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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 4 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 3 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Salaires, temps de travail et développement de l'emploi. - Suite de la discussion d'un projet de loi. «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Avant l'article 2 «...»

Amendement n° 71 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 132 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 166 de M. Morin : MM. Hervé Morin, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Retrait.
MM. le président, Gaëtan Gorce.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendement n° 217 de M. Morin : M. Hervé Morin. - Retrait.
Amendement n° 165 de M. Morin : MM. Hervé Morin, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Retrait.

Article 2 «...»

Mme Martine Billard.
M. Maxime Gremetz, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Hélène Mignon.

Rappel au règlement «...»
Reprise de la discussion «...»

MM. Bernard Accoyer, le président.
M. Alain Vidalies, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Soisson, Bernard Accoyer, Daniel Garrigue.

Rappel au règlement «...»

MM. Gaëtan Gorce, le président.

Reprise de la discussion «...»

Amendements de suppression n°s 4 de Mme Billard et 133 de M. Gorce : Mme Martine Billard, MM. Michel Charzat, le président, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Amendements identiques n°s 5 de Mme Billard et 134 de M. Gorce : Mme Martine Billard, MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre - Rejet par scrutin.
Amendements n°s 135 de M. Gorce et 6 de Mme Billard : M. Manuel Valls, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre - Rejet.
Amendements n°s 168 de M. Morin et 30 de M. Gremetz : MM. Hervé Morin, Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet de l'amendement n° 168 ; rejet, par scrutin, de l'amendement n° 30.
Amendements n°s 175 de M. Morin et 137, 154, 138 et 139 de M. Gorce : MM. Hervé Morin, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 155 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 96 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Retrait.
Amendement n° 31 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet par scrutin.
Amendements n°s 157 et 156 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Soisson, Alain Vidalies. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 157 ; rejet de l'amendement n° 156.
Amendement n° 158 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Soisson. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.
2.  Dépôt d'un projet de loi organique adopté par le Sénat «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190, 231).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 71 avant l'article 2.

Avant l'article 2

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du titre II :

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
AU TEMPS DE TRAVAIL

    M. le président.    M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 71, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant :
    « A la fin du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail, les mots : "trente-cinq sont remplacés par les mots : "trente-deux. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement est très clair et très précis.
    M. Jean-Pierre Gorges. Et très important ?
    M. Maxime Gremetz. Oh, tout le monde dit que tout est important... Disons seulement que cet amendement, très clair et très précis, prend le contre-pied d'une loi que j'interprète comme la manifestation de la volonté de porter un coup d'arrêt au processus historique de réduction du temps de travail.
    Nous proposons de franchir une nouvelle étape dans la réduction du temps de travail en fixant la durée légale hebdomadaire à 32 heures.
    M. Jean-Pierre Gorges. En attendant les 28 heures !
    M. Maxime Gremetz. On a pu l'oublier, mais c'est la perspective des 32 heures qui est aujourd'hui au coeur des aspirations sociales. M. Larroutourou avait d'ailleurs proposé une telle avancée. Ce n'est pas parce que les modalités de mise en oeuvre des lois Aubry ont causé des déceptions que nous allons taire cette aspiration massive à plus de temps libre.
    L'objectif, pour nous, reste davantage de réduction du temps de travail, plus de temps pour soi, pour sa famille, pour se distraire, pour se cultiver, pour la vie associative, pour l'exercice de la citoyenneté, pour se former. Plus de temps libre pour faire ce que l'on veut. Si une petite minorité de gens se réalise uniquement ou essentiellement par le travail, nous ne voulons en aucun cas leur gâcher leur plaisir, mais nous voulons surtout que le souhait de la plupart des salariés à plus de temps pour soi puisse être satisfait.
    Si l'activité est essentielle à l'être humain, nous ne considérons pas pour autant que le salariat soit une donnée immuable. Nous militons pour le dépassement de cette forme d'activité, comme ont été dépassées les formes d'activité de l'Antiquité et celles de la féodalité. La diminution de la part obligée de l'activité humaine sous la forme du salariat représente un début de dépassement du salariat.
    La réduction du temps de travail est également un moyen efficace de faire la guerre au chômage. Sept millions de personnes sont actuellement sans emploi ou en situation de sous-emploi, sous une forme ou sous une autre. La cohésion sociale est mise en danger par cette situation intolérable. Des millions de nos concitoyens souffrent d'être ainsi mis de côté. C'est, en particulier, le cas des jeunes à qui on ôte toute perspective de satisfaire leurs besoins sociaux et de prendre une place utile dans la société.
    La croissance ne peut suffire à résorber le chômage, surtout en ce moment, où la croissance ralentit et où rien n'annonce son redressement. De plus, la croissance ne peut reprendre avec la politique engagée par le nouveau gouvernement, puisque le levier essentiel en serait une demande intérieure favorisée par l'augmentation des salaires. Or vous ne faites rien pour augmenter les salaires et vous dégradez le pouvoir d'achat des plus modestes en attaquant les ressources de la sécurité sociale et des impôts locaux, avec tout ce que nous savons des projets de décentralisation. Le moteur de la demande intérieure, monsieur le ministre, est en panne, ainsi que celui des investissements et celui des exportations, du fait de la crise du système.
    Les lois Aubry ont déçu parce qu'insuffisantes, parce que mal appliquées, parce que sabotées. Mais les salariés passés à 35 heures ne voudraient en aucun cas revenir en arrière. S'il y a eu déception et seulement 300 000 emplois de créés, c'est pour les mêmes raisons : parce que la RTT a été insuffisante en volume - deux heures et demie seulement en moyenne -, du fait de la remise en cause des avantages acquis comme les pauses ou les congés supplémentaires ; parce que 7 millions de salariés sont encore à 39 heures ; parce qu'on a trop « flexibilisé », qu'on a intensifié le travail, qu'on n'a pas assez recruté, qu'on a mis les cadres au forfait jour, qu'on a abaissé les cotisations sociales sans exiger suffisamment de contreparties en termes d'emploi...
    Les 32 heures, ce serait, au choix des salariés : 4 jours à 8 heures ou cinq jours à 6 heures 24 minutes. Avec, évidemment, le maintien des salaires que permet la richesse du pays et que permettrait la croissance générée par les masses salariales perçues par ceux ayant retrouvé un emploi.
    Tel est l'objet de cet amendement qui, vous le constatez, monsieur le président, n'est pas du tout de circonstance. (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 71.
    M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Avis défavorable. Il importe, dans ce débat d'amendements, de rester lucide. Nous avons déjà absorbé 35 heures et restauré la justice et l'équité dans le système à plusieurs vitesses, qui nous a été laissé en héritage. Aussi, procédons par ordre.
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable au passage aux 32 heures.
    M. Maxime Gremetz. Non ?
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Les propos du rapporteur ont été très brefs, voire lapidaires, eu égard au sujet dont il était question.
    On parle des 35 heures, on parle des 32 heures et moi je veux parler de réduction du temps de travail. Ce sur quoi nous discutons, en réalité, ce n'est pas d'une référence légale à 35 ou à 32 heures, bien que ce soit important. C'est d'un processus de réduction du temps de travail, qui a été engagé depuis près d'un siècle, comme l'a rappelé M. Gaillard à la tribune, un processus qui a connu des interruptions, des blocages, notamment au début des années 80, et qui a été relancé à la fois par la loi et par la négociation.
    Ce qui nous inquiète, dans le texte que vous avez déposé, c'est que vous allez interrompre ce processus, qui avait produit ses effets - 8 % de réduction du temps de travail au cours des quatre dernières années, au bénéfice de près de 9 millions de salariés - et qui commençait à s'appliquer aux petites entreprises. Vous évoquiez hier soir dans votre intervention le rythme des signatures d'accords dans les petites entreprises. Le pari qui était de faire en sorte que la réduction du temps de travail bénéficie à tous les salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise, était en passe d'être gagné d'ici à la fin de l'année prochaine. Or vous retirez toutes les incitations à la négociation.
    La question des 32 heures mérite d'être posée. Mais une autre question est importante : c'est celle de savoir comment vous entendez faire en sorte que la négociation puisse se poursuivre. Vous dites que vous ne remettez pas en cause les 35 heures ou la réduction du temps de travail. Mais vous avez retiré du texte tous les éléments qui incitaient à la négociation.
    Vous dites que les 35 heures ne sont pas supprimées. Mais vous ne nous dites pas comment la négociation va pouvoir s'alimenter.
    Nous vous avons demandé, monsieur le ministre, les effets sur l'emploi que vous attendiez de la suppression des 35 heures et de la mise en place de l'allégement sans contrepartie. Nous n'avons toujours pas la réponse. Mais tant que nous ne l'aurons pas obtenue, nous reposerons la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Claude Gaillard. Heureusement !
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 132, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Les heures supplémentaires constituent, pour les entreprises qui n'ont pas recours à la modulation ou à l'annualisation des horaires, la première variable d'ajustement à leur disposition pour faire face aux variations d'activité auxquelles elles sont confrontées.
    « Leur utilisation apporte une réponse aux surcroîts ponctuels d'activité, en particulier lorsqu'ils sont imprévisibles, et doit donc être limitée à cet objet. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet article vise à préciser l'objet des heures supplémentaires. Dans quelles conditions est-il possible de faire des heures supplémentaires ? On nous explique qu'elles seraient indispensables pour permettre de desserrer « le carcan de la réduction du temps de travail et des 35 heures ». Pourtant, la plupart des branches professionnelles n'étaient pas demandeuses et toutes les organisations professionnelles, en particulier la CFDT et FO, estiment que cette augmentation des contingents n'est pas nécessaire compte tenu de l'organisation des branches.
    Vous n'avez pas jugé utile, pour mettre en place ce relèvement du contingent, de passer d'abord par la négociation, contrairement aux engagements que vous aviez pris, notamment lors de la campagne présidentielle. Je relisais tout à l'heure les engagements du Président de la République, qui affirmait que préalablement à tout initiative législative - ou réglementaire, cela va de soi -, la concertation l'emporterait et l'initiative serait laissée aux partenaires sociaux. Mais vous avez choisi la voie du décret pour augmenter le contingent à 180 heures.
    Vous nous dites que les heures supplémentaires répondent à certaines nécessités, sans faire en sorte que ce soient la négociation et les branches qui déterminent ces nécessités. Il me paraît donc indispensable de bien prévoir l'objet des heures supplémentaires et d'éviter que celles-ci, puisqu'elles sont prises à l'initiative de l'employeur, sans concertation et sont rarement encadrées par un accord collectif, ne servent à contourner les accords de réduction du temps de travail.
    Nous vous proposons donc une définition des heures supplémentaires. On pourra s'appuyer sur cette définition pour apprécier l'utilité ou la validité d'un recours - qui pourrait être très régulier, voire systématique - aux heures supplémentaires.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet. Cet amendement, peu contributif, propose d'introduire une définition littéraire des heures supplémentaires dans le code du travail, lequel doit régler des questions techniques relatives à la majoration et au contingent des heures supplémentaires. Certes, ces heures sont destinées à faire face à des surcroîts et à des variations d'activité. Mais dire qu'elles doivent être limitées sans expliquer comment constitue une formulation de principe.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement méritait quelque explication de la part du Gouvernement, ne serait-ce que pour justifier le refus opposé par le rapporteur. Il est clair que nous touchons ici une difficulté majeure et que la réponse qui est donnée entraîne une lecture particulière du projet de loi.
    Les heures supplémentaires obéissent à des règles, qui sont actuellement définies par un accord interprofessionnel de 1995, qui fait référence. Personne, du moins jusqu'à ce soir, n'a remis en cause cette définition : c'est vous dire si le moment est important. Tout notre raisonnement sur les heures supplémentaires, comme celui de tous les juristes et de tous les commentateurs, intégrait cette définition, qui fait référence à un surcroît d'activité et aux partenaires sociaux.
    Votre discours est le suivant : « pour gagner plus, il faut travailler plus et donc encourager les gens à faire des heures supplémentaires » - d'où l'extension du contingent... mais aussi la diminution de la rémunération. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas vrai !
    M. Alain Vidalies. Si on vise de véritables heures supplémentaires, qui correspondent à la définition qui en a été donnée, on est alors dans un cadre relativement cohérent - même si l'on n'en voit pas la portée sociale.
    Mais si le Gouvernement et le rapporteur refusent d'inscrire dans la loi la définition juridiquement consacrée des heures supplémentaires, le refus qu'ils opposent ce soir à notre amendement sera, en cas de recours, forcément interprété a contrario comme remettant en cause cette définition. Dès lors, autant aller jusqu'au bout de la démonstration et dire que les heures supplémentaires ne dépendent ni d'un critère objectif ni de la demande du salarié, mais de l'appréciation, et c'est naturel, du chef d'entreprise.
    Ce moment de la discussion est donc essentiel. La question est de savoir si la définition des heures supplémentaires est bien celle qui me semblait faire l'objet d'un accord, ou bien si, à partir de la réponse négative du rapporteur, une nouvelle définition ressort de nos débats, ce qui, évidemment, entraînerait une tout autre lecture du projet de loi.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Vidalies veut une précision, il va l'avoir. La seule définition qui compte des heures supplémentaires est celle du code : ce sont les heures au-delà de la durée légale du travail.
    M. Alain Vidalies. Alors là ! C'est une indication majeure !
    M. Gaëtan Gorce. On y reviendra !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Morin, Perruchot, Dionis du Séjour et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 166, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement proposera aux partenaires sociaux que soient établies les nouvelles règles relatives à l'amélioration du dialogue social en France, notamment celles relatives à la hiérarchie des normes sociales, la représentativité syndicale et les conditions de conclusion d'un accord majoritaire. »
    La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Avec cet amendement les membres du groupe UDF ne souhaitent pas faire oeuvre législative, puisqu'il ne s'agit pas d'un texte normatif, mais plutôt d'un moyen de poser une question au Gouvernement.
    Tout au long de ce débat, nous n'avons cessé de parler de la nécessité de renforcer le dialogue social et de donner une nouvelle définition de la hiérarchie des normes entre ce qui relève de la loi et ce qui doit relever du contrat. Mais, pour tout le monde, cette ambition achoppe au moins sur un obstacle, c'est que les règles et les conditions du dialogue social en France ne sont plus satisfaisantes et doivent être modernisées. Certaines remontent à l'après-guerre puisque les syndicats dits représentatifs le sont depuis 1945, quelle que soit d'ailleurs leur représentativité réelle dans certaines branches.
    Sans doute est-ce pour cela que l'on n'arrive pas à contenir la loi dans l'épure de l'article 34 de la Constitution, c'est-à-dire à obtenir qu'elle ne fixe que les principes fondamentaux du droit du travail sans entrer dans le détail. Il faut avoir en tête qu'en l'espace de vingt ans le code du travail a été multiplié par trois en volume. Est-ce que les salariés ont été pour autant mieux protégés ? Je n'en suis pas convaincu. Au reste, si vous interrogez les grands spécialistes du droit du travail, notamment les professeurs d'université, ils vous diront que 70 % du code n'est pas appliqué en France. Donc, il est clair que la loi, notamment dans ce domaine, est souvent vaine. Pour sortir de cette impasse et pour donner aussi plus de souplesse aux entreprises et aux salariés, il est temps que les partenaires sociaux soient en mesure de fixer eux-mêmes les règles qui les concernent. Il faut également que ces échanges de consentement entre syndicats de salariés et syndicats patronaux cessent de faire l'objet d'une suspicion quant à la qualité et à la valeur des accords auxquels ils aboutissent.
    J'en viens ainsi, monsieur le ministre, aux questions qui justifient le dépôt de cet amendement : quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour que l'on aille vers des accords réellement majoritaires, c'est-à-dire délibérés et signés par les salariés ou par des syndicats réellement représentatifs, afin qu'ils puissent s'appliquer à l'ensemble du personnel ? Compte-t-il proposer aux partenaires sociaux d'améliorer les conditions de financement de la démocratie sociale ? Envisage-t-il de mettre en place progressivement une nouvelle hiérarchie des normes en droit du travail, allant jusqu'au renversement de la pyramide actuelle ?
    Bref, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles sont vos intentions en la matière, avant de retirer cet amendement qui n'est pas normatif.
    M. Bernard Accoyer. Effectivement, c'est hors sujet et ça n'a rien de législatif !
    M. le président. Je vois que M. Vidalies souhaite réagir avant que je ne demande l'avis du rapporteur.
    M. Alain Vidalies. Oui, monsieur le président, quand nous sommes saisis d'un amendement qui nous paraît contribuer à répondre à l'un des problèmes majeurs en matière de droit social, nous sommes prêts à nous y associer.
    M. Bernard Accoyer. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?
    M. le président. M. Accoyer s'arrête, vous continuez, monsieur Vidalies.
    M. Alain Vidalies. S'il veut bien ! Pour lui qui a parlé pendant des années et fort longtemps, c'est insupportable, mais c'est ainsi quand on passe de l'opposition à la majorité ! (Sourires.)
    M. Hervé Morin. C'est vrai qu'il était très bavard !
    M. Alain Vidalies. Oui, et les compteurs tournent maintenant pour nous.
    M. Manuel Valls. Il a pris de l'avance !
    M. Hervé Morin. Mais il a de la réserve !
    M. le président. Allez, monsieur Vidalies !
    M. Alain Vidalies. Le problème de la négociation collective, nous l'avions déjà abordé, notamment en créant la procédure de l'accord majoritaire, qui, sans avoir la validité de l'accord, suffisait à en déclencher les aides de l'Etat. Il est vrai que la représentativité devient une question majeure. Et même si certaines organisations syndicales, dont on voit bien ce qu'elles auraient à perdre à cette remise en cause, ne sont pas très enthousiastes, il faut aller de l'avant. Car personne n'ose plus utiliser le terme de démocratie quand une minorité, parfois même très faible, peut bloquer tout le système parce qu'on a décidé une seule fois dans les années 60 qu'elle était représentative.
    On nous objecte le droit d'opposition. Mais comme chacun le sait, pour pouvoir l'exercer, y compris dans le texte que nous examinons, il faut avoir la majorité, non pas des suffrages exprimés, mais des inscrits, et c'est bien le problème. Même les juridictions européennes nous disent que ce dispositif est inapplicable. Lequel d'entre nous, d'ailleurs, aurait été élu si la majorité des électeurs inscrits avait été requise ?
    M. Hervé Morin. Eh oui !
    M. Alain Vidalies. Ainsi, l'amendement de M. Morin pose deux questions.

    Premièrement, d'accord pour la représentativité, mais comment ? Pas par le décret, par l'élection. Je crois que la société française a fortement mûri à ce sujet et, si des initiatives pouvaient être prises en faveur de l'élection, ce serait très heureux.
    Deuxièmement, comment développer l'accord majoritaire ? On ne peut pas laisser au contrat, comme nous le souhaitons, un espace qui soit autonome, notamment par rapport à la loi,...
    M. Hervé Morin. Ce n'est pas ce que vous avez fait !
    M. Alain Vidalies. ... si sa validité n'est pas incontestable ou, en tout cas, sa légitimité. C'est une règle de base de la démocratie, à laquelle on ne saurait se soustraire. Nous avions essayé de renforcer cette légitimité en commençant précisément par l'accord majoritaire. Or quelles que soient la position de principe du Gouvernement ou les annonces qu'il a pu faire, j'observe qu'il commence par détruire le peu qui avait été entrepris en faisant disparaître cette procédure du droit positif.
    Cette affaire mérite les précisions qu'appelle l'amendement, car il ne suffit pas de dire : oui, on va en discuter. Il faut se fixer deux objectifs très précis : fonder les règles de représentativité sur le vote des salariés ; faire respecter l'accord majoritaire.
    M. Jean-Pierre Soisson. Ce n'est pas l'objet du texte.
    M. le président. Monsieur Soisson, vous vous expliquerez avec M. Morin.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. On comprend bien le souci qui anime M. Morin, mais la commission a rejeté son amendement parce qu'il ne relève pas du domaine législatif. Notre excellent collègue a lui-même indiqué qu'il voulait simplement poser une question à M. le ministre, sachant que ce dernier a déjà fait une démonstration parfaitement concrète de dialogue social.
    M. Bernard Accoyer. Tout à fait !
    M. Hervé Morin. Je n'ai jamais prétendu le contraire.
    M. Gaëtan Gorce. Vous dites cela sans rire, monsieur le rapporteur ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La notion de représentativité syndicale fait déjà l'objet d'un certain nombre de réflexions. Je laisse donc M. le ministre s'exprimer plus avant sur le sujet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je partage l'analyse de M. Morin sur la situation du dialogue social dans notre pays et, surtout, sur les règles qui le régissent. Mais il reconnaîtra, il l'a d'ailleurs déjà fait, que ce n'est pas à l'occasion de ce texte et sans concertation avec les partenaires sociaux - Dieu sait que, sur ce sujet, elle est indispensable - que nous pourrons faire évoluer les règles de la représentativité et celles de la négociation collective. Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, l'intention, la volonté du Gouvernement, c'est d'ouvrir en 2003, avec les partenaires sociaux, une discussion sur la base de l'accord de juillet 2001. Cette position commune, document qu'ils ont tous signé à l'exception de la CGT, comporte toute une série de pistes qu'il faudrait d'abord valider avec eux pour les traduire ensuite, le cas échéant, dans un texte législatif. Rendez-vous est donc pris pour le début de 2003. Dans le courant de l'année, à l'issue de cette concertation, nous pourrons engager la transformation des règles du dialogue social, transformation fondamentale si nous voulons changer l'équilibre entre ce qui est décidé par la loi, par le règlement et par le contrat.
    Mais que le groupe socialiste vienne aujourd'hui nous expliquer qu'il faut faire avancer les règles du dialogue social...
    M. Hervé Morin. Il avait cinq ans pour cela !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et tenir compte de la position commune de juillet 2001,...
    M. Bernard Accoyer. Oh la la !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... que le groupe socialiste nous presse d'avancer à grands pas alors que le gouvernement de l'époque a ignoré ces propositions signées par la quasi-totalité des organisations syndicales et n'a même pas accepté d'en discuter avec elles,...
    M. Claude Gaillard. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... c'est tout à fait insupportable et c'est à l'image du débat que nous avons depuis deux jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer. C'est une honte ! C'est une forme de provocation !
    M. le président. Rapidement, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Chaque fois que l'on essaie d'aborder un débat de fond, et celui-là est important, chaque fois que nous argumentons sérieusement pour essayer de faire progresser la réflexion, le ministre, avec une arrogance qui ne se dément pas (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Bernard Accoyer. Vous êtes expert !
    M. Henri Cuq. C'est de la provocation !
    M. le président. Monsieur Gorce, je vous demande de conserver votre calme et d'éviter de tels substantifs.
    M. Gaëtan Gorce. J'en ai moi-même tant entendu, monsieur le président...
    M. le président. Continuez, je vous prie.
    M. Gaëtan Gorce. Le ministre, donc, refuse de répondre et cherche à nous faire la leçon. Or je pense que, sur ce sujet, personne ne peut donner de leçons à personne. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les conditions dans lesquelles le dialogue social a fonctionné sous la législature 1993-1997. Vous pouvez sans doute, monsieur Fillon, nous faire des critiques, et les partenaires sociaux avant vous, sur la manière dont il a fonctionné entre 1997 et 2002. Mais ces bilans-là, ces polémiques-là, je vous le dis, à vous qui avez toujours à la bouche l'argument :
    « Ne décourageons pas nos concitoyens », sont déplacés dans un débat aussi important.
    Vous avez, depuis le 16 juillet 2001, une référence, qui est la position commune des organisations syndicales. Elle offre un certain nombre de perspectives. Mais, sans en tenir compte, vous faites passer deux grands textes : les contrats-jeunes et la remise en cause des 35 heures, sans concertation, en infraction aux principes énoncés lors de la campagne présidentielle. Puisqu'il paraît maintenant que les promesses doivent être tenues, en voilà une qui ne l'est pas.
    Monsieur le ministre, compte tenu de la nature des réponses que vous nous faites, et pour vous donner le temps de nous présenter des propositions plus concrètes, je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance de dix minutes. (Protestations sur les bancs de groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s- communistes et républicains.)
    M. le président. Statuons d'abord sur l'amendement, monsieur Gorce.
    M. Manuel Valls. Un excellent amendement !
    M. le président. Le Gouvernement vous a répondu, monsieur Morin. Maintenez-vous cet amendement que vous-même estimez non normatif ?
    M. Hervé Morin. Je le retire, bien entendu, comme je l'ai annoncé.
    Mais permettez-moi, monsieur le président, de répondre d'un mot à M. Gorce, dont les propos m'étonnent. Avec Bernard Accoyer et quelques autres collègues, nous n'avons en effet cessé de rappeler au gouvernement de l'époque qu'il fallait qu'au moins la réduction du temps de travail s'effectue dans le cadre de la négociation collective. On nous a expliqué que c'était chose impossible... J'ai pourtant sous les yeux le document Voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective, que les partenaires sociaux ont tous signé, sauf la CGT, et qui ouvrait des pistes clairement tracées. A la page 6, par exemple, il indique que le domaine du législateur en droit du travail doit être celui de l'article 34 : fixation de la durée maximale du travail, de l'âge minimum d'accès au travail, etc. Mais à aucun moment le gouvernement de M. Jospin n'a appliqué ce principe.
    M. Jean-Pierre Soisson. Jamais !
    M. Hervé Morin. Par conséquent, nous n'avons pas de leçon à recevoir de Gaëtan Gorce.
    M. le président. L'amendement n° 166 est donc retiré.
    Compte tenu du débat que nous venons d'avoir, maintenez-vous votre demande de suspension, monsieur Gorce ?
    M. Gaëtan Gorce. Je crois justement, monsieur le président, qu'il nous faut préciser le cadre du débat. Alors que nous ne l'avons engagé que depuis hier, nous lisons dans les dépêches et dans la presse que le ministre serait déjà exaspéré par l'attitude du groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous avez dit, monsieur Fillon, que vous n'avez pas besoin de parler à des sourds. Quel respect pour l'opposition !
    Nous ne pouvons pas engager le dialogue. Quand nous abordons une question telle que le dialogue social, comme l'a fait Alain Vidalies avec le sérieux et la compétence qui le caractérisent, nous n'obtenons que des réponses dilatoires. C'est la même chose pour l'emploi, problème sur lequel je n'ai toujours pas de réponse du Gouvernement depuis vingt-quatre heures.
    Au nom du groupe socialiste, puisqu'il vous faut une réflexion plus longue, monsieur le ministre, c'est un quart d'heure de suspension que je demande. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Ne commencez pas à crier avant que je n'aie répondu !
    Vous demandez un quart d'heure de suspension, monsieur Gorce. Je suppose que c'est pour réunir votre groupe ?
    M. Gaëtan Gorce. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Nous vous accordons cinq minutes et nous reprendrons le débat.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    MM. Morin, Perruchot et Dionis du Séjour ont présenté un amendement, n° 217, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement invite les partenaires sociaux à proposer les nouvelles règles relatives à l'amélioration du dialogue social en France. »
    La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. L'amendement est retiré.
    M. le président. L'amendement n° 217 est retiré.
    MM. Morin, Perruchot, Dionis du Séjour et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 165, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement demande aux partenaires sociaux de déterminer dans un délai de neuf mois, pour les règles relatives à la durée du temps de travail, celles qui relèvent de l'ordre public social et celles qui relèvent de l'accord de branche ou d'entreprise. »
    La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Cet amendement traduit une philosophie que nous avons présentée à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, notamment lors de l'examen des lois Aubry.
    En matière de durée du travail et de temps de travail, il faut distinguer ce qui relève de la loi et ce qui relève de l'accord. La loi se détermine sur des sujets qui sont au fondement de la cohésion sociale, de notre contrat social, et sur lesquels seul le législateur dispose d'une légitimité suffisante pour se prononcer. Les partenaires sociaux eux-mêmes nous ont indiqué une piste en citant quelques-uns de ces sujets : durée maximale du travail, âge minimum d'accès au travail, durée du repos hebdomadaire, droit aux congés payés, et j'en passe.
    Mais avant de faire cette distinction, il aurait été bon de revoir les règles relatives à la négociation collective. Il aurait fallu mettre le maçon au pied du mur, et notamment le maçon MEDEF qui, pendant quelques années, nous a répété qu'il fallait laisser la place la plus large possible à la négociation collective, à l'accord d'entreprise ou de branche.
    C'est l'occasion de se caler sur le droit européen en prenant l'initiative de clarifier les règles, de faire en sorte, dans une certaine mesure, que le principe de subsidiarité dont on parle aujourd'hui pour les collectivités locales s'applique pour le droit du travail, et de faire une expérimentation sur le sujet. Il aurait donc été judicieux de proposer aux partenaires sociaux de nous indiquer ce qui relève d'une part de l'ordre public social, c'est-à-dire de la loi et du politique, et d'autre part de l'accord d'entreprise ou de branche.
    Je reste convaincu que, une fois que les règles sur la négociation auront été modifiées, tout ce qui concerne le compte épargne-temps, l'origine des astreintes, la définition des catégories de cadres, les heures supplémentaires, relèvera non du législateur, qui doit se cantonner aux grands principes, mais purement et simplement de la négociation collective.
    Cet amendement voulait donc montrer le chemin dans lequel nous devons nous engager progressivement pour débarrasser le législateur de son prurit en matière de droit du travail.
    Je me souviens de discussions qui visaient par exemple Disney. Il y a eu l'amendement « Mickey » sur le temps d'habillage et de déshabillage qui a été défendu par notre collègue...
    M. Bernard Accoyer. Par notre collègue Cochet devenu ministre ensuite !
    M. Hervé Morin. En effet. Comme quoi, il faut être persévérant !
    M. Bernard Accoyer. Et ça en dit long !
    M. Maxime Gremetz. Il ne faut pas retirer votre amendement, hein, monsieur Morin ?
    M. le président. Monsieur Accoyer, monsieur Gremetz, vous n'allez pas commencer !
    Monsieur Morin, continuez, ne vous laissez pas troubler.
    M. Hervé Morin. Nous retrouvons de ce fait dans le code du travail un certain nombre de dispositions qui, à cause d'initiatives intempestives de tel ou tel député inspiré par une entreprise de sa circonscription, s'appliquent à l'ensemble des entreprises de ce pays.
    Aujourd'hui, me semble-t-il, la spécificité de chaque branche, de chaque entreprise, les besoins propres à chaque salarié, en fonction de sa situation géographique, de sa compétence, de sa qualification, de ses conditions de travail, font qu'il faut, à l'avenir, accorder une plus large place à la négociation collective, au droit du travail conventionnel et corrélativement une place beaucoup plus limitée à la loi, même si elle demeure la plus importante, puisqu'elle fonde le contrat social et le contrat collectif qui nous unit, laissant aux partenaires sociaux le soin de régler le reste.
    C'est un peu en ce sens que le Gouvernement s'est engagé. Nous aurions souhaité qu'il le fît davantage, et à travers cet amendement nous voulions en quelque sorte indiquer l'esprit dans lequel le droit du travail, notamment en ce qui concerne la durée du travail, devrait évoluer dans le pays.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable, monsieur le président. Cet amendement conduit à reporter l'application du texte de près de neuf mois. Or l'assouplissement du régime des 35 heures est nécessaire dès maintenant. La France et les Français le réclament.
    D'ailleurs, mes propos sont en harmonie avec ceux de notre excellent collègue Perruchot qui, ce matin, dans le cadre de la discussion générale, rappelait l'urgence à réformer ce dispositif.
    Ensuite, les partenaires sociaux pourront négocier, mais c'est au législateur qu'il appartient de fixer le cadre général, car il est garant de l'intérêt général.
    M. Gaëtan Gorce. Quand ça vous arrange !
    M. Pierre Morange, rapporteur. De plus, le projet de loi ouvre de nouveaux champs de négociations pour les partenaires sociaux.
    Enfin, n'oubliez pas que l'ordre public social devra être circonscrit par les acteurs sociaux eux-mêmes.
    M. Hervé Morin. C'est ce que j'ai dit.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avançons dans la direction que vous nous avez indiquée, monsieur Morin.
    M. Hervé Morin. Je l'ai précisé.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En 2003, après une négociation avec les partenaires sociaux, nous irons plus loin sur cette question.
    Dans l'immédiat, vous observerez, monsieur Morin, que dans un certain nombre de domaines, le texte qui vous est proposé aujourd'hui renvoie, pour l'essentiel, à la négociation. C'est le cas notamment de la durée du travail, et plus exactement du contingent d'heures supplémentaires, de la rémunération de celles-ci et de la gestion du compte épargne-temps, sujets sur lesquels les partenaires sociaux peuvent, branche par branche, modifier les règles actuelles.
    Il y avait une certaine urgence à agir, vous le comprendrez, compte tenu non seulement de la situation économique, mais aussi de l'attente des entreprises et des salariés. Or, je ne crois pas trahir l'esprit de la concertation qui, n'en déplaise à M. Gorce, a eu lieu avec l'ensemble des partenaires sociaux, si je vous dis que je n'ai pas senti ces derniers prêts à s'engager très vite dans la voie d'une négociation sur ces sujets. C'est la raison pour laquelle nous avons commencé par élargir le champ de la négociation et par mettre en place, par décret, et pour une durée limitée à dix-huit mois, la possibilité d'augmenter le nombre d'heures supplémentaires.
    Enfin, monsieur Morin, si je partage complètement l'esprit de l'amendement comme celui de votre intervention, je pense néanmoins que les règles qui relèvent de l'ordre public social ne doivent pas être fixées par les partenaires sociaux, mais par le Gouvernement, et surtout le législateur.
    M. le président. Monsieur Morin, vous voulez répondre au Gouvernement ?
    M. Hervé Morin. Premièrement, si bien entendu il appartient au législateur de fixer ce qui relève de l'ordre public social, il convient de laisser aux partenaires sociaux le soin de déterminer ce que recouvre cette catégorie.
    Deuxièmement, nous devons sortir d'un droit du travail uniforme s'appliquant de la même façon dans tout le pays.
    Troisièmement, pour qu'il y ait réellement négociation collective, il faut laisser aux partenaires sociaux la liberté de fixer les règles qui les concernent et considérer qu'ils ont, autant que nous, une légitimité à se prononcer sur certains sujets.
    Quatrièmement, pour que la négociation puisse exister - et ici je pense notamment aux heures supplémentaires -, il faut lui laisser de la place. La loi ne doit pas trop encadrer, car sinon elle n'incite pas à négocier. Et l'incitation à négocier passe par une liberté pleine et entière.
    Bien entendu, je retire cet amendement qui n'a pas un véritable caractère normatif.
    M. le président. Monsieur Vidalies vous inspire-t-il l'aspect normatif de l'amendement ?
    M. Alain Vidalies. Oh, je veux juste répondre à M. le ministre.
    Il est vrai que le projet de loi nous renvoie à la négociation pour de nombreuses questions très importantes autrefois réglées par la loi ou le règlement.
    La question des conditions de cette négociation est évidemment essentielle. En effet, lorsque votre loi sera adoptée, nous resterons sous l'empire de l'ancien système, et des accords ultraminoritaires pourront engager l'ensemble des salariés. Ce n'est certainement pas la voie réclamée par M. Morin.
    Par ailleurs, je remercie M. le ministre de nous avoir fait bénéficier d'une information inédite. Je comprends, d'ailleurs, qu'il n'ait pas livré plus de détails. A la lecture du Journal officiel, en effet, tous les partenaires sociaux s'apercevront que le ministre aura retenu des rencontres qu'il a eues avec eux qu'il ne souhaite pas engager immédiatement,...
    M. le ministre des affaires sociales du travail et de la solidarité. Ils ne sont pas pressés!
    M. Alain Vidalies. ... de manière prioritaire, le débat sur la démocratie sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est une information importante qui nous avait échappé jusqu'à présent.
    M. Jean-Marie Geveaux. Vous déformez les propos !
    M. Alain Vidalies. J'ajoute que ce sentiment a déjà été largement exprimé par les représentants syndicaux eux-mêmes. Appréciant le processus d'élaboration du texte, Marc Blondel, le responsable national de Force ouvrière, en tire cette conséquence quand même terrible : « Il y a aujourd'hui un problème de confiance avec le Gouvernement. François Fillon nous présente une loi le matin, l'après-midi elle est changée profondément. » Jean-Luc Cazettes, le secrétaire de la CGC, porte également un jugement très dur : « Ou alors, il faut imaginer que ce fameux dialogue n'est qu'un alibi. » Et François Chérèque, pour la CFDT, tire les mêmes conclusions. Voilà comment on engage une réforme essentielle dans les plus mauvaises conditions.
    M. le président. Monsieur le ministre, vous ne souhaitez pas vous exprimer ?
    L'amendement n° 165 est retiré.

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Le code du travail est ainsi modifié :
    « I. - A l'article L. 212-5 :
    « 1° Les I et II sont abrogés et remplacés par le I suivant :
    « I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par un accord de branche étendu. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. A défaut d'accord, chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 %, et les heures suivantes à une majoration de 50 %. »
    « 2° Le III devient le II ;
    « 3° Au premier alinéa du II, les mots : "au II sont supprimés.
    « II. - A l'article L. 212-5-1 :
    « 1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés. »
    « 2° Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires, pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. »
    III. - A l'article L. 212-6, le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif de branche étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. »
    « IV. - A l'article L. 212-8 :
    « 1° Au premier alinéa :
    « a) dans la première phrase, à la suite des mots : "n'excède pas, la fin de la phrase est supprimée et remplacée par les mots : "un plafond de 1 600 heures ;
    « b) la deuxième phrase est remplacée par les dispositions suivantes :
    « La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. » ;
    « 2° Au quatrième alinéa, les mots : "la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de sont supprimés. Le même alinéa est complété par les mots : "ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord. »
    « V. - A l'article L. 212-9, dans la deuxième phrase du II sont supprimés les mots : "trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause. »
    « VI. - A l'article L. 212-15-2, les mots : "occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée du travail peut être prédéterminée sont remplacés par les mots : "dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, sans que nécessairement leurs horaires propres s'identifient exactement ou en permanence à celui-ci. »
    « VII. - A l'article L. 212-15-3 :
    « 1° Au deuxième alinéa du II, le mot : "et est remplacé par le mot : "ou ;
    « 2° La quatrième phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
    « La convention ou l'accord définit les catégories de cadres concernés dont la nature des fonctions implique une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. »
    « VIII. - A l'article L. 227-1 :
    « 1° Au premier alinéa, après les mots : "accord d'entreprise ou d'établissement, sont insérés les mots : "n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ;
    « 2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : "ou de se constituer une épargne ;
    « 3° Au onzième alinéa, les mots : "les modalités de conversion en temps des primes et indemnités sont remplacés par les mots : "les modalités de valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte. »
    Sur cet article plusieurs orateurs sont inscrits. Je rappelle que les interventions ne peuvent excéder cinq minutes.
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. L'article 2 constitue, dans le volet 35 heures du projet, une colonne vertébrale. M. le ministre nous a dit qu'il n'était pas question d'abroger les 35 heures, que c'était une caricature que de dire cela.
    M. Bernard Accoyer. Il a raison !
    Mme Martine Billard. Bien évidemment, aucun article n'affirme que la durée hebdomadaire légale du travail sera à nouveau de 39 heures !
    M. Bernard Accoyer. Donc il a raison !
    Mme Martine Billard. On a du mal à vous imaginer faire preuve d'un tel courage, car cela provoquerait pas mal de protestations dans le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)Comme il était difficile de faire cela, et bien que les élections vous en aient soi-disant donné massivement la possibilité,...
    M. Alain Gest. Comment soi-disant ! C'est une réalité politique, chère madame !
    Mme Martine Billard. ... vous utilisez la méthode du contournement, qui n'est d'ailleurs pas très nouvelle. Combien de fois, en effet, au cours du xxe siècle, les salariés ne se sont-ils pas battus pour la fameuse journée de 8 heures ? Et combien de fois, malgré tous les votes enregistrés sur cette question, ils ont fini par travailler 41, 42, 45 heures par semaine ? A chaque fois, il faut remettre le travail sur le métier.
    M. Bernard Accoyer. C'est le cas de le dire !
    Mme Martine Billard. Aujourd'hui, vous allez en sens inverse, vous voulez augmenter de nouveau la durée du travail. Selon vous, les salariés seraient massivement demandeurs donc. Si vous en êtes si sûrs, organisez un référendum sur la question ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    Demandez donc aux Français s'ils veulent travailler autant que le souhaite leur chef d'entreprise, sans limite dans le nombre d'heures supplémentaires !
    Mme Claude Greff. Ils veulent juste travailler !
    M. Lucien Degauchy. Le travail n'a jamais tué personne !
    M. Bernard Accoyer. Et s'il s'agit de gagner plus...
    M. le président. Monsieur Accoyer, plutôt que d'interrompre l'orateur, voulez-vous que je vous inscrive sur l'article ?
    M. Bernard Accoyer. Volontiers, monsieur le président !
    M. le président. Veuillez continuer, madame Billard.
    Mme Martine Billard. Allez-vous leur proposer des heures supplémentaires neutres, comme nous l'a expliqué tout à l'heure une de nos collègues ? Mais de quoi s'agit-il au juste ? Je vous rappelle tout de même que les heures supplémentaires sont obligatoires : un salarié ne peut valablement refuser d'en faire si son chef d'entreprise le lui demande, car ce serait un motif de licenciement.
    M. Gaëtan Gorce. Eh oui, mais certains ne semblent pas connaître le code du travail !
    M. Lucien Degauchy. C'est nous qui allons faire des heures supplémentaires !
    Mme Martine Billard. Cela veut-il dire que les chefs d'entreprise auraient le droit d'augmenter le nombre d'heures supplémentaires à leur souhait ?
    J'ai sous les yeux un texte de la chambre de commerce et d'industrie de Paris où il est proposé de relever à 180 heures le contingent annuel. Il semble reprendre la fameuse déclaration sur la définition des heures supplémentaires. C'est pourquoi j'ai été étonnée de votre réponse tout à l'heure, monsieur le ministre.
    La CCI parle en effet de relever à 180 heures le contingent annuel pour faire face aux cas de surcroît exceptionnel d'activité ou de travaux urgents. Visiblement, c'est la définition que propose cette vitrine des entreprises de la région parisienne. Elle s'apparente d'ailleurs à la définition utilisée pour autoriser les contrats à durée déterminée ou le recours à l'intérim. Elle relève donc d'un certain consensus dans le monde du travail.
    Il est un peu inquiétant de vouloir revenir en arrière sur cette définition. Nous avons déjà entendu des lapsus sur le retour aux 39 heures. On nous parle de « non-abrogation », d'un « assouplissement » des 35 heures, suivant ainsi une certaine tendance du langage politique qui, pour éviter de décrire la réalité, a recours aux formules les plus fantastiques. Il y aurait de quoi faire une étude linguistique sur les moyens employés pour ne pas dire la vérité aux citoyens.
    Mais quand viendra l'heure du bilan de cet « assouplissement » des 35 heures, dans les deux années qui viennent, nous pourrons malheureusement nous apercevoir assez vite que beaucoup de salariés seront revenus aux 39 heures. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'article 2 s'attaque aussi aux taux de rémunération des heures supplémentaires. Parce que l'on parle d'augmenter les bas salaires, mais, quand même, oser augmenter de 25 % le prix des heures supplémentaires sur ces bas salaires, quel scandale ! Cela coûte beaucoup trop cher. On va donc les limiter.
    Certains sont pour des heures neutres supplémentaires.
    M. Bernard Accoyer. Mais ce n'est pas dans le texte !
    Mme Martine Billard. Si, dans le texte !
    M. Jean-Pierre Soisson. Mais quelles sont vos références ?
    M. le président. Monsieur Soisson et monsieur Accoyer, vous êtes inscrits sur l'article. Laissez terminer Mme Billard !
    M. Bernard Accoyer. Mais voilà dix minutes qu'elle parle !
    M. le président. Notre collègue n'a pas dépassé son temps de parole. Laissez la terminer.
    M. Lucien Degauchy. Elle va nous faire faire des heures sup !
    Mme Martine Billard. Finalement, si je vous fais faire des « heures sup », je ne fais qu'appliquer votre programme. C'est fantastique : on se retrouve au moins dans l'hémicycle sur un sujet ! C'est le seul d'ailleurs.
    Tout le débat consiste à savoir si les modifications que vous proposez ne sont qu'un assouplissement des 35 heures ou si elles sont le premier pas vers leur abrogation à terme.
    M. le président. Il vous faut conclure maintenant, madame la députée.
    Mme Martine Billard. Je reprendrai ma démonstration lors de l'examen des amendements. Ce n'est pas grave. Je conclus en disant que la diminution des taux de rémunération, la suppression du repos compensateur...
    M. le président. Concluez, madame Billard.
    Mme Martine Billard. ... et celle de la référence de la durée hebdomadaire, montrent que, à terme, l'objectif est peu à peu, de donner à l'ensemble des chefs d'entreprises les moyens de remettre en cause les 35 heures.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes (Protestations sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Non, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Elle est de droit, monsieur le président.
    M. le président. Nous commençons à peine le débat sur l'article 2.
    M. Lucien Degauchy. Vous formez un groupe à vous tout seul, monsieur Gremetz ?
    M. le président. La suspension de séance est de droit mais vous alliez intervenir, monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. Je maintiens ma demande, monsieur le président.
    M. le président. Je vous accorde une suspension de cinq minutes, monsieur Gremetz.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Monsieur Gremetz, après la réunion de votre groupe. (Sourires sur tous les bancs.) Je vous donne la parole.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, vous ne croyez pas si bien dire.
    M. le président. Je le dis parce que je le pense.
    M. Maxime Gremetz. Des membres de mon groupe travaillent en dehors de l'Hémicyle. Nous n'utilisons pas toutes nos forces au même endroit. Quand on est peu nombreux, il faut être efficace et organisé. La preuve, c'est que, parti sans rien, je reviens avec un texte.
    M. le président. Monsieur Gremetz, nous commençons à décompter votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Merci, monsieur le président, mais votre remarque était désobligeante.
    M. le président. Non !
    M. Maxime Gremetz. Je vous ferai remarquer que les représentants de votre groupe ne sont pas très nombreux. Proportionnellement, je suis plus nombreux qu'eux. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'article 2 concerne le contingent d'heures supplémentaires et le repos compensateur.
    Nous avons montré hier et aujourd'hui que le Gouvernement est dans l'impossibilité d'abroger la durée légale du travail fixée à 35 heures depuis le 1er janvier 2000 dans les entreprises de plus de vingt salariés et depuis le 1er janvier 2002 dans les autres. Cela n'est pas possible car les campagnes de dénigrement contre la réduction du temps de travail ne peuvent effacer la réalité : malgré les insuffisances, les gens sont satisfaits de cette grande réforme. Je parle de ceux qui en profitent. Le Gouvernement ne peut donc se permettre de s'en prendre de front aux 14 millions de salariés des secteurs privé et public passés aux 35 heures.
    Alors, on tente de tergiverser, de contourner la difficulté en agissant sur les heures supplémentaires et le déclenchement du repos compensateur. C'est le sens premier de cet article 2.
    La durée légale hebdomadaire étant fixée à 35 heures, vous laissez dire - je remarque, en effet, qu'à aucun moment vous ne le dites clairement vous-même - qu'il suffirait d'ajouter quatre heures supplémentaires pour faire un total légal de 39 heures.
    Nous avons fait la démonstration que ce raisonnement n'était pas viable parce que le contingent d'heures supplémentaires n'a jamais été conçu pour cela et que tant l'accord interprofessionnel de 1995 que la jurisprudence réservaient les heures supplémentaires aux pointes d'activité. D'où le besoin de passer cet obstacle.
    Nous avons surtout insisté - et je l'ai fait à nouveau tout à l'heure - sur un arrêt de la Cour de cassation en date du 4 juin 2002 qui, dès lors qu'il existe un accord de branche, impose dans les entreprises qui ne respectent pas la durée légale, de payer le salaire mensuel actuel maintenu plus les quatre heures supplémentaires.
    Une revue juridique comme Lamy Social s'étonne de cet arrêt mais n'en mesure pas moins la portée. Elle parle « d'un passage impératif à 35 heures » et écrit que « la Haute Juridiction présente le passage aux 35 heures comme une obligation »
    De plus, la chose est tellement évidente pour les magistrats qu'ils ont accepté la procédure en référé, ce qui, comme vous le savez, signifie qu'il n'y a aucune contestation sérieuse possible.
    M. Jean-Pierre Soisson. C'était la loi !
    M. Maxime Gremetz. Il doit être clair que les sept millions de salariés qui sont encore à 39 heures le sont de manière illégale. C'est la loi, comme vous l'avez dit, et elle ne s'applique pas. En tout cas, il est dû à ces sept millions de salariés quatre heures supplémentaires par semaine en plus de leur salaire.
    Nous sommes précis, car nous ne voulons pas qu'il soit dit que tout le monde avait compris « l'assouplissement » de la même manière, c'est-à-dire à contresens. Cette mise au point est importante pour les salariés qui vont aller exiger légitimement leur dû, éventuellement en justice, et pour les employeurs qui seront alors mal venus de se prétendre surpris.
    M. Lucien Degauchy. Ils n'en peuvent plus les employeurs !
    M. Maxime Gremetz. Certains leur conseillent déjà de rester à 39 heures, parce que cela ne devrait rien leur coûter. C'est faux.
    Une fois passés à 35 heures avec maintien du salaire, comme le prévoient les accords de branches, l'employeur peut faire effectuer des heures supplémentaires en cas de surcroît d'activité. L'exécution de ces heures ouvre droit à un repos compensateur. Jusqu'alors, ce repos est égal au nombre d'heures effectuées au-delà du contingent réglementaire de 130 heures - la moitié dans les entreprises de moins de dix salariés. Là encore, vous remettez en cause cet acquis pour permettre l'exécution d'un nombre plus grand d'heures supplémentaires. Nous ne pouvons laisser passer de telles dispositions. Nous y reviendrons.
    En attendant, en remettant en cause ces principes, vous favorisez le recours aux heures supplémentaires et dévoyez le sens du repos compensateur, vous détournez les 35 heures, vous privez les salariés de rémunérations supplémentaires et vous mettez un frein direct à l'emploi.
    A ce propos, je voulais répondre à M. Morin, mais je ne le vois plus dans l'hémicycle.
    M. Lucien Degauchy. Il a un repos compensateur.
    M. Maxime Gremetz. En Picardie, il y a effectivement de quoi compenser !
    M. le président. Je vous en prie, n'interrompez pas M. Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. C'est pourquoi nous proposerons de modifier les dispositions du texte qui provoquent ces reculs sociaux terribles au sein de cet article.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'article 2, monsieur le ministre, mes chers collègues, est l'article de tous les dangers.
    D'abord, c'est lui qui consacre au fond la remise en cause des 35 heures - je dis bien la remise en cause et non l'assouplissement - puisqu'il va servir de base au décret que le Gouvernement a préparé à la suite de l'excellente concertation qui a été décrite... (« Ah ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.) - c'était ironique, naturellement...
    M. Claude Gaillard. Nous avions compris.
    M. Gaëtan Gorce. ... et qui va permettre aux organisations professionnelles, aux entreprises, de continuer à travailler 39 heures ou, pour parler comme le Premier ministre, de « revenir aux 39 heures ».
    Mais il y a dans cet article des éléments plus préoccupants encore.
    Le plus préoccupant de tout est que l'article autorise désormais les partenaires sociaux - ce qui pourrait être considéré comme une avancée - à modifier des éléments qui sont normalement de l'ordre public social. Que l'on puisse ouvrir le champ de la négociation et s'appuyer sur le dialogue social, tant mieux. Personne dans cet hémicycle n'y trouvera à redire. Mais que l'on donne à la négociation sociale la possibilité de remettre en question ce qui a toujours été du domaine de l'ordre public social mérite d'être discuté.
    Je prendrai les deux exemples qui figurent dans l'article. Le premier concerne le repos compensateur. Il est reproché aux 35 heures d'empêcher de faire des heures supplémentaires. On sait que ce n'est pas vrai.
    M. Bernard Accoyer. Si, c'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Le contingent réglementaire des heures supplémentaires est actuellement de 130 heures par an et par salarié. Il devrait passer à 180 heures. Actuellement, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent de 130 heures dans les entreprises de plus de dix salarié ouvrent droit à un repos compensateur de 100 %. Et ce dernier est prévu pour protéger les salariés. Il ressort du droit à la santé. Or, dans le dispositif que vous nous présentez, le repos compensateur ne sera plus déclenché au-delà de 130 heures, comme c'est le cas aujourd'hui, mais au-delà de 180 heures par référence au décret ou au-delà du contingent fixé par les partenaires sociaux. Autrement dit, le repos compensateur, qui est un principe d'ordre public social, pourra varier en fonction des branches professionnelles et des conventions qui auront été signées. Cela introduit une injustice, une inégalité en matière de droit à la santé des salariés, qui ne nous paraît pas acceptable.
    M. Bernard Accoyer. Et les six SMIC, ce n'est pas une inégalité ?
    M. Gaëtan Gorce. Vous parlerez tout à l'heure, monsieur Accoyer. Vous l'avez fait pendant cinq ans. Si l'on accumule sur un compte épargne-temps tout le retard de parole que nous avons par rapport à vous, nous pouvons parler encore un bon moment avant que vous puissiez nous dire quelque chose sur le sujet.
    Je voudrais insister sur le point que je viens de soulever parce que c'est une question grave, d'autant plus que vous modifiez également subrepticement - et les partenaires sociaux s'en sont émus - le seuil à partir duquel s'applique le repos compensateur de 100 %. Jusqu'alors, c'était à partir de dix salariés ; désormais ce ne sera plus qu'à partir de 20 salariés, ce qui n'a fait l'objet d'aucune négociation, d'aucune concertation avec les partenaires sociaux.
    Le deuxième exemple que je citerai concerne la rémunération des heures supplémentaires. Le taux de majoration sera désormais fixé par les partenaires sociaux et il ne pourra pas être inférieur à 10 %. Autrement dit, on met en négociation une question qui relève, là encore, de l'ordre public social.
    Quel intérêt pour les partenaires sociaux ? Quelle en sera la contrepartie ? Vont-ils accepter un taux de majoration des heures supplémentaires inférieur à 25 % et descendre à 10 % ? Curieuse conception du dialogue social ! Cela fonctionnait lorsqu'on négociait sur le « moins » et non pas sur le « plus », c'est-à-dire sur la réduction du temps de travail.
    D'autres éléments de l'article posent problème, mais je n'y insiste pas. Nous y reviendrons dans le débat. Il s'agit des dispositions applicables aux cadres et du compte épargne-temps.
    Nous nous demandons d'ailleurs comment les nouvelles dispositions de l'article 2, qui renvoient à la négociation sociale, vont s'appliquer par rapport aux accords de branche déjà signés. J'ai à ce sujet une question à poser à M. le ministre. J'ai l'habitude de ne pas avoir de réponse, mais peut-être un miracle va-t-il se produire dans les minutes qui viennent. Alors je la pose : que vont devenir les dispositions des accords de branche qui contrevenaient à la loi Aubry et qui seront désormais considérées comme régulières au regard de la nouvelle loi : définition des cadres, monétarisation du compte épargne-temps et, surtout, repos compensateur au-delà de 130 heures ? Lorsque les accords de branche prévoient des contingents d'heures supplémentaires au-delà de 130 heures, faut-il considérer que le repos compensateur est automatiquement reporté au-delà de ce seuil alors qu'il s'appliquait à 130 heures jusqu'alors ? Les arrêtés d'extension, qui ont été pris sur la base de ces accords et qui excluaient le repos compensateur à ce niveau et une autre définition des cadres que celle qui figurait dans la loi précédente, laquelle empêchait la monétarisation des comptes épargne-temps, seront-ils modifiés ? Allez-vous valider par cette loi, en amendant une disposition existante, les accords de branche qui contrevenaient à l'ancienne loi et qui n'y contreviennent plus aujourd'hui ? Ce sont des questions importantes.
    M. Bernard Accoyer. Ça fait plus de cinq minutes que notre collègue parle, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Gorce, je vous demande de conclure.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur Accoyer, parlons un peu du fond. Ce sont des questions importantes pour les partenaires sociaux et pour l'ensemble des salariés, en même temps que pour la représentation nationale, qui doit savoir quelles sont les conséquences de ce qu'elle vote. Puisque je ne peux pas avoir d'explications sur l'emploi, peut-être en aurai-je sur cette question particulière, monsieur le ministre. Merci d'avance !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer plus particulièrement la question des PME et des PMI.
    Dans un discours à Strasbourg, le Premier ministre indiquait : « Nous allons donc permettre aux petites et moyennes entreprises, aux entreprises, de pouvoir mobiliser leurs énergies. Naturellement, nous serons attentifs aux coûts des heures supplémentaires. Naturellement, pour les petites entreprises, elles vont pouvoir revenir à un dispositif de 39 heures, avec un coût de 10 % pour les quatre premières heures. Ce qui est raisonnable et ce qui est un progrès partagé ! » Ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas un progrès et encore moins un progrès partagé !
    Une étude publiée par un grand établissement financier au début du mois de septembre laissait entendre que, pour l'ensemble des PME et des PMI, le taux de mise en oeuvre des 35 heures était passé de 40 % en décembre 2001 à 70 % en juin 2002 ; 85 % des PME de plus de vingt-cinq salariés appliquaient les 35 heures en juin et 65 % des entreprises de moins de vingt salariés. Contrairement aux discours fréquemment repris et notamment, semble-t-il, par le Premier ministre, les patrons soulignaient que les 35 heures n'étaient pas impossibles à mettre en oeuvre dans les PMI.
    En conclusion, cette étude demandait si les PME-PMI avaient effectivement besoin d'un assouplissement des 35 heures. Pour M. Robert Buguet, président de l'Union professionnelle artisanale - celui qui avait affirmé, je le rappelle : « Le MEDEF ne peut pas avoir raison seul contre tous » et encore : « Nous ne voulons pas revenir sur les 35 heures » -, « la réduction du temps de travail introduit une véritable révolution culturelle, qui oblige à repenser l'organisation du travail, la gestion de la qualité ». Pari pour les grandes, et pari pour les petites entreprises. Imaginer que les 35 heures ne provoquent pas de regain de productivité, d'activité pour les petites entreprises, est donc une erreur.
    Quant aux heures supplémentaires, la complexité du recrutement pour les petites et moyennes entreprises ne les avait pas empêchées pour autant d'appliquer les 35 heures, dans des conditions que le précédent gouvernement avait essayé de faire évoluer progressivement, pour tenir compte, notamment, des problèmes de l'euro, en prévoyant des délais : 180 heures en 2002, 170 en 2003 et 130 ultérieurement.
    La structure même de l'activité des petites et moyennes entreprises pouvait empêcher l'usage ou l'accentuation de l'utilisation des heures supplémentaires d'une manière structurelle, d'une façon qui, par ailleurs, prohibe les processus de recrutement et de renouvellement du personnel. C'est ce que soulignait également cette étude en imaginant que le fait de porter atteinte effectivement à ces règles d'heures supplémentaires en les assouplissant pouvait mettre les petites et moyennes entreprises en difficulté pour recruter à terme.
    C'est ce point que je souhaitais souligner au moment où nous abordons le problème des heures supplémentaires qui, bien entendu, ne peuvent pas constituer autre chose qu'une remise en cause des 35 heures.
    M. le président. Merci, monsieur Le Bouillonnec, d'avoir respecté votre temps de parole.
    La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Mon propos va tout à fait dans le sens de ce qu'on vient d'entendre. Qu'on le veuille ou non, qu'on se l'avoue ou non, les différentes mesures proposées dans cet article ont pour effet, dans leur ensemble, de revenir sur des dispositions favorisant la réduction du temps de travail, et de faire travailler plus les salariés sans augmentation de leur pouvoir d'achat.
    Vous avez, les uns et les autres, sur les bancs de la majorité, fait référence à ces mesures comme élément moteur de la reprise économique, rendant l'entreprise compétitive, permettant l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés et l'embauche. Tant mieux si cela se produit mais nous attendons tous avec anxiété les chiffres des embauches à un moment où la courbe du chômage continue de progresser. Nous recevons à nouveau dans nos permanences des demandeurs d'emploi, et j'aimerais, comme vous sans doute, pourvoir leur dire que, dans quelques mois, tout ira mieux. Malheureusement, j'en doute profondément et sincèrement, sans vouloir faire de procès d'intention.
    M. Bernard Accoyer. Si les 35 heures avaient été efficaces...
    Mme Hélène Mignon. Vous n'avez pas de solution pour une reprise de l'emploi.
    Autoriser ainsi les heures supplémentaires, ne pas donner aux salariés la juste rémunération qui leur revient, ne pas tenir compte de leurs astreintes, me paraît dangereux et en contradiction avec la relance de l'emploi.
    Il faut être réaliste, la majorité des chefs d'entreprise préfèreront demander à un salarié qu'ils connaissent, qui connaît l'entreprise et qui est donc plus réactif dans l'exécution de ses tâches de faire des heures supplémentaires, même si elles ne répondent pas à la définition légale. Le coût de la main-d'oeuvre en heures supplémentaires ne sera pas dissuasif. Si l'on pense en plus à la paperasserie qu'entraîne toute embauche, je suis sûre que, dans les petites entreprises, on se contentera de demander quelques heures supplémentaires, et l'emploi ne sera pas au rendez-vous.
    Il faut savoir aussi que, dans la très grande majorité des cas, le salarié n'aura pas la possibilité de refuser. Comme l'a rappelé Mme Billard, la pression sera forte. On sait déjà comment elle peut s'exercer. Menace de licenciement, peur du chômage amèneront le salarié à accomplir les heures supplémentaires qu'on lui impose, et non des heures supplémentaires choisies.
    C'est donc mathématique. A de rares exceptions près, il n'y aura pas d'embauche, ce qui d'ailleurs à terme, du fait de la pyramide des âges, peut entraîner une perte de technicité et donc de compétitivité dans l'entreprise.
    Dans le même temps, l'augmentation des revenus n'étant pas à la hauteur de ce qu'on laisse miroiter, la consommation des ménages, dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est actuellement en baisse, ne redémarrera pas.
    Depuis des décennies, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, les organisations syndicales se sont battues et se battent contre les heures supplémentaires. Les nouvelles embauches passent sans nul doute par là.
    Je ne suis pas convaincue non plus que l'abaissement des charges pousse les employeurs à créer des emplois. Ou ils ont un marché porteur, une bonne gestion de leur entreprise et de leur personnel, et ils embauchent ; ou leurs parts de marché s'effritent, et exonération des cotisations sociales ou pas, il ne créeront pas d'emplois.
    Croyez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que, grâce aux mesures contenues dans votre projet, vous allez relancer la dynamique de l'emploi ? Je voudrais l'espérer mais, malheureusement, je n'y crois pas.

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.
    M. Bernard Accoyer. Mon rappel au règlement, monsieur le président est fondé sur l'article 52, alinéa 3, et concerne le déroulement de nos travaux.
    Alors que, à l'évidence, nous entendons sans cesse les mêmes arguments, permettez-moi de m'étonner que vous passiez outre la disposition habituellement suivie par le président de séance selon laquelle ne s'exprime qu'un seul orateur par groupe sur un article. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Hier, nous avons perdu plus d'une heure et demie à cause d'une manoeuvre du président du groupe socialiste. Il est bientôt vingt-trois heures et nous avons déjà eu droit ce soir à deux suspensions de séance...
    M. Manuel Valls. Il y en aura une troisième !
    M. Bernard Accoyer. ... qui ont été demandées sans aucun fondement, l'une notamment par le président du groupe communiste, qui pouvait difficilement réunir son groupe puisqu'il est tout seul !
    Aussi, monsieur le président, je vous demande de bien vouloir faire appliquer le règlement, l'Assemblée étant largement informée, de bien vouloir respecter l'effort que font nos collègues ici ce soir, nombreux dans l'hémicycle, et de faire cesser cette parodie de fonctionnement de notre assemblée. Il en va de votre honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Vidalies. Scandaleux ! Quelle vision de la démocratie ! C'est la vieille droite !
    M. le président. Monsieur Accoyer, je vous remercie de votre intervention. Je pense, pour avoir participé à de nombreux débats dans les années précédentes, que vous êtes très bien placé pour savoir comment tout se passe.
    L'inscription sur un article est libre. Elle est de droit, et j'applique strictement le règlement comme l'a fait cet après-midi, avec talent, M. Raoult. Je suis président de cette séance, je ferai respecter les temps de parole, mais je respecte aussi la liberté de chacun de s'inscrire sur un article, comme M. Soisson et vous-même l'avez fait.

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Nous avons engagé ce débat sur une loi importante, la première de cette législature, une grande loi nous dit-on. Nous sommes dans l'opposition, face à une majorité de droite qui détient institutionnellement et légitimement l'ensemble des pouvoirs dans ce pays et qui, par la voix de son héraut, vient nous dire ce soir que nous l'agaçons. L'opposition est certes minoritaire dans ce pays, mais elle s'exprime au nom de millions de Français, et c'est ici que les contradictions de la société doivent s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), comme ce fut le cas au cours des années précédentes, très longtemps. Le débat sur la première loi sur les 35 heures a duré trois semaines ici, et nous ne sommes là que depuis hier !
    M. Jean-Marie Geveaux. C'est déjà trop.
    M. Alain Vidalies. Appelez donc au silence dans le rang, monsieur Accoyer. J'espère que vous êtes seul à vous conduire de façon si scandaleuse ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. C'est normal d'entendre cela, monsieur le président, après ce que vous avez dit !
    M. le président. Je vous en prie, monsieur Vidalies...
    M. Alain Vidalies. C'est inadmissible.
    M. le président. Monsieur Vidalies, exprimez-vous sur l'article. S'il y a des remarques à faire, je les ferai.
    M. Alain Vidalies. Comprenez, monsieur le président, que de tels propos dans l'hémicycle sont d'une gravité exceptionnelle.
    J'en viens à l'article 2. Il est un point, monsieur le ministre, qui cause des difficultés, que votre texte aggrave et sur lesquelles je voudrais attirer votre attention, des difficultés sur le plan humain, mais aussi un problème juridique très grave : il s'agit du recours au forfait-jour pour un certain nombre de cadres.
    Vous connaissez le problème. Lorsqu'on a abordé la question de la réduction du temps de travail, on s'est rendu compte que, pour les cadres, il était parfois difficile d'avoir un décompte horaire. On a distingué les cadres dirigeants des grandes entreprises, qui ne sont pas concernés par le code du travail, ceux dont on pouvait déterminer très précisément les fonctions et qui étaient rattachés à un horaire collectif - c'est le droit commun, pas de difficulté -, et les autres, pour lesquels on a décidé un décompte par jours, avec un maximum de jours travaillés dans l'année de 217, le tout étant évidemment encadré par un accord d'entreprise ou un accord de branche.
    Nous nous sommes évidemment interrogés sur cette innovation, qui était à l'origine un élément de souplesse, et sur ses conséquences sur les cadres.
    Il ne reste alors, en effet, pour eux, du code du travail, que deux garde-fous d'ordre public : un repos obligatoire de onze heures entre deux périodes de travail, ce qui permet de travailler treize heures par jour, et un repos obligatoire de 35 heures consécutives. On peut donc travailler treize heures par jour et six jours par semaine. C'est l'ancienne législation, à supposer qu'il n'y ait pas d'autre précision dans l'accord.
    Le problème, c'est que, rapidement, ce qui devait être une exception n'est pas devenu la règle, mais s'étend de plus en plus, au point que quiconque veut regarder objectivement la situation peut constater ce qui se passe dans certains secteurs comme la distribution, pas forcément la grande distribution. Ainsi, on donne à des gérants de supérette par exemple le statut de cadre, et il n'y a donc pas de limite horaire, mais sans la rémunération correspondante.
    M. le président. Monsieur Vidalies...
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je m'interroge véritablement sur la légalité des dispositions que vous proposez, qui étendent le champ d'application de cette dérogation, au regard des engagements européens de la France, à travers le contenu de la charte sociale. Il me semble que les appréciations qui ont déjà été données doivent nous conduire à remettre en cause ce dispositif.
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, je souhaite que nous travaillions dans un climat qui ne soit pas délétère et que nous soyons respectés par l'ensemble des députés de la majorité, ce qui n'est pas le cas de certains.
    L'article 2 est la colonne vertébrale du texte de loi qui nous est proposé. Comme l'ont dit mes collègues, il permet de revenir, de façon déguisée certes, mais de fait, aux 39 heures, M. le Premier ministre lui-même reconnaît.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Mais non !
    Mme Catherine Génisson. Je voudrais quant à moi évoquer les effets de la réduction du temps de travail sur les salariés à temps partiel.
    Voici les conclusions d'un rapport de Gouvernement sur cette question : le recul du travail à temps partiel observé depuis 1998 tient pour partie à la réduction du temps de travail. Celle-ci a favorisé le passage à temps complet des salariés qui travaillaient entre 20 et 30 heures par semaine. La proportion de salariés à temps partiel, en forte croissance depuis 1992, recule légèrement depuis 1998 pour revenir à 14,1 % en mars 2002 dans les champs des lois de réduction du temps de travail. De même, la part des salariés à temps partiel qui déclarent vouloir travailler davantage a baissé de neuf points depuis 1997. Néanmoins, en 2002, le temps partiel subi concerne encore 35 % des salariés à temps partiel, dont une forte proportion souhaite un emploi à temps complet, plutôt qu'un simple allongement de son temps partiel. Le temps partiel subi est plus répandu parmi les titulaires d'emploi de durée courte, les bas salaires et les activités tertiaires.
    Ce sujet est fondamental : sur les 14 % de personnes qui subissent le temps partiel, 80 % sont des femmes. Elles vivent ce temps partiel subi, parce qu'il leur permet d'articuler vie professionnelle et vie familiale, mais elles connaissent des horaires décalés et irréguliers, des problèmes de transport et de garde d'enfant. Et 10 % d'entre elles vivent encore en dessous du seuil de pauvreté. Souvent, elles sont seules, ont charge d'enfants : pour elles se pose de façon dramatique le problème de l'articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale.
    Monsieur le ministre, les dispositions de votre texte nous inquiètent beaucoup : quelles répercussions auront-elles sur l'arrêt de la diminution de ce temps partiel subi ?
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
    M. Jean-Pierre Soisson. Mes chers collègues, l'opposition voudrait nous donner mauvaise conscience.
    M. Manuel Valls. Vous retardez le débat !
    M. Jean-Pierre Soisson. N'ayons aucun complexe pour voter un bon texte, équilibré, préparé par vous, monsieur le ministre, après une large concertation.
    Pour ce qui est du temps partiel, j'ai cru comprendre que le Gouvernement étendait la prime à l'emploi aux salariés à temps partiel.
    Mme Catherine Gémisson. Et c'est une catastrophe !
    M. Jean-Pierre Soisson. Pour ce qui touche à d'autres questions que se pose l'opposition, je crois comprendre que la nouvelle loi s'appliquera dans la plénitude de la législation. Je ne comprends pas très bien ce que veut l'opposition : renvoyer à la négociation sociale et en même temps, par avance, l'encadrer.
    M. Hervé Morin. Tout à fait ! C'est de la schizophrénie !
    M. Jean-Pierre Soisson. Faisons notre travail sur un texte précis et ne remettons pas en cause l'ensemble du droit du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.
    M. Bernard Accoyer. Je voudrais simplement rappeler à nos collègues que, aujourd'hui, la réduction du temps de travail, généralisée et obligatoire pour les entreprises de moins de vingt salariés, n'a pas pu être mise en place, et que c'est le gouvernement de M. Jospin qui a dû convenir que cette usine à gaz serait fatale à ce tissu d'entreprises dont on sait qu'il est celui qui fournit le plus d'activités et le plus d'emplois. S'il est urgent d'apporter une solution à ce problème, c'est parce que le texte de la précédente majorité est inapplicable, et qu'il n'a d'ailleurs pas été appliqué par le gouvernement qui l'avait fait voter.
    M. Gaëtan Gorce. Vous retardez le débat !
    M. Manuel Valls. Vous êtes deux à intervenir !
    M. Bernard Accoyer. Je n'ai nullement l'intention d'allonger les débats (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), qui sont malheureusement obstrués par l'opposition...
    M. Manuel Valls. Là, vous obstruez monsieur Soisson !
    M. Bernard Accoyer. ... mais je voudrais dénoncer la déformation de la vérité, qui est répétée comme une propagande idéologique de triste mémoire, par la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gaëtan Gorce. Il faut nous interner ! Il faut nous supprimer la parole !
    M. Bernard Accoyer. On déforme le texte, on affirme qu'il contient des dispositions qui n'y figurent nullement, notamment tout ce qui concerne le niveau de rémunération des heures supplémentaires. On voudrait faire croire que l'on revient sur la durée légale du temps de travail, alors qu'il s'agit simplement d'assouplir un texte totalement inapplicable. Ce faisant, on occulte les avancées considérables, en matière de retour à la justice entre les différents niveaux de SMIC, on occulte la liberté fondamentale laissée aux salariés de travailler davantage, s'ils le souhaitent, et de pouvoir gagner davantage, on occulte la place qui est laissée aux partenaires sociaux, pour qu'ils mettent au point, dans la concertation, les dispositions spécifiques à telle ou telle catégorie d'activités, à telle ou telle branche.
    Ainsi, nous rejetons comme non fondés plusieurs arguments. Il a été fait référence au responsable d'un organisme patronal extrêmement contesté par sa base (« Ah ? » sur les bancs du groupe socialiste) et qui, lui, dirige une entreprise de charpente, pour laquelle la flexibilité des lois de Mme Aubry est d'un intérêt évident, eu égard aux contraintes météorologiques et aux aléas des intempéries.
    Mme Mignon nous explique que le chômage augmente depuis à peu près un an. Ne s'est-elle pas demandé, en observant cette triste évolution, si c'était une conséquence des 35 heures, ou pourquoi les 35 heures n'ont pu l'empêcher ?
    Ces paradoxes, ces réalités déformées ne sont guère constructives et ne contribuent pas à rendre aux salariés et aux entreprises la capacité de redonner du travail et de la croissance à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Rappelons certaines vérités simples sur les heures supplémentaires. Leur régime s'applique dès qu'on est au-delà des 35 heures. De ce point de vue, il n'est pas remis en cause, il est essentiel de le rappeler.
    Deuxièmement, dans le dispositif actuel des lois Aubry, dès la trente-sixième heure, la situation est confuse dans la mesure où il s'agit de ce qu'on appelle une bonification qui, dans un second temps, peut se traduire soit par un repos compensateur, soit par une majoration de salaire. Autrement dit, dans le système actuel, quand il dépasse les 35 heures, le salarié ne sait par réellement comment les choses vont se passer, alors que, désormais, les choses seront claires : au-delà de 35 heures, il percevra automatiquement une majoration de salaire. On va donc dans le sens de ce qu'attendent les salariés, c'est-à-dire une amélioration de leur pouvoir d'achat.
    Troisièmement, le système était extraordinairement confus, avec un double contingent d'heures supplémentaires. On passe donc à un système clarifié, qui sera en outre précisé et adapté par la négociation collective, ce qui n'était pas le cas dans le système en vigueur aujourd'hui. Et quand j'entends dire que les petites entreprises vont privilégier les heures supplémentaires plutôt que l'embauche de nouveaux salariés, je réponds que c'est logique.
    M. Hervé Morin. Ce n'est pas seulement logique, c'est bien !
    M. Daniel Garrigue. C'est logique dans la mesure où j'en ai vu un certain nombre dont les chefs d'entreprise ont préféré s'organiser pour fonctionner à un niveau minimum et ne pas encourir les complications des lois Aubry. Il vaut beaucoup mieux, si la demande progresse un peu, faire appel aux heures supplémentaires et procéder ensuite, dans un second temps, à des embauches si le mouvement se confirme. La nouvelle loi est dynamique, tandis que la précédente repose sur le malthusianisme économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. Même M. Gremetz est d'accord !
    M. Maxime Gremetz. Ne parlez pas pour moi !

Rappel au règlement

    M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement en vertu de l'article 58 de notre règlement.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Un rappel assez bref, n'est-ce pas ?
    M. Gaëtan Gorce. J'irai très vite, monsieur le président. Mais, tout à l'heure, M. Vidalies n'a pas pu répondre entièrement aux propos de M. Accoyer, ce qui pose un problème pour l'organisation de nos débats.
    La conférence des présidents a décidé de consacrer à ce débat deux journées cette semaine - hier et aujourd'hui -, et une partie de la semaine prochaine. Or, le simple fait que l'opposition veuille utiliser ce temps pour avoir un vrai débat et, je l'espère, obtenir de vraies réponses aux questions qu'elle pose est considéré par le groupe de l'UMP et son vice-président, M. Accoyer, comme une remise en cause inacceptable des droits de la majorité parlementaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lucien Degauchy. Quelle pantalonnade !
    M. Gaëtan Gorce. Il nous explique même, et il expliquera cela à ses électeurs, qu'il fait un effort en venant siéger...
    M. le président. Monsieur Gorce...
    M. Gaëtan Gorce. Nous, nous ne faisons aucun effort particulier, nous venons débattre d'un sujet qui est grave, sur lequel nous posons des questions précises pour lesquelles nous n'obtenons pas de réponse. Et je voudrais dire à M. Accoyer que la démocratie c'est une majorité et une opposition. Nous avons été dans la majorité, nous sommes maintenant dans l'opposition, comme ce fut votre cas. Les choses sont réversibles : respecter l'opposition, c'est sans doute ménager son propre avenir. Je me permets de vous le rappeler, parce que la démocratie n'a qu'à gagner de la confrontation des points de vue, d'un libre débat, de l'exposé des arguments, ce que chacun des orateurs du groupe socialiste s'efforce de faire. Sur le temps partiel, sur les cadres, sur la validation des accords, sur les repos compensateurs (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), nous posons des questions. Ne vous intéressent-elles pas ? Il ne s'agit pas de faire de l'obstruction et je ne demande pas de suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Gorce, il m'appartient de veiller à la qualité du débat et à ce que chacun ait la possibilité d'intervenir dans le cadre de notre règlement. Et je le fais.

Reprise de la discussion

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 4 et 133.
    L'amendement n° 4 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 133 par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 2. »
    Sur ces amendements n°s 4 et 133, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    M. Bernard Accoyer. Obstruction !
    M. le président. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Comme les auteurs de ces amendements se sont déjà largement exprimés, je leur demande de bien vouloir être brefs.
    La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Bernard Accoyer. Ils ont déjà présenté leurs amendements !
    Mme Martine Billard. Je voudrais revenir sur les arguments avancés par notre collègue, Mme Hélène Mignon.
    Il nous est dit que cette loi va favoriser l'emploi. Si c'était le cas, ça vaudrait le coup. Mais, comme Mme Mignon, j'ai un doute. Pour favoriser l'emploi, il faut créer des postes. Je veux bien que, momentanément, une très petite entreprise ne prenne pas de risques, et demande à ses salariés d'accomplir des heures supplémentaires.
    Mais, pour effectuer des tâches momentanées, il existe une autre possibilité - dont on peut discuter l'intérêt mais qui a le mérite d'exister -, le recours à l'intérim. Or, nous allons désormais avoir, pour certaines entreprises, notamment celles qui emploient entre 50 et 200 personnes, une concurrence entre les heures supplémentaires et le recours à l'intérim. On va demander aux salariés de l'entreprise de faire des heures supplémentaires. Il y aura donc moins de recrutement de salariés en intérim et moins de créations d'emplois momentanés.
    Le même phénomène se vérifiera lors des périodes de surcroît de travail. A l'heure actuelle, l'industrie automobile, par exemple, utilise abondamment l'intérim et les CDD. Que va-t-il se passer désormais ? On préférera les heures supplémentaires. Quand on nous explique que cette loi va créer davantage d'emplois, la démonstration n'est pas aussi évidente que cela.
    En fin de compte, nous aurons des salariés qui travailleront beaucoup plus, qui vont s'user au travail. Quand on connaît les difficultés actuelles de la médecine du travail, on ne peut qu'être inquiet. Parallèlement, nous aurons des chômeurs qui s'useront à chercher en vain du travail.
    Il y aura donc concurrence entre ces deux catégories de citoyens. De ce point de vue, cet article n'est pas bon, et c'est pourquoi, au nom des Verts, je propose sa suppression.
    M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour soutenir l'amendement n° 133, brièvement, mon cher collègue, parce que vous vous êtes déjà largement exprimé sur cet article.
    M. Michel Charzat. Il est naturel que nous puissions nous exprimer, les uns et les autres, sur un article stratégique. Chacun comprend que la combinaison des différentes mesures contenues dans l'article 2 conduit à revenir sur des dispositions liées à la politique de réduction du temps de travail.
    M. Bernard Accoyer. De quoi parle-t-on, monsieur le président ? D'un amendement ou d'un article ? C'est n'importe quoi !
    M. le président. Monsieur Accoyer, j'ai précisé d'entrée de jeu que nous mettions en discussion deux amendements identiques, n°s 4 et 133, pour lesquels le groupe socialiste a déposé une demande de vote par scrutin public. J'ai ajouté que j'annonçais le scrutin public, mais que je permettrais à chacun des intervenants de s'exprimer rapidement sur ces amendements.
    Je vous demande, monsieur Accoyer, de suivre attentivement nos débats,...
    M. Gaëtan Gorce. C'est scandaleux, monsieur Accoyer !
    M. le président. ... et de respecter ma présidence. Ainsi, je crois, les choses iront bien mieux.
    Veuillez poursuivre, monsieur Charzat.
    M. Michel Charzat. Je comprends que certains veuillent escamoter ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) dans la mesure où, je l'ai dit, l'article 2 est stratégique. Il est, par la combinaison des dispositions qu'il contient, non seulement le moyen de revenir sur la politique de réduction du temps de travail, mais également le moyen de faire travailler davantage les salariés sans augmenter pour autant leur rémunération. J'en veux pour preuve le fait que, au motif d'unifier et de simplifier le régime des heures supplémentaires, l'article 2 remet en cause les taux de rémunération des heures supplémentaires. Cette mesure d'ordre social a pourtant été instaurée il y a très longtemps, dans le cadre de l'application des 40 heures, en 1936.
    J'en veux également pour preuve que, sous prétexte de simplifier les règles relatives aux contingents d'heures supplémentaires, cet article remet en cause l'application du repos compensateur à 100 %. Il confie, certes, à la négociation collective la possibilité de revenir sur les règles d'ordre public du droit du travail concernant le régime des heures supplémentaires et les modalités d'application du repos compensateur. Mais notre excellent collègue, M. Gorce, a rappelé qu'il s'agissait là d'une pression a minima et non pas d'un progrès pour les salariés.
    Sous couvert de simplification du calcul de la durée annuelle du travail dans le cadre des accords de modulation, la référence à la moyenne hebdomadaire des 35 heures est supprimée ainsi que la règle du calcul de la durée moyenne qui inclut les congés légaux et les jours fériés. En fait, cette plus grande flexibilité à laquelle vous vous attachez peut conduire à remettre en cause certains jours fériés.
    Cet article modifie également la définition des catégories de cadres concernés par les conventions de forfaits en jours et ouvre donc l'accès de ces forfaits à toutes les catégories de salariés, qualifiés de cadres, quels que soient la nature de leur fonction et leur niveau de rémunération et de responsabilité. C'est ainsi qu'une vaste catégorie de personnes pourra être contrainte de travailler jusqu'à 13 heures par jour et 48 heures par semaine.
    Enfin, le compte épargne-temps est dévoyé de son objectif, avec la possibilité de convertir en argent tout repos qui l'alimente, tel que les jours de congés supplémentaires, les repos compensateurs ou les jours de RTT.
    Mes chers collègues, cet article met dans les faits un terme à la politique de réduction du temps de travail au moment où le chômage remonte. Il réduit dans des conditions extrêmement pernicieuses et subreptices la protection sociale des salariés.
    C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, je vous appelle à le rejeter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Ces amendements ont été rejetés. Vous l'avez constaté, ils visent à supprimer un article qui inclut les nécessaires assouplissements aux 35 heures dont les rigidités ne sont plus à souligner, et dont ni les entreprises, ni les salariés, ni notre pays ne veulent.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bien entendu, le Gouvernement est défavorable à un amendement qui vide de tout sens le projet qu'il présente au Parlement. Mais je profite de cette occasion pour dire à M. Charzat que, s'il avait assisté aux débats de cet après-midi, il aurait pu entendre la réponse que j'ai faite à M. Gremetz sur la question de la référence hebdomadaire à la durée du travail qui figure dans le code du travail et n'est pas modifiée par ce texte. Je voudrais également profiter de l'occasion pour lui dire que la référence à la rémunération à 10 % des heures supplémentaires n'est pas une invention de ce Gouvernement, et n'est que la reprise d'une disposition mise en place, pour les petites entreprises de moins de vingt salariés, par le gouvernement que vous avez soutenu.
    Mme Catherine Génisson. C'était une disposition transitoire !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4 et 133.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   106
Nombre de suffrages exprimés   106
Majorité absolue   54
Pour l'approbation   22
Contre   84

    L'Assemblée nationale n'a pas été adopté.
    Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L'amendement n° 5 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 134 par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le I de l'article 2. »
    La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 5.
    Mme Martine Billard. Cet amendement a pour objet d'assouplir l'article 2, en supprimant son I. Car ce paragraphe revient, en fait, à supprimer le repos compensateur. Et il est intéressant de constater que le Gouvernement a jugé bon de fixer un taux de majoration minimal pour la rémunération des heures supplémentaires. Après tout il aurait pu, comme le réclamaient d'ailleurs certains députés de l'UMP, laisser à la négociation le soin de fixer ce taux. Mais il s'en est bien gardé. Il a tenu à insérer dans ce I la phrase suivante : « Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ». Cela illustre bien son inquiétude quant à la possibilité que dans certaines branches, où des syndicats minoritaires sont prêts à signer des accords assez défavorables, la négociation aboutisse à une absence de majoration, c'est-à-dire à des heures supplémentaires payées comme les autres. Voilà pourquoi le Gouvernement a introduit un petit filet de protection. Cela prouve bien qu'on ne peut pas tout laisser à la négociation, et que la loi doit encadrer un certain nombre de dispositions, afin de garantir une égalité entre les citoyens de ce pays.
    Il n'en reste pas moins que c'est à nos yeux un recul que de maintenir cette disposition qui devait n'être que transitoire. Car cela ne présente plus d'intérêt pour les salariés qui seront obligés de faire ces heures supplémentaires, comme le dit la Cour de cassation. Cela ne représente d'intérêt que pour l'entrepreneur. Comme nous sommes partisans d'un équilibre entre les deux catégories du monde du travail, entrepreneurs et salariés, nous souhaitons un retour aux dispositions antérieures - en dehors de cette disposition qui était, je le répète, transitoire -, c'est-à-dire le maintien de la majoration de 25 % pour tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce pour défendre l'amendement n° 134.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement tend à supprimer le I de l'article 2 pour des raisons qui sont faciles à résumer. Afin que nos collègues de la majorité, qui semblent peu s'émouvoir de cette question, sachent très exactement de quoi l'on parle et sur quoi l'on vote, rappellons-leur que la majoration des heures supplémentaires à 25 % est désormais intégrée dans le champ de la négociation, ce qui permet une éventuelle minoration, puisque l'on instaure un plancher de 10 %.
    Cette évolution n'est pas un progrès de la négociation sociale. Au contraire, elle constitue une remise en cause de l'ordre public social, qu'il appartient à la loi de garantir sur des questions fondamentales.
    Je rappelle que cette majoration de 25 % date de 1936 et de la loi des quarante heures, ce qui explique sans doute, après ce que nous avons entendu hier sur le Front populaire, pourquoi le Gouvernement est si heureux de la remettre en question.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Ces amendements ont été rejetés.
    L'article 2 offre la possibilité de fixer, par accord de branche étendu, de fixer le taux de majoration des heures supplémentaires et permet ainsi de conférer aux partenaires sociaux de nouvelles responsabilités. Un taux plancher de 10 % est fixé. En absence d'accord, les taux fixés par le code du travail s'appliquent. Le législateur joue donc tout son rôle.
    M. le président. Avant de demander l'avis du Gouvernement, j'informe l'Assemblée que, sur les amendements identiques n°s 5 et 134, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le ministre pour donner l'avis du Gouvernement.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
    M. le président. Vous aviez demandé la parole, monsieur Gremetz. Pour répondre à la commission, ou au Gouvernement ?
    M. Maxime Gremetz. Je ne réponds à personne, je vais donner mon sentiment. (Sourires.)
    M. le président. Oui, mais je vous donne la parole pour cela, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Un, je soutiens tout à fait ces amendements. Deux, je les soutiens parce que j'estime que les heures supplémentaires, ça se paie. Et au-delà des 35 heures, ça se paie avec une majoration de 25 %. C'est un droit qui date de 1936, il faut le préserver. C'est juste.
    Trois, c'est un point qui m'inspire une réflexion. J'étais déjà en colère au moment où on a introduit la majoration de 10 % dans la loi. Et je me suis dit : la droite, si elle revient, elle va en profiter. La droite revient, elle en profite. On nous avait dit que c'était une disposition « transitoire », mais j'ai toujours dit que ce qui est « transitoire », avec tel gouvernement ou avec tel autre, c'est du transitoire qui dure tout le temps. Pour la première fois, c'est malheureux mais c'est comme cela - et vous savez bien combien de fois je suis intervenu sur ce point, et avec colère -, pour la première fois, donc, un gouvernement a décidé de remettre en cause la majoration à laquelle donnent lieu les heures supplémentaires et a admis qu'on pouvait faire des heures supplémentaires payées avec une majoration de seulement 10 %.
    M. François Guillaume. Vous l'avez voté aussi !
    M. Maxime Gremetz. Malheureusement, je suis obligé de constater, évidemment, que ce n'est pas la droite qui l'a décidé,...
    M. François Guillaume. C'est la gauche !
    M. Maxime Gremetz. ... c'est la gauche. Et aujourd'hui, la droite dit : on continue. C'est la réalité. Eh oui ! Cela doit amener à réfléchir à ce qu'on fait dans ce domaine-là.
    Je l'ai dit tout à l'heure, monsieur Morin, mais vous n'étiez pas là - vous voyez, vous manquez beaucoup de choses quand vous n'êtes pas là -, j'ai vu un de vos amendements qui touche aux heures supplémentaires. Vous, ce n'est même pas 10 %. A vrai dire, je ne sais pas si c'est vous, mais enfin c'est M. Bayrou que j'ai entendu,...
    M. Hervé Morin. J'assume !
    M. Maxime Gremetz. ... et qui parlait de 0 % d'augmentation pour les heures supplémentaires.
    M. Hervé Morin. N'importe quoi !
    M. Maxime Gremetz. Comment ça, n'importe quoi ? Ne me dites pas cela, monsieur Morin, car je vais prendre la cassette de LCI. (Exclamations sur de nombreux bancs.) Si vous dites que je dis n'importe quoi, je vous mets au défi.
    M. Hervé Morin. Je vous répondrai sur l'amendement.
    M. Maxime Gremetz. C'est cela, vous me répondrez sur l'amendement. En tout cas, je l'ai dit tout à l'heure, et je ne peux pas être démenti, M. Bayrou, lui, dit que, pour créer des emplois, les heures supplémentaires, il ne faut pas les payer du tout. Sinon c'est une charge trop importante pour l'entreprise et, au lieu d'embaucher, on va supprimer des emplois. Quand j'ai vu cela, ça m'a empêché de dormir. (Rires.)
    M. Lucien Degauchy. C'est pour ça qu'il a l'air d'avoir sommeil ! Il n'a pas son compte d'heures !
    M. Maxime Gremetz. Non, en fait, M. Bayrou ne m'a pas empêché de dormir, parce que je compte sur les salariés. Cela dit, je croyais que la droite était par là, du côté de l'UMP, mais il y a encore plus à droite que la droite.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5 et 134.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   117
Nombre de suffrages exprimés   117
Majorité absolue   59
Pour l'adoption   25
Contre   92

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 135, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le I de l'article 2 :
    « I. - Le I de l'article L. 212-5 est ainsi rédigé :
    « I. - Chacune des quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une bonification de 25 %. Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les modalités de la bonification qui peut donner lieu soit à l'attribution d'un repos, pris selon les modalités définies à l'article L. 212-5-1, soit au versement d'une majoration de salaire équivalente. A défaut de convention ou d'accord, la bonification est attribuée sous forme de repos. »
    L'amendement n° 6, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le I de l'article 2 :
    « I. - Le I de l'article L. 212-5 est ainsi rédigé :
    « I. - Les quatre premières heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par un accord de branche étendu. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. A défaut, chacune des quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 %. »
    La parole est à M. Manuel Valls, pour soutenir l'amendement n° 135.
    M. Manuel Valls. Cet amendement a pour objet de maintenir - et c'est pour nous essentiel - dans le droit du travail la bonification en temps de repos appliquée aux quatre premières heures supplémentaires, soit une heure de repos pour celles effectuées entre la trente-sixième et la trente-neuvième heure. J'y reviendrai.
    Nous sommes, là encore, au coeur du sujet. En faisant passer de 130 à 180 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires, monsieur le ministre, vous autorisez les employeurs à décider de manière unilatérale de faire travailler les salariés en moyenne quatre heures de plus par semaine. Ce qui veut dire que vous les autorisez à revenir aux 39 heures.
    Non seulement vous remettez en cause les 35 heures, non seulement vous tournez le dos à une évolution forte de notre société, non seulement vous aggravez les inégalités sociales entre les salariés qui sont passés à 35 heures et ceux qui ne bénéficieront pas de cette réduction du temps de travail, non seulement votre politique est contraire à l'emploi et au pouvoir d'achat, mais vous risquez, par ce dispositif, d'aggraver les conditions de travail des salariés. C'est l'affaire, déjà évoquée ce soir par d'autres collègues, du repos compensateur.
    C'est d'abord, de votre part, et cela a déjà été dit tout au long du débat, notamment hier, une concession idéologique faite au MEDEF, même si vous vous en défendez. Ainsi, comme je l'ai dit, les employeurs pourront faire travailler à moindres frais les salariés en moyenne quatre heures de plus par semaine. En outre, ces salariés, qui devront effectuer ces heures supplémentaires qu'on leur impose, qu'ils ne choisiront pas, seront également confrontés, dans toute une série de métiers à risques, aux risques d'accident du travail.
    Notre amendement est simple, il tend à défendre le salarié en favorisant, évidemment, la réduction du temps de travail, sans exclure la possibilité, par voie d'accords collectifs, de procéder au versement d'une majoration de salaire si les salariés de l'entreprise ou de l'établissement le souhaitent. A défaut d'accord, c'est la bonification sous forme de repos qui prévaudra et la loi doit le dire.
    Tel est le sens de cet amendement : défendre la réforme essentielle des 35 heures, et défendre les salariés.
    M. le président. La parole est à Mme Billard, pour soutenir l'amendement n° 6.
    Mme Martine Billard. L'amendement n° 6 est différent de celui que vient de défendre notre collègue Valls, même si je suis tout à fait d'accord avec l'amendement qu'il a présenté.
    L'amendement n° 6 prend acte du vote qui vient d'avoir lieu. On nous dit qu'il y a - on peut en discuter pendant des heures - une difficulté pour les PME concernant le paiement des heures supplémentaires jusqu'à la trente-neuvième heure. Soit. Admettons que ces heures donnent lieu à une majoration de seulement 10 %. Mais pourquoi étendre cette disposition aux heures supplémentaires après la trente-neuvième ? Cet amendement a donc pour objectif, en admettant, pour les petites entreprises, la majoration de 10 % entre la trente-cinquième et la trente-neuvième, de rétablir le droit commun au-delà de la trente-neuvième heure pour l'ensemble des salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise à laquelle ils appartiennent.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. L'amendement n° 135 a été rejeté par la commission. Il revient au droit actuel des lois Aubry : 25 % de bonification pour les quatre premières heures supplémentaires et si aucun accord n'est conclu, c'est le repos compensateur. Or, nous le savons, nos concitoyens réclament une monétarisation de ces heures supplémentaires. De surcroît, cet amendement est incomplet. Quid des heures suivantes, après la trente-neuvième heure ?
    Quant à l'amendement n° 6, même remarque. Il ne nous précise pas quel est le taux applicable aux heures supplémentaires après les quatre premières heures.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Je me suis expliqué tout au long du débat sur les raisons pour lesquelles nous souhaitons unifier, simplifier le régime des heures supplémentaires, et renvoyer à la négociation la fixation du contingent ainsi que le niveau de rémunération. Mais je voudrais aussi, à l'occasion de la discussion de ces amendements, indiquer que nous sommes allés, en faisant ce choix, dans le sens qui avait été celui de la plupart des accords passés dans les entreprises. En effet, en 2001, parmi les 13 500 accords d'entreprises recensés, six sur dix ont choisi la bonification des heures supplémentaires plutôt que le repos compensateur. C'est dire si nous sommes allés, dans cette affaire, dans le sens voulu par les accords passés dans les entreprises.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 168, présenté par M. Morin et M. Perruchot, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 :
    « I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures et les heures suivantes à une majoration de 50 %, sauf taux fixé par un accord de branche étendu. Cette majoration sera compensée par une exonération de charges sur les heures supplémentaires. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes pour les organismes de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle à ces mêmes droits. »
    L'amendement n° 30, présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 :
    « I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % pour chacune des huit premières heures et de 50 % pour chacune des huit heures suivantes. »
    La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l'amendement n° 168.
    M. Hervé Morin. Cet amendement me permettra de répondre à mon collègue Maxime Gremetz. Nous abordons la question du coût des heures supplémentaires. Nous partons de l'idée simple que le coût du travail est l'un des éléments majeurs de la création d'emplois. Si l'on veut avoir une croissance plus riche en emplois, il faut que le coût du travail, notamment pour les salariés dont la valeur ajoutée qu'ils apportent est la plus faible, soit le moins élevé possible. Je parle bien du coût du travail : je ne parle pas du revenu des salariés.
    A partir de là, nous proposons un dispositif - celui que nous avons présenté durant la campagne - selon lequel toute majoration des heures supplémentaires serait de 25 %, monsieur Gremetz - vous avez mal écouté François Bayrou -, quelle que soit la taille de l'entreprise. Le coût que représente cette majoration pour l'entreprise serait compensé par une baisse à due proportion des charges sociales.
    M. Maxime Gremetz. Ah ! C'est formidable.
    M. Hervé Morin. Ce système permettrait au salarié de mieux gagner sa vie et à l'entreprise de ne pas subir les conséquences des heures supplémentaires.
    Je crois que M. Gremetz et l'ancienne majorité ont une vision du travail qui date.
    M. Maxime Gremetz. C'est le capitalisme qui date !
    M. Axel Poniatowski. Le communisme, c'est l'avenir ?
    M. Hervé Morin. Si vous vous référez à la convention collective de juillet 2001, vous verrez que le régime des heures supplémentaires, selon les partenaires sociaux, doit être fixé par la négociation collective et non par la loi.
    Deuxièmement, considérer que tout homme est remplaçable par un autre est une insulte à l'individu. Considérer qu'un individu qui travaille 35 heures dans une entreprise peut être remplacé pour quelques heures de plus par un autre salarié qui aurait la même compétence, c'est renier l'idée même que les individus ne sont pas interchangeables. Votre vision des choses est taylorienne. Elle date, et ne correspond pas à la réalité actuelle de la vie du travail.
    Nous considérons, quant à nous, qu'il faut largement ouvrir la possibilité d'avoir recours aux heures supplémentaires, sans accroître le coût du travail. C'est pourquoi nous avions fait cette proposition. Nous aurions aimé que ce soit vers ce dispositif que nous allions.
    Certes, le texte du Gouvernement permet à un accord de branche de fixer un taux inférieur au taux légal de majoration de 25 %. Toutefois, comme le taux de majoration restera de 25 % s'il n'y a pas de négociation, nous craignons que, dès lors, on ne trouve personne pour s'asseoir à la table des négociations pour discuter d'un taux de majoration éventuellement inférieur au taux légal.
    C'est pourquoi nous aurions préféré que l'accroissement du coût des heures supplémentaires soit compensé par une baisse des charges sociales.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 30.
    M. Maxime Gremetz. J'ai bien compris ce qu'a dit M. Morin. En fait, il dresse le diagnostic suivant : en France les entreprises ne gagnent pas suffisamment d'argent, ne font pas assez de profits, la Bourse ne flambe pas...
    M. Lucien Degauchy. Ça, c'est sûr !
    M. Maxime Gremetz. ... en raison de la crise boursière.
    En fait, il y a tellement d'argent qu'on assiste à une spéculation financière tous azimuts, qui se traduit par des scandales comme ceux qui touchent Vivendi ou France Télécom, qui sera bientôt privatisée.
    Vous dites, monsieur Morin, qu'il va bientôt falloir donner de l'argent aux patrons pour qu'ils embauchent. Mais on leur en donne déjà beaucoup ! Je rappelle tout de même pour mémoire que les exonérations de cotisations patronales représentent une somme de 130 milliards !
    M. Lucien Degauchy. Il vaudrait mieux les mettre dans les caisses du PC, qui sont à sec !
    M. Maxime Gremetz. Si l'on vous suit, bientôt ils n'en paieront plus ! En même temps, on nous parle du déficit de la sécurité sociale. Mais c'est évident, compte tenu du montant des exonérations.
    M. Hervé Morin. Il est prévu une compensation !
    M. Maxime Gremetz. Puis, monsieur Morin, vous me décevez. Je vous croyais un social libéral. Or je constate que vous êtes un « affreux » libéral (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), un partisan du libéralisme total. Le terme « affreux » étant, bien entendu, mis entre guillemets.
    M. Jean-Marie Geveaux. En un mot, c'est un réactionnaire !
    M. Maxime Gremetz. Vous ne progressez pas dans le sens de la politique sociale.
    M. Lucien Degauchy. Vous allez finir pas être aussi bon que Marchais !
    M. Maxime Gremetz. Vouloir revenir sur le régime des heures supplémentaires, il faut tout de même le faire !
    Vous nous dites que le coût du travail est trop élevé. N'exagérez pas. Faut-il rappeler quelques notions élémentaires ? Faut-il rappeler que la France est tout de même un pays où les salaires sont bas, où les inégalités grandissent et où la précarité augmente ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lucien Degauchy. Vous n'y êtes pas pour rien !
    M. Jean-Marie Geveaux. A cause de qui, monsieur Gremetz ?
    M. Maxime Gremetz. Vous savez bien que nous ne sommes pas dans une économie gouvernée. Vous faites comme si c'était le gouvernement, quel qu'il soit, qui décidait de tout ce qui se passe dans les entreprises. Mais le MEDEF, ça existe.
    Les Procter et Gamble, les Valeo, les Dunlop, les Whirlpool et compagnie, ça existe !
    Et la lutte de classes - et vous devez le savoir, monsieur Degauchy, vous qui êtes picard - ça existe aussi, quoi qu'on en dise. Certains l'ont enterrée trop tôt ! Vous aurez l'occasion de le voir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il n'est pas possible de revenir sur les heures supplémentaires. La régression sociale est tout à fait considérable. A travail égal, salaire égal, voilà un principe simple, de même que toute peine mérite salaire. Ces principes simples, il ne faut pas les oublier. Et ceux qui produisent les richesses, ce n'est tout de même pas vous, mais ceux qui travaillent !
    C'est pourquoi, monsieur le président, notre amendement n° 30 propose que les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % pour chacune des huit premières heures et de 50 % pour chacune des huit heures suivantes. Ce n'est pas révolutionnaire, car cela date de 1936. Nous ne voulons surtout pas qu'il y ait une remise en cause. Il faudrait même aller un peu plus dans ce sens.
    Bien sûr, monsieur le président, je demande un scrutin public.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 168 et 30 ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 168. Les exonérations de charges doivent abaisser le coût global du travail et non le coût des heures supplémentaires. Cet amendement ne prévoit d'ailleurs pas de plancher dans le cas d'un accord de branche, alors que le projet de loi, lui, en fixe un à 10 %.
    En ce qui concerne l'amendement n° 30 défendu par M. Gremetz, je prends acte du fait que la notion de bonification au repos a finalement été retirée. Par ailleurs, cet amendement ne fait que proposer le maintien du système actuel et ne peut que contribuer à neutraliser le dialogue social. La commission l'a donc rejeté.
    M. le président. Sur l'amendement n° 30, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 168, même si le projet de loi répond au premier objectif que M. Morin a évoqué dans l'exposé des motifs de son amendement, à savoir simplifier et unifier le régime des heures supplémentaires.
    Deuxièmement, comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le dispositif d'allégement de charges que nous proposons porte également sur les heures supplémentaires effectuées, à la différence des systèmes d'exonération prévus par la loi sur les 35 heures.
    Au-delà de ces deux remarques, je voudrais dire à M. Morin que ne suis pas favorable à un dispositif qui viserait à encourager par des aides publiques le recours massif à des heures supplémentaires. Cela montre bien d'ailleurs - et nous ne sommes sans doute pas d'accord sur ce sujet-là - que nous sommes dans une logique d'assouplissement des 35 heures et non dans une logique de retour aux 39 heures.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. M. le ministre a dit très exactement ce que je voulais rappeler mais pas pour en tirer la même conclusion.
    Il se trouve que M. Morin est en partie satisfait dans la mesure où, hélas ! on intégre désormais les heures supplémentaires dans l'assiette de l'allégement. Dès lors, quand M. le ministre nous indique que l'on n'encourage pas le recours aux heures supplémentaires parce que, justement, on ne veut pas contourner les 35 heures, sa démonstration est parfaitement contradictoire. En réalité, on permet aux entreprises de faire faire des heures supplémentaires et d'intréger celles-ci dans l'assiette de l'allégement. Par conséquent, si elles restent ou si elles retournent à 39 heures, elles pourront bénéficier d'un avantage plus important en termes d'allégement que si elles étaient restées à 35 heures.
    Merci, monsieur le ministre, de l'avoir rappelé.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, sur l'amendement n° 30, je suis saisi, par le groupe des député-e-s communistes et républicains, d'une demande de scrutin public.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   122
Nombre de suffrages exprimés   122
Majorité absolue   62
Pour l'adoption   27
Contre   95

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je suis saisi de cinq amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 175, présenté par M. Morin et M. Perruchot, est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phase du dernier alinéa du l° du I de l'article 2 par les mots : "ou par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 et ayant été soumis à l'approbation des salariés ».
    Les amendements n°s 137, 154, 138 et 139 sont présentés par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    L'amendement n° 137 est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 par les mots : "signé par la majorité des organisations syndicales représentatives au niveau de la branche. »
    L'amendement n° 154 est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 par les mots : "signé par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branches dans des conditions fixées par un Accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
    L'amendement n° 138 est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 par les mots : "sauf si la majorité des organisations syndicales représentatives s'y oppose quel que soit le nombre d'organisations syndicales signataires de la convention ou de l'accord de branche. »
    L'amendement n° 139 est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 par les mots : "sauf si la majorité des organisations syndicales représentatives représentées à la Commission nationale de la négociation collective instituée par l'article L. 136-1 s'oppose à l'extension dudit accord. »
    La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l'amendement n° 175.
    M. Hervé Morin. Par cet amendement, et dans la logique de nos propos précédents, nous proposons que le taux de majoration des heures supplémentaires puisse être fixé, non pas uniquement par un accord de branche, mais même par un simple accord d'entreprise, tout en prévoyant deux garde-fous. Premièrement cet accord ne doit pas être frappé d'opposition. Toutefois, comme nous savons que cette garantie est plus ou moins effective, nous ajoutons un deuxième verrou, d'ailleurs conforme à l'esprit de la loi Aubry, en prévoyant que cet accord soit soumis à l'approbation des salariés.
    Les branches, en effet, sont aujourd'hui des pavillons qui abritent des « navires » très différents, puisqu'elles regroupent des entreprises aux activités extrêmement diverses. Il faut dont donner aux entreprises et à leurs salariés la possibilité de s'adapter en fonction de leur activité économique, de leurs marchés ou de leur situation géographique.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement n° 137.
    M. Alain Vidalies. Nous arrivons à des questions où les principes de démocratie sociale évoqués au début de l'examen de cet article doivent se décliner en pratique.
    Il ne suffit pas en ce domaine de s'en remettre simplement aux partenaires sociaux, car, à un moment donné, c'est à la représentation nationale, c'est-à-dire au politique, de fixer des règles, qui sont quasiment préalables.
    Il s'agit d'abord de définir ce qu'est l'ordre public social aujourd'hui, en le distinguant de ce qui resterait ouvert au champ de la négociation. On voit que cet amendement touche là une question politique majeure.
    Etant donné que le projet de loi modifie le régime de la rémunération des heures supplémentaires, en ouvrant la possibilité de les minorer par rapport à l'état actuel du droit, il s'agit d'apprécier les modalités selon lesquelles pourra être prise une décision qui concernera tous les salariés de l'entreprise.
    C'est un peu la même question que celle de la démocratie politique. Le problème aujourd'hui, chacun doit le mesurer, c'est qu'on élargit le champ ouvert aux partenaires sociaux sans engager simultanément la réforme de la démocratie sociale puisqu'on maintient l'ancien système. Il suffira qu'une seule organisation signe, fût-elle minoritaire, pour que la mesure proposée s'applique. Or, tout le monde connaît aujourd'hui la réalité d'une représentativité syndicale définie par le pouvoir il y a quarante ans, à un moment où les circonstances historiques le justifiaient probablement.
    Aujourd'hui, certaines organisations représentent peu de salariés, mais ont gardé leur représentativité. C'est un peu comme si un seul d'entre nous avait la possibilité d'imposer à tous les autres des règles normatives.
    En contrepartie, le texte prévoit des droits d'opposition mais ceux-ci ne correspondent pas non plus à un modèle de démocratie. Et qui vérifiera la validité de l'opposition ? Des organisations syndicales qui représentent la majorité des salariés ou la majorité des organisations syndicales représentatives. Trois organisations syndicales sur cinq, ce peut être fort différent de trois cinquièmes des salariés.
    Dans tous les cas, nous sommes confrontés à cette situation, puisque le Gouvernement a choisi de laisser cet espace à la discussion, tout en étant conscient des insuffisances à la fois des règles de représentativité, qui permettent d'engager l'ensemble des salariés, et des mécanismes d'opposition tels qu'il figurent dans les dispositions du code du travail, notamment dans l'article L. 132-7.
    L'amendement n° 137 prévoit donc que la négociation ayant permis de modifier le taux de majoration des heures supplémentaires ne sera valable que si elle est signée par la majorité des organisations syndicales représentatives au niveau de la branche, ce qui préserve la possibilité, pour une majorité de salariés qui ne l'accepterait pas, de s'opposer à un accord.
    M. le président. Je vous invite à défendre l'amendement n° 154.
    M. Alain Vidalies. C'est la déclinaison du principe évoqué à l'amendement précédent. Plusieurs solutions sont possibles pour poser un verrou. Aussi, l'amendement n° 154 prévoit que les accords de branche qui modifieront les taux de majoration des heures supplémentaires devront être signés par les organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et repris par décret. Une telle disposition permet d'anticiper sur la mise en place de la nouvelle démocratie sociale que chacun appelle de ses voeux.
    M. le président. Vous avez la parole pour défendre l'amendement n° 138.
    M. Alain Vidalies. Chacun comprend la logique de cet amendement. Là, il est prévu que l'accord de dérogation sera valable sauf si la majorité des organisations syndicales représentatives s'y oppose, quel que soit le nombre d'organisations syndicales signataires de la convention ou de l'accord de branche.
    C'est le même principe que dans le premier amendement que j'ai soutenu.
    M. le président. Vous avez toujours la parole, monsieur Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 139.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement est défendu. Chacun a compris la logique de tous ces amendements.
    Cette fois-ci nous avons prévu que, pour être valable, l'accord devra être signé par la majorité des organisations syndicales représentées à la commission nationale de la négociation collective. Je précise que nous avons repris le libellé qui figure dans l'accord sur la négociation collective auquel M. le ministre a fait référence tout à l'heure.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Vidalies, d'avoir exprimé votre position d'une manière concise et claire sur les quatre amendements que vous avez défendus.
    Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements en discussion commune ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 175. En effet, le projet de loi prévoit qu'un accord de branche ayant été étendu peut déterminer un taux de majoration des heures supplémentaires différent des taux légaux, avec un plancher de 10 %. De plus, M. le ministre a indiqué que les accords de branche signés par des syndicats minoritaires ne seront pas étendus, offrant ainsi toute sécurité.
    Par ailleurs, l'amendement proposant d'abaisser le niveau de la négociation collective à l'entreprise, la commission a émis un avis défavorable, car la branche est le niveau pertinent pour la régulation du jeu entre toutes les entreprises. Si cet amendement était adopté, la garantie offerte par l'arrêté d'extension disparaîtrait et, enfin, il risquerait de créer trop de disparités entre les salariés, selon qu'ils appartiennent à telle ou telle entreprise.
    La commission a également rejeté l'amendement n° 137. En effet, cet amendement impose que l'accord de branche étendu fixant la majoration des heures supplémentaires soit signé par la majorité des syndicats. Or M. le ministre a dit qu'il ne prendrait pas d'arrêté d'extension si l'accord est signé par une confédération minoritaire. Enfin, le droit d'opposition habituel est différent du devoir de signature.
    La commission a aussi rejeté l'amendement n° 154. Le fait de renvoyer la question à un accord national interprofessionnel est finalement une manière de reporter sine die la disposition. Les partenaires sociaux mènent actuellement une réflexion d'ensemble sur les voies et moyens de la négociation collective, et il ne serait pas raisonnable de préjuger le résultat de ces discussions.
    De même, la commission a rejeté l'amendement n° 138. En effet, M. le ministre, là encore, nous a rappelé qu'il n'étendrait pas les accords signés par des confédérations minoritaires, et que le droit d'opposition existe dans le code du travail pour les seuls accords d'entreprise et pas pour ceux de branche. Enfin, les discussions actuelles sur les accords majoritaires doivent être respectées.
    La commission a rejeté l'amendement n° 139 pour les mêmes raisons.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces cinq amendements ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. S'agissant de l'amendement n° 175, je voudrais rappeler à M. Morin que nous avons déjà cherché, à travers le projet de loi, à élargir le champ de la négociation pour les partenaires sociaux au niveau de la branche, en leur permettant de fixer le taux de rémunération des heures supplémentaires et le niveau du contingent annuel.
    Par ailleurs, le recours à la négociation comme moyen privilégié de régulation des relations du travail suppose que soient prévues des garanties efficaces afin que les accords reflètent un réel équilibre entre les partenaires sociaux.
    Le recours à des accords de branche étendus participe de cette démarche. D'ailleurs, la branche est bien le lieu naturel de la négociation. Des accords d'entreprise sur des sujets comme ceux dont nous parlons conduiraient à un éclatement des règles qui, sur le plan de la concurrence à l'intérieur d'un même secteur économique et d'une même branche, ne serait pas sans poser de problèmes.
    En outre, la procédure d'extension confère au ministre chargé du travail la possibilité de ne pas étendre et de renvoyer à la négociation s'il estime que le texte ne correpond pas à l'équilibre de la branche.
    Quant aux amendements suivants, le Gouvernement y est également défavorable.
    J'ai déjà exprimé mon souhait de mettre en oeuvre avec les partenaires sociaux le plus grand nombre d'éléments relevant d'une position commune.
    Il serait tout à fait déraisonnable d'anticiper la concertation qui va avoir lieu sans véritable recul, dans l'urgence, et surtout sans l'avis des partenaires sociaux.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je voudrais répondre à la commission et en venir dès à présent à l'amendement n° 31, qui pose également le problème du principe des accords majoritaires. Cet amendement aurait dû être présenté en même temps que les cinq amendements en discussion, mais on a préféré lui réserver un sort particulier.
    M. le président. Cet amendement sera appelé ultérieurement, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. On me suggère de demander un scrutin public. (Sourires.)
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas la peine !
    M. le président. Nous n'en sommes pas là, cher collègue !
    Pour l'instant, cinq amendements sont en discussion commune...
    M. Maxime Gremetz. Convenez, monsieur le président, que l'amendement n° 31 aurait pu être discuté en même temps...
    M. le président. Non, il est d'une autre nature.
    M. Maxime Gremetz. ... puisqu'il fait référence au même principe. Il s'agit en effet de savoir de quel type de négociation, de quel type de démocratie sociale nous voulons. Cette question récurrente est à mes yeux essentielle. En effet, si je suis d'accord sur le fait qu'il faille beaucoup renvoyer au dialogue, il faut créer les conditions d'un vrai dialogue, d'un dialogue démocratique.
    Je rappelle à ce propos que l'importante avancée qui découlait de la possibilité pour les entreprises de bénéficier des exonérations de cotisations patronales, y compris des aides incitatives à la création d'emplois dans le cadre des 35 heures, était limitée. Cette possibilité était conditionnée à la signature d'un accord par les organisations syndicales représentant la majorité des salariés. Comment peut-on accepter que l'on puisse signer avec un syndicat ultra-minoritaire contre l'avis de quatre ou cinq syndicats ultra-majoritaires ?
    Autrefois, on parlait de la dictature du prolétariat. Dans le cas que j'évoque, il s'agit plutôt de la dictature d'une partie du prolétariat, minoritaire. Avouez que ce ne serait pas un progrès !
    Il s'agit là d'une vraie question, d'autant que, chaque fois, cette loi renvoie, comme les autres, à la négociation.
    Le dernier exemple en date a été l'accord passé dans l'hôpital public.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En plein dans le mille !
    M. Maxime Gremetz. Là, on n'a pas appliqué le principe majoritaire et on a eu des mouvements dans les hôpitaux.
    M. Bernard Accoyer. Quelle réussite, les 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Les organisations syndicales représentent l'immense majorité des salariés : 60 %. (Murmures sur plusieurs bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous ne croyez pas que 60 % représentent une majorité ? Vous n'avez pas eu tant que cela à la dernière élection présidentielle. Alors, vous devez être minoritaires...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Avec 80 % des suffrages ?
    M. Maxime Gremetz. Monsieur Dubernard, ne dites pas des bêtises ! Voulez-vous nous faire croire que M. Chirac a été élu avec 80 % des suffrages sur la base de son programme ? (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vérifiez vos chiffres !
    M. le président. Monsieur Gremetz, revenez aux amendements !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président...
    M. le président. Ne répondez pas à M. Dubernard...
    M. Maxime Gremetz. Il faut lui demander d'être sage ! (Sourires.)
    M. le président. Revenez aux amendements !
    M. Maxime Gremetz. Je ne parle pas d'autre chose : je parle de la loi de la majorité qui est l'ABC de la démocratie ! J'insiste afin que mes collègues comprennent bien ce que je veux dire...
    M. Patrice Martin-Lalande. Nous aurons du mal !
    M. Maxime Gremetz. Messieurs, que penseriez-vous si nous décrétions ce soir, nous minoritaires, que nous sommes devenus majoritaires et que nous imposons notre loi ? Vous trouveriez cela tout à fait anormal, non démocratique. Eh bien ! Le même raisonnement peut se tenir pour les salariés. Et cela vaut pour tous les accords, et pas seulement pour ceux qui permettent de profiter d'exonérations de toutes sortes.
    Aussi longtemps que cela ne se fera pas, les salariés dont vous parlez tant ne se sentiront pas représentés comme il convient...
    M. le président. Monsieur Gremetz, il vous faut conclure. Vous reviendrez tout à l'heure sur l'amendement n° 31.
    M. Maxime Gremetz. Je voulais répondre au Gouvernement et défendre mon amendement...
    M. le président, Oui mais...
    M. Maxime Gremetz. Deux fois cinq minutes, ça fait dix !
    M. André Schneider. Les mathématiques modernes ont investi la place du Colonel-Fabien !
    M. Maxime Gremetz. Je ne peux pas faire deux choses en même temps. Et quand je parle d'accords majoritaires, je parle d'accords d'entreprise, d'établissement et de branche.
    M. Patrice Martin-Lalande. M. Gremetz n'avait droit qu'à cinq minutes !
    M. le président. Je surveille, cher collègue !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, j'ai appris une chose très importante de la bouche du rapporteur et il faudrait me la confirmer.
    Le rapporteur nous a dit que vous aviez assuré que vous n'étendriez que les accords qui seraient majoritaires. Vous l'avez alors regardé. Peut-être s'est-il trompé ?
    M. le président. Il faut vous arrêter, monsieur Gremetz ! (Applaudissements sur quelques bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. Est-ce bien ce que vous avez déclaré, monsieur le ministre ?
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et des groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Hellier. Quelle performance !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Il y a des moments où le débat avance et cela peut être utile à nombre de nos concitoyens.
    Je donne acte de la réponse de M. le ministre sur l'amendement du groupe UDF. Pour ce qui nous concerne, nous pensons nous aussi que la branche est probablement le niveau le plus pertinent.
    Cela dit, je regrette que les propos qu'a tenus in fine M. Gremetz n'aient pas retenu l'attention car ils sont très importants. En effet, M. le rapporteur nous a livré une information qui est de nature à satisfaire un grand nombre. Nous demandons que les nouvelles règles s'appliquent immédiatement, mais vous nous avez répondu, monsieur le ministre, que ce n'était pas possible.
    Une solution intermédiaire, qui ne nous satisferait pas complètement mais qui garantirait le droit des salariés majoritaires de ne pas se voir imposer un accord signé par une minorité, consisterait à s'engager à ne procéder à aucune extension d'accord minoritaire. Il conviendrait donc que vous nous confirmiez votre engagement dans ce sens. Une précision s'impose cependant : doit-on prendre en considération le nombre d'organisations majoritaires ou la représentation des salariés ? Quel que soit le cas, je pense que ce serait une avancée importante.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Je comprends parfaitement les arguments du ministre, qui ne veut pas ouvrir la possibilité de modifier le régime des heures supplémentaires par voie d'accords d'entreprise. Je conçois qu'il faille maintenir un équilibre et que cet équilibre soit fragile et compliqué. Mais je conteste l'idée qu'une telle ouverture nuirait à l'équilibre de la compétitivité des entreprises au sein d'une même branche car, aujourd'hui, la compétitivité n'est pas simplement économique : elle est aussi sociale.
    Si un chef d'entreprise est capable d'avoir un dialogue social qui lui permette de trouver de nouveaux équilibres, il est dommage de l'en priver car cela fait partie, au xxie siècle, de la compétitivité. Une entreprise doit être capable de nouer des relations sociales et d'entretenir un dialogue social différent de celui d'autres entreprises campées sur des schémas plus anciens.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le sujet est important.
    Selon les règles actuelles du droit du travail, le ministre chargé du travail a, en cas d'opposition entre deux organisations, le devoir impératif de renvoyer le texte à la négociation. Il garde ensuite un pouvoir d'appréciation quant à l'extension de celui-ci.
    Ce que j'ai indiqué tout à l'heure et ce qu'a voulu dire M. le rapporteur, c'est que cette garantie subsistait et qu'elle devait permettre de protéger les intérêts des salariés. Le ministre chargé du travail a donc la possibilité de ne pas étendre un accord s'il estime que son texte n'est pas compatible avec l'équilibre de la branche.
    Bien entendu, dans le projet de loi dont nous discutons, on ne peut lier le ministre chargé du travail, qui conservera son pouvoir d'appréciation.
    Telle est très exactement l'application du droit actuel, avant que nous ne modifiions les règles, comme je l'ai proposé, en 2003.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 155, ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du 1° du I de l'article 2, substituer au pourcentage : "10 % le pourcentage : "25 %. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je dois avouer notre déception après la réponse que vient de nous faire M. Fillon. En commission, nous avions cru comprendre que le ministre, comme l'avait laissé entendre le rapporteur, nous garantissait, concernant une disposition aussi importante que celle portant sur la majoration des heures supplémentaires, qu'il s'opposerait à une iniquité résultant d'un accord très minoritaire.
    La réponse du ministre, que nous regrettons sincèrement, justifie d'autant plus l'amendement n° 155, qui vise à rétablir l'idée selon laquelle la négociation sociale ne doit pas aboutir à une majoration d'heure supplémentaire qui soit inférieure à 25 %. Ce seuil a été fixé depuis 1936 et on n'y avait jamais touché. Il devrait normalement relever de l'ordre public social et, par conséquent, de la loi.
    Nous estimons que les décisions prises introduiront des inégalités pour ce qui concerne tant le repos compensateur que la majoration des heures supplémentaires, sans contrepartie pour les salariés.
    J'ajoute, monsieur le ministre, que la possibilité d'une rémunération à 10 % - vous imaginez donc que la négociation pourra aller dans le sens du moins - va à rebours des indications données en permanence dans ce débat et selon lesquelles - nous le répéterons sans nous lasser - il faudrait permettre aux salariés de travailler plus pour gagner plus. Manifestement, il s'agit bien là de travailler plus, mais pour gagner moins puisque vous envisagez l'hypothèse, pour les entreprises de moins de vingt salariés, d'une rémunération de 10 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur le président de la commission, je vois que vous n'êtes pas d'accord. Pourtant, entre vingt-cinq et dix, la différence est de quinze, et le salarié la ressentira à travers sa feuille de paie. Si la feuille de paie est votre préoccupation, alors vous êtes en contradiction avec les principes que vous défendez.
    Je reviendrai sur un dernier point, monsieur le ministre, sur lequel je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Sans doute trouverez-vous que mes interventions sont répétitives et que je risque de ce fait d'agacer M. Accoyer, qui ne supporte pas que l'opposition s'exprime sur tous ces sujets... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Je suis victime d'un harcèlement, monsieur le président ! (Sourires.)
    M. Gaëtan Gorce. Vous voyez bien que j'ai raison ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Hier, monsieur le ministre, je vous ai demandé quels effets sur l'emploi vous attendiez du démantèlement des 35 heures et des allégements de charges. Dans les débats passés sur les 35  heures, la question nous avait été posée en permanence par l'opposition et le ministre de l'époque y avait répondu. Le rapporteur que j'étais a fait de même, évoquant des estimations, des fourchettes et autres indications. Naturellement, nul n'est maître des résultats d'une politique.
    M. Bernard Accoyer et M. Patrice Martin-Lalande. Quel aveu !
    M. Gaëtan Gorce, ... mais nous avions pris un engagement et défini une orientation. Nous nous étions fixé un objectif en termes d'emplois.
    Aujourd'hui, où l'emploi est redevenu la priorité de nos compatriotes et où vous allez engager 15 milliards d'euros d'allégements, qui seront désormais déconnectés de la réduction du temps de travail - il faut le répéter pour que cela soit bien compris -, nous aimerions savoir vers quels objectifs vous tendez en mobilisant autant de moyens publics, alors que le Premier ministre et le ministre des finances invoquent en permanence la difficulté qu'ils ont à boucler les comptes de l'Etat, compte tenu, paraît-il, de l'héritage. D'ailleurs, cet héritage méritera lui aussi un inventaire ; puisque les comptes sociaux étaient en équilibre l'an passé et que la dette publique avait été réduite, cet héritage méritera sans doute qu'on reparle de lui.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais bien avoir une réponse à ma question, que je reposerai à plusieurs reprises, monsieur le ministre. En effet, je n'imagine pas qu'un ministre aussi éclairé que vous, faisant preuve d'une telle attention sur les sujets économiques et sociaux et, manifestement, d'une telle compétence compte tenu du nombre de textes que vous serez capable de nous présenter et de défendre en quelques mois, n'ait pas une petite idée sur les conséquences pour l'emploi des mesures qu'il propose. Je n'imagine pas que vous n'en ayez pas réservé la primeur au Premier ministre ni que vous n'en ayez pas discuté avec le Président de la République, bref, que la représentation nationale ne puisse pas avoir confirmation des informations que vous distillez à d'autres.
    Sans doute la question vous a-t-elle déjà été posée, y compris par Bercy, toujours très soucieux de savoir comment l'argent public est dépensé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Sur l'amendement n° 155, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 155, qui propose de porter le pourcentage de la bonification pour heure supplémentaire à 25 %. A quoi servirait un accord de branche si ce taux est déjà celui posé par la loi ?
    M. Gaëtan Gorce. Je vise aussi le pourcentage de 10 % !
    M. Pierre Morange, rapporteur. C'est votre proposition, monsieur Gorce, il faut l'assumer...
    On peut donc s'interroger sur l'intérêt de la négociation d'un accord.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avis défavorable.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 155.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   97
Nombre de suffrages exprimés   97
Majorité absolue   49
Pour l'adoption   21
Contre   76

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Guillaume a présenté l'amendement n° 96, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 : "A défaut d'accord, chacune des quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 10 % au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005 ; les quatre heures supplémentaires suivantes donnent lieu à une majoration de 25 %, et les heures supplémentaires suivantes à une majoration de 50 %. »
    La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Un des premiers alinéas de l'article 2 définit les différents niveaux de majoration de salaire des heures supplémentaires à l'intérieur du contingent annuel de 1 600 heures. Ces taux ne sont que provisoires, puisque vous avez laissé aux partenaires sociaux le soin de définir entre eux les normes qu'ils jugeraient les plus utiles en fonction de la situation des entreprises et de la diversité des activités de celles-ci. Je souscris à cette bonne orientation, tout à fait contraire à celle des deux lois de Mme Aubry, qui définissaient non seulement les principes de la réduction du temps de travail, mais également toutes les modalités. La deuxième loi, d'ailleurs, avait pour objet d'annuler les accords de branche qui avaient été décidés entre les partenaires sociaux.
    M. Jean-Marie Geveaux. Scandaleux !
    M. François Guillaume. Il a fallu quatre ans pour que le gouvernement socialiste s'aperçoive de la nocivité de sa loi et consente à rechercher des assouplissements. Parmi ces assouplissements, on décida que, pour les petites entreprises, ces heures pourraient n'être payées qu'à un taux de 10 % supplémentaire par rapport au taux normal. Ces dispositions, certes transitoires, subsistent dans la loi.
    Le parti socialiste, qui soutenait son gouvernement, n'ignorait pas alors qu'en classifiant les entreprises en « petites entreprises » et « autres entreprises », et en faisant des distinctions quant à la rémunération des heures supplémentaires, il créait une rupture d'égalité. Cela constituait une injustice entre les salariés d'entreprises de moins de 10 salariés, qui touchaient 10 % et les autres, qui touchaient 25 %.
    En outre, économiquement, cet assouplissement n'était pas justifié. Les petites entreprises s'adressent à un marché local et peuvent obtenir une augmentation des prix pour couvrir les coûts supplémentaires des 35 heures. En revanche, les entreprises moyennes qui s'adressent au marché national et, a fortiori, celles qui s'adressent au marché international subissent de plein fouet la concurrence. Pour celles-là, il est évident que la situation n'est pas la même. On a d'ailleurs constaté de nombreuses délocalisations de la part d'entreprises conséquentes, comme Bata ou Flextronic, qui ont abandonné notre territoire pour aller s'implanter ailleurs ; les différences de coût du travail étaient telles qu'elles ne pouvaient plus supporter cette distorsion de concurrence.
    C'est la raison pour laquelle je propose un régime de majoration progressive de rémunération des heures supplémentaires applicable à toutes les entreprises sans distinction de taille. Naturellement, ce ne serait que provisoire dans la mesure où, selon les dispositions de votre texte, monsieur le ministre, les accords de branche pourront définir à la fois le volume des heures supplémentaires et les différents niveaux de rémunération de celles-ci.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission, tout en saluant les préoccupations légitimes de notre excellent collègue, a rejeté son amendement n° 96.
    Cet amendement vise en effet à introduire dans le code du travail une disposition qui ne serait que transitoire. Par ailleurs, il vise à accorder un régime d'adaptation pour les entreprises de plus de vingt salariés. Or ces entreprises ont bénéficié d'une période d'adaptation pendant l'année 2000.
    Enfin, l'article 3 du projet de loi prévoit la prolongation de la période d'adaptation pour les entreprises de moins de vingt salariés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, je comprends votre souci, qui rejoint d'ailleurs celui du Gouvernement et celui de la majorité, de donner le plus d'atouts possible à nos entreprises dans la compétition européenne et dans la compétition internationale. Mais je ne souhaite pas que le législateur décide d'une mesure qui constituerait un recul pour les salariés des grandes entreprises qui, aujourd'hui même, voient leurs heures supplémentaires rémunérées à 25 %.
    Nous avons choisi de nous en tenir aux dispositions qui avaient présidé à la mise en oeuvre des 35 heures : 10 % pour les entreprises de moins de vingt salariés, pour une période transitoire qui court jusqu'en 2005 et qui ne pourra pas durer indéfiniment. Il faudra que, notamment grâce aux accords entre les partenaires sociaux, la situation converge progressivement entre les petites et moyennes entreprises et les grandes entreprises. Sinon, les petites et moyennes entreprises auront un jour des difficultés de recrutement qui ne sont évidemment pas souhaitables. Mais je suis convaincu que les partenaires sociaux auront à coeur de trouver, dans le délai que nous leur donnons, des solutions.
    Aujourd'hui, nos concitoyens comprendraient mal que le législateur décide de revenir sur le niveau de rémunération des heures supplémentaires dans les entreprises, disposition ancienne dont profitent aujourd'hui de nombreux salariés.
    Si les partenaires sociaux, dans le cadre de branches particulièrement exposées, comme celles que vous avez évoquées tout à l'heure - l'industrie de la chaussure ou l'industrie électronique, par exemple -, décident de descendre au-dessous de 25 %, ils pourront le faire. Mais je souhaite que ce soit eux qui en décident au regard de la situation de chaque branche.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je voulais saluer le premier amendement déposé par un membre de l'UMP dans ce débat. Jusqu'à présent nous n'avions eu que quelques amendements du rapporteur. Le rouleau compresseur de l'UMP a donc bien fonctionné ! Non pas, chers collègues, que vous n'en ayez pas eu l'idée. Mais je ne suis pas sûr que vous en ayez eu la possibilité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Pas de provocation, monsieur Gorce ! Cela ne sert à rien !
    M. Gaëtan Gorce. Je ne pensais pas faire de la provocation, monsieur le président, simplement dresser un constat.
    M. Bernard Accoyer. Quel mépris pour la représentation parlementaire !
    M. le président. Monsieur Accoyer, je viens de faire les remarques que je devais faire. Continuez, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Sur le fond, je suis étonné que le Gouvernement n'accepte pas cet amendement.
    Au fond, M. Guillaume propose d'inscrire dans le marbre de la loi le principe que le Gouvernement lui-même suggère aux partenaires sociaux. Mais peut-être préfère-t-il s'en laver les mains et laisser les partenaires sociaux s'en débrouiller, l'idée étant de diminuer le montant des heures supplémentaires.
    Or la diminution de la rémunération des heures supplémentaires remet en cause l'ordre public social. On autorise ainsi les partenaires sociaux à remettre en cause cet ordre public social. Et on prend prétexte que le précédent gouvernement, par décret, aurait pris une telle disposition qui ne s'appliquait qu'aux entreprises de moins de vingt salariés et qui s'est appliquée aux entreprises de plus de vingt salariés la première année, celle de leur première entrée dans les 35 heures ; notre souci d'alors était d'éviter une application uniforme et brutale de la loi.
    Le dispositif proposé par M. Guillaume, et qui sera finalement validé, impose cette majoration de 10 % aux petites entreprises. La question a été en effet tranchée par le biais d'une disposition que nous examinerons ultérieurement.
    M. Bernard Accoyer. Et le texte que vous aviez voté ? Il est inapplicable !
    M. Gaëtan Gorce. Et M. Guillaume préconise cette même solution pour les entreprises de plus de vingt salariés. Je voulais saluer cet effort de clarification... et l'espace de liberté qui en résulterait.
    M. le président. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. S'il n'y a pas eu d'amendement de la part de la majorité, monsieur Gorce, c'est tout simplement parce que la majorité trouve que le projet du Gouvernement est excellent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gaëtan Gorce. Il était temps de le dire !
    M. François Guillaume. Le point sur lequel je viens d'intervenir est en quelque sorte la résultante de votre propre politique. C'est vous qui avez initié ce système et c'est vous qui vous êtes aperçus qu'il fallait procéder à des assouplissements. Vous avez commencé par celui-là, en créant une distorsion entre les entreprises.
    Je comprends parfaitement que le ministre ne puisse pas rectifier en totalité deux lois aussi nocives que celles que vous avez votées sous le précédent gouvernement, que vous souteniez. Je suis persuadé aussi que, compte tenu du maintien de la disposition en question, les partenaires sociaux et notamment les salariés de ces petites entreprises vont chercher à faire pression pour engager une négociation afin de mettre en place un système de rémunération des heures supplémentaires tenant compte des diversités des entreprises et des différentes branches d'activité. C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.
    M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 31, ainsi rédigé :
    « Compléter le 1° du I de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « I. bis - La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
    Sur cet amendement n° 31 je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Maxime Gremetz, à qui je demande d'être bref.
    M. Maxime Gremetz. Il s'agit ici de défendre les accords majoritaires.
    Les accords collectifs, qu'il s'agisse des accords régissant toute une branche d'activité ou une seule entreprise, ont des conséquences très importantes sur les conditions de vie et de travail des salariés. On y discute des salaires, des classifications, de la durée du travail, des horaires de travail, de la formation professionnelle, des congés, des conditions de travail, de la retraite, du licenciement, des déplacements, de l'hygiène et de la sécurité. Par conséquent, la légitimité et la représentativité de ceux à qui les salariés délèguent le droit de les représenter dans les négociations est déterminante.
    Le pouvoir de négociation appartient aux salariés eux-mêmes. C'est d'ailleurs ce que prévoit la Constitution. Ceux qui négocient et signent les accords agissent non en vertu d'une prérogative personnelle, pour mettre en débat les droits qui ne sont pas à leur disposition, mais pour discuter les droits dont disposent ou peuvent disposer les salariés.
    En matière politique, un principe de notre démocratie représentative veut que l'adoption ou le rejet de chaque loi soit décidé par les parlementaires représentant la majorité des citoyens. C'est le principe majoritaire admis par tout le monde. Or, quand il s'agit de décider de problèmes aussi importants que ceux qui sont traités dans les négociations collectives, ce principe est tout simplement ignoré.
    Pour négocier et signer des accords, chacune des organisations représentative au niveau national se voit reconnaître à elle seule le pouvoir d'engager l'ensemble des salariés. Or aucune de ces organisations à elle seule ne dispose d'une influence majoritaire parmi les salariés. Aucune d'ailleurs ne s'en approche. Toutes représentent moins de 30 % des salariés. Il y a là une vraie question. Les principes de la représentativité doivent donc être actualisés en fonction des réalités syndicales d'aujourd'hui, pour que la dignité voulue par le législateur retrouve une consistance.
    Il est une autre évolution que l'on ne peut méconnaître. Pendant longtemps, les accords collectifs ne pouvaient qu'améliorer la situation des salariés par rapport à un socle législatif auquel on ne pouvait déroger. Depuis une vingtaine d'années, malheureusement, il en va différemment. Dans nombre de domaines, la loi permet aux négociateurs d'y déroger dans un sens qui peut être défavorable aux salariés. C'est ainsi qu'on peut déroger à la règle du cadre hebdomadaire pour la durée du travail et instaurer la flexibilité. C'est ainsi qu'on peut instituer le forfait jour des cadres, déroger à certaines règles concernant le temps partiel, la formation, le temps de travail ou le contingent d'heures supplémentaires et, maintenant, les majorations et les repos compensateurs pour heures supplémentaires. Des dirigeants syndicaux représentant une minorité de salariés peuvent donc, sans consulter personne, prendre des décisions qui engagent tous les salariés.
    Nous proposons donc à nouveau, comme nous l'avions déjà fait lors des débats relatifs à la loi sur la réduction du temps de travail, que notre Assemblée adopte enfin le principe de la représentativité majoritaire dans les négociations sociales.
    Je le répète : il s'agit là d'un principe démocratique élémentaire. Aucun obstacle technique ne s'y oppose. C'est facile à appliquer lorsque des accords de branche ont été signés et que les influences syndicales peuvent être mesurées à chaque instant, mais c'est également possible pour d'autres branches, puisque le ministère du travail peut, à partir des informations figurant sur les procès-verbaux d'élections aux comités d'entreprise, mesurer l'influence syndicale, au moins de manière très approchée.
    Aussi proposons-nous d'inscrire dans le code du travail cette règle démocratique qui constituerait un progrès, sans pour autant se substituer aux organisations syndicales.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Le souci de notre collègue est compréhensible, mais je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments qui ont été formulés à ce sujet, car le système proposé est un peu complexe. Tout cela nous renvoie à une négociation en cours. En attendant ses conclusions, la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis : défavorable, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Jean-Marie Geveaux. Oh, on connaît déjà ses arguments !
    Mme Elisabeth Guigou. Ce n'est pas une raison pour ne pas l'écouter.
    M. Alain Vidalies. On comprend bien la proposition, et elle me convient parfaitement, parce qu'elle pose simplement le principe. Nous ne partons pas de rien. Tout le monde ici se dit d'accord sur ces questions, mais c'est nous qui avions introduit dans la loi, pour la première fois, la référence à l'accord majoritaire. Certes, nous n'avions fait que la moitié du chemin puisqu'il s'agissait uniquement de déclencher les aides, mais c'était un signe fort. Or le texte tel qu'il existe aujourd'hui donne le signal inverse, puisque cette référence y a disparu.
    En même temps, on nous dit : « Mais si, on est d'accord. » Alors, il n'y a que deux solutions : soit celle que propose M. Gremetz, soit celle qui consiste à reprendre d'ores et déjà la rédaction de l'accord national interprofessionnel auquel M. le ministre a fait plusieurs fois allusion. Sans entrer dans le détail, cet accord visait lui-même à assurer la légitimité des décisions qui émaneraient de la majorité des organisations syndicales représentatives. Il y a là un libellé qui pourrait, au moins pour l'instant, nous servir de référence. On ne peut pas se contenter de dire, au terme de ce débat, qu'on aurait pu faire mieux, mais qu'on verra plus tard.
    Malheureusement, il ne reste, en l'état, qu'une solution : soutenir l'amendement de M. Gremetz, puisque ceux qui sont en mesure de le faire n'ont pas formulé de propositions qui donnent de la cohérence à cette question.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne veux pas allonger les débats, mais je ne peux pas laisser M. Vidalies dire que nous revenons sur une disposition rendue possible par les accords Aubry, car on est en train de mélanger deux choses complètement différentes :...
    M. Bernard Accoyer. L'amalgame, c'est leur technique !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'une part, les accords d'entreprise, et il existe dans les entreprises des moyens de mesurer la représentativité qui permettent de mettre en oeuvre des accords majoritaires ; d'autre part, les accords de branche, dont nous sommes en train de discuter et pour lesquels il n'existe pas actuellement de dispositifs permettant de mesurer de manière satisfaisante la représentatitivité. La règle majoritaire ne s'est donc jamais appliquée aux accords de branche. C'est la raison pour laquelle nous ne la proposons pas dans l'état actuel des choses, tant que la négociation que j'ai annoncée n'a pas eu lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   101
Nombre de suffrages exprimés   101
Majorité absolue   51
Pour l'adoption   21
Contre   80

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 157 et 156, pouvant être soumis à une présentation commune, le second étant de repli.
    L'amendement n° 157, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - L'article L. 212-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
    « IV. - Le salarié peut refuser d'effectuer les heures supplémentaires proposées par l'employeur qui remettent en cause la réduction négociée de la durée du travail soit à 35 heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année. Ce refus ne constitue par une faute ou un motif de licenciement. »
    L'amendement n° 156, présenté par MM. Gorce, Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - L'article L. 212-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
    « IV. - Le refus par le salarié d'effectuer les heures supplémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat de travail ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement, à l'exception des heures supplémentaires effectuées en cas de travaux urgents dans les cas énumérés à l'article L. 221-12. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je m'en tiendrai pour ma part au premier amendement, laissant à M. Gorce le soin de défendre le second.
    L'un de nos collègues a indiqué tout à l'heure qu'avec les amendements qu'il présentait, nous abordions la mise en oeuvre des principes de la démocratie sociale dans les processus de négociation collective. L'amendement n° 157 évoque ces mêmes principes, mais sous l'angle du rapport de droit du travail entre l'employeur et le salarié.
    Nous savons bien qu'en toile de fond du débat sur les heures supplémentaires figurent des éléments de suspicion réciproques. Les salariés considèrent en particulier que le nouveau dispositif va générer un mode relationnel les contraignant à accepter des heures supplémentaires dans des conditions qui portent atteinte, en premier lieu, aux conditions de travail contractuellement établies ; en second lieu à la rémunération, condition substantielle du contrat de travail selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation.
    M. Bernard Accoyer. Ce sont des contrevérités !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je dis qu'il y a suspicion, monsieur Accoyer ! Si vous pensez qu'il s'agit de contrevérités, votez l'amendement, car il vise justement à lever toutes les ambiguïtés.
    Si, comme le Gouvernement l'affirme et comme la majorité le prétend, les heures supplémentaires sont introduites pour faciliter le développement des entreprises et assurer une meilleure rémunération aux salariés, alors il n'y a aucun inconvénient à ce que la liberté, principe considéré comme au coeur de la relation de travail et selon lequel les heures supplémentaires ne peuvent pas être imposées, soit reconnue dans le code du travail. Cela revient à dire que le refus d'effectuer des heures supplémentaires ne pourra pas être qualifié de motif réel et sérieux de licenciement. Il s'agit de garantir que ce refus n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits les plus élémentaires du salarié.
    En adoptant cet amendement, qui ne peut pas poser problème puisqu'il ne fait que lever une suspicion, il me semble qu'on apportera au monde du travail, employeurs et salariés, une réponse extrêmement claire. Par ailleurs, on évitera ainsi aux conseils de prud'hommes des milliers de procès.
    M. le président. Sur l'amendement n° 157, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Je vous donne la parole, monsieur Gorce, pour soutenir l'amendement n° 156, en vous demandant d'être bref.
    M. Gaëtan Gorce. Je vous comprends bien, monsieur le président, mais ce texte ne comporte que douze articles, plusieurs sujets importants sont traités à l'article 2, et celui des heures supplémentaires en fait évidemment partie.
    L'amendement n° 156, qui est de repli, encore qu'il ait un sens un peu différent, consiste à préciser dans quelles conditions le salarié peut refuser de faire des heures supplémentaires.
    On nous parle de la liberté du travail, et Dieu sait que nous avons entendu proclamer ce principe depuis deux jours, et même bien avant, dans la préparation médiatique du débat. Mais cette liberté du travail doit pouvoir s'exercer effectivement. Or vous savez qu'aujourd'hui les heures supplémentaires ont un caractère obligatoire pour le salarié. S'il refuse de les effectuer, il commet une faute lourde et s'expose donc à un licenciement.
    La jurisprudence précise que le refus du salarié n'est justifié que s'il est la conséquence d'une décision de l'employeur qui aboutit à modifier substantiellement le contrat de travail. Le refus est également justifié lorsque les heures supplémentaires sont décidées en violation de la réglementation du travail ou d'un accord collectif qui en limite l'utilisation.
    Pourquoi fais-je allusion à ces règles jurisprudentielles, monsieur le président ? Parce que les accords de réduction du temps de travail constituent un compromis comportant des concessions réciproques faites par les salariés sur les salaires ou l'organisation du travail, par l'employeur sur l'emploi ou la réduction du temps de travail. Or, à partir du moment où on organise la déconnexion entre la réduction du temps de travail et un accord précédemment conclu, on prive l'accord d'un des éléments de son équilibre. Il est donc logique de donner au salarié la possibilité de retrouver cet équilibre dans son attitude individuelle en lui garantissant que le refus qu'il pourra opposer aux heures supplémentaires qui ne lui seraient demandées que pour contourner la référence légale à 35 heures ne constituera pas une faute qui justifierait son licenciement.
    Il serait quand même paradoxal qu'un salarié qui essaierait de faire respecter un accord se voie sanctionner alors que l'on aurait autorisé l'employeur à ne pas le respecter puisque la suppression des allégements de charges ne lui serait pas appliquée. C'est pourtant le sens des dispositions que le Gouvernement nous propose.
    Je reviendrai à ce débat sur l'équilibre des accords et la liberté contractuelle. J'espère que le ministre consentira à l'aborder avec nous.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 157 et 156 ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 157, qui vise à permettre aux salariés de refuser toute heure supplémentaire au-delà des 35 heures par semaine ou des 1 600 heures annuelles. Tout dépassement de la durée légale du travail deviendrait alors impossible.
    Faut-il rappeler que les heures supplémentaires sont à la fois un moyen de souplesse pour les entreprises, afin qu'elles puissent rester réactives, un moyen d'augmenter le pouvoir d'achat des salaires, notamment les plus modestes, et un moyen habituel d'ajustement du volume de travail au volume d'activité ?
    Enfin, on peut se demander pourquoi Mme Aubry n'a pas inclus la possibilité de refus dans son projet de loi initial.
    Avis également défavorable à l'amendement n° 156.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces deux amendements, car il considère qu'il n'est pas raisonnable, à l'occasion de ce texte qui vise à assouplir la législation sur les 35 heures, de remettre en cause les rapports entre le chef d'entreprise et les salariés dans le cadre du contrat de travail tel qu'il est interprété par la jusrisprudence.
    M. Jean-Pierre Soisson. Bien sûr.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce sont des arrêts de principe de 1991 et de 1997. Je m'y tiens. En outre, le code du travail prévoit l'information ou la consultation du comité d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel, sur les horaires de travail. Je ne vois pas de raison de modifier aujourd'hui le droit.
    M. Gaëtan Gorce. Et sur l'équlibre des accords, pas de réponse ?
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
    M. Jean-Pierre Soisson. Le ministre a raison. On nous demande de bouleverser le jeu des heures supplémentaires et les rapports entre le salarié et le chef d'entreprise...
    M. Gaëtan Gorce. C'est vous qui le faites dans cette loi !
    M. Jean-Pierre Soisson. ... au détour d'un amendement de circonstance. Faites attention ! Il y a un code du travail, il y a une jurisprudence, et vous n'allez pas les modifier sans cesse au gré de mesures de circonstance !
    Mme Catherine Génisson. C'est la loi qui est de circonstance !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Nous reprenons le débat sur la définition des heures supplémentaires. Je vous avais demandé monsieur le ministre si, dans le contexte de cette loi, on devait prendre pour référence la définition aujourd'hui admise, celle issue de l'accord interprofessionnel de 1995, ce qui, d'une certaine façon, limiterait les risques que l'on peut percevoir dans les dispositions qui nous sont présentées. Vous m'avez répondu d'une manière qui, je suppose, laissera pantois beaucoup de juristes, en me donnant une nouvelle définition qui a si peu de portée qu'elle n'en est pas une, à savoir que l'heure supplémentaire est la première excédant la durée légale.
    Or il n'y a que deux solutions : ou bien il existe une définition objective, et le juge peut apprécier les conditions du refus car on sait ce qu'est une heure supplémentaire et pourquoi le chef d'entreprise peut l'exiger ; ou bien l'heure supplémentaire, faute de définition, n'obéit à aucune exigence particulière et devient un mode normal de gestion.
    J'en tire deux conclusions.
    D'abord, un jour ou l'autre, compte tenu des incertitudes du texte, c'est le juge qui, forcément, dira la loi, ce qui n'est pas gratifiant pour le législateur.
    Deuxièmement, si vous ne voulez pas du droit au refus pour le salarié et si vous récusez la définition commune des heures supplémentaires, on aboutit, le tout mélangé, à une vraie remise en cause de la durée légale de 35 heures.
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 157.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   91
Nombre de suffrages exprimés   91
Majorité absolue   46
Pour l'adoption   15
Contre   76

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je mets aux voix l'amendement n° 156.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 158, ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « L'article L. 212-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
    « IV. - Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai qui ne peut être inférieur à trois jours ouvrés avant toute proposition d'heures supplémentaires faite par l'employeur. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement, dans le prolongement des deux précédents, tend à fixer à trois jours ouvrés le délai minimal de prévenance du salarié en matière d'heures supplémentaires, disposition qui serait introduite à l'article L. 212-5 du code du travail.
    Car nous savons bien, monsieur Soisson, qu'il y a un code du travail et nous avons même souvent l'impression que ce n'est pas de notre côté qu'on l'oublie. Ce code s'est construit au fil du temps, et d'autant mieux construit que c'est la représentation nationale qui en a délibéré.
    Quant à la jurisprudence, ni les amendements précédents ni celui-ci ne la contredisent.
    C'est la jurisprudence, tout le monde le sait, qui a forgé la législation en matière de droit du travail. Et ce n'est pas la première fois qu'elle viendrait apporter sa raison et son intelligence à la représentation nationale pour qu'un jour la loi soit bien faite. Je dirai même qu'en matière de droit du travail, elle a été plutôt anticipatrice dans de nombreux domaines, par exemple le contrat à durée déterminée.
    En l'occurrence, la jurisprudence éclaire à nouveau le chemin qui est devant nous. Ce n'est pas négligeable. Mais la difficulté, c'est qu'il faut prévenir toute utilisation d'éléments lourds de conséquences qui contraindraient le salarié à accepter contre sa volonté des heures supplémentaires. La difficulté, c'est qu'il faut préserver en ce domaine le rapport d'égal à égal avec l'employeur. Car la représentation nationale doit se mettre à la hauteur du code du travail qu'elle a construit, c'est-à-dire protéger le salarié. C'est là notre ambition.
    Alors, de la même manière qu'il n'y avait aucun obstacle à graver dans le marbre de la loi le principe que le refus d'heures supplémentaires n'entame en rien la loyauté et la volonté de travailler du salarié, mais constitue un acte fondamental, élémentaire, de liberté, de la même manière, rien ne s'oppose à écrire dans la loi que le délai de prévenance est un élément essentiel du maintien des droits fondamentaux du salarié, une condition substantielle de son contrat de travail, au même titre que le temps travaillé, les conditions de disponibilité, la durée du trajet, sans oublier la rémunération, à laquelle nous reviendrons. Là encore, il s'agit de protéger le salarié en respectant le droit du travail.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui, pour chaque heure supplémentaire, oblige les employeurs à prévenir le salarié trois jours avant.
    On ne peut que rester perplexe devant la rigidité d'une telle proposition et son inadaptation par rapport à la réalité du monde du travail. Que se passe-t-il si, à l'occasion d'un surcroît d'activité, le travail qui doit être effectué n'était pas prévisible trois jours auparavant ? Le cas n'est pas prévu.
    De toute façon, vous savez que les heures supplémentaires sont une modalité normale des conditions de travail pour les salariés à temps plein.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le groupe socialiste est d'une imagination débordante quand il est dans l'opposition.
    Il va même jusqu'à oublier que la définition des heures supplémentaires, selon M. Vidalies dont j'aurais donné, une nouvelle version au cours de cette séance, date de 1938 et a été intégralement reprise dans la loi du 19 janvier 2000.
    M. Bernard Accoyer. Ils racontent n'importe quoi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a pas de nouvelle définition des heures supplémentaires : les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail.
    M. Bernard Accoyer. Soit ils mentent, soit ils disent n'importe quoi. C'est de la désinformation, une vieille méthode trotskiste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous n'avez pas cru nécessaire de modifier cette définition. Vous avez eu raison. De même, vous n'avez pas cru bon d'imposer un délai de prévenance de trois jours, parce que les heures supplémentaires servent précisément à faire face à des a-coups de production, à des imprévus, à des difficultés dans l'organisation du travail. Alors pourquoi retenir aujourd'hui une proposition que vous n'évoquiez même il y a quelques mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
    M. Jean-Pierre Soisson. Je me situerai sur le terrain juridique, pour évoquer les rapports entre la loi et la jurisprudence.
    M. Gaëtan Gorce. C'est l'ancien ministre du travail qui parle !
    M. Jean-Pierre Soisson. Précisément, je pense pouvoir m'exprimer sur ce sujet.
    M. le président. Seul M. Soisson a la parole.
    M. Jean-Pierre Soisson. Avez-vous seulement conscience du champ ouvert à l'interprétation jurisprudentielle, aux difficultés et aux différends qui naîtraient d'un tel délai de prévenance ? Il est à peu près inapplicable. Je vous demande de faire plus attention : regardez le code du travail et apprenez la jurisprudence.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Juste une phrase, monsieur le président. M. le ministre a souligné le fait que nous n'avions pas introduit cette loi. La loi que nous avons adoptée est une loi sur les 35 heures. Aujourd'hui, nous examinons un projet de loi sur les heures supplémentaires, ce n'est pas la même chose.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Si vous y tenez !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE
ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 3 octobre 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux juges de proximité.
    Ce projet de loi organique, n° 242, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Mardi 8 octobre 2002, à neuf heures : première séance publique :
    Discussion de la proposition de loi, n° 194, de M. Richard Dell'Agnola et plusieurs de ses collègues relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes :
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 235) ;
    Fixation de l'ordre du jour.
    Discussion de la proposition de résolution, n° 162, de M. Patrick Ollier tendant à modifier l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale :
    M. Jacques-Alain Benisti, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 237).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement.
    Déclaration du Gouvernement sur la question de l'Irak et débat sur cette déclaration.
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 190, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi :
    M. Pierre Morange, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 231).
    La séance est levée.
    (La séance est levée le jeudi 4 octobre 2002 à zéro heure cinquante-cinq).

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 8 octobre 2002, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

MODIFICATIONS
À LA COMPOSITION DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et Décrets, du 4 octobre 2002)
    Groupe de l'Union pour la majorité présidentielle
(354 membres au lieu de 353) :

    Ajouter le nom de M. Jean-François Régère.

    Groupe Union pour la démocratie française
(26 membres au lieu de 27) :

    Supprimer le nom de M. Jean-François Régère.

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
    
Conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés

    En application de l'article R. 228-5 du code de la sécurité sociale, M. le président de l'Assemblée nationale et M. le président du Sénat ont, par décision conjointe, désigné, le 3 octobre 2002, M. Bernard Accoyer, député, comme président du conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

    Conseil de surveillance de la Caisse nationale
des allocations familiales

    En application de l'article R. 228-5 du code de la sécurité sociale, M. le président de l'Assemblée nationale et M. le président du Sénat ont, par décision conjointe, désigné, le 3 octobre 2002, Mme Marie-Jo Zimmermann, députée, comme vice-présidente du conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales.

    Conseil de surveillance de la Caisse nationale d'assurance
vieillesse des travailleurs salariés

    En application de l'article R. 228-5 du code de la sécurité sociale, M. le président de l'Assemblée nationale et M. le président du Sénat ont, par décision conjointe, désigné, le 3 octobre 2002, M. Denis Jacquat, député, comme président du conseil de surveillance de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

    Conseil de surveillance de l'Agence centrale des organismes
de sécurité sociale

    En application de l'article R. 228-5 du code de sécurité sociale, M. le président de l'Assemblée nationale et M. le président du Sénat ont, par décision conjointe, désigné, le 3 octobre 2002, M. Dominique Dord, député, comme vice-président du conseil de surveillance de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

annexes au procès-verbal
de la 3e séance
du jeudi 3 octobre 2002
SCRUTIN (n° 14)


sur les amendements n° 4 de Mme Billard et n° 133 de M. Gorce tendant à supprimer l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

Nombre de votants

106


Nombre de suffrages exprimés

106


Majorité absolue

54


Pour l'adoption

22


Contre

84

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 82 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 19 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 15)


sur les amendements n° 5 de Mme Billard et n° 134 de M. Gorce tendant à supprimer le I de l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

Nombre de votants

117


Nombre de suffrages exprimés

117


Majorité absolue

59


Pour l'adoption

25


Contre

92

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 90 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 22 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 16)


sur l'amendement n° 30 de M. Gremetz à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (majoration de salaire en vue de la compensation des heures supplémentaires accomplies par le salarié).

Nombre de votants

122


Nombre de suffrages exprimés

122


Majorité absolue

62


Pour l'adoption

27


Contre

95

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 93 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 24 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 17)


sur l'amendement n° 155 de M. Gorce à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (interdiction des majorations de salaire d'heures supplémentaires inférieures à 25 %).

Nombre de votants

97


Nombre de suffrages exprimés

97


Majorité absolue

49


Pour l'adoption

21


Contre

76

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 74 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 18 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 18)


sur l'amendement n° 31 de M. Gremetz à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (procédure et effets des conventions et accords collectifs).

Nombre de votants

101


Nombre de suffrages exprimés

101


Majorité absolue

51


Pour l'adoption

21


Contre

80

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 80 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 18 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 19)


sur l'amendement n° 157 de M. Gorce à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (refus du salarié d'effectuer les heures supplémentaires proposées par l'employeur).

Nombre de votants

91


Nombre de suffrages exprimés

91


Majorité absolue

46


Pour l'adoption

15


Contre

76

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 76 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.