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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 11 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 10 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Dépôt du rapport d'une commission d'enquête «...».
2.  Ville et rénovation urbaine. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Eric Raoult,
Alain Vidalies,
Rodolphe Thomas,
Mme
Janine Jambu,
M.
Pierre Cardo,
Mme
Odile Saugues.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

Suspension et reprise de la séance «...»

M.
Jean-Christophe Lagarde,
Mme
Annick Lepetit,
M.
Yves Jego,
Mme
Arlette Grosskost,
MM.
Jean-Pierre Blazy,
Gérard Hamel,
Georges Mothron,
Damien Meslot,
Mme
Brigitte Barèges,
MM.
Jean-Pierre Nicolas,
Jean-Louis Dumont,
Paul-Henri Cugnenc.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Ayrault : Mme Nathalie Gautier, MM. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques ; Jean-Yves Le Bouillonnec. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Dépôt d'un rapport «...».
4.  Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution «...».
5.  Dépôt de rapports d'information «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 10 juillet 2003, de M. Edouard Landrain, président de la commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité, le rapport fait au nom de cette commission par M. Christophe Priou.
    Ce rapport sera imprimé sous le numéro 1018 et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.
    La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt du rapport au Journal officiel, soit avant le jeudi 17 juillet 2003.

2

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n°s 950, 1003).

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Eric Raoult.
    M. Eric Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, mes chers collègues, nous voilà au début de la discussion générale. Le débat va enfin s'ouvrir.
    Après les motions de procédure, qui étaient quelque peu « commises d'office », nous allons aborder le fond du texte.
    En parlant de cette journée du 10 juillet, les observateurs diront certainement que vous aurez permis l'avènement d'une nouvelle génération de politique pour la ville et ils en retiendront deux termes : pragmatisme et efficacité. Ces deux substantifs pourront être utilisés à l'unisson pour désigner un objectif que nous avons en commun, mes chers collègues de l'opposition, car ils résument le mieux le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
    Ce dossier de la ville, de la rénovation urbaine, du défi urbain est - tous ceux qui l'ont dit cet après-midi ont eu raison de le dire - particulièrement important.
    N'était-ce pas François Mitterrand qui, voilà plus de trente ans, déclarait que, pour « changer la vie » il fallait « changer la ville » ? Il avait raison.
    Mme Annick Lepetit. N'est-ce pas ?
    M. Eric Raoult. Trente ans plus tard, la situation n'est peut-être pas tout à fait conforme à celle qu'il espérait en 1973.
    Le plan de rénovation urbaine que vous nous présentez, monsieur le ministre, a trois visages : la continuité, la relance et la responsabilité. Nous souhaitons tous, et disant cela, je m'adresse tout particulièrement à mes collègues de l'opposition, que ce plan soit le plus consensuel possible.
    Il s'agit d'abord d'un plan de continuité, fondé sur trois volets : d'abord, la continuité dans une politique de la ville territorialisée ; ensuite, la continuité et, surtout, le respect des engagements du Président de la République ; enfin, la continuité avec les grands principes qui ont inspiré la politique de la ville depuis une quinzaine d'années.
    Continuité dans une politique de la ville basée sur des territoires, d'abord.
    De 1995 à 1997, avec Jean-Claude Gaudin, sous l'impulsion du Premier ministre Alain Juppé et du Président de la République, nous nous sommes attelés à redonner vie à de nombreux quartiers défavorisés. Nous avions alors fait le pari de la territorialisation des politiques, en cherchant à « mettre le paquet » - pour reprendre l'expression que vous avez utilisée à plusieurs reprises, monsieur le ministre, dans des articles ou des déclarations - en consacrant des moyens massifs à des quartiers identifiés comme prioritaires. Il s'agit là du volet des zones urbaines sensibles. Je rappelle au passage à nos collègues de l'opposition que nous n'avons pas inventé cette territorialisation : elle avait été mise en place par Michel Delebarre, avec sa loi d'orientation sur la ville.
    Les zones urbaines sensibles représentent une priorité, qui est - le projet de loi a le mérite de le rappeler - un objectif national d'équité sociale et territoriale. Les « ZUS », comme on les appelle, auront désormais, pour la première fois, un objectif de programmation et devront mettre en oeuvre, sur une période de cinq ans des programmes d'action comportant des volets économique, social, éducatif et culturel.
    Souvenons-nous qu'il y a un an la Cour des comptes a critiqué, parfois vertement, l'action de l'Etat dans le domaine de la politique de la ville, plus particulièrement pour la période de 1997 à 2001. Elle observait ainsi qu'il conviendrait dès que possible de mener à bien l'effort entrepris pour connaître de façon plus précise et plus cohérente les caractéristiques des quartiers concernés.
    En somme, la Cour des comptes nous indique simplement que nous souffrons d'une méconnaissance précise des ZUS, du fait d'un manque d'évaluation et, surtout, de contrôle sur les politiques qui y sont menées.
    Sans citer également le Conseil national des villes, je rappellerai que ces remarques nous avaient été faites depuis plusieurs années, notamment depuis 1996 et 1997, sans qu'il y ait jamais été apporté une quelconque modification.
    Votre projet de loi reprend la logique de l'évaluation, hélas encore si peu efficiente dans notre culture politique et administrative, notamment dans le domaine urbain. Vous comblez donc cette lacune en prévoyant qu'une évaluation annuelle des programmes d'action sera désormais entreprise sous l'autorité d'un nouvel instrument : l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.
    Evaluer, contrôler, faire le bilan de ce qui marche tout en améliorant : tel est l'esprit de ce texte. C'est également celui qui vous a conduit à proroger et étendre le dispositif des zones franches urbaines.
    Le pacte de relance pour la ville que nous avions proposé avec Jean-Claude Gaudin, aux côtés d'Alain Juppé, à Marseille, en 1996, permettait non seulement de garantir la sécurité et la tranquillité que de nombreux quartiers avaient perdues, mais également de retrouver le lien social en faisant le pari de la relance du tissu économique local. Ainsi fut créé le dispositif des zones franches urbaines, dont vous reprenez l'idée et dont j'aimerais dire ici quelques mots.
    L'étude d'impact que nous avions demandée à l'époque avec Jean-Claude Gaudin tablait sur la création nette de 10 000 emplois sur cinq ans. Or, entre 1996 et 2001, nous en avons finalement créé plus de 45 000. Je veux souligner, sans vous provoquer, chers collègues de l'opposition, que depuis que la politique de la ville existe, peu de dispositifs de développement économique et social ont apporté une telle amélioration.
    M. Pierre Cohen. Sur place, on ne trouve que des sièges sociaux, pas de véritables emplois !
    M. Eric Raoult. Monsieur Cohen, vous m'avez parlé de votre ville...
    M. Pierre Cohen. Ce n'était pas ma ville !
    M. Eric Raoult. Vous avez parlé d'une ville de votre circonscription. Je vous invite, quant à moi, à vous rendre dans un certain nombre de zones franches urbaines et vous vous apercevrez que, là où les maires, quels qu'ils soient, ont bougé, il y a eu du changement, mais que là où ils n'ont rien fait, rien ne s'est passé.
    M. Pierre Cohen. Je le répéterai à Dominique Baudis et à Philippe Douste-Blazy !
    M. Eric Raoult. Je suis à cet égard très heureux d'avoir entendu Mme Muguette Jacquaint car je suis persuadé que, grâce à la pugnacité qu'on lui connaît, dans les mois et les années qui viennent, qu'elle soit députée ou sénateur, la ville de La Courneuve et les alentours de la cité des 4000 changeront.
    Mme Muguette Jacquaint. Cela dépendra des moyens qu'on nous donnera !
    M. Eric Raoult. J'ajoute que 80 % des emplois créés sont aujourd'hui sous contrats à durée indéterminée. Il est parfois nécessaire de mettre de côté ses a priori politiques et idéologiques ! (Sourires.) Peu de dispositifs d'emplois aidés ont conduit à 80 % d'emplois sous contrats à durée indéterminée. Ce n'est pas la conséquence d'un quelconque effet d'aubaine, comme certains l'ont affirmé, mais la conséquence de l'application d'un dispositif simple, concret et efficace.
    Aujourd'hui, un constat s'impose : le bilan des zones franches urbaines n'est ni mitigé ni contrasté, c'est une vraie réussite, qu'ont parfois reconnue nos collègues sénateurs, notamment Pierre André, sénateur-maire de Saint-Quentin, dans son rapport. Du reste, si le dispositif avait été aussi mauvais, je suis persuadé qu'en cinq ans Martine Aubry ou Claude Bartolone auraient trouvé l'occasion de le supprimer d'un trait de plume au détour d'une loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    Le titre II du projet de loi prévoit donc la prorogation et l'extension à quarante et un nouveaux quartiers du mécanisme des ZFU. Qui peut aujourd'hui contester que celles-ci n'ont pas marché et qu'elles n'ont pas rempli leurs objectifs ?
    M. Maurice Leroy. Personne !
    M. Eric Raoult. Naturellement, les quarante-quatre quartiers que nous avions identifiés avec Jean-Claude Gaudin n'ont pas tous connu le succès escompté.
    Qu'il me soit permis de rappeler qu'à Bordeaux l'établissement de la zone franche urbaine a été négocié, non pas avec le Premier ministre de l'époque, mais avec des maires qui, ici, étaient contre, mais qui, là-bas, étaient pour.
    M. Pierre Cohen. Cela ne change rien au fond !
    M. Eric Raoult. Peut-être, mais il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître !
    M. Pierre Cohen. Peu importe les communes : il y a quand même eu des effets d'aubaine !
    M. Eric Raoult. Fort heureusement, ce fut loin d'être la majorité des cas. J'ose affirmer que ces échecs sont plutôt le résultat d'un manque réel de motivation politique de certains acteurs et élus locaux qui, peut-être par mauvaise volonté pour certains, ou calcul politique pour d'autres, n'ont pas joué pleinement le jeu. Je ne citerai cependant aucun nom ni aucun quartier car ces dysfonctionnements ne concernent qu'une faible minorité des quarante-quatre zones concernées.
    J'en tirerai toutefois un enseignement : le texte de loi peut être très bon, la collaboration de l'Etat efficace mais, sans la mobilisation des élus au niveau local, rien ne peut se faire. La politique de la ville, c'est cela : l'Etat partenaire et le local volontaire !
    M. Jean-Pierre Blazy. Que c'est beau !
    M. Eric Raoult. Monsieur le ministre, nous sommes nombreux aujourd'hui à nous réjouir que vous adhériez vous aussi entièrement à cette logique de reconquête sociale par l'économique et par l'emploi.
    Le dispositif de 1996 ne prétendait pas à la vérité et se voulait expérimental. Alain Juppé avait eu une bonne phrase : il fallait, avait-il dit, qu'il puisse y avoir l'expérimental dans le banal, et le banal dans l'expérimental.
    Souhaité et promu par le chef de l'Etat, si le dispositif n'avait pas le bénéfice de la tradition dans notre pays, il traduisait une volonté de réagir. Certes, il comportait quelques critères dont on a reconnu le caractère un peu trop strict, notamment pour les villes riveraines des zones franches urbaines - je pense aux effets de seuil. Mais en reprenant l'essentiel du dispositif ou en modifiant certains critères, vous présenterez un dispositif renouvelé, avec de nouvelles catégories d'indicateurs, tout en tenant compte des enseignements du passé, pour un objectif d'efficacité dans l'avenir.
    Votre projet de loi, monsieur le ministre, répond également à une autre continuité : le respect des engagements de 2002 du chef de l'Etat.
    Les engagements du Président de la République en la matière étaient très clairs. Ils s'articulaient globalement autour de deux axes : un plan ambitieux de reconstruction-destruction et une volonté d'agir contre les logements et les copropriétés dégradés. A cet égard, l'action de Marie-Noëlle Lienemann ne peut être passée par pertes et profits car celle-ci, bien que n'étant pas ministre de la ville, a, aux côtés de Claude Bartolone, apporté sa contribution à la bataille contre les copropriétés dégradées et les logements indécents.
    Le logement est un élément central du bien-vivre dans nos quartiers.
    Malek Boutih dit souvent que ce n'est pas le HLM qui souffre, mais que c'est celui qui est à l'intérieur.
    M. Pierre Cohen. Eh oui !
    M. Eric Raoult. Nous avions eu l'occasion d'en parler à Malek Boutih avant qu'il ne rejoigne le bureau directeur de votre parti, après avoir été membre de votre formation politique depuis une quinzaine d'années. Il avait raison de rappeler, à la tête de son association, qu'il importait de mettre l'humain avant l'urbain et le HLM.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Pierre Cohen. C'est ce que nous demandons !
    M. Maurice Leroy. Dans ce cas, réjouissez-vous !
    M. Eric Raoult. On ne peut faire en cinq mois ce que vous n'avez pas fait en cinq ans !
    J'ai beaucoup d'amitié, d'estime et de complicité avec Claude Bartolone, mais je préfère Jean-Louis Borloo qui, en un an, élabore un texte de loi alors que son prédécesseur n'en a fait aucun durant toute sa mandature.
    C'est la grande différence entre parler et agir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maurice Leroy. Nous, on agit !
    M. Eric Raoult. La politique quelque peu anarchique privilégiant le « tout béton » au « tout raison » des années 50 et 60 nous impose aujourd'hui de gérer ce dossier délicat.
    Ainsi, le Président de la République, en déplacement à Troyes en octobre dernier, a rappelé ses intentions : « L'habitat est essentiel pour que chacun retrouve une meilleure qualité de vie, le respect de l'autre et le goût d'apprendre et d'agir. C'est pourquoi le projet de loi d'orientation sur la ville que le Gouvernement prépare devra permettre de réhabiliter 200 000 logements et d'en détruire un nombre équivalent dans les cinq années à venir. »
    Par le mécanisme de destruction-reconstruction, vous tenez, monsieur le ministre, cet engagement. Il est clair qu'en la matière il y a un vrai besoin d'action. C'est sans doute là que réside la différence entre ceux qui causent et ceux qui agissent : nous avons la chance, en ce qui nous concerne, d'avoir un homme d'action comme ministre de la ville.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très juste !
    M. Eric Raoult. Ce besoin est une nécessité et il est également partagé.
    En effet, comme le reconnaissait récemment notre collègue Michel Delebarre au congrès de l'Union sociale pour l'habitat, parlant au nom de ce que l'on appelait avant le « mouvement HLM »...
    Mme Odile Saugues. M. Delebarre est socialiste !
    M. Eric Raoult. Michel Delebarre appartient à tout le monde : il n'est pas uniquement député socialiste. Il est président du mouvement HLM...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !
    M. Eric Raoult. ... et grâce au chef de l'Etat, il siège maintenant dans une commission « laïcité », dont il connaît remarquablement bien le dossier.
    M. Delabarre, donc, disait, s'adressant à M. Borloo : « Votre projet, monsieur le ministre, de démolir et reconstruire 200 000 logements dans les quartiers les plus difficiles est une ambition que nous partageons. » Vous le voyez, je n'essaie pas de tronquer des citations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans cette salle, il y a ceux qui défendent Delebarre et ceux qui « font » du Delebarre. Je préfère être aux côtés de ceux qui font bouger le mouvement HLM.
    200 000 logements en cinq ans, cela fait une moyenne de 40 000 par an. Si l'objectif est clairement ambitieux, il n'est aucunement irréaliste, comme certains ont bien voulu le dire ici même. En effet, ces actions s'organiseront par la mise en synergie de nombreux partenaires : la Caisse des dépôts, les caisses d'épargne, les subventions locales et européennes au niveau régional, les organismes HLM ; sans oublier, naturellement, l'Etat qui garantit chaque année 2,5 milliards d'euros sur cinq ans dans la loi de finances.
    Vous avez récemment parlé - expression guerrière en temps de paix, monsieur le ministre - d'« union sacrée » dans la constitution de cet attelage qui n'a qu'un seul but : servir de levier financier. L'expression est juste, car l'histoire nous montre que surmonter des circonstances parfois désespérées ne peut passer que par une union forte et résolue de tous les acteurs concernés.
    Résoudre le problème des copropriétés dégradées est une demande forte du Président de la République. Vous le savez, le dossier est épineux. A peine nommé au Gouvernement, vous êtes venu à Montfermeil, qui abrite la cité des Bosquets, laquelle est un peu une cité expérimentale de toutes les tentatives, mais parfois aussi de tous les échecs. Je peux témoigner de l'état de délabrement et du désespoir social que le phénomène des copropriétés - mais on pourrait aussi parler de La Savine, à Marseille, et de bien d'autres endroits - cause aux habitants de la cité.
    Sur 1 800 logements des Bosquets, les propriétaires ne répondaient plus, les millièmes étaient dispersés, les conseils de copropriété ne pouvaient plus se réunir. Le prix de cette incapacité de prise de décision fut : l'insécurité des occupants, le mauvais entretien des immeubles et, parfois, des menaces de ruines, qui condamnaient la cité des Bosquets.
    A cet état de délabrement s'ajoutait, pour les élus, une incapacité à agir. Le nouveau maire de Montfermeil, mon ami et collègue Xavier Lemoine, n'a eu bien souvent, malgré toute sa bonne volonté et les demandes persistantes des familles des Bosquets, que des moyens juridiques limités pour rééquilibrer la situation. L'article 15 du projet de loi, qui permet qu'en cas de carence des propriétaires le maire pourra prescrire des travaux de sécurité, donnera aux élus locaux des moyens d'action. Cette mesure, longtemps attendue, est une bonne mesure, car elle répond à la réalité du terrain.
    Troisième axe du projet de loi : la continuité de la politique de la ville. Réussir la politique de la ville, et surtout relever le formidable défi urbain, supposent, quels que soient les gouvernements, une politique de long terme qui doit garder son caractère continu et surtout dépassionné.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Eric Raoult. Le long terme, tel est, je crois, la clé de la réussite. En 1990, la mise en place d'un grand ministère de la ville, confié à notre collègue Michel Delebarre, a permis d'institutionnaliser des espoirs que nous constations dans les banlieues, afin d'y répondre avec efficacité. En près de quinze ans de vie, d'action, de réussites mais également d'échecs, la force de ce ministère réside bien dans sa continuité, quel que soit le ministre en charge de sa direction. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, votre initiative de recevoir vos prédécesseurs. Cela permit de voir que, à quelque moment que ces responsables aient pu exercer cette responsabilité, chacun avait essayé d'apporter sa pierre. Vous, vous réussissez à consolider le mur. Ne rien rayer, mais valoriser, ne rien renier, mais améliorer, c'est là votre mérite. Vous reprenez le relais et vous modernisez la boîte à outils de la politique de la ville.
    L'une des nouveautés du plan qui nous est proposé aujourd'hui tient dans sa globalité. Une concentration massive des moyens, mais surtout la garantie que, sur cinq ans, ces moyens, au gré des objectifs gouvernementaux et budgétaires, seront maintenus et reconduits : grâce au Premier ministre et au ministre des finances, vous avez la chance - que certains d'entre nous n'ont pas toujours eue - de pouvoir agir dans la durée, avec une garantie de moyens sur le temps. Les moyens sont là, monsieur le ministre. Vous les avez obtenus.
    Pour le plan Borloo, un seul mot : bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous créez une structure qui assurera le succès de cette politique. Le guichet unique, par la mise en place de l'Agence nationale de rénovation urbaine, sera désormais l'instrument, à la fois souple dans son fonctionnement, ouvert dans sa composition et efficace dans son organisation, qui permettra d'animer et de financer de grands projets.
    Le raisonnement est simple : en réunissant tous les acteurs autour d'une même table, on concentre les moyens et l'action sur des projets prioritaires, en passant outre certaines procédures qui ont en commun la complexité, l'instabilité et conduisent donc à l'immobilisme. Désormais, l'Agence nationale portera des projets nécessaires à la rénovation urbaine.
    Votre projet est aussi un plan de relance porteur d'une dimension sociale forte.
    Aujourd'hui, près d'un million de familles sont surendettées et 650 000 dossiers attendent dans les commissions de surendettement. La loi Neiertz de 1989 s'était déjà penchée sur ces situations. L'hommage que vous lui avez rendu est mérité, monsieur le ministre. Véronique Neiertz, qui n'a peut-être pas toujours été comprise sur une partie des bancs de cet hémicycle, a réalisé une action pratique que nous sommes très heureux de pouvoir utiliser au niveau local.
    Au bout de quinze ans, force est de constater que certains mécanismes ont du mal à s'appliquer : délais trop longs, commissions qui travaillent en fait sur beaucoup de déclaratoire sans vérifier les informations données, non-intégration des dettes fiscales, traitement des dossiers qui n'est pas global, mais qui intervient créance par créance.
    Face à ces dysfonctionnements, il existe un système original applicable en Alsace-Moselle qui, basé sur la convention collective, a montré ses preuves.
    Le mécanisme que vous avez institué constitue, monsieur le ministre, une combinaison de ces deux systèmes, en s'articulant sur quelques pivots : un meilleur filtrage des dossiers pour une meilleure efficacité dans leur traitement ; l'institution d'un critère jurisprudentiel de la Cour de cassation, celui de « l'irrémédiablement compromis » ; un seul juge : le juge d'instance ; la notion de « bonne foi » laissée à l'appréciation du tribunal.
    Cette « loi de la deuxième chance », comme vous l'avez qualifiée, permet aujourd'hui de tendre la main à ces nombreuses familles qui souhaitent enfin sortir de la spirale de l'échec et de l'exclusion - celle du camion vert en bas de la cage d'escalier.
    Dans mon département, cette spirale, je la rencontre au quotidien dans ma circonscription de Clichy-Montfermeil, mais aussi dans ma ville du Raincy. Or le surendettement n'est pas une fatalité ! Votre mécanisme va désormais permettre d'aider, d'accompagner ces familles qui désirent durablement et avec volontarisme sortir des sentiments qui minent leur vie : la honte, le désespoir, le repli sur soi.
    Ce projet de loi permet également une relance de la mutualisation des bailleurs sociaux.
    La Caisse de garantie du logement locatif social voit ses missions précisées et étendues afin de contribuer à l'activité et aux actions de l'Agence nationale de rénovation urbaine.
    La gouvernance des SA HLM sera désormais simplifiée par de meilleures prises de décisions.
    Toutefois et au regard de votre volontarisme et d'un texte ambitieux pour le renouvellement urbain, nous tenons à regarder un certain nombre de points évoqués en commission ou dans d'autres lieux qui feront partie du débat : la nécessaire participation des collectivités locales et plus particulièrement des maires au sein de l'Agence nationale ; dans le dossier du surendettement, la nécessité d'une prévention réaffirmée, peut-être même de l'instauration d'un plafond dans l'effacement des dettes, ou alors, d'une limitation de durée dans leur bénéfice.
    Je souhaite, monsieur le ministre, au nom d'un certain nombre de mes collègues, que vous prêtiez une oreille attentive à cette nécessité : une meilleure prise en compte des attentes de nos compatriotes des DOM-TOM qui, comme en métropole, sont concernés par les problèmes de copropriétés dégradées ou de surendettement.
    Toutes ces questions seront livrées au débat que nous aurons sur les articles.
    Enfin, et pour terminer, ce plan est responsable et consensuel : responsable, c'est une évidence ; consensuel, c'est notre souhait ! Je ne vois d'ailleurs pas comment il pourrait être critiqué ou critiquable.
    Depuis quinze ans - et M. Cohen l'a rappelé avec moins de passion que M. Le Bouillonnec -, la politique de la ville a toujours été un dossier consensuel. On ne se critique pas entre ministres de la ville. On a appris à s'apprécier. Et puis, agir pour les banlieues, relever le défi urbain et aider les familles en difficulté qui y habitent, c'est en fait redonner espoir à certains de nos concitoyens qui n'ont plus confiance et se recroquevillent sur eux-mêmes.
    En effet, que constate t-on ? Simplement ce que mon ami - celui de Maurice Leroy et de beaucoup d'entre vous ici - Roland Castro a parfaitement expliqué : « Une situation de destruction du lien social, où personne ne supporte plus personne et se replie sur ses propres privilèges. » Il convient d'être extrêmement vigilant car toutes ces déceptions se transforment très vite en mauvais espoirs. Ces mauvais espoirs, ce sont les extrémismes politiques et religieux qui prônent la haine et le rejet d'autrui.
    Tous ensemble, chers collègues, nous devons et, je crois, nous pouvons réussir la politique de la ville que François Mitterrand avait, lors des assises de « Banlieues 89 » en décembre 1990, qualifiée de « grande aventure ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Odile Saugues. C'est une obsession !
    M. Eric Raoult. Cette « grande aventure » mérite plus que des rapports qui, à force, contiennent les mêmes phrases. En 1998, notre ancien collègue Jean-Pierre Sueur en a présenté un (« Encore ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) qui était très intéressant. Mais le constat était fait depuis longtemps.
    Elle mérite également plus que des rencontres. - votre prédécesseur en a fait beaucoup. Mais elles concluaient toujours aux mêmes et lancinantes déclarations d'intention.
    Oui, monsieur le ministre, cette grande aventure mérite ce que vous nous proposez : de l'action. Le 18 juin dernier, en commission des affaires économiques que préside notre excellent collègue Patrick Ollier, l'un de nos collègues socialistes nous a expliqué, à juste titre d'ailleurs, que pour réussir la politique de la ville, il fallait respecter trois critères : l'humilité, l'engagement de moyens importants et une volonté politique affirmée.
    M. Patrick Ollier. président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
    M. Eric Raoult. Je souscris à cette définition, monsieur le ministre ; ces trois critères sont réunis.
    Je reconnais volontiers la gêne de l'actuelle opposition, qui aurait bien aimé être l'auteur de ce projet de loi.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est la vérité !
    M. Eric Raoult. Vous avez une droite humaine face à vous, et vous êtes une gauche conservatrice. C'est la grande différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Les socialistes avaient rêvé de ce texte. Monsieur le ministre, vous l'avez réalisé.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le conservatisme a changé de camp !
    M. Eric Raoult. J'ose dire, au nom du groupe de l'UMP, que les critiques seraient bien malvenues.
    Vous avez eu, monsieur Blazy, cinq ans pour réfléchir aux dossiers qui vous tiennent à coeur - dont je partage, pour un certain nombre, l'orientation. Mais dans le domaine de la ville, la gauche est restée muette.
    Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez réouvert le débat. Il doit néanmoins permettre, sur ce dossier de la France urbaine, d'avoir des échanges constructifs, dépassionnés, loin des idéologies.
    Monsieur le ministre, le pragmatisme, loin des idéologies et des cadres sectaires, est précisément votre ligne de conduite depuis un an. Après avoir écouté, désormais vous agissez.
    Pour conclure, en tant que porte-parole du groupe de l'UMP, ayant eu la charge de travailler sur ce dossier sous l'autorité du Premier ministre Alain Juppé, et parce que votre texte est un plan de continuité et de relance, qu'il est consensuel, ambitieux et pragmatique, le groupe de l'UMP sera à vos côtés pour relever le défi urbain qui est au coeur de votre loi, car c'est aussi un espoir pour la ville et pour la France.
    Le groupe de l'UMP votera ce texte et vous aidera à le mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Merci, monsieur Raoult. Vous avez cité un si grand nombre de députés, sur tous les bancs de cette assemblée, que je vous ai laissé dépasser légèrement votre temps de parole. Mais j'aurai la même indulgence pour les orateurs principaux des autres groupes, bien évidemment...
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le président, combien de noms faut-il citer pour avoir des minutes de parole supplémentaires ?
    M. Eric Raoult. Il faut citer trois fois M. Chirac, et c'est bon ! (Sourires.)
    M. Patrick Ollier. président de la commission des affaires économiques. Dans le bon sens, bien sûr !
    M. le président. Je laisse la réponse à votre appréciation, monsieur Vidalies !
    M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 27 du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine prévoit la création d'une procédure de rétablissement personnel, destinée à compléter les réponses au surendettement, organisées depuis la loi de 1989. Le groupe socialiste est favorable à cette initiative (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même s'il s'étonne de sa présence dans un texte sur la rénovation urbaine, comme si le surendettement, ne concernait que la population urbaine.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai !
    M. Alain Vidalies. Permettez, monsieur le ministre, à un élu d'un département dit rural de témoigner que, malheureusement, ce problème est largement partagé sur tout le territoire. A notre avis, cette initiative aurait mérité d'être identifiée dans un projet de loi autonome.
    Notre seconde réserve porte sur la cohérence de la politique gouvernementale. Au moment où, à juste titre, vous nous proposez d'organiser une nouvelle procédure qui renforce le rôle des commissions de surendettement, votre gouvernement annonce la suppression de la moitié - ou presque - des succursales du réseau Banque de France.
    M. Gérard Hamel. Ça n'a rien à voir.
    M. Alain Vidalies. Il conviendrait, monsieur le ministre, que vous donniez à la représentation nationale les éclaircissements nécessaires sur le maintien des personnels indispensables au fonctionnement des commissions et, surtout, sur le maintien du maillage actuel du territoire. Car il serait paradoxal que votre réforme s'accompagne d'une difficulté d'accession au service des commissions de surendettement, en raison de l'éloignement géographique. Or, si l'on veut bien réfléchir aux conséquences de la réorganisation du réseau des banques de France, notamment dans les départements ruraux, un vrai problème d'ordre pratique se pose, qui peut être un handicap pour la mise en oeuvre de la procédure de rétablissement personnel.
    Notre troisième réserve est issue des amendements adoptés par la commission des lois, s'agissant plus particulièrement de la définition du reste à vivre et du choix de la compétence exclusive du juge de l'exécution.
    Sur la définition du « reste à vivre », votre projet de loi, dans sa rédaction initiale, marque une véritable avancée en précisant que le calcul doit se faire hors créances insaisissables, répondant par là à une jurisprudence très restrictive de la Cour de cassation. Il est regrettable que la définition figurant dans le projet du Gouvernement soit remise en cause par un amendement de la commission des lois, lequel s'appuie sur la décision de la Cour de cassation. Monsieur le ministre, sur cette partie du texte, nous serons vos plus fidèles supporters. Défendez-la contre l'avis de votre majorité.
    Le choix du juge de l'exécution peut apparaître juridiquement cohérent avec le droit positif. Mais nous nous interrogeons sur les conséquences d'un tel choix et la réflexion mérite d'être précisée.
    Les conditions de la saisine de cette juridiction militent, à notre sens, pour le choix que vous aviez initialement fait dans votre projet de loi, à savoir la compétence du juge d'instance. Il y a peut-être, monsieur le rapporteur de la commission des lois, une solution. Mais attention : faire simplement référence à la compétence du juge de l'exécution, sans inscrire les dérogations aux décrets de 1992 sur la mise en oeuvre de la procédure devant le juge de l'exécution - dérogations très spécifiques des autres procédures de surendettement - nous amènerait dans le droit commun du juge de l'exécution, c'est-à-dire à des situations aussi invraisemblables, s'agissant de ces procédures-là, qu'une saisine par assignation ou un appel abrégé et non suspensif. Je pense que l'on peut trouver une cohérence à une telle mesure, mais il convient d'être extrêmement attentif à ne pas créer des difficultés au nom de la cohérence.
    Au bénéfice de ces trois observations préalables, nous soutenons l'idée que la procédure de rétablissement personnel répond aujourd'hui à l'évolution du surendettement et à l'expérience acquise depuis 1989. Nous partageons le constat que certaines des situations soumises aux commissions de surendettement sont irrémédiablement compromises et qu'il ne sert à rien de prolonger sans aucune perspective des moratoires qui révèlent l'absence de solution de redressement, tant la situation des familles en question est définitivement obérée. Ce constat, que la société est capable de faire pour une entreprise, un artisan ou un agriculteur, pourquoi l'interdire quand il s'agit d'une personne physique ou d'une famille ?
    Cette seconde chance, ou plutôt ce nouveau départ est d'autant plus justifié qu'aujourd'hui le surendettement trouve presque toujours son origine dans un accident de la vie : maladie, licenciement, divorce... Certains, comme toujours, s'inquiètent des possibilités de fraude ou encore de rechute, comme si c'était d'abord le comportement des personnes qui était à l'origine de leur détresse ! La notion de bonne foi, sous le contrôle du juge, est évidemment une précaution nécessaire. Quant au risque de rechute, il est extrêmement limité puisque les statistiques sur la faillite civile applicable en Alsace-Moselle révèlent qu'elle se limite à 1 %.
    Naturellement, votre projet s'inspire de ce système de la faillite civile dont un siècle de mise en oeuvre permet de constater la pertinence. Nous apprécions d'ailleurs que certaines dispositions critiquées de ce régime ne soient pas reprises dans votre projet. Je pense notamment à l'inscription au casier judiciaire.
    Le renforcement du rôle des commissions de surendettement est également un choix que nous approuvons. Votre projet de loi ne remet pas en cause le dispositif organisé depuis la loi Neiertz. Il s'appuie au contraire sur l'expérience acquise, maintient la procédure de redressement existant dans le droit positif et permettra de trouver une issue pour les situations définitivement compromises. Il se situe ainsi dans la continuité des lois de 1989, 1995 et 1998 et marque une évolution importante en permettant l'effacement des dettes fiscales et sociales qui, jusqu'à maintenant, relevait toujours du bon vouloir de l'administration et échappait ainsi à la décision du juge.
    Pour atteindre totalement son objectif, votre projet mérite à notre avis certaines améliorations.
    La question de la prévention du surendettement est largement absente du dispositif, alors que certaines pratiques, au premier rang desquelles le crédit renouvelable ou « crédit revolving » ne peut échapper à la réflexion de notre assemblée. L'enquête réalisée par la Banque de France en novembre 2001 a révélé que 80 % des dossiers passant devant les commissions de surendettement comptaient au moins quatre crédits renouvelables, dits « revolving ». Le lien entre les situations de surendettement et les conditions d'octroi et de distribution du crédit est ainsi avéré. Pour endiguer le fléau du surendettement, il est indispensable d'attaquer le mal à la racine, notamment le crédit à la consommation distribué sans contrôle et vanté par un harcèlement publicitaire racoleur.
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. Jacques-Alain Bénisti et M. Jean-Pierre Door. Là, il a raison !
    M. Alain Vidalies. Je tiens à citer dans cet hémicycle quelques exemples de cette publicité : « Laissez parler vos envies » ; « Crédit Conso Médiatis et la vie est plus facile » ; « Soyons clairs, un problème d'argent ça peut arriver à tout le monde. Avec le Crédit Conso, plus de soucis ». Ces publicités, reçues par des personnes confrontées à de graves difficultés financières, qui ne savent pas comment terminer le mois, voire la semaine, sont un véritable « pousse au crime ».
    M. Maurice Leroy. En effet !
    M. Alain Vidalies. Le groupe socialiste souhaite en conséquence l'interdiction pure et simple de la publicité pour les crédits renouvelables. Mais la commission n'a pas retenu notre amendement. J'espère que le Gouvernement pourra convaincre sa majorité de s'associer à notre démarche. En revanche, la commission a adopté un de nos amendements tendant à imposer la mention du taux de l'usure sur tous les contrats de crédit afin de parfaire l'information du consommateur.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous voyez que nous sommes objectifs !
    M. Alain Vidalies. La deuxième amélioration que nous souhaitons concerne le sort des procédures de saisies immobilières en cours à la date du jugement de rétablissement personnel. C'est une question pratique très importante, dès lors que, si le texte permet au juge d'instance de suspendre les mesures d'exécution, il renvoie cette possibilité au seul juge de la saisie immobilière. Outre la complexité de la procédure et son surenchérissement, cette exception n'apparaît fondée sur aucune justification convaincante.
    Nous souhaitons donc que le juge du rétablissement personnel puisse suspendre toutes les procédures d'exécution sans distinction, y compris les saisies immobilières.
    La troisième amélioration vise le coût des procédures, dès lors que votre projet prévoit l'intervention de mandataires de justice. D'après les statistiques de l'institut du droit alsacien, le coût moyen de la procédure s'élève à 2 300 euros. Il n'est pas pensable que l'ouverture d'un rétablissement personnel entraîne immédiatement l'aggravation du passif du débiteur d'une pareille somme. J'avais déposé un amendement précisant que l'intervention des mandataires de justice et des auxiliaires de justice, avocats et huissiers, interviendrait automatiquement sous le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Bien évidemment, cet amendement ne pouvait échapper à la sanction de l'article 40.
    Aussi, monsieur le ministre, je profite du débat général pour vous poser directement la question : êtes-vous en mesure de nous proposer un amendement précisant que l'aide juridictionnelle prendra en charge automatiquement toutes les interventions des mandataires et auxiliaires de justice ? C'est pour le groupe socialiste une question majeure et nous serons très attentifs à votre réponse.
    J'ai rappelé, au début de mon intervention, notre surprise de voir ce texte sur le rétablissement personnel accolé au projet de loi de rénovation urbaine. Nous avons choisi d'avoir une expression autonome sur la question du rétablissement personnel parce que ce texte aurait mérité un examen autonome. Nous soutenons le principe de la création de cette procédure. Nous attendons les réponses du Gouvernement et de l'Assemblée à nos propositions d'amélioration avant de prendre une position définitive. J'espère que nos débats permettront de dégager un consensus. Le sujet le mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.
    M. Rodolphe Thomas. Rénover, détruire pour mieux reconstruire, rétablir l'égalité des chances, soutenir l'activité et l'emploi, redynamiser l'ensemble des quartiers qui sont les plus touchés par la fracture sociale, urbaine et économique : telles sont les grandes priorités que le Gouvernement a su définir pour enrayer et traiter en profondeur tous les stigmates de notre société. Volonté, détermination, tel est le cadre de votre action, monsieur le ministre, pour mener à bien ce chantier que nous attendions tous.
    Votre projet de loi est aujourd'hui l'occasion, pour nous élus locaux de terrain, de tirer profit de notre expérience pour répondre le mieux possible au malaise durable des quartiers sensibles. Ce texte, attendu depuis longtemps, n'est certes pas une fin en soit mais une première étape. Il doit permettre à tous les acteurs de la politique de la ville d'engager une dynamique constructive du renouvellement urbain, du développement économique et social de ces fameuses zones urbaines en difficulté.
    Ce projet de loi est une excellente initiative. Il s'adresse à tous les habitants des quartiers défavorisés qui se sentent profondément abandonnés et laissés pour compte. Par un ensemble de trois volets, il propose des éléments d'action visant à la fois à lutter contre le surendettement des ménages, à rénover l'image et le cadre de vie des quartiers dégradés, mais aussi à favoriser leur développement économique.
    Les enjeux, vous l'avez compris, sont cruciaux, qu'il s'agisse de création d'emplois, de lutte contre la précarité, d'optimisation des rapports sociaux, de qualité environnementale et architecturale. Par l'engagement de 600 000 constructions, démolitions et réhabilitations de logements, l'Etat complète et renforce ainsi les initiatives qui sont menées au niveau local. Il nous donne enfin les moyens d'intervenir en faveur des personnes qui, au quotidien, vivent des situations de non-droit.
    Je me réjouis, bien sûr, de la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, guichet unique tant attendu par les acteurs de terrain et, en premier lieu, les maires dont nous faisons tous partie. Elle devrait permettre à la fois une plus grande cohérence entre les politiques urbaines, la convergence des moyens financiers consacrés à la rénovation urbaine, mais aussi la simplification des procédures de financement de ces opérations.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    M. Rodolphe Thomas. C'est une bonne chose. Notre travail en sera d'autant plus facilité.
    La dote apportée à l'Agence nationale de rénovation urbaine est sans commune mesure averc les programmes antérieurs. Mais elle ne doit pas faire oublier que tout investissement génère des coûts de fonctionnement pour son bon usage. Or les communes ne sont pas toujours armées pour répondre à ces dépenses supplémentaires. Celles qui disposent des zones urbaines sensibles sur leur territoire sont souvent des communes pauvres. Certes, vous assurez dans votre programme des investissements, mais qui supportera le fonctionnement ?
    La DSU semble pouvoir répondre à ces besoins. Néanmoins, elle ne reflète pas suffisamment les inégalités financières et territoriales. Il serait donc opportun de revoir les critères et modalités d'attribution afin qu'elle puisse assurer au mieux son objectif de péréquation, de gommage des inégalités.
    Par ailleurs, nous regrettons que les élus locaux, véritables acteurs de terrain et porteurs de projets de renouvellement urbain, ne soient pas plus étroitement associés à la mise en oeuvre et au fonctionnement de cette agence, notamment dans l'actuel contexte de décentralisation.
    N'oublions pas que les enjeux de mixité sociale, bien connus des maires, sont au coeur des programmes de démolition et de reconstruction. Cette mixité sociale est favorisée par la typologie du parc de logements, bien sûr, mais également par une offre de services adaptés aux besoins des habitants. Je pense ici à la présence des centres commerciaux, éléments structurants de la vie des quartiers. Ils contribuent à l'attractivité de ces territoires et favorisent le maintien des habitants dans ces fameuses zones. Je pense tant aux jeunes familles qu'aux personnes âgées. Toutefois, monsieur le ministre, ces espaces de proximité sont en danger, tout comme l'EPARECA, l'établissement public en charge de ces rénovations qui souffre d'un manque de crédits.
    Aussi, à notre sens, les missions de l'agence nationale devraient intégrer plus clairement cette priorité pour nos quartiers. Pour mémoire, nous parlons de plus de 26 000 commerces et près de 73 000 emplois.
    J'en viens maintenant aux structures intercommunales, qui sont les plus aptes à mener une politique cohérente de développement et d'aménagement économique du territoire et de programmation locale de l'habitat. Les intercommunalités veillent à ce que les quartiers en difficulté bénéficient et intègrent le développement général de ces territoires. C'est pourquoi nous pensons que ces acteurs devraient être plus étroitement associés à la mise en oeuvre du programme national, aux côtés de nos politiques nationales et locales. De par leur échelon territorial pertinent, ils contribueront à l'évolution positive de nos quartiers dans un principal souci d'équité.
    En 1996, le gouvernement d'Alain Juppé, avec son ministre d'alors, Eric Raoult,...
    Mme Annick Lepetit. Il est enfin cité !
    M. Rodolphe Thomas. ... ont fait le pari de sortir certains quartiers de leur marasme économique, et ont cherché à les rendre attractifs.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et c'était bien !
    M. Rodolphe Thomas. Le dispositif des zones franches, critiqué à l'époque par la même opposition, a porté ses fruits. Nous pouvons donc nous en féliciter.
    Monsieur le ministre, aujourd'hui, vous décidez de relancer ce dispositif avec la mise en place de quarante et une zones franches urbaines supplémentaires. Nous ne pouvons qu'être en accord avec ce souci d'attractivité de nos territoires fragiles. Et j'espère que la France économique, sociale et politique vous soutiendra dans cette décision et dans sa mise en oeuvre. L'idée est bonne et les résultats sont positifs, nous devons nous en servir à titre d'exemple.
    Dans ce même esprit, l'allongement des exonérations fiscales pour les entreprises situées en zone de redynamisation urbaine - ZRU - nous semble être une priorité. Ne passons pas à côté ! Poursuivons les investissements, confortons les premiers résultats sur l'emploi dans ces ZRU. Pensons à toutes ces entreprises, ces commerçants, ces artisans de proximité qui ont soutenu le lien, la cohésion sociale et économique de ces quartiers les plus en difficulté.
    De même, je plaide pour que ces avantages soient consentis aux entreprises qui décideront d'intervenir dans les zones urbaines sensibles - ZUS - afin d'assurer la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine. Ces aides permettront ainsi aux habitants de contribuer par leur travail à la rénovation de leurs propres quartiers. Ils y participeront au sein des entreprises bénéficiaires des marchés publics. Nombre d'emplois dans le bâtiment, nécessitant peu de qualification, pourraient ainsi être générés au travers de ces chantiers de renouvellement urbain. Vous l'avez compris, je parle de clauses d'insertion et d'incitation à l'embauche des résidents de ZUS, dans les entreprises non domiciliées dans ces zones mais intervenant dans leur rénovation.
    Votre projet de loi est un bon projet que nous soutenons sans réserve. L'expérience de terrain acquise et notre volonté de refuser « le politiquement correct » nous amènent à vous proposer des améliorations dans l'unique objectif de sortir ces quartiers de l'ombre.
    Le développement durable de ces territoires doit prendre toute son importance. Nous devons assurer la convergence des moyens humains et financiers pour valoriser la ville dans tous ses aspects humains, urbains, sociaux et économiques. Ne pas agir sur l'un de ses visages peut compromettre l'ensemble de l'édifice. Nous devons également veiller à ce que ce programme ne soit pas relayé par un « programme bis » en faveur de la politique de la ville. Nous devons gagner ce pari. Demain, il sera trop tard !
    C'est pourquoi ce plan doit développer un projet qui assure que le service après vente ne sera pas sollicité : je parle d'un programme qui intègre les critères de développement durable et de qualité. Cette exigence se traduit simplement par la prise en compte de la qualité environnementale, des attentes des habitants en matière de confort, de typologies de logements réfléchies qui assurent enfin une mixité sociale.
    J'en viens à un point qui me tient à coeur. Je souhaite profiter de l'occasion qui m'est donnée ce soir pour saluer le travail exemplaire qu'accomplissent chaque jour les associations dans les quartiers difficiles et dans toutes les zones urbaines sensibles.
    Chacun s'accorde à dire qu'il est impératif de les soutenir. Nous avons tous conscience des enjeux liés à leurs activités, souvent très structurantes pour les habitants défavorisés de ces quartiers. La liste en est longue et variée. Les besoins existent dans tous les secteurs, caritatif, sportif, culturel : entraide scolaire, lutte contre l'exclusion, contre l'illettrisme, réinsertion sociale, animation auprès des jeunes ou des personnes âgées... Les associations, dans leur diversité, font vivre les quartiers en maintenant un lien social entre les habitants, trop souvent exclus dans leur logement.
    Il nous appartient donc aujourd'hui, j'en suis convaincu, de construire une ville solidaire. Unissons nos efforts pour prendre véritablement la mesure des défis auxquels sont confrontées chaque jour les associations d'intérêt général dans ces zones urbaines sensibles. Et proposons une extension des exonérations fiscales aux associations situées en zone urbaine sensible. Cela permettrait à ces structures non seulement d'embaucher des habitants de ces quartiers, mais aussi de renforcer leur sentiment d'appartenance à la collectivité. N'oublions pas la sensation d'injustice et d'abandon ressentie par ces personnes confrontées quotidiennement à des discriminations sociales et professionnelles.
    Aussi, j'espère que vous serez particulièrement sensibles à leurs attentes et qu'au travers de ce projet de loi nous pourrons adresser aux acteurs associatifs un message d'encouragement et de soutien. C'est ici une affaire de conscience. Il en va de la cohésion de notre société.
    Monsieur le ministre, vous menez une politique ambitieuse, qui répond aux besoins du présent, tout en anticipant ceux des générations futures. Forts de ces idées neuves, nous sommes nombreux à nous mobiliser à vos côtés pour aboutir à une dynamique constructive et positive de ces nombreux quartiers, repliés sur eux-mêmes. Vous pouvez compter sur nous pour mener à bien votre projet, tout comme nous pourrons compter sur vous pour nous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.
    Mme Janine Jambu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est aujourd'hui présenté dans le cadre de cette session extraordinaire a fait l'objet, au fil des mois écoulés, de nombreux articles de presse et a servi de support aux déplacements ministériels sur le terrain. C'était l'occasion d'en populariser l'affichage le plus spectaculaire : « 30 milliards sur cinq ans pour 200 000 démolitions, 200 000 réhabilitations et 200 000 constructions ».
    Qui pourrait repousser d'un revers de main un tel objectif ?
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous !
    Mme Janine Jambu. Qui pourrait prétendre que les quartiers où vivent les populations souffrant le plus des inégalités, dans tous les domaines, n'appellent pas un effort de solidarité plus important ? Personne sans doute, et là n'est pas notre démarche.
    Il importe toutefois de ne pas créer d'illusions, et de vérifier concrètement si les mesures proposées, les moyens engagés sont à la hauteur des annonces.
    Or là, très clairement, lorsqu'on entre dans le concret, on s'aperçoit que le compte n'y est pas. Alors, ne serait-ce pas beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?
    Tout d'abord, la politique de la ville ne peut être conçue isolément de l'ensemble des orientations de la politique économique et sociale du Gouvernement qui sont concrètement marquées par les options ultra-libérales et la régression sociale.
    Le profond remodelage engagé par votre Gouvernement à coups de réformes des retraites, de l'enseignement et, demain, des services publics et de la sécurité sociale a, et aura, des conséquences gravissimes sur l'ensemble de la société. Les moins bien lotis sont d'ores et déjà les premières victimes.
    La casse des fondements solidaires de notre société, issus des luttes sociales et de l'intervention populaire, va accroître les inégalités, les discriminations, le champ de la mal-vie.
    La faiblesse du pouvoir d'achat des salaires, retraites et minima sociaux, la multiplication des plans sociaux, l'explosion de la précarité touchent des catégories de plus en plus larges de la société.
    L'austérité budgétaire annoncée, les coupes sombres dans les dépenses publiques utiles nous rendent pour le moins dubitatifs sur votre capacité à honorer, ne serait-ce que les engagements de l'Etat inscrits à l'article 7.
    Cette même difficulté marquera les objectifs majeurs qui sous-tendent votre projet de loi : réduire les inégalités dans les ZUS, lancer un grand programme national de rénovation urbaine, impulser la revitalisation économique, l'accès à l'emploi et la mesure concrète de leur mise en oeuvre et de leurs résultats.
    C'est pourquoi nous ne voulons pas, quant à nous, participer à un quelconque consensus générateur d'illusions en la matière. Nous abordons ce débat avec la volonté d'y formuler et d'y défendre des propositions alternatives, mais aussi d'y prendre toute avancée correspondant à l'intérêt des familles et des populations concernées et qui soient perçues comme telle par elles.
    J'en viens maintenant au balayage des différents titres de votre projet et aux principales réflexions et propositions qu'ils nous inspirent.
    Une première remarque : ce texte, en dépit de son intitulé, ne porte pas la cohérence d'ensemble d'une politique de la ville, mais force l'éclairage sur le volet logement et intègre un volet surendettement qui n'y a pas forcément sa place. Est-ce à dire que, à vos yeux, la démolition est le remède aux maux des quartiers sensibles et que le surendettement est l'apanage des familles qui y vivent ? Ce serait là une vision réductrice et stigmatisante.
    S'agissant du volet réduction des inégalités dans les ZUS, les orientations et objectifs assignés et les indicateurs retenus : réduire d'un tiers le chômage, développer la formation professionnelle, constituer une offre nouvelle de 200 000 logements locatifs sociaux, favoriser la prévention et l'accès aux soins, la réussite scolaire, la sécurité, l'accessibilité des services publics sont d'ores et déjà contredits par les faits, la faiblesse des moyens et l'impact des décisions prises nationalement.
    Nous nous interrogeons par ailleurs sur l'efficacité de la mise en cohérence des actions de l'Etat et des collectivités sur les programmes d'action en zones urbaines sensibles alors qu'une certaine confusion règne sur les différents dispositifs - contrats de ville, grand projet de ville, ZRU, ZFU, opérations de renouvellement urbain -, sur leur superposition, sur les conditions de poursuite des opérations déjà engagées et sur les différents échelons territoriaux de compétence - quartier, périmètre, commune, intercommunalité, agglomération, département, région et, maintenant, agence nationale hypercentralisatrice.
    Nous attendons des précisions sur le fonctionnement de l'observatoire national qui doit permettre un suivi réel et transparent des engagements pris.
    J'en viens, maintenant, à la dimension démocratique du débat.
    Un débat annuel avec délibération dans les collectivités concernées soulève d'autant moins de questions - j'en parle d'expérience puisque je suis également maire - que tous les élus locaux et, notamment, les maires engagés localement dans les actions de politique de la ville organisent déjà des débats sur les projets, ne serait-ce que pour examiner ceux-ci sous l'angle de l'engagement financier.
    Il est, par contre, une donnée qui est totalement occultée et à laquelle nous tenons, c'est celle de la co-élaboration, de l'implication des populations, des professionnels et des associations, qui sont au coeur des projets.
    En ce qui concerne le programme de rénovation urbaine, nos critiques portent à la fois sur le contenu et sur le financement. Le fait que celui-ci ne soit pas assuré rend, selon nous, l'ensemble du programme irréalisable, surtout quand on tient compte du contexte et de l'ensemble des besoins.
    C'est en tout cas ce qui ressort du congrès de l'Union sociale pour l'habitat. Je cite ses conclusions : « Nous sommes au coeur d'une grave crise du logement. La demande dans les grandes agglomérations est explosive. Elle atteint 1 million de demandeurs au plan national : jeunes ménages, salariés, familles recomposées... une diversité à laquelle seul peut répondre dans des conditions accessibles le logement social. »
    Or, compte tenu de la faiblesse des financements et de l'absence de volonté politique, la construction sociale reste anémique. Le Gouvernement a d'ailleurs choisi récemment - et c'est significatif - de relancer le soutien à l'investissement en l'assortissant d'avantages fiscaux de type Périssol amélioré.
    De plus, la pression est forte chez nombre des élus de votre majorité - nous l'avons vu avec ce débat - pour, sinon remettre en cause le dispositif solidaire de constructions de logements sociaux issu de la loi SRU, du moins pour freiner des quatre fers pour l'appliquer.
    Une partie des crédits du logement, après avoir été gelés dans un premier temps à hauteur de 30 %, restent gelés à hauteur de 9 %. Dans ces conditions, si votre programme fait office de véritable pompe aspirante des financements, partout ailleurs la situation s'aggrave.
    Le processus même de démolition, qui suppose, sauf vacance du parc, le relogement des familles résidentes est entravé. Chacun sait que c'est un travail de longue haleine qui nécessite un bon accompagnement social. Or votre texte est muet sur ce point.
    Où ces familles vont-elles être relogées ? Comment garantir le droit de chacun à un logement dans le lieu de son choix ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonne question !
    Mme Janine Jambu. L'affirmation de mixité sociale reste un voeu pieux quand ce sont les choix inégalitaires qui prévalent.
    A regarder de plus près les opérations que vous citez en exemple, nous sommes même extrêmement inquiets de constater que le solde des logements sociaux disponibles risque d'être inférieur au niveau du parc existant,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !
    Mme Janine Jambu. ... car ce mouvement s'accompagne de la vente de logements sociaux et d'un glissement vers l'intermédiaire et le secteur libre - là encore, je parle d'expérience.
    On est loin des 90 000 à 100 000 constructions sociales nouvelles nécessaires et, au final, une nouvelle accentuation de la crise se profile à l'horizon.
    Pour ce qui est du financement, beaucoup de bruit a été fait autour de la somme faramineuse de 30 milliards prévue en investissements. J'avoue que nous n'avons pas encore compris où vous la trouviez, puisque la somme des engagements de l'Etat et de ses partenaires s'élève à 1,2 milliard d'euros par an, soit 6 milliards sur cinq ans : les 24 milliards manquants sont sans doute à espérer du côté de prêts et de subventions et de la participation des collectivités locales - et, par conséquent, des contribuables locaux -, pour qui la charge risque d'être lourde. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà ! Quand c'est moi qui le dis, on hurle !
    M. Pierre Cardo. La première fois, on est surpris, monsieur Le Bouillonnec. Après on ne l'est plus, et il y a l'heure qui joue !
    Mme Janine Jambu. Par ailleurs, ne mésestimons-nous pas l'effet du coefficient multiplicateur évoqué dans l'étude d'impact ?
    Tout cela est bien imprécis, comme l'est le nombre exact de quartiers concernés - 155 sur 741 ? - et leur liste.
    Quant à l'Agence nationale de rénovation urbaine, si le principe même du guichet unique semble, pour des raisons de simplification et d'efficacité, recueillir l'assentiment général, beaucoup de questions restent posées sur le fonctionnement de cette structure et son champ d'intervention.
    Nous relevons d'abord une contradiction entre le caractère de centralisation et de reconcentration qu'elle revêt et le credo décentralisateur de M. le Premier ministre. Les priorités qui y seront déterminées risquent d'être franchement déconnectées du terrain, et il ne restera que des miettes pour tout ce qui sera hors du champ d'action de l'agence. Son conseil d'administration doit, en outre, être ouvert aux représentants des collectivités locales et des locataires-usagers.
    La mobilisation des fonds du 1 % et des organismes HLM, en appui, d'une part, sur l'apport des salariés et, d'autre part, sur les loyers payés par les locataires, au détriment des missions originelles du 1 % et des organismes HLM, aura des conséquences sur l'offre globale de logement.
    En outre, le fait de vouloir confier à l'agence les missions de maîtrise d'ouvrage est largement contesté, tout comme l'est la fonction de gestion immobilière ou d'intermédiaire de placements financiers dont on veut la doter.
    L'ensemble de ces dispositions nous conduit à constater que le programme des « trois fois 200 000 » est irréaliste et à émettre les plus vives réserves sur l'agence nationale mise en place.
    J'en viens à l'extension du nombre des zones franches et des dispositifs d'exonérations fiscales et de charges sociales qui y sont liées, ces exonérations étant conçues comme un instrument privilégié de revitalisation économique et de création d'emplois.
    Vous évoquez un bilan positif de 11 000 installations d'entreprises en cinq ans dans les 44 premières zones franches et de 45 000 créations d'emplois, dont 25 à 35 % profitant aux habitants des zones concernées.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis de la commissions des finances, de l'économie générale et du Plan. Eh oui !
    M. Yves Jego. C'est vrai !
    Mme Janine Jambu. Or d'autres données font état d'un bilan plus nuancé de l'impact de ce dispositif,...
    M. Yves Jego. C'est faux !
    Mme Janine Jambu. ... notamment au regard, d'une part, du rapport entre son coût pour le contribuable et la nature des emplois et activités créés...
    Mme Muguette Jacquaint. On paie pour ça !
    Mme Janine Jambu. ... et, d'autre part, du caractère nomade des entreprises qui ne visent que l'aubaine fiscale.
    M. Yves Jego. C'est fait pour ça !
    Mme Janine Jambu. Bravo pour votre franchise, cher collègue !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Pour les comptes publics, mieux vaut avoir des salariés que des chômeurs !
    Mme Janine Jambu. Le manque de transparence dans l'accès aux données disponibles et l'inexistence d'un quelconque contrôle de l'utilisation des fonds publics nous conduisent à proposer la mise en place d'un observatoire jumeau de celui des ZUS. On se rend compte d'emblée que, même avec la création de 41 nouvelles zones franches, l'objectif de réduction d'un tiers du chômage visé à l'annexe 1 suppose de quasiment quadrupler d'ici à 2008 le nombre total d'emplois créés au cours des cinq premières années.
    Quand on sait que, simultanément, des emplois occupés pour une part par les habitants de ces zones sont supprimés sous l'effet des plans sociaux, des délocalisations, de l'essoufflement de la croissance et du ralentissement de la consommaton, le solde, en termes de dégâts humains et sociaux, mérite d'être regardé de près.
    Plus fondamentalement, la pratique d'exonérations et d'allégements de charges, si chère au MEDEF, n'est-elle pas en passe de devenir la règle ? L'exonération de charges sur les transferts d'emplois le laisse en tout cas augurer. Les entreprises, seulement préoccupées de peser sur le coût du travail et d'atteindre les objectifs de rentabilité fixés par leurs actionnaires, peuvent ainsi être déchargées de toutes contraintes publiques et sociales.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce n'est pas le grand capital qui est présent dans les zones franches !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous êtes rapporteur, monsieur Grosdidier, pas ministre !
    M. Pierre Cardo. Il le regrette d'ailleurs !
    Mme Janine Jambu. C'est vrai, il doit le regretter. Comment sont dès lors financés le développement des infrastructures et l'implantation des services publics ? Quels seront les moyens de lutter contre les inégalités territoriales ?
    Je dirai enfin quelques mots sur le volet consacré au surendettement. La discussion des articles nous donnera l'occasion d'y revenir, ainsi que sur d'autres questions que j'ai pu évoquer dans cette intervention.
    Nous constatons l'absence d'éléments d'analyse fondés sur les causes du surendettement et de propositions sur ce qui est pourtant essentiel en ce domaine : la prévention. De même, le rôle des organismes pourvoyeurs de crédits à la consommation n'est nullement mis en cause.
    L'approche des associations de consommateurs et familiales est diverse et nuancée et, si la procédure peut être adaptée pour certains dossiers lourds, il faut selon nous garantir et améliorer le fonctionnement des commissions de surendettement. A cet égard, les craintes que nous avons émises quant à l'évolution des missions de la Banque de France ne sont pas dissipées.
    Il convient également d'assurer un véritable accompagnement social des familles dont les dossiers ont été soumis au juge et de mettre en place des dispositions garantissant la préservation du logement ou l'accès au relogement, sous peine de plonger ces personnes dans la précarité et l'exclusion. Nous ferons des propositions en ce sens.
    Suivant en cela l'avis émis par la commission des finances, nous demanderons la suppression de l'article 30 relatif à la gouvernance des sociétés anonymes d'HLM parce qu'il est porteur de conséquences préoccupantes, tant en ce qui concerne l'évolution des missions que la définition des critères de gestion du parc de ces organismes, qui représentent 1,8 million de logements sociaux. Nous interrogerons le Gouvernement à ce sujet au cours de la discussion.
    J'en termine, en indiquant que notre souci majeur est de ne pas créer d'illusions. Nous ne voulons pas laisser croire que votre projet constituerait une réponse aux maux des quartiers les plus défavorisés et de leurs habitants. Un vernis social et des déclarations d'intention ne sauraient en effet masquer le fond de la politique de votre Gouvernement. C'est pourquoi notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela fait tellement longtemps que nous travaillons sur ce texte que j'ai l'impression que tout a été dit. Entre le Conseil national des villes, le Conseil économique et social, les différentes associations d'élus, ce projet a été décortiqué dans tous les sens.
    On doit vous reconnaître une qualité, monsieur le ministre : vous avez beaucoup de talent.
    M. André Santini. Attention !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ça commence trop bien !
    M. Pierre Cardo. Vous avez tant de talent que, quand on lit le texte, on ne comprend pas obligatoirement la même chose que quand vous en parlez vous-même.
    M. Jean-Pierre Blazy. Je savais bien que les compliments n'allaient pas durer !
    M. Pierre Cardo. Une autre preuve : défendant l'exception d'irrecevabilité, M. Le Bouillonnec a lu un avis du CNV qui nous a paru négatif. Lorsque vous avez cité ce même rapport, il paraissait très positif. Si ce n'est pas du talent, je ne sais pas ce que c'est !
    M. Alain Vidalies. M. Borloo, c'est un magicien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est pourtant le même rapport !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils n'ont peut-être pas lu les mêmes pages !
    M. Pierre Cardo. Il ne lisait pas les mêmes pages, c'est vrai ! (Rires.)
    Si j'étais à la place de la gauche, je ne me réjouirais pas trop vite.
    M. Jean-Louis Dumont. On ne se réjouit pas !
    M. Pierre Cardo. J'ai écouté tout ce que vous avez dit sur ce texte ; c'était très intéressant mais je vous signale que tous les manques que vous déplorez dans le projet existaient déjà quand vous étiez au pouvoir.
    Mme Claude Darciaux. Toujours la même rengaine usée !
    M. Pierre Cardo. Ce projet - cela a été dit par les orateurs précédents - est extrêmement ambitieux et a l'avantage de s'inscrire - enfin - dans le temps.
    De grands principes sont énoncés : réduction des inégalités sociales et territoriales, équité sociale ! C'est nouveau. Ce principe avait peu été défendu jusqu'à présent dans la politique de la ville. Il est intéressant et méritera d'être développé. Cette tâche appartiendra aux élus locaux, mais ils devront être soutenus pour cela par les décrets d'application du texte.
    Le projet définit des programmes d'action aux niveaux local et national, fixe des objectifs et, surtout, prévoit des indicateurs qui vont enfin permettre une véritable évaluation de la politique de la ville. Depuis vingt ans que nous faisons de la politique de la ville et menons des expériences en ce domaine, nous n'avons jamais procédé à une évaluation de celles-ci pour la simple raison qu'on n'avait jamais fixé les objectifs à atteindre ni défini les critères d'évaluation. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que l'on sache si telle ou telle politique a marché puisqu'on ne sait pas d'où on est parti et où on voulait aller ? On va enfin le savoir. Je reviendrai tout à l'heure sur la mise en oeuvre de cette évaluation, car c'est un autre problème.
    Vous avez prévu de rénover l'habitat. Le programme de rénovation est d'ailleurs un des gros morceaux de votre projet : 200 000 destructions, 200 000 reconstructions, 200 000 réhabilitations ! C'est énorme. Jamais on n'avait eu une telle ambition et j'espère que vous pourrez le réaliser en respectant les délais prévus.
    En créant l'Agence nationale de rénovation urbaine, vous simplifiez les financements à guichet unique pour l'investissement. Cela a des aspects positifs et des aspects négatifs. C'est une première étape car il est un autre domaine où nous avons besoin d'un guichet unique. Que n'avez-vous procédé aussi à un regroupement des crédits pour le fonctionnement ? Les maires se bagarrent tous les jours pour essayer d'obtenir à droite et à gauche des financements pour assurer le fonctionnement des acteurs de terrain, des associations. Et le fait qu'il existe quinze lignes différentes ne leur simplifie pas la tâche. Cela peut souvent mettre en danger le côté un peu immatériel de la politique de la ville, c'est-à-dire non pas ce qui touche au hard mais ce qui touche au soft. Dans l'informatique, on sait bien que les logiciels sont plus importants que la bécane, si tant est que la bécane ait la puissance requise.
    En matière de développement économique, vous créez quarante et une ZFU - vous savez que je n'en suis pas fanatique - et vous prolongez les ZRU.
    On trouve ensuite des dispositions sur la faillite civile, ce qui est un peu surprenant dans un texte sur la politique de la ville. Je ne ferai pas, comme certains, de procès d'intention. Tant mieux si cette question est traitée. Il fallait bien un jour ou l'autre s'attaquer aux cas d'endettement les plus lourds. Reste à savoir si des mesures de prévention n'auraient pas pu être inscrites dans le texte de loi. Vous me répondrez probablement que les réponses préventives relèvent d'un autre texte de loi, ce à quoi je vous répondrai que la faillite civile relevait elle aussi d'un autre texte de loi.
    M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
    M. Pierre Cardo. Voilà pour les aspects très positifs de ce texte. Mais ce n'est pas parce que j'appartiens à la majorité et que j'observe depuis vingt ans je ne dirai pas les ratés mais les dysfonctionnements de la politique de la ville, que je vais me contenter de relever ce qui est bien dans le projet. Je pense que je ne serais pas crédible et je sais, monsieur le ministre, compte tenu de votre tempérament, que ce n'est pas ce que vous attendez des députés de la majorité.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ni de l'opposition !
    M. Pierre Cardo. Il manque un certain nombre de choses dans votre texte et j'espère que nous pourrons, au cours des débats et, notamment, lors de l'examen des amendements, en discuter de façon très calme, très pondérée et très constructive.
    Tout ce qui concerne les associations et les habitants est un peu transparent. La gauche a souligné cet aspect assez fortement mais d'autres ministres avant vous les avaient aussi un peu oubliés. De même, les maires apparaissent un peu en filigrane. Il aurait été intéressant que le texte précise leur rôle à la fois d'exécutif local et de coordinateur de la politique territoriale.
    On parle sans arrêt de rapprocher le pouvoir du terrain, on parle de politiques « territorialisées », mais on oublie une chose : on n'a pas désigné celui qui coordonne, qui définit les procédures et qui, d'une certaine manière, encadre le dispositif sans en faire le patron hiérarchique. Il y a en effet plein d'intervenants dans tous les sens, plein d'acteurs sur le terrain, que ce soit la CAF, le conseil général, l'éducation nationale... On dit que la politique de la ville est interministérielle, que le maire en est en définitive l'outil principal sur le terrain, et qu'il est vraiment l'interlocuteur, le trait d'union entre l'Etat et les différentes institutions d'une part, et les habitants et les acteurs de terrain, d'autre part. Or on oublie régulièrement de définir son rôle dans la durée au milieu de tout cet ensemble. C'est, à mon sens, le mettre dans une situation extrêmement délicate. Ce sera peut-être l'objet d'une autre loi, mais j'aurais aimé que cela soit traité dans ce texte.
    Font aussi défaut - et vous savez que, pour certaines communes, c'est important - des engagements financiers chiffrés sur des objectifs précis.
    J'ai parlé des crédits de fonctionnement : il n'en est pas question dans le texte. Comme je l'ai déjà dit, la création d'un guichet unique nous permettrait de fonctionner beaucoup plus rapidement et avec beaucoup moins d'inquétudes. Nous aurions beaucoup moins de découverts bancaires et le fait de savoir que nos demandes de crédits ne sont qu'une question de temps nous permettrait de négocier de manière plus sereine avec nos différents interlocuteurs.
    Sur le plan de l'habitat, votre projet ambitieux -  200 000 destructions, 200 000 réhabilitations - me pose juste un petit problème : je ne suis pas persuadé que nous réussirons à trouver des solutions de relogement dans les délais prévus, dans la mesure où la reconstruction, vous le savez, pose déjà difficulté dans bien des endroits. Certes, l'agence nationale que vous avez créée a pour but, entre autres, de favoriser la recontruction, mais je ne suis pas certain que nous pourrons recaser tout le monde dans la période retenue. La destruction risque d'aller beaucoup plus vite que la reconstruction, sans oublier le fait que la réhabilitation, elle aussi, nécessite parfois de reloger les gens pendant, sinon avant les travaux.
    Mme Muguette Jacquaint et Mme Janine Jambu. Tout à fait !
    Mme Odile Saugues. Vous avez tout compris !
    M. Pierre Cardo. Par conséquent, si nous ne voulons par voir se développer des bidonvilles ou des caravanes, il va bien falloir que nous réfléchissions à la façon de traiter le problème. Les opérations du « tiroir » sont envisageables tant qu'on reste à une échelle relativement petite, mais vous avez vu la réaction de nombre de collègues, de tous bords d'ailleurs, à propos de la loi de solidarité urbaine : dans bien des communes, nous aurons du mal à trouver du jour au lendemain les solutions permettant d'« avaler » tous les gens à reloger. Ce n'est pas que nous ne voulions plus d'eux : le problème est que bon nombre de communes n'en veulent pas.
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est sûr ! C'est là une grande difficulté !
    M. Pierre Cardo. S'agissant des activités économiques, plutôt que de maintenir un dispositif avec des zones franches d'un côté, des ZRU de l'autre, etc, qui revient toujours à une exonération de charges, de taxes, d'impôts, j'aurais préféré que l'on intervienne par le biais d'une exonération du foncier. En effet, si la zone franche peut se comprendre et avoir des effets positifs en province, en termes d'aménagement du territoire, notamment, mais également en région parisienne et dans les grandes agglomérations, elle n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes. Faire baisser le prix du foncier coûte moins cher, évite les dispositifs de sortie et n'attire pas les chasseurs de primes.
    C'est une proposition que je vous fais, monsieur le ministre ; un amendement a été déposé dans ce sens. Il passera ou pas, mais cela a marché chez moi et dans d'autres communes. Cette solution coûterait moins cher, éviterait les risques et, en région parisienne, paraît plus logique que les autres.
    S'agissant de la faillite civile, j'ai regretté...
    M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Cardo.
    M. Pierre Cardo. La faillite civile et autres mesures préventives posent un gros problème. Tous ceux qui siègent dans des conseils généraux savent que nous manquons de tuteurs.
    Je sais bien que cela ne dépend pas que de vous, monsieur le ministre, mais il me paraît essentiel de renforcer les moyens à cet égard afin d'avoir suffisamment de tutelles pour aider les familles - pas obligatoirement surendettées, mais qui ne savent tout simplement pas gérer leur budget. Nous manquons cruellement de moyens pour les épauler.
    Mais il n'y a pas que cela. Franchement, peut-on vraiment croire que refuser la mise en place de fichiers permettant de vérifier si tel emprunteur a déjà des crédits et s'il est ou non surendetté soit rendre service aux gens ? Doit-on systématiquement se retrancher derrière le secret censé protéger la vie privée ? Pour ma part, je ne le pense pas. C'est même extrêmement dangereux. D'autant que si les organismes en faute - la plupart du temps, ce ne sont pas les banques, mais les établissements de crédit - étaient informés, grâce à ce fichier, de la situation réelle de leur emprunteur, ils seraient d'autant plus condamnables, et à mon avis d'autant plus prudents, dans la mesure où il serait établi qu'ils auraient accordé les crédits en toute connaissance de cause. Je présenterai dans ce but des amendements tendant à compléter les dispositifs préventifs, notamment pour les accédants à la propriété.
    Je vais devoir rapidement conclure, et c'est bien dommage. S'agissant des finances locales, je comprends, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas pu modifier la DGF. Mais on sent bien l'influence de Bercy sur votre projet. Je sais que vous aviez d'autres ambitions. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous en avons souvent discuté et je sais que vous en êtes d'accord : tant que la DSU sera attribuée en fonction non du nombre d'habitants des quartiers en difficulté mais du nombre total des habitants de la commune, il y aura une inégalité. Au surplus, lorsque le budget comme la situation économique ne permettent pas d'avoir assez d'argent pour donner à ceux qui en ont besoin, on a tout intérêt à mieux dépenser pour éviter de dépenser davantage. Sans oublier que, dans certaines communes, la politique de la ville n'est pas un problème d'argent, mais justement un problème de politique. Si elles ont les moyens financiers d'assumer celle qu'elles se sont choisie, qu'elles l'assument et qu'elles arrêtent de piquer l'argent à celles qui en ont vraiement besoin pour mener une politique autonome adaptée aux attentes de leur population ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)

    M. Jean-Louis Dumont. Voilà qui est bien dit ! Cela nous change des flagorneurs !
    M. Eric Raoult. Flatteurs ou flagorneurs ? Ce n'est pas pareil !
    M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Cardo.
    M. Pierre Cardo. Je m'arrête, c'est promis...
    Vous avez défini dans l'annexe I des priorités qui, pour nous, acteurs locaux - et vous en faites partie - sont tout à fait intéressantes : l'emploi, l'éducation, la santé, la réussite scolaire, etc., d'autant que vous les avez assorties d'objectifs et de critères précis. Enfin ! On voit arriver quelque chose de concret, de cohérent.
    Mais comment se fait-il que je n'en voie que deux - la santé et l'habitat - pour lesquels les moyens sont déterminés sur cinq ans ? Pour tous les autres, l'emploi, la réussite scolaire, la sécurité, la mobilisation des services publics, hélas ! pas de plan quinquennal... Je défendrai des amendements pour compléter l'annexe 1 dans ce sens.
    Il est important d'intensifier l'action dans ces domaines et que le Gouvernement prenne les mêmes engagements. Si c'est jugé indispensable, il faut que le traitement soit le même, quel que soit le domaine d'action, puisque tous sont essentiels pour réussir la ville, pour rendre ses habitants heureux et faire de votre projet, monsieur le ministre, le texte d'avant-garde que vous avez souhaité. C'est pour faire ce projet-là qu'il y aura un débat et que nous vous soutiendrons, car j'ai bien compris les difficultés auxquelles vous êtes heurté, notamment avec le ministère des finances. Tout ce qu'on vous a refusé, au risque de rendre votre texte incomplet, c'est précisément le caractère interministériel de M. le ministre de la ville.
    M. Maurice Leroy. Bien sûr !
    Mme Janine Jambu. Eh oui !
    Mme Annick Lepetit. C'est tout le problème !
    M. Pierre Cardo. Bon nombre de ministères n'ont rien voulu lâcher de leurs compétences. Il faudra, petit à petit, revenir sur ce problème, car cela revient à vous priver des moyens qui font tout l'intérêt de votre mission. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Cardo, il vous aurait fallu demander à votre groupe de vous inscrire pour quinze minutes !
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le ministre, l'examen de votre projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine est pour le groupe socialiste l'occasion de rappeler ses devoirs à l'Etat. La politique de la ville, le renouvellement urbain, la construction et la gestion des logements sociaux font certes l'objet d'une forte implication de la part des collectivités locales, qu'il conviendra d'approfondir pour que les décisions soient encore plus en phase avec les réalités du terrain. Mais cela ne saurait exonérer l'Etat, qui doit considérer le logement social et la politique de la ville comme un impératif national, le droit au logement comme une exigence républicaine et le financement du logement social comme une priorité absolue, de ses responsabilités. Or votre projet de loi ne suffira pas à dissiper le trouble dont sont saisi aujourd'hui la plupart des acteurs qui, sur le terrain, dans les quartiers, oeuvrent quotidiennement pour endiguer les phénomènes de relégation sociale et urbaine.
    En effet, ce texte arrive après bien des décisions qui ont durement pénalisé ces quartiers et leurs habitants. Je veux espérer que ce débat vous donnera l'occasion de nous faire part des mesures concrètes permettant d'honorer les contrats de ville 2000-2006 en dépit des choix budgétaires entérinés par votre majorité.
    Je voudrais aussi revenir sur la décision de votre Gouvernement de supprimer les emplois-jeunes et les aides éducateurs, alors que ces dispostifs, mis en place sous la précédente législature,...
    M. Christian Vanneste. S'achevaient au bout de cinq ans !
    Mme Odile Saugues. ... ont profité en priorité aux quartiers en difficulté, ces quartiers dont la grande richesse est, vous le savez, la vie associative.
    Les conséquences de ces décisions idéologiques sont lourdes : c'est la remise en cause de projets d'animation, d'actions de prévention et d'insertion, d'un travail de médiation souvent payant, mais aussi d'un soutien à la citoyenneté et à la lutte contre l'illettrisme.
    Comment ne pas souligner aussi que votre objectif, tout à fait louable, de rétablissement de la cohésion nationale se heurte au gel de crédits qui frappe le secteur de la solidarité et de la lutte contre les exclusions ?
    Chaque semaine, à ma permanence parlementaire au coeur de Clermond-Ferrand, je reçois des courriers émanant de ces associations que je connais bien et qui lancent des véritables appels au secours. Les menaces qui ont pesé sur les entreprises d'insertion ou le logement social ont fortement déstabilisé des acteurs essentiels qui tentent de maintenir l'équilibre dans les quartiers fragiles. Ainsi, en Auvergne, les conventions passées entre la direction du travail et les entreprises d'insertion pour 2003 n'étaient toujours pas signées en juin dernier.
    Cette dure réalité, monsieur le ministre, est bien éloignée des effets de manche. Elle ne se situe pas dans une perspective de cinq ou dix ans ; elle concerne aujourd'hui la vie quotidienne de nos concitoyens les plus démunis et met en cause directement la responsabilité du gouvernement auquel vous appartenez.
    Enfin, monsieur le ministre, je ne passerai pas sous silence le retour de l'évaluation forfaitaire de ressources pour les jeunes dans le calcul de l'APL, la remise en cause du décret « gardien », alors que nous savons tous la nécessité de conforter ces professionnels dans les quartiers, ou l'enterrement de la prime à l'accession très sociale qui était en phase de lancement et dont la montée en puissance a été stoppée net par votre collègue, le ministre du logement.
    Les faits que j'ai rappelés ne conduisent pas à jeter l'anathème sur votre démarche ni sur votre projet de loi, monsieur le ministre. Mais, convenons-en, ils ont autant de motifs d'interrogration quant à la crédibilité de l'action gouvernementale et au poids réel de votre discours et de vos préoccupations au sein d'une équipe visiblement plus occupée à multiplier les décisions clientélistes, qui réserve à nos concitoyens les plus fragilisés par la crise économique, sociale et urbaine, des expressions condescendantes, voire méprisantes - la France d'en bas - et des lieux communs.
    Peut-on croire que la majorité actuelle soit convertie à la cause de l'ubanité républicaine ? Personnellement, j'en doute.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous n'en avez pas le monopole !
    Mme Odile Saugues. Nous avons tous en mémoire les assauts répétés contre la mixité sociale et le dispositif imaginé dans le cadre de la loi solidarité et renouvellemet urbains. De même, alors que vous nous dites, monsieur le ministre, vouloir renforcer les conditions d'habitat décent dans les zones urbaines sensibles, nous n'avons pas oublié la saisine du Conseil constitutionnel par vos rangs, le 24 novembre 2000, pour tenter de faire annuler la définition du « logement décent », laquelle reprenait une idée portée par le Conseil national de l'habitat.
    L'examen du projet de loi nous permettra de revenir plus en détails sur vos choix et sur vos propositions. Pour ma part, j'insisterai sur deux aspects.
    Le premier est la lutte contre le surendettement. Vous avez décidé de généraliser la procédure dite de rétablissement personnel. Beaucoup pourrait être dit à ce sujet ; je tenais néanmoins à vous faire part de mon inquiétude face aux conséquences des projets de restructuration de la Banque de France sur le traitement des dossiers de surendettement. D'autres en ont parlé avant moi. J'ai la nette impression que cette institution n'a pas considéré devoir mettre ce travail pourtant majeur sur le même plan que les missions régaliennes qui lui sont conférées. Mais alors que la menace de la suppression de nombreuses succursales risque d'avoir des répercussions non négligeables, la représentation nationale doit s'exprimer et prendre les dispositions utiles pour que les familles les plus pauvres ne soient pas les victimes d'une moindre implication de la Banque de France dans nos territoires.
    En second lieu, j'évoquerai les zones franches urbaines. Vous réactivez, monsieur le ministre, un dispositif qui avait montré ses limites et qui s'était indiscutablement traduit par des effets d'aubaine et des effets pervers tout en n'enregistrant que des succès mitigés et très irréguliers.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et ses effets positifs ?
    Mme Odile Saugues. Directement concernée par une telle décision, je devrais sans doute m'en réjouir et porter la bonne parole de réunion de quartier en réunion de quartier. Pourtant, je dois vous avouer mon scepticisme face aux dérives que nous avons constatées par le passé et que nous avons tenté de corriger dans le cadre de la loi solidarité et renouvellement urbains. Je dois vous faire part également de mes interrogations sur les effets réels du dispositif sur l'emploi - plutôt limités, les chiffres de l'UNEDIC en témoignent : on dénombrait dans les quartiers concernés par les zones franches 9 000 emplois supplémentaires en 1997 contre 6 500 emplois créés en 1996, avant l'entrée en vigueur de la mesure sur les mêmes quartiers. Et tout cela pour un coût, à l'époque, de 651 millions de francs... On est loin, vous en conviendrez, des chiffres mirifiques annoncés. Faut-il au surplus rappeler qu'il s'agit pour beaucoup d'emplois transférés et non de réelles embauches ?
    M. Yves Jego. C'est faux !
    Mme Odile Saugues. Un rapport de l'IGAS de 1998 jugeait déjà les contreparties obtenues en termes d'emplois « ténues, lacunaires, peu vérifiables ».
    M. Yves Jego. Après seulement un an d'expérience !
    Mme Odile Saugues. Si nous devons être légitimement préoccupés par la persistance et la remontée du chômage et explorer toutes les pistes, nous devons être tout aussi attentifs à la précarisation de l'emploi qui s'installe dans nos quartiers, souvent accompagnée d'une flexibilité accrue, de temps partiels subis, de salaires de misère et d'une mise à mal du droit du travail et du dialogue social. Les URSSAF elles-mêmes ont dénoncé des contrats de travail qui pouvaient se réduire à deux heures par semaine particulièrement dans ces hard discount dont on a vu les enseignes fleurir dans les quartiers sensibles.
    Face à ces dérives, il convient donc de s'interroger sur la qualité de ces emplois et sur les véritables contreparties sociales qui doivent être liées à une aide de l'Etat, d'autant plus que l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2002 a admis que l'activité de l'entreprise située en zone franche pouvait se réduire à celle de son siège social. L'Etat ne doit pas se faire complice des entreprises boîtes à lettres, des chasseurs de primes, de canards boiteux qui tentent de survivre sous perfusion et qui ne sont pas en mesure de dynamiser réellement nos quartiers.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Pierre Blazy et M. Pierre Cohen. Très bien !
    Mme Odile Saugues. Certes, à lire votre texte, on pourrait penser que vous avez pris conscience des effets pervers liés aux zones franches ; mais en réalité, vous renouez avec des abus bien identifiés en supprimant la distinction que nous avions introduite entre les emplois transférés et les emplois créés dans le seul but de bénéficier de l'exonération de charges sociales patronales.
    M. Jean-Pierre Blazy. En effet !
    Mme Odile Saugues. La bataille de la ville, comme vous l'avez appelée, monsieur le ministre, ne saurait se résumer à la création de zones de non-droit fiscal et social.
    M. Yves Jego. Quelle caricature ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Odile Saugues. Il serait plus utile de renforcer la logique de conditionnalité de l'octroi des exonérations pour favoriser de réels projets de développement et une plus forte participation de ces entreprises à la vie sociale des quartiers à partir du dispositif de déclaration préalable que nous avions mis en place, voire en privilégiant une politique contractuelle.
    En conclusion, monsieur le ministre, votre volonté de casser les ghettos est sans doute sincère,...
    M. Eric Raoult. Ah !
    M. Ghislain Bray. Elle le reconnaît, c'est bien !
    Mme Odile Saugues. ... mais elle doit se traduire par l'engagement de vrais moyens financiers de la part de l'Etat et ne peut se contenter d'artifices budgétaires et de création de structures institutionnelles nouvelles qui joueraient simplement le rôle de coffres-forts virtuels alimentés essentiellement par l'argent des autres. Cela serait sans aucun doute source de douloureuses désillusions, d'autant que ce texte arrive à mes yeux bien tardivement au regard des décisions qui, depuis un an, ont fortement pénalisé les quartiers urbains les plus défavorisés...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Regardez-vous ! Que de temps perdu en cinq ans !
    Mme Odile Saugues. ... et qui ont pu donner un sentiment dévastateur de revanche sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cohen. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le président, je vous demande une très brève suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDF accueille la procédure de rétablissement personnel comme une excellente nouvelle pour ceux des Français qui sont en grande difficulté. Nous réclamions, depuis longtemps, vous le savez puisque nous sommes issus de la même famille politique, cette véritable seconde chance. Votre détermination et votre pouvoir de conviction personnel, monsieur le ministre, vous ont permis de l'obtenir, contre les idées reçues. Je sais que ce n'était pas simple et je tiens à vous en féliciter.
    Des centaines de milliers de foyers, dont les seules perspectives étaient le harcèlement des créanciers et le remboursement impossible de leurs dettes, vont enfin pouvoir envisager un nouvel avenir, moins obscurci.
    Ce dispositif est l'aboutissement d'un long cheminement législatif depuis la loi Neiertz de 1989. Les améliorations apportées étaient nécessaires, mais les dernières en date, sous la précédente législature, en 1998, ne prenaient pas en compte, selon nous, la réalité des situations de surendettement. Vous les avez bien connues en tant que maire et moi aussi qui suis élu du département de la Seine-Saint-Denis, un département qui compte plus de 40 000 personnes en situation de surendettement.
    Il convenait donc d'ajouter un dernier étage au dispositif de lutte contre le surendettement des ménages, un dispositif salutaire qui permette aux personnes en difficulté de répartir de zéro et de revivre. Nous croyons, à l'UDF, que c'est bon pour ces personnes, bien sûr, et donc juste socialement, mais aussi que c'est bon pour l'économie, puisque cela leur permet de consommer à nouveau, raisonablement cette fois-ci. En outre, c'est juste politiquement parce que cela montre que la majorité actuelle ne privilégie pas certains au détriment d'autres et qu'elle souhaite tendre la main à ceux qui, à un moment donné, ont quitté la route traditionnelle empruntée par le plus grand nombre.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. En premier lieu, il nous semble que la situation actuelle n'est pas pleinement satisfaisante, car si le dispositif permet de traiter les situations de surendettement les plus graves , celles-ci demeurreront trop nombreuses. Nous ne pouvons pas accepter que plus de 200 000 personnes se déclarent actuellement en situation de surendettement. La procédure proposée n'empêchera malheureusement pas ce chiffre de croître. Même si elle permet à un certain nombre de personnes de sortir des difficultés, elle n'empêchera pas l'entrée dans le surendettement de certaines autres. Il est donc nécessaire de mettre en place de véritables dispositifs de prévention. Vous avez déjà battu en brèche de nombreuses idées reçues. Nous voulons vous aider à poursuivre dans cette voie, notamment vis-à-vis de Bercy.
    Nous avons donc déposé des amendements proposant un dispositif complet et cohérent qui repose sur un principe simple : la responsabilisation des acteurs de l'endettement et surtout des organismes de crédit. Ainsi, nous proposons de mieux encadrer le crédit en reprenant les dispositions que j'avais présentées dans une proposition de loi visant précisément à prévenir le surendettement.
    Des quatre amendements déposés, trois ont été adoptés en commission. Nous proposons d'instituer une clause d'agrément par le prêteur de crédit à la consommation. L'objectif est d'obliger celui-ci à vérifier la solvabilité de l'emprunteur. En effet, nous ne pouvons plus tolérer que des organismes de crédit continuent de prêter à des gens déjà en situation de surendettement, alors qu'ils savent très bien que la dette ne sera jamais remboursée et qu'ils essaient simplement de se payer grâce à des taux exorbitants.
    M. Jean-Pierre Blazy. Usuraires !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cette solution, ainsi que les autres dispositifs d'encadrement du crédit, votés notamment dans la loi sur la sécurité financière, sont autant d'avancées, mais ne peuvent suffire à eux seuls à traiter l'ensemble du problème.
    La solution est connue de tous, mais elle en effraie beaucoup, pas tant sur les bancs de cette assemblée ni au sein du Gouvernement, que dans un arrondissement de Paris où se gèrent les finances de la France et se décide la politique du crédit. Je veux, bien sûr, parler de la création d'un fichier positif de l'endettement qui est la seule solution pour responsabiliser les acteurs.
    Le premier argument en faveur d'un tel fichier est évident. La procédure de rétablissement personnel a pour objectif de répondre au désespoir de ceux qui sont surendettés du fait d'un accident de la vie : une personne sur trois ! C'est considérable.
    Mais que prévoit-on pour ceux qui le sont du fait d'une surconsommation de crédits ? Je sais bien qu'on considère en général qu'ils sont victimes de leur propre turpitude. En vérité, après un petit dérapage, ils sont sollicités, harcelés par les sociétés de crédit qui leur présentent des solutions faciles et illusoires, leur offrent ce qu'il croit être une planche de salut et qui est en réalité une planche pourrie, et ils ne font que s'enferrer. Ne laissons pas ces organismes de crédit enfoncer toujours plus dans le surendettement une partie de notre population.
    L'unique solution consiste à encadrer l'attribution de crédit, ou plus exactement à rendre les organismes de crédit responsables du jugement de la solvabilité de leurs emprunteurs.
    M. le président. Monsieur Lagarde, il faut conclure.
    M. Jean-Christophe Lagarde. De nombreuses idées fausses circulent de façon récurrente à ce sujet : on prétend par exemple qu'un tel fichier serait attentatoire aux libertés ; c'est faux. Nous reviendrons sur ce point le moment venu. En tout cas, ce dispositif est loin d'être aberrant.
    La commission des affaires culturelles en propose d'ailleurs un semblable, à l'initiative de Mme la rapporteure Cécile Gallez. Certains de nos voisins ont été obligés de l'adopter, compte tenu des dérives quantitatives du surendettement qu'ils ont connues. Je souhaite donc que, en la matière, la représentation nationale prenne de l'avance et traite, pour une fois, en amont ce qui risque de devenir un fléau dans les années à venir : le surendettement uniquement imputable à la surconsommation de crédit.
    Nous souhaitons également améliorer l'aspect social de la question : il s'agit en réalité de vérifier, de contrôler et d'essayer d'équilibrer les exigences des créanciers de ceux qui auront engagé la procédure de rétablissement personnel. Il faut établir, dans ce cas, que certains créanciers vont passer avant d'autres, notamment les propriétaires de logements privés qui mettent sur le marché leur logement et n'ont souvent que les loyers comme ressources pour rembourser les emprunts qu'ils ont contractés afin d'acheter ces logements. Si ces propriétaires ne sont pas assurés de toucher leur loyer, ils risquent tout simplement de renoncer à louer.
    M. Jean-Louis Dumont. Il a raison !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Voilà un point qui me paraît essentiel.
    M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
    Mme Odile Saugues. C'est la même chose pour tous les bailleurs !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Pour conclure, je soulignerai que les propositions du groupe UDF sont nouvelles. Nous sommes en avance, pas tant sur vous, monsieur le ministre, que sur la société en général. Les adopter nous éviterait certainement de légiférer à nouveau à court terme. En tout état de cause, le groupe Union pour la démocratie française tient à saluer une avancée dont vous êtes le principal promoteur et dont nous savons qu'elle a rencontré bien des obstacles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.
    Mme Annick Lepetit. Autant vous le dire, monsieur le ministre, au départ, l'annonce de votre projet m'a plu.
    M. André Santini. Quel élan !
    Mme Annick Lepetit. L'ambition semblait au rendez-vous et dans la continuité de ce qui avait été fait par vos prédécesseurs, comme vous-même aimez le répéter. Le titre de votre projet « loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine », votre annonce d'un « plan Marshall des banlieues », votre expérience de maire d'une commune comme Valenciennes étaient de bons présages pour l'avenir de la politique de la ville.
    Las, assez rapidement, l'illusion est tombée. En effet, l'effort budgétaire de l'Etat n'est pas à la hauteur de vos intentions. Et même si certaines d'entre elles sont louables, vous semblez beaucoup compter sur les autres pour apporter le financement nécessaire à votre projet.
    La deuxième raison de cette déception est que vous réduisez la politique de la ville à la rénovation urbaine. Il n'y a aucune mesure concernant l'emploi, l'école ou la prévention. La politique de la ville est désormais quantitative. Il faut démolir et reconstruire pour « faire la ville ». Nous disposons d'un chiffre : 200 000 démolitions et reconstructions sur cinq ans, c'est-à-dire 40 000 par an, mais nous ne savons ni où, ni quand, ni comment, ni avec quel argent ! De plus, il est important de le rappeler, les logements qui seront détruits sont dans leur très grande majorité habités. Des études ont-elles été conduites, notamment auprès des élus, des associations et des populations ? Si elles existent, nous aimerions les connaître.
    La troisième raison de notre déception est certainement la plus incroyable : votre projet de loi oublie les habitants. C'est la politique de la ville fantôme ! (Rires.) C'est d'ailleurs ce qui me surprend le plus. En effet, vous, monsieur le ministre, que vos collègues du Gouvernement, et notamment le premier d'entre eux, présentent comme « le pilier social du Gouvernement », « un homme du terrain », ...
    M. Ghislain Bray. Cela vous gêne !
    Mme Annick Lepetit. ... vous prévoyez - car nous sommes bien dans le domaine de la prévision - de détruire leurs logements, leurs quartiers et parfois même leur histoire sans même les consulter, les informer, les associer ! En tout cas, nous n'en trouvons nulle mention dans le texte. C'est même leur totale absence qui frappe ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je citerai quelques exemples précis. Les indicateurs, élaborés dans le cadre de l'Observatoire national des ZUS reposent exclusivement sur des évaluations d'experts. Aucun ne repose sur des évaluations réalisées ou du moins formulées par les habitants eux-mêmes ! Ni les habitants, ni les amicales de locataires, ni les élus ne participent au conseil d'administration de l'Agence nationale de rénovation urbaine, alors qu'elle est au coeur de votre programme. C'est d'ailleurs une des raisons parmi d'autres pour laquelle nous sommes opposés à sa création. Cela montre l'état d'esprit dans lequel a été élaboré votre projet de loi. On ne fait pas le bonheur des gens sans eux et malgré eux ! C'est contraire à la démarche décentralisatrice et de proximité. C'est contraire aussi à la démocratie à laquelle je vous sais attaché, monsieur le ministre.
    Concernant plus précisément les démolitions et les relogements, cette absence de représentation et d'écoute des habitants pose problème. Comment être assuré du respect des populations, des quartiers et de l'équilibre de la ville ?
    Alors que les politiques de rénovation urbaine sont délicates à mener, vous ne prévoyez aucun accompagnement social et humain. Il arrive que des habitants éprouvent quelque réticence à la démolition de leur logement. Certains craignent d'avoir à payer des loyers plus élévés une fois relogés, ou ne comprennent pas qu'on leur propose des appartements présentant moins d'avantages que ceux dans lesquels ils sont installés. D'autres ont peur de ne pas pouvoir bénéficier d'un grand appartement : il est, par exemple, difficile de reloger des familles nombreuses, notamment en région parisienne où l'on connaît une pénurie de F4 et de F5. En outre, parmi les populations concernées, certaines sont en grandes difficultés. Pour être relogées, elles doivent voir leurs problèmes résolus. Des travailleurs sociaux sont alors nécessaires. Quel budget est prévu à cet effet ?
    Accompagnement social signifie aussi soutien actif aux associations. Je rappelle que les aides aux associations ont été réduites et risquent de l'être encore ! Si on y ajoute la suppression des emplois-jeunes, on voit que votre gouvernement a supprimé les moyens et détruit les outils qui seraient aujourd'hui nécessaires à votre politique !
    Rien dans votre texte ne garantit le relogement - je pense que M. Pierre Cardo sera d'accord avec moi sur ce point. Vous allez devoir reloger 40 000 foyers alors que nous sommes en pleine pénurie de logements ! Cela veut dire qu'il faut bâtir avant de démolir. Or, actuellement, pour deux logements détruits, un seul est reconstruit ! Comment allez-vous faire pour satisfaire la demande de logements ? D'autant que vous ne disposez ni de l'argent ni du foncier nécessaires aux opérations que vous annoncez. Votre projet ne mentionne aucunement la mise en place de politiques permettant de dégager du foncier.
    Sur Europe 1, j'entendais, le 19 juin dernier, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, expliquer qu'il souhaitait la construction de logements plus petits et individuels, et que cela exigerait davantage de foncier. Voilà une difficulté supplémentaire pour vous, monsieur le ministre ! Il faut reconstruire plus petit ! Et, comme il faut reconstruire beaucoup, cela signifie qu'il faut reconstruire partout !
    Si la démolition de logements indignes recueille le consensus aujourd'hui, du moins je l'espère, il n'en est pas de même pour la reconstruction et pour le relogement. Il y a généralement peu d'enthousiasme, voire de la résistance, de la part de certaines collectivités locales quand il s'agit de reconstruire hors des quartiers sensibles. Les élus de votre majorité, les plus anciens en tout cas, se souviennent certainement des débats houleux auxquels avait donné lieu l'examen de la loi SRU. Ils dénonçaient alors l'obligation des 20 % de logements sociaux.
    Mme Odile Saugues. On s'en souvient !
    Mme Annick Lepetit. C'est aussi la raison pour laquelle, monsieur le ministre, vous me permettrez de vous poser quelques questions. Où seront relogés les gens ? Où vivront-ils ? Tous seront-ils maintenus dans leurs quartiers ? Allez-vous remettre en cause l'article 55 de la loi SRU ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Mais non !
    Mme Annick Lepetit. Vous semblez considérer que changer le décor changera toutes les données. Mais le béton ne fait pas tout, loin de là ! Vous voulez « refaire la ville » sans les gens...
    Enfin, votre politique « empiète » sur les crédits alloués à celle du logement. Vous déhabillez Pierre pour habiller Paul ! Nous sommes nombreux à craindre, par exemple, une baisse des crédits PALULOS.
    Le remède ne doit pas être pire que le mal, a déclaré tout à l'heure le rapporteur de la commission des finances.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce n'est pas à ce propos !
    Mme Annick Lepetit. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne pouvons pas adhérer à votre projet. Mais, comme la politique de la ville est une question essentielle et qu'il faut traiter, je souhaite que nous ayons un débat responsable et constructif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce n'est pas ainsi que vous l'aurez engagé ! Nous attendons toujours vos propositions constructives.
    M. le président. La parole est à M. Yves Jego.
    M. Yves Jego. Monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui et sur lequel vous avez lancé depuis plusieurs mois une concertation importante répond à une urgence : dégradation des conditions de vie des millions d'habitants qui vivent dans ces quartiers en grande difficulté, enfermement de ces quartiers sur de véritable poches de pauvreté, perte d'espoir des habitants, ce qui menace la cohérence et la cohésion sociale de notre pays.
    Au-delà des difficultés humaines et des drames que nous rencontrons dans ces ghettos, c'est le message républicain qui est détérioré, c'est une République qui est devenue peu à peu invisible, au gré des milliards annoncés par les différents ministres, tous avec bonne volonté, et en l'absence de réalisations concrètes sur le terrain, ce qui fait que les habitants des quartiers ne croient plus aux grands plans, aux effets d'annonce, aux chiffres alignés dans les conférences de presse à Paris, et attendent aujourd'hui avec impatience du concret au pied de leurs immeubles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    J'ai entendu, au cours du débat de ce soir, de nombreuses interrogations, de nombreuses critiques sur ce qu'il aurait fallu faire, notamment de la part de ceux qui ne l'ont pas fait à l'époque où ils auraient pu le faire.
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Ghislain Bray. Très juste !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est original !
    M. Pierre Cohen. En général, c'est ce qu'on dit quand on n'a rien à dire !
    M. Yves Jego. Au-delà du travail du Parlement, il est indispensable de rentrer aujourd'hui dans le concret. C'est ce que vous avez voulu faire, monsieur le ministre, d'une double manière, et d'abord en tirant les enseignements du passé,...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ils sont amnésiques !
    M. Yves Jego. ... en essayant de comprendre pourquoi ça ne marchait pas, pourquoi, en dépit de la bonne volonté de votre prédécesseur, les sommes annoncées n'arrivaient pas sur le terrain. Un rapport très sévère de la Cour des comptes, que l'on semble oublier, comme d'ailleurs beaucoup de ses rapports, qui sont classés dès leur parution, montrait que, quand le Parlement votait cent francs de crédits d'investissement, à peine quarante francs avaient été consommés en fin d'année et que tout le reste était encore bloqué dans les caisses de l'Etat, ce qui prouve d'ailleurs que parler de milliards ou se bagarrer sur les chiffres n'a aucun sens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Cohen. Si on met zéro, il y a zéro.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Il n'y a pas zéro dans le texte.
    M. Yves Jego. La réalité, ce sont les sommes réellement dépensées sur le terrain. Il y eut beaucoup de milliards inscrits par le passé, en particulier par la majorité précédente. Nous en avons peu vu la couleur sur le terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Ghislain Bray. Il a raison !
    M. Yves Jego. Vous avez voulu comprendre pourquoi ça ne marchait pas. Vous avez voulu inverser le système, sortir d'une telle logique.
    Je suis maire d'une ville qui comporte 80 % de logements sociaux, qui, depuis vingt ans, a accroché tous les acronymes de la politique de la ville et qui a vécu toutes les politiques successives. Depuis vingt ans, l'Etat, quels que soient les ministres et les gouvernements, nous disait en gros : « Voilà nos solutions, débrouillez-vous pour que vos problèmes correspondent à nos solutions ! » Evidemment, les problèmes de Montereau ne sont pas ceux de Marseille, ils ne sont pas ceux des villes qui sont représentées par mes collègues ici ce soir. Il était extrêmement difficile de faire correspondre la réalité du terrain à cette vision souvent parisienne et idéologique de la politique de la ville.
    Vous avez voulu, en créant le guichet unique, simplifier la situation, partir d'une logique qui est celle du projet local. Vous avez rappelé tout à l'heure que la ville que je dirige avait été l'une des premières à expérimenter cette démarche. Effectivement, nous avons eu, dans l'élaboration de ce projet, une entière liberté pour organiser la concertation avec les habitants, et je voudrais rassurer ma collègue du parti socialiste qui vient de s'exprimer : ce n'est pas parce que la loi impose une concertation que la concertation sera bonne. Ce n'est pas parce qu'on a prévu toutes sortes de dispositifs depuis des années que la concertation est une réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maurice Leroy et M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !
    M. Yves Jego. Il faut faire confiance aux maires, à ceux qui sont naturellement aptes à organiser la concertation des habitants, parce que, régulièrement, ils sollicitent leurs suffrages, et ne pas imaginer que, sur des projets d'une telle ampleur, on pourra imposer aux habitants des solutions sans leur en avoir parlé avant. C'est faire bien peu de cas du travail des élus locaux que nous sommes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. Yves Jego. Concertation avec les habitants, c'est l'expérience de Montereau. Liberté pour inclure dans le projet l'ensemble de nos besoins. J'ai entendu parler des écoles, des services publics, des équipements sportifs, de l'aspect social. Nous avons aujourd'hui la possibilité de globaliser l'ensemble.
    Mme Claude Darciaux. Comme avant !
    M. Yves Jego. Un maire pourra, par exemple, obtenir des subventions, en déplafonnant tous les critères, pour reconstruire une école parce qu'elle est importante pour la vie du quartier. Jusqu'à présent, on disait au maire que l'école relevait de sa responsabilité, et que, s'il ne la prenait pas en charge au moins à 60 %, rien ne se passerait. Or, quand il le faisait, il n'avait plus les moyens de faire autre chose. Grâce à ce dispositif, nous pourrons attaquer tous azimuts les problèmes qui se posent.
    M. Pierre Cohen. Je vous donne rendez-vous pour examiner les résultats !
    M. Yves Jego. Vous avez compris, je peux en témoigner, qu'il fallait partir du projet local et non pas d'une vision globale.
    Vous avez aussi souhaité fixer des objectifs - et il est bon que l'on sache où l'Etat veut nous emmener -, des objectifs ambitieux en matière de démolition, de reconstruction, de réhabilitation. Vous avez défini un cadre, donné des chiffres. Cette loi nous donne une perspective dans le temps. A nous, maintenant, acteurs de terrain, de faire en sorte de répondre à ces critères et, surtout, de présenter le plus rapidement possible des projet cohérents au guichet unique ou à l'agence nationale qui leur accorderont un financement global, ce qui nous évitera de passer trop de temps à courir chez les uns et les autres et d'attendre la décision du dernier qui aura parlé et qui bloque l'ensemble du système.
    Enfin, vous avez souhaité donner au volet économique toute sa dimension. Alors vous imaginez bien que je vais évoquer les zones franches et essayer avec l'humilité qui est celle du président de l'Association nationale des villes zones franches, qui en a visité à ce jour pratiquement trente-six sur les quarante-quatre existantes, de vous dire que l'on a entendu, sur ce sujet, beaucoup d'âneries...
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Yves Jego. ... par le passé, dès l'origine, a priori. Ce qui est rageant, c'est que, en dépit du résultat largement positif, on continue d'entendre les mêmes dérives. A croire que, pour préparer leurs interventions, mes prédécesseurs se sont plongés dans la revue de presse d'il y a cinq ans et n'ont pas compris qu'entre-temps, il y avait eu des résultats sur le terrain.
    J'ai entendu parler de chasseurs de primes. Je peux témoigner qu'il n'y a pas de chasseurs de primes dans les zones franches. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Eric Raoult. Eh non !
    M. Yves Jego. Il n'y a pas de primes dans les zones franches, l'entreprise qui s'implante dans une zone franche ne touche pas un sou d'argent public.
    Contrairement aux dispositifs qui ont été mis en place, notamment par M. Bartolone, qui a créé des primes à l'emploi, les entreprises allant toucher de l'argent au guichet du Trésor public, une entreprise qui s'implante dans une zone franche ne touche pas un sou ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne pas payer les charges sociales, c'est quoi ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ne vous énervez pas !
    M. Eric Raoult. Sortez de la rue de Solférino !
    M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, cela ne sert à rien de vous énerver !
    M. Yves Jego. Une entreprise qui joue le jeu de la politique de la ville et qui s'installe dans une zone franche ne touche pas un centime de l'Etat, et je mets au défi qui que ce soit dans cette salle de me démontrer le contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Les exonérations, c'est quoi ?
    M. Yves Jego. On lui prend moins d'argent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. L'orateur fait une démonstration. Laissez-le conclure !
    M. Yves Jego. Elle gêne, monsieur le président, c'est pour ça qu'on ne me laisse pas conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Il ne donne pas de chiffres !
    M. Yves Jego. Vous admettrez, mes chers collègues, que vous le vouliez ou non,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Donnez des chiffres !
    M. Yves Jego. ... qu'il y a une différence de taille entre aller chercher un chèque et partir avec, et exercer une activité réelle, l'Etat vous prenant un moins d'argent à la fin de chaque mois. C'était ça la logique des zones franches, et c'est sans doute pour ça que ça a marché.
    M. Jean-Pierre Blazy. Donnez des chiffres !
    M. Eric Raoult. 35 000 emplois ! Même à Garges-lès-Gonesse, il y en a eu ! Alors arrêtez !
    M. Yves Jego. Si vous voulez quelques chiffres, je vais vous les donner.
    Il semble en effet que vous en soyez restés au rapport de l'inspection des affaires sociales qui a été réalisé quelques mois après le démarrage du dispositif et que vous n'ayez pas pris soin de réajuster vos chiffres. Le rapport d'impact qui avait été commandé par le Gouvernement au moment de la mise en place de ce dispositif de défiscalisation des zones franches prévoyait au mieux la création ou l'arrivée de 7 000 emplois en cinq ans. Nous en sommes à 45 000.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Merci, monsieur Raoult !
    M. Yves Jego. On peut considérer que c'est un succès mitigé, mais vous avouerez que c'est une notion du mitigé qui ne rejoint pas forcément celle des mathématiques.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est une notion socialiste !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ils préfèrent les emplois subventionnés !
    M. Yves Jego. Enfin, puisque c'est toujours un sujet à polémiques, je suppose que le ministre sera tout à fait d'accord pour ne pas donner le label « zone franche » aux villes qui le refuseraient.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais oui !
    M. Yves Jego. A ma connaissance, sur les quatre-vingts villes susceptibles de bénéficier de ce dispositif, aucun maire, de droite comme de gauche, n'a refusé ce dispositif. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Forcément ! Pourquoi seraient-ils exclus d'un dispositif dont toute la nation supporte la charge ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Les socialistes sont schizophrènes !
    M. Yves Jego. Même les plus critiques, comme Mme Aubry, tenaient, face aux entreprises de leur zones franches, un discours tout différent.
    M. Eric Raoult. Ils viennent nous manger dans la main !
    M. Yves Jego. Ce projet, vous l'aurez compris, répond aux attentes de celles et ceux qui croient qu'il est important de réaffirmer les valeurs de la République dans nos quartiers, de montrer à ces millions d'habitants qu'ils ne sont pas en dehors de la République...
    Mme Muguette Jacquaint. Qui les y a mis ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Pas plus nous que vous !
    M. Yves Jego. ... mais qu'ils en sont des acteurs à part entière.
    Votre loi est ambitieuse, elle aura à mon avis un succès comme nous n'en avons jamais connu depuis vingt ans de politique de la ville, parce qu'elle est fondée à la fois sur le pragmatisme et sur l'intelligence. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Muguette Jacquaint. Demandez donc à Tiberi et à Chirac ce qu'a été leur politique de la ville pour les logements HLM !
    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.
    Mme Arlette Grosskost. Votre projet, monsieur le ministre, a l'avantage de concilier, au profit d'un territoire urbain et de sa population, une logique de développement économique et un objectif de cohésion sociale. S'il est vrai que l'un ne va pas sans l'autre, encore faut-il se donner les moyens de sa politique : votre texte répond totalement à ce souci.
    Dans cet esprit, et comme beaucoup d'autres - tout a déjà été quasiment dit - j'évoquerai plus particulièrement les dispositifs reconduits et élargis des zones franches urbaines, dispositifs qui, je le dis haut et fort, sont largement positifs.
    Ainsi, à Mulhouse, mairie socialiste, et bien qu'elle soit implantée à proximité immédiate d'un quartier dit sensible, que d'aucuns appellent même zone de non-droit, la ZFU est globalement une réussite, puisqu'on y constate l'implantation de près de 200 entreprises, avec 1 800 emplois, dont 300 créations nettes, et ce sans troubles manifestes, à quelques exceptions près, c'est vrai, en contradiction totale avec les craintes largement exprimées au départ.
    Vous me permettrez néanmoins de mettre un bémol qui m'est propre. S'il paraît évident d'imposer aux chefs d'entreprise, pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales prévues, d'embaucher un tiers de salariés domiciliés dans les quartiers classés ZFU, il n'en demeure pas moins que le recrutement apparaît extrêmement difficile en l'état, eu égard à l'inadéquation entre la qualification, les compétences requises et le public en présence, souvent identifié comme public en difficulté.
    M. Ghislain Bray. Très juste !
    Mme Arlette Grosskost. Malheureusement, cet état de fait a trop souvent pour conséquence un redressement fiscal et/ou social quasi systématique de l'entreprise n'ayant pu répondre en temps utile aux règles strictes et rigides du texte, d'ailleurs souvent interprétées par des circulaires administratives dont l'interprétation reste à tout le moins particulière. De surcroît, ces redressements sont souvent diligentés par une administration plus que tatillone, qui invoque la suspicion de fraude à l'encontre de l'entrepreneur - elle est souvent aidée dans ce cas-là - soi-disant indélicat, dont la seule faute consiste en une mauvaise interprétation d'un texte à mon goût un peu trop technocratique, donc insuffisamment lisible, qui gagnerait à être plus souple et plus simple.
    Il va sans dire qu'il conviendra impérativement de réfléchir à mieux qualifier les salariés à la recherche d'emplois dans les quartiers difficiles. L'intégration par l'économie est un enjeu essentiel pour notre pays, et nous devons lui donner toutes ses chances en termes de création d'emplois et d'encouragement à la création d'entreprise. Il n'y a pas de raison que l'esprit d'entreprendre ne puisse également fleurir aux balcons de nos cités.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    Mme Arlette Grosskost. Dans le prolongement d'une cohésion sociale bien pensée, indissociable d'une politique de la ville cohérente, je profite de la discussion générale pour faire une petite digression et évoquer un sujet qui me tient à coeur, à savoir le SAVU. Je suis très obstinée, monsieur le ministre.
    A Mulhouse, comme dans cinq autre sites pilotes en France, ce service fonctionne à titre expérimental depuis six mois et apporte une réponse adaptée, professionnelle et immédiate aux victimes d'agression, d'accident ou de violence conjugale. Je précise que près de 90 % des interventions concernent les femmes. Instrument de lutte contre le sentiment d'abandon ou d'insécurité, ce dispositif répond ainsi aux attentes des victimes comme à celles des partenaires institutionnels, qu'il s'agisse de la police, de la gendarmerie, des hôpitaux ou des parquets.
    Au moment où vous attendez vous-même les résultats de l'évaluation nationale pour décider de poursuivre et d'étendre cette expérience, je voudrais évoquer la question de la pérennisation de ce dispositif, spécialement chez nous à Mulhouse, vous l'aurez compris, qui doit pouvoir reposer sur un financement partenarial associant l'Etat, au-delà d'un engagement portant sur une période expérimentale, et les collectivités. La sécurité est une responsabilité partagée. Elle nécessite un engagement partenarial en faveur de ces victimes du quotidien qui sont bien souvent les plus exposées socialement.
    Parmi les victimes du quotidien, il y a aussi celles et ceux qui sont touchés par le surendettement. Votre texte se saisit pleinement, et j'en suis ravie, de cette question. Legs de l'histoire, la faillite civile d'Alsace-Moselle permet de traiter depuis plus d'un siècle les situations de surendettement les plus obérées. Elément de l'identité et de la culture régionales, cette faillite civile, à laquelle les populations de nos départements sont très attachés, se devait d'être modernisée pour s'adapter aux évolutions de la société. C'est le sens des amendements que j'ai déposés avec mon collègue Emile Blessig.
    Pour l'essentiel, ils entendent répondre à trois préoccupations majeures, mais il va sans dire qu'ils ne concernent que le droit local, ce qui demandera peut-être quelque explication, et qu'il faudra cette fois-ci faire le parallèle avec votre loi.
    En premier lieu, la moralisation de la faillite civile serait confortée par l'exigence de la bonne foi, qui devient une condition d'ouverture de la procédure - elle est prévue dans le texte, mais pas en droit local. En deuxième lieu, le coût de la procédure serait allégé par la dispense de l'inventaire de biens et de la vérification des créances lorsqu'il apparaîtrait dès le départ...
    M. le président. Il faut conclure, madame !
    Mme Arlette Grosskost. ... que le produit de la vente des biens du débiteur sera absorbé par les frais de la procédure. En troisième et dernier lieu, afin d'éviter l'effacement total des dettes d'une personne disposant néanmoins de quelques revenus suffisants, la possibilité devrait être donnée au juge d'instituer une obligation de contribuer au passif dans une proportion qu'il déterminera. En tout état de cause, la durée de cette contribution ne pourrait pas excéder deux années.
    J'espère, monsieur le ministre, que ces amendements pourront être adoptés lors du débat sur le redressement personnel. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'annonce que le Gouvernement s'intéressait aux enjeux de la politique de la ville et allait présenter ce texte a suscité certains espoirs chez les habitants, les bailleurs sociaux et les élus. Nous n'avons pas, pour notre part, la prétention de croire et de dire que, s'agissant de la ville, nous avons tout réussi et réussi sur tout.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Heureusement !
    M. Gérard Hamel. Ça se saurait !
    M. Eric Raoult. Mea culpa !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas un mea culpa, mais, puisqu'on a parlé d'humilité, soyons humbles.
    Monsieur le ministre, en annonçant « la plus grande opération de reconstruction depuis l'après-guerre » - c'est votre formule -, vous avez créé une forte attente parmi la population et chez les acteurs de la politique de la ville autour de votre projet de loi. Je crains que, après son adoption, beaucoup ne soient déçus.
    Certes, ce texte comporte des aspects positifs et de bonnes mesures. Néanmoins, le sentiment qui domine après un examen attentif est une grande déception car, contrairement aux ambitions affichées, il ne sera pas à même de relever les enjeux de la politique de la ville.
    M. Gérard Hamel. Pourquoi ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. L'avenir le dira !
    M. Jean-Pierre Blazy. S'il peut se résumer à un ensemble de diverses dispositions sur la ville, il n'est en aucun cas - et c'est là la raison essentielle - une loi d'orientation et de programmation crédible.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous êtes vraiment des Cassandres !
    M. Jean-Pierre Blazy. Tout en saluant les avancées nouvelles de votre texte - il fallait le faire, je le répète -, le Conseil national des villes, dont je suis membre et que vous avez cité, et les deux rapports du Conseil économique et social soulignent fortement, aussi, des insuffisances, et formulent surtout des demandes qui vont tout à fait dans le sens de ce que nous exprimons.
    Monsieur le ministre, notre première déception concerne l'agence nationale pour la rénovation urbaine que vous proposez de créer. Quelle belle idée, certes, que ce guichet unique qui faciliterait le travail des élus et des bailleurs sociaux ! Mais la création de cette agence n'est pas une mince affaire et sa mise en place risque de se heurter à l'incompréhension et à certaines difficultés. Ainsi, on ne peut qu'être surpris de constater que, au moment où le Gouvernement affiche ses objectifs en matière de décentralisation vous proposiez la création d'un dispositif très centralisé.
    De même, on peut s'inquiéter des risques de remise en cause du caractère fortement partenarial et contractuel de la politique de la ville. Déjà, le conseil interministériel des villes ne se réunit quasiment plus et les crédits de fonctionnement ont été en partie gelés, ce qui a plongé les partenaires de la ville dans de graves difficultés, en particulier les associations qui viennent exprimer leur incompréhension dans nos permanences. Monsieur le ministre, la politique de la ville ne se résume pas à la seule question du renouvellement urbain.
    Contrairement à ce que vous affirmez, la difficulté la plus significative concerne, sans aucun doute, la question des moyens. Le coût de votre ambitieux programme de 200 000 démolitions. 200 000 reconstructions, et 200 000 réhabilitations est estimé à 30 milliards d'euros sur cinq ans. Il est prévu que l'Etat intervienne à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an, avec seulement 300 millions d'apport supplémentaire. Pour le reste - c'est-à-dire pour l'essentiel - vous comptez sur le concours des autres partenaires de la politique de la ville, de l'UESL, mais aussi des collectivités territoriales, de la Caisse des dépôts et consignations, et sur un effet de levier dont on peut douter. L'effort supplémentaire de l'Etat est très faible, et les incertitudes qui entourent le budget 2004 nuisent à la crédibilité des objectifs annoncés. Par ailleurs, le champ de la loi se limite aux seules zones urbaines sensibles.
    J'associerai à cette analyse ma collègue Sylvie Andrieux-Bacquet, qui n'a pu être parmi nous aujourd'hui, mais voulait intervenir sur ce point. Bien sûr, monsieur le ministre, ces zones urbaines sensibles méritent une action ciblée. Mais qu'en est-il des autres ? Les quartiers de la politique de la ville ne se réduisent pas aux seules ZUS. De nombreux élus s'inquiètent de ce choix et demandent la clarification nécessaire. Vous vous êtes déjà exprimé tout à l'heure, je vous ai entendu. Mais que faites-vous des opérations de renouvellement urbain, qui ne recouvrent pas de ZUS ?
    Monsieur le ministre, je suis maire de Gonesse : il s'y trouve une ZUS à un bout de la ville, une ORU à l'autre bout. Que faites-vous des 52 GPV, dont 28 représentent une zone plus large que les ZUS qu'ils contiennent ?
    Le guichet unique acceptera-t-il également de financer en dehors des zones urbaines sensibles les reconstructions de logements détruits ? Car le principe d'un logement reconstruit pour un logement démoli ne peut, en aucun cas, signifier qu'il faille nécessairement reconstruire dans le même quartier, que l'on souhaiterait pouvoir aussi dédensifier.
    Monsieur le ministre, n'ajoutons pas de nouvelles injustices aux inégalités existantes, en focalisant ce que vous qualifiez d'effort sur 720 ZUS alors que - rappelons-le - les contrats de ville comptabilisent un peu plus de 1 200 quartiers difficiles. Vous avez rappelé ces chiffres tout à l'heure. J'aimerais croire aujourd'hui que 500 quartiers sont sortis miraculeusement de leur misère, mais vous me permettrez d'en douter.
    On ne trouve mot, dans votre texte, des contrats de ville en cours. Or vous savez bien que c'est la démarche contractuelle et partenariale qui est efficace dans le cadre de la politique de la ville, avec l'implication des habitants et des associations locales.
    La politique de la ville se doit de recréer du lien social et pas seulement de construire des logement neufs. Elle doit mettre les habitants au centre de ses préoccupations. Des mesures d'aménagement comme celles que vous préconisez nécessitent un accompagnement social des populations, des mesures d'appui à l'éducation et à l'école, des mesures d'intégration pour l'emploi, d'accès aux soins, mais aussi de prévention de la délinquance. Or vous renvoyez tout cet accompagnement social indispensable dans une annexe, qui se résume à une déclaration d'intentions sans véritables moyens pour la mettre en oeuvre, même si nous sommes d'accord avec la création de l'observatoire national que vous proposez.
    Je vous accorde que les choix politiques généraux du Gouvernement ne jouent pas en votre faveur, monsieur le ministre, et je ne peux rendre responsable votre texte de toutes les insuffisances du gouvernement actuel. Mais prenons l'exemple de la prévention. Comment allons-nous faire de la prévention dans les quartiers difficiles lorsque votre gouvernement supprime la police de proximité dans ces mêmes quartiers ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Mais non !
    Mme Janine Jambu. Si, c'est vrai !
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais si, c'est la réalité : je vous invite à venir voir chez moi, à Gonesse, monsieur le ministre.
    M. Yves Jego. La délinquance augmente à Gonesse ?
    M. Eric Raoult. C'est Strauss-Kahn qui la récupère !
    M. Jean-Pierre Blazy. Tout à l'heure, on disait que les élus de l'opposition vous critiquaient avant de vous inviter. Moi, je ne vous ai pas encore invité, mais je le ferai bien volontiers.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Pas pour demander une zone franche, j'espère, comme vos collègues socialistes !
    M. Jean-Pierre Blazy. Non, pas pour réclamer une zone franche, mais pour vous montrer les réalités d'une ville.
    M. Pierre Cohen. Bien gérée !
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, ce sera avec plaisir que je vous accueillerai à Gonesse.
     Comment faire de la prévention si l'on supprime la police de proximité ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. On ne la supprime pas !
    M. Jean-Pierre Blazy. Comment faire de la prévention si l'on remet en question les emplois-jeunes et les adultes relais ? Dans le Val-d'Oise, en 2003, on ne compte plus que dix de ces adultes relais, et nous n'avons aucune certitude quant à l'année 2004. Comment favoriser l'intégration des populations d'origine étrangère lorsque le FASILD réduit massivement son aide aux associations ? Comment prévenir plus efficacement la rupture éducative trop souvent précoce, lorsque vous freinez la mise en place des cellules de veille éducative, en réduisant les crédits pour financer les postes de coordonnateur ? Voilà des questions concrètes.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà de bonnes questions !
    M. Jean-Pierre Blazy. Le développement des quartiers en difficulté passe également par le développement économique. Que prévoit votre texte dans ce domaine ? Vous décidez de créer quarante et une nouvelles zones franches, parfois sans concertation avec les élus locaux concernés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce n'est pas vrai, il faut que la ville soit candidate !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est ce qu'on me dit !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est n'importe quoi !
    M. Eric Raoult. Vous me décevez, monsieur Blazy ! Si une ville ne veut pas, elle ne le demande pas !
    M. Jean-Pierre Blazy. Excusez-moi de vous décevoir, monsieur Raoult.
    M. Yves Jego. Venez les visiter avec nous !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas ! Vous faites semblant de connaître !
    M. Jean-Pierre Blazy. Admettons, mais je veux qu'on clarifie les choses, et c'est le débat qui le permet !
    M. Eric Raoult. Il est meilleur, d'habitude !
    M. Gérard Hamel. C'est rare !
    M. Pierre Cardo. Assez de flatteries, monsieur Raoult !
    M. le président. Laissez terminer M. Blazy, sinon il ne va pas respecter son temps de parole !
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous avions nous-mêmes prolongé le système des zones franches, mais nous avions prévu des dispositifs de sortie. Où sont les vôtres ? On ne peut pas indéfiniment priver les collectivités locales de ressources fiscales...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Les pertes sont compensées !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... ni laisser se développer les effets d'aubaine et le risque de voir se créer des entreprises boîtes à lettres, sans embauches réelles, malgré ce que nous a dit M. Jego.
    Ce n'est pas en multipliant les zones franches que vous résorberez le chômage, car le lieu d'émergence du problème n'est pas le problème lui-même, ou du moins il ne s'y réduit pas. Ce n'est pas en diminuant continuellement les charges des entreprises dans les quartiers que vous favoriserez la formation professionnelle et la mobilité (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car c'est bien l'élément clé sur lequel l'action doit être menée. La zone franche n'est pas une solution viable à terme, vous auriez dû, bien au contraire, envisager des dispositifs permettant aux quartiers concernés de se normaliser au plus vite.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous ne proposez rien !
    M. Jean-Pierre Blazy. Là encore, votre conception de l'aide aux quartiers en difficulté est partielle. De même, monsieur le ministre, le CNV vous demandait...
    M. Eric Raoult. Si le CNV l'a dit, on est sauvé !
    M. Jean-Pierre Blazy. Au CNV, il y a des élus de droite et de gauche, et nous avons réfléchi collectivement. Le CNV vous demandait de donner les moyens financiers et budgétaires aux communes pauvres de nos banlieues.
    M. Yves Jego. Dommage que vous ne l'ayez pas fait !
    M. Jean-Pierre Blazy. Pour cela, il faut réformer la DSU - je sais que, à titre personnel, vous y êtes favorable -, comme il est nécessaire que les dépenses réelles à prendre en compte au titre du fonds de compensation pour la TVA soient celles de l'exercice en cours.
    D'une certaine façon, à peine mis sur pieds, votre projet s'essouffle.
    M. Eric Raoult. On s'essouffle avant d'être partis !
    M. Jean-Pierre Blazy. Je le regrette profondément, car prétendre s'attaquer aux problèmes de nos quartiers ne peut se résumer à quelques mesures qui risquent d'être mal financées. La ville est bien plus qu'un alignement de bâtiments, les transformations physiques n'ont pas nécessairement des effets sociaux et cette complexité ne peut s'appréhender que par une politique ambitieuse et intégrée, qui passe par la formation professionnelle, l'insertion sociale ou la promotion d'un logement de qualité, et qui implique un partenariat de tous les échelons territoriaux, de tous les acteurs publics et associatifs.
    Monsieur le ministre, dans Le Monde du 6 mai dernier, vous annonciez, que, « dans cinq ans, il n'y aurait plus de ministère de la ville ». En vérité, si votre projet de loi est la seule réponse du Gouvernement en la matière, dans cinq ans, il n'y aura plus de politique de la ville, et donc, effectivement, plus de ministère de la ville. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais surtout, monsieur le ministre, s'attaquer aux problèmes de la ville, c'est faire le choix d'une politique à laquelle on donne des moyens à la hauteur de ses objectifs. Nous en sommes aujourd'hui encore trop loin. Malgré votre volonté personnelle qui n'est pas à mettre en doute, vous n'avez pas les moyens de l'ambition proclamée. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons vous suivre, quoique nous ayons des objectifs communs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Hamel.
    M. Eric Raoult. Voilà quelqu'un qui connaît le dossier !
    M. Gérard Hamel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, que nous examinons aujourd'hui, va dans le sens souhaité par de nombreux maires. Il permet en effet de tendre vers une simplification très attendue de la politique de la ville. Il est donc l'occasion de montrer à nos concitoyens, notamment à ceux qui souffrent le plus, que l'action politique est chargée de sens, qu'il n'est pas nécessaire d'attendre dix ou quinze ans pour restructurer un quartier mais qu'en deux, trois ou quatre ans, la chose est possible.
    A Dreux, un ambitieux projet de démolition de tours, qui ne trouvaient plus de locataires depuis plus de dix ans, a pu être mené à bien en quatre mois grâce à votre action, monsieur le ministre.
    M. Pierre Cohen. Ah bon ?
    M. Gérard Hamel. Tout s'est rapidement enchaîné : démolitions, remboursement des emprunts et rétrocession de terrains pour reconstruire des habitations pavillonnaires. A travers cette réalisation, je peux témoigner que la volonté politique est déterminante, car elle permet d'obtenir des résultats rapides et décisifs. Oui, je l'affirme, avec vous, monsieur le ministre, nous avons enfin, concrètement, les moyens d'agir.
    Votre projet de loi tient compte des remarques des élus locaux, notamment celles qui concernent la simplification des procédures en matière de rénovation urbaine.
    M. Pierre Cardo. C'est exact !
    M. Gérard Hamel. Grâce aux articles 7, 8, 9, 10 et 11 de votre projet de loi, vous vous donnez et vous nous donnez les moyens d'agir en faveur des populations concernées. Grâce à ces dispositions, vous nous donnez la garantie d'une action sur les cinq années à venir. De plus, vous avez rassuré tous ceux qui ont pris des risques et qui ont investi dans les quartiers difficiles, grâce à la pérennisation des zones franches urbaines qu'avait instaurées le gouvernement d'Alain Juppé et mises en oeuvre Eric Raoult. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Jego. Un excellent ministre !
    M. Gérard Hamel. En outre, vous créez quarante et une zones supplémentaires.
    En nous proposant toutes ces mesures relatives aux zones franches, vous avez dissipé les doutes et les inquiétudes engendrées par le gouvernement précédent, qui avait tout fait pour réduire l'impact de ces zones franches en faisant peser des menaces sur leur existence. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. Gérard Hamel. Vous permettez aussi une nouvelle approche des problèmes sociaux que peuvent rencontrer des habitants de ce pays. Je pense notamment à la procédure de rétablissement personnel, qui redonnera espoir à certains de nos concitoyens. Le plus souvent, ce sont des personnes que l'accumulation des difficultés empêche de retrouver le moindre espoir de s'en sortir. En votant les articles 27 et 28 de votre projet de loi, nous permettrons à la République française de ne pas laisser tomber un grand nombre de ces ménages dans le désespoir et la détresse.
    Enfin, l'article 30 du projet de loi renvoie à une loi ultérieure qui devra être votée par nos assemblées avant le 1er janvier 2005. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait suivant : les SA d'aménagement et de construction sont un outil indispensable dans le cadre des politiques d'aménagement et de logement que mènent les élus locaux. C'est pourquoi certaines des dispositions proposées m'inquiètent, car je ne voudrais pas que les SA, et, au sein de leurs conseils d'administration, les élus, perdent leur rôle prépondérant. Je ne souhaite pas que certains groupes financiers deviennent majoritaires...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !
    M. Gérard Hamel. ... et puissent nommer des administrateurs qui ne seraient pas impliqués dans le tissu économique et social local, et que, progressivement, les SA soient administrées par des conseils d'administration dont la majorité des membres recevraient des ordres d'actionnaires majoritaires parisiens qui n'auraient pas forcément la même vision que nous, élus de terrain.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet !
    M. Gérard Hamel. Monsieur le ministre, je vous demande donc de faire figurer dans le texte de la future loi le principe d'une étroite association des élus locaux dans les SA, pour trouver un juste équilibre dans l'intérêt de tous.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. Philippe Pemezec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Un amendement le prévoit !
    M. Gérard Hamel. Monsieur le ministre, votre texte est un très bon projet pour nos villes. Il a le mérite de se donner les moyens d'une vraie politique avec des résultats assurés pour ceux qui ont des projets concrets à réaliser. Merci, monsieur le ministre, pour votre action
    En nous proposant toutes ces mesures relatives aux zones franches, vous avez dissipé les doutes et les inquiétudes engendrées par le gouvernement précédent, qui avait tout fait pour réduire l'impact de ces zones franches en faisant peser des menaces sur leur existence. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. Gérard Hamel. Vous permettez aussi une nouvelle approche des problèmes sociaux que peuvent rencontrer des habitants de ce pays. Je pense notamment à la procédure de rétablissement personnel, qui redonnera espoir à certains de nos concitoyens. Le plus souvent, ce sont des personnes que l'accumulation des difficultés empêche de retrouver le moindre espoir de s'en sortir. En votant les articles 27 et 28 de votre projet de loi, nous permettrons à la République française de ne pas laisser tomber un grand nombre de ces ménages dans le désespoir et la détresse.
    Enfin, l'article 30 du projet de loi renvoie à une loi ultérieure qui devra être votée par nos assemblées avant le 1er janvier 2005. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait suivant : les SA d'aménagement et de construction sont un outil indispensable dans le cadre des politiques d'aménagement et de logement que mènent les élus locaux. C'est pourquoi certaines des dispositions proposées m'inquiètent, car je ne voudrais pas que les SA, et, au sein de leurs conseils d'administration, les élus, perdent leur rôle prépondérant. Je ne souhaite pas que certains groupes financiers deviennent majoritaires...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !
    M. Gérard Hamel. ... et puissent nommer des administrateurs qui ne seraient pas impliqués dans le tissu économique et social local, et que, progressivement, les SA soient administrées par des conseils d'administration dont la majorité des membres recevraient des ordres d'actionnaires majoritaires parisiens qui n'auraient pas forcément la même vision que nous, élus de terrain.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet !
    M. Gérard Hamel. Monsieur le ministre, je vous demande donc de faire figurer dans le texte de la future loi le principe d'une étroite association des élus locaux dans les SA, pour trouver un juste équilibre dans l'intérêt de tous.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. Philippe Pemezec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Un amendement le prévoit !
    M. Gérard Hamel. Monsieur le ministre, votre texte est un très bon projet pour nos villes. Il a le mérite de se donner les moyens d'une vraie politique avec des résultats assurés pour ceux qui ont des projets concrets à réaliser. Merci, monsieur le ministre, pour votre action déterminante. Votre politique permet de mener des actions significatives dans des délais très courts et est vraiment de nature à changer la vie des habitants de nos quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Georges Mothron.
    M. Eric Raoult. Voilà l'homme qui a terrassé Robert Hue !
    M. Yves Jego. Le tueur de dinosaure ! (Sourires.)
    M. Georges Mothron. « Liberté, Égalité, Fraternité ». C'est, ou, plutôt, c'était la devise de la République française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Muguette Jacquaint. Ça l'est toujours !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Pourquoi « c'était » ?
    M. Georges Mothron. Elle est même inscrite, fait très rare, sur le fronton de la basilique d'Argenteuil, ville que j'ai l'honneur de conduire depuis deux ans et que je représente ici, dans cette assemblée, avec l'ineffable ville de Bezons. Il est grand temps que nous nous mettions tous à l'oeuvre pour remettre notre devise au goût du jour. Il faut dire que le siècle dernier, surtout en sa seconde partie, l'a par trop abîmée.
    La banlieue parisienne, comme celle de bien des capitales de province, a poussé anarchiquement, sans réelle stratégie à terme. Il fallait répondre aux demandes de logement de l'immédiat après-guerre. Pour l'anecdote, un de mes arrière-grands-pères était déjà maire d'Argenteuil il y a un siècle : en cent ans, la commune est passée de 17 000 à 95 000 habitants, d'une infrastructure encore très agricole à une ville en partie dortoir. La décolonisation des années 60, puis les besoins de main-d'oeuvre ont fait des appels d'air énormes qui n'ont pas toujours été gérés. Le résultat est connu : des quartiers entiers de logements sociaux, près de 40 % au total, six foyers SONACOTRA, quarante et un hôtels meublés. Ajoutez à cela quarante-sept ans de gestion - ou plutôt de non-gestion - communiste. Et vous nous demandez où se trouvent la liberté, l'égalité et la fraternité !
    Votre projet, monsieur le ministre, s'intitule « loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ». Il apporte beaucoup d'espoir dans nos quartiers, car il doit participer à rétablir l'équité sociale et territoriale.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous diminuez le nombre des logements sociaux !
    M. Georges Mothron. Mais, appliqué seul, il n'aurait que peu de chances de réussite.
    Mme Muguette Jacquaint. Cela confirme bien ce que nous pensions : vous faites du logement social chez les autres, pas chez vous !
    M. Georges Mothron. Il est temps que nous puissions appliquer les lois présentées par le Gouvernement auquel vous appartenez et votées par le Parlement.
    J'ai appris très jeune - il est vrai que c'était il y a quelque temps - que ma liberté s'arrêtait où commençait celle de mes voisins. Il convient, sans attendre les effets d'une éducation à rénover, que les institutions poussent au respect de l'autre, de ses biens, et des biens publics. Les lois présentées l'année dernière et cette semaine encore par le ministre de l'intérieur, doivent y participer de façon cohérente. Mieux contrôler les flux migratoires est devenu une obligation.
    Mme Muguette Jacquaint. On a vu !
    Mme Janine Jambu. Pour chasser les pauvres !
    M. Georges Mothron. Mieux punir les hors-la-loi ou les délinquants sera plus facile. Voilà pour la liberté.
    Le coup d'accélérateur que vous proposez en matière de logement social est une très bonne action en faveur de l'égalité du toit et du couvert.
    Les logements dits « loi 1948 » et ceux des années 50-60 sont souvent dans un état inacceptable. Il fallait enfin pouvoir détruire pour mieux reconstruire.
    Mme Janine Jambu. Pour mieux chasser !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Il n'a chassé que les nains de jardin !
    M. Georges Mothron. Si cette législation potentielle trouvait sa justification dans les reconstructions de l'après-guerre, celle-ci démontre son inefficacité, voire son côté pervers au xxie siècle. Mais il faut que tout le monde joue le jeu pour que la vraie mixité sociale, terme trop souvent galvaudé, puisse y gagner.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas tout à fait ce que vous souhaitez !
    M. Georges Mothron. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour donner aux maires plus de pouvoir pour les attributions de logements dans les quartiers difficiles.
    Mme Annick Lepetit. Ah oui !
    M. Georges Mothron. Mes collègues maires en subissent tous les jours les effets pervers. On leur inflige encore trop souvent, au titre des contingents préfectoraux d'attribution ou de ceux des pourvoyeurs du 1 %, des populations qui, parfois, accélèrent la paupérisation et la dégradation des quartiers.
    Mme Muguette Jacquaint. Chassez ces pauvres qu'on ne saurait voir !
    M. Georges Mothron. J'ai chassé, madame, par deux fois en un an.
    Mme Muguette Jacquaint. On le sait !
    M. Eric Raoult. Ne soyez pas rancunière, votre tour viendra !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Hue Mothron ! (Sourires.)
    M. Georges Mothron. Vos ambitions de nouvelles constructions dans des zones peu pourvues participent de l'égalité.
    Contacté tous les jours par des demandeurs, je conçois que le besoin soit fort. Si nous voulons pas d'explosion, ni de nouvelles de entorses à la cohésion sociale, il faudra plus de solidarité de la part d'un grand nombre de nos collègues. Il faudra même avoir le courage, monsieur le ministre, de détruire plus de logements qu'on n'en construira dans certains bassins d'habitat.
    La fraternité, c'est faire en sorte que nous puissions partager une valeur quelque peu escamotée ces cinq dernières années : le travail.
    Les quarante et une zones franches que vous proposez en complément de la prolongation des premières catalyseront les embauches dans ces quartiers déjà dégradés.
    Pour ma part, devant disposer de ce moyen dès janvier prochain, croyez bien que je ferai en sorte de suivre la trace de la réussite valdoisienne de la zone franche de Garches-Sarcelles.
    M. Yves Jego. Adressez-vous à Dominique Strauss-Kahn !
    M. Georges Mothron. Enfin, ce qui, en tant qu'homme d'entreprise, m'enthousiasme dans votre texte, monsieur le ministre, c'est le travail par objectifs, avec de vrais rendez-vous d'étape.
    Mme Muguette Jacquaint. En tout cas, vous n'aurez pas le maillot jaune !
    M. Georges Mothron. Une des rares phrases prononcées par Lénine avec laquelle je sois d'accord (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) est la suivante : la confiance n'exclut pas le contrôle, ou l'inverse. (Sourires.)
    Enfin, les moyens financiers doivent accompagner votre ambitieux projet de société. Si le guichet unique, couplé à l'effet de levier, est pertinent, il est indispensable que l'Etat intervienne à un niveau suffisamment conforme à ceux des autres opérateurs pour en assurer la crédibilité et, surtout, le succès.
    M. le président. Monsieur Mothron, il vous faut conclure !
    M. Georges Mothron. Je conclus, monsieur le président.
    C'est ce partenariat, monsieur le ministre, que vous proposez aux différentes collectivités territoriales. Cette chance ne doit pas être gâchée. Elle est le seul moyen de restaurer pour les générations suivantes la liberté, l'égalité et la fraternité.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.).
    Mme Muguette Jacquaint. Vous auriez mieux fait de chanter la Marseillaise !
    M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.
    M. Damien Meslot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de session parlementaire, je suis particulièrement heureux de m'exprimer sur un projet de loi qui, à n'en pas douter, s'adresse aux Français les plus modestes et qui répond à une réelle attente.
    En effet, le programme de reconstruction urbaine représente 30 milliards d'euros d'investissements sur cinq ans et permettra le réaménagement des espaces publics, des équipements publics, mais surtout la construction d'un habitat social de qualité, qui manque cruellement dans nos zones sensibles.
    Dans ces quartiers, le chômage est quatre fois supérieur à la moyenne nationale, l'état des logements est inquiétant et les habitants sont souvent, en dépit de toute leur bonne volonté, plongés dans un réel désarroi.
    Par ailleurs, la création de quarante et une zones franches urbaines en complément de celles qui existent déjà apportera à coup sûr un vrai soutien à la création d'emplois et à l'activité économique au profit des habitants des quartiers difficiles et évitera de laisser des secteurs géographiques à la dérive.
    Monsieur le ministre, je voulais aujourd'hui vous faire part de mon total soutien à votre projet de loi et à l'une des mesures phares, celle en faveur des ménages surendettés.
    Sans vouloir polémiquer avec qui que ce soit, je rappellerai que certaines voix se sont fait entendre au moment de l'annonce de la création d'une procédure de redressement pour les particuliers, notamment dans les médias, et tendant à désapprouver la philosophie de cette mesure. Pourtant celle-ci correspond, selon moi, à la réalité de ce que vivent certains de nos concitoyens endettés, désorientés, qui n'ont plus aucun espoir de sortir d'un cercle vicieux au sein duquel ils se trouvent placés malgré eux.
    Je suis personnellement témoin de ce genre de difficultés lorsque, dans le cadre de mon mandat de député, je reçoit à Belfort, dans mes permanences, les administrés de ma circonscription confrontés à ces problèmes de surendettement.
    Ayant exercé ma profession au sein d'un grand groupe bancaire, notamment en Alsace, j'ai pu également apprécier combien cette procédure était bénéfique pour de nombreuses familles surendettées, qu'elle répondait à une forte attente et qu'elle prenait en compte la réalité de la vie quotidienne.
    Bien entendu, il ne s'agit pas d'instaurer par cette procédure un système permettant aux profiteurs et aux escrocs d'échapper aux conséquences de leurs actes ni de leur apporter sur un plateau une solution toute faite pour leur éviter de s'acquitter de leurs créances. Il s'agit de permettre à nos compatriotes qui se trouvent dans des situations financières extrêmement délicates du fait d'« accidents de la vie » et qui connaissent le chômage, le veuvage, le divorce ou la maladie, de s'en sortir avec dignité et de prendre un nouveau départ dans la vie.
    Ce sont ces situations que l'article 27 du projet de loi doit s'attacher à résoudre.
    Il ne faut en aucun cas que la future loi instaure, à la faveur de son application, un droit à l'assistanat permanent : elle doit au contraire favoriser uniquement les personnes de bonne foi réellement victimes d'un « accident de la vie », notion capitale, que le projet de loi doit faire valoir. Il est donc essentiel de prévoir un cadre juridique minimum permettant de prévenir d'éventuelles tentatives d'abus. Sur ce point, j'attends du Gouvernement qu'il apporte quelques précisions.
    Sur le fond, on peut constater avec satisfaction que le but de la réforme est de traiter la situation des personnes dans un délai rapide et de manière globale. Il s'agit d'éviter aux familles de basculer dans l'exclusion, laquelle ne ferait qu'aggraver une situation déjà bien précaire qui pourrait de ce fait devenir irrémédiable.
    Votre initiative est excellente, monsieur le ministre, et cette mesure, comme le rappelait très justement le Président de la République, constitue « un nouveau droit social, le droit à une nouvelle chance, à un nouveau départ ».
    Le traitement du surendettement est, depuis plusieurs années, un sujet de préoccupation récurrent pour les pouvoirs publics. La réalité est, certes, complexe et légiférer sur ce sujet est loin d'être évident. D'où l'hommage que je vous rends pour avoir été jusqu'au bout de cette réforme, en dépit de toutes les embûches.
    Plus globalement, ce texte s'inscrit dans une politique de la ville très volontariste voulue par le Premier ministre et le Président de la République. On ne peut donc que se réjouir de la philosophie de votre projet de loi, qui s'adresse en grande partie à ceux qui en ont le plus besoin et qui, souvent confrontés aux difficultés réelles de la vie quotidienne, ont le sentiment d'être délaissés depuis des années par les autorités politiques et administratives.
    Ce projet, qui va incontestablement dans le sens d'une plus grande justice sociale, a le mérite de traiter sérieusement un problème qui concerne des centaines de milliers de nos compatriotes.
    C'est pourquoi nous serons à vos côtés pour faire bouger les choses, pour lutter contre les conservatismes et pour oeuvrer dans l'intérêt des villes, des quartiers sensibles et des citoyens les plus touchés par ce fléau qu'est le surendettement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Brigitte Barèges.
    Mme Brigitte Barèges. Monsieur le ministre, cette nouvelle bataille qui, par l'habitat, vise à redonner à l'homme sa dignité, cette nouvelle bataille humaniste et fraternelle, sachez que nous sommes fiers et heureux de la mener avec vous. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Permettez-moi de vous apporter le témoignage d'un maire, celui de Montauban, une ville de 54 000 habitants, située en Midi-Pyrénées et où 12 % de la population vivent au-dessous du seuil de précarité d'après le dernier recensement INSEE, une ville où les violences urbaines de la grande agglomération toulousaine toute proche ont malheureusement fait école. Pourtant, comme le disait Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs : « On ne devrait jamais quitter Montauban ! » (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Elle l'a dit !
    M. Eric Raoult. C'était un pari !
    Mme Brigitte Barèges. C'était un pari, en effet ! (Sourires.)
    M. Eric Raoult. Ils n'ont pas le sens de l'humour, à gauche !
    Mme Brigitte Barèges. Plus sérieusement, c'est en qualité de maire que je souhaite, monsieur le ministre, souligner deux dispositions de votre projet de loi qui me paraissent remarquables.
    Tout d'abord, je remercie le Gouvernement d'avoir pris en compte la situation des villes moyennes. Il a ainsi reconnu qu'il existe dans ces villes, comme dans les grandes banlieues, de vrais quartiers en grande difficulté où pauvreté rime, hélas, avec insécurité : violences urbaines, voitures brûlées, rodéos, chômage, qui exaspèrent les habitants et leur font ressentir chaque jour au quotidien l'impression d'être oubliés.
    Ainsi que vous l'avez rappelé, dans ces villes très endettées - l'endettement est fréquemment le corollaire logique de la pauvreté de la population -, les maires seraient réduits à l'impuissance sans l'aide significative de l'Etat que vous leur accordez enfin dans ce projet de loi. En effet, rénover la ville signifie aussi démolir un habitat vétuste, dégradé et le plus souvent vacant, et reconstruire. Il est bien évident que ce type d'opération de grande envergure ne pourrait se faire à l'échelle d'une commune, voire d'une communauté d'agglomération.
    J'ai entendu tout à l'heure l'opposition qui, sans craindre le paradoxe, s'est inquiétée tour à tour de la faiblesse de l'enveloppe financière de votre projet et de l'impossiblité de dépenser les crédits qui nous seraient attribués. Je voudrais vous rassurer, monsieur Le Bouillonnec : si ces crédits nous sont attribués, nous les consommerons entièrement car nous en avons vraiment besoin !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le problème n'est pas que vous ne les consommiez pas ! Je crains surtout que vous ne les receviez !
    M. Yves Jego. Ça, c'était votre politique !
    Mme Brigitte Barèges. Nous les recevrons et nous les consommerons ! J'ai confiance !
    Le second point majeur sur lequel je voudrais insister est la création du guichet unique, qui apportera des réponses concrètes et durables au labyrinthe juridique, financier et administratif auquel les maires sont confrontés. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine devrait, je l'espère, mutualiser les crédits d'investissement affectés aux quartiers et permettre le déblocage rapide des subventions.
    Ce matin même, au bureau de l'Association des maires de France, auquel j'appartiens, nous avons eu un débat sur le sujet. Les maires s'inquiètent à juste titre de ne pas être représentés au sein de l'Agence nationale. Nous gagnerions en efficacité - cette efficacité que vous appelez souvent de vos voeux et que j'admire dans votre action - s'ils y siégeaient. On a constaté des deux côtés de l'hémicycle que l'absence d'élus locaux au sein du dispositif aboutirait à une certaine recentralisation et risquerait d'éloigner le pouvoir de décision des réalités du terrain.
    Mme Annick Lepetit. Très juste !
    Mme Brigitte Bareges. Voilà ce que j'avais à vous dire en tant que maire.
     En ma qualité d'avocat, je me dois maintenant de relayer la requête qui vous a été adressée conjointement par le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la conférence des bâtonniers à propos de l'article 19 du projet de loi, qui prévoit la possibilité pour les syndicats de copropriétaires de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
    Les auteurs de la requête estiment que les avocats supportent déjà d'importantes charges de service public et que cette disposition tendrait à faire supporter par la seule profession d'avocat une charge nouvelle.
    Je pense que vos services et ceux de la chancellerie sauront apprécier à sa juste mesure cette réclamation, dont je me contente de me faire l'écho.
    Permettez-moi, monsieur le ministre, en clôturant mon intervention, de vous renouveler toute ma gratitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Annick Lepetit. N'oubliez pas que vous êtes députée, madame !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.
    M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réduire la fracture sociale est une priorité essentielle de tous les gouvernements et de toutes les collectivités locales.
    Depuis près de vingt ans, les diagnostics ont succédé aux diagnostics, les thérapies aux thérapies, mais force est de constater que les résultats n'ont pas été à la hauteur des enjeux, en dépit de l'importance des crédits engagés : le nombre de quartiers dits « sensibles » a été quasiment multiplié par dix en vingt ans.
    Près de 6 millions de nos concitoyens sont aujourd'hui confrontés aux difficultés sociales multiples : l'habitat, qui accentue les différences entre les catégories sociales, l'échec scolaire, les problèmes d'emploi, d'insertion et d'intégration. Cette situation commande à l'évidence de mettre en place une politique de la ville volontariste, qui concentre les moyens là où ils sont vraiment nécessaires. Tels sont l'esprit et l'objectif du texte qui nous est soumis et dont l'un des mérites est de rompre avec le saupoudrage qui a longtemps prévalu en la matière.
    M. Gérard Hamel. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Nicolas. Il s'agit d'un plan cohérent, qui représente 30 milliards d'investissements sur cinq ans et qui sera porté par la nouvelle Agence nationale de rénovation urbaine, « guichet unique » regroupant l'ensemble des partenaires concernés. Cette agence est le symbole de la nécessaire simplification des arcanes de la politique de rénovation urbaine.
    Le projet de loi s'attaque à tous les aspects de la crise urbaine de nos quartiers, notamment dans deux domaines qui me paraissent prioritaires : le logement et le développement économique.
    S'agissant du logement, le texte va au-delà de la simple rénovation des quartiers et prévoit un vaste chantier de déconstruction-reconstruction. Grâce à des investissements sans précédent, les grands ensembles les plus dégradés seront remplacés par des constructions moins denses et de meilleure qualité, permettant ainsi de rénover durablement l'habitat et le cadre de vie des quartiers.
    Cela est essentiel car peut-on laisser libre cours à une société duale et accepter que l'écart se creuse entre ceux qui peuvent satisfaire leurs besoins de logement sur le marché et ceux qui n'y arrivent pas ? La réponse est évidente, d'autant que, nous en sommes tous persuadés, le logement est un « amortisseur social ».
    C'est pourquoi, mettre à la disposition de nos concitoyens un logement décent, c'est-à-dire adapté à leurs besoins, est l'un des actes forts indispensables pour améliorer le quotidien dans ces quartiers et pour restaurer la cellule familiale, premier lieu d'échanges et de solidarité.
    Monsieur le ministre, à propos du logement, je ferai miens, avec sa permission, les propos de mon ami Gérard Hamel sur l'article 30, en vous demandant de laisser aux sociétés d'HLM leur couleur locale et de ne pas les transformer en un outil exclusivement financier qui peut parfois être aveugle.
    Le second axe que je veux évoquer est celui du développement économique, avec le dispositif des zones franches urbaines, qui vise à créer des emplois, dont un tiers sera réservé aux résidents.
    Cette logique est fondée sur l'insertion par l'économique et non sur l'assistanat. Les ZFU participent également à l'aménagement du territoire. De nombreux jeunes en échec scolaire ou en rupture avec la société réussissent à s'en sortir lorsqu'on leur offre un encadrement professionnel adapté, qui leur fait prendre conscience de leurs capacités pratiques et relationnelles. C'est donc par la création d'emplois qu'on pourra éviter la marginalisation progressive des populations de ces quartiers.
    Les ZFU mises en place en 1996 par le pacte de relance pour la ville ont montré leur efficacité en matière de création d'entreprises et d'emplois pérennes, comme l'ont rappelé nos excellents collègues Eric Raoult et Yves Jego.
    Le dispositif fonctionne d'autant mieux qu'il est accompagné d'une véritable stratégie de requalification urbaine et d'un projet de développement pour le quartier. Les élus sont fortement mobilisés pour organiser cet accompagnement et renforcer ainsi l'attractivité des nouvelles zones franches. Cela implique notamment de restaurer les services publics, d'assurer la sécurité des biens et des personnes et de garantir l'accessibilité du quartier pour inciter les entreprises à s'y installer.
    La réussite d'une ZFU est également subordonnée aux disponibilités immobilières et foncières qui peuvent être proposées aux entreprises. C'est pourquoi la délimitation des périmètres de ZFU devra, me semble-t-il, être réalisée avec pragmatisme, en intégrant les contraintes de chaque site. En effet, un périmètre de ZFU sans marges de manoeuvre foncières hypothéquera sensiblement la réussite de la démarche.
    M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Nicolas !
    M. Jean-Pierre Nicolas. L'impact des crédits engagés devra, bien sûr, être évalué. Trop longtemps, on s'est contenté de distribuer des fonds sans prévoir de véritable contrepartie ni effectuer le suivi nécessaire. La politique de la ville y a perdu en crédibilité et en transparence. C'est pourquoi je me réjouis de la création d'un observatoire national des zones urbaines sensibles, qui sera chargé de vérifier, à partir d'objectifs et d'indicateurs précis, les effets de l'action publique.
    Le texte qui nous est soumis marque également une réelle avancée en donnant une seconde chance aux ménages en situation de surendettement et dont la situation financière est irrémédiablement compromise.
    Cette procédure de rétablissement personnel rendra leur dignité à ces familles, tout en apportant les garanties nécessaires aux créanciers.
    En conclusion, je salue la cohérence de ce texte, qui nous propose une politique de la ville ambitieuse, de nature à rompre avec la spirale du découragement et de l'assistanat, en mettant en oeuvre les moyens nécessaires à une revitalisation durable de nos quartiers. Je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier et à vous féliciter d'avoir lancé ce grand chantier, qui devrait transcender tous les clivages politiques et qui est au coeur des engagements que nous avons pris au lendemain du 21 avril 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de me tourner vers Mme Barèges pour lui dire que nous sommes certainement nombreux, sinon unanimes, dans cet hémicycle, à apprécier, estimer et vouloir rendre hommage à Lino Ventura. Mais il ne faut pas oublier - et je me tourne cette fois vers M. le ministre - que dans le même film, Les Tontons Flingueurs, Francis Blanche disait à une personne qui approchait un peu trop de la caisse : « Touche pas au grisbi ! » (Rires.) Car j'ai l'impression, mes chers collègues, que notre discussion de ce soir tourne autour du « grisbi », c'est-à-dire de l'argent, qui n'est pas dans les caisses de l'Etat, mais dont celui-ci va s'emparer à la faveur de dérives que certains collègues, y compris de la majorité, ont soulignées.
    Vous venez, monsieur le ministre, d'entendre beaucoup de compliments et, exprimées avec une certaine retenue, par la majorité comme par l'opposition, quelques critiques. On sent bien, en effet, que, derrière toutes les bonnes volontés se profilent quelques dangers. C'est pourquoi je voudrais rappeler qu'à la question posée il y a quelques années : « A qui appartient le patrimoine que constitue le parc du logement locatif social ? », la réponse du ministre du logement de l'époque, Louis Besson, fut clairement : « A la nation. » En sera-t-il de même demain, lorsque votre texte aura été voté et appliqué dans tous ses aspects ?
    Vous proposez des évolutions positives, mais force est de constater que s'inscrivent en filigrane des intentions de privatisation du patrimoine du logement locatif, de gestion dans une optique de rentabilité financière. Cela pourrait se comprendre, mais une telle orientation ne bénéficiera pas à l'évolution dudit patrimoine, tant en termes de construction que de réhabilitation ou d'entretien. On voit bien, en effet, que cela servira à alimenter au mieux des caisses de retraite, au pire... je vous laisse terminer, mes chers collègues.
    Ce pourrait d'ailleurs être un objectif social ou économique partagé - la Foncière, s'il en était besoin, serait là pour nous le rappeler - mais à condition que ce projet soit clairement exprimé. Or c'est loin d'être le cas. C'est pourquoi je me pose la question suivante : au-delà des bonnes intentions en matière de la rénovation urbaine, de votre volonté politique reconnue, monsieur le ministre, le texte proposé ne prépare-t-il pas des lendemains dangereux pour le parc locatif social, en particulier, celui qui est actuellement géré par les SA d'HLM ?
    Le guichet unique est, certes, une bonne initiative (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), d'autant qu'il était attendu, espéré, exigé, et ce depuis longtemps. On peut dire que, de ce point de vue, vous avez au moins obtenu un arbitrage tout à fait positif.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien, monsieur Dumont !
    M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, comme vous, nous souhaitons que cette agence s'inscrive dans la durée, dans la stabilité, dans la transparence, dans la fongibilité positive des fonds. Mais si elle doit être un outil de financement, elle ne doit devenir en aucun cas un opérateur. Elle ne doit pas être un maître d'ouvrage d'opérations de renouvellement urbain. Sans doute enrichie par certains amendements, elle pourra être un moteur dans les secteurs où il n'y a pas d'opérateur, ou s'inscrire dans le choix des opérateurs. Mais faites en sorte, monsieur le ministre, qu'elle ne le devienne point elle-même.
    L'ANRU aura la charge de réunir les moyens financiers. Mais on voit bien aussi que ces moyens seront l'effet d'une aspiration de ressources et de contributions venant du 1 % logement, des organismes HLM, de lignes déjà existantes dans les budgets de différents ministères, voire de la Caisse des dépôts et consignations, là où nous avons constaté trop souvent que les crédits mis à disposition n'étaient pas entièrement utilisés ; ce qui pose, non pas tant peut-être la question des opérateurs, que celle de l'équilibre des plans de financement.
    Je crains que cette agence, de par les missions que vous lui avez assignées et les ressources qui lui sont dédiées, n'assèche le financement traditionnel du logement locatif social, compromettant ainsi l'avenir de la construction sociale hors les zones, hors les villes. Je crains que ce ne soit une nouvelle fois le milieu rural qui en pâtisse.
    Je vais vous livrer un exemple qui illustre les effets pervers ou les dégâts collatéraux provoqués par cette aspiration du 1 % vers une caisse centrale, au détriment de l'action des collecteurs locaux que nous connaissons bien et qui interviennent dans nos sociétés ou nos organismes.
    L'accédant à la propriété, travaillant dans une entreprise privée de plus de dix salariés, pouvait jusqu'alors bénéficier d'un prêt personnel, tiré sur la participation des employeurs à l'effort de construction. A une époque, son montant pouvait atteindre 15 000 euros. Il sera cette année au maximum de 6 000 euros. Et je crains que demain il ne soit réduit à rien. Vous pourriez bien sûr me rétorquer, monsieur le ministre, que les taux d'intérêt sur le marché de l'argent sont très intéressants et que, dans le fond, ce prêt du 1 % n'est pas indispensable. Sauf que - élément important - ce prêt était considéré comme un apport personnel, ce qui permettait à l'accession sociale, sinon très sociale, de trouver là son équilibre. Il en sera de même pour le logement locatif, dont l'équilibre des plans de financement sera mis en danger par la suppression de l'apport du 1 %.
    Il en sera de même pour les collectivités locales - et nombreux sont les maires qui se sont exprimés ce soir -, qui participaient à la construction de logements locatifs. L'apport d'une collectivité s'élève en moyenne à 15 000 euros. Que feront demain ces collectivités locales ? Auront-elles un effort supplémentaire à fournir ? Mais à quelle hauteur ? Avec quelles ressources ? Dans quel cadre ? Décentralisé ou pas ? Quelle sera par ailleurs l'ampleur de la déconcentration des décisions administratives ?
    Monsieur le ministre, la Caisse de garantie du logement locatif social, dédiée à la remise à flot des organismes en difficulté et aux aides pour le rapprochement des opérateurs, est alimentée par des redevances du mouvement HLM, voire par des contributions de l'Etat qui ont été utilisées depuis bien longtemps - et qui ont d'ailleurs été reprises, pour certaines d'entre elles, par l'Etat lui-même. Cette caisse aura pour nouvelle fonction la perception de la contribution des organismes HLM au bénéfice de la rénovation urbaine. C'est un habillage habile, mais n'y aura-t-il pas de porosité entre les flux d'argent venant des organismes HLM ? La mutualisation au bénéfice de l'ANRU pourrait être augmentée par une ponction sur les réserves, ce qui ne manquerait pas d'être préjudiciable à la santé financière desdits organismes. De toute façon, cet argent manquera cruellement aux mêmes organismes pour mener à bien les opérations traditionnelles. Car, si j'ai bien compris - mais je suppose que cela va se concrétiser sur le terrain -, vos objectifs quantifiés viennent s'ajouter à ce qui se faisait chaque année depuis le ministère du logement.
    Quant aux opérateurs, qu'ils soient actifs ou très actifs, ils se trouveront financièrement fragilisés par des mesures qui comportent moins de 1 %, moins de fonds propres, moins d'aide des collectivités locales, alors que, dans le même temps, se profile une crise du logement et que l'exigence qualitative de nos résidents à venir, comme de ceux qui sont déjà dans le patrimoine, est de plus en plus forte.
    Je reviens sur la gouvernance des sociétés anonymes, aujourd'hui ESH. M. Hamel y a fait allusion, ainsi que d'autres collègues. L'article 30 a été beaucoup critiqué, monsieur le ministre. Je crois que vous-même et vos amis avez reconnu qu'il n'était pas d'une écriture très lisible. D'ailleurs, il est réécrit, M. le rapporteur a présenté, ce matin en commission, des amendements en ce sens, au demeurant fort intéressants. Mais est-ce que ce texte peut convenir aux sociétés intéressées ? Est-ce que la négociation qui a été menée entre l'UESL et quelques partenaires n'a pas tout simplement écarté les organismes eux-mêmes ou la représentation fédérale ? Sous couvert de gouvernance, on remet à une organisation patronale un patrimoine de plusieurs centaines de milliers de logements.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Problème !
    M. Jean-Louis Dumont. Pourquoi faire ? J'oserai dire même : quel appétit ! L'UESL est déjà le fournisseur financier de la Foncière, qui établit, comme nous l'avions accepté à l'époque, un patrimoine immobilier au bénéfice des futures caisses de retraite. Elle va participer à l'ANRU. Elle prend le pouvoir ou elle souhaite prendre le pouvoir dans les SA. Mais souvenons-nous : on a beaucoup parlé dans cet hémicyle du Crédit lyonnais. Et M. Paretti, pour obtenir un premier prêt du Crédit lyonnais pour acheter - me semble-t-il - un studio de l'autre côté de l'Atlantique, a dit qu'il était propriétaire d'un patrimoine immobilier important : c'était une SA d'HLM... La tricherie a été vite découverte. Le prêt a tout de même été obtenu.
    M. le président. Monsieur Dumont, il faut conclure !
    M. Jean-Louis Dumont. Voyez donc, monsieur le ministre, que nous sommes...
    M. le président. Monsieur Dumont, il faut conclure !
    M. Jean-Louis Dumont. Ah bon ? Déjà ? (Rires.)
    M. le président. Oui ! Je suis sûr que vous ne prenez pas les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. (Rires.) Donc, vous allez conclure.
    M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, je voudrais rappeler votre attention sur le devenir des organismes HLM. On n'en est pas encore au statut unique, mais on a de quoi s'interroger aujourd'hui. Doit-on poursuivre la route avec des organismes aux statuts différents, alors qu'aujourd'hui tout le monde - tous les partenaires dans toutes les collectivités - exige de ces organismes qu'ils soient en état de construire, de gérer, de réhabiliter, de construire et de démolir, de vendre, c'est-à-dire d'animer un réseau, de dynamiser une action au bénéfice du logement locatif social, qui est un lien indispensable pour notre société ?
    Je voudrais, avant de conclure rapidement,...
    M. le président. C'est maintenant qu'il faut conclure, monsieur Dumont !
    M. Jean-Louis Dumont. ... vous dire, monsieur le ministre, que les dotations des collectivités locales devraient être revues. Certains de nos collègues sont intervenus sur la DSU. C'est absolument indispensable.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est vrai !
    M. Jean-Louis Dumont. Mon collègue Pierre Bourguignon, s'il avait été là, l'aurait exprimé avec plus de compétence que moi. Mais je tiens à dire que c'est une des conditions essentielles pour lutter contre les inégalités. De ce point de vue, nous pouvons ensemble partager une ambition pour votre projet : un volet financier qui lutte contre les inégalités entre collectivités et qui puisse leur donner les capacités et les compétences pour accompagner une politique dynamique de renouvellement urbain.
    L'urgence décrétée sur ce texte nous préoccupe, monsieur le président, et je comprends votre insistance à venir à ma conclusion (Sourires), et comme je souhaite entendre notre collègue dans sa dernière intervention...
    M. le président. Mais nous aussi, monsieur Dumont !
    M. Jean-Louis Dumont. ... je m'en tiendrai là. Une crise du logement se profile. La politique de la ville ne doit pas être restrictive. Vous êtes en responsabilité, monsieur le ministre. Vous avez créé beaucoup d'espoirs : ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. S'il est bien un sujet d'actualité sur lequel la précédente majorité ne s'est pas franchement illustrée, c'est bien celui de la politique de la ville et de la rénovation urbaine !
    M. Eric Raoult. Il a raison.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est très juste !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ça commence mal !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Les dernières initiatives majeures ont été prises auparavant. En 1995, à l'initiative d'Eric Raoult et de Jean-Claude Gaudin, la création de quarante-quatre zones franches, avec pour objectif la création de 10 000 emplois, a permis la naissance de 50 000 emplois dans des bassins jusque-là sinistrés et qui avaient été laissés à l'abandon par les gouvernements précédents. Sur quarante-quatre zones identifiées au départ, seules cinq ou six n'ont pas donné les résultats que l'on pouvait espérer. Aujourd'hui, à nouveau, la politique sociale concrète est bien le fait de cette majorité.
    M. Jean-Pierre Blazy. Tu parles !
    M. Paul-Henri Cugnenc. En matière d'urbanisme et de politique de la ville, il faut, plus encore peut-être que dans d'autres domaines, une véritable volonté politique. Ce gouvernement, à l'initiative de Jacques Chirac et sous votre impulsion, monsieur le ministre, a su, malgré les obstacles, reprendre ce dossier à bras-le-corps pour nous présenter aujourd'hui un véritable projet opérationnel et concret.
    Quarante et une nouvelles zones sont identifiées. En tant que député de Béziers, je suis bien placé pour souligner la pertinence de vos choix et la chance qui s'offre à notre quartier de la Devèze, qui bénéficie de votre initiative et qui méritait bien d'être sélectionné.
    L'amélioration du cadre de vie dans les quartiers est l'objectif central du projet. La démolition de 200 000 logements est programmée, la réhabilitation de 200 000 autres logements sociaux, non conformes, est prévue. De plus la reconstruction de 200 000 nouveaux logements locatifs, plus adaptés et plus humains, comme ceux que vous avez fait éclore dans votre ville, monsieur le rapporteur sont assurément des garanties dans un combat contre la déshérence, la violence et l'insécurité qui nous préoccupent tous ici.
    Il ne suffit pas de remodeler le paysage urbain. L'enseignement des valeurs de liberté et de responsabilité, la mise en place de projets participatifs au sein des cités sont certainement tout aussi nécessaires. Mais l'architecture du lieu de vie demeure un élément discriminant, quand il s'agit de juguler la violence et de veiller au bien-être de nos concitoyens. Le budget prévu, qui est de 5,5 milliards d'euros sur cinq ans, soit plus de 35 milliards de francs, est à la hauteur de vos ambitions. La mise en place d'une Agence nationale pour la rénovation urbaine répond à un souci de cohérence d'ensemble, qui est tout à fait encourageant.
    Béziers et son quartier de la Devèze avaient impérativement besoin de votre initiative, avec sa population jeune, dynamique, mais souvent sans emploi. Vous leur apportez un élément d'espérance, qu'il nous faut traduire dans les faits par des créations d'emplois.
    Dans l'application de la loi, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous soyez très attentif à quelques éléments.
    Tout d'abord, les acteurs de terrain sont en attente d'un modèle de convention qui les lierait à votre ministère pour engager des opérations de démolition et de reconstruction. Ensuite, en matière de réhabilitation en centre-ville, malgré les efforts des opérateurs, les bâtiments de France s'opposent encore trop souvent à des projets d'une manière un peu pointilleuse. Il conviendrait d'insuffler un peu de souplesse et de dynamisme si l'on veut réhabiliter au mieux notre habitat au coeur des villes. Enfin, sur la question des exonérations fiscales en zone franche, il faudrait que les agents des services mesurent bien l'enjeu de cette loi et fassent preuve, dans la mesure où les accords préalables sont respectés, d'autant de compréhension face à chaque cas concret que celle que vous avez su montrer au niveau national.
    Votre projet de loi, qui redonne à la gestion de l'espace la place qu'elle n'aurait jamais dû quitter dans nos villes et qui permet aux personnes surendettées de retrouver de l'espoir, est un texte fort, courageux et cohérent. Cette seconde chance offerte à nos concitoyens en grande difficulté sera - croyez-le bien - reconnue comme une grande avancée.
    Vous avez pris le dossier de la politique de la ville dans sa pleine mesure. Aussi, monsieur le ministre, nous vous soutiendrons avec détermination et enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mesdames, messieurs les députés, vous ne m'en voudrez pas, compte tenu de l'heure tardive, de ne pas répondre spécifiquement à chacun d'entre vous mais de m'en tenir aux deux ou trois points particuliers que vous avez tous évoqués.
    Ainsi, tout le monde apprécie le guichet unique et apprécie un peu moins l'Agence de rénovation urbaine. Mais qu'est-ce qu'un guichet unique si ce n'est un compte en banque unique ? Si ce n'est l'argent de personnes morales différentes qu'on regroupe dans un guichet unique pour en assurer la traçabilité ? Disons-le franchement : le guichet unique serait virtuel, comme toutes nos inventions, s'il n'était pas une personne morale avec un compte en banque unique de chacun des partenaires.
    En outre, le deuxième intérêt de l'agence est évident : par ce biais, chacun d'entre nous pourra suivre la traçabilité exacte de l'arrivée de l'argent, dès la sortie des entrailles de l'Etat, mais aussi de l'ensemble des partenaires financeurs. Chacun pourra s'assurer que les sommes sont arrivées à destination. Si tel n'était pas le cas, il appartiendrait à la représentation nationale de le relever et à moi, par ailleurs, de m'en émouvoir. Au moins, on saura pour la première fois comment les crédits sont consommés.
    Certains d'entre nous ici le savent aussi bien que moi, j'allais dire mieux que moi car ils ont été aux affaires au cours des cinq dernières années, le programme précédent, annoncé en parfaite bonne foi par mon prédécesseur, n'a été exécuté qu'à hauteur de 10 %, pas du tout du fait de la faiblesse du ministre de la ville, mais parce qu'on a d'abord inscrit le montant en annonce, puis la moitié en autorisations de programme, puis un cinquième par an en crédits de paiement. C'est la règle budgétaire quand c'est Bercy qui gère. Ensuite, les contrôleurs financiers n'ont lâché que 40 à 45 % par an. Et à la fin de l'année, on a expliqué au ministre qu'il y avait des reports de crédits de paiement, et qu'il fallait commencer par les utiliser avant de procéder à de nouvelles inscriptions.
    M. Yves Jego. C'est lumineux !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Cela fait quarante ans que cela dure, dans tous les domaines ! C'est pour cette raison qu'on a créé une personne morale autonome, et pas un EPA. Il fallait faire en sorte, en effet, qu'il n'y ait pas de contrôle financier a priori du budget. Il fallait faire en sorte que le budget voté par le Parlement soit exécuté dans les termes fixés par le Parlement.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Voilà pourquoi ce guichet unique prend la tête d'un EPIC qui ne fait aucune instruction, comme l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat. Il ne faut pas voir là une centralisation ou une concentration. C'est simplement un moyen financier unique, immédiatement déconcentré entre les partenaires. Et l'ANAH est gérée localement à la satisfaction générale.
    Deuxième grand thème largement abordé et qui traduit une inquiétude que je comprends : on ferait tellement pour ces quartiers qu'on ferait moins pour les autres, soit parce qu'ils ne sont pas dans les bons périmètres, soit parce que le logement social ailleurs aurait été aspiré au profit de ces quartiers.
    Mesdames, messieurs, les choses sont extrêmement claires. Oui, il y a une crise du logement social. Oui, nous sommes passés, de 1995 à 2000, de 78 000 logements par an à 38 000. C'est la réalité de dire qu'au cours du dernier quinquennat, on a réduit la production de plus de moitié. Le rapport du conseil de l'Union sociale pour l'habitat qui s'est tenu à Lille fait apparaître qu'au cours de la même période on est passé de 300 000 à 600 000 logements indignes. Sachez encore que le nombre de logements vacants abandonnés en centre-ville ou en centre-bourg a été multiplié par trois.
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Voilà quelle est la situation aujourd'hui ! Alors oui, il faut relancer la production de logements en France. C'est une évidence. Et 52 000 moins 9 %, cela fait toujours plus que les 38 000 antérieurs. Mais les financements globaux des partenaires de l'agence multiplient de manière considérable les moyens généraux et pour le logement et pour l'environnement immédiat, de façon qu'une fois pour toutes on en revienne au droit commun, définitivement décentralisé de l'aide à la pierre. C'est de cette spirale qu'il faut sortir.
    J'ajoute qu'entre ce programme que l'on voit bien et les autres que l'on voit mal nous avons territorialisé ce qui est du domaine de la politique de la ville et ce qui n'en relève pas. L'article 80 de la loi de finances a individualisé les actions. Nous avons pris les mêmes chiffres historiques. Nous n'avons pas aspiré un euro du reste de la politique du logement social en France au profit des quartiers et de la politique de la ville.
    S'agissant des zonages, beaucoup a été dit sur les ZUS, les ORU et les GPV. Il doit être clair que l'Agence finance l'ensemble des programmes de la politique de la ville. Le texte précise même : - et cette phase ne vous aura pas échappé - « ... y compris des quartiers qui n'y sont pas, dont la fragilité, sur décision ou proposition du maire et du préfet, pourrait le justifier avant qu'ils ne deviennent un quartier sensible de la politique de la ville ».
    M. Yves Jego. Voilà du pragmatisme !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est très heureux !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il s'agira évidemment d'interventions ponctuelles et limitées, mais elles sont prévues par le texte.
    S'agissant de l'article 30, il est clair qu'en faisant bouger le mouvement social on peut, à la limite, faire bouger tout le monde.
    M. Jean-Louis Dumont. Il faut que cela bouge !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Nous avons lancé la concertation dès le mois de décembre par un courrier circonstancié, cosigné des deux ministères. La concertation a eu lieu légalement, administrativement. Ses conclusions ont été publiquement rendues devant les assemblées générales. Puis, des accords ont été passés. Si divers membres ont des choses à dire à leur représentation, qu'ils n'hésitent pas à le faire, mais ce n'est pas au Gouvernement qu'il faut s'adresser. Cet accord répond à la double demande de M. Nicolas et de M. Hamel : oui, on a mis des garde-fous. Ainsi, un tiers des actions et des représentations au conseil d'administration sont réservées aux élus locaux et aux locataires, afin qu'il y ait bien un ancrage territorial. Certes, cela pourra être perçu comme une forme de remise en cause, mais la transparence est aujourd'hui complètement de rigueur dans un tel dispositif.
    Monsieur Vidalies, vos propos professionnels sur l'article relatif au rétablissement personnel, je les fais miens pour l'essentiel. Des modifications par amendements nous permettront d'en débattre. Je vous remercie de vos remarques.
    Le problème du crédit revolving, de la publicité, bref, de la prévention, m'amène à évoquer la question de savoir pourquoi le présent texte comporte des dispositions en la matière. Eh bien c'est parce que chaque fois qu'elles ont été insérées ailleurs, le système s'est retrouvé « planté ». Voilà la vérité et vous la connaissez mieux que moi ! Vous savez très bien que les forces du conservatisme sont plus importantes dans d'autres ministères que dans le mien, qui est plus léger, et donc plus mobile, parfois imprévisible et en tout cas plus fort dans ses convictions, puisqu'il n'a que des convictions et peu de troupes.
    M. Yves Jego. Heureusement qu'il existe !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. C'est la raison pour laquelle cet article sur le surendettement a été introduit dans ce texte alors qu'il n'aurait pas dû l'être. Mais je crois que nous pouvons tous nous féliciter qu'il en soit ainsi.
    Sur les contrats de ville, madame Saugues, rassurez-vous, tout ce qui n'est pas dans le texte n'a pas disparu de la vie contractuelle de notre pays. S'agissant des associations, permettez-moi de vous rappeler que pour le guichet unique vous avez mis en place le COSA. Vous pouvez le consulter, c'est la demande unique de financement des associations. Pour la première fois, cette année, et conformément à ce qu'avait demandé la Cour des comptes, les financements étaient en place dès le mois de mai. Je rappelle - relisez le dernier rapport de la Cour - que 67 % des financements n'étaient mis en place auparavant que dans les deux derniers mois de l'année en cours, ce qui était difficilement acceptable.
    Madame Barèges, s'agissant de la représentation des maires à l'Agence, j'ai eu l'occasion de répondre en commission que les maires concernés très fortement par ces sujets-là seraient évidemment les bienvenus. Ils figureront parmi les personnes qualifiées, ainsi d'ailleurs que les agglomérations, les départements et les régions. Nous avons prévu cette fenêtre, car nous ne savions pas quel type d'organisation désigner précisément. Cela faisait l'objet d'une souplesse d'adaptation.
    Pour conclure, je dirai un mot à Rodolphe Thomas sur les commerces et sur les zones franches. A cet égard, je tiens à souligner qu'on dit rarement ce qui s'est passé dans les quartiers très difficiles où il n'y a pas eu de zone franche. Eh bien, c'est très simple : les derniers commerces de pieds d'immeubles se sont « barrés ». C'est ça la réalité ! Ne raisonnons donc pas en avantage fiscal d'aménagement du territoire ! Ce dispositif n'est pas fait pour ça.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est pas ce que j'ai dit !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. D'ailleurs, il serait très insuffisant au plan industriel. Il s'agit de rééquilibrer, de faire en sorte que la difficulté d'y travailler soit un tout petit peu moins grande. Il s'agit juste d'éviter que les commerces ferment. Regardez ce qui se passe à Lyon, ville que connaît bien la députée qui va s'exprimer dans un instant. Vous avez La Duchère d'un côté, et Vaulx-en-Velin de l'autre. Et La Duchère allait d'ailleurs plutôt moins mal que Vaulx-en-Velin, qui a en revanche un maire extrêmement actif. Dans un cas, il n'y a pas eu de zone franche et l'EPARECA n'arrive pas à sortir le dossier central - ce qu'on va réussir à faire. Résultat, le commerce est en train de mourir, enfermé qu'il est. Dans l'autre cas, il y a eu création de zone franche et la ville est en train de s'en sortir. Regardez donc ce qu'est devenue Vaulx-en-Velin avec son nouveau commerce épanoui en centre-ville, avec le groupe Casino et quelques autres, qui ont fait un travail remarquable, tant sur le plan de l'architecture, que de la qualité des matériaux !
    Oui, l'EPARECA est un outil national mais son budget, 20 millions d'euros sur cinq ans, est insuffisant. L'Agence nationale de rénovation urbaine - il n'y aura toutefois pas de fusion - mettra donc des moyens très importants à la disposition de l'EPARECA ; le président Jean-Paul Alduy est au courant.
    Les zones franches urbaines, avant de créer des emplois, ont surtout permis de stopper le départ des activités. Puis, elles ont permis aux talents de ces quartiers de se mettre à leur compte, de montrer des petites affaires, du business. C'est ça la réalité des zones franches, beaucoup plus que les grandes implantations économiques.
    Ceux qui critiquaient les zones franches prétendaient que les professions libérales allaient en profiter. Et on donnait l'exemple de médecins libéraux. Or nous avons constaté quelques années après que des demandes d'aides publiques, de dispensaires gratuits pour les médecins, étaient présentées pour les convaincre de rester dans ces quartiers !
    Sur ce point, les bilans sont clairs. Au-delà des chiffres, grâce aux zones franches, on a arrêté de tirer le rideau des activités, on a permis aux jeunes notamment de montrer leur talent. Et comme tout le monde a mis le paquet, le dispositif a eu un effet d'entraînement massif. Le crédit solidaire s'est également impliqué, et on a exigé des conventions.
    Au-delà des principes généraux, on a constaté que les quartiers les plus lourds qui s'en sont sortis - ou qui sont sur ce chemin - présentaient deux caractéristiques : une zone franche, pour arrêter que ça s'arrête, et un PIC URBAN qui permettait de fusionner des moyens massifs - entre 2 et 400 millions de francs de l'époque au minimum.
    Pour une ville comme Montereau - les trépodes et le reste de la ville - on sait qu'en dessous de 80 millions à 90 millions d'euros, en plus des capacités de la ville, du département, de la région, des HLM, on ne s'en sort pas. Pour l'agglomération lyonnaise, c'est beaucoup plus. Le chiffre sera arrêté dans une dizaine de jours.
    Finalement, ce n'est pas nous qui demandons des aides aux autres. Les villes sont responsables, avec les HLM, les départements et les régions. Et l'Etat fait son devoir en apportant le complément nécessaire par cette agence simplifiée pour permettre que ce qui n'était pas possible le soit dorénavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à Mme Nathalie Gautier.
    Mme Nathalie Gautier. Monsieur le ministre, à la lecture de votre projet de loi, je m'interroge : quelle est l'orientation de votre politique pour la ville ? Il est fondamental, nous l'avons tous dit ici, d'agir plus et mieux en faveur des quartiers dégradés, d'adapter notre politique de la ville. Oui, l'attente des maires est forte concernant le nécessaire renouvellement du cadre bâti, la mixité sociale et, finalement, l'avenir de ces quartiers pauvres, de ces quartiers de la relégation sociale, de ces quartiers que l'on dit sensibles ou difficiles.
    Le texte que vous nous présentez met fin à la politique de la ville déclinée selon une vision globale et partenariale que nous avons voulue. Et il ne permettra pas, me semble-t-il, de résoudre les problèmes rencontrés sur le terrain. Il nous faut faire un bref retour sur ces vingt dernières années puisque, nous l'avons vu et plusieurs de mes collègues y ont fait référence, la politique de la ville s'est construite progressivement en tenant compte des évolutions sociales et urbaines, et elle s'est constamment adaptée. Monsieur le ministre, votre projet de loi ne s'inscrit plus dans la suite de cette évolution. Il apparaît, au contraire, en régression.
    La première génération de la politique de la ville a eu une action prépondérante sur la réhabilitation des logements, sur les projets urbains. C'est l'époque « Banlieue 89 » avec l'architecte Roland Castro. La deuxième génération a, par contre, développé beaucoup plus le lien entre le social et l'urbain, avec toujours une action de réhabilitation importante. La troisième génération - celle que nous vivons -, celle des contrats de ville, a posé la question de l'après-réhabilitation. Comment éviter que les logements et l'environnement ne se dégradent ? Comment agir sur l'emploi, sur l'éducation, sur la formation, sur les aspects économiques ? Les trois piliers de la politique de la ville - le contrat qui implique les partenaires, la discrimination positive qui implique des moyens financiers supplémentaires et la géographie prioritaire qui hiérarchise les actions - doivent être consolidés.
    Aujourd'hui, il apparaît clairement qu'il faut dépasser les cadres d'intervention habituels pour trouver les bonnes échelles au renouvellement urbain. A cet égard, je citerai l'observatoire du contrat de ville de l'agglomération lyonnaise dont je suis élue, et qui vient de publier son rapport 2002, très significatif sur la situation de l'agglomération. La répartition des logements sociaux reste concentrée sur l'est de l'agglomération malgré, il faut le souligner, un début de rééquilibrage grâce à la loi SRU. Les différences de revenus des ménages entre l'est et l'ouest s'accroissent. C'est donc bien un problème de mixité sociale à l'échelle de l'agglomération.
    L'enjeu est donc important pour engager un changement d'échelle, en matière de renouvellement urbain, qui permettrait de relancer la construction neuve et de réfléchir à une mixité de l'habitat à une échelle plus pertinente que celle des seules zones urbaines sensibles. Face à ces enjeux, monsieur le ministre, quel est le contenu de votre politique, en dehors des démolitions ? Je n'en vois nulle trace dans votre texte, sinon un effet d'annonce à l'article 1er. Oui, vous faites le choix clair de démolir !
    Votre projet de loi prévoit un important et ambitieux programme en cinq ans, on l'a souligné : constitution d'une offre de 200 000 logements locatifs sociaux, réhabilitations, et autant d'opérations de démolition. Avez-vous pris la mesure de ce que cela représente dans le contexte actuel à court terme ? Vous rendez-vous compte, monsieur le ministre, que nous sommes face à une crise du logement majeure ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. Yves Jego. C'est votre héritage !
    Mme Nathalie Gautier. Dans le département du Rhône, devant la dégradation constante de l'offre de logements accessibles, j'ai reçu le réseau associatif que fédère la Fonda, qui s'est mobilisé pour témoigner des difficultés croissantes rencontrées par les personnes à la recherche de solutions d'hébergement. Nous avons atteint un état de pénurie grave : 41 000 demandeurs de logements en parc HLM au 1er juillet 2001, dont neuf demandes sur dix se portent sur le seul Grand Lyon.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Qu'avez-vous fait de 1997 à 2002 ?
    Mme Nathalie Gautier. Soit environ trois ans d'attente pour obtenir un logement. Quelles réponses apportez-vous, monsieur le ministre ? (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs).
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est le résultat de la politique que vous avez menée de 1997 à 2002 !
    Mme Nathalie Gautier. Cette situation locale ne fait que refléter une situation alarmante au niveau national. Mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec a rappelé le rapport de la Fondation Abbé Pierre qui confirme que le mal-logement concerne plus de 3 millions de personnes en France : des personnes à la rue, des personnes n'arrivant pas à se loger, des personnes en centre d'hébergement transitoire.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est ce que le ministre a expliqué !
    Mme Nathalie Gautier. L'élément nouveau de l'état de mal-logement tient au fait que la crise du logement touche à présent des familles à revenu modeste avec, pour conséquence, moins de mobilité résidentielle et moins de mixité sociale. Face à cette situation, que fait votre gouvernement ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Il augmente les moyens !
    Mme Nathalie Gautier. Aucun message clair signifiant n'est adressé qui témoignerait que vous prenez en compte la gravité de la situation et que vous cherchez à y répondre. Bien au contraire, vous donnez sans cesse des preuves du recul de l'engagement de l'Etat. (Protestations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le budget du logement pour l'année 2003 est déjà un budget a minima. L'Union sociale pour l'habitat, réunie à Lille, a indiqué que 80 000 à 100 000 logements locatifs sociaux seraient nécessaires pour couvrir les besoins nouveaux et remplacer le patrimoine démoli. Vous n'en avez prévu que 40 000. Mieux vaudrait construire avant de démolir. Vous savez parfaitement que les démolitions concernent souvent du logement très social, que l'on remplace par des logements à loyer modéré. Où et comment les plus pauvres seront-ils relogés ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Mais on reloge toujours avant de démolir ! Vous ne savez pas comment cela se passe !
    Mme Nathalie Gautier. A mesure que la liste des demandeurs de logements sociaux s'allonge, le rythme de construction des habitations à loyer modéré chute.
    Cette situation est inquiétante et est une preuve supplémentaire, s'il en fallait, que le logement social n'est plus la priorité de ce gouvernement. (Exclamation sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. En tout cas, ce n'était pas celle du gouvernement précédent !
    M. Pierre Cohen. Pourquoi ces cris ? C'est vrai que le logement social n'est pas une priorité de votre gouvernement !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mme Gautier a raison !
    M. Gérard Hamel. Quel culot ! C'est fou d'entendre ça !
    Mme Nathalie Gautier. Vous affichez la volonté de prendre en compte les diverses dimensions de la politique de la ville. Mais ce n'est qu'un affichage : aucune disposition normative ou financière ne vient étayer vos déclarations de principe ! Face à ces constats, vous nous présentez un projet de loi sans moyens budgétaires nouveaux.
    Les associations, les professionnels et les élus sont inquiets. L'effort supplémentaire de l'Etat est quasi nul.
    Je voudrais revenir également sur le projet social de la politique de la ville. De façon évidente, votre projet de loi ne pourra répondre aux difficultés et aux attentes des populations concernées. Il ne sert à rien d'afficher des objectifs quantifiés de réduction des inégalités si, dans le même temps, vous supprimez les moyens qui permettraient de les atteindre !
    Combien de gels de crédits sont-ils affirmés, confirmés et appliqués en silence ? La liste est longue des coups portés à la politique de la ville et aux associations qui la font vivre : suppression des emplois-jeunes,...
    M. Pierre Cardo. Mais vous les aviez limités à cinq ans, sans même budgéter leur disparition !
    M. Gérard Hamel. On les a sur les bras, maintenant !
    M. Yves Jego. Votre discours, c'est une caricature permanente !
    Mme Nathalie Gautier. ... réduction des autres emplois aidés, réduction des crédits des CAF pour les associations...
    Les aides aux personnes ont également reculé : la revalorisation de l'APL n'a pas suivi l'augmentation des loyers du logement social. Quel signe regrettable ! C'est la fin de l'effort de rattrapage opéré ces dernières années.
    Cette politique a d'ailleurs entraîné pour de nombreuses familles des difficultés dans le paiement des loyers, mis les organismes de logements sociaux en difficulté et provoqué par là même une politique de sélection des candidats au logement social qui a exclu les plus démunis.
    La dotation du FSL a régressé, alors qu'elle sert à prévenir les expulsions et à aider les plus défavorisés.
    Alors que le FASILD, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, permet de mener des actions conséquentes dans les quartiers difficiles, et que des projets avaient déjà été lancés sur la base des crédits prévus, votre gouvernement a gelé son enveloppe budgétaire pour 2003.
    Votre choix crée une crise aiguë au sein des associations : c'est un coup d'arrêt important porté à la dynamique associative. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Jego. Quelle honte de dire ça ! Votre intervention est un tissu de mensonges !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous nous décevez, madame Gautier. Nous vous avons connue plus objective !
    Mme Nathalie Gautier. Mais c'est la vérité !
    M. Pierre Cohen. Bien sûr !
    M. Yves Jego. Mais non ! Ce n'est pas vrai !
    Mme Nathalie Gautier. En matière de lutte contre  l'illettrisme, pourtant érigée par le Président Jacques Chirac au rang de priorité nationale, les crédits ont été gelés. A Lyon, où a été inaugurée, il y a deux ans, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, ce sont 585 000 euros attendus pour la région Rhône-Alpes qui sont gelés.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
    M. Yves Jego. Ce ne sont que propos malveillants !
    Mme Nathalie Gautier. Un autre exemple : dernièrement, l'union régionale Rhône-Alpes des entreprises d'insertion a tiré la sonnette d'alarme pour souligner les conséquences dramatiques des mesures de gel de crédits de 2002. Et voici que le premier versement de crédits liés aux conventions de 2003 est remis en cause. Une douzaine d'entreprises ont dû déposer leur bilan et cesser leur activité.
    Mme Annick Lepetit. Oui !
    Mme Nathalie Gautier. Qui peut croire que ces entreprises vont pouvoir assumer seules ces retards de paiement de la part de l'Etat ? Qui peut croire, monsieur le ministre, que la recherche d'une cohésion nationale et sociale soit au coeur de vos préoccupations ? Vous parlez de cohésion sociale ! Venez sur le terrain, monsieur le ministre, pour constater les dégâts provoqués par votre politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Jego. On y est autant que vous, sur le terrain ! Et le ministre aussi !
    M. Gérard Hamel. Et même plus !
    M. Damien Meslot. « Social » ne rime pas avec « socialiste » !
    Mme Nathalie Gautier. A nouveau, ce sont les plus démunis que vous frappez. Je vous l'ai indiqué en commission des affaires économiques, mais, comme je n'ai pas été entendue lors de cette séance de travail, je me vois contrainte de le rappeler. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre projet occulte la dimension sociale de la politique de la ville alors qu'elle devrait en constituer l'indissociable second pilier.
    M. Gérard Hamel. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    Mme Nathalie Gautier. Il est regrettable également - et mes collègues l'ont souligné - que le secteur associatif ne soit pas intégré dans votre projet de loi. Pourtant, ce secteur joue un rôle fondamental. Souvent employeurs, les associations rendent de nombreux services de proximité. Elles sont productrices de développement et de richesses au même titre que les entreprises. Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas des mêmes avantages que les entreprises, notamment sur le plan fiscal, dans ces secteurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Jego. Parce que vous ne l'avez jamais fait pendant les cinq dernières années, madame !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est inexact !
    M. Eric Raoult. Non, c'est vrai !
    M. Pierre Cohen. Allez parler aux associations et vous verrez ce qu'elles pensent !
    M. Eric Raoult. Mais on ne fait que ça !
    Mme Nathalie Gautier. Il faudrait également redonner aux habitants tout leur rôle. La démocratie locale participative aurait dû trouver une place entière dans un projet de loi d'orientation et de programmation. Encore faut-il pour cela tenir compte de ce que disent les habitants et non pas mépriser ce qui vient de la France d'en bas.
    M. Gérard Hamel. Ils vous ont dit ce qu'ils pensaient le 21 avril, les Français !
    M. Yves Jego. Les habitants des quartiers vous ont dit ce qu'ils pensaient du mépris dans lequel vous les avez tenus pendant cinq ans !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les Français vous ont remerciés il y a un an ! Ils ont voté !
    M. le président. Laissez parler Mme Gautier ! Elle doit conclure sa motion.
    M. Gérard Hamel. Son intervention n'est que du verbiage, des « il n'y a qu'à » !
    Mme Nathalie Gautier. Nous regrettons tout particulièrement l'absence de moyens pour l'accompagnement social dans ces quartiers. Il faut passer d'un projet urbain technicien à un projet humain, qui requiert une implication des acteurs locaux. Cela aurait pu être aujourd'hui l'occasion de s'interroger sur le point de vue des familles qui doivent être relogées et sur l'accompagnement dont elles devraient bénéficier. Une réflexion aurait pu être ainsi menée pour cerner la façon dont les bailleurs et les villes pourraient recourir plus fréquemment qu'ils ne le font au réseau associatif pour cet accompagnement.
    Il est, bien sûr, nécessaire de faire diminuer le nombre de chômeurs et d'accroître la présence des services publics dans les quartiers difficiles.
    M. Eric Raoult. Bien sûr !
    Mme Nathalie Gautier. Vous dressez une liste d'indicateurs pour évaluer l'efficacité des politiques menées. Fort bien ! Mais quels moyens donnez-vous sur le terrain pour atteindre ces objectifs ? Ce sont les moyens qui manquent, monsieur le ministre, pas les propositions car les acteurs du terrain ont déjà depuis longtemps pensé et proposé de telles mesures !
    M. Eric Raoult. Les moyens, vous les avez gaspillés pendant cinq ans !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est inexact !
    Mme Nathalie Gautier. Votre projet de loi n'aborde pas ces sujets. La politique de la ville a besoin de consolidation, pas seulement de démolition !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous oubliez les constructions !
    Mme Nathalie Gautier. Un projet de loi d'orientation et de programmation aurait dû s'emparer de ces questions pour favoriser le mieux-vivre ensemble.
    M. Eric Raoult. Il n'y a qu'à... !
    Mme Nathalie Gautier. Vous créez une agence de la rénovation urbaine. Mais votre texte n'est pas très explicite sur ses missions.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne l'avez pas lu ! Ce n'est pas possible !
    Mme Nathalie Gautier. Il mériterait un travail plus approfondi, car des interrogations subsistent, notamment en ce qui concerne le financement, la part de l'Etat dans l'ensemble des financements et la recentralisation déguisée d'une partie de la programmation du logement social. Comment sera articulée la programmation des crédits du logement social entre l'agence et les DDE ? On risque de voir diminuer les aides à la pierre dans les quartiers qui ne sont pas prioritaires.
    M. Yves Jego. C'est incroyable d'entendre cela !
    M. Eric Raoult. Comment est-ce possible de dire ça ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais c'est la vérité !
    Mme Nathalie Gautier. De plus, la transversalité nécessaire à la politique de la ville est mise à mal par votre projet de loi car il se focalise uniquement sur la rénovation urbaine et omet la dimension budgétaire interministérielle.
    M. Eric Raoult. C'est une martienne ! Elle débarque de sa planète !
    Mme Nathalie Gautier. De même, la notion de contrat a disparu de votre projet de loi. Que faites-vous du cadre partenarial ? Faut-il rappeler l'importance du contrat qui formalise un projet global partagé, à la fois urbain, économique et social ? Les problèmes à traiter nécessitent des coopérations et des responsabilités partagées dans la durée. Votre projet n'a malheureusement pas pris la mesure de cette réalité de la politique de la ville.
    M. Gérard Hamel. Ce sont des mots !
    M. Yves Jego. Elle aligne des phrases et se fait plaisir par ce verbiage !
    Mme Nathalie Gautier. Monsieur le ministre, environ 400 villes cumulent de fortes charges du fait d'une importante dégradation urbaine et sociale et de faibles ressources. Que leur répondez-vous ? Le Conseil national des villes a indiqué lors de son assemblée plénière, en juin 2003, que la réforme préalable à toutes les autres, c'est la réforme des clés de répartition pour les finances locales : la DGF et la DSU.
    M. Yves Jego. Encore une réforme que vous n'avez pas faite !
    Mme Nathalie Gautier. Je cite le Conseil national des villes : « L'urgence de cette réforme est encore plus grande dans la perspective des nouvelles lois de décentralisation si l'on veut éviter l'aggravation des disparités. »
    M. Gérard Hamel. C'est facile de donner des leçons !
    M. Pierre Cardo. Ça fait six ans que cette réforme est urgente !
    Mme Nathalie Gautier. Les collectivités se trouvent en effet dans une position très inégale pour mettre en oeuvre leurs politiques sociales et urbaines. Les inégalités de richesse entre les communes urbaines d'un même département peuvent aller de un à trente-six, mais les mécanismes de péréquation actuels ne corrigent, en moyenne nationale, que 30 % des inégalités entre communes. Pourquoi ne pas avoir prêté attention à la requête de l'association « Ville et Banlieue » qui demandait qu'un titre financier vienne compléter votre texte, comme cela avait été fait lors de la création des villes nouvelles ?
    Nous sommes également inquiets des premiers éléments connus sur les perspectives budgétaires pour 2004 puisqu'il apparaît que les seuls moyens en investissement nécessaires pour la mise en oeuvre de votre projet de loi de programmation ne seront pas couverts.
    Votre texte est partiel et incomplet.
    M. Eric Raoult. Et vous partiale !
    M. Yves Jego. Et de mauvaise foi !
    Mme Nathalie Gautier. Il ne traite pas, comme il le prétend, de la politique de la ville mais de la politique de certains quartiers car il se limite aux seules zones urbaines sensibles. C'est une vision très réductrice de la politique de la ville.
    Les zones urbaines sensibles ont été délimitées il y a des années. Depuis, les périmètres opérationnels dans le cadre contractuel des contrats de ville ont évolué. Il faudra bien un jour ou l'autre évoquer, ce que vous oubliez de faire dans votre projet de loi, la possibilité d'un réajustement des périmètres pour coller au terrain.
    Je ne peux que réitérer l'expression de mon scepticisme vis-à-vis de la procédure des zones franches.
    M. Yves Jego. Ben voyons !
    Mme Nathalie Gautier. Leur bilan en matière d'emploi est mitigé. L'effet d'aubaine a été fort.
    M. Yves Jego. C'était fait pour ça. C'était le but !
    Mme Nathalie Gautier. Vous avez choisi quarante et un sites supplémentaires, selon des modalités dont nous n'avons pas eu connaissance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Raoult. C'est faux ! C'est scandaleux de dire cela ! Vous tenez continuellement un double langage.
    M. Yves Jego. Les maires socialistes les connaissent puisqu'ils les refusent.
    Mme Nathalie Gautier. Il me semble qu'il y a là une rupture avec les contrats de ville 2000-2006 qui souffrent déjà de problèmes de financement pour leur mise en oeuvre sur le terrain depuis le vote de la loi de finances pour 2003 et qui souffriront plus encore avec ce texte. Ces contrats traduisaient une démarche de dialogue et de coopération entre les différents acteurs de la politique de la ville : aucune sélection arbitraire de la part du gouvernement n'était imposée.
    M. Yves Jego. Ben voyons !
    M. Eric Raoult. C'est diffamatoire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voyons, monsieur Raoult !
    Mme Nathalie Gautier. L'initiative était laissée au terrain pour proposer des interventions de relance de l'économie dans les quartiers.
    M. Yves Jego. Nous ne vivons pas dans le même monde !
    Mme Muguette Jacquaint. Ça, c'est vrai !
    Mme Nathalie Gautier Comment pouvez-vous soutenir un dispositif public en faveur de l'emploi des personnes situées en zone urbaine sensible et supprimer dans le même temps les emplois jeunes, les emplois aidés, les assistants d'éducation et les adultes-relais dans ces mêmes secteurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Jego. Arrêtez de créer en permanence des postes de fonctionnaires ! Faites confiance aux entreprises ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Annick Lepetit. On connaît désormais le fond de votre pensée, monsieur Jego !
    M. Jean-Pierre Blazy. Laissez parler Mme Gautier !
    Mme Nathalie Gautier. Une chose est claire : nous n'avons pas la même vision de la politique de la ville et de la solidarité.
    M. Yves Jego. Ça nous rassure.
    Mme Nathalie Gautier. Votre projet s'inscrit dans la droite ligne des politiques que nous subissons depuis un an qui ont pour mots d'ordre démolition et régression sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous avez introduit dans ce projet de loi des mesures concernant la copropriété et le surendettement. Je n'y reviendrai pas. Mes collègues ont amplement développé les questions que soulèvent notamment les mesures que vous proposez pour remédier à la dégradation des copropriétés et aux situations de surendettement.
    Monsieur le ministre, il s'ensuit du fait que ce projet de loi soit présenté dans la précipitation (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)
une remise en cause des fondements de la politique de la ville que vous nous présentez,...
    M. Gérard Hamel. Les grands mots !
    Mme Nathalie Gautier. ... un arrêt des politiques sociales - qui sont menacées par les gels de crédits -, une absence de réflexion sur les liens entre décentralisation et politique de la ville,...
    M. Eric Raoult. Elle est de quel courant ?
    M. Yves Jego. Gauche caviar ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est un nouveau courant du PS !
    M. le président. Monsieur Jego, laissez parler l'orateur !
    M. Alain Vidalies. Quand il s'agit d'insulter, c'est toujours le même ! On devrait demander une suspension de séance.
    Mme Nathalie Gautier. Il s'ensuit enfin un flou quant à la répartition des compétences. De plus, le chiffrage que vous annoncez est fantaisiste. Le renvoi en commission que nous vous présentons est donc exigé par le simple bon sens.
    M. Eric Raoult. Sens unique oui !
    Mme Nathalie Gautier. Il faut adapter la politique de la ville, mais pas dans la précipitation ni sans évaluation.
    M. Gérard Hamel. Vous avez eu cinq ans pour le faire !
    Mme Nathalie Gautier. Le groupe socialiste demande un examen sérieux...
    M. Jean Louis Dumont. Surtout sérieux c'est une exigence sur laquelle nous insistons.
    Mme Nathalie Gautier. ... et complet de ce texte. La politique de la ville ne peut être abordée en deux jours de débats. Elle nécessite un travail approfondi, en commission, des rencontres avec les professionnels, les associations, les bénévoles, les élus locaux, afin de prendre en compte les difficultés vécues sur le terrain.
    M. Gérard Hamel. C'est ça ! Des tables rondes, des colloques ! Pendant ce temps-là, on ne fait rien !
    M. Eric Raoult. C'est scandaleux d'entendre ça !
    M. Eric Raoult. Ce n'est pas du Charles Hernu ! Il était meilleur ! C'était un homme du peuple, lui !
    Mme Nathalie Gautier. Prenez le temps, monsieur le ministre, de nous présenter un projet interministériel. La politique de la ville est, par essence, une politique intégrée. Une loi d'orientation pour la ville doit réaffirmer et conforter ce principe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Jego. Charabia !
    M. Eric Raoult. Vous avez une dérive bourgeoise ! Vous êtes des bobos !
    Mme Nathalie Gautier. J'espère donc que l'Assemblée votera le renvoi en commission d'un texte qui touche à un problème fondamental pour l'avenir de la cohésion sociale de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Merci, madame Gautier, pour la concision avec laquelle vous avez présenté votre motion.
    M. Pierre Cohen. Malgré les insultes !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Sincèrement, madame Gautier, je suis resté bouche bée devant votre intervention.
    M. Gérard Hamel. Nous avons tous été abasourdis !
    M. Jean-Louis Dumont. Par sa qualité ! (Sourires.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous avons travaillé pendant près de neuf heures, en commission, auditionné le ministre, examiné les amendements, travaillé sur le texte. Or, jamais, pendant tous ces travaux, je ne vous ai entendue intervenir de la manière que vous venez de le faire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est inexact ! Mme Gautier était présente et elle est intervenue !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pas une seule fois, pendant ces neuf heures, je ne l'ai entendue intervenir. Quant à vous, monsieur Le Bouillonnec, qui m'interpellez, vous étiez d'accord avec nous sur la plupart des amendements qui ont été examinés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Yves Jego. Ils tiennent en permanence un double langage.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ils sont schizophrènes !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mme Gautier était présente en commission. Elle a même interrogé M. le ministre.
    Mme Annick Lepetit. C'est vous qui n'étiez pas là, monsieur le président de la commission.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Madame Lepetit, je ne vous ai pas vue souvent en commission non plus ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Mme Annick Lepetit. C'est normal, vous n'étiez pas là !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Le Bouillonnec, je le répète, vous avez approuvé la plupart des amendements. Les procès-verbaux en font foi. Vous n'avez qu'à les lire.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, est-il normal d'être ainsi pris à partie par le président de la commission ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L'article 91, alinéa 7, du règlement dispose que le renvoi en commission doit être argumenté. Or, pas une seule fois, madame, vous n'avez parlé des travaux qui se sont déroulés pendant près de neuf heures en commission. Je n'ai entendu, durant une demi-heure, qu'un plaidoyer sectaire, politicien,...
    M. Eric Raoult. Décalé !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une accusation facile !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Jusqu'à présent, le ministre et les orateurs des différents groupes ont manifesté la volonté d'obtenir un consensus sur la politique engagée par M. Borloo. Le projet qu'il nous propose traduit une vision à long terme et propose des mesures concrètes...
    M. Eric Raoult. Et pragmatiques !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ... et un financement avéré et précis, contrairement à ce que vous avez dit.
    Mme Odile Saugues. On en reparlera !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est un vrai projet d'avenir qui permettra de lutter contre les quartiers défavorisés et, surtout, d'apporter le soulagement nécessaire à des populations défavorisées.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est pourquoi, madame Gautier, je suis sincèrement étonné par vos propos, même si vous avez interrogé - et c'est heureux - M. le ministre lors de son audition devant la commission. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Alors, il ne fallait pas dire qu'elle n'était pas intervenue !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Le Bouillonnec, je vous ai dit que, pendant le débat en commission, vous n'êtes jamais intervenu contre les amendements ! (« Calmez-vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.) S'il n'y a pas eu de débat, c'est parce que, je le répète, vous avez approuvé la plupart des amendements !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n'ai approuvé aucun amendement ! Mais je vais vous répondre.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je peux également, si vous le souhaitez, répéter ce que vous avez dit lorsque notre rapporteur, M. Pemezec, est intervenu sur la composition des commissions chargées de décider de l'attribution des logements HLM. Le procès-verbal fera foi.
    Pendant cinq ans, madame, vous étiez bien placée pour mettre en place la politique que vous tentiez de défendre à l'instant. J'y ai surtout vu une démonstration de mauvaise foi à l'encontre du projet du Gouvernement...
    M. Pierre Cardo. La démonstration de leur échec !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ... et c'est pourquoi j'espère que mes collègues de la majorité rejetteront votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, je veux bien qu'on nous appelle au débat ; j'accepte même que l'on se revendique du consensus. Mais passer ce court débat, en cette période de l'été, à entendre à longueur de temps, sitôt que l'on émet une opinion susceptible d'entamer les convictions de la majorité, des remises en cause de notre rôle ou des renvois à ce que « nous n'aurions pas fait »...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais ce n'est que la triste réalité !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... quand il ne s'agit pas de critiques sur la façon dont chaque membre de notre groupe fait son travail de député, nous ne saurions l'admettre. Ce n'est pas acceptable.
    Si M. le ministre veut que nous discutions demain dans la sérénité des problèmes que soulève son texte - parce qu'il en pose peut-être plus qu'il ne pourra en régler -, encore faudrait-il préserver un climat supportable. Ce n'est pas nous qui avons été appelés à délibérer - en urgence - sur une loi de programmation sur la ville en plein mois de juillet,...
    M. Yves Jego. Et alors ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... en deux jours de temps, et à attendre ce matin de savoir quand nous allions commencer la séance.
    M. Eric Raoult. Et les retraites ?
    M. Damien Meslot. Il ne fallait pas faire durer aussi longtemps le débat sur les retraites !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si nous sommes ici - et c'est bien le cas - qu'on respecte au moins notre parole et qu'on nous laisse exprimer notre opinion ! Nous n'avons injurié personne, Mme Gautier n'a injurié personne. Aucun des intervenants n'a injurié personne. Mais nous avons le droit de dire que ne retrouvons pas, dans cette loi de programmation, notre aspiration à la politique de la ville,...
    M. Damien Meslot. Heureusement !
    M. Eric Raoult. Cela nous rassure !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... ni la poursuite du travail de rénovation urbaine que nous avons engagé, au prix - contrairement à ce que vous prétendez - d'investissements financiers très importants pendant ces cinq dernières années.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Non exécutés ! Non consommés !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On en reparlera.
    Pour en revenir à la demande de Mme Gautier de renvoi en commission, je donnerai simplement un exemple.
    Nous avons entendu M. le ministre tout à l'heure nous dire que l'Agence de rénovation urbaine pourrait servir à tous les quartiers, alors que l'article 9 ne renvoie qu'aux zones urbaines sensibles !
    M. Alain Vidalies. C'est cela, le scandale !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Peut-être est-ce bien l'intention de M. le ministre ; dans ce cas, retournons en commission pour réécrire le texte en conséquence. Ou alors, pourquoi M. le ministre nous dit-il exactement le contraire de ce qui est écrit dans la loi ? Qu'il nous soit au moins permis, sur la base de ses déclarations, d'en parler ! Bien entendu, notre groupe votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Muguette Jacquaint. Nous aussi !
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 10 juillet 2003, de M. Michel Herbillon un rapport, n° 1022, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 10 juillet 2003, de Mme Juliana Rimane un rapport, n° 1020, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de résolution de M. Michel Herbillon sur la diversité linguistique dans l'Union européenne (documents E 2275-1, E 2024 et E 2182) (n° 907).

5

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 10 juillet 2003, de M. Patrice Martin-Lalande un rapport d'information, n° 1019, déposé en application de l'article 146 du règlement par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la redevance audiovisuelle.
    J'ai reçu, le 10 juillet 2003, de MM. Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard un rapport d'information, n° 1021, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

6

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, vendredi 11 juillet, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 950, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine :
    M. Philippe Pemezec, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1003) ;
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 997) ;
    M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis n° 1001) ;
    Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1002).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le vendredi 11 juillet 2003, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT