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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 24 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 23 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Election des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE «...»

MM. Jean-Claude Sandrier, Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

FORMATION DES AGENTS TERRITORIAUX «...»

MM. Bruno Bourg-Broc, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

CONSOMMATION DES MÉNAGES «...»

MM. Gérard Bapt, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

FRANCE TÉLÉCOM «...»

MM. Jean Dionis du Séjour, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

TVA SUR LA RESTAURATION «...»

MM. Thierry Mariani, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

AIDES-OPÉRATOIRES «...»

MM. Daniel Spagnou, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

PRISONS LYONNAISES «...»

MM. Jean-Jack Queyranne, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉLINQUANCE EN MILIEU RURAL «...»

MM. Alfred Trassy-Paillogues, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

DÉCENTRALISATION «...»

MM. Jean-Pierre Nicolas, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.

INTERMITTENTS DU SPECTACLE «...»

MM. Maxime Bono, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

PRATIQUES COMMERCIALES
DE LA GRANDE DISTRIBUTION «...»

MM. Yannick Favennec, Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

PAYS «...»

Mme Hélène Tanguy, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

3.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

INTÉRIEUR, SÉCURITÉ INTÉRIEURE
ET LIBERTÉS LOCALES «...»

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la sécurité intérieure et la gendarmerie.
M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police.
M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les collectivités locales.
M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'administration générale et territoriale.
M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'administration générale et les collectivités locales.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
M. Jean-Christophe Lagarde.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

MM.
Jean-Christophe Lagarde,
Jacques Brunhes,
Jacques Pélissard,
Jean-Pierre Blazy,
Nicolas Perruchot,
Axel Poniatowski,
Jean-Pierre Balligand.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

ÉLECTION DES JUGES DE LA HAUTE COUR
DE JUSTICE ET DE LA COUR
DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

    M. le président. Avant d'aborder les questions au Gouvernement, je rappelle que vont se dérouler, dans les salles voisines de la salle des séances, les scrutins pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République.
    L'élection ayant lieu au scrutin plurinominal, vous avez la faculté d'exprimer votre vote en choisissant plusieurs bulletins, à la condition, toutefois, de ne pas désigner ainsi plus de candidats qu'il n'y a de sièges à pourvoir. Les votes non conformes à cette règle seront déclarés nuls.
    Je déclare ces scrutins ouverts. Ils seront clos à dix-huit heures.

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. L'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées constitue un progrès social et humain considérable. Son succès démontre que cette mesure prise par le précédent gouvernement correspond à un besoin trop longtemps sous-estimé. Ce succès a naturellement des conséquences financières.( « Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Monsieur le Premier ministre, n'ayant obtenu aucune réponse de la part du ministre de l'économie et des finances à notre proposition de financement, je la réitère aujourd'hui au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains. Il suffirait de ne pas baisser les impôts des contribuables des deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire des plus riches.
    M. Lucien Degauchy. Ils sont partis les plus riches. Ils ne sont plus là !
    M. Jean-Claude Sandrier. Cela rapporterait 1,2 milliard d'euros et permettrait de financer le surcoût de cette mesure sociale sans aucune imposition supplémentaire, notamment de la part des départements.
    M. Yves Nicolin. Démagogue !
    M. Jean-Claude Sandrier. Est-il si difficile de faire le choix d'aider les personnes âgées qui souffrent, plutôt que d'aider les riches à être encore plus riches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Pierre Goldberg. La réponse !
    M. le président. Laissez parler M. le secrétaire d'Etat !
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Quel toupet, dirait-on dans le Midi ! Vous venez de nous expliquer comment il faudrait financer une mesure que le gouvernement que vous souteniez a mise en place. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Hervé Novelli. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Pour quelle raison ne l'avez-vous pas financée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Voilà ce qui arrive lorsque l'on met la charrue avant les boeufs ! (Mêmes mouvements.) Vous avez fait de la publicité avant de travailler sérieusement à la mise en place de cette mesure sociale.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous avez créé des inégalités dans les départements parce que vous avez mal préparé cette mesure (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste),...
    M. Bernard Derosier. Non !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... parce que vous n'avez pas procédé à la concertation qu'il était indispensable de faire.
    M. Pierre Goldberg. Et la réponse ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous avez créé des inégalités parmi les bénéficiaires, monsieur le député, parce que, vous le savez très bien, l'APA n'est pas la même selon que l'allocataire vit à son domicile ou en établissement. La réponse, nous allons l'apporter, mesdames, messieurs les députés, tout simplement parce que nous, nous allons faire du social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), mais nous allons faire du social sérieusement et nous ne mettrons pas la charrue avant les boeufs ! Nous allons vous proposer des financements pour appliquer votre mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. On n'a pas la réponse !

FORMATION DES AGENTS TERRITORIAUX

    M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, nombreux sont les maires qui assistent, exaspérés, au départ de leurs agents territoriaux dès leur formation initiale effectuée et leur titularisation acquise. C'est notamment le cas pour les policiers municipaux, les ingénieurs.
    La semaine dernière, vous avez présidé le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et vous avez esquissé un projet de réforme dans lequel vous avez usé du conditionnel. Pourriez-vous nous dire en quelques mots quelles sont vos idées dans ce domaine et, surtout, à quelle échéance les maires, qui sont très demandeurs, peuvent espérer voir satisfaite l'une de leurs légitimes revendications ? Ce problème touche particulièrement les maires des petites et moyennes communes. (Applaudisements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, j'ai effectivement esquissé un projet de réforme devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale avec un objectif très clair : permettre aux collectivités locales de se doter des compétences dont elles ont et auront besoin. Ce projet est basé sur des principes très clairs. D'abord, il faut développer la formation initiale et continue, qui est un investissement et non un coût. Ensuite, le recrutement doit permettre l'égal accès de tous à la fonction publique territoriale. Mais il faut en même temps balayer certaines hypocrisies consistant, par exemple, à afficher des postes vacants alors qu'ils sont déjà affectés. Il faut également permettre la validation des acquis et des expériences professionnelles et favoriser l'apport de compétences sans limite d'âge.
    S'agissant de la formation, nous devons mettre un terme à l'injustice que vous décrivez. Une collectivité prend en charge la formation et, sitôt l'agent formé, il part vers une autre. La première investit, la seconde en profite. Il me paraît donc légitime que les agents formés soient invités à ne pas quitter la collectivité qui a financé leur formation avant trois ans (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et, dans le cas contraire, je propose que le nouvel employeur verse une indemnité compensatoire à la collectivité qui a assuré les frais de formation. (Mêmes mouvements.)
    Enfin, je souhaite qu'après avoir été reçu au concours, chaque fonctionnaire stagiaire suive chaque année, pendant trois ans, une formation d'un mois de façon à concilier la période de formation et la période d'activité. Nous avons engagé avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le Conseil supérieur et les centres de gestion, un dialogue constructif impliquant également les organisations syndicales. La majorité de ces dispositions pouvant être prises par décret, je pense que d'ici à un an nous les aurons quasiment toutes adoptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

CONSOMMATION DES MÉNAGES

    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, hier, une mauvaise nouvelle est tombée. La consommation des ménages a fortement baissé en septembre, pourtant le mois de la rentrée scolaire, par rapport au mois d'août. Cette baisse a affecté principalement le champ « commerce », c'est-à-dire la consommation populaire, la seule qui soutient la croissance lorsque l'investissement des entreprises est en panne. Dès hier soir, d'ailleurs, votre ministre délégué au budget en tirait la conséquence en révisant à la baisse la prévision de croissance qui était celle du Gouvernement il y a trois mois seulement. Une croissance en baisse, cela signifie des difficultés accrues pour l'emploi et une montée du chômage.
    Pendant la discussion du projet de loi de finances rectificative cet été et pendant celle du projet de loi de finances pour 2003, la semaine dernière, nous n'avons cessé de vous répéter qu'en multipliant les cadeaux fiscaux aux ménages les plus aisés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) tout en refusant de relancer la consommation populaire vous prépariez l'austérité pour le plus grand nombre (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.). Cette austérité, les ménages les plus modestes la connaissent déjà. Elle s'inscrit dans les chiffres de la consommation.
    Il est encore temps, monsieur le ministre, dans le projet de loi de finances pour 2003, de changer de politique, de revenir, par exemple, sur les cadeaux fiscaux aux 70 000 familles les plus riches en annulant le quasi-doublement de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile...
    M. Patrick Labaune. N'importe quoi !
    M. Gérard Bapt. ... et de choisir, au contraire, la croissance et l'emploi par la justice fiscale et la relance de la consommation du plus grand nombre. Après avoir examiné les chiffres de la consommation, monsieur le ministre, y êtes-vous décidé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il est exact que les mois se suivent et ne se ressemblent pas.
    M. Jérôme Lambert. La consommation non plus !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avant la baisse du mois de septembre dont vous avez fait état, permettez-moi de vous rappeler que la consommation avait augmenté au mois d'août. Cette hausse, qui a donné lieu à moins de commentaires, sans doute parce que nous étions tous en vacances, nous a néanmoins permis d'enregistrer une augmentation de 0,9 % sur l'ensemble du troisième trimestre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vous signale par ailleurs que les chiffres de l'INSEE nous donnent la quasi-certitude que, sur l'ensemble de l'année, le pouvoir d'achat des ménages aura augmenté de près de 3 %.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est donc tout à fait normal de considérer que les conditions sont réunies pour que la consommation reprenne, sachant que ni le taux de rémunération de l'épargne ni l'évolution de la Bourse ne sont de nature à inciter les ménages à épargner plutôt qu'à consommer. Les perspectives budgétaires restent inchangées pour l'année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

FRANCE TÉLÉCOM

    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Jean Dionis du Séjour. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Monsieur le ministre, malgré des résultats d'exploitation exceptionnels, France Télécom va mal. France Télécom est même en danger. Tout le monde connaît maintenant le montant gigantesque de sa dette : 70 milliards d'euros. Le titre boursier est passé de 219 euros en mars 2000 à 10,47 euros deux ans plus tard. A la lecture de ces chiffres sidérants, une question se pose : où était donc passé l'actionnaire majoritaire, à savoir le gouvernement socialiste, et quel contrôle a-t-il assuré ? Où était-il, mes chers collègues ? Le plus souvent aux abonnés absents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. L'actionnaire c'est l'Etat, ce n'est pas le Gouvernement !
    M. Jean Dionis du Séjour. Pour des raisons idélogiques, ce gouvernement a imposé les modalités de rachat par emprunt d'Orange, pour ne pas aller au-dessus du seuil sacro-saint de 50 % de participation de l'Etat dans l'entreprise. Dans cette affaire, le gouvernement socialiste a complètement failli à sa mission d'actionnaire majoritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) en vous laissant une bombe à retardement financière (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qu'il vous revient maintenant, monsieur le ministre, de désamorcer.
    Vous avez récemment déclaré qu'un plan de refinancement de France Télécom serait présenté fin octobre. Nous y sommes, monsieur le ministre. Les 230 000 salariés de France Télécom, les 1,6 million d'actionnaires et l'ensemble des contribuables français ont le droit de savoir quelles sont les intentions de l'actionnaire majoritaire de France Télécom, à savoir l'Etat français. Il faut leur répondre. Alors, monsieur le ministre, quel est le contenu de votre plan de recapitalisation de France Télécom et quelle sera sa traduction budgétaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, France Télécom est au coeur de l'économie numérique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui est le futur de notre pays avant d'être relayée dans ce rôle par l'économie génétique.
    M. Jérôme Lambert. Cela a déjà été dit !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur cette double base, notre plus grand intérêt commun est de restaurer la crédibilité, les finances et la stratégie de France Télécom. Nous avons, le 2 octobre, nommé un nouveau président qui procède méthodiquement, professionnellement, calmement (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) à un état des lieux, avec un important soutien de l'extérieur. Cet état des lieux, dont j'ai partiellement pris connaissance hier, nous conduit à être confiants quant à la capacité de redressement de France Télécom, dont vous avez reconnu le potentiel en termes de marge et de résultats. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un plan sera annoncé dans les prochaines semaines, qui sera de nature à redonner à l'entreprise la crédibilité dont elle a besoin sur les marchés financiers et boursiers, pour continuer de mener à bien la mission importante qu'elle remplit au service de notre pays. Cela se traduira incontestablement, le moment venu, par les conditions les meilleures pour tous les actionnaires, y compris les petits actionnaires, par une recapitalisation de France Télécom. Les modalités de celle-ci ne sont pas encore totalement définies, car nous avons, comme vous, le souci de préserver à la fois la crédibilité à long terme de l'entreprise et les intérêts des petits actionnaires. Nous vous ferons part rapidement, car nous avons peu de temps devant nous, des conclusions auxquelles nous serons parvenus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jérôme Lambert. Il n'a rien dit !
    M. Jean-Pierre Brard. Et les salariés ? Et les usagers ?

TVA SUR LA RESTAURATION

    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe UMP. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je vous en prie, il n'a encore rien dit !
    M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, il y a six mois, nous avons pris un engagement clair : baisser le taux de la TVA sur la restauration. C'était un engagement juste et nécessaire. En effet, vous le savez, dans ce secteur lourdement pénalisé par l'application de la loi sur les 35 heures, cette baisse de la TVA peut permettre à la fois de revaloriser les bas salaires et de créer de nombreux emplois.
    Monsieur le Premier ministre, nous connaissons les difficultés de ce dossier. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous connaissons aussi votre détermination, et vous savez quelle est l'impatience d'une profession exaspérée par cinq années de promesses non tenues. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ma question est très simple : où en est le Gouvernement sur ce point précis de la baisse du taux de la TVA applicable à la restauration et selon quel calendrier notre engagement pourra-t-il être tenu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, il s'agit en effet d'un dossier très important (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), non seulement pour l'emploi, notamment dans les petites et moyennes entreprises, dans le secteur des services,...
    M. Jean Glavany. Ce n'est pas la France d'en bas qui va au restaurant !
    M. le Premier ministre. ... mais aussi pour les territoires, car les activités de restauration sont bien réparties sur l'ensemble de notre territoire. C'est pourquoi il s'agit d'une priorité nationale. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais il faut tenir le langage de la vérité : c'est évidemment un dossier difficile parce qu'il faut, d'une part, un rapport de la Commission européenne (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et, d'autre part, un accord de l'ensemble du Conseil européen. (Mêmes mouvements.) Nous avons engagé ces démarches. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. le Premier ministre. J'ai parfois le sentiment que certains, dans cette assemblée, se réjouissent quand la consommation baisse et quand les entreprises sont en difficulté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le Premier ministre. Ce n'est pas l'attitude du Gouvernement. Nous avons agi avec détermination et obtenu ce qui ne l'avait pas été précédemment. (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quelle image donnez-vous là de la démocratie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Souvenez-vous de l'exaspération exprimée par les Français le 21 avril dernier ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. 18 % !
    M. le Premier ministre. Personnellement, je ne me suis jamais comporté de cette façon dans un hémicycle. (Mêmes mouvements.)
    Nous avons obtenu ce qui n'avait pas été obtenu précédemment, c'est-à-dire l'engagement de la Commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) M. Prodi est venu à Paris pour nous dire qu'il déposerait le rapport concernant la TVA sur la restauration au premier trimestre de l'année 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Fort de la position de la Commission, je dis ici, devant la représentation nationale, que nous tiendrons notre engagement, non seulement à l'égard des professionnels de la restauration, mais aussi à l'égard de tous les jeunes qui attendent la baisse de la TVA sur le disque, parce que c'est très important pour eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Des engagements ont été pris. Mesdames et messieurs les députés, vous pouvez compter sur nous : ils seront tenus ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

AIDES-OPÉRATOIRES

    M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe UMP.
    M. Daniel Spagnou. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, il y a plus d'un an, notre collègue Bernard Accoyer interpellait le gouvernement de l'époque sur les inquiétudes des associations professionnelles des aides-opératoires et des aides-instrumentistes concernant les modalités d'élaboration du décret d'application de l'article 38 de la loi du 27 juillet 1999 relative à la création d'une couverture maladie universelle. Cet article stipule en effet que peuvent intervenir auprès d'un praticien, au cours d'une intervention chirurgicale, les personnels, aides-opératoires et aides-instrumentistes exerçant cette activité depuis une durée au moins égale à six ans, et ayant satisfait avant le 31 décembre 2002 à des épreuves de vérification des connaissances dans les conditions déterminées par le décret. Or, à ce jour et à moins de trois mois de la date butoir, ce fameux décret qui doit définir les conditions de validation des compétences professionnelles n'est toujours pas publié, malgré l'injonction du Conseil d'Etat. La situation est donc terriblement urgente d'autant que nos établissements hospitaliers manquent cruellement d'infirmières.
    Nous avons aujourd'hui un personnel compétent, constitué de ces quelque 4 000 aides-opératoires, qui vont se retrouver hors-la-loi dans quelques semaines, alors qu'il y a un besoin extraordinaire dans ce domaine. Cela inquiète bon nombre de chirurgiens et d'établissements, qui risquent bientôt de ne plus pouvoir assurer leur mission.
    Monsieur le ministre, comment comptez-vous mettre fin à cette situation pour le moins paradoxale, liée à l'incapacité chronique du précédent gouvernement à régler les problèmes auxquels il était confronté ? Il faut donner à ce personnel compétent la reconnaissance professionnelle qu'il est en droit d'attendre de la part de l'Etat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, pendant des années, un personnel dévoué à exercé les fonctions d'aide-opératoire. La loi du 27 juillet 1999, dite loi CMU, dans son article 38, prévoyait les conditions de reconnaissance de cette activité professionnelle.
    Il est vrai que, pendant trois ans, la réponse a tardé. Je suis en mesure aujourd'hui de vous dire que le décret est paru au Journal officiel du 12 octobre, et que l'arrêté d'application a été signé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Cela signifie que, sur l'ensemble du territoire, les épreuves vont être organisées par les DRASS ; que deux sessions sont prévues, de telle sorte que les résultats soient connus avant le 31 décembre 2002. Les quelque 4 000 aides-opératoires pourront ainsi poursuivre leur activité dans des conditions professionnelles et réglementaires enfin clarifiées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRISONS LYONNAISES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Jack Queyranne. Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez la situation des prisons lyonnaises, Saint-Paul et Saint-Joseph ; pour les avoir visitées, vous avez pu constater leur état de vétusté et leur surpeuplement.
    Le gouvernement précédent avait engagé un plan de transfert de ces deux établissements pénitentiaires, avec la création, d'une part, d'une maison d'arrêt près du palais de justice et, d'autre part, d'un centre de détention pour l'exécution des peines. La communauté urbaine avait été saisie, des terrains proposés...
    M. Yves Nicolin. Des terrains inondables !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... et cela avait fait l'objet d'un consensus de la part des élus.
    Or votre secrétaire d'Etat, M. Bédier, qui s'est rendu à Lyon la semaine dernière, a rejeté ces propositions.
    M. François Goulard. Il a bien fait !
    M. Jean-Jack Queyranne. Une telle décision a remis en cause le dialogue qui avait été engagé avec les élus et avec les personnels pénitentiaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    De plus, en faisant le choix, comme l'a exprimé M. Bédier, d'un établissement d'au moins six cents places, c'est-à-dire d'un grand établissement pénitentiaire, vous avez marqué votre préférence pour les intérêts des grands groupes privés que vous avez sollicités... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Arnaud Montebourg. Absolument ! Très bien ! Enfin dénoncé !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... pour cette construction.
    Dans ces conditions, monsieur le ministre, je voudrais savoir comment vous allez régler le problème difficile des prisons lyonnaises. Il est urgent de procéder au transfert. La méthode choisie par le ministère de la justice implique-t-elle de passer outre les élus, les personnels pénitentiaires et leurs intérêts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, n'entrons pas dans un jeu de caricatures ! (« Très bien ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous êtes élu local, je le suis aussi. Je connais les compétences des uns et des autres : à l'Etat d'assumer l'investissement et la gestion des prisons ; aux élus locaux de décider de la destination des sols, c'est-à-dire du droit à construire. D'où l'évidente nécessité d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités locales pour réaliser les opérations que vous souhaitez.
    M. Bernard Roman. Justement !
    M. le garde des sceaux. A Lyon, aucun transfert n'avait été engagé, puisque aucun terrain n'avait été choisi. (Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Soyez logique, monsieur le député ! On ne peut transférer des prisonniers que quand la prison est construite.
    Je souhaite, monsieur le député, que les projets concernant le département du Rhône, et en particulier l'agglomération lyonnaise, soient inclus dans le programme 2003. En effet, sous l'autorité du Premier ministre, le budget dont nous débattrons dans quelques jours prévoit un doublement des autorisations de programme du ministère dont j'ai la responsabilité...
    Mme Martine David. Vous remettez en cause les propositions des élus !
    M. le garde des sceaux. ... pour pouvoir engager, dès 2003, le maximum d'opérations de construction de prisons. Et je souhaite ardemment, comme vous, monsieur le député, que les projets lyonnais figurent dans cette tranche de projets.
    Comment allons-nous procéder ? Je rappelle qu'il y a aujourd'hui 640 prisonniers dans les prisons lyonnaises. Alors ne dites pas que 600 est un chiffre excessif. Il faut même, à l'évidence, aller au-delà.
    Je souhaite qu'il y ait deux établissements : un pour adultes, un pour mineurs. L'établissement pour adultes pourrait compter 600 places, parce que c'est un chiffre optimum à beaucoup d'égards. En effet, un tel établissement ne demande pas plus de terrain qu'une prison de 300 places, pour des raisons techniques qu'il serait trop long d'expliquer. S'agissant de l'établissement pour mineurs, je souhaite que nous allions un peu plus loin dans l'analyse technique du terrain de Saint-Fons-Lyon. Je pense que vous voyez de quel terrain je veux parler...
    L'autre terrain, celui de Vaulx-en-Velin, s'est révélé inondable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Evidemment !
    M. le garde des sceaux. Après les événements du Gard, franchement, je crois que les pouvoirs publics doivent donner l'exemple et cesser de réaliser ce type d'opération.
    Pour conclure, je voudrais répondre à M. le député du Rhône et à l'ensemble des élus qui ont la responsabilité, à l'intérieur de la communauté urbaine ou à l'extérieur de celle-ci, que c'est avec les élus qui ont la maîtrise de l'urbanisme que nous réglerons ce problème, chacun devant prendre ses responsabilités. L'Etat est prêt, l'Etat dispose des crédits, les projets sont prêts à être mis en oeuvre. Il faut maintenant que le dialogue avec vous, mesdames, messieurs les élus locaux du département du Rhône,...
    Mme Martine David. Il n'y a pas eu de dialogue !
    M. le garde des sceaux. ... nous permette de trouver des terrains constructibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilbert Meyer. C'est l'arroseur arrosé, M. Queyranne !

