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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 17 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 16 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Jean-Pierre Balligand,
François Goulard,
Alain Rodet,
Hervé Mariton,
Yves Deniaud,
Georges Tron,
François Vannson,
François Guillaume,
Xavier Bertrand,
Eric Woerth,
Jean-Yves Chamard,
Jean-Pierre Decool,
Jean-Jacques Descamps,
Louis Giscard d'Estaing,
Christian Estrosi,
Jacques Remiller,
Xavier de Roux,
Mme
Marie-Anne Montchamp,
M.
Edouard Landrain.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

Discussion générale (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, au nom du groupe socialiste, je m'interrogerai sur votre budget. Parce que vous avez siégé à la Caisse des dépôts lorsque j'en étais le président, vous comprendrez que j'aie été un peu surpris par les analyses qui fondent les hypothèses macroéconomiques de ce budget, mais aussi par la parole que vous portez, ainsi, bien entendu, que le ministre de l'économie et des finances.
    Seule se pose la question : le projet de budget pour 2003 répond-il à la gravité de la situation économique mondiale, en particulier à celle de notre pays ? Bien entendu, je ne vous impute pas la responsabilité de la situation mondiale, mais il faut bien l'analyser. Or, à cet égard, ce que vous dites et, plus encore, ce que dit le ministre de l'économie et des finances nous inquiète.
    La réalité économique n'est pas celle que vous dites. Nous ne pouvons tabler sur une croissance de 2,5 %, tout le monde le sait, inutile de batailler sur les chiffres. Je fais partie de ceux qui, l'an dernier, soutenaient le ministre de l'économie et des finances lorsqu'il présentait une hypothèse de croissance optimiste, tandis que M. Méhaignerie, ici même, ou vous-même, au Sénat, assuriez que cela n'était pas réaliste. Quand on est en charge, dans un gouvernement, de l'économie et des finances, on ne peut pas dire aux acteurs économiques que le pays va vers une récession. J'ai toujours tenu ce discours et j'ai l'honnêteté de ne pas en changer aujourd'hui.
    Toutefois, la situation n'est plus la même. Nous n'en sommes plus à nous demander si la croissance sera de 2,5 ou de 1,5 %. C'est bien plus grave ! Si l'on écoute les banquiers américains, et même ceux du G 7 qui se sont réunis voici une dizaine de jours à Washington, c'est l'affolement total aux Etats-Unis où le système bancaire cherche comment provisionner 200 milliards de dollars pour pertes, ce qui correspond aux seules acquisitions pour croissance externe de ces entreprises pendant les cinq ans écoulés. Personne ne sait comment faire !
    Et, en France - car l'économie est mondiale -, que se passe-t-il ? Les banques sont en train de provisionner pour pertes, et, bien évidemment, les compagnies d'assurances et les banques, pour risques.
    Par ailleurs, l'ensemble du secteur industriel est en grave difficulté.
    Lorsque nous rencontrons - ce que j'ai fait ces dernières semaines - le milieu industriel, que ce soient les patrons de PME où les dirigeants de grandes entreprises, là aussi, c'est l'affolement le plus total. Aussi, je suis étonné qu'on n'en parle pas du tout. A la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication, par exemple - Alsthom, Nexans, Philips France, etc -, on explique que les banquiers leur tiennent ce raisonnement : « Attention ! Pas de stocks, plus d'investissements ! Vous êtes trop endettés, arrêtez d'investir ! » C'est dire que quand on a prétendu qu'on allait restocker c'était un mensonge !
    Autant dire que nous allons prendre du retard, y compris au moment du démarrage, parce que les banques elles-mêmes sont « égorgées ».
    Quant aux compagnies d'assurances, en France, personne n'en parle. Dès lors que le CAC 40 est à moins de 3 200, il faut changer les règles de provisionnement, tous les spécialistes le savent. Et si vous ne le faites pas, c'est pour ne pas accroître la panique ! Voilà la réalité !
    M. Jean-Louis Dumont. C'est apocalyptique ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Non, ce n'est pas une description apocalyptique, mais il faut bien se caler sur la réalité. Et vous ne devez pas tenir un double langage, ici et face aux chefs d'entreprises, qui, jusqu'à preuve du contraire, font l'économie.
    M. François Goulard. Ah !
    M. Jean-Pierre Balligand. Comme les marges des grandes entreprises sont restreintes, on s'attaque à toute la sous-traitance ; par voie de conséquence, les marges des PME diminuent elles-aussi. Le taux de « sinistralité » des entreprises, en France, est en train de grimper de manière gravissime, tout le secteur bancaire l'annonce.
    Enfin, dernier élément, il va falloir diminuer les frais fixes des entreprises. C'est dire que l'on va organiser de grosses vagues de licenciements dans les grandes entreprises et les PME. C'est déjà commencé.
    Tel est le contexte qui a présidé à l'élaboration de la loi de finances pour 2003. Je ne sais pas si c'est de la prédestination.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Espérons que non !
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous n'avez pas beaucoup de chance, c'est vrai. Mais vous devriez bien apprécier avec plus de justesse cette situation, car, bien que vous ayez prévu un coefficient d'élasticité de 0,8 - ce qui montre votre grand réalisme quant au contexte économique ! -, nous nous situerons malheureusement, en termes de recettes, très en deçà ce que vous avez prévu, même en hypothèse basse.
    Je voudrais ensuite, monsieur le ministre, vous poser quelques questions très simples.
    Je pense que la crise du capitalisme, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est grave, parce que c'est une crise de confiance. Selon les dogmes du capitalisme, les sociétés étatiques sont opaques, les sociétés capitalistes sont transparentes. La transparence s'obtient par le marché, par la bourse...
    M. Jean-Louis Dumont. On l'a bien vu !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... par la connaissance du monde de l'entreprise, de ses comptes. C'est formidable, le temple du capitalisme !
    Curieusement, M. Douste-Blazy ne nous fait plus, comme au temps de mon rapport sur l'épargne salariale, son grand numéro sur les fonds de pension. En ce moment, sur ce sujet, motus et bouche cousue.
    M. Michel Delebarre. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Balligand. Et pour cause ! On sait bien que c'est le dispositif adopté par les salariés américains pour leur retraite, et qu'ils perdent cette retraite. Sans compter qu'on va assister aux Etats-Unis à un écroulement de la consommation. Voilà à quoi vont aboutir deux ans et demi de catastrophes économiques sur le plan des cotations boursières !
    Alors, vous devez nous répondre : pourquoi ne pas mettre rapidement en place des autorités de régulation qui sont nécessaires ? Le projet tendant à la fusion du CMF et de la COB a été préparé par le gouvernement précédent ; il est prêt. Pourquoi ne pas l'examiner et le voter ?
    M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
    M. Jean-Pierre Balligand. En France, par chance, subsiste encore un certain interventionnisme économique, ce qui déplaît d'ailleurs à M. Goulard et à quelques fous furieux de l'ultralibéralisme. Mais vous, monsieur le ministre, qui avez siégé à la Caisse des dépôts, vous savez bien que nous avons besoin d'outils de régulation. Et des politiques peuvent aussi être mises en place. A ce propos, pensez-vous qu'il soit très apportun de libéraliser l'ensemble du dispositif ? Je pense à la cession d'actifs de grandes entreprises publiques, qui jouent un rôle de régulation substantiel dans notre pays. On en parlera dans l'année qui vient.
    Avant de terminer, je m'offusque de ce que vous venez de faire. Je comprends que, changeant de vie, on change de principes...
    M. Didier Migaud. C'est dommage !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... des principes qui étaient autant les vôtres que les miens, auxquels j'ai essayé de rester fidèle pendant cinq ans,...
    M. Michel Delebarre. Et vous avez réussi !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... même quand il fallait résister à M. Strauss-Kahn ou à M. Fabius,...
    M. Michel Delebarre. Il fallait le faire !
    M. Jean-Louis Dumont. Il l'a fait !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Balligand s'exprimer !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... ce que nous avons toujours fait en tant que représentants de cette assemblée, à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Les ratios qui avaient été établis par Jean-Pierre Delalande, qui appartenait à une autre majorité, ont toujours été respectés.
    M. Didier Migaud. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Balligand. Or, vous venez quant à vous de procéder à un hold-up sur les fonds des intérêts compensateurs de la Caisse des dépôts. Et vous cachez cela à la ligne 08-14, sous l'intitulé « prélèvements sur les autres fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations ».
    M. le président. Monsieur Balligand, veuillez conclure.
    M. Didier Migaud. C'est très important, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce ne serait pas grave, monsieur le ministre, si vous ne preniez pas la quasi-totalité - 2,3 milliards d'euros sur 2,6 milliards d'euros - d'un fonds qui est un fonds de deuxième niveau au point de vue du risque.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Balligand. Nous avions établi que l'Etat pourrait effectuer des prélèvements étalés sur sept ans, parce nous allons avoir un effet de ciseaux en 2003 et 2004 sur les fonds d'épargne. Comme l'Etat a besoin d'argent, nous avons considéré que, pendant ces années, il était normal qu'environ 600 millions de francs soient prélevés sur ce fonds. Mais vous, vous faites l'intégralité du prélèvement.
    Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, mettre en danger l'épargne des Français. Il y a un fonds de réserve de premier niveau, vous n'y touchez pas. Pour l'instant, les règles n'ont pas été affectées. Mais si l'année 2003 est mauvaise, il y a un vrai danger, ce que j'ai essayé d'expliquer et ce que vous savez bien.
    Je le dis ici avec solennité : vous n'avez plus de fonds de réserve de deuxième niveau. Il ne faudrait pas qu'on modifie les règles prudentielles de la Caisse des dépôts, laquelle, depuis 1816, n'a pas été gérée par le ministère de l'économie et des finances, mais par des députés et des sénateurs, pour éviter la dérive napoléonienne. Il ne faudrait pas que votre alliance avec les bonapartistes conduise à des spoliations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. Déjà Napoléon pointait sous Bonaparte !
    M. Jean-Louis Dumont. Quelle leçon d'histoire !
    M. Michel Bouvard. On se croirait chez Robert Hossein !
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. François Grosdidier. C'est un orléaniste qui monte à la tribune !
    M. François Goulard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons failli terminer sur le coup d'Etat permanent. (Sourires.)
    M. Michel Delebarre. Mais non : on a voulu s'en prémunir !
    M. François Goulard. En entendant nos collègues de l'opposition, on a du mal à imaginer qu'elle était la majorité il y a quelques mois encore,...
    M. Didier Migaud. Elle n'a jamais agi de cette façon !
    M. François Goulard. ... une majorité qui avait adopté la loi de finances, certes remaniée cet été, mais en cours d'exécution.
    M. Marc Laffineur. Dans quel état !
    M. François Goulard. Je ne reviendrai pas sur la manière dont vous aviez conçu cette loi de finances initiale pour 2002. On peut toujours contester les prévisions économiques, les prévisions de recettes en particulier qui sont, par définition, incertaines. Mais la mauvaise foi, je n'hésite pas à le dire, s'agissant des dépenses était patente : les sous-estimer aussi grossièrement que vous l'avez fait est inacceptable.
    Nous sortons de cinq ans d'une politique budgétaire particulièrement critiquable. Alors que les rentrées fiscales ont été abondantes grâce à la croissance, il n'y a eu aucune véritable baisse de l'impôt et l'endettement a continué à s'alourdir. Qu'en période de forte croissance il y ait trente milliards d'euros de déficit, c'est la négation d'une bonne politique budgétaire. N'oublions pas que, dans la même période, la plupart des pays européens avaient atteint l'équilibre budgétaire.
    Vous nous avez laissé un certain nombre de bombes à retardement, c'est-à-dire des dispositifs qui auront leur plein effet dans les prochaines années. On ne va pas y revenir : dépenses mal financées ou pas financées du tout.
    Dans cet héritage, la partie la plus catastrophique, c'est à coup sûr le financement des 35 heures. D'un point de vue strictement financier, elles vont plomber nos finances publiques et sociales pendant de nombreuses années, ce qui a pour conséquence de limiter considérablement la marge de manoeuvre de l'actuel gouvernement. C'est le point dominant de la situation actuelle. Le gouvernement précédent a été obligé de compenser le surcoût pour les entreprises par un allégement de charges sociales. En année pleine, cela représente un coût de dix milliards d'euros. Le cadeau empoisonné des SMIC multiples nous oblige à pratiquer de nouveaux allégements de charges sociales pour un montant estimé à six milliards d'euros. Ainsi, à l'échelle du budget de l'Etat et du budget de la sécurité sociale, les marges de manoeuvre ont été très largement entamées, alors qu'il ne s'agit que de corriger les effets négatifs d'une politique, et non pas de créer les conditions d'un nouveau dynamisme pour notre économie. Au regard de notre histoire économique, c'est quelque chose dont on reparlera très longtemps, et pas en bien.
    Par ailleurs et, là, la conjoncture mondiale est plus en cause que la gestion précédente, la croissance a décliné depuis un an et demi et ne montre pas tous les signes de reprise qu'on pourrait espérer. Dans ces conditions, il ne peut y avoir une baisse brutale de la dépense publique.
    Vous vous référez, messieurs de l'opposition, non pas à ce qu'on pourrait appeler le keynésianisme, mais à une vulgate keynésienne, c'est-à-dire une interprétation des théories keynésiennes, qui sont comme un oreiller de paresse pour les gouvernements ou, pire, un prétexte à toutes les distributions démagogiques : la dépense publique est bonne, le déficit est bon, ce sont les principaux ressorts de la croissance. Sur le moyen et le long terme, c'est particulièrement pernicieux !
    M. Didier Migaud. C'est une caricature !
    M. François Goulard. Mais en revanche, là où les théories keynésiennes ont toute leur valeur, c'est dans la gestion conjoncturelle à court terme. Et il serait irresponsable de réduire massivement la dépense publique dans une conjoncture comme celle que nous connaissons.
    Pourtant, nous le savons, le mal dont souffre notre pays, c'est l'excès de prélèvements publics et de dépenses publiques.
    Je n'ai pas voulu faire un rappel au règlement ou demander au président de me donner la parole en fin de séance pour un fait personnel, mais M. Balligand a parlé de fou furieux de l'hyperlibéralisme.
    M. Didier Migaud. Vous vous êtes senti visé ?
    M. Jean-Marc Lefranc. Il a cité son nom !
    M. François Goulard. La seule référence que nous ayons, c'est ce qui se fait dans les autres pays européens dont les conditions sont très voisines des nôtres et qui sont gouvernés tantôt par des majorités de droite, tantôt par des majorités que l'on qualifie chez eux de gauche, et on voit qu'il y a une exception française. Comme l'a rappelé M. Méhaignerie, les pays qui ont engagé beaucoup plus tôt que nous une réduction de la dépense publique et des prélèvements obligatoires en enregistrent le bénéfice aujourd'hui en ayant un emploi infiniment plus dynamique et une forte réduction du chômage.
    M. Didier Migaud. C'est pour cela que vous aviez augmenté les deux entre 1993 et 1997 !
    M. François Goulard. Il y a un équilibre délicat à réaliser entre ces préoccupations qui sont à la fois de court terme et de moyen et long terme, et je crois pouvoir dire que le projet de loi de finances qui nous est présenté atteint cet équilibre qui n'était pas facile à réaliser.
    Il faudra, dans les prochaines années, accentuer l'effort de réduction de la dépense publique. C'est possible sans mettre en cause les services dont bénéficient les Français. Vous avez entendu le numéro de M. Bonrepaux hier soir.
    M. Didier Migaud. Son intervention !
    M. François Goulard. M. Bonrepaux nous a annoncé à plusieurs reprises que diminuer de 700 postes l'effectif du ministère de l'équipement allait menacer je ne sais quelle politique de déneigement des routes en hiver. Je n'avais pas remarqué que tous les fonctionnaires de la DDE étaient affectés au déneigement des routes... C'est une administration que je connais assez bien, le rapporteur général aussi. Nous savons très bien que, dans nos départements, l'on n'a pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation.
    M. Marc Laffineur. Exactement.
    M. François Goulard. Les effectifs de la DDE auraient dû diminuer, par exemple, à la suite du considérable transfert de compétences aux départements en matière routière au moment de la décentralisation. Cela n'a pas été le cas. Oui, il est possible de réduire les effectifs de l'administration dans certains domaines sans que la qualité du service en souffre, au contraire même, car cette administration produit énormément de règlements, de normes qui sont parfois abusifs et qu'on gagnerait à alléger, ce qui permettrait de réduire en douceur les effectifs sans aucune baisse de la qualité du service. Je pense, dans le domaine de l'urbanisme, au contrôle tatillon qui est exercé sur les activité locales, sans aucune espèce d'intérêt, au titre du contrôle de légalité et qui mobilise dans chaque département des dizaines de fonctionnaires de très grande qualité qui seraient mieux affectés à d'autres tâches.
    S'agissant de la réduction de la dépense publique, je veux évoquer les entreprises publiques, d'un mot.
    La gestion malheureuse de France Télécom risque de nous condamner dans les prochains mois à apporter une contribution à cette entreprise, et c'est tout de même assez navrant, au moment où tous les efforts doivent être faits pour réduire la dépense, de voir des milliards s'envoler à cause d'une mauvaise gestion.
    Quand des entreprises sont en concurrence, elles doivent se comporter comme des entreprises, c'est-à-dire prendre des risques. France Télécom devait investir à l'international, et EDF doit investir à l'international, mais, quand on prend des risques, on peut réussir mais aussi échouer, c'est le propre de l'entreprise. Faut-il que la collectivité publique prenne de tels risques ? Je suis convaincu que non ! Quand une réforme européenne est en cours et qu'une entreprise publique, parce qu'elle se trouve en concurrence, est contrainte de se comporter comme une véritable entreprise, avec tous les risques qui s'y attachent, c'est un risque majeur pour la collectivité qu'elle continue d'être une entreprise publique, c'est-à-dire de dépendre, le cas échéant, quand les choses se passent mal, de l'apport financier de la collectivité.
    C'est un thème majeur : il ne faut pas que, demain, ce qui se passe aujourd'hui avec France Télécom se produise par exemple à Electricité de France.
    Et celles qui ne sont pas en concurrence doivent faire un effort de gestion.
    Le plus mauvais exemple en matière de gestion publique, je suis au regret de le dire parce que c'est une très grande entreprise et qu'elle rend d'immenses services à la collectivité, c'est la SNCF. Il a été désastreux que, pendant cinq ans, sous l'égide d'un ministre communiste, on pratique des embauches parfaitement inutiles, il faut avoir le courage de le dire. C'est vrai que, quand on embauche, on est sympathique, mais embaucher 8 000 agents par an pendant cinq ans, alors que toutes les entreprises publiques de chemin de fer en Europe ont réduit leurs effectifs dans des proportions considérables sans mettre en cause naturellement ni le service ni la sécurité, c'est un exemple flagrant de gestion profondément irresponsable. Il faut mettre fin à ce type de pratique parce que c'est l'ensemble des Français qui sont mis à contribution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La réforme, monsieur le ministre, vous l'engagez, nous le savons. Cela nous permettra dans l'avenir d'avoir de nouvelles baisses d'impôts. Elles sont nécessaires. L'attractivité du territoire français n'est pas un thème de tribune, c'est une profonde réalité que chacun d'entre nous peut ressentir dans notre pays. Nous savons que des entreprises partent,...
    M. Didier Migaud. Il y en qui arrivent !
    M. François Goulard. ... ferment leurs établissements encore aujourd'hui à cause du manque d'attractivité de notre pays, qu'il s'agisse du droit du travail ou du sur-prélèvement fiscal aussi bien sur les entreprises que sur les particuliers. C'est un effort continu, de longue haleine, qu'il faudra conduire.
    M. le président. Monsieur Goulard...
    M. François Goulard. Je termine, monsieur le président.
    S'il y a une leçon à tirer des dernières élections, qui ont tout de même été un véritable cataclysme dans le paysage politique, c'est que cette politique de distribution systématique d'aménité sociale, à but principalement électoral, il faut bien le dire, a été sanctionnée sur le plan électoral. Les Français n'ont pas été dupes et le voeu que je voudrais émettre ce matin, monsieur le ministre, c'est que la politique sérieuse, courageuse, conforme à l'intérêt du pays que traduit ce budget reçoive l'assentiment de la grande majorité d'entre eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.
    M. Alain Rodet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant certains intervenants de la majorité, on voit que les lampions électoraux sont bien éteints. Le principe de réalité finit toujours par s'imposer !
    M. Marc Laffineur. Vous l'avez bien connu !
    M. Alain Rodet. Pour vous, messieurs de la majorité, il est grand temps de vous affranchir des engagements et des promesses qui ont fleuri votre printemps électoral.
    M. Didier Migaud. Très juste !
    M. Alain Rodet. De ce point de vue là, certains d'entre vous ont commencé à faire un travail de réexamen.
    M. François Grosdidier. Les élections partielles ne sont pas si mauvaises !
    M. Alain Rodet. Dans la vie politique, comme dans la vie tout court, il y a les commentaires et il y a les faits.
    M. Didier Migaud. Exactement !
    M. Alain Rodet. Si les commentaires sont libres, les faits, eux, sont têtus, et les Cassandre de service qu'on entendait les années précédentes à l'occasion de la discussion budgétaire se trouvent aujourd'hui prises à leur propre piège.
    M. Michel Bouvard. Cassandre avait raison !
    M. Alain Rodet. C'est net quand on lit le rapport du rapporteur général sur les cadrages économiques de la loi de finances. Les contorsions de langage ne sont pas inintéressantes ! On fait appel à tous les conjoncturistes, ceux de Natexis, de Goldman Sachs, du magazine L'Expansion, de la chambre du commerce et d'industrie de Paris, mais le plus sollicité, c'est celui de l'institut Coué, de la fameuse méthode !
    Ainsi, monsieur Carrez, quand vous écrivez que les mécanismes qui avaient porté la croissance à bout de bras en France à partir de 1997 sont désormais essouflés, on peut considérer que vous avez fait un travail de réexamen. Il faut reconnaître que le président de la commission des finances vous a donné quelques conseils utiles d'humilité et de modération !
    Difficile, en effet, de tenir pour négligeable le bilan du gouvernement Jospin qui, par ses choix économiques et budgétaires, a permis chaque année la création de 400 000 emplois.
    M. Didier Migaud. Oui !
    M. Alain Rodet. Ce qui frappe dans votre projet de budget, c'est l'absence de stratégie, l'ambivalence des choix.
    Certes, on pourra nous faire remarquer que, dans le même temps où vous présentez ce projet de loi de finances, vous rouvrez le grand chantier de la décentralisation, mais un tel effet d'annonce mérite d'être accueilli avec beaucoup de circonspection, car on peut se demander si ce n'est pas une manoeuvre insidieuse pour organiser d'une façon très systématique le transfert des charges sur les finances locales afin de mieux afficher le discours et l'annonce de la baisse des impôts d'Etat.
    Je sais que certains diront ici que l'Etat est en France le premier contribuable local puisqu'il paie 40 % de la taxe professionnelle et 30 % de la taxe d'habitation. A cela, on peut facilement répondre que, de tous les pays en Europe, le nôtre est probablement l'un de ceux où la part de la fiscalité locale dans les ressources des collectivités territoriales est la plus élevée et que celles-ci réalisent malgré tout les trois quarts des investissements civils en employant plus de 900 000 agents. Aux Pays-Bas par exemple, un pays réputé merveilleusement décentralisé, l'Etat central contrôle 92 % de la fiscalité et les provinces néerlandaises se bornent à répartir les crédits mis à disposition.
    Comprenez donc mieux, dans ces conditions, nos doutes et nos craintes lorsque nous constatons par exemple, au détour de l'article 14 du projet de loi de finances, que vous allez permettre de déconnecter le taux de la taxe professionnelle de celui du taux de la taxe d'habitation. En d'autres temps, vous auriez été saisis d'effroi et une telle mesure aurait provoqué l'ire de vos troupes.
    Ce qui est préoccupant aussi dans votre discours et dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, c'est cette obsession quasi maladive à faire sans précaution le procès de l'Etat : Etat parasite, Etat frein à la libre initiative des individus, et j'en passe. Prenez garde ! L'Etat, avec ses défauts et ses lourdeurs, reste une puissante machine à redistribuer des revenus. Ses fonctions de solidarité et de régulation économique méritent, dans les temps que nous traversons, d'être mieux respectées, y compris par certains parlementaires issus eux-mêmes de la fonction publique.
    Vous devez faire un effort sur vous-mêmes pour être plus objectifs par rapport à l'Etat, à l'Etat central en particulier. Sinon, en jouant les apprentis sorciers de l'ultra-libéralisme, vous prenez le risque d'accroître la récession qui menace. C'est généralement le prix à payer quand, pour éradiquer le gui, on décide d'abattre le chêne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Il y a tout de même des efforts de productivité à faire !
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Le projet de budget, monsieur le ministre, a subi un certain nombre de critiques. C'est normal, cela fait partie du débat. Critiques à gauche, dans cet hémicycle, critiques parfois dans d'autres cercles aussi, dans la société civile et dans le monde économique.
    M. Alain Rodet. C'est vrai.
    M. Hervé Mariton. Ces critiques me paraissent pour l'essentiel injustes, et je vais vous en citer quelques-unes en commençant par un aphorisme matinal.
    Le Figaro, le lendemain de la présentation du budget en conseil de ministres, a titré : « Bon cap, petite vitesse ». Cette expression a probablement été perçue par certains comme une critique et comme le signe d'une faiblesse du projet de loi de finances. Cela me paraît en réalité une force. Mieux vaut, en effet, aller vers un bon cap à petite vitesse qu'aller à grande vitesse sur un mauvais cap. (Sourires.) Par ailleurs, l'action publique et notamment l'action budgétaire demandent de la pédagogie. Avoir un même cap, cela nous rassure. La vitesse peut se discuter et se juge dans la durée. Au fond, le projet de budget pour 2003 nous l'apprécions aussi par rapport à votre capacité à tenir et à accroître la vitesse.
    La rigueur... Il paraît que votre collègue Francis Mer aurait prononcé un gros mot en parlant de rigueur. Cela me semble assez surprenant. Si ce mot a été mal perçu, c'est sans doute que, dans la vie économique et budgétaire de notre pays, il a signifié trop souvent qu'on ne maîtrisait pas la dépense mais qu'on augmentait l'impôt, ou que l'on continuait d'augmenter l'impôt en faisant un petit effort pour maîtriser la dépense. Dans notre logique, la rigueur, c'est la discipline et le sérieux d'une démarche, c'est à la fois la maîtrise de la dépense et la diminution de l'impôt. Pour une fois, nous pouvons voir dans ce mot ce qu'il doit contenir naturellement : quelque chose de vertueux.
    Troisième point, abordé notamment dans l'ouvrage de Jean-Paul Fitoussi, et hier soir par Julien Dray, le débat sur la règle et le choix : quelle est, dans le projet de loi de finances, la part de respect de la règle, et la part d'expression d'un choix ?
    On a souvent parlé de l'Europe, avec l'assouplissement du pacte de stabilité. Il est un point plus technique, qui m'a frappé et qui me paraît essentiel - je l'évoquais hier en commission. On met de plus en plus en avant la discipline européenne, parfois sans doute comprise comme une contrainte, lorsqu'il s'agit de discuter le projet de loi de finances. Combien de fois nous a-t-on dit que tel amendement n'était pas judicieux car il risquait de compliquer les conditions de négociation du Gouvernement sur le plan communautaire ? C'est une règle que nous avons choisie mais il ne faudrait pas que cela affaiblisse le débat parlementaire, et en particulier le débat budgétaire. La majorité peut comprendre que tel amendement ne doit pas être adopté pour ne pas gêner le Gouvernement, mais, s'il ne faut pas le gêner dans sa négociation avec Bruxelles, le rôle du Parlement dans le débat budgétaire peut être très diminué.
    Mais ce que vous avez démontré, en particulier dans les conditions de mise en oeuvre du pacte de stabilité, c'est bien la capacité d'un choix. Les négociations que vous avez engagées à Bruxelles, en particulier sur les taux de TVA, traduisent en effet une volonté.
    Ce débat sur la règle et le choix me fait penser à cette parole de la première prieure dans les Dialogues des carmélites : « Ce n'est pas la règle qui nous garde [...], c'est nous qui gardons la règle. » Nous faisons le choix de la règle.
    Les critiques sont injustes, monsieur le ministre, car les objectifs sont ambitieux, ce qui tranche avec le passé.
    Premier objectif du projet de loi de finances, tenir les engagements. Cela devrait paraître naturel, mais comme nos collègues de gauche ont l'habitude de ne pas les respecter, cela leur semble un peu surprenant.
    Tenir les engagements, nous devons l'affirmer devant l'opinion, c'est la force de votre gouvernement, c'est la force de notre majorité. Et si les arguments de l'opposition tournent à vide tandis que nous sommes forts sur nos positions, c'est bien parce que nous avons pour nous la conscience de tenir nos engagements.
    Deuxième objectif, engager les réformes, et notamment la réforme de l'Etat, et maîtriser la dépense parce que la maîtrise de la dépense est en elle-même indispensable à la réforme. Nécessité est mère de vertu. Il y a un chemin engagé, il y a un chemin à poursuivre. La réforme de l'Etat doit permettre la réduction de la dépense et la maîtrise de toutes les dépenses. Ainsi, si les dépenses de fonctionnement doivent être maîtrisées - elles le sont, mais elles doivent l'être encore plus -, l'investissement est, lui aussi, important, car il prépare l'avenir de notre pays. Pour autant, toute dépense d'investissement n'est pas bonne en soi. Dans ce domaine aussi, il faut être vigilant.
    A cet égard, l'audit lancé par le Gouvernement sur les projets d'infrastructures ne me gêne pas du tout. Il me paraît indispensable, qu'il s'agisse de la sollicitation de financements publics, mais aussi, peut-être, de financements privés venant prêter le concours à des engagements publics, qu'une sélection soit faite, qu'un tri soit opéré, que des choix soient définis. La dépense d'investissement est souvent plus porteuse d'avenir que la dépense de fonctionnement mais il ne suffit pas qu'elle soit d'investissement pour se justifier.
    La réforme de l'Etat suppose aussi une réforme de la décentralisation. La majorité vous accompagnera, monsieur le ministre, sur cette voie, sachant qu'il faudra se montrer vigilant sur les dépenses, en fonctionnement et en investissement. La décentralisation, c'est la liberté. Mais prenons garde au poids de l'impôt. Il ne faudrait pas que nos concitoyens aient, demain, le sentiment que les collectivités locales augmentent les impôts tandis que l'Etat les baisse, comme la gauche a essayé de le faire croire toute la soirée hier. Si, par malheur, l'opinion venait à comprendre que la stratégie de réduction de l'impôt de l'Etat a comme corollaire immédiat l'augmentation de l'impôt des collectivités locales, nous aurions échoué. Je vous rappelle qu'en 1996 la présentation du projet pluriannuel de réduction de l'impôt sur le revenu a été très rapidement suivie par la présentation d'une note-bilan rappelant l'augmentation de l'impôt des collectivités locales. Ne tombons pas dans ce piège, maintenons cette discipline.
    Pour s'en assurer, il faudra que les structures de la décentralisation, comme l'a rappelé M. Méhaignerie hier, nous incitent à ne pas augmenter l'impôt et que, en particulier, la proximité, la subsidiarité fassent que les décisions soient prises par ceux qui en sont responsables. Certains schémas que je qualifierais d'« intercommunalisme déterministe » conduisent, depuis quelques années, à augmenter l'impôt à des niveaux qui ne sont pas raisonnables. Que la gauche prêche pour cela, je le comprends, elle croit aux vertus de l'impôt et de la dépense publique, et tente par conséquent d'encourager les niveaux de décision qui permettent ce choix sans encourir de réelle responsabilité politique. Mais telle n'est pas notre volonté, et il faudra que les lois de décentralisation le traduisent clairement. Pour l'instant, je ne suis pas sûr que ce soit le cas, et j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances sur ce point. Vous avez ouvert une voie. Nous affirmons nos choix. Vous avez prononcé, hier soir, les mots de rupture, confiance, croissance. Chiche ! Au travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.
    M. Yves Deniaud. Permettez-moi d'abord quelques commentaires sur le passé. Il y en a déjà eu beaucoup, c'est vrai, mais ayant dû subir pendant cinq ans maints sarcasmes sur l'héritage que nous aurions laissé en 1997, peut-être pouvons-nous nous livrer à notre tour quelques instants à cet exercice. Nous n'avons pas l'intention de rabâcher cela pendant la même durée de cinq ans, mais les Français nous ont beaucoup reproché, à d'autres époques, de ne pas avoir été suffisamment informés de la situation réelle des finances à notre arrivée aux commandes de l'Etat. En outre, le mensonge budgétaire a pris, cette année, des proportions que nous n'avions plus connues depuis 1993, année où le déficit s'était finalement élevé à 345 milliards de francs, au lieu des 186 milliards annoncés.
    Jusqu'aux dernières élections, alors que l'exécution du budget était déjà bien entamée, on nous a juré, ceux qui étaient présents dans cet hémicycle à ce moment-là s'en souviennent parfaitement, que le déficit 2002 serait de 30 milliards d'euros. La réalité, c'était 45 ou 46 milliards d'euros, dans l'exécution de la version budgétaire du gouvernement de l'époque. Et qu'on ne vienne pas tenter la diversion minable selon laquelle c'est la loi de finances rectificative qui aurait creusé le trou. Nos priorités, la sécurité et la baisse des impôts, ont été financées par redéploiement. Elles avaient été ratifiées par les votes du peuple français par deux fois. Il était inimaginable qu'elles ne soient pas mises en oeuvre. Le Gouvernement mérite toutes les félicitations pour avoir su les financer sans accroître le déficit - on a connu des périodes plus fastes économiquement où ce fut loin d'être le cas. En tout cas, il est nécessaire de rappeler aux Français qu'un mensonge à plus de 15 milliards d'euros, c'est l'équivalent des budgets additionnés des affaires étrangères, de l'agriculture et de la justice qui disparaît d'un coup. Excusez du peu.
    Je n'évoquerai que brièvement la situation des entreprises publiques qui nous laissent des bombes financières terribles sous les pieds, qu'il s'agisse de France Télécom ou, semble-t-il, d'EDF ; elle mérite un examen approfondi de notre assemblée.
    Le budget pour 2003 qui nous est présenté me paraît la meilleure façon de réagir. Vouloir réduire immédiatement, à marche forcée, le déficit quand la croissance est aussi faible, conduirait irrémédiablement à l'échec par un tassement supplémentaire de l'activité. Le FMI, qui a si souvent tenté d'imposer ce genre de remède de cheval dans des pays variés, évolue lui-même sur cette question tant la liste des désastres est longue dans l'histoire récente.
    Contenir le déficit dans un premier temps et se mettre en état de profiter à plein d'une période plus favorable pour retrouver l'équilibre par un assainissement en profondeur, voilà en revanche c'est ce qu'ont fait nos voisins européens, qui ont atteint l'équilibre, et même l'excédent pour certains, en gérant beaucoup mieux que nous les fortes croissances des années 1988-1991 et 1997-2001. C'est la méthode que vous nous proposez, monsieur le ministre, nous y souscrivons totalement.
    Cette loi de finances initiale pour 2003, comme la loi de finances rectificative, répond aux engagements pris par le Président de la République et notre majorité lors des élections du printemps, et validés par le peuple français. En bonne démocratie, c'est dans la constance mise à faire ce que l'on avait dit, M. Mariton l'a rappelé, qu'on doit être jugé.
    Quant aux doutes sur la qualité des prévisions, je rappellerai que, de 1994 à 1997, les lois de finances que nous avions votées ont été exécutées presque au milliard de francs près par rapport à la prévision de déficit.
    M. Georges Tron. Absolument.
    M. Yves Deniaud. On sait ce qu'il advint ensuite. Ceci m'amène, plutôt que de reprendre ce qu'ont dit excellemment le rappporteur général et mes collègues de la majorité sur le budget 2003, à émettre quelques suggestions pour l'avenir.
    D'abord, puisque je parlais de sincérité, et je sais que l'on peut compter sur vous, monsieur le ministre, je souhaite, si les rentrées s'avéraient dans les années à venir meilleures que prévu, que nous gardions en mémoire le ridicule feuilleton de la « cagnotte » du début 2001.
    Le budget doit être exécuté avec rigueur, dans le sens que Francis Mer et vous-même donnez à ce mot, c'est-à-dire que tous les engagements de l'Etat doivent être honorés - cela paraît évident, mais c'est une habitude qui s'était quelque peu perdue. Dès lors, toute recette supplémentaire doit servir à réduire le déficit, un point c'est tout. Il me semblerait utile que nous en prenions dès maintenant l'engagement.
    S'agissant de la maîtrise des dépenses publiques, tant annoncée dans le passé et si peu, voire pas du tout, pratiquée, vous envoyez, pour la première fois, un signal clair avec une hausse des dépenses de 0,2 % seulement. Pour être effective et durable, elle doit, ainsi que l'ont dit mes collègues, être conditionnée par une réforme de l'Etat menée avec vigueur.
    Le Gouvernement affiche clairement sa détermination, mais on sait que les exigences du quotidien, la pression des demandes, les requêtes argumentées des services et des usagers sont dures à affronter pour l'exécutif. C'est pourquoi, comme le Président de la République nous y invitait dans son message de début de législature, le Parlement doit faire, de son côté, de nouveaux efforts en matière de contrôle de l'évolution des dépenses publiques, d'évaluation des moyens, des actions, de l'organisation des services de l'Etat. Que le Gouvernement sache que nous sommes à ses côtés dans cette tâche longue et difficile. Qu'il sache aussi faire confiance au Parlement.
    Dans le même mouvement, nombre de mes prédécesseurs de la majorité à la tribune l'ont dit, la décentralisation doit être un élément essentiel de cette réforme. Pour sa partie financière, qui vous concerne au premier chef, il faut, j'y insiste comme mes collègues François Goulard et Hervé Mariton, que les transferts de charges soient précisément financés. Le désastreux exemple de l'APA est là pour nous le rappeler. En contrepartie, il faut que la réforme identifie clairement les ressources fiscales affectées à chaque échelon territorial. Ainsi pourra s'exercer pleinement, en toute clarté pour les électeurs, la responsabilité de chacun, dans la liberté. Vous amorcez le mouvement avec la déliaison des taux. C'est un petit pas qui sera l'amorce, nous l'espérons, d'une réforme beaucoup plus audacieuse.
    François Goulard l'a rappelé en commission et on l'a vu pour la liberté des prix qui a mis bien longtemps à se mettre en place et qui avait suscité bien des réticences, la liberté est indispensable dans cette matière. Elle sera la plus sûre garantie de la sagesse indispensable des collectivités, à condition, j'y insiste, que nos concitoyens puissent identifier clairement qui prélève quel impôt.
    Parallèlement à la réforme des actions, le Gouvernement et la majorité se fixent des objectifs ambitieux de réduction des prélèvements obligatoires, on l'a vu dans le débat de jeudi dernier. En fait, c'est à un grand nettoyage qu'il faut procéder.
    Dans le document, fort intéressant, qui nous a été remis, j'ai fait le compte de ces prélèvements : sauf erreur, il y en a 170, dont 10 % ont été créés ces cinq dernières années ! A chaque taxe correspond un service, une collecte, un traitement, une perception, des contentieux. Pour une fois, je suggérerai une solution à l'américaine. Dans leurs procédures parlementaires, les Etats-Unis sont coutumiers de contraintes quantitatives dans un délai impératif : réduire, par exemple, de 20 % ou 30 % avant telle date.
    Cette brutalité, un peu aveugle, peut choquer de prime abord. Mais elle présente l'avantage de contraindre à un examen complet et sans pitié, pour choisir ce qui doit disparaître et ce qui doit subsister. Bien sûr, tout a une bonne raison d'exister, et je ne doute pas que les taxes sur la céramique fine, le ski de fond ou les rhums aient toutes les justifications de la terre (Sourires)... Mais sans doute peut-on chercher, en prenant un peu de recul, s'il n'y a pas moyen de s'en dispenser.
    La baisse des prélèvements, c'est certain, doit s'exercer prioritairement sur les deux grands axes que nous avons tracés en commun : l'impôt sur le revenu et les charges sociales, qui sont les vrais leviers de la croissance et de l'emploi, parce qu'ils sont les facteurs premiers d'attractivité pour la France et de stimulation des énergies. Mais elle doit aussi se manifester dans la disparition de taxes résiduelles à coût de collecte très élevé, comme la vignette, le foncier non bâti et, je n'hésite pas à dire, la redevance télévision.
    M. Marc Le Fur. Très bien !
    M. Yves Deniaud. Leur disparition allierait allègement des charges à une réduction de la paperasserie pour nos concitoyens.
    M. Hervé Mariton. Bonne idée !
    M. Yves Deniaud. Pour finir, je voudrais saluer l'effort significatif, signe d'une vraie rupture, qui est fait en faveur de l'investissement, naguère réduit à un niveau presque honteux.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. C'est vrai !
    M. Yves Deniaud. La France a besoin, quoi qu'on dise, de s'équiper en infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, en moyens de transports. Elle a besoin de retrouver une politique forte d'aménagement du territoire pour lui redonner de l'équilibre. Ce relèvement, sérieusement engagé dans ce budget de rattrapage, doit être poursuivi et amplifié.
    Dans cette direction, comme dans les autres voies que vous ouvrez, sachez, monsieur le ministre, que vous pourrez toujours compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Merci.
    M. le président. Je remercie les intervenants, qui font l'effort de respecter leur temps de parole, à une minute près, ce qui est la marge normale.
    M. Philippe Auberger. Cela reste soumis à votre approbation, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron.
    M. Georges Tron. Monsieur le ministre, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici réunis pour la quatrième fois en trois mois pour faire le point sur la situation économique et financière de notre pays. Après l'audit, après la loi de règlement, après le débat sur les prélèvements obligatoires il y a quelques jours, nous entrons à présent dans la discussion budgétaire.
    Comme mon ami Yves Deniaud, j'aurais bien envie, si tant est que nous puissions avoir un dialogue avec nos collègues, qui sont absents ce matin, de dire deux ou trois choses sur la façon dont les débats budgétaires ont été conduits durant cinq ans. Systématiquement, ils commençaient par ce que nos prédécesseurs appelaient « le rappel du bilan ». En 1997, celui-ci semblait catastrophique. En 2002 nous nous apercevons, si nous faisons une lecture sérieuse de l'audit, que le bilan en question, nous pouvions - et nous pouvons encore - en être fiers, et qu'il souffre finalement très bien la comparaison. Mais enfin, ce n'est pas le sujet aujourd'hui.
    La situation dans laquelle se trouve la France aujourd'hui est tout de même paradoxale.
    Cette majorité est contrainte, alors que la croissance a fléchi, à consentir de nouveau des efforts pour remettre notre pays dans le bon chemin, celui d'une gestion saine des finances publiques et de la maîtrise de la dépense publique.
    Vous me permettrez, monsieur le ministre, d'axer mon propos sur la dépense publique. L'année 2002, de ce point de vue, aura en effet été exemplaire et je ne peux m'empêcher de rappeler quelques chiffres.
    En loi de finances initiale, le poids de la dépense publique dans le PIB avait été fixé à 52,3 % ; d'après les prévisions pour 2002, il devrait finalement s'élever à 53,8 %. L'augmentation des dépenses de l'Etat avait été fixée, en valeur, à 2 % ; elle sera de l'ordre de 3,6 %. L'augmentation des dépenses de l'assurance maladie avait été fixée à 3,8 % ; elle sera sans doute de l'ordre de 7 %. Le déficit avait été prévu à 1,4 % ; il sera de 2,6 %. Et le poids de la dette dans le PIB, qui avait été calé à 56,3 %, oscillera aux environs de 58,4 %.
    La leçon est claire : quand les dépenses publiques dérapent, les déficits et la dette dérapent à leur tour. Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons, et l'incapacité de la précédente majorité à contrôler les dépenses publiques y est pour beaucoup.
    Le Gouvernement en a tiré la leçon et affiche la volonté de maîtriser la dépense publique dans le prochain budget. Il fixe l'évolution des dépenses à 1,4 %, dont 0,3 % pour l'Etat et 2,5 % pour la maladie. Sur cette base, avec une croissance du PIB de 2,5 % en valeur, le poids des dépenses publiques se réduirait de deux points entre 2003 et 2006, ce qui permettrait à la fois de réduire le déficit et de baisser les impôts.
    Sur l'objectif que vous avez fixé dans ce projet de loi de finances, monsieur le ministre, toute la majorité se retrouve derrière vous. Néanmoins, sans me faire l'avocat du diable, je poserai ici la question qui est au coeur de notre débat : compte tenu de la structure de notre dépense publique, avons-nous les moyens de maîtriser celle-ci, puis de la réduire ? Je dois dire d'ailleurs, une fois n'est pas coutume, que si mes collègues du groupe socialiste étaient là...
    M. Pierre Bourguignon. Ils sont là !
    M. Georges Tron. Pardonnez-moi, monsieur ! Ce n'était en aucun cas grossier à votre égard. Je constatais simplement que, quelle que soit votre qualité, vous n'êtes pas fort nombreux !
    M. Pierre Bourguignon. C'est un problème de largeur de champ de vision !
    M. Georges Tron. Il est vrai que je ne vois pas toujours du côté gauche, vous avez raison. (Sourires.)
    M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Tron !
    M. Georges Tron. Toujours est-il que les prédécesseurs de M. Lambert et de M. Mer ne manquaient jamais une occasion de nous rappeler que, les dépenses publiques étant ce qu'elles étaient, il était extrêmement difficile de les réduire. M. Strauss-Kahn l'avait dit à l'occasion de précédents débats budgétaires. Permettez-moi à cet égard de vous donner quelques chiffres sur la structure des dépenses de l'Etat, même si cela peut sembler un peu fastidieux.
    Le niveau de la dette publique en pourcentage du PIB est passé de 35,1 % en 1990 à 57,3 % en 2001. La charge de la dette représente 14 % du budget général dans le projet de loi de finances pour 2003. Quant aux dépenses de personnel des administrations publiques, elles représentent 13,6 % du PIB en 2000. Elles se sont accrues de 4,1 % en moyenne, en euros courants, sur la période 1991-2000, soit de 2,5 % en euros constants. Les dépenses de personnel de l'ensemble des administrations pèsent 0,8 point de PIB de plus qu'en 1991 et, depuis 1990, on dénombre 110 000 emplois budgétaires supplémentaires. Sur les 4,6 milliards d'augmentation du budget 2003 par rapport à 2002, 3,3 milliards sont consacrés à la fonction publique et à la dette. Il ne reste donc que 1,3 milliard pour financer d'autres mesures. Près de 60 % du budget général sont donc absorbés par la charge de la fonction publique et de la dette. C'est dire combien il est difficile de réduire les dépenses de l'Etat en France !
    En vérité, monsieur le ministre, vous en êtes convaincu plus que quiconque, seule une réforme de l'Etat courageuse permettra de rétablir la situation de nos finances publiques. Je voudrais faire deux remarques à ce sujet.
    Première remarque : dans tous les pays qui nous entourent, les démarches de réforme de l'Etat ont été mises en place dans un relatif consensus. Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, au Danemark, les alternances politiques n'ont pas remis en cause le travail accompli dans le domaine de la réforme de l'Etat.
    Permettez-moi -  là encore une fois n'est pas coutume - de souligner que la précédente majorité a ouvert de nombreux chantiers sur lesquels il nous appartient maintenant d'avoir le courage d'aller loin. Je pense, bien entendu, à la loi organique relative aux lois de finances - LOLF -, à laquelle le Parlement, la commission des finances en particulier, est très attaché, avec le passage d'une logique de moyens à une logique de résultat, la mise en place de programmes, l'évaluation, l'expérimentation à laquelle nous tenons particulièrement. Cette LOLF a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Elle doit être aujourd'hui l'un des leviers de la réforme de l'Etat.
    Autre chantier dont je parlerai plus longuement dans quelques semaines en tant que rapporteur de la réforme de l'Etat et de la fonction publique : l'amélioration de la qualité de la gestion des ressources humaines dont le ministre Jean-Paul Delevoye a fait l'une de ses priorités. Je rappelle la mise en place, en septembre 2000, de l'Observatoire de l'emploi public dont les objectifs fixés par les décisions de la précédente majorité ont d'ailleurs été immédiatement contredits. Qui n'a pas en mémoire les déclarations, le jour même de l'installation de cet observatoire, de Jack Lang qui expliquait qu'il allait demander une vingtaine de milliers d'emplois supplémentaires sur le budget de l'année 2001 ! Bref, des outils ont été mis en place et nous devons en faire les leviers de la réforme de l'Etat. C'est un point qui doit faire l'objet d'un consensus.
    Seconde remarque, lorsque l'on observe ce qui s'est fait autour de nous dans le domaine de la réforme de l'Etat, on constate que tous les pays comparables au nôtre ont procédé à un assainissement en profondeur de leurs finances publiques dans lequel les mises en oeuvre des réformes administratives n'ont pas joué un rôle déterminant. Certes, les finalités de ces politiques sont communes : maîtrise des déficits et des dépenses - si le niveau de la dépense publique en France était aligné sur celui de l'Allemagne, qui n'est pourtant pas un parangon de vertu en matière de finances publiques, nous économiserions 120 milliards d'euros, soit deux fois le poids du déficit - ; amélioration de la qualité des services publics et de l'efficacité des politiques publiques, l'usager étant placé au coeur de ces politiques ; enfin, plus grande transparence de l'action de l'administration et renforcement du contrôle démocratique sur la gestion publique.
    Les modalités de mise en oeuvre de ces réformes ont révélé de réelles convergences. On observe ainsi un processus de décentralisation vers des collectivités locales et des agences ou des directorats, selon le pays. Je tiens d'ailleurs à souligner que la décentralisation en tant que telle n'est pas forcément synonyme de réforme de l'Etat et d'économies. En effet, en vingt ans, l'effectif en personnel des collectivités territoriales est passé de 410 000 à 1,6 million, tandis que celui de l'Etat a été augmenté de 220 000 personnes. Autrement dit, si elle n'est pas bien maîtrisée, la décentralisation n'est pas un levier de la réforme de l'Etat telle que nous la concevons.
    Par ailleurs, les réformes budgétaires mises en oeuvre ont accru la responsabilité des ministres gestionnaires et des fonctionnaires concernés. Dans plusieurs des pays ayant opéré une réforme de l'Etat, on parle de responsabilisation des fonctionnaires, parfois même de « prime au rendement » - l'expression est un peu choquante, mais je simplifie volontairement. On peut d'ailleurs concevoir qu'il en soit de même pour les politiques. Au Canada, par exemple - j'espère que vous le prendrez en souriant, monsieur le ministre, car ce n'est en aucun cas une suggestion -, les ministres sont rémunérés en fonction des résultats obtenus par rapport aux objectifs qu'ils se sont fixés. C'est vous dire que l'on peut aller très loin dans ce domaine !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas une mauvaise idée !
    M. Georges Tron. Les réformes mises en oeuvre sont aussi caractérisées par une forte recherche de la rénovation des outils de gestion financière, une modification en profondeur des règles et des statuts régissant la fonction publique avec, bien entendu, plus de souplesse dans les recrutements, une formation plus soutenue, une mobilité non pas simplement au sein d'une fonction publique, mais entre les fonctions publiques et dans les rapports avec le privé - c'est ainsi que la mobilité peut être conçue comme un instrument de la réforme de l'Etat.
    Nous devons avoir la ferme volonté de mettre en oeuvre simultanément la réforme de l'Etat et la maîtrise des dépenses publiques. Ne nous y trompons pas : la première n'est pas l'instrument de la seconde. Sans volonté de maîtriser les dépenses, la réforme de l'Etat sera inopérante.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très juste !
    M. Georges Tron. Ce sont deux voies parallèles et nous devons en être bien conscients sinon, à l'issue de cette mandature, nous aurons fait oeuvre de bonne gestion, comme d'habitude nous aurons réduit les déficits, mais nous n'aurons pas réussi à faire la grande réforme que la France attend depuis tant d'années. C'est à nous qu'il appartient de la mettre en oeuvre. Nous serons derrière vous pour le faire, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. François Vannson.
    M. François Vannson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord je me réjouis pour notre pays du changement que constitue ce projet de loi de finances. En effet, après cinq années de gestion que l'on peut qualifier d'aléatoire, pendant lesquelles nous avons assisté à une augmentation sans précédent des dépenses publiques, alors même que les conditions de croissance étaient réunies, le gouvernement issu de la majorité présidentielle se donne, à travers ce projet de loi de finances, les moyens de poursuivre sa politique de réforme.
    Le gouvernement de M. Jospin nous a légué un héritage grevé d'un lourd passif. Quand j'entends ici et là mes collègues de l'opposition ironiser sur les prévisions de croissance du Gouvernement et oser se poser en garants de la réduction du déficit public, je ne peux que les renvoyer à l'audit mené cet été par M. Bonnet et M. Nasse à la demande du Premier ministre. En effet, alors que la loi de finances de 2002, adoptée par la majorité socialiste, prévoyait un déficit de 30,4 milliards d'euros, l'audit a révélé qu'il approchait les 45 milliards d'euros, soit un surplus de quinze milliards, c'est-à-dire une marge d'erreur de 50 % ou une dégradation du déficit public de plus d'un point du PIB ! Vous avez laissé filer les déficits, messieurs les socialistes. Vous avez créé des emplois-jeunes, des emplois publics précaires, mais s'ils étaient aussi indispensables que vous le dites, pourquoi n'avoir pas prévu des contrats de plus de cinq ans ?
    Alors oui, messieurs, les grandes réformes qu'entreprend le Gouvernement - la baisse des impôts, des charges sociales et patronales, ainsi que la simplification et l'assouplissement des règles relatives à la création d'entreprise - vont dans le bon sens. La majorité actuelle et le Gouvernement comptent prendre les mesures qui s'imposent et mener une politique économique propice au développement de la croissance. Les récentes élections ont montré une aspiration au changement, la nécessité d'augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs, salariés et autres, de ce pays. La baisse d'impôts, promesse du Président tenue par le Gouvernement, en est un vecteur que les Français apprécieront à sa juste valeur lorsqu'ils découvriront leur feuille d'imposition.
    Cette majorité a été largement élue grâce à un programme audacieux dont chacun de nous doit se souvenir. Je me félicite ainsi que le Gouvernement ait lancé une politique de redéploiement dans la fonction publique et se soit engagé à se recentrer sur ces fonctions régaliennes que sont notamment la défense et la sécurité de notre nation. Les augmentations conséquentes du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ainsi que de celui de la justice - plus 95 % pour les autorisations de programme et plus 58,3 % pour les crédits de paiement - montrent la volonté du Gouvernement et de la majorité d'assurer aux Français le droit à la sécurité. La politique de défense ambitieuse lancée par le chef de l'Etat, avec pour corollaire une augmentation substantielle du budget de la défense de près de 6,1 % en 2003, est une réponse adaptée aux menaces nouvelles, de plus en plus pressantes depuis le 11 septembre. L'attentat de ce week-end à Bali montre, s'il en était besoin, l'impérieuse nécessité pour la France de disposer de services de renseignement opérationnels et d'une armée équipée, efficace et disponible.
    Enfin, le Gouvernement est aussi en très bonne voie s'agissant de l'esprit général de ce budget, qui va dans le bon sens.
    Je voudrais pour terminer attirer votre attention, monsieur le ministre, sur une revendication catégorielle. Comme le savent ceux d'entre vous qui connaissent le milieu montagneux, le relief est en lui-même un handicap au développement de nombreuses activités économiques traditionnelles. L'agriculture de montagne se pratique en milieu difficile. Les investissements sont naturellement lourds et la rentabilité est moins élevée qu'en zone de plaine. Il est donc indispensable d'encourager le développement d'un tissu économique dynamique et pérenne. Cela devrait se traduire non seulement par des investissements massifs de l'Etat en faveur du désenclavement des régions concernées, mais aussi par des mesures fiscales appropriées favorisant l'investissement privé. J'attends aussi beaucoup de la loi de décentralisation à laquelle travaille le Gouvernement, souhaitant qu'elle permette aux milieux montagneux de retrouver un juste équilibre auquel ils sont légitimement attachés. Bref, vous l'avez compris, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les questions régionales et de rééquilibrage d'aménagement du territoire qui me paraissent fondamentales pour l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Monsieur le ministre, plusieurs de mes collègues du groupe UMP ont salué vos efforts pour rétablir nos grands équilibres perturbés par la multiplication des dépenses à venir non couvertes par des recettes correspondantes, effort méritoire dans un contexte de grande morosité économique tant aux Etats-Unis qu'en Europe.
    Votre équation budgétaire aurait été bien plus facile à rééquilibrer si vos prédécesseurs, plus cigales que fourmis, n'avaient hypothéqué l'avenir en tirant des chèques sur le futur plutôt que de mettre à profit les quatre années de forte croissance dont ils ont bénéficié pour, à l'instar de la plupart de nos partenaires européens, engranger les réserves nécessaires au financement des interventions contracycliques que vous pourriez entreprendre aujourd'hui pour soutenir l'activité économique défaillante.
    Nul ne peut vous reprocher l'impasse budgétaire que vous nous proposez. Elle est la traduction des erreurs du passé et le gage du redressement de longue haleine que vous avez entrepris, d'une part, en resserrant le train de vie de l'Etat et, d'autre part, en libérant les énergies productrices et en soutenant la consommation par des réductions d'impôts et un abondement de la prime pour l'emploi. Mais au-delà des dérives budgétaires auxquelles vous êtes confronté, vous avez hérité d'une dette publique qui s'est gonflée des déficits annuels successifs et qui atteint maintenant 60 % du PIB, soit le taux de tolérance maximal fixé par Maastricht pour l'euroland. Cette dette de plus de 1 000 milliards d'euros que vous avez constatée en arrivant à Bercy est, en outre - circonstance aggravante -, une dette de fonctionnement et non d'investissement. Elle ne porte donc que des certitudes de charges, car elle ne produit rien et requiert un strict remboursement. Faussement indolore, elle réduit les marges de manoeuvre de l'Etat du montant de ses intérêts annuels, soit une quarantaine de milliards d'euros en 2003, dépense obligatoire de votre budget qui l'ampute cette année de 15 % préalablement à toute répartition entre les ministères.
    Pour stopper l'effet boule de neige de l'endettement, vous stabilisez dans un premier temps le déficit budgétaire qui l'alimente, puis vous nous proposez de réduire ce déficit de 0,5 % du PIB chaque année à partir de 2004, vous réservant d'accélérer le processus en cas de conjoncture favorable. Cet engagement est réaliste. Il mériterait d'être complété par un effort de remboursement du principal de la dette, pour éviter que les prochaines générations ne soient victimes de ce transfert abusif, à leur détriment, des charges liées au volume excessif du capital emprunté.
    Le gouvernement qui vous a précédé aurait pu alléger ce fardeau s'il avait su, comme nous fûmes quelques-uns à le lui conseiller, mais en vain, profiter de la flambée boursière pour réaliser les actifs encore détenus par l'Etat dans les sociétés nationalisées en 1981. Le produit de ces privatisations aurait pu logiquement être consacré à la réduction de la dette publique, que les nationalisations avaient nourrie du coût de ces acquisitions.
    L'opportunité était belle d'éponger ainsi, par diverses cessions, le cinquième de l'encours de la dette et, en conséquence, d'économiser par an près d'une dizaine de milliards d'euros d'intérêts. Mais, pour des raisons d'affichage idéologique, la gauche ne le souhaitait pas, même si, subrepticement, elle s'est livrée à quelques délestages de participation pour des raisons d'opportunité budgétaire...
    Pourtant, chacun sait aujourd'hui que la tutelle de l'Etat est davantage un boulet qu'un avantage économico-politique pour les entreprises. La débâcle du Crédit lyonnais et l'étranglement financier de France Télécom en sont la désolante démonstration.
    Depuis l'euphorie de l'an 2002, le tas d'or a fondu : la Bourse a chuté de 60 %, entraînant la dévalorisation des participations de l'Etat. C'est encore un atout qui - provisoirement, je l'espère, monsieur le ministre - vous échappe.
    Néanmoins, toutes les valeurs ne sont pas affectées du même handicap et d'autres privatisations peuvent être envisagées. Pourquoi ne pas privatiser une chaîne de télévision, France 2 par exemple ? A-t-on vraiment besoin de deux chaînes publiques qui, d'ailleurs, ne se soucient de leur tutelle que pour réclamer des moyens supplémentaires ? France 3, la chaîne de la « France d'en bas », ne pourrait-elle suffire pour assurer le rôle de témoin, initialement imparti aux chaînes publiques, dont l'existence se justifie moins depuis l'essor des chaînes privées qui ont mis fin à leur monopole ?
    Cette privatisation aurait aussi l'avantage d'autoriser la suppression de la redevance, dont s'exonèrent frauduleusement un bon tiers des redevables et qui, tout compte fait, coûte plus cher à l'Etat qu'elle ne lui rapporte. C'est une piste à creuser, monsieur le ministre, comme doivent l'être les ouvertures de capital aux investisseurs privés dans les entreprises publiques à la fois pour répondre aux exigences de Bruxelles, au titre de la concurrence, et donner à celles-ci les moyens d'étendre leurs activités en Europe et dans le monde sans se faire opposer leur situation de monopole en France.
    Monsieur le ministre, vous avez été très critiqué par nos opposants sur votre volonté de réduire l'impôt pour libérer du pouvoir d'achat et des capacités nouvelles d'investissement, créateur d'emploi. L'opposition a tort, nous approuvons votre démarche. La France, dont le taux de chômage est l'un des plus élevés, est aussi l'une des nations dont la pression fiscale est la plus forte. Ce parallélisme n'est pas fortuit. Votre majorité parlementaire en est consciente. C'est pourquoi elle apprécie le signal adressé aux contribuables et aux entreprises dans votre budget. La baisse de l'impôt est, partout dans le monde occidental, estimée comme l'un des facteurs de relance de l'activité. Pourquoi pas chez nous ?
    Un député socialiste, Michel Charzat, mandaté par le gouvernement Jospin pour analyser le manque d'attractivité de notre territoire, confirme que la surcharge fiscale des particuliers et des entreprises est une des raisons de la fuite des talents et des capitaux vers l'étranger. En effet, depuis 1990, 250 000 Français se sont établis à Londres et 40 000 se sont expatriés aux Etats-Unis. L'impôt sur le capital - l'ISF, dont le coût de collecte sera bientôt supérieur aux recettes qu'il permet, l'impôt sur les sociétés et les plus-values -, a en France un taux moyen nettement supérieur à ce qu'il est en Europe et aux Etats-Unis et entraîne la délocalisation de nos emplois de l'autre côté de nos frontières. J'en veux pour preuve ce qui se passe en Lorraine, et dont Francis Mer a été le témoin : chaque jour, 70 % de nos frontaliers vont travailler au Luxembourg, en Sarre ou en Wallonie. Et ce mouvement va s'accentuer. Le Luxembourg s'apprête à reconvertir les friches industrielles de l'Arbed le long de notre frontière en un vaste complexe industriel et universitaire qui accueillera quotidiennement 30 000 salariés, dont la plupart seront nos compatriotes. Alors que, tout à côté, sur notre territoire, la friche industrielle de Micheville est en deshérence sans projet réel de reconversion.
    Ces situations contrastées ne sont pas nouvelles. Au début des années 1980, pour pallier le démantèlement du site sidérurgique de Longwy, un pôle européen de développement de 400 hectares avait été créé à cheval sur les trois frontières séparant la France, le Luxembourg et la Belgique. En peu de temps, des entreprises nouvelles s'implantèrent sur les terrains aménagés par nos voisins, alors qu'en vingt ans nous n'avons pas réussi à faire le plein sur les nôtres.
    Au pourquoi de cette différence, vous avez décidé, monsieur le ministre, d'apporter une vraie réponse en mettant en exergue les causes du désintérêt des investisseurs sur notre territoire et en y portant remède. Ce problème appelle des solutions courageuses, aux antipodes des discours démagogiques de la gauche qui ont aveuglé les Français trop longtemps. Nous attendons avec impatience le projet que vous nous avez annoncé, pour y apporter notre ardente contribution.
    En résumé, monsieur le ministre, votre projet de budget est le meilleur compromis qui puisse porter remède aux erreurs de nos prédécesseurs tout en traçant une perspective réaliste de redressement budgétaire. Il respecte les engagements pris devant les électeurs par le Président de la République et sa majorité. Il assure un réel soutien de l'activité économique du pays dans une conjoncture particulièrement difficile. C'est pourquoi nous le soutiendrons avec détermination et conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.
    M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote du budget est un acte majeur de toute assemblée élective. Il traduit en chiffres d'abord, et surtout en actes, une volonté politique. A ce titre, ce premier budget de notre législature peut être considéré comme un premier pas résolument volontariste : un premier pas conforme à nos engagements ; un premier pas conforme aux besoins et aux attentes des acteurs économiques ; un premier pas vers une nouvelle approche budgétaire.
    Permettez-moi de faire ce constat : notre économie, notre pays sont engagés dans une compétition internationale. Or la France peut être comparée à un athlète qui prendrait le départ d'une course avec deux boulets aux pieds : le premier, c'est le poids de la fiscalité ; le second, c'est le poids de la dépense publique. Comment, dans ces conditions, rivaliser avec nos partenaires, qui sont en même temps nos concurrents ?
    Le Gouvernement a su tirer les conclusions de ce constat. C'est pourquoi, conformément à nos convictions et au mandat que nous ont confié les Français, ce projet de loi de finances mise sur les baisses d'impôts et de charges pour redynamiser durablement l'emploi et l'initiative.
    Ce budget prévoit un grand nombre de mesures pragmatiques qui visent à favoriser la création de richesse et d'emplois. C'est indéniablement le cas des baisses de charges sur les emplois peu qualifiés et de la suppression définitive de la part salariale de la taxe professionnelle, qui vont réduire le coût du travail pour les entreprises. C'est également le cas de l'extension de la prime pour l'emploi aux travailleurs à temps partiel, ainsi que des contrats-jeunes en entreprise, qui favoriseront l'insertion des jeunes les moins diplômés dans l'économie marchande. C'est le cas aussi, bien sûr, de la baisse des impôts sur le revenu. Cette réduction sera doublement bénéfique : au même titre que la baisse des charges, elle contribue à alléger la pression fiscale qui pèse sur le travail ; elle permet en outre de restaurer l'attractivité de notre territoire, qu'un nombre croissant de nos concitoyens les plus entreprenants et les plus innovants ont, hélas ! quitté, au détriment de tous, ces dernières années.
    Nous faisons également le choix d'augmenter le pouvoir d'achat du plus grand nombre de Français. L'harmonisation des SMIC par le haut s'inscrit bien sûr dans cette démarche.
    Notre message est fort et clair, et nous poursuivons un double objectif : que les ménages aient le moral et consomment, que les entrepreneurs aient confiance et investissent. Ce sont bien là les clés de la réussite économique, ce sont bien là les vrais moteurs de la croissance. Nous faisons avec vous, monsieur le ministre, avec le Gouvernement, le choix de la baisse de la fiscalité.
    J'appelle l'attention de chacun sur le fait suivant : cette baisse de la fiscalité qui guide notre action ne peut pas et ne doit pas être de la seule responsabilité des parlementaires. Les élus ne peuvent pas être des Janus qui, à l'Assemblée, prôneraient et voteraient la baisse des impôts et, d'un autre coté, laisseraient déraper une fiscalité locale sans cesse en butte aux transferts de charges et aux besoins locaux.
    La problématique doit être la même à l'Assemblée nationale, au Sénat, que dans nos circonscriptions, c'est-à-dire dans nos mairies, nos EPCI, nos départements et nos régions. Si nous manquons de cohérence dans l'action, nos concitoyens ne seront pas dupes. Car au-delà de la couleur des feuilles d'imposition, au-delà des différentes colonnes d'impôts locaux, c'est bien le même contribuable qui paye, et ce contribuable ne s'en laissera pas conter... car il sait compter. (Sourires.)
    Il est vrai que les lois de décentralisation présentées ce matin même en conseil des ministres vont permettre la clarification des compétences qui s'impose. Tous les élus en appellent à de nouvelles règles du jeu entre les collectivités locales et l'Etat, entre les collectivités locales elles-mêmes. En attendant, la prudence doit guider nos pas.
    L'article 14 du projet de loi de finances qui concerne la déliaison des taux en est l'illustration. Tel qu'il est rédigé, il initie plus de souplesse et de liberté, mais il doit être expérimenté en tant que tel.
    N'allons pas trop vite en besogne, et réussissons déjà à faire vivre ce nouveau dispositif avant d'aller plus loin. Nous sommes tous attachés à plus de liberté, mais il faut savoir rassurer les acteurs économiques pour créer les conditions de la confiance. Et ce qui est vrai sur le plan national l'est bien évidemment tout autant sur le plan local.
    Nous savons, mes chers collègues, que trop d'impôt tue l'impôt. Cet adage n'est pas seulement une vérité d'économiste, c'est une remarque de bon sens qui guide notre action. Réduire la fiscalité est bel et bien une condition nécessaire de notre réussite économique, mais elle n'est pas suffisante. En effet, si nous voulons dégager de vraies marges de manoeuvre budgétaire, il va falloir nous libérer, au fur et à mesure, mais avec constance, du deuxième boulet qui entrave le dynamisme français : je veux parler du poids de la dépense publique.
    Réduire la dépense publique n'est pas une fin en soi. C'est le moyen de faire mieux pour nos concitoyens. Avec ce premier budget, nous démontrons que l'on peut répondre à leurs priorités - la sécurité, la justice - sans pour autant perdre de vue notre objectif. Le projet de loi de finances initiale pour 2003 va dans la bonne direction, puisque le titre IV est mieux maîtrisé, passant notamment de 78 à 75,8 milliards d'euros. A l'avenir, le titre IV comme le titre III doivent mobiliser notre attention.
    Après la baisse de l'impôt décidée cet été, le Gouvernement propose une nouvelle baisse des prélèvements obligatoires de plus de 4 milliards d'euros pour 2003. C'est donc près d'un demi-point de leur revenu qui sera ainsi rendu aux Français.
    Une majorité de nos concitoyens appelle de ses voeux un changement de mentalité pratique, ce qui n'implique pas une réduction des services publics, mais une réorganisation plus efficace de ceux-ci. Il nous faudra donc réformer en ayant sans cesse à l'esprit trois écueils. Le premier : céder à la facilité en se contentant de timides efforts ; le deuxième : se rendre coupable de ne rien faire, c'est-à-dire laisser filer la dépense publique, comme cela a été le cas ces dernières années ; le troisième, enfin : trancher sans discernement en oubliant la concertation ainsi que notre objectif qui est de maintenir un service public de qualité.
    Concients de ces écueils comme des impératifs de réussite qui nous guident, sachez, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur notre détermination et notre soutien pour mener une véritable action de fond. Il y a, certes, des dépenses difficilement compressibles. Mais d'autres peuvent l'être. Nous allons donc nous y intéresser. Nous ne serons pas immobiles et nous saurons prendre nos responsabilités.
    Ce projet de loi de finances porte en lui une modification significative de l'approche de la procédure budgétaire. C'est heureux, et c'était surtout devenu inévitable, car au déficit des finances publiques s'est ajouté, au fil du temps, un déficit de confiance et de communication, tant avec la représentation parlementaire qu'avec les Français. L'affaire de la « cagnotte », il y a quelques années, a été le point d'orgue de cette dérive. Vous avez raison de casser cette spirale de la défiance, car nous avons un besoin vital de retrouver soutien et confiance de la part des Français.
    Cela passe par de nouvelles méthodes de préparation du budget, et nous avons été sensibles, monsieur le ministre, aux propos que vous avez tenus hier à ce sujet. Mais les actes parlent aussi. Contrairement à celles du précédent gouvernement, les baisses d'impôts et de charges contenues dans ce projet de loi sont dûment financées. On ne table pas sur des recettes fiscales hypothétiques ou aléatoires ou sur de sombres ponctions sur les entreprises publiques.
    La confiance passe également par un meilleur suivi, régulier, de l'exécution budgétaire, tant pour les recettes que pour les dépenses, par un dialogue ouvert entre nous. Nous nous engagerons à vos côtés dans cette démarche novatrice, car nous partageons ce souci de transparence, de sincérité et de pédagogie.
    Le vote d'un budget donne souvent l'occasion d'observer des postures très politiques, voire politiciennes, et le débat d'hier n'a pas échappé à la règle. Certains nous ont interpellés parce que nous n'irions pas dans la bonne direction. Il est d'ailleurs amusant de constater que ceux qui donnent des leçons sont ceux-là mêmes que les Français ont renvoyés à leurs chères études ! Aux autres, qui voudraient aller plus loin et plus vite, je voudrais tout simplement rappeler qu'une législature dure cinq années et non pas cinq mois.
    Il y a donc ceux qui s'inquiètent, ceux qui critiquent. C'est leur droit. En revanche, tenir nos engagements devant les Français, c'est non seulement notre devoir, mais aussi notre honneur. C'est ce que nous faisons avec ce projet de loi de finances. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien et notre détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Woerth.
    M. Eric Woerth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est-ce qu'un bon budget ? C'est d'abord un budget qui exprime des choix politiques clairs. C'est ensuite un budget qui, financièrement, n'insulte pas l'avenir. C'est enfin un budget qui entraîne une spirale de croissance. En ce sens, monsieur le ministre, dans les circonstances actuelles, le vôtre est très bon.
    Un mot de ces circonstances : la majorité plurielle - ce qui doit signifier toujours plus de dépenses - a gâché la croissance et laisse derrière elle un héritage désastreux. Nous payons les droits de succession ; et ils sont élevés.
    Un mot aussi sur la période économique que la France et le monde traversent : ralentissement, menace de conflit en Irak, montée du terrorisme, crise boursière compliquent toute prévision économique. Dans cet océan d'incertitudes, le Gouvernement fait bien d'afficher une perspective ambitieuse de croissance. S'il ne le faisait pas, nous aurions beau jeu de critiquer un manque de courage, un pessimisme démobilisateur.
    Le débat - plutôt la polémique - que la gauche entretient sur les hypothèses de croissance est à bien des égards stérile et politicien. Soyons pragmatiques : si le taux de croissance dépasse 2,5 %, tant mieux ; sinon on s'adaptera.
    Ce budget est vertueux et efficace.
    Vertueux parce qu'il restaure la vérité et la transparence des comptes. Il met fin à la volonté d'affichage qui consiste à penser qu'un ministre est bon parce que son budget augmente. Nous pensons le contraire : un ministre est bon parce qu'il sait redéployer ses crédits, parce qu'il fait mieux avec moins. Encore faut-il que les crédits affectés soient utilisés, et je fais référence au ministère de l'environnement qui n'a consommé l'an dernier que 42 % de ses crédits.
    Vertueux, parce qu'il symbolise le passage d'une économie d'assistance à une économie de travail. En ce sens, il rompt avec une vision socialisée à outrance, où la société d'assistance tue la société d'initiative, où les bons sentiments ne sont pas financés, où l'espoir se paie à crédit. Nous mettons un terme à ce lent mais inexorable appauvrissement de la société française, qui affecte d'abord les plus fragiles de nos compatriotes.
    Vertueux enfin, parce qu'il met en avant la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l'accélération spectaculaire des dépenses d'investissement. Pour la première fois depuis cinq ans, les investissements de l'Etat augmenteront de près de 2 milliards d'euros, alors qu'ils avaient baissé de 1,5 milliard entre 1997 et 2002.
    Mais la vertu n'empêche ni l'efficacité ni le courage. En ce sens, le budget donne des signes forts et positifs à l'économie et aux entreprises dans le droit-fil des engagements pris par le Président de la République. C'est à une double efficacité qu'il nous appelle : la réduction des prélèvements obligatoires grâce à la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu et l'allégement des charges pour les entreprises. Oui, les engagements pris seront respectés. Ces mesures donneront de l'oxygène à la France, et doperont consommation et investissement.
    Efficacité économique et efficacité sociale sont étroitement liées. Je pense, dans ce budget, à la prime pour l'emploi et à la substitution progressive de vrais emplois aux emplois aidés.
    Monsieur le ministre, le chemin choisi est le bon. Il sera long, il sera difficile. Mais la réussite pour notre pays est au bout de ce chemin. Il n'y aura pas de réussite sans confiance, tous les acteurs économiques le savent. Nous devons rétablir ce lien de confiance brisé par la précédente majorité, entre les Français et la France, entre les Français et l'Etat. La clé du succès, la clé d'un budget qui économise et vitalise l'argent public, c'est la réforme de l'Etat. Le budget pour 2003, budget fondateur d'une politique que nos concitoyens ont souhaitée, est la première pierre d'un édifice que cette majorité est fière de construire avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Chamard. Cela nous rappelle bien des choses...
    M. Jean-Yves Chamard. N'est-ce pas, monsieur le président ? C'est pour moi un vrai plaisir de me retrouver à cette tribune, que j'ai largement pratiquée à une époque, puis que les électeurs m'ont interdite pendant cinq ans. Je les remercie d'avoir fait le bon choix cette année.
    Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la présentation générale du budget : tant d'orateurs ont dit ce que nous, à l'UMP, nous pensons. Une remarque néanmoins, c'est qu'il y a, je crois, un vrai consensus sur tous les bancs pour approuver le choix d'une stratégie en deux temps : 2003 on stoppe l'évolution vers le déficit, 2004 on commence à le diminuer. Tout ce que j'ai pu entendre, au-delà des figures obligées - quand on est dans l'opposition, on s'oppose -, et tout ce que j'ai lu, en particulier l'entretien avec M. Strauss-Kahn, paru il y a quarante-huit heures dans Le Monde, laisse penser que cette stratégie, qui nous a valu quelques critiques sur le plan européen, est bien celle de tous les Français, et pas seulement de la majorité actuelle.
    Il y a aussi un consensus très fort de par le monde pour dire que la grande erreur de nos prédécesseurs a été de ne pas profiter de ces années de croissance pour réduire le déficit et dégager des marges de manoeuvre dont nous aurions grand besoin aujourd'hui.
    Mais j'en viens à l'objet de mon intervention. Je veux vous faire part, monsieur le ministre, de ce qu'un « bleu », non pas de l'hémicycle, mais de la commission des finances, a constaté en commençant à travailler sur le budget de l'enseignement scolaire dont il est le rapporteur spécial.
    Nous avons, profondément ancrée en nous, de même que nos électeurs, la culture de la dépense. Dans les rapports budgétaires de droite comme de gauche, tous les qualificatifs positifs : progrès, amélioration, avancée, sont réservés aux augmentations de dépenses. Mais on jette un voile pudique sur les diminutions, on en parle le moins possible. Et quand on redéploie, c'est souvent pour réaffecter des crédits qui n'étaient pas dépensés, et donc pour les utiliser, ce qui aboutit à une augmentation de la dépense finale.
    Je vais donc vous livrer quelques idées, et d'abord sur les moyens d'apprécier la politique budgétaire. Car, au fond, quand on nous dit « voilà ce qu'on veut mettre dans tel budget et dans tel autre », pour savoir si c'est bien ou mal, si c'est trop ou trop peu, nous n'avons guère d'outils de comparaison. Le seul véritable outil, c'est ce qu'on a dépensé, ou plutôt inscrit, l'année précédente. Toute la mécanique budgétaire se résume à la comparaison de n avec n - 1, qui est fort bien faite et que l'on finit par comprendre, même si elle est très complexe, mais il n'y a rien d'autre.
    Alors, c'est la France d'en bas, chère à notre Premier ministre, lui aussi poitevin, qui va maintenant s'exprimer. Depuis vingt ans, je préside la commission des finances du conseil général de la Vienne. Quand nous avons pris nos fonctions, avec René Monory, les dépenses par ménage étaient dans la moyenne nationale. Aujourd'hui, la Vienne est, de tous les départements français, celui qui, en francs par habitant, fait payer le moins à ses contribuables : 500 francs contre 800 francs au plan national. Comment avons-nous fait et comment vous proposé-je de faire ?
    Il me semble que, pour juger si telle dépense est trop faible, trop forte ou convenable, il faut d'abord définir des agrégats simples. Combien coûte la formation d'un élève par an ? Combien coûte la détention d'un prisonnier par mois ? Combien coûte le prélèvement auprès des contribuables de 1 000 euros ? Combien coûte le fait de circuler 100 kilomètres en chemin de fer ? Cela, tout le monde le comprend, y compris les électeurs, y compris les contribuables. Il faut ensuite effectuer deux comparaisons : un, dans le temps, en précisant l'évolution de ce coût au fil des ans en France ; deux, dans l'espace, en le comparant avec ce qu'il est chez nos partenaires européens et dans les pays développés.
    En ce jour de grève de l'enseignement, je prendrai pour exemple le coût de la formation d'un élève en France, comparé avec ce qu'il est dans le reste du monde, notamment au sein des pays de l'OCDE, dont les dernières statistiques remontent à 1999. Dans l'enseignement primaire, nous sommes strictement dans la moyenne OCDE, à epsilon près, epsilon étant positif mais très légèrement. Mais pour l'enseignement secondaire, nous sommes, non pas les plus chers du monde comme l'écrivait Claude Allègre, qui sait un peu de quoi il parle, dans la chronique qu'il donne à un hebdomadaire, mais les troisièmes plus chers du monde, derrière les Etats-Unis et le Danemark. Nous consacrons chaque année à la formation d'un élève du secondaire 33 % de plus que la moyenne de l'OCDE, ce qui représente 10 milliards d'euros de plus à l'échelle du pays.
    Lorsqu'on fait un tel constat, il faut qu'un clignotant s'allume pour nous inciter à aller voir ce qui se cache derrière. Pourquoi cet écart ? Aurions-nous trop d'enseignants, trop de surveillants, débat à l'ordre du jour ? Non, monsieur le ministre, ce n'est pas là que l'explication se trouve. En chiffres bruts, nous sommes, mis à part l'Italie, le pays au monde qui a le moins d'élèves par enseignant, autour de quatorze, dans le secondaire. Pourtant, et c'est curieux, quand on regarde les classes telles qu'elles sont, on n'en a pas l'impression. Alors, on gratte encore, on cherche, et on trouve deux choses. Premièrement, beaucoup d'enseignants ne sont pas devant les élèves. C'est un problème souvent évoqué ici mais qui n'est pas simple, car si on les enlevait de leur affectation, il faudrait peut-être subventionner les associations, etc. Deuxièmement, et c'est la vraie, la principale raison, même si on en parle bien plus rarement, aucun pays au monde n'a une telle profusion d'options proposées aux élèves : plus de 350 !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !
    M. Jean-Yves Chamard. J'ai recherché dans les débats, parlementaires ou publics, s'il y avait eu un choix explicite, à l'Assemblée ou ailleurs, en faveur de cette profusion, si, à un moment donné, les représentants de la nation ou les électeurs avaient dit : « Oui, nous voulons être le pays au monde où il y a le plus d'options et nous sommes prêts, pour cela, à payer 10 milliards de plus. » Eh bien non ! Jamais aucun débat n'a eu lieu à ce sujet. C'est ce qu'on appelle un choix implicite. Année après année, un ministre a rajouté un petit quelque chose ici, un autre là, puis un autre...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellente démonstration !
    M. Jean-Yves Chamard. Il faut à tout le moins que ce débat ait lieu avec les parents d'élèves, avec les enseignants et avec la représentation nationale. Peut-être aboutira-t-il à confirmer ce choix qui, du coup, deviendrait explicite. Pourquoi pas ? Mais peut-être s'apercevra-t-on qu'il y a d'autres priorités, qui méritent que, progressivement, on reconcentre ces si nombreuses options. Cela nous vaudra des discussions un peu difficiles, avec les professeurs d'italien par exemple.
    Mais si nous n'avons pas, non seulement sur ce sujet, où des milliards d'euros sont en jeu, mais sur chaque sujet, des indicateurs permettant de comparer la France par rapport à elle-même au cours des ans et par rapport à ses partenaires, nous aurons du mal à expliquer pourquoi, à tel moment, il est logique et normal de redéployer des crédits, d'en augmenter plus fortement d'autres et, éventuellement, d'en diminuer certains.
    Cela implique que l'on dispose d'outils statistiques, ce qui n'est pas facile. Il y a l'OCDE, il faudra travailler avec elle. L'Union européenne a tout intérêt aussi à faire ce travail, car elle n'a pas le pouvoir de décider en tout, mais elle peut exercer le pouvoir de l'information, qui est un vrai pouvoir, et je pense que nous pourrions mettre en place avec nos partenaires européens des outils statistiques communs. Ici même, en France, il y a bien sûr les ministères et la Cour des comptes, mais il y a aussi l'Assemblée nationale. Je suggère, mes chers collègues, que nous nous dotions d'outils de cette nature non pas en augmentant le budget de l'Assemblée, car nous devons donner l'exemple nous-mêmes, mais en réfléchissant sur certains choix de dépenses. A trois heures du matin, certains services restent ouverts, parce que l'Assemblée siège encore. Est-ce vraiment indispensable ? En donnant nous-mêmes l'exemple, comme le fait le ministère des finances, en nous dotant d'indicateurs compréhensibles par tout le monde, nous pourrions enfin participer à l'indispensable maîtrise de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellente intervention !
    M. le président. Monsieur Chamard, si j'ai montré beaucoup d'indulgence à votre égard, c'est en souvenir des longs débats que nous avons souvent eus ensemble.
    M. Jean-Yves Chamard. Merci, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
    M. Jean-Pierre Decool. Le projet de loi de finances dont nous commençons l'examen est le premier de la nouvelle législature. Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte international difficile ; les événements de ces derniers jours nous le prouvent. La problématique d'une intervention en Irak et les attaques terroristes ont un impact sur la situation financière mondiale. Ainsi, les grandes places boursières internationales ont, ces dernières semaines, connu des krachs inquiétants.
    C'est dans ce contexte difficile et après de nombreuses années de croissance que le nouveau gouvernement a dû construire un projet de budget. Celui-ci est basé sur une hypothèse de croissance de 2,5 % que l'on doit prendre autant comme un objectif que comme une prévision. Afin de réaliser cet objectif, il faut redynamiser l'économie française. Cela passe par une relance de l'emploi, avec la baisse des charges sociales des entreprises et le dispositif des contrats-jeunes, et de la consommation, avec l'allégement des impôts. Cela passe également par des dispositions en faveur de la sécurité intérieure, de la justice et de la défense.
    Dans cette brève intervention, j'aimerais développer deux thèmes que j'estime importants.
    D'abord, il faut faire en sorte que le budget devienne transparent, sincère et simple.
    Le Gouvernement s'est engagé à faire des finances publiques un domaine transparent et accessible à tous, et je ne peux que l'encourager dans cette voie. La sincérité dans les comptes publics est l'une des bases de la confiance qui nous a été accordée. En ce sens, les nouvelles dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relatives à la procédure budgétaire renforcent l'idée d'une meilleure sincérité des finances publiques.
    Le budget doit être simple. Simple pour les Français, qui doivent pouvoir en prendre connaissance rapidement et complètement. Simple quant aux formalités liées aux déclarations fiscales. Les démarches fiscales des entreprises abrégées, l'impôt simplifié doivent être les premières étapes vers une simplification de la vie de l'administré et du contribuable.
    Pour améliorer la vie des entreprises, il faut réduire au maximum leurs démarches administratives, afin qu'elles reportent leur énergie sur l'emploi, l'investissement et la créativité. A cet égard, les mesures de simplification de la taxe professionnelle - relèvement du seuil et suppression de l'obligation de souscrire à une déclaration récapitulative - constituent une première avancée qu'il convient d'approfondir.
    Le second thème sur lequel je souhaite m'étendre concerne l'effort important consenti par ce projet en faveur du monde agricole.
    D'une part, afin d'assurer la solvabilité de la protection sociale agricole, l'Etat a consenti un effort non négligeable en faveur du budget annexe des prestations sociales agricoles. Le montant de la solidarité interprofessionnelle, par le canal de la contribution sociale de solidarité, est fixé à 650 millions d'euros. Le projet de loi de finances comprend également un effort de solidarité nationale, par l'affectation de taxes.
    D'autre part, la subvention d'équilibre de l'Etat passe de 326 millions à 574 millions d'euros, soit un quasi-doublement de la participation de l'Etat. S'y ajoute une mesure de prélèvement sur les caisses de mutualité sociale agricole à hauteur de 3 millions d'euros. Cette décision doit être prise en concertation avec les organismes concernés, qui sont indépendants. Le dialogue avec l'ensemble des partenaires du domaine agricole est une nécessité pour ce secteur essentiel et historique de la vie française.
    Le projet de budget prévoit enfin le financement de la réforme des retraites agricoles, et particulièrement du régime de retraite complémentaire obligatoire. Lors de l'adoption de ces mesures, aucun financement n'avait été prévu. Dans ce projet de budget, l'Etat participe à hauteur de 28 millions d'euros. Cette réforme doit néanmoins être étendue à l'ensemble des actifs agricoles, que ce soient les conjoints ou les aides familiaux.
    En conclusion, monsieur le ministre, nous soutenons votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.
    M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après de trop nombreuses années de politique socialiste, au mieux sociale-démocrate, et quelques rares, trop rares années de politique libérale, la situation de notre pays se révèle, malgré les apparences, assez catastrophique. La place de la France régresse, que ce soit dans la lutte contre le chômage, au regard du déficit budgétaire ou en matière de création d'entreprises. Notre compétitivité s'effrite.
    Les entrepreneurs, qu'ils soient publics, associatifs ou privés, se découragent devant des lourdeurs administratives croissantes. Le poids des impôts et prélèvements devient insupportable. De plus, les traditionnelles pesanteurs conservatrices dans notre pays sont largement encouragées dans la rue, et donc à la télévision, par certains syndicats irresponsables, et peut-être aussi par la gauche qui, ayant perdu le pouvoir dans les urnes, aimerait, elle aussi, le retrouver dans la rue.
    La découverte d'un déficit public beaucoup plus important que prévu et le retournement de la croissance internationale, ajoutés à une culture toujours plus forte des droits acquis, rendent très difficile la tâche que les électeurs nous ont et vous ont confiée, monsieur le ministre : faire de la France un pays plus entreprenant, plus compétitif, plus simple dans son fonctionnement, un pays où on travaille pour gagner sa vie sans avoir besoin d'être assisté, mais en même temps un pays plus sûr et plus influent dans le monde.
    Vous avez dû construire ce budget en quelques semaines dans une conjoncture incertaine. Il est donc malheureusement encore très, encore trop conditionné par les conséquences des errements du passé, avec des priorités liées à nos engagements électoraux qui sont beaucoup trop nombreuses pour être toutes satisfaites à la fois.
    Vous avez donc dû faire des choix difficiles. Ils sont judicieux, car vous avez trouvé le moyen de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu, d'encourager l'aide à domicile des familles, d'améliorer la prime pour l'emploi, sans sacrifier les investissements, en particulier militaires, et en redéployant les effectifs publics au profit de nos forces de police et de gendarmerie et de notre justice, le tout sans augmenter le déficit. C'est donc un bon premier budget pour cette législature, compte tenu des conditions dans lesquelles vous avez dû travailler.
    C'est aussi un budget de rupture avec le passé. Il est vrai que nous aurions préféré y voir des signes plus tangibles encore de la détermination de l'Etat à se réformer et de la fiscalité à se simplifier. Nous aurions aimé que soient levés plus vite quelques freins à l'attractivité de notre pays vis-à-vis des capitaux et des cerveaux français et étrangers. Mais je comprends bien que, malgré la pression du Parlement, vous ne souhaitiez pas toucher à l'équilibre fragile et réaliste que représente ce budget de remise à niveau. Et je comprends votre souci de vous donner un peu plus de temps pour procéder aux audits et consultations qui s'imposent quand on veut faire des réformes de fond.
    Nous espérons beaucoup de votre expérience, et de celle du ministre des finances, en matière de réforme des grandes organisations, de votre volonté de développer la culture d'entreprise, mais aussi de votre rigueur de gestion des deniers publics pour alléger les impôts. Ces qualités sont nouvelles et inestimables. Si elles surprennent les journalistes, c'est qu'elles tranchent avec l'ambiance générale de notre pays.
    Vous êtes aux affaires depuis quatre mois seulement ; vous avez cinq ans, avec l'aide de votre majorité, pour agir, pour combattre tous les conservatismes, pour développer la pédagogie nécessaire afin de faire comprendre à nos concitoyens que leur avenir et leur sécurité sont plus liés au développement de la liberté et de l'initiative individuelle qu'à une protection abusive de l'Etat.
    C'est la raison pour laquelle je voterai avec conviction et détermination votre budget. Néanmoins, je soutiendrai quelques amendements portant, par exemple, sur la redevance télévision, sur des économies, mêmes symboliques, dans les services publics, sur une plus grande responsabilisation des élus locaux, dans le seul but de vous entendre nous rassurer sur les véritables et ambitieuses réformes que vous avez la volonté d'engager dans les administrations et dans la politique de l'Etat pour faire aller la France dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Mes chers collègues, le budget pour 2003 reflète, bien sûr, la volonté du gouvernement Raffarin et de la nouvelle majorité. Mais il est contraint aussi de tenir compte des conséquences des hypothèses retenues par le gouvernement de Lionel Jospin pour l'année 2002. Il est également fortement influencé par l'état de grave dégradation des finances publiques tel qu'il est apparu dans l'audit. Comme le disait ici même, ce matin, Alain Rodet, les faits sont têtus.
    Ce projet de budget s'inscrit donc dans un contexte difficile dans la mesure où le Gouvernement doit faire face aux conséquences d'une gestion irresponsable à la veille d'échéances électorales. Alors que Laurent Fabius s'est évertué durant tout l'autonne 2001 à tenter de minorer l'impact des dépenses et à surévaluer les recettes, la réalité décrite dans l'audit révèle la pertinence des mises en garde de l'ancienne opposition : un déficit qui se creuse de plus de 14 milliards d'euros, soit près de 100 milliards de francs, par rapport aux prévisions initiales. Comme l'avait dit Pierre Méhaignerie, les socialistes doivent, aujourd'hui, rendre compte de leurs mensonges d'Etat.
    Comment ne pas souligner, en effet, la culpabilité d'un gouvernement qui n'a pas prévu de financer les conséquences inéluctables de ses mesures ? Un certain nombre de décisions prises par le gouvernement Jospin n'étaient pas financées, nous le savons : la loi Aubry 2 avec la tentative de faire prendre en charge par la sécurité sociale une partie du coût de ces mesures, l'APA qui va avoir des conséquences au niveau des conseils généraux et de la fiscalité locale, ou encore le contrats territoriaux d'exploitation, ni quantifiés dans leur nombre, ni plafonnés dans leur montant.
    Sur le plan des retraites agricoles, il faut ajouter aux 500 millions d'euros de déficit dans les caisses du ministère de l'agriculture, 246 millions d'euros de sous-dotation budgétaire délibérée pour cacher l'ampleur du déficit et 69 millions d'euros de mesures nouvelles annoncées, par le précédent gouvernement sans véritable financement. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin doit faire face aujourd'hui à un déficit du budget annexe des prestations sociales agricoles d'un montant de 746 millions d'euros pour la seule année 2002.
    Il faut encore évoquer le non-financement des budgets des casernes de gendarmerie et des arriérés de loyer, qui s'élèvent à 200 millions de francs. Je terminerai pas les contrats de plan Etat-région dans lesquels la consommation des crédits d'Etat est largement en retrait, ce qui explique le retard pris dans nombre de volets - équipements routiers, aménagement du territoire.
    Alors, où sont passés les responsables de ce bilan ? La démocratie voudrait que l'on organise ici un débat permettant de confronter nos visions avec les leurs. Certes, l'ancien Premier ministre a choisi de renoncer à la vie publique et certains de ses ministres ne sont pas ici parce que les électeurs en ont décidé ainsi : Martine Aubry, Dominique Voynet, François Patriat, Florence Parly, par exemple. Mais d'autres anciens ministres siègent toujours au sein de cette assemblée. Je pense notamment à Laurent Fabius ou à Jean Glavany. Ne serait-il pas normal que l'ancien ministre des finances, qui a présenté l'année dernière, ici même, le budget de 2002, participe à ce débat budgétaire ? Son nom ne figure pourtant pas sur la liste des intervenants, pas plus qu'il n'a choisi de venir siéger à la commission des finances : étrange conception de la défense d'un bilan qui est, paraît-il, excellent.
    Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est sincère et réaliste car il tient compte de la réalité des finances publiques et engage un processus d'assainissement indispensable à notre pays. Et un budget responsable vaut infiniment mieux qu'un budget coupable. C'est donc avec conviction et avec le souci de répondre à l'attente des Français que nous vous soutenons : vous pourrez compter sur notre détermination à préparer l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons à faire face, aujourd'hui, à une situation économique et budgétaire extrêmement dégradée malgré une conjoncture internationale exceptionnellement favorable au cours des cinq dernières années. En effet, l'économie française n'a pas réussi à retrouver sa compétitivité et son attractivité, bien au contraire. Le déficit du budget de l'Etat s'est élevé en 2002 à 40 milliards d'euros, alors que la plupart de nos partenaires européens ont retrouvé l'équilibre de leurs finances publiques. Quant aux prélèvements obligatoires, ils ont atteint en 1999 le niveau record de 45,6 %. Et que dire de nos entreprises qui sont lourdement entravées dans leur action par une fiscalité beaucoup trop lourde et des charges sociales inadéquates ? Nous découvrons chaque jour un peu plus les effets néfastes de la politique du précédent gouvernement.
    Nous avançons donc aujourd'hui sur un terrain miné par les bombres à retardement que nous a léguées le gouvernement Jospin. Ces bombes ont pour noms 35 heures, emplois jeunes, CMU, APA. Cinq années de socialisme auront fait de notre pays le maillon faible de l'économie européenne. Les fruits de la croissance se sont dissipés dans des mesures inconsidérées.
    Le récent audit des finances publiques a permis aux Français de juger ce bilan en connaissance de cause et au nouveau gouvernement d'en tirer toutes les conclusions.
    Parce que nous savons que la pression fiscale devient insupportable pour un grand nombre de nos concitoyens, nous avons voté une baisse de l'impôt sur le revenu de 5 % dès la première loi de finances rectificative. Cette baisse des impôts, nous la poursuivons avec cette loi de finances pour 2003. C'est là un effort sans précédent en faveur des ménages, de tous les ménages français.
    Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour respecter les engagements que nous avons pris devant nos compatriotes. Nous avons le devoir de poursuivre sur cette voie, qui est non seulement celle de la raison mais aussi celle du courage.
    La baisse des impôts doit demeurer un objectif permanent et irrévocable. Les parlementaires que nous sommes doivent aider le Gouvernement à l'atteindre. Ils doivent aussi rester vigilants. Les Français ne nous pardonneraient pas, en effet, de les abandonner en chemin. Nous ne devons pas oublier que s'il appartient à l'Etat de dépenser pour ses missions régaliennes, pour venir en aide aux plus démunis d'entre nous, il lui revient aussi de rendre aux Français une partie des fruits des efforts qu'ils ont consentis. C'est en ce sens que la réduction d'impôt prévue est parfaitement légitime. Elle sera de nature, en outre, à favoriser la croissance et la dépense des ménages.
    C'est aussi en ce sens que vous avez entrepris des négociations auprès des institutions européennes s'agissant notamment de la baisse de la TVA dans la restauration, attendue par les professionnels et dont on sait qu'elle ne pourra être que bénéfique pour ce secteur économique extrêmement dynamique dans notre pays. Monsieur le ministre, où en sont les négociations ? Dans quels délais espérez-vous aboutir ?
    A l'image de la baisse des impôts, le présent projet de budget est ambitieux car il concourt à relancer notre économie et à répondre aux attentes des Français, ce qui revient à répondre à leur volonté de voir l'Etat se réformer.
    Le poids de l'Etat, ces dernières années, a conduit en effet, à l'immobilisme et à la paralysie, un peu comme un paquebot resté à quai faute de carburant.
    Cette réforme de l'Etat, que les Français appellent de leurs voeux, permettra sans conteste de diminuer les dépenses publiques. Mais dépenser moins et mieux, c'est veiller à ce que les collectivités locales, qui vont se voir reconnaître un rôle de plus en plus important, ne soient pas contraintes, de leur côté, à accroître leur fiscalité, ce qui anéantirait tous les bénéfices de la réforme.
    L'exemple scandaleux de l'APA, financée sur le dos des conseils généraux, en constitue le meilleur exemple. Alors que le Gouvernement a diminué de 5 % l'impôt sur le revenu et envisage une baisse supplémentaire dans le budget pour 2003, les conseils généraux s'apprêtent, quant à eux, à augmenter le taux de la fiscalité locale de 4 % en moyenne...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est un minimum !
    M. Christian Estrosi. ... pour financer les compétences nouvelles que le gouvernement précédent leur a transférées. Comment nos concitoyens vont-ils recevoir un tel message ? Nous devons donc veiller à ne pas engager une décentralisation qui conduirait à demander beaucoup aux collectivités locales sans leur donner tous les moyens de leur action. A cet égard, permettez-moi de faire observer que si la décentralisation vers les collectivités locales est allée en s'accroissant au cours des vingt dernières années, l'Etat n'en a pas pour autant fait le ménage chez lui. Ainsi, lorsque la gestion et l'entretien des collèges et des lycées ont été respectivement transférés aux départements et aux régions, des personnels ont été recrutés dans les conseils généraux et les conseils régionaux pour assumer ces nouvelles compétences mais l'Etat n'a pas pour autant réduit les effectifs de la fonction publique dans les rectorats.
    De même, avec les lois Chevènement et Voynet, il se crée tous les jours des communautés d'agglomération, des communautés de communes, des communautés urbaines.
    M. Louis Giscard d'Estaing et M. François Guillaume. Eh oui !
    M. Christian Estrosi. Mais alors même que les communes se départissent de leurs compétences au profit de ces intercommunalités, qui vont évidemment recruter du personnel, elles ne dégraissent pas leurs effectifs.
    M. Philippe Briand. Eh oui !
    M. Christian Estrosi. Aussi, lorsque vous envisagez de supprimer 1 500 postes de fonctionnaires dans la fonction publique d'Etat en 2003 alors que, parallèlement nous allons grossir la fonction publique territoriale de 3 000, 4 000 ou 5 000 agents, je me demande si l'on est pas en train de se moquer des Français. Bref, ces problèmes doivent être réglés de manière transversale. Réforme de l'Etat et décentralisation doivent être menées de pair et nous devons veiller à ce que la fonction publique, d'Etat ou territoriale, voie l'ensemble de ses effectifs baisser par la simplification de la gestion.
    Enfin, un mot de la sécurité et de la justice, qui participent de cette réforme de l'Etat voulue par le Président de la République et le Premier ministre. Ce projet de budget pour 2003 prend en compte les grandes orientations définies lors de notre session extraordinaire du mois de juillet dernier. L'ensemble des mesures que nous avions votées trouvent intégralement leur traduction financière dans ce texte, ce qui est une grand nouveauté puisque l'on sait ce qu'il est advenu des promesses durant la précédente législature.
    A cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre, de rendre hommage au Gouvernement pour l'effort sans précédent qu'il a consenti en faveur d'une des préoccupations majeures de nos concitoyens, que la montée de la violence et de la délinquance au cours des dernières années avait plongé dans une grande détresse.
    Pour finir, monsieur le ministre, votre projet de budget répond en partie aux attentes légitimes des Français. Notre pays à besoin d'un nouveau souffle, d'une politique rénovée, et vous y répondez. Vous nous offrez, enfin, une vision de l'avenir. Cela étant, ce budget ne peut être qu'une étape pour redonner à notre pays toute sa force et toute sa vigueur. Le Parlement peut vous aider à aller plus vite et plus loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.
    M. Jacques Remiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans un climat économique, financier et international particulièrement difficile et incertain que nous sommes amenés à examiner ce projet de loi de finances pour l'exercice 2003. Comme toujours, d'ailleurs, nous héritons de caisses vides et d'une conjoncture plus que défavorable pour nous atteler à cette tâche. Une fois de plus, les marges de manoeuvre dont nous disposons sont plus qu'étroites. En outre, il nous incombe d'assumer le poids de toutes les mesures prises et non financées, pour certaines en tout cas, par le gouvernement précédent de la gauche plurielle. L'exercice, n'est pas aisé.
    Pour autant, et là est l'essentiel, l'ensemble des engagements du Gouvernement sera tenu, comme l'atteste avec force votre texte, monsieur le ministre. En choisissant de limiter la progression des dépenses publiques en deçà de la croissance en 2003, ce qui permettra au passage, de réduire les impôts et les charges, et de redresser le déficit de manière structurelle, votre budget rompt incontestablement, en effet, avec les habitudes de vos prédécesseurs. Celles-ci, rappelons-le, consistaient à multiplier les promesses et les mesures sans prévoir leur financement et à aggraver, ce faisant, le poids du déficit public.
    Le présent projet de budget, et c'est tout son mérite, parvient non seulement à répondre aux attentes des Français en matière d'allégement d'impôts et de charges dans un contexte ô combien incertain, mais aussi et surtout à financer véritablement les priorités du Gouvernement. Nul besoin de rappeler les chiffres, nous les avons, tous ici, à l'esprit. Les grandes mesures que nous avons adoptées lors de la session extraordinaire de juillet dernier sont financées, ce qui était loin d'être le cas sous l'ancienne législature comme l'attestent les 35 heures et les emplois-jeunes.
    A cet égard, monsieur le ministre, permettez-moi de citer France-Soir de ce jour, que je tiens à votre disposition. Voici ce qu'on peut y lire page 11 : « Les emplois-jeunes ne sont pas contents. Ils ont occupé hier l'agence ANPE de Belleville à Paris[...] Parce que le chômage, c'est ce qui nous attend », ont-ils déclaré. Eh oui, rien n'avait été prévu au-delà des cinq ans !
    Enfin, votre projet prépare la voie d'un redressement de nos comptes publics seul à même de nous permettre de mener à bien les nombreuses réformes urgentes dont le pays a besoin.
    J'en viens maintenant plus précisément aux différentes mesures fiscales de votre projet qui me tiennent particulièrement à coeur. Si je ne peux que saluer la baisse d'impôts sur le revenu de 5 %, la revalorisation de la réduction d'impôt pour l'emploi à domicile et les réductions importantes de charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises, je m'interroge toutefois sur le problème récurrent de la redevance audiovisuelle.
    Le problème de cette taxe, largement contestée en raison de son caractère obsolète et impopulaire, qui est abordé chaque année lors de la discussion budgétaire, n'a jamais été traité. A la suite de certaines révélations faites dans la presse, cet été, on a même pu craindre une augmentation de cet impôt. Fort heureusement, cela n'a pas eu lieu. L'épisode estival montre, en tout cas, combien il est impératif de s'attaquer à ce dossier. Je souhaite que le Parlement soit étroitement associé à la réflexion de fond qu'il faut mener pour prévoir sa réforme qui semble aujourd'hui incontournable. J'ai noté avec plaisir que des amendements en ce sens ont été déposés dans le cadre de cette discussion budgétaire.
    Tout le monde s'accorde à penser que la redevance audiovisuelle est l'un des impôts le plus mal assis. Elle fait d'ailleurs l'objet d'une fraude notoire qui s'explique par son impopularité. Tout le monde conteste également son manque de visibilité en raison d'un régime d'exonération d'une rare complexité, et son coût de gestion particulièrement élevé. Enfin et surtout, comment accepter de s'acquitter d'une telle taxe censée financer l'audiovisuel publique, alors qu'on constate la faible qualité des programmes offerts sur ces chaînes. On a du reste le plus grand mal à les différencier de ceux du secteur privé.
    C'est la raison pour laquelle j'ai cosigné la proposition de loi présentée par l'un des nôtres et visant à supprimer cette taxe. Compte tenu des propos tenus par votre collègue, le ministre en charge de la culture et de la communication, qui ne souhaite pas aller dans cette voie, sans doute s'agit-il là d'un voeu pieux. Toutefois, la réflexion qu'il entend mener sur cette question devra prendre en compte les critiques largement connues dont fait l'objet cette taxe et dont je me fais ici l'écho. Il est bien évident qu'il faut tenir compte dans le financement de l'audiovisuel public des spécificités de ce secteur. Mais il est tout aussi impérieux de tenir compte de l'évolution même de l'audiovisuel et du décalage grandissant entre l'existence de cette taxe et l'audiovisuel public d'aujourd'hui. Tâchons de bien avoir ces éléments à l'esprit dans la réflexion qui aura lieu à ce sujet dans les prochains mois, dans le cadre d'un budget que nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Monsieur le ministre, les critiques sur ce budget portent essentiellement sur le taux de croissance retenu. A cet égard, nous avons appris, depuis vingt ans, qu'il fallait être humble car l'économie, à tout le moins, n'était pas une science exacte, ou avait cessé de l'être. Entre le produit matériel brut marxiste du défunt Gosplan et l'anarchie du marché, le choix d'un taux ne peut être qu'une hypothèse.
    En revanche, nous sommes certains que la direction générale définie par le budget va dans le sens des réformes profondes que souhaitent les Français, c'est-à-dire l'allégement des charges. Certes, on en parle depuis des années, mais il n'a jamais été réalisé, bien que chacun connaisse les conséquences de cette situation. En effet, au moment où nous construisons l'Europe, on ne peut pas à la fois affirmer la liberté de circulation des personnes, des capitaux et des biens, et avoir des politiques fiscales et des prélèvements très différents selon les pays de l'Union. Cela provoque la délocalisation tant des personnes que des entreprises, et je ne citerai pas les grandes entreprises françaises qui ont leur siège à Bruxelles ou en Hollande.
    Non seulement la direction retenue est la bonne, mais il était indispensable de la choisir. Toutefois, cette politique d'allégement a des limites et je consacrerai le reste de mon intervention à cet aspect de la situation qui est extrêmement préoccupant.
    En effet, il est évident - ce n'est pas de l'économie et chacun le comprendra - que toute diminution de charges doit être accompagnée d'une réduction des dépenses, ce qui implique une réforme profonde de l'Etat. Or telle n'a pas été l'orientation suivie : on s'est contenté de transférer massivement des dépenses sur les collectivités locales, comme cela a été le cas dernièrement avec la fameuse APA, dont on ne sait où elle nous mènera, avec les 35 heures, et avec les SDIS dont le coût ne fait que croître et embellir.
    En conséquence, la fiscalité locale augmente partout considérablement. Or c'est elle qui touche directement les Français car, lorsqu'il est question de prélèvements obligatoires, ils ne font pas de différence entre ce qui relève de la fiscalité nationale et la fiscalité locale. Il est donc indispensable que le Gouvernement accompagne, comme il veut le faire, sa politique en matière de charges budgétaires d'une profonde réforme du financement de nos collectivités. Il n'est plus possible de continuer à transférer des dépenses de l'Etat vers les collectivités, d'autant que cela revient au même pour les Français. Il est impératif de revoir l'ensemble du système.
    Je sais qu'il s'agit d'une réforme difficile, mais je pense qu'elle est seule de nature à permettre aux énergies de se libérer. En effet qu'attendons-nous de l'économie si ce n'est la libération des énergies afin que notre pays soit enfin attrayant pour les investisseurs, les entrepreneurs et les développeurs ? Le bon sens nous indique que c'est la clé des maux dont nous sommes atteints, notamment le chômage.
    Je salue donc le budget que vous avez présenté, monsieur le ministre, mais je pense qu'il faut aller plus loin dans cette direction. C'est un chantier considérable, mais il faut s'y prendre vite et l'ouvrir maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Le projet de loi de finances pour 2003 qui nous est soumis aujourd'hui est un budget élaboré dans un réel souci de sincérité, de transparence, et dans lequel l'idéologie laisse place au pragmatisme. Nous sommes tous assurés, dans cette assemblée, que les dépenses comme les recettes de ce budget ont été évaluées afin que l'exécution soit la plus proche possible de la prévision, cette démarche s'inscrivant - c'est un fait notable - dans une exigence de performance.
    On peut de même se féliciter du fait que ce budget marque un arrêt dans la dérive des déficits, puisque notre déficit budgétaire sera stabilisé par rapport au niveau pointé pour 2002 par l'audit des finances publiques et qu'il baissera en pourcentage de la richesse nationale.
    L'objectif affiché du Gouvernement - renforcer notre potentiel de production et d'incitation au travail pour stimuler l'emploi - est particulièrement pertinent, tant pour améliorer les grands équilibres financiers que pour renforcer notre dynamisme social et engager la réforme. Il en va de même pour les mesures annoncées concernant les petites entreprises.
    On peut cependant regretter que ces mesures ne figurent pas encore dans le projet de loi de finances pour 2003 et que leur mise en oeuvre soit annoncée seulement pour celui de 2004.
    En effet, les dirigeants des petites et moyennes entreprises sont les premiers employeurs de France. Du fait de la souplesse des petites et moyennes organisations, leur capacité d'embauche est sans aucun doute plus forte en volume et moins directement sensible aux variations des marchés financiers car leur mobilité économique est supérieure.
    Au coeur des petites et moyennes entreprises fusionnent aisément acteurs économiques et ménages. Il nous faut sortir de la vision stéréotypée de notre société, qui ne fonctionne pas en catégories closes et opposées. Ainsi, alléger la fiscalité de la petite entreprise, c'est augmenter sa capacité d'entreprendre ; c'est aussi redonner du pouvoir d'achat aux ménages.
    De même, alléger les impôts a deux vertus sur les ménages : d'abord renforcer l'attractivité de notre territoire, ce qui doit être l'une de nos grandes priorités ; ensuite permettre le report de l'allégement fiscal vers la libération des énergies et des initiatives économiques.
    M. Jean-Pierre Brard. La perversité ne se niche-t-elle pas dans la vertu ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Brard, vous venez d'arriver. Ne commencez pas à interrompre l'oratrice !
    M. Jean-Pierre Brard. D'autant plus qu'elle est excellente, même si elle se trompe !
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, madame, continuez.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Quel est en effet, aujourd'hui, le profil du créateur d'entreprise ?
    En Ile-de-France, dans 30 % des cas, le créateur d'entreprise est un cadre supérieur, et 35 % des créateurs d'entreprises investissent plus de 15 000 euros dans leur création et 12 % d'entre eux plus de 76 000 euros.
    La baisse des impôts est favorable à la création d'entreprises tant chez les plus favorisés que chez les ménages à revenus modestes. A cet égard, on ne peut que se féliciter que la libération des initiatives économiques soit une des priorités de notre gouvernement.
    Il ne faut pas avoir peur de le dire : l'argent employé à la création d'activités économiques et d'emplois dans le secteur marchand contribue tout aussi efficacement à l'intérêt du pays que l'argent prélevé par l'impôt.
    Il semble donc indispensable que soient mises en place des incitations fiscales efficaces pour permettre aux capitaux disponibles de rester dans notre pays, de s'investir plus sûrement dans l'économie, de financer sous des formes variées l'initiative économique en France.
    En conciliant l'efficacité économique et l'ouverture au plus grand nombre de l'initiative économique, il nous faut aujourd'hui réconcilier la République et l'entreprise, l'intérêt général et l'économie de marché, tout en donnant à notre pays un nouvel essor, tout en offrant aux Français de nouvelles perspectives.
    Les solutions existent. Le Gouvernement en met dès aujourd'hui en oeuvre un certain nombre. D'autres mesures, et non des moindres, visant à abaisser et à rationaliser la fiscalité des entreprises, plus particulièrement celle des PME, sont annoncées pour demain. Il faut s'en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Edouard Landrain.
    M. Edouard Landrain. Monsieur le ministre, en cinq minutes, je voudrais vous dire à la fois mon amertume de constater que les plus belles années de croissance n'ont pas été utilisées au mieux, mais aussi l'espoir que nous mettons, avec beaucoup de Français qui nous ont fait confiance, dans le Gouvernement.
    M. Gérard Charasse. Cela ne durera pas !
    M. Edouard Landrain. En effet il va tenter, et ce sera difficile, d'opérer la nécessaire remise en place.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vous qui serez remis en place !
    M. le président. Monsieur Brard, on voit que vous venez d'arriver !
    M. Edouard Landrain. Il va falloir assainir la situation financière, recadrer beaucoup de choses, y compris M. Brard peut-être (Sourires),...
    M. Jean-Pierre Brard. Ne vous en faites pas !
    M. Edouard Landrain. ... afin de ne pas léguer à nos enfants une dette insupportable tout simplement parce que notre devoir est de prendre la situation à bras-le-corps dès maintenant.
    Monsieur le ministre, vos propositions vont dans le bon sens, d'autant qu'il existait des obstacles majeurs. Je les rappelle rapidement : les 35 heures, les emplois-jeunes, l'APA, sans parler des SDIS. Cet énoncé montre que, même dans les collectivités territoriales, les inquiétudes et les craintes sont nombreuses.
    Les mesures de rigueur décidées et la réduction des dépenses, le sérieux qui préside à ce budget, les priorités données à la sécurité, à la justice et à la défense, vont dans le bon sens. Il faut relancer la croissance et l'activité économique : c'est ce que vous allez faire.
    Cela étant, monsieur le ministre, je tiens à évoquer un sujet qui me tient particulièrement à coeur : le budget du sport. Il est le plus faible de tous ceux qui nous sont présentés, avec 401 millions d'euros, pour 25 millions de pratiquants et 14 millions de licenciés, alors que le sport représente 1,7 % du produit intérieur brut. Sans les collectivités territoriales le sport serait en grande difficulté dans notre pays.
    Actuellement, le financement du sport est complété par le FNDS, le Fonds national pour le développement du sport, qui tire essentiellement ses ressources d'un prélèvement de 2,9 % sur les recettes de La Française des jeux. Or vous n'ignorez pas que la loi organique d'août 2001 va remettre en cause le produit de ce fonds qui était directement affecté au monde sportif. Il faudra donc trouver un système - peut-être une fondation ? - pour à la fois respecter la loi organique et permettre au monde sportif d'avoir les moyens de poursuivre ses activités. Avec 50 % de ses dotations allouées à la part régionale, le FNDS est absolument indispensable à la bonne marche du monde sportif français.
    Ma question est donc simple : pouvez-vous me rassurer, monsieur le ministre du budget, sur l'avenir du FNDS ? Pouvez-vous promettre qu'à l'avenir, quand les choses iront mieux, le budget des sports aura enfin une place digne de lui dans le budget de la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé d'entendre les orateurs dont l'intervention était prévue pour la séance de ce matin.
    Je rappelle que, conformément à la décision de la conférence des présidents, les porte-parole des groupes interviendront cet après-midi, après les questions au Gouvernement.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie et du Plan (rapport n° 256).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à onze heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT