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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 25 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 24 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DÉFENSE ET SGDN

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la défense.
M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la défense.
M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la dissuasion nucléaire.
M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'espace, les communications et le renseignement.
M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les forces terrestres.
M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la marine.
M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'air.
M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour le titre III et les personnels de défense.
M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les crédits d'équipement.
M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les services communs.
M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie.
M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le SGDN.
M. Guy Teissier, président de la commission de la défense.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
MM.
Jean-Michel Boucheron,
Francis Hillmeyer,
Jean-Claude Sandrier,
Michel Voisin,
François Lamy,
Hervé Morin,
Gérard Charasse,
Gilbert Le Bris.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

Mme
Marie-Hélène des Esgaulx,
MM.
Michel Dasseux,
Alain Marty,
Jacques Myard.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ERIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

DÉFENSE ET SGDN

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la défense, ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre concernant le secrétariat général de la défense nationale.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la défense.
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la défense. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, première annuité de la nouvelle programmation, que nous examinerons le mois prochain, 2003 marquera la première étape du redressement de notre effort de défense. Le projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre, tire les enseignements de l'évolution de la situation internationale marquée par une profonde instabilité.
    Des attentats du 11 septembre 2001 à la tragédie de Bali, en passant par l'attaque terroriste contre le pétrolier français Limburg, les événements nous incitent à plus de vigilance. Fort opportunément, le projet renforce les moyens destinés à la protection de notre territoire et les forces déployables sur des théâtres extérieurs. Cette volonté illustre aussi l'ambition de la France de conforter sa place au sein de l'Europe de la défense. Alors que la progression de 48 milliards de dollars du budget de la défense des Etats-Unis dépasse, à elle seule, le montant de l'ensemble du budget français de la défense, on peut légitimement se poser la question : où en est l'Europe de la défense ?
    Le budget de la défense représente 1,71 % de notre produit intérieur brut alors que ce chiffre atteint 2,84 % aux Etats-Unis. Le fossé qui nous sépare des Américains ne serait pas si inquiétant si les Européens avançaient à la même vitesse. Or force est de constater que, là aussi, les différences sont alarmantes : le Royaume-Uni consacre 2,28 % de son PIB à sa défense, l'Allemagne 1,12 % seulement.
    Certes, sur le plan politique, l'Europe de la défense progresse. Le sommet de Saint-Malo de 1998 a redonné du souffle aux mécanismes instaurés par le traité de Maastricht de 1992 et d'Amsterdam de 1997. Mais que prévoient-ils au regard de l'ambition qu'était la Communauté européenne de défense, abandonnée ici même il y a quarante-huit ans ? On parlait alors d'intégration des bataillons, et même des régiments !
    Le Conseil européen d'Helsinki, il y a deux ans, avait prévu que l'Europe serait dotée, d'ici à la fin de l'année 2003, d'une capacité autonome de défense permettant de déployer des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes en soixante jours, et de soutenir un tel effort pendant au moins une année. Ces forces devaient être capables, si le Conseil européen le décidait, d'effectuer l'ensemble des missions de Petersberg, allant des missions humanitaires au rétablissement de la paix.
    Sous la présidence française, le traité de Nice a consacré les structures politiques et militaires de l'Union. Cependant, la tenue du prochain sommet de l'OTAN à Prague les 21 et 22 novembre prochains illustre bien la difficulté pour les Européens de s'affranchir du poids des Etats-Unis. Ainsi, la mise sur pied d'une force à déploiement rapide dans le cadre de l'OTAN doit être coordonnée avec les réflexions menées dans le cadre de l'Union. Quel serait sinon, le sens de la force européenne de réaction rapide définie par la conférence d'engagement de capacités qui a eu lieu à Bruxelles les 20 et 21 novembre 2000 ?
    L'Europe de la recherche et de l'armement, qui est pourtant le socle de la défense de demain, marque manifestement le pas. Elle a besoin d'une relance politique forte. La montée en puissance de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement - l'OCCAR - ne doit pas cacher les insuffisances constatées. Aujourd'hui, le programme d'avion de transport du futur, A 400 M, pourtant intégré à l'OCCAR, est suspendu à une décision favorable du Parlement allemand, qui vient d'adopter un programme d'achat de transport de troupes, sans aucune coopération avec ses partenaires européens.
    De même, l'annonce récente de l'achat de l'avion de combat - JSF Joint Strike Fighter - par le Royaume-Uni n'est pas non plus une excellente nouvelle, c'est le moins que l'on puisse dire, pour la coopération européenne. Plus grave encore, la conception de l'appareil va mobiliser durablement l'essentiel des capacités de recherche et de développement de nos partenaires européens.
    Toujours en matière de recherche, les doublons entre laboratoires européens sont très nombreux et souvent contre-productifs. Au total, l'Europe compte 180 centres d'expertise et d'essais qui emploient 50 000 personnes, dont 30 % se situent en France et 50 % au Royaume-Uni et en Allemagne. Leur restructuration a déjà commencé puisque le DESA britannique a été privatisé aux deux tiers, après réduction du nombre de ses sites, et que le BWB allemand a vu ses effectifs diminuer de 20 à 30 %.
    Face à ces nouveaux défis, vous nous présentez, madame la ministre, un budget en forte hausse, 6,14 %, et même 7,51 % hors pensions.
    Les crédits d'équipement progressent de 11,2 %, donnant à l'armée française les moyens d'assumer ses engagements internationaux.
    Contrairement à la situation observée en 2002, toutes les catégories d'investissement - à l'exception des crédits destinés aux restructurations - sont dotées de moyens d'engagement ou de paiement en hausse très significative. C'est ainsi que la dotation consacrée à l'entretien programmé des matériels progresse de 8,6 % en crédits de paiement et de 10,1 % en autorisations de programme. L'armée de terre voit ainsi ses crédits de paiement progresser de 12 % et l'armée de l'air de 23 %. La disponibilité des matériels devrait donc s'améliorer de façon spectaculaire.
    Mais, pour analyser ce budget, j'adopterai un point de vue européen. L'objectif fixé dans ce cadre repose sur des forces militairement autosuffisantes et dotées de capacités nécessaires de commandement, de contrôle, de renseignement et de logistique.
    Reprenons point par point.
    Quant à l'aspect autosuffisant des forces européennes, seule l'armée française dispose d'une chaîne de commandement et de renseignement complète, les autres nations s'en remettant à un moment ou à un autre aux Américains. Autosuffisant signifie aussi projetable. Or l'inquiétude subsiste sur les perspectives de déploiement, alors que l'avion A 400 M, qui est pourtant un projet essentiel, connaît encore des retards. On peut donc craindre un « trou capacitaire » entre la fin de vie des Transall et la montée en puissance des A 400 M.
    Les nouveaux transports de chalands de débarquement, désormais dénommés bâtiments de projection et de commandement, et les hélicoptères NH90 doivent renforcer les potentialités de projection et de mobilité de notre armée.
    Les capacités de commandement et de renseignement font écho au système de force « C3R », pour communication, commandement, conduite et renseignement. Les moyens satellitaires Helios II et Syracuse III doivent consacrer notre autonomie, tant sur le plan des communications que sur celui de l'observation stratégique. En outre, je suis particulièrement attentif au développement des drones sur lesquels les Américains et les Israéliens ont une avance considérable. Le futur drone MALE - pour Moyenne Altitude Longue distance - doit améliorer nos performances. Mais la démarche entreprise sous l'égide de l'Union européenne, dans le cadre de l'ECAP aboutira-t-elle à une meilleure coordination des Européens ? Il faut l'espérer.
    En 2003 seront commandés cinquante-neuf Rafale, dont treize pour la marine, et le troisième Hawkeye. J'en profite pour souligner le rôle que le groupe aéronaval a joué pendant la campagne d'Afghanistan, notamment grâce au Hawkeye. Les militaires embarqués sur le Charles de Gaulle et sur les bâtiments qui l'accompagnaient ont effectué des missions de grande qualité, sur un pied d'égalité avec les Américains qui les ont bien souvent associés à leurs missions, compte tenu de leur professionnalisme reconnu.
    S'agissant des programmes, il est absolument nécessaire d'envisager des modes de financements innovants.
    Aux Etats-Unis, le sous-secrétaire d'Etat chargé des acquisitions et des études participe à la définition de la politique d'achat et au contrôle des programmes majeurs. Ce pays dispose en outre d'un arsenal législatif et réglementaire propre à réguler la pénétration étrangère sur le marché de la défense. Ainsi, le Small Business Act exclut-il les firmes étrangères des marchés réservés aux PME américaines. Les autorités américaines assurent la valorisation des équipements et des technologies militaires en les rendant accessibles au secteur privé dans le cadre de partenariats, contractualisés projet par projet.
    J'en viens maintenant à un sujet qui me tient à coeur : l'externalisation. Elle consiste à confier certaines tâches à des sociétés extérieures aux armées. Une telle démarche me semble de nature à réduire les coûts, notamment parce que les prestataires privés sont spécialisés dans leur domaine, donc plus efficaces. En outre, elle doit permettre aux armées de se concentrer sur leurs tâches essentielles et, surtout, d'améliorer leur disponibilité. Le sujet est au coeur de l'actualité depuis l'abandon de la conscription : les tâches antérieurement confiées aux appelés, comme l'entretien des bâtiments ou le nettoyage, ne sont pas très attractives pour les engagés... Il n'est donc pas étonnant que les deux pays en pointe en la matière, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, disposent depuis longtemps d'une armée professionnalisée.
    Dès 1966, une directive de l'office de gestion et du budget, placé auprès du Président des Etats-Unis, a organisé une méthodologie de comparaison des coûts entre le secteur public et le secteur privé, afin de confier à des sociétés privées les fonctions qu'elles assurent à moindre coût. Adopté en 1998, le Fair Act (Federal Activities Inventory Act) oblige les administrations à présenter chaque année, avant le 30 juin, une liste d'activités susceptibles d'être externalisées. Cependant, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le processus d'externalisation s'est ralenti du fait, notamment, des difficultés à contrôler les sociétés privées.
    Plus que l'externalisation, les Britanniques recherchent désormais surtout le financement intégral par le secteur privé d'équipements publics. C'est ainsi qu'ils travaillent actuellement sur un projet relatif au ravitaillement en vol. Le private finance initiative, c'est-à-dire l'initiative de financement privé, est un procédé reposant sur le financement par le secteur privé d'équipements publics qui permet un lissage des dépenses publiques. En effet, l'entreprise qui finance l'équipement public le loue ensuite à l'Etat avec un cahier des charges tout à fait rigoureux. L'externalisation est même devenue la règle car le financement privé doit être examiné en priorité, avant le financement public. Certaines activités relèvent d'ores et déjà de ce type de contrat. Il s'agit notamment du système de télécommunications fixe des armées, de l'administration des ressources humaines ou encore de la gestion du parc de véhicules.
    Actuellement, pour des raisons de coût, le Royaume-Uni réfléchit à la possibilité d'externaliser le ravitaillement en vol. En effet, une entreprise privée peut se servir des appareils lorsque l'armée ne les utilise pas, augmentant ainsi leur rentabilité. Deux avions permettraient de réaliser de telles missions, tour à tour civiles et militaires : le Boeing 767 et surtout l'Airbus A 330-200.
    La France compte quatorze ravitailleurs en vol. Est-il pour autant envisageable de confier à une entreprise privée les trois ravitailleurs réservés à la dissuasion nucléaire ? C'est une autre question. Néanmoins, alors qu'une vingtaine de ravitailleurs seraient nécessaires à l'armée de l'air française, l'hypothèse consistant à louer, selon la méthode britannique, les six avions manquants, doit être sérieusement étudiée.
    Votre projet de budget, madame la ministre, n'oublie pas non plus les femmes et les hommes de la défense. En effet, les crédits du titre III, hors pensions, progressent de 4,75 %, les crédits de rémunérations et charges sociales augmentant même de 5,9 % par rapport à la loi de finances votée il y a un an, et de 4,41 % par rapport aux dotations réellement ouvertes. En effet, le plan d'amélioration de la condition militaire décidé par le précédent gouvernement n'était pas financé. Nous avons dû débloquer 85 millions d'euros en loi de finances rectificative cet été, et un nouvel effort de 56 millions d'euros sera consenti en 2003.
    Le processus de professionnalisation implique un effort important en faveur des sous-officiers, afin de permettre aux titulaires de certains diplômes de voir leur compétence reconnue par une rémunération supplémentaire. L'augmentation du contingent de primes de qualification des sous-officiers diplômés représente un coût de 5,4 millions d'euros, soit 20 % du montant de l'ensemble des mesures spécifiques affectées aux militaires, hors mesures particulières à la gendarmerie. Le fonds de consolidation prévu à l'article 4 du projet de loi de programmation sera doté de 11 millions d'euros dès 2003 ; il doit favoriser le recrutement et valoriser certaines fonctions.
    Pour le reste, le budget de fonctionnement pour 2003 se caractérise par la volonté de redresser les indicateurs d'activité des forces, mis à mal par les importantes réductions de crédits de la programmation 1997-2002, qui sont allées parfois au-delà de la simple traduction mécanique de la baisse globale des effectifs. C'est ainsi que, en 2003, le budget de fonctionnement courant de l'armée de terre augmentera de 5,3 %, avec une création de 891 postes de militaires, que celui de la marine croîtra de 8,6 % et celui de l'armée de l'air de 1,3 %, après une progression de 8 % en 2002. Les crédits de fonctionnement courant de la gendarmerie poursuivront leur accroissement, lié à la priorité accordée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, avec une hausse de 13,65 % qui fait suite à celle de 11,6 % observée en 2002.
    De manière générale, la législature commence avec un budget de la défense fondé sur une construction budgétaire beaucoup plus proche des crédits réellement ouverts en exécution ; en tant que rapporteur spécial, je ne peux que me féliciter de cette démarche. J'ajoute que les opérations extérieures, qui deviennent de plus en plus permanentes, doivent elles aussi être intégrées dès l'élaboration des budgets ; une telle mesure s'inscrirait pleinement dans la logique de la loi organique du 1er août 2001.
    Je ne peux conclure mon propos, madame la ministre, sans évoquer rapidement la situation des deux principaux « industriels d'Etat » que sont Giat Industries et la DCN.
    Giat aura totalisé 3,89 milliards d'euros de perte, en douze ans d'existence ; on en connaît les causes, elles ne sont pas glorieuses. Les perspectives de plan de charge ne sont pas très encourageantes, même si la future programmation prévoit la commande de 700 véhicules blindés de combat d'infanterie. Quant à la DCN, handicapée par son statut actuel, elle va devenir - du moins nous l'espérons - une entreprise nationale très prochainement. Ce ne sera peut-être qu'une étape de son évolution. J'espère que les relations contractuelles qui seront établies avec la marine permettront d'améliorer sensiblement la qualité et les délais de maintenance qui, il faut le souligner, sont loin d'être bons.
    Vous nous présentez, madame la ministre, un budget en pleine cohérence avec la future loi de programmation. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter les crédits de la défense, comme la commission des finances l'a fait, après le vote de trois amendements qui seront examinés tout à l'heure.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la défense.
    M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la défense. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en présentant ce budget à la commission des affaires étrangères, j'ai montré que, d'un strict point de vue quantitatif, ce budget semblait permettre à nos armées de remplir leurs missions. Comme ce point sera sûrement abondamment évoqué ce matin, je n'insisterai pas.
    En revanche, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, je vais centrer mon intervention sur l'adéquation entre les crédits et l'évolution du contexte stratégique, marqué à l'évidence par le terrorisme international.
    Même si la réponse à ce phénomène ne saurait être uniquement militaire, les armées doivent participer à la lutte contre ce fléau en apportant leur contribution à la sécurité intérieure, par leurs activités de renseignement ou en démantelant des réseaux terroristes en dehors du territoire national. Cela exige une amélioration de nos capacités de protection qui relève encore trop du voeu pieux.
    Une autre évolution stratégique majeure me semble mal prise en compte dans les réflexions françaises actuelles sur la défense. Les attentats du 11 septembre ont accéléré l'évolution de la pensée stratégique américaine qui était en germe depuis plusieurs années, et en particulier depuis l'arrivée au pouvoir de George Bush. Cette nouvelle stratégie, résultat d'un long débat, a été finalisée dans un certain nombre de documents publiés par l'administration américaine depuis un an.
    Dans ses fondements, cette nouvelle doctrine, privilégie la prévention ce que les Américains appellent preemption - plutôt que la dissuasion, ce qui passe par le développement de systèmes antimissiles et par la justification de guerres préventives. En matière militaire, cette stratégie repose sur une approche capacitaire : la planification ne doit plus répondre à un scénario précis mais permettre de se préparer à faire face à toutes les hypothèses.
    Dans cette optique, il n'y a pas de menace préalablement identifiée. En conséquence, les alliances perdent leur raison d'être, dès lors que l'ennemi n'est plus désigné par son identité ou son projet. C'est ce que le secrétaire d'Etat américain à la défense, Donald Rumsfeld, a résumé de façon abrupte en affirmant que c'est la mission qui définit la coalition, et non l'inverse, ce qui revient à dire que les Etats-Unis choisissent leurs alliés en fonction des circonstances.
    Cette doctrine commence à être traduite concrètement, comme le prouvent par exemple la décision de mettre définitivement en oeuvre le programme de défense antimissiles - le NMD devenant MD - , le retrait du traité ABM et la conclusion d'un accord de désarmement nucléaire avec la Russie.
    Par ailleurs, et je n'insisterai pas sur ce point qui est bien connu, en politique étrangère, les Etats-Unis manifestent de plus en plus leur volonté d'imposer leurs vues, avec une conception unilatéraliste des grands problèmes internationaux, qu'il s'agisse de l'Irak, du Proche-Orient, de la Cour pénale internationale ou du protocole de Kyoto.
    La nouvelle doctrine américaine se traduit aussi par une remise en cause, de fait, du rôle de l'Alliance atlantique. A la suite des attentats du 11 septembre, les Etats membres de cette organisation ont mis en oeuvre pour la première fois, cela n'a peut être pas été assez souligné, la garantie prévue par l'article 5 du traité. Pourtant, cette proclamation de solidarité n'a eu aucune conséquence pratique pendant la campagne militaire en Afghanistan.
    La politique étrangère et de défense des Etats-Unis s'exerce dorénavant en dehors du cadre préalable fixé par les alliances. Cela va certainement compliquer le positionnement traditionnel de certains pays européens qui font de l'alliance permanente avec les Etats-Unis le seul fondement de leur politique étrangère et de défense. En outre, les inquiétudes quant au rôle opérationnel de l'OTAN sont amplifiées par les perspectives d'élargissement de l'Alliance et de rapprochement avec la Russie. Le sommet de Prague des 21 et 22 novembre prochain devrait confirmer ce mouvement en entérinant l'adhésion de sept nouveaux membres. Les frontières de l'OTAN vont se confondre de plus en plus avec celles de l'OSCE et ses missions auront tendance à devenir de plus en plus politiques et de moins en moins militaires.
    S'il y a eu une large convergence de vues au sein de la commission des affaires étrangères sur cette analyse, des divergences sur les conséquences à en tirer sont apparues. En effet, j'estime que ce budget ne s'inscrit pas dans une réflexion stratégique à long terme, car il constitue un prolongement des analyses du Livre blanc de 1994 et du modèle armée 2015 défini en 1996, alors que le contexte géostratégique, chacun peut le constater, a profondément évolué depuis. La majorité de la commission a cependant estimé que ce budget répondait bien à ce nouveau contexte.
    De même, beaucoup ont été d'accord avec l'idée que, dans ce monde déstabilisé, l'Europe de la défense était plus que jamais un impératif. Or, selon moi, ce budget ne donne pas de signe majeur d'une volonté de construire une authentique Europe de la défense, seule capable de répondre aux nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés.
    Malheureusement, et l'orateur qui m'a précédé à cette tribune l'a déjà souligné, l'Europe de la défense a cessé de progresser, après un départ prometteur pour la lancée du sommet franco-britannique de Saint-Malo en 1998. Pour l'instant, les progrès de l'Europe de la défense ont essentiellement consisté à mettre en place une simple contribution européenne à la politique de défense de ses Etats membres. Pour franchir un cap il faudrait au contraire définir une authentique politique européenne de défense. L'évolution serait alors qualitative et non simplement quantitative.
    C'est pourquoi il faut innover et faire de cette construction un véritable sujet de débat politique et non plus seulement technique. Les travaux de la convention sur l'avenir de l'Europe sont une occasion unique à saisir. Avant de définir les moyens dont l'Europe a besoin, il est indispensable de s'interroger sur les finalités d'une Europe de la défense. Par exemple, alors que l'Europe va s'élargir jusqu'aux portes de la Russie, il est décisif de savoir s'il existe une garantie de sécurité entre les Etats de l'Union européenne.
    La première priorité doit donc être de définir les objectifs de l'Europe en matière de défense. La seconde en est la conséquence logique : il faut assurer la traduction des bonnes intentions affichées en réalisations concrètes. C'est pourquoi je demande depuis plusieurs années que les Européens fondent leur politique de défense sur un Livre blanc européen, qui préciserait l'analyse stratégique de l'Union européenne, les menaces auxquelles elle peut être confrontée et les réponses qu'elle envisage. Ensuite, sur la base de ces analyses, il conviendrait de définir en commun les moyens nécessaires en évitant les doublons inutiles et en utilisant les synergies.
    Au contraire de cette démarche, le vote d'une loi de programmation nationale sur six ans indique que la France s'engage seule sur cette durée. Je n'ai pas été suivi sur ce point par la majorité de la commission, qui a estimé que l'augmentation des dépenses militaires était en soi un signal suffisant de la volonté française de poursuivre la construction de l'Europe de la défense.
    Enfin, je n'ai pas non plus été suivi par la commission dans ma critique du choix du Gouvernement de reporter l'examen du projet de loi de programmation militaire après celui du budget pour 2003, alors que celui-ci en constitue la première année d'exécution. J'estime en effet que c'est faire peu de cas du débat démocratique qui aura lieu à l'occasion de la discussion du projet de loi de programmation militaire par le Parlement, et qu'une telle incohérence nuit quelque peu à la crédibilité future de cette loi.
    En conclusion, madame la ministre, malgré quelques aspects positifs que j'ai soulignés devant la commission des affaires étrangères, je ne lui ai pas recommandé de voter ce budget, essentiellement parce qu'il ne répond pas, selon moi, à l'enjeu essentiel pour notre sécurité qu'est la construction de la défense européenne et parce qu'il ne tient pas assez compte des évolutions actuelles du contexte stratégique. Comme cela était assez prévisible, la commission des affaires étrangères ne m'a pas suivi et elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire.
    M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la dissuasion connaissent pour la seconde année consécutive une forte croissance. Les autorisations de programme progressent de 34,7 % et les crédits de paiement de 11,3 %. Dans une large mesure, cette hausse est mécanique et résulte de la montée en puissance des grands programmes en cours, destinés à moderniser notre outil de dissuasion.
    En ce qui concerne l'ASMP amélioré, les autorisations de programme sont plus que multipliées par sept en raison de la signature prévue pour juillet prochain de la deuxième tranche de développement. Le programme d'essai a jusqu'ici donné toute satisfaction et aucun dépassement de coût n'a été constaté.
    Pour la force océanique stratégique, les crédits augmentent, tout particulièrement pour le programme SNLE-NG en raison de la progression de la construction du troisième SNLE-NG, Le Vigilant.
    Les crédits relatifs au maintien en condition opérationnelle des SNLE enregistrent aussi une forte hausse. Les coûts d'entretien des bâtiments de nouvelle génération se sont révélés nettement plus élevés que prévu, en raison non seulement d'un allongement de la durée des chantiers, mais aussi des exigences de plus en plus grandes des autorités de sécurité nucléaire.
    Le programme de simulation, essentiel pour la crédibilité de nos forces, progresse comme prévu, avec la construction du laser mégajoule. Les puissances de calcul nécessaires à la simulation font que la direction des applications militaires du CEA dispose désormais d'un des outils informatiques les plus performants au monde, outil qu'elle est prête à partager plus largement avec l'ensemble de la communauté scientifique.
    Enfin, s'agissant du nouveau missile M 51, si les crédits de paiement restent stables, les autorisations de programme augmentent de 208 %. Cela reste cependant insuffisant pour pouvoir signer la première tranche du contrat à l'échéance prévue du 27 décembre prochain. Les autorisations de programme nécessaires devront être inscrites dans le collectif de fin d'année.
    Les moyens budgétaires proposés correspondent donc aux besoins et garantissent que la première année d'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 permettra d'assurer dans de bonnes conditions la poursuite de la modernisation de la dissuasion. Un large consensus existe sur la pertinence de cette dernière, mais une stérilisation de la réflexion lui serait plus dommageable qu'un débat ouvert.
    Il faut toutefois aborder le sujet en évitant deux écueils.
    D'abord, on ne peut accuser la dissuasion d'opérer un effet d'éviction au détriment des autres investissements. Le projet de loi de programmation militaire montre qu'il est possible de renforcer nos capacités conventionnelles tout en conservant une capacité de dissuasion fondée sur le concept de stricte suffisance.
    Ensuite, il convient de ne pas céder aux effets de mode. L'arme nucléaire n'a jamais été conçue pour dissuader le terrorisme non étatique, fût-il de masse. Elle est l'arme ultime et non l'arme absolue.
    Il n'en reste pas moins que les menaces que sont susceptibles de faire peser des Etats sur nos intérêts vitaux ont immensément évolué. La menace à l'Est a disparu et les principaux sujets de préoccupation sont désormais la prolifération des armes de destruction massive et des missiles balistiques capables de les transporter.
    Face à cela, notre outil de dissuasion n'est pas resté figé, bien au contraire. La France a tiré très tôt les conséquences de la fin de la guerre froide avec l'arrêt des essais, le passage à la simulation, le démantèlement des installations du plateau d'Albion et l'arrêt complet de la production de matières fissiles. Aucune puissance nucléaire n'est allée aussi loin dans l'adaptation de ses moyens. Le dispositif retenu présente l'avantage d'une grande cohérence, aussi bien technique que doctrinale, mais celle-ci ne doit pas être confondue avec l'immobilisme.
    La dissuasion vise à nous prémunir contre deux types de situation.
    Premièrement, la reconstitution d'une puissance agressive à moyen ou à long terme ne peut pas être complètement écartée. Deuxièmement, il n'est pas exclu que, en raison des développements de la prolifération, des puissances régionales soient à même, à l'avenir, de remettre en cause nos intérêts vitaux. Comme l'a précisé le Président de la République, dans un tel cas, « le choix ne serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays et l'inaction. Les dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en priorité sur ses centres de pouvoir, politique, économique et militaire ». La modernisation de notre arsenal a donc pour but de maintenir sa crédibilité et de fournir un éventail de ripostes.
    A cet égard, par sa souplesse d'emploi, par sa capacité d'adaptation de la frappe à la menace et par sa réversibilité, la composante aérienne de la dissuasion constitue un outil particulièrement performant.
    L'ensemble doctrinal et technique mis en place a vocation à durer bien au-delà de 2015 et, dans la mesure où il obéit déjà au principe de stricte suffisance, il serait périlleux de vouloir le remettre en question, les économies envisageables par la réduction ou l'étalement de tel ou tel programme risquant d'être plus que compensées par l'atteinte irrémédiable à la crédibilité de nos forces.
    La réflexion doit toutefois être poursuivie en ce qui concerne les évolutions nécessaires à plus long terme. De ce point de vue, il est essentiel de conserver une capacité scientifique et industrielle dans le secteur de la dissuasion. Pour cela, il faut assurer une transmission des savoirs entre les concepteurs d'armes ayant connu la période des essais et ceux qui leur succéderont. Compte tenu de la durée des formations et des programmes, il s'agit de l'un des enjeux majeurs des vingt ans à venir pour la direction des applications militaires. C'est un élément essentiel non seulement pour maintenir les possibilités d'évolution technique de notre outil de défense à long terme, mais aussi, et plus fondamentalement, pour garantir une véritable liberté de choix politique à l'avenir.
    Le problème se pose sensiblement dans les mêmes termes en ce qui concerne la défense anti-missiles. S'il est évidemment impensable de financer un programme de défense d'ensemble comparable à celui des Etats-Unis, il est nécessaire de s'engager pleinement dans les programmes de défense de théâtre, faute de quoi, à terme, l'Europe perdrait les capacités scientifiques et techniques indispensables pour se maintenir à niveau, et le fossé technologique avec les Etats-Unis, déjà préoccupant, deviendrait considérable.
    Le projet de budget qui nous est présenté est bon ; il conforte les objectifs visés à l'horizon 2015, et la commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement. Depuis des années, nos armées attendaient un budget en rapport avec les missions qui leur ont été confiées. Grâce au Président de la République, au Gouvernement et à vous-même, madame la ministre, des perspectives positives leur sont enfin ouvertes. C'est ce que je me suis attaché à démontrer dans le rapport qui m'a été confié.
    Le système de forces « commandement, communications, conduite des opérations et renseignement », ou C3R, permet de maîtriser l'information à tous les échelons, du niveau décisionnel jusqu'au commandement sur le terrain. Pour cette raison, l'espace, les télécommunications et le renseignement s'analysent comme un ensemble dont la cohérence générale est indispensable.
    Ayant déjà présenté à la commission de la défense le détail des crédits de ces différents secteurs clés, je me bornerai à formuler quelques remarques qui me semblent importantes.
    Pour ce qui concerne l'espace militaire, le projet de loi de finances pour 2003 apparaît globalement satisfaisant. Les principaux programmes - Hélios II et Syracuse III, en l'occurrence - seront poursuivis et confirmés. L'avenir est également préservé, avec des crédits de recherche-amont en hausse de 6,6 %, ce qui est tout à fait considérable.
    L'effort de notre pays en faveur de l'espace n'est pas négligeable. En globalisant les crédits de paiement du ministère de la défense et ceux du ministère de la recherche, j'observe que la France consacrera près de 1,8 milliard d'euros à ce secteur en 2003, loin devant nos partenaires européens, ce qui n'est d'ailleurs pas en soi un motif de satisfaction, comme l'ont rappelé les orateurs précédents.
    Permettez-moi néanmoins de m'interroger sur la pertinence du maintien de la contribution du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement. Cette question a été débattue à de nombreuses reprises dans cette enceinte, mais il me semble qu'il serait bon de mettre un terme à ce type de transfert dont la lisibilité est sujette à caution car le ministère de la défense n'en contrôle pas l'utilisation.
    A un moment où les Etats-Unis reviennent en force sur tous les créneaux du domaine spatial avec pour volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici à 2005, et alors que certains pays comme le Japon, la Chine ou l'Inde confirment leurs ambitions et leur aptitude à concurrencer les programmes européens, vous conviendrez tous avec moi, mes chers collègues, que l'avenir du secteur spatial français se joue désormais au niveau des instances communautaires, de l'Agence spatiale européenne ou des coopérations interétatiques.
    Des décisions financières importantes ont récemment été prises par le conseil ministériel de l'ESA et par le conseil des ministres des transports de l'Union européenne, afin de moderniser Ariane V et d'engager le développement du système européen de navigation par satellites Galileo, dont tout le monde connaît l'intérêt sur le plan militaire. La France devra veiller à conserver un rôle de premier plan dans la conduite de ces deux programmes pour le moins stratégiques ; il y va de l'intérêt de tout un secteur industriel durement touché par la crise des télécommunications.
    En revanche, s'agissant des applications militaires de l'espace, force est de constater que les coopérations restent limitées, quand elles existent. Pourtant, si les Etats membres de l'Union européenne mettaient leurs financements en commun, il serait possible de développer un programme spatial militaire européen complet couvrant les domaines de l'observation, des télécommunications, de l'écoute, l'alerte avancée et la surveillance, pour 730 millions d'euros par an. Je me suis attaché à démontrer dans mon rapport écrit qu'en transposant les critères de contribution qui existent actuellement pour le budget de l'ESA, la participation des Etats européens ne serait pas incompatible avec leur effort financier actuel en faveur de l'espace.
    Reste à convaincre nos partenaires de placer l'espace au coeur de l'Europe de la défense. Cet objectif est essentiel car il conditionne l'avenir même de la défense européenne, dont chacun sait qu'elle constitue l'une des grandes ambitions clairement exprimées par le Président de la République. Mais cet objectif s'inscrit également dans l'urgence car nos industries spatiales sont confrontées à une crise sans précédent. Il importe de dégager sans tarder les mesures qui permettront d'assurer son avenir et, par là même, celui de l'Europe spatiale, civile et militaire.
    J'en viens aux systèmes de communication et aux moyens de renseignement, qui constituent l'autre facette du système de forces C3R. Comme pour les exercices passés ou en cours, ces domaines devraient continuer à recevoir une attention particulière sur le plan budgétaire.
    Je constate avec intérêt que le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunication et de transmission des forces sont appelés à être poursuivis ou achevés. Mais, face à l'importance des investissements à consentir, la solution pour les Etats européens passe, encore une fois, par une coopération portant, dans un premier temps, sur la recherche en amont. Nos industriels y sont prêts. Il reste aux gouvernements européens à s'engager sur cette voie rapidement, s'ils ne veulent pas se voir imposer dans un proche avenir des technologies américaines sur étagère.
    Les systèmes de recueil de renseignements seront eux aussi améliorés. Sur ce point, je ne suis pas mécontent de constater qu'un effort particulier est prévu en faveur des drones, déjà utilisés dans les Balkans mais dont les opérations en Afghanistan ont montré que le concept d'emploi se diversifie de plus en plus à des fins opérationnelles. Cependant, si la France s'est lancée dans plusieurs programmes d'étude et de développement concernant les drones de très courte portée ou les minidrones, notamment, je me demande dans quelle mesure il ne serait pas souhaitable de mettre à profit la prochaine entrée en service de trois drones Eagle au sein de l'armée de l'air pour expérimenter des applications similaires à celles des Predator américains, capables de tirer des missiles et de raccourcir considérablement la boucle de décision sur le champ de bataille.
    Enfin, je me réjouis de l'augmentation des crédits d'équipement et de fonctionnement des services de renseignement. Ce choix se justifie plus que jamais à l'heure où les menaces dites asymétriques, tel le terrorisme international, se font plus précises. On constate néanmoins que les effectifs des différents services seront stabilisés. Eu égard à l'environnement international actuel et au développement des technologies mises en oeuvre par nos services, il aurait été souhaitable de continuer à leur permettre de recruter au même rythme que pendant la loi de programmation militaire 1997-2002.
    Avant de conclure, je tiens particulièrement à vous remercier, madame la ministre, de m'avoir permis de rencontrer le directeur général de la sécurité extérieure ainsi que les directeurs du renseignement militaire et de la protection et de la sécurité de la défense. Tous se sont entretenus ouvertement avec moi des questions budgétaires afférentes aux services de renseignement, montrant ainsi que le contrôle parlementaire sur ces sujets, s'il demeure perfectible, n'est pas inexistant.
    A cet égard, je pense que la mise en place d'une commission de vérification de l'emploi des fonds spéciaux, disposition incluse dans la loi de finances initiale pour 2002, aurait mérité un débat plus approfondi.
    Ce dispositif n'est pas le plus pertinent pour permettre au Parlement de se tenir informé de ce qui se passe dans le domaine du renseignement.
    Tenant compte des arguments que je viens rapidement de faire valoir la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'espace, des communications et du renseignement pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres.
    M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présentation des crédits de l'armée de terre est une tâche relativement aisée cette année car leur budget connaît une hausse confortable par rapport aux exercices précédents. De plus, cette augmentation est relativement bien équilibrée entre les moyens matériels, au titre V, et les moyens humains, au titre III.
    Les crédits du titre III connaissent une hausse de 3,7 % par rapport à 2002, ce qui permettra un fonctionnement moins contraint et des normes d'activités dignes d'une armée professionnelle. Par ailleurs, il permettra de répondre aux attentes du personnel militaire puisqu'il intègre les mesures de revalorisation financière votées dans le cadre du collectif budgétaire de juillet. Mais le fonctionnement courant est également amélioré : la hausse des crédits permettra de perfectionner l'entraînement des militaires, ce qui est fondamental dans le cadre d'une armée professionnelle. Un exemple : alors que le nombre de jours d'exercice avait connu un minimum inquiétant en 1999 et 2000 avec soixante-huit jours seulement, les crédits prévus pour l'an prochain laissent envisager un retour à ce qui est considéré comme une norme raisonnable : 100 jours d'exercice par an.
    Sur le plan des effectifs, l'armée de terre a pratiquement atteint le format prévu par la loi de programmation 1997-2002, notamment en ce qui concerne les EVAT, les engagés volontaires de l'armée de terre. Cette performance doit être saluée car le défi de la professionnalisation lancé en 1996 était loin d'être gagné d'avance, et l'une des questions principales portait justement sur les capacités des forces terrestres à recruter des militaires du rang pour remplacer les appelés. Nous devons constater que le succès est au rendez-vous avec 66 000 EVAT recrutés au total, soit 10 000 à 12 000 par an sur six ans, et ce dans une période où, rappelons-le, la concurrence était vive pour certains emplois.
    Il reste néanmoins quelques imperfections : les VDAT - les volontaires de l'armée de terre - recrutés pour des périodes de douze mois seulement et moins bien rémunérés que les engagés volontaires ne sont pas assez nombreux. Mais le déficit porte sur 2 000 à 3 000 emplois seulement et les postes de VDAT sont progressivement transformés en postes d'EVAT, plus attractifs.
    Les officiers et sous-officiers connaissent eux aussi un léger déficit par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002, mais ces écarts résultent souvent de modifications de périmètre et ne portent en définitive que sur quelques centaines de personnes, ce qui reste acceptable. Seul le déficit en personnels civils est plus préoccupant. Le recours à des crédits de sous-traitance devrait permettre dans une certaine mesure de pallier au moins partiellement ce déficit.
    Les crédits du titre V portent également à l'optimisme avec une hausse sans précédent de 13,9 % en euros constants. Ce niveau exceptionnel d'autorisations de programme se veut cohérent avec la future loi de programmation militaire dont le budget pour 2003 constituera, rappelons-le, la première annuité.
    Le niveau des autorisations de programme devrait permettre d'envisager une commande globale du MFO, le fameux missile à fibre optique de haute précision guidé par fil sur une distance de soixante kilomètres.
    Les autorisations de programme permettront en outre de poursuivre les commandes de matériels indispensables comme les véhicules blindés légers - VBL - ou les postes de radio PR4G ainsi que la modernisation d'équipements plus anciens comme le canon AUF1, l'AMX 10 RC ou le missile Roland.
    Ces crédits permettront également la réalisation de plusieurs programmes moins spectaculaires mais tout aussi indispensables à la protection des combattants, comme la commande de 40 000 tenues de protection NBC et de 20 000 gilets pare-balles.
    Un des grands chantiers du titre V pour l'année à venir sera l'amélioration de la disponibilité des matériels.
    D'importants efforts ont été accomplis et certains résultats ont été obtenus. Mais la situation reste très difficile pour les hélicoptères de l'ALAT, avec des taux de disponibilité inférieurs à 50 % pour les Gazelle et les Puma. Les membres de la commission de la défense se souviennent de l'histoire d'une Gazelle qui rêvait d'une rondelle (Sourires)...
    La situation est également délicate pour certains blindés anciens comme les AMX 10.
    Que dire du char Leclerc ? C'est un excellent char dont chacun loue les qualités, mais dont la disponibilité atteint difficilement 60 %. Le trop grand étalement du programme et le nombre invraisemblable de versions différentes - sept tranches pour 406 engins ! - compliquent les choses. D'ailleurs, alors que seulement 300 chars sur 406 ont été livrés, l'armée de terre a fait son deuil des premières séries. Seuls 320 Leclerc équiperont les quatre régiments prévus, à raison de 80 blindés par régiment : 29 seront, nous dit-on, utilisés pour l'instruction et le soutien, mais les 51 premiers Leclerc des tranches un, deux et trois, à plus de 8 millions d'euros l'exemplaire, ne seront probablement, et malheureusement, jamais opérationnels...
    Si j'insiste sur ce point, madame la ministre, c'est pour attirer l'attention sur le programme de l'hélicoptère Tigre, qui risque bien de connaître les mêmes problèmes, puisque, entre 2003 et 2020, beaucoup de choses auront changé entre les premiers et les derniers appareils.
    Heureusement, les crédits consacrés à l'entretien du matériel augmenteront de 36 % en euros constants et devraient permettre d'améliorer la situation. Reconnaissons qu'ils avaient déjà connu une augmentation du même ordre en 2002, mais cette hausse correspondait surtout à un rattrapage par rapport aux années 1998-2000, au cours desquelles ils avaient presque été divisés par deux.
    En conclusion, malgré la faible disponibilité des matériels, qui, nous le savons, a des effets négatifs directs sur le moral des troupes, je ne peux qu'insister sur le caractère satisfaisant du projet de budget des forces terrestres pour 2003, qui répartit les nécessaires augmentations de crédits de manière équilibrée entre fonctionnement et équipement. Ce projet est en outre en parfaite cohérence avec le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008, dont nous reparlerons. C'est pourquoi, mes chers collègues, comme l'a fait la commission de la défense à une large majorité, je vous invite à adopter le budget des forces terrestres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.
    M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est un rapporteur pour avis heureux et satisfait qui s'adresse à vous aujourd'hui. C'est avec une grande satisfaction que j'interviens à cette tribune pour présenter l'avis de la commission sur les crédits d'une armée que je connais bien pour y avoir longuement servi. Et c'est sans aucune réserve que j'invite notre assemblée à voter les crédits de la marine pour 2003.
    C'est tout à votre honneur, madame la ministre, de présenter un projet de budget qui, de mémoire, n'a jamais été aussi bon ces dernières années. Le temps de parole m'étant hélas compté, je me bornerai à citer deux chiffres qui me semblent révélateurs : tout d'abord, l'augmentation de 4,6 % des crédits du titre III, qui permettra de financer, entre autres, la revalorisation de la condition des personnels militaires de la marine, et, ensuite, la revalorisation très significative, de 11,9 %, des crédits de paiement des titres V et VI, qui favorisera la modernisation et la remise en condition opérationnelle des bâtiments.
    Je tiens à souligner que ces enveloppes sont avant tout destinées à rattraper un retard désormais prononcé par rapport à la bonne marche du modèle d'armée 2015. Pour mémoire, je rappelle que l'exécution de la loi de programmation militaire pour 1997-2002 a fait apparaître, au niveau du titre V du budget de la marine, un déficit équivalant à 3 milliards d'euros de crédits de paiement, soit approximativement le coût du Charles de Gaulle.

    Le projet de budget pour 2003 n'est donc pas, comme cela a pu être écrit ici ou là, un cadeau fait à la marine, mais bien une nécessité absolue pour garantir son efficacité.
    Ce budget présente à mes yeux une autre vertu : il manifeste aux armées, et à la marine en particulier, la considération qu'elles méritent. Vous connaissez, madame le ministre, l'attention que je porte au dialogue avec les personnels. Or, pour m'être rendu auprès des commandants d'unité et de leurs autorités organiques dans les ports-bases de Brest et Toulon, je pense pouvoir dire que le message du Gouvernement a été entendu. Les marins apprécient les mesures qui ont été annoncées, mais ils m'ont aussi clairement fait comprendre qu'ils resteront attentifs à la concrétisation des promesses.
    Je vous le dis en toute franchise : il ne faut plus décevoir les personnels, comme le firent trop souvent vos prédécesseurs, car le recrutement des engagés et leur fidélisation en dépendent.
    Comme la marine nationale est déjà confrontée à un sous-effectif chronique, qui touche aussi bien certaines spécialités militaires que les contractuels civils, il convient d'apporter une grande attention aux besoins des personnels, afin de pérenniser le format de la professionnalisation. Le fonds de consolidation constitue indéniablement une réponse financière bienvenue, et la marine devrait pouvoir en bénéficier dès l'année prochaine. Mais la solution passe certainement aussi par une amélioration du cycle de formation, une meilleure utilisation des réservistes et une accentuation des tâches de sous-traitance.
    J'aimerais attirer votre attention sur trois sujets qui me préoccupent plus particulièrement.
    Le premier a directement trait au projet de budget pour 2003, puisqu'il concerne l'insuffisance du niveau des autorisations de programme destinées au Rafale. Ce sont en effet 848 millions d'euros qui devront être abondés en loi de finances rectificative de fin d'année, faute de quoi le Rafale ou d'autres programmes de la marine seront ralentis. Permettez-moi d'insister sur l'importance du respect de cette enveloppe, tant pour l'équipement de notre marine que pour le signal qu'il constituera à l'adresse des personnels quant à la détermination du Gouvernement d'appliquer la future loi de programmation militaire 2003-2008 dans son intégralité.
    Le deuxième sujet de préoccupation porte sur la transformation du statut de DCN. Son lien avec le projet de budget est moins direct, quoique l'application de la TVA à l'ensemble des prestations de la société nationale dès l'année prochaine se traduise par une majoration de 120 millions d'euros par an des coûts supportés par la marine. Je sais que vous êtes déterminée à obtenir la « neutralité fiscale » de cette réforme, mais il ne semble pas acquis que les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie l'entendent ainsi. Par ailleurs, la marine va devoir récupérer un certain nombre d'installations de DCN, ce qui aura un coût, et l'on peut craindre qu'il soit élevé. Enfin, mais là je me place dans une perspective à plus long terme, il me semble que la société nationale devra nouer des alliances structurelles plus fortes, car le secteur de la construction navale en Europe évolue très rapidement.
    Pour terminer, je voudrais faire état des contraintes réglementaires qui affectent le quotidien des personnels de la marine, et c'est mon troisième sujet de préoccupation. Le code des marchés publics, par exemple, n'est pas adapté à la gestion prévisionnelle de la maintenance. De même, les contraintes d'engagement des crédits empêchent bien souvent une bonne utilisation des dotations, faute de temps pour les dépenser. Dans de telles conditions, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a beau jeu de mettre en cause la gestion des armées pour expliquer ses mesures de régulation budgétaire ! Vous conviendrez avec moi que de telles contraintes administratives perturbent le bon fonctionnement d'un service public essentiel dont la réactivité est l'une des raisons d'être. Pour ce qui concerne plus particulièrement l'engagement des crédits, la solution réside sans doute dans une globalisation du budget des armées, qui serait de ce fait intangible. Mais je sais, madame la ministre, que vous réfléchissez à des propositions en ce sens et je suis très attentif à l'issue des travaux ministériels sur ce sujet.
    Certes, tous les problèmes que je viens d'évoquer ne trouvent pas leur solution dans un projet de loi de finances. Il m'est néanmoins apparu nécessaire d'en parler, ne serait-ce que pour vous transmettre, ainsi qu'à la représentation nationale, le message que les personnels de terrain m'ont chargé de vous délivrer.
    Néanmoins, compte tenu de la qualité du budget qui est soumis à notre vote aujourd'hui, la commission de la défense a, sur ma proposition, donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air.
    M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'armée de l'air a elle aussi sa part de l'augmentation volontaire du budget de la défense en 2003. Elle reçoit en effet 508 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 10 %. Plus significative encore est la répartition de cette augmentation. Les crédits du titre III progressent de 71 millions d'euros. Cela représente une augmentation de 1,9 % en euros constants.
    Cette évolution permet ainsi à l'armée de l'air de renforcer des actions majeures : l'entraînement des pilotes et l'entretien du matériel.
    Alors même que la période de programmation précédente a pu avoir, ici ou là, des effets désorganisateurs, l'armée de l'air a toujours rempli, de 1997 à 2002, les normes quantitatives minimales d'entraînement. En 2002, elle a déjà anticipé sur la programmation 2003-2008 en entreprenant de satisfaire à des critères qualitatifs. Les objectifs fixés pour 2003 et les années suivantes par le projet de loi de programmation sont ainsi non pas une nouveauté par rapport à 2002, mais bien la poursuite d'une action annoncée dès 2000 et préparée en 2001. C'est ainsi que 8 millions d'euros viennent renforcer l'amélioration des conditions d'entraînement, notamment la participation des équipages aux grands exercices internationaux.
    Le deuxième élément marquant concerne le maintien en condition opérationnelle. Cette question a été une préoccupation de la commission de la défense avant même d'être mise sur la place publique. Lors de l'examen du budget de l'armée de l'air pour 2000 - je pense que Paul Quilès s'en souvient - elle avait voté à l'unanimité une observation soutenant la création de la SIMMAD. Les premiers résultats montrent qu'on peut être satisfait de cette structure. Grâce à l'action qu'elle mène en profondeur, ainsi qu'aux crédits nouveaux du titre V consacrés à l'entretien des matériels, qui augmenteront en 2003 de 175 millions d'euros, c'est-à-dire de 23 %, de premiers résultats significatifs sont atteints. Le taux de disponibilité est en effet passé en 2002 de 54,2 % à 61 %. Il devrait atteindre 67 % à la fin de l'année, l'objectif étant qu'il arrive à 75 % en 2003.
    J'en viens aux crédits d'équipement.
    Si le budget ordinaire de 2003 s'inscrit en continuité avec la gestion précédente, l'évolution des crédits du titre V, qui augmentent de 437 millions d'euros, c'est-à-dire de 16,6 %, peut, elle, être qualifiée de structurante.
    Ce n'est pas que l'armée de l'air souffrirait de lacunes criantes. Au contraire, il apparaît que, après l'US Air Force, l'armée de l'air française est sans doute la plus cohérente au monde.
    Il n'en reste pas moins que, ces derniers temps, l'armée de l'air était de plus en plus à l'étroit dans son budget d'équipement. On pouvait d'ailleurs en prendre conscience à travers l'examen du taux de consommation de ses crédits d'équipement. Le solde des crédits non consommés est passé de 7,2 % en 1998 à 2,8 % en 2001 et, l'année dernière, à la même date, l'ancien chef d'état-major, le général Job, faisait état pour 2002 de difficultés de trésorerie prévisibles qui se sont ensuite confirmées.
    Le caractère contraint des montants alloués n'a pas été sans conséquence sur l'âge moyen des équipements. Or des équipements vieillissants nécessitent de plus en plus de travaux de maintenance. La situation difficile de l'entretien des équipements, en tout cas avant la création de la SIMMAD, dès lors qu'elle s'est appliquée à un parc de matériels déjà bien éprouvés, n'a pu que voir ses effets multipliés.
    Eu égard à la nécessité du renouvellement du parc, un budget d'équipement en nette progression était donc nécessaire.
    Or, l'an dernier déjà, il apparaissait que le non-respect, même à la marge, des montants prévus par le projet de loi de programmation d'alors conduirait inéluctablement à une remise en cause du modèle d'armée 2015 qui prévoit dans les forces aériennes 300 avions de combat de type Rafale, sans parler du remplacement des appareils de notre flotte aérienne de projection.
    Le projet de budget pour 2003 vient donc aspirer ces inquiétudes. Il permettra à l'armée de l'air de continuer à commander et à acquérir les nouveaux équipements qui seront les garants du maintien de son haut niveau opérationnel : en 2003, travaux de développement des standards F2 et F3 du Rafale, livraison de 41 missiles de croisière Apache et de 60 Scalp, de 3 avions de ligne CASA CN 235, commande de 430 missiles MICA et, bien entendu, poursuite de l'amélioration des programmes d'observation et de commandement.
    Deux ombres toutefois au tableau : l'une est légère, puisque les autorisations de programme nécessaires à la commande de 46 Rafale Air, qui ne figurent pas dans le bleu, sont annoncés en loi de finances rectificative ; l'autre est plus persistante, puisqu'elle concerne le lancement du programme A 400 M. Mais nous savons que la France n'est pas fautive en ce domaine ; les autorisations de programme avaient été mises en place dans les temps.
    Pour conclure, le budget de l'armée de l'air pour 2003 donne force au projet de loi de programmation, dont il constitue la première annuité, et crédibilité à la réalisation du modèle d'armée 2015. Pour ces raisons, la commission de la défense nationale et des forces armées l'a approuvé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels de la défense.
    M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels de la défense. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présentation du projet de budget pour le titre III est, cette année, un exercice particulièrement agréable dans la mesure où tout le monde s'accorde à le trouver très satisfaisant. Globalement, le titre III augmente de 4,7 % par rapport à l'année dernière et ce sont les rémunérations et charges sociales qui bénéficient de la revalorisation la plus remarquée.
    Si l'on additionne les crédits votés en collectif budgétaire, ceux du présent projet de budget et ceux inscrits dans le fonds de consolidation de la professionnalisation, les militaires devraient bénéficier en 2003 de 330 millions d'euros supplémentaires de rémunérations. Outre les augmentations classiques liées à la revalorisation habituelle du point d'indice, la plupart des indemnités sont réévaluées, à commencer par l'indemnité pour charges militaire, l'ICM. Mais c'est aussi le cas des indemnités spécifiques dont l'objet est d'essayer d'attirer des spécialistes - médecins, informaticiens, atomiciens - ou de conserver des techniciens qui ont une fâcheuse tendance à quitter les armées après avoir reçu une solide formation.
    Enfin, dans le cadre de l'aménagement du temps d'activité et de l'obligation professionnelles des militaires, le TAOPM, une indemnité sera versée dans la limite de huit à quinze fois le taux journalier, qui s'élève à 85 euros.
    Les armées ont désormais pratiquement atteint leur format professionnel et les effectifs devraient peu évoluer, même si quelques ajustements sont enregistrés. Ainsi, l'armée de terre perdra 1 572 postes de volontaire qui seront compensés par la création de 1 000 emplois d'engagé volontaire. Si, à première vue, cette conversion se traduit par la perte de 572 postes, les forces terrestres seront néanmoins gagnantes puisque tous les emplois convertis sont actuellement vacants en raison de la difficulté de recruter des volontaires car les soldes sont peu attractives. Les 1 000 postes d'engagé devraient être pourvus sans trop de difficultés. Les effectifs de l'armée de l'air et de la marine devraient connaître une certaine stabilité avec des fluctuations assez faibles au regard de l'ensemble des effectifs.
    C'est la gendarmerie qui obtient la meilleure évolution de ses effectifs avec la création de 1 200 postes en 2003, pour un coût total de 52,8 millions d'euros.
    Mais le principal sujet d'inquiétude en matière d'effectifs concerne les réservistes, dont le nombre est encore trop faible, et qui pourraient pourtant constituer un appui très utile à nos forces si la situation internationale venait à se détériorer.
    Devant la difficulté à réaliser les effectifs, l'objectif global de 100 000 réservistes fixé par la programmation 1997-2002 a été repoussé à l'horizon 2015. Des chiffres moins ambitieux mais qu'on espère plus réalistes sont fixés chaque année par les armées. La loi de programmation pour 2003-2008 pourrait fixer un objectif global de 82 000 réservistes à atteindre fin 2008.
    Deux mesures incitatives sont à l'étude : d'une part, une prime de fidélité destinée à récompenser les réservistes ayant participé activement à la défense de la nation ; d'autre part, une prime d'incitation au volontariat qui pourrait être inscrite dans le cadre de la prochaine loi de programmation.
    Par ailleurs, la formation militaire initiale du réserviste sera renforcée. D'une durée comprise entre cinq et vingt jours, elle permet aux jeunes réservistes issus du civil et n'ayant pas de culture militaire de recevoir une formation rémunérée facilitant leur intégration au sein des forces. Car la législation prévoit désormais la possibilité pour les armées de recruter des réservistes parmi les civils. Tout n'a peut-être pas été fait pour informer et inciter les civils ayant des spécialités intéressant la défense à devenir réservistes.
    Mais le titre III ne se réduit pas aux questions d'effectifs. La hausse des crédits consacrés à l'entraînement constitue un sujet de satisfaction ; ces crédits augmentent de 3,85 %. A elles seules, les forces terrestres recevront 20 millions d'euros supplémentaires pour leur entraînement : le nombre annuel de jours de sortie sur le terrain était tombé à soixante-huit en 2000, alors que la norme dans les armées de l'OTAN est de cent jours. L'objectif affiché est de remonter à cent dès 2003. Pour ce qui concerne l'ALAT, le nombre d'heures de vol annuel se situe entre cent quarante-cinq et cent cinquante depuis plusieurs années, ce qui est considéré comme trop faible et peut poser des problèmes de sécurité. L'objectif est de remonter à cent soixante dès 2003, avec, à terme, la cible de cent quatre-vingts heures de vol annuelles.
    Pour la marine, l'objectif est d'atteindre cent jours de mer annuels pour les navires en 2003. Ce chiffre était tombé à quatre-vingt-douze en 2000 et quatre-vingt-cinq en 2001. Les ambitions de l'aéronavale sont également revues à la hausse : les pilotes de chasse devraient voler cent quatre-vingts heures en 2003 contre cent soixante-dix-sept en 2001, les pilotes d'hélicoptère deux cent vingt heures contre deux cent dix en 2001 et les équipages de patrouille maritime trois cent cinquante heures contre deux cent quatre-vingt-treize en 2001.
    Dans l'armée de l'air, ce sont surtout les pilotes de transport qui devraient bénéficier d'une hausse, passant de trois cent cinquante à quatre cents heures de vol.
    Enfin, le budget pour 2003 prévoit une augmentation significative de 4,9 % des crédits de fonctionnement dévolus à la vie courante. Ces moyens déterminent très largement le cadre de vie et de travail et contribuent à ce titre à l'attractivité du métier militaire et à la fidélisation du personnel. Le projet de budget pour 2003 engage le redressement de ces crédits, qui baissaient depuis des années au même rythme que les effectifs.
    En conclusion, je considère comme très satisfaisant le projet de budget pour le titre III de la défense que je vous propose d'adopter. J'émets le simple voeu que ce budget fidèlement exécuté tel qu'il sera voté et qu'aucun événement extérieur, économique, politique ou autre, ne viendra le remettre en cause en cours d'exercice, comme cela s'est trop vu dans le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement.
    M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en faisant de la restauration de nos capacités de défense une priorité de son quinquennat, le Président de la République a inscrit son action dans la durée. Le projet de loi de programmation militaire qui sera prochainement débattu dans cet hémicycle en précise les objectifs.
    Le projet de budget pour 2003, dont nous discutons aujourd'hui le contenu, en définit les premières mesures. La professionnalisation des armées est achevée. La priorité est désormais au renforcement des capacités opérationnelles. Les titres V et VI traduisent budgétairement cette priorité.
    Avec une enveloppe de 13,64 milliards d'euros, en hausse de 11,2 % par rapport à 2002, les crédits d'équipement de la défense cessent d'être une variable d'ajustement trop souvent utilisée par les gouvernements précédents au sein du budget de la défense, et au sein du budget en général. Les trois armes et la gendarmerie bénéficient chacune de cette augmentation des crédits d'équipement : 16,6 % pour l'armée de l'air, 11,9 % pour la marine, 6,6 % pour l'armée de terre.
    Le renforcement des capacités opérationnelles de nos armées exige également une amélioration significative de la disponibilité des matériels, aujourd'hui insatisfaisante : le chef de l'Etat s'en était ému, notamment lors de sa visite à Creil et de nombreux rapports parlementaires avaient souligné ces difficultés.
    Cette remise à niveau se traduit par un effort très significatif pour les dotations d'entretien programmé des matériels : 8,6 % d'augmentation pour les crédits de paiement, 10,1 % pour les autorisations de programmes. Et si l'on compare à 2001, année creuse en la matière, les augmentations atteignent 15 % en CP et plus de 36,5 % en AP.
    Les crédits d'équipements inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 permettent également la poursuite des grands programmes répondant aux exigences de notre sécurité et de nos engagements internationaux.
    La dissuasion nucléaire bénéficie d'une forte hausse des autorisations de programme, 32,8 % et des crédits de paiement, 8,7 %, pour rattraper les retards accumulés. Il en va de même pour la recherche.
    Nos capacités de renseignement militaire seront renforcées, grâce à la poursuite des programmes satellitaires Helios et Syracuse et la mise en chantier d'une nouvelle génération de drones.
    Pour l'armée de terre, les programmes Leclerc et Tigre se poursuivent, malgré certaines difficultés techniques évoquées devant la commission.
    Pour la marine, le projet de loi de finances prend en compte la nécessité de renouveler la flotte de surface, et notamment les frégates Horizon. On a également beaucoup parlé du deuxième porte-avion, dont la traduction budgétaire n'interviendra que postérieurement.
    Pour l'armée de l'air, il a été fait état des difficultés de l'A 400 M et de l'engagementdu Rafale, retardé de six ans. Charles Cova en a déjà parlé, j'aimerais bien, madame la ministre, que vous nous rassuriez sur l'engagement définitif du Rafale, tant pour la marine que pour l'armée de l'air.
    Pour la gendarmerie, les crédits de paiement et les autorisations de programme sont aussi en augmentation significative : 27 % pour les CP, 53 % pour les AP.
    Je veux enfin souligner les efforts accomplis par le ministère de la défense pour moderniser sa gestion des titres V et VI. Tout d'abord, leur périmètre a été redéfini, offrant une meilleure lisibilité des besoins et des investissements en matière d'équipement.
    Je mentionnerai également les nouvelles structures de maintenance qui apportent de significatifs gains de productivité pour le matériel aérien et la flotte. On attend encore un effort similaire pour le matériel terrestre. On peut aussi regretter que les industriels marquent un certain désintérêt à l'égard du maintien en condition opérationnelle des équipements de nos armées, pourtant prioritaire.
    J'évoquerai enfin les programmes pluriannuels, l'externalisation et l'interarmisation de certaines fonctions. Le ministère de la défense a entendu les exigences budgétaires et poursuivra son effort en 2003, mais il importe aujourd'hui que la logique de défense prévale sur les pratiques budgétaires. L'équipement des armées a trop souffert des annulations, reports et renégociations de crédits. Entre un quart et plus d'un tiers des crédits votés en loi de finances initiales ont ainsi fait l'objet de réaffectation les années passées.
    Si l'effort engagé par ce budget se confirme, il ne correspondra pas seulement aux attentes du Président de la République, mais également à celles de toutes les armées. Il est fondamental de poursuivre dans cette voie. La commission a donc émis un avis très favorable à l'adoption des crédits des titres V et VI. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les services communs.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les services communs. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'ils sont très divers tant par leurs missions que par leur poids budgétaire, les services communs du ministère de la défense, sur lesquels j'ai l'honneur de rapporter, n'en sont pas moins confrontés aux mêmes impératifs de modernisation et d'adaptation. J'évoquerai plus particulièrement trois de ces services, la délégation générale pour l'armement, le service de santé et le service des essences.
    Fournisseur, contrôleur, expert et producteur d'armements, la DGA est le premier des services communs du ministère de la défense. Le projet de loi de finances prévoit une augmentation globale de 6,6 % de son budget pour l'année 2003, soit 2,5 % pour le titre III et 7,5 % pour les titres V et VI. Cette hausse intervient après une période caractérisée par la forte décroissance des moyens de la DGA, dans le cadre d'une profonde réforme de son organisation et de ses structures menée depuis 1997, dont je veux souligner tout à la fois l'ampleur et la réussite. En cinq ans, ses effectifs ont été réduits de 25 % et son coût d'intervention diminué de 30 %, avec une année d'avance sur l'objectif fixé. Le coût des programmes d'armement a été fortement abaissé par l'amélioration de la maîtrise de la conduite des programmes et de la gestion des crédits : le cumul des réductions obtenues sur le coût des programmes depuis 1997 atteint le montant, considérable, de 9,56 milliards d'euros.
    La DGA s'est recentrée sur ses fonctions de fournisseur d'équipements aux armées, abandonnant progressivement son rôle d'opérateur industriel.
    A ce titre, le changement de statut de DCN normalisera les relations de cet outil industriel important avec la DGA. Le rapporteur pour avis pour la marine, M. Cova, a volontairement laissé cette question de côté afin de me laisser le soin de l'évoquer.
    Cette réforme de grande ampleur intervient dans un contexte de restructuration accélérée des constructions navales en Europe, marqué par la récente irruption d'industriels américains sur ce marché et des perspectives en termes de plans de charge de constructions neuves particulièrement intéressantes.
    Il était indispensable, dans ce nouveau contexte, de permettre à DCN de jouer son rôle, de s'affranchir des contraintes liées à son statut d'administration et de nouer des alliances structurelles avec des partenaires nationaux et étrangers.
    La réforme en cours obéit à quatre grands principes : le respect de l'unicité de l'entreprise, le contrôle intégral de la société par l'Etat, le maintien du statut des personnels et la conclusion d'un contrat d'entreprise entre DCN et l'Etat. Ces principes ne doivent pas être remis en cause.
    Quelques questions restent toutefois en suspens, à commencer par la plus importante, celle du niveau de la dotation en capital de DCN, pas encore déterminé. Il devra être suffisant pour permettre l'autonomie et le développement ultérieur de l'entreprise. Nous gardons tous en mémoire les recapitalisations successives de GIAT, qui se sont élevées au total à plus de 3 milliards d'euros alors que la dotation initiale avait été arrêtée à 280 millions d'euros. DCN dispose de compétences reconnues, d'un carnet de commandes potentielles considérable, et sa situation se distingue nettement de celle de GIAT au moment de sa création. Il faut assurer son avenir. DCN ne doit pas être sous-capitalisée. Des garanties doivent être apportées aux 15 000 salariés de l'entreprise, qui ont déjà réalisé d'importants efforts d'adaptation. L'heure est à la clarification pour un certain nombre de postes ou de corps où une confusion demeure. L'heure est également venue de recruter du personnel et de mener les actions de formation nécessaires pour garantir la pérennité des savoir-faire au sein de DCN.
    Enfin, madame la ministre, je veux insister sur la nécessité de garantir assez rapidement le contrat d'entreprise. La loi prévoit que l'Assemblée nationale doit être saisie de cette question avant la fin de cette année. La rapidité de mise en oeuvre est à nos yeux une priorité. Il serait dommageable de faire traîner trop longtemps la mise en oeuvre de cette réforme, si l'on ne veut pas voir DCN manquer le rendez-vous industriel qui se présente aujourd'hui à elle.
    Nous avons noté avec intérêt l'évolution positive du rapprochement franco-italien sur la frégates multimissions. Mais il ne faudrait pas que la mise en oeuvre de la réforme de la DCN en soit retardée.
    Enfin, la commission a souligné l'importance du rôle de la DGA dans la mise en oeuvre de la nécessaire Europe de l'armement, et dans l'OCCAR, appelé à devenir progressivement une agence européenne de l'armement.
    La commission a par ailleurs examiné les crédits des services de santé. Pour la deuxième année consécutive, leur budget marquera une hausse significative avec un renforcement des mesures de création de postes, de revalorisation et de fidélisation des personnels.
    Enfin, la commission a noté que le service des essences continuait à jouer un rôle essentiel en termes de réactivité et d'efficacité, notamment dans les opérations extérieures.
    La stabilisation du budget consacré à la DGA était une nécessité. La réforme est désormais achevée, et bien achevée. L'effort - conséquent - engagé au bénéfice du service de santé des armées est renouvelé. Nous nous sommes réjouis de cette évolution. Toutefois, et certains de nos collègues s'en sont déjà fait l'écho, nous avons appelé le Gouvernement et la ministre de la défense à une grande vigilance, afin de garantir la pérennité des crédits affectés et de faire en sorte que les questions de personnels, de recrutement et de formation dans l'ensemble des services communs de la défense puisse être prises en compte de manière assez offensive au cours du budget de 2003.
    Sous ces réserves, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie.
    M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la gendarmerie pour 2003 s'inscrit dans la droite ligne de la LOPSI, qui prévoit une remise à niveau d'ensemble pour la gendarmerie, notamment avec la création de 7 000 emplois supplémentaires.
    Le projet de budget se devait de respecter cette ambitieuse programmation avec 4 256,4 millions d'euros de crédits de paiement proposés au total, c'est une augmentation nécessaire et attendue de 8,4 % par rapport à 2002 qui est prévue, soit une progression sans précédent.
    S'agissant des dépenses de fonctionnement, un important rebasage des dotations du titre III pour 2003 au titre de la LOPSI est prévu. Près de 1 200 postes de militaires sont créés, tandis que 700 postes de gendarmes adjoints volontaires seront dégelés. En ce qui concerne les rémunérations, l'application du dispositif indemnitaire arrêté en décembre 2001 suit son cours.
    Si l'on fait abstraction des rémunérations, les crédits du titre III consacrés au fonctionnement des unités de gendarmerie progressent de 13,7 %. Cette augmentation résulte notamment de la croissance de 24,4 % des crédits consacrés au paiement des loyers.
    Un effort significatif est prévu en matière d'équipement, avec une augmentation de 55,2 % des autorisations de programme et de 28,5 % des crédits de paiement.
    Ce budget d'investissement va permettre d'assurer l'acquisition de nombreux matériels, qu'il s'agisse de véhicules, de gilets pare-balles ou d'armes. Il est également prévu de lancer le projet de mise en réseau des unités opérationnelles, en les dotant rapidement d'un ordinateur spécialisé équipé d'un accès Internet.
    L'effort est particulièrement sensible en faveur de l'immobilier, avec une augmentation de 46,7 % des crédits de paiement. C'est d'autant plus nécessaire que l'état du parc immobilier de la gendarmerie est un sujet de réelle préoccupation : 46,1 % du parc domanial sont officiellement classés mauvais ou vétustes.
    Madame la ministre, au cours de mes déplacements, j'ai vu des casernements dans un état de dégradation catastrophique. Il me paraît indigne de la République de loger les agents assumant une mission aussi importante que celle de la gendarmerie dans de telles conditions. A titre personnel, je puis dire, pour avoir été, dans une vie antérieure, responsable d'un organisme HLM, qu'il n'aurait jamais été question de louer des logements comme ceux dont disposent certaines de nos brigades.
    L'ampleur du problème impose à mon sens qu'un objectif ambitieux de réhabilitation soit fixé, assorti d'un plan sur cinq ans, car l'effort budgétaire doit être soutenu et régulier. Toutes proportions gardées, c'est une sorte de « plan Marshall » qu'il faut mettre en place. Pour que les crédits soient plus facilement consommés, il conviendra d'utiliser pleinement les dérogations prévues par la LOPSI et de réfléchir aux modalités d'une déconcentration accrue des procédures.
    Au-delà de ces aspects budgétaires, pleinement satisfaisants, la crise qu'a connue la gendarmerie l'an dernier invite à une réflexion sur le statut, le rôle et l'évolution de cette arme.
    Depuis la suspension du service national, elle est, pour une grande part du territoire national et de la population, la seule institution militaire avec laquelle des liens soient tissés. Pour tirer pleinement parti de l'atout que représente son maillage territorial, des évolutions sont cependant nécessaires, notamment par la mise en oeuvre des communautés de brigades.
    La politique de création de ces communautés de brigades doit éviter à tout prix le centralisme et l'uniformité. De ce point de vue, la circulaire du 26 septembre dernier, signée par vous-même, madame la ministre, et par M. le ministre de l'intérieur est rassurante. Cette réforme implique un dialogue soutenu, les élus locaux devant eux aussi faire preuve d'initiative et de compréhension.
    Un recentrage sur les activités régaliennes est également nécessaire. Outre les réflexions sur les transfèrements judiciaires actuellement engagées dans le cadre de la LOPSI, il faut agir pour limiter les tâches, notamment administratives, assurées par la gendarmerie alors qu'elles ne sont pas véritablement de son ressort.
    La gendarmerie doit également développer son rôle dans la consolidation du lien entre l'armée et la nation. Cela implique bien entendu que son caractère pleinement militaire soit garanti et reconnu.
    De ce point de vue, la crise de décembre 2001 a révélé un malaise profond, dont les causes sont multiples. La place très particulière de la gendarmerie dans les armées, du fait de sa mission de sécurité, suscite des ambiguïtés, et parfois des inquiétudes pour l'avenir. Les ministres de tutelle de la gendarmerie ont clairement indiqué que la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure ne remettait pas en cause le statut militaire de l'arme. Cela implique aussi, de la part des personnels, le respect scrupuleux des contraintes attachées à ce statut, faute de quoi on pourrait assister à des évolutions imprévisibles et sans doute indésirables.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Très bien !
    M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. La réaffirmation du caractère militaire de l'arme implique que soit rétablie la possibilité d'un recrutement des officiers commun à la gendarmerie et à l'armée de terre. A partir de 2005, la possibilité de recruter à la sortie des écoles militaires des trois armées s'éteindra, et le recrutement des officiers de gendarmerie sera très nettement distingué de celui des autres armes. Cette séparation n'est pas souhaitable et il conviendra de maintenir des modalités de recrutement commun, au moins avec l'armée de terre, garantes de la cohésion de l'encadrement militaire.
    Toujours donc le cadre militaire, la gendarmerie dispose, en raison de ses missions de sécurité intérieure, d'une capacité à maîtriser des situations de crise qui ne nécessitent pas le recours à des moyens militaires de combat classiques. Au cours des opérations extérieures de maintien de la paix, son apport peut être déterminant - comme il l'a été au Kosovo et en Bosnie - pour éviter l'escalade des crises vers des conflits ouverts.
    Enfin, l'accroissement du potentiel réel des réserves est une nécessité, car elles sont indispensables pour faire face à des crises intérieures ou à des événements particuliers impliquant une montée en puissance de la gendarmerie et un effort dans la durée. Le projet de loi de programmation militaire fixe un objectif de 32 000 personnes pour la réserve opérationnelle en 2008, ce qui me paraît raisonnable compte tenu de l'état actuel des réserves. Mieux vaut disposer des crédits suffisants pour équiper et entraîner ces personnels, dont la volonté de servir est réelle, plutôt que d'afficher des effectifs théoriques plus importants mais qui ne correspondent pas à la réalité opérationnelle.
    Telles sont, rapidement brossées, les caractéristiques du budget de la gendarmerie. Le moral des gendarmes s'est rétabli, mais leur attente est très forte. Il faudra donc veiller à ce que les crédits correspondent à la programmation et à ce que les réorganisations en cours leur permettent de mieux remplir leurs missions.
    La commission a émis un avis favorable et vous propose d'adopter ce projet de budget en l'état.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le secrétariat général de la défense nationale et les renseignements.
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le secrétariat général de la défense nationale et les renseignements. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les services de renseignement sont les yeux et les oreilles de l'Etat et du Gouvernement. Instruments de puissance, leur efficacité est une condition essentielle de la sécurité nationale. Cet objectif a toujours justifié, partout dans le monde, l'emploi des moyens les plus divers... La conscience démocratique dût-elle en souffrir, l'action illégale fait partie des modes normaux d'intervention, commandés, couverts et parfois oubliés par l'exécutif.
    Quelle place, dès lors, réserver au contrôle parlementaire qui, par définition, ne peut se satisfaire ni de l'opacité ni de l'illégalité de l'action publique ?
    J'ai l'honneur de présenter, au nom de la commission des finances, un rapport qui décrit, pour la première fois, l'ensemble des acteurs du renseignement, qu'il s'agisse du secrétariat général de la défense nationale ou des services du ministère de la défense, à l'exception, bien sûr, de ceux qui relèvent du ministère de l'intérieur.
    En soi, cet exercice d'analyse budgétaire relève d'une volonté de normalisation des services de renseignement. Mais s'il est souhaitable d'éclairer le cadre dans lequel s'exercent certaines des missions de l'Etat, à la fois les plus délicates et les plus vitales pour la nation, il ne serait pas raisonnable de souscrire à une approche anglo-saxonne, consistant à soumettre ces services au contrôle permanent et pointilleux du Parlement.
    C'est pourquoi je désapprouve le projet, nourri régulièrement ici, d'une structure parlementaire permanente chargée du renseignement, ainsi que le contrôle des élus sur les fonds spéciaux, tel qu'il a été défini par la loi de finances initiale pour 2002.
    Les formes administratives, budgétaires et humaines de l'action clandestine doivent en effet rester secrètes. Il y va de la sécurité de nos agents et du succès de leurs missions, objectifs évidemment supérieurs à tout autre. Ici, les droits de l'Etat commandent à l'Etat de droit.
    Le Parlement doit cependant s'interroger sur les conditions de fonctionnement des services, les moyens techniques qui leur sont dévolus, l'orientation géostratégique des missions, les modes de recrutement et le statut des personnels civils et militaires.
    L'évolution du monde donne d'ailleurs à cette réflexion une véritable acuité : les attentats du 11 septembre 2001, l'émergence de nouvelles menaces et l'abaissement des seuils stratégiques, la diffusion mondiale de la « culture terroriste » ainsi que les nouvelles formes de guerre économique auxquelles se livrent les nations - même alliées - exigent le renforcement de nos outils de renseignement. Mais l'augmentation de leurs moyens budgétaires et humains ne peut constituer une politique tant que la coordination des services sera conjoncturelle, que la culture du renseignement sera étrangère à la mentalité de nos élites administratives, économiques et universitaires et tant que les échanges avec nos partenaires européens continueront à relever du bilatéral plutôt que d'une approche commune.
    Le renseignement ne doit plus, à l'évidence, être un sujet tabou. Il constitue l'un des atouts majeurs de la puissance française. Mais c'est un atout méconnu quand il n'est pas méprisé, méprisé quand il n'est pas vilipendé. Au-delà de la gratitude et de l'admiration que doit la nation à nos services, l'Etat doit se préparer à une révolution copernicienne.
    Depuis 1945, les enjeux du renseignement ont changé. Certes, nos structures ont évolué, comme en témoigne le rattachement du SDECE au ministère de la défense après l'affaire Ben Barka et la création en 1992 de la direction du renseignement militaire et du commandement des opérations spéciales. Or les missions et le contexte international ont beaucoup changé. Est-il légitime que, en quelque sorte, nos services s'auto-orientent ?
    La qualité de la collecte de l'information a rarement été mise en cause dans les services français, ou même étrangers : les réseaux humains ou les sources techniques sont généralement satisfaisants. Ce sont la synthèse et l'information des décideurs politiques qui connaissent des failles. Un agent du FBI de Phoenix, dans l'Arizona, observe la présence d'islamistes dans les écoles de pilotage du pays ; il n'est pas cru. Pas plus que le bureau du FBI de Minneapolis, dans le Minnesota, qui attire l'attention de sa direction centrale après l'arrestation, le 16 août 2001, du Français Zacarias Moussaoui. Une note de la direction de la surveillance du territoire, en date du 1er septembre 2001, sur les séjours de Moussaoui en Afghanistan n'émeut pas davantage le FBI.
    Ce qui a pu être dramatiquement relevé par le Congrès américain est vrai aussi pour les services français : ils ne savent pas toujours ce qu'ils savent. Ils n'échangent pas suffisamment entre eux la substance de leur pouvoir, même si ce sont parfois les mêmes hommes qui, depuis vingt ou trente ans, assurent la pérennité des échanges.
    En tout état de cause, la coordination ne peut être l'affaire de la seule structure interministérielle existante, le SGDN, à travers le comité interministériel du renseignement, qui ne jouit pas de l'autorité politique nécessaire.
    Un ministre, du reste, en aurait-il plus vis-à-vis de ses collègues ?
    La coordination relève donc aujourd'hui de l'empirisme et de relations informelles, à l'exception de la question terroriste, gérée par l'unité de coordination de la lutte antiterroriste, l'UCLAT.
    J'ajoute que la cohabitation et le conflit au sommet de l'Etat ont longtemps contribué à cautionner l'immobilisme.
    Pourtant, les conditions d'une évolution du système sont récemment apparues : à travers, d'abord, les enseignements des « ratés » des services américains dans la crise du 11 septembre ; à travers, ensuite, la création d'un Conseil de sécurité intérieure présidé par le chef de l'Etat, qu'une éventuelle cohabitation ne saurait désormais remettre en cause. Le noeud gordien est donc tranché.
    Reste à créer un Conseil national du renseignement lui aussi présidé par le chef de l'Etat. La gestion de son secrétariat, que ce soit le SGDN ou l'état-major particulier du Président, par exemple, relève du détail. L'essentiel est que le Président de la République dispose d'une information diversifiée et centralisée et qu'il puisse provoquer l'échange d'informations entre tous les services de l'Etat concernés : qu'il soit en quelque sorte le garant de la remontée de l'information. Ce qui est utile dans le traitement de la criminalité ne le serait-il pas dans celui de la sécurité de l'Etat et de la nation ?
    Mais la coordination au sommet de l'Etat n'est pas suffisante. Elle doit s'exercer aussi entre les services. Leurs traditions ne suffisent pas à expliquer des relations si souvent teintées de méfiance. Les métiers ne sont certes pas les mêmes. Pourtant, dans une entreprise ou une collectivité locale, de multiples métiers coexistent et tendent à atteindre les mêmes objectifs. Il est urgent de « mutualiser » les moyens, de définir les lieux et les règles de l'échange et de la synthèse, quels que soient les sujets. Bref, « l'intelligence » de situation doit prévaloir sur le « droit de suite » des services. Au politique de l'imposer.
    J'ajouterai un mot sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : l'intelligence économique. Je sais que nos services font de sérieux efforts dans ce domaine. Cependant, il faut aller plus loin et faire de cette mission une priorité. De la même manière, il revient aux services de l'Etat de mieux définir les contours d'une communauté humaine du renseignement, en associant à ses objectifs, chaque fois que cela est nécessaire et possible, l'ensemble des entreprises spécialisées dans le traitement de l'information de crise, imitant en cela la stratégie de la plupart des Etats anglo-saxons.
    Enfin, je souhaite que s'engage une vraie réflexion sur l'attractivité des carrières civiles et militaires auprès de nos services.
    Globalement, les crédits de l'agrégat « Renseignement » du budget du ministère de la défense progressent de 5,3 %. Je rappelle que ces crédits, dont l'augmentation reflète le caractère prioritaire des dépenses de sécurité pour le chef de l'Etat et pour le Gouvernement, n'incluent pas les rémunérations ni les charges sociales.
    Quant au budget du SGDN pour 2003, il s'élève à 48,2 millions d'euros contre 39,4 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2002. Une fois déduites les dotations de 10,1 millions d'euros consacrées à la cryptologie, la progression du budget à structure constante est de 15 %. L'effort en matière de cryptologie, entamé il y a deux ans, mérite d'être souligné. En effet, loin d'être une simple question technique, la cryptologie est à mes yeux le coeur du renseignement technique de demain.
    Les crédits de fonctionnement progressent de 7 %, tandis que ceux destinés à l'équipement passent de 14,8 millions d'euros à 20,2 millions d'euros. Ces chiffres traduisent la réhabilitation du programme civil de défense, mais aussi la montée en puissance des dotations consacrées au développement des capacités de cryptologie.
    Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter, à l'instar de la commission des finances, le budget du SGDN pour 2003 ainsi que ceux affectés aux services de renseignements militaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la défense pour 2003 a constitué, pour la commission de la défense de notre assemblée et pour son président, un exercice particulièrement agréable. Les auditions auxquelles nous avons procédé, comme les avis sur les différentes composantes du budget de la défense, ont en effet toujours mis en avant la rupture avec les années passées, lesquelles avaient vu un déclin régulier et qui semblait inéluctable.
    Ce changement radical est la traduction concrète d'un engagement politique fort pris par le Président de la République dans son discours du 25 mars 2002. Alors qu'il avait alerté le précédent gouvernement à plusieurs reprises sur la nécessité de doter le budget de la défense de crédits correspondant au moins aux prévisions contenues dans la précédente loi de programmation, il s'était engagé à mener une action vigoureuse pour replacer la défense de la France en phase avec le rôle qu'elle doit tenir dans un monde devenu incertain et dangereux, comme en ont attesté les événements du 11 septembre 2001.
    Ce budget représente aussi un geste fort vers l'extérieur, à destination de la communauté internationale, et votre récent voyage aux Etats-Unis, madame la ministre, en a témoigné, mais également en direction de nos alliés, pour leur montrer notre détermination à prendre toute notre part dans la défense collective de l'Europe, en participant aux capacités militaires de l'OTAN mais aussi à celles de l'Union européenne, indissociables et complémentaires. Le signal s'adresse aussi à toute la communauté militaire de notre pays, désemparée et désenchantée après une longue période de privations et de frustrations professionnelles. Elle retrouve aujourd'hui toute la considération que lui doivent l'Etat et la nation.
    Les moyens mis aujourd'hui à la disposition des armées sont en parfaite adéquation avec la loi de programmation militaire, répondant ainsi aux attentes et aux demandes.
    Au-delà de l'augmentation importante des crédits soulignée par le rapporteur spécial, pensions comprises ou non, ou pour les seuls crédits d'équipement, je voudrais souligner les domaines qui constituent pour moi les plus grands motifs de satisfaction.
    L'accroissement des crédits de recherche vient au premier rang de ces motifs, tant ils me semblent essentiels pour l'avenir de notre défense. Soumis à une baisse constante depuis 1997, ils vont connaître un net renversement de tendance, en autorisations de programme, avec une hausse de 10 %, comme en crédits de paiement, l'effort de recherche atteignant un total de 1,24 milliard d'euros en 2003.
    Grâce à cela, notre pays pourra « garder le contact » avec nos principaux partenaires pour retrouver une nécessaire crédibilité dans notre aspiration à participer pleinement aux opérations de plus en plus complexes, qu'elles soient de basse ou de haute intensité. Par le développement de nos moyens de tir dans la profondeur, comme de renseignement, capacités désormais décisives, nous serons des participants à part entière, tout en préservant une indispensable marge d'autonomie.
    L'équilibre doit en effet être constamment maintenu entre nos exigences nationales et notre détermination à construire l'Europe de la défense. Par le financement des programmes en coopération - frégates Horizon, hélicoptère NH90 -, le budget pour 2003 marque cette volonté. Il s'agit bien sûr d'assurer avec d'autres la réalisation de moyens au service de la collectivité pour nouer des solidarités, mais il s'agit aussi de susciter les nécessaires rapprochements entre nos industries de défense pour les rendre plus compétitives face à une concurrence toujours plus rude. Ma détermination rejoint la vôtre à travers les contacts que je compte prendre dès le début du mois de novembre avec mon homologue allemand pour faire avancer dans la bonne direction le projet d'avion de transport A 400 M.
    Pendant de nombreuses années, les programmes d'armement ont été étalés dans le temps faute de crédits, ce qui ralentissait l'arrivée d'équipements neufs. Traduisant déjà l'inversion de tendance, de nouveaux matériels sont prévus pour 2003, qu'il s'agisse de commandes - avions Rafale, missiles MICA ou véhicules de gendarmerie - mais plus encore de livraisons, avec des avions cargo Casa 235 ou les missiles Scalp-EG et Apache, pour ne citer que cela. Ainsi, la France disposera, et de plus en plus au fil des années, de moyens d'action équivalents à ceux de nos alliés dans des interventions bi ou multilatérales.
    Nous savons aussi tous l'impact extrêmement positif que ces démarches concrètes peuvent avoir sur la communauté militaire : fierté de servir avec des matériels performants, satisfaction professionnelle de bien faire son métier mais aussi, plus prosaïquement, réduction de la charge de maintenance.
    Le budget permettra de financer d'autres actions en faveur du personnel de la défense. Il s'agira de l'amélioration des conditions de travail du personnel civil avec la reprise des recrutements grâce au dégel de postes budgétaires. Quant aux personnels militaires, l'amélioration de leur condition matérielle est enfin financée, leur entraînement ramené au niveau des standards internationaux, alors qu'un effort important est fait en matière d'infrastructures et que l'attractivité du recrutement est renforcée par les premiers crédits du fonds de consolidation de la professionnalisation.
    Tous ces éléments constituent évidemment autant de raisons d'avoir confiance dans le futur de notre défense, mais vous permettrez à la représentation nationale, et à la commission de la défense en particulier, d'exercer son devoir de vigilance dans l'exécution de ce budget.
    Toutes les insuffisances souvent évoquées ne disparaîtront en effet pas comme par enchantement le 1er janvier de l'année prochaine. La programmation précédente, médiocrement exécutée, fera longtemps encore sentir ses effets négatifs sur les capacités de nos armées, en dépit des premiers remèdes, les plus urgents, apportés dès le collectif d'août 2002.
    La tâche s'annonce rude pour le maintien en condition des matériels, car l'effort financier considérable consenti est une condition nécessaire mais non suffisante. Comme l'a très bien analysé notre collègue Gilbert Meyer dans son rapport sur l'entretien des matériels, il faut du temps, pour des raisons administratives, comme le respect du code des marchés publics, et pratiques - relance de certaines productions - mais aussi organisationnelles : fonctionnement perfectible de la SIMMAD et du SSF, réflexions encore sur la SIMMT.
    Par ailleurs, cet effort va porter sur des matériels qui, faute de renouvellement, ont encore vieilli.
    Il convient donc d'être lucide et d'expliquer dès aujourd'hui que les choses ne se transformeront pas par un coup de baguette magique ; un suivi attentif est donc nécessaire.
    Les importants retards de programmes déjà évoqués nécessitent, si l'on veut conserver des capacités minimales d'aéromobilité, que soient rénovés nombre de matériels. Des interrogations ne peuvent manquer de surgir quant à la rationalité de cette démarche - l'emploi de crédits pour remettre en état des matériels très anciens - alors que des matériels neufs auraient peut-être mieux fait l'affaire.
    C'est toutefois sur les conditions d'exécution des dépenses de la défense que portera pour l'essentiel notre attention.
    En dépit des efforts de chacun au sein de votre administration, madame la ministre, les difficultés peuvent apparaître en nombre pour que ce bon budget produise tous ses effets. Il conviendra par exemple que les difficultés actuelles de trésorerie n'induisent pas de reports de charges sur 2003, ce qui devrait être conjuré par le collectif de fin d'année ; pour dépenser l'ensemble des crédits, les services d'achat de la délégation générale pour l'armement doivent être renforcés, action, je le sais, en cours de réalisation ; pour dépenser mieux, des processus innovants - externalisation, contrôle de gestion -, doivent être poursuivis et élargis, pour que la nation comprenne mieux l'effort consenti en faveur de la défense, communauté d'hommes et de femmes qui peut souvent être citée en exemple pour ce qui est de la réforme de l'Etat.
    Mais notre vigilance s'exercera tout particulièrement au regard de la régulation budgétaire exercée par le ministère du budget. C'est dans ce domaine, en effet, que nous pouvons vous assurer de notre soutien total, car nous ne pouvons plus accepter que des administrateurs remettent en cause, comme ils ont pris la mauvaise habitude de le faire depuis trop longtemps, les crédits que nous, représentants élus du peuple, accordons au budget de la défense. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Il y a là une perversion de notre système...
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Très juste !
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. ... par laquelle l'administration bafoue le pouvoir politique, et nous avons la volonté de la juguler.
    Vous avez réussi, au cours des derniers mois, à renverser cette tendance. Nous pouvons vous assurer de notre volonté de veiller scrupuleusement au respect de l'expression de nos choix budgétaires. J'ai d'ailleurs demandé à tous les rapporteurs pour avis de faire état, chaque mois, devant la commission de la défense, de l'état de consommation des crédits, à charge pour eux d'être en contact permanent avec votre ministère, mais aussi avec celui de Bercy.
    Pour conclure, madame le ministre, je voudrais redire combien les militaires ont souffert de l'insuffisance des budgets des dernières années, et souligner que leurs attentes sont au niveau des difficultés qu'ils ont connues.
    Il y a donc aujourd'hui une grande attente, et un scepticisme qui ne sera levé que par des résultats concrets, mesurables, notamment quant à la disponibilité des matériels, mais aussi par des mesures ponctuelles concernant les personnels.
    J'ai déjà appelé votre attention en commission sur la question récurrente des pensions de retraite des veuves de lieutenants, qui constitue une injustice manifeste. Pourriez-vous aujourd'hui nous donner des assurances sur cette question ? Tout le monde est d'accord sur le constat. Une solution rapide ne serait pas très coûteuse.
    Au-delà de ces particularités, la communauté militaire et le monde de la défense sont déjà rassurés par le retour à la considération que leur manifeste la nation, d'abord par le projet de budget du Gouvernement, qui ouvre une nouvelle période de programmation de six ans, ensuite par le fait que la représentation nationale va voter ce bon budget et s'assurer aussi de sa bonne exécution. Ce sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Guy-Michel Chauveau. Fin des régulations budgétaires !
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est un usage que le ministre du budget vienne présenter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. C'est ce qui me vaut le plaisir d'être parmi vous ce matin.
    Michèle Alliot-Marie répondra aux intervenants et, en particulier, à M. le président de la commision.
    Monsieur Carayon, vous avez insisté sur le renseignement. Mon propos sera centré sur le SGDN et je laisserai à Mme Alliot-Marie le soin de répondre sur tous les sujets qui intéressent son ministère.
    Votre rapport comporte de nombreuses propositions, en particulier sur la coordination en matière de renseignement. Le Gouvernement les étudiera naturellement avec grande attention. S'agissant du contrôle, à titre personnel, je partage très largement le sentiment que vous avez exprimé sur la répartition des rôles entre le Parlement et l'exécutif. Et je suis parfaitement à l'aise pour le dire puisque ce sont des positions que j'ai prises dans l'assemblée où je siégeais il y a quelques mois encore.
    En ce qui concerne la commission de vérification chargée de s'assurer que les crédits restants sur les fonds spéciaux - chapitre 37-91 du budget des services généraux du Premier ministre - sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances, attendons d'en voir les résultats avant d'envisager de nouvelles évolutions. Franchement, il me paraît sage que l'exécutif ne soit pas désarmé dans les responsabilités qu'il a à assumer au nom de la République et au nom du peuple français.
    Le projet de budget pour 2003 du SGDN qui vous est proposé s'élève, en crédits de paiements, à 48,23 millions d'euros. Ils étaient de 39,36 millions d'euros en loi de finances pour 2002.
    Pour un ministre du budget, un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente, c'est un budget qui alloue les moyens nécessaires pour garantir la performance des missions qu'il finance. Le budget du SGDN s'inscrit dans la logique de la priorité nationale accordée par le Gouvernement à la sécurité et à la défense.
    S'agissant de l'adaptation de notre défense et de notre sécurité aux menaces nouvelles - terrorisme, prolifération d'armes nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques, agressions informatiques, menaces mobiles qui s'adaptent en permanence au terrain - le SGDN joue un triple rôle d'animation, d'impulsion et de coordination des actions et des réflexions des différents départements ministériels concernés.
    Le Président de la République, vous le savez, a marqué sa très forte volonté d'accroître l'efficacité et la cohésion de l'action des acteurs publics concernés : le SGDN est ainsi membre de droit du Conseil de sécurité intérieure instauré le 15 mai dernier et y exerce ses compétences, en particulier dans le domaine des instructions interministérielles concernant la défense, le renseignement et la planification de sécurité.
    Le Premier ministre, pour sa part, vient de rappeler, dans son discours du 14 octobre à l'IHEDN, l'importance primordiale qu'il attache à la coordination des différents départements ministériels et des services de l'Etat. Il a notamment souhaité que soit engagée une refonte de la planification de nos mesures de vigilance, de protection et de réaction face aux risques de terrorisme ; le SGDN a été chargé de préparer cette refonte, essentielle pour la sécurité de nos compatriotes.
    Sur le plan budgétaire, les priorités gouvernementales se traduisent tout particulièrement, au titre du budget de 2003, par l'accroissement du programme civil de défense pour assurer la protection des populations face au terrorisme, par un effort concernant l'adaptation des moyens de l'Etat, en particulier des services de sécurité et de renseignement, aux nouvelles technologies de l'information, et par la sécurisation des transmissions gouvernementales, celles-ci devant pouvoir faire face à tous les types de circonstances pour assurer la continuité de l'action des pouvoirs publics.

    Le programme civil de défense, le PCD, comporte un volet interministériel assumé par le SGDN. C'est un outil de coordination placé sous l'autorité du Premier ministre, pour donner les impulsions et la cohérence nécessaires aux différents programmes indispensables à la défense civile.
    Le projet de loi de finances pour 2003 propose à cet égard un renforcement des moyens inscrits au budget du SGDN par rapport à la loi de finances initiale de 2002. Les crédits de paiement passent ainsi de 5,336 millions d'euros à 6,881 millions d'euros. Il s'agit pour le Gouvernement de soutenir l'effort continu entrepris par le SGDN, avant même le 11 septembre 2001, pour développer des instruments adaptés en particulier aux risques de terrorisme.
    Le programme civil de défense viendra donc cette année renforcer la cohérence de chacun des programmes des ministères, notamment ceux développés à la fin de 2001 par les ministères de l'intérieur, de la défense et de la santé. L'objectif est de couvrir toute la gamme des mesures, de la détection des risques et des agents porteurs de ces risques à la réaction des pouvoirs publics en cas de concrétisation d'une menace.
    L'adaptation des moyens de l'Etat aux nouvelles technologies de l'information constitue la seconde priorité pour le SGDN, et c'est un sujet extraordinairement important : 10,163 millions d'euros de crédits de paiement de services votés sont désormais consacrés à cet effort. Ces crédits sont destinés à la poursuite des opérations lancées, au titre des années antérieures, pour la modernisation des moyens techniques de nos services et, en particulier, comme l'a très opportunément souligné votre rapporteur, aux mutations récentes dans le domaine de la cryptologie.
    Le Gouvernement estime essentiel de se doter des capacités de répondre au développement accéléré des nouvelles technologies de l'information et de la communication pour réagir éventuellement à un usage malveillant à l'encontre de la sécurité nationale. Une nouvelle tranche d'investissements, en cours d'étude, devrait être présentée à votre examen dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui va vous être soumis dans les semaines qui viennent.
    Dans le domaine de la sécurité des systèmes d'information, le SGDN constate que l'Etat et les services publics sont la cible d'attaques de plus en plus nombreuses et très agressives. Sa mission est de diffuser dans les services publics et dans le tissu industriel français les procédures et les pratiques permettant de tendre vers une nouvelle « culture de sécurité » des systèmes d'information.
    C'est pourquoi le projet de loi de finances pour 2003, tout en assurant la continuité des moyens d'investissements et d'études de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, à hauteur de 1,676 million d'euros en crédits de paiement, prévoit une majoration de ses autorisations de programme, qui passent de 1,525 million d'euros en 2002 à 1,828 million d'euros.
    Dernière priorité : le renforcement de la sécurisation des liaisons gouvernementales se fonde sur la montée en puissance du programme Rimbaud. Conformément aux accords passés cet été entre l'Etat et France Télécom, le budget du SGDN prendra en charge en 2003 la partie des coûts d'exploitation qui excède les recettes d'exploitation encaissées par l'opérateur au titre du réseau Rimbaud. Cette dotation atteint 2,1 millions d'euros en 2003.
    Par ailleurs, les moyens du centre de transmissions gouvernemental sont reconduits à hauteur de 1,526 million d'euros.
    La hausse des moyens de fonctionnement du SGDN n'est due qu'en faible partie aux dépenses de personnel, augmentent de 3 %. Elle s'explique essentiellement par le financement de trois priorités : outre le programme Rimbaud, l'Institut des hautes études de la défense nationale et le budget de fonctionnement.
    L'IHEDN doit jouir de sa pleine autonomie d'établissement public, sans que s'accroissent ses dépenses de gestion. L'objectif est de permettre que soit mise en place une politique des ressources humaines appuyée sur des moyens budgétaires propres.
    Un premier transfert d'emplois est donc proposé par le projet de loi de finances pour 2003, à partir du ministère de la défense, ce qui entraîne une augmentation de la subvention IHEDN, pour atteindre 1,789 million d'euros. Cette mesure présente un coût nul pour le budget de l'Etat.
    Le budget de fonctionnement du SGDN atteint désormais 10,039 millions d'euros. Les mesures nouvelles sont destinées au financement de la participation française aux réseaux de communication civils de l'OTAN et à l'augmentation maîtrisée des moyens de fonctionnement.
    Enfin le SGDN, comme d'autres départements ministériels, prépare l'application de la loi organique pour les lois de finances, la LOLF.
    Une première étape de la réforme de la nomenclature budgétaire est proposée dans ce projet de loi de finances. A cet effet, l'inscription de la masse salariale est modifiée, afin de faire apparaître progressivement le concept de masse salariale globale. Cinq chapitres sont supprimés et deux créés.
    Par ailleurs, un protocole a été passé cet été entre le SGDN et le contrôleur financier près le SGDN pour expérimenter la mise en oeuvre de nouvelles modalités du contrôle financier.
    En conclusion, le projet de budget du SGDN illustre, pour ce qui le concerne, les efforts du Gouvernement, dans un contexte de discipline et d'effort budgétaire, pour que l'Etat puisse mieux remplir ce qui constitue l'un des coeurs de ses missions : élever le seuil de la sécurité de la population sur le territoire national, adapter et moderniser les moyens de sa protection et redonner ainsi aux Français pleine confiance dans leur Etat pour garantir leur sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Jean-Michel Boucheron.
    M. Jean-Michel Boucheron. Madame la ministre, il serait malhonnête de dire que votre budget est un mauvais budget, si l'on se fonde sur des critères stricts d'organisation de notre défense.
    M. Michel Voisin. Ça commence bien ! Bravo !
    M. Jean-Michel Boucheron. Ce budget peut être regardé sous plusieurs facettes : certaines donnent une image positive, d'autres une image négative, d'autres encore une image totalement floue.
    Je commencerai par les aspects positifs. Il est incontestable que l'augmentation sensible du titre V - 11 % - était pour le budget de la défense une nécessité, un moment attendu par nos forces et par les observateurs internationaux. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) L'Europe de la défense, si elle veut respecter les objectifs fixés à Helsinki, doit en effet se construire. Il nous reste à convaincre notre partenaire allemand d'engager les efforts nécessaires à la construction d'une Europe puissante, capable de défendre ses propres valeurs, que nous appelons de nos voeux. La nouvelle politique militaire américaine, extrêmement agressive sur le plan financier, sur le plan de la recherche et sur le plan doctrinal, se traduit par une hausse massive du budget de la défense et oblige évidemment l'Europe, sinon à entrer dans la course, du moins à affirmer sa présence dans les domaines clés sur le plan stratégique.
    La situation internationale, enfin, en voie de déstabilisation du fait de la montée du terrorisme et du non-règlement du conflit proche-oriental, nous conduit à nous doter des moyens de la vigilance. Il fallait donc que la France donne un signe à ses partenaires européens sur la nécessité d'accroître l'effort de défense, mais celui-ci ne doit pas être interprété uniquement comme une réponse aux menaces. C'est la crédibilité de l'Europe et sa place face aux Etats-Unis qui sont en jeu.
    Mais votre budget présente aussi des aspects négatifs. Le principal, le plus impressionnant est son aspect virtuel. Est-il sincère ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) L'ensemble du monde de la défense se pose la question. Est-il réaliste ? Là, personne ne pose la question. En effet, la loi de finances est fondée sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, ce qui ne correspond de toute évidence, pas à la réalité. Le déficit atteindra 2,6 % du PNB, ce qui est important et rend impossible le respect du pacte de stabilité, y compris en 2006. A un moment ou à un autre, en 2003, un clash budgétaire interviendra. (« Eh oui ! » sur les bancs de groupe socialiste. - « Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Ils se réjouissent à l'idée du malheur de la France ! Belle profession de foi !
    M. Jean-Michel Boucheron. La défense en sera-t-elle victime ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Monsieur le ministre délégué au budget, répondez-nous puisque vous êtes là. A quelle date seront annoncés les premiers gels de crédits ? En mars ou en avril ? A quelle date interviendront les premières annulations de crédits ? En juin ou en septembre ?
    M. Gérard Bapt. Dès janvier !
    M. Jean-Michel Boucheron. Si l'on descend dans le détail budgétaire, je citerai trois chiffres : les 190 millions d'euros du BCRD risquent fort d'être financés aux dépens du budget de l'armée de terre, s'il n'y a pas une ouverture des crédits correspondants dans le collectif de décembre. Par ailleurs, l'énorme masse d'autorisations de programme - 4,2 milliards d'euros - que vous attendez dans le collectif pour le Rafale sera-t-elle au rendez-vous ? Enfin, dans les reports de charges de 1,2 milliard pour l'année 2002 dus aux OPEX et aux divers dédits, s'ils ne sont pas financés dans le collectif, ponctionneront dans deux mois, par des gels de crédits, le budget de 2003 que nous sommes en train de discuter.
    Que devons-nous voter aujourd'hui ? Vos intentions, on pourrait les approuver mais, en réalité, en tant que responsables de l'opposition, nous nous devons de dire que le risque que ce soit un budget leurre est extrêmement important.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Pour ça, vous êtes des spécialistes !
    M. Jean-Michel Boucheron. Il est de notre rôle de calmer les enthousiasmes qui pourraient se transformer en amères déceptions. Nos partenaires européens se réjouissent aujourd'hui de vos intentions et celles-ci augmentent la crédibilité de la France. Qu'en sera-t-il demain s'ils s'aperçoivent que tout cela n'était qu'un effet d'annonce ?
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Eh oui !
    M. Jean-Michel Boucheron. Bien entendu, madame la ministre, vous vous appuyez sur la volonté du Président de la République, et vous avez raison. Mais tous les indicateurs vont dans le mauvais sens. Nous vous souhaitons de pouvoir compter sur la volonté du chef de l'Etat tout au long de l'application de ce budget et de la loi de programmation militaire.
    M. Michel Voisin. Nous n'en doutons pas !
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Nous pouvons compter sur vous aussi, sans doute !
    M. Jean-Michel Boucheron. Enfin, il y a les aspects flous de ce budget. En effet, il s'inscrit dans le modèle d'Armée 2015. Celui-ci a été défini en 1996 et il était basé sur un livre blanc rédigé en 1994, époque où l'on réaffirmait la nécessité d'une armée de conscription. Il faut admettre, madame la ministre, que ces références ne sont plus à l'ordre du jour et qu'il serait temps que nous réécrivions notre doctrine. En un an, les Américains ont produit la quadriennale review, la nouvelle posture stratégique, la nouvelle posture nucléaire, trois documents majeurs qui révolutionnent la politique de défense.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. Jean-Michel Boucheron. Ils ont notamment annoncé leur intention de recourir à des frappes préventives, conventionnelles et nucléaires, pour garantir leurs intérêts de sécurité.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Eh oui !
    M. Jean-Michel Boucheron. Ils ont délibérément tourné le dos à l'OTAN, à l'ONU, à l'Europe, aux traités de désarmement et à toute forme de multilatéralisme.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. Jean-Michel Boucheron. Les Britanniques, pourtant souvent pris comme modèle à droite, sont loin d'agir comme nous. L'équivalent de notre Livre blanc, la Strategic Defense Review, date de 1998. Ce document a depuis été régulièrement remis à jour. Cet été, les Britanniques ont ajouté le concept de network centric capacity, c'est-à-dire de mise en réseau de tous les systèmes d'armes, afin de réduire le temps qui s'écoule entre l'acquisition du renseignement et la décision.
    L'augmentation des dépenses de la défense britanniques dans la Spending Review 2002 est complètement concentrée dans le domaine du C3R - commandement, contrôle, communication, renseignement.
    Les choses changent, pas nos choix fondamentaux. L'excuse de la cohabitation ne peut plus être invoquée face à cette absence stratégique. Nous sommes aujourd'hui fin 2002 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Ben voyons !
    M. Michel Voisin. Vous ne manquez pas de souffle !
    M. Jean-Michel Boucheron. Certes, un effort apparaît dans le domaine du renseignement, des drones, des communications. Mais est-il à la hauteur des changements nécessaires ? Notre partenaire néerlandais suffit-il à qualifier ce projet d'européen ? On chercherait vainement dans ce budget une avancée nouvelle dans le domaine de la politique européenne de défense. Certes, madame la ministre, nous connaissons les difficultés.
    Nous connaissons les tendances atlantistes de nos amis britanniques, spécialement en cette période. Nous connaissons les tendances au désengagement de la politique allemande, en particulier dans des circonstances actuelles. Ne serait-il pas temps d'avancer des idées-forces, des idées nouvelles, comme l'a fait Laurent Fabius dans une récente interview...
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Nous, nous avançons des crédits ! C'est autre chose que des idées !
    M. Jean-Michel Boucheron. ... où il proposait une logique fusionnelle des défenses française et allemande et d'un certain nombre de politiques, dont la politique de sécurité. Là réside la véritable réponse au discours de M. Joschka Fischer. Autant que la convention, le moteur franco-allemand reste la grande espérance d'une Europe politique.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Qu'avez-vous fait ?
    M. Jean-Michel Boucheron. Il manque incontestablement, dans ce domaine, un peu d'audace au Gouvernement auquel vous appartenez.
    M. Michel Voisin. Mais vous, vous ne manquez pas d'air !
    M. Jean-Michel Boucheron. Il reste que nous devons nous prononcer sur ce budget. La défense ne peut pas se restreindre au militaire. Une bonne politique d'organisation de nos forces serait durablement affaiblie par un décrochage économique et des dérapages sociaux. Que signifierait d'adopter un budget sur lequel nous avons beaucoup de doutes à l'heure où les budgets de l'éducation, de la recherche et des affaires sociales sont dépecés ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) A quoi servirait aujourd'hui de voter une sorte de « lettre au Père Noël » ? (Protestations sur les mêmes bancs.) Nous connaissons les risques des ambitions trop hautes qui ne sont pas appuyées sur des moyens assurés et durables. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. rapporteur pour avis. Quelle caricature ! C'est indigne de vous, monsieur Boucheron ! Vous ne nous aviez pas habitués à cela !
    M. Michel Voisin. L'idéologie revient au galop !
    M. Charles Cova, rapporteur pour avis. Quel sectarisme !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Boucheron terminer son intervention !
    M. Jean-Michel Boucheron. Madame la ministre, nous souhaitons nous tromper, mais les Français pourraient nous reprocher de ne pas les avertir. L'analyse de notre groupe politique est globale. L'économique, le social, le militaire sont indissociables dans la cohésion d'une nation et, donc, dans sa capacité de défense. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Notre groupe a souhaité s'opposer à ce budget, comme aux autres, car trop d'indicateurs nous font douter de sa sincérité.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Vous êtes des naufrageurs !
    M. Jean-Michel Boucheron. Trop de budgets essentiels à la cohésion sociale, donc à la force de notre nation, sont en recul grave. Vous le comprendrez bien, madame la ministre, cette analyse n'est en rien une critique de votre action ou de vos envies d'action. Nous jugerons sur pièces.
    M. Michel Voisin. Bien sûr !
    M. Jean-Michel Boucheron. Nous connaissons les formidables obstacles que vous allez rencontrer. N'ayez aucun doute sur le fait que le groupe socialiste, quoi qu'il arrive, soutiendra les efforts qui participeront à la réelle modernisation de nos forces,...
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Vous l'avez montré pendant cinq ans ! Bravo !
    M. Jean-Michel Boucheron. ... à la fidélisation des personnels de la défense et à la construction d'une défense européenne que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.
    M. Francis Hillmeyer. Ce budget est bien un budget de rupture, comme vous l'avez souhaité et récemment souligné, madame la ministre, à l'occasion de conférences de presse.
    Rupture dans la mobilisation sans précédent des moyens accordés à notre défense. Le budget de la défense augmente en effet de 7,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. Rupture surtout du long processus de démoralisation qui accable nos armées et dont on a vu, à l'occasion de nos interventions en Afghanistan, combien il était légitime et justifié.
    L'effort que vous consentez pour les crédits du titre V consacrés au rétablissement de la disponibilité de nos matériels mérite d'être souligné et applaudi. Il fallait absolument mettre l'accent sur l'opérationnel tant les taux d'indisponibilité de nos troupes et de leurs équipements étaient devenus terrifiants au fil des ans. Vos priorités budgétaires sont les bonnes car elles visent également à consolider en profondeur la professionnalisation de nos forces en restaurant une image positive et attractive de l'engagement militaire et en recrutant plus de 700 personnes sous contrat.
    Il convient également de saluer la hausse des crédits destinés à la gendarmerie. L'Etat avait le devoir de répondre à ses exigences légitimes. Les brigades pourront donc payer leurs loyers, les gendarmes se vêtir de gilets pare-balles et acquérir de nouveaux véhicules. L'augmentation de leurs effectifs restaurera un sentiment de sécurité sur l'ensemble du territoire.
    Mais permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que l'exécution intégrale de ce budget constituera la véritable rupture avec les coutumes anciennes. Ne plus considérer le budget de la défense comme une variable d'ajustement du budget de l'Etat est sans doute la révolution la plus urgente, mais aussi la plus difficile à conduire.
    M. Jean Michel. La plus risquée en tout cas !
    M. Francis Hillmeyer. L'espoir que vous avez fait naître parmi les professionnels oblige le Gouvernement à réussir ce pari d'une gestion irréprochable. La véritable réforme de l'Etat consiste aussi à exécuter les lois de finances en dirigeant l'argent public au bon endroit, au bon moment.
    Le groupe UDF constate avec satisfaction que la première annuité coïncide avec le tableau prévisionnel de la loi de programmation militaire, et il vous en félicite. Cependant, les élus du peuple devront être vigilants et veiller à ce que cette programmation soit scrupuleusement respectée et exécutée tous les ans d'ici à 2008, dans l'intérêt général. L'ensemble de la population comprend bien la nécessité de nos efforts dans le climat actuel d'insécurité internationale, qui n'épargne pas la France et ses intérêts partout dans le monde, comme en témoignent, faut-il le rappeler, les attentats de Karachi et tout récemment du Limburg au large du Yémen.
    Avant de conclure, je voudrais, vous suggérer des pistes complémentaires de rupture qui participeront, je le crois, à la modernisation de notre défense. Votre objectif est de placer la France en situation de leader en Europe. Nous louons votre volontarisme dans la mesure où il nous permettra de rattraper notre retard par rapport à nos voisins britanniques. Mais une chose est de replacer la France dans une compétition légitime avec ses voisins, une autre de lui faire jouer un rôle moteur et éclairé dans la définition d'objectifs de défense communs.
    A mon sens, il manque un réel engagement et une volonté politique claire sur ce sujet majeur. Nous avons fait l'euro, auquel personne, il y a quarante ans, ne donnait la moindre chance. Le prochain défi est devant nous : c'est la construction d'une défense européenne commune pilotée par une diplomatie qui permette à nos pays de parler d'une seule voix lorsque la paix du monde est en danger comme aujourd'hui, à la veille d'un conflit probable avec l'Irak. Ce défi est d'autant plus urgent que l'élargissement de l'Europe a lieu demain et que tout deviendra plus compliqué si les structures et les volontés des Quinze ne sont pas déjà acquises à cette cause. Il faut saluer les précurseurs de cette Europe de la défense : ceux qui ont cru dans la brigade franco-allemande...
    M. François Rochebloine. Très bien !
    M. Francis Hillmeyer. ... et ont démêlé les unes après les autres toutes les difficultés de la cohabitation de nos deux langues, de nos deux cultures et surtout de nos deux histoires ; ceux du groupe aérien européen, qui a montré ses capacités d'intervention dans les conflits récents. Le corps européen est né, mais il manque la volonté de soutenir cette structure existante.
    Or le temps presse. La France, accablée par la dépense publique, ne saurait à elle seule rivaliser avec des puissances comme les Etats-Unis. Tous les éléments sont réunis pour bâtir cette force européenne : 1 700 000 soldats européens, contre 1 300 000 pour les Etats-Unis, et un budget de 150 milliards de dollars contre 380 milliards pour les Américains. Pourtant, nous avons au total seulement 10 % de leur capacité. La priorité se situe aussi à ce niveau : lutter ensemble contre les gaspillages et l'éparpillement de nos efforts militaires en coordonnant nos politiques de défense. Il s'agirait de disposer d'un budget autonome au niveau communautaire, alimenté à hauteur de 0,5 % de leur PIB par tous les Etats qui souhaiteront adhérer à la défense européenne.
    Les conséquences de cette défense commune sont claires : une agence d'armement européenne chargée des acquisitions et des équipements des forces armées communes pour obtenir des prix, les compatibilités nécessaires et l'interopérabilité indispensable. Cela nous permettra de faire des économies sur certains programmes lourds. La France doit-elle supporter seule la construction d'un nouveau porte-avions ? La vision d'avenir n'est-elle pas la défense commune des intérêts européens ? Le Président de la République, Jacques Chirac, a rappelé, lors des événements en Côte d'Ivoire, que notre devoir était d'assurer la sécurité des ressortissants français et européens.
    Nous allons nous lancer dans la construction d'un véhicule blindé de combat d'infanterie. Pourquoi le développer en franco-français alors qu'il exprime un besoin commun aux armées européennes ? Voulons-nous rejouer « l'aventure du Leclerc », avec une disponibilité au faible taux de 55 % en 2001 et une augmentation moyenne du prix des pièces de rechange de l'ordre de 50 % ? L'intérêt supérieur de la nation est également de mieux dépenser. Développons une instance de programmation stratégique qui définisse le format et les doctrines d'emploi des forces. Nous aurions alors pu convaincre nos partenaires de concevoir un avion de combat européen au lieu de choisir l'avion de combat JSF américain. Proposons un état-major commun pour apprendre à agir et à travailler ensemble, pour unifier les modes de commandement et les normes.
    Le groupe UDF sait qu'il faudra du temps pour faire évoluer ce concept, mais il pense que, sans cette vision à long terme, le budget de la défense deviendra un tonneau des Danaïdes. Néanmoins, parce que les crédits proposés sont aujourd'hui nécessaires et urgents pour la sécurité de la nation, nous voterons votre budget, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis une semaine, une phrase me hante, délivrée avec l'application qu'on lui connaît par M. le ministre délégué au budget : « Un budget qui augmente n'est pas forcément un bon budget ». Je n'en suis pas toujours convaincu, mais quand j'examine le budget de la défense, je me dis qu'il a sûrement raison !
    En premier lieu, je crois qu'il faut arrêter ce mauvais procès selon lequel les uns ne travailleraient qu'à redresser la défense et les autres ne penseraient qu'à l'enfoncer...
    M. Michel Voisin. C'est pourtant vrai !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... ou en seraient les naufrageurs ! En fait, la loi de programmation militaire 1997-2002 a été la mieux respectée ces trente dernières années,... (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean Michel. La seule exécutée entièrement !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... et la baisse budgétaire la plus forte en matière d'armement s'est produite entre 1993 et 1997. Nous pouvons débattre, mais personne n'a de leçons à donner, et cela d'autant moins que les chances de voir ce budget respecté invitent à la circonspection. En effet, le budget de la France est bâti sur l'hypothèse d'un taux de croissance de 2,5 %, alors qu'il est maintenant admis qu'il se situera entre 1,5 % et 1,9 %, et que de premiers gels de crédits auront lieu dès janvier.
    Enfin, la professionnalisation n'a pas été un long fleuve tranquille. Elle a été menée dans des délais anormalement courts, par rapport à d'autres pays.
    M. Michel Voisin. Mais elle a été réussie !
    M. Jean-Claude Sandrier. Cette armée professionnelle, qui devait, selon certains, coûter moins cher, s'est révélée un peu plus gourmande que prévu. Le titre III aura augmenté de 14 % en six ans, ce qui n'a pas été sans conséquence sur le titre V, qui a en outre dû supporter des opérations extérieures et intérieures dont l'ampleur n'avait probablement pas été imaginée.
    Pour justifier cette augmentation du budget de la défense qui, selon le général Kelche, n'a que « peu de précédents », vous avancez trois raisons de nature très différente.
    Il s'agirait d'abord d'améliorer la disponibilité des matériels. C'est en effet un vrai problème, qu'il n'est cependant pas juste de mettre essentiellement sur le compte du manque de crédits, comme vous le faites. Vous savez très bien que ces matériels sont davantage sollicités et que la lourdeur de la réglementation a créé d'énormes difficultés dans l'approvisionnement des pièces détachées. Cette situation tient aussi à la réorganisation des services du matériel liée à la professionnalisation. Ainsi, au cours de la seule année 1999, l'armée de terre a vu disparaître plus de 30 % de ses effectifs, et tous ses régiments ont été restructurés.
    Vous justifiez ensuite cette augmentation du budget en déclarant que c'est un effort nécessaire de la nation « à la hauteur des défis de sécurité qui lui sont lancés dans un contexte international troublé et marqué par la recrudescence du terrorisme ». Eh bien, justement, je ne crois pas que votre budget réponde à ces défis.
    Tout d'abord, l'essentiel des crédits de paiement porte sur la force de dissuasion et les capacités de projection. Comment penser que ce sont les éléments les plus pertinents de la lutte contre le terrorisme ?
    Surtout, lorsque vous évoquez le « contexte international troublé », il importerait de dire par qui, ou plutôt pourquoi il est troublé ? Il faut dire la vérité sur le « pourquoi », a déclaré avec force le cardinal archevêque de Boston au Président des Etats-Unis. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Amen !
    M. Charles Cova. Monseigneur Sandrier !
    M. Jean-Claude Sandrier. Le monde est malade, vous le savez. Malade des inégalités qui ne cessent de se creuser : en trente ans, l'écart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres a été multiplié par 3. Malade des marchés financiers. Malade du comportement de certains à l'égard du tiers monde.
    A quelqu'un qui lui disait qu'il n'y avait plus de grandes causes aujourd'hui, le sociologue Edgar Morin répondait : « Au contraire, c'est l'époque de la plus grande des causes : civiliser la terre. »
    Ce n'est pas militairement que se régleront les problèmes d'un monde qui se déshumanise. C'est pourquoi s'aligner, de près ou de loin, sur la stratégie américaine, marquée par une vision essentiellement militaire et unilatérale de la gestion du monde, ne peut être le bon choix pour la France et l'Union européenne. A cet égard, nous espérons que l'épisode irakien sera une leçon utile.
    Vous justifiez enfin votre budget par la nécessité d'apporter une contribution à la construction de l'Europe de la défense. Or celle-ci ne peut exister que si elle est autonome et si la politique de sécurité de l'Union européenne se différencie de celle des Etats-Unis par des orientations nouvelles, par un dialogue des cultures. A défaut, la défense européenne se contenterait de singer celle des Etats-Unis.
    M. Yves Fromion. rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. Jean-Claude Sandrier. Répondre au défi de la sécurité dans le monde, c'est mettre en oeuvre une nouvelle politique de sécurité et de défense qui repose sur le développement ; la réduction des inégalités ; l'abandon d'une vision du monde dépendant des concepts américains ; la redéfinition des missions de nos armées.
    Selon cette nouvelle approche de la sécurité, les missions seraient consacrées en priorité à la sécurité du territoire national et européen, puis à l'action humanitaire et pour la paix, sous l'égide d'une ONU rénovée et démocratisée, et enfin à l'intervention sur les sites de catastrophes naturelles en France, en Europe et dans le monde.
    La projection ne peut être au coeur de cette stratégie, et le nucléaire, qui n'est vraiment pas l'arme idéale de lutte contre le terrorisme, doit être simplement maintenu à son niveau de suffisance, en relançant une conférence internationale pour le désarmement nucléaire qu'attendent de nombreux pays.
    La mise en oeuvre d'une telle stratégie permettrait d'opérer une simple redistribution budgétaire au lieu d'une augmentation des crédits, et de définir des priorités nouvelles comme la protection des approches aériennes et maritimes ; l'information et le renseignement, humain et par satellite ; la mise à disposition de l'ONU d'une force d'intervention prévue en temps ordinaire pour le territoire français et européen, sous réserve d'une définition internationale des critères d'intervention ; la création d'un service civilo-militaire pour la sécurité intérieure et les catastrophes naturelles ; le développement d'une recherche duale et européenne qui présenterait le double avantage de diminuer les coûts de la recherche et d'en accroître l'efficacité.
    Enfin, je veux aborder l'aspect économique et industriel.
    La logique voudrait que l'augmentation du budget s'accompagne de créations d'emplois ; rien n'est moins sûr.
    D'une part, à cause de l'exacerbation du marché de l'armement où, contrairement à ce que certains prétendent, la concurrence est souvent faussée. Comment être compétitif, par exemple, avec un pays qui est en guerre permanente et qui, de plus, bafoue les résolutions de l'ONU ? Alors, que l'on ne vienne pas expliquer que GIAT est trop cher : cela ne veut rien dire !
    D'autre part, parce que les restructurations industrielles ne sont pas terminées, et l'on sait ce que cela signifie en matière d'emploi.
    Nous avions, il y a vingt ou trente ans, deux fleurons industriels dans l'armement terrestre et la marine, mais on les a précipités et on les précipite encore dans le champ de bataille du tout-marché, avec les conséquences que l'on sait pour GIAT et que l'on découvrira malheureusement pour la DCN.
    GIAT est menacé dans son existence même par cette stratégie de gribouille et il semblerait qu'un nouveau plan, accompagné de licenciements secs, se prépare.
    J'ai demandé au président de la commission de la défense et des forces armées la constitution d'un groupe de travail ou d'une mission d'information à ce sujet. Il vient de répondre favorablement à cette demande, et je l'en remercie, mais j'aurais souhaité, comme c'est la tradition dans notre assemblée, que tous les groupes politiques soient partie prenante de cette mission d'information. Or un seul est représenté. J'aurais également souhaité que cette mission porte sur l'avenir de l'armement terrestre en France et en Europe, et je regrette, monsieur le président de la commission, que vous l'ayez réduite à GIAT, ce qui revient à aborder par le petit bout de la lorgnette une question industrielle et économique, mais aussi stratégique.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Cela ne va pas faire plaisir aux personnels de GIAT !
    M. Jean-Claude Sandrier. Je pense notamment à l'abandon du Trident.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Qui l'a abandonné, comme tant d'autres programmes ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Quant à la DCN, alors que le plan de charge s'annoncerait plutôt meilleur, rien ne garantit qu'elle bénéficiera des commandes prévues. Là encore, une compétition économique faussée risque de l'écarter de certains marchés.
    Mais il faut dire aussi qu'il y a parfois deux poids, deux mesures. Alors que les uns sont déclarés, à tort, trop chers, d'autres - a priori très compétitifs, sans doute parce que privés - vont recevoir une manne providentielle de l'Etat pour faciliter leurs exportations. Ainsi, on aide le privé par fonds publics interposés à être concurrentiels, et on tue le public en prétextant que les salariés gagnent trop et empêchent leur entreprise d'être compétitive. Belle logique !
    Ajoutons que l'Union européenne est en train de jouer sa liberté et son autonomie en matière de sécurité et de défense. A côté des discours, on s'aperçoit que la sacro-sainte loi du marché à laquelle on a soumis toute l'industrie d'armement est en train de pousser les industriels européens vers les Etats-Unis. On assiste aujourd'hui à une véritable transatlantisation de l'industrie de défense, qui va faire de nous des vassaux plus sûrement que n'importe quel traité ou accord politique.
    Le gouvernement français et les gouvernements de l'Union européenne, s'ils veulent l'autonomie de décision en matière de sécurité, doivent disposer d'une industrie de l'armement qui la permette, ce qui veut dire que doit s'exercer sur cette industrie une responsabilité publique et qu'il faut considérer définitivement que l'armement n'est pas une marchandise comme une autre.
    Bien qu'il approuve l'effort justifié en faveur de l'entretien programmé des matériels ainsi que des conditions de vie des militaires, le groupe communiste et républicain votera contre ce budget de la défense (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) qui ne correspond pas aux exigences d'aujourd'hui en matière de sécurité pour la France et l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.
    M. Michel Voisin. Madame la ministre, le budget que vous nous présentez revêt une importance toute particulière. Il était naturellement attendu avec un peu d'inquiétude par nos militaires, habitués à voir leurs crédits se réduire d'année en année. Pour 2003, il n'en est rien, qu'ils soient rassurés, et avec eux tous nos concitoyens, nombreux, qui ressentent la nécessité de doter la France d'un outil de défense à la hauteur du rôle qu'elle entend jouer sur la scène internationale.
    Pour qu'ils soient plus nombreux encore, il conviendrait de développer une véritable politique d'information en matière de défense, qui ne se résume pas, comme on l'a trop souvent vu dans le passé, à une campagne de communication du ministre. Je sais la haute opinion que vous avez de votre mission et je sais aussi que vous saurez vous garder de ce travers que certains de vos prédécesseurs n'ont pas su éviter.
    Lorsque vous avez pris vos fonctions, la tâche qui vous attendait était loin d'être simple et aisée. La défense ne constituait pas, loin s'en faut, une des priorités du précédent gouvernement. Que l'on se souvienne des arrêtés de transfert de crédits, qui vidaient de sens le vote du Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Et ceux de Juppé ?
    M. Jean Michel. C'était dix fois plus !
    M. Michel Voisin. ... et faisaient de la défense une réserve quasi inépuisable de crédits que l'on destinait à d'autres actions.
    M. Hervé Morin. Les « dividendes de la paix », disait M. Fabius !
    M. Michel Voisin. Le précédent gouvernement faisait preuve de constance. Les budgets de la défense se suivaient et se ressemblaient étrangement. Ils avaient pour caractéristique commune la baisse permanente des moyens, ce qui plaçait nos forces armées dans une situation délicate.
    Il y a tout lieu de s'interroger, car la loi de programmation militaire 1997-2002 n'a pas vraiment connu une amorce de mise en oeuvre. En matière d'équipement, faut-il le rappeler, les crédits enregistrent l'équivalent d'une année de retard. N'est-ce pas vider de sa substance toute idée de programmation ?
    Pourtant, le Président de la République, à de nombreuses reprises, avait mis en garde le précédent gouvernement sur la nécessité de doter notre pays d'un budget suffisant et compatible avec les missions du nouveau modèle d'armée professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Michel Boucheron. C'est faux : il n'a jamais rien dit !
    M. Yves Fromion. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre !
    M. Michel Voisin. Nous-mêmes, alors députés de l'opposition, avions protesté avec force et vigueur contre les coupes claires qui, année après année, mettaient en pièces notre outil de défense et cassaient le moral de nos militaires.
    M. Jean Michel. Vous vous êtes abstenus sur la programmation !
    M. Michel Voisin. Les lacunes accumulées entre 1997 et 2002 ont été nombreuses.
    M. Jean-Michel Boucheron. Et de 1993 à 1997 c'était comment ?
    M. Michel Voisin. On a démarré la professionnalisation en 1997. Vous devez vous en souvenir, c'est vous qui l'avez assumée, mais vous la critiquez aujourd'hui.
    M. Michel Dasseux. Nous l'avons bien assumée !
    M. Michel Voisin. La question de la création d'un second groupe aéronaval a été éludée. Il était pourtant fondamental, pour que la France tienne sa place, qu'elle se dote de cet outil militaire et diplomatique que constitue un second porte-avions. Nous savons maintenant que ce sera chose faite.
    Certains matériels n'étaient pas entretenus, pas remplacés ou pas encore commandés, faute de moyens suffisants. C'était particulièrement vrai pour les équipements aéronautiques - deux Rafale, une poignée de missiles Mica, Apache et Aster ont été livrés -, et pour les matériels terrestres, ce qui conduisait à se poser de réelles questions sur les capacités de projection de nos forces terrestres.
    Je n'ai pas bien compris, à ce propos, les critiques de notre excellent collègue Jean-Michel Boucheron qui, d'habitude, est beaucoup plus pondéré. Je reprends, en effet, la citation d'un journal du matin : « Il serait malhonnête de dire que votre budget, madame la ministre, est un mauvais budget ». Et voici que, maintenant, il soutient le contraire.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Non ! Il a simplement dit que c'était un budget virtuel !
    M. Michel Voisin. Doit-on voir, dans cette politique délibérée de démantèlement de nos forces armées, le retour des vieux démons pacifistes d'un gouvernement socialiste qui espérait, en se maintenant assez longtemps au pouvoir, réduire comme une peau de chagrin nos moyens militaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Antoine Carré, rapporteur pour avis. C'est l'influence de 68 !
    M. Charles Cova, rapporteur pour avis. Et des Verts !
    M. Michel Voisin. Les électeurs, eux, ne s'y sont pas trompés.
    Le moral des troupes était en baisse et le mécontentement dans les armées aurait pu lentement se transformer en grogne si l'expérience socialiste s'était trop longuement poursuivie. Il est nécessaire aujourd'hui de renouveler les conditions du dialogue et d'examiner avec les militaires les voies et moyens d'une amélioration de leur condition. Ce sont des femmes et des hommes responsables qui savent garder à l'esprit, en toutes circonstances, l'intérêt de leur pays, et qui sauront concilier leurs demandes avec la nécessité d'éviter tout dérapage budgétaire.
    Dans une armée professionnelle, il est important d'assurer aux volontaires, autant que faire se peut, des conditions de vie et de rémunération qui, malgré la spécificité et les contraintes propres au métier des armes, ne soient pas trop éloignées de celles consenties aux civils.
    Dès votre entrée en fonctions, madame la ministre, vous vous êtes attelée au travail pour redonner à nos armées les moyens d'effectuer leurs missions et pour garantir aux personnels la considération de la nation.
    C'est ainsi que, dès le 11 septembre dernier, vous avez présenté le matin au conseil des ministres, et à nous-mêmes l'après-midi, un nouveau projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. Il constitue à n'en pas douter le cadre du redressement de la capacité opérationnelle de nos forces que vous entendez réaliser à nos côtés durant cette législature.
    Ce projet, dont nous débattrons en novembre, prévoit une augmentation sensible du budget consacré à la défense et la construction du second porte-avions ; il confirme également la création de 7 000 postes dans la gendarmerie. Il traduit la double volonté du Président de la République et du Gouvernement de restaurer l'autorité et la crédibilité de l'Etat au profit de la sécurité de notre pays et de nos concitoyens. Nul doute qu'il traduira également celle du Parlement de contribuer à cette indispensable restauration.
    Votre projet, madame la ministre, a été bien accueilli par les militaires. Le chef d'état-major des armées s'est déclaré « optimiste », alors qu'il avait fait part de son inquiétude au mois de janvier dernier en déclarant : « Les hommes et les femmes des armées qui ont consenti de multiples sacrifices pour réaliser l'armée professionnelle prescrite, attendent que la considération du pays et de ses responsables politiques se traduise par l'octroi des moyens financiers nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. »
    La future loi de programmation militaire marquera un tournant dans la politique de défense et apparaîtra comme un effort de redressement du budget d'équipement des armées par rapport à l'exécution de la programmation précédente.
    En augmentant les crédits d'équipement et de recherche, ce projet permettra de répondre aux menaces multiformes susceptibles de porter atteinte à nos intérêts et à notre sécurité. En accroissant l'effort de recherche, c'est de notre sécurité future que vous vous préoccupez.
    Vous prévoyez un effort particulier pour assurer la disponibilité opérationnelle des matériels et arrêtez à 2,4 millards d'euros leur annuité d'entretien. Il y a cinq ans que nos forces attendaient cet effort.
    Afin d'atteindre le format du modèle d'armée 2015, d'adapter les effectifs de la gendarmerie aux exigences de la sécurité intérieure, d'ajuster les effectifs de l'armée de terre à ses engagements et de conforter les compétences du service de santé, le projet de loi de programmation prévoit de fixer à 446 600 emplois les effectifs de la défense.
    Enfin, un fonds de consolidation de la professionnalisation, élément indispensable à la politique que nous entendons mener en faveur des personnels militaires, sera constitué. Il devrait être doté de 573 millions d'euros afin d'assurer l'attractivité des métiers militaires et la fidélisation du personnel de forte qualification.
    S'agissant des équipements, un effort d'entretien et de remplacement des matériels anciens sera entrepris. Le renouvellement des matériels, si longtemps différé, se traduira enfin de façon concrète et l'on ne verra plus nos militaires s'efforcer de rafistoler tant bien que mal, et plutôt mal que bien, des matériels à bout de souffle.
    S'agissant des personnels et de l'amélioration de la condition militaire, le plan annoncé sera financé et mis en oeuvre. Il s'agit de mieux reconnaître les sujétions statutaires et certaines contraintes opérationnelles des militaires.
    Toutes ces mesures vont dans le bon sens et nous réjouissent. Je voudrais cependant attirer votre attention, madame la ministre, sur la nécessaire vigilance dont vous devrez toujours faire preuve dans l'exécution des budgets initiaux que vous nous présenterez. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Michel Boucheron. C'est le vrai sujet !
    M. Michel Voisin. Je crois, mes chers collègues, que Mme la ministre n'ignore nullement ce problème.
    M. Jean Michel. Il vaut mieux !
    M. Michel Voisin. Il revient également à notre commission d'y être attentive. C'est pourquoi je suggère à notre excellent président de désigner parmi les commissaires à la défense un député chargé de suivre l'application du budget voté. Pour mener à bien sa mission, il pourrait bénéficier des mêmes moyens et des mêmes droits que le rapporteur spécial de la commission des finances.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Bonne idée !
    M. Jean-Michel Boucheron. Et il pourrait être issu de l'opposition !
    M. Michel Voisin. Pourquoi pas ?
    Trop souvent, en effet, le budget de la défense a été utilisé comme une source de financement d'autres actions, au gré de la fantaisie du ministre du budget.
    Trop souvent des crédits ont été gelés, annulés ou reportés. Ce n'est pas une bonne et saine gestion. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que de telles pratiques cessent et surtout ne se pérennisent pas. La défense de notre pays ne peut constituer durablement une variable d'ajustement du budget de l'Etat.
    Avant de conclure, je voudrais toutefois émettre un regret, celui de ne pas voir figurer au nombre de vos priorités - et pourtant nous nous en sommes entretenus - les réserves, car elles font partie intégrante de notre système de défense.
    M. Hervé Morin. Surtout quand il n'y a plus de conscription !
    M. Michel Voisin. Il ne fait nul doute, madame la ministre, que, d'ici à la deuxième lecture du budget, vous trouverez les moyens de prévoir en faveur des réserves une dotation digne de ce que nos armées attendent d'elles...
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Michel Voisin. ... puisque la prévision est égale à celle du projet de loi de finances pour 2002. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je suis d'ailleurs surpris que les orateurs précédents n'aient pas évoqué ce point.
    M. Michel Dasseux. Ça va venir !
    M. Michel Voisin. En conclusion, le groupe UMP considère que la conformité du projet de loi de finances pour 2003 à la première annuité de la future loi de programmation militaire est de bon augure. Elle renforce la crédibilité du budget et constitue un signal fort adressé à l'ensemble de l'institution militaire. C'est le gage pour l'ensemble des Françaises et des Français de la priorité donnée par le Gouvernement à notre sécurité intérieure et extérieure.
    L'effort considérable consacré à notre défense pour 2003 marque la détermination non seulement du Gouvernement mais aussi de la majorité présidentielle d'assurer la défense des Français et des intérêts de la France tant sur le territoire national qu'à l'étranger, ce que nos militaires ont encore tout récemment démontré en Côte d'Ivoire. Ce sont aussi les valeurs et les idéaux de notre République et de la France qui sont ainsi affichés.
    Ce budget permettra également de marquer la considération de la nation et de ses représentants envers toutes les composantes de l'institution militaire, qui a su accomplir ces dernières années une transformation considérable, pour ne pas dire une véritable révolution culturelle.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Michel Voisin. Madame la ministre, vous n'en serez pas surprise, c'est sans réserve que le groupe UMP votera le budget de la défense pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François Lamy, pour cinq minutes.
    J'invite tous les orateurs à respecter leur temps de parole.
    M. François Lamy. Je vais m'efforcer de le faire, monsieur le président.
    Madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la défense pour 2003 nous est présenté dans un contexte international très troublé et très mouvant. A l'heure où nous débattons, la guerre contre Al Quaida se poursuit en Afghanistan, aux Philippines ou en Indonésie, les Etats-Unis poursuivent leurs « manoeuvres » destinées à déclencher un conflit préventif avec l'Irak, le conflit israélo-palestinien est à son paroxysme, et l'Afrique continue à s'enfoncer dans des conflits compliqués et difficiles à résoudre. Sans parler de la situation dans les Balkans, où rien n'est réglé, comme l'ont montré les récentes élections en Bosnie ou en Serbie.
    Le débat qui s'engage aujourd'hui n'est donc pas seulement technique. Les crédits qui nous sont soumis doivent servir à donner les moyens nécessaires à nos armées pour permettre à la France non seulement de défendre son territoire et ses intérêts, mais également d'oeuvrer efficacement à la stabilité de la planète et à la construction de la paix.
    Je ne reviendrai pas sur nos craintes relatives à la sincérité de ce budget, mon collègue Jean-Michel Boucheron les ayant déjà excellemment exprimées. Rapporteur lors de la précédente mandature sur les lois de règlement, j'ai pu mesurer qu'entre les annonces en lois de finances et la réalité de l'exécution il y a eu souvent des différences de taille. Nous verrons dans les mois à venir si, dans un contexte économique très contraint, les actes suivent les intentions.
    Nous avons déjà une petite idée sur ce qui risque d'advenir pour le financement des opérations extérieures. Lors de votre audition devant la commission de la défense, vous aviez en effet annoncé avec la plus grande fermeté votre volonté de voir les crédits OPEX inscrits en grande partie en loi de finances initiale. Aujourd'hui, nous connaissons la réalité des choses : l'an prochain, le titre V sera certainement amputé au minimum des 500 millions d'euros nécessaires en moyenne chaque année pour financer les OPEX. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le débat et le vote sur le budget de la défense ne peuvent et ne doivent pas être sortis du contexte de l'ensemble des mesures proposées par le Gouvernement et de la perception que les Françaises et les Français vont en avoir. Il ne sert à rien de gloser sur le fameux lien armée-nation, véritable tarte à la crème de ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. C'est l'entarteur entarté !
    M. François Lamy. Attendez donc la suite, messieurs !
    Il ne sert à rien, dis-je, de gloser sur ce fameux lien si nous ne nous préoccupons pas de la façon dont nos concitoyens perçoivent l'augmentation des crédits de la défense et s'ils ne comprennent pas les objectifs visés par le Président de la République et le Gouvernement.
    M. Jacques Myard. Nos concitoyens sont aveugles et mal comprenants !
    M. François Lamy. Nos soldats, quels que soient leur grade ou leur fonction, le savent et le disent : la professionnalisation implique la clarté des choix et des missions ainsi que le soutien des Français.
    Or nous n'en prenons pas le chemin. Un mauvais débat s'engage dans le pays. Le fameux slogan opposant les crédits pour l'éducation et le deuxième porte-avions est réducteur, comme tous les slogans. Il est pourtant significatif d'un état d'esprit que le Gouvernement et sa majorité ne peuvent pas balayer d'un revers de main. Il s'appuie sur un constat bien réel : le Gouvernement a choisi d'augmenter les crédits de la défense et de limiter ou de diminuer dans le même temps ceux de la recherche, de l'éducation ou de l'emploi.
    Vous assumez, madame la ministre, l'ensemble de cette politique. C'est votre rôle et votre responsabilité. Les Français jugeront à l'issue de la mandature de la validité de ces choix
    M. Michel Voisin. Ils savent bien juger !
    M. François Lamy. Dans ce contexte, vous avez l'impérieuse nécessité de créer ou de recréer le consensus sur les questions de défense. Le monde change, il change vite, les menaces évoluent sans être clairement identifiées. Il faut donc que le pays tout entier comprenne vos choix et que le débat s'instaure, tout particulièrement dans cette enceinte.
    Pour l'instant, nous ne prenons pas le chemin de la clarification et je voudrais appuyer mon propos de trois exemples.
    Le premier porte sur la loi de programmation. Comme l'a rappelé Paul Quilès, nous votons aujourd'hui la première annuité d'une loi de programmation qui s'appuie sur le Livre blanc de 1994 et sur un modèle d'armée défini en 1996, deux références qui ne sont plus forcément adaptées à la situation du moment. Or cette loi de programmation n'a pas encore été discutée par l'assemblée. Faut-il en déduire que le débat est d'ores et déjà clos, ou qu'il sera limité à quelques aménagements ?
    Deuxième exemple : la situation en Côte d'Ivoire. Nous avions abouti, lors de la précédente mandature, à quelques avancées en matière d'information du Parlement. Surtout, nous avions fait des propositions pour que nos soldats effectuent leur mission sans courir le risque d'être accusés, plusieurs années après, d'avoir soutenu un régime peu recommandable.
    Or, à l'heure où nous parlons, 1 200 soldats français sont engagés dans une opération dont les contours juridiques sont, c'est le moins qu'on puisse dire, plutôt flous. Une opération de protection de ressortissants qui se transforme en opération d'interposition entre un pouvoir légitime et des soldats démobilisés venus de l'extérieur, sur fond de luttes tribales, et qui se fonde sur des accords de défense ou de coopération passés il y a plus de trente ans ne prévoyant pas ce type de situation. Cela nous rappelle fortement l'intervention NOROIT au Rwanda, en 1990. Nul ne connaît l'avenir en Côte d'Ivoire et personne ne conteste la nécessité pour la France d'intervenir. Mais il faut que cela se fasse dans un cadre clair, avec une information et un avis du Parlement, afin que l'adhésion des Français soit pleine et entière.
    Le troisième exemple est plus important encore. Vous nous proposez des crédits conséquents pour le maintien et l'amélioration de notre force de dissuasion. Or, le 8 juin 2001, dans un discours remarqué par les seuls spécialistes, le Président de la République a entamé une révision de notre doctrine en matière d'emploi du nucléaire. Nous glissons petit à petit d'une doctrine de non-emploi de l'arme nucléaire vers une doctrine d'emploi, sans que cela ait fait l'objet du moindre débat...
    M. Jacques Myard. Ça s'appelle la dissuasion !
    M. François Lamy. ... ni au cours des rendez-vous démocratiques que sont les élections présidentielles ou législatives, ni au sein de cet hémicycle où nous devrions débattre selon la Constitution de l'organisation générale de la défense nationale, voire autoriser la déclaration de guerre. Comme le soulignait le général Kelche, le 8 octobre dernier, « il est certain qu'il faudra réfléchir à une évolution de la notion de dissuasion française et mieux argumenter vis-à-vis de l'opinion publique ». Quand le ferons-nous?
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Ce n'est pas faux !
    M. François Lamy. Vous me direz que nous sommes loin des crédits de la défense. Nous sommes au contraire au coeur de sujet. Les crédits dont nous débattons aujourd'hui doivent être mis au service de la politique de défense de la France dans le cadre de la défense européenne. Si vous souhaitez qu'ils ne soient pas remis en cause au fil des mois, pour des raisons strictement budgétaires ou sous le poids des revendications légitimes de telle ou telle catégorie de Français, il faut que leur utilité soit portée par le pays entier et pas par quelques spécialistes ou par un seul homme, fût-il le chef des armées.
    La cohabitation fut un mauvais moment pour engager la réflexion. Aujourd'hui, le Gouvernement possède tous les atouts pour conduire ce grand débat sur nos outils de défense et sur leur finalité. Il est de sa responsabilité de se donner les moyens de recueillir l'assentiment du plus grand nombre, parce que ce sont les intérêts vitaux de la France qui sont en jeu. Je ne suis pas certain, hélas, qu'il l'ait compris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. On reproche au groupe UDF d'être parfois critique au sein de la majorité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Eh bien, madame la ministre, je voudrais ce matin vous féliciter pour la qualité du travail que vous effectuez au sein de votre ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En général, les ministres de la défense parlent beaucoup de la grandeur de la France, c'est un exercice obligé, et des grands équipements - que l'on attend en fin de compte aussi longtemps que Godot - mais ils passent sous silence la vie quotidienne des armées. Votre approche nouvelle, qui consiste d'abord à s'intéresser à la vie quotidienne des hommes, au maintien en condition opérationnelle, à l'entretien programmé du matériel, va sûrement redonner confiance aux militaires, qui traversaient une crise morale profonde. C'était la meilleure approche possible, d'autant que vous n'oubliez pas, bien entendu, l'avenir et l'équipement de nos armées. Rien n'est pire, en effet, que du matériel qui ne marche pas. Cela revient à donner l'impression aux militaires qu'on ne les respecte pas.
    M. François Rochebloine. C'est tout a fait vrai !
    M. Hervé Morin. C'est laisser entendre que la nation ne prend pas en compte l'intérêt de leur mission.
    M. Michel Voisin. C'est pourtant ce qui a été fait pendant plusieurs années !
    M. Hervé Morin. Heureusement, ce budget est en mesure de leur rendre espoir. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je n'évoquerai qu'un seul sujet : l'Europe de la défense. A l'occasion de la discussion de la loi de programmation, je reviendrai sur les économies que l'on peut envisager de faire. C'est bien d'augmenter le budget, mais peut-être pourrait-on faire en sorte, à somme égale, que les années profitent de chaque euro dépensé.
    M. Jean Michel. On a agi en ce sens !
    M. Jacques Myard. On a déjà fait trop d'économies !
    M. Hervé Morin. Ne nous cachons pas derrière les mots. L'Europe de la défense est en panne. C'est un concept, une idée, des structures, mais sans contenu concret réel. Depuis Maastricht et la reconnaissance du pilier de la politique extérieure et de sécurité commune, depuis la déclaration de Petersberg de 1992 selon laquelle l'Europe doit pouvoir réaliser sous son autorité des missions d'aide humanitaire, d'évacuation, de maintien ou de rétablissement de la paix, depuis le sommet de Saint-Malo, en 1998, où les Britanniques se sont tournés vers nous pour avancer résolument vers l'Europe de la défense. (Exclamations et rires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), depuis l'installation d'un « Monsieur PESC », l'Europe de la défense est en fait toujours aux abonnés absents.
    M. Jacques Myard. M. Morin m'a piqué ma formule !
    M. Hervé Morin. Elle a été incapable de régler par elle-même les conflits qu'elle portait sur son sol : au Kosovo, en Serbie, où les trois quarts des forces étaient américaines. Ne cherchons même pas à imaginer ce qu'aurait pu être la réponse militaire de l'Europe si les événements du 11 septembre avaient eu lieu non pas au Etats-Unis, mais sur le continent européen.
    C'est trop facile de reprocher à nos amis américains d'être les maîtres du monde. C'est à nous qu'il faut faire ce reproche, incapables que nous sommes de définir une politique étrangère commune de sécurité et de mettre en commun des moyens militaires significatifs.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    M. Hervé Morin. Les chiffres sont accablants : 3,2 % du PIB sont consacrés à la défense aux Etats-Unis, contre 1,2 % au sein de l'Union européenne. Pire encore est la comparaison de la proportion entre crédits d'équipement et hommes sous les drapeaux : il y a 1 700 000 hommes dans les armées de l'Union européenne pour un budget de 150 milliards de dollars, alors qu'on compte aux Etats-Unis 1 300 000 hommes pour un budget de 380 milliards de dollars. Ce rapport de un à trois est absolument consternant. Il donne raison à nos amis américains lorqu'ils nous reprochent de préférer notre confort personnel à l'attribution de crédits militaires de nature à nous permettre d'assurer par nous-mêmes notre défense et notre sécurité.
    M. René Galy-Dejean. Tout à fait !
    M. Jacques Myard. Très juste !
    M. Hervé Morin. Seuls les Britanniques ont un ratio comparable à celui des Américains. Grâce à la loi de programmation, si elle est exécutée, et ce sera pour vous, madame la ministre, l'essentiel de la difficulté, la France va améliorer sa situation. Pour le reste des Etats européens, nos amis allemands compris, le constat est pour le moins affligeant.
    A ces carences budgétaires s'ajoute une absence de volonté politique, les unes n'étant d'ailleurs que l'expression ou le reflet de l'autre.
    Nous avons désormais, au sein de l'Union européenne, des structures militaires assez comparables à celles de l'OTAN : un conseil stratégique, le COPS, un comité militaire et un état-major, qui ne fait pas vraiment de la planification mais qui pourrait presque en faire. Nous avons enfin des forces communes, certes à géométrie variable - c'est probablement une source de difficulté -, mais capables de mener une opération, comme l'Eurocorps ou l'Euromarfor, par exemple, et il en existe bien d'autres.
    Si l'on faisait des comparaisons françaises, nous avons un COIA européen mais il nous manque probablement un « Creil » européen.
    Il faut désormais que la France s'engage avec volonté et pugnacité pour que l'Union européenne soit dotée d'une structure complète.
    M. Jacques Myard. Aux illusions les mains pleines !
    M. Hervé Morin. Elle doit faire cette proposition aux Etats membres de l'Union car, aujourd'hui, une action militaire commune de l'Union européenne ne peut être menée, et c'est tout de même assez contradictoire, qu'avec les moyens de l'OTAN - le SHAPE - ou à partir d'un état-major national, ce qui complique forcément les choses.
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    M. Hervé Morin. Une telle proposition permettrait en outre de mettre les Etats membres de l'Union face à leurs responsabilités.
    M. Jacques Myard. Absolument !
    M. Hervé Morin. Elle serait enfin le moyen d'indiquer à la Convention sur la Constitution européenne que des coopérations renforcées ou un noyau dur d'Etats membres ont la volonté de construire ensemble une véritable politique européenne de sécurité commune.
    Le Président de la République a démontré par ce budget et par la future loi de programmation militaire que la France ne voulait pas insidieusement et progressivement abandonner aux Etats-Unis la responsabilité pleine et entière de la protection de l'Occident.
    M. Michel Voisin. Heureusement !
    M. Hervé Morin. Cela impose aussi à la France de sortir de ce paradoxe qu'elle entretient elle-même et qui consiste à vouloir la construction européenne pour porter plus haut et plus fort la voix de l'Europe, sa propre voix, tout en refusant de perdre une partie de son autonomie, qui est pourtant très relative compte tenu de la faiblesse de nos moyens d'action.
    Il faut sortir de cette espèce de schizophrénie qui nous conduit à vouloir construire l'Europe pour porter notre message et nos valeurs et, en même temps, à refuser de perdre une partie de notre autonomie.
    La construction européenne ne s'est faite qu'à partir d'initiatives françaises ou franco-allemandes. Ce n'est pas être cocardier de le dire, c'est l'histoire.
    M. François Rochebloine. Eh oui !
    M. Hervé Morin. Le rétablissement de notre budget militaire nous autorise désormais à prendre de nouvelles initiatives pour que l'Europe de la défense ne soit plus une Belle au bois dormant.
    Je conclurai en y faisant une autre suggestion, qui pourrait être une grande et belle initiative française au sommet du Conseil européen de Bruxelles qui s'ouvre aujourd'hui. Les Américains ont demandé que l'OTAN quitte la Macédoine le 15 décembre prochain. Eh bien, que la France propose de remplacer les forces américaines par des forces européennes placées sous l'égide de l'Union européenne, et qui s'appuyeraient sur les structures existantes.
    M. François Rochebloine et M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Hervé Morin. Depuis 1991 et les opérations de déminage dans le détroit d'Ormuz qui avaient été menées sous l'égide de l'UEO, ce serait la première action sous drapeau européen. Ce serait le signal, en ce début de siècle, que les Européens prennent enfin leur destin sur leur sol entre leurs propres mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.
    M. Gérard Charasse. Madame la ministre, mes chers collègues, je veux d'abord dire combien j'ai été heureux que M. François d'Aubert, avec qui je ne partage souvent que la fonction de parlementaire, ait osé consacrer l'avant-propos de son rapport à l'Europe de la défense, à laquelle également mon prédécesseur à cette tribune vient de consacrer une partie importante de son intervention.
    M. Jacques Myard. On parle toujours de ce qu'on n'a pas !
    M. Gérard Charasse. Cela me donne l'occasion de redire ici ma conviction profonde, que je martèle depuis le tout début de ma vie politique, et ici depuis cinq ans, qu'il n'y aura ni sécurité ni défense plausibles sur le vieux continent, au XXIe siècle, sans des appareils de défense intégrés et une véritable politique étrangère et de sécurité commune, sans une politique autonome.
    Madame la ministre, vous présentez un budget en croissance, après une législature qui, sous l'impulsion d'Alain Richard (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) a réussi, n'en déplaise à certains, à faire prendre à notre appareil de défense, et sans dérapage, le grand virage de la professionnalisation.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Sans dérapage ?
    M. Jacques Myard. C'est une véritable catastrophe !
    M. Gérard Charasse. Il faut le dire et le redire. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les masses budgétaires parlent : votre budget est en augmentation. C'est un acte de courage car, en ces temps plus troublés qu'il n'y paraît, la République doit continuer à considérer la sécurité de son territoire et de ses habitants, soigner la capacité de sa défense à se muer en outil de stabilisation du monde, et participer, à la place qui est la sienne, à la mise en oeuvre des opérations internationales de maintien de l'ordre, en considérant ces objectifs comme les conditions de son existence même.
    Si le monde est troublé, il est paradoxalement dans les démocraties occidentales des citoyens pour l'oublier car le feu n'est pas dans nos rues. Ils oublient oublier que la défense est importante, primordiale même, et qu'elle est la condition impérative de l'exercice de libertés que personne ou presque ne serait prêt à brader.
    Cette augmentation est aussi le fruit de décisions prises dès le collectif budgétaire, et auxquelles j'ai eu l'honneur de participer dans le cadre du rapport que la commission de la défense et des forces armées m'a confié. Je rappelle les mesures décidées pour la gendarmerie, en particulier l'apurement des dettes dues aux collectivités locales pour les loyers des casernements.
    M. Michel Voisin. Il était temps !
    M. Gérard Charasse. Mais on y est arrivé !
    Madame la ministre, derrière cette volonté budgétaire, se trouvent des hommes et des femmes, non seulement ceux qui manipulent l'outil et participent à l'effort de défense, mais aussi celles et ceux qui fabriquent les matériels.
    A cet égard, vous n'ignorez pas les difficultés dans lesquelles se débat le Groupement des armements des industries terrestres, le GIAT. Ainsi, dans le département de l'Allier, le plan de charge pour 2003 de Manurhin, filiale du GIAT, prévoit moins de 30 000 heures de travail pour 450 salariés, soit moins de deux mois de travail. Le chômage technique sévit déjà sur un site qui, tout le monde s'accorde à le dire, est une mine de savoir-faire, entraînant dans son sillage un cortège d'inquiétudes - d'ordre financier ou social - et de démissions. Je vous ai remis, à ce sujet, six propositions. Je souhaiterais, que, à l'occasion de notre discussion, vous nous disiez, où va ce groupe et quelle est votre position sur nos suggestions concernant le lissage des commandes, le plan pluriannuel, les commandes verticales et mixtes, l'adjonction de services. Allez-vous préférer l'Etat actionnaire à l'Etat-providence ?
    L'augmentation des crédits d'équipement de votre département ministériel, et le prélèvement important sur les impôts que payent les Français, profiteront-ils aussi à notre industrie de défense, qui doit, en matière d'approvisionnement, garder une part d'indépendance ?
    Tel est mon souhait, et votre réponse conditionnera le vote des députés radicaux de gauche, que je représente.
    M. Jacques Myard. Intéressant !
    M. le président. La parole est M. Gilbert Le Bris.
    M. Gilbert Le Bris. Madame la ministre, dans les transmissions, on dit d'un message clair et fort qu'il a été reçu, « cinq sur cinq ». Le message que vous transmettez aux armées dans la loi de finances pour 2003 est, bien sûr, audible - comment ne le serait-il pas, alors que le budget augmente de 7,5 % - mais il est en même temps brouillé par un bruit de fond particulièrement envahissant, un écho très gênant et des parasites qui en perturbent la réception. Disons que l'on vous reçoit trois sur cinq !
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Quelle belle formule !
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Ce n'est déjà pas si mal !
    M. Gilbert Le Bris. Le bruit de fond, c'est le contexte du budget général, construit, chacun le reconnaît, sur des prévisions de croissance irréalistes du PIB, 2,5 %, et sur des choix incompatibles avec la relance, en matière d'emploi d'éducation ou d'équipement notamment. Alors, qui sera victime des inéluctables gels de crédits budgétaires ? Le budget de la défense ne servira-t-il pas encore de variable d'ajustement ?
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Le mot « encore » est de rigueur !
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. En 1996, c'était formidable, sans doute ?
    M. Jean Michel. En 1994, 1995 et 1996 !
    M. Gilbert Le Bris. L'affichage sera-t-il suivi d'effets ? Beaucoup d'incertitudes, de craintes produisent ce bruit de fond.
    L'écho gênant provient de la loi de programmation. La loi de finances pour 2003, je superpose à la future loi de programmation 2003-2008, qui n'a pas été discutée dans cette enceinte.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Pourquoi n'avoir rien fait avant ?
    M. Gilbert Le Bris. Certes, il y a conformité dans leurs intentions, mais n'aurait-il pas été préférable de discuter, d'expliquer et de voter le cadre général fixé par la loi de programmation avant d'en venir au cas particulier de 2003 ?
    M. Richard Maillé. Ne vous reprochez pas de faire comme vos collègues !
    M. Gilbert Le Bris. Les parasites sont provoqués par les incertitudes qui pèsent tant sur la dimension européenne de vos choix que la pertinence de certains d'entre eux, eu égard aux nouvelles menaces issues du 11 septembre 2001, sans parler des répercussions sur le personnel de la récente professionnalisation : statut, fidélisation, amélioration de la condition militaire, évolution des personnels civils.
    Pour rester compréhensible dans le laps de temps qui m'est imparti, je n'interviendrai que sur les problèmes liés au budget de la marine nationale.
    M. Charles Cova, rapporteur pour avis. Merci !
    M. Gilbert Le Bris. Nul ne niera, monsieur Cova, que le projet de loi de finances offre à la marine des perspectives correctes.
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Ah !
    M. Gilbert Bris. Mais elles ne pourront être appréciées qu'à la lumière des conséquences sur les crédits des titres III et V de la transformation de la DCN. Cette décision pourrait, si l'on n'y prend pas garde, entraîner indûment une diminution mécanique du pouvoir d'achat de la marine. Les surcoûts liés à l'évolution statutaire de la DCN - augmentation de la TVA, déménagements liés aux schémas directeurs des ports, remises à niveau de l'infrastructure des ports - donnent lieu à une dotation complémentaire en autorisations de programme de 290 millions d'euros, mais comme l'octroi des crédits de paiement correspondants est reporté à la loi de finances rectificative pour 2003, la gestion de l'année 2003 risque d'être difficile au début pour la DCN.
    Le financement du plan d'amélioration de la condition militaire annoncé en février 2002 est assuré : mesures relatives au temps d'activité et aux obligations professionnelles des militaires - TAOPM -, indemnité d'absence du port de base. Par définition, la condition des militaires a été prise en compte - encore que la fidélisation des personnels ne soit pas acquise, notamment dans certaines spécialités où la concurrence du privé est redoutable - mais les personnels civils n'ont pas bénéficié des mêmes attentions : 3 millions d'euros de moins pour les mesures sociales et catégorielles, un repyramidage des grilles d'avancement en baisse de 50 % pour les ouvriers des états-majors et services communs. Pourtant, le rapporteur du budget pour la marine le dit lui-même : la marine nationale doit également faire face à un sous-effectif en personnels civils.
    Les crédits d'investissement et de subventions d'investissement des titres V et VI s'élèvent à 4 060 millions d'euros en autorisations de programme et à 3 421 millions d'euros en crédits de paiement. Le projet de budget ne permettra pas de couvrir l'intégralité des besoins de la marine connus aujourd'hui. Hormis cas particulier de la commande de Rafale, le niveau des autorisations de programme est suffisant mais on peut évaluer le déficit des ressources en crédits de paiement à 163 millions d'euros ; il faudra donc suivre de près la loi de finances rectificative. Pour les installations de l'aéronavale, il est prévu des crédits de paiement pour les travaux, sûrement nécessaires, qui approcheront les 9 millions d'euros.
    A cet égard, il m'apparaît indispensable de vous signaler, madame la ministre, les nuisances, tant sonores que vibratoires, subies par les riverains de la base aéronavale de Landivisiau dans le Finistère. Savez-vous que des gens, installés avant la création de la base, vivent à moins de 300 mètres de la piste principale ? Ils supportent des nuisances d'indice maximal lors des atterrissages, les fameux ASSP - atterrissages simulés sur pont - et des décollages. Fissures des bâtiments, atteintes à la santé, vie normale impossible, les préjudices s'accumulent et se sont encore aggravés depuis le 1er août avec le démarrage des exercices des avions Rafale. Une solution réelle et rapide, y compris l'acquisition par la marine de la ou des maisons les plus exposées, doit être envisagée et je suis certain que vous ne resterez pas insensible aux dommages quotidiens subis par ces familles. La disponibilité accrue des matériels n'est pas une bonne nouvelle pour eux, même si l'entraînement est une bonne chose. Ma conviction est qu'une solution peut et doit être trouvée.
    Je tiens enfin à exprimer ma conviction que, dans un nouvel environnement mondial caractérisé par des menaces imprévisibles et variées, tout concourt à renforcer le rôle de l'outil naval. Certes, la défense est un tout et on ne doit pas obligatoirement admirer les Etats-Unis qui, en dépensant désormais près d'un milliard de dollars par jour pour leur défense, consacrent un dollar pour l'aide aux pays sous-développés contre trente-huit pour leur armée. Pour arriver à la moyenne européenne qui est de un pour sept, ils devraient ajouter 48 milliards de dollars qui seraient les bienvenus pour l'aide au tiers monde. Bien dépenser pour préparer la paix, voilà aussi une obligation pour nos pays développés.
    Dans le monde contemporain, la marine a le vent en poupe, elle est indispensable et j'approuve la construction du deuxième porte-avions, qui est largement justifiée.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Gilbert Le Bris. Puisque d'importants moyens spécialisés sont affectés à la mission de service public, il faudrait que leurs dotations budgétaires soient clairement identifiées.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. le président. Monsieur Le Bris, il faut conclure.
    M. Gilbert Le Bris. Je termine monsieur le président.
    Le major général indiquait il y a quelques mois que, pour se doter d'une puissance maritime, il fallait une vision à long terme, une volonté politique mais aussi et surtout une culture maritime. Or, si la marine est à l'évidence une composante stratégique en ce début de XXIe siècle, la culture maritime n'est pas naturelle en France. Tous nos efforts conjugués devront tendre vers cet objectif : acquérir le réflexe maritime. Dans cette perspective, on peut vous entendre sur la loi de finances, on doit vous attendre sur la loi de programmation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    (M. Jean Le Garrec remplace M. Eric Raoult au fauteuil de la présidence).

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ratifiant le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, Jacques Chirac a ouvert une ère nouvelle, celle de la simulation, qui est un moyen de garantir le fonctionnement et la sûreté des charges nucléaires. Le programme de simulation a été confié à la direction des applications militaires du CEA, il consiste à reproduire en laboratoire les conditions d'une explosion thermonucléaire.
    Trois outils ont été nécessaires pour assurer la réussite de ce projet. Il a fallu d'abord mettre au point un supercalculateur baptisé TERA, implanté à Bruyères-le-Châtel, qui est capable d'effectuer 5 000 milliards d'opérations par seconde. Ensuite, un instrument de radiographie très pointu Airix, situé dans le camp militaire de Moronvilliers doit valider les modèles conçus par le calcul. Il reste la pièce maîtresse du système, le laser mégajoule qui doit être installé en Gironde, sur le site du CEA-CESTA au Barp, dans la huitième circonscription, que j'ai l'honneur de représenter.
    Le laser mégajoule reproduit la dernière étape du cycle - la fusion entre deux variétés lourdes d'hydrogène, le deutérium et le tritium - qui requiert une énergie gigantesque. La source utilisée est un laser doté de 240 faisceaux. En focalisant sur une cible de 2,5 millimètres de diamètre une énergie optique de 1,8 mégajoule, il permet d'obtenir les conditions de température et de pression indispensables.
    Ces précisions techniques ne sont pas inutiles pour mesurer le défi immense que constitue le programme de simulation, qui recevra, pour l'exercice budgétaire 2003, 396 millions d'euros en crédits de paiement et 388 millions d'euros en autorisations de programme. Les sommes allouées au laser mégajoule représentent près de la moitié de l'enveloppe simulation, soit 160 millions d'euros pour 2003.
    La construction du gigantesque bâtiment devant abriter le laser mégajoule démarrera en mars 2003. Il mesurera 300 mètres de long sur 150 mètres de large. Le début des travaux explique l'augmentation de 14 % des crédits de paiement par rapport à 2002. L'ouvrage devrait être achevé en 2008 et il atteindra sa pleine efficacité en 2010. On estime le coût total des installations à 2,137 milliards d'euros.
    Si le programme de simulation est capital pour la fiabilité de nos armes et la crédibilité de notre dissuasion, il constitue également un formidable défi technologique et un levier économique considérable. J'ai d'ailleurs pu constater personnellement les prémices de sa réalisation. En effet, afin de valider les options techniques du laser mégajoule et de préparer les expériences, un prototype a d'ores et déjà été mis au point : la ligne d'intégration laser, avec huit faisceaux seulement, est un modèle miniature du laser mégajoule.
    Dès à présent, les solutions techniques proposées par nos chercheurs offrent des résultats bien supérieurs aux attentes. Les premiers essais, réalisés en juillet dernier sur un faisceau, et sur quatre faisceaux en septembre, sont concluants et dépassent l'attente des scientifiques.
    Le projet est sans équivalent au niveau mondial, mis à part un projet américain, la National ignition facility, qui doit être construit en Californie.
    Mais, au-delà de ses applications militaires, le laser mégajoule est aussi une exceptionnelle occasion de développement scientifique, technologique et industriel.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis et M. Michel Voisin. C'est vrai !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. La recherche sur les lasers offre une multitude de champs d'investigation pour la recherche civile : l'optique, les plasmas, l'astrophysique. Lorsqu'il sera opérationnel, le laser mégajoule fournira des données énergétiques cruciales pour se procurer, un jour peut-être, le sésame énergétique, permettant d'accéder à la fusion contrôlée de l'atome.
    C'est dans le but de favoriser le rapprochement avec la recherche civile que se sont associés le CEA, le CNRS et l'Université de Bordeaux I, en créant l'institut laser et plasma.
    D'ailleurs, on parle déjà de route des lasers pour désigner l'axe Bordeaux-bassin d'Arcachon, où s'implanteront les centres de recherche et les industries de maintenance et d'équipement liées au laser.
    Il s'agit donc bien là d'un projet majeur, qui place la recherche de notre pays au plus haut niveau mondial. C'est un projet nécessaire pour notre défense, et dont les bénéfices pour notre économie sont évidents, sans aucune conséquence environnementale.
    On peut en effet assurer que le laser mégajoule ne risque pas de déclencher accidentellement une explosion thermonucléaire : l'énergie maximale qu'il pourra délivrer pendant une infime fraction de seconde a pu être comparée à celle contenue dans soixante morceaux de sucre, ou encore à celle qui est nécessaire pour faire bouillir cinq litres d'eau.
    M. Jacques Myard. Un café, s'il vous plaît ! (Sourires.)
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Madame la ministre, je voudrais en conclusion vous féliciter pour ce budget qui fait bien de la défense une priorité du Gouvernement.
    L'exemple du laser mégajoule me permet d'insister sur l'importance qu'il convient d'accorder en général aux crédits de recherche développement. Pourtant déterminants pour la capacité de la France à innover demain, ils ont été littéralement sacrifiés durant la période 1994-2000, où ils ont diminué de 56 % en volume, alors qu'ils se maintenaient, voire augmentaient dans les autres pays.
    Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, le budget que vous nous présentez, est bien un budget de rupture, intégrant parfaitement le fait que la supériorité militaire est liée à la supériorité technologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.
    M. Michel Dasseux, Monsieur le président, madame la ministre, vous comprendrez que, en tant que rapporteur, en 1999, de la loi sur les réserves et représentant de l'Assemblée nationale au Conseil supérieur de la réserve militaire, je m'intéresse à ces problèmes. Je tiens à cet égard à rassurer notre collègue Voisin : nous n'oublions pas les réserves,...
    M. Michel Voisin et M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Michel Dasseux ... lien essentiel entre la nation et son armée.
    M. Michel Voisin. Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d'accord !
    M. Michel Dasseux. Le rugby aussi nous rapproche.
    M. le président. Mes chers collègues, ne parlez pas de rugby, sinon je vais m'en mêler et ce n'est pas mon rôle !
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. J'arbitrerai !
    M. le président. Comme le faisait votre père, madame la ministre.
    Veuillez poursuivre, monsieur Dasseux.
    M. Michel Dasseux. La loi de programmation militaire pour 2003-2008 fixe un objectif de 82 000 volontaires pour 2008, sachant que, fin 2002, l'effectif des réservistes volontaires devrait être de 30 000. Or, madame la ministre, le projet de budget pour 2003 que vous nous présentez ne reprend pas la première annuité de la loi de programmation 2003-2008 puisque la ligne « réserve » reste à son niveau de 2002, soit 67,07 millions d'euros, alors qu'il est prévu de l'abonder de 10,27 millions d'euros supplémentaires.
    Si cette décision devait être confirmée, elle aurait des conséquences regrettables, car, comme le soulignent toutes les parties intéressées, la montée en puissance observée ces dernières années - le nombre de réservistes volontaires étant passé de 17 000 fin 1998 à 30 000 fin 2002 -, serait brisée dans son élan et la mécanique certainement difficile à remettre en route.
    L'objectif de 82 000 volontaires pour 2008, qui était déjà ambitieux - soit 8 000 volontaires par an, alors que la progression n'est actuellement que de 4 500 -, serait de toute évidence impossible à atteindre si, faute de crédits, la première année de la nouvelle loi de programmation militaire se révélait être une année blanche.
    Il sera difficile d'emporter l'adhésion des associations de réservistes s'il apparaît que, contrairement aux années précédentes, aucun effort n'est consenti cette année en faveur des réserves. Pour la première fois, une loi de programmation ne serait donc pas appliquée dès la première année de son adoption.
    Remarquons enfin que l'augmentation prévue, 10,2 millions d'euros ne représenterait que 0,4 % du titre III. Cela ne compromettrait donc pas l'équilibre général de ce budget.
    M. Michel Voisin. Encore faudra-t-il trouver des volontaires !
    M. Michel Dasseux. Madame la ministre, je veux évoquer aussi l'externalisation appliquée aux armées, dont a déjà traité M. d'Aubert. Puisque j'ai travaillé sur ce sujet au cours de la précédente législature, permettez-moi de souhaiter que les décisions qui pourraient être prises en la matière ne le soient pas à la hussarde.
    Enfin, je tiens surtout à aborder succinctement le budget de la gendarmerie, même si je ne sais plus trop à qui adresser mon propos : à vous, madame la ministre, ou à M. le ministre de l'intérieur, qui a présenté hier son budget sur la sécurité intérieure ? En effet le rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité intérieure et la gendarmerie a déjà survolé hier le budget de la gendarmerie, ce qui peut laisser penser qu'il n'y a plus rien à dire sur ce sujet.
    J'ai également écouté avec étonnement le ministre de l'intérieur répondre à une question au Gouvernement sur les gendarmeries. A ce propos, il a déclaré que les gendarmes n'étaient pas là pour « saluer la boulangère le matin ». Nul doute que les gendarmes apprécieront !
    J'ai trop de respect pour les gendarmes, pour le travail qu'ils effectuent, pour les résultats qu'ils obtiennent pour laisser dire n'importe quoi à leur égard. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. C'était une image !
    M. Michel Voisin. N'importe quoi !
    M. Michel Dasseux. Je ne sais pas si je dis n'importe quoi, mais vous pourrez trouver ces propos dans le compte rendu !
    Plusieurs questions se posent sur la réorganisation en cours : y aura-t-il dévaluation des indices de solde par rapport à d'autres services publics, notamment à cause de l'attribution de la catégorie A aux officiers de la police nationale ? Qu'en est-il de la correspondance des grades en particulier entre les officiers de police et les gradés de la gendarmerie ?
    Cela pourrait avoir des incidences financières non négligeables en ce qui concerne, par exemple, la prime OPJ, les 2 % de sujétion police ou les jours de RTT financièrement compensées à la police.
    Certes, votre budget paraît répondre aux améliorations que le précédent ministre avait engagées. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Sans financement !
    M. Michel Dasseux. Toutefois, vous le savez, c'est à l'exécution d'un budget que l'on juge de sa sincérité. Notre vigilance sera donc aiguë sur les différents points que je viens d'évoquer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. Michel Voisin. Vous connaissez la chanson !
    M. Jacques Myard. Vous avez appris !
    M. Michel Dasseux. Le départ du ministre du budget tout à l'heure peut nous inquiéter aussi !
    Notre vigilance sera également grande pour la mise en oeuvre des mesures très médiatisées concernant la réhabilitation des logements, le paiement des loyers aux collectivités locales, le fonctionnement courant de l'article 10 : téléphone, carburant, frais de déplacement, casernement.
    Enfin, l'adoption du passage de l'escadron à trois pelotons en type quaternaire, qui est une bonne chose, a fait naître de nouveaux besoins en matériels roulants pour augmenter l'efficacité. Il est évident que l'argent qui y sera consacré ne sera pas utilisé ailleurs.
    J'ai écouté avec intérêt certaines déclarations de M. Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie qui vont dans le sens que nous souhaitons. C'est pourquoi j'espère l'instauration d'un débat au sein de la commission, en liaison avec votre ministère pour le devenir de cette arme.
    Madame la ministre, vous vous êtes battue pour votre budget mais, au-delà des questions purement financières, il y en a une qui me paraît primordiale.
    La gendarmerie est une arme d'élite.
    M. Jacques Myard et M. René Goly-Dejean. Pléonasme !
    M. Michel Dasseux. L'histoire des grandes nations démocratiques contemporaines nous a montré la nécessité de deux forces de police distinctes. Je souhaite donc vivement que vous défendiez avec acharnement le maintien du statut militaire de la gendarmerie. Pour cela, soyez sûre que vous nous trouverez à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le président. Vous avez respecté votre temps, malgré la parenthèse sur le rugby !
    La parole est à M. Alain Marty.
    M. Alain Marty. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, élu de la Moselle, j'appartiens à une région qui a connu, qui a vécu les drames de notre histoire liés aux affrontements en Europe. Cela explique l'attachement des populations à la présence militaire sur ce territoire.
    J'ai la chance d'avoir quatre régiments dans ma circonscription. Notre attachement à ces régiments est fort, comme en atteste la présence de 3 500 personnes à Dieuze, il y a trois semaines, pour la commémoration de la re-création du 13e régiment de dragons parachutistes. Nous vivons au quotidien les liens entre l'armée et la nation.
    Dans ce contexte, j'ai pu rendre visite aux militaires du 1er régiment d'infanterie, en garnison dans ma ville, qui participe jusqu'à la fin de ce mois au dispositif Epervier au Tchad. Je veux apporter mon témoignage à la représentation nationale car j'ai été fortement impressionné par le dévouement, la disponibilité et le professionnalisme des éléments français en place dans ce pays.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jacques Myard. Vous avez raison !
    M. Alain Marty. Dans certains cas, la productivité et la performance me paraissent meilleures que dans le privé ; je pense notamment à la maintenance des matériels et au largage.
    Je tenais à le souligner en préambule, mais l'objectif de mon intervention est d'insister sur un aspect qui me paraît négligé : l'aéromobilité qui me semble toujours être un concept moderne et intéressant.
    L'aéromobilité présente en effet l'avantage d'allier le mouvement, la rapidité et la surprise en agissant dans les fenêtres d'observation des satellites de renseignement et par les vols tactiques. Elle peut remplir plusieurs fonctions : évacuation de personnes, interventions humanitaires, transport de troupes, et je n'évoque pas la composante attaque de l'aéromobilité, me limitant à sa fonction transport.
    Ses moyens sont-ils suffisants ?
    Il existe à l'évidence un trou capacitaire important. Il semble que l'on puisse évaluer la réduction des capacités de transport tactique à environ 30 %. Cela transparaît dans la loi de programmation puisqu'il est écrit au chapitre sur la projection et la mobilité : « Axes d'efforts : limiter la réduction inéluctable jusqu'en 2010 de notre capacité aéromobile ».
    Vous savez que le NH 90, hélicoptère de transport, est annoncé pour 2011. Jusque là, les Puma serviront dans l'ALAT, mais, aujourd'hui, ces appareils ne peuvent pas transporter plus de huit personnes pour des raisons de sécurité.
    Il existe aussi des aspects très positifs. Je peux ainsi souligner l'augmentation des moyens pour porter de 160 à 180 les heures de vol par an pour les pilotes, ce qui permettra d'améliorer leur formation et leur capacité opérationnelle.
    Devant le trou capacitaire, il faut à mon sens prendre une décision politique. Le général Kelche, chef d'état-major des armées, a indiqué lors de son audition devant la commission de la défense que la maquette de l'armée de terre était insuffisamment dimensionnée en ce qui concerne l'aéromobilité, et qu'il n'était pas possible de revenir sur ce déficit.
    Le débat n'est pas nouveau. Il remonte à la réduction des forces puisque, dans l'armée de terre, elle a été opérée en diminuant toutes les composantes, sans privilégier la fonction.
    Nombreux sont ceux qui pensent, et j'aurais tendance à partager cet avis, qu'il manque un quatrième régiment à l'aviation légère de l'armée de terre. Je vous fais confiance pour analyser cette demande, rétablir si nécessaire, les capacités de projection de nos forces et accorder une meilleure place à l'aéromobilité.
    Je conclus en soulignant le côté très positif de ce budget pour 2003. Je crois qu'il permet à notre pays d'assurer sa sécurité dans un monde difficile. Il fait respecter les intérêts de la France dans le monde. Il s'agit d'une rupture, bien sûr, car nous en finissons avec l'angélisme et nous arrêtons de parler des dividendes de la paix. Je crois qu'il faut mettre fin à la variable d'ajustement qu'était le budget de la défense et répondre aux dépenses non budgétées.
    Ce budget, je l'ai constaté, redonne espoir aux femmes et aux hommes qui ont décidé de s'engager au service de la France. Madame la ministre, comme l'ensemble du groupe de l'UMP, je soutiens totalement votre démarche, claire et volontaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard dernier orateur inscrit dans la discussion.
    M. Jacques Myard. Madame la ministre, n'en déplaise aux naïfs imbéciles, et ils se reconnaîtront, l'histoire ne s'est arrêtée ni après la bataille d'Iéna ni après la chute du mur de Berlin. Il n'y aura pas de post-histoire. Nous sommes et serons toujours dans l'histoire, avec ses furies et ses foucades, et elle aura, comme dit Marx, « toujours plus d'imagination que les hommes ». Voilà pourquoi soldats et diplomates marcheront toujours ensemble pour maintenir et sauvegarder en toutes circonstances l'indépendance de la France, c'est-à-dire notre liberté.
    M. Charles Cova, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jacques Myard. Madame la ministre, vous reprenez un ministère sinistré (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), tant il est vrai que notre pays a négligé dangereusement sa défense, mettant ainsi en péril son avenir mais aussi son poids - je dis bien son poids - pour influer sur la marche du monde. Avec le changement de gouvernement, la France se dote des moyens nationaux de défense nécessaires pour assurer sa sécurité et maintenir son rang.

    Il était en effet urgent d'apporter un démenti cinglant au jugement du professeur Sullivan, très partagé aux Etats-Unis, qui, dans une revue américaine de stratégie, écrivait en 1992 : « Bien qu'honorable, la performance militaire de la France lors de la guerre du Golfe a démontré combien (faible était militairement la France). La France de Louis XIV, de Napoléon Ier, celle de Clemenceau et de de Gaulle s'est évanouie et ne reviendra jamais plus. »
    Ce redressement que vous avez voulu, madame, se lit dans les chiffres. Ce budget de 31 milliards d'euros, en hausse de 7,5 % en matière d'équipements et de 11 % au total pour le fonctionnement, permet la réparation, l'entretien et la disponibilité des matériels. Il dote notre pays des capacités opérationnelles nécessaires.
    Cette remise à niveau permet de faire jeu égal avec le Royaume-Uni, en tête des pays européens, en portant la défense du pays à 2,2 % du PIB, alors qu'on en était à 1,6 % l'année dernière. Il s'agit donc d'un bon budget, mais il faudra veiller, madame la ministre - et nous vous soutiendrons - à ce que les gnomes comptables ne le remettent pas en cause. (Sourires.)
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Très bien !
    M. Jacques Myard. L'honnêteté intellectuelle commande cependant, en matière de défense et de choix européens, de ne se faire aucune illusion. Il y a eu, certes, dans le passé, pour la défense en commun de l'Europe, de timides progrès. Cependant - et il n'y a dans mon esprit aucune ambiguïté -, si la coopération européenne est nécessaire pour un certain nombre de programmes, force est de constater que nos partenaires sont bien souvent, comme cela a déjà été souligné, aux abonnés absents. L'Europe est devenue, dans le domaine de la défense, une véritable Arlésienne.
    M. François Rochebloine. A qui la faute ?
    M. Jacques Myard. L'A 400 M, qui doit remplacer les Transall, connaît un sort incertain. Les atermoiements de l'Allemagne et le choix de la Grande-Bretagne de se conformer à la décision de cette dernière remettent en cause l'équilibre financier du programme. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?
    L'Allemagne, toujours elle, traîne les pieds pour la mise au point d'un satellite de renseignement tous temps. Le système Galileo marque le pas. Nos partenaires, qui passent leur temps à nous donner des leçons d'Europe, achètent sans vergogne américain,...
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. C'est vrai !
    M. Jacques Myard. ... notamment le F 35 JSF, alors même que les Pays-Bas reconnaissent que le Rafale a des performances équivalentes.
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Supérieures, même !
    M. Jacques Myard. Et les réticences européennes ne se limitent pas à l'armement. Elles sont totales en matière d'emploi des forces où aucun de nos partenaires, il faut bien le souligner, ne conçoit une action proprement européenne hors de l'OTAN et en dehors des opérations de police que sont les missions de Petersberg, et encore, à condition que les Américains le veuillent bien. Telle est la réalité.
    L'identité européenne de défense est une idée d'avenir, moi je crains qu'elle ne le reste longtemps, il faut en avoir conscience. Voilà pourquoi la France doit d'abord compter sur elle-même.
    M. François Rochebloine. Et sur l'Europe !
    M. Jacques Myard. Plus la France sera militairement forte et indépendante, plus elle entraînera ses partenaires, et plus l'Europe aura une chance de se faire entendre.
    M. Michel Voisin. Très bien !
    M. Jacques Myard. Moins la France sera indépendante, et plus l'Europe sera militairement américaine. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est la réalité, et tout le reste n'est qu'illusion.
    Tel est le sens du soutien que je vous apporte, mais la défense, madame la ministre, nécessite des moyens, des armements, donc des crédits.
    C'est aussi une stratégie : faire face en toutes circonstances.
    C'est enfin et d'abord un esprit. Il était nécessaire de professionnaliser nos forces, mais il se développe aujourd'hui dans notre pays une dangereuse indifférence à l'égard de la chose militaire, notamment dans notre jeunesse. Cela est patent. Or nos forces, même bien équipées, ne pourront pas faire face à toutes les menaces, notamment intérieures.
    Voilà pourquoi il est urgent de réfléchir sur ce point et de mettre en place dans chaque département une garde nationale, qui viendrait heureusement couvrir nos arrières et pourrait devenir une réserve disponible, indispensable aux forces armées d'aujourd'hui. Cette garde nationale pourrait être constituée sur le modèle des pompiers volontaires qui renforcent, dans le domaine de la protection civile, les professionnels. (Murmures sur certains bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Dasseux. Comme aux Etats-Unis ?
    M. Jacques Myard. Pourquoi pas ?
    M. le président. Monsieur Myard, veuillez conclure, je vous prie.
    M. Jacques Myard. Madame le ministre, vous êtes sur la bonne voie. Votre budget traduit un sursaut, un réveil. Il était grand temps, car toute nation désarmée est une nation méprisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Mesdames, messieurs, vous comprendrez que je tienne d'abord à remercier le président de la commission de la défense nationale, ainsi que les rapporteurs et les orateurs, pour la qualité de leurs propos, et, d'une façon générale, pour la qualité de ce débat. L'ensemble des interventions, quels que soient les bancs d'où elles émanent, montrent que votre assemblée a parfaitement compris la signification et la portée du budget de la défense pour 2003, et je m'en réjouis.
    Le redressement de notre effort de défense - cela a été souligné par plusieurs orateurs - est une nécessité. C'est une priorité que le Gouvernement a décidé de prendre en compte à la demande du Président de la République.
    Ce redressement est indispensable à deux titres : il y va de notre sécurité, de celle de nos concitoyens et de celle de notre pays, il y va aussi de notre crédibilité.
    Il y va d'abord de notre sécurité parce que, nous le voyons tous, nous sommes loin des « dividendes de la paix » que nous pouvions espérer après la chute du mur de Berlin. Les crises locales, mais qui peuvent avoir un impact international, se multiplient. Nous pourrions parler d'Israël et de la Palestine, mais aussi de l'Afghanistan, des Balkans ou même de la Côte d'Ivoire. Cela nous rappelle à la dure réalité, celle d'une insécurité généralisée.
    A cette insécurité s'ajoute le spectre du terrorisme. En France, nous n'avons malheureusement pas attendu le 11 septembre pour être confrontés au terrorisme de masse. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle - j'aurai l'occasion de le répéter - le modèle Armée 2015, voulu par le Président de la République il y a plusieurs années, est toujours d'actualité dans la mesure où il intégrait d'ores et déjà cette réalité, puisque nous l'avions connue auparavant. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bon rappel !
    Mme la ministre de la défense. Ce risque a aussi fait prendre conscience à nos concitoyens que nul pays n'est à l'abri du terrorisme, que nulle ville n'est à l'abri de ce qui s'est passé à New York, que nul individu n'est à l'abri de ce qui s'est passé à Bali. C'est la raison pour laquelle, lorsque nos concitoyens sont interrogés sur l'image de la défense ou sur la nécessité d'augmenter les crédits de celle-ci, ils répondent à près de 70 % qu'il est justifié et nécessaire de faire un effort en ce domaine.
    Il existe aujourd'hui une véritable prise de conscience par nos concitoyens et cela ne fait qu'appuyer l'effort que le Gouvernement a décidé en la matière. La sécurité de nos concitoyens et du territoire, la défense des intérêts de la France dans le monde, voilà la première responsabilité de l'Etat.
    Il faut redresser notre effort de défense car il y va également de notre crédibilité ; ce thème a été évoqué à plusieurs reprises au cours du débat.
    La France revendique depuis des années un rôle de premier plan dans la construction de l'Europe et sur la scène internationale. C'est une ambition légitime, mais c'est un rôle parfois difficile à tenir, comme l'actualité vient encore de nous le montrer.
    MM. d'Aubert, Hillmeyer, Quilès, Morin et Charasse en ont parlé. Je voudrais m'arrêter quelques instants sur ce point.
    Il faut bien voir que la construction d'une Europe de la défense est un élément indispensable de la construction de l'Europe tout entière.
    M. François Rochebloine. Tout à fait !
    Mme la ministre de la défense. Mais le temps n'est plus à se gargariser de mots, il faut passer aux actes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Rochebloine. C'est vrai !
    M. Jacques Myard. On les attend !
    Mme la ministre de la défense. C'est ce que je rappelle souvent à nos partenaires. Je demande aux pays qui prônent la construction de l'Europe de la défense si les efforts qu'ils font en matière de défense, et notamment pour combler les lacunes capacitaires de l'Europe, sont à la hauteur de leurs intentions. La réponse, nous la connaissons.
    Nous avons un rôle essentiel à jouer et, dès mon arrivée au ministère, j'ai décidé de le tenir à l'égard de mes collègues. Il n'est pas de réunion où je ne leur répète que nous devons tous mettre en cohérence nos actes et nos déclarations, notamment en réalisant, et dans les meilleurs délais, un processus C 4, qui nous permettra non seulement de déterminer les lacunes capacitaires de l'Europe, mais encore de les combler, ce qui implique une augmentation des budgets de la défense de tous les pays membres. J'ai encore demandé, il y a dix jours, à mes collègues européens que les gouvernements qui maintiennent leur budget de la défense à 1 % indiquent clairement si leur choix répond à la décision politique de ne pas construire l'Europe de la défense ou simplement à la volonté de respecter le pacte de stabilité. Dans ce dernier cas, il faudrait leur faire valoir le raisonnement que font plusieurs pays, à savoir que, devant l'insécurité croissante qui menace nos concitoyens, il vaut peut-être mieux privilégier la sécurité aux équilibres comptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Si l'on veut construire une Europe de la défense, il importe aussi de mettre en place des industries de la défense communes qui s'adossent les unes aux autres.
    M. Jacques Myard. Il faut acheter français !
    Mme la ministre de la défense. Il faut aussi privilégier les équipements européens par rapport aux équipements provenant d'autres pays. (Applaudissements sur divers bancs.) C'est ce que je rappelle aussi souvent à nos partenaires, en regrettant qu'à qualité égale équipements, le choix se porte parfois sur du matériel non européen. (« Tout à fait ! » sur divers bancs.)
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. C'est juste !
    Mme la ministre de la défense. Quant à l'opération en Macédoine, elle correspond à un besoin de visibilité de la construction de l'Europe de la défense. Depuis Saint-Malo, des progrès ont été réalisés, même s'ils ne sont pas assez rapides à mon goût, qu'il s'agisse du processus C 4 ou de la préparation de systèmes de commandement européens, dont le futur CPCO que nous sommes en train d'élaborer en France est un élément important. Nous devons à un moment donné, montrer que l'Europe de la défense existe. La Macédoine pourrait être une excellente occasion de le prouver puisque l'OTAN a décidé de ne prolonger sa mission que jusqu'au 15 décembre. Or nous savons que si la situation dans ce pays s'est améliorée - les dernières élections l'ont montré - elle a besoin d'être stabilisée.
    M. Hervé Morin. Absolument !
    Mme la ministre de la défense. Du fait de son envergure et de sa localisation, cette opération serait une première à la dimension de l'Europe de la défense. Nous sommes gênés actuellement par un différend gréco-turc. Javier Solana tente de surmonter cette difficulté mais, s'il n'y parvenait pas, il faudrait trouver une réponse européenne adaptée nous permettant de conduire l'opération en Macédoine.
    M. François Rochebloine, M. Hervé Morin et M. Gérard Charasse. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Cela dit, pour jouer un rôle dans la construction de l'Europe de la défense, il faut être crédible. Or force est de constater qu'au cours de ces dernières années la dégradation de notre effort de défense a contribué à entamer la crédibilité de notre pays en la matière.
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    Mme la ministre de la défense. Dès qu'il m'a été possible d'annoncer à nos partenaires européens qu'à travers sa loi de programmation militaire, la France allait donner un signal fort de sa volonté de prendre en compte sérieusement les problèmes de défense et qu'elle attendait de ses partenaires qu'ils fassent le même effort pour construire l'Europe de la défense, j'ai assisté à un changement d'attitude profond de leur part, comme d'ailleurs de la part de nos partenaires américains. Notre crédibilité est aussi liée à ce que nous pouvons afficher pour la construction de l'Europe de la défense.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 qui vous sera présenté dans quelques semaines et le projet de budget pour 2003 qui nous occupe aujourd'hui constituent la manifestation tangible de la volonté du Gouvernement d'accomplir un nouvel effort de défense, comme l'a souhaité le chef de l'Etat. Je regrette, comme certains d'entre vous, l'absence de logique dans l'ordre d'examen des deux projets de loi, mais je ne saurais imposer au Parlement un bouleversement des habitudes de discussion budgétaire.
    Dans ce nouvel effort de défense a été confirmé le modèle d'Armée 2015, dont nous parlions il y a un instant. Certains se demandent si ce modèle d'armée qui repose, il est vrai, sur des analyses figurant dans le Livre blanc, lequel remonte lui-même à de nombreuses années, est encore pertinent. Oui, il l'est, dans la mesure où une situation changeant en permanence le permet. Il est pertinent parce qu'il intégrait déjà des phénomènes qui se développent aujourd'hui et qui commençaient déjà malheureusement à se manifester à l'époque, à savoir la multiplication des crises locales et des actes du terrorisme que nous, plus que nos partenaires, avons pu prendre en compte parce que nous y avions été confrontés.
    Le projet de programmation préparé par le Gouvernement constitue une deuxième étape vers ce modèle, la première ayant été la professionnalisation. Celle-ci est aujourd'hui quasiment accomplie, même si elle demande à être consolidée. C'est la raison pour laquelle a été créé le fonds de consolidation. Il me paraît cependant important de faire remarquer que, dans le même temps où les armées consentaient l'effort considérable qu'a représenté la professionnalisation - pour lequel nous devons saluer tous les personnels du ministère de la défense, qui ont totalement joué le jeu -, les crédits de la défense prévus dans la loi de programmation 1997-2002 baissaient de 20 %.
    M. Hervé Morin. Eh oui !
    Mme la ministre de la défense. C'est une année entière qui a été abandonnée, en cours de route,...
    M. François Rochebloine. Sacrifiée !
    Mme la ministre de la défense. ... ce qui explique d'ailleurs les difficultés rencontrées pour l'entretien des matériels, la réalisation de plusieurs programmes et la livraison de certaines commandes. C'est ce qui explique également les ruptures capacitaires qui risquent de se produire dans quelques années, et qui ont été évoquées dans le débat.
    Voilà pour le constat de départ.
    Aujourd'hui, il revient à votre assemblée de se prononcer sur la première phase de la deuxième étape : le budget de la défense pour 2003.
    L'entrée en programmation, c'est-à-dire la première annuité d'exécution, est toujours une épreuve de vérité. Elle revêt cette année une importance particulière puisqu'il s'agit de franchir une marche importante : rattraper vers 2015 la courbe ascensionnelle qui a été largement écornée au cours des cinq dernières années par les insuffisances de crédits.
    Le projet de budget pour 2003 concrétise cet effort, puisqu'il s'élève hors pensions à 31,07 milliards d'euros, 13,64 allant aux crédits d'équipement, 3,45 au fonctionnement et 13,98 aux rémunérations et charges sociales.
    M. Boucheron et M. Le Bris m'ont interrogée sur la crédibilité de la loi de programmation. Ce que je peux leur dire, c'est qu'elle est la concrétisation d'une volonté qui s'appliquera pour des raisons à la fois techniques et politiques. Elle s'appliquera pour des raisons techniques car la loi de programmation, je le rappelle, est exprimée en crédits de paiement, ce qui est déjà une garantie importante. Elle s'appliquera pour des raisons politiques, parce que, comme je le disais à l'instant, cette volonté émane, à la fois de la nation, du Président de la République et du Gouvernement. Et le fait que la volonté du Président de la République et celle du Gouvernement soient cohérentes, ce qui n'est pas le cas en période de cohabitation, est une garantie supplémentaire.
    Monsieur Boucheron, je sais que vous êtes toujours dubitatif, ce qui m'a permis de gagner deux paris avec vous.
    M. Gilbert Le Bris. Jamais deux sans trois !
    Mme la ministre de la défense. Vous étiez persuadé que la loi de programmation n'attendrait pas le niveau que j'avais indiqué. Elle l'atteint. Vous étiez persuadé, vous me l'avez dit en commission, que, la première année, le budget ne suivrait pas la loi de programmation militaire. Or je vais vous le démontrer, il la suit. Et je pense que vous allez perdre le troisième pari. Ne dit-on pas en effet : jamais deux sans trois ?
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Champagne !
    M. Yves Nicolin. Ça va vous coûter cher en champagne, monsieur Boucheron !
    M. Jean-Michel Boucheron. Attendons la fin de l'exercice !
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Vous êtes comme saint Thomas !
    Mme la ministre de la défense. Mesdames, messieurs les parlementaires, le projet de budget amorce la restauration de la capacité opérationnelle des armées. Il correspond aux quatre priorités que nous avons inscrites dans la loi de programmation : rétablir la disponibilité des matériels ; moderniser les équipements et préparer l'avenir, notamment par la recherche ; consolider la professionnalisation des forces armées ; poursuivre la modernisation du ministère.
    La restauration de la disponibilité des matériels est la première des priorités : 2,6 milliards d'euros y sont consacrés. Pour la première fois, les autorisations de programme prévues en la matière vont atteindre et même dépasser les trois milliards d'euros. Cela nous permettra de combler un retard important. MM. Hart, Cova et Bernard ont à juste titre souligné les défaillances du maintien en condition de nos équipements et ses conséquences sur le niveau d'entraînement des militaires et leur moral. La détérioration de la disponibilité des matériels trouve son origine dans la contraction des ressources du titre V qui, dans un certain nombre de cas, a été grignoté, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, au bénéfice du titre III. Cette réduction a été aggravée par le non-remboursement des dépenses liées aux OPEX, qui avaient été prélevées sur le titre V. Ce n'est plus le cas, je vous le fais remarquer, depuis le collectif de cet été.
    M. Jean Michel. C'est vrai !
    Mme la ministre de la défense. Pour la première fois dans un collectif ont clairement été distingués le titre V, destiné à la réparation des matériels, et le titre III, réservé aux OPEX.
    M. Gérard Charasse. C'est vrai !
    Mme la ministre de la défense. Cela étant, je reconnais que les finances ne sont pas tout. Il faut veiller également à ce qu'il y ait une bonne consommation des crédits et à ce que le travail soit bien fait par nos services, d'une part, et par les industriels, d'autre part. J'ai l'intention de veiller personnellement au suivi en ce domaine. Ce sera d'ailleurs l'objet d'un de mes tout prochains déplacements à la SIMMAD à Bordeaux.
    La deuxième priorité de la prochaine période de programmation sera le renouvellement des équipements des armées. L'année 2003 se caractérisera par l'importance des livraisons de matériels.
    L'armée de terre recevra 45 chars Leclerc, 2 hélicoptères Tigre, 285 véhicules de l'avant blindés valorisés, 88 véhicules blindés légers et 9 000 lance-roquettes anti-chars légers.
    La marine obtiendra un Hawkeye, un bâtiment hydrographique et océanographique, 5 frégates F 70 remises à niveau, 4 chasseurs de mines et 50 torpilles MU 90.
    Pour l'armée de l'air, il est prévu 3 Casa 235, 41 missiles Apache,...
    M. Jean Michel. Nous les avions financés !
    Mme la ministre de la défense. ... et 60 Scalp-EG.
    La gendarmerie, pour sa part, obtiendra 3 hélicoptères, 3 000 véhicules...
    M. Jean Michel. Merci, la gauche !
    M. Jacques Myard. Mais c'est nous qui payons !
    Mme la ministre de la défense. ... et 42 000 gilets pare-balles.
    Enfin, dans le domaine spatial, le satellite Syracuse III sera lancé à la fin de l'année prochaine.
    Au-delà de ces livraisons, l'enjeu de l'année 2003 est considérable en termes de commandes : elles détermineront la bonne réalisation de la prochaine programmation. Les retards de commandes faisaient en effet constamment courir un risque de rupture. Cet enjeu n'a pas échappé à la perspicacité des rapporteurs et je voudrais à cet égard rassurer MM. Bernard, Cova et Cornut-Gentille quant aux autorisations de programme destinées aux commandes de Rafale. Elles seront bien inscrites dans le projet de loi de finances rectificative de la fin de cette année : j'en ai reçu la garantie du Premier ministre, qui m'a autorisé à préciser qu'il proposerait au Parlement à cette occasion l'inscription de 4,4 milliards d'autorisations de programme. Cela nous permettra de réaliser un bon nombre d'opérations.
    M. Charles Cova, rapporteur pour avis. Excellent !
    Mme la ministre de la défense. Au total, le ministère de la défense disposera en 2003, de 19,7 milliards d'euros d'autorisations de programme. Ce montant très important nous permettra de commander, pour l'armée de l'air, la valorisation de 70 canons automoteurs et de 15 systèmes Roland, la rénovation de 55 AMX 10 RC, ainsi que 88 blindés légers, pour la marine 13 Rafale et 250 missiles Mica et, pour l'armée de l'air, 46 Rafale et 430 missiles Mica.
    En ce qui concerne le programme A 400 M évoqué à plusieurs reprises, notamment par M. d'Aubert et par M. Myard, les commandes de la France sont déjà passées à l'OCCAR. J'ai eu hier soir de mon collègue allemand la confirmation que l'Allemagne continuait à prendre part à ce programme. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.)
    Ils disposent des crédits nécessaires pour 40 A 400 M et pensent obtenir le complément d'ici au mois de février prochain.
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Parfait !
    M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. C'est une bonne nouvelle !
    Mme la ministre de la défense. Cela nous permettra ainsi de débloquer le reste du programme.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Enfin, le montant important des autorisations de programme permettra de commander pour la gendarmerie 3 620 véhicules et 42 000 gilets pare-balles.
    La modernisation de nos forces, grâce aux livraisons de cette année et aux commandes prévues, doit s'accompagner d'un effort de préparation de l'avenir, notamment dans le domaine de la recherche.
    A M. Teissier, président de la commission, et à M. Voisin qui m'ont interrogée sur cette question, j'indique que, pour 2003, l'effort de recherche s'élève à 1,24 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 4,2 % par rapport à 2002. Il nous permettra notamment - je réponds là à Mme des Esgaulx - de développer notre politique de démonstrateurs technologiques.
    Je précise que si certains postes sont inscrits dans notre projet de loi de finances vous trouverez, au titre du BCRD, le montant équivalent dans le collectif budgétaire puisqu'il est reconnu que ce n'est pas le budget de la défense qui doit supporter cette charge. Techniquement, l'inscription sur un autre budget se fera à partir de l'année prochaine. Le passage de l'un à l'autre était un peu difficile : c'est la raison pour laquelle, cette année les crédits sont encore inscrits sur notre budget, mais avec une compensation.
    Après les problèmes matériels, j'en viens à la consolidation de la professionnalisation. Elle revêt deux aspects.
    Il faut d'abord garantir aux armées les effectifs nécessaires, en quantité et en qualité, à l'exercice de leurs missions. Dans certains secteurs de pointe, on rencontre en effet des difficultés de recrutement ou de fidélisation, du fait notamment de la concurrence du secteur privé.
    Il faut ensuite assurer au personnel un environnement professionnel et social motivant, qui compense certaines distorsions qui peuvent exister avec le secteur privé.
    Les évolutions d'effectifs prévues dans le projet de budget correspondent aux priorités retenues pour la loi de programmation militaire. Elles concerneront plus particulièrement l'armée de terre, la plus sollicitée par les OPEX ; le service de santé, essentiel tant pour la sécurité que pour le moral des militaires, particulièrement lors des OPEX, sachant que le problème général de la santé se pose désormais au niveau national et touche bien entendu également les armées ; la gendarmerie, dans la mesure où c'est là une priorité du Gouvernement, attendue par nos concitoyens ; le renseignement enfin, sur lequel je répondrai plus précisément à M. Carayon cet après-midi, dans le cadre des questions. Ce sera pour moi l'occasion de reprendre en détail les points que je n'aurai pas évoqués ce matin. Pour la gendarmerie en tout cas, les choses sont claires : elle relève statutairement au ministère de la défense dans la mesure où il s'agit de personnels militaires. Il en va de même pour tout ce qui a trait à son environnement, les constructions, etc. C'est bien la raison pour laquelle les crédits correspondants sont inscrits dans ce budget. L'emploi des forces de gendarmerie, en revanche, a été mis, dans un souci d'efficacité, sous l'autorité de mon collègue de l'intérieur.
    Plusieurs intervenants ont mis en avant un aspect qui vient en complément de la professionnalisation : le volontariat et les réserves.
    Les armées en général, et plus particulièrement l'armée de terre, éprouvent, c'est vrai, des difficultés à recruter des volontaires. Nous devons nous interroger sur l'attractivité des postes proposés et sans doute en réexaminer le contenu ; cela n'est pas sans rapport, monsieur d'Aubert, avec les propos que vous avez tenus sur l'externalisation. J'entends sur ce point faire preuve non de dogmatisme, mais seulement de pragmatisme. Le but est de recentrer les personnels du ministère de la défense sur leurs missions profondes, celles qui les motivent le plus. Il apparaît donc tout à fait logique, dans certains cas, de recourir à l'externalisation.
    M. Jacques Myard. A des techniciennes de surface ?
    Mme la ministre de la défense. Tout récemment, on m'a demandé d'ouvrir un concours pour recruter un jardinier. J'avoue que cela m'a fait sauter au plafond, je n'ai pas l'impression que le jardinage fasse partie des missions fondamentales de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Rochebloine. C'est le bon sens !
    Mme la ministre de la défense. On aura beau me trouver des tas d'explications, elles ne me satisferont pas pour autant.
    Nous devons veiller au contenu du volontariat mais également à l'intérêt des missions confiées aux agents du ministère de la défense. C'est le moindre des respects que nous leur devons.
    La réserve aussi pose effectivement problème. Plusieurs d'entre vous, M. Voisin, M. Pierre Lang, M. Dasseux notamment s'en sont fait l'écho.
    Quel constat pouvons-nous faire aujourd'hui ? Nous arrivons à un taux de satisfaction d'environ 66 % pour les officiers. Il faut considérer qu'on est sur la bonne voie et qu'il n'y a pas trop de problèmes. Malheureusement, nous sommes bien en dessous en ce qui concerne les réserves de sous-officiers, puisque le taux est de l'ordre de 36 %, la situation étant bien entendu pire pour les hommes de troupe, car le taux n'est que de 18 %.
    Pourquoi donc n'ai-je pas inscrit de crédits supplémentaires, me direz-vous ? Tout simplement parce que la façon dont on aborde le problème n'est pas la bonne. Comme je l'ai dit à la commission de la défense et à son président, lorsqu'on descend à de tels niveaux, cela veut dire qu'il faut remettre totalement à plat notre réflexion sur les réserves, leur image, leurs missions, leur environnement, l'action de communication qu'elles appellent.
    M. Robert Pandraud. Tout à fait !
    Mme la ministre de la défense. A quoi servirait d'inscrire des crédits pour des actions dont j'ignore ce qu'elles peuvent donner, au risque de me trouver en total décalage ?
    M. Robert Pandraud. Absolument !
    Mme la ministre de la défense. Ainsi que je l'ai dit au président de votre commission de la défense, je souhaite que nous travaillions ensemble sur cette question, en mettant nos expériences en commun, afin de déterminer comment rendre la réserve attractive et atteindre les objectifs fixés par le modèle Armée 2015.
    M. Jacques Myard. Une garde nationale !
    Mme la ministre de la défense. Ce travail, j'entends que nous le fassions réellement ensemble.
    En attendant, je me suis contentée de reconduire le budget de l'année dernière, les seuls ajouts, mais nous aurons sans doute l'occasion d'en parler, monsieur d'Aubert, portant essentiellement sur des actions de communication, afin de ne pas empêcher le démarrage ou la poursuite de certaines activités précises. Mais, pour les actions d'envergure, nous attendrons l'année prochaine, une fois le travail de réflexion mené à bien. Je préfère reporter l'ensemble des crédits afin de mieux concentrer l'effort sur les prochaines années, plutôt que de continuer à dépenser de l'argent sur des lignes qui, visiblement, n'ont pas produit de résultats crédibles. Cela répond à plusieurs questions qui m'ont été posées au cours de l'année.
    Garantir les effectifs en qualité et en quantité est la raison d'être du Fonds de consolidation de la professionnalisation créé à ma demande pour la période 2003-2008. Par la suite, mes successeurs - ou nous-mêmes, selon la façon dont évolura la situation - verront ce qu'il en adviendra. En attendant, le fonds sera doté de 11 millions d'euros pour 2003, ce qui devrait permettre de recruter et de fidéliser les cadres et techniciens dont nos armées ont le plus besoin.
    Toujours concernant les effectifs, je tiens à mentionner une catégorie importante et qui se sent souvent méconnue, tant par le ministère de la défense que plus généralement par l'opinion publique : les personnels civils de la défense, dont il faut rappeler le rôle et la place. Ils ont été des acteurs à part entière de la réforme de notre défense et de la démarche de professionnalisation. Ce personnel civil connaît aujourd'hui un léger sous-effectif qui résulte principalement de gels antérieurs pour le recrutement d'ouvriers d'Etat ; mais il faut aussi être conscients de la faible attractivité d'un certain nombre de postes.
    C'est la raison pour laquelle le projet de loi qui vous est soumis comporte un plan de reconnaissance professionnelle du personnel civil. J'ai décidé cette année de consentir un effort tout particulier en consacrant à ce plan un crédit de 13,5 millions d'euros. Remarquons, à titre d'anecdote, que cette somme est supérieure à tout ce qui a été mobilisé pour des actions de cet ordre dans les budgets de 1995 à 2001. Le total des crédits consacrés à la reconnaissance professionnelle du personnel civil de ces sept années représente en effet 11,2 milions d'euros, à comparer aux 13,5 millions que j'inscris à ce titre pour la seule année 2003. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est là, me semble-t-il, une juste reconnaissance du rôle des personnels civils de la défense.
    Second volet de la professionnalisation : l'amélioration de l'environnement professionnel et du cadre de vie font eux aussi l'objet d'un effort, qu'il s'agisse de l'entraînement au sein des unités ou des infrastructures. Ainsi, le montant des autorisations de programme permettra de financer la construction ou la réhabilitation de 1 500 unités-logement au profit de la seule gendarmerie. Je partage l'avis de ceux qui se sont rendus sur le terrain : on y constate des conditions d'hébergement qui ne sont pas satisfaisantes et qu'il faut impérativement améliorer. Mentionnons, entre autres opérations significatives, l'aménagement d'un nouveau centre de conduite des opérations qui offrira, là encore, un meilleur environnement professionnel. A cela ajoutent une série de mesures d'action sociale destinées à améliorer les conditions de vie du personnel, notamment pour les crèches, les gardes d'enfants ou les activités sportives.
    Nous avons pleinement conscience de l'ampleur de l'effort que la nation consent au bénéfice du ministère de la défense afin de lui permettre de répondre à ses missions fondamentales, et qu'elle reconnaît le travail extraordinaire accompli par les personnels du ministère de la défense. Ils apparaissent à cet égard, ou devraient apparaître, comme le modèle pour la modernisation de l'Etat, et ils méritent en tout cas qu'on le reconnaisse. Cela étant, et je l'ai rappelé aux responsables du ministère, cet effort considérable de la nation nous impose de faire preuve de responsabilité et d'utiliser chaque euro mis à notre disposition dans les meilleures conditions et avec la plus grande efficacité possible.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Ce souci d'exigence et de responsabilité peut du reste, je l'espère, servir d'exemple à d'autres. La défense poursuivra la modernisation de sa gestion, monsieur d'Aubert, monsieur Le Drian, et ses efforts porteront notamment sur le partage des prestations de soutien entre les armées ou sur la dématérialisation des procédures d'achat : le portail qui entrera en service dès le début de l'année 2003 modifiera sensiblement les relations de la défense avec ses fournisseurs. Il en sera de même pour le contrôle de la gestion et l'amélioration des circuits administratifs, auxquels je m'attache tout particulièrement, dans la perspective de l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
    Enfin, monsieur d'Aubert, nous avons engagé une réflexion sur l'externalisation - j'en ai déjà dit un mot - et les financements innovants. Toutefois, nous n'irons probablement pas aussi loin dans ce domaine que nos partenaires britanniques. Ils ont ainsi pratiquement externalisé tout leur service de santé, ce qui les conduit d'ailleurs à nous solliciter sur les théâtres d'opérations extérieures. Ajoutons que les conditions d'externalisation ne sont pas les mêmes pour eux et pour nous. Leur taux de TVA notamment n'est pas au même niveau que le nôtre. Tous ces paramètres doivent être pris en compte et, comme je vous le disais tout à l'heure, l'une de mes préoccupations est de valoriser les métiers du ministère de la défense.
    Externaliser coûte cher, il ne faut pas l'ignorer, et c'est la raison pour laquelle j'ai fait inscrire au budget un crédit de l'ordre de 40 millions d'euros destiné à y faciliter cette opération.
    La mutation de DCN, monsieur Cova, n'est pas tout à fait une externalisation, même si, à certains égards, elle peut s'y apparenter. Nous avons entamé une discussion et pris des engagements afin de parvenir à une certaine meutralité pour que la marine n'ait pas à payer un surcoût lié à la TVA. La réforme des statuts de DCN interviendra au début de l'année 2003 et plusieurs d'entre vous ont évoqué cette question. Les délais envisagés restent conformes au cadre général et nous devrions les tenir. Cette évolution sera une grande chance pour DCN en lui permettant d'échapper à certains carcans administratifs - M. Le Bris s'en est fait l'écho -, à améliorer subséquemment son efficacité sur un marché de plus en plus concurrentiel et peut-être également de développer certains partenariats, notamment européens. Je pense aux opérations menées dans le cadre de IZARD à destination de l'extérieur. La ligne est désormais tracée par DCN et ses personnels peuvent envisager un avenir positif.
    Sur GIAT, nous sommes, je l'avoue, un peu plus en retard car le dossier n'a pas été ouvert au cours de ces dernières années. La recapitalisation de GIAT, même si elle n'est pas prise sur le budget du ministère de la défense, n'en est pas moins effectivement prévue. Ce dossier n'en est encore qu'à ses débuts. Beaucoup d'erreurs ont été commises au cours des dernières années, notamment parce que l'on a surestimé les capacités économiques de GIAT.
    J'ai commencé à reprendre le dossier. Nous sommes en train d'écouter les divers partenaires. Je rencontrerai les élus concernés, ainsi que tous les syndicats, afin de trouver enfin pour GIAT une solution réellement d'avenir. Nous le devons aussi aux personnels. Ils ne peuvent plus rester dans une situation aussi incertaine où, finalement, ils perdent au fil des ans tout espoir et toute perspective.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Dans ce domaine comme dans d'autres, il est temps de tenir un langage de vérité. Certaines situations ne seront probablement pas toujours faciles à gérer mais nous devons le faire et nous le ferons. L'important, c'est de donner une réelle perspective et d'en finir avec le bricolage des années passées.
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis, et M. Yves Nicolin. Très bien !
    M. François Rochebloine. Sans oublier les personnels !
    Mme la ministre de la défense. Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les grandes lignes du budget de la défense pour 2003 que j'ai l'honneur de vous présenter. L'honneur, dis-je, mais aussi la fierté. Car je suis très fière de ce budget comme je suis très fière et heureuse d'être à la tête de ce ministère dont j'affirme, pour avoir une certaine expérience en la matière, que c'est certainement le plus beau qui soit, car il est le point de jonction des technologies les plus performantes, d'une qualité humaine et d'une éthique de l'Etat que je n'avais trouvées nulle part ailleurs.
    Ce budget, je vous le dis, me fait plaisir, non pour moi,...
    M. François Rochebloine. Pour la France !
    Mme la ministre de la défense. ... mais parce qu'il est un signe de reconnaissance à l'égard d'hommes et de femmes prêts aux plus grands sacrifices pour permettre à nos concitoyens de vivre dans la sécurité et à notre pays de tenir son rang dans le monde.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les députés, je vous demande de leur faire ce signe et de leur dire, en votant ce budget, que nous avons compris ce qu'est leur engagement pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures quinze, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Défense (articles 38 et 39) et secrétariat général de la défense nationale (suite) :
    Défense :
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 40 du rapport n° 256).
    M. Paul Quilès, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome VII de l'avis n° 259).
    Dissuasion nucléaire :
    M. Antoine Carré, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome II de l'avis n° 260).
    Espace, communication et renseignement :
    M. Yves Fromion, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome III de l'avis n° 260).
    Forces terrestres :
    M. Joël Hart, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome IV de l'avis n° 260).
    Marine :
    M. Charles Cora, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome V de l'avis n° 260).
    M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome V de l'avis n° 260).
    Titre III et personnels civils et militaires d'active et de réserve :
    M. Pierre Lang, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VII de l'avis n° 260).
    Crédits d'équipement :
    M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VIII de l'avis n° 260).
    Services communs :
    M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome IX de l'avis n° 260).
    Gendarmerie :
    M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome X de l'avis n° 260).
    Secrétariat général de la défense nationale :
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 36 du rapport n° 256).
    Equipement et transports ; budget annexe de l'aviation civile ; article 71 ; ligne 38 de l'état E :
    Equipement et transports terrestres :
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 20 du rapport n° 256).
    Mer :
    M. Michel Vaxès, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 22 du rapport n° 256).
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome X de l'avis n° 258).
    Transports aériens :
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 24 du rapport n° 256).
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XII de l'avis n° 258).
    Equipement, transports terrestres et fluviaux :
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XIII de l'avis n° 258).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT