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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 24 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 23 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE
Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE «...»

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
MM.
Jean-Yves Le Bouillonnec,
Nicolas Perruchot,
Pierre Cardo,
Patrick Braouezec,
Mme
Annick Lepetit,
MM.
Pierre Albertini,
Denis Jacquat,
Rodolphe Thomas,
François Cornut-Gentille,
Mme
Marie-Josée Roig,
M.
Gérard Léonard.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et la rénovation urbaine.
Réponse des M. le ministre aux questions de : MM. Manuel Valls, David Habib, Jean-Pierre Abelin, Gilles Artigues, Jean-Christophe Lagarde, Nicolas Perruchot, Patrick Braouezec, Patrick Delnatte, Jean-Claude Mignon, Yves Jego, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Gilbert Meyer, Maxime Gremetz.

TRAVAIL, SANTÉ ET SOLIDARITÉ «...»

III. - Ville et rénovation urbaine.

ÉTAT B
Titre III. - Adoption «...»
Titre IV «...»

Amendement n° 56 rectifié de la commission des finances : MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Yves Le Bouillonnec, Pierre Cardo, Marc Laffineur, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. - Adoption.
Amendement n° 85 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur spécial, Jean-Yves Le Bouillonnec, Pierre Cardo. - Adoption.
Adoption du titre IV modifié.

ÉTAT C
Titres V et VI. - Adoptions «...»

M. le ministre.
Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2003

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

    Mme la présidente. Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, concernant la ville et la rénovation urbaine.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la ville.
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la ville. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, chers collègues, la politique de la ville est d'une grande continuité dans sa réalité. Elle n'a souvent fait l'objet de ruptures que dans son affichage. On se souvient des mises en scène de Bernard Tapie, sans lendemain et sans résultat. Les espoirs déçus ont enfermé les populations dans le scepticisme et la désespérance.
    La politique de la ville a tout de même connu quelques tournants réels : par exemple, la prise en compte de la dimension économique par le pacte de relance pour la ville, mis en place par Eric Raoult, ou encore la politique de restructuration urbaine, relancée par Claude Bartolone.
    Nous vous savons gré, monsieur le ministre, de ne pas avoir cherché à réinventer, à rebaptiser, à refonder, mais d'avoir tout simplement chercher à améliorer concrètement les choses, à faire tout bêtement que l'on puisse sur le terrain atteindre au plus près les objectifs proclamés. C'est la seule révolution qu'il fallait utilement faire au sein de la politique de la ville.
    Soyons clairs : cela va moins bien aujourd'hui, dans nos quartiers, qu'il y a cinq, dix ou vingt ans. Il n'y a pas matière à faire de l'autosatisfaction. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, mais admettre ce bilan globalement négatif.
    Cela signifie non que ce qui a été fait l'a été inutilement, mais que ce qui a été entrepris n'a pas été de nature à inverser la tendance ou plutôt que cela n'a pas suffit. J'en parle en praticien, maire d'une ville qui compte 78 % de logements sociaux.
    Cependant, il est certain aussi que le résultat serait pire sans toutes les actions menées au titre de la politique de la ville. Moins que l'échec de cette politique, c'est donc l'échec global de notre société qu'il faut analyser,...
    M. Pierre Cardo. Très juste !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. ... ce que le président de la République et la nouvelle majorité parlementaire n'ont pas manqué de faire lors des grands rendez-vous démocratiques qui les ont conduits au pouvoir.
    Le budget propre du ministère - le « bleu » - ne traduit pas, bien sûr, toute l'étendue de la politique du Gouvernement, ni même celle du ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine. L'ensemble de l'effort accompli par les acteurs publics en faveur de la ville et de la rénovation urbaine se retrouve dans le « jaune ». Le « bleu », le budget propre du ministère, ne représente qu'un quinzième du « jaune », qui, lui, retrace l'effort global.
    Les crédits affichés se situent dans le même étiage que l'année précédente. Légère baisse, dira l'opposition pour laisser penser que nous relâchons l'effort au profit du tout-répressif.
    M. Michel Delebarre. L'opposition n'a encore rien dit !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. En fait, nous affichons moins, mais nous dépensons plus, ou plutôt nous dépenserons plus et surtout mieux.
    Dans l'effort global retracé dans le « jaune », les crédits affichés sont de 5,7 milliards d'euros. Ils sont en légère baisse car le Gouvernement a mis fin à des artifices de présentation. Par exemple, il en a sorti la dotation de solidarité urbaine, la DSU, versée aux communes n'appartenant pas à la géographie prioritaire de la politique de la ville.
    M. Michel Delebarre. Elle sont minoritaires !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. On peut d'ailleurs d'interroger sur les critères d'attribution de la DSU, mais le comble était tout de même de faire passer pour de la politique de la ville le versement de la DSU à des communes non concernées par cette politique.
    Autre exemple de trucage auquel il est mis fin, celui de la récupération par l'Etat du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France. Ce fonds de péréquation entre collectivités locales était abusivement récupéré par l'Etat comme participant à son effort financier, alors qu'il ne grève nullement son budget.
    En revanche, dans le « jaune » actuel qui vous est présenté, ne figure qu'une partie de l'effort de répression engagé...
    M. Michel Delebarre. Ils sont vraiment conditionnés !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. ... de prévention engagé, voulais-je dire, et non l'ensemble de l'effort de prévention, de répression et de sanction engagé par le Gouvernement, qui est pourtant l'une des conditions sine qua non de la réussite de la politique de la ville. L'insertion et l'intégration sont possibles dans l'ordre républicain et non dans le non-droit.
    M. Pierre Cardo et M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. François Grosdidier, président de la commission. Quant au budget propre du ministère, il est en légère hausse : 371 millions d'euros en 2003 contre 368 en 2002.
    Les dépenses de fonctionnement sont en recul, ce ministère participant à l'effort général de maîtrise des dépenses publiques, mais sans préjudice pour les populations qui ont besoin de notre solidarité.
    Dans le même esprit, la commission des finances a approuvé l'amendement de Marc Laffineur visant à supprimer les crédits de l'institut des villes, dont la valeur ajoutée pour la population reste à démontrer. Il serait peut-être judicieux de réorienter ces moyens vers le terrain.
    Il importe, en effet, de renforcer les moyens en direction du bas, au bénéfice des populations en souffrance, et non de nourrir les structures d'en haut, déjà suffisamment dotées avec la délégation interministérielle à la ville, la DIV, et le Conseil national des villes.
    Les crédits d'intervention sont recentrés sur les dispositifs les plus performants, notamment le programme de renouvellement urbain.
    Ainsi, une mesure nouvelle de 20 millions d'euros renforcera le soutien apporté aux communes en grande difficulté engagées dans une procédure de renouvellement urbain.
    M. Pierre Cardo. Ah !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Cela permettra de tripler le nombre des communes bénéficiant de ce soutien.
    L'effort essentiel porte sur l'investissement. Il ne nourrit pas le système institutionnel, mais bénéficie directement aux populations dans le besoin.
    Le montant des autorisations de programme progresse de 5 %, passant de 228 à 240 millions d'euros. Il faut noter une dotation supplémentaire de 15 millions d'euros pour la réhabilitation d'établissements scolaires et une mesure nouvelle de 36 millions d'euros pour faire monter en puissance le programme de renouvellement urbain des cinquante-trois GPV, les grands projets de ville, et des soixante-dix ORU, les opérations de renouvellement urbain.
    Surtout et - c'est le plus concret -, les crédits de paiements s'élèvent à près de 97 millions d'euros, soit une hausse de 54 % par rapport à 2002.
    La politique de restructuration urbaine ne sera plus seulement un thème de discours, mais commencera à devenir une réalité palpable dans les quartiers sensibles.
    Ce qui marque d'abord ce budget, c'est finalement le transfert, d'une année sur l'autre, d'une masse de dépenses de fonctionnement vers l'investissement effectif. Le fonctionnement va souvent au système institutionnel et associatif tandis que l'investissement bénéficie directement aux populations.
    M. Pierre Cardo. Ça, c'est au niveau national !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. De surcroît, les crédits d'investissement du ministère de la ville ont un effet de levier, un effet multiplicateur sur ceux du logement, des collectivités locales, des bailleurs sociaux et parfois sur ceux de l'Europe.
    Je l'ai dit, les anciens « jaunes » récupéraient abusivement, au profit de la politique de la ville, des dépenses qui lui étaient étrangères. Mais la représentation nationale était surtout abusée par un affichage de crédits que les procédures rendaient impossible à dépenser intégralement. On affichait, au bénéfice spécifique des populations en souffrance, des dépenses effectuées au profit de la collectivité dans son ensemble ou encore des dépenses, certes bien ciblées, mais irréalisables. La lourdeur et la complexité des procédures a fait du ministère de la ville un champion de la non-consommation des crédits votés.
    M. Pierre Cardo. Eh oui !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. En 2001, seulement 73 % des crédits votés ont été consommés. Depuis quelques années, l'importance des reports de crédits successifs finit par ôter toute lisibilité au budget de la ville.
    Vous avez, monsieur le ministre, engagé un premier travail sur les procédures. Il conditionne, plus qu'ailleurs, le succès de votre politique.
    Ces procédures sont inutilement longues et complexes. Ainsi, une association de quartier doit remplir six mois à l'avance un impressionnant dossier pour engager une opération d'un coût de moins de 1 000 euros, tandis que la mise en oeuvre des GPV et des ORU dépend d'une multitude de centres de décision qui s'ajoutent aux procédures déjà longues. De la déconcentration, on attendait la proximité ; on a souvent obtenu plus de complexité.
    La politique de la ville est transversale et l'administration, la DIV, est interministérielle dans son intitulé, sa composition et sa culture. La priorité étant aujourd'hui à la restructuration urbaine, nous nous réjouissons que le ministre de la ville et de la rénovation urbaine dispose, en plus de la DIV, de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, partie intégrante du ministère de l'équipement.
    Au-delà de l'articulation institutionnelle, il faut que la politique du logement et de l'habitat soit aussi et enfin pensée au regard des exigences de la restructuration urbaine.
    Depuis vingt ans, la mixité sociale est un voeu pieux. On va démollir les logements délabrés et reconstruire de beaux HLM, mais il s'agit toujours de HLM situés dans des quartiers dont la réputation ne peut s'inverser en quelques années seulement. Les clichés ont la vie dure. Ce déficit d'image interdit, hélas ! le développement du logement résidentiel que nous souhaiterions.
    Nous ne commencerons à réaliser la mixité sociale qu'en développant, à côté du parc locatif, l'accession sociale à la propriété. C'est par là seulement qu'il nous faut commencer.
    Pour réussir, il nous faudra combiner une mesure générale, telle que le prêt à taux zéro, et une mesure territoriale, qui peut avoir la forme soit de « zones franches immobilières »,...
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. ... soit d'un financement par l'Etat pour abaisser le coût du foncier dans ces zones et, par la même, le prix de revient de ces logements.
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. La commission des finances vous propose d'y réfléchir rapidement, avant la deuxième phase concernant les GPV et les ORU.
    Il faut alléger les procédures et faciliter l'accès aux financements pour ceux qui se situent dans les axes de la politique de la ville. Il faut, en revanche, exercer plus de vigilance pour empêcher le dévoiement de ces financements.
    Trop souvent, les contrats de ville sont perçus comme des « guichets » de financement, ne nécessitant qu'un effort d'habillage pour des actions ou des projets qui n'ont pas obtenu de subvention de droit commun et qui sont, en réalité, éloignés des objectifs fondamentaux de la politique de la ville.
    Il faut donc, dans chaque contrat, réaffirmer les objectifs prioritaires pour l'intégration et l'insertion des populations en souffrance : par exemple, l'insertion par l'économique ou la prévention des conduites à risque.
    Pour sortir de la logique de guichet, il convient de répartir systématiquement des diagnostics de quartiers, de recenser les problèmes, d'identifier les objectifs, les hiérarchiser, puis d'analyser les demandes de financement au regard de cette grille. Enfin, si les initiatives font défaut, il faut lancer des appels à projets sur ces priorités plutôt que de saupoudrer les financements sur des actions qui ne contribuent que marginalement, voire pas du tout, à la résolution des problèmes identifiés.
    Il faut enfin évaluer, sans se contenter de données déclaratives. Certes, les actions destinées à des publics marginalisés et fragilisés sont plus difficiles à évaluer que des actions de formation qui s'adressent à des personnels qualifiés. Cependant, ces difficultés ne doivent pas être un prétexte pour s'exonérer de toute obligation de résultat.
    Le rapport de la Cour des comptes ne doit pas rester sans effet, et il faut travailler sur des outils et des méthodes d'évaluation spécifiques à la politique de la ville car ceux qui sont utilisés communément ailleurs ne lui sont pas entièrement transposables.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous proposez un budget dynamique, qui favorise l'investissement par rapport au fonctionnement et privilégie les populations en difficulté plutôt que les superstructures de la politique de la ville. C'est un budget qui a pour ambition, non de révolutionner, mais seulement de corriger, d'optimiser, de recentrer l'action sur les difficultés quotidiennes de nos concitoyens, et d'accélérer les projets pour révitaliser et humaniser nos quantiers
    Mes chers collègues, nous ne pouvons qu'approuver un tel projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Je demande à tous les intervenants de respecter strictement leur temps de parole, faute de quoi nous ne pourrons pas achever notre discussion ce matin.
    La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la ville.
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la ville. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je suis très heureux d'être le rapporteur pour avis du premier budget de la ville et de la rénovation urbaine de la nouvelle législature.
    La politique de la ville doit être ambitieuse, et elle le sera, j'en suis sûr. Elle doit être mise au rang des grandes causes nationales, au même titre que la lutte contre le cancer. Car si le cancer est une maladie qui ronge le corps humain, le mal-vivre des banlieues est la maladie qui ronge notre corps social, aujourd'hui métastasé de zones de non-droit.
    Force est de constater qu'en matière de politique de la ville, au-delà même du bilan du gouvernement socialiste d'ailleurs, de nombreuses dérives et absurdités ont été observées ces dernières années, et relevées par la Cour des comptes.
    Comme vous l'avez vous-même dit lors de votre audition devant la commission, monsieur le ministre, près de 250 quartiers sont au bord de l'insurrection. Le bilan de la politique de la ville est désastreux, il faut dire les choses telles qu'elles sont, et ce qui s'est passé le week-end dernier à Strasbourg nous le rappelle malheureusement.
    Monsieur le ministre, vous voulez replacer la ville au centre des dispositifs d'intégration, de développement social et économique, c'est très bien. C'est là toute la différence avec vos prédécesseurs.
    M. Michel Delebarre. Non !
    M. Manuel Valls. Le ministre a dit le contraire !
    M. Michel Delebarre. Il est plus objectif que vous, monsieur Pemezec. Expliquez-lui, monsieur Cardo !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur spécial. Vous avez décidé de traiter le sujet dans toute sa globalité. Ce projet de budget, qui s'inscrit dans la future loi de programmation que vous avez obtenue, monsieur le ministre, permettra en effet de mener véritablement des actions transversales, preuve que la ville est bien le point de jonction de toutes les politiques : politiques de sécurité et de justice, politiques éducative, urbanistique, économique, sportive, sociale et culturelle.
    Si cette démarche avait été entreprise plus tôt, on aurait su, comme les élus locaux le clament depuis longtemps, que l'insécurité est la première priorité des habitants oubliés des quartiers dits « difficiles » - et pas seulement des quartiers difficiles d'ailleurs !
    Ce gouvernement l'a bien compris, et la situation s'améliore d'ores et déjà sous l'impulsion du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. Il est partout !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur spécial. Mais que de temps perdu par aveuglement idéologique !
    Les moyens financiers que vous mettez en place, monsieur le ministre, sont en augmentation. Avec 371 millions d'euros, la ville est dotée de moyens adaptés à son ambition, et je m'en réjouis. Vous avez notamment revu à la baisse les dépenses de fonctionnement, qui étaient sous-employées, et prévu une hausse des dépenses en matière d'investissement, puisque les autorisations de programme sont portées à 240 millions d'euros et les crédits de paiement à 97 millions d'euros environ.
    Vous définissez, monsieur le ministre, la problématique du logement social comme un enjeu majeur. C'est vrai qu'elle touche au cadre de vie et à l'environnement social. Le Gouvernement et vous même prévoyez donc de procéder à 200 000 réhabilitations lourdes, 200 000 opérations de démolition-reconstruction et 80 000 constructions de logements sur cinq ans. On parle ici d'un fabuleux programme de 30 milliards d'euros que nous avez annoncé en primeur au dernier congrès des HLM.
    Eh bien, pour moi, monsieur le ministre, tous ces chiffres sont bien le symbole d'une nouvelle façon d'appréhender la politique de la ville. Nous commençons seulement - mais enfin - à considérer la ville comme le reflet de notre projet de société.
    Au-delà de l'examen de vos crédits pour 2003, je souhaiterais, monsieur le ministre, exposer quelques pistes de réflexion qui devraient guider l'action du Gouvernement et dont on devine déjà les prémices dans ce budget.
    La politique de la ville telle que nous voulons la redéfinir en cohérence avec les grandes orientations du Gouvernement doit être fondée sur trois axes forts : la proximité, le pragmatisme et la responsabilité.
    La proximité, tout d'abord.
    La proximité à laquelle nous invite Jean-Pierre Raffarin, c'est ici la capacité à repenser la ville non comme une construction abstraite, mais pour les hommes et les femmes qui y vivent au quotidien. Cessons donc en premier lieu de nous gargariser de verbiage technocratique : les POS, les PLU, les ORU, les SCOT, les GPV, les GPU, les DSQ, les PALULOS et j'en passe et des meilleures !
    Rendons le discours accessible pour le faire partager ! Remettons l'homme au coeur de la ville ! Ce sera déjà un premier signe de rupture, monsieur le ministre.
    La proximité, c'est aussi et tout simplement le bonheur de vivre dans du beau. Chaque habitant a le droit de retrouver le plaisir de vivre dans sa cité, ce qui est loin d'être le cas.
    M. Lionnel Luca. Très juste !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. Alors arrêtons de faire du logement social et de la ville en général un champ d'expérimentation pour architectes et urbanistes illuminés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), face à des populations parfois déracinées, à la recherche de repères et d'harmonie. Les constructions parfois délirantes, souvent consternantes, de ces trente dernières années ont créé de véritables ghettos qui sont les terrains de jeu privilégiés pour la délinquance. Il faut définitivement tourner le dos à ce type de construction hérité des années 60.
    Alors, monsieur le ministre, pourquoi ne pas libérer l'architecture du joug du ministère de la culture pour la placer sous l'aile réaliste de votre ministère ? Nos prédécesseurs ont fabriqué le mal-vivre. Il faut aujourd'hui offrir à chacun le beau qu'il est en droit d'attendre et vous êtes sans doute le mieux placé pour y inciter.
    A ce titre, le programme que vous nous présentez traduit un effort considérable du Gouvernement en faveur de l'amplification des projets de destructions-reconstructions, et il matérialise les attentes des élus locaux qui, au côté des habitants, ne supportent plus de voir ces « barres » et ces tours dépourvues de toute qualité de vie défigurer nos villes.
    Certains logements ne correspondent pas à l'approche qualitative que nous devons valoriser. Chaque habitant a, quels que soient ses revenus, le droit de vivre dans de beaux logements qui ne coûtent pas plus cher à réaliser que d'autres, mais qui permettent de créer une dynamique de respect de l'environnement et du cadre de vie commun.
    M. Pierre Cardo. Cela ne suffira pas !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. La proximité, c'est aussi la restauration de la mixité sociale et urbaine.
    La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains avait pour objectif de renforcer la mixité sociale et de rééquilibrer l'offre de logements. Mais ses insuffisances doivent conduire le nouveau gouvernement à développer une politique plus ambitieuse fondée non sur la contrainte, mais sur la contractualisation et l'incitation. Il faut envisager une vraie politique de mixité sociale positive et cesser de construire du logement social dans les villes qui en ont déjà un pourcentage trop important.
    M. Lionnel Luca. Très juste !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. En matière d'urbanisme, il convient de renforcer la mixité urbaine en arrêtant de s'appuyer sur la division fonctionnelle des territoires héritée de La Charte d'Athènes de Le Corbusier : zones résidentielles dans un coin, quartier HLM dans un autre, centres commerciaux dans un troisième.
    La ville doit être redessinée autour d'un centre d'activités mixtes et d'un habitat diversifié. Il faut pouvoir assurer des liaisons par le biais de transports publics fiables. Les habitants doivent réinvestir tous les quartiers de leur ville !
    Oui, il faut sans doute reconstruire la ville sur la ville. La densité n'est pas une source de mal-vivre : ce qui compte, c'est la bonne organisation de la densité et la qualité de ce qui est construit.
    J'en viens au pragmatisme.
    C'est le pragmatisme avant tout qui conduit à revoir le mode d'attribution des logements sociaux. Cessons de détruire l'équilibre fragile de certaines cages d'escalier par des attributions malencontreuses !
    M. Pierre Cardo. Vous avez raison !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. La politique sociale doit être conduite au plus près des attentes des citoyens, dans les immeubles, dans les quartiers.
    Le maire doit retrouver toute sa place dans le contrôle de l'attribution des logements sociaux car il est beaucoup plus au fait des problèmes et des équilibres de sa commune et il se trouve être le garant de la paix sociale.
    Monsieur le ministre, je connais votre détermination pour donner les moyens aux maires de conduire la rénovation des quartiers. Tous les élus locaux y seront sensibles. Il faut transférer le contingent préfectoral vers le maire. C'est une exigence ! C'est un préalable ! Certaines expérimentations en cours le permettent déjà et l'on ne peut que s'en réjouir.
    Mais le pragmatisme, c'est aussi la nécessité de restructurer et de simplifier les interventions de l'Etat. Les systèmes d'interventions et d'aides sont trop complexes et nous serons tous d'accord pour mettre un terme définitif aux lourdeurs inutiles.
    Les dispositifs de l'Etat ont trop souvent tendance à se superposer sans s'harmoniser, comme les grands projets urbains et les contrats de ville. D'où votre idée, monsieur le ministre, d'un guichet unique, d'une unité de commandement. De tout cela on ne peut que se féliciter.
    La gestion locale des crédits aux associations est une excellente initiative. Je vous rappelle tout de même qu'en 2002 la contribution financière des collectivités locales à la mise en oeuvre de la politique de la ville est évaluée à 1 100 millions d'euros.
    Autant dire que les collectivités ont le savoir-faire suffisant. A cet égard, il convient de saluer l'action de certains départements urbains, tels que celui des Hauts-de-Seine, acteur majeur et pionnier en matière de politique de la ville.
    Il conviendra de simplifier les instances nationales, ces véritables nébuleuses à l'engagement douteux et dont je voudrais dénoncer le dogmatisme.
    La réforme de décentralisation que le Gouvernement examine, posant les bases de transferts vers les collectivités locales laisse entrevoir des horizons passionnants.
    Enfin, le pragmatisme ne doit-il pas conduire à transférer le logement au ministère de la ville pour plus d'efficacité et plus de clarté ?
    M. Michel Delebarre. Assurément !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. Après le pragmatisme et la proximité, la responsabilité.
    La responsabilité consiste avant tout à rendre les habitants des quartiers responsables de leur cadre de vie. Il faut pour cela encourager la politique d'accession à la propriété des logements sociaux, et il s'agit bien là d'une priorité : c'est, nous le savons tous, la solution pour combattre le déracinement et faire retrouver le respect de l'environnement commun. L'homme est ainsi fait : il est plus respectueux de son propre bien que de celui d'autrui. Offrir cette possibilité c'est donner un objectif et un repère à des personnes qui en manquent.
    Une partie du produit de la vente de ces appartements devra être réutilisée pour améliorer le parc existant et l'autre pour la démolition-reconstruction de nouveaux logements. Ainsi, on répondra mieux aux attentes des habitants.
    Permettez-moi également de souligner l'importance de la collaboration avec les associations, qui servent non seulement de relais, mais aussi d'observatoire de proximité. Il convient donc de les responsabiliser, sous réserve de transparence et de prendre en compte leurs coûts de fonctionnement.
    Telles sont les quelques réflextions dont je souhaitais vous faire part. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous y soyez sensible, d'autant que les ambitions que vous affichez semblent s'inscrire dans ces perspectives et que les moyens que vous mettez en place paraissent vouloir les favoriser.
    Pour toutes ces raisons, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, premier orateur inscrit.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, vous avez annoncé, lors du dernier congrès de l'Union des HLM qui s'est tenu à Lyon, vouloir engager une nouvelle « bataille de France » sur le terrain de la politique de la ville.
    Nous ne doutons pas, que vous mesuriez la nature et l'importance des problèmes à affronter, mais nous estimons que votre budget ne vous offrira pas les moyens de votre ambition.
    M. Yves Jego et M. Lionnel Luca. Mais si !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce budget est à nos yeux marqué par un recul et un déséquilibre.
    Le recul est manifeste lorsque l'on analyse le montant des crédits affectés à la politique de la ville.
    Nous notons d'abord une diminution de l'effort public global pour la politique de la ville. Alors que le précédent gouvernement lui consacrait au total 3 571 millions d'euros, c'est à peine 3 494 millions d'euros qui sont inscrits dans le projet de loi des finances et ce désengagement de 77 millions d'euros représente près de 20 % du budget propre de votre ministère. Certes, celui-ci connaît, ainsi que vous l'avez rappelé, une infime progression de 0,6 % par rapport à 2002. Mais cette progression est inférieure à celle de l'inflation. Il s'agit par conséquent d'une régression.
    Cette baisse en volume de votre budget paraîtra à certains négligeable. Elle est, aux yeux de ceux qui sont les acteurs de la politique de la ville, très symbolique : vous aurez été le premier des ministres de la ville à entrer en fonctions avec des crédits en diminution.
    La hausse de vos crédits de paiement, sur laquelle vous insistez, renvoie pour l'essentiel à des engagements programmés antérieurement. Ainsi, la dynamique engagée par le précédent gouvernement est enrayée. Entre 1998 et 2002, les crédits consacrés au ministère de la ville avaient considérablement augmenté chaque année, au point que leur montant avait triplé au cours des cinq dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Votre gouvernement a choisi de donner un coup d'arrêt à cette politique, qui n'était pas seulement volontariste - vous l'êtes vous-même - mais qui s'était aussi donné les moyens de cette volonté en les considérant comme prioritaires.
    Vous justifiez ce recul en alléguant qu'un pourcentage important des crédits n'est pas consommé (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), notamment en raison des procédures longues et complexes.
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais les efforts entrepris pour les raccourcir en déconcentrant le plus tôt possible l'attribution des crédits ont été importants. Ces efforts commençaient à produire leurs effets...
    M. Lionnel Luca. Non !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... puisque le taux de consommation des crédits est passé de 68 % en 2000 à 73 % en 2001. Il fallait poursuivre ces efforts, monsieur le ministre !
    De plus, cette année, des gels massifs de crédits ont été opérés au mois de juin...
    M. Michel Delebarre. Eh oui !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... et ont provoqué des notifications de concours de l'Etat en baisse sur les prévisions qui avaient été discutées et négociées par les partenaires dans les premiers mois de l'année.
    M. Pierre Cardo. Exact !
    M. Jean-Yes Le Bouillonnec. Enfin, il ne faut pas confondre les problèmes : le problème de la mobilisation des crédits votés n'est pas celui de leur utilisation. La non-consommation des crédits ne s'explique pas par l'absence des besoins. C'est même le contraire lorsque l'effort en contrepartie du soutien de l'Etat est demandé à des partenaires qui sont eux-mêmes en difficulté.
    M. Max Roustan. Très juste !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est ironique de laisser entendre que la politique de la ville souffre d'une profusion de moyens car il ne s'agit pas d'économiser les fonds, mais de surmonter les obstacles à leur utilisation.
    M. Max Roustan. C'est vrai !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Marqué par une insuffisance de ses crédits, votre budget l'est également par un déséquilibre de ses orientations. Dans son rapport spécial, M. Grosdidier, après avoir concédé une légère diminution des finances publiques consacrées à la ville, s'empresse d'ajouter que celle-ci recouvre des évolutions contrastées qui traduisent une redéfinition des priorités.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Pendant cinq ans, vous auriez pu améliorer les procédures !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De fait, votre projet affiche, en son titre VI, une réelle augmentation des crédits d'investissement, dont on pourrait se réjouir si cette progression n'était pas orientée au profit quasi exclusif du renouvellement urbain.
    Nul ne conteste la nécessité d'améliorer le cadre de vie des habitants des quartiers en difficulté. La réhabilitation des bâtiments dégradés et la démolition des plus insalubres furent d'ailleurs l'un des grands objectifs du précédent gouvernement : limitées à 1 291 logements en 1995, les démolitions affectèrent 6 800 unités en 2001. Pour autant, réduire la politique de la ville au seul renouvellement urbain, c'est revenir à une conception depuis longtemps dépassée. La politique de la ville, ce n'est plus seulement de la rénovation urbaine : il est indispensable de soutenir le développement économique des quartiers en difficulté. Dans cette perspective, le précédent gouvernement avait instauré en 2001 le fonds de revitalisation économique.
    M. François Cornut-Gentille. Ce fut un bide !
    M. Pierre Cardo. C'était d'une complexité épouvantable ! On n'y a rien compris !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par l'octroi d'aides directes, il favorisait la création et l'installation d'entreprises et la réalisation d'investissements de production dans les ZUS. Une aide à l'ingénierie était apportée pour des actions d'animation économique, de soutien à la création et au montage de projets.
    En fonctionnement, le budget de ce dispositif est réduit de 37 millions d'euros et, en investissement, 19 millions d'euros sont purement et simplement supprimés.
    M. Nicolas Perruchot. Quel résultat avait-on obtenu ? Un résultat nul !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le motif invoqué pour justifier cette diminution drastique - la difficulté de la mise en oeuvre - est inacceptable. Comment imaginer que, dès la première année, le FRE pouvait trouver sa pleine capacité opérationnelle ?
    M. Pierre Cardo. On pouvait imaginer un dispositif plus simple !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous procédez également à des coupes claires dans l'enveloppe de fonctionnement du Fonds d'intervention de la ville, véritable coeur de la stratégie contractuelle et partenariale, en le ramenant de 179 à 145 millions d'euros. C'est la démarche de terrain qui est alors compromise, celle qui associait dans une action concertée les partenaires des contrats de ville et les acteurs de proximité.
    Cette réduction des engagements de votre propre ministère n'est en aucune manière compensée par les interventions des autres ministères puisque, comme je l'ai rappelé il y a quelques instants, la masse globale des engagements de l'Etat se trouve diminuée. Ce qu'il importe de souligner, c'est la baisse symbolique de la contribution à la politique de la ville des budgets de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et la très sensible baisse de celui des affaires sociales, du travail et de la solidarité - moins 14,8 % - consécutive à la décroissance du dispositif des emplois jeunes.
    M. Michel Delebarre. C'est cela qui est grave ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Cardo. Monsieur Delebarre...
    M. Michel Delebarre. Au fond, vous êtes d'accord, monsieur Cardo !
    M. Pierre Cardo. Vous aviez oublié de budgéter !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ainsi, la dimension sociale et économique de la politique de la ville est réduite à l'accessoire d'une restructuration urbaine et - insistons sur ce point - d'une démarche sécuritaire qui, à l'évidence, porte en elle les germes de l'échec. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lionnel Luca. L'échec, c'est le vôtre !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comment ne pas mettre en parallèle ce constat avec les velléités, exprimées sans aucune réserve ces derniers temps, de remettre en cause les moyens de la mixité sociale ?
    Comment ne pas s'inquiéter de la remise en cause des acquis de la loi SRU...
    M. Michel Delebarre. Eh oui !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... qui, par son article 55 et pour la première fois, en assurait une véritable expression au plan territorial ?
    M. Michel Delebarre. M. Le Bouillonnec a raison !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour dépasser ce constat évident du décrochage budgétaire que subit la politique de la ville, vous avez annoncé la préparation d'une loi d'orientation et de programmation pour le logement social. Il va s'agir de démolir beaucoup, de construire beaucoup.
    M. Michel Delebarre. Eh oui !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et il est impératif, monsieur le ministre, de construire avant de démolir. (Rires et exclamations sur divers bancs.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo ! C'est très fort !
    M. Michel Delebarre. Il faut reloger d'abord et le ministre le sait !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour cela, vous avez déjà annoncé la sollicitation du 1 %, celle des bailleurs sociaux, ce qui, pour les offices publics, signifie la participation des locataires. Bref, vous annoncez un grand partenariat et une belle mobilisation pour un coût de plus de 30 milliards d'euros dans le cadre d'une démarche pluriannuelle.
    M. Lionnel Luca. C'est le même discours qu'il y a cinq ans ! Nous vivons un grand moment de l'histoire parlementaire !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, votre budget ne comprend pas le moindre crédit pour cet ambitieux projet. Comment allez-vous obtenir les crédits nécessaires d'un gouvernement qui ne vous a concédé aucune marge pour la politique de la ville ?
    M. Michel Delebarre. Très bonne question !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, vous connaissez, nous connaissons tous les enjeux politiques, économiques, sociaux, territoriaux et, d'abord et surtout, humains qui sont au coeur de la politique de la ville.
    La politique de la ville est l'une des réponses les plus fortes aux attentes des populations les plus défavorisées. Ces dernières années, de plus en plus et de mieux en mieux, la politique de la ville s'est enracinée dans la double exigence de réhabiliter le cadre de vie et l'habitat - c'est la démarche de rénovation urbaine - et de permettre le mieux-vivre des habitants - c'est la démarche d'emploi, de développement économique, d'insertion, d'éducation, de loisirs et de reconstitution du lien social. Ces deux exigences, la rénovation urbaine et le mieux-vivre des habitants, sont indissociables.
    Or vous nous proposez un budget qui va menacer des chantiers en cours, qui va faire renoncer des départements et des villes à des projets multiples, qui va déstabiliser des associations, contraindre, voire interrompre des initiatives dans les quartiers et des engagements bénévoles.
    M. Michel Delebarre. Très juste !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tous les prétextes - la non-consommation des crédits, la lourdeur et la complexité des procédures -, tous les artifices - le gel des crédits, leur transfert -, tous les effets d'annonce - la loi de programmation - ne parviendront pas à dissimuler l'évidence qu'au moment des choix le Gouvernement a renoncé à maintenir la priorité de la politique de la ville.
    Monsieur le ministre, nous l'affirmons avec regret et déception, le budget que vous nous proposez n'est pas celui que votre inspiration justifiait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. « Je suis surpris que les conservateurs, de droite comme de gauche, croient, ou veuillent nous faire croire, que toucher à l'organisation de notre pays, à son modèle, reviendrait à remettre en cause les valeurs de notre République » : cette phrase, monsieur le ministre, c'est vous qui l'avez écrite, sous l'inspiration d'une juste révolte, dans votre livre Un homme en colère.
    Dans cet ouvrage, vous désignez le véritable ennemi, le conservatisme, et vous anticipez sur ce que le Gouvernement a aujourd'hui commencé d'entreprendre : la décentralisation réelle des pouvoirs en France. C'est sous cet angle que je voudrais aborder le budget du ministère de la ville et de la rénovation urbaine.
    Le budget du ministère de la ville est ce qu'il est : une goutte d'eau dans les 272 milliards du budget de l'Etat, avec son enveloppe de 371 millions d'euros qui représente seulement 6,65 % des efforts publics en faveur de la ville. On pourra toujours vous faire remarquer qu'il baisse ou qu'il augmente selon l'intention partisane qui préside à la lecture des chiffres. Mais ce qui nous importe vraiment au groupe UDF, c'est le rôle que votre ministère entend jouer dans la réorganisation, en profondeur, de la politique de la ville en France.
    La vérité se trouve donc ailleurs que dans les lignes du « bleu » budgétaire. Elle se situe, si j'en juge vos propos, dans une philosophie et dans une attitude.
    Votre philosophie, c'est la confiance dans les missions des élus locaux, qu'ils soient de gauche ou de droite. Pourquoi ? Parce que ce sont des femmes et des hommes responsables qui ont été désignés, bien souvent par-delà leur étiquette politique, pour essayer de régler les problèmes concrets de leurs concitoyens. Et vous le savez, ils ont de plus en plus de mal à le faire et parfois, se découragent. Cette confiance, elle vient de votre expérience de maire de l'une des villes qui fut les plus durement frappées par les crises économiques et le désespoir.
    Votre attitude, c'est la colère face à l'addition de nos impuissances, c'est le refus de tout ce gâchis qui paralyse les volontés les plus déterminées : procédures complexes, interlocuteurs multiples, blocages administratifs, inerties et lenteurs des circuits de financement. Je l'ai vécu à la mairie de Blois tout comme Rodolphe Thomas à Hérouville-Saint-Clair ou Jean-Christophe Lagarde à Drancy.
    C'est donc mon expérience de maire à la tête d'une des villes où les logements en ZUP sont parmi les moins chers de France et donc les plus attractifs qui m'amène à vous faire quelques suggestions. Celles-ci, si vous le voulez bien, pourraient trouver leur place dans la vaste réforme de la politique de la ville que vous ne manquerez pas d'entreprendre avec le Gouvernement.
    Mon premier point concerne la mixité sociale. Une chose est de démolir des logements insalubres, indignes de notre République, une autre est d'éviter de reproduire les erreurs du passé en reconstruisant des ghettos qui concentreront en leur sein toutes les populations défavorisées loin des centres-ville. Il faut donc prendre garde à restaurer dans ces quartiers une mixité sociale, qui jouera un rôle capital d'intégration, notamment pour les populations immigrées. Les quatre-vingt-sept nationalités qui cohabitent dans les quartiers Nord de Blois constituent, j'en suis sûr, une chance pour notre pays, car il n'est pas de richesse sans diversité. En revanche, il serait irresponsable de couper ces populations de tout contact avec ceux que l'on appelle les « Français de souche ». Dans cette perspective, deux mesures s'imposent.
    La première relève d'une politique de l'urbanisme. Dans le cadre des grands projets de ville ou des opérations de renouvellement urbain, il est essentiel que le nombre de reconstructions puisse être inférieur au nombre des démolitions dans certaines zones. Sinon, nous serons contraints de reconstruire des tours, dont on a vu, à l'expérience, qu'elles étaient criminogènes et génératrices de malaise social.
    La deuxième relève d'une politique de l'habitat social : le relogement doit s'effectuer dans les mêmes conditions financières qu'avant destruction. Cela signifie que les niveaux de loyer ne doivent pas augmenter mais rester accessibles aux populations les plus défavorisées. A défaut, nous ne ferons que délocaliser la réalité de l'exclusion. La cohabitation ou le mélange des classes moyennes et des populations issues de l'immigration reste l'un des enjeux les plus importants de la politique de la ville.
    Mon deuxième point porte sur le devenir des zones franches. Le 14 octobre dernier, le Président de la République confirmait, lors d'un discours à Troyes, son souhait de « donner une impulsion nouvelle au développement des zones franches urbaines, lancées en 1996 ».
    M. Georges Siffredi. Très bien!
    M. Nicolas Perruchot. Il soulignait également le fait que « cette politique a montré qu'elle pouvait conduire à d'excellents résultats, dès lors qu'elle s'accompagnait d'une mobilisation de tous les acteurs ». Vous-même, monsieur le ministre, lors du Conseil national des villes en juin, vous avez annoncé la création d'une quarantaine de zones franches urbaines, et parallèlement la reconduction d'une vingtaine parmi les quarante-quatre de la génération précédente.
    Avec mon collègue Francis Vercamer, élu d'une agglomération qui comprend la plus grande zone franche de France, je me réjouis que le ministère de la ville ouvre ainsi des perspectives qui permettront d'aborder avec pragmatisme et efficacité les politiques publiques en faveur des quartiers en difficulté. Mais en attendant le nouveau dispositif, nous sommes nombreux à souhaiter quelques éclaircissements sur le processus de sortie des zones franches. En effet, vous avez indiqué à plusieurs reprises que vous souhaitiez qu'il s'effectue sur cinq ans au lieu des trois prévus. Dès lors, comment, dans quels délais et avec quelle dégressivité cette nouvelle mesure va-t-elle être appliquée en matière fiscale ou sociale ?
    Par ailleurs, le périmètre des zones franches présente manifestement des incohérences. Pourra-t-il être révisé afin d'obtenir un découpage plus équitable, fondé non plus sur le centre des voies de circulation mais sur le coeur des îlots afin de corriger les injustices criantes d'un trottoir à l'autre?
    Enfin, les exonérations liées aux zones franches ont parfois été exploitées abusivement : quelles dispositions comptez-vous prendre pour corriger ces dysfonctionnements et poursuivre l'effort de moralisation déjà entrepris ?
    Ces questions, monsieur le ministre, sont celles des élus de terrain qui, comme Francis Vercamer, s'inquiètent des conséquences de la fin d'un dispositif que l'on peut encore considérablement améliorer et dont on doit aujourd'hui tirer tous les enseignements.
    Mon dernier point concerne les acteurs de la politique de la ville, en particulier les associations.
    Nous sommes nombreux à utiliser une partie des fonds des grands projets de ville pour financer les actions du milieu associatif dans les zones sensibles. Mais nous sommes nombreux aussi à constater que certaines de ces actions ne concourent guère aux politiques de la ville que nous souhaiterions conduire. C'est donc une question que j'adresse à tous les responsables des politiques urbaines : pourrions-nous imaginer une boîte à outils qui nous permettrait de rationaliser l'utilisation des fonds publics destinés au monde associatif ?
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Michel Delebarre. Il a tout à fait raison, il faut le reconnaître !
    M. Manuel Valls. Non au conservatisme de droite ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Nicolas Perruchot. Il s'agirait de nous aider à discerner le plus en amont possible les bons projets des mauvais : ceux qui seront utiles à la collectivité et ceux qui ne feront que profiter de l'argent public. Nous pourrions concevoir ensemble, élus locaux et Etat, un cahier des charges pour les associations qui oeuvrent dans le cadre des politiques urbaines et sociales. Celui-ci donnerait lieu à une évaluation régulière qui déterminerait le montant alloué à chaque association en fonction de ses besoins, de ses objectifs et surtout de ses résultats. Il ne s'agit pas de créer une procédure supplémentaire, il s'agit seulement de donner aux maires des outils qui leur font aujourd'hui défaut afin d'améliorer l'efficacité des actions associatives qui restent un élément majeur et indispensable de nos politiques municipales.
    Ainsi, en tant que maire, je préférerais donner 100 000 euros à 100 associations qui font vraiment un bon tavail sur le terrain que 30 000 euros à 300 associations dont les deux tiers serviront à entretenir l'illusion d'une lutte contre l'exclusion sociale.
    En conclusion, monsieur le ministre, j'espère ne pas vous choquer si j'appelle chaque maire à devenir une sorte de ministre de la ville, mais bien plutôt répondre à l'une des dernières phrases de votre livre où vous souhaitez « convaincre [votre] famille politique, de prendre ce chantier à bras-le-corps et de s'y engager résolument ».
    M. Michel Delebarre. Il a lu votre livre en entier. Ça mériterait une dédicace !
    M. Lionnel Luca. Pas d'ironie !
    M. Nicolas Perruchot. Le groupe UDF a entendu ce souhait et votera donc votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Monsieur le ministre, les rapporteurs ont déjà souligné les aspects positifs que comporte votre budget, je n'y reviendrai pas. Je noterai simplement que plutôt que de vous contenter de donner plus de moyens à la politique de la ville comme précédemment, vous avez fait en sorte qu'ils soient réellement attribués, mieux utilisés et donc optimisés.
    Il y a quelques mois, la Cour des comptes s'est montrée assez négative sur les dépenses, l'action et les résultats de la politique du ministère de la ville, dénonçant entre autres un certain flou et un manque d'évaluation. Ce bilan très contesté mérite d'être approndi pour nous éclairer tant sur les motivations de votre budget que sur les lignes directrices qui doivent nous guider demain.
    Pourquoi ce bilan contesté ? L'une des premières raisons tient au fait que les acteurs de terrain ont vu régulièrement les actions qu'ils engageaient hachées par les changements de cap successifs des différents gouvernements et les mesures créées ou modifiées au gré des multiples réformettes.
    Une autre raison est liée à l'aspect faussement expérimental de la politique de la ville. Pendant vingt ans, les quartiers ont été soumis à une somme considérable d'expériences, certaines réussies, d'autres avortées ou simplement oubliées. Mais faute d'avoir fixé des objectifs dès le départ, de les avoir évalués, on n'a pas, au niveau supérieur de l'Etat, réussi à en tirer des conclusions pour définir une stratégie. Nous sommes ainsi restés au stade de la multiplication des expériences sans passer réellement à l'expérimentation et nous avons perdu le fondement même de la politique de la ville. De fait, ces expériences ont été lancées par différents opérateurs publics ou associatifs pour promouvoir, à travers de nouvelles coopérations, l'adaptation des interventions et l'émergence de réponses nouvelles. Elles devaient participer à la modernisation et à l'adaptation des services publics, répondre aux enjeux de nos sociétés urbaines et aux maux des banlieues dites en difficulté. Or, trop souvent, ces initiatives sont simplement venues compenser l'insuffisance ou le retrait des institutions de la République.
    Comment, dans ces conditions, évaluer la politique de la ville ? Il faudrait, comme je l'ai souvent demandé, prendre en compte non pas seulement ce qui est financé par la politique de la ville mais la globalité des interventions sur un site concerné par cette politique.
    M. Michel Delebarre. C'est vrai !
    M. Pierre Cardo. On constaterait alors l'effet de vases communicants que je dénonce, à cause duquel, vous le dites vous-même, monsieur le ministre, ces territoires n'ont pas plus mais à peine autant, voire moins que d'autres sites qui n'ont pas les mêmes difficultés. Résultat : sur le terrain, on observe un retrait progressif des acteurs institutionnels qui gèrent davantage des dispositifs que des individus ou des familles, et une progression des acteurs associatifs qui investissent de plus en plus le champ institutionnel. Cela provoque une césure de plus en plus visible entre eux et une fracture de plus en plus nette entre les institutions de la République et les habitants.
    J'ai souhaité apporter cette vision personnelle de la politique de la ville afin de mieux éclairer ce qui a motivé votre budget, certaines des mesures annoncées et les remarques que je formulerai.
    Pour en finir avec la complexité des procédures et les délais de notification et de paiement des subventions, vous autorisez les villes qui auront passé une convention avec l'Etat à percevoir directement sur leur budget, en début d'année, les sommes leur permettant d'organiser elles-mêmes le partenariat avec leurs associations. Adieu donc découverts bancaires, changements de cap en cours d'année, dossiers égarés, incertitudes du travail de terrain. Soyez-en remercié, monsieur le ministre !
    Mais quand vous réduisez de façon importante les crédits du fonds d'intervention pour la ville, là je tire la sonnette d'alarme. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Réduire les crédits d'investissement du FIV, comme c'est le cas pour le fonds de revitalisation économique, en raison de l'importance des reports, relève de la bonne gestion. Toutefois réduire les crédits de fonctionnement me paraît dangereux. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous invoquez là aussi, des reports de crédits, mais sont-ils dus à une non-consommation ou bien plutôt aux retards de notification et de versement ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous l'avons dit !
    M. Manuel Valls. Et Le Bouillonnec avait raison !
    M. Pierre Cardo. Il ne faudrait pas que les acteurs de terrain paient le prix des lourdeurs de procédure...
    Mme Annick Lepetit. Exactement !
    M. Pierre Cardo. ... et que les maires, maintenant responsabilisés en matière d'attribution des crédits de fonctionnement, se retrouvent en première ligne pour gérer la rigueur...
    M. Michel Delebarre. Très bien, monsieur Cardo !
    M. Pierre Cardo. ... sachant que la rigueur n'est pas obligatoirement le fait de ce Gouvernement. J'ai bien noté qu'en contrepartie, vous envisagez d'aider davantage les communes en difficulté financière. Mais à ma connaissance, la réforme de la dotation de solidarité urbaine qui permettrait que le grand projet de ville ne soit pas réservé aux seules villes qui en ont les moyens n'a pas encore eu lieu. Pour l'instant, le FIV assure le gros du financement. Mais dans mon département, on n'a jamais rendu un euro de crédits de fonctionnement en fin d'année, dans ma ville, bien sûr, encore moins.
    J'en viens maintenant au plan de rénovation urbaine que vous avez présenté pour les cinq ans qui viennent. Il va enfin nous assurer une cohérence dans le temps et dans l'action mais il nécessite, de votre part, certaines précautions et, de ma part, quelques propositions. Vous voulez accélérer les démolitions. Soit. Mais au titre de la loi SRU, nombre de communes plutôt attractives vont construire des logements sociaux. Si, les villes qui réduisent leur parc de logements sociaux ne mettent pas rapidement en place un itinéraire résidentiel offrant à leurs propres habitants des logements adaptés et très divers, elles connaîtront un effet d'écrémage en sorte que les familles les mieux loties atterriront chez leurs voisins plus aisés offrant un logement social plus valorisant.
    M. Yves Jego. C'est vrai !
    M. Pierre Cardo. Je formulerai trois souhaits, monsieur le ministre.
    Premièrement j'aimerais que vous renforciez les moyens attribués à la gestion urbaine de proximité, élément essentiel ou le au bien-être des habitants qui reste peu visible dans votre budget. La propreté et l'entretien, c'est la santé des habitants et aussi la carte de visite des quartiers.
    Deuxièmement, j'aimerais que vous aidiez financièrement les communes dans leurs programmes de reconstruction en modifiant le prix du foncier, notamment pour leur permettre la réalisation de nouveaux logements sociaux sur de petites emprises foncières.
    Troisièmement, j'aimerais que votre intervention financière ne concerne pas seulement l'habitat mais aussi l'école, élément essentiel de l'attractivité d'un quartier pour les mères de famille. Il vous faut prévoir ainsi de raser les écoles mal situées, mal conçues, pour les reconstruire dans des secteurs moins marqués et plus valorisants. Cela complétera utilement les conventions que vous souhaitez passer avec l'éducation nationale afin de lutter contre l'absentéisme scolaire, l'illettrisme et l'évasion, dont on parle moins.
    A ce propos, pourriez-vous demander à cette administration pourquoi elle a supprimé en quarante ans autant d'internats dans le secondaire autour des agglomérations. Cette structure, si fréquente auparavant, n'avait-elle pas son utilité ? Ne constituerait-elle pas une parcelle de la réponse globale à apporter à certains de nos jeunes, évitant la surconcentration et favorisant l'éloignement et sans doute la réussite ?
    Toujours à propos d'éducation, je ferai une proposition. Ne pourrait-on pas créer, à titre expérimental, de petits ensembles d'appartements où l'on mettrait en quasi-formation des familles connaissant des problèmes de comportement social ou d'autres, primo-arrivantes, afin qu'en quelques semaines ou quelques mois, elles acquièrent les bases leur permettant de s'intégrer dans notre société ? Cela éviterait que l'on compte sur la police, la justice, les gardiens, les voisins, la télé ou la rue pour parfaire leur éducation.
    Passons maintenant au volet emploi. Le chômage a augmenté dans les quartiers pendant qu'il baissait ailleurs. Affirmation vraie mais à nuancer. Dans ma commune, c'est l'inverse. Il a baissé grâce à un travail intercommunal et partenarial autour d'un PLI, d'une mission locale et d'une équipe emploi-insertion motivée et grâce à une utilisation intelligente des dispositifs existants.
    Alors, tout va bien ? Presque. J'ai bien noté la nouvelle orientation donnée pour les emplois-jeunes en direction de l'entreprise et je m'en réjouis. Toutefois, il me paraît indispensable de prévoir un financement pour les communes et associations qui ont surtout recruté des jeunes de niveau 6 et 5 bis.
    M. Michel Delebarre. Très bien !
    M. Pierre Cardo. En effet, dans ces quartiers, elles ont offert à des gamins n'ayant aucune ouverture possible sur le marché du travail une activité d'utilité sociale. L'Etat les a fait s'engager dans ce processus. Est-il moral de les lâcher au bout de cinq ans, sachant qu'il n'y a pas de solution ?
    M. Michel Delebarre. Très bien ! Arrêtez ici !
    M. Pierre Cardo. Vous étiez moins content quand je m'exprimais sur votre politique !
    M. Michel Delebarre. Vous êtes impartial !
    M. Pierre Cardo. J'apprécie que vous me considériez comme impartial, mais, je n'ai pas toujours entendu ce discours-là.
    M. Michel Delebarre. Vous me réclamiez plus de DSV !
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Cardo.
    M. Pierre Cardo. De même, je souhaiterais que le dispositif adultes-relais soit revu et amplifié. Rappelons que les maires ont attendu plus d'un an après le vote de cette mesure, le précédent gouvernement ayant omis de la financer.
    M. Michel Delebarre. Vous ne vous en apercevez que maintenant ?
    M. Pierre Cardo. Elle seule pourrait nous permettre de développer le lien social, la médiation, l'animation avec les parents eux-mêmes, et donc de revaloriser l'image et le rôle de l'adulte dans nos quartiers.
    Je ne pourrai hélas aborder que sommairement le domaine de la prévention et de l'expérimentation, me contentant d'insister sur le fait qu'aujourd'hui, les structures de garde d'enfants sont fortement inadaptées aux besoins de ceux qui travaillent, surtout s'il s'agit de familles monoparentales, de personnes ayant des horaires décalés, faisant les trois-huit ou étant hospitalisées.
    Il aura fallu des années et nombre de dossiers de demande, pour que, cette année, soit enfin mise en place la première structure de garde d'enfants ouverte sept sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre et assurant un accueil d'urgence.
    M. François Sauvadet. C'est bien !
    M. Pierre Cardo. Si je trouve merveilleux que Chanteloup soit doté d'un tel dispositif associatif, je trouve anormal qu'il y ait tant d'obstacles et que nous soyons les seuls à en disposer.
    Voilà, trop brièvement, ce que je voulais exprimer, laissant de côté bien des aspects de ce si vaste sujet, mais je sais, monsieur le ministre, que vous restez attentif à toutes nos préoccupations, toutes nos demandes, et que le budget que vous nous présentez aujourd'hui n'est que la première étape de la reconstruction d'une politique de la ville que vous voulez cohérente, dynamique et efficace. Nous la soutiendrons afin que, dans nos villes, renaisse l'espoir d'une reconquête des trois principes qui fondent la République : liberté, égalité et fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, les crédits de la politique de la ville sont en stagnation, marquant là une rupture avec l'ambition pour la ville affichée par le précédent gouvernement, qui les avait triplés en quatre ans. La presse, en l'espèce Les Echos, qu'on ne peut pas soupçonner de gauchisme,...
    M. Pierre Albertini. Pas d'appréciation sur la presse !
    M. Patrick Braouezec. ... constate une baisse de 0,26 %. Le ministère, lui, communique sur une augmentation de 0,61 %. Quoi qu'il en soit, légère érosion ou très modeste progression, c'est bien d'une stagnation qu'il s'agit.
    Le rapporteur pour avis évoque un budget de « consolidation dans un contexte de rigueur budgétaire ». Mais la rigueur ne concerne pas tout le monde. Le Gouvernement affiche clairement ses priorités budgétaires pour 2003, avec des crédits en hausse pour la police, les prisons et l'armée. Force est de constater que la politique de la ville n'en fait pas partie.
    Avant d'aborder les questions de fond posées par ce budget, en termes de priorités, de contexte budgétaire général et de climat idéologique, je souhaite évoquer les difficultés de mise en oeuvre des crédits et dispositifs de la politique de la ville.
    Ces difficultés sont connues. Elles tiennent pour beaucoup à la dimension partenariale de cette politique, entre l'Etat, les collectivités locales et les associations. Votre volonté d'y remédier n'est pas en cause. On ne peut que vous souhaiter de réussir là où vos prédécesseurs ont en partie échoué. Avec pragmatisme, vous dressez un certain nombre de constats qui réunissent les acteurs de la politique de la ville.
    Du côté de l'Etat, votre proposition de simplifier l'utilisation des crédits déconcentrés, soit 95 % du total, est de bon principe. Cependant, il ne faut pas se limiter à des facilités accordées aux communes et aux associations. Le rôle de l'Etat, garant de l'intérêt général, n'est pas en cause en la matière. Le problème est qu'il doit pouvoir remplir cette fonction vite et bien. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer les services dans les préfectures. Ces services sont essentiels mais trop éloignés du terrain et de ses réalités. Leur faiblesse ne leur permet pas de se déplacer et d'acquérir une connaissance concrète de leur environnement. Ainsi, l'arrondissement de Saint-Denis et la population attendent, dix ans après que Saint-Denis soit devenu chef-lieu d'arrondissement, la construction de la sous-préfecture.
    Les associations souffrent aussi de cette faiblesse des services de l'Etat, qui est une des causes des retards récurrents de versement des subventions. Chaque année, on constate dans ma circonscription, comme partout d'ailleurs, que près de la moitié des associations parties prenantes du contrat de ville ne reçoivent pas leur subvention annuelle avant décembre. Ce peut être fatal pour ces associations, qui doivent payer des agios et supporter des frais financiers. Leur action que chacun salue, parfois non sans vouloir masquer le désengagement des pouvoirs publics, est gravement handicapée par ces retards qui entraînent des gâchis d'énergie considérables.
    Le conventionnement pluriannuel, qui offre une perspective et une relative pérennité au monde associatif, reste à généraliser, tout comme les expériences de mutualisation de la formation et des moyens de fonctionnement des associations. A cet égard, les collectivités et les associations elles-mêmes ont aussi leur rôle à jouer. Il faut également rappeler la revendication des associations pour la gratuité des loyers.
    Derniers grands partenaires de la politique de la ville, les collectivités rencontrent des difficultés. Les crédits annoncés ne sont pas tous consommés par les communes qui doivent compléter la part de l'Etat. En effet, l'effort demandé en contrepartie du soutien de l'Etat représente encore un pourcentage trop important pour les villes les plus pauvres.
    Principal levier de cette redistribution, la DSU marque cette année un recul, en rupture, là encore, avec les années précédentes. Elle demeure très modeste, voire marginale, ne représentant que 2 % des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales. Autant dire que les énormes écarts de richesses entre communes, qui peuvent aller de 1 à 36 dans une même région, sont loin d'être compensés et que le Gouvernement a fait le choix de ne pas réduire ces inégalités.
    Ce qui est vrai en matière d'investissement l'est plus encore en termes de fonctionnement. Aider à la réhabilitation d'une école ou d'un gymnase va dans le sens de l'exigence d'un minimum d'égalité de traitement sur le territoire. Mais au quotidien, la surveillance et le bon entretien de tels équipements sont parfois hors de portée des collectivités les plus modestes.
    Les grands projets de ville, qui prévoient des crédits de fonctionnement, constituent à ce titre un réel progrès. Il est cependant regrettable que les crédits ne soient ouverts qu'à proportion des investissements réalisés. La bonne marche de ces projets, en matière de fonctionnement, nécessite une répartition constante sur les cinq ans, dès la première année. Or, à l'heure actuelle, les crédits manquent, alors qu'ils risquent d'être trop abondants en fin de projet.
    Au-delà des travaux pratiques, il faut aborder les priorités affichées dans ce budget.
    La stagnation des crédits, au regard de l'ampleur des besoins, vous amène à recentrer votre action sur la rénovation urbaine. Du coup, le budget est marqué par la baisse des subventions allouées au FIV, pourtant au coeur du dispositif des contrats de ville, ainsi que des subventions de fonctionnement du fonds de revitalisation économique, dont les subventions d'investissement sont par ailleurs supprimées. Les contrats emplois-jeunes ou adultes-relais, on l'a déjà dit, ne figurent plus parmi les priorités, malgré leur rôle fondamental en matière de prévention et de maintien du lien social.
    M. Pierre Cardo. En cinq ans, vous n'avez rien consommé des crédits ouverts !
    M. Patrick Braouezec. Il s'agit là d'un désaccord de fond. Votre expression même de « crise urbaine » pose problème. Nous n'avons pas affaire à une crise urbaine mais à une crise sociale, une crise de l'Etat, qui s'avère défaillant dans ses missions d'égal accès aux services publics, à la formation, à l'éducation et aux soins sur l'ensemble du territoire.
    M. Pierre Cardo. Malgré cinq ans de gouvernement de gauche ?
    M. Patrick Braouezec. Le bâti est emblématique de la crise urbaine. Il n'est pas la source et, par conséquent, pas la solution de tous les maux de la société française, révélés par les quartiers et les habitants en difficulté. Les murs, fussent-ils en béton, ne sont pas seuls en cause.
    Avec l'affichage des programmes de renouvellement urbain comme priorité phare, on renoue, dans ce budget, avec le risque de camoufler la question sociale derrière la question urbaine. Ce danger est récurrent pour la politique de la ville. Qu'on le veuille ou non, cette optique stigmatise les habitants des villes populaires.
    Ce choix est oublieux des populations et des habitants des quartiers populaires. Elle ne s'adresse pas à eux en priorité, mais à ceux qui, devant leur poste de télévision ou ailleurs, ne voient que le problème d'un urbanisme inhumain ou dégradé.
    Si nous discutions de ce budget avec les habitants de Saint-Denis ou de Valenciennes, ils nous diraient que leur priorité n'est pas, ou en tout cas pas uniquement, d'ordre urbanistique ou architectural.
    M. Pierre Cardo. Ça, c'est vrai !
    M. Patrick Braouezec. Nous serions interpellés sur l'accès ou le maintien dans le logement, l'accès à l'emploi, le développement local, la lutte contre les inégalités et les discriminations, la régularisation de notre voisin sans-papiers,...
    M. Pierre Cardo. Ah bon ?
    M. Patrick Braouezec. ... les carences des transports publics, le rôle de la police et de la justice.
    M. Pierre Cardo. Vous prenez vos désirs pour des réalités !
    M. Patrick Braouezec. L'absence de ministère du logement dans le Gouvernement, qui comporte, a contrario, une sorte de secrétariat à la construction de prisons et l'élargissement de vos attributions en matière de logement social renforce le risque de vous voir devenir un ministre du bâti par défaut, et non l'animateur d'une politique interministérielle d'ensemble, de lutte contre les ségrégations urbaines, éducatives et sociales.
    Plus que tous les autres, en effet, les crédits de la ville s'apprécient au regard de l'ensemble du budget de la nation. Comme vous le soulignez, la politique de la ville est par nature interministérielle.
    Votre budget souffre des reculs annoncés dans d'autres domaines. La liste serait longue des mesures gouvernementales qui tournent le dos au renforcement de la cohésion sociale, à l'insertion ou à la lutte contre le chômage : fin annoncée du dispositif des emplois-jeunes et du programme d'insertion TRACE, fin de la loi 1948 sur le logement, baisse du nombre de surveillants dans l'éducation, etc.
    Dans ce contexte, la politique de la ville est condamnée à l'échec. Pis, par des effets d'annonce, elle alimente le préjugé que l'on fait beaucoup pour des zones à l'origine des maux de la société française, alors que la seule et légitime aspiration de leurs habitants est de conquérir l'égalité d'accès à des droits aussi fondamentaux que l'emploi, le logement, l'éducation, les soins ou la formation.
    Votre budget souffre également du message idéologique et politique véhiculé par le Gouvernement. Ce contexte est celui de ce qu'il faut désormais appeler le libéralisme sécuritaire : Etat minimal pour les services publics, la protection sociale et la régulation du marché du travail ; Etat maximal en matière policière et pénitentiaire pour masquer et réprimer les dégâts de son désengagement à l'égard des plus modestes et des plus faibles.
    M. Pierre Cardo. L'un n'empêche pas l'autre !
    M. Patrick Braouezec. Là encore, pas de faux procès. Monsieur le ministre, vous n'êtes pas l'auteur, loin s'en faut, de déclarations stigmatisant les quartiers populaires ou leurs habitants, la jeunesse en général ou les gens du voyage et autres prostituées étrangères. Tel n'est pas votre état d'esprit et tel n'est pas votre rôle dans le Gouvernement. Je serai tenté de dire, monsieur le ministre, que vous êtes dans la peau du bon flic des séries américaines, du good cop, tandis que M. Sarkozy remplit le rôle du bad cop, du pacificateur des zones de non-droit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Même s'il est absent de vos propos, monsieur, le climat de ségrégation est cependant malheureusement présent dans nos débats.
    M. Max Roustan. Allez dire cela dans les quartiers !
    M. Patrick Braouezec. Je le fais chaque jour !
    M. Max Roustan. Venez dans ma circonscription !
    M. Patrick Braouezec. Non, parce que cela ne m'intéresse pas ! Mais je tiens ce discours à Saint-Denis.
    Que penser d'un rapporteur pour avis, maire du Plessis-Robinson, qui qualifie de « Petit livre rouge »...
    M. François Sauvadet. Là, au moins, vous savez de quoi vous parlez !
    M. Patrick Braouezec. ... la loi SRU et de « vision dirigiste » l'obligation de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes ?
    Il est primordial, monsieur le ministre, que vous clarifiiez la volonté du Gouvernement sur ce point. Oui ou non, allez-vous remettre en cause la loi SRU (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et son objectif de faire en sorte que l'ensemble des communes offrent un minimum de logements sociaux ?
    Dans son préambule, le même rapporteur estime que « 250 quartiers sont au bord de l'insurrection ». Il évoque « l'insécurité, première préoccupation des habitants des quartiers dits difficiles ». Et il ajoute : « Ce gouvernement l'a bien compris et la situation s'améliore. Mais que de temps perdu par aveuglement idéologique ! » Je me garderai de qualifier l'aveuglement idéologique des uns ou des autres. Pour ma part, je préfère le pluralisme des idéologies au populisme outrancier, paravent d'un égoïsme municipal - vous venez de me le confirmer - qui oublie la quête de l'intérêt général dont la représentation nationale devrait avoir la charge.
    M. François Sauvadet. Vos propos ne sont pas très démocratiques ! Respectez le pluralisme !
    M. Patrick Braouezec. En conclusion, le groupe communiste votera contre ce projet de budget de stagnation, en rupture après quatre années de forte hausse. Ce budget concentre l'effort sur la rénovation urbaine au détriment de la priorité première que constitue pour nous le sort des habitants en termes d'insertion sociale et professionnelle. Il s'inscrit enfin dans un budget de la nation en recul sur le front de l'emploi, des services publics et de l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme AnnickLepetit.
    Mme Annick Lepetit. Monsieur le ministre, ce budget de la ville est le premier de la législature et les crédits qui nous sont présentés m'inquiètent pour l'avenir. Car il oublie la dimension sociale de la politique de la ville, se concentrant uniquement sur la rénovation urbaine. Agir sur l'habitat, en effet, ne veut pas dire annuler les efforts qui ont été faits en direction des populations concernées. C'est nier l'essence même de la politique de la ville dont l'objectif est d'abord que des femmes et des hommes vivent mieux chez eux, dans leur quartier.
    Votre projet de budget est marqué par une très forte réduction, de 34 millions d'euros, des subventions de fonctionnement du fonds d'intervention pour la ville, pourtant au coeur du dispositif des contrats de ville, qui, comme l'a justement rappelé M. Cardo, connaissait une forte augmentation ces dernières années. Cette mesure touche les dispositifs d'accompagnement social des quartiers en difficulté. Plus des deux tiers des crédits du FIV sont, en effet, destinés aux associations, qui concentrent la majorité des animateurs de ces quartiers.
    Le rapport du député Jean-Claude Sandrier, remis en juin 2001 à la demande de Lionel Jospin, a permis de connaître l'implication des associations dans les dispositifs de la ville. Vous-même, monsieur le ministre, avez lancé une consultation en juin 2002 en envoyant un questionnaire aux associations. Vous connaissez donc l'importance de leur rôle et vous savez quels sont leurs domaines d'intervention.
    La politique de la ville est avant tout un partenariat entre l'Etat, les collectivités locales et les associations. Réduire les crédits du FIV, c'est pénaliser ces partenaires et les missions essentielles qu'ils remplissent. C'est, de fait, remettre en cause des années de travail auprès des habitants.
    Je souhaite ici souligner l'importance des associations qui sont, comme l'ont souligné mes prédécesseurs à cette tribune, des partenaires essentiels. Directement au service de la population, elles perçoivent rapidement les problèmes, remplissent un rôle social indispensable et leur premier secteur d'intervention est l'action en direction des familles, de l'enfance et des jeunes.
    Elles sont aussi un facteur essentiel de participation des habitants. Vous en conviendrez, agir en faveur de la démocratie participative, c'est agir en faveur de l'apprentissage de la citoyenneté. C'est pourquoi l'Etat devrait poursuivre l'effort engagé par le précédent gouvernement en direction de ces acteurs indispensables à la vie de nos communes les plus pauvres et de leurs habitants.
    Ces associations sont souvent, avec l'école, le lien le plus présent entre notre société et les habitants. Délaisser ces associations, c'est délaisser les habitants ! Or ce sont elles qui, avant tout, ont besoin du soutien de l'Etat !
    La période actuelle, marquée par un déficit économique, le confirme : nombre de ces associations sont créatrices d'emplois. Beaucoup ont eu recours aux emplois-jeunes. Avec la disparition de ces derniers, comment vont-elles poursuivre leur mission ? (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Les collectivités locales connaissent cette réalité et vérifient quotidiennement l'utilité du travail associatif sur le terrain. C'est pourquoi elles sont inquiètes. Que pouvez-vous leur répondre, monsieur le ministre, quand elles se demandent qui va pallier les insuffisances de l'Etat ? Elles redoutent - à juste titre - un accroissement de leurs charges, que certaines d'entre elles, d'ailleurs, ne pourront pas assumer.
    Vous justifiez la baisse des crédits du fonds d'intervention par le fait que ceux-ci n'ont pas été consommés les années précédentes. Mais si les crédits annoncés ne sont pas tous consommés, ce qui est exact, mais dans des proportions moindres que celles que vous énoncez, c'est parce que les communes trop pauvres ne peuvent compléter l'apport de l'Etat. Si nous suivons votre raisonnement, à ce rythme, vous allez finir par supprimer purement et simplement les crédits du fonds d'intervention. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Gilbert Meyer. C'est un peu simpliste !
    M. Max Roustan. Ne dites pas n'importe quoi ! C'est la complexité des règlements qui nous empêche de consommer les crédits !
    Mme Annick Lepetit. Les élus locaux sont également inquiets, car la progression du chômage que nous connaissons aujourd'hui va accentuer la détresse sociale. Or les associations remplissent, dans leur grande majorité, des missions de service public qui sont, par nature, des activités relevant de la solidarité nationale.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, expliquer aux élus comment gérer ces quartiers alors que l'Etat se désengage et fuit ses responsabilités ?
    M. Gilbert Meyer. Vous aviez cinq ans pour le faire !
    Mme Annick Lepetit. On ne peut faire de la politique de la ville qu'en s'impliquant. Le Gouvernement - en tout cas, je le crains - fait le contraire.
    M. Jean-Louis Dumont. On le constate !
    Mme Annick Lepetit. Vous voulez faire des économies, monsieur le ministre, pourquoi pas ? Mais pas celles-là ! La politique de la ville ne se réduit pas à la seule rénovation urbaine et la politique dans les quartiers ne doit pas être laissée uniquement à M. Sarkozy (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui n'est pas ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Vous devez, monsieur le ministre, prendre vos responsabilités.
    Pour toutes ces raisons, vous ne serez pas surpris que le groupe socialiste vote contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. C'est le budget qui exprime le mieux une action publique. Mais ce qui compte plus, ce n'est pas tant le volume des crédits que le contenu des projets à soutenir : 371 millions d'euros. Mais pour quoi faire ? Dans quel but ? C'est ce qui doit nous intéresser particulièrement aujourd'hui. L'affectation des moyens, l'allocation des priorités compte plus que le volume apparent. L'on sait bien, d'ailleurs, que le taux de consommation des crédits, n'atteint jamais, et de loin, 100 %.
    Monsieur le ministre, devant la commission des affaires économiques, vous avez mis le doigt sur un sujet très important : si on se penche sur l'histoire de la politique de la ville, qui s'est mise en place à partir de 1973, on s'aperçoit que notre système a eu davantage tendance à financer des procédures que de vrais projets, des projets évalués, quantifiés et dont l'investissement pouvait être accompagné et mesuré à long terme. Le jugement porté par la Cour des comptes et auquel plusieurs orateurs - dont Pierre Cardo - ont fait référence, est, de fait, très critique. Je voudrais rappeler quelques phrases de son rapport, parmi les plus significatives : « La crise des zones urbaines défavorisées a tendance à s'étendre à de nouveaux sites et à s'aggraver. » Premier constat géographique. « Face à cette crise, la politique de la ville a jusqu'à présent été marquée par l'imprécision de ses objectifs comme de sa stratégie et par une volonté d'affichage qui conduit à la mise en oeuvre de nouveaux dispositifs. » Empilement des procédures et des dispositifs. Il en est résulté en effet ce que l'on peut imaginer : « L'utilisation des crédits spécifiques du ministère de la ville et le développement de procédures qui lui sont propres mobilisent l'activité des services au détriment de leur rôle d'animation, d'innovation de coordination. »
    Mes chers collègues, quand on consacre l'essentiel de son énergie à suivre des procédures, le mal est évidemment au coeur du ministère et au coeur de l'action.
    M. Max Roustan. Très bien !
    M. Pierre Albertini. Je développerai deux observationsportant l'une, sur le niveau national, et l'autre sur le niveau local.
    Au niveau national, il me semble que nous devrions consentir des efforts pour que la coordination des politiques de droit commun, l'interministérialité - qui nous pose des problèmes depuis longtemps - soit la plus efficace possible. Elle ne doit pas mobiliser un seul ministère, ni deux, mais tous ceux susceptibles de s'intéresser à l'aspect humain et social des quartiers défavorisés.
    Je prendrai comme illustration le parc social. On nous a dit, à juste titre, qu'il fallait à la fois démolir dans certains cas, réhabiliter le plus souvent et construire, ce qui est un acte positif. Mais dans beaucoup de ces quartiers éloignés et périphériques, il ne s'est rien passé depuis trente ans ! La ville s'est recroquevillée sur elle-même alors que le propre de la ville est de se reconstruire perpétuellement sur son propre territoire et de reconquérir les friches ou les espaces délaissés. Or, les constructions nouvelles ont souvent été gelées ; les habitants en ont parfaitement conscience.
    Pourquoi les centres de nos villes se sont-ils réhabilités aussi puissamment ? Pourquoi la périphérie a-t-elle continué à se dégrader à ce rythme ? Vous connaissez la situation des bailleurs sociaux, et celle très inégale dans laquelle se trouvent les offices publics de HLM ou les OPAC. Comment imaginer que l'un de ces bailleurs sociaux, envisageant de démolir un immeuble, prenne en charge lui-même, lorsqu'il n'est pas amorti, la valeur nette comptable qui est souvent lourde à supporter ?
    Il y a là un vrai problème. La situation ne peut résulter, monsieur le ministre, que de la fongibilité des envelopes et de la souplesse du mécanisme de plafonnement des taux. Il faudra d'ailleurs un jour faire sauter tous ces verrous qui ne tiennent pas compte de la spécificité des actions sociales.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Pierre Albertini. Dans un certain nombre de cas, le plafonnement des aides à 20 % est absurde, je pense notamment aux opérations importantes qui coûtent plus cher, mais dont l'emplacement est déterminant.
    M. Max Roustan. Tout à fait !
    M. Pierre Albertini. Or, nous étions le plus souvent dans des impasses où nous conduisait une logique de saupoudrage qui découle du plafonnement et de l'étroitesse des enveloppes non fongibles. L'enjeu est donc très important.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Albertini.
    M. Pierre Albertini. Je termine, madame la présidente.
    La deuxième observation concerne le pilotage de l'action locale. Des progrès ont été accomplis, mais il faudrait renforcer encore, pour améliorer l'approche humaine et sociale des problèmes, le rôle des maires. C'est la clé de l'implication et de la réussite des quartiers difficiles.
    J'ai lu récemment une étude qui revêtait à mes yeux un intérêt particulier puisqu'elle a été faite par des universitaires, peu susceptibles d'être critiqués pour leur absence de neutralité, et qu'elle porte sur Rouen et Haarlem aux Pays-Bas. La principale différence entre les politiques menées, c'est précisément que le pilotage local est assuré aux Pays-Bas par les autorités élues tandis que ce n'est pas tout à fait le cas en France.
    L'accompagnement social est primordial, qu'il s'agisse des activités autour de l'école, de l'orientation, de la santé, de la prévention, de la sécurité, ou de l'orientation professionnelle et de l'insertion.
    Mme la présidente. Monsieur Albertini, tous vos collègues ont respecté leur temps de parole...
    M. Pierre Albertini. Je vais donc m'arrêter, madame la présidente.
    Concernant cet accompagnement social, c'est évidemment le maire qui est le mieux placé pour fixer les objectifs et évaluer les résultats de l'action. Il faut aller dans ce sens, car l'implication des élus locaux est le meilleur gage de réussite de notre politique de la ville.
    Pardonnez-moi, madame la présidente, d'avoir été un peu long. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Sauvadet. L'UDF est excellente. (Sourires.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Denis.
    M. Denis Jacquat. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec le projet de budget qui nous est présenté, le Gouvernement s'attache à recentrer la politique de la ville sur ses missions prioritaires et à remédier aux errements qui ont été soulignés par la Cour des comptes dans son rapport de février 2002. Il montre, et je m'en félicite, sa volonté ferme et louable d'intensifier la rénovation urbaine de nos quartiers sensibles affectés par une forte dégradation des conditions de vie et d'habitat.
    En effet, les efforts budgétaires substantiels consentis en matière d'opérations de réhabilitation lourdes, de construction-démolition et de construction de logements neufs, en particulier dans les quartiers en grande difficulté, permettront de remédier à un phénomène extrêmement regrettable. De même, l'ambition du Gouvernement de redonner un élan à la revitalisation économique de ces territoires, notamment par la relance du dispositif des zones franches urbaines, doit être saluée. Avant de créer des emplois, il faut commencer par maintenir ceux qui existent ! A cet égard, il apparaît opportun d'accompagner les actions tendant à encourager l'implantation des entreprises, d'initiatives spécifiques ciblées prioritairement sur les jeunes habitant ces quartiers car, aujourd'hui, pour être inséré socialement, il faut d'abord l'être économiquement. Or, la plupart d'entre eux, et quel que soit leur niveau d'études, sont au chômage et ne sont pas inscrits à l'ANPE. D'où la nécessité de créer un environnement adéquat avec un accompagnement particulier, afin de favoriser leur accès à l'emploi, surtout lorsqu'ils n'ont aucune qualification. A ce propos, la durée des contrats CES et TRACE auxquels ils sont éligibles se révèle nettement insuffisante, un minimum de deux ans paraîtrait plus adéquat.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est juste !
    M. Denis Jacquat. La décision du Gouvernement de rétablir le taux de participation de l'Etat aux CES à son niveau antérieur, en le portant de 90 à 95 %, est donc la bienvenue pour résoudre les difficultés particulières d'accès à l'emploi que rencontrent les plus jeunes, ou de retour à l'emploi pour ceux qui le sont moins. A ce propos, monsieur le ministre, les conditions d'accès au financement à 95 % ne sont pas encore parfaitement claires. Pourtant, le sujet est extrêmement important.
    Dans la même optique, il me semble souhaitable d'étendre le dispositif issu de la loi du 29 août 2002 portant création des « contrats jeunes » aux offices publics d'aménagement et de construction, dont un certain nombre se trouve dans une situation financière délicate. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances, dont la commune comprend plus de 73 % de logements sociaux en a fait l'expérience douloureuse chaque jour.
    Par ailleurs, je suis convaincu que le programme « ateliers jeunes », qui consiste à proposer aux jeunes de quinze à vingt et un ans de participer durant les vacances scolaires à des travaux d'intérêt collectif, en contrepartie de bourses réinvesties dans un projet collectif ou individuel, répond bien à leurs préoccupations. Il gagnerait, par conséquent, à être encore davantage développé et soutenu.
    Ce programme connaît un franc succès en Moselle. Le bilan qui y a été dressé pour 2001 révèle une satisfaction générale, notamment de la part des porteurs de projets qui jugent le dispositif adapté car il permet de tisser des liens entre les jeunes et les différents acteurs du quartier concerné. Il faut donc, j'y insiste, l'intensifier.
    En conclusion, la transformation du RMI en RMA, que j'ai personnellement toujours défendue, servira induscutablement les intérêts de la politique menée en faveur des quartiers sensibles. En effet, elle permettra de rendre à cette allocation sa vocation première, c'est-à-dire l'insertion sociale ou professionnelle des bénéficiaires, et de leur adresser un signe fort.
    Monsieur le ministre, nous croyons en vous, vous avez montré l'exemple dans votre ville de Valenciennes. Je suis, avec beaucoup d'entre nous, à vos côtés pour réussir. Ne l'oublions pas : unis, on gagne mais, désunis, on perd ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe.
    M. Rodolphe Thomas. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour la détermination dont vous faites preuve dans l'exercice des prérogatives qui sont les vôtres en tant que ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    Je suis l'élu d'une commune de 25 000 habitants et d'une circonscription qui sont à la fois frappées par les fermetures successives de la SMN et de Moulinex, et composées de quartiers en grande difficulté. Dans ce contexte, on ne peut parler d'égalité républicaine, notamment face à l'emploi, l'éducation, la sécurité et, bien sûr, le logement. Ce que nous vivons, d'autres le connaissent ailleurs.
    Ces quartiers se sont construits rapidement dans les années 60-70 en vue d'accueillir les populations étrangères ou issues de l'exode rural, attirées par les industries des agglomérations. Les villes nouvelles devaient également contribuer à garder sur place notre jeunesse sur laquelle la région parisienne exerçait souvent son attrait.
    Quarante ans après, malgré les procédures mises en place depuis 1977, le constat est indéniable. De nombreux logements, souvent insalubres, ne répondent plus aux besoins de la population vivant dans les quartiers défavorisés ; ils présentent des défauts en termes d'isolation thermique et phonique tels que les résidents ne supportent plus d'entendre du soir au matin les bruits de la vie quotidienne. Les centres commerciaux sont abandonnés par leurs propriétaires, les difficultés sociales se concentrent en un même lieu, le tout provoque l'exode des classes moyennes, tandis que les habitants éprouvent de graves difficultés d'intégration ; le taux de délinquance y est supérieur à la moyenne nationale. Aujourd'hui, ces quartiers doivent faire face non seulement à un déficit d'image mais surtout à un décrochage de plus en plus prononcé par rapport aux centres villes.
    En France, les gouvernements successifs se sont impliqués dans la politique de la ville avec plus ou moins de succès. Elle vise à aider les villes et les agglomérations à soutenir leurs quartiers restés à l'écart de la croissance. Le contrat de ville doit permettre de lutter contre toutes les formes de discrimination : pour l'accès aux droits fondamentaux que sont la sécurité, la santé, l'éducation, la justice et la culture ; pour l'accès à l'emploi ; et enfin pour l'amélioration du cadre de vie des habitants. Chacun de ces volets est indispensable pour créer les conditions d'une meilleure intégration des quartiers et offrir ainsi à leur population une chance de trouver sa place dans notre société.
    Les objectifs fixés par les opérations de renouvellement urbain sont bel et bien vitaux. Ils nécessitent des moyens financiers lourds et en forte synergie. L'intervention de l'Etat, mais également des conseils régionaux et généraux, qui auraient dû être associés dès l'origine, au processus doit être beaucoup plus volontariste. En la matière, toute timidité de notre part entraînerait encore dans ces quartiers une dégradation des conditions sociales et de sécurité, Notre destin est lié à celui des millions de Français qui y vivent. Construire l'avenir sans eux revient à nier le nôtre.
    Il faut prendre le sujet à bras-le-corps pour que la politique de la ville ne soit plus une utopie ou une machine d'Etat, mais soit effective et efficace. Dans ce but, il faut se rapprocher du terrain, parce que les quartiers attendent des réalisations concrètes.
    A cet égard, monsieur le ministre, je salue votre proposition de guichet unique qui vise à simplifier et à accélérer les procédures.
    Actuellement, en effet, c'est après maintes tergiversations administratives que l'Etat signe avec les partenaires une convention-cadre portant sur la définition des objectifs des grands projets de ville. Ensuite, les mêmes partenaires s'accordent sur une autre convention, déclinaison de la première à l'échelle communale : le programme d'action territorialisé. Troisième étape, tout le monde se retrouve pour élaborer et signer une convention intercommunale de gestion urbaine de proximité, qui sera ensuite adaptée et signée à l'échelle de la commune. Aujourd'hui, on parle d'une autre convention, le programme de renouvellement urbain, dressé quartier par quartier. Et ainsi de suite... Dans l'intervalle, malgré tous ces efforts, l'image des quartiers est détériorée encore un peu plus. Et après le tome six de ces conventions, l'Etat annonce enfin qu'il ne financera qu'une sélection de projets et non l'ensemble des programmes qu'il avait acceptés initialement. Il apparaît pourtant nécessaire - ô combien ! - d'être réactif devant les difficultés rencontrées dans les zones concernées.
    Le guichet unique et la simplification des procédures pour l'octroi des fonds européens sont de très bonnes initiatives. Mais je propose d'aller au bout de la démarche en prévoyant la décentralisation de certains fonds. A l'échec des fonds de revitalisation économique nous pourrions répondre par l'expérimentation d'une gestion communale des crédits. Face à la lourdeur administrative des procédures on pourrait doter les collectivités maîtres d'ouvrage, à charge pour elles de rendre compte de l'affectation des fonds qu'elles auront décidée au regard des objectifs retenus par l'Etat.
    Mesdames, messieurs les députés, il est de notre devoir envers ces quartiers d'être innovateurs et efficaces. Les élus sont des forces vives de la nation. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à leur faire confiance en favorisant cette décentralisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Cornut-Gentille.
    M. François Cornut-Gentille. Monsieur le ministre, mes chers collègues, sans ignorer tout ce qui a pu être réalisé par le passé, chacun sent bien aujourd'hui la nécessité d'engager une nouvelle étape dans la politique de la ville que le Président de la République a appelée de ses voeux, notamment lors de son récent déplacement à Troyes. Elle est essentielle pour maintenir la cohésion de la nation et votre budget, monsieur le ministre, en jette les bases.
    Mais c'est bien dans la durée que la politique de la ville s'inscrit. Vous avez donc raison de résister à la facilité des effets d'annonce et de mode. La rénovation de nos quartiers et de nos villes ne se fera pas en un jour, mais sur le moyen terme. Coûteuse en moyens humains et financiers, elle exige de la part des acteurs, tant locaux que nationaux, une approche non pas doctrinaire mais pragmatique que la diversité du paysage urbain français impose, vous avez pu vous en rendre compte en allant souvent sur place. Les réponses que la politique doit apporter ne peuvent être les mêmes selon qu'on intervient en région parisienne, dans une agglomération industrielle, ou dans un territoire à dominante rurale. Elles varient également selon le poids du quartier dans l'agglomération concernée. Pour l'avoir trop souvent oublié par le passé, la traduction des priorités politiques et budgétaires a été mauvaise. Or, le gaspillage et la dispersion, en nuisant à la lisibilité et à la légitimité de l'intervention publique, ne font qu'entretenir le désespoir des quartiers. Sans doute dans votre expérience personnelle, en tant que maire, des dispositifs administratifs et budgétaires destinés à la politique de la ville vous a-t-elle inspiré dans votre approche ministérielle pragmatique. Dans cet esprit, et afin de répondre aux attentes des acteurs locaux, il est essentiel de continuer à réorienter certains dépenses autour de priorités claires, et de simplifier les structures et les procédures liées aux crédits de l'Etat.
    En faisant de la restructuration urbaine un axe fort de votre budget 2003, vous mettez l'accent sur le coeur de la politique de la ville : le cadre de vie des habitants. Vous avez su mobiliser des moyens budgétaires considérables pour la requalification des quartiers défavorisés qui, sur le terrain, doit se traduire par un effort à la fois quantitatif, mais surtout qualitatif au profit de l'habitat, afin d'améliorer la mixité sociale. A ce jour, vous le savez, cet élan en faveur du renouvellement urbain est encore freiné par des rigidités administratives et budgétaires. C'est pourquoi les élus locaux attendent beaucoup de la mise en place du guichet unique et de la simplification administrative que vous comptez engager. La réforme de l'Etat passe également par la politique de la ville, dont la dimension interministérielle ne va pas sans poser des difficultés structurelles. OEuvre de longue haleine, certes, mais oeuvre indispensable !
    Je souhaiterais enfin évoquer rapidement le nécessaire développement économique des quartiers défavorisés. Dans votre projet de budget, je l'ai bien noté, monsieur le ministre, figurent 31 millions d'euros destinés à la revitalisation économique.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est moins qu'avant.
    M. François Cornut-Gentille. Mais, dans certaines communes, cette action serait vaine sans une prolongation des exonérations fiscales des zones franches urbaines. La sortie progressive du dispositif dissuade aujourd'hui de nouvelles entreprises de s'implanter. Je regrette que certains analystes très critiques à l'égard des zones franches, n'aient toujours pas compris que le développement économique de ces quartiers nécessite beaucoup plus de temps qu'ailleurs. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !
    M. François Cornut-Gentille. Avoir sur le territoire de sa commune une zone franche, ce n'est pas un avantage, c'est avant tout la reconnaissance d'un handicap de départ ! Mais une fois la dynamique économique enclenchée, évitons de la casser par un retour brutal à la normalité fiscale. Oui, monsieur le ministre, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à souhaiter le maintien des zones franches, qui ont démontré leur efficacité.
    En conclusion, ce budget constitue effectivement la première pierre d'une politique ambitieuse en matière de rénovation...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas sûr !
    M. François Cornut-Gentille. ... mais elle gagnerait à voir la discussion budgétaire prolongée par une véritable loi de programmation sur la politique de la ville, qui donnera à tous les acteurs un cadre lisible pour mener une action faite non plus de saupoudrages, mais enfin efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, c'est sûr.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Josée Roig.
    Mme Marie-Josée Roig. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer la dynamique instaurée par le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine au sein de son ministère depuis le mois de juin dernier. Cet élan était bien nécessaire au vu des critiques formulées, notamment par la Cour des comptes, sur les résultats décevants de la politique menée par le précédent gouvernement...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle commence fort !
    Mme Marie-Josée Roig. ... et qui a coûté 6,2 milliards d'euros au budget de l'Etat en 2002.
    M. Yves Jego. Tout à fait ! Et pour quel résultat !
    Mme Marie-Josée Roig. En effet, il faut rappeler que les crédits affectés au budget de la ville depuis cinq ans ont fait l'objet d'une sous-consommation chronique, transformant ainsi les promesses affichées par le gouvernement de Lionel Jospin en de simples intentions déclaratoires.
    M. Jean-Pierre Blazy. La faute à qui ? Forcément à nous !
    Mme Marie-Josée Roig. C'est pourquoi je tiens à exprimer ma satisfaction devant un budget sincère, recentré sur les missions prioritaires de la politique de la ville et qui entend introduire des progrès qualitatifs dans sa mise en oeuvre. J'en veux pour preuve notamment l'allégement de la procédure d'octroi de subventions aux associations, qui améliorera l'efficacité des crédits.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il y a aussi l'allégement des crédits.
    Mme Marie-Josée Roig. Par ailleurs, les orientations du budget « ville et rénovation urbaine » sont parfaitement conformes à la volonté du Président de la République, rappelée le 14 octobre dernier dans son discours à Troyes - d'une mobilisation plus forte en faveur de la politique de la ville.
    Enfin, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre sur la situation particulière des centres sociaux installés à Avignon car je les connais. Depuis leur création, ils ont eu pour objectif prioritaire de faire participer les habitants à l'amélioration de leurs conditions de vie, au développement de l'éducation et de l'expression culturelle et au renforcement des solidarités. Ces missions, ils les ont correctement remplies, en leur temps.
    Néanmoins, ces structures, ancrées au sein des quartiers, ne semblent plus correspondre aux besoins actuels des habitants. Aujourd'hui, le visage des quartiers a changé du fait des évolutions démographiques et des modifications de l'urbanisme. Les attentes des citoyens en matière d'action sociale en ont été largement bouleversées.
    Concrètement, Avignon hérite de structures lourdes financièrement dont les budgets de fonctionnement ne laissent pas assez de place au financement des actions en faveur des habitants. De plus, la logique du travail en réseau et de l'ouverture sur l'extérieur n'apparaît pas assez présente au sein des centres sociaux.
    C'est pourquoi la municipalité d'Avignon, qui croit en la mission de service public des centres sociaux, a décidé de faire bénéficier les habitants de ces quartiers d'une offre plus cohérente. Cette offre doit passer par la définition, en partenariat avec les services de l'Etat, d'une véritable commande publique orientant, par des cahiers des charges précis, les projets d'actions à mener.
    Cette démarche a pour ambitoin d'apporter une réponse plus appropriée aux attentes de la population et ainsi, à plus long terme, de modifier la qualité de vie dans les quartiers.
    J'ajoute, enfin, que cette évolution dans la définition et la conduite des actions des centres sociaux ne doit pas se faire sans l'appui ni sans l'aide des animateurs qui, par leur professionnalisme, permettront de mener à bien cette entreprise.
    C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen des crédits du budget de la ville et de la rénovation urbaine, il me semble important, monsieur le ministre, que vous puissiez indiquer à la représentation nationale les orientations de votre politique dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des grands défis auxquels notre pays est confronté, comme beaucoup de nations occidentales dites développées, est sans conteste celui de la cohésion sociale. Les manifestations de la crise profonde qui secoue l'édifice social et menace les fondements mêmes de notre pacte républicain sont connues, qu'il s'agisse des replis identitaires de toutes sortes, des exclusions de tous ordres, économique, social, culturel, de la précarité endémique, de l'illettrisme, ou de l'insécurité devenue ambiante.
    Tous ces phénomènes, souvent cumulés, sont des signes préoccupants d'une société qui se fissure. Ils appellent de la part des pouvoirs publics des réponses à la hauteur de la gravité de la situation, c'est-à-dire un ensemble de mesures volontaristes et audacieuses qui résistent à deux travers aussi néfastes l'un que l'autre, à savoir l'aveuglement idéologique et la techno-bureaucratie.
    Beaucoup de nos villes, chacun le sait, concentrent sur un même espace tous les handicaps et conjuguent toutes les dérives précitées. C'est pourquoi la politique de la ville est au coeur de la stratégie de ce qu'il faut bien appeler une oeuvre de reconquête républicaine.
    Il se trouve, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, cet après-midi même, je présenterai dans le cadre de l'examen par notre assemblée du budget du ministère de l'intérieur, un rapport au nom de la commission des lois sur le budget de la police nationale. C'est dire combien les préoccupations de sécurité seront au centre de mon propos.
    Je me réjouirai publiquement des moyens nouveaux, d'une ampleur sans précédent, mobilisés pour la police nationale et la gendarmerie, sans oublier la justice. Je m'indignerai du faux procès instruit par une gauche décalée à l'encontre du projet de loi sur la sécurité intérieure adopté ce matin en conseil des ministres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Lâchez-nous les baskets !
    M. Gérard Léonard. Je dirai non seulement que le dispositif projeté ne peut en aucun cas s'analyser en une prétendue « guerre contre les pauvres », mais au contraire qu'il vise à instaurer la sécurité pour tous. Je pense en particulier aux plus fragiles, aux plus démunis, qui sont les plus exposés et se sentent de plus en plus abandonnés au point, pour beaucoup d'entre eux, d'être tentés de se réfugier dans un vote extrémiste, comme on a pu le voir lors la récente élection présidentielle.
    Tout en félicitant le ministre de l'intérieur de son action, j'aurai en même temps fortement à l'esprit, que cette politique de sécurité ne pourra durablement porter des fruits que si l'on s'attaque résolument aux racines du mal (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) telles que l'éducation défaillante, l'urbanisme concentrationnaire et délabré, les marginalisations de populations de plus en plus nombreuses.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, votre budget, et ce qu'il exprime au-delà des chiffres est, à mes yeux, d'une importance majeure au regard du devoir républicain d'assurer la sécurité de toutes celles et de tous ceux qui vivent sur notre territoire, quels que soient leur condition sociale et leur lieu de résidence.
    Vos réponses nous conviennent parce qu'elles tirent les enseignements des échecs passés et tracent de nouvelles orientations encourageantes. Force est en effet de reconnaître que la politique menée sous la précédente législature a largement échoué.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas vrai !
    M. Gérard Léonard. La situation des 6 millions de personnes vivant dans les quartiers difficiles n'a cessé de se dégrader. L'insécurité a continué de progresser. Le taux de chômage a augmenté de plus du tiers. Les conditions de l'habitat se sont détériorées. Le taux d'absentéisme scolaire est effrayant, puisqu'il affecte plus de la moitié des enfants.
    Certes, la bonne volonté du gouvernement et du ministre de la ville précédents n'est pas en cause. Les efforts budgétaires, il faut le reconnaître, ont été importants. Malheureusement les résultats ont été plus que médiocres. La Cour des comptes a bien mis en évidence les dysfonctionnements d'un système coûteux et peu efficace, le manque de coordination, la complexité des financements et l'absence d'évaluation n'étant pas les moindres de ces défauts.
    Les priorités fixées dans votre budget et les moyens engagés sont à même de contribuer au traitement efficace et durable du grave problème qui nous est posé. Qu'il s'agisse de l'amélioration du cadre de vie et de l'accélération du renouvellement urbain, du soutien des acteurs locaux publics et privés, du renforcement des actions de solidarité, tous ces domaines justifient un effort renouvelé de la puissance publique.
    Si l'objectif de construire 25 000 logements par an peut paraître ambitieux, il est vital qu'il soit atteint.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Combien avez-vous dit ?
    M. Jean-Pierre Blazy. On a jamais le même chiffre !
    M. Gérard Léonard. A propros du logement, monsieur le ministre, permettez-moi de formuler deux réflexions en forme de souhait.
    La première concerne la sécurité.
    La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 édictait, dans son article 11, l'obligation de procéder à des études de sécurité préalables à la réalisation de projets d'aménagement, d'équipements collectifs et de programmes de construction.
    Or le décret d'application n'a jamais été adopté. La loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure du 29 août 2002 comporte l'engagement de combler cette lacune. Il est important et urgent que cette obligation soit décidée afin d'éviter que les graves et coûteuses erreurs du passé ne se reproduisent.
    Ma deuxième réflexion concerne la mixité sociale.
    Mme la présidente. Monsieur Léonard, vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Gérard Léonard. Je conclus, madame la présidente.
    Je partage votre opinion, monsieur le ministre, sur le caractère dogmatique de l'approche de la précédente majorité.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous avez dit cela, monsieur le ministre ?
    M. Gérard Léonard. Pour autant cette mixité doit rester un impératif majeur pour la politique de la ville. Encore ne faudrait-il pas laisser perdurer un système d'aide au logement avec un mécanisme de seuils si restrictif et si rigide qu'il va à l'encontre de la mixité.
    Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux insister sur le fait que les priorités ainsi redéfinies avec les moyens appropriés ne suffiront pas à assurer le succès de cette politique si les méthodes d'intervention ne sont pas profondément modifiées dans le sens d'une réelle déconcentration et d'une beaucoup plus grande souplesse. Je pense même qu'en la matière et dans des domaines bien ciblés, des expériences de décentralisation pourraient être tentées.
    Mme la présidente. Monsieur Léonard, par égard pour vos collègues qui ont respecté leur temps de parole, veuillez conclure.
    M. Gérard Léonard. J'ai d'ailleurs cru comprendre, monsieur le ministre, que cette idée vous avait traversé l'esprit.
    Au conseil régional de Lorraine, nous avons engagé une action dans cet esprit, en créant un fonds régional de cohésion sociale. Il s'agit, de l'avis de tous les observateurs et surtout des utilisateurs, d'un véritable succès. Pourquoi ne pas s'en inspirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, en ce qui concerne la politique de la ville et la rénovation urbaine, nous devons à la fois dresser un constat d'échec collectif de la République et comprendre qu'une partie de l'avenir de notre pacte républicain se joue probablement dans ce secteur, sans pour autant jeter l'anathème sur telle ou telle procédure du passé.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. En sillonnant la France au cours des derniers mois j'ai eu globalement le sentiment que, à part dans quelques sites particuliers, la situation continue de se dégrader sans que l'on ait apparemment trouvé les moyens et les procédures permettant d'y remédier.
    Avant-hier, dans le quartier Terraillon, à Bron. J'ai constaté qu'il n'y avait plus qu'une porte permettant de se rendre à l'école, parce que toutes les autres voies sont bloquées et j'ai vu qu'un tiers des enfants de sept ans ne parlait pas français. Cela montre que nous avons, dans notre pays, des véritables cités internationales et des sites dans lesquels le cumul des handicaps devient insupportable pour la République française.
    M. Braouezec a posé une question de fond à laquelle, pour une fois, je ne suis pas sûr d'apporter exactement la même réponse. Je suis en effet convaincu que la détérioration de l'habitat, c'est-à-dire du nid, constitue un appel d'air pour l'accumulation des handicaps des différentes populations.
    M. Yves Jego. Tout à fait !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Or les principaux problèmes naissent de l'accumulation des handicaps, car il est difficile d'avoir à la fois la pauvreté individuelle, la pauvreté collective des villes pauvres, madame Lepetit, et des difficultés d'intégration liées à des phénomènes de langue, d'origine ou de culture. C'est donc bien contre cette espèce de spirale auto-alimentée qu'il nous faut globalement lutter.
    Depuis une dizaine d'années, les uns et les autres ont multiplié les efforts et ont dépensé bien de l'énergie, mais tous ceux qui travaillent sur le terrain sont habités de sentiments contradictoires. D'abord, ils font preuve de passion et savent se mobiliser au mieux. A cet égard, il faut rendre hommage à nos élus et à tous ceux qui bataillent, généralement sans moyens, dans les villes et dans les quartiers en difficulté, mais ils sont aussi à la limite de la désespérance car ils sentent bien qu'ils n'ont pas les moyens objectifs de redresser la situation.
    Neuf fois sur dix, dans les villes de taille moyenne comme Chanteloup-les-Vignes, Clichy-sous-Bois ou Montfermeil, le problème dépasse le cadre de la cité. Les élus chargés de la politique de la ville, du logement, de la jeunesse sont de véritables héros de la République, tout comme les chargés de mission pour la ville, les sous-préfets à la ville et tous ceux qui s'occupent de ce secteur.
    Il faut vraiment mettre le paquet sur l'habitat social, le logement et la rénovation urbaine.
    Mme Marie-Josée Roig. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Alors que le chômage a baissé d'un tiers en cinq ans en moyenne, il a augmenté d'un tiers dans ces quartiers. Cela prouve bien qu'ils constituent des sortes de pôles d'attraction de la pauvreté.
    M. Yves Jego. Evidemment !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. En fait, l'accroissement de ce taux est dû davantage à l'arrivée des chômeurs qu'à des licenciements frappant ceux qui vivent déjà dans ces quartiers.
    Il est donc indispensable de casser cette spirale et de s'attaquer à cette territorialisation de la pauvreté.
    M. Yves Jego. Tout à fait !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Le fait que, dans certains bassins d'emploi, on passe de 41 % de chômage pour une ville à moins de 8 % ailleurs montre bien que l'on est dans une logique de territorialisation et de ségrégation territoriale. C'est contre cela qu'il faut lutter.
    Je dirai maintenant deux mots sur le budget, puis deux mots sur la méthode.
    Sur les chiffres du budget, nous n'allons pas nous battre pendant des heures. Il augmente de 0,6 % et ses deux grandes caractéristiques sont simples.
    D'abord, il y aura un peu moins de dotations pour le fonds de revitalisation économique dans sa partie investissement, car l'Etat a mal géré ces crédits et, en contrepartie, un maintien à 20 millions d'euros en fonctionnement. Au lieu de continuer à effectuer des reports - 65 millions d'euros pendant deux ans - parce que l'on n'arrive pas à consommer les crédits, sauf dans deux départements, je préfère, comme vous le demandez, affecter les sommes correspondantes aux collectivités qui souffrent dans ce domaine et qui sauront les utiliser directement. Bref, nous ferons confiance aux collectivités locales : moins 17 millions d'un côté et plus 20 millions de l'autre, voilà la principale innovation (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).
    Par ailleurs, nous allons rouvrir une procédure en son temps combattue, et qui ne l'est plus maintenant, celle des zones franches urbaines, dont le bilan est aujourd'hui bien connu : dans la moitié des cas elles ont été des succès absolus avec des créations d'activité dans les quartiers concernés qui ont ainsi été dynamisés.
    M. Yves Jego. C'est vrai.
    M. le ministre délégué la ville et à la rénovation urbaine. Pour le reste, les résultats ont été plus mitigés avec des zones qui ont connu du retard à l'allumage et qui ne sont donc pas pleines, et certaines près d'un quart, qui ont été de véritables échecs.
    Le premier accueil de Bruxelles est assez favorable à la demande du Gouvernement, malgré tout ce que l'on nous a dit sur l'hostilité de la Commission. Nous négocions en effet la réouverture des zones qui ne sont pas pleines et la possibilité de créer au moins trente nouvelles zones de développement économique.
    Par ailleurs, le Gouvernement réfléchit à l'instauration de zones franches foncières et immobilières pour y attirer du patrimoine immobilier privé.
    En ce qui concerne le fonds d'intervention pour la ville, la vraie question est celle du paiement. A ce propos, madame Lepetit, vous avez fait allusion à une enquête que nous avons menée directement auprès des associations. Elle nous a permis de savoir que 66 % de ces crédits ne sont alloués aux associations qu'en novembre et en décembre de l'année de l'exercice où elles ont opéré.
    M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est absurde !
    M. Yves Jego. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes d'accord, ce sont les faits !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas une raison pour réduire les crédits !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mon prédécesseur avait déconcentré assez tôt les crédits dans l'année, mais ils transitaient par la préfecture de région, qui en envoyait un quart dans les départements. La solution retenue répond à la question de Rodolphe Thomas : oui, nous allons faire confiance aux élus.
    M. François Cornut-Gentille. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Dès la fin de l'année seront négociées les enveloppes générales entre les sous-préfets à la ville et les communes concernées, puis nous tranférerons directement les crédits aux villes en début d'année afin qu'elles les gèrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Jégo. Enfin du pragmatisme !
    M. Jean-Pierre Blazy. Il faudrait surtout ne pas réduire les crédits !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. En revanche, le sous-préfet à la ville, qui n'aura plus à gérer les RIB et les virements dans des mandatements complexes, va, avec les quatre collaborateurs affectés à temps plein à la manipulation des virements, redevenir un stratège, interlocuteur des villes, pour s'attaquer aux véritables enjeux urbains et nous aider davantage dans les opérations de renouvellement urbain et dans les GPV.
    Mme Marie-Josée Roig. Très bien !
    M. Yves Jégo. Quel changement !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. En ce qui concerne la méthode, les 117 réunions que j'ai tenues m'ont laissé entrevoir que tout le monde a le sentiment qu'il manque toujours 100 francs au bon endroit pour la bonne action.
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes passés à l'euro !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Dans ce domaine le fait que les 100 francs au départ à Paris devront être divisés en douze procédures et en cent départements ne laisse statistiquement aucune chance de voir arriver la bonne somme, pour la bonne procédure, dans le bon département, au budget de la bonne opération.
    Il faut que les communes puissent engager de véritables programmes de rénovation, afin d'améliorer le paysage urbain, comme dans le quartier Bellevue à Marseille qui est une honte pour la République, selon le terme employé par son maire lui-même samedi matin, quand a été donné le premier coup de pelleteuse sur un chantier de rénovation. Chez notre ami Hubert Falco à Toulon, ce ne sont pas des voitures brûlées qui trônent au milieu des quartiers, mais un silo de parking entier, cramé depuis dix ans, qui monopolise le regard des enfants du quartier. Par voie de conséquence, les entrées des immeubles, les escaliers et les salles de bains sont dans le même état. Je peux encore citer, à La Seyne, l'office d'HLM qui perd 20 millions, alors que la ville est elle-même endettée pour 15 millions, un quartier dont les tours sont mitées pour un tiers, c'est-à-dire vides et squattées dans les mêmes proportions.
    Telle est la situation née de l'échec global de notre politique de soutien à la pierre, au logement, dans notre pays.
    Mme Marie-Josée Roig. Absolument !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Les offices pauvres sont dans les quartiers pauvres qui sont dans les villes pauvres.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !
    Mme Marie-Josée Roig. Très juste !
    M. Jean-Pierre Blazy. Alors pourquoi vouloir remettre en cause la loi SRU ?
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Nous voulons donc opérer un changement de méthode.
    La République s'est déjà mise en marche.
    Les partenaires sociaux, qui interviennent au titre du 1 %, ont admis qu'ils ne devaient pas gérer que pour leurs réservataires. Ils ont pris conscience que, en tant qu'acteurs de la politique de la République, ils étaient un maillon essentiel et, à ce titre, interviennent dorénavant sur ces sujets.
    Le monde HLM a accepté de considérer qu'il y avait, d'un côté, les riches, avec leur patrimoine, qui disposaient de plus en plus de fonds propres, et, de l'autre, ceux qui n'avaient plus dix francs en poche et pour qui il était nécessaire de mettre en oeuvre de manière volontaire une solidarité, une fongibilité des fonds propres des organismes de HLM.
    M. Yves Jego. Enfin !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Sans cela, nous n'aurions pas pu continuer à garder le modèle français : le 1% pour les réservataires, d'un côté, les riches et les pauvres, de l'autre, exonérés d'impôt grâce à l'aide à la pierre et à l'aide au logement. J'ai fait appel à la solidarité du monde HLM et celui-ci y a bien volontiers répondu.
    C'est dans cette perspective, mesdames, messieurs les députés, que va être monté, dans une parfaite transparence, un guichet unique de toutes les procédures d'Etat : des fonds du 1 % comme des efforts de nos amis HLM. Cela simplifiera la vie des directeurs d'office, des maires dans la réalisation de leurs projets, des régions et des agglomérations qui souhaitaient intervenir mais ne savaient pas, dans le fatras épouvantable des différentes procédures, exactement comment faire.
    Le projet de guichet unique sera présenté en conseil des ministres le 30 octobre et vous pourrez bientôt savoir à tout moment sur Internet quel est l'état exact de nos capacités. Nous visons globalement sur la période quelque 800 millions d'euros par an, en plus des contributions de tous les partenaires. Nous rentrerons dans le détail de ces procédures ultérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Jego. Voilà de la mobilisation de crédits !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Le bilan a été dressé et il est reconnu par tout le monde. On recense, qu'on le veuille ou non, près de 200 000 logements insalubres, absolument indignes, dans notre pays et c'est terrible car cela concourt à la déstructuration des femmes et des enfants qui y vivent. De plus, se pose un problème d'adaptation de ces logements. Nos cités sont devenues parfois internationales et les modes de vie des populations qui y vivent ne correspondent pas exactement à ceux auxquels étaient destinés les habitats de l'époque. Les 200 000 logements insalubres recensés nécessitent une réhabilitation lourde et une résidentialisation.
    Le sort de ce parc HLM est connu mais tout le reste doit également être remis à niveau. Il n'est pas acceptable que l'entretien dans les quartiers soit la variable d'ajustement des comptes d'exploitation du monde HLM.
    M. Yves Jego. Exact.
    Mme Marie-Josée Roig. Nous sommes d'accord !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mais, pour cela, il fallait que l'Etat consente un effort particulier. Un coup de reins va être donné mais je souhaite qu'on revienne au droit commun pour la qualité des services administrés dans tous les quartiers de notre pays. Si certains offices ou certaines SA n'ont pas, par leur taille ou l'insuffisance de leur patrimoine, les capacités de le faire, eh bien procédons à l'amiable, fusionnons, mettons les fonds propres au bon endroit, acceptons de restructurer le monde du logement social français ! Notre modèle était épuisé. Nous allons en changer. (Applaudissement sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Cornut-Gentille. Très bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous vous soutiendrons !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Prenons le cas d'Evry, et ce n'est pas M. Valls qui me contredira : 47 organismes oeuvrent sur le terrain de la rénovation urbaine. Ce n'est pas acceptable et l'on ne peut le tolérer plus longtemps. Il appartient à la collectivité nationale d'aider aux retructurations mais pas de le faire de manière coercitive.
    Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué le poids fondamental de la DSU et le caractère interministériel de la DIV.
    Le ministère délégué est confronté à des problèmes de deux natures.
    Certains sont en coproduction, en cogestion avec d'autres ministères. Pour ceux là nous n'avons pas le leadership mais nous devons attirer l'attention de nos collègues. Ce sont les problèmes de santé, de culture et d'éducation.
    On ne peut accepter qu'en matière éducative les moyens soient répartis de manière si peu discriminante entre la partie du territoire qui va globalement bien et nos cités en difficulté. Nos amis britanniques consacrent sur le plan éducatif 40 % de moyens en plus dans les quartiers défavorisés. Je ne demande pas à l'éducation nationale de tout traiter, mais nous comptons ensemble proposer avec les départements un cordon de soutien global autour de nos écoles. Celles-ci constituent en effet le plus grand maillage républicain pour soutenir les populations fragilisées, et ce dès l'entrée en maternelle.
    M. Pierre Cardo. Il faudra aussi soutenir les enseignants !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Oui, monsieur le rapporteur spécial, il faudra faire une modification de la DSU. Celle-ci n'est plus aujourd'hui discriminante, si bien que le ministère de la ville sert en fait de rustine aux finances locales des quartiers les plus en difficulté.
    Mme Marie-Josée Roig et M. Yves Jego. Tout à fait !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ce n'est plus acceptable. Cela fera l'obje prochainement d'un débat avec la commission des finances.
    M. Pierre Cardo. Ça va être chaud !
    Le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Oui, monsieur Braouezec, le beau est nécessaire aux quartiers en difficulté. Il est indispensable que les contructions y soient plus belles qu'ailleurs. Ce n'est que comme cela qu'on fera rentrer le parc HLM dans la fluidité générale du marché de l'habitat et du logement. Le beau est un facteur d'intégration.
    M. Yves Jego. Tout à fait !
    Mme Marie-Josée Roig. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. M. Perruchot et M. Thomas ont demandé s'il serait fait confiance aux élus. J'ai déjà répondu à leur préoccupation en évoquant la modification de l'attribution des aides, la promotion de la mixité sociale, la volonté de ne pas reconstruire de ghettos et, évidemment, le grand guichet unique que nous proposons. L'idée, qu'a évoquée M. Albertini, et que je crois assez révolutionnaire, est de financer non plus des procédures - un PALULOS, un PLUS-CD - mais des projets.
    Notre système actuel est absurde. Quels que soient la taille de l'organisme, la ville, le projet, la difficulté du quartier et le prix du terrain, on finançait au même taux, partout et pour tout le monde.
    M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. A partir de maintenant, nous ne financerons plus que des projets évalués selon le caractère appréciatif qui fait l'honneur de la vie publique. Les procédures aveugles dites égalitaires s'accompagnent en fait de l'abandon de toute appréciation et de toute responsabilité de la part des politiques.
    M. Nicolas Perruchot. Absolument !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Maintenant, ce sera ville par ville, organisme par organisme, projet par projet que sera accordée l'aide à la pierre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Jego. Ça c'est du pragmatisme ! Cela nous change de l'idéologie du gouvernement précédent.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur Cardo, j'ai eu l'occasion de vous rassurer, il y a quelques jours, concernant le FIV. A ce sujet, M. Le Bouillonnec devrait savoir que le gel du mois de juin était républicain.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas uniquement, malheureusement !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il fait partie de nos traditions et il a été intégralement levé pour la politique de la ville dans toutes les communes de France.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est inexact, monsieur le ministre. Je vous apporterai des éléments qui prouvent le contraire.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. J'aurais préféré que vous me les apportiez avant la séance, monsieur Le Bouillonnec. Cela aurait été plus démocratique et nous aurait permis un débat contradictoire.
    Il n'y a pas de gel sur la politique de la ville et il n'y en aura pas. S'il existe encore des encombrements procéduraux, alors que nous voulons y mettre fin pour l'année prochaine, je le regrette. En tout cas, si vous êtes au courant d'une difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous appeler. Nous irons chercher où est la poussière dans le tuyau qui a empêché les crédits partis de chez nous d'arriver chez vous.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si vous appelez déconcentration le fait de vous appeler au téléphone, on n'avance pas beaucoup !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Madame Roig, le transfert direct de crédits aux collectivités répondra à la préoccupation que vous avez exprimée concernant les centres sociaux. Quant à M. Cornut-Gentille, qu'il se rassure. Saint-Dizier se trouve dans une zone franche qui n'a pas fait le plein de ses opérations. Le redémarrage de celles-ci pourra être programmé dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation.
    Je tiens à préciser encore que cette loi comportera trois éléments.
    Le premier est une programmation financière car, au-delà du guichet unique, qui fongibilise les crédits, il nous faut aussi, pour agir, de la durée, du calme et de la sérénité.
    M. Yves Jego. Exact !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. C'est pour cela que l'Etat signera le mois prochain une convention avec les partenaires et que seront inscrits dans le marbre les engagements de l'Etat. En effet, il n'est pas supportable qu'en fonction des besoins de l'Etat en fin d'année ou de la loi de finances suivante, on continue, comme par le passé, à récupérer 500, 600 ou même 700 millions d'euros sur le budget de l'habitat destiné au logement de nos familles et de nos enfants, pour les reverser au budget général de l'Etat.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il faut le dire à Bercy !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur Le Bouillonnec, vous venez de perdre une belle occasion de vous taire.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas moi !
    M. Manuel Valls. C'était une accusation diffamatoire de M. Perruchot ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Je vous prie de m'excuser, monsieur Le Bouillonnec.
    Je crois que nous serons tous d'accord pour reconnaître qu'il faut sanctuariser ces crédits. Il faut, de surcroît, les augmenter, afin que nos partenaires sachent quel est l'engagement de l'Etat et quel est le leur. Mis ensemble, ces crédits nous garantiront la durée.
    Ces opérations sont urgentes, mais leur mise en oeuvre nécessite deux ou trois ans, et leur amortissement, comme disait M. Albertini, entre vingt et quarante ans, selon la nature des financements. Il nous faut donc de la visibilité, du calme et de la sérénité.
    Deuxième élement : les difficultés foncières. Un nombre important de dossiers sont aujourd'hui arrêtés du fait de la complexité des procédures dues au téléscopage de trois lois, dont il ne s'agit pas ici de dévoiler la pertinence.
    M. Yves Jego. C'est l'héritage du gouvernement précédent.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Nous ne pouvons plus - et cela vaut dans presque toutes les villes aujourd'hui - attendre la mise en place du SCOT, nécessaire pour l'établissement d'un PLU, pour dégager des terrains. Nous allons donc, dans la loi d'orientation, proposer deux avancées : la première est l'anticipation sur les PLU ou l'extraterritorialité sous réserve de l'accord, dans les zones de rénovation urbaine, du maire et du préfet (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial et M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... la seconde est de remédier à un problème majeur que vous connaissez tous, à savoir l'état de nos copropriétés privées dégradées. Les pires immeubles dans ce pays sont ceux qui appartiennent à des copropriétés privées qui se sont dégradées et se trouvent actuellement dans un état absolument lamentable, comme c'est le cas à Terraillon et comme cela l'était à Bellevue, à Marseille. Nous allons donc proposer une loi - elle est actuellement en débat sous le contrôle du Conseil constitutionnel - nous permettant d'assumer nos responsabilités d'expropriation sur les copropriétés privées dégradées.
    M. André Berthol. Très bien !
    Mme Marie-Josée Roig. Enfin !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il n'est pas possible d'attendre l'aboutissement de procédures longues de treize à quinze ans, avec les risques juridiques majeurs y afférents. Il s'agit de situations d'urgence et de péril. L'Etat pourra intervenir quand l'organisme ne peut plus fonctionner, par exemple quand il est sous administrateur judiciaire, ou quand les conditions de sécurité et de salubrité ne sont plus assurées.
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, ce budget n'est pas l'instrument majeur de la politique de la ville : l'enjeu est beaucoup plus large. La situation est tellement grave dans nos quartiers et nous avons tellement besoin de la collaboration de tous les partenaires, que nous ne pouvons pas nous permettre des polémiques vaines et stériles, qui risqueraient d'entraver l'action de redressement qui nous paraît aujourd'hui urgente et indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions. Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes. Nous commençons par les questions du groupe socialiste.
    La parole est à M. Manuel Valls.
    M. Manuel Valls. Monsieur le ministre, nous partageons votre constat et reconnaissons comme vous l'urgence qu'il y a à agir. Beaucoup d'efforts ont été faits, notamment sur le plan des finances et des dispositifs, mais, en même temps, nous constatons une dégradation sociale qui met en cause les fondements de la République.
    En prolongement des interventions de MM. Le Bouillonnec et Lepetit, je souhaite vous interroger sur l'habitat et le logement, domaine où le partage des rôles entre M. de Robien et vous-même pose des problèmes de lisibilité de l'action gouvernementale. En effet, l'écart entre votre volonté affichée et les moyens mis à votre disposition me semble aujourd'hui très important, notamment quand on compare les annonces faites par M. de Robien et le chiffre de 200 000 démolitions-reconstructions, sur plusieurs années, que vous évoquez. Il me semble que les hésitations concernant le dossier du logement risquent d'affaiblir vos ambitions.
    Mes questions sont les suivantes.
    Premièrement, comment agir pour faciliter le regroupement des bailleurs et réduire le nombre d'interlocuteurs dans chaque quartier ? Vous avez évoqué cette question à propos de la ville dont je suis maire et nous aurons bientôt rendez-vous à ce sujet. Vous savez que, pour Evry, c'est un dossier stratégique.
    Deuxièmement, comment soutenir et amplifier vos orientations ? Nous en partageons la philosophie mais comment faire de la rénovation urbaine sans construire de nouveaux logements? La remarque de M. Le Bouillonnec était tout à fait judicieuse : il faut d'abord loger avant de détruire.
    Troisièmement, quel type d'habitat prévoyez-vous dans les quartiers en difficulté pour répondre à l'objectif de la mixité urbaine défini dans la loi SRU ? Avec quelle aide de l'Etat ? Quel est votre sentiment sur l'article 55 de cette loi et le débat que nous avons, question après question, séance après séance, avec M. de Robien ?
    Votre position n'est pas facile, monsieur le ministre, car vous n'avez pas en face de vous des interlocuteurs pleinement actifs et disposant de moyens ambitieux. Le Gouvernement réfléchit-il aux moyens de vous donner plus de moyens sur le logement ?
    Enfin, comment le renouvellement urbain concernera-t-il les copropriétés dégradées? Celles-ci pèsent très lourdement sur l'état de l'habitat.
    Dans la ville d'Evry, nous comptons une centaine de copropriétés dont un tiers sont en très grande difficulté. Reconnaissons que les plans de sauvegarde sont très longs à mettre en oeuvre.
    Quelles solutions, monsieur le ministre, proposez-vous ? La situation demande des réponses fortes car il y a également urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, il n'y a pas de difficulté de fonctionnement entre le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et nous. La vraie difficulté provient du fait que, comme vous le savez, nous financions des procédures. Dans le budget actuel, nous avons continué, puisque le guichet unique n'existe pas encore, à afficher des financements de procédures. Le nombre de celles-ci a d'ailleurs, pour ce qui concerne les constructions, augmenté de 15 000 par rapport à l'année dernière pour s'établir à 52 000 et l'arrivée en cours d'année du guichet unique augmentera encore sensiblement, je l'espère, ce nombre, bien que, de vous à moi, le temps de latence entre visibilité et opérationnalité ne permettra probablement pas de faire beaucoup plus cette année. C'est pour cette raison que nous voulons une loi exceptionnelle, un peu dérogatoire du droit commun, concernant les zones de rénovation urbaine. Beaucoup de dossiers sont en effet actuellement gelés et bloqués pour des raisons d'urbanisme que vous connaissez.
    Nous rencontrons une autre difficulté sur laquelle je serais ravi d'avoir l'avis de la représentation nationale : le choix entre la construction de maisons de ville et celle de grands ensembles. Cela ressortit de la responsabilité de la démocratie locale. Je me trouvais avant-hier à Lyon, avec Gérard Colomb, et nous étions allés voir les nouvelles constructions et les modifications apportées dans le quartier de la Duchère. Le maire de Lyon propose R + 4. J'ai mon avis sur le sujet, mais il ne m'appartient pas de le lui imposer. Je lui en fais part, mais il revient à la démocratie locale de prendre ses responsabilités dans ce domaine.
    Tout le monde semble pencher pour la maison de ville et, au mieux, pour la grosse maison de ville comme à Vénissieux où de nouvelles maisons de ville R + 3 ont été construites qui ressemblent plus à des maisons qu'à des appartements.
    Pour revenir à votre question, monsieur le député, il n'y a pas de difficulté de fonctionnement.
    Le transport urbain, qui dépend du ministère des transports, est également un acteur majeur de la politique de la ville. Nous ne pouvons pas continuer - et ce n'est pas le maire de Rouen qui me contredira - à avoir des quartiers comme les Hauts de Rouen aussi mal desservis.
    L'un des points qui me frappent le plus, c'est que les quartiers en difficulté sont presque toujours localisés sur les plus beaux sites d'un secteur. Ils sont en général situés sur des hauteurs et bénéficient de vues intéressantes et constituent donc un patrimoine foncier de grande qualité. Sans être partout le cas, ça l'est souvent. La desserte de ces zones par les transports urbains est donc tout à fait cruciale.
    Pour répondre sur le fond à votre question : non, il n'y a pas de difficulté ! Les capacités de financement des procédures sont en augmentation, la mise en place du guichet unique est prévue d'ici à deux ou trois mois. Nous disposons donc d'une vraie capacité de construction, qui devrait nous permettre d'accélérer le rythme pour essayer de revenir, ce qui devrait être notre cadence normale, à la construction de 70 000 à 75 000 logements de ville un peu sympas dans le pays. C'est ce dont nous avons le plus besoin.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et les SRU ?
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Sur les SRU, la position du Gouvernement a été clairement expliquée par Gilles de Robien. Le principe de la loi n'est pas remis en cause. Seule son application dans certaines zones d'habitat est considérée comme absurde : au Raincy ou à Saint-Denis, par exemple, la Seine-Saint-Denis étant le département qui compte le plus de logements sociaux de France. Demander d'en construire davantage ne me paraît pas très adroit.
    M. Patrick Braouezec. Ça serait juste !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mais sur le reste, Gilles de Robien s'est clairement exprimé !
    Mme la présidente. La parole est à M. David Habib.

    M. David Habib. Après mes collègues Le Bouillonnec, Lepetit et Valls, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur les dispositifs de revitalisation économique et les dotations affectées à ce fonds.
    A côté de la démarche de démolition et de reconstruction, utile et même indispensable dans nos communes et nos quartiers mais qui ne saurait, à elle seule, constituer une stratégie de reconquête urbaine, votre prédécesseur, Claude Bartolone, avait engagé un effort pour valoriser ces lieux et les rendre plus attractifs. Votre budget rompt avec cette orientation puisqu'il supprime notamment 38 millions d'euros de la partie investissement du fonds de revitalisation économique. Par ailleurs, beaucoup d'initiatives visant à donner vie à ces sites sont menacées.
    En commission, monsieur le ministre, je m'étais permis de vous faire remarquer que, dans ces villes et ces quartiers, - d'ailleurs votre discours sur ce point ne différait pas du nôtre - nous avons besoin de davantage d'acteurs sociaux, de médiateurs et d'emplois-jeunes, et il faut plus d'incitations pour favoriser le maintien ou l'implantation d'entreprises, d'artisans, de commerçants ou de professions indépendantes.
    Comme maire de Mourenx, je sais qu'un commerce qui se crée, qu'une PME qui s'installe dans ces zones difficiles, c'est d'abord un signe fort. L'Etat doit accompagner ce travail d'animation urbaine et de réappropriation de l'espace. Si vous réduisez l'effort de la communauté nationale, vous contraignez les collectivités locales à assurer sur leurs propres deniers le financement de ces mesures et de ces incitations. Par là-même, vous limitez les capacités d'intervention, mais surtout, vous fragilisez l'indispensable partenariat qui doit exister entre la ville, actrice de ce développement, et l'Etat, garant de la solidarité entre les territoires.
    Aussi, je vous demande de bien vouloir examiner à nouveau le montant des crédits affectés au fonds de revitalisation économique. Ce dispositif est récent. Il faut du temps avant d'en mesurer la portée et, éventuellement, le condamner. M. François Grosdidier, dans son rapport - page 78 - nous explique lui-même qu'il est difficile de juger de la consommation des crédits en raison de la mise en place progressive du dispositif.
    Réduction du nombre de CES et de CEC, suppression des emplois-jeunes, et maintenant amputation du fonds de revitalisation : quelle est donc, monsieur le ministre, votre politique de la ville ?
    Pour ma part, je ne suis pas opposé du tout à vos analyses s'agissant du principe de mixité sociale et de l'application de l'article 55 de la loi SRU. Je suis persuadé que vous trouverez, au sein du groupe socialiste, des élus qui vous feront écho. Je souhaite que votre majorité vous ait entendu elle aussi (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas sûr !
    M. Yves Jego. Arrêtez de donner des leçons aux autres en permanence !
    M. David Habib. ... et qu'elle ne se contente plus de discours mais prenne conscience de la nécessité de créer les conditions de cette mixité sociale par des actes et par des textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, vous ne pouvez tout de même pas m'en vouloir de m'interroger sur l'utilité d'un fonds dont 65 des 78 millions n'ont pas été utilisés en deux ans, et d'essayer de comprendre pourquoi ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Voilà la réalité !
    Il n'est pas exclu que ce dispositif puisse être efficace sur certains points, et nous avons prévu 20 millions d'euros pour cela.
    S'agissant de la partie fonctionnement, c'est-à-dire l'aide, assez facile à utiliser, elle est maintenue intégralement. Pour ce qui est de l'investissement, c'est beaucoup plus complexe. Si je demandais aux députés présents de m'exposer la méthode à appliquer pour l'amortissement dégressif des investissements dans les quartiers, je suis certain que les notes des copies seraient assez faibles !
    La non-consommation d'un crédit n'en prouve pas la bêtise, surtout s'il s'agit d'investissements lourds, type GPV, dont il faut attendre la montée en puissance avant de le remettre éventuellement en cause. Mais quand c'est un dispositif assez léger, qui a le mérite de la simplicité, et qu'il ne fonctionne pas très bien, avouez qu'on peut se poser des questions.
    Pour le reste, la politique de la ville comporte de nombreux éléments. Tous ne sont pas parfaits, bien sûr. Mais il y a, dans ce gouvernement, une solidarité à laquelle je suis attaché. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. A laquelle vous êtes tenu !
    Mme la présidente. Nous passons aux questions du groupe UDF.
    La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
    M. Jean-Pierre Abelin. Monsieur le ministre, je voudrais d'abord saluer votre volonté de dynamiser la politique de renouvellement urbain, de simplifier les procédures, d'instaurer un guichet unique - vous l'avez annoncé - et de globaliser votre réflexion et celles des uns et des autres, projet par projet et non procédure par procédure.
    Je voudrais attirer votre attention sur la situation des quartiers en difficulté qui n'ont pas été inscrits dans les GPV ou dans les ORU. En tant qu'élu de la Vienne et président d'un OPAC qui gère 12 000 logements sociaux, je citerai l'exemple du quartier de la plaine d'Ozon, à Châtellerault. Il est particulièrement représentatif de ces zones où une action de refonte de l'habitat et de réorganisation de l'urbanisme est urgente. Comptant quelque 2 000 logements sociaux, il est classé en zone urbaine sensible et en zone de revitalisation urbaine. Mystérieusement, il n'a pas été retenu au titre des deux premières vagues d'ORU. Il concentre plus de la moitié des logements vacants du département et le taux de vacance enregistré par l'OPAC 86, qui est le principal bailleur social présent dans le quartier, y dépasse 13 %. Le taux de chômage y est trois fois supérieur à la moyenne départementale et l'image du quartier se dégrade petit à petit.
    La ville et les deux bailleurs sociaux veulent redessiner ce quartier. Ils veulent l'ouvrir et lancer un projet global, qui passera naturellement par la suppression de 200 logements, la réhabilitation de certains autres, des reconstructions, ainsi que la refonte des services publics. Ils souhaitent impliquer les habitants dans ce projet.
    Mais la suppression de logements qui n'ont pas encore été amortis et la refonte des services publics coûtent énormément d'argent. Ces sommes colossales ne peuvent pas être laissées à la seule charge des acteurs locaux, des collectivités et des bailleurs sociaux, qui n'ont pas la possibilité d'engager de telles dépenses.
    Ma question est simple, monsieur le ministre. Pouvons-nous espérer une nouvelle vague de classements en opération de rénovation urbaine ? Ce qui serait une des solutions. Quels sont les moyens, budgétaires ou extra-budgétaires, qui peuvent être mobilisés pour ce type d'opérations ?
    Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous serions très heureux de vous accueillir, vous qui sillonnez la France, dans la ville de Châtellerault pour examiner ensemble les moyens de mener à bien ce projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre... sans doute pour répondre à l'invitation !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il suffit de prendre date !
    Mais venons-en à la question. C'est vrai, en dehors des procédures GPV et ORU, il n'existe rien.
    Le principe du guichet unique, pour le financement des projets, s'applique à tout le territoire. Il n'est pas opportun de remettre en cause des procédures existantes au profit d'une nouvelle. Nous avons besoin de stabilité et de calme en la matière. Les GPV et les ORU existent, ils sont bien définis et déterminés. Il peut y avoir des extensions de quelques centaines de mètres pour des raisons pratiques. Je ne souhaite donc pas instaurer de nouvelles procédures. Le guichet unique vise à permettre que soient réalisées des opérations nécessaires, qui ne peuvent pas être financées par les crédits de droit commun pour des raisons de surcoût, dû notamment à la démolition et la reconstruction. Il s'applique, je le repète, sur tout le territoire de la République française, DOM-TOM compris.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation de deux catégories d'acteurs de terrain indispensables à la réussite de la politique de la ville.
    Les premiers sont ceux que l'on appelle les professionnels du développement social urbain, les chefs de projet, qui remplissent des missions de service public à la demande des communes, des communautés de communes ou d'agglomération. Ils sont contractuels, et leur salaire bénéficie souvent d'un cofinancement de l'Etat, de l'agglomération et de la ville. Or, comme vous le savez, l'application de la loi sur la résorption de l'emploi précaire donne à ces agents la possibilité de devenir titulaires, ce qui fait tomber le cofinancement de l'Etat.
    Les collectivités locales sont donc confrontées à des problèmes de financement, et ces personnes sont souvent conduites à accepter d'autres missions au détriment de la continuité de l'action menée sur le terrain. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que vous envisagez de faire pour sortir de cette impasse.
    L'autre catégorie est celle des emplois-jeunes, qui travaillent à des missions de sécurité dans nos quartiers. Je pense particulièrement aux agents d'ambiance ou de médiation sociale qui travaillent dans nos bus. Pourrait-on envisager une pérennisation de leur statut ?
    Je sais bien que le Gouvernement a souhaité abandonner le dispositif, au profit d'une meilleure intégration de la politique de la ville dans le secteur marchand, et nous partageons cette volonté. Mais, dans le cas précis des jeunes, ne pourrait-on recourir à de nouvelles procédures, dans le cadre, par exemple, du contrat local de sécurité ?
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de répondre à cette inquiétude des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. La difficulté est réelle, en effet : que les chefs de projet intègrent la fonction publique territoriale supprime le cofinancement. J'ai donné des instructions pour que les efforts de financement du ministère de la ville soient accrus au cas par cas sur les projets concernés. Il faut être pragmatique et donner une compensation aux communes, car on ne fera pas de grande réforme de la fonction publique pour cette catégorie particulière.
    Sur le second point, soyons clairs : les quartiers, les villes et les lieux fragiles ne peuvent pas se passer des fonctions exercées aujourd'hui par les emplois-jeunes. Mais ces fonctions sont tellement difficiles qu'elles méritent mieux que la précarité. Nous travaillons donc, avec François Fillon, à la mise en place d'un dispositif enrichi. C'est indispensable, et cela se fera dans le calme, à l'aide de véritables procédures d'avenir. Vous pouvez compter dessus au premier trimestre de l'année prochaine.
    Cela dit, une réflexion plus large est nécessaire sur l'ensemble des « métiers de l'humain ». Des hypothèses intéressantes ont été avancées sur les projets sociaux de territoire, avec les conseils généraux, les CAF, le ministère de la ville et un certain nombre de collectivités. Il s'agit de mieux organiser ces services, de les regrouper, de faire en sorte qu'il y ait des feuilles de route plus claires, afin que les familles ne voient pas onze équipes différentes arriver chez elles,...
    M. Yves Jego. Absolument !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... ce qui fait perdre aux actions publiques et leur lisibilité et leur efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, contrairement à ce que j'ai entendu dans le débat, s'il faut bien sûr des mesures sociales d'accompagnement, il ne sert à rien d'augmenter les moyens de fonctionnement dans des quartiers qui, du point de vue urbanistique, ne peuvent plus fonctionner : les gens y vivent dans des situations d'enfermement et d'indignité telles que cela attire la pauvreté et fait fuir les populations qui s'en sortaient un peu mieux. En clair, il n'y a plus de mixité sociale. Vous avez donc raison d'inciter à la démolition et à la reconstruction.
    Cependant, les acteurs locaux peuvent se trouver face à des difficultés sérieuses lorsqu'il s'agit de procéder à ces opérations. Les préfectures imposent que l'on reconstruise autant de logements que l'on en a démoli. Certes, c'est un objectif louable, et souhaitable, mais dans certains quartiers c'est impossible : les logements les plus anciens avaient des surfaces moyennes très réduites ; aujourd'hui, la pièce centrale d'un quatre-pièces ne peut plus être de 9 mètres carrés, comme ce fut le cas chez moi dans les années 55-60. L'Etat devrait accepter une marge de 10 à 15 % en plus ou en moins d'ailleurs, pour qu'on puisse débloquer des situations figées. J'en ai des exemples dans le département de la Seine-Saint-Denis.
    M. Jean-Pierre Abelin. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il serait absurde que l'on consacre des crédits à faire du logement neuf trop petit, inadapté et trop concentré.
    Vous avez abordé tout à l'heure la question de la lutte contre l'habitat indigne dans le secteur privé, à propos des copropriétés. C'est un grave problème pour de nombreuses communes, dont la mienne, qui comporte les trois types d'habitat : le logement public, les copropriétés dégradées - en nombre important - et le logement pavillonnaire privé. Ce dernier se dégrade petit à petit, et le phénomène fait tache d'huile. Des logements de type pavillons ouvriers - vous avez dû en connaître aussi dans la commune dont vous étiez maire - sont récupérés par les marchands de sommeil. Il faut interrompre cette dérive. Le maire doit pouvoir interdire la relocation et il faut lui fournir les moyens de réhabiliter ces logements, donc d'aider les propriétaires à le faire quand ils le souhaitent réellement. Les OPAH, telles qu'elles existent aujourd'hui, ne le permettent pas.
    Monsieur le ministre, un grand danger nous menace. Pour agir sur les grands ensembles collectifs, nous disposons de moyens relativement simples, et que vous allez encore simplifier. Lorsqu'il s'agit de copropriétés, nous nous en sortons aussi, plus difficilement, mais lorsqu'il s'agit d'une succession de petits pavillons, ce n'est plus possible. Or il ne servirait à rien que les grands ensembles soient rénovés et redeviennent attractifs si, à leur pied, s'étendent des zones entières d'habitat pavillonnaire dégradé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Oui, selon la préfecture, la règle est de reconstruire autant qu'on a détruit. Mais désormais, nous obéirons à une logique de projet et non plus à des procédures et à des taux. Par conséquent, le cas de Drancy et d'autres sera examiné en tant que tel, sans aucun a priori.
    Certes, il faudra rappeler quelques rares communes à leur obligation légale. Mais, à l'inverse, si les acteurs locaux nous disent que, raisonnablement, le taux doit être de 60 %, il sera de 60 %.
    Vous, acteurs locaux, nous, Etat garant de la solidarité nationale, nous nous mettrons d'accord, dans l'intérêt de tout le monde. Il n'y aura plus de position de principe des préfectures, ou des DDE instruisant pour leur compte. C'est parfaitement clair et s'il y avait une quelconque difficulté, on en parlerait.
    En ce qui concerne les propriétés privées, des textes existent - mais il sont assez peu utilisés en France car on y répugne - sur l'état d'insalubrité ou l'état d'abandon manifeste. Il est vrai que les procédures sont longues, lourdes et difficiles. Nous n'avons pas, pour l'instant, travaillé sérieusement à leur amélioration car, pour être franc, nous nous sommes concentrés sur les deux autres sortes d'habitat. Je serais ravi que nous y travaillions ensemble. Nous pourrions envisager une mission, si vous en étiez d'accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le ministre, comme vous l'avez souligné, la politique de la ville passe par une forte implication des acteurs locaux, au premier rang desquels, bien entendu, les élus. Nous rencontrons tous sur ces bancs des problèmes liés aux logements insalubres et aux obligations de relogement qui en résultent pour les collectivités locales.
    Cette obligation résultant de l'article 314-1 du code de l'urbanisme est rappelée systématiquement dans les circulaires préfectorales définissant les conditions requises pour obtenir une déclaration d'utilité publique pour une ZAC.
    Paradoxalement, la ville qui a l'initiative des opérations d'aménagement dans lesquelles, par le biais de la péréquation des charges foncières, il est possible de produire du logement social, ne dispose pas des droits d'attribution permettant effectivement d'assurer les relogements indispensables à la libération des sols nécessaires à ces opérations. Je prendrai l'exemple d'Issy-les-Moulineaux où le nombre de relogements rendus nécessaires par les procédures concernant l'habitat et les opérations d'urbanisme est de 279.
    L'une des solutions à ce problème ne serait-elle pas, monsieur le ministre, de confier aux maires la gestion du contingent préfectoral dans le cadre d'opérations bien identifiées et menées en partenariat avec l'Etat ? Car si les élus locaux maîtrisaient les droits d'attribution, au-delà des 10 ou 20 % qu'ils détiennent au titre des garanties d'emprunt ou des subventions de surcharge foncière, ils seraient en mesure de reloger correctement toutes les familles qui, sur nos territoires urbains, vivent bien souvent dans des conditions qui ne sont pas dignes de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, c'est un difficile problème, vous le savez. Le tort, c'est d'avoir confondu deux sujets. Le contingent préfectoral n'est pas fait pour attribuer des logements, mais pour gérer les situations d'extrême urgence. L'urgence n'étant pas gérée, les problèmes se concentrent.
    Nous sommes en train d'élaborer un dispositif. Toute ville qui mettrait en place une résidence sociale afin de permettre de gérer l'urgence au plan national, selon des quotas que nous étudions avec Dominique Versini, la gérerait directement. C'est une proposition de M. Pemezec. Le contingent préfectoral aurait alors vocation à s'atténuer, voire à disparaître.
    Le problème, c'est l'urgence. Pour l'instant, seul le préfet pouvait la traiter. A nous de nous organiser pour que ce soient les communes. On ne pourra évoluer que si l'on apporte une réponse à ce problème. Il y aura alors un rééquilibrage des parcs et des offices. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous passons au groupe des député-e-s communistes et républicains.
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, je ne partage pas totalement votre appréciation sur l'échec de la politique de la ville et je crois que cela mériterait débat. Selon moi, s'il y a eu de nouvelles dégradations, c'est davantage en raison du manque de réponses d'autres ministères, et sans doute aussi de l'absence d'un vrai projet politique porteur d'espoir et englobant les populations les plus en difficulté. Les politiques de la ville successives ont sans doute contribué à empêcher que la situation ne soit pire qu'elle n'est aujourd'hui.
    Je souhaiterais revenir sur les opérations de démolition-reconstruction, car la réponse que vous venez de faire à M. Lagarde ne me rassure pas, notamment le fait qu'il n'y aurait peut-être plus de position de principe. On peut craindre le pire ! J'avais d'ailleurs fortement critiqué dans le passé le fait que le Gouvernement affiche une priorité pour les crédits affectés aux démolitions.
    L'utilité de certaines opérations de démolition de grands ensembles vétustes ou bien désertés par les habitants n'est pas en cause. Ce qui interroge, c'est le fait d'y accorder tant d'importance politique, financière et médiatique. A mes yeux, je le répète, ces messages ne s'adressent pas en priorité aux quartiers populaires et à leurs habitants, mais bien à ceux qui n'y habitent pas, car le quotidien d'un maire d'une ville populaire en agglomération dense, et je sais de quoi je parle, ce ne sont pas des manifestations pour réclamer la destruction de tel ou tel immeuble, mais bien la longue liste d'attente - plus de 6 000 à Saint-Denis, plus de 50 000 à Paris - des demandeurs de logement, la persistance de l'habitat insalubre, ce que disait M. Lagarde, une recrudescence des expulsions, avec plus de mille procédures en cours à Saint-Denis aujourd'hui, et des squats. Autant de signes flagrants de la pénurie de logements sociaux, et de la grande difficulté pour les familles modestes à accéder à un logement décent, notamment dans la région francilienne.
    Dans ce contexte, on marche à l'envers. Plutôt que d'opérations de démolition-reconstruction, nous avons besoin de constructions puis de démolitions, et plus de constructions que de démolitions. Ne pas le faire, c'est prendre le risque de financer un nouvel outil de ségrégation, car, au final, il est à craindre que votre gouvernement ne se montre bien plus volontariste sur la démolition de logements sociaux là où il y en aurait « trop », que sur un objectif de construction là où le manque est flagrant. Le risque existe bel et bien de voir le plancher de 20 % de logements sociaux se transformer en plafond.
    La mixité sociale et la rénovation urbaine ne doivent pas servir d'alibi à l'abandon d'une politique ambitieuse et large du logement social. La très en vogue mixité sociale ne se décrète pas, elle ne peut être que le résultat d'une politique qui dépasse de beaucoup celle du logement, et concerne notamment l'accès à l'emploi, le développement local, l'éducation, la lutte contre les inégalités et les discriminations, ou l'égal accès aux services publics.
    Détruire les logements sociaux déplace à coup sûr les habitants - on peut d'ailleurs se demander vers où - mais n'en attire pas forcément de nouveaux.
    M. le président. Votre question, s'il vous plaît.
    M. Patrick Braouezec. Sans doute faut-il parfois détruire, pour faire la ville sur la ville, mais il faut avant tout construire, tant le besoin de logement social est criant,...
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Ce n'est pas la seule solution.
    M. Patrick Braouezec. ... construire partout, non pour répartir la pauvreté entre les villes, mais pour aller vers une véritable liberté de choix de résidence et de lieu de vie, un vrai parcours résidentiel.
    Ma question est donc simple : la reconstruction précédera-t-elle les opérations de démolition, ou, pour le moins, seront-elles obligatoirement liées l'une à l'autre ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. C'est terrible, dans ce pays, qu'il faille opposer des choix théoriques. La question n'est pas de faire plus ou moins de destructions. Quand les élus et les organismes considèrent qu'après la troisième réhabilitation dite PALULOS en dix ans, qui a coûté aux alentours de 180 000 à 200 000 francs par opération, la situation reste la même et qu'il faut changer de procédé, on dit d'accord, on accélère les procédures et on agit. C'est l'indécision ou l'impossibilité d'agir qui sont néfastes et qui coûtent sur le plan humain et sur le plan social. Je n'ai pas d'opinion arrêtée sur le fait qu'il faut faire plus ou moins de démolitions. Simplement, quand on décide de faire quelque chose, on le fait tout de suite.
    Evidemment, il faut voir au cas par cas. La réalité de votre ville n'est pas celle de Saint-Dizier, de Toulon, de La Seyne ou du quartier de la Duchère. La petite couronne parisienne connaît plutôt un problème de densification, et il faut améliorer l'habitat et offrir de nouvelles possibilités, mais la France est extrêmement diverse.
    Mon objectif est simple, c'est de répondre aux attentes des élus locaux et des citoyens et de remettre à niveau l'ensemble du parc français. Ce qu'on doit détruire, on le détruit tout de suite. Ce qu'il faut réhabiliter, on le réhabilite. On met tout à niveau avec des réponses diverses.
    On se donne les moyens d'augmenter de 30 000 par an les logements mis à disposition - ce n'est pas rien - grâce à une simplification des procédures, la libération de terrains, et des moyens financiers. Tous ensemble, réussissons cette opération. L'offre sociale en France est globalement insuffisante.
    Sur la mixité, je suis en partie d'accord avec vous. La mixité, d'une certaine manière, c'est accepter que certains trucs n'aillent pas bien. Moi, je souhaite que tous les citoyens de notre pays, y compris ceux en difficulté, aient de chouettes maisons. C'est la meilleure des mixités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous passons au groupe UMP.
    La parole est à M. Patrick Delnatte.
    M. Patrick Delnatte. Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur l'avenir des zones franches urbaines.
    Le Président de la République a récemment plaidé à Troyes pour que soit donnée une impulsion nouvelle au développement de ces zones. On peut tous se réjouir que ce dispositif perdure. Il a montré son efficacité et vous en avez dressé un résultat globalement positif. Personnellement, m'étant investi dans ce domaine, je peux témoigner qu'il a été très utile à des villes comme Roubaix et Tourcoing.
    Il y a tout de même des limites et des inconvénients.
    D'abord, il faut éviter les distorsions de concurrence qui peuvent être préjudiciables au tissu économique local et au développement équilibré des agglomérations.
    Ensuite, il y a toujours des difficultés dès qu'on aborde le problème du zonage. Force est de constater que les critères ont parfois été quelque peu arbitraires et que certaines frontières sont un peu trop rigides. J'ai moi-même été confronté à ce problème pour un quartier de Tourcoing, le quartier du Virolois, où il n'y avait que des friches industrielles et que, pour des critères peut-être européens, on n'a malheureusement pas pu retenir. De même, lorsqu'il existe entre deux communes limitrophes une véritable continuité géographique du linéaire commercial et artisanal, il ne serait pas compréhensible que certains commerçants ou artisans ne puissent bénéficier des mêmes avantages sous prétexte qu'ils ne sont pas du bon côté de la frontière communale.
    Comment envisagez-vous de relancer le dispositif des zones franches ? Les orientations que vous choisirez prendront-elles en compte les préoccupations que je viens d'évoquer ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur Delnatte, vous étiez à la pointe du combat pour les zones franches avec M. Jego et quelques autres parlementaires à l'époque de Jean-Claude Gaudin et d'Eric Raoult. C'est vrai que c'est toujours compliqué puisque, par nature, une limite a un côté artificiel.
    En rouvrant de nouvelles zones, nous savons que nous aurons affaire à une situation extrêmement difficile. Cela dit, il n'est pas tout à fait inutile de tirer les leçons de l'expérience. Il y en a déjà deux qui sont à peu près évidentes. D'abord, nous ferons attention à quelques métiers facilement déplaçables, je pense notamment aux ambulanciers. Il y a une liste de quelques métiers sur lesquels il y a un consensus. Quant à l'emploi, on va augmenter probablement le taux d'emploi sur le quartier, pour le faire passer aux alentours de 30 %, mais élargir un peu l'assiette au-delà de la zone. Ce sont les deux grands enseignements principaux que l'on peut tirer, je crois, de ce qui avait été fait jusqu'à présent.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.
    M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le ministre, ces dernières années, je n'avais de cesse de le dénoncer auprès de vos prédécesseurs, la mise en oeuvre de la politique de la ville se caractérisait le plus souvent malheureusement par la dilution de ses objectifs, par la complexité sans cesse croissante d'empilements de dispositifs et de procédures, et le doute sur l'efficacité de ses résultats. Vous rompez enfin avec ce manque de lisibilité, démontrant ainsi que vous avez parfaitement bien perçu que les enjeux de la politique de la ville avaient plus que jamais des conséquences importantes pour l'avenir.
    Les dysfonctionnements sociaux urbains les plus graves se concentrent le plus souvent sur des territoires eux-mêmes en très grande fragilité économique. Or les transformations urbaines nécessitent des investissements très lourds dont les coûts dépassent totalement la capacité d'intervention d'une commune. De ce point de vue, votre projet de budget propose prioritairement d'accélérer le renouvellement urbain et d'améliorer le cadre de vie des habitants pour accompagner et promouvoir un soutien significatif aux acteurs locaux et aux politiques locales de solidarité. Vous associez à cette volonté la recherche de l'efficacité à travers la création d'un guichet unique regroupant l'ensemble des crédits de l'Etat.
    En tant qu'élu local d'une ville de plus de 20 000 habitants en Ile-de-France, particulièrement concernée par toutes les politiques contractuelles de l'Etat, je suis particulièrement sensible à ce projet de simplification et de mise en cohérence des procédures pour qu'elles ne soient plus un frein mais l'outil d'une stratégie de développement.
    Dans la ville dont je suis le maire, Dammarie-les-Lys, qui a 52 % de logements sociaux, tout ce qui pouvait être entrepris l'a été, mais l'essentiel des réponses structurantes et porteuses de perspectives restent encore à apporter. Si je prends comme exemple le patrimoine social dans la géographie prioritaire située en centre-ville, 460 logements ont pu bénéficier d'une importante réhabilitation mais, pour le tiers restant, constitué d'une barre de 195 logements, il n'y avait pas de réponse : impossibilité financière de réhabiliter un patrimoine trop dégradé et subissant la vacance, et impossibilité surtout d'envisager une démolition faute de financements adaptés. Par votre politique, ce projet peut aujourd'hui s'envisager et être lui-même porteur d'une transformation durable de l'habitat social en centre-ville, avec une offre de relogement en construction neuve. Pour y parvenir, l'engagement financier de l'Etat est indispensable pour équilibrer les opérations de restructuration urbaine.
    Au-delà de la part d'investissement apportée par la collectivité locale, la commune est souvent seule à porter également le poids de l'avance du financement de la TVA. Est-il envisageable que cette part de TVA soit remboursée dans l'année ? Par ailleurs, l'opération sur Dammarie-les-Lys visant à supprimer un ensemble de 195 logements HLM vétustes en centre-ville se heurte aujourd'hui à un problème d'équilibre budgétaire. La ville, la région et l'Etat interviennent déjà. Pouvons-nous espérer une aide supplémentaire pour que ce projet puisse devenir le plus rapidement possible réalité ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Oui, monsieur le député-maire, le soutien au projet de Dammarie-les-Lys est acquis. Nous devions avoir une réunion de travail le 24. Pour des raisons de présentation au conseil des ministres le 30, c'est différé de quelques jours, mais on fera cette opération dans la logique du projet, et on étudiera également le problème de la TVA. Deux expérimentations ont eu lieu, avec des avances de la Caisse de dépôts et consignations. Si c'est nécessaire dans ce cas particulier, on fera de même.
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jego.
    M. Yves Jego. Ma question concerne les zones franches urbaines. Je me réjouis de la relance de ce dispositif annoncée ce matin. Elle s'inscrit dans le droit-fil du discours du Président de la République à Troyes et des engagements qu'il a pris lors de la campagne électorale de l'élection présidentielle.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques précisions sur les modalités de choix des zones qui bénéficieront à nouveau de ce dispositif, puis sur le calendrier ? Le dispositif sera-t-il effectif de manière rétroactive au 1er janvier de cette année ou à partir d'une autre date à définir ? Enfin, vous avez annoncé un travail sur des zones franches immobilières, ce qui permettrait de ramener de l'investissement privé dans des quartiers qui en ont bien besoin. Ils en avaient bien besoin en matière d'entreprise, et les zones franches ont démontré leur capacité à aller vite et fort, mais ils en ont aussi besoin pour l'immobilier privé, pour favoriser la mixité tant attendue. Quelles sont les perspectives dans ce domaine ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Pour les zones franches urbaines, le processus de concertation avec Bruxelles est en cours. C'est une procédure unique en Europe. On nous avait promis les pires obstacles. Or, après avoir constaté des résultats réels - avec quelques défauts - pour la dynamisation des quartiers, Bruxelles semble considérer aujourd'hui que c'est une procédure pertinente, qui pourrait éventuellement être étendue à d'autres pays. C'est d'autant plus important qu'une réflexion est en cours sur l'investissement de fonds structurels lourds pour résoudre la crise urbaine, car il y a plus de déséquilibres infra-départementaux ou régionaux dans l'Europe communautaire qu'entre les différentes régions.
    Je ne peux pas vous dire exactement quelles modifications on apportera. Elles seront de la nature de celles que j'évoquais tout à l'heure. Il existe une association des villes franches urbaines, que vous présidez, et nous avons eu l'occasion de nous rencontrer à de nombreuses reprises. Vous serez bien entendu associés, de façon qu'on tire toutes les leçons de l'expérience.
    Quant aux zones franches immobilières, c'est pour l'instant une piste de réflexion, qui nécessite un double arbitrage, du gouvernement français et de l'Union européenne. Cela nous paraît extrêmement pertinent, et nous vous y associerons, ainsi que l'AMF et les deux grandes associations d'agglomérations et de communauté urbaines.
    Mme la présidente. Au titre des députés n'appartenant à aucun groupe la parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le ministre, la réussite de la politique de la ville est fondée sur un double enjeu : requalifier l'habitat, et je salue l'effort accompli dans ce domaine par votre ministère, mais aussi soutenir et renforcer la qualité des interventions sur nos quartiers, ce qui passe par le tissu associatif, notamment en matière de développement de l'emploi, de cohésion sociale, d'accès à la culture, au sport, à l'éveil éducatif ou encore aux soins. Votre budget n'est pas à hauteur de vos ambitions puisqu'il accuse une forte baisse, notamment des subventions de fonctionnement du fonds d'intervention pour la ville et du FRE, le fonds de revitalisation économique.
    Vous le savez, tout quartier rénové et non pourvu de commerces, d'activités, de services publics et d'associations, est un quartier où la déshumanisation arrivera à grands pas. Est-ce là votre projet ?
    M. Pierre Cardo. C'est déjà le cas depuis un bon moment !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Quelle sera votre réponse quant au soutien du tissu associatif ? Comment nos quartiers vont-ils évoluer sans reconduction des emplois-jeunes ?
    M. Yves Jego. Ce sont les emplois-jeunes qui font la politique de la ville, maintenant ?
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Le temps n'est plus à la réflexion, puisque certains contrats arrivent à terme à la fin de ce mois, et qu'il n'y a aucune augmentation des postes d'adultes relais et du nombre de CES et de CEC.
    M. Pierre Cardo. Ce n'est pas faute d'avoir souligné le risque avant !
    M. Gilbert Meyer. C'est votre loi !
    Mme la présidente. Laissez parler Mme Robin-Rodrigo !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. L'emploi dans ces quartiers est l'une de vos préoccupations, monsieur le ministre. Le chômage y étant encore plus important qu'ailleurs, pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement auquel vous appartenez vont réduire les inégalités ? Dans mon département, les Hautes-Pyrénées, la direction du travail n'accorde plus un seul CES depuis juillet, pour reporter les crédits sur 2003. Que peuvent faire les associations d'utilité sociale qui oeuvrent dans ces quartiers pour établir des parcours d'insertion qui conduisent à l'emploi ?
    M. Gilbert Meyer. On a déjà répondu à cette question maintes fois !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. En ce qui concerne la consommation des crédits, il ne faut pas généraliser. Il existe des outils. Je suis présidente d'un GIP politique de la ville dont les financements sont assurés pour un tiers simplement par l'Etat, un tiers par le conseil général et un tiers par la communauté d'agglomération du Grand Tarbes. Je vous rassure, tous les crédits sont consommés, et je vous en redemande d'ailleurs !
    Comment, ferez-vous, avec des dotations budgétaires en diminution, pour maintenir ce qui doit être la priorité, le développement de l'emploi dans ces quartiers ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ayant déjà eu l'occasion de répondre deux fois sur cette question, je serai bref, madame.
    Il n'y a aucune réduction des crédits de fonctionnement pour la politique de la ville. Simplement, nous allons payer directement les communes au mois de février ou de mars, plutôt qu'en novembre ou en décembre avec parfois des refus de paiement ou des gels de crédits non consommés. Accélérer de sept ou huit mois le paiement aux associations des actions de l'année me paraît un élément de lisibilité assez élémentaire. Même pour des associations contractualisées, 20 millions d'euros n'ont pas été dépensés l'année dernière à cause de l'embolisation des circuits de l'Etat ! Avouez que c'est un peu stupéfiant !     Il y aura cette année année autant de crédits que l'année dernière pour le fonctionnement, et plus tôt.
    Pour le reste, je continuerai à vous dire que les métiers de l'humain dont vous me parlez, qui sont cruciaux, méritent mieux que la précarité antérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous revenons au groupe UMP.
    La parole est à M. Patrick Delnatte.
    M. Patrick Delnatte. Monsieur le ministre, depuis le mois de juin dernier, à votre initiative et à celle du procureur de Valenciennes, une expérience pilote est menée dans le Valenciennois avec la mise en place d'un service d'aide aux victimes d'urgence, le SAVU. Cette initiative, en voie d'être expérimentée dans d'autres villes de France, repose sur le constat que si la personne mise en cause dans le cas d'une infraction pénale peut bénéficier des services d'un avocat ou d'un médecin dès la première heure de garde à vue, la victime, quant à elle, reste trop souvent démunie.
    Composé de psychologues et de personnels administratifs, le SAVU permet ainsi aux victimes, bien souvent en état de choc après les agressions qu'elles viennent de subir, de bénéficier du soutien moral et psychologique qui s'avère indispensable en pareille crconstance. Il est également en mesure de dispenser des informations utiles quant aux suites de la procédure et aux démarches à effectuer.
    Parce qu'elle est étroitement associée aux services de police et de gendarmerie, cette structure très souple permet d'agir dans l'urgence des faits et présente l'immense avantage de pouvoir aller au devant des victimes les plus en détresse.
    Aujourd'hui, après cinq mois de fonctionnement, le SAVU de Valenciennes semble avoir mis en évidence à quel point les besoins en matière d'accompagnement des victimes sont importants.
    Aussi, monsieur le ministre, à l'heure où le Gouvernement met à juste titre l'accent sur le droit à l'expérimentation et entend de ce fait encourager l'initiative, pourriez-vous nous dresser un premier bilan de cette expérimentation sur le plan tant qualitatif que quantitatif ? Parallèlement, quelles sources de financement peuvent être mobilisées pour favoriser le développement de telles initiatives ?
    M. Gilbert Meyer. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, il est vrai que tant Dominique Perben que Nicolas Sarkozy ont décidé de soutenir plus activement l'aide aux victimes.
    Il y avait un manque dans ce pays : l'absence d'un dispositif d'intervention d'urgence. Or l'agression d'une femme seule dans son logement ou le cambriolage d'un appartement où vivent des enfants en bas âge créent une forme de traumatisme et posent quantité de problèmes immédiats. Aussi, nous expérimentons dans six villes un système très simple d'aide d'urgence aux victimes. Ce dispositif consiste à associer un psychologue et un administratif, en général âgés de trente - trente-cinq ans, et à les doter d'une voiture pour qu'ils puissent se rendre auprès des victimes afin de les aider à traiter l'ensemble des problèmes qui peuvent se poser dans de telles circonstances.
    Sur le plan qualitatif, ce dispositif a donné des résultats absolument spectaculaires. En cinq mois, la première expérience, celle de Valenciennes, s'est traduite par 475 interventions pour 595 victimes. L'impact de cette mesure est remarquable, comme en atteste l'évaluation qui a été faite avec les services psychologiques, les policiers et les magistrats - nous avons eu une réunion avec le procureur Catez il y a quelques jours. La prise en charge des victimes - ou des proches de celles-ci - et la résolution des problèmes qu'elles peuvent rencontrer constituent un gigantesque succès.
    Nous attendons les résultats de l'évaluation qui sera faite au bout de six mois d'application de l'opération dans les six villes expérimentales.
    Quant au coût de l'opération, il s'élève à un million de francs par semestre par bassin judiciaire concerné.
    Si l'expérimentation se révèle aussi pertinente qu'elle semble l'être, nous négocierons avec les partenaires et l'Etat, notamment le ministère de la justice, la pérennisation de ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Meyer.
    M. Gilbert Meyer. L'aménagement du territoire passe par la maîtrise du logement public, ce qui suppose de disposer des moyens financiers nécessaires, lesquels doivent correspondre aux besoins, tant pour les réhabilitations lourdes en secteur urbain que pour la construction de petits ensembles dans les zones rurales.
    Or les crédits délégués à certaines régions ne permettent pas de mettre en oeuvre cette nécessaire stratégie.
    La Commission européenne, vous l'avez rappelé, a ainsi souhaité apporter des moyens supplémentaires, sous la forme de fonds structurels.
    Les fonds affectés aux opérations visées intègrent la préparation et la mise en oeuvre d'actions intégrées de renouvellement urbain. Ils étendent donc le partenariat communautaire aux acteurs de la politique de la ville, notamment aux organismes d'habitat social, sur les territoires prioritaires d'intervention.
    Certaines communes ont manifesté un vif intérêt pour l'obtention de ces fonds, afin d'accélérer leurs projets. Nombreux sont cependant les territoires qui ne sont pas éligibles aux fonds structurels européens des objectifs 1 et 2.
    Certaines villes sont donc retenues à la fois pour l'affectation des fonds structurels européens et pour les aides traditionnelles de l'Etat, tandis que d'autres attendent les aides habituelles de l'Etat sans même pouvoir compter sur les crédits européens.
    Une solution consisterait à faire obtenir, d'une part, et à consommer, d'autre part, les crédits européens pour les régions éligibles. Cela vous permettrait, monsieur le ministre, de mieux doter les régions qui ne le sont pas par la voie normale des crédits PALULOS.
    Maire d'une ville non éligible aux fonds structurels, totalisant plus de 34 % de logements publics, je suis particulièrement sensible à ce problème. Pouvez-vous, monsieur le ministre, agir en ce sens pour permettre à ces régions d'accéder, avec davantage de moyens, à la stratégie d'aménagement du territoire sur les territoires urbains ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, vous posez là une question pertinente et de bon sens.
    Dans le cadre du financement provenant des fonds structurels des objectifs 1 et 2, vous connaissez le problème que pose l'utilisation des crédits en années n, n + 1, n + 2. Dans les programmations antérieures, les lignes de requalification urbaine étaient relativement faibles. Aujourd'hui, ces territoires ont leur propre dynamique économique et d'infrastructures. J'ai donc demandé que les comités de suivi qui permettent de rééquilibrer les lignes augmentent vigoureusement celles de requalification urbaine, au sens large, pour les quartiers relevant des objectifs 1 et 2.
    On disposera donc, pour la France, de fonds européens plus importants pour la politique de la ville qui bénéficiera à ces quartiers-là.
    De la sorte, le guichet unique, qui est souple, libre à l'égard de procédures, fongible et voué à la réussite des projets, nous permettra d'intervenir, les interventions dans les zones d'objectif 1 se trouvant quelque peu allégées.
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jego.
    M. Yves Jego. Ma question concerne le volet social de la politique de la ville.
    Vous avez fait part à la représentation nationale de votre souhait, monsieur le ministre, d'améliorer et de simplifier les procédures. La notion de guichet unique que vous avez évoquée ce matin satisfait, je crois, tous les élus de terrain que nous sommes et nous montre votre volonté de pragmatisme et d'efficacité.
    Ma question porte sur la manière dont on pourrait engager une réflexion ouvrant de nouvelles pistes pour réformer les modes de fonctionnement des structures sociales à l'échelon du terrain, des territoires. En effet, on s'aperçoit, dans nos quartiers, que l'action sociale relève à la fois des départements, des communes, des bailleurs et de l'éducation nationale, notamment en ce qui concerne la prévention en matière de santé. Or, chacun vit dans son monde, agit selon sa logique et ses compétences propres, selon des directives aussi, ce qui fait que les familles passent d'un guichet à l'autre et ne comprennent plus vraiment qui fait quoi.
    Il serait donc très important - des expériences ont été menées en ce sens dans certaines collectivités locales - que nous puissions réfléchir à un dispositif de centralisation ou plutôt d'organisation cohérente de l'action sociale sur le terrain.
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. Yves Jego. Ainsi la notion de guichet unique que vous appliquez à l'échelon national devrait pouvoir être déclinée à l'échelon de l'action sociale locale afin d'éviter que les familles en difficulté ne soient envoyées d'un site à l'autre sans comprendre qui fait quoi.
    M. Pierre Cardo et M. Nicolas Perruchot. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ce sujet est absolument crucial. Après la fongibilité et la mutualisation des moyens consacrés au logement, à l'habitat et à la rénovation des quartiers, il va falloir mutualiser les intelligences, les expériences, de façon à ce qu'il y ait un fil rouge, une ligne directrice dans le domaine social.
    Des expérimentations - les projets sociaux de territoire - sont menées dans dix-neuf départements, dans le cadre d'un accord conclu entre le ministère de la ville et l'Assemblée des départements. Laissons-les se développer. Toutefois, nous devons aller plus loin et plus vite dans ce domaine-là.
    Par ailleurs, il faut ajouter, au titre des intervenants, la CAF et un nombre d'associations nationales, voire internationales que vous avez oublié de citer.
    Il faudra manifestement, sous la responsabilité de l'élu, révolutionner ce secteur.
    Dans ma ville, 800 travailleurs sociaux dépendent de douze structures différentes, dont certaines sont situées à plus de 120 kilomètres de leur lieu de travail. Cela témoigne d'une certaine pesanteur.
    Je crois qu'en ne prêtant pas suffisamment attention à la mutualisation de nos moyens, on est un peu méprisant à l'égard de nos populations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.
    M. Maxime Gremetz. Mais, madame la présidente, je n'ai pas posé la mienne ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Cela fait environ une heure que j'ai appelé les questions du groupe communiste, monsieur Gremetz, et vous n'étiez point là. Mais si M. le ministre accepte, à titre exceptionnel, de répondre à votre question, je vous donnerai la parole.
    M. Maxime Gremetz. Il acceptera bien volontiers !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. J'y consens bien volontiers, madame la présidente.
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. M. Gremetz bénéficie d'une nouvelle amnistie. Cette fois-ci pour son retard ! (Sourires.)
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous avez la parole pour deux minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas ma faute si l'Assemblée est allée plus vite que prévu, puisque le débat devait durer trois heures cinquante-cinq. Cela signifie sans doute que le débat n'était pas passionnant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Le temps consacré au débat a été respecté. Poursuivez, monsieur Gremetz.
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Il n'était pas là et il ose donner des leçons !
    M. Maxime Gremetz. Cela dit, je n'étais pas en train de dormir, j'assistais au conseil de la FNACA car il faut aussi s'occuper des anciens combattants.
    Monsieur le ministre, je veux vous interroger sur la crise du logement, notamment sur celle qui fait rage dans la ville d'Amiens où elle s'accompagne d'un taux de chômage considérable : 16 % de chômeurs, soit 16 000 demandeurs d'emploi dans la seule agglomération amiénoise ; 40 % de jeunes sans emploi dans les quartiers dits sensibles d'Amiens-Nord, d'Etouvie ou de Victorine-Autier. Elle s'accompagne également de la multiplication des plans sociaux chez Abell - 600 salariés sont concernés -, Honeywell, Magneti-Marelli et chez Whirlpool, ainsi que de délocalisations...
    M. Gérard Hamel. Après cinq ans de socialisme !
    M. Maxime Gremetz. ... ce qui fera encore progresser le niveau de chômage.
    Selon la communauté d'agglomération, présidée par votre collègue Gilles de Robien, il y aurait 6 500 demandes de logement dont 2 000 à satisfaire en urgence.
    C'est ainsi que, dans la ville d'Amiens, nombreuses sont les familles, composées de deux voire trois générations d'adultes, qui s'entassent dans des logements bien trop exigus, dans des conditions à la limite de l'insalubrité. Et ce phénomène tend à s'accélérer, en raison de la multiplication des destructions de logements sociaux sous prétexte de rénovation urbaine.
    Ainsi, à ce jour, plus de 600 appartements du parc locatif social pouvant accueillir de trois à six personnes chacun, ont été démolis, alors que rares, très rares, sont les constructions généralement réalisées dans les communes périphériques et que les projets de reconstruction sur sites sont quasi nuls.
    Aussi, le nombre de logements à loyer modéré est en nette régression dans la ville d'Amiens.
    Dans les mois à venir, ce phénomène tendra à s'aggraver, puisque de nouvelles tranches de destructions - démolitions, comme vous dites, touchant plusieurs autres centaines d'appartements, sont programmées.
    Avouez-le, monsieur le ministre, cette situation est particulièrement préoccupante.
    Vous pourrez me répondre que les personnes concernées sont relogées. Certes, mais au lieu d'attendre trois ans, elles attendent cinq, voire six ans.
    On est en droit de se demander si la loi de solidarité et de renouvellement urbains n'est pas dévoyée à Amiens ou si son détournement n'a pas pour objectif une modification rampante de la composition sociale de la ville.
    En effet, la loi votée par la précédente majorité n'instaure-t-elle pas le principe qu'à une démolition doit se substituer une reconstruction ?
    M. Nicolas Perruchot. La question ?
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, posez votre question, s'il vous plaît ! Vous intervenez déjà à titre exceptionnel, aussi soyez correct vis-à-vis de vos collègues !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes pire que les autres !
    Mme la présidente. Votre question, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes insupportable, vous me faites perdre du temps !
    M. Pierre Cardo. Il y a la règle applicable à tout le monde et celle applicable à M. Gremetz, comme d'habitude ! Et si M. Gremetz avait assisté au débat, il saurait que le problème qu'il évoque a déjà été soulevé.
    M. Maxime Gremetz. J'en viens à ma question, madame la présidente, et je l'aurais déjà posée si vous ne m'aviez pas interrompu !
    Mme la présidente. Posez-la, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Pouvez-vous, monsieur le ministre, tout en me confirmant les principes sociaux de ladite loi, me faire connaître les moyens d'action que vous comptez employer afin de rappeler les obligations de construire avant de démolir ? Faute de quoi, la crise du logement ne manquera pas de s'aggraver.
    Par ailleurs, sachant que les moyens financiers du grand projet de ville sont insuffisants pour répondre aux besoins de ces quartiers sensibles, quels moyens financiers allez-vous accorder à l'agglomération amiénoise ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, j'ai été heureux de vous entendre. Permettez-moi d'évoquer à cette occasion les centres d'appel, dits call centers réussite amiénoise qui est aussi celle des zones franches urbaines instituées par le pacte de relance pour la ville de Jean-Claude Gaudin. C'est vrai que ce dispositif a permis de donner un souffle à l'emploi, notamment à l'emploi féminin dont la situation dans cette agglomération est remarquable.
    En ce qui concerne le logement, il s'agit d'un problème global. Il est vrai que le logement en France est en panne depuis dix ans, en tout cas depuis quatre ans, avec 30 % de constructions en moins durant les trois dernières années. Nous espérons, grâce au guichet unique, à l'augmentation du partenariat et au financement direct, faire 30 % de plus durant les années à venir.
    Notre seul problème est celui de la libération du foncier, d'où les deux conditions qui seront posées par la loi d'orientation et de programmation pour permettre de libérer immédiatement des terrains qui sont aujourd'hui gelés autour de nos villes, sans attendre les nouveaux schémas de cohérence territoriale, les SCOT, qui vont déclencher les nouveaux plans locaux d'urbanisme, les PLU.
    S'agissant de la mixité sociale et du partenariat entre les différentes communes, l'agglomération amiénoise est exemplaire. Le vote démocratique qui s'est exprimé en ce sens dans les différentes municipalités concernées l'a bien montré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

TRAVAIL, SANTÉ ET SOLIDARITÉ
III. - Ville et rénovation urbaine

    Mme la présidente. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Travail, santé et solidarité » : « III. - Ville et rénovation urbaine ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables
aux dépenses ordinaires des services civils
(mesures nouvelles)

    « Titre III : moins 264 430 euros ;
    « Titre IV : moins 31 415 561 euros. »

ÉTAT C
Répartition des autorisations de programme
et des crédits de paiement applicables
aux dépenses en capital des services civils
(mesures nouvelles)
TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : "                     ;
    « Crédits de paiement : "                    . »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 240 000 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 48 000 000 euros. »
    Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.
    (La réduction de crédits est adoptée.)
    Mme la présidente. Sur le titre IV de l'état B, M. Grosdidier, rapporteur spécial, et M. Laffineur ont présenté un amendement, n° 56 rectifié, ainsi rédigé :
            « Réduire les crédits de 1 000 000 euros. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial. La commission des finances a adopté l'amendement proposé par M. Laffineur, qui tend à supprimer les crédits affectés au fonctionnement de l'Institut des villes. Elle a estimé que cet organisme pouvait faire partie du programme d'économies qu'elle estime nécessaire, dans la mesure où il semble se superposer à la délégation interministérielle à la ville, qui est le bras séculier de la politique de la ville, et au Conseil national des villes, qui regroupe l'ensemble des partenaires concernés par la ville et qui est la force de proposition des praticiens du terrain.
    Par ailleurs, le travail de l'Institut des villes se limite à une pure réflexion qui porte sur des thèmes comme la fiscalité locale, thème qui peut être traité par le comité des finances locales, ou sur des thèmes beaucoup plus abstraits comme « le temps de la ville » ou « la ville et vieillir » qui pourraient être étudiés par la DIV ou le Conseil national des villes. Rappelons aussi que le Parlement, le commissariat général du Plan ou encore le Conseil économique et social peuvent se pencher sur ces questions.
    Nous souhaitons donc la suppression des crédits de fonctionnement de cet organisme. En revanche, nous ne serions pas opposés à ce que le Gouvernement nous propose de réaffecter les crédits correspondants au profit d'actions sur le terrain dans le cadre du FIV, des ORU ou des GPV, c'est-à-dire au bénéfice non de la superstructure mais des populations que nous souhaitons aider au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Force est de constater que l'Institut des villes, qui était un concept de concertation entre les grandes associations, telles que l'Association des maires de France et l'Association des districts et des communautés de France, a eu du mal à trouver son rythme de croisière. Ses locaux, situés au coin de l'avenue Foch et de la rue de la Faisanderie, lieu propice à la réflexion sur la qualité urbaine et la ville durable (Sourires), ont été refaits.
    La création de cet institut n'était pas forcément une mauvaise idée. Mais devant le choix entre le financement de cette superstructure et ceux de travaux pour le terrain, je ne peux que me plier à la farouche volonté démocratique de la commission des finances. Je vous proposerai donc de réaffecter la somme de 1 million d'euros, dont il s'agit ici, au chapitre 46-60, article 40, en faveur de l'aide directe aux opérations de renouvellement des communes en grande difficulté. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lors de la réunion de la commission des finances, les commissaires du groupe socialiste ont été étonnés par cet amendement comme nous étonne l'empressement du Gouvernement à abonder une ligne qui est excessivement déficitaire par rapport au budget précédent.
    Au-delà de la dimension sarcastique de l'intervention du ministre, on ne peut faire d'analyse pertinente de la réalité de ce type de structure, créée, je le rappelle, en janvier 2001, qu'en disposant d'un recul suffisant. Il est peu pertinent de se livrer à des évaluations qui ne portent que sur quelques mois de fonctionnement.
    Quel dommage qu'on ne laisse pas les projets aller à leur terme !
    L'Institut des villes avait reçu pour mission de capitaliser, de valoriser et de diffuser les travaux de recherche et les savoir-faire. C'est actuellement le seul organisme qui permette aux associations d'élus de débattre directement avec les représentants du ministère et surtout - excusez du peu - avec ceux de la Caisse des dépôts et consignations. Nous sommes tous des praticiens en la matière et nous savons combien pèse la Caisse des dépôts et consignations dans la réhabilitation des logements sociaux, dans les processus d'accompagnement d'acquisitions et d'amélioration et, bien entendu, dans les projets de rénovation de la ville.
    Nous pensons que l'Institut des villes, qui n'a pas encore livré tout son intérêt, avait d'abord une grande importance dans le débat avec les associations d'élus. Dorénavant, ce débat manquera, eu égard notamment à la dimension que M. le ministre entend donner à la politique de la ville.
    C'est en favorisant un travail plus proche de la réalité, plus proche des élus, avec un vecteur de décision rapproché du maire que le processus d'analyse des situations, des échanges, des savoir-faire et des compétences, en liaison avec les associations d'élus, aurait été pertinent. Or nous avons le sentiment qu'on est allé trop vite dans l'évaluation de la capacité de l'Institut des villes. Nous le regrettons, tout en espérant qu'aucun sous-entendu ne se dissimulait derrière les analyses par ailleurs pertinentes de la commission.
    Nous demandons le retrait de l'amendement en discussion car il traduit une vision un peu doctrinaire...
    Mme Nadine Morano. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... de l'action du précédent gouvernement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Mes chers collègues, nous discutons d'une structure - certains ont même parlé de superstructure - consacrée à la réflexion et à la concertation au niveau supérieur, qui s'ajoute au Conseil national des villes, qui fonctionne depuis des années et où siègent des représentants de la Caisse des dépôts et d'associations d'élus. Si ma mémoire est bonne, c'est Michel Rocard qui a mis en place ce conseil, dont je suis les travaux depuis une douzaine d'années.
    Les débats que nous avons eus jusqu'à présent et les vingt ans de politique de la ville qui sont derrière nous démontrent que c'est plutôt sur les territoires qu'il faut organiser les échanges de savoirs et conduire la concertation.
    Il existe déjà une délégation interministérielle à la ville, qui gère la politique de la ville en tant que telle, un ministère de la ville, un conseil national des villes et des structures qui représentent les maires des villes de banlieue. Pourquoi avoir créé une nouvelle structure, qui coûterait de surcroît 1 million d'euros ? Il est vrai qu'en un ans ou deux, on n'a pas eu le temps de voir tout ce qu'elle pouvait donner. Mais, entre nous soit dit, elle n'aurait pas donné grand-chose.
    Au moment où la politique de M. le ministre place le maire en première ligne, avec des enveloppes qui lui sont attribuées par des conventions avec l'Etat et des conventions passées avec le secteur associatif, si l'on me disait que l'on supprime 1 million d'euros attaché initialement à une structure qui ne sert à rien, je ne serais pas choqué mais je ne serais pas spécialement emballé. Cela dit, il faut être pragmatique.
    Vous parlez, monsieur Le Bouillonnec, de sectarisme ou d'idéologie. Je suis désolé, mais je ne vois pas très bien où ils sont ! Ce qu'il faut, c'est faire fonctionner au maximum ce nouveau partenariat sur le plan local. Dans cette perspective, je préfère, plutôt que de financer une superstructure, financer l'action sur le terrain. C'est ce qui sera fait si nous votons l'amendement suivant. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Notre pays détient le record du nombre d'instituts, de commissions et autres organismes. Souvent, on ne sait pas très bien à quoi ils servent.
    Un Institut des villes a été mis en place. Le moins que l'on puisse dire est qu'il est redondant avec le Conseil national des villes, l'Association des maires des grandes villes de France, la Fédération des maires des villes moyennes, l'Association des petites villes de France et l'Association des maires de France. Et tout cela fait des études et fait travailler des fonctionnaires. Je pense donc que l'on peut supprimer l'Institut des villes.
    Notre collègue Le Bouillonnec a eu un peu de mal à trouver des arguments très convaincaints. En commission des finances, d'ailleurs, le groupe socialiste n'a pas voté contre l'amendement. Pour ma part, j'y suis très favorable, comme à celui du Gouvernement, qui tend à affecter le 1 million d'euros aux actions sur le terrain. Nous aurons ainsi fait oeuvre utile pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Madame la présidente, la commission des finances est décidée à poursuivre son action.
    Le diagnostic du mal français est bien connu : l'empilement des structures, l'illisibilité pour nos compatriotes des responsabilités de chacun. Ce n'est là que le début d'une action visant à la remise en cause de certaines structures. Tous nos voisins répètent en permanence que la France est sur-administrée et sous-organisée.
    M. Pierre Cardo. C'est vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il appartient au Parlement de faire son travail.
    Si l'on veut absolument échanger les savoirs, les villes peuvent toujours cotiser entre elles. Pourquoi faudrait-il toujours des subventions pour travailler ensemble et partager des savoirs ?
    Le volontariat suppose que les gens s'associent et cotisent ensemble sans faire appel à l'Etat en permanence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    Sur le titre IV de l'état B, le Gouvernement a présenté un amendement, n° 85, ainsi rédigé :
    « Majorer les crédits de 1 000 000 euros. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. J'ai déjà défendu cet amendement, madame la présidente.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, si vous aviez abondé de 100 millions d'euros l'article 40 du chapitre 46-60, nous aurions activement pris part au vote. Mais vous comprendrez qu'il ne nous soit pas possible d'accepter un abondement opéré dans de telles conditions - je veux parler de la « suppression », comme on l'a dit tout à l'heure, de l'Institut des villes. Cela rend pour nous l'amendement inacceptable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Je peux comprendre la position de refus sur l'amendement précédent. Mais je trouve regrettable que l'on puisse s'opposer à celui-ci dans la mesure où les crédits seront affectés aux communes qui connaissent des difficultés financières importantes.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 85.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le titre IV, modifié par les amendements adoptés.
    (Le titre IV, ainsi modifié, est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Je précise qu'il n'a pas été décidé de supprimer l'Institut des villes,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela a pourtant été dit !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... mais de réaffecter ses crédits. Ce n'est pas une filiale de l'Etat, c'est un lieu de partenariat. Si d'autres partenaires souhaitent s'y associer, ce sera une autre question, qui ne nous concerne pas.
    D'autre part, je souhaiterais que le ministère de la ville, qui est confronté à des procédures complexes, puisse s'appuyer sur l'expertise de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances. Nous serons très heureux de l'accueillir pour qu'elle nous aide à simplifier certaines procédures et à rendre nos financements plus pertinents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, concernant la ville et la rénovation urbaine.
    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Election, par scrutins secrets, dans les salles voisines de la salle des séances (cf. note 1) : des douze juges titulaires de la Haute Cour de justice, des six juges suppléants de la Haute Cour de justice, des six juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République.
    Questions au Gouvernement.
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Intérieur ; article 72 :
    Sécurité intérieure et gendarmerie :
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 27 du rapport n° 256).
    Sécurité intérieure :
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome II de l'avis n° 261).
    Sécurité civile :
    M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome III de l'avis n° 261).
    Administration générale et territoriale :
    M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 28 du rapport n° 256).
    Collectivités locales :
    M. Marc Laffineur, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 29 du rapport n° 256).
    Administration générale et collectivités locales :
    M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome IV de l'avis n° 261).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT

NOTE (S) :

(1) Les scrutins seront ouverts de 15 heures à 18 heures.