DÉLINQUANCE EN MILIEU RURAL

    M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe UMP.
    M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous avons adoptée l'été dernier prévoit la création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie, ainsi que l'allocation de 5,6 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans. Les élus locaux disposent également d'un rôle accru dans le nouvel organigramme de la sécurité intérieure, dont l'action est devenue plus lisible à travers le regroupement opérationnel de la police et de la gendarmerie, placées dorénavant toutes deux sous votre autorité.
    M. François Goulard. Bien !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. Après deux mois d'application, des résultats positifs ont déjà pu être observés en zone urbaine. En revanche, plus spécifiquement dans les zones rurales du ressort de la gendarmerie nationale, l'évolution très préoccupante de la délinquance, relevée ces dernières années et au cours des premiers mois de l'année 2002, provoque l'inquiétude grandissante de la population. Les élus ruraux souhaiteraient connaître les orientations qui ont été données à la gendarmerie nationale pour lutter contre la délinquance en milieu rural.
    M. Jérôme Lambert. Il faut fermer des gendarmeries !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. De même, n'ayant jamais obtenu par le passé de statistiques fiables en ce domaine, ils aimeraient être informés de la situation réelle et de son évolution.
    Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment vous comptez associer et mieux informer les élus du monde rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, il est parfaitement exact que dans la ruralité nos compatriotes ont le même droit à la tranquillité publique et à la sécurité que dans nos villes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Or, si nous assistons à une diminution de la délinquance dans nos villes, ce n'est pas le cas dans le périurbain et dans la ruralité. Il faut regarder lucidement ce phénomène, le prendre tel qu'il est et apporter des solutions.
    La compétence des gendarmes n'est naturellement pas en cause. Que peut-on faire face à ce constat ? Je rappelle qu'au début de l'année l'augmentation de la délinquance en ruralité était à deux chiffres. Et au mois de septembre, on en est encore à plus 3,4 % en un mois, ce qui n'est pas supportable !
    Qu'allons-nous faire ?
    Premièrement, nous allons revoir le maillage territorial qui remonte à 1850.
    Deuxièmement, nous allons mettre en place les communautés de brigade. Il existe 3 600 brigades, dont 60 % ont six militaires. Or il est impossible, à six, d'assurer une présence de jour comme de nuit dans un canton. C'est une évidence absolue ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) En réalisant les communautés de brigade, sans fermer aucune brigade puisque, dans le même temps, Mme la ministre de la défense et moi-même avons obtenu 7 000 créations de postes de gendarmes - nous assurerons aux zones rurales une présence de jour comme de nuit. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, nous allons créer des PSIG - pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie - et des sections de recherche. Car le travail de la gendarmerie en campagne ne consiste pas à aller saluer la boulangère à 8 heures du matin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais à y assurer jour et nuit une présence d'investigation. Nos compatriotes, dans les campagnes, veulent des patrouilles pour assurer leur sécurité.
    Voilà, monsieur le député, la réponse précise que le Gouvernement vous devait. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉCENTRALISATION

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, les élus locaux voient avec grand intérêt le projet de décentralisation présenté par M. le Premier ministre, mais des inquiétudes demeurent. En effet, ils se retrouvent souvent entre le marteau et l'enclume. Elus de proximité, ils sont clairement identifiés par leurs administrés et attentifs à leurs besoins et à leurs sollicitations, qui se multiplient. De fait, les élus locaux supportent toujours plus de responsabilités, dans des domaines de plus en plus diversifiés. Pour autant, ils n'ont pas bénéficié, sous l'ancienne législature, des moyens financiers, techniques et humains nécessaires. Pis, les décisions prises par l'ancien gouvernement ont contribué à accroître leurs difficultés. Je citerai pour mémoire l'application des 35 heures, l'allocation personnalisée d'autonomie, la réforme des services départementaux d'incendie et de secours, la réforme de la taxe professionnelle, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et celle de la vignette. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ces décisions ont eu deux types de conséquences lourdes : d'abord, elles ont porté atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. A titre d'exemple, la part des recettes propres dans les budgets départementaux est passée de 65,5 % en 2000 à 58,8 % en 2002, quand les dotations de l'Etat passaient dans le même temps de 22,1 % à 37 %.
    M. Christian Bataille. Et la question ?
    M. le président. Elle va arriver, monsieur Bataille...
    M. Jean-Pierre Nicolas. Mais surtout, elles ont contraint un certain nombre de collectivités à accroître leur pression fiscale, comme ce fut le cas pour les départements, à la suite de l'application des 35 heures (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et à la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui n'a pas été financée. (« Oui, il a raison ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Quelle est votre question, monsieur le député ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Nicolas. Ma question, monsieur le président, la voilà : comme dit le dicton, chat échaudé craint l'eau froide et l'on peut comprendre que les élus locaux, dont le dévouement est exemplaire, hésitent entre l'espérance et l'inquiétude. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que la réforme de décentralisation donnera aux élus locaux les moyens concrets d'assurer les meilleures prestations à nos concitoyens ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Nicolas, vous avez clairement posé votre question. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) La situation que vous décrivez rend la décentralisation tout à fait indispensable. En effet, durant les cinq années précédentes, 15 milliards d'euros de fiscalité locale ont été supprimés. Ils ont été remplacés par des dotations - qui ont accru la tutelle financière de l'Etat - et des impôts d'Etat : dix-neuf ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Grâce à la réforme proposée par le Premier ministre pour la décentralisation, une telle situation ne sera plus possible. Quatre principes financiers seront inscrits dans la Constitution.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas fait !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Premier principe : la libre disposition de leurs ressources par les collectivités territoriales et leurs élus.
    Deuxième principe : l'assurance que les ressources propres des collectivités territoriales seront supérieures aux dotations de l'Etat.
    Troisième principe : l'honnêteté dans les transferts de compétences, l'Etat garantissant aux collectivités locales les ressources nécessaires pour exercer les compétences qu'il exerçait précédemment.
    Quatrième principe : l'obligation, pour l'Etat, de corriger les inégalités de ressources des territoires, notamment par la péréquation.
    M. Christian Bataille. Vous ne répondez pas à la question !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le député, la réforme de la décentralisation signifie plus de liberté pour les élus, plus d'égalité pour le territoire, plus de solidarité pour les populations. C'est donc une réforme qui apportera plus de démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

    M. le président. La parole est à M. Maxime Bono, pour le groupe socialiste.
    M. Maxime Bono. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, lundi 21 octobre, près de 10 000 professionnels de la culture ont manifesté leur attachement au régime des intermittents du spectacle.
    M. François Goulard. C'est un régime scandaleux !
    M. Maxime Bono. On ne le dira jamais assez, l'intermittence est une contrainte pour les professionnels du spectacle. La profession d'intermittent n'existe pas. Il n'existe que des professionnels qualifiés, des régisseurs lumière, des comédiens, des chefs opérateurs par exemple, pour ne citer que quelques-uns des métiers concernés. Si le régime dérogatoire de l'intermittence était supprimé, tous ces professionnels plongeraient dans la précarité. Si ce régime spécial n'existait plus, l'ensemble de notre appareil de production de biens culturels vacillerait, des salles de spectacle fermeraient, des compagnies disparaîtraient et la création artistique s'appauvrirait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Pourtant, c'est bien ce régime que le MEDEF veut purement et simplement supprimer. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont su pendant de nombreuses années préserver notre production artistique, sa qualité et les professionnels qualifiés du spectacle.
    M. Michel Herbillon. Nous aussi !
    M. Maxime Bono. Comment vous-même comptez-vous à présent faire face à cette nouvelle offensive du MEDEF contre le régime des intermittents du spectacle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Christian Bataille. Voilà une bonne question !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Vous avez raison, monsieur le député, la question des intermittents du spectacle est effectivement récurrente puisque mes prédécesseurs ont eu à connaître eux aussi des manifestations semblables.
    M. Bernard Roman. Oui, mais nous, nous avons apporté des solutions !
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est une question grave parce qu'elle concerne des dizaines de milliers de femmes et d'hommes. C'est une question grave parce que, en effet, elle est déterminante pour l'avenir du spectacle vivant, de la vie musicale, de la production audiovisuelle, de la production cinématographique dans notre pays. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est également une question grave parce qu'elle relève de la responsabilité des partenaires sociaux. Je vous rappelle que ce sont eux, et non le Gouvernement, qui gèrent l'UNEDIC. C'est enfin une question grave parce que l'intermittence du spectacle, qui est un régime spécifique d'assurance chômage, a subi au cours des dernières années les conséquences d'abus caractérisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Aujourd'hui, notre intérêt est de préserver l'intermittence du spectacle et de convaincre les partenaires sociaux (« Non ! le MEDEF ! » sur les bancs du groupe socialiste) que la survie de ce système dépend de l'éradication complète des abus constatés. C'est la raison pour laquelle le ministre des affaires sociales et moi-même avions confié à l'inspection générale des affaires culturelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et à l'inspection générale des affaires sociales une mission d'expertise, dont les conclusions nous seront remises le 30 novembre prochain. Nous verrons alors ce qu'il convient de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Arnaud Montebourg. Inspectez vite, monsieur Aillagon !

PRATIQUES COMMERCIALES
DE LA GRANDE DISTRIBUTION

    M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe UMP.
    M. Yannick Favennec. Ma question, à laquelle s'associent Marc Bernier et François d'Aubert, également députés de la Mayenne, s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. A Raffarin ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yannick Favennec. Monsieur le secrétaire d'Etat, le monde agricole, qui subit de plein fouet des crises à répétition amenant nos agriculteurs à douter de leur avenir et de leur métier, doit également faire face aux pratiques commerciales déloyales de la grande distribution. Les pouvoirs publics le reconnaissent : les fameuses « marges arrière » atteignent des niveaux incroyablement élevés, de l'ordre de 30 % à 40 %. Les agriculteurs, et en particulier ceux de la Mayenne et du Nord-Mayenne, que je représente, dénoncent depuis fort longtemps ces pratiques scandaleuses.
    M. Bernard Accoyer. Ils ont raison !
    M. Yannick Favennec. Ils sont d'ailleurs soutenus dans leur démarche par plusieurs associations de consommateurs.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, pendant que la grande distribution et les centrales d'achat font des marges démesurées sur le dos des producteurs et des consommateurs, de nombreux agriculteurs sont acculés à la faillite. Vous avez clairement montré votre volonté de régler ce problème puisqu'une réunion interministérielle s'est tenue vendredi dernier avec l'ensemble des parties concernées, sous votre présidence et sous celle de M. le ministre de l'agriculture. Cette rencontre a permis d'aborder les vraies questions, mais les agriculteurs attendent maintenant...
    M. Jérôme Lambert. Une réponse !
    M. Yannick Favennec. ... des actes concrets et des avancées significatives de la part de tous.
    Je connais votre intention d'engager un véritable mouvement de diminution de ces « marges arrière », mais je souhaiterais savoir aujourd'hui précisément et concrètement quelles décisions vont être prises et dans quel délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, il est parfaitement exact que les « marges arrière » ont atteint dans notre pays des proportions excessives, sans commune mesure avec la réalité des prestations commerciales que la distribution fournit aux producteurs. Cette situation est tout d'abord préjudiciable aux consommateurs, et vous savez à quel point le Gouvernement est attentif à leur pouvoir d'achat. Elle est également préjudiciable aux petites et moyennes entreprises, qui ne peuvent lutter à armes égales avec les multinationales dans un contexte pareil.
    M. François Liberti. C'est la faute du libéralisme !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai constaté que la situation était complètement bloquée : la commission d'examen des pratiques commerciales ne fonctionnait pas et aucune initiative n'avait été prise sur ce dossier qui traînait depuis de nombreuses années. (« Merci la gauche ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est dire le peu de cas que le gouvernement précédent faisait des consommateurs et des PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) J'ai donc renoué les fils du dialogue. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jérôme Lambert. Quel talent !
    Mme Martine David. Zorro est arrivé !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est chose faite aujourd'hui. Deux accords importants ont été signés entre distributeurs et producteurs. (« Super Zorro ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ils vont dans le bon sens. Mais nous souhaitons aller plus loin dans la réduction de cette « bulle des marges arrière ». C'est la raison pour laquelle j'ai rendu public, lundi dernier, un projet de circulaire...
    M. Arnaud Montebourg. Après les inspections, voici les circulaires !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... qui modifiera et remplacera les circulaires Scrivener et Delors, et permettra de diminuer encore ces marges. Monsieur le député, nous avons la volonté, et nous le démontrerons, de mettre en place des pratiques plus justes, plus équitables et plus transparentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

PAYS

    M. le président. La parole est à Mme Hélène Tanguy, pour le groupe UMP.
    Mme Hélène Tanguy. Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, ma question porte sur le dispositif des pays. Institués par la loi Pasqua de 1995, et confortés par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire de 1999, les pays ont permis de prendre en compte des réalités territoriales fortes, notamment en Bretagne. Ils peuvent jouer un rôle fédérateur entre élus et responsables économiques, autour de projets. Ils peuvent aussi, malheureusement, devenir un lieu de passage obligatoire et contraignant pour tous les dossiers ; ils brident alors la liberté des collectivités locales - communes, groupements de communes - dans leur partenariat.
    Par ailleurs, la constitution des pays n'est pas sans poser des difficultés : chevauchement de périmètres entre pays et communautés de communes ou d'agglomération déjà existantes, partage de compétences entre ces dernières et le nouvel échelon dans l'instruction des dossiers. Tout cela suscite parfois des dépenses de gestion supplémentaires, incomprises, et c'est bien normal, par les contribuables. En outre, depuis la loi Voynet de 1999, les pays sont obligés de se constituer en EPCI, en syndicat mixte, ou en GIP.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de vos intentions concernant le rôle précis que doivent jouer les pays dans l'organisation des territoires, et nous indiquer quelles mesures vous comptez prendre pour éviter qu'ils ne se transforment en un échelon administratif supplémentaire ? Si le pays n'existait pas, faudrait-il l'inventer ? Et quand il existe, faut-il le supprimer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Madame la députée, il y a des pays comme le vôtre, qui « marchent » et d'autres où c'est l'échec le plus total. En France, nous avons d'ailleurs le chic pour transformer une idée simple en parcours du combattant administratif (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), et pour étouffer une démarche politique intelligente dans une camisole réglementaire.
    M. René Couanau. C'est le génie de la gauche !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Quel objectif visons-nous ? Il s'agit de favoriser autant que possible la réunion des volontés locales autour d'une ambition collective : un projet de territoire. Mais il faut en rester là !
    M. Jean Glavany. C'est ce que prévoit la loi !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le pays ne doit être qu'un espace de projets, portés par une structure juridique souple. Le périmètre doit épouser le projet, non l'inverse. Il ne doit en aucun cas être une structure d'exécution.
    M. Jean Glavany. Ce n'est pas prévu par la loi !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce ne doit pas être non plus un enjeu de pouvoir pour les régions, pour les départements et pour l'Etat. C'est la raison pour laquelle il faut supprimer toutes les procédures consultatives, CRADT, SRADT, CDCI, pour intégrer la volonté exprimée avec une cohérence de territoire régionale. Par la qualité de son projet, le pays favorisera donc la mobilisation des fonds européens, nationaux, régionaux et départementaux. Il convient d'inciter les élus locaux à associer les forces vives économiques, sociales, associatives, à l'élaboration du projet, en affichant très clairement les principes mais en leur laissant très librement le soin d'organiser cette consultation.
    M. Jean Glavany. C'est la loi !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En résumé, le pays est un espace de projet, non d'exécution, l'expression d'une volonté locale, non un instrument de pouvoir.
    M. Jean Glavany. C'est ce qui s'appelle enfoncer des portes ouvertes !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il faut donner la priorité aux projets, non aux procédures, au fond, non au formalisme. On ne peut pas vouloir libérer les initiatives locales pour mieux les enfermer, la cohérence doit se faire au niveau régional et l'expression de la volonté au niveau local.
    M. Jean Glavany. Blablabla !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avec M. de Robien et M. Patrick Devedjian nous proposerons rapidement une clarification et une harmonisation des quatre lois.
    M. Jean Glavany. Heureusement qu'on ne vous a pas attendus !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. J'ai également saisi de ce sujet les délégations parlementaires à l'aménagement de ce territoire.
    M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

INTÉRIEUR, SÉCURITÉ INTÉRIEURE
ET LIBERTÉS LOCALES

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. le président. La parole est à M. Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité intérieure et la gendarmerie.
    En deuxième lieu, le budget permettra d'augmenter les effectifs présents sur le terrain : directement d'abord, grâce à la création de 890 emplois de gardien de la paix et de 1 200 emplois d'officier et de sous-officier de la gendarmerie ; mais aussi indirectement ensuite grâce à la création de 1 000 emplois de personnel administratif dans la police. Je souscris tout à fait à votre idée, monsieur le ministre, de recruter prioritairement des personnels administratifs car leur prise effective de poste peut intervenir rapidement. Plus fondamentalement encore, l'encadrement administratif de notre police est aujourd'hui insuffisant. Lorsque l'on établit des comparaisons internationales avec d'autres polices européennes, on constate que notre police est sous-administrée, moyennant quoi on utilise, en les gâchant, en quelque sorte, des personnels de police à des tâches pour lesquelles ils ne sont pas faits.
    A plusieurs reprises, la Cour des comptes ainsi que la mission d'évaluation et de contrôle de notre commission des finances ont pointé du doigt cette anomalie. On ne peut que regretter que l'objectif de créer 5 000 emplois administratifs, qui avait été affirmé dans la LOPS en 1995 - M. le rapporteur s'en souvient - n'ait pas été respecté. En conséquence, de trop nombreux emplois de policier sont aujourd'hui affectés à des tâches administratives. Créer des postes de personnels administratifs permettra donc de redéployer des policiers sur le terrain, là où on les attend, là où nos concitoyens les veulent.
    Néanmoins, ce genre de politique se heurte à des résistances et à la force des habitudes. Il vous faudra donc, monsieur le ministre, une volonté sans faille pour tirer toutes les conséquences du renforcement du personnel administratif et réaffecter à des tâches policières des personnels dont c'est le métier.
    En troisième lieu, le budget permettra de renforcer les capacités judiciaires de la police, puisqu'il prévoit 2 000 primes d'OPJ supplémentaires, l'objectif étant de doubler le nombre d'OPJ dans le corps des gradés et des gardiens pour atteindre un effectif de 8 000.
    Le budget et, d'une manière plus générale, la LOPSI vont permettre aux services de sécurité intérieure de sortir, enfin, d'une paupérisation indigne de la France de ce début de siècle. Cette situation, nous le savons bien, démotive les personnels, comme en témoignent les mouvements de protestation que notre pays a connus à l'automne 2001.
    Il n'était plus tolérable que nos policiers et nos gendarmes roulent dans des voitures mal entretenues, travaillent dans des locaux vétustes et en soient réduits à apporter au bureau leur ordinateur personnel.
    Il n'était plus tolérable que le déploiement du réseau ACROPOL, qui permettra - c'est bien le moins - aux policiers de se parler sans être écoutés par les voyous, se poursuive au rythme qui était d'un ou de deux départements par an jusqu'à présent. Au vu des dispositions que vous nous proposez, quatorze nouveaux départements vont en disposer dès l'année prochaine, le but étant de couvrir l'ensemble du territoire pour l'année 2008.
    L'enveloppe prévue par la LOPSI pour la police permettra de financer les priorités en matière d'équipement individuel là où de nombreux retards avaient été constatés - doublement du nombre de gilets pare-balles, renouvellement de l'armement individuel -, d'améliorer le taux de disponibilité du parc automobile, d'accélérer le déploiement d'Acropol en particulier dans les sites souterrains de la SNCF et de la RATP en région parisienne, de poursuivre de grands projets immobiliers et de lancer un programme ambitieux de casernements de CRS, ceux-ci faisant défaut, en Ile-de-France en particulier.
    Pour la gendarmerie, ce budget permettra le « rebasage » du budget. Derrière ce terme barbare se cache ni plus ni moins que le rétablissement de la sincérité des comptes sciemment sous-dotés. Nos collègues maires se féliciteront du fait que les crédits supplémentaires permettront d'éteindre la dette de la gendarmerie due au titre des loyers de ses casernements.
    Ces diverses mesures sont le signe concret, tangible, que la nation fait confiance à ses policiers. Les policiers et les gendarmes assument, au nom de la société, c'est-à-dire en notre nom à tous, l'une des tâches les plus complexes qui soit. Ils doivent se sentir soutenus ; ils doivent avoir les moyens de travailler. C'est la condition nécessaire pour que l'on exige d'eux des résultats.
    Néanmoins, la politique de sécurité intérieure ne se réduit pas à une simple question budgétaire. Tout cet effort financier s'inscrit, monsieur le ministre, dans des mesures d'ordre structurel majeures.
    Le rapprochement entre la police et la gendarmerie est naturellement la première d'entre elles. Désormais, l'emploi des forces de gendarmerie relève de votre autorité, tandis que la gestion des personnels et du matériel reste au ministère de la défense. Sans qu'il soit question de remettre en cause le statut militaire de la gendarmerie, auquel les intéressés sont légitimement attachés, on peut se demander s'il ne faudrait pas aller encore plus loin comme c'est le cas en Italie ou en Espagne, où la Garde civile, force de statut militaire, relève complètement, même pour sa gestion, du ministère de la police. D'autres réformes sont prometteuses.
    La première est la création de vingt-huit unités de GIR dans chaque région et même dans chaque département en Ile-de-France. En effet, faire travailler ensemble policiers, gendarmes, douaniers, agents du fisc ou de la répression des fraudes, était indispensable. Vous avez eu le mérite de le faire. On attendait de telles mesures depuis longtemps.
    Au titre des réformes structurelles figure la réorganisation de la gendarmerie, avec son renforcement dans les zones périurbaines - où, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, lors des questions d'actualité, l'explosion de la délinquance est la plus forte - mais aussi la réorganisation de son maillage territorial.
    Si l'objectif poursuivi ne peut être discuté, sa mise en oeuvre exigera de la prudence et du discernement. Le but est bien d'accroître la rapidité d'intervention de la gendarmerie. A l'heure actuelle, il n'est pas rare que les pompiers soient les premiers sur les lieux d'un événement. L'idée de regroupement en communautés est judicieuse, car elle peut permettre de concilier l'indispensable permanence du service et les exigences de confort de vie pour les gendarmes et leurs familles.
    Dans tous ces domaines, nous devons faire preuve de la plus grande imagination. Pourquoi, dans le partage entre les zones de police et les zones de gendarmerie, dans les villes où interviendrait un transfert de la police vers la gendarmerie, ne pas imaginer que soit prévue une période intermédiaire durant laquelle les policiers déjà en place et les gendarmes cohabiteraient sur le même site ? Cette période de cohabitation faciliterait la nécesaire transition.
    Par ailleurs, et je me permets d'insister, monsieur le ministre, il est indispensable que la doctrine d'emploi des forces mobiles évolue.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très bien !
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Notre pays dispose d'effectifs importants pour le maintien de l'ordre :...
    M. Gérard Léonard, rapporteur spécial de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la police. C'est vrai !
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. ... 30 000 personnes si l'on agglomère les gendarmes mobiles et les CRS. Il s'agit de personnels motivés et bien équipés. L'enjeu est d'investir ce professionnalisme dans des missions de sécurité publique. Nos concitoyens ne comprennent plus que les policiers dont ils manquent cruellement chez eux, s'agglutinent autour des lieux de pouvoir, l'arme au pied.
    Il faut, d'une manière ou d'une autre, territorialiser les forces de l'ordre et, ce faisant, réduire les temps de déplacement qui sont très longs. Aujourd'hui, osons le dire, la force des habitudes, mais aussi les critères d'attribution d'indemnités - l'IJAT en particulier - encouragent aux déplacements, ce qui fait que nos CRS et nos escadrons de gendarmes mobiles se croisent sur les routes, gâchant un temps précieux en déplacements. Nous devons évoluer sur ce point.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très bien !
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. La commission des finances se doit de poser le problème en termes d'efficacité de l'action publique.
    En termes de méthode, je vous encourage également, monsieur le ministre, à faire la chasse aux gardes statiques ; elles doivent devenir l'exception ! Rappelons qu'un poste de policier en faction vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cela correspond en fait à un effectif de sept personnes.
    Cette question se pose en particulier très concrètement dans les préfectures où il serait bien souvent possible de remplacer les gardes statiques par un système astucieux et plus économe, combinant la vidéosurveillance, la présence de vigiles et les rondes de police.
    En termes de méthode de travail, il est temps de sortir du tout-police de proximité. La méthode n'est pas condamnable en soi, elle présente des aspects intéressants. Ce qui est critiquable, c'est d'avoir trop attendu d'elle et d'avoir négligé le reste.
    Redisons des vérités d'évidence : la première fonction des policiers n'est pas de dire bonjour aux commerçants pendant les heures d'ouverture des magasins mais d'empêcher les voyous de nuire, de jour comme de nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    « Il faut reprendre la main dans le domaine de la sécurité. » Ce sont les propos même que tenait Jean-Marie Bockel, ce matin, sur les ondes.
    Les policiers ne sont pas des travailleurs sociaux. Ils sont recrutés pour prévenir la délinquance, poursuivre les voyous, les confondre et les appréhender. L'erreur est d'avoir laissé croire que la police de proximité allait résoudre tous les problèmes. L'erreur est d'avoir sacrifié à la police de proximité l'enquête judiciaire et l'investigation.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui !
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Les résultats ne se sont pas fait attendre. On a assisté, ces dernières années, à un effondrement du taux d'élucidation.
    La gauche a trop misé sur la police de proximité car elle avait à l'esprit une analyse erronée de la délinquance. Le sentiment d'insécurité importait plus pour elle que l'insécurité elle même. De cette analyse erronée découlait une méthode erronée : il s'agissait de montrer des uniformes bien plus que d'accroître l'efficacité du dispositif policier. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Caricature !
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Cette méthode a montré ses limites.
    Je ne voudrais pas terminer cette intervention sans évoquer le dossier de la sécurité civile et les pompiers envers lesquels nous avons une pensée particulière, après ce qui vient de se passer à Strasbourg.
    Vous avez fait ici même, monsieur le ministre, des annonces importantes concernant le volontariat. Nous ne serons jamais assez reconnaissants envers les pompiers volontaires, qui donnent leur temps et parfois même leur vie au service de leurs concitoyens.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. En 2003, le budget de la sécurité civile, permettra le renforcement du groupe des moyens aériens, la poursuite de la modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et la pérennisation du dispositif de soutien à l'investissement des SDIS.
    En conclusion, monsieur le ministre, je ne vous étonnerai pas si je vous indique que la commission des finances a adopté les crédits de la police et de la sécurité civile pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la police.
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la police. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet été, lors de l'adoption de la LOPSI et tout au long des débats qui l'avaient précédée, nous étions nombreux à nous réjouir du nouvel élan donné à la politique de sécurité dans notre pays.
    Un effort sans précédent en faveur de la police et de la gendarmerie était engagé tant pour leurs effectifs que pour leurs moyens matériels : 13 500 emplois supplémentaires sur cinq ans, dont 6 500 pour la police nationale ; 5,6 milliards d'euros de crédits nouveaux, assortis d'une réorganisation et d'un redéploiement des forces pour une plus grande efficacité.
    Jamais dans l'histoire de la Ve République, la sécurité intérieure n'aura bénéficié d'une contribution nationale d'une telle ampleur.
    Il est vrai aussi que jamais nous n'avions connu une situation aussi dégradée, marquée par une véritable explosion de la délinquance : plus de 40 % entre 1981 et 2001, dont près de 16 % entre 1997 et 2001 !
    Cette progression est d'autant plus inquiétante qu'elle concerne de plus en plus les crimes et délits contre les personnes. En dix ans, cette catégorie a augmenté de 90 %, et de près de 10 % pour la seule année 2001.
    Autre sujet de préoccupation : la délinquance des mineurs. Au cours des dix dernières années, le nombre des moins de dix-huit ans mis en cause à l'occasion de crimes et délits a augmenté de près de 80 %. Leur part dans le total des personnes mises en cause, qui était inférieure à 10 % en 1972, a atteint plus de 21 % en 2001. Pour bien mesurer la gravité de cette dérive, on rappellera que les treize/dix-huit ans représentent moins de 8 % de la population nationale.
    Mes chers collègues, je ne cite pas ces chiffres pour le plaisir mais pour que nous mesurions bien le défi auquel nous sommes confrontés, un défi qui justifie une détermination sans faille, s'exerçant, bien entendu, dans le respect des principes fondamentaux de notre droit - ce qui a été clairement confirmé par le Conseil constitutionnel.
    La loi du 29 août 2002 répond à l'attente des Français et à l'exigence de « reconquête républicaine » que jamais les gouvernements n'auraient dû perdre de vue.
    Si beaucoup ont approuvé cette nouvelle politique, certains exprimaient ouvertement des doutes sur sa mise en oeuvre concrète. Comme si, pour eux, la mariée était trop belle !
    Le budget 2003, sonnant l'heure de vérité, devrait amplement les rassurer et même, levant leur scepticisme, les conduire à voter ces crédits comme ils ont approuvé la programmation dont il est la pure expression, valorisée au-delà de ce que les plus optimistes pouvaient espérer.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il ne faudrait pas exagérer !
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. C'est la logique même. Ne laissez pas les considérations politiciennes l'emporter sur l'intérêt général. (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Je ne m'étendrai pas sur le détail des mesures proposées dans ce document budgétaire, vous renvoyant à l'excellent rapport de Marc Le Fur au nom de la commission des finances et, accessoirement, à celui que je présente au nom de la commission des lois.
    Pour ce qui est des personnels, je rappellerai brièvement que 1 900 emplois nouveaux seront créés dans la police nationale, qui s'ajouteront aux 1 200 emplois prévus pour la gendarmerie.
    On soulignera tout particulièrement, après Marc Le Fur, le millier de postes administratifs, techniques et scientifiques destinés à décharger les policiers des tâches qui ne relèvent pas directement des actions de sécurité publique.
    Ainsi, dès la première année de mise en oeuvre de la loi de programmation, près du tiers des emplois prévus sur cinq ans auront été créés.
    Mais les efforts développés pour renforcer les capacités opérationnelles de la police nationale ne se limitent pas à ces recrutements.
    Je rappellerai d'abord la décision de pérenniser 2 152 emplois en surnombre autorisés en gestion par le précédent gouvernement et non encore régularisés.
    Par ailleurs, des crédits supplémentaires permettront de compenser, par la voie indemnitaire, les effets de l'aménagement et de la réduction du temps de travail.
    Enfin, la nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles doit permettre d'affecter plusieurs milliers de CRS et de gendarmes mobiles à l'appui des missions de sécurité quotidienne.
    Ces créations d'emplois s'accompagnent de mesures catégorielles permettant de redynamiser les carrières et de revaloriser, de façon conséquente, le régime indemnitaire.
    Réjouissons-nous au passage du doublement de l'indemnité d'OPJ, portée à 600 euros par an, et relevons avec satisfaction que la qualification d'OPJ 16 sera attribuée à 2 000 gradés et gardiens supplémentaires.
    Les crédits de fonctionnement bénéficient, quant à eux, en application de la LOPSI, de mesures nouvelles pour un montant de 45 millions d'euros auxquels s'ajouteront 40 millions d'euros au titre de la loi de finances rectificative.
    Ces crédits permettront, enfin, d'achever le programme d'acquisition de gilets pare-balles, d'acquérir des matériels de protection et d'engager une première tranche du renouvellement de l'armement.
    Mérite également d'être salué l'effort très important consenti pour le renouvellement et la maintenance du parc des véhicules, plus que vieillissant : 40 millions d'euros supplémentaires lui seront consacrés dans la loi de finances rectificative.
    Quant à l'investissement, les crédits d'équipement couvrant l'informatique et les transmissions, les véhicules lourds, le logement et l'immobilier progressent de près de 53 % en crédits de paiement, et de 49 % en autorisations de programme.
    Pour l'immobilier, dont il est inutile ici de rappeler qu'il est trop souvent délabré, les moyens augmentent de 100 millions d'euros en autorisations de programme dont 40 millions en loi de finances rectificative et 66 millions d'euros en crédits de paiement. Ce qui veut dire que, par rapport à 2002, les moyens immobiliers de la police nationale seront doublés tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement.
    A court terme, les mises en chantier seront supérieures à 80 000 mètres carrés en 2003, contre 45 000 mètres carrés en 2002. Rappelons que l'objectif fixé par la LOPSI est de 100 000 mètres carrés en 2007.
    Au total, les crédits de la police augmenteront de plus de 300 millions d'euros, et ceux de la gendarmerie de 330 millions.
    Dans cet ensemble, 600 millions d'euros relèvent directement de la loi de programmation dont l'enveloppe quinquennale est ainsi acquise à hauteur de 40 %.
    Bien qu'indispensables, les moyens financiers, aussi imposants soient-ils - et ils le sont indiscutablement dans ce budget -, ne suffisent pas à assurer le succès d'une politique. La définition d'objectifs pertinents et clairement identifiés, servis par une stratégie performante, est une condition essentielle de la réussite.
    La loi d'orientation a clairement fixé de nouvelles priorités, et l'excellent budget qui nous est soumis contribuera fortement à leur réalisation.
    La nouvelle architecture institutionnelle, le placement des forces de gendarmerie et de police sous un commandement opérationnel unique, la création des groupes d'intervention régionaux à caractère pluridisciplinaire, le redéploiement d'une grande partie des forces mobiles pour la sécurisation sont autant de nouvelles dispositions qui assureront une plus grande synergie opérationnelle et, partant, une efficience accrue des services engagés dans la lutte contre l'insécurité.
    Au premier rang des nouvelles orientations données à la politique du Gouvernement par la LOPSI figure le rééquilibrage au profit de l'action judiciaire. A l'occasion de mes déplacements sur le terrain, j'ai pu mesurer combien ce rééquilibrage s'imposait si l'on voulait réduire massivement et durablement le nombre des crimes et délits dans notre pays.
    Depuis cinq ans, la priorité en matière de sécurité a consisté à développer une police de proximité. Sur le fond, l'option est louable. Elle a d'ailleurs été théorisée par la LOPSI de 1995. Mais force est de reconnaître qu'elle s'est soldée par un échec, faute d'y avoir consacré les moyens suffisants. Il en a résulté une police locale trop passive, peu productive et excessivement diurne.
    Pire encore, cette orientation a contribué à affaiblir les services d'investigation alors même que leur renforcement s'imposait, compte tenu de l'accroissement des affaires à élucider et de leur complexité de plus en plus grande.
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Tout à fait !
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Comme je l'avais souligné lors du débat sur la LOPSI, on a déshabillé Pierre l'enquêteur pour mal habiller Paul l'îlotier.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai !
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Mes visites sur le terrain ont amplement confirmé cette analyse, le cas le plus frappant étant, à la préfecture de police de Paris, celui de la direction régionale de la police judiciaire, compétente dans la capitale et les trois départements périphériques, puisque ses effectifs ont reculé de plus de 18 % en cinq ans. Dès lors, comment s'étonner du faible taux d'élucidation, lequel est passé de 33 % en 1992 à 25 % en 2001, police et gendarmerie confondues ?
    Mes chers collègues, un travail immense a été accompli en quelques mois, et ce budget en est l'éloquente expression.
    Votre action, monsieur le ministre, est impressionnante par sa force et sa pertinence. Elle est noble par les valeurs qui l'inspirent et qui sont celles de la République, car au-delà des polémiques mesquines et stériles, c'est cela qui est en jeu dans le combat que vous menez et que nous soutenons : assurer la sécurité pour tous sur l'ensemble du territoire est une noble cause, car c'est celle de la liberté et de l'égalité.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de votre excellent budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.
    M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour la sécurité civile. Paysages de désolation, vies brisées, populations meurtries, tel est le quotidien des personnels de la sécurité civile qui, en France comme à l'étranger, secourent sans relâche les victimes des drames individuels ou collectifs.
    Les tragédies de ces derniers mois nous ont montré plus encore l'étendue des missions de ceux qui mettent leur vie en danger pour sauver celle de leurs concitoyens. Les inondations, accidents industriels, incendies, déminages, accidents de la route et attentats dont les médias se font régulièrement l'écho sont autant de catastrophes qui suscitent détresse, interrogations, et parfois colère. Souvent les sinistrés nous demandent s'il n'est pas possible d'améliorer la prévention des risques naturels ou technologiques, l'information des citoyens et l'efficacité des retours d'expérience.
    La réponse est oui. Et grâce à ce budget, monsieur le ministre, les moyens sont enfin réellement mis en oeuvre pour lancer cette amélioration. En effet votre budget de la sécurité civile pour 2003 s'élève à 323 199 721 euros, soit une augmentation - sans précédent - de 29,7 % par rapport à l'année dernière : c'est dire l'effort du Gouvernement dans ce domaine. Cette augmentation significative va permettre de poursuivre la modernisation de la sécurité civile que chacun attend.
    L'organisation des secours relève d'une compétence partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales. Elle est d'ailleurs essentiellement à la charge de ces dernières, qui assurent le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
    En conséquence, le présent budget représente les moyens alloués à la direction de la défense et de la sécurité civile, structure de coordination et de soutien aux moyens de secours locaux. Celle-ci dispose à cette fin de moyens aériens, d'unités militaires d'instruction et d'intervention, d'établissements de soutien logistique, de centres de déminage, d'états-majors responsables des zones de défense et de structures de formation.
    En tant que rapporteur, je me réjouis que ce budget comprenne, enfin, de réelles avancées. En sus d'un certain nombre de mesures en faveur des personnels, il développe les moyens techniques de la sécurité civile ; il crée un fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours ; il regarde vers l'avenir et aide la sécurité civile à s'adapter aux nouvelles menaces.
    Je commencerai par les mesures en faveur des personnels.
    Chaque année, et l'actualité récente l'a rappelé de manière tragique, des personnels de la sécurité civile sont victimes d'accidents à l'occasion des missions qui les conduisent au secours des populations sinistrées. C'est ainsi, mes chers collègues, qu'en 2001, vingt et un d'entre eux sont morts au service de nos concitoyens, dont plus de la moitié dans le cadre d'opérations de secours. Plus de 5 500 ont été blessés lors d'interventions opérationnelles, dont 2 256 gravement. Mais surtout ce qui devient, monsieur le ministre, absolument insupportable, nous en avons encore eu un exemple récemment, c'est de voir certains sapeurs-pompiers qui, faisant leur devoir, sont victimes d'actes de violence, alors qu'avec courage et abnégation ils portent assistance à nos concitoyens. Chacun se souvient des trois pompiers qui ont été blessés ce week-end dans le quartier de Haute-Pierre, à Strasbourg, et de la manifestation de cinq cents de leurs collègues, hier, dans les rues de cette ville. Nous avons pris note avec satisfaction de votre volonté de mettre fin à cette situation.
    Les hommes et les femmes qui servent dans le corps des sapeurs-pompiers sont ainsi quelque 240 000, dont 200 000 volontaires. Sur eux repose la lutte contre les risques naturels ou technologiques : incendies, inondations, accidents technologiques, nucléaires, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. En 2001, ces hommes indispensables à l'organisation de notre pays ont réalisé plus de 3 600 000 interventions à la suite de sinistres dont la diversité et la complexité ne cessent de croître.
    En 2003, vous avez décidé d'agir par un budget établi en fonction des nécessités réelles et de l'aide indispensable à apporter aux hommes et aux femmes de terrain.
    En premier lieu, le budget de la sécurité civile pour 2003 comprend différentes mesures qui prennent en compte la particularité et la dangerosité des missions des personnels. Ainsi, une indemnité spécifique viendra compenser l'exigence de disponibilité des personnels des unités militaires et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris pour un montant de 3,3 millions d'euros.
    En second lieu, vous avez décidé de tout mettre en oeuvre pour remédier à la réelle crise du volontariat, cette clef de voûte du dispositif. En effet, depuis quelques années, on peut constater, d'une part, la stagnation des effectifs alors que le nombre des interventions s'accroît et, d'autre part, la diminution de la durée des engagements des volontaires alors que la gestion des crises se révèle de plus en plus compliquée. Il s'agit sans doute des conséquences des contraintes de la vie professionnelle et sociale d'aujourd'hui, de la judiciarisation croissante de notre société ou du contexte de plus en plus difficile dans lequel se déroulent les interventions.
    J'ajoute, à l'intention de nos collègues de gauche, et l'ensemble des syndicats et des professionnels l'ont souligné, que le temps libéré par l'instauration des 35 heures n'a manisfestement pas favorisé cet engagement au service de la collectivité, bien au contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ce sont les organisations syndicales qui le reconnaissent elles-mêmes !
    Dès cet été, monsieur le ministre, vous avez su mesurer la gravité de la crise du volontariat et apprécié le caractère d'urgence des mesures qu'il convenait de mettre en oeuvre. Afin de remédier à ce qu'un quotidien a qualifié de « mal-être des pompiers volontaires », vous avez nommé, dès le mois de juillet dernier, M. Jean-Paul Fournier, maire de Nîmes, président d'une commission chargée de dresser un bilan des actions menées en faveur des volontaires depuis 1990. Cette commission doit aussi évaluer l'application effective de ces actions et leur pertinence au regard des objectifs visés.
    Devant les sapeurs-pompiers réunis en congrès mi-septembre, vous avez rappelé les sacrifices qu'implique leur engagement et présenté les axes de travail en faveur du volontariat. Tous ces efforts devraient permettre de prendre rapidement des mesures concrètes. Vous avez également exprimé la volonté de voir évoluer la situation des volontaires sur des questions telles que l'attribution d'un avantage retraite au titre du volontariat, le montant de l'allocation de vétérance versée aux sapeurs-pompiers ayant quitté le service actif avant le 1er janvier 1998, la mise en oeuvre de mesures destinées à rendre le volontariat plus attractif ainsi que la prise en compte, au niveau scolaire et professionnel, de l'expérience de ces volontaires.
    Les réflexions et les concertations sont donc réellement engagées pour donner enfin au volontariat la reconnaissance qu'il mérite.
    Ce budget de la sécurité civile pour 2003 prend aussi des mesures favorables au développement des moyens de la sécurité civile. Ainsi, les investissements exécutés par l'Etat connaissent une nette progression, essentiellement imputable à l'effort réalisé sur les crédits de maintenance, dotés de 57 millions d'euros en autorisations de programme, contre 38 millions d'euros en 2002, et de 69 millions d'euros en crédits de paiement contre 54 millions d'euros l'année précédente.
    Les moyens de fonctionnement des services opérationnels enregistrent, eux aussi, une hausse significative, de 2,5 %, ce qui ne représente pas moins de 32 606 963 euros. L'un des objectifs est la poursuite de la modernisation de la flotte aérienne de la sécurité civile. En effet, si les canadairs ont été renouvelés, des hélicoptères vétustes sont encore en service.
    Grâce à ce budget, à l'issue du processus de renouvellement de la flotte d'hélicoptères, la direction de la défense de la sécurité civile disposera ainsi de moyens d'interventions modernisés. Or on sait combien leur concours est précieux dans le cadre de la lutte contre les incendies ou pour le secours des personnes. Sans les hélicoptères de secours, les inondations des 8 et 9 septembre derniers qui ont touché le Sud de la France, notamment le Vaucluse et le Gard, mon collègue Jean-Marc Roubaud en sait quelque chose, n'auraient pas seulement entraîné les vingt-cinq victimes qui sont, hélas ! à déplorer aujourd'hui, mais auraient également fait 800 morts, cette estimation reposant sur la seule base des personnes civiles hélitreuillées alors qu'elles étaient en situation de risque mortel.
    Le troisième point fort de ce budget en ce qui concerne la sécurité civile, et c'est sa principale innovation, est la création d'un fonds d'aide à l'investissement des SDIS.
    Afin d'aider les SDIS à faire face aux dépenses d'investissement nécessaires à la modernisation des services de secours, une majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement leur a été affectée en 2000, 2001 et 2002, à hauteur de 45,7 millions d'euros, soit à peu près 300 millions de francs mais l'article 24 de la loi du 28 décembre 1999 modifiant le code général des collectivités territoriales n'avait rien prévu au-delà de 2002.
    Un fonds d'aide à l'investissement des SDIS, doté de 45 millions d'euros en autorisations de programme et crédits de paiement, est donc créé à cette fin par l'article 72 du projet de loi de finances pour 2003. Ce fonds sera géré par la direction de la défense et de la sécurité civiles. C'est un double progrès qu'il convient de souligner : désormais, ce fonds est réellement pérennisé pour les années à venir et les critères d'attribution ne tiennent plus compte seulement des dépenses de fonctionnement, mais prendront la forme de subventions ciblées sur les projets les plus importants.
    Ainsi, vous avez exprimé le souhait, que, dès 2003, ce fonds puisse être mis à contribution pour aider par exemple les SDIS qui le souhaitent à basculer leur réseau de transmissions sur la technologie ACROPOL. Car vous avez en effet raison de souligner que nos trois forces de sécurité, gendarmerie, police et pompiers, doivent absolument utiliser le même réseau de transmission : c'est l'une des conditions de leur efficacité.
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Très bonne idée !
    M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis. Le quatrième et dernier point fort de ce budget est la volonté d'adapter la sécurité civile. En effet, elle doit aujourd'hui faire face à des risques nouveaux dont la gestion se révèle de plus en plus complexe et pour lesquels la prévention doit être améliorée. Les attentats du 11 septembre et l'explosion de l'usine AZF sont encore dans toutes les mémoires et mettent en évidence l'existence de nouvelles menaces.
    La modernisation de la sécurité civile est donc engagée par ce budget pour 2003. Elle est indispensable pour donner à ce service, composante à part entière de la sécurité des populations, les moyens nécessités par l'élargissement de son champ d'intervention et par la demande croissante de nos concitoyens.
    Plusieurs structures concourent à la formation des sapeurs-pompiers. Il s'agit des écoles départementales et interdépartementales, du centre national de la fonction publique territoriale.
    Dans un contexte de risques accrus, vous avez décidé de créer un pôle de défense civile à Cambrai. C'est une originalité indispensable que la plupart des pays européens regardent avec attention puisque cette école sera un institut sans précédent qui répond à une nécessité de formation à la lutte contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
    En conclusion, grâce à ce budget pour 2003, la sécurité civile se tourne désormais vers l'avenir et se prépare réellement pour mieux secourir nos populations.
    Par l'engagement, dès votre entrée en fonction, de projets concernant l'organisation et les personnels de secours, votre ministère souligne l'attention qu'il porte à la sécurité civile, service essentiel à notre pays, présent tous les jours sur le terrain, dans lequel des hommes et des femmes défendent chaque jour la vie de nos concitoyens, mettant la leur en danger avec courage.
    Il était nécessaire que la nation salue cette priorité. C'est ce que vous faites aujourd'hui dans votre budget, monsieur le ministre, et c'est pour cela que la commission des lois a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter vos temps de parole.
    La parole est à M. Le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.
    M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les concours de l'Etat aux collectivités locales devraient s'élever, en 2003, à 58,2 milliards d'euros, voire 58,3 milliards si l'on tient compte du prélèvement de 100 millions opéré sur la régularisation de la DGF pour 2001, contre 56,3 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2002.
    Avec une hausse de 3,5 %, on peut donc dire que l'année 2003 sera une bonne année pour les collectivités locales.
    Je tiens tout particulièrement à saluer les efforts du Gouvernement, qui a obtenu la reconduction du contrat de croissance et de solidarité. Compte tenu du contexte actuel de maîtrise de la dépense publique, ce n'était nullement évident.
    Ce contrat étant indexé non seulement sur l'inflation, mais également sur un tiers de l'évolution du PIB, il permettra d'associer les collectivités locales aux fruits de la croissance. Concrètement, l'enveloppe normée des dotations de l'Etat aux collectivités locales s'élèvera, en 2003, à 30,85 milliards d'euros, voire 30,95 milliards, si l'on tient compte du prélèvement dont j'ai parlé tout à l'heure.
    Cette progression de l'enveloppe normée se traduit par une augmentation satisfaisante de la DGF en 2003, de 2,29 %, qui donnera quelques marges pour le financement de l'intercommunalité, dont les besoins sont estimés, en 2003, à près de 1,8 milliard d'euros. Le Gouvernement ayant pris soin de prévoir des abondements exceptionnels pour un montant total de 162 millions d'euros, les dotations de solidarité, dotation de solidarité urbaine et dotation de solidarité rurale, seront en 2003 en légère augmentation.
    La politique de péréquation menée au travers du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et du fonds national de péréquation est préservée : le FNPTP verra ses ressources stabilisées en 2003 - alors qu'elles avaient fortement chuté en 2002 - grâce à une dotation budgétaire de 271 millions d'euros allouée par le Gouvernement dans le cadre de la banalisation de la fiscalité locale de France Télécom ; en accord avec le Gouvernement, la majorité parlementaire a reconduit, pour 2003, l'abondement exceptionnel dont bénéficie le FNP depuis 1999.
    Là encore, je tiens à saluer les efforts du Gouvernement et de sa majorité pour rétablir l'équilibre budgétaire des fonds nationaux de péréquation.
    J'évoquerai enfin un autre motif de satisfaction.
    La dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sert de variable d'ajustement au contrat de croissance et de solidarité, connaîtra certes une baisse de 5,15 %, mais d'un niveau moins élevé que celle observée en 2002. Cette réduction de la DCTP sera atténuée pour les collectivités locales les plus défavorisées, le Gouvernement ayant reconduit en 2003 le dispositif de compensation des baisses de DCTP enregistrées en 1999 et 2001.
    Si je ne peux que me féliciter des propositions avancées par le Gouvernement s'agissant des dotations allouées aux collectivités locales pour 2003, j'exprimerai cependant quelques inquiétudes concernant l'avenir. Trois questions ont retenu mon attention.
    Premier motif d'interrogation : la reconduction du contrat de croissance et de solidarité.
    Ce mécanisme a été introduit pour permettre aux collectivités locales de prévoir leurs ressources. Or force est de constater qu'il ne remplit plus aujourd'hui cette fonction, ne serait-ce que parce qu'il est reconduit d'une année sur l'autre, sans perspective pluriannuelle, ou parce qu'il ne couvre en réalité que 53 % des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Le Gouvernement entend-il reconduire sur plusieurs années le contrat liant l'Etat aux collectivités locales, éventuellement sous une forme aménagée ?
    Deuxième motif d'interrogation : le financement des structures intercommunales.
    La France compte désormais 2 174 établissements publics de coopération intercommunale regroupant 47 millions d'habitants. Or, jusqu'à présent, le succès des politiques d'incitation à l'intercommunalité n'a pas été suivi d'une politique financière cohérente, et ce pour deux raisons :
    D'une part, la DGF, dont la structure remonte à 1993, parvient de plus en plus mal à financer, au sein d'une même enveloppe, la dotation forfaitaire allouée aux 37 000 communes de France, la dotation d'intercommunalité et les dotations de solidarité, DSU et DSR. Devant le poids croissant de l'intercommunalité, qui nécessite 150 à 200 millions d'euros supplémentaires par an, les précédents gouvernements ont choisi une solution de facilité en recourant à des abondements budgétaires externes en faveur des dotations de péréquation. Cette voie ne me semble pas soutenable à terme.
    D'autre part, le coefficient d'intégration fiscale et le critère du potentiel fiscal, censés favoriser une répartition objective des dotations, aboutissent de fait à une forte volatilité des dotations d'une année sur l'autre et à une course à l'intégration fiscale quelque peu artificielle.
    Les EPCI sont devenus aujourd'hui une réalité incontournable et les compétences de plus en plus lourdes qu'ils exercent nécessitent de garantir le niveau de leurs recettes. Des solutions doivent donc être apportées à leur financement.
    Ne pourrait-il pas être envisageable, par exemple, soit d'introduire une DGF spécifique à l'intercommunalité, en sus de la DGF des communes et de celle des départements, soit d'instaurer un jeu de vases communicants entre la DGF des communes et celle des groupements ?
    Troisième sujet d'interrogation : les modalités de financement de nouveaux transferts de compétences, dans le cadre d'une relance de la décentralisation.
    La perspective d'une relance de la décentralisation appelle une réforme profonde de la structure des dotations de l'Etat aux collectivités locales : la complexité et le manque de lisibilité des mécanismes en place, l'imbrication des circuits de financements, les difficultés récurrentes à financer le développement de l'intercommunalité concomitamment avec l'octroi de dotations en faveur des mécanismes de péréquation, rendent cette évolution inéluctable.
    Par ailleurs, la relance de la décentralisation ne réussira que dans la mesure où elle se traduira par des efforts accrus en matière de péréquation, efforts que les mécanismes actuels de répartition de la DGF ne permettent pas.
    C'est pourquoi je souhaiterais proposer une réforme en profondeur de la DGF, afin d'introduire une régionalisation de cette dotation.
    Le Parlement serait appelé à se prononcer sur un montant global de DGF, réparti entre les régions selon des critères objectifs et simplifiés, prenant notamment en compte le nombre d'habitants et les ressources fiscales de chaque région. Puis, une fois cette enveloppe adoptée et ventilée, un comité de finances locales régional, regroupant des représentants des conseils régionaux, des conseils généraux et des communes, avec le préfet de région, se prononcerait, selon des critères objectifs, sur la répartition de cette DGF régionale, en fonction des spécificités locales dans un cadre qui serait bien entendu établi par le Parlement.
    Cette réforme de grande ampleur, qui bouleverse la tradition centralisatrice française, constituerait une mesure efficace pour répondre, d'une part, aux spécificités des collectivités locales qu'il semble de plus en plus difficile de gérer depuis Paris, et pour renforcer, d'autre part, le poids de la péréquation au sein des concours de l'Etat aux collectivités locales. Décider à Paris ce qui va être bon pour une commune rurale de l'Auvergne ou de l'Ouest me paraît difficile.
    La relance prochaine de la décentralisation ouvre également un second débat : celui du poids de la fiscalité au sein des ressources des collectivités locales.
    Selon le rapport économique, social et financier pour 2003, les ressources fiscales recouvrées par les collectivités locales représentaient en 2001 41,7 % du total de leurs ressources, soit 62,5 milliards d'euros, pour des ressources totales de 150 milliards d'euros.
    Ce chiffre est le résultat de la politique fiscale menée depuis 1997 : suppression de la part départementale et de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux, suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.
    Certes, ces suppressions ont donné lieu à compensation, mais, au-delà du coût que représentent ces compensations pour l'Etat - près de 18 milliards d'euros en 2003, soit une multiplication par quatre entre 1998 et 2003 -, cette politique n'est plus soutenable à terme.
    Elle tend, en effet, à réduire l'autonomie financière des collectivités locales. Selon les données publiées par l'Observatoire des finances locales en 2002, l'Etat a pris en charge, en 2001, 30,5 % des recettes fiscales des collectivités locales perçues au titre des quatre « vieilles ». Ce pourcentage passe à 33,7 % pour la taxe d'habitation et 42,5 % pour la taxe professionnelle.
    Or les collectivités locales doivent pouvoir disposer de recettes fiscales dynamiques leur permettant de faire face à l'accroissement de charges que ne manquera pas d'entraîner la relance prochaine de la décentralisation.
    Je note, enfin, que les collectivités locales des Etats membres de l'Union européenne bénéficient de recettes ficales dynamiques, par le biais du transfert d'une partie, soit de l'impôt sur le revenu, dans le cas de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Grèce, du Portugal, soit d'un pourcentage de la TVA, en Allemagne, Autriche, Espagne, Grèce, Italie, Portugal, soit d'un pourcentage de l'impôt sur les entreprises. Je ne saurai trop recommander au Gouvernement d'étudier ces exemples.
    En conclusion, il est incontestable que le budget des dotations de l'Etat aux collectivités locales est, pour 2003, un bon budget, mais il s'agit d'un budget de transition et il nous appartient désormais de préparer l'avenir et de réformer en profondeur les mécanismes d'octroi de ces dotations.
    Bien entendu, la commission des finances a voté en faveur de ce très bon budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'administration générale et territoriale.
    M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'administration générale et territoriale. Mesdames, messieurs, c'est la première fois que la commission des finances consacre un rapport spécial au budget de l'administration générale et territoriale du ministère de l'intérieur. Cette innovation me semble justifiée par l'importance et le caractère stratégique des masses budgétaires en cause. Ce budget représente en effet un cinquième des crédits de l'intérieur. En outre, en faisant l'objet depuis trois ans d'une expérience de globalisation, il est en quelque sorte un laboratoire de la réforme de l'Etat. J'y reviendrai.
    Je dirai tout d'abord quelques mots sur les grandes lignes d'évolution des crédits, pour faire ensuite plusieurs observations sur chacune des parties du budget.
    Le budget de l'administration générale et territoriale atteint 4 milliards d'euros : 2,4 milliards sont des charges de pension, poste en hausse de 3,07 %, 1,4 milliard est consacré aux préfectures et à l'administration centrale, budget en augmentation de 2 %, 37 millions sont affectés aux cultes, pour l'application du concordat d'Alsace-Moselle - c'est la loi du 8 avril 1802 -, et 158 millions d'euros sont consacrés à la vie politique, à la suite des lois successives de mars 1988, de janvier 1990, de janvier 1993 et de janvier 1995. Les crédits relatifs au financement de la vie politique sont en diminution car aucune élection n'est prévue en 2003.
    Dans les préfectures, nous vivons une véritable expérience de laboratoire de la réforme de l'Etat. Depuis trois ans, avec le concours des syndicats, dix-huit préfectures préparent leur budget, crédits des personnels inclus. C'est très important, pour deux raisons.
    Tout d'abord, le préfet a le véritable pouvoir sur la gestion de ses crédits, c'est-à-dire qu'il peut transformer des crédits de personnel en crédits de fonctionnement et d'investissement. Si un préfet estime que ses personnels sont en nombre suffisant, il peut utiliser une partie des crédits correspondants pour mieux investir, ou mieux accompagner le travail de ses fonctionnaires.

    Le deuxième point, c'est que cette démarche de globalisation a instauré un nouveau dialogue entre le préfet et le secrétaire général, autorité responsable, et les forces syndicales, qui commentent, discutent le budget. A l'issue de ce dialogue, c'est bien sûr le préfet qui arbitre. Et il est très intéressant, monsieur le ministre, de constater la différence de discours des organisations syndicales au niveau national et au niveau local. A Force ouvrière, par exemple, les représentants locaux, dans les préfectures globalisées que j'ai eu l'occasion de visiter, sont favorables à la démarche, alors qu'au niveau national, les dirigeants de ce syndicat s'y opposent. Voilà qui est très instructif. Cela veut dire que lorsque le budget est préparé sur le terrain, les responsables syndicaux comprennent les arbitrages des préfets et, la plupart du temps - c'est en tout cas ce que j'ai constaté dans toutes les préfectures que j'ai visitées -, penchent en leur faveur.
    C'est donc une démarche importante. Je suis personnellement ravi, et la commission aussi, monsieur le ministre, que vous ayez décidé d'augmenter de 10 % les crédits de cet agrégat pour l'administration territoriale. On ne peut que s'en féliciter.
    Le deuxième point stratégique dans ce budget, c'est l'application du concordat d'Alsace-Moselle, c'est-à-dire le budget des cultes. Nous vivons en effet sous l'empire de la loi de 1905, de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, sauf pour le régime concordataire. Nous avons donc là l'expérience in vivo, si je puis dire, d'un autre fonctionnement que celui de la séparation entre l'Eglise et l'Etat telle qu'elle est pratiquée partout ailleurs en France.
    Ce budget, comme je l'ai dit, est relativement réduit - 37 millions d'euros. C'est aussi un budget, monsieur le ministre, dans lequel vous laissez plus de latitude au culte, puisque vous avez décidé de transférer des crédits de personnels en crédits de fonctionnement, en titres II et V, pour pouvoir améliorer l'origine des primes, notamment pour renforcer la prime de binage. Je rappelle que la prime de binage ne vise pas à financer l'entretien du jardin du curé (Sourires) : son but est d'aider les agents du culte qui doivent exercer sur plusieurs paroisses. Mais il faut surtout insister sur le fait que l'ensemble des primes ont été réévaluées. Certaines d'entre elles ne l'avaient pas été depuis 1966, et la plupart ne l'avaient pas été depuis 1972. Ainsi, on les a réévaluées de 440 %. Il aurait fallu une augmentation de 660 %, mais ce n'est quand même pas mal d'avoir fait un effort tout à fait particulier.
    Ce concordat pose néanmoins deux problèmes, il faut le dire, si on l'envisage de façon empirique, c'est-à-dire du point de vue de ce qu'il apporte par rapport au régime général. D'une part, il ne réévalue par la répartition entre les cultes en fonction du nombre des fidèles. D'autre part, il ne reconnaît pas les cultes autres que ceux qui ont été reconnus à l'époque du concordat.
    Enfin, le troisième point stratégique de ce budget concerne le financement de la vie politique. Les crédits qui y sont consacrés s'élèvent à 258 millions d'euros, répartis en deux sommes. L'une concourt au remboursement forfaitaire pour les dépenses de campagne et l'organisation des élections, l'autre somme étant consacrée au financement de la vie démocratique, c'est-à-dire à l'aide de l'Etat au financement des activités politiques. C'est sur ce point, monsieur le ministre, que nous vous ferons notre seule proposition de réduction des crédits, par le biais d'un amendement tendant à fixer un seuil de 1 % à partir duquel les partis politiques pourront bénéficier de ce financement public. Mais nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
    J'ai particulièrement apprécié, monsieur le ministre, la démarche envers l'action sociale que vous avez décidée. Vous y avez consacré 39 millions d'euros. C'est un budget qui augmente de 8,08 %, notamment pour financer l'arbre de Noël des fonctionnaires de la police nationale.
    M. Michel Hunault et M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. J'ai également noté l'effort que vous avez consenti pour l'accompagnement psychologique des personnels de la police nationale et de la sécurité civile, qui vivent parfois des périodes particulièrement difficiles après leurs interventions.
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis favorable pour votre budget. C'est une décision qui ne vous surprendra pas, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration générale et les collectivités locales.
    M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration générale et les collectivités locales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec une croissance des crédits de plus de 5 % par rapport à 2002, le ministère de l'intérieur connaît l'une des plus fortes progressions parmi tous les départements ministériels. Cette croissance illustre incontestablement les priorités du Gouvernement en matière de sécurité, avec, comme l'a rappelé Gérard Léonard, la traduction concrète de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure que nous avons adoptée au mois de juillet dernier.
    Cela dit, les missions du ministère de l'intérieur ne sauraient se limiter à cet objectif de sécurité. Comme l'atteste sa nouvelle nomination de ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, c'est à lui qu'il revient de faire vivre au quotidien la décentralisation.
    C'est donc également à lui qu'il reviendra d'initier la réforme des structures de l'Etat annoncée par le Président de la République. A la veille de cette réforme, l'examen des concours de l'Etat aux collectivités locales revêt donc, vous l'aurez compris, un intérêt essentiel. Je ne détaillerai pas l'ensemble des dotations attribuées aux collectivités, puisque ce récapitulatif figure déjà dans mon rapport écrit. Je souhaite simplement insister sur l'effort que représente pour le Gouvernement la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, selon les mêmes modalités d'indexation que les années précédentes. Cela permet très clairement, dans un contexte budgétaire très difficile, d'assurer aux collectivités locales la pérennité de leurs ressources, avec une croissance des crédits compris dans l'enveloppe normée de 1,9 %. Au sein de celle-ci, la dotation globale de fonctionnement augmentera elle aussi, selon ses propres critères d'indexation, avec une progression de 2,29 % par rapport à la loi de finances pour 2002, soit un total de 18,87 milliards d'euros.
    Comme les années précédentes, la dotation de compensation de la taxe professionnelle jouera le rôle de variable d'ajustement du contrat de croissance et de solidarité.
    La progression de l'enveloppe normée ne pourra être respectée que par une diminution de 3,01 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, hors abondement lié au règlement du fameux contentieux « Commune de Pantin ». Les collectivités défavorisées n'auront toutefois pas trop à souffrir de la baisse de la DCTP, puisque des abondements exceptionnels en faveur de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale sont prévus, à hauteur de 160 millions d'euros.
    Pour satisfaisants qu'ils soient, il faut bien convenir, cependant, que les concours de l'Etat aux collectivités locales pour 2003 sont ceux d'un budget de transition. Ils reprennent l'architecture actuelle de répartition de l'enveloppe normée, avec ses imperfections, et il est clair que le poids croissant du financement de l'intercommunalité au détriment des dotations de solidarité, l'évolution d'une dotation forfaitaire qui peut se révéler inférieure à l'inflation, et, plus généralement, l'empilement complexe de dotations et d'abondements exceptionnels mériteraient une réforme de grande ampleur. Cependant, il aurait été évidemment prématuré de s'atteler à ce chantier à la veille d'une réforme des lois de décentralisation. Définissant de nouvelles relations entre l'Etat et les collectivités locales, la révision constitutionnelle s'accompagnera naturellement des réformes nécessaires des concours financiers.
    D'ailleurs, dans la perspective de cette prochaine révision, j'ai souhaité que soit analysé dans mon rapport le degré d'autonomie financière dont jouissent les collectivités locales, par rapport à nos voisins européens. Au terme de cette étude, il apparaît que la France se place en bonne position dans le classement européen, en termes d'autonomie locale, celle-ci étant mesurée par un certain nombre d'indicateurs - notamment les marges de manoeuvre fiscales, les conditions d'accès à l'emprunt, la libre utilisation des dotations de l'Etat et l'absence de tutelle d'un niveau de collectivité sur un autre.
    Ayant approfondi l'analyse, j'ai toutefois constaté qu'en dépit de ce bon résultat, une réforme de la décentralisation apparaissait urgente, puisqu'il est évident que les collectivités locales ont dû, ces dernières années, faire face à une recentralisation insidieuse de leurs recettes, conjuguée à un accroissement tout à fait notable de leurs charges. Le projet de révision constitutionnelle permettra donc de garantir leurs ressources. Et contrairement aux pratiques du précédent gouvernement, l'Etat veillera désormais scrupuleusement - et nous y veillerons aussi - à ce que les nouvelles compétences soient intégralement financées.
    Par bien des aspects, le projet de loi de finances pour 2003 traduit cet engagement, et préfigure ainsi la révision constitutionnelle, en faisant de l'autonomie locale un principe intangible, comme l'attestent plusieurs dispositions, notamment un article sur la déliaison des taux, ainsi que la normalisation de la fiscalité de France Télécom.
    S'agissant du principe de déliaison des taux, j'ai personnellement présenté vendredi dernier un amendement tendant à la rendre totale, afin de rendre toute leur liberté aux élus,...
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très bonne idée !
    M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis. ... dans la seule contrainte du respect des plafonds. Cet amendement a recueilli plus de 140 signatures. Au terme d'un long et riche débat, je l'ai néanmoins retiré, le ministre délégué au budget nous ayant assuré que la réflexion, en association avec les parlementaires, les élus locaux et les représentants des entreprises, sera poursuivie. J'ai bien entendu que l'article présenté cette année était une étape. La confiance et le pragmatisme, de même que la responsabilité des élus locaux, doivent désormais convaincre d'aller plus avant.
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis. Je terminerai cette brève présentation par les crédits consacrés à l'administration générale et territoriale. Il faut souligner l'effort tout à fait exceptionnel qui est consenti en direction des agents de l'administration : 10,2 millions d'euros pour l'administration préfectorale et 2,73 millions d'euros pour l'administration centrale seront ainsi consacrés à une politique de revalorisation catégorielle permettant de rattraper le retard accumulé, en matière de rémunération, par rapport aux autres ministères.
    J'ai également noté avec satisfaction que la modernisation de l'administration préfectorale se poursuit, avec onze nouvelles préfectures faisant l'objet d'une globalisation de leurs crédits. En 2003, donc, près d'un tiers des préfectures seront ainsi globalisées. Et cette réforme touche pour la première fois l'outre-mer, avec la globalisation des crédits de la Martinique. La globalisation des crédits des préfectures exige une nouvelle culture administrative en termes de gestion, de responsabilisation et d'évaluation. Elle anticipe le nouveau droit budgétaire en vigueur et devrait être généralisée. Préalablement à cette généralisation, bien évidemment, nous suivrons attentivement les résultats de l'évaluation qui devrait être faite cette année.
    La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'administration générale et des collectivités locales. J'invite bien entendu mes collègues à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    (M. Jean-Louis Debré remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président - c'est un honneur de prendre la parole sous votre présidence -,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui, c'est un ancien ministre de l'intérieur !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier MM. les rapporteurs d'avoir présenté aussi clairement le contenu du budget que Patrick Devedjian et moi-même défendons devant vous.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas facile !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous ferons bien sûr le meilleur usage de leurs remarques et de leurs suggestions. Surtout, nous leur savons gré d'avoir bien compris l'esprit de ce budget, qui est d'abord et avant tout dominé par la volonté de tenir les engagements que nous avons tous pris, les uns et les autres, avant que les Français nous fassent confiance. Si l'on veut recréer les conditions d'un débat politique clair dans notre pays, il faut que ce que nous avons dit avant les élections, nous ayons la détermination et le courage de le faire après. Vous avez tous indiqué cela, et cela vaut aussi bien pour les préfectures, pour les collectivités territoriales que pour la sécurité.
    Deuxièmement, et c'était l'esprit des interventions de MM. les rapporteurs, serons-nous prêts, oui ou non, pour une fois, à faire en sorte que les responsables politiques - qui n'ont pas forcément la vérité révélée, bien sûr - soient capables de résister à cette pensée unique qui explique tant d'immobilisme dans notre pays ? A cet égard, j'ai été particulièrement frappé, messieurs les rapporteurs, tout au long de vos six interventions, de voir à quel point chacune portait la marque d'une volonté réformatrice visant à en finir avec toutes les mauvaises raisons qui, depuis tant d'années, condamnent les gouvernements à subir plutôt qu'à agir.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La troisième chose, enfin, qui m'a beaucoup frappé dans ce que vous avez dit, c'est votre souci à tous d'appeler le Gouvernement, M. Devedjian comme moi-même, à rassembler nos efforts autour d'objectifs cohérents et globaux, à ne pas nous laisser aller, en ce qui concerne la décentralisation, à oublier les finances des collectivités territoriales, ou, en ce qui concerne la sécurité, à oublier les populations auxquelles nous devons nous adresser. Il faut tenir compte de tout le monde.
    Le budget qui vous est soumis, mesdames et messieurs les députés, est en phase avec l'esprit des interventions de MM. les rapporteurs. Au mois de juillet, je vous ai présenté une loi d'orientation et de programmation. Un certain nombre d'entre vous, notamment sur les bancs de l'opposition - et c'était parfaitement leur droit -...
    M. Bernard Derosier. Merci !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... m'ont reproché de légiférer à crédit, et m'ont dit : à quoi cela sert que nous nous retrouvions ? Je peux comprendre qu'ils tiennent ce discours : il est arrivé tant de fois que les promesses faites n'aient pas été honorées. Cette crainte, il ne faut pas la mépriser. Car nous devons bien convenir, les uns et les autres, que dans le passé, elle a trouvé quelque fondement. Mais moi je compte sur l'objectivité et le sérieux qui sont les vôtres.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait ! Nous sommes objectifs et sérieux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et les libertés locales. Ceux qui nous ont reproché de légiférer à crédit auront à coeur de voter un budget qui prévoit la réalisation, dans la seule loi de finances pour 2003, de 40 % des objectifs financiers prévus dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est cela aussi qui décide de la crédibilité des responsables politiques : sont-ils capables, les uns comme les autres, de s'extraire du train-train quotidien, du discours national que tiennent leurs formations politiques respectives, pour reconnaître que les décisions d'un gouvernement méritent d'être encouragées quand elles méritent effectivement de l'être ? Vous nous avez dit en substance, mesdames et messieurs les députés de l'opposition : nous voterons les moyens, mais nous ne partageons pas tous les éléments de votre politique. Naturellement, c'est votre droit. Mais les moyens sont au rendez-vous de la loi de finances pour 2003. Y a-t-il une raison pour que ces moyens ne fassent pas l'objet d'un consensus sur l'ensemble des bancs de cette assemblée ?
    M. Michel Hunault. Pas une seule !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai tenu à dire cela au début de la discussion de ce budget car, croyez-moi, un tel consensus signifiera, à l'attention de tous nos compatriotes, que le rétablissement de la sécurité publique ne sera pas la victoire de la gauche contre la droite, d'un gouvernement contre une opposition. Il signifiera que l'ensemble des élus nationaux ont enfin une claire compréhension des craintes légitimes de nos concitoyens.
    J'ajoute que s'agissant des effectifs, j'ai bien conscience de scepticisme de nos concitoyens. Ceux-ci entendent parler à la radio ou à la télévision, de milliards d'euros, de milliers de postes, et ils se demandent pourquoi ils n'en constatent pas dès le lendemain les effets dans les rues de leurs villes, de leurs villages ou des zones périurbaines où ils vivent. Comment faire, donc, pour aller vite ?
    C'est là un problème qui nous concerne tous.
    C'est la raison pour laquelle vous serez sans doute sensibles au fait que parmi les 1 900 créations d'emplois dans la police - il y en a 1 200 dans la gendarmerie -, j'ai proposé que 1 000 soient des emplois administratifs. La raison en est simple, c'est que l'emploi administratif, ça va vite : on organise le concours, après quoi on affecte les postes. Il n'en va pas de même pour les emplois de gardien de la paix, dont la création effective demande au minimum un an. Ces 1 000 emplois administratifs, le ministre de l'économie et des finances m'a autorisé à les engager avant même le vote de la loi de finances, afin que les personnels soient opérationnels avant la fin de l'année 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Et qu'il me soit permis de vous dire que j'ai eu la grande surprise de constater qu'au ministère de l'intérieur, il existait 1 000 autres emplois administratifs, dont le financement était d'ores et déjà assuré et qui n'étaient pas pourvus. Puisque j'ai décidé, dès le mois d'août, d'engager un autre concours de 1 000 emplois, ce n'est donc pas 1 000, mais 2 000 emplois administratifs qui, avant la fin de l'année, seront effectivement pourvus. Ce sont par conséquent 2 000 gardiens de la paix de plus qui pourront être au service de la sécurité de nos concitoyens.
    M. Nicolas Perruchot. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais tout cela ne servirait à rien si l'on ne répondait pas aux interrogations qu'entraîne l'application des 35 heures dans la police. Daniel Vaillant avait commencé, c'est vrai. Il avait prévu de racheter trois jours au titre de la RTT, il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître. Mais savez-vous qu'avec trois jours de rachat, il y avait quand même 4 000 équivalents temps plein en moins ? Je pose donc une question à chacun d'entre nous : comment aurait-on pu expliquer à nos concitoyens qu'avec l'argent que nous mettons sur la table, qu'avec les emplois que nous créons, on se retrouve avec 4 000 équivalents temps plein en moins ? Il fallait répondre à cette question. C'est pourquoi j'ai rencontré les organisations syndicales. Nous avons eu une discussion franche, comme on dit, sans faux-semblants. Je leur ai expliqué que, pour rattraper ces 4 000 équivalents temps plein, il fallait que chacun s'engage à travailler huit jours de plus. Ce sont huit jours, donc, dont nous avons proposé le rachat. Cela représente un effort. Mais sans cet effort, personne ne pourra durablement assurer la sécurité de nos compatriotes. Et il me plaît de souligner que ce que M. Vaillant avait proposé de racheter à soixante et onze euros par jour, nous décidons de le racheter à quatre-vingt-cinq euros par jour.
    Il est, me semble-t-il, bon de souligner que ce ne sont pas ceux qui ont le mot « social » à la bouche dans tous les discours qui font le plus dans la réalité concrète des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'aimerais d'ailleurs que l'on m'explique comment j'aurais pu faire accepter aux policiers un rachat à 71 euros par jour au titre de la RTT, comme l'avait prévu le gouvernement socialiste, alors que, pour les gendarmes, la valeur du rachat était de 85 euros. Pour le même travail, les uns auraient été payé à 71 euros, les autres 85. Telle n'est pas ma conception de l'égalité. Pour moi, le montant du rachat au titre de la RTT doit être le même pour la police et pour la gendarmerie. J'espère que cela fera aussi l'objet d'un large consensus.
    S'agissant de l'emploi des forces mobiles, problème très important, j'ai le plaisir de vous indiquer qu'à partir du 1er novembre la doctrine d'emploi des forces mobiles - compagnies républicaines de sécurité ou escadrons de gendarmes mobiles - changera.
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Du seul fait, monsieur Le Fur, de la réorganisation de l'emploi de ces forces, ce sont, à compter de cette date, 4 000 fonctionnaires et militaires de plus qui pourront se consacrer à la sécurité publique.
    L'analyse de tous les états de déplacements de toutes les compagnies et de tous les escadrons a montré que, pour certains, le nombre des déplacements pouvaient atteindre 234 jours par an. J'aimerais que l'on m'explique comment on peut assurer l'ordre public ou la sécurité publique quand on passe son année dans des cars à aller d'un endroit à un autre. J'ajoute, mais chacun ici le sait, que quand on installe une compagnie républicaine de sécurité ou un escadron de gendarmes mobiles dans un endroit où ils n'ont jamais mis les pieds, où ils ne connaissent personne et où ils ne savent pas se repérer, ils sont inefficaces. La nouvelle doctrine d'emploi permettra de les fidéliser systématiquement, pour les mettre au service de la sécurité publique et non plus seulement de l'ordre public.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ce qui concerne la gendarmerie, une réforme de grande ampleur va être engagée, celle des communautés de brigades. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler lors des questions au Gouvernement. Je tiens à préciser que cette réforme n'entraînera aucune fermeture de brigade par principe,...
    M. Jérôme Lambert. Par principe !
    M. Jean-Claude Lefort. Mais de facto ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... car cela n'a aucun sens. En effet, pourquoi toute tentative de réforme a-t-elle échoué jusqu'à présent ? Tout simplement parce qu'on s'évertuait à élaborer un schéma national qui ne tenait pas compte de la diversité de notre pays.
    Dans tel canton de montagne où il faut quarante-cinq minutes pour aller d'une brigade à une autre, une brigade, même petite doit être conservée, car la réalité du terrain ne permettrait pas à la grande brigade - plus éloignée - de se porter au secours des habitants du canton.
    M. Pascal Clément, M. Michel Hunault et Mme Nadine Morano. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans telle circonscription périurbaine qui comprend trois brigades par canton, la question de la restructuration peut se poser.
    Toutefois, il faut bien comprendre - et la compétence des gendarmes n'est pas en cause - que lorsque six gendarmes ont assuré une permanence toute la semaine, de jour comme de nuit, ils ont atteint le vendredi à midi leur quota d'heures de présence. Si bien que le week-end, que ce soit en zone rurale ou en zone périurbaine, on se retrouve avec des gendarmeries fermées et une absence de patrouilles.
    Il faut former des communautés de brigades comportant trois brigades chacune. Il convient également d'accepter l'idée simple selon laquelle l'emploi des brigades doit être séparée du logement des brigades. Que chaque village ayant une brigade de gendarmerie la garde ainsi que les logements de celle-ci, soit. Mais est-on obligé de garder toutes les brigades ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, alors que certaines ne reçoivent aucun visiteur durant la journée ? En tout cas, il faut savoir que cela représente vingt gendarmes qui peuvent couvrir toute une semaine, de jour comme de nuit, sur l'ensemble d'un canton.
    J'ai regardé les résultats de cet été dans chaque département, notamment dans celui du Var. Eh bien, ils montrent que la délinquance a reculé partout où la gendarmerie a multiplié les contrôles et les patrouilles de nuit.
    M. Pascal Clément. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Policiers et gendarmes doivent être disponibles là où se trouve la délinquance.
    M. Eric Diard. Absolument !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est inutile de mobiliser des moyens considérables entre huit heures du matin et midi car chacun sait que les délinquants ne travaillent pas beaucoup le jour et se lèvent tard. Par conséquent, ce dont nous avons besoin, c'est d'avoir des policiers et des gendarmes de service quand la délinquance est-là, c'est-à-dire dans l'après-midi, le soir et la nuit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Reste encore à règler la question des redéploiements. C'est une question très difficile qui vous passionne tous à juste titre et qui suscite des inquiétudes légitimes. De quoi s'agit-il ? La dernière répartition des compétences entre gendarmes et policiers remonte à 1941, c'est-à-dire à soixante et un ans !
    La délinquance a-t-elle si peu changé qu'on puisse garder la même carte d'organisation ? Qui, ici, oserait le dire ? Personne ! Toutes les formations politiques ont, d'ailleurs, eu le courage, dans un discours national, de reconnaître qu'il fallait procéder à un redéploiement. Et je rends hommage à Lionel Jospin, qui avait voulu, en 1998, le conduire.
    M. Jérôme Lambert. Vous n'en avez pas voulu !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je rends hommage à l'objectif, mais certainement pas à la méthode. Encore que je me sois servi de celle-ci comme d'un parfait contre-exemple. (Sourires.)
    M. François Goulard. C'est bien vu !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi cela n'a-t-il pas marché ? Ce n'est pas que M. Jospin ne voulait pas que ça marche, mais, me semble-t-il, pour deux raisons.
    D'abord, parce que c'est une idée très centralisatrice, une de celles, peut-être, que l'on enseigne trop souvent dans certaines écoles (Rires sur quelques bancs du groupe l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La France ne serait pas très intelligente et ne serait donc que supporter un schéma national défini en général, dans un bureau bien fermé, par des inspecteurs généraux - pardon pour eux - qui détiennent la vérité sur tout. L'intelligence est dans le schéma, la bêtise, la démagogie et le populisme hors de celui-ci. Mais le temps de compter jusqu'à trois, et voilà le schéma par terre : la réforme est enterrée et les meilleures intentions du monde ont conduit à la pire des catastrophes.
    Les résultats de la réforme Jospin, c'est - je cite les chiffres de mémoire - le passage de trente et une gendarmeries en zone de police, et de onze commissariats en zone de gendarmerie. Tant de bruit pour cela ! Ce n'était vraiment pas la peine de mettre la France à feu et à sang.
    Nous ne voulons donc pas de schémas nationaux, et je mets au défi quiconque d'en trouver dans le redéploiement que nous préparons en ce moment. Il s'agit de schémas départementaux, qui nous sont proposés par les préfets : chaque préfet nous fait rencontrer le sien, qui n'est qu'une proposition, et nous nous réservons de rendre des arbitrages en fonction de réalités de terrain différenciés.
    M. Jérôme Lambert. Après quelles consultations ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vais y venir, car il s'agit en effet d'un point très important.
    L'échec de M. Jospin avait une deuxième raison qu'il nous faut examiner à fond, non pour faire mal ou pour être cruel, mais pour éviter, surtout, de reproduire la même chose. La réforme de M. Jospin a échoué car elle a été présentée comme un substitut à la réduction des effectifs.
    On a parfaitement le droit de dire aux Français - même s'il s'agit d'un choix politique qui n'est pas le nôtre - que l'on veut moins de policiers et de gendarmes. Mais, dans ce cas, il faut assumer ce choix et ne pas présenter, comme on l'a fait, une réforme dont le seul but est de masquer la réduction des effectifs, car c'est bien de cela qu'il s'agi. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J'en veux pour preuve que lorsque, voilà cinq mois M. Devedjian et moi sommes arrivés au ministère de l'intérieur, nous avons constaté un manque de 2 500 postes dans la gendarmerie.
    Les Français ne sont pas si sots : ils comprennent parfaitement quant on leur raconte des balivernes. En vérité, cette restructuration était destinée à masquer une diminution d'emplois. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous voulons, quant à nous, redéployer en affectant à ce redéploiement les 7 000 gendarmes supplémentaires dont nous avons besoin.
    M. Patrice Martin-Lalande. Cela change tout !
    Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Qui faut-il consulter pour atteindre ce but ? C'est là, monsieur le président, un sujet que vous connaissez, et qui, me semble-t-il, demande qu'on y consacre un moment. J'ai eu l'occasion de dire qu'au ministère de l'intérieur le temps de la cogestion était terminé. Je tiens à préciser ce propos pour qu'il ne paraisse pas blessant.
    Qu'est-ce que la cogestion ? C'est quand on ne sait plus qui, du ministre ou des forces syndicales, décide, quand on ne sait plus qui est responsable de quoi.
    J'ai le plus grand respect, vous le savez bien, pour les organisations syndicales - le dialogue syndical est en effet une obligation, en particulier dans la police, grande matière humaine s'il en est -, mais nous devons discuter avec elles des conséquences sociales du redéploiement, et non de son principe.
    M. François Goulard. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est vrai que le redéploiement soulève des questions sociales redoutables : ici, un brigadier a acheté un pavillon, là un gardien de la paix a acheté un appartement, et ils devront déménager. Les conséquences sociales du redéploiement doivent être prises en compte une par une, avec soin. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans la discussion avec les syndicats, car il n'est pas question de remettre en cause la condition de l'efficacité du travail des forces de police.
    Quant aux élus locaux, il ne faut pas non plus les prendre pour des sots. Que veulent-ils ? Des postes de police ou de gendarmerie ouverts de jour comme de nuit,...
    M. Léonce Deprez. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... et la certitude que, quand on remplace la gendarmerie par la police, ils ne perdront pas 10, 20, 30, 40 ou 50 % des effectifs précédents. Ne les présentons pas comme incapables d'assumer le changement ! Eux-mêmes savent parfois beaucoup mieux faire évoluer les choses sur le terrain que l'Etat, qui n'est pas en position de donner des leçons.
    C'est donc en ces termes que nous allons poser la question du redéploiement.
    Je me suis rendu à Nantes, je crois l'avoir rappelé hier. (Sourires.) J'y ai notamment rencontré un responsable d'un syndicat de police, qui, immédiatement après m'avoir rappelé combien il était opposé au redéploiement, m'a demandé si je ne trouvais pas curieuse la situation du périphérique de Nantes. Celui-ci demande en effet que l'on y attache quelque intérêt, dans la mesure où les trois quarts de ce périphérique - qui, à ma connaissance, est le plus long de France avec quarante-deux kilomètres - relèvent d'une zone de police, alors que le quart restant se situe en zone de gendarmerie. Qui peut me dire que les délinquants qui empruntent le périphérique de Nantes ne profitent pas de cette bizarrerie ? C'est un exemple parmi d'autres, mais il est parfaitement logique que l'ensemble du périphérique nantais soit placé en zone de police...
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... si l'on veut que l'efficacité soit au rendez-vous.
    Pour ce qui est des moyens juridiques, nous aurons l'occasion d'en parler lors d'un futur débat, que j'attends avec beaucoup d'impatience.
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Nous aussi !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour une fois, chacun de nos compatriotes pourra comprendre la législation qui sera votée car elle concernera des maux, dans tous les sens du terme, qu'ils vivent.
    Nous parlerons de prostitution, mais pas comme on en parle dans un colloque, les tenants d'une thèse s'opposant aux adversaires de celle-ci. Nous n'en parlerons pas non plus comme ceux qui, passant porte de Saint-Ouen et voyant des prostituées, disent : « Mon Dieu, les pauvres ! », puis s'en vont pour aller dîner. Ainsi va l'intelligentsia depuis des années,...
    M. Eric Raoult. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... laissant prospérer un phénomène qu'elle condamne violemment... à table ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Cela doit viser la dame du 9-3 ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh bien, les propositions que nous vous ferons pourront être comprises et entendues par tous ceux qui vivent dans ces quartiers. Et peut-être que nous serons tous étonnés de la passion qu'elles soulèveront.
    Vous savez, dans l'immeuble où j'habite,...
    M. Jean-Claude Lefort. Place Beauvau ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... il y a assez peu de gens qui stationnent en bandes pour m'empêcher de rentrer. Ce n'est donc pas pour moi que je propose une mesure en ce domaine, mais pour tous ceux qui sont obligés de baisser la tête et de demander l'autorisation de rentrer dans leur immeuble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous le savez tous, vous les élus.

    S'agissant des nomades, je n'accepterai aucun amalgame, parce que l'amalgame est odieux, à l'égard de tous. Je demanderai d'ailleurs aux élus de faire des efforts, car le Gouvernement sera d'autant plus à même de les aider que ceux-ci auront la générosité de comprendre certaines réalités. Et la procédure pénale qui leur permettra d'expulser les campements illégaux avec efficacité, ils n'auront l'autorisation d'y avoir recours que s'ils ont pris le temps et eu le coeur d'appliquer la loi Besson dans leur département. C'est cela un discours équilibré.
    Je voudrais demander à tous les tartufes qui donnent des leçons depuis quelques heures - la cabine téléphonique du café de Flore est décidément bien embuée en ce moment (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) - pourquoi, au cours des cinq dernières années, s'il y avait une telle urgence à agir, seuls vingt et un départements sur cent se sont équipés de terrains d'accueil pour les nomades. Quand on veut donner des leçons, il faut d'abord s'interroger sur la réalité de son bilan !
    Le projet de budget de l'intérieur pour 2003 concerne aussi le matériel mis à disposition des fonctionnaires de police et des gendarmes.
    On a beaucoup parlé des flash-balls. Je m'aperçois que ce n'est plus aujourd'hui un sujet de polémique. C'était considéré comme une idée extraordinaire de la part du Gouvernement, alors qu'il ne s'agissait que de doter les forces de l'ordre d'une arme dont elles puissent se servir, ce qui n'était pas le cas auparavant.
    Nous voudrions aussi que les vitres de la totalité des véhicules de la police ou de la gendarmerie soient recouvertes d'un film protecteur permettant d'éviter les éclats de verre quand ces véhicules sont, comme cela a encore été le cas à Strasbourg, caillassés alors que des fonctionnaires se trouvent à l'intérieur.
    Pour ce qui est des gilets pare-balles,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Les gilets pare-balles, c'est nous !
    M. Guy Drut. On les attend encore !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... je souhaite que tous les fonctionnaires de police en aient un avant la fin de l'année. En effet, mesdames et messieurs les parlementaires, ce n'est pas reconnaître la dignité du travail de policier ou de gendarme que d'accepter qu'un fonctionnaire soit obligé d'enfiler le gilet pare-balles trempé de sueur - c'est le cas au printemps et en été - que portait son collègue qui était en patrouille ou de garde statique avant lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Il ne faut pas exagérer !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La dignité et le respect que l'on doit à ces hommes et à ces femmes ne sont pas simplement des mots, des discours, ce sont aussi de petits détails de cette sorte. Et vous savez que c'est à force d'additionner ces petits détails que l'on fait une grande politique sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    S'agissant des véhicules, on m'a demandé si beaucoup de véhicules de la gendarmerie étaient volés. Mesdames et messieurs les parlementaires, ça fait bien longtemps que les délinquants n'ont plus l'envie de voler les véhicules de la gendarmerie, compte tenu de l'état dans lequel on les a laissés. (Sourires.) Faire travailler des gendarmes ou des policiers dans des véhicules hors d'âge, dans des commissariats ou dans des casernements vétustes - la semaine dernière une compagnie de CRS a refusé, et je peux la comprendre, de regagner un casernement, tant celui-ci lui paraissait indigne -, ce n'est à l'honneur ni de la droite ni de la gauche. Nous ne pouvons pas demander beaucoup à ces collaborateurs et les laisser exercer leur profession dans de telles conditions.
    J'en viens au réseau de transmissions ACROPOL, qui a suscité beaucoup de polémiques, souvent injustes. Ce système fonctionne partout où il est installé en province. Il n'y a qu'à Paris et dans la petite couronne, c'est vrai, que problèmes se posent, notamment dans le métro et dans les tunnels. J'ai vu le fabriquant de ce système et je pense que ces problèmes seront réglés à la fin de l'année.
    Cela dit, qui peut comprendre que les réseaux de transmissions des deux forces de l'ordre soient différents ? Aux uns, ACROPOL ; aux autres, RUBIS ! Quant aux pompiers, ils utilisent un troisième système de transmissions ! Eh bien, les pompiers, les gendarmes et les policiers doivent utiliser le même réseau de transmissions pour être, au propre comme au figuré, sur la même longueur d'onde.
    La police scientifique et la police technique sont également au coeur de ce budget de l'intérieur pour 2003. Les crédits en la matière concernent le fameux fichier des empreintes génétiques. J'ai vu que, sur ce sujet, un certain nombre de personnes ne craignaient pas d'être rattrapées par le ridicule, et il est vrai que leur antériorité les a sans doute vaccinées en la matière...
    Mais qu'est-ce que le fichier des empreintes génétiques ? Eh bien, c'est le fichier des empreintes digitales d'il y a quinze ans ! C'est aussi simple que cela.
    Qui peut accepter, quel que soit le banc sur lequel il siège,...
    M. Jérôme Lambert. Nous avons voté sa création !
    M. Eric Raoult. Certes, mais vous avez aussi signé la pétition contre la loi Sarkozy !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... que ce fichier ne compte que 1 200 noms ! Or, dans le berceau de la démocratie parlementaire, le Royaume-Uni, le fichier des empreintes génétiques en compte 1 700 000 et est interrogé 60 000 fois par an.
    Dans ces conditions, quelle image peut donner notre pays de sa police scientifique, avec un fichier ne comptant que 1 200 noms ? Et sur ces 1 200 empreintes, il y en a une centaine que l'on n'utilise pas par peur de ne pas respecter les droits de l'homme !
    Eh bien, je vous le dis, les droits de l'homme qui sont prioritaires pour nous, ce sont les droits des victimes d'aujourd'hui et ceux des victimes de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Parce que, pour ces victimes-là, les droits de l'homme, ça compte !
    Bien sûr, le coupable doit bénéficier de la présemption d'innocence, mais, croyez-moi, cela fait des années que les victimes ont besoin que l'on parle d'elles.
    J'ajoute que je suis toujours étonné d'entendre certains dire avec tant de force et d'arrogance que les Français n'ont pas peur, mais qu'ils croient avoir peur. Voilà qu'après leur avoir contesté la réalité de l'insécurité - pour ces gens-là, ce n'était pas de l'insécurité, mais un sentiment d'insécurité -,...
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... voilà maintenant qu'on dit aux Français : « Vous devriez avoir honte d'avoir peur ! »
    Faut-il qu'une certaine intelligentsia soit à ce point prétentieuse, arrogante et déconnectée des réalités de la vie de nos compatriotes pour ne pas répondre à leur interrogation et contester même la sincérité des sentiments qu'ils expriment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Robert Pandraud. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce que nous voulons, c'est redonner la parole à la France des oubliés, ...
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... à la France modeste, à la France qui pense qu'on ne légifère jamais pour elle, à la France dont personne n'a voulu tenir compte, à la France qui ne se sentait pas représentée par la République et qui, ne se sentant pas représentée par la République, a décidé de ne pas voter dans le cadre des institutions de la République ou, quand elle s'exprimait, de choisir le pire, c'est-à-dire l'extrême-droite.
    Mesdames, messieurs les députés, je ne veux pas délivrer un message de la droite à l'attention de la gauche. En effet, et je vous demande de me croire, quand le Gouvernement agit, il ne se demande pas si c'est une commune de droite ou une commune de gauche qui est concernée.
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Lorsque la délinquance recule à Paris, je ne me pose pas la question de savoir si cela sert les intérêts de M. Delanoë ou de qui que ce soit d'autre : cela sert les intérêts des Parisiens. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Et quand à Mulhouse la situation explose, je ne me pose pas la question de savoir si le maire de cette ville est socialiste ou s'il est UMP - il est en l'occurrence socialiste. J'essaie d'agir pour répondre à cette situation car un maire socialiste et un maire UMP reçoivent les mêmes sollicitations de leurs électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Et quand un campement illégal s'installe dans un département, celui du Val-de-Marne, par exemple, je ne me pose pas la question de savoir si le maire de la commune ou le conseiller général du canton sont communistes, car ils sont aussi désarmés que le maire UMP devant l'intolérable, c'est-à-dire un Etat de droit qui ne fait rien, qui ne réagit pas, qui n'agit pas et qui ne décide pas. Voilà la réalité des choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Alors que le Gouvernement met en place cette politique de sécurité pour tous les élus, quels qu'ils soient, et pour tous les Français, quels qu'ils soient, il me semblerait normal que les représentants que vous êtes, quels que soient les bancs où vous siégez, reconnaissent que ce budget est un bon budget pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous avez compris que le budget du ministère de l'intérieur était un budget pour lequel le Gouvernement avait fait des efforts très importants et qu'au surplus ces efforts donnaient lieu à une application intelligente de la part de Nicolas Sarkozy. Ces efforts sont d'ores et déjà couronnés d'un commencement de succès, qui demande naturellement à être confirmé car la délinquance est une chose lourde et profondément ancrée dans notre société. Mais les résultats, je le répète, commencent à être au rendez-vous.
    Quand on a la ténacité et le talent de Nicolas Sarkozy, on ne dépense pas son argent impunément : l'argent du contribuable est bien placé au ministère de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Merci Patrick !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le budget du ministère de l'intérieur est un tout qui comprend aussi le budget des collectivités territoriales. L'effort consenti par le Gouvernement est indissociable des collectivités territoriales et se situe dans la perspective de la décentralisation, dont vous avez débattu la semaine dernière. En effet, et c'est une singularité de nos finances publiques, la plupart des dotations aux collectivités territoriales prenant la forme de prélèvements sur recettes, elles figurent dans la première partie du projet de loi de finances, qui a été examinée la semaine dernière.
    Ainsi que l'ont rappelé vos rapporteurs Marc Laffineur et Manuel Aeschlimann, l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités territoriales s'élève à 58,2 milliards d'euros, bientôt à 58,3 milliards. C'est une somme très importante, qui recouvre trois ensembles.
    Il s'agit d'abord des dotations budgétaires au sens classique du terme, pour un montant de 8,2 milliards d'euros, parmi lesquelles on trouve la dotation générale de décentralisation et la dotation globale d'équipement. C'est sur ces dotations et sur elles seules que portera aujourd'hui votre vote.
    Il s'agit ensuite des prélèvements sur recettes, qui forment la plus grosse part des dotations. Ils concernent la dotation globale de fonctionnement et le fonds de compensation de la TVA. Cette dotation et ce fonds représentent à eux deux 22,5 milliards d'euros.
    Il s'agit, enfin, d'une masse quelque peu informe qui résulte d'une pratique de recentralisation menée par l'Etat et qui correspond aux compensations pour dégrèvements ou pour exonérations, à hauteur de 26 milliards d'euros.
    En effet, comme la modernisation indispensable de la fiscalité locale n'a pas eu lieu, le gouvernement précédent a eu tendance à essayer de supprimer progressivement les impôts locaux. Ce sont ainsi près de 15 milliards d'euros de fiscalité locale qui ont été supprimés pour être remplacés par des dotations.
     L'Etat a donc recouru à une nouvelle tutelle, la tutelle financière, qui a opéré une recentralisation. Plusieurs rapporteurs n'ont pas manqué d'énumérer les recettes qui ont été remplacées par des dotations. On a parlé de l'APA, de la situation des SDIS et de l'effet des 35 heures. Aussi n'insisterai-je pas.
    Au-delà des critiques que l'on peut faire sur le passé, je voudrais rappeler que la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin vise la restauration de la liberté financière pour les collectivités territoriales.
    M. Bernard Derosier. C'est en effet la Restauration !
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Oui, la restauration de la liberté qui a été confisquée !
    M. Jean-Pierre Balligand. Nous parlions de la restauration monarchique !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Cette volonté de faire retrouver une liberté perdue s'appuie sur trois principes : le respect des engagements financiers de l'Etat, le soutien à la politique de péréquation en faveur des collectivités locales, le retour de la responsabilité et de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
    Premier principe : le respect des engagements financiers de l'Etat.
    Comme l'ont signalé les rapporteurs, la contractualisation pluriannuelle des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales a été reconduite cette année bien que le contrat soit arrivé à son terme. Elle avait commencé en 1996, sous le gouvernement d'Alain Juppé, et avait été poursuivie sous le gouvernement de Lionel Jospin. L'Etat l'a prolongée cette année en dépit d'un contexte économique difficile. En votant l'article 29 du projet de loi de finances, vous avez confirmé ce choix du Gouvernement.
    Deuxième principe : le soutien à la péréquation.
    Dorénavant et du fait de la réforme de la décentralisation, la péréquation et la correction des inégalités de ressources des territoires ne seront plus un thème de discours, mais un droit inscrit dans la Constitution et protégé comme tel. Les lois que le Parlement votera devront se conformer à ce principe.
    Dans cet esprit, le projet de loi de finances prévoyait initialement une progression d'environ 2 % de la DSU et de la DSR. Sur proposition de la commission des finances acceptée par le Gouvernement, un abondement de 23 millions d'euros au profit de la dotation de majoration du fonds national de péréquation sera opéré.
    Vous avez également institué une garantie spécifique au profit de certaines communes qui avaient perdu le bénéfice de la DSU à cause du passage à la taxe professionnelle urbaine du groupement auquel elles appartiennent. Le Gouvernement a marqué son soutien à cette mesure puisqu'il a lui-même abondé de 2 millions d'euros supplémentaires la DSU pour en financer les effets. Vous comprendrez donc que je ne reprenne pas à mon compte la polémique sur la suppression de la modulation des baisses de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. L'un des rapporteurs a d'ailleurs démontré que cette mesure était justifiée pour les communes qui ne sont pas éligibles à la DSU ou à la DSR mais dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne.
    Troisième principe : l'accent mis sur la responsabilité et l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
    Le dispositif constitutionnel qui sera soumis prochainement au Parlement prévoit la libre disposition des ressources fiscales. Le projet de budget s'inscrit tout naturellement dans cette volonté de rupture du Gouvernement par rapport au passé : il s'agit de responsabiliser davantage les élus locaux. A cet égard, Manuel Aeschlimann a évoqué tout à l'heure un amendement déposé à l'article 14 et le débat qui a eu lieu sur cet article. Le Gouvernement conçoit l'article 14 comme une étape vers une liberté des taux, puisque le principe de responsabilité et de liberté est affirmé dans le projet constitutionnel et il faudra bien qu'il produise ses effets l'année prochaine. J'ajoute que ce principe est légitime et je dirai au MEDEF que les élus locaux sont aussi responsables que les chefs d'entreprise...
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très juste !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ils ne le sont pas moins, ils ne le sont pas plus, ils le sont autant.
    M. Jacques Brunhes. Très bien !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Les élus locaux savent très bien que, si l'on augmente inconsidérément la fiscalité locale, il y aura un affaiblissement du tissu économique, une fuite des entreprises et que leurs collectivités en supporteront les conséquences.
    Le MEDEF a bénéficié de la part du Gouvernement précédent d'un cadeau extraordinaire : la compensation de la part de la taxe professionnelle prise en charge par l'Etat, laquelle est, cette année, de 6,5 milliards d'euros base 1999, ce qui devrait correspondre à peu près à 8 milliards d'euros. C'est donc une baisse de 8 milliards d'euros dont les entreprises ont bénéficié de la part du gouvernement précédent, qui a agi avec un tel désintéressement qu'il n'a jamais rappelé ce point pendant la campagne électorale.
    Quoi qu'il en soit, le patronat, pensons-nous, a été bien servi...
    M. Jérôme Lambert. Manifestement pas assez puisque vous en rajoutez !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... et la restitution de leurs libertés aux élus locaux présente un risque extrêmement modéré.
    Les engagements de l'Etat en faveur du soutien à la péréquation et de la défense de l'autonomie des ressources financières et fiscales des collectivités locales sont aussi respectés.
    Tels sont les trois principes sur lesquels le budget a été établi. Il s'agit d'un budget de transition car les principes constitutionnels posés obligeront à une réforme profonde.
    Monsieur Laffineur, vous êtes revenu sur la multiplication cette année des dégrèvements et exonérations d'impôts. Ils ont conduit à ce que le volume du contrat de croissance et de solidarité représente finalement à peine la moitié des transferts de l'Etat aux collectivités territoriales. Or cette situation n'est pas du tout satisfaisante.
    L'année 2003 va naturellement nous amener à discuter, notamment avec le comité des finances locales, d'une réforme d'ensemble de la DGF. C'est sur cette base qu'il faudra définir les relations entre l'Etat et les collectivités locales.
    Je partage votre avis : la technique du contrat pluriannuel demande à être conservée même si l'on réforme la DGF, parce qu'elle donne une lisibilité aux élus locaux pour l'établissement de leurs budgets.
    Vous avez également évoqué plusieurs pistes concernant le financement de l'intercommunalité. La création d'une DGF spécifique pour l'intercommunalité est une idée séduisante, mais elle pose un véritable problème dans la mesure où elle serait, compte tenu du développement de l'intercommunalité, qui est appelée à augmenter d'environ 15 % par an tandis que la DGF telle qu'elle existe actuellement n'augmente que de 2 à 3 %.
    Vous avez proposé une autre solution, celle de la globalisation de la DGF, qui passerait ainsi de 18 à 30 milliards d'euros. Peut-être peut-on par ce biais trouver des marges permettant de dégager un financement de l'intercommunalité, avec un système d'indexation. Mais pour cela, il faudra rendre plus lisible, et plus forte, la partie qui existe. Des simulations devront être faites car les chiffres réservent parfois de mauvaises surprises.
    En tout cas, le Gouvernement est convaincu que la tuyauterie extrêmement complexe des finances locales, qui est souvent illisible et qui génère de plus des effets pervers, demande à être reconsidérée. Cela se fera nécessairement en application des principes financiers qui figureront dans la Constitution si le Parlement les vote. Mais des simulations et la concertation avec les élus locaux sont absolument nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, premier orateur inscrit.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, s'il est une chose dangereuse dans les lois de programmation et d'orientation, c'est qu'en règle générale elles ne sont jamais suivies d'effet. Très souvent, on oriente, on programme, et on oublie, on abandonne en fonction des difficultés du moment.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, vous nous avez présenté cet été une loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure et vous vous étiez engagé à ce que ses premières déclinaisons soient effectives dès le budget de 2003. La représentation nationale et le groupe UDF ne peuvent qu'être reconnaissants du respect de la parole donnée aux parlementaires lorsque le débat a eu lieu.
    Dès la première année en effet 40 % sont déjà engagés. Ce doit être un cas unique dans l'histoire des lois d'orientation et de programmation, militaires ou autres. Cela montre que le Gouvernement a voulu traiter en urgence un problème que les Français vivent dans l'urgence.
    M. Philippe Pemezec. C'est l'expression de la compétence !
    M. Jean-Christophe Lagarde. D'autre part, vous avez souhaité éviter la facilité qui se réduirait au discours pour chercher à devenir opérationnel, et ce le plus rapidement possible, notamment en ce qui concerne les moyens matériels, en réduisant à la fois des absurdités et des indignités, en ce qui concerne les locaux ou les logements, par exemple.
    A cet égard, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Vous avez parlé de casernements indignes. Eh bien ! dans ma commune, à Drancy, 150 logements de la gendarmerie mobile sont vides et restent inutilisés. On pourrait très bien les remplir. On éviterait ainsi que ne surviennent d'autres situations encore plus désagréables.
    (M. François Baroin remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence).

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. Jean-Christophe Lagarde. Grâce à la loi adoptée cet été et aux crédits que vous débloquez aujourd'hui, monsieur le ministre, nous aurons une plus grande facilité à obtenir commissariats, lieux de travail et logements. Pour les fonctionnaires qui s'occupent de la sécurité, c'est important.
    Vous avez aussi mis fin, ou vous commencez à mettre fin à des absurdités - je pense au système ACROPOL. Les forces de police, notamment à Paris, sont obligées, ainsi que la presse s'en est fait l'écho il y a peu de temps, d'utiliser leurs propres téléphones portables pour communiquer entre elles parce que le réseau ACROPOL est embouteillé ou ne fonctionne pas suffisamment bien. Il était donc nécessaire, et vous commencez à le faire, d'y mettre bon ordre en investissant davantage pour harmoniser les différents systèmes permettant aux services de police, de gendarmerie et de sapeurs-pompiers de communiquer entre eux.
    Il convient également d'améliorer les équipements individuels. Il n'est pas normal qu'une partie des fonctionnaires de police ne soient pas protégés comme ils doivent l'être alors que leur métier, qu'il exercent dans des conditions difficiles, leur fait courir des risques toujours plus grands.
    J'en viens à la sécurité civile.
    Vous le savez mieux que personne, un certain nombre d'aéronefs destinés à être utilisés pour la sécurité civile ne pouvaient même pas décoller car ils n'étaient pas entretenus. En augmentant les moyens, vous avez cherché en ce domaine à être rapidement opérationnel.
    Vous avez aussi voulu être opérationnel en ce qui concerne les moyens humains. C'était sans doute le plus difficile. En dégageant mille postes d'emplois administratifs qui viennent s'ajouter aux mille du mois d'août que vous avez évoqués, vous libérerez rapidement des fonctionnaires de police, et des fonctionnaires de police qui sont sans doute - j'insiste sur ce point - parmi les plus expérimentés et dont il est souhaitable qu'ils retournent sur le terrain.
    Prenons l'exemple de la préfecture de police de Paris. C'est en son sein que l'on va trouver le plus grand nombre de gradés, de sous-brigadiers, de brigadiers-chefs, dont on a bien besoin car, dans les communes de banlieue, nous nous retrouvons avec de jeunes policiers sortis de l'école et sans aucun encadrement. C'est un miracle qu'il n'y ait pas plus d'incidents.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ces jeunes sont laissés à eux-mêmes, sans bénéficier d'un encadrement suffisant. Le déblocage que vous opérez va rendre beaucoup de services. Je pense que vous connaîtrez des résistances au sein de la préfecture de police, mais je compte sur vous pour les vaincre. N'avez-vous pas déjà vaincu les résistances qui s'exprimaient parfois dans votre propre ministère depuis votre arrivée ?
    Je ne m'étendrai pas sur les moyens mobiles, mais il est préférable d'occasionner moins de déplacements aux policiers, de les utiliser dans la rue plutôt que de leur faire passer des journées entières dans des cars, enfermés, attendant, s'usant, s'énervant, voire pis ! Je le sais pour avoir eu des proches qui exerçaient ce métier. En plus, vous avez veillé à ce que leur rémunération ne varie pas pour autant, ce qui est tout à votre honneur.
    L'ouverture, l'année prochaine, de 900 postes actifs et l'attribution de la qualification d'OPJ à 2000 agents supplémentaires permettra, entre autres, à nos concitoyens qui viennent de se faire agresser et vont au commissariat pour porter plainte de ne plus s'entendre répondre : « Désolé, revenez demain aux heures d'ouverture. Il n'y a pas d'OPJ de service aujourd'hui pour vous accueillir ! » Et vous n'avez pas oublié non plus la revalorisation des fonctions. Vous tenez donc les engagements que vous aviez pris, monsieur le ministre, mais je voudrais enrichir votre réflexion sur quelques points.
    S'agissant de la formation et de la capacité d'accueil des écoles de police, le plan ambitieux que vous développez se traduit par des emplois administratifs et un peu plus d'emplois d'actifs. Cela dit, les écoles de police ne pourront pas former autant de policiers qu'il le faudrait. Les formateurs doivent être expérimentés et motivés. Le gouvernement précédent avait décidé de limiter à cinq ans la durée d'enseignement d'un formateur. Il faudrait, me semble-t-il, revenir sur cette disposition, afin qu'être formateur corresponde à une évolution de carrière pérenne.
    Il est également essentiel que vous nous expliquiez où en est votre réflexion sur le remplacement des emplois-jeunes. Les milliers de postes concernés ont trouvé leurs limites, mais ils ne peuvent pas disparaître sans être remplacés, car cela nuirait à l'effectivité du travail de police sur le terrain.
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes bien d'accord !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je tiens beaucoup à rappeler à quel point il serait nécessaire d'opérer une « discrimination positive » quant à la rémunération des policiers qui travaillent en milieu difficile. Leur permettre de gagner plus et les fidéliser sur ce terrain serait une grande avancée, notamment en Ile-de-France. En effet, tous ceux qui arrivent actuellement dans cette région n'aspirent qu'à une seule chose : retourner dans l'endroit dont ils sont originaires. Nous n'avons donc jamais de policiers connaissant suffisamment bien le terrain.
    Une autre façon de fidéliser les policiers travaillant dans les zones difficiles consisterait à leur permettre de se loger plus aisément. L'accession à la propriété doit être facilitée pour les policiers s'engageant à rester un certain temps dans une zone. En effet, quand on fait sa vie à un endroit, même difficile, que l'on y a son logement, que l'on y élève ses enfants, on en part plus difficilement. Nous pourrions ainsi avoir des policiers expérimentés alors que, aujourd'hui, dans le commissariat de ma commune, par exemple, dix policiers au maximum sont là depuis plus de cinq ans. Forcément, la capacité d'action de la police s'en trouve gênée dans ces zones compliquées.

