'ordre public se posent. Nous supprimons la présence du directeur départemental départemental de l'action sociale, car le préfet désigne une personnalité qualifiée dans ce domaine. Enfin - et c'est le point essentiel - nous donnons au maire la possibilité d'exercer le contrôle que la loi Chevènement lui avait attribué sans lui donner la possibilité d'en user.
    Monsieur Braouezec, vous considérez que le préfet est le mieux placé pour contrôler. Vous savez parfaitement que si M. Chevènement a donné aux préfets le monopole du contrôle, c'est qu'il était persuadé - et c'était la logique de son texte, - que ce contrôle ne serait pas exécuté. Ce n'est pas la logique du projet de loi qui vous est proposé. Il tend à considérer que, dans le cadre de la législation nationale, celui qui est le mieux placé pour contrôler et donner les avis nécessaires, c'est le maire, et notamment le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné. C'est la raison pour laquelle nous faisons toute confiance aux maires.
    D'ailleurs, je me demande si les réticences de la gauche à l'égard de ces derniers ne vont par la conduire à leur enlever aussi leur qualité d'officiers d'état civil.
    M. Patrick Braouezec. Non. J'aime bien marier, moi. Je trouve ça sympa !
    M. Claude Goasguen. A vous écouter, les maires sont susceptibles de toutes les perversions et de toutes les déviations si bien que je me demande si l'état civil est encore crédible dans ce pays !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement n° 78 a été adopté par la commission. Il propose de modifier la nouvelle composition de la commission du titre de séjour. Il supprime la présence du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale, d'autant que le projet prévoit celle d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale. Le rajout d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière de sécurité publique - le DDSP, par exemple - nous est apparu opportun. Enfin, comme l'a dit M. Goasguen, il nous a paru intéressant que la commission puisse entendre le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné. Cette nouvelle composition nous paraît plus équilibrée.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. J'avoue ne pas bien comprendre pourquoi le rapporteur accepte cet amendement.
    D'abord, je ne vois pas selon quels critères le préfet va pouvoir désigner « une personnalité pour sa compétence en matière de sécurité publique » à moins, effectivement, de désigner - mais à ce moment-là, disons-le clairement - le DDSP.
    M. Claude Goasguen. Pas forcément !
    M. Patrick Braouezec. Ensuite, je le répète avec insistance, je ne vois pas qui est le président de l'association des maires du département.
    J'ai échangé quelques paroles avec mon camarade Lagarde pendant que M. Goasguen parlait.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Pas camarade, collègue !
    M. Patrick Braouezec. Vous m'excuserez, je ne dis rien quand certains s'endorment, je ne les réveille pas.
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas mon cas.
    M. Patrick Braouezec. Je peux donc revendiquer le droit de parler avec M. Lagarde quand je le peux. Je lui demandais qui était le président de l'association des maires du département : il n'y en a pas. D'ailleurs, si c'était le cas, cela pourrait être moi, parce que le parti communiste doit encore être majoritaire dans ce département.
    M. Claude Goasguen. Cela ne va pas durer longtemps !
    M. Patrick Braouezec. Je ne voudrais pas infliger cela à M. Lagarde. Ce n'est pas mon but, comprenez-le bien !
    M. Claude Goasguen. Il n'est pas sûr d'ailleurs que les socialistes votent pour vous.
    M. Patrick Braouezec. Donc je ne sais pas qui va désigner le maire qui siégera dans cette commission, en tout cas pas le président de l'association des maires du département puisqu'il n'existe pas !
    M. Éric Raoult. Il en existe un dans de nombreux départements.
    M. Patrick Braouezec. Alors qu'est-ce que vous attendez, monsieur Raoult en Seine-Saint-Denis ? Vous avez peur d'avoir un président communiste ?
    M. Éric Raoult. C'est le dernier Etat soviétique !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Sans vouloir prolonger le débat avec M. Braouezec, je ferai tout d'abord observer qu'entre l'amendement présenté par le groupe communiste et celui défendu par Claude Goasguen et adopté en commission des lois, il y a une différence de philosophie fondamentale.
    M. Patrick Braouezec. Oh oui !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Que vous vous méfiiez des maires est une chose, mais il s'agit là surtout de faire en sorte que les décisions soient prises au plus près du terrain. Et les maires ne sont pas les seuls concernés. L'initiative de Claude Goasguen vise à ce que les principales personnes représentatives concernées, jusqu'au niveau de l'Etat, puissent émettre un avis.
    Il ne faut pas se voiler la face : ce n'est pas la même chose d'obtenir un titre de séjour en Seine-Saint-Denis que dans l'Aveyron ou dans la Creuse. Il faut dire les choses comme elles sont. On parlait tout à l'heure, sur un autre sujet, de rupture de l'égalité républicaine. Nous savons qu'aujourd'hui, en la matière, cette égalité n'existe pas entre les départements, ne serait-ce que pour des raisons matérielles : dans ma circonscription à Bobigny - vous connaissez un peu le problème - pour obtenir un simple dossier de demande de titre de séjour, il faut faire la queue à partir d'une heure du matin !
    M. Patrick Braouezec. Il suffirait d'accroître les moyens des services de la préfecture.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n'est pas le seul problème, vous le savez très bien.
    Deuxièmement, les statistiques sont très claires, quand le nombre de demandes est important, le taux de refus varie entre les départements. Je trouve donc une bonne chose - et c'est pourquoi je voterai l'amendement de Claude Goasguen - d'essayer de coller au maximum au terrain.
    La présence du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle dans la commission, par exemple, sera importante : dans les départements où se fait sentir un fort besoin de main-d'oeuvre, il est en effet plus facile de faire coïncider une demande et une offre, une attente et une capacité d'intégration directe. Cela n'est malheureusement pas toujours dit.
    En revanche, j'avoue qu'il serait utile de préciser, soit maintenant, soit au cours de la navette, le mode de désignation du maire qui siégera dans la commission. Il pourrait être désigné soit par l'association des maires quand il en existe une - c'est vrai que ce n'est pas le cas en Seine-Saint-Denis, pour des raisons que beaucoup ici comprendront - soit, comme c'est le cas pour de nombreux autres organismes, par un vote direct des maires - par correspondance, par exemple ; cela existe déjà - soit encore par le préfet.
    Je rassure M. Braouezec - mais il s'en doute bien : tout préfet en charge de notre département choisira - ce n'est pas pour me réjouir, mais j'espère que vous ne serez plus majoritaires très longtemps - un maire communiste.
    J'observe d'ailleurs que tous les maires du département n'ont pas une position - je ne dirai pas aussi caricaturale, je ne voudrais pas être blessant -...
    M. Patrick Braouezec. Tranchée ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... aussi tranchée, ou plutôt aussi « éloignée » des réalités. Je ne nie pas que vous viviez sur le terrain les difficultés dont vous vous faites l'écho...
    M. Patrick Braouezec. Je vous en remercie !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... mais vous en faites un discours politique, alors que d'autres de vos collègues se préoccupent simplement de leur gestion.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. La proposition de M. Goasguen, à laquelle M. Lagarde vient d'apporter son soutien, est une bonne illustration de votre conception de l'équilibre : c'est l'équilibre de l'arbitraire.
    Au nom de quoi ajoutez-vous le DDTEFP au nombre des personnes composant la commission du titre de séjour ?
    La lecture de l'exposé sommaire de l'amendement est intéressante. Il y est écrit qu'est prévue dans la commission « la présence du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, dont les compétences recouvrent des problématiques qui sont souvent débattues par la commission ».
    M. Claude Goasguen. C'est évident. Une de ces problèmatiques est le travail clandestin, par exemple.
    M. Noël Mamère. Comme le disait en aparté, il y a un instant, M. Patrick Braouezec, c'est en fonction des besoins des entreprises que vont être accordés ou non les titres de séjour.
    Pourquoi supprimez-vous la présence du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ?
    M. Claude Goasguen. Parce qu'il y a déjà une personnalité qualifiée en matière sociale.
    M. Noël Mamère. Pourquoi jeter le discrédit sur un fonctionnaire ? Je ne vois pas pourquoi une personnalité dite qualifiée serait plus avisée, plus circonspecte, plus intelligente et plus capable de rechercher l'intérêt général que lui.
    Quant à la désignation du maire, nous y reviendrons dans quelques instants lorsque nous examinerons l'amendement que j'aurai l'honneur de vous proposer.
    Je prendrai cependant l'exemple de la Gironde. Il y a plusieurs associations départementales de maires, dont une présidée par M. Juppé mais nous sommes un certain nombre de maires à ne pas y adhérer, parce que nous considérons qu'elle est politique et même politicienne. Donc prévoir la désignation du maire qui siégera à la commission par l'association des maires du département me semble une procédure totalement floue. Mais peut-être ce flou est-il voulu pour favoriser vos amis politiques et transformer les commissions du titre de séjour en commissions de copains.
    M. Éric Raoult. Mais il en existe partout des associations de maires ! On dirait qu'il débarque.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Je ferai deux remarques.
    Arrêtez de dire que nous jetons la suspicion sur les maires. Ce n'est pas notre propos.
    M. Éric Raoult. C'est pourtant ce que vous faites !
    M. Richard Mallié. On vient encore de l'entendre.
    M. Noël Mamère. Je jette la suspicion sur un seul maire !
    M. Patrick Braouezec. Comme l'a dit M. Caresche, la question de l'entrée et du séjour des étrangers sur notre territoire relève de la compétence nationale. Si vous voulez qu'un élu participe à ces commissions, que ce soit un député plutôt qu'un maire qui reste toujours un peu juge et partie en la matière...
    M. Claude Goasguen. C'est vous qui avez parlé de certificats d'hébergement.
    M. Patrick Braouezec. Deuxièmement, j'ai bien entendu ce qu'a dit M. Lagarde. Vous assujettissez la délivrance d'un titre de séjour aux besoins économiques des départements. On tombe là en plein arbitraire.
    M. Claude Goasguen. Mais non !
    M. Patrick Braouezec. On accordera un titre de séjour dans tel département parce que cela répondra à un besoin dans une entreprise, on ne l'accordera pas dans tel autre parce qu'il n'y a pas de besoin économique particulier.
    M. Claude Goasguen. Eh alors ? En quoi est-ce dramatique ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Je conclurai sur cet amendement en deux points.
    La composition de la commission du titre de séjour qui vous est proposée me paraît tout à fait équilibrée : désormais une personne représentera le secteur social, une autre le monde du travail et une troisième les problèmes de sécurité.
    M. Éric Raoult. Voilà !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Tous les aspects sont pris en compte.
    Cela dit, je vous concède qu'un problème se pose pour la désignation du maire, dans les départements où il y a deux associations de maires. Il faudra, vous avez raison, trouver un mode de choix. Laissons à nos collègues du Sénat le soin de régler ce problème.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements n°s 223 de M. Mamère et 254 de M. Caresche tombent.
    Mme Colot a présenté un amendement, n° 13 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter le I de l'article 9 par l'alinéa suivant :
    « La commission du titre de séjour peut siéger en sections dans la composition du présent article. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Christian Vanneste. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mancel a présenté un amendement, n° 174, deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 12 quinquies de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la phrase suivante :
    « Le président du conseil général ou son représentant est invité à participer à la réunion de la commission du titre de séjour. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Étienne Mourrut. Il l'est, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement a été accepté par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Vous n'êtes pas contre, quand même, monsieur Caresche ?
    M. Christophe Caresche. Non, je signale simplement qu'en acceptant cet amendement, on introduit, dans la commission du titre de séjour, le président du conseil général ou son représentant... (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'ai rien contre, mais je ne vois plus du tout où est le cohérence. Il y a déjà la présence d'un maire. Vous prévoyez maintenant que le président de conseil général puisse être convié.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous récusez le président du conseil général ?
    M. Christophe Caresche. Comme je récuse le maire ! J'avais proposé pour ma part qu'on fasse siéger un député.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Lequel ?
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Au train où vous allez, vous pouvez aussi prévoir de convier les adjoints.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est ridicule, monsieur Mamère ! Restez digne !
    M. Richard Mallié. Quel rapport, monsieur Mamère !
    M. Claude Goasguen. Le président du conseil général n'aura qu'un rôle consultatif au sein de la commission.
    M. Noël Mamère. La commission du titre de séjour devient une commission d'élus. Je reconnais certes à ces derniers une légitimité démocratique.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah quand même !
    M. Noël Mamère. C'est ce que nous avons expliqué tout à l'heure, mais vous n'étiez pas là, monsieur Clément. Essayez de vous renseigner sur la discussion que nous avons eue en votre absence.
    Cette légitimité étant reconnue, il n'en reste pas moins que la commission du titre de séjour doit assurer les fonction régaliennes de l'Etat. Je ne sache pas que le maire ou le président du conseil général soient habilités à les assumer.
    Comme l'amendement n° 223 que j'avais annoncé est tombé, c'est la porte ouverte à tous les dérapages. Un président du conseil général comme un maire peut être de très bonne foi, mais il peut également ne pas l'être, comme on l'a vu dans des communes du sud de la France. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il peut très bien être partisan de stopper l'immigration et les commissions du titre de séjour peuvent aboutir à des solutions démagogiques.
    Je dirai enfin, alors que je suis, comme beaucoup de mes collègues, un affreux cumulard, puisque je suis à la fois maire et député,...
    M. Jean-Christophe Lagarde. Personne ne vous y oblige !
    M. Christian Vanneste. Il ne faut pas hésiter à démissionner.
    M. Noël Mamère. ... que nous sommes en train de prouver, en donnant une place exorbitante aux maires, qu'il serait temps que nous séparions la fonction de législateur de la fonction d'élu local.
    M. Éric Raoult. Montrez l'exemple, monsieur Mamère.
    M. Richard Mallié. Pourquoi êtes-vous encore là ?
    M. Noël Mamère. En effet, les lois que nous votons sont souvent influencées par nos fonctions d'élu local, alors que nous devrions, comme dans tous les pays de l'Union européenne, être détachés de cette fonction pour voter les lois de la nation et construire l'Etat de droit. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Vanneste. Vous avez un mandat de trop, monsieur Mamère.
    M. Richard Mallié. Qu'attendez-vous pour démissionner ?
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. La remarque de M. Mamère est très significative de la différence d'état d'esprit...
    M. Noël Mamère. C'est sûr !
    M. Claude Goasguen. ... qui règne entre les législations précédentes - je dis bien « les » - et celle que nous essayons d'instituer. Sous les législations précédentes, les lois sur l'immigration étaient imposées d'en haut aux Français et donnaient lieu, par l'absence de transparence et de contrôle, à toutes les interprétations possibles. Ce type de lois, propulsées de cet hémicycle, a donné les résultats que vous connaissez au cours des vingt dernières années, et a permis au candidat des phobiques d'être au deuxième tour de l'élection présidentielle.
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas la raison essentielle, monsieur Goasguen !
    M. Claude Goasguen. Soit dit par parenthèse, vous faites partie, vous, monsieur Mamère, de la deuxième catégorie, à savoir des angéliques, mais le scénario est le même.
    M. Patrick Braouezec. Le contraire de l'angélisme, c'est le diabolisme ! Vous êtes donc diabolique, monsieur Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Nous souhaitons transformer la législation en ce domaine. La loi sur l'immigration suppose la responsabilité individuelle. Chacun doit être au courant des problèmes de l'immigration car c'est par la responsabilité et la transparence que nous éviterons les excès - l'angélisme comme les phobies - et les fraudes.
    La présence du président du conseil général, qui n'aura pas une voix décisionnelle mais seulement consultative ne fait qu'accroître encore la transparence au sein de la commission du titre de séjour. Son fonctionnement jusqu'à présent, vous le savez très bien, était tellement obscur qu'il permettait toutes les interprétations, toutes les phobies et tous les succès électoraux de nos adversaires.
    M. Patrick Braouezec. C'est vrai !
    M. le président. Pour conclure ce débat, la parole est à M. le président de la commission des lois constitutionelles de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Les objections de M. Caresche et de M. Mamère quant à la présence du maire ou président de conseil général dans la commission des titres de séjour procèdent d'une vision de la vie politique française qui manifestement n'est pas la nôtre - en tout cas pas la mienne.
    M. Christophe Caresche. Ça, c'est sûr !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si, pour vous, « régalien », cela veut dire juger les choses de loin...
    M. Christophe Caresche. Ce n'est pas moi qui le dis !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... sans prendre en compte la situation réelle d'un département ou d'une commune, vous avez sans doute raison.
    M. Noël Mamère. Ce qu'on dit en Corse !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais non !
    Si au contraire vous considérez que la politique, c'est d'abord et avant tout être à l'écoute des hommes et des femmes de ce département ou de cette commune, et savoir adapter un principe aux situations particulières, vous devez vous réjouir que les élus locaux soient membres de cette commission.
    M. Christophe Caresche. Quel rapport ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je suis effaré de vous voir défendre un idéologie dans laquelle tout vient d'en haut, sans vous préoccuper de savoir si, en bas, sur le terrain, cela colle ou pas !
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Quand à vous, monsieur Mamère, vous êtes toujours un aussi merveilleux donneur de leçons : « Faites ce je dis, mais surtout pas ce que je fais ! » Le législateur que vous êtes est pourtant maire de Bègles, que je sache !
    M. Noël Mamère. C'est exactement ce que j'ai dit tout à l'heure !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 255, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 12 quinquies de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par l'alinéa suivant :
    « Le préfet ne peut refuser de déliver ou de renouveler une carte de séjour temporaire que sur avis conforme de la commission. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement tend à lier le préfet par l'avis de la commission du titre de séjour. Autrement dit, cet avis n'aurait plus seulement valeur consultative et le préfet serait tenu de le suivre.
    M. Claude Goasguen. C'est contradictoire !
    M. Christophe Caresche. Justement pas !
    M. Christian Estrosi. Dans ce cas, ce n'est plus un avis !
    M. Christophe Caresche. Vous avez fait entrer dans cette commission un maire, un président de conseil général, un certain nombre de représentants de l'Etat, plus le président du tribunal administratif ou son représentant. Cette commission va se réunir sur saisine du préfet, mais celui-ci ne sera pas tenu de suivre ses décisions. Croyez-vous que les élus qui y siègent l'accepteront ?
    M. Claude Goasguen. Vous avez dit le contraire tout à l'heure !
    M. Christophe Caresche. Croyez-vous que ce maire et ce président de conseil général, une fois qu'ils se seront aperçus que le préfet n'est pas tenu par leur avis, accepteront de revenir dans cette commission ?
    M. André Vallini. Il a raison !
    M. Christophe Caresche. Allez jusqu'au bout de votre logique, monsieur Clément,...
    M. Claude Goasguen. Laissez-nous notre logique ! Et votre logique n'est pas la nôtre !
    M. Christophe Caresche. ... faites en sorte qu'elle donne un avis conforme et qu'elle ne soit pas une instance purement consultative.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais c'est précisément ce que je ne veux pas ! C'est un avis et je ne souhaite pas aller plus loin.
    M. Christophe Caresche. Ajoutons que cette commission est présidée par le président du tribunal administratif, ou son représentant, qui, par le fait, pourra se retrouver à juger des recours qu'il aura examinés, sur lesquels il aura déjà donné un avis. Il y a là un mélange des genres à mes yeux contestable.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet. L'amendement de M. Caresche modifierait radicalement la nature de la commission des titres de séjour en prévoyant que, désormais, son avis liera le préfet pour les refus de délivrance ou de renouvellement.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est un paradoxe !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. J'avoue, monsieur Caresche, avoir du mal à suivre votre logique. Vous teniez à l'instant à ce que le pouvoir régalien reste aux mains du représentant de l'Etat. Si le préfet était lié par l'avis de la commission, il le perdrait. Nous, nous consultons les élus locaux, mais nous laissons le pouvoir régalien à l'Etat.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !
    M. André Vallini. Et inversement !
    M. Christophe Caresche. Et votre instance ne sert à rien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 255.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

    M. le président. « Art. 10. - L'article 14 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « Art. 14. - Peuvent obtenir une carte dite "carte de résident les étrangers qui justifient d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins cinq années en France.
    « La décision d'accorder ou de refuser la carte de résident est prise en tenant compte des moyens d'existence dont l'étranger peut faire état, parmi lesquels les conditions de son activité professionnelle, des conditions d'intégration de l'étranger dans la société française et, le cas échéant, des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France.
    « La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. »
    Sur cet article, deux orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. L'article 10 est important sur le plan symbolique dans la mesure où il remet en cause les conditions sous lesquelles peut être délivrée la carte de résident. Cette carte, d'une durée de dix ans, a été créée en 1984. C'est elle qui, dans la pratique, permet à un étranger de travailler, de s'installer et de s'intégrer dans notre pays.
    Or vous proposez deux modifications parfaitement contestables. Premièrement, vous portez de trois à cinq ans le délai requis pour pouvoir obtenir la carte de résident. Jusqu'à présent, un étranger pouvait, après avoir passé trois ans sur notre territoire grâce à une carte de séjour temporaire, prétendre - ce n'était pas automatique, j'y reviendrai - à la délivrance de la carte de résident. Désormais, il lui faudra attendre cinq ans.
    Le prétexte que vous invoquez à l'appui de votre argumentation est très contestable. Il s'agirait, à vous entendre, de se conformer, à deux mesures prises au niveau européen. Or non seulement la directive européenne n'est pas formellement adoptée, mais ces mesures européennes ne sont que des normes minimales : autrement dit, elles n'obligent en rien notre pays à s'aligner sur ce délai de cinq ans. Il s'agit, disons-le, d'une remise en cause très grave que Patrick Weil, lui-même, dans une interview récente, n'a pas manqué de contester rigoureusement...
    M. Pascal Clément, président de la comission. Evidemment, il est le père de la loi RESEDA... Il est furieux !
    M. Christophe Caresche. ... en faisant remarquer que le fait de devoir attendre désormais cinq ans au minimum, et non plus trois, ne saurait faciliter l'intégration satisfaisante de l'étranger. De surcroît, cette disposition alourdira considérablement le travail des préfectures, sachant que l'étranger devra renouveler chaque année sa carte de séjour pendant cinq ans et non plus trois.
    Par ailleurs, vous apportez aux conditions déjà requises, et sans réellement la définir, une « condition d'intégration de l'étranger dans la société française » dont on ne sait ce qu'elle recouvre. Aujourd'hui, pour prétendre à une carte de résident, l'étranger doit prouver qu'il dispose de moyens d'existence, et notamment prouver qu'il exerce une activité professionnelle sur notre territoire. Vous y ajoutez une condition supplémentaire d'autant plus contestable que vous ne la définissez pas, et qui ouvrira la voie à une certaine forme d'arbitraire des préfectures. Une fois de plus, nous allons laisser les fonctionnaires libres d'interpréter le texte de la loi à leur guise, au risque, nous le savons tous, de créer sur notre territoire des disparités incompréhensibles.
    Voilà pourquoi les dispositions de l'article 10 constituent une régression à mes yeux très grave en matière d'obtention de la carte de résident, c'est-à-dire du titre qui permet à un étranger de s'intégrer dans notre pays.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. L'article 10 n'a aucunement un caractère symbolique ; il marque au contraire un profond changement en renforçant le caractère discrétionnaire de la délivrance de la carte de résident. Celle-ci était déjà très difficile à obtenir depuis l'adoption de la loi Chevènement, dite loi RESEDA. Loin d'être réduit par votre proposition, le pouvoir discrétionnaire conféré à l'administration sera encore aggravé par le caractère subjectif et indéfini de la notion d'intégration que vous avez introduite. Qui plus est, votre dispositif insiste sur la nécessité d'une intégration préalable de l'étranger, ce qui, mon collègue Caresche l'a souligné il y a quelques instants, revient à renverser l'intention du législateur de 1984 qui avait adopté - à l'unanimité, je le rappelle - le principe d'une carte de résident de dix ans. Initialement conçue comme un outil d'intégration des étrangers ayant vocation à rester en France, celle-ci devient aujourd'hui une sorte de récompense à l'intégration.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Oui, absolument !
    M. Noël Mamère. Vous l'admettez, mais cela constitue une inversion des principes du droit fixés en 1984 et votés à l'unanimité de cette assemblée !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est une volonté politique !
    M. Noël Mamère. Le principe était que la carte serve d'instrument d'intégration des étrangers ayant vocation à rester en France. Elle ne saurait être une récompense à l'intégration.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais si !
    M. Noël Mamère. Par ailleurs, cette modification, ainsi que plusieurs autres que nous avons déjà relevées ou que nous retrouverons dans les articles qui suivent, va dans le sens d'une précarisation du droit au séjour en généralisant l'attribution de la carte de séjour temporaire, même pour les étrangers ayant vocation à demeurer en France. Il nous semble pour le moins incohérent de multiplier les demandes de preuves d'intégration des étrangers tout en précarisant dans le même temps leur statut. Comment un étranger pourra-t-il trouver un travail à durée indéterminée avec une carte de séjour valable seulement une année ? Comment peut-on louer ou acheter un appartement, obtenir un prêt auprès d'une banque, ou tout simplement avoir des projets d'avenir lorsqu'on n'est titulaire que d'une carte temporaire ? Il y a donc une profonde contradiction entre votre volontée affichée d'intégration et la condition que vous imposez aux étrangers qui demanderont une carte de résident.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Avec votre permission, monsieur le président, je vais répondre par avance aux amendements présentés sur l'article 10.
    Il y a entre vous et nous, mesdames et messieurs de l'opposition, une profonde divergence de fond.
    M. Patrick Braouezec. Nous avions remarqué !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Un des aspects à mes yeux le plus important du projet de loi présenté par le ministre de l'intérieur, c'est la volonté de faire en sorte que les étrangers résidant en France puissent s'intégrer. Vous, vous avez toujours privilégié l'automaticité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas vrai !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Bien sûr que si ! Je vais vous rafraîchir la mémoire. Lors de la discussion générale, j'ai rappelé que j'étais de ceux qui avaient très vivement déploré que vous soyez revenus sur le principe de l'adhésion à la nationalité française par expression de la volonté.
    M. Serge Blisko. Evidemment !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Aujourd'hui, de la même manière, vous considérez que l'intégration ne doit pas être un critère pour l'obtention de la carte de résident.
    M. Noël Mamère et M. Serge Blisko. Mais c'est quoi, l'intégration ?
    M. Patrick Braouezec. Qu'est-ce que c'est pour vous ? Quelle définition en donnez-vous ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pour vous qui aimez souvent faire la distinction entre la droite et la gauche, voilà un bel exemple de la différence !
    M. Patrick Braouezec. Mais donnez-nous une définition de l'intégration, monsieur Clément !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Laissez-moi finir. Pourquoi souhaitons-nous que les étrangers fassent effectivement la preuve de leur volonté d'intégration ? Il y a la langue certes, mais l'essentiel,...
    M. Patrick Braouezec. C'est de pouvoir trouver un travail !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... et je serais curieux de savoir si vous allez me contredire, c'est que l'expression de cette volonté est le seul moyen de prévenir des communautarismes en France. Or c'est fatalement ce qu'il se passe si l'on néglige la capacité d'intégration. A nier systématiquement cet aspect fondamental, la nécessité d'une réelle volonté d'intégration de la part de ceux qui postulent à la carte de résident, vous avez été les acteurs passifs du communautarisme en France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Patrick Braouezec. Mais non ! Vous êtes un provocateur !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si, voilà quelle en a été la conséquence. Je vous renvoie à vos propres réflexions et je suis fier, quant à moi, de penser différemment.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Les dispositions de l'article 10 sont tout à fait cohérentes avec celles qui sont en train de se mettre en place sur le plan européen. Il est vrai que la directive n'est pas encore adoptée,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Effectivement !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... mais son texte fait d'ores et déjà, vous le savez, l'objet d'un accord politique.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et c'est moi qui conduis les négociations !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'article 4 du projet de directive prévoit que « les Etats membres accordent le statut de résidents de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l'introduction de la demande en cause ». Le même texte précise par ailleurs que l'acquisition du statut de résident est subordonnée à des conditions de ressources, de couverture maladie et « le cas échéant » - c'est dans l'article 5 - d'« intégration ». Le statut de résident « permet de séjourner dans les autres Etats membres, y compris pour une période dépassant trois mois, le cas échéant pour y exercer une activité économique, poursuivre des études ou suivre une formation professionnelle ».
    Il est exact que la France n'est pas contrainte de s'aligner sur le seuil de cinq ans. Mais en intégrant d'ores et déjà dans sa législation les conditions prévues par la directive, notre pays va dans le sens d'une harmonisation souhaitée par tous au sein de l'Union européenne. Ajoutons que le lien ainsi créé entre l'acquisition du statut en France et celui de résident de longue durée en Europe offre aux intéressés une chance supplémentaire.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne comprends absolument pas cette polémique. Pourquoi se relire des papiers et se renvoyer des articles ? Qu'avons-nous tous dit ? Que l'harmonisation européenne est un facteur essentiel pour maîtriser dignement les flux migratoires. Il n'y a pas une formation politique républicaine qui ait dit le contraire ! Premier point : il faut donc harmoniser.
    Deuxième point, l'engagement européen des Verts ou du parti socialiste n'est plus à démontrer.
    M. Patrick Braouezec. Celui des communistes non plus !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ça, c'est moins sûr !
    Troisième point : les 4 et 5 juin derniers, à Luxembourg, c'est moi qui conduisais la délégation pour négocier l'affaire des cinq ans. Qu'ont décidé, dans le cadre du Conseil « justice et affaires intérieures » à Luxembourg, les quinze ministres de l'intérieur et de la justice ? Que désormais, pour obtenir une carte de résident de longue durée, il faudrait cinq ans. Cette décision unanime a du reste fait l'objet de maintes tractations, notamment avec les Allemands. Et le Conseil « affaires générales », qui se tiendra dans dix jours, demandera à la Commission de préparer un projet de directive. Quelles en seront les conséquences ? Pour pouvoir s'installer en Europe, il faudra que cette règle des cinq ans soit respectée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Et voilà !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Compte tenu de la place et du rôle que la France tient en Europe, comment peut-on oser soutenir qu'elle n'est pas obligée de s'aligner sur ce délai ? Dès lors que les quinze démocraties européennes, à l'unanimité, ont fixé la condition de cinq ans, j'aimerais qu'on me donne une seule raison pour expliquer comment, après avoir pris cet engagement international et européen, la France pourrait s'en exonérer ! Ou bien vous êtes européen, auquel cas vous considérez que le délai de cinq ans est une nécessité, ou bien vous ne l'êtes pas, ce qui est parfaitement votre droit, auquel cas vous n'en avez rien à faire. Mais vous ne pouvez pas dire que l'Europe, c'est important, et dans le même temps soutenir que le délai de cinq ans pour obtenir la carte de résident n'a rien d'obligatoire. Il faut choisir : européen et pour cinq ans, ou non européen et pas pour cinq ans... Nous, nous sommes européens, nous sommes pour l'harmonisation et nous fixons le délai à cinq ans, conformément à la décision prise par les quinze démocraties européennes. Nous n'avons pas à le regretter, mais bien à nous réjouir de cet acte d'harmonisation que vous avez réclamé sur tous les bancs de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 256 et 311.
    L'amendement n° 256 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 311 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 10. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 256.
    M. Serge Blisko. La démonstration de M. Sarkozy souffre d'un oubli : en France, nous allons passer de trois à cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Evidemment !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est cela, l'harmonisation !
    M. Pascal Clément, président de la commission. En Italie, c'est six ans !
    M. Serge Blisko. C'est peut-être harmonieux, mais avouez que ce ne l'est sûrement pas pour ceux qui pensaient pouvoir bénéficier d'un statut durable et protégé au bout de trois ans. Comme le disaient mes collègues Caresche et Mamère, on ne construit que dans la durée. Or, l'intégration est un phénomène de construction.
    Je vais vous en donner un bel exemple et mon collègue Vanneste me reprendra si je fais erreur. Reportez-vous à l'Ancien Testament : Laban, qui n'avait pas tellement envie d'avoir Jacob pour gendre, ne lui a-t-il pas demandé de passer sept ans avec une première épouse avant de consentir à lui donner Rachel ? Jacob aura ainsi mis quatorze ans au total avant de s'intégrer dans cette famille...
    Celui qui intègre doit ouvrir un peu plus la porte et les bras que celui qui désire s'intégrer. Or, en passant de trois à cinq ans, on repousse l'autre, on se ferme davantage, on ne manifeste pas une grande volonté d'intégration.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 311.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, vous avez invoqué une raison essentielle : il faudrait anticiper l'adoption du projet de directive du Conseil de l'Union européenne.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pas l'anticiper ! C'est une décision !
    M. Patrick Braouezec. Il faudrait anticiper la mise en oeuvre d'une décision qui a été prise mais qui, pour le moment, n'est encore qu'un projet de directive.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, cela a été décidé les 4 et 5 juin à Luxembourg !
    M. Patrick Braouezec. Oui, mais cela n'a pas été voté !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela a été décidé politiquement !
    M. Patrick Braouezec. Cela n'a donc pas encore été voté et ce n'est pas encore une directive. Monsieur le ministre, croyez-moi, je suis aussi européen que vous, mais peut-être n'a-t-on pas la même conception de l'Europe.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est rassurant, d'ailleurs !
    M. Christian Estrosi. Ça, c'est une grande nouvelle !
    M. Patrick Braouezec. Je suis aussi pour une construction européenne, avec une reconnaissance des droits sociaux, pour une Europe sociale plus forte que l'Europe financière d'aujourd'hui. Même si c'était une directive, elle n'interdirait en aucun cas aux Etats membres, quels qu'ils soient, de prendre des dispositions qui ne figurent pas dans la directive.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si ! L'étranger n'aura pas le droit de s'installer dans d'autres pays !
    M. Patrick Braouezec. Non, en aucun cas. Les Etats membres peuvent prendre des dispositions plus généreuses, notamment sur les questions de droits de l'homme, que vous évoquez souvent, et je ne nie d'ailleurs pas que vous soyez aussi un défenseur des droits de l'homme.
    D'autre part, contrairement à ce que vous prétendez, la carte de résident est bien un facteur d'intégration et non une conséquence de l'intégration dans notre société. C'est bien souvent parce que l'étranger a un titre de séjour lui garantissant une certaine stabilité qu'il peut trouver un emploi, un logement, fonder une famille, et non l'inverse. Comment voulez-vous que, avec une carte de séjour temporaire renouvelable tous les ans pendant cinq ans - et non plus pendant trois ans -, il acquière une certaine stabilité ? La carte de résident de dix ans avait justement été créée comme un outil d'intégration des étrangers ayant vocation à demeurer en France ; avec ce texte, et, sans doute, avec cette directive, elle devient une récompense à l'intégration. On confond ainsi la cause et la conséquence, et ce n'est pas acceptable.
    Ça l'est d'autant moins que vous subordonnez la délivrance de cette carte de résident à l'intégration de l'étranger dans la société française. Là encore, nous sommes en droit de nous demander quelle autorité serait susceptible de déterminer si un étranger est effectivement intégré dans notre société, et selon quels critères. J'ai bien écouté M. Clément, contrairement à lui en ce moment. Je n'ai pas compris quels étaient les critères qu'il retenait pour l'intégration.
    M. Pascal Clément, président de la commission. La langue !
    M. Patrick Braouezec. La langue ? Nombreux sont les salariés qui maîtrisent mal la langue française et qui sont pourtant complètement intégrés dans notre société, depuis longtemps.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais ce cas est prévu !
    M. Patrick Braouezec. Dans ma ville, une conseillère municipale d'origine étrangère ne parle pas très bien le français, a encore des difficultés à le lire, mais cela ne l'empêche pas de faire correctement son travail. A l'inverse, certaines lettres, souvent anonymes, que je reçois de gens se disant « bon Français » qui me reprochent différentes choses sont bourrées de fautes d'orthographe : d'après votre critère, ce serait le signe d'une non-intégration dans la société française. Soyons sérieux ! Qu'est-ce que l'intégration ? Commençons par définir cette notion, monsieur Clément.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Allez, il faut voter !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Vous avez raison, monsieur Braouezec, la directive n'est pas adoptée. Mais est intervenu un accord politique les 5 et 6 juin. Comment pourrait-on ne pas en tenir compte dans le texte discuté le 8 juillet, alors qu'il sera transposé dans notre droit dans quelques semaines ?
    Nous ne faisons qu'anticiper de quelques jours.
    Quant au délai de cinq ans, le ministre a rappelé qu'il permettra à l'étranger de s'installer dans d'autres pays. Il me semble que c'est une liberté à laquelle vous devez être attaché.
    En ce qui concerne la question des conditions d'intégration, je vous rappelle que nous avons adopté un amendement n° 64 à l'initiative de notre collègue Yves Jego, qui les définit ainsi : « Lorsque la loi le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française, notamment au regard de sa connaissance de la langue française et des principes qui régissent la République française, qui doit être suffisante. »
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il y a plus précis encore !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. On peut ajouter le degré de connaissance de la langue, le suivi d'une formation professionnelle ou - et j'abonde dans son sens - la participation à la vie locale et associative. Avec l'exemple que vous avez donné, monsieur Braouezec, vous êtes pile dans les critères exigés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Je suis choqué par l'attitude de M. Braouezec. D'abord, elle est très contradictoire.
    M. Patrick Braouezec. Ne soyez pas choqué pour si peu !
    M. Christian Estrosi. Depuis le début de ce débat, que ce soit sur les motions de procédure, sur les interventions à la tribune ou encore, il y a quelques instants, sur l'article, vous n'avez cessé d'affirmer que c'était une erreur d'inscrire à l'ordre du jour du Parlement un texte de loi sur le contrôle des flux migratoires, que cela arrivait bien trop tôt et qu'il aurait été préférable d'examiner d'abord un texte de loi sur l'intégration. Alors que ce texte de loi vous propose un juste équilibre entre carte de résident et intégration, c'est-à-dire une réponse à ce que vous réclamez depuis le début, vous le contestez et vous le caricaturez.
    Ce moment du débat marque une différence idéologique fondamentale entre votre démarche et la nôtre. Ce n'est pas nouveau, d'ailleurs. Voilà près de vingt ans que vous vous inscrivez systématiquement dans cette démarche. C'était déjà le cas lorsque, en 1993, le ministre de l'intérieur, Charles Pasqua, a fait voter par le Parlement un nouveau code de la nationalité.
    M. Serge Blisko. Aux conséquences dramatiques !
    M. Christian Estrosi. En 1997, votre priorité a été d'abolir, d'un coup d'un seul, ce code de la nationalité. Vous devriez pourtant vous inspirer de ce que font d'autres grandes démocraties : prenons l'exemple des Etats-Unis. Je sais bien que ce n'est pas un modèle pour tout le monde.
    Pour beaucoup d'entre nous, en tout cas, c'est une référence à certains égards. Lorsque l'on voit le nombre de citoyens du monde qui se battent pour obtenir un droit de résidence aux Etats-Unis, quand on sait les conditions draconiennes qu'exige ce pays pour accorder une carte de résident, quand on voit ceux qui ont obtenu cette carte tout faire, après avoir franchi cette première étape, pour accéder dignement à la nationalité, on se dit que notre pays devrait lui aussi offrir de tels repères à ceux qui font le choix de la France. Ferait-on le choix de la France à seule fin de profiter de certains avantages économiques et sociaux ? Ou ferait-on ce choix pour prouver qu'on aime ce pays, qu'on a envie de se montrer digne d'être d'abord résident français et, ensuite, de conquérir un droit à l'accès à la nationalité française ? Pour ma part, je salue cette disposition. Je regrette que vous vouliez la supprimer et nous nous battrons de toutes nos forces pour que vous n'arriviez pas à vos fins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je ferai deux observations de forme.
    On pourrait peut-être proposer à notre collègue Clément que ce soient les maires qui jugent de la volonté d'intégration de ceux qui veulent rejoindre notre pays et obtenir une carte de résident.
    D'autre part, l'envolée européenne de M. le ministre de l'intérieur est extraordinaire, mais il oublie certaines attitudes que le Gouvernement auquel il appartient a pris vis-à-vis de l'Europe. Quand cela l'arrange, il veut absolument appliquer avant l'heure de simples projets de directive pour être cohérent avec le reste de l'Europe. Mais, quand cela ne l'arrange pas, il n'applique rien. Il oublie par exemple de nous dire que, depuis 1979, son gouvernement - comme ceux qui l'ont précédé d'ailleurs - n'applique pas la directive oiseaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il oublie de nous dire que le Premier ministre, M. Raffarin, va plaider à Bruxelles pour obtenir une exception à la TVA sur l'hôtellerie, alors qu'une directive européenne a fixé une certaine ligne.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Vous êtes contre ?
    M. Michel Bouvard. Il s'agit de renégocier la directive !
    M. Noël Mamère. Il oublie de nous dire que, pour le programme Natura 2000, la France n'applique toujours pas la directive habitat.
    M. Christian Estrosi. Heureusement !
    M. Noël Mamère. Quand cela vous arrange, vous êtes vraiment européen, quand cela ne vous arrange pas, vous considérez que l'Europe est la cause de tous nos maux.
    M. André Vallini. Très bien !
    M. Claude Goasguen. C'est comme vous, d'ailleurs !
    M. Noël Mamère. Et l'on n'est pas obligé, monsieur le ministre de l'intérieur, d'être d'accord avec ce que vous avez décidé avec vos collègues. Nous pouvons, en effet, avoir une différence d'appréciation sur la construction européenne. Nous pouvons penser que l'Europe n'est pas obligée de se transformer en citadelle et en forteresse. Nous ne sommes pas obligés de penser que les accords de Schengen sont ce que l'on a fait de mieux depuis la chute du mur de Berlin. Nous ne sommes pas obligés de penser que ce qu'ont signé à Barcelone M. Jospin et M. Chirac, c'est ce que l'on a fait de mieux pour l'Europe sociale. Et nous pouvons penser qu'il y a une autre manière de construire l'Europe économique, écologique, sociale et institutionnelle.
    M. Lionnel Luca. Quelle bouillie de chat !
    M. Noël Mamère. C'est un sujet de fond.
    Ce qui nous semble important, dans le texte que vous nous proposez, bien loin des justifications que vous allez chercher dans la réunion que vous avez eue à Luxembourg avec vos collègues européens...
    M. Christian Estrosi. Mettez-le-nous dans le formol !
    M. Noël Mamère. ... c'est le fait que vous précarisez les gens en leur demandant de revenir tous les ans renouveler leur carte et les empêchez de s'intégrer, parce qu'ils ne peuvent pas tenir les deux bouts de la chaîne : être précaires d'un côté, et, de l'autre, s'intégrer.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 256 et 311.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 79 rectifié, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « Art. 14. - Tout étranger qui justifie d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, de cinq années en France peut obtenir une carte de résident. La décision d'accorder ou de refuser la carte de résident est prise en tenant compte des éléments qu'il peut faire valoir pour établir son intégration dans la société française dans les conditions prévues à l'article 6 de la présente ordonnance et des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment ses moyens d'existence et les conditions de son activité professionnelle s'il en a une.
    « La durée de résidence requise au premier alinéa est réduite à deux ans lorsque l'étranger qui sollicite la carte de résident a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial demandé par le titulaire d'une carte de résident.
    « Il en est de même lorsque l'étranger qui sollicite la carte de résident est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis deux ans de la carte de séjour temporaire visée à l'article 12 bis 6° de la présente ordonnance, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour son obtention et qu'il ne vive pas en état de polygamie. »
    Sur cet amendement, M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un sous-amendement, n° 468, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 79 rectifié par les mots : "et à trois ans, pour les étudiants étrangers ayant obtenu une licence ou une formation professionnelle qualifiante équivalente au baccalauréat plus trois années d'études et reconnue par l'Etat.. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 79 rectifié.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article 14 de l'ordonnance. Elle reprend la proposition du Gouvernement, qui souhaite porter de trois à cinq ans la durée de séjour requise pour la délivrance d'une carte de résident et introduire une condition d'intégration. Cela fait suite à l'accord politique intervenu au Conseil lors de la réunion du 5 juin 2003.
    D'autre part, cette nouvelle rédaction de l'article 10 fait le lien avec l'article 6 de l'ordonnance dans sa rédaction issue de l'amendement 64 adopté à l'article 3.
    Enfin, cette nouvelle rédaction propose d'abaisser à deux ans la durée de résidence requise dans le cadre du regroupement familial ou pour les parents d'enfants français, ce qui nous a paru plus adapté à ces statuts particuliers.
    M. Christophe Caresche. Excellent !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. On peut signaler dès à présent que des amendements de coordination seront proposés par la suite, visant à modifier l'article 15 de l'ordonnance relative aux cas de délivrance de plein droit de la carte de résident, parmi lesquels ne devront plus figurer ces deux types de situation.
    Ainsi modifié, le dispositif est à la fois exigeant, en ce qui concerne la durée de séjour, nécessaire, pour ce qui a trait à l'intégration, et équilibré par les dispositions particulières pour le regroupement familial et les parents d'enfants français.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement 79 rectifié ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir le sous-amendement n° 468.
    M. Noël Mamère. Le sous-amendement vise à abaisser à trois ans la durée pour les étudiants étrangers ayant obtenu une licence ou une formation professionnelle qualifiante équivalente au baccalauréat plus trois années d'études et reconnue par l'Etat.
    Dans la mesure où nous considérons que l'immigration, et en particulier l'immigration qualifiée, est une chance pour la France, nous avons cherché une manière de conserver chez nous les étudiants étrangers. Nous avons souligné cet après-midi qu'ils avaient plutôt tendance à tourner le regard outre-Atlantique. Il nous faut donc, de façon décisive, les attirer vers nos pays pour qu'ils puissent revenir chez eux avec un véritable savoir-faire, de l'intelligence et quelquefois du génie, ou qu'ils puissent, lorsqu'ils restent chez nous, contribuer à la vitalité de notre pays.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce sous-amendement a été rejeté, puisque, on l'a déjà souligné à plusieurs reprises, la situation des personnes souhaitant faire des études en France s'est considérablement améliorée ces dernières années, comme le montre l'évolution du nombre de cartes délivrées aux étudiants.
    M. le président. Même avis du Gouvernement.
    Je mets aux voix le sous-amendement n° 468.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements n°s 224 et 225 de M. Mamère deviennent sans objet. Je mets aux voix l'article n° 10, modifié par l'amendement n° 79 rectifié.
    (L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 10

    M. le président. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 312, ainsi rédigé :
    « Après l'article 10, insérer l'article suivant :
    « Les étrangers qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sont titulaires d'une carte de séjour temporaire d'un an autorisant à travailler, reçoivent de plein droit une carte de résident à la première échéance de l'un de ces titres de séjour. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet article additionnel après l'article 10 vise à rétablir une disposition qui avait été votée à l'unanimité par le Parlement en juillet 1984.
    En effet, il vise à conforter l'insertion sociale et professionnelle des étrangers titulaires d'une carte de séjour de un an en leur délivrant la carte de dix ans à l'occasion du prochain renouvellement. La multiplication des cartes de un an précarise en effet leurs détenteurs et handicape notamment leur accès à l'emploi et au logement. Elle déstabilise les étrangers régulièrement installés en France, ce qui est nuisible aux intéressés comme à l'ensemble de la société d'accueil.
    Cette carte de un an constitue un handicap très lourd à l'insertion sociale et professionnelle. Elle suscite par exemple la méfiance des employeurs en cas de recherche d'emploi, des banquiers en cas de demande de prêt immobilier, ou même des bailleurs. Le phénomène est aggravé à l'approche de la date d'expiration de cette carte, le titulaire pouvant alors être perçu comme un résident temporaire.
    Dans les faits, les personnes doivent se présenter trois fois par an en préfecture pour des démarches nécessitant au minimum une demi-journée, la première pour prendre un rendez-vous afin de renouveler leur titre, la deuxième pour obtenir un récépissé de trois mois, la troisième pour retirer leur carte de un an qui ne sera, de fait, valable que neuf mois, compte tenu de ces délais. La situation, au sein de certaines préfectures, et notamment de celle de Seine-Saint-Denis - M. Lagarde l'a même reconnu tout à l'heure -, est des plus pénibles pour les intéressés comme pour les personnels. La multiplication des cartes de un an en lieu et place de la carte de dix ans se traduit par des dysfonctionnements graves. Faute d'effectifs suffisants, on constate une dégradation de l'accueil et du service rendu au public. La situation de plusieurs milliers d'habitants du département est fragilisée, avec une précarité qui pèse et se répercute sur tous.
    Il est fréquent que les personnes soient convoquées pour le renouvellement de leur titre après sa date d'expiration. Dans ce cas, elles sont munies d'une simple convocation et non du récépissé de demande de renouvellement prévu par la réglementation. La convocation n'est reconnue ni par les administrations ou services sociaux, ni par les employeurs. Ainsi, la caisse d'allocations familiales suspend-elle les droits des intéressés aux prestations. Tel parent élevant seul son enfant et percevant, à ce titre, l'allocation de parent isolé se retrouve donc, du jour au lendemain, sans aucune ressource. Les démarches de recherche d'emploi ou de logement sont empêchées pour les mêmes raisons. Le projet se propose d'étendre ces graves difficultés à la totalité des 25 000 personnes, qui, chaque année, sont autorisées à s'installer en France au titre du regroupement familial.
    Le comble, monsieur le ministre, c'est que vous présentez cette déstabilisation au motif d'une meilleure intégration. Cette logique dépasse mon entendement. Visiblement, elle dépasse aussi celui de la commission qui souhaite, par des amendements, aménager à la marge un dispositif dont elle préserve tout de même l'essentiel. Il faut rappeler ici que le passage à la carte de dix ans avec renouvellement automatique instauré par la loi de 1984 avait été adopté à la quasi-unanimité, droite et gauche confondues, au Parlement. C'était une unanimité de bon sens parce que l'insertion est favorisée par la stabilité que procure la carte de dix ans.
    Avec ces cartes temporaires, que veut-on signifier à ces personnes, sinon qu'elles sont indésirables ou simplement tolérées ? Comment mieux décourager le sentiment d'appartenance à la société que nous avons en partage, quand les premières années en France sont sciemment pavées d'humiliations, de suspicion et de démarches incessantes ?
    Le projet propose également d'augmenter de deux ans le délai pour pouvoir demander la carte de dix ans : il passe en effet de trois à cinq ans. Il est conditionné à l'intégration. Tout cela laisse le champ libre à l'arbitraire.
    Notre amendement propose donc de stabiliser la situation de l'ensemble des résidents réguliers en France, afin de faciliter une insertion bénéfique pour l'ensemble de la société. Nous souhaitons que, comme en 1984, la représentation nationale soit unanime pour l'adopter, ce que vous n'allez pas manquer de faire.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est formidable !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Braouezec nous propose tout simplement de distribuer à tous les titulaires d'une carte de séjour de un an, une carte de résident de dix ans. Avis négatif de la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Quel dommage, monsieur Braouezec : une partie de votre argumentation serait recevable si elle ne débouchait pas sur ce que je considère comme un préjugé idéologique. Vous partez du principe qu'une carte de dix ans favorise l'intégration. Ainsi, une carte de dix ans délivrée à une femme que son époux n'autorise pas à quitter son domicile favoriserait l'intégration ? Quand on cherche à conditionner le séjour à un minimum d'intégration dans la société, de connaissance de nos règles de vie en commun, de notre langue, on cherche aussi à permettre à la personne de « sortir » de la situation familiale qui lui est imposée. Il faudrait aussi penser à toutes ces femmes que l'on retrouve, après trente ans de présence sur le territoire français, qui ne parlent pas un mot de français, ne connaissent pas la façon dont fonctionne l'école...
    M. Patrick Braouezec. C'est un autre problème !
    M. Serge Blisko. Cela n'a rien à voir !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Mais si, puisque vous avez abordé ce problème !
    Toutefois, monsieur le ministre, je saisis l'occasion de le dire : il est vrai que la situation de la préfecture de Seine-Saint-Denis n'est pas acceptable, que les titres de séjour y sont, en réalité, valables neuf mois, et que nous sommes, parlementaires et maires, constamment sollicités par des gens qui sont en France depuis trois ou quatre ans et qui se voient systématiquement privés de titre de séjour pendant quelques semaines parce qu'ils sont convoqués après la date d'expiration de ce titre. Le manque de moyens empêchant de traiter les dossiers, il faut que le Gouvernement trouve une façon d'accélérer le traitement des dossiers en facilitant les démarches administratives - mais pas en accordant un titre de dix ans après un an de présence en France - ou affecte davantage plus de moyens aux préfectures qui connaissent une forte pression à cet égard.
    Toujours est-il qu'il faut que nous soyons capables de régler cette situation que vous dénoncez, mais qui, je le rappelle, remonte à plusieurs années et n'a jamais été résolue au cours des cinq années du gouvernement précédent. De telles situations ne sont pas dignes et dérapent systématiquement.
    M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.
    M. Étienne Pinte. Monsieur Braouezec, je commence à en avoir assez de vous entendre dire depuis le début de la soirée que, parce qu'ils ont une carte de séjour dont le renouvellement est annuel, pendant trois ans, les résidents étrangers sont, précarisés, humiliés que sais-je encore.
    Monsieur Braouezec, voilà cette année quarante ans que j'ai été naturalisé. En 1963, j'ai obtenu, pour la première fois, ma carte de séjour. Chaque année, j'ai été amené à la faire renouveler à la préfecture. Et au bout de trois ans, j'ai obtenu ma carte de résident de dix ans - la carte rose.
    A aucun moment je ne me suis senti humilié ou précarisé.
    M. Lionnel Luca. Bien sûr !
    M. Étienne Pinte. C'est stupide, ce que vous dites là, complètement stupide.
    M. Lionnel Luca. C'est le mot !
    M. Étienne Pinte. Et, à l'époque, de surcroît, puisque c'était avant la législation de 1981 sur les mariages, et que ma femme, qui était française, a dû demander au préfet l'autorisation de m'épouser.
    C'est vous dire combien, depuis quarante ans, on a progressé en la matière. De plus, quand on est étranger, comme je l'étais à l'époque, quelle que soit sa nationalité, quel que soit son degré d'intégration, on est tellement content d'obtenir d'abord une carte de séjour, puis de pouvoir la renouveler chaque année, puis d'obtenir sa carte de résident, qu'elle soit de cinq ans ou de dix ans comme aujourd'hui, on est tellement heureux de pouvoir progressivement s'intégrer à la société française, que le problème ne se pose pas du tout dans les termes manichéens que vous avez employés.
    Tout à l'heure, notre collègue Blisko disait que pour l'intégration, il faut du temps. Eh bien, oui ! Il faut du temps. C'est pourquoi on passe de trois à cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec. (« Ah, non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Braouezec. Excusez-moi, chers collègues, mais puisque M. Pinte a dit que j'avais proféré une stupidité, je vais essayer de faire preuve d'un tout petit peu d'intelligence, si vous le permettez.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Impossible !
    M. Serge Blisko. Laissez-lui sa chance !
    M. Patrick Braouezec. Je vais essayer, je n'ai pas dit que je vais réussir. Laissez-moi ma chance, comme dirait M. Blisko.
    J'ignore dans quelles conditions vous viviez lorsque vous êtes arrivé en France, en 1963, monsieur Pinte. Mais comment voulez-vous - et ce n'est pas une stupidité, car je vis quotidiennement cette situation dans mon département - que les personnes qui sont titulaires d'une carte de séjour d'un an, puissent trouver un employeur, louer un logement décent ou obtenir un prêt bancaire pour acheter une voiture ? Bien sûr, je ne dis pas qu'il faut délivrer immédiatement une carte de résident. Mais dès lors que ces personnes ont une carte de séjour d'un an et vont la renouveler - vous avez d'ailleurs sans doute bénéficié, monsieur Pinte, du délai de trois ans, auquel il serait bon de revenir -, dès lors, donc, que ces personnes bénéficient d'une carte de séjour, on pourrait leur délivrer dans certaines conditions, une carte de résident de dix ans. Cela supprimerait un certain mombre de tracasseries administratives, et notamment dans mon département.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11

    M. le président. « Art. 11. - Au 1° de l'article 15 de la même ordonnance, les mots : "un an sont remplacés par les mots : "deux ans. »
    Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 226, 257 et 313.
    L'amendement n° 226 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 257 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 313 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 11. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 226.
    M. Noël Mamère. Nous demandons la suppression pure et simple de l'article 11, au motif que l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet déjà la délivrance d'un titre de séjour temporaire aux conjoints de Français. En outre, nous ne voyons pas en quoi l'allongement de la durée de vie commune nécessaire à l'obtention d'une carte de résident permettrait d'éviter d'éventuels détournements ou fraudes, dans la mesure où les conjoints de Français auront une carte de séjour temporaire dans l'attente de se voir délivrer une carte de résident.
    Selon nous, cette disposition aura pour conséquence de fragiliser les couples (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) en durcissant les conditions d'accès à un statut juridique permettant la stabilité. J'ajoute que cette disposition est en retrait par rapport à l'article 21-2 du code civil, c'est-à-dire le droit commun, qui dispose qu'un conjoint de Français peut acquérir la nationalité française à condition qu'il soit en situation régulière, qu'il ne fasse pas preuve d'un défaut d'assimilation ou d'indignité et que la communauté de vie entre les époux soit attestée depuis un an à compter du mariage. Cette vie commune peut s'exercer en France ou à l'étranger et le délai d'un an de communauté de vie est supprimé en cas de naissance d'un enfant, avant ou après le mariage, reconnu par les deux parents.
    Ces motifs nous semblent justifier la suppression de l'article 11.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 257.
    M. Christophe Caresche. Cet article propose en effet de porter d'un à deux ans la durée de vie commune permettant l'obtention d'une carte de séjour pour le conjoint ou la conjointe d'un Français. On peut s'interroger sur cette mesure. En effet, le projet de loi RESEDA, présenté par M. Chevènement, prévoyait à l'origine un délai de deux ans.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Exact !
    M. Christophe Caresche. Ensuite, après discussion, nous sommes passés à un an. Donc, encore une fois, on peut s'interroger sur cet allongement.
    Mais je voudrais parler des situations qui ont été évoquées, lors des auditions en commission, par Mme Kriegel, la présidente du Haut Conseil à l'intégration. M. Vanneste avait été sensible à cette évocation.
    Vous inscrivez l'allongement du délai à deux ans dans le cadre de la lutte contre les mariages de complaisance. Simplement on peut se demander si, dans certains cas, vous n'allez pas finalement aggraver la situation de certaines conjointes ou de certains conjoints, qui sont mariés à des Français ou à des Françaises et qui se retrouvent l'objet d'une forme de chantage, parce qu'au bout de quelques mois ces personnes se rendent compte que le mariage a été fait dans d'autres intentions. Ou alors il s'agit d'une étrangère qui est venue en France, qui a épousé un Français, et qui, une fois en France, se rend compte que ce mariage n'est pas tout à fait ce qu'elle espérait.
    Ces personnes se retrouvent parfois dans des situations qui relèvent d'une forme d'esclavagisme. Il y avait d'ailleurs un très bon article sur le sujet dans Libération. Ces situations ont été évoquées et c'est pour cela que je me permets d'en parler, mes chers collègues, par la présidente du Haut Conseil à l'intégration, en considérant que l'allongement du délai aboutissait à soumettre encore plus un certain nombre de conjointes, voire de conjoints, à une forme de chantage au titre de séjour.
    On voit donc que les choses ne sont pas aussi simples que certains le croient. En prétendant lutter contre les mariages de complaisance. On peut aussi accroître des formes d'esclavagisme liées à des mariages forcés.
    M. Dominique Tian. Il faut leur interdire de divorcer, c'est ça ?
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 313.
    M. Patrick Braouezec. Je ne serai pas très long, puisque M. Mamère et M. Caresche viennent de dire l'essentiel.
    Je voudrais simplement ajouter deux choses. Concrètement combien de mariages sont annulés chaque année pour fraude à la législation sur le séjour des étrangers ? Est-ce qu'on est en mesure de savoir combien de mariages « blancs » sont réels ?
    De la même façon que vous nous avez, monsieur le ministre, recommandé tout à l'heure de ne pas jeter la suspicion sur les 36 000 maires à cause d'une vingtaine qui seraient des extrémistes, peut-on légiférer aujourd'hui, et compliquer la vie de Français et de Françaises qui se marient avec des étrangers, sous prétexte que, peut-être, une vingtaine de mariages blancs sont effectivement des mariages blancs ?
    M. Dominique Tian. Une vingtaine ? Par jour, vous voulez dire ?
    M. Patrick Braouezec. Et puis, deuxième question, en quoi l'allongement de la durée de mariage pour obtenir une carte de résident permettrait d'éviter d'éventuels détournements de procédure ? Par quels moyens ? Comment va-t-on faire ? Est-ce que le fait d'allonger le délai d'un an va nous permettre de faire la démonstration qu'il y a des mariages blancs ? Vous n'allez quand même pas demander aussi à nos assistantes sociales d'aller vérifier si ce sont des mariages effectifs ? Je suppose que ce n'est pas prévu dans la loi. Comment va-t-on faire ?
    Tout ce que l'on fait, c'est de précariser encore des personnes qui se marient en toute honnêteté, qui veulent vivre ensemble. De fait, on va encore leur compliquer la vie.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis négatif. Le rapport Weil, qui avait été publié avant la loi RESEDA, proposait effectivement de maintenir à deux ans la durée de mariage pour obtenir une carte de résident ; le projet de loi initial aussi. D'ailleurs, Christophe Caresche le rappelait, c'est un amendement à la loi Chevènement qui a abaissé, pendant la discussion parlementaire, ce seuil à un an. Il vous est donc tout simplement proposé par cet article de revenir au dispositif qui était initialement prévu dans le rapport Weil et qui nous semble effectivement un bon point d'équilibre. Il s'agit, je le répète, de lutter contre les mariages de complaisance et de circonstance.
    Monsieur Mamère, vous nous dites qu'il y aura une incohérence, je vous rassure tout de suite. Vous verrez qu'après l'article 35, pour être cohérents, nous portons aussi à deux ans le délai pour acquérir la nationalité française.
    Monsieur Braouezec, quelles sont les statistiques, à l'heure actuelle, concernant les mariages blancs ? Ces faits ne sont pas comptabilisés par le ministère de la justice, puisqu'il s'agit de l'activité civile des parquets. En revanche, on sait qu'un certain nombre de procédures n'aboutissent pas, faute d'instruments juridiques.
    Enfin, monsieur Mamère, je vous laisse la responsabilité de vos propos quand vous nous expliquez que cette disposition fragilisera les couples. J'avoue que là, j'ai beaucoup de mal à vous suivre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. A entendre un certain nombre d'orateurs, on a l'impression que le Gouvernement a inventé ce problème. De quoi s'agit-il ? Le rapport Weil, qui avait été commandé par le gouvernement Jospin, avait été unanimement décrit comme un document intéressant, équilibré et son auteur comme étant d'une grande compétence en la matière. Ce n'est pas moi qui l'invente, c'est une réalité. Bien souvent, quand on parle d'immigration, on se réfère à M. Weil.
    M. Christophe Caresche. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Que propose M. Weil ? De porter à deux ans le délai. C'est un spécialiste et son rapport fait autorité. Je n'ai fait, en l'occurrence, que prendre une des idées dans un rapport, celui de M. Weil, commandé par le gouvernement Jospin. Que ce soit une faute, passe encore. De là à venir me dire que c'est la marque d'une inhumanité complète, il y a un pas que je demanderai à ceux qui le disent de ne pas franchir.
    Deuxièmement, le problème se posait tellement que le gouvernement de M. Jospin lui-même avait inscrit cette disposition dans son projet initial. Devant, il est vrai, les protestations d'une partie de sa majorité, il l'avait retiré. Mais si M. Jospin lui-même l'avait inscrite, c'est que le problème devait se poser.
    Enfin, si tout cela ne suffit pas pour convaincre, chacun peut comprendre qu'il est plus difficile d'organiser un semblant de vie commune pendant deux ans que pendant un an. A cet égard, je suis accablé de lettres de maires, de gauche comme de droite, qui refusent à juste titre de cautionner des mariages de complaisance. Alors, qu'est-ce que ça peut faire ? Pour les gens qui ne mentent pas, ça ne change rien. Puisque mariés ils sont, ils auront donc la carte. Pour ceux qui organisent des fraudes, eh bien ça compliquera la fraude. Nous devrions tous nous retrouver autour de ce qui a été proposé par M. Weil, qui a été initié par le gouvernement Jospin et que nous vous proposons aujourd'hui d'inscrire dans la loi. Il n'y a pas l'ombre d'une polémique en la matière. Et les considérations sur les couples n'ont aucun intérêt. Tous les gouvernements ont considéré que le problème se posait. Un rapport propose la solution. Nous ne faisons que nous inscrire dans la continuité. Seulement nous, au lieu de réfléchir et d'en parler, on vous propose de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 226, 257 et 313.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
    (L'article 11 est adopté.)

Article 12

    M. le président. « Art. 12. - Au 3° de l'article 15 de la même ordonnance, les mots : "qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins sont remplacés par les mots : "qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant et qu'il ait subvenu effectivement à ses besoins depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans à la date de demande du titre. »
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 227 et 314.
    L'amendement n° 227 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 314 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 12. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 227.
    M. Noël Mamère. A la lecture des articles 371-1 et 371-2 du code civil - que nous avons, les uns et les autres, l'occasion de lire lorsque nous célébrons des mariages -, il est établi que l'impécuniosité d'un des parents qui n'est pas en mesure de subvenir matériellement aux besoins de l'enfant n'empêche pas qu'il demeure titulaire de l'autorité parentale, contrairement à l'interprétation que M. le ministre nous a donnée il y a quelques heures. La modification apportée par le projet au 3° de l'article 15 de l'ordonnance ajoute donc une obligation qui n'est pas prévue par le code civil.
    De plus, cette réforme est incohérente. Que se passera-t-il, en effet, si le parent ne peut répondre aux deux conditions cumulatives que vous proposez ? Privé de carte de résident par cette nouvelle disposition au motif qu'on soupçonnerait une « paternité de complaisance », le parent étranger aurait pourtant droit à un titre temporaire, ce qui est pour le moins paradoxal. Car de deux choses l'une : ou bien il y a fraude avérée, et l'on ne voit pas pourquoi on maintiendrait l'étranger dans un droit temporaire au séjour, ou bien il n'y a pas fraude, et l'on ne voit pas au nom de quoi on le prive d'une carte de résident.
    M. le président. La parole est à  M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 314.
    M. Patrick Braouezec. Comme vient de le dire M. Mamère, avec cet article, c'est la conception même de la famille qui est remise en cause : pour être un bon parent, il faudrait désormais, non seulement détenir l'autorité parentale, mais en plus, subvenir effectivement aux besoins de l'enfant. Même la loi Debré, en 1997, n'avait exigé que la seconde condition. Puis la loi du 11 mai 1998 a permis aux parents d'enfants français d'obtenir la carte de résident s'ils justifiaient de l'exercice de l'autorité parentale ou s'ils subvenaient effectivement aux besoins de l'enfant.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous proposez de fragiliser encore plus les liens qui unissent un étranger et sa famille. En effet, une personne sans ressources, bien que détenant l'autorité parentale et élevant son enfant dans des conditions dignes, se trouvera très certainement défavorisée. Comment pouvez-vous prétendre qu'elle utilise sa paternité comme un simple instrument pour obtenir un titre de séjour ? C'est vraiment jeter le discrédit sur tous les couples mixtes qui essaient d'élever leurs enfants du mieux qu'ils peuvent, avec peu de moyens. Nous ne pouvons accepter cet amalgame, qui contredit de surcroît la loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale.
    L'article 371-2 du code civil prévoit quant à lui que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ». Comme vient de le dire M. Mamère, la nouvelle rédaction du 3° de l'article 15 de l'ordonnance ajoute donc une obligation qui n'est pas prévue par le code civil. Pourtant, le fait qu'un parent ne puisse subvenir effectivement aux besoins de l'enfant n'a pas pour conséquence de supprimer l'autorité parentale qu'il exerce à son égard. Que se passera-t-il si le parent ne peut répondre aux deux conditions désormais cumulatives que vous introduisez ? Actuellement, le 6° de l'article 12 bis de l'ordonnance permet la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger parent d'un enfant français qui peut justifier, de façon alternative cette fois, soit qu'il exerce l'autorité parentale sur son enfant, soit qu'il subvient effectivement à ses besoins.
    M. Thierry Mariani. Mais nous avons changé les conditions de délivrance !
    M. Patrick Braouezec. Nous en arrivons donc à une situation pour le moins paradoxale, où un parent étranger, privé de carte de résidence par la nouvelle rédaction du 3° de l'article 15 parce que soupçonné de paternité de complaisance, aurait pourtant droit à un titre temporaire.
    Enfin, le projet de loi porte à deux ans le délai imposé aux parents d'enfants français avant de pouvoir obtenir une carte de résident, dans le cas où la reconnaissance serait postérieure à la naissance de l'enfant.
    C'est pour cet ensemble de raisons que nous demandons la suppression de l'article 12.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet. D'abord, sur le fond, compte tenu des droits anciens et nouveaux que confère le fait d'être parent d'enfant français, cela peut susciter des paternités de complaisance.
    De plus, et je me tourne ici vers mon collègue Braouezec, je tiens à rappeler qu'à l'article 10, nous avons supprimé ce problème des deux conditions cumulatives.
    M. Noël Mamère. Exact !
    M. Christophe Caresche. C'est vrai.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Je pense que nous l'avons réglé en faisant référence à l'article 371-2.
    M. Patrick Braouezec. Dont acte !
    M. Thierry Mariani. Franchement, vos remarques, si elles étaient fondées, n'ont plus d'objet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 227 et 314.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 389, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 12 :
    « Le 3° de l'article 15 de la même ordonnance est supprimé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement supprime, par coordination, le 3° de l'article 15 de l'ordonnance de 1945, qui prévoit la délivrance de droit d'une carte de résident aux parents d'enfants français.
    En effet, cette disposition est désormais contradictoire avec les nouvelles règles introduites à l'article 14 de l'ordonnance par l'article 10 du projet de loi qui subordonne la délivrance de la carte de résident à deux années de résidence et à une condition d'intégration dans la société française - c'est l'objet de l'amendement n° 79 rectifié.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 389.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 12.
    L'amendement n° 258 de M. Caresche tombe.

Article 13

    M. le président. « Art. 13. - Le 5° de l'article 15 de la même ordonnance est abrogé. »
    M. Braouezec, M. Gerin, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 315, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 13. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. En supprimant le 5° de l'article 15 de l'ordonnance de 1945, l'article 13 remet en cause le regroupement familial, en cohérence avec l'article 7 du projet et, de manière générale, avec votre politique de fragilisation des familles dont un membre est issu de l'immigration.
    La règle qui veut que les membres d'une famille reçoivent le même titre de séjour que celui de la personne qu'ils sont venus rejoindre est ainsi définitivement abrogée. Les conjoints et enfants mineurs autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial ne recevront plus qu'une carte de séjour temporaire, au lieu d'une carte de résident. Nous aboutirons à des situations absurdes, où, au sein d'une même famille, certains auront une carte de résident tandis que d'autres recevront une carte de séjour temporaire. Comment voulez-vous assurer l'intégration de ces personnes et la stabilité de ces familles, alors que les statuts seront différents ?
    Cela sera d'autant plus compliqué que l'accès à la carte de résident est retardé puisqu'il faudra désormais justifier d'une résidence non interrompue de cinq ans en France.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, cela a été modifié !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Après la modification de l'article 10, ce sera deux ans !
    M. Patrick Braouezec. Exact ! Néanmoins, les autres arguments restent valables.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avec l'adoption de l'amendement n° 79, à l'article 10, le délai a été réduit à deux ans, pour tenir compte des difficultés que vous soulignez.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 80, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 13 par le paragraphe suivant :
    « II. - En conséquence, dans l'avant-dernier alinéa du même article, la référence : "5° est supprimée. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
    M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 80.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 80.
    (L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

    M. le président. « Art. 14. - Le 13° de l'article 15 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :
    « 13° A l'étranger qui ne remplit par les conditions prévues aux alinéas précédents, titulaire depuis cinq années d'une carte de séjour temporaire délivrée en application de l'article 12 bis ou de l'article 12 ter, sous réserve de l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française. »
    Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 228, 259 et 316.
    L'amendement n° 228 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 259 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 316 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 14. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 228.
    M. Noël Mamère. L'article 14 a pour objet de retarder l'accès à la carte de résident, en officialisant l'interprétation restrictive donnée par la circulaire du 19 décembre 2002 : la circulaire du ministre de l'intérieur indique en effet que, pour accéder à la carte de résident, l'étranger doit avoir séjourné en France pendant cinq ans sous couvert d'une carte « Vie privée et familiale », alors que la loi Chevènement n'imposait pas que, pendant ces cinq années, l'intéressé ait été en possession d'une carte « Vie privée et familiale », mais seulement qu'il en soit titulaire au moment où il fait sa demande de carte de résident. La rédaction proposée subordonne donc explicitement l'obtention de la carte de résident à la condition d'avoir été pendant cinq ans titulaire d'une carte « Vie privée et familiale ».
    Par ailleurs, la délivrance d'une carte de résident sera subordonnée à ce que vous appelez « l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française ».
    M. Pierre Cardo. Ça paraît logique.
    M. Noël Mamère. On est en droit de s'interroger sur la façon dont pourrait être appréciée cette condition d'intégration, sur la base de quels critères, et par qui.
    Enfin, nous remarquons que les conditions supplémentaires de délai et d'intégration mettent pratiquement sur le même plan l'accès à une carte de résident et l'acquisition de la nationalité française par naturalisation, voir les articles 21-15 et suivants du code civil.
    Pour toutes ces raisons, nous pensons que la suppression de l'article 14 se justifie pleinement.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 259.
    M. Christophe Caresche. Non seulement vous allongez le nombre d'années nécessaires pour obtenir la carte de résident, mais vous ajoutez des conditions. Sur le premier point, vous nous avez expliqué que vous y étiez tenu par des dispositions européennes, pour des raisons d'harmonisation. Mais, que je sache, l'harmonisation européenne ne vous impose nullement d'ajouter une condition d'intégration. Le projet de loi stipule que cette carte de résident pourra être délivrée « sous réserve de l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française ». De quoi s'agit-il ?
    M. Serge Blisko. On se pose la question !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. On l'a déjà dit !
    M. Christophe Caresche. Depuis le début de ce débat, on essaie d'obtenir des précisions.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je les ai moi-même données à M. Braouezec !
    M. Christophe Caresche. Non, vous ne les avez pas données !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est dans l'amendement Jego !
    M. Christophe Caresche. Quelles sont les conditions d'intégration ? J'ai noté d'ailleurs que nos collègues du groupe UDF avaient également posé cette question. Ils auraient souhaité que la question du pacte d'intégration soit notamment discutée dans le cadre de ce texte. Vous prévoyez des conditions d'intégration sans les définir et en nous renvoyant à un autre texte qui sera présenté ultérieurement par M. Fillon.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. Christophe Caresche. Convenez que nous puissions nous interroger. Et les problèmes que nous soulevons en tant que députés, nous nous demandons si les fonctionnaires qui vont avoir à appliquer ces textes ne se les poseront pas eux aussi ? Bref, quelles instructions donnera le ministre à ses fonctionnaires pour qu'ils puissent juger de l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française ?
    M. le président. La parole est à  M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 316.
    M. Patrick Braouezec. Cette notion d'intégration satisfaisante nous laisse, nous aussi, perplexes. Qui va en juger, et selon quels critères ? M. Clément m'en a bien donné une liste tout à l'heure, mais celle-ci ne figure pas dans le texte de loi. Elle ne relève pour l'instant que d'une lecture personnelle de M. le président de la commission.
    M. Christophe Caresche. Tout à fait !
    M. Patrick Braouezec. Quelles personnes d'ailleurs seront habilitées à juger que l'intégration sera ou non satisfaisante ? M. Caresche parle de fonctionnaires, mais est-ce bien d'eux qu'il s'agit ? Et, je le répète, en fonction de quels critères objectifs se détermineront-ils ? J'aimerais que l'on nous apporte les explications et les éléments indispensables pour pouvoir légiférer en connaissance de cause.
    M. Claude Goasguen. Cela s'appelle de la casuistique !
    M. le président. La parole est à  M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je trouve invraisemblable que l'on nous pose cette question.
    M. Claude Goasguen. Tout de même !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Une telle procédure existe depuis cinquante ans pour l'acquisition de la nationalité française. Cela fait cinquante ans qu'on utilise des critères d'intégration.
    M. Claude Goasguen. Objectifs !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils fonctionnent parfaitement.
    Quelle est la différence entre les critères d'acquisition de la nationalité française et ceux qui permettent l'obtention de la carte de résident ? Le même raisonnement s'applique dans les deux cas. Sans doute sont-ils plus stricts dans le cas de la nationalité. Mais j'observe, monsieur Braouezec, qu'à aucun moment du débat vous ne vous posez la question de savoir comment on fait pour devenir français !
    M. Christophe Caresche. C'est très compliqué !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quand vous voulez devenir français, il y a des gens qui, après avoir étudié les conditions de votre intégration, formulent un avis. Ce n'est pas compliqué du tout.
    M. Christophe Caresche. Si, c'est très compliqué de devenir français.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela fonctionne ainsi depuis cinquante ans.
    Alors je pose la question : pourquoi ce qui est possible pour l'acquisition de la nationalité française ne le serait pas lorsqu'il s'agit de délivrer une carte de résident ?
    M. Christophe Caresche. C'est un mauvais exemple !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je pourrais donner bien d'autres exemples.
    M. Christophe Caresche. Ça ne marche pas ! C'est trop difficile !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. S'il s'agit d'améliorer le système, c'est différent. Je me suis permis d'intervenir, parce que M. Braouezec parlait d'une situation invraisemblable et prétendait que l'on ne savait pas définir la qualité d'une intégration. Je lui ai prouvé qu'on savait le faire depuis cinquante ans. Si maintenant vous me dites que ça ne marche pas assez bien, j'ai aussi une réponse à vous opposer. Voulez-vous que je vous la serve ?
    Mme Marylise Lebranchu et M. André Vallini. Oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Bon. Cela relève d'un autre terrain, mais si vous me le demandez, je m'y placerai bien volontiers.
    M. Christophe Caresche. Il vous suffit de changer de logiciel ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oh, ce n'est pas trop difficile.
    Conscient qu'il est possible de juger d'une intégration réussie - M. Braouezec est donc servi -, le Gouvernement a décidé d'améliorer le système en créant un contrat d'intégration.
    M. Claude Goasguen. Voilà !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La personne qui le suivra bénéficiera d'une carte de résident. Il y a donc une logique dans l'action du Gouvernement.
    J'en profite pour répondre à un député du groupe UDF, qui aurait souhaité que l'on puisse discuter de tout, c'est-à-dire non seulement de l'immigration, mais aussi de l'intégration. L'organisation administrative française est ainsi faite que les problèmes d'immigration sont répartis entre trois ministères : les affaires sociales pour l'intégration, les affaires étrangères pour les visas et le ministère de l'intérieur pour le reste.
    Allons plus loin, qu'est-ce que le contrat d'intégration ? Ce n'est pas moi qui aurai à le porter, mais cela aurait pu : on peut y mettre, comme l'a dit le président de la commission, la condition d'apprentissage de la langue, la participation à la vie associative et le respect des règles de bonnes moeurs, comme on le fait pour l'acquisition de la nationalité.
    M. Patrick Braouezec. On peut...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Différents critères existent, qui seront formalisés dans le contrat d'intégration.
    On peut être en désaccord avec notre politique, qui consiste à poser comme condition pour rester longtemps sur notre territoire d'être intégré. Je peux le comprendre. Mais je ne peux pas accepter que l'on me dise que c'est impossible, parce qu'on le fait déjà pour la nationalité française. Je crois avoir répondu ainsi aux différentes questions qui ont été posées.
    M. Claude Goasguen. Très bien.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Monsieur Braouezec, les critères d'intégration, je les sors tout simplement de l'exposé des motifs du projet de loi. Les critères ne sont pas sortis de l'imagination de l'un d'entre nous, ils appartiennent, au même titre que les travaux préparatoires, à l'inspiration qui préside à la loi et qui éclairera le juge.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a émis un avis négatif sur les amendements n°s 228, 259 et 316. J'ajoute que nous avons adopté à l'article 3 un amendement à l'initiative de notre collègue Jego qui précise que les critères seront appréciés par rapport à la connaissance de la langue française et à la connaissance des principes qui régissent la République, et l'Assemblée a également adopté un amendement de notre collègue Vanneste concernant le comportement à l'égard de l'ordre public. Les choses sont donc claires.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Je ferai trois remarques.
    Monsieur le ministre, vous m'avez dit que vous m'aviez servi. Je ne vous le demandais pas.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'était avec plaisir.
    M. Patrick Braouezec. Je n'en doute pas.
    La deuxième remarque nécessiterait un débat : les critères pour obtenir la nationalité française et ceux pour obtenir une carte de résident sont-ils les mêmes ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils sont renforcés dans le premier cas.
    M. Patrick Braouezec. Je pense que ce ne doit pas être les mêmes. On n'exige pas d'une personne qui désire acquérir la nationalité française la même chose que de celle qui désire obtenir une carte de résident tout en gardant sa nationalité et qui souhaitera peut être à un moment de sa vie repartir dans son pays d'origine pour y finir sa vie, par exemple.
    Ma troisième remarque s'adresse à M. le président de la commission. Vous nous dites que les critères sont détaillés dans l'exposé des motifs du projet de loi et que le juge s'en servira comme référence en cas de contentieux. Mais sur quel fondement le fonctionnaire ou la personne habilitée refusera-t-il la carte parce qu'il aura jugé que l'intégration n'est pas suffisante ? Et quel recours est-il prévu pour la personne qui se verra refuser la carte de résidence avec l'argument que son intégration n'est pas satisfaisante ? Les motifs que vous évoquez ne peuvent pas être pris en considération. On est donc confronté, que vous le vouliez ou non, à un arbitraire.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 228, 259 et 316.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 81, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 14 :
    « Le 13° de l'article 15 de la même ordonnance est supprimé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de coordination avec une disposition que nous avons insérée à l'article 10 avec l'adoption de l'amendement n° 389.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 14.

Après l'article 14

    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 390, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « L'article 20 de la même ordonnance est rétabli dans le texte suivant :
    « Art. 20 - La méconnaissance des dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail est punie de 3 750 euros d'amende.
    « Les étrangers coupables de cette infraction encourent également la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans au plus, dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement rend passible d'une amende de 3 750 euros et d'une interdiction du territoire français de trois ans les étrangers qui exercent une activité professionnelle sans autorisation en France. Cette proposition permettra de renforcer la lutte contre le travail dissimulé alimenté par l'immigration clandestine qui constitue un véritable fléau. Il convient d'agir tant du côté des employés que du côté des employeurs.
    Je tiens d'ailleurs à préciser dès à présent que je proposerai plusieurs dispositions importantes modifiant l'ordonnance de 1945 après l'article 19 du projet de loi, et le code du travail après l'article 34 dudit projet. Elles viendront compléter les changements déjà introduits.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 390.
    (L'amendement est adopté.)

Article 15

    M. le président. « Art. 15. - L'article 20 bis de la même ordonnance est modifié comme suit :
    « I. - Au premier alinéa du I les mots : "1 500 euros sont remplacés par les mots : "5 000 euros.
    « II. - Au premier alinéa du III, les mots : "1 500 euros sont remplacés par les mots : "5 000 euros.
    « III. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Est punie de la même amende, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et démuni de document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. »
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 163 et 82, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 163, présenté par M. Estrosi est ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 15, insérer les deux paragraphes suivants :
    « I bis. - Après le troisième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'excède pas 3 000 euros par passager lorsque l'entreprise a mis en place et utilise, sur le lieu d'embarquement des passagers, un dispositif agréé de numérisation et de transmission aux autorités françaises chargées du contrôle aux frontières des documents de voyage et des visas. »
    « I ter. - Dans le 2° du II, les mots : "les documents requis sont remplacés par les mots : "des documents non falsifiés. »
    L'amendement n° 82, présenté par M. Mariani, rapporteur, et M. Estrosi, est ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 15, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - Après le troisième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'excède pas 3 000 euros par passager lorsque l'entreprise a mis en place et utilise, sur le lieu d'embarquement des passagers, un dispositif agréé de numérisation et de transmission, aux autorités françaises chargées du contrôle aux frontières, des documents de voyage et des visas. »
    Sur cet amendement, M. Estrosi a présenté un sous-amendement, n° 458, ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 82 par l'alinéa suivant :
    « I ter. - Dans le 2° du II, les mots : "les documents requis sont remplacés par les mots : "des documents non falsifiés. »
    La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir l'amendement n° 163.
    M. Christian Estrosi. Cet amendement a pour objet d'inciter les compagnies aériennes et maritimes à mettre en place, sur les lieux d'embarquement, des scanners permettant de numériser les documents de voyage et les visas des passagers et de transmettre ces données aux autorités françaises avant l'arrivée. Le risque d'avoir des passagers qui profitent du voyage pour détruire ces documents afin d'échapper aux mesures de reconduite à la frontière serait ainsi réduit.
    Les compagnies aériennes ou maritimes qui auraient mis en place ce dispositif de numérisation ne seraient passibles que d'une amende ne pouvant excéder 3 000 euros par passager clandestin transporté - au lieu de 5 000 euros pour les autres compagnies.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 82 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 163.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement n° 163 de Christian Estrosi est plus complet que l'amendement n° 82 antérieurement adopté par la commission. Outre l'incitation pour les compagnies aériennes ou maritimes de s'équiper d'un dispositif permettant de numériser et transmettre aux autorités françaises les documents de voyage présentés par les passagers, il précise que les transporteurs, pour être exonérés de leur responsabilité, doivent prouver que leur ont été présentés des documents de voyage non falsifiés. Sans cette précision, le contrôle était jusqu'à présent souvent inopérant. En conséquence, je souhaite l'adoption de l'amendement n° 163 et, je retire au nom de la commission, l'amendement n° 82.
    M. le président. L'amendement n° 82 est retiré et le sous-amendement n° 458 n'a plus d'objet.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 163 ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à  M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. J'entends parler d'harmonisation européenne, mais comment allez-vous exiger le respect de cette obligation par toutes les compagnies aériennes ou maritimes qui transportent des passagers dans l'espace Schengen ? Que ferez-vous pour la personne qui, au lieu d'atterrir à Roissy, a utilisé un autre vol d'une autre compagnie, et qui a détruit ses papiers entre le moment où il a embarqué et le moment où il arrive en France, après être passé par Bruxelles par exemple ? Vous voyez que ce n'est pas applicable...
    On ne peut pas parler d'harmonisation européenne sans donner quelques indications sur ce point. Je trouve que notre projet ressemble à un voeu pieux. Vous allez imposer de lourdes charges, avec une amende dissuasive, ce qui fait que les compagnies aériennes dont les avions atterrissent à Roissy vous suivront peut-être, mais cela ne résout en rien le problème de la personne qui va arriver dans un pays voisin, et prendra simplement le train, puisque vous n'imposez pas cette exigence, par exemple, à la SNCF.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 83, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du III de l'article 15, après le mot : "démuni, substituer au mot : "de le mot : "du. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement rédactionnel, monsieur le président.
    M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 83.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16

    M. le président. « Art. 16. - L'article 21 de la même ordonnance est modifié comme suit :
    « I. - Au premier alinéa du I, sont supprimés les mots : "alors qu'elle se trouvait en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national.
    « II. - Dans le même alinéa, sont supprimés les mots : "ou dans l'espace international précité.
    « III. - Dans le troisième alinéa, sont supprimés les mots : "alors qu'il se trouvait en France ou dans l'espace international mentionné au premier alinéa.
    « IV. - La dernière phrase du troisième alinéa du I est supprimée.
    « V. - Au I, le quatrième alinéa est supprimé et remplacé par les dispositions suivantes :
    « Sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un Etat partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies, contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme, le 12 décembre 2000. »
    « VI. - Au I, il est inséré un cinquième alinéa ainsi rédigé :
    « Pour l'application des deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent paragraphe, la situation irrégulière de l'étranger est appréciée au regard de la législation de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé. En outre, les poursuites ne pourront être exercées à son encontre que sur une dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé. »
    « VII. - Le I est remplacé par les dispositions suivantes :
    « II. - Les personnes physiques coupables de l'un des délits prévus au I du présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
    « 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;
    « 2° La suuspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;
    « 3° Le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation administrative d'exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier, ou un service de navettes de transports internationaux ;
    « 4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l'exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice ;
    « 5° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l'article 131-27 du code pénal.
    « Toute violation de cette interdiction sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros ;
    « 6° L'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus dans les conditions et sous les réserves prévues par les dispositions des articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. L'interdiction du territoire français entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement. »
    « VIII. - Au III, les mots : "sans préjudice de l'article 19 sont remplacés par les mots : "sans préjudice des articles 19 et 21 quater. »
    M. Braouezec, M. Gerin, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 318 deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Avant le I de l'article 16, insérer le paragraphe suivant :
    « I A. - Dans le premier alinéa du I, après les mots : "tenté de faciliter, sont insérés les mots : "dans un but lucratif. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet amendement vise à éviter que des poursuites judiciaires ne soient engagées à l'encontre d'associations ou de personnes privées apportant une aide aux étrangers en situation irrégulière, qui se retrouvent parfois dans la plus grande détresse. S'il est évident que les passeurs, les marchands d'hommes et les négriers doivent être sévèrement punis, les associations ne tirent absolument aucun bénéfice du séjour irrégulier des étrangers qu'elles aident, bien au contraire. Vous devriez être d'autant plus sensibles à notre amendement que l'article 16 s'inscrit dans le cadre de la transposition de la directive du 28 novembre 2002, définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irrégulier, laquelle d'une part, exige que l'infraction soit commise dans un but lucratif, et d'autre part laisse aux Etats la possibilité de ne pas sanctionner l'infraction lorsqu'elle a pour but d'apporter une aide humanitaire à la personne concernée. D'ailleurs, jeudi dernier, en présentant votre projet de loi, vous nous avez déclaré avoir fait ce choix.
    Mais si elles ne sont pas sanctionnées explicitement, les personnes physiques ou les associations qui auront apporté leur aide à des personnes en situation irrégulière, risquent toutefois, de l'être de fait, puisque l'article 21 de l'ordonnance de 1945, tel qu'il est modifié par le projet de loi, prévoit que « sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger ». Notre amendement a pour objet de clarifier une situation bien particulière et non pas d'exonérer les trafiquants de clandestins et autres passeurs, monsieur le ministre. C'est pourquoi je pense que l'Assemblée ferait preuve de sagesse en l'adoptant.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Introduire la condition de but lucratif comme élément constitutif de l'infraction rendrait, mes chers collègues, l'article totalement inapplicable, en raison des difficultés qu'il y aurait à en apporter la preuve.
    M. Claude Goasguen. Ce serait anticonstitutionnel !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. De plus, cela empêcherait d'atteindre les réseaux terroristes qui le plus souvent n'ont pas de but lucratif. La commission a cependant accepté un amendement qui vous donnera satisfaction en évitant toutefois les inconvénients que je viens d'évoquer.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, j'y vais moi aussi de ma petite citation. Le rapporteur de la loi RESEDA, M. Gérard Gouzes, en personne, déclarait : « La démonstration du caractère lucratif ou non est souvent malaisée, voire impossible, et pourrait conduire à admettre l'exonération au profit de mouvements ou d'associations qui, sous des dehors désintéressés, commettraient de réelles infractions ». C'est beau comme un député socialiste. Mais on ne va tout de même pas donner satisfaction à un député communiste en allant à l'encontre de la recommandation d'un député socialiste ! (Sourires.)
    M. Christophe Caresche. Il était très bien, M. Gouzes, mais il n'a pas été réélu !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Franchement, monsieur Braouezec, je reconnais qu'après avoir soutenu loyalement et pendant cinq ans le gouvernement précédent, il vous est difficile de contester ce que je viens de dire !
    M. Patrick Braouezec. Je ne le conteste pas ! Mais vous allez vous rendre malade à force de citer des socialistes !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 318, deuxième rectification.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 356, ainsi rédigé :
    « Substituer aux six premiers paragraphes de l'article 16 le paragraphe suivant :
    « I. - Le I est supprimé. »
    Cet amendement est défendu, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Non, je vais le défendre.
    La politique de responsabilisation des transporteurs initiée par la convention de Schengen a amplement prouvé sa nocivité depuis son introduction dans la législation en 1992. Pour limiter les risques d'amende, les compagnies peuvent être amenées à refuser d'embarquer des demandeurs d'asile dépourvus des documents nécessaires,...
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n'est pas le sujet !
    M. Noël Mamère. Je suis désolé. C'est bien l'amendement n° 356 à l'article 16 ?
    M. le président. Oui.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous parlez des transporteurs alors qu'il s'agit des passeurs !
    M. Noël Mamère. L'exposé sommaire est mal rédigé et je vais me dispenser de défendre l'amendement.
    M. le président. Vous voyez, monsieur Mamère, vous auriez dû m'écouter !
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Négatif !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 356.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 84, ainsi rédigé :
    « Dans le III de l'article 16, après les mots : "troisième alinéa, insérer les mots : "du I. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rédactionnel !
    M. le président. Avis favorable du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 84.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 358, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le V de l'article 16 :
    « V. - Le quatrième alinéa du I est supprimé. »
    Cet amendement est défendu, monsieur Mamère ?...
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Repoussé !
    M. Noël Mamère. Monsieur le président !
    M. le président. Trop tard, la commission s'est déjà exprimée.
    M. Noël Mamère. Vous pourriez faire plus vite, si vous vouliez ! (Rires.)
    M. le président. Pour votre amendement précédent, je vous ai donné tout le temps et on en est revenu...
    Avis défavorable du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 358.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 346 de M. Vercamer n'est pas défendu.
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 85, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du VI de l'article 16 :
    « Avant le dernier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rédactionnel !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 86, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du dernier alinéa du VI de l'article 16, substituer aux mots : " à son encontre , les mots : "à l'encontre de l'auteur de l'infraction . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Précision !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 357, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le VII de l'article 16 :
    « VII. - Le II est supprimé. »
    La parole est à M. Noël Mamère qui est déjà en piste.
    M. Noël Mamère. Prêt à le défendre ! (Sourires.)
    Le projet de loi étend la répression de l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers lorsqu'elle s'effectue sur le territoire d'un Etat partie à la convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée. L'aggravation des peines de prison prévues dans le projet s'inscrit dans une tendance générale préoccupante du système pénal français depuis quelques années.
    De plus, il ne faut pas perdre de vue le risque d'un abus d'interprétation de la notion de « bande organisée », dont la Commission nationale consultative des droits de l'homme a déjà critiqué la dangerosité, dans la mesure où elle permet d'appliquer le même traitement à une famille ou à un réseau.
    C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ce paragraphe.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement supprime les peines complémentaires prévues pour les personnes physiques, dont le principe est inscrit dans le code pénal. Elles se justifient pleinement pour ce type d'infraction. En outre, seules les peines de suspension du permis de conduire et d'interdiction de séjour sont actualisées.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Franchement, là aussi, je ne comprends pas. Le responsable du naufrage de l'East Sea, ce M. Berki, cet horrible personnage, en était, monsieur Mamère, à son septième bateau de clandestins. Que prévoient les peines complémentaires ? En l'occurrence, de saisir son bateau. Et vous ne le voudriez pas ?
    M. Dominique Tian. M. Mamère défend les armateurs, maintenant ? (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne peux pas le croire ! Bien sûr que non ! Franchement, qui peut être contre ? Il faut donc des peines complémentaires.
    Je précise d'ailleurs que la convention de Palerme a besoin d'être ratifiée par quarante Etats pour être applicable, nous en sommes à trente-huit. Et je vous rappelle que vous avez voté à l'unanimité en faveur de sa ratification et que je ne fais que transposer. Il faut un minimum de cohérence.
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Mamère.
    M. Noël Mamère. La convention de Palerme, puisque M. le ministre vient d'en parler, a été signée par quatre-vingt-dix-sept pays, mais elle n'entrera en vigueur que lorsque quarante Etats l'auront ratifiée. Or jusqu'à maintenant, quatre seulement l'ont fait.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, trente-huit.
    M. Noël Mamère. Les éléments que j'ai en ma possession...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce ne sont pas les mêmes que les miens !
    M. Noël Mamère. ... m'indiquent que seuls quatre Etats l'ont ratifiée. Mais nous n'avons peut-être pas les mêmes sources !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je suis prêt à confronter nos chiffres. Je vous donne cette information parce qu'elle est utile : trente-huit Etats ont ratifié cette convention. Mais n'y en eût-il qu'un seul, à partir du moment où vous avez vous-même, sous un autre gouvernement, voté la ratification à l'unanimité, il me semble assez logique de transposer la convention dans notre droit interne.
    M. Lionnel Luca. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si vous n'étiez pas d'accord, il ne fallait pas la ratifier puisque c'est à cause de votre vote que nous la transposons en droit interne.
    M. Lionnel Luca. C'est tellement évident ! M. Mamère n'est pas cohérent !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'application de la convention de Palerme de décembre 2000. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Lisez nos amendements au lieu de pousser des cris d'orfraie à pareille heure avant d'avoir lu ! Mon objection ne porte pas sur la convention de Palerme, mais sur la notion de bande organisée et le flou qui l'entoure, comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme l'a exprimé dans un avis. Ce n'est pas la même chose ! Que l'on se contente donc d'appliquer strictement la convention de Palerme et les voyous dont a parlé M. le ministre seront sanctionnés de la même manière. Mais fixons le droit !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 260, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 1° du VII de l'article 16. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Repoussé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 391, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du VII de l'article 16, substituer aux mots : "et sous les réserves prévues par les dispositions des les mots : "prévues par les. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
    M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 391.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Goasguen a présenté un amendement, n° 472, ainsi rédigé :
    « Compléter le VIII de l'article 16 par l'alinéa suivant :
    « Le 2° du III est complété par les mots : " sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou lorsque la communauté de vie a cessé . »
    La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis personnellement favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 472.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Goasguen a présenté un amendement, n° 473, ainsi rédigé :
    « Compléter le VIII de l'article 16 par l'alinéa suivant :
    « Le l° du III est complété par les mots : " sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile ou ont été autorisés à résider séparément . »
    La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 473.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Goasguen a présenté un amendement, n° 385, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 16 par le paragraphe suivant :
    « IX. - A la fin de 1° du III, les mots "ou de leur conjoint sont supprimés. »
    La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Repoussé.
    M. le président. Repoussé également par le Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 385.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 261 rectifié, ainsi libellé :
    « Compléter l'article 16 par le paragraphe suivant :
    « IX. - Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « 3° De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »
    Sur cet amendement, je suis saisi de deux sous-amendements, n°s 471 rectifié et 470.
    Le sous-amendement n° 471 rectifié, présenté par M. Vanneste, est ainsi rédigé :
    « A l'amendement n° 261 rectifié, après les mots : "à la sauvegarde, insérer les mots : "de la vie ou de l'intégrité physique. »
    Le sous-amendement n° 470, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 261 rectifié par les mots : "ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »
    La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 261 rectifié.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à revenir sur le problème dit de la clause humanitaire, qui a, vous l'avez constaté en lisant la presse, ému à juste titre des personnalités et des associations.
    Ce n'est pas un problème simple. Certes, dans le cadre de la loi RESEDA, on avait essayé de le régler en renvoyant à un décret l'établissement d'une liste d'associations qui ne seraient pas inquiétées par d'éventuelles poursuites. Il se trouve que le Conseil constitutionnel a cassé cette disposition. Il faut essayer de rechercher une solution, ce qui est, je crois, l'objectif de tous. Vous voyez que je ne fais de procès d'intention à personne à ce sujet ! Nous vous proposons donc une rédaction...
    M. Claude Goasguen. Laissez les tribunaux apprécier !
    M. Christophe Caresche. Non, non, justement ! Je sais bien que vous y seriez favorable. Mais on aurait tort de laisser une ambiguïté dans le texte.
    Nous vous proposons une rédaction qui permette que cette clause humanitaire puisse s'appliquer dans les faits.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 261 rectifié ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable, puisqu'il apparaît nécessaire d'exclure des poursuites pénales les personnes physiques ou morales qui commettent l'infraction au motif de l'état de nécessité.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis favorable, pour supprimer toute ambiguïté sur ce point et éviter, à l'avenir, les mauvais procès.
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour défendre le sous-amendement n° 471.
    M. Christian Vanneste. C'est un problème passionnant que celui du rapport entre la loi positive et la loi morale supérieure. M. Blisko faisait ce matin allusion à Antigone. Je pense que nous sommes au coeur du sujet, à ceci près que nous sommes en démocratie. Or si, dans une dictature, il est possible de distinguer la loi positive et la loi supérieure, il n'y a pas, dans une démocratie, de loi supérieure à la loi. C'est la raison pour laquelle le mieux, c'est encore de faire figurer la loi morale dans la loi positive.
    C'est ce que je propose en donnant plus de force encore à l'amendement, dont je partage tout à fait la philosophie. Je souhaite en effet préciser, puisque se pose ici le problème de la hiérarchie des valeurs, où doit aller l'attention de celui qui va protéger une personne en situation irrégulière, mais qui a absolument besoin de sa protection. C'est pourquoi je suggère d'insérer, après les mots « à la sauvegarde », les mots « de la vie ou de l'intégrité physique » de cette personne, ce qui permet de bien cadrer les choses.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable !
    M. le président. La parole est à  M. Noël Mamère pour soutenir le sous-amendement n° 470.
    M. Noël Mamère. A nos yeux, il faut tout faire pour éviter de mélanger la solidarité qu'apportent des individus ou des associations aux étrangers en état de nécessité et les filières mafieuses. Notre sous-amendement répond mieux aux préoccupations des associations et des personnalités qui se sont exprimées contre le « délit de solidarité ». Nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement et le rapporteur d'avoir accepté l'amendement proposé par mes collègues Caresche et Blisko. Cela met fin à une polémique vaine qui n'avait pas sa place dans notre pays.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cette précision nécessaire permet effectivement d'exclure les filières d'immigration clandestine du bénéfice de cette protection. Donc, avis favorable sur le sous-amendement n° 470.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis d'autant plus favorable que tous les groupes auront précisé les choses. Il n'y a plus de polémique.
    Je ne suis pas têtu, mais je tiens à la disposition de ceux qui le désirent la liste des trente-huit Etats qui ont d'ores et déjà ratifié la convention de Palerme.
    M. Christophe Caresche. Très bien !
    M. le président. M. Mamère sera intéressé !
    Je mets aux voix le sous-amendement n° 471 rectifié.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 470.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261 rectifié, modifié par les sous-amendements adoptés.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 8 juillet 2003, de M. le président de la commission d'examen des pratiques commerciales, en application de l'article L. 440-1 du code de commerce, le rapport annuel d'activité de cette commission.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 823, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France :
    M. Thierry Mariani, rapporteur, au nom de la commisssion des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 949) ;
    Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 609, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes :
    M. Gérard Cherpion, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 827).
    A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 9 juillet 2003 à une heure dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmission

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant :

Communication du 8 juillet 2003

    N° E 2330. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de porc (version codifiée) (COM [2003] 297 final).