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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 9 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 8 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Conduite automobile sous l'influence de drogues. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Richard Dell'Agnola, rapporteur de la commission des lois.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Lionnel Luca,
René Dosière,
Jean-Pierre Abelin,
André Gerin,
Hervé Mariton,
Bernard Roman,
Yves Cochet,
Jean-Claude Lemoine,
Armand Jung,
Jean-Paul Garraud,
Christian Cabal,
Patrick Delnatte,
Jacques Myard.
Clôture de la discussion générale.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.
M. le garde des sceaux.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er «...»

MM. Christian Estrosi, Guy Geoffroy, Jérôme Lambert, Pierre Lang, Alain Ferry.
Amendement n° 7 du Gouvernemnent : MM. le garde des sceaux, le rapporteur, René Dosière. - Adoption.
Amendement n° 2 de M. Salles : MM. Jean-Pierre Abelin, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 11 de M. Ferry : MM. Alain Ferry, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 9 de M. Dell'Agnola : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2. - Adoption «...»
Après l'article 2 «...»

Amendement n° 1, deuxième rectification, de M. Abelin : MM. Jean-Pierre Abelin, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 5 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
L'amendement n° 3 de M. Salles n'a plus d'objet.

Article 3 «...»

Amendement de suppression n° 6 du Gouvernement : MM. le garde des sceaux, le rapporteur. - Adoption.
L'article 3 est supprimé.

Après l'article 3 «...»

Amendement n° 8 de M. Luca : M. Lionnel Luca. - Retrait.
Amendement n° 10 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, le garde des sceaux, René Dosière, Patrick Delnatte. - Rejet.

Titre «...»

L'amendement n° 4 de M. Salles n'a plus d'objet.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
René Dosière,
Lionnel Luca.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
2.  Modification de l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale. - Discussion d'une proposition de résolution «...».
M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur de la commission des lois.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC
DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Patrick Ollier,
François Brottes,
François Sauvadet,
Daniel Paul,
Yves Coussain,
Mme
Marcelle Ramonet.
Clôture de la discussion générale.
M. le rapporteur.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Articles 1er et 2. - Adoption.
VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de résolution.
3.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

CONDUITE AUTOMOBILE SOUS L'INFLUENCE
DE DROGUES

Discussion d'une proposition de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Richard Dell'Agnola, Lionnel Luca, Jacques Barrot, Bernard Accoyer et des membres du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et apparentés, relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes (n°s 194, 235).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui vient en discussion aujourd'hui vise à réprimer la conduite sous l'influence de plantes ou de substances classées comme stupéfiants.
    C'est une question que nous connaissons bien pour avoir déjà eu à en débattre à de nombreuses reprises au sein de cette assemblée. Cependant, ce débat n'a jamais été mené à son terme. Il est pourtant grand temps que la France prenne toute la mesure de ce problème et en tire les conséquences législatives.
    En effet, avec plus de 8 000 morts et 154 000 blessés sur les routes en 2001, notre pays figure parmi les pays les plus meurtriers d'Europe. Les jeunes sont les principales victimes des accidents de la route.
    Nous assistons depuis le début des années 90 à une forte augmentation de la consommation de stupéfiants dans cette catégorie. Selon les résultats d'une enquête réalisée par l'observatoire français des drogues et toxicomanies, le nombre de jeunes de dix-huit ans ayant déjà fumé au moins une fois du cannabis au cours de leur vie a été multiplié par plus de deux au cours des dix dernières années.
    Cette consommation s'est accrue, s'est banalisée, mais elle a aussi changé de nature. De nouveaux comportements sont apparus, plus dangereux.
    Au contraire des années 70, l'usage de stupéfiants est devenu une pratique collective, notamment lors de rave parties. Il se caractérise par l'association de divers produits auxquels s'ajoute souvent l'alcool. Autre élément d'évolution : les principes actifs des produits utilisés sont de plus en plus concentrés. Il faut ainsi savoir que la teneur en THC du cannabis est passée de 7 à 10 % il y a une vingtaine d'années, à près de 15 à 20 % aujourd'hui.
    Cet accroissement de la consommation de drogue a incontestablement des conséquences néfastes sur la sécurité routière. En effet, les études scientifiques menées en France comme à l'étranger depuis dix ans sur cette question ont montré un lien direct entre consommation de drogue et accidents de la route. Toutes font le même constat accablant : l'usage de drogue entraîne des troubles du comportement et une altération des réflexes qui peuvent avoir des effets dramatiques au volant.
    Une étude récente réalisée par le docteur Patrick Mura, responsable de la commission Drogue et conduite automobile à la Société française de toxicologie, révèle que la prise de cannabis, principal produit utilisé aujourd'hui par les jeunes, multiplie par 2,5 la fréquence des accidents chez les conducteurs âgés de moins de vingt-sept ans et par 4,8 lorsqu'elle est associée à la consommation d'alcool.
    Une enquête récente réalisée au Québec, entre avril 1999 et novembre 2001, à la demande de la Société de l'assurance automobile, confirme les effets néfastes de la drogue au volant dans des proportions du même ordre. Il en ressort qu'environ un quart des accidents mortels est dû à une consommation de psychotropes illicites.
    Face à cette réalité préoccupante, nos voisins européens ont adopté, dans leur très grande majorité, des lois qui font de la conduite automobile sous l'influence de stupéfiants une infraction spécifique, et qui donnent aux forces de police des pouvoirs de contrôle en la matière.
    Tel le cas de l'Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal, de la Suède, mais également d'un pays réputé plus permissif, les Pays-Bas. Le Royaume-Uni a même été jusqu'à faire de l'homicide par imprudence commis par un conducteur sous l'emprise de stupéfiants une infraction spécifique punie d'une peine d'emprisonnement de dix ans.
    La France, curieusement, est restée à l'écart de ce mouvement, à tel point qu'elle n'est toujours pas en mesure de respecter les recommandations européennes en matière de drogue au volant, en particulier la directive européenne du 29 juillet 1991, applicable depuis le 1er juillet 1996.
    Cette directive précise que « le permis de conduire ne doit être ni délivré, ni renouvelé à tout candidat ou conducteur en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotrope ou qui, sans être dépendant, en abuse régulièrement ».
    Du Livre blanc de 1995 qui, pour la première fois, dénonçait les effets des stupéfiants sur la sécurité routière, à la proposition de loi que nous vous présentons aujourd'hui, sept années se sont écoulées. Au cours de ces sept ans, plusieurs propositions de loi ont été déposées sur le bureau de notre assemblée, mais aucune n'a été votée. La loi du 18 juin 1999 et celle du 15 novembre 2001 ont permis la mise en place de premières mesures d'évaluation sans toutefois créer un délit spécifique.
    Ces réponses sont à l'évidence insuffisantes au regard de l'ampleur et de la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés, d'autant que les dispositions pénales qui interdisent l'usage de stupéfiants ne permettent pas de sanctionner la conduite sous l'influence de drogues illicites. Il faut savoir que moins de 1 % des personnes concernées par un usage répété de drogues illicites ont été condamnées en 1999.
    Permettez-moi de m'interroger : combien de drames comme celui de Marilou, petite fille de neuf ans tuée par un chauffard sous l'emprise du cannabis, auraient pu être évités si la France avait légiféré plus tôt dans ce domaine ? Nous ne le saurons sans doute jamais.
    Reste que les dispositifs mis en place chez nos voisins ont fait la preuve de leur efficacité. L'exemple de la Sarre en Allemagne est édifiant : la mise en place d'un dépistage de stupéfiants avant restitution du permis de conduire, par une analyse de cheveux, a permis de faire baisser le nombre de décès de 66 % chez les moins de vingt-cinq ans !
    J'ajoute que, contrairement à ce qui est parfois avancé, aucun obstacle scientifique ne justifie un tel retard, d'autant qu'un dispositif de dépistage et d'analyse fiable existe. En effet, un premier test par les urines permet de détecter la présence de stupéfiants, puis, s'il se révèle positif, un prélèvement sanguin est effectué afin de préciser le dosage exact et la date de consommation du produit.
    Tout plaide donc aujourd'hui pour une avancée majeure de notre législation dans ce domaine.
    Le chef de l'Etat, qui a fait de la lutte contre l'insécurité routière l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, a d'ailleurs demandé tout récemment « un durcissement des règles pour la conduite sous l'emprise de stupéfiants ».
    C'est dans ce contexte que s'inscrit la proposition de loi que nous vous soumettons aujourd'hui. Elle tend à combler un vide juridique incompréhensible et à nous mettre en conformité avec les recommandations européennes déjà appliquées dans la plupart des pays de l'Union. Pour ce faire, elle prévoit la création d'un délit de conduite sous l'influence de stupéfiants et l'extension du dépistage.
    Ce texte, que nous avons voulu équilibré, s'appuie sur le dispositif mis en place pour lutter contre l'alcool au volant. La commission des lois a d'ailleurs adopté plusieurs amendements harmonisant les deux dispositifs.
    Premièrement, le dispositif crée un délit de conduite sous l'empire de stupéfiants, sanctionné des mêmes peines que le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, soit deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende. En cas d'homicide ou de blessures involontaires, les peines seront portées au double.
    Les peines complémentaires seront celles déjà appliquées contre l'alcool au volant : suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire, annulation du permis de conduire avec interdiction d'en solliciter un nouveau pendant une durée maximale de trois ans, enfin peines de jours-amendes et travail d'intérêt général.
    La commission a adopté un amendement de notre collègue Jean-Paul Garraud qui prévoit, en cas d'annulation du permis de conduire dès la première infraction, que la délivrance d'un nouveau permis soit subordonnée au fait que l'intéressé ait été reconnu apte à l'issue d'un examen médical, biologique et psychotechnique effectué à ses frais.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Nous pensons que la mise en place d'une interdiction claire permettra de sensibiliser plus fortement encore l'opinion publique, en particulier les jeunes, aux dangers de la conduite sous l'influence de drogues.
    Deuxièmement, le dispositif proposé autorise les forces de l'ordre à organiser des contrôles aléatoires de dépistage. Ces contrôles préventifs pourront être organisés « même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident ». Ils permettront aux officiers de police judiciaire de réaliser des opérations coup de poing, telles celles qui existent déjà contre l'alcool au volant.
    La commission a également adopté une disposition précisant les peines qui s'appliquent lorsque le conducteur refuse de se soumettre à ces tests.
    Ces contrôles, aujourd'hui malaisés à organiser sur le plan pratique, devraient se développer avec l'amélioration des techniques de dépistage. Des tests par la salive et la sueur sont déjà pratiqués en Allemagne. Pour l'heure, un effort de formation des officiers et agents de police judiciaire, mais également des médecins urgentistes chargés des analyses et des tests, devrait permettre de surmonter une part importante de ces difficultés de mise en oeuvre.
    Troisièmement, le texte instaure un dépistage systématique de la présence de stupéfiants chez tout conducteur impliqué dans un accident corporel. C'est actuellement une simple possibilité, laissée à l'appréciation des officiers de police judiciaire. Ce dépistage systématique permettra aussi de contrôler les conducteurs impliqués dans des accidents graves qui ont entraîné la mort de personnes dans les heures ou les jours qui ont suivi.
    Les personnes qui refuseraient de se soumettre à un tel dépistage seraient passibles de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
    L'application de ces nouvelles dispositions nécessite à l'évidence la mobilisation de moyens humains et financiers importants en termes d'effectifs, de matériel, de formation, etc. Nous voulons voir, dans l'engagement pris par les plus hautes autorités de l'Etat de faire de la lutte contre l'insécurité routière une priorité, un gage de la mise en oeuvre de ce texte.
    Tel est l'objet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi qui vient en débat aujourd'hui a pour objet de créer une nouvelle infraction qui réprime le fait de conduire un véhicule sous l'empire de produits stupéfiants. Je tiens d'ores et déjà à vous dire que le Gouvernement apporte son soutien à cette proposition de loi.
    Il est en effet urgent de légiférer en la matière pour répondre à l'attente de l'opinion publique, qui s'inquiète légitimement de voir de plus en plus souvent des conducteurs impliqués dans des accidents corporels alors qu'ils ont consommé des produits stupéfiants. Cette information nouvelle du public et des pouvoirs publics résulte en partie de la législation actuelle, qui autorise le dépistage des produits stupéfiants en cas d'accident corporel. Ce dépistage est même obligatoire en cas d'accident mortel de la circulation routière. Il a été rendu obligatoire en 1999 pour faciliter la réalisation d'une étude épidémiologique dont l'objet était de déterminer l'effet de certains produits, notamment du cannabis, sur le comportement du conducteur. Il convient maintenant d'agir.
    Votre initiative, monsieur le rapporteur, est donc tout à fait opportune. De plus, elle intervient à un moment où plusieurs experts judiciaires déclarent que le lien entre accidents de la route et consommation de cannabis est clairement établi.
    Ils se fondent sur des études menées à l'étranger et sur une étude française réalisée entre 2000 et 2001, qui a révélé que, lorsque des conducteurs de moins de vingt-sept ans avaient consommé du cannabis, la fréquence des accidents était multipliée par 2,5. Cette dernière étude a été réalisée à partir des analyses de sang pratiquées sur 900 conducteurs et 900 sujets témoins.
    Depuis octobre 2001, les résultats concernant les conducteurs impliqués dans un accident mortel corroborent ces résultats sur plus de deux mille cas : selon les régions, il y aurait de 12 à 17 % des conducteurs, tous âges confondus, qui étaient sous l'influence du cannabis au moment de l'accident, et plus de 20 % chez les moins de vingt-sept ans.
    Par ailleurs, ces scientifiques considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'avoir établi un seuil de concentration sanguine pour créer cette incrimination.
    Il est donc juridiquement possible d'instaurer dès maintenant l'infraction de conduite sous l'influence de stupéfiants. Je pense toutefois que, pour éviter d'inutiles débats devant les juridictions, la rédaction de l'incrimination pourrait être modifiée, afin de faire apparaître que tout conducteur pour lequel une analyse sanguine démontre qu'il a fait usage de stupéfiants est coupable du nouveau délit. J'ai déposé un amendement en ce sens et je m'en expliquerai plus précisément lorsqu'il sera examiné.
    Le texte de votre commission traite également de la question fondamentale du dépistage, qui conditionne l'application effective des nouveaux textes.
    S'agissant des hypothèses d'accidents mortels de la circulation, le dépistage est actuellement obligatoire. Pour les accidents simplement corporels, il est aujourd'hui facultatif, et vous proposez de le rendre obligatoire. Enfin, vous prévoyez des contrôles aléatoires, pour lesquels vous estimez, après réflexion, qu'ils ne pourront donner lieu à des épreuves de dépistage que s'il existe des raisons plausibles de penser que le conducteur a fait usage de stupéfiants.
    Je me demande si, dans un souci de pragmatisme, cette condition ne devrait pas être aussi retenue pour les accidents corporels. En ce cas, le dépistage serait également facultatif, sauf s'il y a des raisons plausibles de soupçonner le conducteur, le dépistage deviendrait alors obligatoire.
    Je pense que cette question pourra être approfondie au cours de la navette, car le texte de votre commission me paraît pouvoir être adopté en l'état par l'Assemblée.
    Je tiens simplement à rappeler que le dépistage des stupéfiants, ne peut se faire aussi simplement que celui de l'alcool. En effet le dépistage de l'alcoolémie au volant est opéré à l'aide d'un test de dépistage par l'air expiré, qui est le plus souvent un test chimique et relativement peu onéreux. Pour ce qui est des produits stupéfiants, le dispositif est plus compliqué et aussi beaucoup plus onéreux. Le coût de cette mesure n'est certainement pas étranger au retard apporté à la création de cette incrimination.
    En effet, on a dénombré 116 745 accidents corporels en 2001 qui ont causé la mort de 7 720 personnes et sont à l'origine des blessures de 153 945 victimes de la route. Ainsi, si l'on doit faire procéder à un dépistage sur l'ensemble des conducteurs impliqués dans un accident corporel ce sont entre 200 000 et 250 000 dépistages qui doivent être réalisés. Or le coût d'un dépistage dans les urines est d'environ 25 euros et le coût des honoraires du médecin est tarifé à 30 euros sur le chapitre des frais de justice. En cas de résultat positif, la recherche et le dosage dans le sang fait également l'objet d'une taxation sur le chapitre des frais de justice, qui est de 241,48 euros.
    Malgré l'importance des chiffres que je viens de donner, je tiens à vous dire immédiatement et solennellement que le Gouvernement s'engage à dégager les moyens financiers et humains nécessaires à la mise en oeuvre de cette disposition dans des conditions satisfaisantes. D'ailleurs, j'ai déposé, en accord avec le ministre de l'économie et des finances, un amendement supprimant l'article 3 de la proposition qui gageait ces nouvelles dispositions.
    Je souhaiterais tout au plus que, au cours de la navette, nous puissions, d'un commun accord, encadrer cette mesure nouvelle pour éviter tout dérapage budgétaire.
    En ce qui concerne les peines réprimant ce nouveau délit, la proposition de loi les aligne sur celles encourues pour le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique. Elles sont portées au double lorsque ce nouveau délit est causé en même temps qu'un homicide ou des blessures involontaires commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule.
    Je m'associe pleinement aux paroles que vous avez eues pour les victimes ; votre proposition de loi s'articule parfaitement avec le plan d'action que j'ai présenté en conseil des ministres le 18 septembre dernier.
    Vous avez été, monsieur le rapporteur, l'instigateur de cette proposition de loi et je vous en remercie. Ce texte nous permettra de franchir une nouvelle étape importante. Grâce à votre pugnacité, l'initiative en revient au Parlement.
    Comme vous l'avez souligné dans votre rapport, le Premier ministre présidera à la fin du mois de novembre un comité interministériel de sécurité routière au cours duquel sera programmé un ensemble de mesures pour mieux lutter contre l'insécurité routière, dont certaines sont de nature législative.
    Lors de son allocution du 14 juillet dernier, le Président de la République a fait de la lutte contre l'insécurité routière l'un des trois grands chantiers de son quinquennat. Nous devons tous conjuguer nos efforts pour lutter efficacement contre ce fléau. Je vous demande donc d'adopter cette proposition de loi, avec les amendements dont nous allons discuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si cette proposition de loi est une des toutes premières présentées par la nouvelle majorité présidentielle dans le cadre de la niche parlementaire, ce n'est évidemment pas le fruit du hasard.
    Ce texte s'inscrit dans le cadre de la volonté du Président de la République de faire de la sécurité routière l'une des grandes causes nationales de son mandat, là où le précédent gouvernement, il faut bien le dire, a malheureusement échoué ; malheureusement, dis-je, car c'est un sujet trop grave pour que le débat politicien y interfère.
    On peut donc regretter que certains aient pu en commission évoquer « la politique revancharde de la droite » à propos d'un texte qui ne vise qu'à renforcer la sécurité sur les routes en pratiquant un dépistage systématique pour la recherche de produits stupéfiants, comme c'est déjà le cas pour l'alcool.
    La proposition de loi présentée par notre collègue, Richard Dell'Agnola, est un bon texte, nécessaire, de bon sens et préventif.
    Nécessaire, car c'est une évidence constatée que la consommation de produits stupéfiants a crû, en particulier pour les amphétamines, avec l'ecstasy, et surtout pour le cannabis, notamment chez les jeunes : la consommation de cannabis chez les dix-huit ans est ainsi passée de 3 à 14 % entre 1993 et 1999 pour les filles et de 11 % à 29 % pour les garçons.
    Nécessaire, car le lien entre les accidents de la route et la consommation de produits stupéfiants est bien établie : la fréquence des accidents est multipliée par quelque deux fois et demi. C'est si vrai que les premiers résultats de l'étude prévue dans la loi du précédent gouvernement pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel montrent que, sur plus de 2 000 cas, 12 à 17 % des conducteurs de tous âges étaient sous l'influence du cannabis au moment de l'accident et plus de 20 % chez les moins de vingt-sept ans. Du reste, comment peut-on faire semblant de s'interroger sur les effets de ces produits dont il est bien connu qu'ils agissent sur la perception du temps, des distances, qu'ils provoquent des troubles notoires allant de l'euphorie à l'agressivité, en passant par l'anxiété, avec la disparition des inhibitions et l'indifférence vis-à-vis de l'environnement ? Dès lors, comment s'étonner, au-delà des accidents provoqués, de la recrudescence de comportements au volant inconnus jusque-là : agressions verbales disproportionnées, violences physiques pouvant aller jusqu'au meurtre, dont les femmes sont d'ailleurs trop souvent les premières victimes ? Ces attitudes insupportables sont trop souvent excusées par des formules creuses, bien dignes de notre époque : « il a disjoncté », ou bien encore : « il a pété les plombs ». Non, il n'a pas « disjoncté », il n'a pas « pété les plombs » : il était le plus souvent dans un état second. Ajoutons que le mélange de ces produits et de l'alcool est particulièrement détonant et explique pour une large part l'aggravation de la situation.
    Ce texte était nécessaire, au point qu'il était déjà, incidemment, reconnu comme tel par le précédent gouvernement. Le ministre délégué à la santé et le ministre de l'équipement n'affirmaient-ils pas conjointement, le 28 août 2001 : « le nouveau dépistage des stupéfiants permettra de mettre en évidence et de préciser le risque lié à la consommation de substances psycho-actives » ? La lettre circulaire du 2 août 2001 du ministre délégué à la santé affirmait même que 30 % des conducteurs pourraient être dépistés positifs, soit 1 200 sur les 9 500 impliqués dans les accidents, et que le nombre des prélèvements sanguins prévisibles s'élèverait à 6 700 par an.
    Texte nécessaire puisque ainsi une directive européenne est entrée en vigueur le 1er juillet 1996 et que les Etats membres de l'Union européenne sont tenus de l'appliquer, ce qu'ont fait nos partenaires sans états d'âme, alors que certains, sur ces bancs, semblent la remettre en cause. L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, le Royaume-Uni pratiquent tous le dépistage systématique ; il n'y a donc aucune raison sérieuse pour que la France s'y soustraie plus longtemps.
    Nécessaire, enfin, car l'examen de cette proposition de loi n'a rien de précipité et n'a rien à voir avec un réflexe sécuritaire que certains se plaisent à décrire. Rappelons que la proposition de notre collègue Richard Dell'Agnola remonte tout de même à avril 1997 et que seule la dissolution a remis son examen en cause, sans oublier plusieurs textes déposés entre-temps par nos collègues Bernard Accoyer et Patrick Delnatte, ainsi que votre serviteur, ou encore les amendements de Thierry Mariani ; autant de textes que la gauche a combattus ou refusé de mettre à l'ordre du jour. Celui-ci s'inscrit donc dans une continuité, même si, je l'ai dit, la situation s'est aggravée depuis, au point qu'il nous fallait légiférer sans plus attendre.
    Texte nécessaire, mais aussi de bon sens : qui peut comprendre que l'on dépiste systématiquement l'alcool, produit légal, alors que, dans le même temps, rien ne serait fait pour un produit illégal ? C'est du reste un paradoxe que d'être obligé de faire une loi pour imposer le dépistage de produits illégaux qui devraient être réprimés comme tels ! Comment l'expliquer, sinon par le laxisme généralisé auquel certains de nos collègues ont contribué, dans cet hémicycle, à une période récente ? Les produits stupéfiants étant illégaux, le problème du dosage et du seuil ne se posera donc pas.
    Texte de bon sens encore, puisque le dépistage, déjà prévu en cas d'accident mortel, a été étendu aux accidents corporels. Peut-on nous reprocher d'intervenir préventivement plutôt qu'une fois l'accident survenu ?
    Texte nécessaire, texte de bon sens, texte préventif enfin. En effet, et je veux y insister, pour bon nombre de consommateurs occasionnels ou réguliers, et notamment pour les plus jeunes, la présente proposition de loi peut constituer un révélateur du danger de la consommation de ces produits, alors qu'une certaine gauche, que j'appellerai « hallucinogène », a fini, à force de banalisation, par faire croire que seul l'alcool au volant était dangereux. Une véritable prise de conscience ne peut que réduire le nombre des accidents, et donc des victimes.
    Richard Dell'Agnola a rappelé le cas exemplaire de la Sarre, qui a mis en place, depuis le 1er janvier 2000, un dépistage systématique des drogues dont les résultats sont effectivement spectaculaires par comparaison avec le reste du pays, où ils sont beaucoup plus aléatoires : les décès y ont chuté de 68 % contre 3 % dans le reste de l'Allemagne, le nombre de blessés graves de 34 % contre 9 % et le nombre de blessés légers de 29 % contre 6 %.
    C'est dire, mes chers collègues, à quel point nous nous honorerions tous de voter cette proposition de loi. Il serait important que l'opinion sache qu'à l'Assemblée nationale, au-delà des clivages et des différences de sensibilité, lorsque la vie d'innocentes victimes est en cause, nous pouvons unanimement nous mobiliser pour combattre cette cause insupportable de violence routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant d'aborder le fond même de cette proposition de loi, je voudrais souligner, pour m'en réjouir, la priorité accordée par le Président de la République, donc par sa majorité, à la lutte contre l'insécurité routière.
    Depuis cette déclaration, les prises de position ministérielles les plus diverses expriment la ferme intention de réduire significativement le nombre des victimes de la route, comme ce fut le cas lors des états généraux de la sécurité routière. Ainsi, il est fini le temps où certains de nos anciens collègues, aujourd'hui ministre ou président de la commission des lois, n'hésitaient pas à saisir le Conseil constitutionnel pour obtenir l'annulation des deux principales dispositions répressives contenues dans la loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière, pourtant votées à l'unanimité par le Sénat.
    M. Bernard Roman. Il fallait le rappeler !
    M. René Dosière. Il convient donc de saluer les effets bénéfiques du fait majoritaire.
    S'agissant du sujet qui nous occupe ce matin, je dois souligner la constance de nos collègues qui, tout au long de la précédente législature, et même antérieurement pour le rapporteur, ont tenté en vain de faire prévaloir leur point de vue. Malgré la brièveté des délais, qui semble désormais, monsieur le président de la commission des lois, devenir la règle commune pour l'examen de tous les textes, du moins jusqu'à présent, j'ai pris le temps de relire les débats auxquels avait donné lieu cette question. Ca, quelles que soient ses vertus, le fait majoritaire ne saurait modifier la complexité du sujet à l'ordre du jour : l'usage des stupéfiants au volant.
    Il convient tout d'abord de rappeler que si la France ne dispose pas d'une législation spécifique concernant la conduite d'un véhicule sous l'emprise de stupéfiants, c'est tout simplement parce que l'usage de ces produits illicites, d'une manière générale, est interdit depuis la loi du 31 décembre 1970 : tout usager de stupéfiants, sans distinction de l'usage ni du produit, encourt un an d'emprisonnement. L'usage des stupéfiants est donc d'ores et déjà sanctionné dans notre pays. Il est vrai que, dans la pratique, le respect de la loi est une notion relativement souples,...
    M. Lionnel Luca et M. Christian Estrosi. La faute à qui ?
    M. René Dosière. ... au point que, dans nos établissements scolaires, le nombre de jeunes consommateurs de cannabis est vraisemblablement supérieur au nombre de ceux qui n'en connaissent pas l'usage. Fort heureusement, les usagers demeurent pour la plupart occasionnels et ne vont pas jusqu'à l'abus nocif. Mais je laisse à mon collègue Bernard Roman le soin de développer excellemment, comme il sait le faire, ces questions relatives à l'usage de la drogue.
    En second lieu, je voudrais faire observer qu'il est un peu abusif de rapprocher la répression de l'alcool au volant et celle de la drogue. Si nous connaissons parfaitement les effets de la consommation alcoolique, qui n'est pas illégale, elle, au point qu'on a fixé un taux limite d'alcoolémie, il en va autrement pour la drogue - je devrais dire les drogues, et même les substances psychotropes. Le ministre a d'ailleurs souligné cet aspect dans son intervention.
    C'est d'ailleurs la raison pour laquelle a été décidée en 1999 une étude épidémiologique visant à déterminer scientifiquement les conséquences de la consommation de stupéfiants sur le comportement des conducteurs. Bien entendu, il n'est pas besoin d'une telle étude pour reconnaître le caractère nocif de cet usage : nombre de cas tragiques en témoignent. Mais si l'on veut légiférer à bon escient, il est nécessaire de conduire à terme cette étude, actuellement en cours sous la responsabilité du professeur Claude Got, dont on connaît les fortes convictions et le combat qu'il mène depuis longtemps en faveur de la sécurité routière. Sans doute est-il regrettable d'avoir dû, pour l'entamer, attendre deux ans la publication du décret prévu par la loi du 18 juin 1999.
    M. Lionnel Luca. Qui gouvernait ?
    M. René Dosière. Je ne doute pas que la nouvelle majorité sera plus performante pour la parution des décrets d'application de cette proposition de loi, afin que celle-ci entre effectivement en application, au-delà des effets d'annonce.
    Cela dit, cette lenteur s'explique aussi par les difficultés techniques qui subsistent en matière de dépistage des drogues. Je ne suis pas sûr qu'elles aient toutes disparu. Je n'en veux pour preuve que ce que le rapporteur lui-même écrit sur les difficultés qui subsistent dans la conduite de cette étude.
    Quoi qu'il en soit, il nous semble important que cette enquête épidémiologique puisse être conduite à son terme et en toute rigueur scientifique. Telle était d'ailleurs l'opinion du Sénat, exprimée à l'occasion de la discussion de la loi sur la sécurité quotidienne en mai 2001. L'Assemblée ayant adopté un amendement de notre collègue Mariani visant à prévoir le dépistage des stupéfiants sur tous les conducteurs impliqués dans un accident, disposition reprise dans le texte de la présente proposition de loi, le sénateur Schosteck déclarait : « Une telle mesure est à l'évidence impossible à mettre en oeuvre : on ne peut pas imaginer qu'un mécanisme aussi lourd puisse se mettre en place pour un simple froissement de tôle ». C'est du reste la raison pour laquelle le Sénat avait décidé de ne pas rendre ce dépistage obligatoire craignant, entre autres conséquences, que celui-ci ne fausse l'étude épidémiologique en cours. En effet, toujours selon le sénateur Schosteck, « si le même article rend possible le dépistage lors d'accidents d'un autre type que les accidents mortels, les résultats de cette étude risquent d'être faussés ».
    Bien évidemment, nous sommes tous scandalisés par les comportements assassins de certains conducteurs, que ceux-ci aient consommé des stupéfiants ou pas, mais le législateur ne doit pas se laisser guider par l'émotion.
    Au demeurant, à supposer que ce texte soit opérationnel, ce dont je doute, son application entraînera de nouvelles injustices. Les scientifiques eux-mêmes nous ont mis en garde. Pour le professeur Got, « on va sanctionner pour de faibles doses et pour un risque qui n'est pas prouvé scientifiquement ». Le professeur Lagier nous rappelle quant à lui dans son livre blanc que l'analyste peut se trouver dans l'incapacité de différencier deux urines émises, l'une par un consommateur de morphine ou d'héroïne, l'autre par un patient qui aurait absorbé de la codéine à visée thérapeutique en période hivernale. Il ajoute : « cette restriction fondamentale doit demeurer présente à l'esprit de tous les responsables amenés à prendre une décision au seul vu des résultats analytiques. »
    Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous pensons qu'il est prématuré de légiférer, d'autant que cette proposition de loi, je le rappelle, restera sans effet aussi longtemps que ses décrets d'application n'auront pas été publiés. Or la technicité du dépistage et les difficultés juridiques qui en résultent nous laissent craindre que cette publication ne soit particulièrement tardive.
    S'agissant de la lutte contre l'insécurité routière, l'urgence, monsieur le garde des sceaux, consiste d'abord à faire appliquer strictement la législation existante : 60 % des conducteurs ne respectent pas les limitations de vitesse. S'il en était autrement, si la loi était respectée, le nombre de tués sur la route diminuerait de près de moitié, soit près de 3 000 vies épargnées. Car la vitesse reste, et de loin, la première cause de mortalité sur la route. Le ministre de l'intérieur, lors des états généraux, a stigmatisé en termes sévères les « assassins de la route », beaucoup plus nombreux, faut-il le rappeler, que les criminels de droit commun. Pourquoi le déploiement des forces de police et de gendarmerie reste-t-il aussi discret sur les routes ? Concentrons donc les moyens répressifs là où c'est le plus nécessaire.
    M. Lionnel Luca. Qui a gouverné jusqu'à présent ?
    M. René Dosière. Il est au moins deux mesures qui ne coûteraient rien et dont l'efficacité serait, de mon point de vue, considérable. La première consisterait, pour les responsables politiques, en particulier les ministres, à montrer l'exemple en matière de limitation de vitesse. Sans doute leurs chauffeurs et leurs véhicules sont-ils exceptionnels mais, je le dis comme je le pense, peut-on exiger un comportement civique du peuple si ceux qui le dirigent ne montrent pas l'exemple ?
    M. Lionnel Luca. C'est vrai que M. Gayssot était dangereux au volant ! Il était connu pour ses multiples infractions !
    M. René Dosière. Si l'on veut installer des limitateurs régulateurs de vitesse, pourquoi, monsieur le ministre, ne pas commencer par les véhicules officiels ?
    Deuxième mesure : il faudrait faire savoir à tous les fonctionnaires de police et de gendarmerie que le fait de faire sauter une contravention constitue une faute administrative appelée à être sanctionnée comme telle. On mettrait ainsi fin à ce sport national qui consiste à ne pas payer son procès-verbal. Je n'aurai pas la naïveté de croire que ces deux dispositions vont tout résoudre, au moins témoigneraient-elles déjà d'une réelle volonté politique.
    Autre mesure, efficace elle aussi mais, je le reconnais, nettement plus coûteuses : les campagnes de communication en faveur de la sécurité routière. Actuellement, nous dépensons 7 millions d'euros par an pour communiquer dans les médias en faveur de la sécurité routière, soit vingt centimes d'euro par conducteur. En Espagne, dont la situation s'apparente à la nôtre - densité du réseau, nombres d'accidents, comportement des conducteurs -, on dépense un euro par conducteur, avec des résultats autrement plus efficaces.
    Mme la présidente. Monsieur Dosière, vous avez consommé votre temps de parole.
    M. Patrick Delnatte. A lui aussi, il faut faire respecter les limitations !
    M. René Dosière. Je vais conclure, madame la présidente.
    Je pose donc la question : en 2003, de combien disposera le ministre des transports pour mener ses campagnes en faveur de la sécurité routière ? Aura-t-il les 35 millions d'euros nécessaires pour mener les actions qu'un groupe de travail du Conseil national de la sécurité routière a récemment définies ?
    Ce Conseil national de la sécurité routière, que votre prédécesseur avait mis en place et dont on ignore le rôle que le nouveau gouvernement entend lui faire jouer, a émis ces derniers mois une série de recommandations, d'ailleurs adoptées à l'unanimité, parmi lesquelles le traitement rapide des infractions, ce qui implique la forfaitisation de l'ensemble des contraventions au code de la route et quelques autres dispositions qui concernent directement le ministère de la justice : l'extension du contrôle automatisé, dont les expérimentations en cours ont fait apparaître des points de blocage qu'il faut faire sauter, l'instauration d'un permis probatoire pour les conducteurs novices, puisque c'est chez eux le taux d'accidents le plus élevé. D'autres mesures nécessitent des études complémentaires, comme la mise en place d'une police de la route et le travail est en cours. Mais il est d'ores et déjà possible de mettre sans attendre en application les dispositions préconisées par le Conseil national.
    Pour nous, la présente proposition de loi est insuffisante et elle sera - hélas ! - inefficace pour atteindre l'objectif visé, qui est la lutte contre l'usage des stupéfiants au volant. Elle aura naturellement un effet d'annonce, mais cet effet sera limité.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Dosière !
    M. René Dosière. Voilà pourquoi nous pensons que la réflexion doit être approfondie ; nous suggérons qu'une mission d'information commune aux trois commissions intéressées examine en profondeur ces dispositions.
    C'est à une telle démarche que nous appelons pour que, tous ensemble, nous puissions poursuivre nos efforts dans le combat contre les assassins de la route. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
    M. Jean-Pierre Abelin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 juillet dernier, le Président de la République fixait comme une des trois priorités de son quinquennat la lutte contre l'insécurité routière.
    Le 17 septembre, le Premier ministre, en clôture des assises de la sécurité routière, appelait l'ensemble des Français à se mobiliser contre la violence routière.
    Cette priorité nationale, cet appel à la mobilisation s'expliquent par le très mauvais résultat que la France enregistre, malheureusement, dans ce domaine.
    Malgré tout un arsenal législatif et réglementaire sur le port de la ceinture de sécurité, la limitation de la vitesse ou l'abus d'alcool, malgré les efforts des constructeurs, des pouvoirs publics, des associations, la France, en 2001, a vu le nombre de tués sur les routes augmenter et elle reste la lanterne rouge de la sécurité routière en Europe.
    La France est le pays d'Europe où le nombre de tués par million d'habitant est le plus important, avec un taux de 136,4 à comparer avec les 59,9 de la Grande Bretagne.
    En 1999, la France représentait 15,8 % de la population de l'Union européenne, mais comptait plus de 20 % des tués sur les routes d'Europe.
    Les 15-24 ans paient un tribut particulièrement lourd à la route, puisqu'ils représentent 13 % de la population française, mais 26,9 % des tués sur la route, qui est la première cause de mortalité dans cette catégorie d'âge.
    La tranche des 18-24 ans, qui représentaient en 2000 9,1 % de la population française, compte 1 633 morts, soit 21,4 % de l'ensemble des tués. Un tué sur cinq, un blessé grave sur cinq et un blessé léger sur quatre avaient entre dix-huit et vingt-quatre ans.
    Le Gouvernement est sur le point d'annoncer un plan stratégique contre l'insécurité routière. Il reste un vide juridique criant : si la vitesse et l'alcool au volant, qui sont les principales causes d'accidents en France, font l'objet de sanctions, tel n'est pas le cas de la conduite sous l'emprise de stupéfiants. Pourtant, de nombreux pays en Europe, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède, la sanctionnent.
    La directive européenne du 29 juillet 1991, entrée en vigueur le 1er juillet 1996, précise que le permis de conduire « ne doit être ni délivré ni renouvelé à tout candidat ou conducteur en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotrope ou qui, sans être dépendant, en abuse régulièrement, quelle que soit la catégorie de produit sollicitée ».
    Comparée aux dispositions en vigueur dans les pays qui nous entourent, l'absence en France d'une répression spécifique liée à la conduite sous l'emprise de stupéfiants et des contrôles correspondants constitue une anomalie et une lacune.
    De nombreuses études réalisées à l'étranger - aux Etats-Unis, en Australie, en Allemagne - ont démontré le lien entre accidents de la route et consommation de drogue.
    Une étude française menée entre 2000 et 2001 par le professeur Mura, du CHU de Poitiers, a révélé que, lorsque des conducteurs de moins de vingt-sept ans avaient consommé du cannabis, la fréquence des accidents était multipliée par 2,5.
    Dans cette tranche d'âge, 20 % des conducteurs impliqués dans un accident corporel avaient du THC, le principe actif hallucinogène du cannabis, qui se disperse dans les tissus riches en lipides et atteint donc rapidement le cerveau, diminuant les facultés d'attention et de concentration, entraînant une sensation de détachement de la réalité, parfois d'euphorie, qui conduit à nier le danger.
    En dehors des études en question, il faut prendre en compte les connaissances sur les effets du cannabis, le résultat des tests sur la simulation de conduite et des tests en situation réelle.
    Compte tenu de la banalisation de la consommation, il est urgent de créer un délit de conduite sous l'influence de drogues illicites, d'instituer un contrôle aléatoire de l'usage des stupéfiants sur les routes et un contrôle systématique de l'imprégnation par stupéfiants sur les conducteurs impliqués dans des accidents corporels.
    Un argument souvent avancé par les opposants à une nouvelle législation réside dans l'impossibilité technique du dépistage. Pourtant, les experts judiciaires en toxicologie ont aujourd'hui les capacités techniques et scientifiques de répondre à toute législation visant à diminuer le nombre de morts et de blessés sur les routes ayant pour cause un usage récent du cannabis. Ce dépistage des stupéfiants passe par la mise en évidence de l'altération du comportement puis par le contrôle éthylique, et, en cas de résultat négatif, par une prise de sang par un médecin, enfin, par l'analyse dans un laboratoire compétent du prélèvement réalisé.
    C'est pour toutes ces raisons que le groupe UDF, qui a déposé une proposition de loi en ce sens, votera le texte qui nous est soumis.
    Se référant à la conduite en état d'ivresse ou en état d'imprégnation alcoolique, il propose de compléter le dispositif par un amendement au code des assurances prévoyant la « déchéance de la garantie de l'assuré pour conduite sous l'empire de stupéfiants ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Mme la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'insécurité routière est un grave problème qui a des conséquences sur la sécurité civile et la santé publique. Il est vrai que 8 000 morts et 154 000 blessés sur la route en 2001 constituent des faits inquiétants. Cela concerne des problèmes techniques - état des routes, organisation du réseau, règles de conduite, état du parc automobile, conditions de sécurité et performances en vitesse des véhicules - mais aussi la santé publique, je le répète, l'éducation, la formation de nos concitoyens, leurs réactions face aux questions de violence et leur comportement en voiture. Le civisme, le respect de sa propre vie et de celle des autres ne s'interrompent pas dans l'habitacle.
    La présente proposition de loi nous semble inutile, inopportune et inefficace car elle ne porte pas sur les questions de fond. Ce texte vise à réprimer la conduite sous l'emprise de drogues illicites. En commission des lois, il a été rebaptisé « conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants ».
    Il vous faut montrer, mesdames, messieurs de la droite, que le combat est mené contre de nouveaux délinquants. Vous avez trouvé un nouveau filon : la tolérance zéro.
    Nous trouvons malsain, voire mensonger, de lier le nombre total de morts et de blessés sur les routes et la seule prise de drogues. Il faut élargir le propos à l'entreprise et aux quartiers et établir un état sérieux de la santé publique. Comment allons-nous définir la notion de seuil ? Le doute sur le risque lié aux stupéfiants est permis.
    La loi du 31 décembre 1970 réprime fortement l'usage et la détention de produits stupéfiants. Le code pénal punit ce délit de dix ans d'emprisonnement et de 7,5 millions d'euros d'amende. Quel est le résultat trente-deux ans plus tard ?
    Par quel bout voulons-nous prendre le problème des toxicomanies et des trafics ? Le prenons-nous à bras-le-corps ou voulons-nous colmater les conséquences des conduites dites à risques ?
    Le coupable désigné est le conducteur et, surtout, voici de nouveaux délinquants : les jeunes conducteurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lionnel Luca. N'importe quoi !
    M. Jean-Pierre Abelin. Quelle honte !
    M. André Gerin. Avec le dispositif législatif actuel, il est toujours possible d'incarcérer un usager de drogues, qu'il soit au volant d'un véhicule ou ailleurs. La réalité de l'application de la loi de 1970 sur cet aspect est que l'emprisonnement des usagers se fait plus rare car c'est compliqué. En tout état de cause, cela ne soigne pas les gens ! Cette loi doit être revue de fond en comble. La prise de cannabis avant de conduire, qui est souvent constatée, montre une réalité, à savoir la banalisation de cette drogue et les efforts de certains pour généraliser la notion de consommation usuelle de drogue.
    Sur ce point, le rapport de notre collègue M. Dell'Agnola est juste : la nocivité de cette substance est plus grande qu'il y a quelques années à cause des améliorations apportées à la culture de la plante dont elle est tirée.
    D'autres personnes attirent l'attention sur les dégâts de l'alcoolisme et des polyconsommations mélangeant médicaments, drogues licites et alcool. Tous font des constats justes, mais tout le monde laisse ce problème de société de côté, en se contentant de peaufiner une politique de réduction des risques. Si celle-ci est indispensable, elle est très insuffisante pour aller au coeur du problème, notamment en matière de dispositions de santé publique et de prévention par l'éducation.
    Je pense que, avec ce texte, nous allons déplacer le problème.
    Notre société s'honorerait de s'y attaquer car des jeunes et des familles subissent ce fléau et ses effets sociaux et économiques indirects : la misère sociale, morale et culturelle.
    Pour ma part, je considère que l'interdit social doit être maintenu pour les drogues illicites mais l'emprisonnement pour l'usage simple et la dépendance, en dehors de tout trafic, devrait être supprimé de la loi de 1970, afin que l'on puisse offrir aux toxicomanes de vraies possibilités de s'en sortir par des moyens médicaux et de se réinsérer.
    Il nous faut en même temps être sans faiblesse contre la légalisation des drogues et la libéralisation de leur usage. Une telle politique devrait prendre en compte certains produits comme l'alcool, même si l'on sait que, pour des raisons quasi historiques, son interdiction n'est pas applicable.
    La sévérité contre les gros bonnets des trafics doit être sans faille. C'est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée en juillet dernier visant à combattre la géopolitique de la drogue et à punir commerçants, trafiquants et mafias.
    Vous faites le choix de la tolérance zéro. Dès lors, pourquoi tolérer une certaine présence d'alcool dans le sang ? Pourquoi ne pas interdire les médicaments psychotropes ?
    La proposition de loi comporte trois articles. Il est créé un délit de conduite sous influence de substances classées comme stupéfiants. Faisant référence aux lois du 18 juin 1999 et du 28 octobre 2001, qui instaurent un dépistage systématique sur les seuls conducteurs impliqués dans des accidents mortels, l'extension de ce dépistage est proposée pour tous les accidents corporels. De plus, un contrôle aléatoire de l'usage de stupéfiants est autorisé sur les routes, comme pour l'alcool. Il nous est donc proposé d'adopter pour les drogues le même dispositif répressif que pour l'alcool.
    Pour appuyer ses propos, le rapporteur fait référence aux directives européennes de 1996 demandant la non-délivrance ou le non-renouvellement du permis pour les conducteurs en état de dépendance vis-à-vis de stupéfiants. Il remarque que la France est en retard pour les études en la matière, par rapport à d'autres pays. Or la résolution du 28 juin 2000 du Conseil de l'Union européenne invite à entamer et poursuivre des recherches sur l'insécurité routière résultant de la conduite sous l'emprise de drogues.
    En ce qui concerne le texte proprement dit, indépendamment du problème de société qu'est la toxicomanie, il y a deux raisons majeures pour lesquelles le groupe des députés communistes et républicains s'opposera à ce texte.
    La loi de 1999 prévoyait une étude épidémiologique. Elle a pris, on le sait, beaucoup de retard. Il faut tout faire pour qu'elle soit réalisée. Il y aura lieu d'envisager des études complémentaires si nécessaire, et il est indispensable d'établir un diagnostic social, notamment pour les populations les plus concernées. Par conséquent, je ne crois pas qu'il y ait urgence à légiférer alors que notre pays manque d'éléments suffisants pour statuer,...
    M. Lionnel Luca. Il suffit d'aller voir dans les hôpitaux ! Quelle inconséquence !
    M. André Gerin. ... mais il y a bien urgence à approfondir les recherches.
    La deuxième raison tient à la fiabilité des tests existants. En décembre 2000, mon collègue Gilbert Biessy avait déjà soulevé la question. Elle est toujours d'actualité. Il est difficile de dépister la consommation de stupéfiants et de faire la différence avec les conséquences de la prise de médicaments.
    Il existe, certes, des tests fiables utilisés aux Etats-Unis mais ils peuvent décaler une consommation datant de plusieurs semaines. Les effets de la drogue sont dissipés, mais selon les articles de la proposition de loi, une personne pourrait cependant se retrouver emprisonnée !
    Il n'est pas question pour nous de nier l'existence de conduites sous l'emprise de drogues, avec ses conséquences pathologiques.
    M. Lionnel Luca. On pourrait pourtant le penser !
    M. André Gerin. Si le législateur veut mettre en oeuvre des mesures ayant des effets pédagogiques sur la population, en particulier sur les jeunes, qu'il utilise les tests, lorsque ceux-ci seront au point, à des fins d'information sur le risque que prend une personne pour sa vie et celle des autres. Un relevé d'usage de produits stupéfiants au volant pourrait être effectué et pourrait servir en cas de nouveau contrôle et de récidive.
    Informer, éduquer sur les risques sanitaires, sur les risques d'homicide involontaire, rappeler la loi - révisée en l'occurrence - conseiller et orienter dans certains cas de dépendance avérée sont des missions nouvelles que les forces de sécurité pourraient mener. On peut imaginer que, dans le cas de l'alcoolisme, des procédures similaires d'orientation vers des soins soient prévues, en plus des sanctions infligées par le code de la route.
    Vous l'aurez compris, nous n'approuvons pas cette proposition de loi et nous ne la soutiendrons pas.
    Les questions de toxicomanie et de sécurité routière méritent, selon nous, un meilleur traitement. Appliquons la tolérance zéro pour l'alcool. Arrêtons la boulimie législative. Commençons par appliquer les lois en vigueur qui, faute de moyens, ont toutes les chances de ne pas être appliquées, de ne servir à rien. Une loi inutile ne peut que renforcer encore l'indifférence à l'égard de la loi.
    De nombreuses associations qui luttent quotidiennement contre les assassins de la route cachent mal leur scepticisme et s'élèvent contre un effet d'annonce politicien, un texte désignant comme coupable une population jeune.
    On peut se demander jusqu'où ira la croisade pour la tolérance zéro sur la route de la majorité présidentielle.
    Le groupe des députés communistes et républicains votera contre cette loi inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici une proposition de loi excellente, car elle cherche à remédier à une situation qui d'évidence n'est pas satisfaisante. Le rapporteur s'est livré à une comparaison entre l'action de notre pays concernant la conduite sous l'emprise de drogues illégales et ce qui se fait à ce propos à l'étranger. Elle illustre l'exception française, néfaste sur ce terrain, en démontrant que notre volonté d'agir est bien plus faible que dans d'autres pays d'Europe.
    Sur ce sujet, certains se livrent à une curieuse interprétation du principe de précaution. On l'a rappelé, une étude épidémiologique est en cours. On en attend les compléments mais, en tout état de cause, il s'agit bien de la consommation de produits illégaux, dont on sait qu'elle comporte des risques particuliers et fait des victimes. Sans doute des précisions scientifiques sont-elles à apporter sur l'ampleur des dégâts, sur le niveau de perte de contrôle de soi de l'automobiliste - et son évaluation - mais le fait en lui-même n'est pas discutable, pas plus que l'illégalité du produit n'est discutée.
    L'application élémentaire du principe de précaution dont on parle si souvent voudrait donc que l'on adopte la proposition qui nous est faite.
    Notre collègue André Gerin, faisant une comparaison, à bien des égards maladroite, avec l'alcool, se demandait pourquoi nous ne proposions pas aussi un taux nul d'alcoolémie. Mais c'est un autre débat et je lui fais observer qu'il y a une différence de fond entre un produit légal et une produit illégal.
    M. André Gerin. Et les médicaments ? Les drogues licites ?
    M. Hervé Mariton. Il faudra bien, en effet, un jour légiférer sur l'usage des médicaments par un conducteur !
    Le garde des sceaux objectait au rapporteur la difficulté de mettre en place des contrôles. Mais comme ce dernier le suggérait dans son rapport et ses annexes, peut-être la France pourrait-elle s'inspirer de ce qui se fait dans certains pays européens, et procéder à des contrôles comportementaux, qui sont plus simples et moins coûteux.
    Comment les choses se passent-elles en Belgique ou au Royaume-Uni ? Les membres des forces de l'ordre pratiquent des contrôles comportementaux lorsque la conduite ou l'état du conducteur leur permettent de supposer que celui-ci a consommé de la drogue. Ils apprécient en particulier un certain nombre de critères physiologiques simples tels que la modification des caractéristiques pupillaires. Je crois comprendre qu'en France, traditionnellement, les forces de l'ordre n'y sont pas très favorables. Je pense cependant que nous y serons conduits. Sinon, la mise en oeuvre de la loi sera bien trop complexe et coûteuse. Le contrôle de comportement, c'est en effet un degré de responsabilité supplémentaire pour les forces de police et de gendarmerie, mais cela me paraît indispensable.
    Cette proposition de loi est présentée alors que l'on affiche une priorité pour la sécurité routière, et je souhaite avancer deux idées.
    D'abord, une visite médicale au moment du permis de conduire permettrait d'attirer l'attention du futur conducteur sur les dangers de la drogue au volant, éventuellement de pratiquer un certain nombre de tests et, évidemment, de lui parler d'autres dangers qui peuvent se présenter lors de la conduite.
    Par ailleurs, nous devons prendre des mesures de sécurité supplémentaires. Si nous voulons que nos compatriotes adhèrent à une telle politique, ils doivent avoir la conviction que tout concourt à la renforcer. Ainsi, il ne faut pas qu'ils aient le sentiment que les amendes sont là pour remplir les caisses de l'Etat.
    M. René Dosière. Ce n'est pas spécialement le cas. Elles ont baissé l'année dernière !
    M. Hervé Mariton. L'autre jour, lors du colloque des états généraux sur la sécurité routière, une image de micro-trottoir montrait quelqu'un répondant que si l'on veut prélever plus d'amendes, c'est parce que l'on veut remplir les caisses de l'Etat.
    M. René Dosière. C'est pour ça qu'on ne les paye pas !
    M. Hervé Mariton. Il faut tout faire pour que nos compatriotes soient convaincus du contraire. Il est donc indispensable, monsieur le garde des sceaux, que le produit des amendes soit clairement consacré aux actions de sécurité routière.
    Mme la présidente. Monsieur Mariton, votre temps de parole est épuisé.
    M. Hervé Mariton. Je vais conclure, madame la présidente.
    Il sera nécessaire de créer un compte d'affectation spéciale, ce qui permettra d'affecter le produit des amendes, en particulier celles infligée à des conducteurs sous l'emprise de la drogue, aux actions de sécurité routière.
    M. René Dosière. C'est déjà le cas !
    M. Hervé Mariton. Pas pour les amendes majorées ni les amendes de justice.
    M. René Dosière. C'est l'interprétation de Bercy !
    M. Hervé Mariton. Comme l'a dit M. Dosière, il ne faut pas multiplier les mesures dans le domaine de la sécurité routière. Il faut surtout vouloir et pouvoir les appliquer. Ce texte a une vertu évidente, c'est de corriger une anomalie, l'insuffisance de notre dispositif législatif en matière de répression de la conduite sous l'empire de la drogue. Il ne s'agit donc pas de multiplier à l'infini les mesures, mais de combler une lacune qui n'honorait pas notre pays et qui ne correspondait pas à notre volonté partagée de lutter pour la sécurité routière.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Je n'ai pas le sentiment, monsieur Luca, de faire partie de ce que vous appelez la « gauche hallucinogène ». Pourtant, je voudrais vous proposer, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une approche différente du vrai problème que nous évoquons aujourd'hui.
    Le combat pour la sécurité routière, M. Dosière l'a dit avant moi, ne peut faire l'objet de polémiques politiciennes. Quand des automobilistes, pour des raisons très diverses, ne disposent pas de l'ensemble de leurs facultés, de leurs réflexes et de leur capacité à assurer une conduite saine, il faut les empêcher de conduire. C'est une évidence pour les produits psychotropes, les drogues, c'est aussi une évidence pour l'alcool. Nous savons la culture qui est le nôtre mais peut-être pourrions-nous nous inspirer d'exemples européens pour aller plus loin que nous ne l'avons fait jusqu'à présent. On pourrait aussi poser d'autres questions, et je pense à la nécessité de contrôler régulièrement les capacités physiques à partir d'un certain âge. Un fait divers cet été a montré que ce n'était pas superflu.
    De ce point de vue, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi peut avoir un intérêt : sensibiliser les consommateurs de cannabis, - disons-le, car c'est d'eux qu'il s'agit très majoritairement -, au risque de conduire lorsqu'ils sont sous l'empire de cette substance. Ce serait certes éphémère, le temps de notre débat et des échos qui en parviendront aux intéressés, mais, s'il s'agissait de trouver une réponse juste et adaptée aux problèmes de ceux qui conduisent sous l'effet de drogues, nous serions à vos côtés et nous dirions un oui franc et massif à votre proposition de loi.
    Mais il ne s'agit pas de cela...
    M. René Dosière. Hélas !
    M. Bernard Roman. ... et nous le regrettons.
    Votre proposition de loi s'inscrit dans un contexte législatif que nous connaissons bien, auquel vous êtes confronté, monsieur le garde des sceaux, comme l'ensemble de vos prédécesseurs, depuis trente ans, sur la pénalisation de l'usage d'un certain nombre de drogues. Une telle pénalisation est paradoxale, stérile, et risque d'être inopérante, M. Dosière l'a parfaitement montré. Cette proposition est symptomatique de la vision politique de la majorité. Enfin, je la trouve étroite car elle refuse, par hypocrisie peut-être, et par un manque de courage politique qui n'est pas uniquement le fait de cette majorité mais perdure depuis un certain temps, de poser le vrai problème.
    M. René Dosière. Très bien !
    M. Bernard Roman. C'est une proposition de loi stérile. Je ne vais pas reprendre l'argumentation de M. Dosière, mais elle édicte une règle qu'on risque d'être incapable de faire respecter. Lorsqu'on légifère pour poser une interdiction et que les difficultés à la faire appliquer sont telles que la loi devient inopérante, on décrédibilise la loi,...
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. Bernard Roman. ... on décrédibilise le politique,...
    M. André Gerin. Tout à fait !
    M. Bernard Roman. ... on décrédibilise les forces de l'ordre chargées de faire respecter cette loi.
    M. André Gerin. Hélas, trois fois hélas !
    M. Bernard Roman. De ce point de vue, les remarques de M. Gerin sont tout à fait justes.
    C'est une proposition de loi stérile et inopérante. On a parlé de la fiabilité des tests, de la gêne dans laquelle vous vous trouvez, et nous l'avons encore vu en commission. Les forces de l'ordre devront approfondir l'analyse d'une situation sur la base d'une impression. Quelqu'un a l'air ivre mais l'éthylomètre est négatif. On va l'emmener faire une analyse d'urine. Comme on peut détecter la présence de cannabis dans les urines pendant soixante jours, il faut alors faire une analyse de sang. L'idée est bonne mais elle est réellement complexe à mettre en oeuvre et cela risque de rendre inopérante votre texte.
    Cette proposition est paradoxale car, je l'ai dit, elle vise essentiellement les usagers du cannabis. La loi de 1970 punit d'un an d'emprisonnement et de 25 000 francs d'amende les usagers de toutes les substances, y compris le cannabis. Si l'on édicte une interdiction d'usage quand on conduit un véhicule, on peut rationnellement, dans le pays de Descartes, penser a contrario que c'est permis lorsqu'on ne conduit pas de véhicule. Or c'est interdit, mais c'est faire abstraction des circulaires multiples, la première ayant été signée en 1978 par votre prédécesseur, M. Peyrefitte, demandant aux parquets de faire preuve d'indulgence envers les consommateurs de cannabis dans l'application de la loi de 1970.
    Bien entendu, on peut continuer à pratiquer la politique de l'autruche, à examiner cette question par le petit bout de la lorgnette, au lieu de poser le problème et de se doter des moyens de faire de l'information et de la prévention, et d'empêcher le développement du marché noir. Il y a deux millions de consommateurs de cannabis en France ! Il y en a certainement, mes chers collègues, parmi vos enfants ou vos petits-enfants, car un jeune de dix-huit ans sur deux dit avoir fumé du cannabis ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Cabal. La faute à qui ? C'est l'arroseur arrosé.
    M. Bernard Roman. Je n'ose imaginer que nous sommes un monde à part. Il n'y a pas un lycée en France où le cannabis ne circule pas.
    La majorité a une vision dangereuse sur un certain nombre de questions et je vous propose de sortir d'une telle politique.
    M. Hervé Mariton. Alors, on ne peut rien faire ?
    M. Bernard Roman. Si, mais, au lieu de s'attaquer aux conséquences néfastes, essayons d'agir sur les causes.
    M. René Dosière. Et c'est plus difficile !
    M. Bernard Roman. Au lieu, par exemple, de supprimer des postes de surveillants et d'emplois-jeunes dans les lycées et, parallèlement, de créer une peine de prison pour les insultes aux enseignants, il faudrait plutôt renforcer l'encadrement afin d'éviter de telles insultes.
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. Georges Colombier. Votre discours, c'est vraiment affligeant !
    M. Bernard Roman. Au lieu de supprimer des postes d'animateurs dans les quartiers, des emplois-jeunes et des emplois d'insertion, et de sanctionner la présence de jeunes dans les entrées d'immeubles, mieux vaudrait sans doute multiplier les lieux d'accueil et offrir davantage d'animation aux jeunes dans les cités.
    M. Lionnel Luca. Quel rapport avec la drogue ?
    M. Bernard Roman. Pour revenir à la proposition d'aujourd'hui mes chers collègues, au lieu de sanctionner durement, et c'est normal, les toxicomanes au volant, vous auriez mieux fait de ne pas supprimer dans le collectif 3 millions d'euros d'intervention pour les établissements chargés de la lutte et de la prévention de la toxicomanie,...
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. Bernard Roman. ... décision qui risque de conduire des dizaines de lieux d'accueil de toxicomanes, de parents de toxicomanes, à mettre la clé sous la porte. Ça, c'est votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) On affiche la sanction au bout de la chaîne et on abandonne les politiques qui pourraient permettre d'éviter d'arriver à cette sanction.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Bernard Roman. M. Dell'Agnola a le mérite de préférer se répéter que se contredire.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est mieux !
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas le cas de tout le monde !
    M. Bernard Roman. C'est en effet beaucoup mieux. Il reprend aujourd'hui la proposition qu'il avait faite en 1996.
    Mme la présidente. Monsieur Roman, vous avez épuisé votre temps de parole.
    M. Bernard Roman. Je termine, madame la présidente.
    Avant lui, monsieur le garde des sceaux - la continuité de l'Etat existe -, un certain nombre de vos prédécesseurs avaient demandé des études, des enquêtes à de grands spécialistes, à de grands experts scientifiques, qui avaient conclu à la nécessité de poser globalement le problème du cannabis. Vous avez parlé, monsieur le rapporteur, de pays européens où les conducteurs ayant consommé du cannabis sont sanctionnés mais, dans ces pays, parallèlement, l'usage du cannabis a été réglementé, avec par exemple une interdiction de consommer dans les lieux publics, une information,...
    Mme la présidente. Monsieur Roman, je vous prie de bien vouloir conclure.
    M. Bernard Roman. ... le refus d'un marché noir qui met les jeunes en contact avec le cannabis et avec d'autres produits. Nous n'avons pas le droit de fermer les yeux là-dessus.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est l'heure !
    M. Bernard Roman. Cela vous gêne que l'on dise un certain nombre de vérités ! (Exclamations sur les bancs du du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Monsieur Roman, veuillez conclure.
    M. Bernard Roman. Je termine, madame la présidente.
    Je vous renvoie, mes chers collègues, à vos enfants et à vos petits-enfants...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Justement !
    M. Bernard Roman. ... qui sont au contact de ces réalités. Pour les protéger, il faut cesser d'être lâche (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Lionnel Luca. Un éclair de lucidité !
    M. Bernard Roman. ... et de faire la politique de l'autruche. Nous allons déposer une proposition de résolution demandant, la mise en place d'une mission d'information (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et d'évaluation des lois de 1970. J'espère que vous répondrez présents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Cochet. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 50 % des accidents de la route sont dus à la vitesse et plus d'un quart à l'alcool au volant. Il est donc urgent d'agir. Mais allez-vous agir contre la vitesse et contre l'alcool ?
    Evidemment, les députés verts sont favorables à la restriction des facteurs de risque au volant.
    M. Lionnel Luca. Vous supprimez la voiture !
    M. Yves Cochet. La limitation de la vitesse, par exemple, par le bridage des moteurs des automobiles, y êtes-vous favorable, monsieur le ministre ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est un autre sujet !
    M. le garde des sceaux. On en parlera quand ce sera à l'ordre du jour.
    M. Yves Cochet. Une des priorités du Président de la République - il l'a dit le 14 juillet - est de réduire le nombre des morts sur la route. Il faut donc commencer par ce qui est statistiquement le plus significatif.
    M. Pascal Clément, président de la commission. La came, ça vous gêne !
    M. Yves Cochet. Pas du tout ! Simplement, vous commencez par le tout petit bout,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. On commence par le joint ?
    M. Yves Cochet. ... alors que 50 % des accidents sont dus à la vitesse.
    Il n'est pas question que nous luttions contre les mesures que vous proposez, monsieur le rapporteur. Nous sommes évidemment favorables à la diminution de ce facteur de risque, alcool ou drogue, mais quels moyens financiers et techniques proposerez-vous de mettre en oeuvre pour rendre ces dispositions applicables ?
    Pour l'alcool, c'est très facile : il suffit de faire souffler la personne dans un éthylomètre, de constater le résultat. Pour la drogue, les tests auront-ils lieu uniquement dans les hôpitaux ? Que se passera-t-il lorsque le contrôle des autorités de police se fera loin d'un lieu médicalisé ? D'autres questions ont été excellemment posées par M. Dosière, M. Roman ou M. Gerin, et je n'y reviendrai pas. Puisque vous ne parlez que de répression, je veux parler également de prévention. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je présenterai tout à l'heure un amendement qui tend à ajouter une troisième épreuve obligatoire pour l'obtention du permis de conduire. Ce serait la connaissance de ce qu'on appelle les cinq gestes qui sauvent en cas d'accident. Cela existe dans d'autres pays d'Europe. Les secours spécialisés, notamment les sapeurs-pompiers qui effectuent la quasi-totalité des secours routiers, mettront toujours un certain temps, incompressible, un quart d'heure, une demi-heure, avant d'arriver sur le lieu d'un accident, et c'est tout de suite qu'il faut agir lorsqu'on est témoin : il faut sauver les gens de l'asphyxie ou arrêter une hémorragie externe abondante.
    M. Hervé Mariton. Sur la drogue au volant, quel est votre avis ?
    M. Yves Cochet. Il faut donc être sur place et avoir reçu la formation requise pour pouvoir effectuer ces cinq gestes qui sauvent.
    En France, environ 300 000 personnes par an apprennent le secourisme. Toutefois, ce sont 800 000 personnes qui préparent chaque année le permis de conduire.
    En 1986, une enquête du secours routier français, réalisée par un groupe d'étude composé de médecins du SAMU, de sapeurs-pompiers et de professeurs, avait estimé que 2 000 vies humaines pourraient être sauvées chaque année en cas de formation généralisée aux gestes qui sauvent. Voilà une décision plus importante que celle qu'il nous est proposé de prendre aujourd'hui.
    M. Jean-Claude Lemoine. Non !
    M. Yves Cochet. Cette formation dépasserait, bien sûr, le strict cadre des seuls accidents de la route et intéresserait également les autres accidents de la vie, qu'ils soient domestiques ou dus aux loisirs, accidents qui sont très nombreux et parfois meurtriers. C'est pourquoi nous proposerons d'ajouter à la proposition de loi un article dont l'adoption permettrait d'abaisser d'un quart le nombre des morts sur les routes.
    M. Gérard Voisin. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ?
    Mme la présidente. Merci, monsieur Cochet, d'avoir respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.
    M. Jean-Claude Lemoine. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier ceux qui ont rédigé et déposé la proposition de loi et ceux qui ont permis qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de nos travaux. Nous attendions un tel texte depuis longtemps et nous avons regretté que la loi Gayssot de 1999 ne prévoie le dépistage systématique de la consommation de drogue qu'en cas d'accident mortel.
    Certes, il est nécessaire et instructif de connaître la cause de tels drames pour les analyser, mais le constat ne suffit pas : c'est d'abord la prévention de ces drames, des accidents, qui doit nous mobiliser.
    Si un amendement déposé au Sénat en 1999 et les amendements qu'avec de nombreux collègues j'ai déposés et défendus en 1998 et en 1999, tendant à imposer le dépistage systématique de la consommation de drogue en toutes circonstances, avaient été acceptés par le gouvernement d'alors, cela aurait sans doute permis d'éviter de nombreux morts et de nombreux blessés.
    Le gouvernement de l'époque avait refusé ces amendements sous les prétextes, repris encore aujourd'hui par certains, que « nos connaissances dans ce domaine sont encore insuffisantes », qu' « il est très délicat de déterminer les liens de causalité précis entre usage de drogue et accidents », qu' « on ne sait pas où commence l'excès, où surgit l'accident », que « les drogues s'éliminent lentement » - que sais-je encore ?
    Invoquer de tels arguments pour retarder encore de telles mesures préventives, c'est d'abord ignorer toutes les études incontestables et incontestées de scientifiques tels que Patrick Mura, Jean-Pierre Anger, Charles Mercier-Guyon et beaucoup d'autres, c'est refuser les conclusions des différentes commissions, comme la commission Henrion. Car tous concluent aux dangers de la drogue au volant et sont unanimes quant à la nécessité d'instaurer des contrôles routiers de dépistage, assortis bien sûr de sanctions pour réprimer la conduite sous l'emprise de ces substances.
    Ils sont unanimes car on sait avec certitude que de tels produits entraînent soit une diminution de la vigilance et même une somnolence - or les troubles de la vigilance sont à l'origine de 25 % à 50 % des accidents -, soit des réflexes anarchiques qui conduisent à accélérer au lieu de freiner, ce qui n'est pas très indiqué, soit des perturbations de l'ouïe ou de la vue, et il n'est pas recommandé de voir deux véhicules au lieu d'un, soit des hallucinations, suivant les produits. Or ces produits entraînent toujours une incapacité à faire face à une situation d'urgence sur la route : on peut en mesurer les conséquences.
    Invoquer de tels arguments, c'est également faire fi des statistiques publiées, en particulier depuis 1993. Même si elles divergent sur les pourcentages, je le concède, toutes concluent que l'usage de la drogue est responsable de 10 % à 25 % des accidents mortels. Or 10 % représentent tout de même 800 morts, soit beaucoup plus que les excès de vitesse sur autoroute. La nuit, en agglomération, ce taux atteindrait même 35 %, et il serait encore supérieur lors des week-ends.
    Invoquer de tels arguments, c'est encore nier ce que nous savons tous depuis longtemps : fumer un joint entraîne les mêmes perturbations qu'un taux d'alcoolémie de 0,80. Or, en France, le taux d'alcoolémie toléré est de 0,50, soit l'équivalent d'un demi-joint.
    Invoquer l'argument d'une lente élimination ou d'une longue persistance des stigmates d'imprégnation chez l'utilisateur alors même que celui-ci ne présenterait plus un comportement perturbé, c'est méconnaître les résultats du test réalisé par Air France au moyen d'un simulateur de vol sur trois pilotes volontaires : vingt-quatre heures après une prise modérée de cannabis, aucun de ces trois pilotes, qui se déclaraient pourtant en pleine forme, n'a pu aligner son appareil dans l'axe de la piste. (Exclamations sur divers bancs.) Vraiment, c'est rassurant !
    Invoquer, pour ne pas intervenir, notre ignorance quant à la dose incompatible avec la conduite constitue un argument étonnant et contraire à toutes nos décisions antérieures. Pourquoi tolérer un taux d'alcoolémie de 0,40 et sanctionner un taux de 0,60, quand chacun sait que, pour l'alcool comme pour la drogue, le seuil de tolérance - si l'on peut toutefois employer ce terme - dépend beaucoup plus de l'individu que de la quantité ingérée.
    M. Lionnel Luca. Très juste !
    M. Jean-Claude Lemoine. Certains, s'ils sont accoutumés, supportent très bien un taux d'alcoolémie de 0,70, alors que d'autres sont en état d'ébriété manifeste à 0,30. Or, je le répète, un joint équivaut à un taux d'alcoolémie de 0,80. C'est donc encore un mauvais prétexte !
    La drogue au volant c'est, évidemment, de nombreux morts, de très nombreux blessés, et un fléau social, pour reprendre la conclusion de la 14e conférence d'Annecy de 1998 sur le thème « alcool, drogue et sécurité routière ». La drogue est aussi néfaste que l'alcool et a des conséquences plus meurtrières que les excès de vitesse sur autoroute.
    A l'instar de ce qui a été fait dans nombre de pays européens, il faut tout mettre en oeuvre pour dissuader chaque conducteur d'en faire usage.
    Mme la présidente. Monsieur Lemoine, veuillez conclure.
    M. Jean-Claude Lemoine. Je termine, madame la présidente.
    Il est même souhaitable de généraliser ces contrôles en utilisant, comme c'est le cas en Allemagne, des bandelettes ou des petits appareils, qui sont facilement utilisables sur le bord des routes. De tels tests sont fiables : l'Académie de médecine l'a confirmé en 1998, il y a plus de quatre ans. Et, s'ils sont contestés, il est toujours possible de les compléter par des examens biologiques, comme c'était le cas il y a encore quelques années pour l'alcoolémie.
    Par ailleurs, ces tests sont peu onéreux, de l'ordre de trois à quatre euros.
    M. René Dosière. Ce n'est pas ce qu'a dit le ministre !
    M. Jean-Claude Lemoine. Il est urgent de légiférer pour combattre un tel fléau social. Ce présent texte est le bienvenu, non seulement parce qu'il permettra à la France de respecter la directive européenne de 1996, mais aussi parce qu'il contribuera à diminuer l'insécurité routière et à éviter de nombreux morts et de nombreux blessés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Armand Jung.
    M. Armand Jung. « L'hécatombe sur les routes au début de l'été a conduit le Gouvernement à réagir et à faire de la sécurité routière l'une de ses priorités, » Cette déclaration, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourrait être celle du Premier ministre actuel ou celle de tout autre ministre en charge des transports. En fait, elle a été prononcée par Michel Rocard, alors Premier ministre, à la veille de l'été 1988.
    M. René Dosière. Très bonne référence !
    M. Lionnel Luca. Quelle efficacité !
    M. Armand Jung. En l'espace de quinze ans, malgré l'instauration du permis à points puis la création du délit de très grande vitesse, les chiffres de l'insécurité routière n'ont fait que stagner, oscillant, selon les saisons, entre quelques améliorations et des courbes en augmentation. Quoi qu'il en soit, l'objectif consistant à s'éloigner durablement de la crête des 8 000 morts par an reste aléatoire et incertain.
    C'est donc avec une très grande satisfaction que j'ai pris connaissance de la volonté du Président de la République de faire de la lutte contre l'insécurité routière l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, et c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté le Premier ministre, lors des récentes assises sur la sécurité routière, parler de « violence, de délinquance, d'assassinat » sur les routes françaises.
    Comme beaucoup d'entre vous, j'ai visité il y a quelques jours le Salon de l'automobile. J'en suis sorti avec un sentiment à la fois d'admiration pour les nouvelles technologies exposées et surtout, d'effroi, après avoir vu de véritables cercueils roulants présentés parfois avec beaucoup de cynisme.
    M. André Gerin. Très juste !
    M. Armand Jung. Or, aujourd'hui, pour manifester sa volonté de lutter contre l'insécurité routière, le Gouvernement soutient une proposition de loi sur le sérieux de laquelle on peut s'interroger.
    M. Lionnel Luca. Carrément ! C'était bon au début, mais ça continue mal !
    M. Armand Jung. Surtout, ce texte démontre le décalage dramatique qui existe entre une volonté fermement affichée et une application concrète décevante.
    L'évolution de l'accidentologie sonne en fait la fin d'une certaine « méthode douce » caractérisée par un appel au civisme, à une conduite apaisée et à des contrôles « visibles ». Je suis persuadé qu'aujourd'hui, les actions de sensibilisation visant le comportement des automobilistes n'agiront qu'à la marge. Je note au passage que les crédits du ministère des transports consacrés à la prévention et à la sécurité routière restent toujours ridiculement faibles et ne permettent pas de mener une campagne de sensibilisation efficace dans la durée.
    Si nous voulons diminuer de manière durable le nombre de tués dans notre pays, nous ne ferons pas l'économie de mesures radicales. Le bridage des moteurs et l'implantation de « boîtes noires » sur chaque véhicule font partie de ces mesures à mettre en oeuvre.
    Le Gouvernement a, semble-t-il, l'intention d'expérimenter le système des boîtes noires. Je rappelle cependant que cette mesure est plus destinée aux assurances et à la recherche des responsabilités qu'à lutter de manière préventive contre l'excès de vitesse, puisque le contrôle intervient après l'accident. En fait, la première drogue que nous devons combattre, c'est la vitesse, qu'elle soit accentuée ou non par l'effet de la drogue ou de l'alcool.
    M. René Dosière. Très juste !
    M. Armand Jung. Selon les chiffres qui m'ont été communiqués par le ministère des transports, dans les agglomérations, quatre conducteurs sur cinq sont en infraction au regard des limitations de vitesse, sur route ils sont trois sur cinq et sur autoroute un sur deux. Les samedis soirs, dans toutes les grandes villes françaises, aucune moto, je dis bien aucune, ne respecte les limitations de vitesse.
    La vitesse représente la première cause de mortalité sur route. Permettez-moi de vous rappeler un accident qui a eu lieu à Strasbourg, le 2 octobre dernier, au cours duquel un bébé a été fauché et tué dans sa poussette sur un passage piéton. Le dépistage pratiqué chez la conductrice n'a révélé aucune présence d'alcool ou de drogue.
    M. Yves Cochet. Eh oui !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Elle n'avait pas de permis : c'est pire !
    M. Armand Jung. La seule certitude que nous ayons, c'est que l'automobiliste s'est arrêtée trente-sept mètres après l'impact. Le comble est que l'automobiliste, qui a dissimulé son identité, encourt pour ce délit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, alors que, pour l'homicide involontaire, elle ne risque que trois ans de prison et 45 000 euros d'amende ! Moralité : il vaut mieux, dans notre pays, être responsable d'un homicide involontaire plutôt que d'une usurpation d'identité. Comment voulez-vous, devant une telle incohérence, faire de la prévention routière auprès de nos concitoyens ?
    Il existe dans notre pays un lobby de la vitesse, un lobby de la voiture de sport. Mais faut-il rappeler ici que la voiture, la moto, le bus et le vélo sont avant tout des moyens de déplacement et non des instruments de propulsion ?
    Mme la présidente. Monsieur Jung, veuillez conclure.
    M. Armand Jung. Je vais le faire, madame la présidente.
    Pourtant, la technologie est prête, le bridage des moteurs est techniquement maîtrisé. Ainsi, des limiteurs de vitesse « intelligents » sont actuellement expérimentés dans la plupart des pays européens.
    M. Yves Cochet. Bien sûr !
    M. Armand Jung. Pourquoi une telle expérimentation ne pourrait-elle pas être mise en oeuvre en France ? Je suis bien conscient qu'il faudra des années entre le moment où sera prise la décision d'installer des limiteurs de vitesse « intelligents » sur les véhicules et l'application réelle de celle-ci, mais je tiens à souligner que la technologie est au point. Elle est connue et peut être mise en oeuvre. N'attendons pas qu'un jour un procès pour « non-assistance à personne en danger » soit intenté à l'Etat et à ses représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Cochet. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Madame la présidente, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, nous traitons aujourd'hui d'un sujet important, dont la gravité est évidente, et qui pourtant, nous l'avons vu encore à l'instant, ne suscite pas l'adhésion de tous et provoque même la polémique. Or il s'agit simplement, par cette proposition de loi, de calquer la législation sur la conduite sous l'emprise de la drogue sur celle relative à la conduite sous l'emprise de l'alcool.
    Personne ne doute que l'alcool au volant est un facteur très important d'augmentation des risques d'accident. Mais, alors que l'alcool est un produit licite dont la consommation est réglementée, la drogue est un produit parfaitement illicite.
    M. René Dosière. C'est tout de même un peu différent !
    M. Jean-Paul Garraud. Pourtant, de beaux esprits s'insurgent contre la présente proposition de loi, dont l'application permettait de diminuer nettement le nombre des accidents de la circulation ; c'est là une certitude scientifique. En effet, de nombreuses études mettent en évidence les effets des drogues, et en particulier du cannabis, sur le comportement des consommateurs : modifications de la perception du temps et des distances ; perturbation de la mémoire à court terme ; perturbation sensorielle ; troubles importants de la personnalité qui peuvent se traduire par un sentiment d'euphorie, d'anxiété, d'agressivité, par une dépersonnalisation accompagnée d'une disparition des inhibitions et d'une indifférence vis-à-vis de l'environnement, par une conscience accrue de soi ; hallucinations et délires exceptionnels mais possibles, notamment avec les nouveaux produits très concentrés en cannabinoïdes.
    Toutes ces caractéristiques sont absolument irréfutables. Dans ces conditions, pourquoi ne pas les reconnaître et laisser croire à nos concitoyens, particulièrement à nos jeunes, qu'ils ne risquent pas plus en se droguant qu'en buvant du vin ou en fumant un peu de tabac ?
    Seulement, ils se tuent sur les routes et tuent des innocents ; ce n'est pas une fatalité.
    Il faut donner aux policiers et aux gendarmes les moyens légaux et matériels de procéder à des contrôles préventifs. Il faut donner les moyens à la justice d'apprécier les responsabilités.
    En France, actuellement, il est possible de procéder à des dépistages uniquement en cas d'accident mortel. Ne pourrait-on pas aussi s'occuper des vivants et faire le nécessaire avant la survenance du drame ?
    C'est absolument ce qu'il faut faire, et on le fera en votant cette proposition de loi, sans écouter certaines nostalgiques qui consommaient, il y a presque trente-cinq ans, un cannabis qui n'a plus rien à voir avec celui d'aujourd'hui !
    M. Jean-Claude Lemoine. C'est vrai !
    M. Jean-Paul Garraud. Le principe actif, le tétrahydrocannabinol, est dix fois plus actif. La drogue n'est pas fabriquée de la même façon.
    M. Christian Cabal. Eh oui !
    M. Jean-Paul Garraud. Tout cela, nous devons le dire aux jeunes, c'est notre responsabilité. Sinon, ils se font - pardonnez-moi l'expression - piéger par un discours faussement permissif, soixante-huitard, complètement révolu, qui les entraîne non seulement vers des problèmes de santé importants, mais aussi vers une vraie destructuration de la personnalité, laquelle aboutit tôt ou tard à une exclusion de la société. Ils deviennent des marginaux.
    Mon ambition pour les jeunes, ce n'est pas de faire d'eux des assistés qui se bercent d'illusions en se réfugiant dans des paradis artificiels. Je préfère des gens responsables, attentifs aux autres, libres, à condition qu'ils respectent la liberté des autres.
    Je croyais que, sur un texte aussi important, nous pourrions trouver avec l'opposition un accord pour parvenir à un vote unanime. J'ai malheureusement entendu en commission des lois, et encore à l'instant, certains députés parler d'un « esprit revanchard de la droite », d'un « sujet qui n'a rien à voir avec la politique de la sécurité routière », d'un « texte inapplicable ».
    M. Jean-Claude Lemoine. C'est idiot !
    M. Jean-Paul Garraud. J'ai peur de comprendre la raison pour laquelle rien n'a été fait en ce domaine par le précédent gouvernement, alors que bon nombre de pays ont mis en place des législations dont s'inspire la présente proposition de loi.
    Le précédent ministre des transports avait affirmé en 1997 qu'en cinq ans il diminuerait de moitié les accidents de la circulation. Cinq ans plus tard, malgré une répression accrue sur les routes, nous avons toujours 8 000 morts, 150 000 blessés. Qu'attendons-nous quand il est clairement établi que la drogue au volant et son mélange avec l'alcool sont responsables de très nombreux accidents ?
    M. René Dosière. Que faites-vous de la vitesse ?
    M. Jean-Paul Garraud. Le problème qui se pose, il faut bien le reconnaître, c'est qu'il existe un courant très répandu et très amplifié en faveur de la dépénalisation des drogues douces.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et voilà !
    M. Lionnel Luca. Très juste !
    M. Jean-Paul Garraud. Quand j'entendais ce type de raisonnement alors que j'étais magistrat, et que je voyais tous les jours les ravages des drogues dites douces sur le comportement des délinquants,...
    M. Christian Cabal. Eh oui !
    M. Jean-Paul Garraud. ... je me disais que de tels discours ne pouvaient émaner que de vrais irresponsables.
    M. Christian Cabal. Tout à fait !
    M. Jean-Paul Garraud. Car sachez-le, mesdames, messieurs les députés, en matière de délinquance, la drogue, et principalement le cannabis, favorise très largement le passage à l'acte, et pas uniquement sur les routes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Bien sûr !
    M. Jean-Paul Garraud. Des gens a priori normaux peuvent commettre des actes particulièrement graves après avoir consommé de telles substances.
    Si vous reprenez dans l'actualité certaines affaires criminelles sordides et sanglantes, vous constaterez que la consommation de drogues dites douces aboutit - et c'est un affreux paradoxe - à d'horribles violences. Je pourrais vous citer des dizaines de cas.
    M. René Dosière. Tout comme l'alcool !
    M. Jean-Paul Garraud. Les effets de la drogue suppriment toute inhibition et provoquent, chez des sujets fragiles, des changements radicaux de comportement, surtout après des consommations fréquentes et importantes.
    On se rend compte également que l'apparition de certaines maladies psychiatriques, comme la schizophrénie, se déclare souvent après consommation régulière de ces drogues. Des psychiatres hospitaliers me disaient voir quotidiennement de tels cas. Il est grand temps de se rendre compte de la situation.
    J'affirme, avec dix grands scientifiques qui viennent de prendre publiquement position, que le lien entre accidents de la route et consommation de cannabis est clairement établi.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Je termine, madame la présidente.
    J'affirme également qu'il n'est absolument pas nécessaire d'attendre d'avoir établi un seuil de concentration sanguine pour réprimer car c'est un non-sens aux plans scientifique et juridique. D'une part, il s'agit d'un produit illégal, il faut le rappeler, et, d'autre part, le THC, principe actif, quitte très rapidement le sang pour se répandre dans le cerveau. La recherche d'un seuil de concentration sanguine ne veut donc rien dire.
    Il faut également affirmer que le dépistage des conducteurs sous l'influence des stupéfiants est techniquement réalisé dans bon nombre d'autres pays, comme les Etats-Unis ou l'Allemagne.
    Sur tous ces sujets, je vous invite d'ailleurs à participer au colloque que j'organise très prochainement le 24 octobre, ici même, sur les réalités du cannabis, car l'information doit aussi circuler en ce sens.
    M. Jean-Claude Lemoine et M. Lionel Luca. Très bien !
    M. Jean-Paul Garraud. Arrêtons d'invoquer de faux prétextes pour servir une certaine idéologie !
    Les discours de M. Roman...
    Mme la présidente. Monsieur Garraud, veuillez conclure !
    M. Jean-Paul Garraud. ... et de M. Dosière, on les entend depuis plus de vingt ans.
    M. Lionnel Luca. Et on en voit les résultats !
    M. Jean-Paul Garraud. Oui, on voit ce que ça a donné. La France n'a que trop attendu.
    Votons rapidement cette proposition de loi, et je vous demande, monsieur le garde des sceaux, de faire en sorte qu'elle soit tout aussi rapidement appliquée. Nous ferons ainsi oeuvre de santé et de sécurité publiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cabal.
    M. Christian Cabal. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs, j'essaierai d'être bref, compte tenu de ce qui vient d'être dit, et excellement, notamment par l'orateur qui m'a précédé.
    La question essentielle qui se pose est de savoir si, oui ou non, la consommation de drogue a une incidence sur la capacité des conducteurs. Je me limiterai à apporter une réponse médicale quant aux effets de cette consommation sur la sécurité routière, ayant indiqué au préalable que je travaille professionnellement sur ce sujet avec beaucoup d'attention depuis de nombreuses années. En effet, l'impact de la consommation de drogue sur l'exercice de certaines professions est depuis longtemps un sujet sensible, et cela m'a conduit à assurer un suivi médical particulier de certaines professions, je pense notamment aux postes de sécurité dans l'industrie et aux chauffeurs de poids lourds.
    En outre, dans le cadre de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'ai rédigé un rapport qui a été présenté au début de l'année. D'autres rapports ont suivi dans des délais très brefs, comme l'expertise collective de l'INSERM, le rapport de l'Académie nationale de médecine et les interventions du docteur Mura.
    Le constat médical actuel, il faut le dire haut et clair, est d'une grande précision et ne souffre d'aucune ambiguïté. Aussi me limiterai-je pour l'essentiel à en reprendre les principaux termes.
    La consommation des drogues a des effets somatiques indiscutables, immédiats et à court terme, tels qu'ils rendent souvent impossible la conduite automobile. C'est le cas de la consommation de la plupart des drogues dites dures comme les opiacés et des drogues de synthèse, telle l'ecstasy. Cette consommation s'apparente au cas d'alcoolisation massive par son impact sur la motricité, rendant quasi impossible le fait de prendre le volant.
    En réalité, le plus important et le plus intéressant consiste à savoir quel est l'impact de la consommation moyenne, faible, régulière ou non, des drogues dites douces, le débat se résumant pour l'essentiel, il faut bien le dire, à la consommation de cannabis.
    Cet impact est connu. Il résulte de nombreuses observations cliniques, d'un mécanisme d'action biologique de ces produits et, partant, des troubles du comportement induits. Des tests ont été réalisés de façon expérimentale ainsi qu'en simulation.
    En ce qui concerne l'usage occasionnel de cannabis, on observe des perturbations de la mémoire, des modifications sensorielles importantes, notamment de la perception temporelle, une incapacité à accomplir des tâches multiples et simultanées avec des troubles de la coordination motrice et de l'attitude thymique. Les produits actuels, qui sont à haute concentration, décuplent de façon manifeste ces effets, qui n'ont plus rien à voir avec ceux que l'on observait lors de la consommation d'un joint de marie-jeanne dans les années 68.
    La cocaïne et les amphétamines ajoutent de plus un état d'excitation qui se traduit par des comportements irrationnels et accentuent les effets sur la conduite.
    Les tests de simulation sont encore plus percutants, si j'ose utiliser cette expression : ils mettent en évidence des altérations graves sur le plan sensitivo-motriciel, avec des erreurs de conduite manifestes et répétitives dès la prise d'un seul joint de cannabis.
    M. Jean-Claude Lemoine. C'est vrai !
    M. Christian Cabal. Dans les quinze minutes suivant la consommation d'un joint, ces effets peuvent devenir pérennes et s'observer pendant plusieurs heures.
    Enfin, avec les tests en situation réelle réalisés en France ou à l'étranger, le constat est là aussi d'une redoutable efficacité, si je puis dire, le caractère expérimental étant pour le moins douteux.
    Ces données d'ordre médical et comportemental sont complétées par les études épidémiologiques, elles aussi nombreuses, réalisées à l'étranger depuis longtemps. Les résultats de toutes ces études sont convergents : de 5 % à 20 %, voire plus, des accidents corporels sont directement liés à la consommation de drogues illicites. D'autres facteurs se surajoutent, comme les polytoxicomanies, au premier rang desquelles se situe la consommation conjointe d'alcool et de cannabis.
    Une étude est en cours sur le plan épidémiologique, en liaison avec l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Cette étude doit se poursuivre encore pendant deux ans. Moins de 2 000 cas sur 10 000 ont été analysés. Chacun sait qu'une étude épidémiologique n'est valable qu'à son échéance, et je ne ferai donc personnellement aucun commentaire sur celle-là ; d'ailleurs, personne ne peut en faire.
    M. René Dosière. Vos collègues ne s'en sont pourtant pas privés !
    M. Christian Cabal. Les observations déjà réalisées sont incontestables.
    Mme la présidente. Monsieur Cabal, votre temps de parole est épuisé.
    M. Christian Cabal. Je termine, madame la présidente.
    Les observations réalisées, disais-je, sont incontestables. Si les spécialistes de la toxicomanie et les observateurs en accidentologie restaient dans l'attente des résultats de l'étude, ils feraient preuve d'une abstention fautive car si nous devions attendre l'échéance de 2004, ce seraient près de 2 500 décès supplémentaires que nous aurions à déplorer.
    M. René Dosière. On verra dans quel délai seront pris les décrets d'application !
    M. Christian Cabal. Nous ne pouvons, je le dis très franchement, assumer cette responsabilité. Je ne puis en tout cas l'assumer, non plus que les groupes de la majorité, et j'imagine que, dans votre for intérieur, vous savez que vous ne le pouvez pas non plus, monsieur Dosière.
    Le fait de ne pas vouloir avancer est, pour certains, d'ordre idéologique.
    M. Guy Geoffroy. Bien sûr !
    M. Christian Cabal. Cette attitude procède d'un aveuglement lié à une analyse « politiquement correcte » de la situation : il s'agit de vivre sur des dogmes en s'éloignant des réalités.
    Mme la présidente. Monsieur Cabal, concluez, je vous prie.
    M. Christian Cabal. Ces réalités sont telles qu'il serait coupable de persister dans cette attitude.
    M. René Dosière. Retournez à vos études de médecine !
    M. Christian Cabal. Je connais mieux le dossier que vous, monsieur Dosière !
    Il faut agir immédiatement et, pour ce faire, prendre aujourd'hui nos responsabilités, alors que d'autres n'ont pas su le faire en ce qui concerne le sang contaminé.
    M. René Dosière. Vous dérapez !
    M. Christian Cabal. Nous devons légiférer dans l'urgence. Nous sauvegarderons ainsi 2 500 vies humaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Delnatte.
    M. Patrick Delnatte. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les accidents de la route ont entraîné en 2001 plus de 8 000 décès, soit un par heure en moyenne, et 160 000 dommages corporels.
    Jusqu'à présent, la lutte contre l'insécurité routière a eu pour principale cible les excès de vitesse et la conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique. Or l'augmentation actuelle de la consommation de stupéfiants constitue un facteur supplémentaire d'insécurité routière. Il est urgent de prendre en compte cette réalité. Telle est bien l'intention que traduit la proposition de loi que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui, et je ne puis que m'en féliciter.
    Plusieurs initiatives parlementaires ont déjà été tentées, mais aucune d'elles n'a abouti. La précédente proposition de loi sur le sujet, dont j'ai moi-même été le rapporteur, a été repoussée par le gouvernement précédent. Je me réjouis que nous puissions réexaminer aujourd'hui le problème.
    Afin de pouvoir prendre enfin les mesures nécessaires pour améliorer la sécurité routière, nous ne devons pas laisser la place, comme en décembre 2000, à des querelles partisanes. Qu'il soit bien clair que le débat ne porte pas sur le renforcement de la pénalisation de la drogue ou sur sa dépénalisation,...
    M. René Dosière. Dites-le à vos collègues !
    M. Patrick Delnatte. ... mais sur les moyens de diminuer les facteurs de risque pour la conduite automobile et d'empêcher autant que possible que soit mise en danger la vie d'autrui.
    Les arguments qui avaient conduit le Gouvernement, il y deux ans, à repousser les mesures proposées étaient de deux types.
    La corrélation entre la consommation de drogues illicites et le risque d'accident automobile était mise en doute, à cause notamment de l'insuffisance des connaissances en la matière, les réactions aux substances psychotropes pouvant être différentes selon les individus. Or de nombreuses études ont montré l'influence néfaste d'une consommation récente de stupéfiants sur l'aptitude à conduire un véhicule. L'exemple de la Sarre est à cet égard probant : des dépistages fréquents de drogue ont été mis en place en 2000 ; ils se sont accompagnés d'une baisse très significative du pourcentage de décès et de blessés liés aux accidents de la route ; moins 68 % de décès en Sarre contre moins 3 % dans le reste de l'Allemagne. A contrario, en France, les médias se font l'écho d'exemples dramatiques d'accidents mortels après consommation de stupéfiants.
    D'autre part, certains ont fait valoir la non-fiabilité des tests de dépistage et leur difficulté d'application. Pourtant, on peut relever que la difficulté technique du contrôle n'avait pas été un argument suffisant pour retarder la pénalisation, au-delà d'un certain seuil, de la conduite automobile après absorption d'alcool. Elle ne doit pas non plus devenir un argument pour négliger les dangers de la drogue au volant.
    Le dépistage de la présence de stupéfiants est déjà prévu par la loi du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière pour tout conducteur impliqué dans un accident mortel. Le décret d'application, publié deux ans après le vote de la loi, limite la disposition aux accidents immédiatement mortels. On comprend mal quels arguments scientifiques peuvent justifier cette limitation aux seuls cas où l'accident entraîne immédiatement la mort.
    Le dispositif en vigueur, qui pénalise la détention et la consommation de drogue, n'est plus adapté à la situation actuelle. Il ne donne pas aux officiers ou agents de police administrative ou judiciaire les moyens d'assurer au mieux la sécurité routière, notamment lorsqu'ils sont en présence de conducteurs au comportement manifestement troublé. De nombreux autres pays européens ont déjà adopté une législation qui fait de la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants un délit. Il est temps que la France cesse d'accumuler les retards.
    La sécurité routière est une exigence de première importance, qui ne peut attendre. Des mesures fortes sont attendues par les victimes des accidents de la route, leurs familles et les associations qui les soutiennent. Elles auront à l'évidence un effet dissuasif et d'information sur les risques d'accidents liés à un usage récent de stupéfiants.
    Je remercie le Gouvernement d'apporter son soutien à cette initiative parlementaire. Contrairement au gouvernement précédent, qui a mis deux ans pour publier un décret à l'effet très limité, je souhaite, monsieur le garde des sceaux, que votre gouvernement, après l'adoption définitive du texte par le Parlement, se donne les moyens d'une application rapide des mesures que nous allons voter.
    Il faut tout faire et tout entreprendre pour diminuer le nombre de morts sur les routes de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, on le sait et on ne le répétera jamais assez, le rêve des paradis artificiels débouche sur une réalité dramatique : de trop nombreuses vies humaines perdues ou meurtries à jamais.
    La drogue tue, et tout autre discours est fallacieux.
    Nous déplorons, nous le savons tous, plus de 8 000 morts sur nos routes, et 154 000 blessés. La France détient là un titre record. Surtout, selon des estimations très précises, plus de 15 % des accidents mortels sont liés à la prise de substances illicites.
    Devant ce bilan catastrophique, la gauche plurielle alors au pouvoir a malheureusement fait preuve d'une inertie coupable, et même, à travers certains propos de personnes ayant des responsabilités, d'une complicité active. Seules quelques timides avancées ont pu lui être arrachées par les lois de 1999 et de 2001 : la drogue n'est prise en compte que lors d'accidents mortels, les contrôles dans d'autres cas demeurant facultatifs.
    Faute d'une législation adaptée, notre pays accuse un retard par rapport à l'ensemble de ses partenaires en Europe et dans le monde.
    Pourquoi un tel aveuglement ? Il n'est rien d'autre que le résultat de la dérive d'une idéologie issue de la pensée soixante-huitarde, d'une pseudo-libération hédoniste de l'individu, passant forcément par la consommation de substances psychotropes, à commencer par celle du cannabis.
    Cette banalisation de la drogue correspond, bien sûr, à une mode à laquelle s'adonnent nos jeunes. Elle se vérifie malheureusement dans les statistiques publiées en 2001, puisque 55 % des jeunes gens et 43 % des jeunes filles de quinze à dix-neuf ans avouaient avoir consommé de la drogue de manière régulière.
    Dans ces conditions, peut-on s'étonner de l'augmentation de la consommation de drogue quand on encourage une pratique laxiste et quand certains ministres en activité tiennent des propos véritablement irresponsables ? Cette tolérance envers la drogue, en particulier le cannabis, repose pourtant sur un déni de vérité : toutes les études scientifiques récentes, menées notamment en matière de pharmacologie et de biologie, montrent et démontrent que les drogues prétendues douces sont en fait de véritables drogues, de nature à inhiber totalement la volonté des uns et des autres. Le principe actif du THC a été démultiplié ces dernières années par l'obtention végétale d'un nouveau cannabis, qui s'apparente aujourd'hui à une véritable drogue et non plus à quelque chose d'inoffensif.
    La prétendue frontière entre drogues dures et drogues douces est donc une imposture. Il n'existe que des drogues, conformément d'ailleurs à l'ensemble de la législation internationale, à laquelle notre pays est partie. Il est également faux de prétendre que les tests de contrôle sont peu fiables et coûteux; les expérimentations faites à l'étranger convainquent du contraire.
    La répression de la drogue au volant s'inscrit donc parfaitement dans la restauration du principe d'autorité et du principe d'un Etat républicain, dont le fondement de la responsabilité. Afin d'obtenir l'efficacité requise, il importe d'assurer à l'Etat tous les moyens humains et financiers. J'appelle en conséquence l'attention du Gouvernement sur la nécessité de publier au plus vite le décret d'application du texte que nous nous apprêtons à voter.
    Mais la répression doit également s'accompagner d'une pédagogie active auprès des jeunes, à l'école et dans les auto-écoles. Le projet de loi sur la sécurité routière devra y veiller.
    Seuls les inconscients ou les mystificateurs peuvent crier à un prétendu retour de l'ordre moral. En réalité, il ne s'agit que de remettre au volant l'esprit de responsabilité et la vertu civique, pour diminuer l'hécatombe de vies humaines sur nos routes, et plus particulièrement de jeunes Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La discussion générale est close.
    La parole est à M. Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, je souhaite dire quelques mots après la discussion générale.
    Certaines interventions traduisent une double méprise.
    D'abord, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'est pas un texte global sur la sécurité routière.
    Plusieurs orateurs ont même souhaité limiter la vitesse des voitures. Mais il s'agit là d'un débat totalement différent !
    Ensuite, la proposition de loi n'est pas non plus un texte de santé publique. S'il en était ainsi, nous serions obligés d'envisager le problème d'une manière beaucoup plus large.
    M. Jacques Myard. C'est vrai !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La proposition de loi traite de la sécurité et des conséquences de l'ingestion de certains produits sur la sécurité routière ; sa portée est donc très étroite. Celle d'un projet de loi, monsieur le garde des sceaux, aurait évidemment été beaucoup plus large et le texte aurait porté sur l'ensemble des problèmes de sécurité routière. Vous auriez alors eu raison, mes chers collègues de l'opposition, de vous intéresser à tous les problèmes que vous avez évoqués dans la discussion générale. Mais je constate que vous n'avez jamais voulu aborder le problème qui est aujourd'hui traité. Je me disais même, en vous écoutant, que, si vous vouliez en traiter d'autres, c'est que vous étiez gênés de traiter celui dont nous devons parler. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cette proposition de loi sera votée.
    Dans l'hémicycle, le clivage est très clair : certains ont parlé du seul fait de conduire sous l'empire des psychotropes, quand d'autres ont appelé à un texte de sécurité routière plus large, en essayant d'émouvoir sur les excès de vitesse et d'autres problèmes que je ne méconnais pas mais qui n'étaient même pas l'objet de la proposition de loi de notre collègue Dell'Agnola, dont l'ambition était plus précise et plus particulière.
    Permettez-moi, pour finir, deux mots de conclusion.
    D'abord, ce type de proposition de loi est un message social. Je rappelle que, lorsqu'on a, il y a je ne sais combien d'années, décidé de lutter contre l'alcool au volant, il n'était pas à l'époque techniquement possible de mesurer avec un ballon l'alcoolémie des conducteurs. Le législateur avait anticipé sur la technique. Pourtant, c'était un grand message qui était délivré à la France entière par le slogan : « Il faut choisir : boire ou conduire. »
    Le texte que nous examinons ce matin a la même ambition sociale. Il ne s'agit pas de prévoir des sanctions supplémentaires dans le cas d'usage de drogues. Nous ne cherchons pas à aggraver le caractère illicite de l'ingestion de drogue. Nous cherchons à dire qu'il faut choisir : ou vous conduisez ou vous prenez un produit, d'ailleurs illicite, qu'on appelle une drogue. C'est très clair.
    Enfin, deuxième conclusion, chacun d'entre nous imagine le regard que pourrait lui adresser une partie civile - une veuve, une mère, un père - qui aurait perdu l'un de ses proches dans un accident provoqué par un conducteur ayant consommé de la drogue, si nous devions expliquer que nous, législateurs, n'étant pas prêts techniquement, ne faisons rien. Eh bien, nous avons décidé de faire quelque chose et c'est pourquoi nous avons inscrit la proposition de loi de M. Dell'Agnola à l'ordre du jour de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs, je voudrais répondre ou donner quelques éclaircissements aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
    M. Luca a opposé des arguments de bons sens à ceux qui prétendent que cette proposition de loi ne sert à rien. Je rappelle à mon tour qu'elle permet d'aggraver la peine encourue en cas de blessures ou d'homicide involontaire, ainsi que de sanctionner les conducteurs qui refusent de se soumettre au dépistage de stupéfiants, ce qui n'est pas possible en l'état actuel du droit. Ce texte apporte donc des éléments concrets déterminants pour organiser la répression de ce type de consommation.
    Monsieur Dosière, regardons ce que font nos voisins. Les grandes démocraties européennes, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Belgique ou le Royaume-Uni, ont mis en place un contrôle analogue à celui qui est proposé, et cela fonctionne. Alors, ne cherchons pas midi à quatorze heures en essayant de démontrer que, chez nous, cela ne fonctionnera pas.
    Bien sûr, l'action que le Parlement demande au Gouvernement d'entreprendre va obliger le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice et leurs administrations, à bouger, à évoluer. Des discussions seront engagées avec les industriels pour mettre au point les systèmes de dépistage les plus performants possible. Et vous verrez que le prix baissera parce que la mise en place des contrôles va créer un marché et donc inciter les industriels à proposer des dispositifs nouveaux et probablement plus économiques, tout en étant plus efficaces. M. Lemoine a évoqué les techniques utilisées par nos voisins allemands ; je suis convaincu que nous pourrons en disposer dans les mois qui viennent.
    M. Abelin a fait état des études démontrant le lien entre consommation de stupéfiants et dangerosité au volant. Les meilleurs scientifiques sont convaincus que ce lien existe. Il est vrai que l'étude épidémiologique de 1999 n'est pas achevée, mais une étude n'est pas une fin en soi, ce n'est pas une politique, c'est un moyen de réflexion supplémentaire. Et tout ce que nous savons d'ores et déjà rend nécessaire, à l'évidence, une nouvelle législation et une action concrète.
    M. Mariton a évoqué une question importante, celle de l'examen du comportement des conducteurs par les forces de l'ordre. Je souligne que le texte de la proposition de loi prévoit, dans certains cas, de subordonner simplement le dépistage à des raisons plausibles de soupçonner que le conducteur a fait usage de stupéfiants. Les officiers de police judiciaire ont une connaissance du terrain qui leur permettra de cadrer très concrètement la mise en oeuvre de cette notion, ce qui devrait nous amener à une pratique assez proche de celle des Allemands.
    Plusieurs intervenants se sont interrogés sur les préalables juridiques à l'application de la loi. Le code de la route actuel prévoit un dépistage en cas d'accident mortel, en vue d'une étude épidémiologique. Le décret d'application existant définit les modalités de ce dépistage. Nous devrons donc seulement adapter le décret à la nouvelle législation, modification assez simple que nous ferons, bien sûr, au niveau interministériel. Une fois la loi définitivement adoptée par le Parlement, nous aurons à régler des questions matérielles comme la dotation des équipes de police et de gendarmerie en matériels de dépistage, mais, sur le plan juridique, les choses seront très simples.
    J'ai été choqué, je dois le dire, par l'assertion de M. Roman, pour qui cette proposition de loi décrédibilise la politique. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. C'est lui qui n'a plus de crédibilité !
    M. le garde des sceaux. Je ne veux pas répondre à la place du rapporteur mais, selon moi, ce qui décrédibilise la politique, c'est le sentiment qu'ont parfois nos concitoyens que la classe politique, en refusant de voir certaines évidences, se condamne à l'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Myard. Eh oui, monsieur Roman, tout ce qui est excessif est insignifiant !
    M. le garde des sceaux. Ce que les Françaises et les Français attendent de nous aujourd'hui, c'est que nous répondions à ce qui leur paraît des exigences évidentes. Il me semble que la lutte contre l'usage des stupéfiants en fait partie.
    D'autres orateurs socialistes ont allégué que les conditions dans lesquelles la proposition de loi autorise les enquêteurs à procéder au dépistage sont incertaines. Je souligne au contraire qu'elle innove en prévoyant une sanction pénale et j'estime qu'elle répond à un besoin de bon sens.
    M. Cochet a critiqué ce texte pour des raisons qui ne m'ont pas paru évidentes. Je lui rappelle qu'un conducteur qui, sous l'emprise de stupéfiants provoque un accident grave, éventuellement mortel, n'est pas plus sanctionné aujourd'hui que s'il n'avait pas consommé de drogue. Voilà une situation que la proposition de loi corrige, selon moi, à bon escient.
    M. Lemoine est intervenu pour recadrer le débat et pour insister sur l'effet dissuasif de la proposition de loi. Je considère moi aussi que l'interdiction renforcée de consommer de la drogue lorsqu'on doit prendre le volant est une manière concrète d'adresser un message de dissuasion à ceux, jeunes ou moins jeunes, qui sont tentés de faire l'expérience de la drogue.
    M. Christian Estrosi et M. Jacques Myard. C'est évident !
    M. le garde des sceaux. Car la conduite automobile fait partie d'un certain exercice de la liberté, c'est une forme de liberté à laquelle chacune et chacun est très attaché. Le fait de dire qu'en cas de consommation de drogue on ne peut prendre sa voiture est une manière simple et pédagogique de faire passer un message d'interdiction au sens large du terme. C'est peut-être d'ailleurs pour cela que certains s'opposent à cette proposition de loi.
    M. Christian Estrosi. Sûrement !
    M. le garde des sceaux. M. Jung a suggéré le bridage des moteurs, sujet complexe car si, un jour, on venait à en discuter, encore faudrait-il savoir à quelle vitesse s'arrêter, et je pressens que ce ne serait pas simple. Pour l'instant, seuls les Japonais ont adopté cette solution, et ils ont fixé la limite à 180 kilomètres-heure. Personnellement, je trouve que, sur les petites routes de Bourgogne, cela fait beaucoup !
    M. René Dosière. On n'est pas obligé de suivre l'exemple japonais !
    M. le garde des sceaux. C'est dire que présenter une telle mesure technique comme une panacée qui justifierait que l'on ne fasse rien contre la drogue au volant est un jeu intellectuel dont le sérieux me paraît assez limité.
    M. Jacques Myard. Même à 30 kilomètres-heure, la drogue tue !
    M. le garde des sceaux. Monsieur Jung, pourquoi toujours parler d'autre chose ? Parlons de l'ordre du jour et avançons à ce sujet. Comme l'a très bien dit le président Clément, cette proposition de loi concerne un des facteurs de l'insécurité routière. Traitons ce sujet-là, ce qui ne veut pas dire que nous ne serons pas conduits à l'avenir à traiter les autres questions. La vitesse fait à l'évidence partie de celles qu'il faudra bien aborder dans ce pays, quitte à aller à l'encontre de cet amour de l'automobile rapide qui fait partie de notre culture nationale, mais qui est peut-être devenu incompatible avec les conditions de vie actuelles.
    M. Garraud s'est étonné que l'on ne parvienne pas à une certaine unanimité sur ce texte. Je m'en étonne moi aussi, car je considère qu'un sujet de cette nature ne devrait pas créer de clivages politiques. Il s'agit de tirer les conséquences d'une situation que plus personne ne conteste. M. Myard a rappelé que 15 à 20 % des analyses effectuées sur les conducteurs ayant causé un accident mortel étaient positives et montraient que ces personnes avaient consommé de la drogue, en particulier du cannabis.
    Tels sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, les quelques éléments de réponse que je souhaitais présenter, comme il se doit, à l'Assemblée. Pour moi, les choses sont claires : cette proposition de loi doit être soutenue. En l'adoptant, le Parlement donnera un signal fort à l'opinion publique et permettra aux forces de l'ordre de limiter les risques en matière d'insécurité routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

    Mme la présidente. « Art. 1er. - Après l'article L. 235-1 du code de la route, sont insérés trois articles L. 235-2, L. 235-3 et L. 235-4 ainsi rédigés :
    « Art. L. 235-2. - Toute personne qui conduit un véhicule ou accompagne un élève conducteur dans les conditions prévues au présent code, alors qu'elle se trouve sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
    « L'immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.
    « Le délit prévu au présent article donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire.
    « Les peines prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal sont portées au double en cas de commission simultanée d'une des infractions prévues au présent article et à l'article L. 235-1. Les peines prévues à l'article 222-19 du code pénal sont applicables si l'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne n'a pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois en cas de commission simultanée d'une des infractions prévues au présent article et à l'article L. 235-1.
    « Art. L. 235-3. - I. - Toute personne coupable de l'une des infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-2 encourt également les peines complémentaires suivantes :
    « 1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
    « 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus. A l'expiration de ce délai, la demande de délivrance d'un nouveau permis de conduire est subordonnée à un examen médical, biologique et psychotechnique reconnaissant l'intéressé apte et effectué à ses frais ;
    « 3° La peine de travail d'intérêt général selon des modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
    « 4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal.
    « La suspension du permis de conduire prévue au 1° ne peut être assortie du sursis, même partiellement.
    « II. - Toute personne coupable, en état de récidive au sens de l'article 132-10 du code pénal, de l'une des infractions prévues aux articles L. 235-I et L. 235-2 encourt également les peines complémentaires suivantes :
    « 1° La confiscation du véhicule dont le prévenu s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est propriétaire, les dispositions de l'article L. 325-9 étant alors applicables, le cas échéant, au créancier gagiste ;
    « 2° L'immobilisation, pendant une durée d'un an au plus, du véhicule dont le prévenu s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est propriétaire.
    « Le fait de détruire, détourner ou tenter de détruire ou de détourner un véhicule confisqué ou immobilisé en application des 1° et 2° est puni des peines prévues à l'article 434-41 du code pénal.
    « III. - Toute personne coupable de l'une des infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-2 et commise simultanément avec l'une des infractions prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal encourt les peines complémentaires prévues au II du présent article.
    « IV. - Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-2, commise en état de récidive au sens de l'article 132-10 du code pénal, donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus.
    « Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal commise simultanément avec l'une des infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-2 donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant cinq ans au plus.
    « L'intéressé doit effectuer à ses frais un examen médical, biologique et psychotechnique le déclarant apte à la conduite avant la délivrance d'un nouveau permis,
    « Art. L. 235-4. - I. - Les officiers de police judiciaire, soit sur instruction du procureur de la République, soit à leur initiative, et, sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire peuvent, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent positives, à des vérifications destinées à établir si la personne est sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants.
    « Un échantillon des prélèvements effectués est conservé.
    « II. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du I.
    « III. - Le fait de refuser de se soumettre aux vérifications prévues au I est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 EUR d'amende.
    « Toute personne coupable de ce délit encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle.
    « Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Christian Estrosi, pour cinq minutes.
    M. Christian Estrosi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, parmi les drames effroyables générés par tant et tant d'accidents de la route - et le président Clément a raison de dire qu'il ne suffit pas d'un seul texte sur la sécurité routière - beaucoup sont causés par la consommation d'alcool, de psychotropes ou de drogues. Malgré le pourcentage qu'elle représente, la drogue fait partie des éléments qui ne sont pas pris en compte aujourd'hui dans l'affectation des moyens mis à la disposition de la police et de la justice pour assurer à la fois une bonne prévention et une juste répression.
    Combattre la consommation de drogue sous toutes ses formes est un devoir national et, de ce point de vue, je comprends et respecte la position des socialistes, notamment de M. Dosière, lorsqu'ils constatent que cette infraction est déjà sanctionnée par la loi. Mais de là à nous dire : « A quoi bon, par conséquent, y revenir ? », il y a un pas que l'on ne saurait franchir quand, depuis des années, on a pris très fortement position pour une prochaine dépénalisation...
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. Christian Estrosi. ... et quand, pendant cinq ans, on a, dans l'action politique, dépénalisé de fait, en renonçant à poursuivre la consommation, voire la vente de drogues douces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jérôme Lambert. Cela remonte à Peyrefitte !
    M. Christian Estrosi. Pour nous, il n'y a pas de drogues douces et de drogues dures.
    M. Jacques Myard. Il y a des drogues, tout simplement.
    M. Christian Estrosi. Toute drogue est nocive pour la santé ; c'est une évidence que tous les rapports scientifiques démontrent.
    Mais pour vous, il n'en est rien. Au-delà des belles déclarations de M. Kouchner, de Mme Voynet ou de M. Lang, j'en passe et des meilleures,...
    M. Jacques Myard. Et des pires !
    M. Christian Estrosi. ... qui n'ont cessé de plaider pour une dépénalisation des drogues douces dans notre pays, les procureurs eux-mêmes ont révélé qu'ils avaient reçu de Mme Guigou, alors garde des sceaux, des circulaires leur demandant, j'y insiste, de ne plus poursuivre la consommation, voire certains modes de vente des drogues douces. La dépénalisation, vous l'aviez fait entrer de fait, par votre action politique, dans le fonctionnement de nos institutions.
    M. Jacques Myard. Avec hypocrisie !
    M. Lionnel Luca. Ce sont des tartuffes !
    M. Christian Estrosi. Et, bien évidemment, si les résultats des élections aux mois de mai et juin derniers n'avaient pas été ceux que nous savons, à l'heure qu'il est ce n'est pas d'une proposition de loi visant à sanctionner les conducteurs sous l'emprise de la drogue que nous débattrions, mais d'une proposition pour la dépénalisation des drogues douces. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lionnel Luca. Naturellement !
    M. Christian Cabal. Bien sûr !
    M. Christian Estrosi. Le processus serait totalement inversé ; ce débat nous donne aussi l'occasion de le rappeler.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. Christian Estrosi. Nous avons choisi pour notre part de combattre la consommation, le trafic, le commerce et l'utilisation de la drogue sous toutes ses formes. Aujourd'hui, nous poursuivons ce combat sous l'aspect important de la sécurité routière. Dois-je rappeler à ce sujet la phrase célèbre d'un Premier ministre ? « Fumer un joint chez soi est certainement moins dangereux que boire de l'alcool avant de conduire », disait sans hésiter M. Jospin !
    M. Lionnel Luca. Un grand philosophe !
    M. Christian Estrosi. Cette citation résume très clairement le clivage qui partage l'hémicycle.
    Quant à M. Gerin, qui considère lui aussi qu'il suffit de commencer à appliquer la loi existante, ce qui m'a le plus choqué dans ses propos, c'est qu'il nous ait accusés de faire de la jeunesse une nouvelle cible. Reproche inacceptable car il revient à dire que, pour M. Gerin, toute la jeunesse de France est censée consommer de la drogue lorsqu'elle prend le volant. Non ! Nous sommes là aussi pour affirmer que la plus grande majorité de la jeunesse de France est saine, qu'elle ne consomme pas de drogue, et encore moins quand elle prend le volant. Adopter ce texte aujourd'hui, c'est aussi légiférer pour faire la différence entre la jeunesse, largement majoritaire, qui sait être exemplaire - et nous en sommes les défenseurs - et celle à laquelle il faut adresser un message fort, qui est d'abord un message préventif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Enfin, dire que le lien entre accidents de la route et consommation de cannabis n'est pas établi est une contrevérité. Je prendrai pour ma part un seul petit exemple, mais qui est très significatif. Un rapport retraçant les résultats des recherches de stupéfiants effectuées entre janvier et décembre 2001, sur les conducteurs impliqués dans des accidents mortels survenus dans la capitale, montre que 72 des 451 personnes contrôlées se sont révélées positives, soit 16 % du total : 65 avaient consommé du cannabis, 5 de la cocaïne et deux des amphétamines.
    J'estime que nous disposons aujourd'hui de suffisamment d'éléments pour ne plus énoncer de contrevérités. A cause de ce discours de l'immobilisme, de l'abstention coupable, notre pays accuse un retard certain en matière de lutte contre l'insécurité routière, alors même que nos partenaires européens, à l'image de l'Allemagne, ou internationaux, comme les Etats-Unis ou le Canada, ont réussi à diminuer notablement ce type de délinquance.
    Par cette proposition de loi, nous répondons clairement à un souhait exprimé par les Français. Nous sommes à leur contact quotidien.
    Mme la présidente. Monsieur Estrosi, il faut conclure.
    M. Christian Estrosi. Ils nous demandent d'agir et nous répondons formidablement, je crois, à cette attente, que ce soit en matière de prévention, de répression ou d'action des policiers, des gendarmes et des magistrats. Ces hommes et ces femmes qui se sont mis au service de la sécurité d'autrui ont aussi besoin que nous les aidions, par les moyens que nous leur donnons, à renforcer leur motivation, et que nous leur manifestions ainsi la considération qu'ils méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Mes chers collègues, les orateurs inscrits sur un article n'ont droit, je le rappelle, qu'à cinq minutes.
    La parole est à M. Guy Geoffroy, que j'invite à respecter son temps de parole.
    M. Guy Geoffroy. Avec l'article 1er de cette proposition de loi, nous sommes au coeur du dispositif que Richard Dell'Agnola nous propose d'adopter. Cela nous permet, je crois, de revenir, sans trop nous appesantir, à quelques aspects importants du débat que nous avons engagé sur la drogue au volant.
    Je voudrais d'abord dire combien est grande ma stupéfaction d'avoir entendu reprendre en séance publique des propos déjà tenus en commission. Nos collègues de gauche nous demandent d'avoir le courage de créer une mission d'information pour en savoir plus. Eh bien, moi, je pense qu'avoir du courage aujourd'hui, lorsque l'on traite d'une question qui concerne tant de jeunes, c'est justement avoir à l'esprit l'urgente nécessité de leur dire la vérité.
    Comme le rappelait en commission un de nos collègues socialistes, et comme nous le savons tous, dans nos établissements secondaires, très tôt - dès le collège -, un nombre croissant d'enfants s'adonnent à la consommation de produits illicites. Pourquoi ? Ils le font, bien sûr, parce que leur âge est celui du mal-être et de la recherche de soi. Mais aussi parce que le discours ambiant les a sans cesse confortés dans leur choix.
    On leur a dit pendant si longtemps : « Ce que vous faites avec des petites herbes n'est pas dangereux, et ce ne sont que des drogues douces. Il s'agit surtout de ne pas aller jusqu'aux drogues dures. » Mais aujourd'hui, et comme le rappelait notre collègue Estrosi, la preuve est faite qu'il n'y a plus ni drogues douces, ni drogues dures. Il y a tout simplement des drogues, et les adultes doivent dire aux jeunes, même si cela ne leur fait pas plaisir, que cette utilisation et cette consommation sont néfastes pour eux-mêmes criminelles pour d'autres.
    Est-ce que les familles, est-ce que les parents - je salue la présence de certains d'entre eux dans les tribunes - qui ont encore à souffrir dans leur chair, dans leur vie, et pour toujours, de ce qui leur est arrivé, vont se contenter d'une mission d'information pour oublier le drame qui les a frappés ? Bien sûr que non !
    Alors ce matin, mon cher collègue Richard Dell'Agnola, nous vous sommes redevables d'avoir eu le courage de nous permettre de parler vrai à notre jeunesse. Le message que nous lui envoyons est clair et direct car il faut en finir avec ce faux débat, cette tarte à la crème, qui oppose la prévention et la répression. Dans nos discussions avec les jeunes, n'aurons-nous pas plus d'arguments pour prévenir leurs errements si nous disposons d'un arsenal juridique approprié et que nous pouvons expliquer ? L'éducation, c'est l'explication, c'est la persuasion, et, pour persuader, il faut avoir des arguments. Je crois que la majorité de cette assemblée, sans hésitation et avec courage, votera l'article 1er et l'ensemble de cette proposition de loi. Ce sera un bien pour notre pays et pour son avenir : notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Un tel sujet, plus difficile qu'il n'y paraît, prête parfois à confusion, je l'ai encore constaté ce matin. Ainsi, vous nous avez indiqué dans votre démonstration, monsieur le ministre, que provoquer un accident sous l'influence de drogues n'est, dans l'état actuel de la loi, pas davantage puni qu'en l'absence de prise de drogues. Or vous savez qu'un homicide involontaire commis dans ces circonstances peut être puni d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison. Aussi, ajouter deux ans de prison n'a aucun sens puisque les peines ne sont pas cumulables. Parfois, à vouloir trop prouver, on ne prouve rien.
    M. Lionnel Luca. C'est le cas de le dire !
    M. Jérôme Lambert. En l'état, l'article 1er prévoit donc à l'encontre d'un contrevenant sous l'empire de produits stupéfiants des peines lourdes pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Or il soulève un certain nombre de difficultés qui ne trouvent de réponse ni dans le texte lui-même, ni dans les travaux préparatoires puisqu'ils sont inexistants, ni dans nos débats jusqu'à présent.
    En premier lieu, se pose le problème des résultats du dépistage devant entraîner des poursuites. Actuellement, les tests d'urine et la prise de sang permettent de détecter la présence de produits stupéfiants mais parfois très longtemps après leur prise. Cela signifie qu'une personne serait susceptible d'être contrôlée positive alors même que sa consommation daterait de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. Dans un tel cas, peut-on déterminer scientifiquement les conséquences de cette consommation sur la conduite ? La proposition de loi ne fixant aucun seuil, aucun barème, toute personne déclarée positive pourra être poursuivie et donc condamnée lourdement. En matière d'alcoolémie, nous avons pu et nous avons dû fixer des seuils. Cette grave imprécision du texte pose un problème d'insécurité judiciaire. Est-ce ainsi que nous devons légiférer ?
    Par ailleurs, si nous voulons lutter efficacement contre le fléau de la drogue, au volant ou ailleurs, est-ce seulement vers une politique de répression que nous devons nous orienter ?
    M. Philippe Vitel. Oui !
    M. Jérôme Lambert. La drogue est un fléau dont l'usage est interdit par la loi mais dont le trafic illicite génère d'énormes profits qui incitent les trafiquants à prendre tous les risques pour développer la consommation et, finalement, pervertir notre jeunesse.
    M. Gérard Voisin. Alors, votez ce texte !
    M. Jérôme Lambert. Interdiction et répression d'un côté, développement de la consommation poussée par les réseaux criminels, de l'autre, ce combat est-il le bon ? Comme beaucoup, je m'interroge. Ne pourrions-nous pas raisonnablement envisager de lutter contre les trafics criminels en réglementant l'usage des drogues ? En même temps qu'elle priverait de profits les trafiquants, une telle réglementation priverait de raison d'être l'offre, l'incitation à la consommation, qui s'adressent à notre jeunesse,...
    M. Lionnel Luca. C'est la dépénalisation, ça !
    M. Jérôme Lambert. ... et l'Etat pourrait alors mener des campagnes efficaces contre la consommation.
    M. Jacques Myard. A vous entendre, il n'y a que des victimes et pas de consommateurs délictueux !
    M. Jérôme Lambert. La réussite d'une telle politique mettrait un terme aux drames engendrés par l'incitation criminelle à l'usage de la drogue. Je crains que la politique que vous nous proposez ne s'attaque en rien aux causes de la toxicomanie et que vous ne recherchiez aujourd'hui que le bénéfice d'un affichage politique. Malheureusement, ce n'est pas ainsi que nous réglerons ce difficile problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. Jean-Claude Lemoine. En tout cas, ce n'est pas non plus avec vos propositions ! Vous n'en avez formulé aucune !
    M. Lionnel Luca. Quelle confusion !
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lang.
    M. Pierre Lang. J'ai étudié avec beaucoup d'intérêt ce texte courageux qui permettra d'accomplir un progrès dans le domaine de la sécurité routière, mais qui reste, à mon sens, insuffisant.
    M. René Dosière. C'est ça, il faut frapper plus fort !
    M. Pierre Lang. De fait, on s'attaque là, à un problème d'une portée symbolique et politique indéniable, celui de l'usage des stupéfiants. En pharmacologie, la classe des stupéfiants regroupe des médicaments ou des substances qui ont une action importante sur le système nerveux central, asociée à un effet de dépendance. En matière de sécurité automobile, c'est l'incidence sur le système nerveux central qui est dangereuse. A cet égard, les mesures proposées qui sanctionnent l'usage de plantes ou de substances stupéfiantes sont tout à fait justifiées. Limiter le champ de ces dispositions aux plantes et aux substances stupéfiantes telles qu'elles sont décrites par la pharmacologie l'est beaucoup moins, à mon sens.
    En cela, je rejoins M. Abelin, dont l'amendement tend à inclure dans le cadre de la loi un certain nombre de substances médicamenteuses. Leur liste devra être déterminée par les académies de médecine et de pharmacie et devra comporter toutes les substances qui engendrent des désordres graves, temporaires ou permanents, dans le système nerveux central ou périphérique. On pourra ainsi y virer tous les psychotropes, les somnifères, comme les barbituriques, les anxiolytiques et autres tranquillisants, ainsi que certains médicaments à effet retard utilisés couramment dans le traitement des rhumes ou autres maladies bénignes, l'association de certaines de ces substances médicamenteuses pouvant avoir des conséquences redoutables, y compris sur la conduite automobile.
    Je souhaiterais donc qu'on ait le courage de faire suivre ce premier pas, auquel je m'associerai, par des mesures qui visent l'ensemble des médicaments susceptibles d'avoir un effet dangereux sur la conduite automobile. En commençant déjà par imposer l'obligation de signaler sur les boîtes de ces médicaments, en grand, en rouge, les dangers que fait encourir leur consommation aux utilisateurs.
    Ensuite, et cela a déjà été dit, s'il est vrai que la biologie a fait de grands progrès, il reste malaisé de déterminer la présence effective de tous ces produits dans l'organisme. Compte tenu en particulier de la rémanence de ces pro duits dans le sang et dans les tissus, dans les phanères ou dans l'urine, il faudra forcément déterminer un seuil - sans doute cela relève-t-il davantage du décret - à partir duquel, pour chacun de ces médicaments, pourront être mises en oeuvre les sanctions prévues par la loi.
    Pour résumer, je voterai bien sûr ce texte, mais en regrettant qu'il soit incomplet. Il nous faudrait avoir le courage d'aller encore plus loin en adoptant l'amendement de M. Abelin, dont les dispositions devraient être étendues à l'ensemble des substances ou à toutes les classes de substances qui peuvent avoir une action néfaste pour la conduite automobile, sur le système nerveux central ou périphérique.
    M. René Dosière. Durcissez votre texte, monsieur le rapporteur !
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Ferry.
    M. Alain Ferry. « Dangereux », « irresponsable » : les termes employés ne seront jamais assez forts pour qualifier le comportement de ces automobilistes qui conduisent sous l'empire de drogues ou de l'alcool. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : des études menées en France révélant la présence de drogue dans 15 % des accidents mortels. Les jeunes ne sont d'ailleurs pas épargnés et ils paient un lourd tribut à la route, avec plus de 2 000 morts recensés chez les quinze/vingt-quatre ans, cela est intolérable.
    Dans ma circonscription, en Alsace, un conducteur sur cinq victime d'un accident roule sous l'influence du cannabis ou du chanvre indien. Au centre hospitalier d'Illkirch, sur les 168 conducteurs blessés admis aux urgences, 16,1 % avaient une alcoolémie supérieure au maximum légal ; dans près de 22 % des cas, le sang du conducteur blessé contenait des résidus de cannabinol, un produit stupéfiant.
    La conclusion est facile à tirer :les accidents dus à l'absorption de stupéfiants sont plus nombreux que ceux dus à l'ivresse. Mais, et c'est là tout le paradoxe, la loi pénalise sévèrement le conducteur pris avec un fort taux d'alcool et omet de reconnaître la drogue au volant comme un délit grave et sanctionnable, alors qu'elle est reconnue comme la première cause de mortalité au volant. Alors, oui, ce texte est bon, car il met un terme à ces différences de traitement législatif et répond enfin à une inéluctable déviance de notre société. D'ailleurs, en 1998, lors de la discussion du projet de loi Gayssot sur la sécurité routière, j'avais déposé un amendement visant à faire de la conduite sous l'empire de stupéfiants un délit, afin qu'on ne puisse plus dire qu'en France il valait visiblement mieux rouler « shooté » que « bourré ». Malheureusement, la précédente majorité ne m'avait pas suivi dans cette démarche.
    Aujourd'hui, je ne peux donc que me réjouir que l'article 1er de ce texte, s'inspirant de mon amendement, prévoie des mesures répressives qui vont dans le bon sens. S'il est adopté, la prise de stupéfiants sera considérée comme un véritable délit. Il est également essentiel de procéder à des contrôles inopinés. Il convient aussi d'améliorer l'équipement des forces de l'ordre, notamment pour permettre les prises de sang ou les analyses d'urine lors d'une interpellation ou d'un simple contrôle routier. La sanction doit être sans appel si la consommation de stupéfiants est reconnue effective lors d'un contrôle au volant.
    On aurait même pu aller plus loin dans la démarche en ajoutant à la peine d'emprisonnement et aux 4500 euros d'amende une peine complémentaire de travaux d'intérêt général à effectuer dans un centre hospitalier spécialisé dans le traitements des grands accidentés de la route ou auprès d'associations de victimes. Je défendrai dans un instant un amendement allant dans ce sens. Rien ne vaut, selon moi, une peine pratique et réparatrice pour faire prendre conscience aux délinquants de la gravité de leur acte et des effets qui en découlent sur la vie d'autrui.
    Je souhaite que les mesures répressives que je vais voter ce matin contribuent à endiguer efficacement la vague déferlante de mortalité due à la voiture. Cependant, la prévention ne doit surtout pas rester lettre morte. Elle doit au contraire constituer une priorité dès le plus jeune âge et chez les jeunes conducteurs, comme chez nos voisins d'Europe du Nord. Je pense ici à la création d'un permis jeune conducteur qui cumulerait formation permanente à la conduite et limitation de conduite de grosses cylindrées durant les cinq premières années de permis.
    Nous le savons tous, la sécurité routière est un vaste chantier : elle doit être la priorité de l'action du Gouvernement, mais aussi de celle de la majorité parlementaire. Elle nécessite le retour à l'autorité de l'Etat pour centrer les comportements irresponsables, préserver la liberté d'autrui et honorer la mémoire des trop nombreuses victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.235-2 du code de la route, substituer aux mots : "alors qu'elle se trouve sous l'influence de les mots : "alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de. »
    La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Cet amendement, qui vise à faire explicitement référence aux résultats d'une analyse sanguine, permettra d'éviter des discussions sans fin devant les juridictions pour déterminer si la consommation illicite de stupéfiants par le conducteur a ou non « influencé » son comportement. A cet égard, et pour répondre à certaines interrogations qui ont été émises à l'occasion de la discussion générale sur l'article 1er, je précise que les traces de produits stupéfiants dans le sang ne sont décelables que pendant quelques heures : six à quatre heures pour le cannabis, six heures pour l'héroïne, douze heures pour la cocaïne et, effectivement, quarante-huit heures pour les « cocktails » à base d'ecstasy, mais, lorsqu'on a consommé ce dernier type de produit, une période de quarante-huit heures de calme est sans doute nécessaire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. La commission a exprimé un avis favorable sur cet amendement du Gouvernement qui vise à donner une définition plus claire du délit et donc à éviter des contentieux devant les tribunaux.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Cet amendement du Gouvernement, si vous me permettez ce mauvais jeu de mots, est proprement stupéfiant ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Facile !
    M. René Dosière. Je vous ai dit moi-même qu'il n'était pas très bon !
    M. Lionnel Luca. Il y a beaucoup d'autres choses tout aussi stupéfiantes !
    M. René Dosière. Je ferai d'ailleurs remarquer que cet amendement a été déposé dans le cadre de la procédure prévue à l'article 88 de notre règlement, qui ne permet pas vraiment d'approfondir la discussion. Mais laissez-moi plutôt expliquer pourquoi j'ai été heureusement surpris par cet amendement. Le présent texte ne vise pas à réprimer l'usage de la drogue puisque la loi le prévoit déjà. Il s'agit en fait, si je me référe au rapport de M. Dell'Agnola, de créer une infraction spécifique de conduite sous l'influence des stupéfiants.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Et alors ?
    M. René Dosière. Or, avec son amendement, le Gouvernement supprime cette infraction spécifique au motif qu'elle sera inapplicable. Il propose non plus de sanctionner l'influence de la drogue au volant mais simplement son usage, ce qui est déjà prévu. Le Gouvernement aggrave simplement la sanction d'usage de la drogue au volant, ce qui d'ailleurs ne me choque pas. Il est bien évident, en effet, que, lorsqu'on consomme de la drogue chez soi, on ne met que sa vie en danger. En prenant le volant après en avoir consommé, on court en revanche le risque de mettre celle d'autrui en danger. Mais, ce faisant, monsieur le garde des sceaux, vous démontrez que l'étude épidémiologique en cours n'a plus de sens, son objet visant précisément à détruire l'effet de la drogue sur la conduite. Or, avec votre amendement, ce qui va compter, c'est non plus le risque mais le comportement.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Et alors ?
    M. René Dosière. Cet amendement souligne les difficultés que pose ce texte et renforce l'argumentation que j'ai développée. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste le votera.
    M. Lionnel Luca. Le raisonnement n'est vraiment pas clair !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Salles a présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « A la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 235-2 du code de la route, substituer aux mots : "deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, les mots : "trois ans d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
    M. Jean-Pierre Abelin. Mon collègue Rudy Salles, se trouvant à l'étranger dans le cadre de ses obligations parlementaires, m'a demandé de soutenir les trois amendements qu'il a déposés. Ceux-ci sont cohérents entre eux : il s'agit de durcir le dispositif tout en l'alignant sur celui qui réprime la conduite sous l'emprise de l'alcool.
    L'amendement n° 2 renforce donc les sanctions prévues par la proposition de loi en faisant passer de deux à trois ans la peine d'emprisonnement et de 4 500 à 7 500 euros le montant de l'amende.
    Cette sensibilisation de M. Salles s'explique sans doute par le nombre de morts causées par la consommation d'alcool ou de drogues dans son département des Alpes-Maritimes.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Nous avons déjà calqué notre dispositif sur celui réprimant la conduite sous l'influence de l'alcool. Ici, M. Salles propose d'augmenter les peines encourues, ce qui relève d'une autre logique. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Le fait de se caler sur les peines prévues pour la consommation d'alcool est raisonnable et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de modifier l'échelle.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Ferry a présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Après le 3° du I du texte proposé pour l'article L. 235-3 du code de la route, insérer l'alinéa suivant : "la peine d'intérêt général prévue à l'article 131-8 du code pénal est effectuée dans un établissement de santé accueillant des victimes d'accidents de la route ou dans une association de victimes d'accidents de la route. »
    La parole est à M. Alain Ferry.
    M. Alain Ferry. Cet amendement renforce l'arsenal répressif prévu à l'article 1er du présent texte. Il vise à infliger au délinquant, de façon complémentaire, une peine pratique et réparatrice de six mois de travaux d'intérêt général effectués dans un centre hospitalier spécialisé dans l'accueil des grands accidentés de la route ou auprès d'une association de victimes. Je l'ai déjà dit dans la discussion générale : rien ne vaut une peine pratique et réparatrice pour faire prendre conscience au délinquant de la gravité de son acte et des effets qui en découlent.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Une peine d'intérêt général est déjà prévue dans la proposition que je présente. Notre collègue souhaite toutefois la voir appliquer dans des hôpitaux ou des associations spécialisés. Je considère pour ma part qu'il faut laisser au juge l'appréciation pour le placement, d'autant que tous les départements ne disposent pas forcément de telles institutions. L'amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, à titre personnel, je suis défavorable à son adoption.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement a le même avis que le rapporteur. L'effet indirect de cet amendement serait de rigidifier la mise en oeuvre des peines d'intérêt général. Il risquerait ainsi de rendre la mesure totalement inapplicable, aboutissant à une situation contraire à l'objectif visé.
    Outre que cette question dépend largement du domaine réglementaire, ce qui, sans doute, n'est pas une raison suffisante pour repousser l'amendement, il convient de maintenir une certaine souplesse d'application et de laisser le choix au juge le plus souvent possible. En revanche, je peux m'engager, grâce aux instructions et aux orientations données sous forme de circulaire, à inciter les juges à se prononcer dans le sens souhaité par l'auteur de l'amendement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Dell'Agnola a présenté un amendement n° 9, ainsi libellé :
    « Après les mots : "toute personne, rédiger ainsi la fin du premier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 235-4 du code de la route : "à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'infraction définie à l'article L. 235-2 à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles sont positives, impossibles à pratiquer ou lorsque la personne refuse de les subir, à des vérifications destinées à établir la réalité de l'infraction. »
    La parole est à M. Richard Dell'Agnola.
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Cet amendement, que la commission a adopté ce matin, précise les conditions dans lesquelles un dépistage peut être effectué en dehors des cas d'accident mortel ou corporel : lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a consommé des drogues.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

    Mme la présidente. « Art. 2. - L'article L. 235-1 du code de la route est ainsi modifié :
    « 1° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : "Les officiers ou agents de police judiciaire font procéder... (Le reste sans changement). » ;
    « 2° Après le deuxième alinéa, il est inscrit un alinéa ainsi rédigé :
    « Un échantillon des prélèvements effectués à l'occasion de ces analyses et examens est conservé. » ;
    « 3° Le cinquième alinéa est supprimé. »
    Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    Mme la présidente. M. Abelin et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement n° 1, deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 211-6 du code des assurances est complété par les mots : "ou pour conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
    M. Jean-Pierre Abelin. Il s'agit de compléter l'article L. 211-6 du code des assurances en vue de soumettre au même régime la conduite en état d'ivresse et celle sous l'empire de stupéfiants.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Dans sa première version, l'amendement concernait également les médicaments, et la commission l'avait repoussé pour cette raison. Dès lors que notre collègue l'a rectifié pour ne viser que les stupéfiants, je me prononce à titre personnel en sa faveur. Je suis en effet favorable à ce qu'un parallèle entre l'alcool et les stupéfiants soit établi dans le code des assurances.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Guillaume a présenté un amendement, n° 5, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article L. 224-18 du code de la route, un article L. 224-19 ainsi rédigé :
    « Art. L. 224-19. - Les candidats à l'obtention du permis de conduire devront se soumettre, dans les quinze jours précédant ces épreuves, aux examens médicaux et biologiques nécessaires pour procéder au dépistage de prise de stupéfiants. Les résultats de ces examens seront obligatoirement communiqués, sous l'autorité du ministère de l'intérieur, aux services de l'Etat mentionnés à l'article L. 225-1 du présent code.
    « A défaut de satisfaire à ces tests ou en cas de tests positifs, la candidature à l'examen du permis de conduire sera rejetée pour une durée d'un an.
    « Ces examens médicaux et biologiques devront être renouvelés à chaque passage des épreuves du permis de conduire. »
    La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Cet amendement vise à renforcer le caractère préventif de la proposition de loi en s'inspirant de l'adage : mieux vaut prévenir que guérir.
    Nous avons tous été témoins de drames qui auraient pu être évités grâce à une action préventive forte. Je pense pour ma part à deux cas survenus en l'espace de six mois : une personne âgée fauchée sur un passage piétonnier, en pleine ville, par un jeune conducteur drogué ; un lieutenant de gendarmerie, jeune marié et futur père qui, alors qu'il était en service commandé, a été renversé par un jeune conducteur. Arrêté aussitôt après, ce dernier était en train de fumer un joint et se trouvait dans un état second.
    La proposition que nous examinons à l'avantage de donner un signal fort aux consommateurs de drogue. De plus, en s'appuyant sur des exemples européens probants, elle contribue au renforcement de la lutte contre la toxicomanie et nous met en conformité avec la directive de 1991.
    Néanmoins, son volet prévention pourrait être amélioré. Mon amendement propose de rendre obligatoire, dans un délai de quinze jours avant l'examen pratique, le dépistage de la drogue pour les candidats au permis de conduire.
    La plupart des experts en toxicologie notent en effet que la rémanence du cannabis rend sa détection possible six mois après sa consommation dans le cas, naturellement, de ceux qui n'en consomment pas que ponctuellement, mais en sont plus ou moins dépendants.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Notre collègue propose de procéder à un dépistage médical de stupéfiants avant l'obtention du permis de conduire. Or ce dispositif n'existe pas pour l'alcool. Vous le savez, nous avons voulu caler notre dispositif sur celui prévu pour la consommation d'alcool. Par conséquent, l'amendement conduit en quelque sorte à rompre une certaine harmonie.
    J'ajoute que, depuis l'adoption d'un amendement de M. Garraud, un tel dépistage est prévu en cas d'annulation du permis. L'avis de la commission est donc défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement, mais je voudrais bien m'expliquer auprès de François Guillaume, dont je connais les convictions et le désir de bien faire.
    J'observe tout d'abord qu'un dépistage devrait faire l'objet d'un rendez-vous, et serait donc prévu à l'avance. J'imagine mal un jeune fumer un joint avant de subir une visite médicale. Il faudrait qu'il soit bien distrait. (Sourires.)
    M. Lionnel Luca. Ou vraiment très drogué !
    M. le garde des sceaux. De plus, une telle mesure coûterait fort cher.
    Si je comprends votre souci, monsieur le député, d'alerter les jeunes sur les dangers de la conduite sous l'empire de la drogue, une telle disposition ne me paraît pas opératoire, car elle serait à la fois d'un coût excessif et d'une inefficacité totale. Elle n'a d'ailleurs jamais été envisagée en ce qui concerne l'alcool, probablement pour ces mêmes raisons.
    Mme la présidente. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Monsieur le ministre, je me fie simplement aux experts en toxicologie, qui assurent qu'on peut détecter dans un délai de six mois tout usage régulier d'une drogue. Bien entendu, il ne s'agit pas d'interdire l'épreuve de conduite à un consommateur exceptionnel. Mais des consommateurs réguliers, et donc dépendants, ne pourraient pas s'abstenir pendant six mois. Ma proposition est donc parfaitement réaliste. Je me suis d'ailleurs entouré de toutes les précautions nécessaires en consultant des experts. Néanmoins, sachant que le Gouvernement doit déposer une loi sur la sécurité routière, je veux bien reposer le problème à cette occasion, afin que, dans l'intervalle, la réflexion puisse avancer. C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.
    M. Salles a présenté un amendement, n° 3, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « A la fin du I de l'article L. 234-1 du code de la route, les mots : "deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende sont remplacés par les mots : "trois ans d'emprisonnement et de 7 000 euros d'amende. »
    Cet amendement est devenu sans objet après le rejet de l'amendement n° 2 de M. Rudy Salles à l'article 1er.

Article 3

    Mme la présidente. « Article 3. - Les augmentations éventuelles de charges pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle à son profit sur les droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 3. »
    La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Cet amendement a pour but de permettre le financement des mesures qu'implique la proposition de loi. Je l'ai déposé avec l'accord de M. Mer.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Favorable, naturellement, car l'amendement conduit à lever le gage. La commission, par la voix de son rapporteur, tient à saluer ce geste du Gouvernement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Après l'article 3

    Mme la présidente. M. Luca a présenté un amendement, n° 8, ainsi libellé.
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 235-1 du code de la route, sont insérés un chapitre et un article ainsi rédigés :

    « Chapitre 6
    « Conduite sous l'influence
de substances médicamenteuses

    « Art. L. 236. - Les officiers ou agents de police judiciaire font procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de la circulation à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent positives ou sont impossibles, ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances médicamenteuses entraînant un manque de vigilance au volant.
    « Les officiers de police judiciaire peuvent également faire procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident corporel de la circulation à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent positives ou sont impossibles ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à des analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances médicamenteuses entraînant un manque de vigilance au volant.
    « Les résultats de ces analyses sont transmis au procureur de la République du lieu de l'accident.
    « Le fait de refuser de se soumettre aux analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques prévus par le présent article est puni de 4 500 euros d'amende.
    « Toute personne ayant été testé positif aux examens prévus dans les deux premiers alinéas du présent article encourt également la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, pour la durée du traitement médical en cause, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle.
    « Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions du présent article. »
    La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Cet amendement n'avait d'autre objet que d'attirer, comme l'ont fait d'autres collègues, l'attention sur le problème de la conduite automobile sous influence médicamenteuse. Ayant reçu l'assurance que ce sujet serait examiné de près à l'occasion du prochain projet de loi consacré à la sécurité routière, je considère qu'il n'y a pas de raison d'en débattre aujourd'hui. Je le retire donc.
    Mme la présidente. L'amendement n° 8 est retiré.
    MM. Yves Cochet, Mamère et Mme Billard ont présenté un amendement, n° 10, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Il est institué une troisième épreuve obligatoire pour l'obtention de tout permis de conduire. Elle sanctionne un enseignement pratique de cinq séances sur la conduite à tenir en cas d'accident de la route, suivant les prescriptions de premiers secours dites des "cinq gestes qui sauvent. Cette formation est assurée par les associations de secourisme agréées. Un décret fixera les modalités de mise en oeuvre. »
    La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Par cet amendement, nous proposons de rendre obligatoire pour l'obtention du permis de conduire une troisième épreuve après le code et la conduite. Cette épreuve concerne ce qu'on appelle, depuis fort longtemps d'ailleurs, les « cinq gestes qui sauvent ».
    L'objectif que nous partageons tous est de faire baisser le nombre de tués sur les routes. Votre proposition de loi fait de la répression. Mon amendement, lui, constitue de la prévention efficace.
    M. René Dosière. Très bien !
    M. Yves Cochet. Les secours aux accidentés de la route ont été considérablement améliorés ces trente dernières années après l'expérience pilote du professeur Paul Bourret à Salon-de-Provence, en 1957, qui a le premier proposé de médicaliser l'intervention sur les lieux mêmes de l'accident.
    Les sapeurs-pompiers, malgré leur grand dévouement et leur célérité, mettent quand même, selon qu'on est en zone urbaine ou rurale, entre un quart d'heure et une demi-heure pour arriver sur les lieux. Or certains accidentés en détresse ne peuvent pas survivre à ce délai. Il existe en effet des cas d'urgence absolue. Deux dangers vitaux exigent en particulier une intervention immédiate : l'asphyxie et l'hémorragie externe abondante.
    Seules les personnes présentes sur place au moment même de l'accident peuvent agir avec succès dans l'attente de l'arrivée des secours. En 1986, le secours routier français avait ainsi estimé à 2 000 le nombre de vies que l'on pourrait sauver chaque année grâce à l'apprentissage généralisé des « gestes qui sauvent ».
    Il ne s'agit pas, je le répète, de faire passer un brevet de secourisme, mais simplement d'apprendre aux 800 000 personnes qui passent chaque année le permis ces cinq gestes élémentaires. Adopter cette disposition, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est mettre en avant une politique efficace de prévention, mais aussi faire baisser d'un quart par an le nombre de morts sur les routes.
    M. Jacques Myard. Que ne l'avez-vous fait !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Richard Dell'Agnola, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Je me prononcerai donc à titre personnel. J'observe d'abord qu'il est de nature réglementaire en vertu de l'article 37 de la Constitution et qu'il ne relève donc pas du domaine de la loi, mais du décret ou de l'arrêté. Ensuite, si l'intention est louable, les « cinq gestes qui sauvent » peuvent aussi, mal pratiqués, conduire à l'effet inverse, c'est-à-dire à des accidents, surtout s'ils ont été enseignés bien des années auparavant.
    Pour toutes ces raisons, je propose de repousser cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. J'émettrai un avis identique à celui de la commission. Non pas que le souhait exprimé par M. Cochet soit négligeable ou inintéressant, mais il me semble qu'avant de s'engager dans une telle démarche, il faut réfléchir à certaines questions : quels seront les intervenants, à quelle occasion - peut-être le permis de conduire - cet enseignement doit-il être dispensé ? Aujourd'hui, aucune structure n'est en mesure de le faire.
    Je pense plus approprié d'aborder cette question dans le cadre des discussions que nous aurons certainement à propos de la sécurité routière. Nous pourrions alors voir en particulier comment généraliser le brevet de secourisme. Le cadre scolaire pourrait être une des formules à retenir pour un tel enseignement, nécessaire mais dangereux, tant il est vrai qu'un secouriste inexpérimenté peut se révéler un danger par incompétence. Dans le cas, par exemple, d'une atteinte à la colonne vertébrale, le déplacement du blessé peut le tuer ou le rendre paralysé à vie.
    En ce domaine, il ne faut pas improviser. Même si la question posée par M. Cochet à travers son amendement est tout à fait pertinente, je crois qu'il faut aller un peu plus loin dans la réflexion, voir comment on pourrait améliorer la formation de secouriste des Françaises et des Français pour rendre plus efficace la réaction des personnes témoins d'accidents. Procéder par la voie législative à l'occasion de ce texte sur l'utilisation du cannabis à l'occasion de la conduite automobile me paraît une erreur.
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. L'amendement de M. Cochet est un très bon amendement. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cela étant, les interventions du rapporteur et du ministre nous montrent que les vertus du fait majoritaire que j'ai évoquées tout à l'heure sont tout de même limitées.
    M. Jacques Myard. Vous savez de quoi vous parlez !
    M. René Dosière. Au travers de leurs propos, j'ai en effet entendu ceux du précédent gouvernement et, même, me semble-t-il, les miens, pour m'opposer à un amendement déposé alors sur ce sujet par notre collègue M. Delnatte, combattant de longue date en faveur des cinq gestes qui sauvent. Je suppose d'ailleurs qu'il ne manquera pas de dire tout le bien qu'il pense de cet amendement !
    Nous devons aujourd'hui consentir un effort afin de démontrer que, dans ce domaine, il n'y a pas de querelle politicienne entre la majorité et l'opposition. J'ai cru l'entendre très régulièrement dans ce débat. Nous sommes donc tout disposés à contribuer de manière positive à réunir la majorité et l'opposition en faveur de cet amendement que nous voterons.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Delnatte.
    M. René Dosière. Il va le voter aussi !
    M. Patrick Delnatte. L'amendement de M. Cochet reprend des initiatives prises par d'autres parlementaires au cours de la mandature précédente. Avec de nombreux parlementaires de la majorité, je vais d'ailleurs déposer prochainement une nouvelle proposition de loi allant dans le même sens.
    A cet égard j'ai bien noté la prise de position de M. le ministre et je pense, comme lui, que cet amendement n'a rien à voir avec la proposition de loi en discussion. On pourrait presque le qualifier de cavalier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous sommes très sereins en la matière : il faut manifestement revoir cette question soit dans le cadre d'un texte spécifique soit à l'occasion du projet de loi sur la sécurité routière annoncé par le Gouvernement.
    Puisque certaines observations ont été formulées quant au danger de telle ou telle attitude, je tiens à souligner que la notion de secourisme devrait nous accompagner tout au long de notre vie. A l'instar des efforts consentis dans les établissements scolaires pour initier les jeunes au secourisme, il faudrait que notre société sensibilise en permanence chacun d'entre nous, car il y va de la santé, voire de la survie de nos concitoyens. Nos propositions en la matière rejoignent tout à fait les objectifs du Gouvernement.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Aux excellents propos de M. Dosière et de M. Delnatte, j'ajoute simplement que la Suisse, par exemple, a imposé une telle obligation dans le passage du permis de conduire depuis 1977, voilà donc plus de vingt-cinq ans, et qu'il n'est pas question de la supprimer. Ce pays n'y a trouvé que des avantages, notamment pour atteindre le but que nous partageons et qui nous réunit tous, c'est-à-dire la baisse du nombre de morts sur les routes.
    Monsieur Delnatte, il ne s'agit pas d'un cavalier. Certes la commission n'a pas examiné cet amendement et n'a pu se prononcer, mais elle a tenu compte de certaines propositions de loi, dont la vôtre et la mienne, relatives à la conduite, quel que soit l'angle sous lequel on ait abordé le sujet. En outre, le service de la séance a également accepté cet amendement. Il se situe bien au coeur du sujet : faire baisser le nombre de morts sur les routes de France.
    M. René Dosière. Tout à fait !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Titre

    Mme la présidente. Je donne lecture du titre de la proposition de loi :
    « Proposition de loi relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes. »
    M. Salles a présenté un amendement, n° 4, ainsi rédigé :
    « Compléter le titre de la proposition de loi par les mots : "ou de l'alcool. »
    Cet amendement relatif à l'intitulé de la proposition n'a plus d'objet.
    Avant de mettre au voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :
    « Proposition de loi relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants. »

Explications de vote

    Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.
    Certes, nous sommes naturellement opposés à la consommation de drogue pour ceux qui conduisent. Nous l'avons d'ailleurs montré en votant l'amendement du Gouvernement qui renforce la répression lorsque ce constat est fait. Néanmoins, nous ne voulons pas d'une législation de circonstance. Malheureusement, tel est bien le cas de la proposition de loi en discussion.
    Il conviendra d'ailleurs d'en modifier le texte au cours de la navette puisque le mot « influence » y figure encore alors que l'amendement n° 7 du Gouvernement a eu pour objet de le supprimer. Cette anomalie sera corrigée mais elle souligne bien les ambiguïtés du texte.
    Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui va être adoptée ce matin, à l'initiative de notre collègue de l'UMP, Richard Dell'Agnola, est importante. Ce texte nécessaire, préventif, pédagogique quant aux dangers que présente la consommation de drogue, va mettre fin à la dérive que nous avons subie pendant les cinq dernières années, durant lesquelles ceux qui gouvernaient n'ont eu de cesse de banaliser la consommation de drogue. Or ce sont les mêmes qui nous reprochent aujourd'hui de ne pas faire suffisamment pour la réprimer, comme s'ils venaient d'oublier - mais l'amnésie est peut-être aussi sous influence - cinq ans de gouvernement.
    M. Lucien Degauchy. Tout à fait !
    M. Lionnel Luca. Vous venez, dans un débat que vous essayez de dévier en permanence, de nous parler de la vitesse. Bien sûr, c'est un élément de l'insécurité routière, mais elle l'est d'autant plus quand les conducteurs sont sous l'influence de produits illicites.
    M. René Dosière. Il n'est plus question d'« influence » !
    M. Lionnel Luca. En effet, la perte de contrôle de soi entraîne des comportements totalement irresponsables.
    De la même manière, vous avez parlé de brider les véhicules et évoqué le secourisme. Bref, vous essayer de noyer le poisson pour ne pas parler du sujet.
    C'est si flagrant que nous ne pouvons pas supposer un seul instant que vous ne le faites pas exprès, mais je dois dire que cette attitude est assez déconcertante, assez consternante et même, pour tout dire, assez attristante au regard des victimes de ce fléau. Celles et ceux qui ont perdu un être cher attendent non pas que nous débattions du sexe des anges mais que nous fassions un pas supplémentaire dans la lutte contre la violence routière.
    Peu importe que ce texte soit suffisant ou non, qu'il s'inscrive dans le débat plus général de la sécurité routière. L'essentiel est qu'il existe, car il n'est pas arrivé par hasard. Il avait déjà été déposé en 1997, mais vous l'avez laissé dormir, ainsi d'ailleurs que des propositions d'autres collègues. En fait, nous ne faisons que prendre la suite pour qu'il soit adopté sans perte de temps.
    Il est également assez surprenant d'entendre parler de la lenteur des décrets d'application pour ceux qui viennent de gouverner pendant cinq ans.
    M. René Dosière. Je vous donne rendez-vous !
    M. Lionnel Luca. M. le garde des sceaux a répondu très concrètement en disant que cela irait vite.
    M. René Dosière. Les ministres disent toujours cela.
    M. Lionnel Luca. Ces propos témoignent de sa volonté d'agir en la matière.
    Sur les bancs de l'UMP, nous aurions aimé que d'autres nous rejoignent, même si vous ne prônez plus que l'abstention dans l'hémicycle, alors que vous vous étiez prononcé contre en commission. Cela montre d'ailleurs combien vous êtes mal à l'aise.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est vrai !
    M. René Rosière. Ne vous inquiétez pas pour notre santé mentale ou politique !
    M. Lionnel Luca. Vous feriez mieux de tirer les conséquences de la situation actuelle et de faire en sorte que l'unanimité prévale en faveur de tout ce qui tend à renforcer la sécurité routière, à responsabiliser les conducteurs, à punir les inconséquents et les chauffards, dont certains vont parfois jusqu'à l'assassinat pur et simple.
    Ainsi que vous l'avez rappelé, nous avons voté en faveur de textes que vous avez proposés, afin qu'ils soient adoptés à l'unanimité.
    M. René Rosière. Au Sénat, pas ici !
    M. Lionnel Luca. Je constate une fois de plus que votre sectarisme va à l'encontre de ce que nous recherchons. Toutefois peu importe : l'opinion jugera et elle félicitera les auteurs de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur l'ensemble

    Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

2

MODIFICATION DE L'ARTICLE 36
DU RÈGLEMENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Discussion d'une proposition de résolution

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier la dénomination de la commission de la production et des échanges, présentée par M. Patrick Ollier, président de cette commission (n°s 162, 237).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de modification du règlement de notre assemblée que j'ai l'honneur de vous soumettre aujourd'hui et qui a été proposée par M. Patrick Ollier, actuel président de la commission de la production et des échanges, a été présentée à maintes reprises depuis quarante ans, mais il n'y a jamais eu de majorité pour la voter, ni au sein de la commission concernée, ni en commission des lois, ni dans les précédentes assemblées, qui l'ont toutes rejetée.
    Il convient de rappeler que la dénomination actuelle des commissions permanentes de notre assemblée date de 1959 et qu'elle n'a pas été changée depuis. Elle est issue de la réforme du règlement intervenue après la mise en place de la Ve République. A l'époque, en effet, les constituants, soucieux d'encadrer strictement le rôle des commissions permanentes, ont limité leur nombre à six par chambre, de telle sorte que la compétence législative de notre assemblée, qui était répartie entre dix-neuf commissions différentes à la fin de la IVe République, a dû être redistribuée entre les six commissions permanentes autorisées en 1959.
    La commission de la production et des échanges s'est ainsi vu reconnaître un champ d'attribution particulièrement large, puisqu'elle s'est substituée à sept des dix-neuf commissions existant à l'époque : celles des affaires économiques, de l'agriculture, des boissons, de la marine marchande et des pêches, des moyens de communication et du tourisme, de la production industrielle et de l'énergie, enfin celle de la reconstruction, des dommages de guerre et du logement. Les auteurs du règlement, sans rendre compte de l'ensemble de ces compétences, ont essayé de mettre en relief celles qui apparaissaient essentielles à cette époque encore marquée par les exigences de la reconstruction de l'économie.
    Vous l'avez compris, mes chers collègues, cette dénomination apparaît aujourd'hui totalement inadaptée. Elle ne recouvre que d'une manière très partielle l'ensemble des attributions actuelles de la commission de la production et des échanges, et ne reflète nullement leur poids respectif. En effet, cette commission a pris en charge de nouvelles branches du droit, qui n'existaient évidemment pas en 1959.
    Ainsi les dispositions concernant l'environnement, l'écologie et le cadre de vie, secteurs qui prennent une importance croissante, relèvent désormais de sa compétence.
    Par ailleurs, certaines branches du droit ont évolué et intègrent aujourd'hui des préoccupations liées au cadre de vie, à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire, ce qui conduit à élargir le champ des attributions de cette commission. En outre, les termes « de la production et des échanges » apparaissent surannés et sont source d'incompréhension, tant pour nous, parlementaires, que pour les acteurs de la vie économique, qui saississent difficilement le champ des attributions de la commission et établissent mal le lien avec son homologue du Sénat, dénommée commission des affaires économiques et du Plan.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Tout à fait !
    M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. Il semble donc parfaitement légitime de vous demander de modifier le règlement de l'Assemblée nationale, afin de changer une bonne fois pour toutes la dénomination de la commission de la production et des échanges.
    La présente résolution, adoptée à l'unanimité le 30 juillet dernier par les membres de cette commission, propose donc, dans son article 1er, de la dénommer désormais : commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Elle complète par ailleurs dans son article 2 la liste des compétences de la commission, en y ajoutant l'environnement, dont la pratique parlementaire lui a déjà confié la responsabilité.
    La nouvelle dénomination proposée, plus large et, en même temps, plus précise, semble parfaitement adaptée. C'est pourquoi je vous demande de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    (M. Jean Le Garrec remplace Mme Paulette Guinchard-Kunstler au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Ollier, premier orateur inscrit.
    M. Patrick Ollier. Monsieur le président, je tiens d'abord à remercier les membres de l'actuelle commission de la production et des échanges d'être aussi nombreux dans l'hémicycle. En effet le processus engagé procède d'une volonté unanime de notre commission. Leur présence dans l'hémicycle témoigne de l'intérêt qu'ils portent à cette initiative. Je n'ai donc fait que reprendre, dans cette proposition de résolution, la volonté de l'ensemble des membres de notre commission.
    L'excellent rapport présenté par M. Bénisti a repris les arguments essentiels avancés au cours du débat en commission. Je n'y reviendrai donc pas en détail.
    Notre premier objectif a été de s'adapter au temps en modernisant notre institution parlementaire. En l'occurrence il s'agit d'adapter le champ des compétences de notre commission aux circonstances.
    Le rapporteur, Jacques-Alain Bénisti, a souligné que la répartition effectuée il y a quarante-cinq ans était fondée, la nécessaire reconstruction après la Seconde Guerre mondiale et l'obligation de relancer l'activité économique justifiant l'appellation de la commission de la production et des échanges. Cependant, depuis plusieurs années, les députés et, plus encore, les acteurs de la vie économique au quotidien, s'interrogent sur les compétences de cette commission, car son appellation ne permet pas de les identifier, ce qui peut être source de confusion. Cela vaut même pour ceux qui ont la charge de la communication, les journalistes en particulier.
    Enfin, le rapporteur a parfaitement évoqué ce que l'on peut appeler le parallélisme des formes.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est vrai !
    M. Patrick Ollier. Ce souci doit nous conduire, afin d'améliorer la cohérence de l'activité parlementaire, à donner des appellations à peu près semblables aux deux commissions, respectivement du Sénat et de l'Assemblée, qui interviennent dans les mêmes domaines.
    L'appellation actuelle de commision de la production et des échanges nous paraissant donc désuète, incomplète et aujourd'hui inadaptée, les membres de la commission unanimes, et pas seulement son président ou son bureau, ont tenu à engager ce processus, en espérant que, cette fois-ci, nous parviendrions à recueillir un consensus. A cet égard, je dois d'abord remercier ceux qui ont permis que ce texte arrive en séance,...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Grâce à votre talent !
    M. Patrick Ollier. ... alors que, comme l'a rappelé le rapporteur, d'autres ont essayé sans succès. Il est vrai qu'ils n'avaient sans doute pas trouvé sur leur chemin un président de la commission des lois compréhensif qui, dès qu'il a été saisi de cette proposition, a accepté d'engager le processus. Je l'en remercie donc, ainsi que M. le rapporteur, qui a pu ainsi faire part de l'accord unanime de la commission avant l'examen de ce texte en séance publique.
    Le titre que nous souhaitons voir adopté aujourd'hui, « commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire », n'est pas né sous l'impulsion d'une seule personne, il résulte d'un débat très ouvert qui a duré toute une matinée au sein de notre commission. C'est du reste au cours de cette séance que le projet originel a été adopté, afin précisément de préserver le consensus. Et ce consensus, j'y tiens particulièrement : sans lui, nous ne serions pas aujourd'hui à examiner en séance publique cette proposition de résolution. Je remercie donc les commissaires qui appartiennent aux groupes siégeant à gauche de l'hémicycle, de même, évidemment, que ceux qui siègent dans la majorité et qui, eux aussi, ont soutenu ce projet.
    Unanimité de notre commission, unanimité aussi à la commission des lois. Je tiens également à remercier les présidents des autres commissions qui, en conférence des présidents, ont accepté que nous allions plus loin, et plus particulièrement le président Pierre Méhaignerie. La commission des finances avait exprimé des interrogations parfaitement compréhensibles. Nous avons débattu, nos explications ont rassuré nos collègues, notre volonté de changer de nom a été parfaitement comprise et le président Méhaignerie a lui-même approuvé cette évolution en conférence des présidents.
    Il me faut enfin remercier le président Jean-Louis Debré ; soucieux de voir moderniser nos pratiques parlementaires, c'est lui qui a donné l'impulsion pour l'inscription de cette proposition de résolution à notre ordre du jour.
    Unanimité en commission de la production des échanges, unanimité en commission des lois ; mesdames, messieurs les commissaires, monsieur le président, qu'il ne soit permis de souhaiter que la même unanimité se manifeste dans notre hémicycle pour ce changement de nom, afin que notre commission de la production et des échanges, qui a rendu de grands services à notre assemblée, puisse continuer le travail sous la nouvelle appellation de commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ça s'arrose !
    M. le président. Je profite de l'occasion pour saluer, après M. Ollier, M. le président de la commission des lois.
    La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Monsieur le président, mes chers collègues, lequel d'entre nous, membre parfois depuis plusieurs législatures de la commission de la production et des échanges, ne s'est pas trouvé en train de bafouiller ou d'inventer une périphrase pour répondre à l'un de ses électeurs qui, faisant preuve d'une saine curiosité citoyenne, lui posait cette question : « monsieur le député, dans quelle commission siégez-vous à l'Assemblée ? »
    Au-delà de la satisfaction de constater que certains de nos concitoyens ont entendu parler du travail en commission et ne réduisent pas nos travaux dans l'hémicycle au « round » démocratique des questions d'actualité, force est d'admettre que la réponse : « dans la commission de la produciton et des échanges » appelle systématiquement un commentaire explicatif, tant il est vrai que l'évolution du vocabulaire comme des activités économiques donne à cette appellation un charme un peu désuet.
    Le débat qui nous réunit ce matin est donc assez insolite. Peut-être restera-t-il obscur ou un peu inaperçu de l'opinion, ce qui serait bien dommage. Car c'est avec le souci d'être mieux compris dans l'exercice de notre mandat et de faire comprendre plus clairement le fonctionnement de notre institution que nous faisons ce matin oeuvre de toilettage réglementaire.
    Les parlementaires se doivent d'agir à l'inverse des juristes, dont certains se complaisent dans l'enchevêtrement de textes souvent abscons pour le plus grand nombre,...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Restons correct !
    M. François Brottes. ... mais parfois, reconnaissons-le, féconds pour les autres. Force doit rester à la loi lisible, compréhensible par tous. Or l'honnêteté me commande de reconnaître avec vous que vous avons, nous, législateurs, à faire collectivement un effort considérable pour devenir des républicains accessibles et intelligibles.
    A quoi sert-il de prôner la démocratie participative si l'on ne comprend jamais la question posée ? A quoi sert-il de parler de démocratie de proximité si la règle du jeu du fonctionnement de nos institutions républicaines n'est connue que des seuls spécialistes ?
    Le débat de ce matin participe d'une démarche de rapprochement entre la vraie vie et le travail du législateur. Il fait partie de ces circonstances qui nous rappellent que l'Assemblée nationale est à la fois en prise avec l'époque, avec l'immédiateté, et très enracinée dans le temps long, celui qui éclaire, ce « dépôt vivant » où nous puisons pour réformer et construire l'avenir.
    Nous allons donc ce matin modifier le règlement de notre assemblée. Cette opération est aujourd'hui devenue courante tant ce texte qui régit notre fonctionnement s'est complexifié et nécessite de fréquentes mises à jour, parfois assez conséquentes.
    Mais nous nous saisissons aujourd'hui d'un de ses aspects intacts depuis 1959, et surtout d'un symbole : la dénomination de l'une de nos six commissions.
    La pratique des commissions parlementaires permanentes renvoie évidemment à un lointain passé, et d'une certaine façon à l'émergence de ce que l'on peut appeler le « parlementarisme républicain », qui demeure aujourd'hui encore notre référence et, je l'espère, notre horizon.
    En 1840, la commission des finances existe déjà à l'Assemblée nationale : elle est donc notre doyenne, et c'est bien volontiers que ce débat lui doit le respect et la révérence, surtout lorsqu'il est question d'attributions économiques. Mais l'histoire ne s'arrête pas là car la naissance du « parlementarisme républicain » c'est surtout un tâtonnement, la recherche d'une méthode pour le meilleur exercice des droits du Parlement.
    En 1893, l'Assemblée nationale comporte six commissions permanentes, onze en 1898 et vingt en 1920. La prolifération des commissions, même autour de questions dites « stables », fut l'un des maux de jeunesse du parlementarisme républicain. L'exposé des motifs du texte qui nous est présenté aujourd'hui le rappelle puisqu'il mentionne qu'en 1957 la IVe République avait pas moins de dix-neuf commissions permanentes en activité.
    C'est la Constitution du 4 octobre 1958 qui fit oeuvre de rationalisation parlementaire, en faisant du nombre des commissions une donnée constitutionnelle et en fixant celui-ci à six.
    La commission de cette production et des échanges fut donc l'une des six commissions permanentes installées en 1959 : avec la commission des affaires sociales, elle est aujourd'hui, sur le plan des effectifs, l'une des deux plus importantes de l'Assemblée.
    C'est en fait la dénomination de cette commission qui nous intéresse auourd'hui.
    « Production et échanges » : chacun comprend bien ce qui a pu guider le choix de cet intitulé, dans une France qui se reconstruit et aborde, avec les années 60 ses décennies de « croissance glorieuse » : il s'agissait à la fois de mettre l'accent sur la création de richesses, mais aussi de confirmer la notion d'une économie fondée sur deux fonctions simples, produire et commercialiser. Ces fonctions n'ont pas disparu mais les choses sont devenues beaucoup plus complexes.
    Au moment où s'ouvrait le xixe siècle, on distinguait en France trois secteurs d'emplois : l'agriculture, les agriculteurs constituant à l'époque les deux tiers de la population active ; l'industrie, le monde ouvrier représentant 20 % de l'emploi en 1806 ; enfin, un très embryonnaire secteur des « services », en émergence.
    Au risque de faire preuve de brutalité dans la comparaison, indiquons ce qu'est devenu cette répartition en ce début de xxie siècle : à nouveau 20 % dans l'industrie, mais plutôt un déclin après un apogée de près de 40 % au milieu des années 70, 3,5 % dans l'agriculture restent, par voie de conséquence, plus des trois quarts des emplois dans le secteur très diversifié des services.
    Est-ce la même France, même si cent cinquante ans séparent ces deux repères ?
    Dès lors, l'appellation « production et échanges » ne véhicule plus la même approche de l'activité économique : ce n'est donc plus la seule clé de notre description, encore moins de notre compréhension de l'économie.
    Il nous est donc proposé d'adopter la dénomination « commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ». Cette proposition, nous la devons au président de notre commission, Patrick Ollier, que je salue et à qui nous reconnaissons bien volontiers cette paternité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges. Merci !
    M. François Brottes. Nous en avions déjà eu l'envie, il en a pris l'initiative. Mais c'est aussi le résultat d'une réflexion collective au sein de la commission, et tous les groupes y ont pris leur part. Il n'y aura donc pas de suspense autour des positions de vote, mais il m'appartient cependant, au nom du groupe socialiste, de dire pourquoi cette proposition recueille notre assentiment.
    Pourquoi le triptyque « économie, environnement et territoire » sonne-t-il juste pour nous ?
    Comme je l'ai dit, la commission de la production et des échanges s'est voulue, pendant quarante-trois ans, le reflet d'une certaine vision de l'économie. Pour résumer, nous pouvons dire que nous avons été, au cours de ces décennies, la « commission de la création des richesses ».
    Nous le sommes toujours, et sans doute avons-nous vocation à le rester, mais qu'est-ce qui aujourd'hui a changé, profondément changé ?
    Pour commencer, ce que nous entendons par « richesses » a évolué. La production marchande, celle des biens et des services est toujours le coeur de l'économie, et elle est surtout le ressort de la création des emplois. Mais d'autres richesses sont apparues, à la fois dans les faits et dans les mentalités. C'est le cas de l'environnement, du patrimoine ; mais c'est aussi le cas de tous les « biens collectifs » : grands réseaux de communication ou de transport, grands procédés de transformation des matières premières ou de production d'énergie, parmi lesquels on retrouve les services publics, qui ne sont pas pour rien dans la puissance industrielle de notre pays ; on souligne aussi l'accès de tous aux maximum de services.
    Notre champ s'est donc largement étendu dans ce qu'il recouvre, mais notre mission tout autant : il ne s'agit plus simplement de créer des richesses mais aussi de les préserver, et parfois de veiller à ce que la production, pour ne pas dire le productivisme, ne soit pas source de dégradation de la planète. Cela nous permet de nous revendiquer comme la « commission du développement durable », expression malheureusement un peu trop hermétique pour être retenue comme dénomination.
    Après l'environnement, il nous faut aussi regarder un instant du côté du territoire.
    La diversité de nos territoires est si unique qu'elle constitue le socle de notre développement, l'une de nos richesses, de nos spécificités.
    Au moment où s'instaure un nouveau débat sur la décentralisation et l'élargissement de l'Europe, il n'est pas besoin de souligner le défi que représente pour notre commission le fait de devenir officiellement la commission du territoire.
    Mais la « territorialisation » des questions qui nous seront soumises peut se révéler une chance autant qu'un danger.
    Elle peut être une chance si nous savons garder à l'esprit que tout ce qui s'imagine, s'invente, se décide - y compris à l'Assemblée nationale - a vocation à se concrétiser quelque part sur notre territoire, avec nos concitoyens.
    Mais comprenons aussi qu'une approche trop « localiste » peut être réductrice, voire injuste. En devenant la commission du territoire, il faudra nous souvenir que ce mot est pris dans son sens singulier, c'est-à-dire que nous devons penser à chaque partie du territoire mais plus encore à l'équilibre du territoire et, si vous me le permettez, et je pense que vous en serez d'accord, à son unité, au coeur d'une Europe bien sûr toujours en devenir.
    « Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire », nous voilà face à quelques paradoxes : produire sans dégrader, localiser sans désunir, voire sans démunir, territorialiser sans tourner le dos à l'Europe.
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. François Brottes. Et puisque nous ne sommes plus seulement la commission de ce qui se crée, devenons pleinement la commission de ce qui se concrétise.
    Cela me conduit, en guise de conclusion, à quelques suggestions pour relever ce défi.
    La première concerne la communication. De façon étonnante et même presque choquante dans la société où nous nous trouvons, ce mot n'apparaît pas dans le triptyque qui nous est proposé.
    Or la communication, qui jadis trouvait droit de cité à travers le terme « échanges », est évidemment une clé pour l'économie et les territoires. Une clé pour apprendre, pour échanger ; une clé aussi pour assurer l'aménagement harmonieux et équitable du territoire.
    C'est pourquoi je veux rappeler que, si le mot « communication » n'apparaît pas dans la nouvelle dénomination, notre commission reste celle des transports, mais elle est aussi celle du courrier, des télécommunications et de l'Internet.
    La deuxième interrogation concerne la prise en compte de la dimension européenne. Transposition de directive après transposition de directive, force est de constater que les questions de dimension communautaire sur lesquelles nous avons à délibérer sont très nombreuses. Je pense évidemment aux secteurs de réseaux : télécommunications, chemin de fer, électricité, gaz ou encore secteur postal.
    Il est certain que la commission de la « production et des échanges » devenue demain « des affaires économiques, de l'environnement et du territoire » est sans doute l'une des plus immergées au quotidien dans la dimension communautaire. Cela n'a pas été un obstacle. Plus qu'au devenir de notre commission elle-même, cela renvoie à l'articulation avec une autre instance de l'Assemblée nationale, la délégation pour l'Union européenne. Mais reconnaissons que c'est là encore un autre débat.
    En conclusion, quarante-trois ans après le choix de 1959 et un quart de siècle après l'apogée de l'emploi industriel en France, voici donc une page très symbolique qui se tourne.
    En souhaitant que l'emploi reste au coeur de nos préoccupations, parce qu'il est l'un des fondements de la dignité dans nos sociétés, en souhaitant que l'humain reste au centre de nos préoccupations parce qu'il n'y a pas d'intérêt qui lui soit supérieur, en souhaitant que la qualité de nos débats soit respectueuse de la diversité de nos opinions, en souhaitant que notre mandat s'exerce au sein de cette commission dans la sincérité des engagements que nous avons pris et des comptes que nous avons à rendre à la population et au pays, je souhaite la bienvenue à la « commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire », et, dans cet esprit, le groupe socialiste, qui adhère à cette nouvelle dénomination, votera la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Cher président Ollier, vous avez réussi une double performance, assez rare à l'Assemblée nationale. Non seulement vous aurez, en très peu de temps, marqué votre passage d'une façon indiscutable,...
    M. Léonce Deprez. Historique !
    M. François Sauvadet. ... puisque aucun intitulé de nos commissions n'avait changé depuis 1959, mais vous l'aurez fait avec un des textes les plus courts qu'aura jamais examiné notre assemblée. (Sourires.) Vous avez réussi là une double performance que je ne voulais pas manquer de saluer d'emblée.
    M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges. Je vous remercie.
    M. François Sauvadet. C'est en effet la première fois depuis 1959, vous l'avez rappelé vous-même, que l'intitulé d'une de nos commissions change. C'est en soi un événement suffisamment rare pour être relevé, d'autant qu'il fait l'objet d'un consensus sur tous les bancs de l'Assemblée.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est sans doute pour cela que vous êtes si long !
    M. François Sauvadet. Reconnaissons que l'actuelle dénomination ne reflétait pas le vaste champ de compétences dévolu à cette commission. Je ne développerai pas, le président de la commission des lois m'incitant à faire court ; la liste serait trop longue.
    Changer de nom pourquoi ? Tout simplement, vous l'avez dit, parce que les temps ont changé. La notion de production évoquait des temps antérieurs, formait un tout bien avant la révolution des nouvelles technologies. Quant à la notion d'échanges, elle réduisait à la portée d'échanges stricts des préoccupations qui vont aujourd'hui bien au-delà, notamment en matière d'environnement. Et, parallèlement, la société a elle aussi évolué.
    Je vois pour ma part, comme mon groupe, trois avantages à voter cette proposition de résolution et à adopter le nouvel intitulé : « commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ».
    Le premier, vous l'avez dit vous-même, c'est une meilleure lisibilité de nos institutions. La lisibilité de nos travaux est une des clés, une des conditions de la reconnaissance du travail parlementaire, et le parallélisme avec la commission des affaires économiques et du plan du Sénat facilitera cette compréhension au moment des navettes. Cette évolution témoigne d'une volonté pédagogique que nous partageons.
    Le deuxième point, c'est la modernité. Ce changement de nom recouvre un changement profond de paradigme, de modèle. La société ne se reconnaît plus dans le productivisme à outrance. L'environnement fait désormais partie des préoccupations majeures des Français. Les crises que nous avons traversées, notamment dans les domaines sanitaire, agricole, dans le secteur de l'alimentation, sans oublier les accidents industriels, dont on voit encore les traumatismes profonds qu'ils ont laissés, les dérèglements climatiques, avec les inondations meurtrières qui ont ravagé l'Europe et notre pays, révoltent et inquiètent. Dans tous ces domaines, notre commission a un rôle majeur à jouer.
    De surcroît, elle doit aborder ces questions en ayant la maîtrise de l'expertise non seulement des affaires économiques mais aussi de l'environnement. Il y a également la volonté de bien tenir compte de deux attentes de nos compatriotes ; faire coïncider le développement industriel et économique avec la nécessaire protection de la nature et de l'environnement.
    L'élu rural que je suis ne peut que se féliciter de la présence du mot « territoire » dans la proposition de M. Ollier.
    La défense des territoires et d'un aménagement juste et équitable de nos régions est un des devoirs premiers de l'Etat. On a beaucoup parlé des difficultés des villes, des quartiers sensibles et de leur lot de violences. Mais, c'est du moins mon sentiment, on a trop souvent oublié la France des campagnes, la France des petites communes rurales, qui se sent aujourd'hui laissée pour compte, oubliée. Je veux bien évidemment parler des agriculteurs touchés par les crises, mais aussi de ceux qui, au quotidien, vivent avec le sentiment que les services publics s'éloignent, sentiment largement partagé sur le terrain par nombre de nos compatriotes.
    Le mot « territoire » sous-tend l'ardente nécessité de remettre l'aménagement du territoire au coeur de nos priorités et parmi nos missions les plus urgentes.
    M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges. Très bien !
    M. François Sauvadet. En évoquant le territoire, nous franchissons une première étape dans cette direction. Et je voudrais qu'on garde présent à l'esprit le vote du 21 avril, vote extrême, vote de réaction, qui n'a pas épargné les campagnes.
    Bien sûr, monsieur Ollier, l'élu UDF que je suis, attaché à la diversité des régions de France, des identités telles qu'elles sont, aurait à ce « territoire » au singulier préféré le pluriel, qui assurerait une forme de reconnaissance aux traditions et aux différences de nos territoires. Mais, je vous l'ai dit, je ne souhaite pas fragiliser un consensus auquel je souscris pleinement...
    M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges. Merci !
    M. François Sauvadet. ... d'autant plus que le Gouvernement a marqué sa volonté décentralisatrice. Et je me garderai de ranimer à peu de frais la querelle entre jacobins et girondins.
    Enfin, dernier point que je voudrais aborder : il est nécessaire de développer nos activités dans le cadre des commissions permanentes du Parlement, car celles-ci doivent jouer - et jouent déjà - un rôle déterminant dans la vie parlementaire.
    Je rappellerai brièvement quelques-unes des conclusions du rapport d'information que j'avais eu l'honneur de présenter à l'Assemblée. Il y était question de « l'insoutenable application de la loi ». On légifère beaucoup, parfois trop et, malheureusement, le Parlement ne vérifie pas toujours comment les lois sont appliquées par le Gouvernement. En dépit de la création, en 1996, d'un office parlementaire d'évaluation de la législation, la question reste d'actualité. Il faut étendre le champ de nos activités au-delà des saisines sur le fond et des saisines pour avis qui font le quotidien de nos travaux, car nous devons anticiper davantage, par des missions d'information ou des commissions d'enquête, sur les préoccupations de nos concitoyens.
    Enfin, je vous l'ai dit, monsieur Ollier, le suivi de la parution des textes d'application de l'ensemble des lois doit revenir aux commissions permanentes.
    M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. Nous devons effectuer pleinement cette tâche, nous avons l'expérience nécessaire et nous rendrions ainsi un grand service en améliorant la lisibilité de la loi. Nous avons en effet un rôle non seulement de législateur, mais aussi de contrôle de l'action du Gouvernement, il faut le rappeler à cette tribune.
    Je forme des voeux pour cette nouvelle commission. Qu'elle soit celle des affaires économiques, et que l'économie profite à tous nos compatriotes. Je sais que le Gouvernement s'en préoccupe, avec sa majorité. Qu'elle soit celle aussi de l'environnement, car il n'y a pas de développement économique sans préservation de l'environnement, et il faudra trouver des équilibres nouveaux, ce qui sera parfois difficile. Qu'elle soit celle enfin du territoire. Que l'on n'oppose pas les villes et les campagnes et que l'on garde présent à l'esprit qu'un grand territoire rural attend beaucoup de nous. Cette attente-là ne doit pas être déçue. Il appartiendra à la commission de prendre des initiatives pour que l'aménagement, l'équilibre de nos territoires soient au coeur de nos préoccupations, parce que c'est ce qui divisent nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Brottes. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur Ollier, vous nous proposez de modifier le nom de la commission de la production et des échanges pour l'appeler dorénavant « commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ».
    L'exposé des motifs de cette proposition de résolution indique que la dénomination retenue depuis les débuts de la Ve République ne répond plus à la diversité des secteurs dont nous nous occupons. Il est vrai que, depuis quelques années, les préoccupations environnementales se sont imposées, engendrant des dispositifs tendant à mieux protéger nos concitoyens, comme habitants de territoires mais aussi comme salariés d'entreprises.
    Il est vrai aussi que la vie s'est chargée de modifier d'autres préoccupations, et vous citez à cet égard l'exemple tout à fait probant du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
    Ce sont sans aucun doute des raisons suffisantes pour que cette modification soit apportée, et nous voterons donc la résolution proposée.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci !
    M. Daniel Paul. Cependant ne nous voilons pas la face ! Il s'agit là, eu égard aux problèmes que nous rencontrons et que connaît notre société, d'une modification bien mineure.
    Mettre notre commission, une des commissions majeures de l'Assemblée, en adéquation avec son temps, puisque c'est de cela qu'il s'agit, aurait dû entraîner l'application d'un principe bien simple et tout à fait démocratique : chaque groupe politique devrait avoir accès au bureau par la désignation d'un de ses membres. Au-delà, c'est bien évidemment la règle de la proportionnelle qui s'appliquerait, sinon le groupe auquel j'ai l'honneur d'appartenir aurait la même importance au sein de cette instance que d'autres groupes plus fournis.
    M. Patrick Ollier. Convenez que je n'y suis pour rien !
    M. Daniel Paul. Cette règle simple avait déjà été préconisée par un précédent président de l'Assemblée nationale. Elle avait le mérite d'être simple et de respecter la démocratie, que les députés communistes souhaitent voir à nouveau prévaloir dans cette enceinte.
    Au-delà de ce principe qui concerne directement notre commission, quelle que soit son application, et puisqu'il s'agit de mettre le Parlement en adéquation avec les exigences de notre époque, ne faudrait-il pas lui donner les moyens véritables d'exercer le pouvoir législatif ?
    Ah que voilà, comme on dit chez moi, une modification qui serait bonne !
    L'initiative parlementaire est aujourd'hui réduite à « une niche », l'expression est révélatrice . Le problème n'est pas qu'il y ait une majorité et une opposition et donc des désaccords qui sont de nature politique normale, mais que le système actuel permette au Gouvernement d'être le seul maître à bord, de peser sur sa propre majorité - vous en ferez l'expérience, mes chers collègues - et d'imposer ses décisions.
    Et que dire de tout l'arsenal limitant l'intervention des parlementaires, élus du peuple, octroyant à l'exécutif la possibilité de rejeter des propositions, de les réduire à néant, d'en interdire même le principe, comme c'est le cas dès lors que cela entraînerait des dépenses ?
    Oui, il y a nécessité, et bien au-delà du changement de dénomination d'une commission, d'adapter notre assemblée aux exigences de démocratie et de transparence que requiert notre époque.
    A juste titre, nos concitoyens veulent participer aux choix qui les concernent. En même temps, ils ne se reconnaissent plus dans les modes de fonctionnement qui dominent aujourd'hui.
    Si l'on veut redonner à la politique avec un grand P la force qu'elle aurait dû ne pas perdre, il faut aussi que notre assemblée et nos institutions assument les exigences de notre temps.
    Nous voterons la proposition de résolution, nous continuerons d'exiger que chaque groupe ait les mêmes droits de base et que le législateur soit à même d'exercer les fonctions qui doivent, au xxie siècle, être les siennes (Applaudissements).
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Yves Coussain.
    M. Yves Coussain. Monsieur le président, mes chers collègues, c'est à l'unanimité que la commission de la production et des échanges a adopté, le 31 juillet dernier, la proposition de résolution de notre président, Patrick Ollier.
    Je voudrais donc, au nom de l'ensemble de mes collègues de la commission, féliciter Patrick Ollier de cette initiative et l'en remercier, car comme l'a dit M. Bénisti, le rapporteur, beaucoup s'y étaient essayé depuis 1959. Je tiens donc, cher président, à saluer votre force de persuasion qui, apparemment, va enfin permettre à ce projet d'aboutir.
    Pourquoi ce changement de dénomination auquel j'apporte bien entendu tout mon soutien ? Parce que, aujourd'hui, les mots « production et échanges » ne recouvrent pas l'ensemble des compétences de notre commission, et surtout parce que, à l'extérieur de notre assemblée, sur le terrain, il faut expliquer cette appellation à nos compatriotes ou à nos électeurs pour qu'ils comprennent bien quelles sont les compétences de notre commission. Ce nom, on l'a dit, date de plus de quarante ans, c'est-à-dire d'une époque où le pays était marqué par des exigences de reconstruction et de redémarrage économique, après la guerre. La commission de la production et des échanges s'était ainsi vu attribuer les compétences de l'ancienne commission de la reconstruction, des dommages de guerre et du logement, ainsi que celles de la production industrielle et de l'énergie. Près d'un demi-siècle plus tard, le champ de compétence de notre commission est aussi large qu'en 1959, mais son appellation ne reflète plus l'ensemble de ses activités ; aujourd'hui, nous proposons donc de l'appeler « commission des affaires économiques, de l'environnement, et du territoire ». Cela recouvrira l'ensemble de ses compétences en matière d'agriculture, de pêche, d'urbanisme, d'industrie et d'énergie, de commerce et d'artisanat, de consommation et de nombreux autres domaines.
    Au total, une quinzaine de domaines d'intervention très variés, qui impliquent autant la qualité que le volume de nos productions, qui touchent à notre cadre de vie, à l'équilibre entre les territoires, comme l'a souligné notre ami François Sauvadet, et à la durabilité de notre mode de développement.
    Ce nom offrira donc désormais une image plus fidèle de l'activité de notre commission, sans empiéter pour autant, et c'est important, sur les attributions de la commission des finances, qui reste compétente en matière d'économie générale.
    Cette nouvelle appellation intégrera en outre explicitement l'environnement, nous permettant ainsi de rendre compte de l'évolution de nos compétences, mais aussi de l'esprit dans lequel nous les exerçons.
    Je terminerai en soulignant que la nouvelle dénomination de notre commission est une source de clarté supplémentaire dans le travail parlementaire, dans la mesure où elle permet d'établir un lien direct avec la commission homologue du Sénat, qui porte le nom de « commission des affaires économiques et du Plan ».
    C'est donc un facteur de lisibilité supplémentaire pour les acteurs économiques de notre pays et l'ensemble de nos concitoyens, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
    Je rends donc hommage, monsieur Ollier, une fois encore, à votre esprit d'initiative en la matière, et je me réjouis que cette nouvelle appellation, qui a reçu aussi, ainsi que l'a dit le rapporteur, l'accord unanime de nos collègues de la commission des lois, puisse clarifier demain les compétences de notre commission, certes, mais aussi le travail de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Marcelle Ramonet.
    Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de résolution n° 162, qui nous est soumise ce matin, vise à modifier l'article 36 du règlement de notre assemblée afin de substituer à l'intitulé de « commission de la production et des échanges », une dénomination plus explicite et mieux en phase avec la réalité de nos missions et l'étendue de notre travail.
    Lors de la session extraordinaire du Parlement cet été, un consensus s'est dégagé le 30 juillet, sur le nom de « commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ».
    Après les commissaires de la production et des échanges, nos collègues de la commission des lois, dans leur grande sagesse, nous ont rejoints à l'unanimité, le 1er octobre.
    Désormais, les conditions sont remplies pour que nous validions la procédure en séance publique.
    Lorsque en 1959 notre commission vit le jour, elle venait d'agréger les compétences de pas moins de dix-neuf commissions parlementaires, issues de la IVe République, dont certaines au nom aussi baroque que « commission des boissons ».
    Georges Clemenceau disait que, pour enterrer un problème, il suffisait de créer une commission. La IVe République excellait en la matière et l'effectif pléthorique des commissions parlementaires était devenu à l'image du régime tout entier : ingérable !
    Autre temps, autres moeurs.
    Les rédacteurs du règlement de l'Assemblée nationale de 1959 choisirent donc une appellation qui, si elle recouvrait une réalité du moment - celle de la reconstruction du pays et de son économie -, n'en demeurait pas moins abstruse, tant le champ des compétences réelles échappait au profane.
    Temps nouveaux, ajustements ad hoc.
    Avec le temps, notre droit a considérablement évolué sur des aspects devenus essentiels aujourd'hui. Certains n'existaient pas à l'époque : l'environnement, l'écologie et le cadre de vie ; - pour d'autres, la philosophie était différente, comme le logement et la politique de la ville. Si nous avions totalement intégré ces nouvelles problématiques, la visibilité extérieure n'était sans doute pas suffisamment patente.
    Il y a donc dans notre décision une logique, avec la volonté sinon, d'harmoniser, du moins de rapprocher les deux dénominations : celle du Sénat, « commission des affaires économiques et du Plan », et celle de l'Assemblée, avec ce nouveau nom.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, mes chers collègues, si la portée législative de ce texte est certes limitée, son intérêt est d'une tout autre nature, sa force est symbolique. Je voterai donc la proposition de résolution de Patrick Ollier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. Je répondrai très brièvement aux les différentes interventions. J'ai trouvé l'intervention de M. Brottes un peu longue, s'agissant d'une proposition simple, claire et cohérente, et un peu « capillotractée » ; il me pardonnera cette insolence puisque nous partageons les mêmes soucis capillaires. (Sourires.)
    Monsieur Sauvadet, je suis d'accord : les propositions les plus courtes sont les meilleures. Le mot territoire a fait l'objet d'un débat tant au sein de la commission que préside Patrick Ollier qu'en commission des lois. Préciser « aménagement du territoire » n'aurait rendu compte que d'une des facettes du problème. Ainsi, aurait été exclu totalement l'aspect transport, qui est une compétence fondamentale de notre commission.
    Je ne peux malheureusement répondre à Daniel Paul sur la place du groupe communiste au sein de la commission et je l'invite à se tourner vers son président, Patrick Ollier, ou éventuellement vers ses amis du groupe socialiste.
    Je remercie Yves Coussain d'avoir souligné combien il était important d'associer désormais les compétences de chacune des commissions des deux assemblées. C'était indispensable.
    Enfin, merci à Patrick Ollier qui, par sa proposition, que nous allons voter maintenant, tourne une page historique de la vie de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous fais simplement remarquer que M. Brottes n'a pas utilisé totalement son temps de parole.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - I. - Le treizième alinéa (6°) de l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale est ainsi rédigé :
    « 6° Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. »
    « II. - Dans le seizième alinéa (1°) du même article, les mots "commission de la production et des échanges sont remplacés par les mots : "commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. »
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Le quatorzième alinéa de l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale est complété par le mot : " ; environnement. »
     Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    Il n'y a pas d'explication de vote.

Vote sur l'ensemble

    Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.
    (L'ensemble de la proposition de résolution est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est également acquis à l'unaminité. (Applaudissements.)
    Conformément à l'article 61 de la Constitution et à l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la résolution sera soumise au Conseil constitutionnel.

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 31 octobre 2002 inclus a été confirmé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Déclaration du Gouvernement sur la question de l'Irak et débat sur cette déclaration ;
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 190, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi :
    M. Pierre Morange, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 231).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 8 octobre 2002)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 8 octobre au jeudi 31 octobre 2002 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 8 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Discussion de la proposition de loi de M. Richard Dell'Agnola relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes (n°s 194-235).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    Discussion de la proposition de résolution de M. Patrick Ollier tendant à modifier l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale (n°s 162-237) (texte inscrit à l'ordre du jour complémentaire).
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement :
    Déclaration du Gouvernement sur la question de l'Irak et débat sur cette déclaration.
            Le soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190-231).
    Mercredi 9 octobre 2002 :
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Communication du Médiateur de la République.
    Suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190-231).
    Jeudi 10 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool relative à la création d'un chèque-emploi associatif (n°s 180-236).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à quinze heures :
    Déclaration du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et débat sur cette déclaration en application de l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
            Le soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190-231).
    Eventuellement vendredi 11 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190-231).
    Mardi 15 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Questions orales sans débat.
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190-231).
    Discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).
    Mercredi 16 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Jeudi 17 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Eventuellement, vendredi 18 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).
    Mardi 22 octobre 2002 :
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).
    Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    Jeunesse et enseignement scolaire.
    Mercredi 23 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Ville et rénovation urbaine.
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Intérieur.
    Jeudi 24 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Défense et SGDN.
            L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Défense et SGDN (suite).
    Equipement et transports, budget annexe de l'aviation civile.
    Vendredi 25 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Industrie, poste et télécommunications.
            L'après-midi à quinze heures :
    Ecologie et développement durable.
    Lundi 28 octobre 2002 :
            Le matin, à dix heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Sous réserve de son dépôt, discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
    Mardi 29 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Mercredi 30 octobre 2002 :
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Jeudi 31 octobre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.