    Bien des jeunes policiers nommés à Paris ont une rémunération relativement modeste et doivent payer des loyers très élevés pour se loger dans la capitale. Je suis persuadé qu'en banlieue vous trouveriez des maires prêts à contractualiser avec le ministère de l'intérieur. Ces policiers pourraient ainsi se loger pour deux fois moins cher qu'à Paris et, même s'ils sont un peu éloignés, cela correspondrait mieux à leurs moyens.
    Vous avez donc, respecté vos engagements, monsieur le ministre, et l'on comprend mal pourquoi ceux qui, hier, mettaient en doute vos engagements sur la LOPSI vous font aujourd'hui un procès en sorcellerie. On vous accuse de faire « la guerre aux pauvres ». Permettez à l'élu de Seine-Saint-Denis que je suis de vous dire la chose suivante : la seule guerre que les pauvres connaissent dans ce pays depuis des années, c'est celle qui leur est imposée par les caïds, les gangs, les bandes, par ceux qui les empêchent de vivre et les obligent à se terrer chez eux à partir d'une certaine heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous voulez leur permettre de ressortir de chez eux. C'est pourquoi le débat idéologique qui doit permettre à la gauche de se reconstituer, de refaire son unité - à supposer qu'elle ait été un jour unie - ne me paraît pas fondé. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, les squats de hall d'immeuble ne se font pas à Neuilly ; les premières victimes de la criminalité se trouvent dans les banlieues les plus déshéritées. Quand un squat de hall constitue une menace suffisante pour empêcher tout témoignage dans une ville, les gens n'osant plus aller porter plainte parce qu'ils sont menacés et insultés, alors les services de police et la justice ne servent plus à rien. Nous en discuterons prochainement ici à l'occasion de l'examen de votre projet de loi.
    Le budget de la sécurité civile augmente de façon très significative et, pour l'UDF, c'est une excellente chose que soient reconnus à la fois le besoin et l'immense mérite des gens qui y travaillent, tant ce secteur était déshérité depuis de nombreuses années. Je tiens également à vous dire, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, que la progression de 2,3 % de la DGF est évidemment satisfaisante pour les maires et les présidents de conseils généraux. Néanmoins, je crains que l'on ne favorise trop l'intercommunalité, certaines communes ne pouvant y accéder.
    M. le président. Il vous faut conclure rapidement, monsieur Lagarde !
    M. Jean-Christophe Lagarde. En conclusion, au nom de l'UDF, je n'ai qu'une chose à vous dire, monsieur le ministre de l'intérieur : continuez à donner des moyens aux fonctionnaires de police et à leur rendre leur dignité ! Cela profite d'abord et avant tout à la « France des oubliés », comme vous dites. Pour ma part, je parlerais plutôt d'« abandonnés ».
    Or, ceux qui se sentent abandonnés par l'Etat n'ont plus recours qu'aux extrêmes et sont livrés à la désespérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. « La sécurité des personnes et des biens est un droit fondamental. C'est un élément essentiel de la liberté, de la fraternité et de la citoyenneté. Sa demande est d'autant plus légitime que pour nombre de nos concitoyens, l'insécurité renforce les difficultés sociales et économiques. » Tels sont les propos que je tenais à cette tribune en 1999, lors du même débat budgétaire. Je pourrais prendre, au hasard, n'importe laquelle des interventions de mon groupe sur le sujet, cette affirmation sous diverses formes y figure. Je veux dire par là, monsieur le ministre, que les questions de sécurité sont depuis fort longtemps une préoccupation essentielle du groupe communiste. Nous y sommes particulièrement attentifs aussi en raison de l'existence le plus souvent de quartiers dits sensibles dans nos circonscriptions, quartiers victimes d'un urbanisme de relégation que vos amis ont voulu et entretenu.
    Face à la montée de la délinquance, nous avons souligné la nécessité de la reconnaissance de la responsabilité individuelle dans les actes délictuels, de la prise en compte de la répression comme partie intégrante de la prévention, mais nous avons également réclamé une politique de prévention qui nécessite notamment des éducateurs spécialisés, le déploiement de la police de proximité, les contrats locaux de sécurité, ainsi qu'une meilleure efficacité du traitement pénal de la délinquance.
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. C'est ce qu'on fait !
    M. Jacques Brunhes. La lutte contre l'insécurité doit être aussi un combat social. Elle ne peut faire l'impasse sur ses causes structurelles sous peine d'une dérive vers la « carcéralisation » à l'américaine, où l'emprisonnement de masse est la seule réponse à la criminalité et aux délits et qui laisse subsister, ou plutôt aggrave, le phénomène d'exclusion, de ghettoïsation et les fractures sociales se superposant aux clivages communautaires. Il faut rappeler, même si c'est une évidence, que les zones reléguées sont celles où la situation socio-économique des habitants est marquée par l'extrême précarité, où le chômage augmente, où le rapport au futur probable se nomme au mieux « stage sans contenu » et, éventuellement, « petit boulot », où la désespérance accompagne les stratégies de rupture chez beaucoup de jeunes, objets de discrimination raciale et ethnique.
    M. Philippe Pemezec. Ce n'est pas nouveau !
    M. Jacques Brunhes. Dans ces zones de « sans-droits », symboles d'un véritables apartheid social et spatial, si l'autorité de l'Etat ne s'exerce que par la répression et abondonne toute régulation sociale, cela ne peut qu'accentuer les phénomènes de défiance, affaiblir la légitimité des institutions démocratiques et signifier l'échec durable du modèle français de l'intégration citoyenne. Or c'est précisément le choix que fait le Gouvernement. Sa conception est celle, libérale, d'un Etat minimal, cantonné dans ses missions régaliennes stricto sensu, ce qui implique son retrait de la sphère sociale. En témoignent, en vrac, la suppression des postes dans l'éducation nationale, la fin des emplois-jeunes, la baisse des crédits pour le logement social, le déremboursement de nombreux médicaments, la diminution des impôts au profit des plus fortunés et des charges sociales pour l'employeur, sans aucune contrepartie pour l'emploi dont, par ailleurs, le budget régresse.
    J'ajoute que le principe de mixité sociale consacré par la loi SRU est dans le collimateur du Gouvernement, qui s'apprête à modifier l'obligation pour toutes les communes de construire 20 % d'HLM sur leur territoire. Les riches pourront donc continuer à vivre entre eux en toute tranquillité, tandis que les pauvres supporteront toujours plus le poids d'une politique de désengagement et de ségrégation sociale.
    M. Philippe Pemezec. Quelle caricature !
    M. Jacques Brunhes. Le surcroît d'anomie sociale qui sera généré par ce choix, vous comptez le combattre par une politique de sécurité fondée sur la stigmatisation de certaines catégories de la population victimes de la misère et la préconisation de mesures répressives de traitement de la délinquance. Nous voilà devant l'amplification de droits et pouvoirs accordés aux forces de l'ordre et devant de nouveaux délits créés par le projet de loi sur la sécurité que vous avez présenté ce matin en conseil des ministres. Pourtant, monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que les tribunaux sont d'ores et déjà surchargés, qu'en l'absence d'effectifs suffisants au regard des besoins, le taux de réponse judiciaire par rapport aux infractions poursuivables est de 60 % et que l'Union syndicale des magistrats, pourtant de tendance modérée, dénonce une « justice pénale virtuelle » ! Se référant à votre nouveau projet, celle-ci parle de « pénalisation de la misère », tout comme la Ligue des droits de l'homme. En somme, pour citer l'abbé Pierre - j'ai bien compris que cette formule vous déplaisait - une « guerre contre les pauvres », et non contre la pauvreté. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Le syndicat de la magistrature y voit « un choix de société : émancipation de la police, marginalisation du juge et de l'avocat, fichage systématique de la population ». Je pourrais citer bien d'autres réactions, notamment l'appel commun des trente-quatre organisations politiques, associatives et syndicales, qui se prononcent unanimement contre la politique du Gouvernement.
    M. Guy Drut. Cela prouve qu'il a raison !
    M. Jacques Brunhes. Certes, monsieur le ministre, les dotations atteignent 5,5 milliards d'euros et permettront de créer de nouveaux emplois, de maintenir le potentiel opérationnel des forces et d'en moderniser les équipements. Ce renforcement indispensable, que j'ai réclamé au nom de mon groupe depuis des années - la demande des moyens adéquats permettant à la police nationale de remplir correctement ses missions est une autre constante de notre politique -, s'inscrit dans le cadre des nouvelles orientations de votre politique que je viens d'évoquer. Je veux dire par là, monsieur le ministre, que nous ne pouvons dissocier les moyens budgétaires de la politique qu'ils vont servir et cela ne peut qu'influer sur notre appréciation de votre budget. Vous compredrez dès lors qu'un consensus sur celui-ci soit impossible. Nous le regrettons.
    Enfin, la fiabilité des statistiques est indispensable à toute évaluation crédible des politiques publiques de sécurité. Or, les instruments actuels sont insuffisants et contestables, chacun le reconnaît. Le rapport Caresche-Pandraud préconise plusieurs mesures pour parvenir à une approche plus fiable et crédible. Je vous demande à nouveau, monsieur le ministre, si vous comptez les mettre en oeuvre.
    Le budget de la sécurité civile augmente et je me félicite de la pérennisation du dispositif actuel de soutien à l'investissement des SDIS et de l'octroi de 45 millions d'euros d'abondement à la dotation globale d'équipement, comme lors des trois précédentes années. Les besoins dans ce domaine sont tels que les collectivités locales ne peuvent y faire face sans le concours de l'Etat. A l'occasion de ce budget, je voudrais rendre hommage, au nom de mon groupe, au courage et au dévouement des sapeurs-pompiers dont une vingtaine ont perdu la vie cette année en effectuant leur mission et dire que nous sommes solidaires de leurs protestations contre les agressions dont ils sont victimes. Il y a urgence à engager la modernisation de la sécurité civile dont la réforme date de 1987. Mon ami Frédéric Dutoit évoquera cette question dans les questions qui seront posées à la suite des interventions.
    Enfin, s'agissant du budget des collectivités locales, permettez-moi de ne pas partager la présentation optimiste que vous en faites. La lecture du bleu me fait en effet constater une faible progression, de 1,5 %, de l'enveloppe dite normée qui atteint 30,5 milliards d'euros, y compris les abondements, c'est-à-dire une reconduction simple, en tenant compte de l'inflation ; une diminution de 18 % du fonds de péréquation, de 5,16 % pour la dotation de compensation de la taxe professionnelle, hors réduction pour embauche et investissement. Cette dernière dotation n'est plus modulée pour les communes défavorisées. Les dotations de solidarité rurale et urbaine n'évoluent pas malgré les besoins croissants et malgré la ponction sur la régularisation de la dotation globale de fonctionnement des communes et la suppression des droits de licence sur les boissons. De plus, l'évolution de ces dotations de solidarité reste soumise à la part consacrée au financement de l'intercommunalité. Bref, monsieur le ministre, nous ne partageons pas l'optique selon laquelle les ressources seraient largement suffisantes et selon laquelle il ne resterait plus qu'assurer une meilleure péréquation entre les collectivités.
    L'ensemble de ces remarques et appréciations fonde la décision du groupe des député-e-s communistes et républicains de ne pas approuver votre budget.
    M. Frédéric Dutoit. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.
    M. Jacques Pélissard. Je centrerai mon intervention non pas sur les collectivités locales, monsieur le ministre délégué - nous aurons l'occasion d'en débattre notamment lors de l'examen du projet de loi organique sur la réforme constitutionnelle - mais sur le budget relatif à la sécurité intérieure.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, le 16 juillet 2002, vous portiez un diagnostic ô combien pertinent : « Les Français nous l'ont dit. La sécurité est bel et bien leur première préoccupation. Ils ont voulu un gouvernement qui applique une nouvelle politique. » Vous avez mis en oeuvre cette nouvelle politique avec l'efficacité que chacun vous reconnaît et, je tiens à le dire, en respectant les valeurs humanistes de notre société - vos positions courageuses sur Sangatte et sur l'examen au cas par cas des dossiers des SDF le démontrent. Vous l'avez mise en oeuvre parce que la situation l'imposait, associant prévention et sanctions.
    Je donnerai quelques exemples. Le premier est quantitatif. Entre 1981 et 2001, la délinquance a augmenté de 40 % et le phénomène s'est récemment amplifié : plus 16 % depuis 1998, plus 7,69 % au cours de la seule année 2001 et plus 3,41 % au premier semestre 2002. En dix ans, le nombre de crimes et délits à l'encontre des personnes a augmenté de 91,39 %. Les vols, qui avaient diminué au cours de cette même décennie ont augmenté de 8,04 % en 2001, augmentation qui s'est poursuivie au premier semestre 2002.
    Autre phénomène inquiétant, l'augmentation de la délinquance des mineurs. Ceux-ci représentaient 13 % des personnes mises en cause en 1992 et 21 % aujourd'hui.
    Dernier indicateur : la baisse du taux d'élucidation, qui est passé de 32,91 % en 1992 à 24,92 % en 2001 seulement 7,4 % des cambriolages et 2,78 % des vols à la tire.
    Au-delà de la froideur de ces chiffres, n'oublions pas la souffrance des victimes, comme c'est le cas dans ma ville : victime, celui dont on vole la voiture ; celui dont on crève les pneumatiques ; cet ouvrier d'une zone urbaine sensible qui découvre à six heures du matin, en partant au travail, le délit dont il a été victime. Victime aussi la retraitée, dont le sac est arraché et qui est projetée au sol et se retrouve des mois dans le plâtre parce qu'elle a tenté de résister. Victime encore, les personnes âgées qui, après une vie de travail, doivent baisser la tête pour entrer dans leur immeuble, subir injures et quolibets parce que des individus désoeuvrés squattent le hall de leur immeuble.
    Monsieur le ministre, avoir remis les victimes au coeur de vos préoccupations est une véritable réponse républicaine. Le sentiment d'insécurité qui s'est diffusé dans notre société accroît en effet la méfiance à l'encontre de l'autre, à l'encontre de celui qui n'est pas comme nous et conduit parfois au racisme. C'est bien le lien social qui est menacé par l'explosion de la délinquance.
    Aujourd'hui, collectivement, nous avons l'ardente obligation de rétablir l'Etat de droit sur toutes les parcelles du territoire, non seulement en zone urbaine, mais aussi en zone rurale. La première liberté, c'est la sécurité, déclarait M. le Premier ministre le 3 juillet. L'insécurité était devenue un véritable défi pour l'Etat. Vous avez relevé ce défi, monsieur le ministre, apporté une réponse globale, rapide, basée sur une architecture législative cohérente, à commencer par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
    Cette loi du 29 août dernier a défini, pour la période 2003-2007, les bases d'un renforcement sans précédent des moyens de la police et de la gendarmerie. Souvenons-nous des 13 500 emplois supplémentaires des 5,6 milliards d'euros consacrés à l'exécution de la programmation, s'ajoutant aux effets du point de la fonction publique et au GVT, le glissement vieillesse technicité.
    A l'époque, l'opposition s'était gaussée, nous renvoyant au budget. Or nous voyons que la traduction budgétaire de cette ambitieuse loi de programmation est au rendez-vous, n'en déplaise à ses Cassandre. Le budget de la police est, en effet, en hausse de 5,8 % par rapport à 2002. Sur les 6 500 emplois en cinq ans prévus dans la LOPSI, près du tiers, soit 1 900, seront créés dès 2003. Le budget de la gendarmerie augmente, pour sa part, de 8,4 %, avec 1 200 emplois nouveaux et l'inscription budgétaire de crédits qui vont permettre de sécuriser les paiements des loyers de la gendarmerie. Nombre de maires de chefs-lieux de canton qui s'étaient impliqués dans les financements d'installations immobilières pour la gendarmerie au cours des dernières années, redoutaient que les loyers dus à la commune ne soient pas payés. Ce déficit est maintenant réglé. C'est donc une action coordonnée et financée que vous mettez en oeuvre, comme cela vient d'être démontré.
    Mais une augmentation des crédits ne doit pas éluder les réformes nécesaires. Un budget serait inefficace s'il ne correspondait qu'à un empilement de moyens. Or, et cela me paraît essentiel, vous avez engagé ces réformes.
    Vous avez d'abord proposé - et la démarche philosophique me semble intéressante - aux forces de l'ordre une véritable culture du résultat, motivé les préfets et les directeurs départementaux de la sécurité publique et publié, en vous imposant à vous-même cette obligation de résultats, les chiffres mensuels de la délinquance. Vous avez ainsi initié une véritable révolution des mentalités.
    Vous avez ensuite accéléré les procédures. Des concours de recrutement ont été lancés avant même le vote de cette loi de finances, pour permettre à 500 agents administratifs et à 500 gardiens de la paix de prendre leur poste ou d'intégrer leur école de formation dès cette année. Par ailleurs, vous organisez, et ce n'était pas facile, la complémentarité entre la police et la gendarmerie. Le commandement opérationnel unique prévu par le décret du 15 mai 2002 assure une synergie entre les forces de police et de gendarmerie. L'approche transversale associant, au sein des GIR, toute une série d'administrations compétentes chacune dans leur domaine, chacune équipée de son outil législatif, est une démarche intéressante qui porte ses fruits. La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles, CRS et gendarmerie mobile, qui sera opérationnelle dès le 1er novembre 2002, permettra de déployer, en appui des directions départementales de sécurité publique, en appui des gendarmeries, des forces mobiles dans leur région d'implantation. Elle participe de cette approche cohérente, globale, mettant en synergie les moyens dont la République dispose. Enfin, le recentrage de l'emploi des policiers et des gendarmes sur des fonctions de sécurité constitue une bonne démarche : qu'il suffise de rappeler les déplacements en car ou les gardes statiques, qui ont été évoqués ici tout à l'heure.
    Cela dit, monsieur le ministre, il me semble que cette complémentarité pourrait être encore accélérée par une nouvelle coordination dans le domaine de l'information, le rapprochement des réseaux RUBIS et ACROPOL et des fichiers d'information criminelle STIC et JUDEX.
    Monsieur le ministre, votre action réhabilite le principe essentiel de l'action politique, qui est de susciter et justifier la confiance, de tenir les engagements pris envers le peuple et de conduire la politique sur laquelle nous nous sommes engagés et avons été élus.
    Monsieur le ministre, vous incarnez une volonté politique forte et courageuse. Votre budget est bon et le groupe UMP le votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, soyez certain que je ne suis pas de ceux qui fréquentent assidûment le café de Flore, ni les dîners en ville : je n'en ai pas le temps.
    Je suis élu d'une circonscription urbaine et périurbaine de la banlieue nord de Paris et je connais les attentes des populations du Val-d'Oise. Aussi parlerai-je clairement.
    Le budget 2003 du ministère de l'intérieur fait apparaître une progression des dépenses en faveur de la police nationale de l'ordre de 5,8 % par rapport à 2002. On ne peut que saluer l'effort consenti en faveur des forces de sécurité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ce budget s'inscrit dans la continuité de la politique menée par le précédent gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je parle bien entendu des masses budgétaires, et non des orientations.
    Cette hausse est sensiblement la même que celle des crédits de la police pour  2002, qui était de 5,2 %. Or, mesdames et messieurs de la droite, l'an dernier, sur ces bancs, nous vous entendions protester contre l'insuffisance des dotations allouées au ministère de l'intérieur. Nous vous entendions, alors que nous étions, il est vrai, en période de pré-campagne, disserter sur la nécessité d'un plan Marshall contre l'insécurité. Nous vous entendions réclamer à cor et à cri des dizaines de milliards d'euros, ironisant sur les 3 000 créations d'emploi prévues par Daniel Vaillant, alors que vous vous vantez aujourd'hui de vos 1 900 créations de postes. Pourtant, la progression des dépenses est aujourd'hui sensiblement la même que celle des années précédentes.
    Mais si, monsieur le ministre, votre budget est dans la continuité de l'action du gouvernement précédent, il est en revanche en rupture avec celui des anciens gouvernements de MM. Balladur et Juppé, qui accusaient une baisse des dépenses, en particulier entre 1995 et 1997, alors que vous étiez ministre du budget.
    Sachez, en tout cas, que le groupe socialiste sera très vigilant quant à l'exécution réelle de ce budget. Nous nous souvenons en effet que le budget 1997, voté en 1996 pour financer la LOPSI de M. Pasqua, avait été largement amputé en cours d'année.
    J'observe par ailleurs que ce budget se situe finalement très en deça de la démarche stratégique pour la police nationale que votre prédécesseur avait envisagée pour la période 2002-2006. Ainsi, vous n'avez prévu que 6 500 nouveaux emplois pour les cinq années à venir, contre les 13 000 que nous avions alors prévus. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Quel culot !
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais c'est la réalité !
    De nombreuses questions restent en suspens après le vote de la LOPSI. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ce que vous comptez faire de la police de proximité. Vous en avez peu parlé tout à l'heure et je pense qu'il faut l'évoquer. La police de proximité a été généralisée en 2002 et on se demande aujourd'hui quelles missions effectives lui seront proposées et de quels moyens réels elle pourra disposer. Pensez-vous qu'une police de proximité équipée de flash-balls restera une véritable police de proximité, en cohérence avec la doctrine d'emploi définie jusque-là ?
    La disparition annoncée des adjoints de sécurité, dont vous n'avez pas du tout parlé tout à l'heure, posera inévitablement des problèmes à la police de proximité. En effet, c'est un effectif de plus de 14 000 personnes que la police verra disparaître de la voie publique, pour des raisons purement idéologiques. Or chacun s'accorde à reconnaître, en dépit des critiques qui ont pu être formulées, que la création des ADS a été une réussite à bien des égards, y compris pour les ADS eux-mêmes ; une grande partie d'entre eux a passé avec succès le concours de gardien de la paix, ce qui, compte tenu de la crise de vocation que connaît la police, n'est pas négigeable. Au 4 mars 2002, 7 171 d'entre eux avaient réussi le concours de gardien de la paix ! Les ADS ont donc constitué un véritable vivier pour la police nationale alors que vous n'aviez pas prévu, avant 1997, de remplacer les nombreux départs en retraite des fonctionnaires - départs qui vont encore se poursuivre pendant quelques années.
    A l'évidence, la création de 6 500 emplois dans le cadre de la LOPSI ne compensera pas la perte de ces 14 000 ADS. Vous avez eu raison de souligner, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des lois, qu'il s'agissait d'un enjeu réel pour la police nationale. Je regrette que vous n'en ayez pas reparlé tout à l'heure, d'autant plus que les écoles de police sont au maximum de leurs capacités, que vous n'avez pas prévu la création de nouvelles écoles et qu'on imagine mal, aujourd'hui, une quelconque solution de rechange.
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. C'est laborieux !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est la réalité !
    Le statu quo que vous proposez pour un an ne fait que reporter le problème. En outre, pour 8 400 ADS, l'échéance interviendra en 2003. Tous les syndicats constatent que leur disparition entraînerait une paralysie des services.
    Monsieur le ministre, je me permets d'insister. Nous aimerions que vous nous indiquiez le sort que vous réservez, à terme, aux adjoints de sécurité et les solutions que vous envisagez pour donner à ces personnels le soutien et la reconnaissance qu'ils méritent.
    Autre question qui nous préoccupe : la diminution de 170 000 euros des crédits de formation, malgré les importants besoins induits par la généralisation annoncée de la qualité d'OPJ et la poursuite des politiques de formation continue. Faut-il en conclure, monsieur le ministre, que vous avez l'intention de raccourcir le temps de formation des policiers ? Toujours est-il que cette baisse de crédits atténuera fortement, aux yeux de l'opinion publique, l'effet des recrutements annoncés.
    S'agissant des personnels administratifs, chacun s'accorde à reconnaître l'importance des nouveaux recrutements qui, non seulement pourraient permettre de remettre sur le terrain les policiers en tenue affectés à des tâches qui ne sont pas les leurs, mais aussi, et surtout, éviteraient de faire se côtoyer deux corps, dont les personnels exécutent les mêmes tâches pour des rémunérations très différentes - les policiers en tenue étant de loin les mieux paysés. La LOPSI, qui prévoyait 2 000 recrutements, était une bonne occasion ; mais une bonne partie des postes prévus au budget 2003 seront occupés par voie de promotion interne, ce qui réduira les créations nettes de postes.
    Concernant les compagnies républicaines de sécurité, on a peine à saisir les intentions du Gouvernement, bien que vous y soyez revenu tout à l'heure. D'une part, on nous dit que le programme de fidélisation va être poursuivi ; d'autre part, on observe que les crédits de déplacement sont en forte augmentation.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est le taux qui augmente !
    M. Jean-Pierre Blazy. Enfin, vous êtes le ministre de la sécurité intérieure, en charge des policiers et des gendarmes. Le budget 2003 aurait pu être la première occasion de rapprocher les deux forces de sécurité. Or on ne note que de timides convergences, qui ne garantissent d'ailleurs pas toujours l'approche équilibrée qui serait nécessaire. Dans les GIR, les officiers de police se trouvent souvent en porte-à-faux avec les officiers de gendarmerie, ce qu'ils vivent fort mal.
    Vous ne réussirez pas, monsieur le ministre, le redéploiement police-gendarmerie si, préalablement, il n'y a pas de convergence entre les deux forces de l'ordre sur la question de la nuit. Les gendarmeries sont fermées la nuit et les commissariats sont ouverts. Comment voulez-vous faire accepter aux élus et aux citoyens la fermeture des commissariats dans les villes de moins de 20 000 habitants, si vous ne garantissez pas en échange l'ouverture des gendarmeries pendant la nuit ? La grogne s'élève à nouveau à ce sujet, et pas uniquement en province.
    Je terminerai en abordant deux point essentiels.
    Le premier concerne le taux de rotation excessif des effectifs en Ile-de-France. J'y avais insisté l'année dernière dans mon rapport pour avis. Daniel Vaillant y avait répondu dans le cadre de la démarche stratégique. Actuellement, la situation est très tendue dans le Val-d'Oise. Il faut augmenter la durée de maintien dans les postes en augmentant la rémunération et en garantissant un droit de mutation prioritaire en fin de période, sans oublier d'aménager les possibilités de promotion. Evidemment, tout cela est à discuter avec les organisations syndicales. Se pose également la question du logement, déjà évoquée tout à l'heure, et je souscris aux propos qui ont été tenus.
    Le second point concerne les statistiques de la délinquance. L'an dernier, en pleine polémique sur ce sujet, Daniel Vaillant avait demandé à deux parlementaires, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, Christophe Caresche et Robert Pandraud, de conduire une mission tendant à la création d'un observatoire de la délinquance et à une refonte du mode de comptabilisation des crimes et délits. L'objectif de cette mission était de répondre à un besoin considérable de transparence et de fiabilité. La création d'une autorité indépendante chargée de produire des statistiques fiables et incontestables est indispensable. Or monsieur le ministre, au vu de vos déclarations lors de votre audition en commission des lois, il semble que vous ayiez décidé de renoncer à suivre les préconisations de ce rapport alors que celles-ci avaient fait l'objet d'un consensus.
    Pourtant, vous le savez pertinemment, monsieur le ministre, les statistiques de la police nationale mesurent autant l'évolution de la délinquance que le niveau d'activité des services de police. Vous nous répétez sans cesse que lorsque nous sommes au pouvoir, la délinquance augmente.
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais on peut également dire que lorsque vous êtes au pouvoir, l'activité des services de police diminue et que lorsque nous sommes au pouvoir, l'activité des services de police augmente.
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Sophisme !
    M. Jean-Pierre Blazy. Convenez que les outils statistiques actuels sont loin d'être fiables.
    M. Jean-Christophe Lagarde. On va les rendre fiables !
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, lorsque l'on vous voit distribuer des bons et des mauvais points aux préfets et aux commissaires, personne n'est dupe ! Chacun va ainsi être tenté de ne pas enregistrer les plaintes des victimes et d'avoir recours aux mains courantes, afin de faire croire que la délinquence diminue ! Je crois qu'il faut là-dessus que l'on avance ensemble, et de façon consensuelle.
    M. le président. Vos conclusions, s'il vous plaît !
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je termine.
    Monsieur le ministre, votre projet de budget semble à première vue ambitieux. Mais en réalité, c'est un budget en trompe-l'oeil. Les nouveaux besoins, les nouvelles promesses, les nouvelles dispositions prises dans la LOPSI requièrent bien plus que 5,8 %, et vous le savez !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il est gonflé !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ce budget fait également ressortir des mesures critiquables que j'ai eu l'occasion de développer.
    Pour ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas votre projet de budget pour la police nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la montée de l'insécurité hors des grandes agglomérations est le signe que la délinquance, qui se manifestait presque exclusivement en milieu très urbanisé, a gagné les petites communes et les zones rurales.
    En zone gendarmerie nationale, l'année 2001 a vu la criminalité progresser de 11,89 % par rapport à 2000, alors que, dans le même temps, elle ne progressait que de 6,23 % en zone police nationale. Les chiffres des derniers mois confirment cette tendance avec des augmentations successives de 13, 16, 4,94 et 3,45 % sur les mois de juillet, août et septembre, alors que la criminalité dans les zones police nationale stagnait ou régressait. Même si la zone police regroupe 75 % de la criminalité et 71 % de la population, cette hausse constitue une situation nouvelle à laquelle notre pays est confronté. Dès lors, il est nécessaire de revoir la répartition des zones de compétence entre les forces de sécurité intérieure et d'adapter l'organisation ainsi que les modes de fonctionnement des services.
    Cette réorganisation est prévue par la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure du 29 août 2001. Une répartition plus rationnelle est recherchée entre les zones de compétence de la police nationale et de la gendarmerie nationale, chaque force devant s'organiser pour prendre effectivement en charge les missions de sécurité publique dans l'ensemble de la zone de responsabilité qui lui est confiée.
    Cet effort de rationalisation est effectué dans le but d'assurer une meilleure qualité du service offert à la population et d'améliorer les performances des deux forces, s'agissant en particulier du taux d'élucidation des crimes et délits.
    Dans les zones rurales et périurbaines, la réorganisation oblige à des modifications, notamment en rendant obligatoire le travail de nuit et en procédant à un redécoupage des compagnies. Deux pôles sont créés : d'une part, les communautés de brigade et, d'autre part, les brigades territoriales de proximité. Compte tenu des évolutions du territoire et de l'augmentation de la délinquance en zones rurales, les brigades de gendarmerie ne disposent plus de moyens leur permettant de fonctionner de façon autonome. Il est possible de les regrouper en communautés de brigades dotées d'un commandement unique agissant sur une circonscription cohérente. Ce nouveau maillage territorial provoque des répercussions sur les zones de la police nationale. Un certain nombre de commissariats vont ainsi connaître un élargissement de leur périmètre d'intervention aux communes périphériques.
    Monsieur le ministre, comment ce redéploiement des activités va-t-il être géré en moyens humains ? L'Etat a-t-il prévu de faire cette réforme à moyens constants ? Ou bien la création d'emplois envisagée dans le projet de loi de finances 2003 va-t-elle servir à cette nouvelle mesure ?
    Dans un deuxième temps, je souhaiterais aborder le problème de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans la police nationale. Un décret du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, a limité la durée annuelle du travail effectif - hors heures supplémentaires - dans les services de l'Etat à 1 600 heures maximum. Le nombre de jours attribués annuellement a été porté respectivement à trente, vingt-trois ou dix-huit selon les durées hebdomadaires de travail. En vue de préserver le potentiel opérationnel de la police, des dérogations ont été prévues et notamment des mesures réglementaires de nature à limiter le nombre de jours d'absence du service des personnels.
    S'agissant des seuls fonctionnaires actifs des services de police au titre de l'année 2002, le ministère a appliqué le principe de l'indemnisation de trois jours ARTT en année pleine, ces trois jours seront par conséquent travaillés. La loi de finances pour 2002 prévoyait une enveloppe de 31,6 millions d'euros, complétée de 30 millions par une loi de finances rectificative, afin de mettre en oeuvre l'aménagement et la réduction du temps de travail. Par ailleurs, pour compenser en partie la capacité opérationnelle de la police, 1 700 emplois de gardiens et gradés et 300 emplois administratifs ont été créés.
    Pour 2003, il est envisagé de porter jusqu'à huit le nombre de jours ARTT rachetés, sauf pour les fonctionnaires investis de responsabilités particulières. Des compensations en temps vont être nécessaires. L'ARRT pourrait imposer aux commissaires de donner entre dix et quatorze jours par an de congés supplémentaires, ce qui signifie une perte importante d'effectifs, 10 à 12 % environ. Sachant que la réduction du temps de traval devra se mettre en place avec un effet rétractif au 1er janvier 2002 et que les écoles de police fonctionnent à flux tendu, un réel problème d'effectifs risque donc de se poser. Dès lors, monsieur le ministre, comment comptez-vous maintenir les résultats, déjà visibles et tant attendus, en matière de sécurité urbaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.
    M. Axel Poniatowski. Monsieur le ministre, vous présentez aujourd'hui à la représentation nationale un budget pour 2003 qui vient crédibiliser la loi d'otientation et de programmation sur la sécurité intérieure que vous nous avez proposée, en juillet dernier.
    Vous avez bâti une architecture cohérente et engagé les réformes nécessaires au niveau national avec le nouvel office central chargé de la recherche des malfaiteurs, au niveau régional avec la mise en place des groupes d'intervention régionaux et, enfin, au niveau local en donnant aux maires un rôle accru au service de la sécurité.
    Vous avez également souhaité rendre plus efficace les méthodes de travail des forces de l'ordre : policiers et gendarmes travailleront ensemble sous votre autorité. Les CRS et les gendarmes mobiles agiront aussi au service de la sécurité quotidienne.
    Vous avez enfin accru les moyens : entre les nouvelles embauches, d'une part, et les rachats de temps de travail, d'autre part, vous augmentez les forces de sécurité d'un équivalent 18 000 hommes. Par ailleurs, vous aves engagé le doublement du rythme de construction des commissariats et des casernes de gendarmerie. Enfin, vous avez donné des moyens nouveaux en tenues, en armes, en véhicules.
    Les premiers effets de ces dispositions commencent à se faire sentir et l'amélioration sur le terrain est apparente ; les statistiques en témoignent. Mais sera-t-elle suffisante ? A cet égard, je souhaite attirer votre attention sur trois points.
    Le premier porte sur le concept de police de proximité qu'a évoqué mon collègue du Val-d'Oise mais sur lequel je formulerai une appréciation fort divergente. Selon moi, ce concept doit faire l'objet d'une réorganisation puisqu'il a eu pour effet pervers d'atomiser le dispositif policier. Il est aujourd'hui demandé à tous les gardiens de la paix d'être polyvalents, de faire et de la voie publique et de l'investigation judiciaire. Dans ces conditions, ce qui devait se produire est arrivé : la paperasse générant de la paperasse, les heures sur la voie publique ont fortement diminué tandis que celles passées à taper des rapports, souvent maladroitement et toujours avec ennui, se sont multipliées.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, la présence de patrouilles pédestres dans les rues de nos villes, et en particulier en zone périurbaine, reste encore suffisamment rare pour être remarquée. (Sourires.) Sans en revenir à l'organisation d'autrefois, avec le corps urbain d'un côté, axé sur la prévention, et la sûreté urbaine de l'autre, axée sur l'investigation, il pourrait être judicieux de substituer une polyvalence de groupe à cette polyvalence individuelle.
    Le deuxième point concerne les effectifs. L'effort que vous faites dans la loi de programmation est important. Mais les villes qui ont expérimenté la mise en place d'une vraie police de proximité ont compris que l'efficacité implique des effectifs policiers plus conséquents encore.
    De 1993 à 2000, le nombre de policiers new yorkais est passé de 28 741 à plus de 40 000. Chicago dispose de trois fois plus de policiers par habitant que la grande banlieue parisienne. Dans l'un et l'autre cas, les résultats ont suivi.
    Or la tranche horaire de vingt et une heure à quatre heures du matin est souvent en Ile-de-France une tranche horaire de non-droit. Monsieur le ministre, je vous le dis comme je le pense, nous serons nombreux à vous suivre si vous allez plus loin encore dans l'exigence d'effectifs supplémentaires.
    Le troisième point a trait au rôle des élus locaux, et en particulier du maire, dans la lutte contre l'insécurité. A mon sens, le maire a un vrai rôle opérationnel à jouer et non plus simplement un rôle consultatif. Dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation à venir, pourquoi ne pas lui donner un véritable pouvoir d'autorité sur la police de proximité et ainsi réfléchir à l'institution de cette police à deux niveaux ? Il y avait, d'une part, une police nationale chargée du grand banditisme, de la lutte anti-criminelle, de l'immigration clandestine et des enquêtes judiciaires, et, d'autre part, une police de proximité chargée de cette délinquance quotidienne de plus en plus violente qui pollue la vie de nos concitoyens.
    Voilà les quelques réflexions dont je souhaitais vous faire part sur ce difficile objectif que vous vous êtes fixé : « Il ne s'agit pas de stabiliser la délinquance, il faut renverser la tendance. » Monsieur le ministre, c'est avec enthousiasme que je voterai ce budget avec toute l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Messieurs les ministres, permettez-moi une remarque technique, et une réflexion sur les futures lois de décentralisation. La remarque technique, que je ferai au titre de mes responsabilités au sein de l'Association des districts et communautés de communes de France aux côtés de M. Censi, porte sur l'assouplissement des modalités de répartition de la dotation d'intercommunalité. Je ne vais pas reprendre ici ce que j'ai déjà dit dans cette enceinte à maintes reprises, à l'occasion des discussions sur les lois de février 1992 de Pierre Joxe et de juillet 1999 de Jean-Pierre Chevènement. Je rappellerai simplement que, pour moi, ce sont des lois sur l'intercommunalité qui, plus que les lois Defferre encore, ont profondément modifié l'architecture institutionnelle de notre pays. Elles ont constitué l'événement majeur, la grande innovation, la révolution tranquille de ces dernières années. Cela pose d'ailleurs un problème dans le cadre des futures lois de décentralisation, à en juger le premier avant-projet : j'y reviendrai.
    La loi du 12 juillet 1999 prévoyait que les communautés de communes à DGF bonifiée et les communautés d'agglomération bénéficieraient d'une progression de l'enveloppe moyenne par habitant au minimum indexée sur l'inflation. Par ailleurs, l'amendement Bonrepaux, qui a été adopté dans la loi de finances rectificative pour 2001, garantissait aux communautés de communes à fiscalité additionnelle de plus de deux ans une évolution de leur dotation moyenne identique à la dotation forfaitaire des comunes. Il assurait aussi aux communautés urbaines qu'elles bénéficeraient dès 2003 d'une garantie individuelle de progression indexée sur la dotation forfaitaire des communes.
    Or, big problem (Sourires), le projet de loi de finances pour 2003 supprime ces garanties - monsieur le ministre, je ne cherche pas la polémique, je souhaiterais simplement qu'on me donne des explications. Il est vrai cependant que le budget propose d'accroître les marges de choix du comité de finances locales en matière de répartition de la dotation globale de fonctionnement en supprimant les indexations minimales automatiques, tout en préservant comme seuil minimal de chaque année les niveaux atteints l'année précédente.
    Si politiquement la garantie d'évolution de l'enveloppe moyenne par habitant était un signal fort en direction des communes et des communautés, puisque l'Etat garantissait l'évolution des ressources intercommunales, un retour en arrière sur la garantie d'évolution me semble néanmoins à même de freiner le mouvement intercommunal. N'oublions pas que l'intercommunalité est encore peu développée dans certaines régions de France.
    A cet égard, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que certains parmi nous, toutes tendances politiques confondues, se sont battus très tôt pour développer l'intercommunalité. Lors de la discussion des lois de 1992, nous étions alors peu nombreux à mener le combat. Je me souviens notamment de M. Poujade qui s'était beaucoup impliqué dans les travaux de la commission spéciale et qui était désolé de devoir voter comme ses amis assis à droite dans cet hémicycle. Mais c'était un peu la règle d'autant que des élections de 1993 approchaient...
    Nous, les socialistes, avons donc voté seuls les lois de février 1992. Toutefois, le dispositif ayant immédiatement donné satisfaction, tous les élus de droite et de gauche ont participé à sa mise en oeuvre. Mais cela ne s'est pas fait de façon uniforme sur tout le territoire français. Ainsi, on sait bien qu'à l'Ouest, à l'Est et dans le Nord, tout a été plus facile. Cela l'était moins à partir de la région Centre et c'était encore plus compliqué dans le Sud, là où le communalisme est très fort.
    Depuis un certain nombre d'années, l'intercommunalité se développe donc énormément. Pour être franc, des progrès ont même été accomplis en région parisienne. Des communes riches, que certains d'entre vous gèrent ou ont gérées, s'y sont mises. Soyons honnêtes : quelquefois, elles l'ont fait en s'alliant avec des communes tout aussi riches, ce qui, certes, ne va pas dans le sens de la dimension solidaire du dispositif, mais reste possible juridiquement, et permet bien entendu de bénéficier du supplément de DGF destiné à favoriser l'intercommunalité.
    Si les progrès sont rapides, l'intercommunalité est encore peu développée dans certaines régions de France. Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, un moindre engagement de l'Etat risque de casser la dynamique de ces trois dernières années. Or nous avons tous intérêt à ce que la France soit totalement couverte par l'intercommunalité, si nous voulons faire évoluer l'architecture institutionnelle française. Le maintien de la dotation par habitant d'une année sur l'autre aura comme conséquence de jouer défavorablement sur le montant de la DGF d'un certain nombre de communautés, puisque certaines jouissent d'une garantie individuelle de progression de leur dotation par indexation sur la dotation forfaitaire des communes. A dotation moyenne par habitant constante, il faudra réduire celle des autres groupements pour assurer la garantie de ces communautés. C'est ce Meccano qu'il faut revoir, parce que nous ne pourrons pas tenir très longtemps ainsi. Quand on est un peu responsable on sait - et on peut siéger sur les bancs de l'opposition et savoir compter - qu'il faut revoir l'ensemble du dispositif des dotations en tenant compte, en particulier, de la dynamique intercommunale.
    Cette discrimination, cette différence de traitement à l'égard du mouvement intercommunal, seule révolution tranquille de ce pays depuis les lois de 1992 et 1999, m'amène à m'interroger : n'est-elle pas un reflet du refus de prendre en compte ce nouveau territoire émergent qu'est l'intercommunalité sur le plan économique local, sur le plan de l'aménagement urbain, sur le plan du développement des micro-territoires ? Doit-on laisser la course au CIF, la course aux coefficients d'intégration fiscale, se développer ?
    M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Bonne question !
    M. Jean-Pierre Balligand. En effet, par crainte que la DGF ne progresse pas suffisament, les intercommunalités, y compris en milieu rural, ont tendance à vouloir capter de nouvelles compétences pour obtenir un coefficient d'intégration fiscale plus important. Mais alors le risque n'est-il pas de faire de la commune une coquille vide ? Dans ce cas il faut anticiper.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !
    M. Jean-Pierre Balligand. Enfin, dans l'avant-projet de loi constitutionnelle, il y a un grand absent. On a beau lire et relire le texte dans tous les sens, l'intercommunalité, les établissements publics de coopération intercommunale sont en effet totalement rayés de la carte. Il n'est question que de communes, de départements et de régions.
    Or l'intercommunalité, c'est aujourd'hui l'élément dynamique de notre territoire et cela concerne 47 millions d'habitants. N'est-il pas temps de faire figurer cette notion dans un texte qui prévoit de modifier la Constitution, ce qui n'arrive pas tous les ans ? J'espère que vous n'êtes pas de ceux qui défendent les droits acquis et ancestraux de structures qui ne sont pas toujours adaptées à l'évolution. Certes, il ne s'agit pas encore d'une collectivité territoriale - et on pourrait en débattre - mais sans aller jusque-là, il est essentiel de rephaser tout cela. L'exemple technique que j'ai pris sur la DGF intercommunale, suscite une crainte et il est souhaitable que le Gouvernement nous rassure sur ces intentions envers ce mouvement très important qui est en route dans le pays. Il faudra que l'intercommunalité soit au moins au centre du dispositif dans la loi organique si ce n'est dans le texte constitutionnel. Car s'il est bien de donner du pouvoir à la région, il importe aussi qu'il y ait entre le département et la région une structure qui incarne la dimension d'aménagement, d'agglomération et de déplacement. Toutes ces données sont fondamentales, tant pour le monde urbain, que pour le monde rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. le président. Mes chers collègues, les scrutins pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République ont été clos à 18 heures.
    Les résultats de ces scrutins seront annoncés au cours de la séance de ce soir.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Intérieur ; article 72 (suite) :
    - Sécurité intérieure et gendarmerie :
    M. Marc Le Fur, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 27 du rapport n° 256) ;
    - Sécurité intérieure :
    M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome II de l'avis n° 261) ;
    - Sécurité civile :
    M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome III de l'avis n° 261) ;
    - Administration générale et territoriale :
    M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 28 du rapport n° 256) ;
    - Collectivités locales :
    M. Marc Laffineur, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 29 du rapport n° 256) ;
    - Administration générale et collectivités locales :
    M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome IV de l'avis n° 261).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT