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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 8 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 7 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT
ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE,
SERVICES DU PREMIER MINISTRE (suite)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Réponses de M. le ministre aux questions de : M. André Chassaigne, Mme Henriette Martinez, MM. Jean-Jacques Descamps, Jean-Louis Christ, Jean-Marc Nesme, Philippe Tourtelier, Louis-Joseph Manscour, Dominique Caillaud, Jean-Michel Fourgous, Mansour Kamardine, Patrice Martin-Lalande.

Suspension et reprise de la séance «...»
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
ÉTAT B
Titre III «...»

Amendements n°s 86 de M. Novelli et 90 de la commission des finances : MM. Hervé Novelli, Louis Giscard d'Estaing, Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat ; le ministre, Mme Valérie Pecresse, MM. Jean-Michel Fourgous, Jean-Jacques Descamps, François Sauvadet, Jean-Pierre Dufau, Gilles Carrez. - Retrait de l'amendement n° 90 ; rejet de l'amendement n° 86.
Amendement n° 91 de la commission des finances : MM. Georges Tron, rapporteur spécial ; le ministre. - Adoption.
Adoption du titre III modifié.

Titre IV. - Adoption «...»
ÉTAT C
Titres V et VI. - Adoptions «...»
Après l'article 72 «...»

Amendement n° 127 du Gouvernement : MM. le ministre, Georges Tron, rapporteur spécial ; Jean-Pierre Dufau. - Adoption.

III. - Conseil économique et social
ÉTAT B
Titre III. - Adoption «...»
ÉTAT C
Titre V. - Adoption «...»
IV. - Plan
ÉTAT B
Titre III «...»

Amendement n° 68 de M. Goulard : MM. Gilles Carrez, Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels ; le secrétaire d'Etat, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques ; Georges Tron, rapporteur spécial. - Retrait.
Adoption du titre III.

Titre IV «...»

Amendement n° 69 de M. Goulard. - Retrait.
Adoption du titre IV.

ÉTAT C
Titre VI. - Adoption «...»
V. - Aménagement du territoire
ÉTAT B
Titre III. - Adoption «...»
Titre IV «...»

Amendement n° 104 de la commission des finances : MM. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'aménagement du territoire ; le ministre, le président de la commission des affaires économiques, Jean-Pierre Dufau. - Adoption.
Amendement n° 105 de la commission des finances : MM. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial ; le ministre, Georges Tron, rapporteur spécial ; Nicolas Forissier, Gilles Carrez, Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. - Adoption de l'amendement n° 105 rectifié.
Adoption du titre IV modifié.

ÉTAT C
Titre VI. - Adoption «...»
Budget annexe des Journaux officiels
Articles 40 et 41. - Adoptions «...»

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de M. jean le garrec,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT
ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Services du Premier ministre (suite)

    M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre et au budget annexe des Journaux officiels.
    La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames messieurs les députés, permettez-moi de saluer, pour la pertinence et la qualité de leurs remarques, toutes celles et ceux qui sont intervenus ce matin. Je m'efforcerai de répondre à quelques interrogations majeures qu'ils ont bien voulu formuler.
    Comme l'a souligné Georges Tron, nous avons à lever une ambiguïté. Si je m'en tenais aux seuls crédits de mon administration, je réduirais mes propos à une présentation technique de moyens, somme toute modestes par rapport à l'ensemble du budget de l'Etat. En prenant, au contraire, le parti de vous présenter la politique du Gouvernement dans les secteurs où mon ministère intervient, je serai conduit à aborder des aspects plus vastes et plus divers, couvrant un champ étendu de l'activité gouvernementale.
    Ce que je veux dire par là, c'est que nous exerçons, avec Henri Plagnol, une action d'influence et de conviction, parfois plus qu'une intervention directe à la tête d'un ministère qui est un levier du changement, en étant placé au carrefour de sujets multiples dont le fil conducteur est la recherche de l'efficacité du service public.
    Pour la première fois, le Premier ministre a souhaité définir un périmètre incluant la fonction publique, l'aménagement du territoire et la réforme de l'Etat. Et l'on voit bien toute l'intelligence de ce périmètre, qui traite à la fois de la répartition territoriale des services publics, de leur modernisation, de la conduite du changement dans les méthodes de gestion. Dans une économie du xxie siècle de l'intelligence, nous voyons bien que l'intelligence administrative au service des territoires est un atout majeur de la réussite de notre politique économique. Un secteur privé performant a besoin d'un secteur public performant.
    Je développerai mon propos en deux parties. D'abord, je commencerai par commenter les grandes lignes du budget de mon ministère, puis j'exposerai les orientations stratégiques de la politique que nous avons engagée.
    S'agissant de la présentation des crédits, je commencerai par l'agrégat fonction publique et réforme de l'Etat. En réalité, notre budget n'est qu'un petit aspect d'un ensemble plus vaste. Les crédits que je défends, qui sont de 211,2 millions d'euros pour 2003, ne représentent qu'une toute petite partie par rapport à la totalité des dépenses de personnel qui s'élèvent à plus de 113 milliards d'euros dans la fonction publique. De même, les effectifs de la direction de la fonction publique et de la délégation à la réforme de l'Etat ne sont qu'une goutte d'eau par rapport au total : 144 emplois, pour un nombre total de fonctionnaires de l'Etat de 2,2 millions. D'ailleurs, à cette occasion, je tiens à rendre hommage à l'efficacité de ces services qui assurent le pilotage de l'ensemble de la fonction publique, avec des moyens somme toute modestes, étant précisé que s'y ajoute le financement d'actions interministérielles en matière de formation, d'action sociale et d'insertion des handicapés, ainsi que les crédits affectés aux établissements sous tutelle, l'Ecole nationale d'administration, les instituts régionaux d'administration et le Centre des études européennes de Strasbourg.
    Nous avons eu le souci, parce que nous sommes en charge de la réforme de l'Etat, de donner nous-mêmes l'exemple, et notre budget est marqué par la recherche de la vérité comptable et de l'efficacité. Le Gouvernement ne vous demandera pas de crédits nouveaux pour des opérations qui, soit relèvent d'autres ministères, comme la formation interministérielle à la ville, soit comprennent des reports de crédits inemployés pour des volumes importants. C'est le cas notamment pour la réservation de logements en Ile-de-France et la construction de restaurants interadministratifs. Je crois que nous avons un devoir à l'égard des contribuables et de nos concitoyens, celui de ne pas demander d'impôts supplémentaires par rapport à des reports de crédits qui n'ont pas été utilisés.
    De même, nous nous appliquons à nous-mêmes la réforme de l'Etat, à commencer par la réforme budgétaire.
    Sur un certain nombre de lignes, le ministère de la fonction publique recevra, en 2003, moins de crédits nouveaux qu'en 2002. Cependant, nous pouvons utiliser les reports de crédits non consommés, qui nous procurent à l'arrivée des moyens de travail suffisants et garantis par un véritable contrat d'exécution avec le ministère du budget. Je prendrai l'exemple le plus parlant : le fonds pour la réforme de l'Etat, le FRE, bénéficiera d'un montant garanti de 5,73 millions d'euros, ce qui permettra de porter les crédits utilisables à 20 millions d'euros, soit un volume de crédits réellement consommables supérieur à ceux de 2002. Nous quittons la logique de l'affichage sur la loi de finances pour des contrats d'exécution. Il ne sert à rien de juger un budget sur l'augmentation des crédits demandés en loi de finances, même s'il y a, ensuite, un système de régulation. Nous préférons, au contraire, avoir devant vous un contrat d'objectifs, pour revenir sur la qualité de l'exécution de ceux-ci, et l'évaluation des résultats que nous souhaitons obtenir.
    Je dois également souligner la sensible augmentation des crédits affectés à la relance des prestations de l'action sociale interministérielle, en hausse de 5,5 millions d'euros, ainsi que la croissance de près de 50 % des crédits affectés à l'insertion des handicapés.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La même logique s'applique pour les crédits de l'aménagement du territoire, qui regroupent les moyens de la DATAR et ses crédits d'intervention. Les effectifs de la délégation sont de 123 agents, auxquels s'ajoutent 51 agents mis à disposition par d'autres administrations.
    Je tiens, là aussi, à rendre hommage à la DATAR dont nous fêterons, en 2003, le quarantième anniversaire. Cette institution, voulue par le général de Gaulle, est un des atouts dont nous disposons pour relever le défi de la compétitivité des territoires dans une économie mondialisée. Des critiques avaient été formulées sur son efficacité, le sens de son action, sur sa vision, voire sur l'opportunité de son maintien. Il y avait un divorce entre le rêve - pour certains le cauchemar - et la réalité. Nous avons souhaité recaler les choses en tenant compte de ces critiques.
    Le nouveau délégué, nommé cet été, a reçu du Premier ministre et de moi-même la mission de remettre des propositions pour faire évoluer la DATAR en fonction du nouveau contexte dans lequel elle doit prendre toute sa place. Par ailleurs - et cela vaut pour tous les services qui relèvent de mon autorité - j'ai demandé au délégué comme aux autres directeurs du ministère de veiller en permamence à intégrer un objectif de résultats dans leur gestion.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce n'est qu'en étant rigoureux envers nous-mêmes que nous pourrons être les messagers de la réforme.
    Les moyens consacrés à l'aménagement du territoire comprennent ensuite les sommes du fonds national d'aménagement durable du territoire. Pour ces crédits, comme pour ceux de la prime d'aménagement du territoire, la logique de vérité que j'ai invoquée tout à l'heure trouve à s'appliquer : compte tenu de reports élevés, nous n'avons pas voulu présenter un budget trompeur et faussement brillant en demandant à la représentation nationale de voter des crédits nouveaux qui seraient immédiatement gelés. Pourquoi y a-t-il tant de reports et une telle sous-consommation des crédits ouverts ? Voilà une question à laquelle nous devons trouver une réponse.
    Le contrat d'exécution que nous avons conclu avec le ministre du budget permet de maintenir, en 2003, un niveau de 90 millions d'euros d'exécution sur le titre IV du FNADT, dont 60 millions inscrits en loi de finances initiale. Pour le titre VI, le montant garanti sera de 150 millions de crédits de paiement, contre 133 millions en 2002. La même logique permet de disposer d'un montant garanti de 60 millions de crédits de paiement sur la prime d'aménagement du territoire en 2003, la loi de finances initiale étant de 45 millions.
    En autorisations de programme, la capacité d'intervention de la PAT est inchangée, avec un montant de 67 millions d'euros, malgré un contexte budgétaire rigoureux. Même si je crois qu'une réforme de cet instrument est nécessaire, réforme à laquelle vous serez associés, cela nous permet de maintenir à un bon niveau d'efficacité notre principal outil pour implanter des entreprises au moment où la conjoncture mondiale rend encore plus impérieuse l'exigence de l'efficacité dans l'emploi de nos crédits.
    J'en viens maintenant aux grands axes de la politique que nous avons engagée sur notre champ de compétence. La réforme de l'Etat est évidemment le fil conducteur de notre action. Elle se manifeste, en premier lieu, par une fonction publique attractive, professionnelle et moderne. Nous devons réfléchir à trois objectifs : l'efficacité du service public, la satisfaction de l'usager et l'épanouissement du fonctionnaire.
    S'agissant de l'efficacité du service public, la mise en oeuvre de la loi organique sur les finances publiques introduira dans les administrations une culture du résultat et de la performance. Mon ministère jouera pleinement son rôle dans cette tranformation culturelle. Nous nous appuierons pour cela sur plusieurs instruments et d'abord sur la maîtrise de la gestion des administrations, à commencer par celle de leurs coûts et de leurs moyens.
    La question des effectifs n'est pas un préalable à la réforme de l'Etat. C'est une conséquence de décisions prises, au nom des intérêts de la nation, par le Parlement et le gouvernement, en termes budgétaires et de choix politiques. Je souhaite que s'instaure, dans chaque ministère, un débat annuel sur la question de ses missions et des moyens qui permettront de les remplir, en particulier les moyens en effectifs.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous verrons ainsi émerger de véritables « ministères-employeurs », chaque ministre étant responsable de la définition de ses missions et de la gestion de ses ressources humaines, responsable, au sens fort, de sa gestion, avec, bien évidemment, un dialogue social permettant de tirer le maximum d'efficacité de ses agents.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    M. Richard Mallié. Enfin !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Un préalable nécessaire est d'abord de bien connaître la réalité des effectifs de départ. J'ai réuni, il y a quelques jours, l'Observatoire de l'emploi public, organisme dans lequel siègent notamment des élus et des syndicalistes, pour avancer dans la connaissance plus rigoureuse de la réalité des effectifs. Le rapport établi par l'Observatoire a été adressé au Parlement. Il est à la disposition de tous les députés.
    Pour être clair, je souhaite que les ministres cessent d'être placés dans cette situation absolument incroyable où ils ne connaissent pas le montant exact des moyens et des agents à leur disposition. Je souhaite que nous allions très loin dans l'organigramme de chaque ministère pour savoir ce que font les agents, à qui ils sont affectés, quitte à ce que nous ayons quelquefois une gestion des flux financiers avec la lecture des mises à disposition.
    Nous n'avons rien à craindre de la transparence. Si des agents sont mis au service d'activités syndicales mutuelles ou mis à disposition d'autres ministères, au nom de quoi devrions-nous demander à nos concitoyens d'être transparents tout en cultivant chez nous l'opacité ou l'illisibilité des moyens affectés ? Plus nous aurons de transparence dans l'organisation de nos ministères, plus nous serons à même d'être responsables des décisions politiques que nous devons prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Personne ne doit avoir peur de la transparence. (« Et les emplois fictifs ? » sur les bancs du groupe socialiste.) En tout cas, pas les ministres et pas ce Gouvernement.
    M. Jacques-Alain Bénisti et M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Pour compléter cette connaissance et préparer les débats futurs, le Premier ministre signera prochainement une circulaire demandant aux ministres de remplir des tableaux de bord à intervalles réguliers et de présenter des plans de modernisation de leurs administrations intégrant des réformes de structures.
    Un Etat plus efficace, c'est aussi un Etat plus proche des citoyens et concentré sur ses missions essentielles. C'est toute la démarche de la décentralisation contenue dans la réforme constitutionnelle. Elle permettra de réformer l'Etat, non seulement en le décongestionnant d'un certain nombre de fonctions aujourd'hui inutiles - je m'interroge, par exemple, sur la pertinence de la mobilisation des moyens administratifs de certaines préfectures pour délivrer des autorisations d'installations de coiffeurs - mais aussi en lui faisant obligation de repenser l'organisation de ses services au niveau des régions, des départements et des territoires. A ce sujet, je crois d'ailleurs qu'il serait opportun de faire une expérience dans une région pour tester un système dans lequel le préfet pourrait, avec les élus locaux, réorganiser les services publics en redéployant les fonctionnaires, pour assurer une meilleure capacité d'accueil, tout en ayant derrière une capacité de traitement. Nous voyons bien qu'aujourd'hui la véritable inégalité c'est la différence d'intelligence administrative à la disposition des territoires. Nos concitoyens souhaitent que leurs démarches soient simplifiées - d'où « administration accueil » - et une réponse administrative rapide dans les délais, sécurisée sur le plan juridique et techniquement fiable.
    La décentralisation ne saurait résumer à elle seule la réforme de l'Etat. Elle ne saurait pas non plus être considérée comme l'affaiblissement de l'Etat ou la course aux compétences. Un équilibre doit être trouvé entre l'Etat et les collectivités territoriales. Et je tordrais volontiers le cou à toutes celles et ceux qui considèrent que la décentralisation est le moyen, pour des collectivités locales libres, de danser sur la dépouille de l'Etat ou, pour l'Etat, de se défausser de ses charges sur les pauvres des collectivités territoriales. C'est, au contraire, un équilibre et une coopération équilibrée, performante, entre l'Etat et les collectivités territoriales au service de nos concitoyens. Ce n'est ni un débat entre spécialistes ni un partage entre les élus, les collectivités territoriales et l'Etat. C'est d'abord et avant tout une meilleure réponse en faveur du développement économique et de la cohésion sociale, au service et au profit de nos concitoyens, de nos contribuables et de nos usagers.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Pour ma part, je suis convaincu que le maintien d'une administration de qualité est l'une des garanties de la cohérence des territoires. La République repose sur deux piliers : la liberté et l'égalité. Plus vous donnez de liberté, plus vous fragilisez le principe de l'égalité. Plus vous donnez d'égalité, plus vous fragilisez le principe de la liberté. Et plus on donnera de libertés aux collectivités territoriales, plus sera renforcé le pouvoir de l'Etat d'assurer l'égalité des territoires. Nous souhaitons inscrire dans la Constitution française le principe de la péréquation pour renforcer le principe de l'action de l'Etat : assurer l'égalité et la solidarité entre les hommes et entre les territoires.
    Je voudrais rassurer les fonctionnaires de l'Etat sur la manière dont seront réalisés les transferts de personnels liés à la décentralisation. La décentralisation n'est pas uniquement une étude sur les transferts de compétences ni sur le transfert des pouvoirs et des moyens financiers ; c'est peut-être aussi et surtout les transferts humains. Une bonne politique peut être pertinente dans ses objectifs. Si elle n'est pas mise en application avec efficacité par la fonction publique, elle sera fragilisée. Et l'on voit bien que la façon dont nous assurerons l'accompagnement des mutations de moyens humains par rapport aux transferts de compétences est tout à fait importante.
    J'ai reçu du Premier ministre le mandat d'ouvrir avec les syndicats des fonctionnaires de l'Etat des discussions pour les informer et pour engager avec eux une concertation sur les modalités de ces transferts. Ces discussions auront lieu rapidement et seront relayées au niveau local par des ateliers que conduiront les préfets.
    Dans la même logique, j'ai ouvert le dossier de l'interfonction publique. Je me suis rendu devant le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et devant celui de la fonction publique territoriale. J'aurai l'occasion de me rendre bientôt devant celui de la fonction publique hospitalière. Je souhaite pouvoir aborder rapidement les questions transversales qui se posent à l'ensemble des fonctionnaires, et je réunirai, au début de l'année 2003, une conférence regroupant les trois conseils supérieurs, de façon à pouvoir favoriser la respiration entre les trois fonctions publiques.
    Cette vision d'ensemble a fait trop longtemps défaut. Par-delà les spécificités, il y a un socle commun, qui est cristallisé dans le titre Ier du statut général. Cet aspect est déterminant, car nous serons confrontés à des mouvements importants entre les fonctions publiques. Tout ce qui concourt à leur unité, dans le respect de leurs différences, doit être valorisé, mais tout ce qui est un frein à la mobilité doit être réduit. Car l'on voit bien que, en développant trop les spécificités et en réduisant trop les filières, on détruit la mobilité au moment où le conjoint du fonctionnaire a besoin d'avoir une offre élargie de l'emploi public et au moment où la répartition des politiques publiques, leur mutation, leur évolution nécessitent beaucoup de souplesse dans la gestion de la fonction publique.
    S'agissant des fonctionnaires de l'Etat, j'ouvrirai, d'ici à la fin de ce mois, avec les sept syndicats représentatifs un cycle de discussions sur la gestion des ressources humaines, afin de renforcer l'attractivité de la fonction publique, de la préparer aux changements à venir et de renforcer la motivation des agents.
    Nous sentons bien d'ailleurs qu'au-delà de la discussion sur les effectifs le vrai problème de la fonction publique c'est la capacité qu'elle aura demain de se doter des compétences dont elle aura besoin. Et, quand on voit aujourd'hui que des collectivités locales sont incapables de recruter les compétences nécessaires ou que certaines administrations d'Etat ne peuvent plus recevoir des agents parce qu'ils refusent telle ou telle mutation, nous avons là un vrai problème de l'attractivité des compétences sur les territoires ou dans certaines filières administratives.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La gestion des ressources humaines est un vrai sujet, qui conditionne la capacité demain de maintenir notre niveau et notre intelligence administrative au niveau des défis que nous devons relever.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les négociations porteront sur les modes de recrutement - car on peut se demander s'ils sont toujours adaptés - ; sur la validation des acquis professionnels - pourquoi se priver de personnes ayant des compétences reconnues parce qu'elles ne sortent pas de la filière voulue, alors que, actuellement, leur embauche motive l'intervention du contrôle de légalité ? - ; sur la formation au management pour les cadres, sur les parcours de carrière.
    Nous devons aussi réfléchir aux secondes carrières. A cet égard j'ai tenu à ouvrir un débat sur les fins d'activité. Quand des fonctionnaires souhaitent un départ anticipé, c'est quelquefois parce qu'ils sont fatigués de leur travail administratif. Pourquoi ne pas leur permettre un nouvel épanouissement dans une seconde carrière ? Il est en effet anormal que cette sorte de panne de l'ascenseur social fasse qu'à quarante-cinq ans on soit déjà au bout de sa carrière.
    Nous devons aussi faire en sorte que les promotions soient la sanction d'une compétence et non pas d'une complaisance, peut-être en cherchant comment favoriser chaque promotion par l'émergence d'un concours.
    Quant à la formation, ma conviction est qu'elle n'est pas un coût, mais un investissement. Lorsqu'un employeur public investit dans la formation, c'est pour accroître la compétence de ses fonctionnaires, pour favoriser leur épanouissement, et, bien évidemment, pour augmenter l'efficacité de son service. J'ai donc l'intention de la renforcer, en commençant par la formation initiale dispensée dans les écoles de fonctionnaires, la tradition française reposant sur la notion d'école d'application, que ce soit pour les écoles d'ingénieurs ou pour les fonctionnaires non ingénieurs avec, au premier rang, l'Ecole nationale d'administration. Et il ne m'a pas échappé que vous souhaitiez un débat sur son évolution.
    M. André Chassaigne. Ah ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce système me paraît préférable à une formation de type universitaire, car nous avons besoin de professionnels formés par des praticiens. De même, pour les fonctionnaires, comme pour toute profession, il faut que fonctionne un modèle intégrateur dans lequel l'enseignant est aussi un modèle pour l'élève. Nous voulons donc garder ce système fondé sur le concours républicain, garant de l'égalité des chances.
    En revanche, nous sentons bien qu'il faut faire évoluer le contenu de la formation initiale, brasser les publics, élargir les ouvertures, renforcer la connaissance de l'entreprise, des questions sociales, de la dimension européenne. J'ai demandé à la direction de l'ENA de travailler sur ces sujets qui dépassent largement les clivages partisans.
    Nous devons aussi nous pencher sur la formation continue, qui doit évoluer en parallèle à la formation initiale. Je souhaite la mettre au service du changement et la rendre quasiment obligatoire pour les cadres qui prendront de nouvelles responsabilités dans les trois fonctions publiques.
    S'agissant de la fonction publique territoriale, j'ai formulé, devant le conseil supérieur, plusieurs propositions de nature à assouplir la gestion des collectivités, tout en donnant satisfaction aux personnels. L'exigence d'une professionnalisation renforcée impose que l'on revoie un certain nombre de règles. Il faut ainsi réfléchir à des périodes d'adaptation à l'emploi avant l'occupation de certains postes ou emplois, à la mise en place d'examens nettement plus professionnalisés qu'aujourd'hui, voire à la validation des acquis professionnels, au moins dans certaines spécialités pour faire entrer dans la fonction publique territoriale des agents ayant eu d'autres expériences professionnelles.
    Il convient également de s'interroger sur la barrière de la limite d'âge, car je ne vois pas pourquoi nous resterions dans l'incapacité de recruter des gens de plus de quarante ans s'ils ont les compétences nécessaires pour améliorer l'efficacité de nos services. Les conditions statutaires ne doivent pas s'opposer à la valorisation des services publics.
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Un autre problème me préoccupe : le système actuel de formation initiale n'est pas satisfaisant. Il pénalise les collectivités en phase de recrutement par une absence bien trop longue des agents durant la première année d'accueil en collectivité.

    M. Serge Poignant. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vous propose donc que nous nous orientions vers un schéma dans lequel le candidat ayant réussi son concours deviendrait un stagiaire-élève, pour une période de formation aux fondamentaux de son cadre d'emploi pendant une période de huit à dix semaines, dont il conviendra de définir les modalités. L'agent stagiaire ne pourra quitter sa collectivité d'accueil avant une période - trois ans, par exemple - que nous fixerons par décret, comme la loi du 12 juillet 1984 relative à la formation nous y autorise.
    Si le fonctionnaire souhaitait quitter la collectivité avant le terme de cette période, il serait logique que la nouvelle collectivité locale employeur verse une indemnité à la collectivité locale qui a assumé le coût de la formation. Je ne vois pas pourquoi certains subiraient le coût de la formation pour que d'autres en profitent.
    Mme Henriette Martinez. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Nous sommes d'accord !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il nous faut aussi revoir et les mécanismes de formation à l'emploi et les procédures de détachement de cadre d'emploi à cadre d'emploi, ou mettre en place ce que j'appellerais un « véhicule statutaire », permettant de réaliser une véritable mobilité. On voit bien aujourd'hui que l'un des freins à la mobilité est le risque de perdre des avantages liés au statut. Nous devrions faire en sorte que le « véhicule statutaire » permette à un fonctionnaire de venir avec son « paquetage » de statut pour aller vers un autre statut, même si celui-ci présente moins d'avantages.
    J'ai conscience aussi qu'il sera nécessaire de revisiter le dispositif des seuils et des quotas.
    Par ailleurs je souhaite revoir l'organisation de la gestion et réfléchir à un dispositif de regroupement volontaire des centres de gestion. Je remercie d'ailleurs M. Bénisti, le président du centre de gestion, d'avoir formulé cette proposition que nous avons reprise à notre compte et que nous avons présentée au conseil supérieur de la fonction publique territoriale et aux conseils régionaux d'orientation du CNFPT. En effet, une mise à plat s'impose et, tout comme l'Etat doit se poser la question du bon niveau d'administration, les instances de la fonction publique territoriale doivent se déterminer sur le niveau pertinent d'exercice des compétences : il faut que les structures s'adaptent aux problèmes et non pas chercher à adapter les problèmes aux structures !
    M. Richard Mallié et M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Pour conclure sur la fonction publique et sur la réforme de l'Etat, je veux évoquer le sujet particulièrement sensible des retraites.
    Le Gouvernement a décidé d'ouvrir ce dossier au début de l'année prochaine. Comme l'a souligné le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, il faut avancer pour sauver nos régime de retraites menacés par les évolutions démographiques, en ayant en tête trois objectifs : l'équité entre les régimes, la solidarité entre les générations, la liberté du choix de la date de départ. De nombreux fonctionnaires m'écrivent pour me demander pourquoi ils sont obligés de quitter leur administration, alors qu'ils souhaiterait prolonger leur activité dans leur service public pendant quelques années afin, pour des raisons personnelles, de poursuivre leur carrière dans la fonction publique. Or nous sommes obligés de restreindre leur liberté de choix ce qui ne me paraît pas tout à fait cohérent.
    C'est dans la ligne de ces objectifs que, une fois engagé le débat interprofessionnel que le Premier ministre a demandé à M. le ministre des affaires sociales, d'établir, je conduirai en parallèle, dans le cadre approprié, des discussions avec les syndicats de la fonction publique, dans le respect de la spécificité de cette dernière.
    Laissant à Henri Plagnol le soin de présenter les mesures de simplification administrative qu'il prépare, j'en viens aux grandes lignes de notre politique d'aménagement du territoire.
    En la matière, nous avons fixé trois objectifs : développer l'attractivité des territoires, anticiper et accompagner leurs mutations, développer la solidarité entre eux. Nous souhaitons surtout remettre l'aménagement du territoire sur les rails du réalisme et sortir des débats idéologiques dans lesquels il s'est enlisé.
    Il convient aussi de mettre fin à l'affrontement stérile entre ville et campagne, et de remettre à l'honneur la notion de projet véritable. Parce que nous devons non seulement gérer nos territoires, mais aussi les développer, la culture de projet doit être soutenue, accompagnée et développée.
    Pour cela, nous nous sommes d'abord attelés à faire fonctionner un mécanisme qui semblait aller de soi, mais qui, paradoxalement, était en panne. Je fais, évidemment, allusion aux fonds structurels européens, que beaucoup d'entre vous ont évoqués ce matin. En effet la France était menacée de devoir rendre des sommes importantes à la Commission, par l'application de la règle du « dégagement d'office » : si nous ne présentions pas des réalisations effectuées et payées, la Commission européenne allait retenir les crédits destinés à la France pour les financer et ils seraient perdus définitivement.
    Je vous rappelle que nous avons déjà, par le passé, perdu beaucoup de crédits européens, notamment sur les fonds sociaux européens. Cela signifie que, au moment où nous connaissions des drames sociaux, des crédits qui étaient mis à la disposition de la France n'ont pas été utilisés ! Il semble qu'en France nous ayons le curieux génie d'ajouter des contraintes aux contraintes. En l'occurrence nous avons ajouté aux contraintes européennes nos propres contraintes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour éviter cela nous avons, le 31 juillet, informé les préfets de région que certaines décisions allaient être prises. Ainsi, dès le début de l'année prochaine, les crédits nécessaires seront délégués aux préfets de région, et nous pourrons soutenir les intéressés à chacune des trois étapes d'un projet : sa constitution, la présentation du dossier et le contrôle de l'exécution des paiements, alors que, jusqu'à présent, l'administration française, si elle porte une grande attention à la qualité de la constitution d'un projet et à l'exécution des paiements, laisse presque toujours orphelins ceux qui les portent et doivent parfois suivre de véritables parcours du combattant pour les faire aboutir. Ils dépensent ainsi davantage d'énergie dans les procédures que pour assurer la qualité des projets !
    Pour inverser la tendance nous avons mis en place au niveau de la DATAR et des SGAR, une force d'intelligence et d'ingénierie à la disposition des porteurs de projets. Tous les mois, nous réunissons les SGAR pour suivre l'avancement des programmations et des exécutions. Nous avons donc au sein de la DATAR et de mon ministère, les moyens d'être à votre écoute, de vous aider à surmonter les difficultés et à débloquer les projets. Priorité sera toujours donnée aux projets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Nous devons mettre en place un état partenaire, accompagnateur des projets. Il est en effet insupportable que, au moment ou la compétitivité des territoires doit être assurée, nos complexités administratives nous empêchent de consommer ces crédits des fonds structurels alors que des projets existent.
    Nous ferons donc tout pour libérer vos initiatives et vous accompagner. Le ministère, la DATAR et les SGAR sont à votre disposition.
    M. Jean-Jacques Descamps. Il faudrait aussi changer les préfets !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce n'est pas un problème d'hommes, c'est un problème de méthode, de structures. Vous aurez beau prendre les meilleurs pilotes de Formule 1, ils n'avanceront pas si les moteurs de leurs voitures sont bridés et si les freins sont bloqués. Nous allons desserrer les freins en espérant trouver, dans nos territoires, de plus en plus de Schumacher ! (Sourires.)
    M. Pierre Cohen. Quelle métaphore ! Quel talent ! (Sourires.)
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La même démarche a été appliquée par la téléphonie mobile. Le précédent gouvernement, à l'occasion du CIADT de juillet 2001 et dans les mois qui ont suivi, après avoir affiché un plan de couverture des zones délaissées par les opérateurs, en avait limité la portée géographique, sans avoir ni obtenu les assurances que ce dispositif serait juridiquement fiable - il ne l'était pas - ni garanti la présence effective des services des trois opérateurs sur ces zones.
    A ce stade de la discussion, je veux faire le point des enseignements que nous pouvons tirer de ce CIADT car il est bon de faire un rapide historique.
    A l'époque un accord avait été conclu : 500 millions pour l'Etat, 500 millions pour les collectivités locales, 500 millions pour les opérateurs. A la suite de la crise sur les licences UMTS, le gouvernement précédent, ayant moins de ressources, a demandé aux opérateurs de payer à la place de l'Etat. En échange, et contrairement à ce qu'a dit M. Launay ce matin, il a accepté que, sur certains territoires, il n'y ait que deux opérateurs...
    M. Alain Cousin. Absolument !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et même un seul pour 25 % des espaces concernés.
    M. Hervé Novelli. Scandaleux !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est-à-dire que les opérateurs - et je les comprends tout à fait - ont estimé que, à partir du moment où ils payaient, ils pouvaient exiger le monopole sur certains territoires.
    Cela démontre que, chaque fois que vous freinez la concurrence, vous fragilisez la dynamique de développement des services dans un territoire donné.
    M. Pierre Cohen. Vous allez payer !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je veux donc bien qu'il y ait débat, mais il doit être fondé sur les résultats du CIADT de juillet 2001 et sur les modifications intervenues en septembre 2001. Or, au mois de novembre, il y avait un seul poteau en Ardèche et rien n'était arrêté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Cousin. Lamentable !
    M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, vous nous l'avez déjà dit trois fois !
    M. Yves Deniaud. C'était du pipeau, du vent !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dès le 24 septembre dernier, nous avons pu passer un accord avec les trois opérateurs et l'ART pour réintroduire le principe d'itinérance locale, écarté malgré le CIADT 2001 parce que les opérateurs, qui devaient payer, avaient réussi à imposer la mutualisation. Or, si avec l'itinérance locale vous pouvez avoir trois opérateurs sur le même poteau, dans un système de mutualisation, vous ne pouvez en avoir qu'un en fonction de ce qu'il paye.
    M. Bernard Derosier. Combien de poteaux aujourd'hui ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le principe de l'itinérance locale a donc été réintroduit dans l'accord passé avec les trois opérateurs.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est fondamental !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons fait en sorte que l'Etat et les collectivités locales financent à hauteur de 90 millions d'euros, c'est-à-dire moins que ce qui avait été décidé par le CIADT de juillet 2001. Pas plus tard qu'hier, nous avons réuni à la DATAR un comité de pilotage rassemblant des représentants des associations d'élus, l'ART, avec des représentants territoriaux. En accord avec les opérateurs, nous avons décidé que le CIADT de fin d'année procéderait à la répartition des enveloppes par région. Il sera ensuite possible d'engager l'action avec les acteurs locaux, dans les six mois suivants, en établissant une première liste de 238 poteaux. Nous poursuivrons ensuite l'objectif fixé par le CIADT de 2001 : l'équipement des 1 638 dernières communes.
    La mécanique est donc en marche. Les opérateurs se sont engagés, et nous avons la perspective d'aller au-delà. Nous avons déjà contacté la Commission européenne pour voir dans quelle mesure, en modifiant les DOCUP, nous pourrions mobiliser les fonds européens.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Certes, je ne veux pas polémiquer, d'autant que les politiques que vous avez menées en la matière comportaient de bons éléments. En revanche, nous devons corriger les dispositions qui n'étaient pas bonnes. C'est exactement ce que nous avons décidé de faire. Je vous rappelle d'ailleurs que nous sommes arrivés au gouvernement en mai dernier, que nous avons pris des dispositions en juillet, soit deux mois plus tard, et que nous allons régler à la fin de l'année un problème qui ne l'a pas été pendant deux ans. Ce n'est pas une critique. Nous assumons simplement notre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Sur ce premier volet de la politique d'aménagement numérique des territoires, nous avons aussi introduit le chantier du déploiement des réseaux de communication à haut débit. J'ai souvent été saisi de ce sujet par le président de votre délégation à l'aménagement du territoire, le député Nicolas Forissier, et par Patrice Martin-Lalande, qui a participé d'ailleurs hier à la réunion du comité de pilotage dont je viens de parler. Nous avons donc décidé de réfléchir, avec les différents opérateurs, sur cet enjeu fondamental de l'attractivité.
    Là encore, nous souhaitons accompagner les collectivités locales. Malheureusement, l'article L. 15-11-6 n'a toujours pas été modifié et l'on voit bien que l'incertitude juridique par rapport au contrôle de légalité rend fragile un certain nombre de décisions, quand elles ne sont pas impossibles à prendre. Nous les accompagnerons donc en leur donnant les moyens juridiques de l'initiative, en veillant à la cohérence des interventions, au développement de la concurrence et à l'accès au financement européen du FEDER en sus des fonds mobilisés par la Caisse des dépôts. Nous voulons tout simplement, sans vouloir donner de leçon à quiconque, avancer avec pragmatisme, efficacité, sens du terrain, en partenariat efficace avec les collectivités territoriales.
    J'y ajoute le souci du long terme en mariant le réalisme et le respect de la parole donnée.
    Dans le cas des contrats de plan Etat-région, nous nous orientons vers la révision à mi-parcours, au 31 décembre 2003, à budget constant, comme cela a été prévu. Cela étant, je ne peux que m'étonner de la technique qui consiste à inscrire dans des contrats de plan Etat-région des dossiers dont on sait pertinemment qu'ils ne seront pas réalisés à la fin du contrat, tout simplement parce qu'ils nécessitent trois ou quatre ans d'étude plus deux ou trois ans de procédure.
    M. Serge Poignant. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vouloir faire de l'affichage pour se faire plaisir et avoir un taux de réalisation à zéro à la fin du contrat de plan, c'est mobiliser inutilement des fonds tant au niveau des collectivités locales qu'au niveau de l'Etat,...
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est du gâchis !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... ce qui n'est pas normal par rapport au contribuable, et aux usagers auxquels nous donnons de fausses illusions.
    M. Alain Cousin. C'est de l'escroquerie intellectuelle !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le contexte politique exige que nous ayons le courage de la vérité, de la transparence. Quand on ne peut pas, il vaut mieux le dire au lieu de faire croire que l'on pourra et de laisser aux autres le soin de faire sortir les gens des impasses dans lesquelles on les a menés.
    Nous devons réviser les contrats de plan Etat-région avec pragmatisme pour y faire figurer une estimation réaliste de la réalisation des dossiers. Certes il est toujours possible de ne prévoir que le financement des études nécessaires pour concevoir la réalisation d'un projet, mais il convient aussi de réfléchir à l'effet de levier que peut jouer l'appoint d'argent public pour le développement des territoires au lieu de se limiter à un saupoudrage qui, s'il peut satisfaire des visions électoralistes est rarement conforme à l'intérêt général. En effet, nous devons, les uns et les autres, être porteurs de l'intérêt général et non pas d'intérêts particuliers.
    M. Nicolas Forissier. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dans cet esprit, la DATAR a été chargée par le Premier ministre, de conduire une étude sur les infrustructures de transport dans le futur. Elle donnera lieu, l'an prochain, à un débat devant le Parlement. Cette démarche est extrêmement importante à l'inverse de ce qui a été fait dans les contrats de plan. Nous y avons vu des affichages tous azimuts mais l'addition des sommes à consacrer pour satisfaire toutes les promesses prodiguées, montrait qu'il aurait fallu cinquante ou soixante ans pour les réaliser !
    Or, dans une économie mondiale où la répartition des lieux de production, de transformation et de consommation va complétement changer, surtout avec le développement du continent chinois, où les capacités de transport dans le monde entier vont augmenter de 20 ou 30 %, la gestion de l'économie et de la logistique est un atout d'attractivité et de développement d'un territoire.
    Or la France est le seul pays européen à disposer d'un tel espace et nous sentons bien que, même chez nous, le risque est réel d'une thrombose de la croissance économique liée à un manque de compétences de la main-d'oeuvre qualifiée, mais peut-être et surtout à notre incapacité à gérer les flux des marchandises, des hommes et de l'intelligence.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Excellent !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Plusieurs pays européens voient d'ores et déjà leur croissance se ralentir, tout simplement parce que leurs réseaux autoroutiers et routiers ne sont plus capables d'absorber les flux des camions et de marchandises.
    C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a confié à la DATAR, à l'inspection des finances et à l'inspection des transports une étude sur l'offre d'infrastructures afin de mettre la France en position de leadership dans cette économie de logistique et à la décliner en cohérence au niveau des infrastructures régionales.
    Nous aurons bien évidemment à réfléchir aux relais locaux de la DATAR tout en renforçant son unité prospective comme l'accompagnement des synergies locales. Plusieurs partenariats ont déjà été mis en place avec les régions. Nous devons aller encore un peu plus loin dans l'amélioration de notre système.
    Un premier effort a déjà porté sur la rénovation du dispositif national d'attraction des investisseurs étrangers, basé sur une agence nationale, l'AFII, et un réseau de correspondants territoriaux régionaux. Dans un contexte économique difficile cet effort doit être maintenu et poursuivi. L'AFII - au demeurant, exemple de réforme des services de l'Etat, puisqu'elle résulte de la concentration de deux services - doit faire preuve de son efficacité. De même, il importera que les commissariats au développement économique, à ce jour présents dans dix-huit régions, dont quinze entièrement couvertes, adaptent leur présence et leur action aux évolutions de compétences en matière économique.
    Faire disparaître un outil de cohésion nationale au moment même où nous décentralisons serait donner une formidable prime à l'accélération des inégalités entre les régions - dans la mesure où, bien évidemment, les régions les plus riches auront les moyens d'attractivité les plus importants -,...
    M. Alain Cousin. Exactement !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... alors même que l'AFII peut, grâce à son rôle de prospection à l'étranger, attirer des PME-PMI et même de très grandes entreprises capables, en s'implantant dans nos territoires, de rééquilibrer certaines inégalités de développement. La disparition de cet outil de dimension centrale serait à cet égard lourde de conséquences.
    M. Nicolas Forissier. C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous devons certes chercher à rationaliser les moyens, mais certainement pas supprimer ceux qui sont efficaces et qui participent à la défense de principes auxquels nous sommes les uns et les autres attachés.
    M. Alain Cousin. Enfin un excellent discours !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. De même, il faudra ouvrir sous peu le dossier de l'avenir des fonds structurels et des outils d'intervention après 2006. Au-delà de l'intérêt que vous ressentez pour les territoires, comment imaginer un seul instant, au moment où nos partenaires s'interrogent sur l'après-2006, où l'introduction de nouveaux pays dans la communauté européenne privera la France métropolitaine de l'accès aux actuels fonds structurels, que nous puissions réclamer auprès des instances européennes de nouveaux crédits au titre de la poursuite de la politique de cohésion structurelle et territoriale si nous sommes incapables de consommer les crédits alloués pour la période 2000-2006 ? Nul doute que nos partenaires y seront très vigilants et que la réponse tombera d'elle-même : « Messieurs, commencez par consommer les crédits qui étaient à votre disposition, et si vous ne les avez pas consommés, c'est que nous n'étiez pas à même de mettre en place des politiques de cohésion territoriale ! » Il nous faut donc impérativement, dans l'intérêt même de nos territoires, consommer les crédits 2000-2006. Nous déposerons d'ici à la fin de l'année un mémorandum pour préciser la position de la France sur les fonds structurels après 2006.
    M. Alain Cousin. C'est le bon sens !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous y travaillons actuellement avec le commissaire européen Michel Barnier.
    Dans l'immédiat, il nous faut appuyer la mutation des territoires. Même s'il n'est pas toujours facile d'anticiper dans une économie en pleine évolution, en plein bouleversement, sans oublier les effets - je ne fais ici le procès de personne - de certaines mécaniques redoutables comme les 35 heures qui ont surenchéri le coût du travail, chacun sait que les entreprises ont besoin d'augmenter la productivité par emploi, et se retrouvent de ce fait contraintes à un arbitrage entre la machine et l'homme. La conséquence en est l'aggravation du niveau de chômage, mais surtout l'élévation du niveau de qualification professionnelle et la délocalisation de bon nombre d'entreprises, condamnant à l'exclusion tous ceux qui n'ont pas un niveau de formation professionnelle suffisant.
    M. Richard Mallié. Exactement !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'analyse des mutations des territoires nous évitera de nous retrouver à devoir gérer des crises dans l'urgence et à les traiter moins bien que ni nous avons anticipé et préparé l'accompagnement des territoires afin qu'ils créent plus de richesse, à plus de valeur ajoutée. On ne peut qu'être inquiet en voyant apparaître sur la carte de la France des territoires qui ont désormais plus de transferts que de création de richesse et deviennent de ce fait totalement dépendants de la solidarité nationale, ce qui fragilise d'autant leur avenir.
    Nous aurons bien évidemment à réfléchir sur les politiques portant sur les parties particulières du territoire. Dans le cas de la montagne, une étape importante sera franchie le 13 novembre avec l'installation du Conseil national de la montagne...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien ! Nous l'attendions avec impatience !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... qui n'a pas été réuni depuis plus d'un an. Et j'en attends un échange riche, constructif autour de l'évaluation des dispositifs existants, et des propositions pour l'avenir. Là encore, la culture du projet doit l'emporter sur celle des subventions et nous avons très clairement pris position si les commissariats de massifs ont vocation à être porteurs d'un projet global, l'exécution doit être assurée par les outils régionaux et départementaux concernés. Ne confondons pas ceux qui ont vocation à élaborer un projet et ceux qui ont vocation à le mettre en exécution.
    J'ai de même procédé récemment au renouvellement de la commission « littoral » du Conseil national de l'aménagement du territoire, qui doit me remettre un Livre blanc faisant le point des mesures décidées en 2001 ainsi que des propositions en faveur de cet atout que représente le littoral pour notre pays dans une Europe élargie.
    Dans le cadre de l'aménagement rural, mon ministère est associé à l'action conduite par mon collègue Hervé Gaymard. J'ai indiqué tout à l'heure que je voulais dépasser l'opposition entre ville et campagne et passer à une logique de complémentarité, de développement partagé, une logique de territoire. Nous serons très attentifs à tout ce qui touche à l'attractivité des territoires ruraux et à la présence des services publics. Ces aspects seront bientôt repris dans un texte de loi que nous préparons, de concert avec Hervé Gaymard, sur le développement rural et qui comprendra un volet montagne.
    Plus généralement, nous nous sommes investis dans la politique du développement durable. Sur ce point, je voudrais lever l'inquiétude exprimée par M. Braouezec. Bien évidemment, on ne saurait concevoir l'engagement sur le plan international du Président de la République en faveur du développement durable, notamment à Johannesburg, sans y intégrer la problématique du développement de nos territoires. La fragilisation du secteur économique et du développement conduit bien évidemment à la fragilisation du tissu social, mais également de nos ressources environnementales. De même, on voit bien dans certains territoires les effets pervers du développement de la production agricole, notamment sur le plan de la gestion des ressources en eau. Certaines activités industrielles également sont mises en difficulté du fait du non-respect des contraintes environnementales. Le respect de l'environnement, la conciliation de l'économie et du social, de l'économie et de l'environnement apparaissent donc comme autant de clés majeures de la sécurisation des tissus économiques.
    J'ai ainsi demandé à la DATAR d'inclure, notamment dans son étude sur les transports, une réflexion sur les aspects environnementaux. Il appartiendra à la représentation nationale de choisir entre plusieurs scénarios en matière de transport, en prenant en compte, avec plus ou moins de pondération, des paramètres tels que les émissions de CO2, la sécurité, la rapidité, en d'autres termes d'intégrer les aspects environnementaux dans le choix entre les divers modes de transport.
    Le même état d'esprit doit animer les différents exercices contractuels et les schémas en cours d'élaboration.
    Enfin, il va de soi que nous sommes très engagés dans le grand mouvement de la décentralisation, qui intègre dans la Constitution la notion de solidarité des territoires. Nous sommes associés aux réflexions sur les transferts de compétences. La DATAR sera un des pilotes des expérimentations. Nous le ferons avec pragmatisme et dans le respect du dialogue avec les élus et les organisations syndicales. Nous sommes aussi partie prenante au grand chantier de la remise en cohérence des lois sur l'intercommunalité, sur l'aménagement et le développement durable du territoire, et de la loi dite SRU.
    Nous n'avons pas vocation à systématiquement critiquer ce qu'a fait le précédent gouvernement et à tomber dans une logique que je trouve totalement absurde. Appartenir à un camp politique ne doit pas conduire à croire que l'intelligence n'est pas partagée par les autres. Je crois qu'elle est partagée entre tous.
    M. Jean Launay. Ça fait du bien d'entendre cela !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons tous intérêt, les uns comme les autres, à faire taire notre orgueil et à privilégier une approche de modestie. Enrichissons-nous de nos différences au lieu d'élever entre nous des barrières d'intolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française). Nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens d'apprendre à vivre ensemble, et, sur le plan parlementaire, de rejeter le vivre-ensemble.
    M. François Sauvadet. On a du mal, parfois !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce n'est pas parce qu'une idée est de notre camp qu'elle est forcément bonne. Mais encore faut-il savoir regarder lucidement ! Défendre à tout crin les décisions prises durant la période précédente est le gage d'une fidélité politique à laquelle je rends hommage, mais cela risque de conduire à faire abstraction de tout réalisme ou pragmatisme. Regardons d'abord ce qui se passe sur le terrain.
    M. Nicolas Forissier. C'était destiné à vous faire évoluer, messieurs...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Comment imaginer un seul instant, vous qui êtes très proches des élus locaux, que vous n'entendiez pas l'exaspération, l'inquiétude des élus locaux qui n'y comprennent plus rien sur les SCOT ou sur la loi SRU ?
    M. Pierre Cohen. De moins en moins... En fait, ils comprennent de mieux en mieux !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons tous très clairement indiqué que le pays devait être un espace de projet...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Exactement !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et qu'il fallait respecter la volonté des communes et des élus locaux de réussir une ambition collective. Mais, puisque nous sommes d'accord sur ce principe, comment pouvez-vous, au moment où l'économie exige que les délais entre la prise de décision politique et l'action politique soient réduits au minimum, imposer à ces élus locaux des contraintes de procédure telles qu'ils sont contraints à passer deux ans à réfléchir sur l'opportunité d'un périmètre d'étude au lieu de s'investir dans d'autres projets ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est cela qui bloque le système.
    M. Jean Launay. C'est l'Etat local qui relaie mal !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est tout ce carcan de procédure que nous souhaitons faire totalement sauter - ceux qui veulent un pays le font, ceux qui n'en veulent pas ne le font pas,...
    M. Pierre Cohen. Et les élus régionaux, qu'est-ce qu'ils disent là-dedans ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ... tout en accompagnant les projets pertinents grâce à la mobilisation des crédits régionaux, européens et nationaux, et surtout sans en faire un enjeu de pouvoir, mais un enjeu de projet. Sinon, les conseils régionaux, l'Etat et les départements chercheront inévitablement à les instrumentaliser, précisément à des fins de pouvoir. Les hommes se divisent sur des ambitions, ils se rassemblent sur des projets !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin un ministre qui nous a compris !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous devons mettre fin à tout ce qui conduit, par intelligence politique ou administrative, à monter sans arrêt des usines à gaz, tout ce qui nous condamne à perdre de plus en plus de temps dans des réunions qui n'aboutissent qu'à des non-décisions.
    M. Jean Lassalle. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous devons mettre la priorité de notre réflexion sur l'action...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le temps de l'action est venu !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et non sur les procédures et la réunionnite.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce balayage s'impose à tous. Cessons de confondre le respect de la démocratie et la participation de tout un chacun, qui aboutit à la neutralisation de la décision par la multiplication des lieux de pouvoir - lesquels, en fin de compte, deviennent des lieux de non-pouvoir.
    M. Richard Mallié et M. Jean Lassalle. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Et la concertation ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La même démarche prévaudra pour le maintien des services publics. Je souhaite promouvoir le développement d'offres de services publics territorialisées, qui soient adaptées aux besoins du terrain et qui garantissent l'efficacité de l'action publique. Nous devons réfléchir à l'utilisation des nouvelles technologies qui permettraient, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, de déconnecter l'organisation politique de l'organisation administrative. Nos concitoyens attendent que l'on simplifie les démarches, et surtout qu'on les traite d'une façon rapide, sécurisée et fiable.
    Il me paraît tout à fait possible de mettre parallèlement en place - pardonnez-moi cette expression anglaise, mais je n'ai pas d'autre mot - une administration front office, sous la forme de guichets d'accueil proches du terrain, et une réorganisation de pôles de compétences back office, capables d'apporter cette indispensable intelligence administrative qui fait souvent défaut dans nos territoires et crée des inégalités entre eux. On voit bien que nos communes rurales manquent d'une intelligence administrative. Une mutualisation des moyens, pas nécessairement territorialisée, permettrait d'assurer la proximité nécessaire pour soutenir la réflexion sur vos projets comme l'application de votre politique, de renforcer votre capacité administrative et de garantir l'égalité sur l'ensemble du territoire - égalité du citoyen devant l'administration, égalité des élus locaux en termes de capacité de décision.
    Ce serait, autrement dit, une première approche de péréquation au profit de tous alors que, jusqu'à présent, l'intelligence administrative était affaire de « masse critique » et ne pouvait se concevoir que dans un cadre dimensionnel suffisamment vaste, et particulièrement en zone urbaine. Car nous sommes également extrêmement attentifs aux politiques de péréquation, sachant que celle-ci n'est pas uniquement financière.
    Cette question de la péréquation pourrait du reste donner lieu à débat, du fait de l'apparition de phénomènes nouveaux et contradictoires : ainsi, au niveau européen, l'écart de PIB entre les pays se réduit alors qu'il s'accroit entre les régions d'un même pays ; on constate également que si les disparités de revenus ont tendance à diminuer, elles ont tendance à s'aggraver en termes de richesse. Il se produit en effet un phénomène de ségrégation paradoxal et parfois dramatique : le développement de la classe moyenne et de l'emploi féminin, dont je me réjouis, a peu à peu conduit bon nombre de ses composants à quitter des zones urbaines qu'ils jugeaient inconfortables pour aller vivre à la campagne. De ce fait, alors que les inégalités de revenus paraissaient, au niveau de l'ensemble du territoire national, s'atténuer, on a vu se développer des inégalités de proximité : entre quartiers dans la même ville, entre communes dans le même canton. D'où la nécessité de réfléchir non seulement à une préréquation nationale, mais aussi à une péréquation de proximité, qui devra probablement être assurée par les intercommunalités, peut-être par les pays, peut être par les départements, peut-être par les régions ; en tout cas, la responsabilité de l'Etat ne peut être la seule engagée dans cette affaire. Nous devons nous y pencher et assumer chacun nos propres responsabilités. Et en tant qu'élus locaux, nous ne pouvons tout à la fois prôner le principe de la péréquation et contester dans son application sitôt qu'il nous est défavorable.
    Dans cette période de pleine mutation économique et sociétale, marquée par l'accélération des progrès de la science, nous devons concilier le développement et la gestion des territoires, la liberté et l'égalité entre ceux-ci, la création de richesses et la solidarité, l'unité et la diversité. Autant de contradictions qui, si elles viennent à s'exacerber, conduisent à une neutralisation de l'action et à l'immobilisme, au détriment de la France.
    Si, à l'inverse, nous arrivons à mettre en synergie nos différences, nos intelligences, si nous parvenons à concilier un secteur public performant partenaire d'un secteur économique privé tout aussi performant, nous verrons nos débats devenir plus responsables, nos habitants plus citoyens, et moins usagers. Chacun pourra dès lors participer au développement des énergies territoriales, clef de la réussite de notre pays.
    J'aimerais répondre maintenant aux rapporteurs, dont chacun s'est exprimé avec talent, avec passion...
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est à voir !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... sur un sujet qui, bien évidemment, nous concerne dans notre quotidien.
    J'ai apprécié, sans pour autant m'en étonner, la qualité de l'intervention de Georges Tron qui a mis en avant plusieurs principes auxquels nous sommes attachés, notamment la sincérité budgétaire. Je l'en remercie. Nous comptons beaucoup sur la représentation parlementaire pour nous accompagner dans la réflexion sur la sincérité budgétaire, sur la pertinence des moyens que nous demandons, sur l'exigence morale dont nous devons faire preuve vis-à-vis de nos concitoyens, qui sont aussi nos contribuables.
    Je suis d'accord avec les propositions relatives à l'individualisation de l'aide sociale. C'est là un chantier que nous devons ouvrir. L'aide au logement en particulier doit pouvoir être améliorée.
    De nombreux territoires, aussi agréables soient-ils, ne sont plus attractifs pour les fonctionnaires, du fait du coût du logement, tant et si bien qu'une mutation peut se traduire par une perte de pouvoir d'achat.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. C'est le cas de PACA !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La région PACA et la ville d'Annecy en sont deux exemples. Même chose pour les tickets-restaurants ou la construction de restaurants administratifs. Ce n'est pas parce qu'une politique existe qu'elle ne peut pas être remise en cause si l'on trouve un moyen d'être plus intelligent et plus performant.
    Sur l'aide au logement, vous avez mille fois raison. Vous nous avez interrogé sur la réimplantation administrative et sur le fonds qui la finance. Vous n'êtes pas sans savoir que ce fonds se réalimente lui-même ; pour 2003, compte tenu du faible nombre de demandes, son montant est suffisant. Mais je suis prêt à examiner avec vous les délocalisations ou les relocalisations possibles. Vous avez en tout cas soulevé une question très pertinente et nous devons nous y pencher.
    Vous avez insisté sur la nécessité de l'évaluation des bonnes pratiques de la décentralisation. Je partage totalement votre point de vue. Nous disposons d'un observatoire de l'emploi public et de la gestion prévisionnelle des effectifs. Le directeur général de la fonction publique et moi-même veillerons attentivement à ce que tout transfert de compétences s'accompagne d'un transfert de moyens et ne se traduise pas par un accroissement de la fonction publique territoriale sans une élimination correspondante de la fonction publique de l'Etat. Et je ne crois pas que nous ayons à nous inquiéter de la capacité de l'administration centrale à résister à de tels transferts de ses compétences au profit de collectivités territoriales : une administration qui n'a plus d'objectifs de mission doit ou bien s'adapter à d'autres missions ou bien réduire ses effectifs. La décentralisation ne saurait se traduire par une augmentation des coûts de fonctionnement.
    L'avenir de notre pays passera par notre capacité à développer notre investissement public sur les infrastructures, sur la recherche. Tout système qui favorise le développement du fonctionnement est suicidaire et compromet l'avenir de notre pays. Nous devons donc être extrêmement vigilants quant aux moyens de favoriser cette mutation. Il n'est en tout cas pas question de faire preuve de laxisme en la matière ; l'observation des mouvements engendrés par la décentralisation est à cet égard extrêmement importante.
    Vous souhaitez introduire la notion d'usager. Je partage totalement votre point de vue. Nous devons non seulement satisfaire l'usager, mais aussi réveiller le citoyen. Et cela pose la question de la défense du service public. Nous devons prendre en compte le fait que nos concitoyens ne regardent plus le service public en tant que citoyens, mais en tant qu'usagers. Ce n'est plus l'école de la République, garante de l'égalité des chances ; c'est la bonne ou la mauvaise école. La preuve en est que ceux-là mêmes qui prônent et défendent la laïcité n'hésitent plus à mettre leurs enfants dans des écoles privées, parce qu'ils estiment, en tant que parents, qu'elles sont plus efficaces que l'école de la République.
    M. André Chassaigne. M. Ferry, par exemple !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons donc à réfléchir à l'efficacité du service public, porteur des valeurs de la République, et à faire en sorte que l'usager en soit satisfait. La légitimité de l'action de l'Etat est toujours contestée lorsqu'elle n'est pas efficace et c'est un risque pour notre République.
    Vous avez parlé de la loi d'orientation pour la ville. Nous comptons beaucoup sur les parlementaires et je suis ravi de la sévérité, de l'exigence dont vous faites montre dans l'analyse des crédits des ministères. Il faut que nous ayons cette culture du rôle du Parlement, pour susciter tous les débats utiles, sans interdit ; les ministres doivent s'y prêter, discuter et répondre. Je suis pour ma part ravi de cet exercice de démocratie parlementaire dont la LOV nous donne l'occasion.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. On m'indique que je suis trop long ! Puisque la loi parlementaire m'oblige à réduire mon intervention, je répondrai tout de suite à Bernard Derosier qui, m'a-t-il semblé, exprimait devantage une vision personnelle que l'avis de la commission des lois.
    M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour la fonction publique. Vous avez bien compris !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il a donc exprimé ses inquiétudes sur la situation des effectifs - mais j'ai déjà répondu à ce sujet - et sur l'évolution des salaires. Sans doute sait-il que le dernier accord salarial remonte à 1998. A notre grande surprise, nous avons constaté en arrivant qu'il n'y avait pas de concertation. Nous avons renoué le dialogue, ce qui ne veut pas dire que nous arriverons forcément à un accord. Nous avons, pour notre part, très clairement indiqué que nous allions rouvrir les négociations sur les salaires, ainsi que sur les retraites début 2003. Une décision sera prise en juin.
    Monsieur Derosier, vous en avez parlé, on débat du fait que les fonctionnaires seraient mieux payés que les salariés du secteur privé. M. Braouezec disait, lui, qu'il ne supportait pas les attaques contre le secteur public. Prenons garde de ne pas revendiquer le droit d'attaquer le secteur privé tout en nous interdisant d'attaquer le secteur public. Nous devons, au contraire, réconcilier les deux secteurs : le premier a besoin de services publics de qualité, et le second ne pourra être de qualité que s'il existe un secteur privé efficace dégageant les richesses dont le pays a besoin pour financer ses services publics.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Sortons de cette opposition systématique entre privé et public ! Soyons exigeants envers l'un et l'autre. La vertu ne saurait être d'un seul côté, et le vice de l'autre !
    Tous, nous devons contribuer à développer l'efficacité de notre système privé et la performance de notre système public.
    Un certain nombre d'amendements nous donneront l'occasion de débattre sur la suppression de l'ENA.
    Je voudrais saluer le rapport de Louis Giscard d'Estaing et le remercier pour la pertinence de son analyse sur les fonds structurels européens et sur leur efficacité notamment dans la politique de montagne, à laquelle je sais qu'il est particulièrement attaché. Il a expliqué tout l'intérêt qu'il y a à accroître l'attractivité des territoires, notamment de ceux qui lui sont particulièrement chers. Chaque territoire, en effet, a des atouts que nous devons utiliser et des handicaps que nous devons limiter. L'exécution des contrats de plan a pris du retard. Il est vrai qu'un outil politique ne sert à rien s'il est mal utilisé et s'il fonctionne mal. Nous n'avons pas à mobiliser des crédits qui ne seraient pas affectés.
    Jacques Le Nay a parlé de la péréquation - j'en ai touché un mot - et des doublons entre l'AFII et la DREE. Comprenons bien qu'elles ne font pas les mêmes métiers : l'une s'occupe de la promotion à l'export, l'autre de l'attractivité des entreprises. Pierre Bourguignon a parlé du service public, Henri Plagnol lui répondra. Patrick Braouezec a exprimé son inquiétude, que je ne partage pas, sur la fonction publique : nous sommes nous aussi extrêmement attachés à la fonction publique et à la dimension environnementale.
    Quant à Jacques-Alain Bénisti, je le remercie lui aussi pour ses interventions. Je tiens à saluer sa présidence de centre de gestion et sa contribution très intelligente, sur laquelle nous nous sommes appuyés pour apporter des réponses fort attendues par la fonction publique territoriale. Nombre d'entre elles sont applicables par décret. Je pourrai donc, là encore, prendre des décisions très rapidement.
    Comme François Sauvadet, je voudrais insister sur le problème politique qui ne doit pas nous échapper. Le premier tour de l'élection présidentielle a montré, dans le milieu rural, un sentiment d'abandon, dû notamment au repli des services publics et à la fragilité des communes rurales. Nos concitoyens ont lancé un cri de détresse à cet Etat dont ils se sentaient orphelins. Dans le milieu urbain, c'est un sentiment de désespérance qui prévaut devant l'impuissance du service public à soulager l'inconfort quotidien. Nous sommes confrontés à deux maux dramatiques qui fragilisent toutes les démocraties européennes. Si nous n'y prenons pas garde, nous risquons de voir apparaître dans le Parlement européen après les élections de 2004 plus de partis de résistance, extrémistes et populistes, que de partis de construction européenne.
    M. Jean Launay. C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons été interpellés, et nous ne devons jamais l'oublier, par ce sentiment d'abandon et cette désespérance que nous avons fait naître en ne sachant pas apporter une réponse à l'inconfort quotidien et à l'incertitude de l'avenir. Voilà deux objectifs politiques que nous devons avoir en permanence à l'esprit pour susciter un débat qui, au-delà des positions partisanes, nous concerne tous, car c'est nos systèmes démocratiques qui, fragilisés, pourraient un jour être en cause.
    Désireux de répondre, monsieur le président, à votre invitation,...
    M. le président. Courtoise, mais qui se voulait tout de même un rappel aux accords conclus avec le Gouvernement !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Accords dont je vous sais très respectueux...
    M. le président. En l'occurrence, je suis là pour les faire respecter !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je présente mes excuses à ceux auxquels je n'ai pas pu apporter de réponse. Je suis à leur disposition pour poursuivre ces échanges, pertinents et intelligents, qui nourrissent nos réflexions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est la première fois que nous avons l'occasion d'exposer les orientations sur la réforme de l'Etat. Aussi, comme Jean-Paul Delevoye, je ne me bornerai pas à évoquer le modeste budget qui est le mien et, en préambule, je donnerai quelques éléments de la méthode qui est la nôtre pour mener à bien cet immense chantier.
    Nous avons la chance d'avoir le soutien sans faille du Président de la République et du Premier ministre, qui ont fait de la réforme de l'Etat une des priorités de la législature. Nous avons tous en mémoire l'avertissement qui a été adressé à tous les élus lors du premier tour de l'élection présidentielle. On ne dira jamais assez que c'est l'impuissance de l'action publique qui nourrit le poujadisme et creuse le fossé entre les Français et leurs élus. Nous pouvons donc nous appuyer sur une volonté politique clairement affirmée. C'est d'ailleurs la raison même de la création d'un secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat, placé auprès du ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    L'action que je mène aux côtés de Jean-Paul Delevoye est entièrement dédiée à un objectif simple : rendre le service public plus efficace, plus performant, plus attractif pour les agents de la fonction publique, et aussi plus proche des Français.
    La réforme de l'Etat n'est pas seulement l'oeuvre d'un secrétariat d'Etat ou d'un ministre. Elle engage tout le Gouvernement. C'est pourquoi le Premier ministre a mis en place auprès de lui un comité de pilotage stratégique qui regroupe les principaux ministres responsables de cette grande réforme. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre délégué au budget, le ministre de l'intérieur et le ministre délégué aux libertés locales, ainsi que le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement en font partie.
    Je prendrai quelques exemples pour illustrer le fait que tous les ministres contribuent à cette réforme. Quand le garde des sceaux, Dominique Perben, annonce qu'il fixera désormais aux juridictions des objectifs en matière de délais afin d'évaluer leur performance, c'est évidemment une illustration de ce que doit être la réforme de l'Etat. Il en va de même quand le ministre de l'intérieur affirme sa volonté de redéployer les effectifs de la police et de la gendarmerie pour mieux répondre aux besoins de la population.
    Avec Jean-Paul Delevoye, je partage la conviction que pour réussir, la réforme de l'Etat doit d'abord être relayée et mise en oeuvre par les millions d'hommes et de femmes qui composent la fonction publique. C'est pourquoi la modernisation de la gestion des ressources humaines qu'il a évoquée est bien la clé de la réussite de cette réforme. Mais la réforme concerne aussi tous les Français. La volonté marquée par Jean-Pierre Raffarin est de recentrer le service public à partir des attentes des usagers. C'est un point essentiel.
    Enfin, je voudrais rappeler que, bien entendu, la réforme de l'Etat est indissociable du grand mouvement de la décentralisation. Aux parlementaires qui s'en sont inquiétés, je dirai que le Gouvernement fera en sorte que la réforme de l'Etat progresse parallèlement à la décentralisation.
    M. Emile Blessig. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Nous attendons beaucoup du droit à l'expérimentation qui va être reconnu pour la première fois dans la Constitution. Les expérimentations seront aussi un des leviers d'une réforme de l'Etat conçue non plus de haut en bas mais partant du terrain pour tirer les enseignements des expériences qui seront menées.
    M. Emile Blessig. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je ne devrais d'ailleurs pas parler de la réforme de l'Etat. Il y a, en réalité, mille réformes de mille services publics à réaliser. Il faut « démythologiser »...
    M. Bernard Derosier, rapporteur. Démythifier est plus simple ! (Sourires)
    M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat. Oui, mais c'est moins beau !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... la réforme, face au sentiment qu'un coup de baguette magique ou un « grand soir » permettrait de résoudre tous les problèmes de l'Etat. Il n'en est rien. Mieux vaut compter sur un travail de fourmi, demandant persévérance, obstination et continuité, et procédant service public par service public.
    Ce sont ces principes et cette méthode qui ont dicté la réorientation du petit fonds pour la réforme de l'Etat, lequel constitue un instrument financier précieux pour soutenir les projets de modernisation, en application des objectifs arrêtés par le Gouvernement. Nous avons souhaité que la dotation de ce fonds soit exemplaire. C'est pourquoi la dotation initiale est ramenée à 14,27 millions d'euros, auxquels s'ajouteront 5,7 millions d'euros de reports. Nous n'avons pas voulu prolonger les effets d'affichage et nous veillerons à ce que tous ces crédits soient consommés en étant utiles.
    Les nouvelles orientations définies par le Gouvernement en la matière et qui seront confirmées par un prochain comité interministériel à la réforme de l'Etat vont vers une sélectivité renforcée des priorités, une évaluation plus rigoureuse et une capitalisation des bonnes pratiques et des expériences positives.
    Cinq priorités ont été définies.
    La première, c'est précisément la modernisation de la gestion des ressources humaines. Je ne développerai pas, puisque Jean-Paul Delevoye l'a fait à l'instant.
    La deuxième concerne la réorganisation territoriale des services de l'Etat. Je voudrais, à ce sujet, dire à Georges Tron que je partage son souhait de voir le fonds pour la réforme de l'Etat servir pour partie à l'accompagnement sur le territoire du processus de décentralisation, et notamment en renforçant l'évaluation des futures expérimentations.
    Troisième orientation, la simplification des structures et des procédures. A nos yeux, c'est le coeur de la réforme de l'Etat. La première aspiration de nos concitoyens, ne nous y trompons pas, c'est qu'on leur simplifie la vie. Le foisonnement des règles, des procédures, la complexité du langage sont le facteur essentiel de découragement des élus locaux...
    M. Nicolas Forissier. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... de démotivation des fonctionnaires qui, sur le terrain, et il faut leur rendre hommage, essaient de prendre des initiatives. C'est aussi la source de la plupart des malentendus entre nos concitoyens et le service public. J'ai d'ailleurs été heureux de noter que c'était un sentiment partagé par l'ensemble de la représentation nationale, et tout particulièrement exprimé par M. Jacques-Alain Bénisti et M. Nicolas Forissier.
    Pour avancer vite dans ce domaine prioritaire, le Premier ministre a choisi une méthode efficace : nous vous présenterons, dès le début de l'année prochaine, un projet de loi d'habilitation, afin de pouvoir procéder par ordonnances. Pour préparer cette loi d'habilitation, dès le 8 août, le Premier ministre a demandé par circulaire à l'ensemble des ministres d'établir un programme de simplification.
    Nous avons reçu l'ensemble de ces contributions. Il nous appartient maintenant d'en faire la synthèse, afin d'identifier les thèmes pouvant faire l'objet de la première loi d'habilitation. Je suis déjà en mesure de vous dire qu'elle concernera prioritairement les relations des administrations avec les petites entreprises, les commerçants et les artisans, sur la base du travail de Renaud Dutreil.
    M. Serge Poignant. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Mais la loi d'habilitation concernera aussi les simples particuliers : à partir de mesures proposées par le ministère de l'intérieur, nous compléterons et préciserons la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Nous entendons y ajouter des mesures relatives aux collectivités locales, en commençant vraisemblablement par un toilettage du code général des impôts et du code des marchés publics, deux domaines sur lesquels Alain Lambert travaille avec détermination et pragmatisme.
    Un second projet de loi d'habilitation vous sera présenté dans le courant de l'année 2003, et concernera le champ social. Nous envisageons en particulier de simplifier le code du travail, le code de la sécurité sociale et le code de la famille, sans oublier les mesures en faveur des handicapés et les mesures relatives à la lutte contre l'exclusion. Je mentionnerai un seul chiffre pour montrer l'étendue du travail qui nous attend : selon François Fillon, ministre des affaires sociales, il n'y a pas moins de 34 régimes d'exonération de charges sociales en vigueur.
    Au-delà de la simplification du droit existant, je voudrais attirer l'attention de la représentation nationale sur la nécessité de réfléchir aux moyens de moins légiférer pour mieux légiférer.
    M. Pierre Cohen. Moins d'argent pour mieux faire, moins de lois pour mieux légiférer !
    Mme Catherine Génisson. On n'entend plus que ça, et il n'y a jamais eu autant de lois !
    M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Depuis le mois de juin, on ne peut pas dire que cela ait été mis en pratique !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Dans les prochaines semaines, nous proposerons au Premier ministre une circulaire précisant dans quelles conditions doivent être conduites les études de faisabilité en amont du dépôt des projets de lois. Avant de légiférer, il faut se demander systématiquement si la loi est vraiment nécessaire pour atteindre son objectif, et si elle est applicable, compte tenu des ressources humaines et financières existantes. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette méthode n'a pas été mise en pratique sous la précédente législature.
    Il est enfin un sujet qui me tient à coeur et dont on ne parle pas assez : la simplification du langage administratif.
    M. Bernard Derosier. rapporteur pour avis. Démythologiser ! (Rires.)
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Toutes les enquêtes montrent que la complication et la technicité - pour ne pas dire l'opacité - de la langue utilisée par l'administration dans ses rapports avec nos concitoyens est la source de 80 % des malentendus. Nous avons tous reçu un courrier dont nous avions les plus grandes difficultés à comprendre la teneur !
    J'ai donc relancé les travaux du comité de simplification de la langue administrative mis en place par notre prédécesseur, Michel Sapin. Comme l'a dit Jean-Paul Delevoye, nous n'hésitons pas à reprendre les initiatives intelligentes de nos prédécesseurs, tant il est vrai que la réforme de l'Etat exige de la continuité et le refus de toutes les idéologies.
    Le comité de simplification de la langue administrative a accompli un gros travail pour réécrire les formulaires administratifs et rédiger des modèles plus intelligibles de courrier administratif. Il a mobilisé des universitaires, mais aussi des associations au contact des usagers et des publics les plus fragiles. Je suis allé moi-même présenter les nouveaux formulaires dans une caisse d'allocations familiales. Cela concerne 100 millions de formulaires par an et la grande majorité des familles françaises, quel que soit leur milieu socioprofessionnel. Nous préparons les nouveaux formulaires destinés aux publics les plus fragiles, tout spécialement les bénéficiaires du RMI et les handicapés. Ce sont des sujets auxquels mes collègues Dominique Versini et Marie-Thérèse Boisseau accordent une grande importance.
    Quatrième priorité, le recentrage du service public autour des attentes des usagers.
    Le Premier ministre a résumé cela d'une formule très claire : il faut aller vers une administration à visage humain. Nous avons trop tendance à sous-estimer les attentes des Français dans ce domaine. Quand je parle de la réforme de l'Etat, la plupart des questions portent sur des choses très simples et très quotidiennes : l'amélioration de l'accueil, la réduction du délai de traitement des demandes, les horaires d'ouverture du service public, la disponibilité des agents et l'intelligibilité des dossiers.
    M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Il faut garder les services publics à la campagne !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Et l'accessibilité du service public en zone rurale, vous avez raison.
    Nous entendons généraliser les démarches de qualité pouvant conduire même à une certification, à l'image de ce qui se fait depuis longtemps dans de nombreuses entreprises. Par définition, l'exigence de qualité devrait être au coeur de la démarche de tout service public.
    La démarche de qualité, cela veut dire : d'abord, cerner les attentes des usagers et définir des objectifs, et, à partir de là, engager l'ensemble du personnel, quel que soit son grade, dans cette démarche, pour aller vers une gestion participative ; ensuite, modéliser les procédures, afin de dégager toutes les économies induites par des dysfonctionnements et, enfin, prendre des engagements qui puissent être tenus dans la durée.
    Dernière priorité, l'administration électronique.
    Vous l'avez tous dit, l'administration électronique constitue l'un des leviers les plus efficaces pour la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat. Elle génère des économies pour l'administration - réduction en moyenne de 25 % des formulaires papier ; elle permet d'enrichir les tâches des fonctionnaires en développant la polyvalence, facilite la vie des usagers, notamment ceux pour qui il est difficile d'aller aux guichets durant les horaires d'ouverture des services publics. Un des grands avantages de l'administration électronique, en effet, c'est qu'elle fonctionne, par définition, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, à condition qu'il y ait quelqu'un pour répondre aux messages, et il faut, dans cette perspective, réorganiser les services publics.
    Je vous fais grâce, étant donné la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, de tous les développements déjà réalisés en ce qui concerne l'Internet public. Je prendrai l'exemple du portail www.service-public.fr, site exemplaire consulté maintenant régulièrement par des millions d'internautes. Nous avons l'intention d'amplifier cet effort avec un objectif simple : pouvoir télécharger toutes les demandes en ligne dès 2005.
    Pour l'année qui vient, nous donnons la priorité à deux objectifs.
    Premier objectif : promouvoir tout ce qui peut concourir à améliorer la productivité en interne de l'administration. Pour cela tous les services publics, y compris les collectivités locales, doivent pouvoir accéder le plus possible à des données sur l'Internet public. C'est ainsi que nous parviendrons à décloisonner les services, à remettre en cause les esprits de chapelle et les corporatismes, qui sont un frein puissant à cette évolution. Nous allons donc faire un bilan des systèmes d'information territoriaux et vérifier qu'ils permettent un réel partage de toutes les données dont dispose l'Etat, afin d'aboutir à un service public plus efficace.
    M. Nicolas Forissier. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Second objectif : aller vers des applications qui aident les Français dans leur vie quotidienne, car le retard français dans ce domaine n'est pas du tout technologique. Si les applications quotidiennes ne se développent pas davantage, c'est parce que tout a trop souvent été conçu de haut en bas, sans partir des questions qui intéressent vraiment les Français. J'ai confié à ce sujet une mission particulière à Pierre de La Coste, spécialiste des questions Internet, qui a ouvert un forum de discussion, www.internet.gouv.fr., site placé sous la responsabilité de la direction du développement des médias auprès du Premier ministre. Ce forum rencontre un très grand succès et la plus forte fréquentation des forums publics qui ont été ouverts par le passé, ce qui démontre bien l'attente des internautes dans ce domaine.
    Je mentionnerai très rapidement quelques exemples d'applications dans la vie quotidienne.
    Nous allons étudier la faisabilité d'une démarche unique en cas de changement d'adresse, afin de mettre fin à l'obligation de signaler ses changements d'adresse à six ou sept services publics différents.
    Nous allons également nous efforcer de simplifier le circuit du paiement et du suivi des subventions versées par l'Etat aux associations. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est une demande très forte dans les milieux associatifs.
    Nous allons créer un service personnalisé, www.monservicepublic.fr., qui permettra à chacun de choisir les données personnelles qu'il décide de rendre accessibles pour simplifier ses formalités administratives.
    Nous allons lancer un appel à projets pour des cartes de vie quotidienne, permettant aux usagers d'avoir accès, via des bornes ou Internet, à l'ensemble des services utiles dans les actes de la vie quotidienne, par exemple les inscriptions en crèche, le paiement de la cantine scolaire, les activités culturelles, sportives, et tous les services sociaux qui concernent la vie quotidienne.
    Enfin, en nous inspirant de ce qui existe au Canada, nous allons, dans l'année 2003, réaliser toutes les études de faisabilité préalables à la mise en place d'un numéro téléphonique unique sur l'ensemble du territoire, facilement mémorisable, pour répondre aux demandes de renseignements administratifs des usagers. Ce centre d'appels téléphoniques intégré sera couplé avec toutes les bases de données Intranet, ce qui permettra de savoir très exactement ce qui se passe dans l'univers du service public.
    Bien évidemment, et vous avez été nombreux à exprimer cette préoccupation, cela n'a de sens que si les services en ligne sont accessibles à tous les citoyens. C'est pourquoi nous allons poursuivre la politique de développement des points d'accès publics. Un appel à projets sur le thème de l'espace public numérique de proximité sera organisé conjointement par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale et la mission interministérielle pour l'accès public à l'Internet.
    Enfin, il est nécessaire d'améliorer la gestion publique. Cela suppose notamment de réussir la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique sur les finances publiques, qui a été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, en introduisant partout un principe de responsabilité et de performance. Développer la gestion par objectifs en définissant des centres de ressources permettant de responsabiliser des managers publics, c'est l'essentiel si l'on veut insuffler la notion de performance dans le service public.
    Nous nous interrogeons également sur les moyens d'améliorer la fonction d'audit stratégique et d'évaluation qui sera indispensable pour mener à bien tous ces chantiers. Pour cela, il faut redéfinir la mission des corps d'inspection, en réfléchissant d'ailleurs à la façon d'associer des consultants externes pour diffuser le plus possible les bonnes pratiques, en cessant d'opposer l'univers du privé et l'univers du public.
    Notre objectif est d'optimiser la ressource publique, car notre volonté, à Jean-Paul Delevoye et à moi-même, n'est aucunement d'affaiblir le service public ou l'Etat. Bien au contraire, nous sommes convaincus que c'est en le rendant performant et accessible que nous lui rendrons ses lettres de noblesse et que nous éviterons d'entretenir davantage dans notre pays le poujadisme, qui est le fruit d'une incompréhension devant ce qui est souvent, trop souvent, ressenti comme l'inefficacité et l'opacité de l'Etat.
    Notre but, c'est de rénover en profondeur le service public, afin de répondre à l'appel que nous ont adressé les Français lors de la dernière élection présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je vais maintenant, et cela crée forcément une rupture, vous présenter, au nom d'Alain Lambert, qui ne pouvait pas être parmi nous et qui vous prie de l'en excuser, le budget des services du Premier ministre. Je vais m'efforcer d'être très bref, pour ne pas allonger davantage notre débat.
    S'agissant des services généraux du Premier ministre, des critères très divers expliquent qu'ils soient regroupés dans cette rubrique. Je me bornerai à répondre aux inquiétudes exprimées ce matin concernant les fonds spéciaux. (Exclamations sur plusieurs bancs.)
    Sachez que le Premier ministre s'est engagé personnellement à aller au bout de la transparence. En vertu de l'article 154 de la loi de finances pour 2002, une commission est chargée désormais de s'assurer que les fonds spéciaux sont utilisés conformément à la destination qui leur est assignée par la loi de finances.
    M. Nicolas Forissier. Enfin !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Y siègent deux membres de votre assemblée désignés par le président de l'Assemblée nationale, deux sénateurs désignés par le président du Sénat, et deux membres de la Cour des comptes nommés sur proposition de son premier président. Je pense que la composition de cette instance suffira à rassurer la représentation nationale sur ce point.
    Je soulignerai également très brièvement l'augmentation marquée des crédits alloués aux autorités administratives indépendantes, et tout particulièrement les crédits concernant les services du Médiateur, qui augmentent de plus de 20 %. Ces moyens nouveaux permettront de financer les dépenses liées au développement des délégués de proximité, particulièrement dans les quartiers difficiles de nos villes. Je pense que toute la représentation nationale peut souscrire à une telle priorité.
    Nous augmentons également les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, notamment pour financer les travaux de planification, nécessaires à la mise en place de la télévision numérique terrestre.
    Enfin, des moyens nouveaux sont inscrits pour la mise en place de la Commission nationale du débat public, chargée, selon les termes de la loi, de veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics et des personnes privées ayant un fort impact sur le territoire. Il est donc opportun de lui donner les moyens d'exercer sa mission.
    C'est dans un esprit d'exemplarité et de cohérence que le Premier ministre a demandé il y a quelques jours au secrétaire général du Gouvernement de procéder à un réexamen approfondi des missions actuellement rattachées aux services du Premier ministre, sous des appellations très variées : comités, commissions, et autres. Le rattachement au Premier ministre doit en effet garder un caractère exceptionnel. Il est donc utile qu'un bilan soit dressé avant de faire des choix.
    J'insisterai davantage sur le Commissariat général au Plan, qui a été l'objet d'inquiétudes ou de questions ce matin.
    Les crédits inscrits au budget du Plan sont en légère diminution, mais il ne s'agit pas du tout de la baisse drastique qui a été évoquée par certains orateurs. Cette diminution s'explique pour l'essentiel par les reports importants constatés à la fin de l'année 2001 sur les crédits évaluation des politiques publiques et sur les crédits délégués en région au titre de l'évaluation des contrats de plan Etat-région.
    Jean-Paul Delevoye vous a expliqué à quel point c'était une priorité pour le Gouvernement de rendre plus efficace cette chaîne de traitement et de simplifier ces circuits. Je crois que c'est un message que tous les élus locaux de ce pays peuvent entendre.
    La mission première du Commissariat général au Plan, c'est de contribuer à la réflexion stratégique dans le domaine économique et social et d'éclairer le Gouvernement sur les moyens permettant de répondre aux objectifs stratégiques dans le long terme. Animer l'analyse prospective, constituer un lieu privilégié de concertation avec les acteurs socioprofessionnels, piloter le dispositif d'évaluation des politiques publiques, telles sont les missions prioritaires du Plan, que le Commissariat général au Plan a bien remplies. Depuis le début de l'année 1998, il a publié plus de soixante-cinq rapports et lancé quinze instances d'évaluation de politiques publiques. Certains de ces rapports ont porté sur des sujets d'une très grande actualité : les retraites, la filière électronucléaire, les perspectives de la France, les institutions de l'Union européenne, la gestion des risques, la rentabilité des entreprises. Le Commissariat général au Plan doit d'ailleurs rendre public tout prochainement un rapport sur l'immigration et un autre sur la politique de lutte contre le sida.
    Ces missions sont plus que jamais nécessaires. Dans un monde en évolution permanente, avec une compétition sur le marché mondial, l'Etat français ne peut évidemment pas se priver d'un outil de prospective stratégique.
    M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. En revanche, il y a lieu de réfléchir, comme l'a annoncé le Premier ministre dans son discours de politique générale le 3 juillet dernier devant votre assemblée, aux moyens de renforcer la capacité de réflexion et de prospective d'un Etat qui doit aussi être un Etat stratège, à qui il incombe d'évaluer sur le long terme les défis de demain. Le Gouvernement n'a pas achevé sa réflexion sur la rationalisation nécessaire des différents organes chargés de cette prospective, et sur les moyens, par exemple, de se rapprocher de l'université dans cette perspective de réflexion stratégique.
    Plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur l'opportunité d'un rapprochement entre le Plan et la DATAR. Des adaptations sont certes nécessaires mais ils ont des missions et des approches différentes. Le rôle du Plan est d'être au contact de la recherche, des milieux d'études pluridisciplinaires, d'organiser le débat autour des travaux destinés à éclairer le long terme, en concertation avec les partenaires sociaux. Celui de la DATAR, c'est d'abord d'assurer la liaison entre les ministères, les préfets et les élus. Vous avez manifesté très fortement cette préoccupation pour préparer les arbitrages gouvernementaux.
    L'évaluation sur le long terme des défis de demain appelle une approche territoriale. Sur ce point, le Gouvernement partage la préoccupation qui a été exprimée. C'est pourquoi une réflexion est engagée pour une meilleure articulation, notamment pour l'évaluation des contrats de plan Etats-région.
    J'évoquerai beaucoup plus rapidement les Journaux officiels. Je voudrais souligner les efforts de productivité qui ont été faits, et tout particulièrement le succès remarquable du développement de l'Internet dans le domaine du service public de diffusion juridique. J'ai inauguré moi-même le site « legifrance », qui est, je me permets de vous le signaler, considéré comme le meilleur au monde du fait de l'ensemble des services qu'il procure à nos concitoyens - services gratuits au demeurant - pour qu'ils accèdent, dans les meilleures conditions possible, à la règle de droit. C'est à l'honneur du Gouvernement et du secrétariat général du Gouvernement ainsi que de l'ensemble des personnels des Journaux officiels que d'avoir mis en place ce remarquable outil.
    En ce qui concerne le budget annexe des Journaux officiels, il y a lieu de réfléchir à son adaptation dans le cadre de la nouvelle loi organique sur les lois de finances.
    S'agissant du Conseil économique et social, le Gouvernement partage le voeu des parlementaires qui ont souhaité qu'il puisse continuer d'exercer sa mission importante. Nous nous réjouissons du développement de la coopération internationale et de la politique de modernisation et d'ouverture sur l'extérieur menée actuellement par son président.
    Enfin, au-delà de cette présentation très rapide du budget des services généraux du Premier ministre, je voudrais répondre aux observations du rapporteur, dissiper ses inquiétudes et lui apporter des assurances sur les évolutions nécessaires de ce budget, dans la perspective de la prochaine entrée en vigueur de la loi organique sur les finances publiques.
    Un travail de réflexion est en cours auquel participe le secrétariat général du Gouvernement, la Direction des Journaux officiels, le secrétariat général de la défense nationale, le Commissariat général au Plan et la DATAR. La nouvelle présentation du budget des services du Premier ministre prendra en compte notamment deux préoccupations : d'une part, la redéfinition éventuelle du périmètre des actions qui entrent dans le cadre de ce budget ; d'autre part, la nécessité de donner une taille critique budgétaire à la nouvelle unité de base que sera le programme. Un travail de redéfinition des objectifs et des indicateurs est en cours de réalisation.
    Vous aurez ainsi noté, mesdames et messieurs les députés, que les services du Premier ministre se mettent en position de répondre, en fonction du calendrier prévu, aux objectifs et aux ambitions de la loi organique. Cela participe aussi de notre ambition générale, qui est de réussir la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. Nous en arrivons aux questions.
    Je rappelle que chaque intervenant ne dispose que de deux minutes pour poser sa question et que le Gouvernement doit répondre dans un temps relativement court.
    Nous commençons par une question groupe des député-e-s communistes et républicains.
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. La réponse à cette question constituera pour M. Delevoye une sorte d'exercice de travaux pratiques.
    Je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur la conduite des politiques territoriales et, plus précisément, sur l'articulation entre les parcs naturels régionaux et les pays.
    Les parcs naturels régionaux occupent une place de choix dans ce que j'appellerai la culture du développement territorial : élaboration de charte de territoire avec la définition d'objectifs et de moyens à mettre en oeuvre, mobilisation des acteurs locaux, participation citoyenne dépassant largement la seule action des élus, inscription dans les volets territoriaux des contrats de plan, intervention dans des domaines qui ne limitent pas à la protection de l'environnement, développement économique, action culturelle.
    Parallèlement, la politique des pays s'attache à créer des espaces de projets, - vous l'avez d'ailleurs souligné dans votre intervention, monsieur le ministre - dans le souci de rassembler sur des espaces pertinents les acteurs locaux : élus et société civile.
    Le fondement de l'action des pays est aussi la charte de territoire. La définition des périmètres des pays se fait avec souplesse sur des objectifs de développement. Cela peut aboutir à une superposition, à des chevauchements entre le périmètre d'un pays et celui d'un parc naturel régional, qui risquent de casser la construction d'une unité territoriale de projet. Cette situation suscite souvent des débats qui cristallisent des oppositions, voire risque d'alimenter des luttes de pouvoir, à l'opposé des dynamiques que doivent impulser les parcs naturels régionaux comme les pays.
    De plus, la culture du résultat quant aux politiques d'organisation territoriale mobilise les services de l'Etat pour la constitution de nouveaux pays de façon parfois dogmatique, sans toujours prendre en compte l'acquis des structures constituées.
    Le Gouvernement a-t-il la volonté de clarifier cette situation ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, permettez-moi de répéter que les pays ne doivent pas être un lieu de pouvoir. Il appartient tant aux élus qu'aux services de l'Etat de faire en sorte que le périmètre d'un pays soit défini en fonction de projets pertinents et cohérents et non en fonction de limites administratives.
    Vous avez évoqué le risque de superposition entre le territoire d'un parc naturel régional et le périmètre d'un pays. Pardonnez-moi de faire un peu de « juvénisme » en vous rappelant le contenu de l'article 10 du décret du 19 septembre 2000, qui est très clair à ce sujet. Je cite : « Lorsque le territoire d'un pays dont il est demandé la reconnaissance recouvre une partie d'un parc naturel régional [...], la conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire se prononce sur le périmètre du pays ainsi proposé. l'organisme gestionnaire du parc et les communes ou groupements de communes ayant compétence en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique qui appartiennent simultanément au parc naturel régional et au pays passent une convention par laquelle ils s'engagent à veiller à la cohérence et à la complémentarité de l'action du pays et du parc naturel régional sur leurs parties communes. La convention précise les missions respectives du pays et du parc naturel régional sur leurs parties communes et définit notamment les domaines d'action pour lesquels l'organisme de gestion du parc naturel régional a vocation exclusive à assurer, le cas échéant par voie de contrat particulier, la cohérence des actions programmées de l'Etat et des collectivités territoriales sur ces parties communes.
    « Lorsque le projet de parc naturel régional recouvre une partie du territoire d'un pays reconnu, la région et la ou les personnes morales de droit public représentant le pays, à défaut d'accord pour harmoniser les périmètres, définissent, par convention, les missions respectives du pays et du parc naturel régional sur leurs parties communes et notamment les domaines d'action pour lesquels le parc naturel régional aura vocation exclusive à assurer [...] la cohérence des actions programmées de l'Etat et des collectivités territoriales sur ces parties communes. »
    Il apparaît donc très clairement qu'il ne doit y avoir en aucun cas conflit d'intérêts ou conflit de pouvoir, que le parc régional a pour vocation exclusive la mise en oeuvre des actions de l'Etat, et qu'il convient de bien déterminer le périmètre de compétence et d'action de chacun par une convention passée entre le pays et le parc naturel régional.
    M. le président. Nous passons au groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    La parole est à Mme Henriette Martinez.
    Mme Henriette Martinez. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le ministre, le vrai défi de la fonction publique territoriale est de pouvoir se doter des compétences dont elle a besoin sur l'ensemble du territoire national. Or, dans les zones rurales, les collectivités sont confrontées à trois types de difficultés pour recruter les personnels compétents.
    Premièrement, les concours, en particulier ceux de catégorie A, ne sont pas ouverts dans les départements ruraux. Les candidats doivent se déplacer à leur frais pour participer aux examens, qui ont toujours lieu dans les mêmes départements.
    Deuxièmement, la formation initiale de la fonction publique est inadaptée pour deux raisons. D'abord, le contenu de cette formation constitue un frein, car il n'est pas tenu compte du niveau d'études des fonctionnaires stagiaires : les titulaires d'un DESS de droit public ou d'aménagement du territoire ont le sentiment de perdre leur temps quand on veut leur faire apprendre, au cours d'un stage, ce qu'est une commune.
    Ensuite - et c'est le deuxième frein -, la durée des stages empêche les communes d'embaucher de jeunes fonctionnaires issus de ces concours : un mois de stage théorique, puis deux mois de stage pratique et, enfin, après la titularisation, un stage de plusieurs mois hors du poste de travail. Les petites collectivités, qui souvent n'emploient qu'un seul fonctionnaire, n'ont pas des moyens suffisants pour que celui-ci puisse s'absenter aussi longtemps pour se former hors de son poste de travail.
    Troisième difficulté : les rémunérations. Certes, à compétences égales salaire égal. Toutefois, le système des primes et des indemnités fausse la rémunération de base. Vous le savez bien, monsieur le ministre, les petites communes ou les collectivités pauvres ne peuvent octroyer les mêmes primes que les grandes collectivités ou les collectivités riches, ce qui fait que ces dernières sont plus attractives pour les jeunes fonctionnaires. Il en résulte que les petites collectivités sont souvent dans l'impossibilité de recruter des personnels compétents. C'est ainsi que le centre de gestion de la fonction publique des Hautes-Alpes n'arrivent pas à trouver de candidats pour occuper trois postes d'attaché territorial.
    Je voulais donc, monsieur le ministre, appeler votre attention sur l'inégalité qui prévaut dans la répartition des compétences des fonctionnaires territoriaux sur le territoire national, à une époque où les collectivités, engagées dans des politiques territoriales complexes, ont grand besoin, a fortiori en milieu rural, de se doter de personnels qualifiés. Je souhaite que vous preniez ces remarques en compte dans la réflexion que vous avez engagée sur la réforme attendue de la fonction publique territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Madame le député, vous avez raison. Il faut, en effet, réfléchir à la capacité de recrutement des collectivités locales et aux moyens de rendre celles-ci plus attractives.
    J'ai évoqué la réflexion que nous avons engagée avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et le centre de gestion de la petite couronne, que préside M. Bénisti, sur les adaptations à apporter aux concours de recrutement. Ainsi, la validation des acquis professionnels devrait permettre une simplification. Lorsque des compétences sont reconnues par des diplômes universitaires, je ne vois pas l'utilité de mettre en place un autre filtre, d'organiser un concours qui fait perdre du temps à tout le monde et qui coûte de l'argent.
    A ce propos, je me souviens, monsieur le président, de ce qui s'est passé dans un département qui vous est cher et où le conseil du contrôle de légalité a refusé que les collectivités locales recrutent pour leurs écoles de musique des professeurs aux compétences reconnues sur un plan international au prétexte qu'il n'y avait pas de concours organisé, ce même conseil invitant à créer une association pour pouvoir procéder au recrutement. Bref, cela revenait, au nom du contrôle de légalité, à fragiliser le service public.
    Nous devons donc réfléchir à l'adaptation des concours dans le sens d'une reconnaissance des compétences. La validation des acquis professionnels devrait permettre cette souplesse.
    Nous devons également réfléchir à l'interdépartementalité, voire à l'interrégionalité des centres de gestion. Il faut qu'il y ait une réactivité forte entre les besoins et l'organisation des concours. Dans certains cas, le centre de gestion départemental n'est peut-être pas le périmètre adapté, la réflexion doit pouvoir porter sur les besoins de plusieurs départements, de plusieurs régions.
    Nous devons également faire en sorte que la fonction publique territoriale ne soit pas uniquement réservée aux jeunes fonctionnaires. Des fonctionnaires âgés de quarante ou quarante-cinq ans peuvent aussi apporter leurs compétences à des territoires et participer au développement de ceux-ci.
    Pour favoriser une évolution, peut-être conviendrait-il aussi de revoir les indemnités.
    Nous réfléchissons à tout cela avec le CNFPT, avec le CSFPT et avec les organisations syndicales.
    Pour ce qui est des stages, j'espère que nous pourrons apporter rapidement, par la voie de décrets, des réponses aux questions qui se posent. La formation initiale pourrait être de trois mois, puis les stages suivants pourraient se dérouler sur trois ans à raison d'un stage d'un mois tous les ans. Il faut que le fonctionnaire que l'on vient de recruter ne puisse pas disparaître pendant un an. Il ne faut pas non plus que, parfois six mois après son embauche, un collaborateur nouvellement recruté disparaisse au profit d'une autre collectivité territoriale.
    Sur ce point, nous devons être extrêmement vigilants. Il convient de remettre à plat la formation initiale, mais aussi la formation continue, car, à l'évidence, les fonctionnaires n'exerceront pas le même métier durant toute leur carrière administrative. Nous devons les préparer à une mobilité professionnelle, mais aussi à une mobilité géographique.
    S'agissant du régime indemnitaire, jusqu'où faut-il pousser la souplesse ? Il ne faut pas risquer de mettre en péril l'égalité entre les collectivités. Si nous laissons beaucoup de souplesse aux collectivités, les plus riches auront encore plus de moyens pour attirer les compétences. Paradoxalement, c'est le maintien du statut de la fonction publique qui assure l'égalité de toutes les collectivités locales. Comme le disait Georges Tron ce matin, c'est peut-être la mise en place d'une politique sociale d'accompagnement qui permettrait de corriger l'absence d'attractivité de certains territoires.
    Ces chantiers, madame la députée, sont ouverts. Nous avons déjà engagé les discussions avec les syndicats, avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. J'espère que nous pourrons, dans les six prochains mois, sortir un certain nombre de décrets qui iront dans le sens que vous souhaitez.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.
    M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le ministre, ma question porte sur la DATAR. Toutefois, comme ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises cet après-midi, vous avez déjà répondu à l'avance à certaines de mes préoccupations.
    La DATAR est une structure qui a été très utile dans le passé, pour mettre en oeuvre une vraie politique d'aménagement du territoire, une politique visant à maintenir l'égalité des chances de développement sur le territoire. Cependant, sans mettre en cause la qualité de ses fonctionnaires, il me semble que ces dernières années, elle se soit un peu écartée de sa mission initiale.
    Compte tenu des perspectives de la décentralisation, des efforts entrepris par les départements et les régions pour coordonner le développement local, des aides diverses octroyées, y compris en provenance de l'Europe, la DATAR risque d'apparaître, si elle ne change pas ses habitudes, plus comme une rémanence d'une sorte de centralisme administratif que comme un véritable appui aux collectivités locales.
    Ayant joué à fond le jeu de l'intercommunalité, ayant créé un pays que je préside et qui fonctionne bien, selon la conception initiale que nous avions de cette entité, je parle d'expérience. Eh bien, j'ai le sentiment que, parfois, par préfet interposé, la DATAR et le CNASEA sont plus là maintenant pour nous obliger à mettre en oeuvre des procédures complexes de gestion de programmes - procédures leader plus, ORAC, pacte territorial pour l'emploi, gestion des fonds d'initiative locale - ou pour nous proposer de participer à des commissions, des comités de suivi, des rencontres, qu'à nous aider - j'en profite, monsieur le ministre, pour vous indiquer que je ne sais pas trop à quoi va servir la rencontre de Nogent-le-Rotrou. Or, pour obtenir des résultats concrets sur le terrain, nous avons besoin que la DATAR manifeste plus de souplesse dans l'aide qu'elle nous apporte.
    Ces pressions - parfois par préfet interposé, je le répète - poussent plutôt les pays à alourdir leurs structures, alors que, comme vous l'avez dit, les pays doivent rester des structures légères de concertation, de convivialité en milieu rural - elles permettent un dialogue entre les maires (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) -, destinées à veiller à la cohérence des politiques engagées par les intercommunalités et à favoriser la contractualisation avec l'Etat, la région ou le département des actions engagées par les intercommunalités ou des communes.
    Outre son rôle de promotion de la France vis-à-vis des investisseurs étrangers, la DATAR ne doit-elle pas recentrer son action, éviter de « technocratiser » son discours comme en témoignent certains documents récents, s'inspirer des expériences étrangères ? Ne serait-ce pas un bon moyen de réorienter l'IHEDAT, que Louis Giscard d'Estaing a un peu mis en cause, de laisser travailler les structures locales avec les SGAR, chacune en fonction de sa structure et de sa situation particulières, et d'oeuvrer davantage à la réduction des inégalités sur le territoire national.
    Vous avez parlé de la réduction des inégalités en matière de téléphonie mobile et de communication à haut débit. Mais le système des subventions est, lui aussi, inégalitaire : le seuil de 25 % concernant les subventions aux entreprises privées s'applique aussi bien aux petites communes qu'aux grandes villes, ce qui fait que les entreprises ont toutes tendance à s'installer dans ces dernières.
    Voilà autant de problèmes sur lesquels la DATAR pourrait se pencher.
    Je sais bien que le Premier ministre vous a donné pour mission de refonder la DATAR ; du reste, elle a un nouveau délégué général, qui me paraît bon. Est-ce dans ce sens que vous allez mener cette refondation ?
    M. le président. Monsieur le ministre, vous avez la parole, mais, semble-t-il, vous avez déjà répondu à cette question. (Sourires.)
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. J'entends bien votre invitation à faire court, monsieur le président. (Sourires.) D'abord, je vous remercie, monsieur le député, de l'appréciation que vous portez à l'égard du nouveau délégué. Ensuite, nous n'avons pas l'intention de continuer à parler le « datarien ».
    Enfin, nous allons demander aux préfets de tout mettre en oeuvre pour simplifier le fonctionnement de ces structures. Ils n'ont pas vocation à les alourdir. Nous devons être efficaces : le projet, pas les structures ; l'action, pas les procédures.
    Nous sommes tout à fait favorables à cette volonté de simplification, d'une part, pour éviter le centralisme et, au contraire, soutenir les projets de territoire ; d'autre part, afin d'être au plus près des acteurs locaux dont vous faites partie.
    Je me rendrai à Nogent-le-Rotrou où j'évoquerai les procédures leaders, qui restent encore un peu compliquées. On ne peut pas prôner la simplification administrative dans les discours et, dans le même temps, continuer à envoyer aux différents acteurs des circulaires souvent illisibles.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ.
    M. Jean-Louis Christ. Monsieur le ministre, à l'heure actuelle, 80 % du territoire français, et principalement nos zones rurales, sont encore exclus de la technologie Internet à haut débit.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est vrai !
    M. Jean-Louis Christ. Les entreprises situées dans ces zones s'en trouvent pénalisées et l'implantation de nouvelles sociétés est rendue particulièrement difficile. Le désenclavement numérique est pourtant essentiel à la survie économique, au dynamisme et à l'attractivité de ces territoires.
    Cette inégalité territoriale face aux nouvelles technologies est particulièrement handicapante pour les départements ruraux déjà pénalisés par un enclavement structurel, la déprise démographique et le déficit d'emploi.
    A son début, Internet a fait naître beaucoup d'espoirs dans les zones rurales, notamment de montagne car, pour leurs habitants, c'était l'outil capable de réduire enfin les distances et de combler leur handicap.
    En juillet 2001, la volonté politique de couverture uniforme du territoire grâce au haut débit a été clairement exprimée lors du CIADT. Or plusieurs freins subsistent, tant techniques que financiers. En effet, si l'ADSL et les réseaux filaires constituent actuellement la meilleure réponse technique et financière pour les villes de plus de 5 000 habitants, il apparaît que, pour les zones rurales, ces dispositifs sont plus difficiles à mettre en oeuvre. Cette situation suscite de nombreuses interrogations, à la fois des habitants, des entreprises et des élus de ces régions.
    Monsieur le ministre, à la veille d'un nouveau CIADT, êtes-vous en mesure de nous éclairer sur ce dossier et de répondre aux questions suivantes ?
    Quelles sont les possibilités techniques actuellement disponibles pour raccorder les collectivités rurales à l'Internet à haut débit dans des conditions économiques acceptables ?
    Qu'en est-il du raccordement satellitaire, qui apparaît comme une alternative adaptée aux spécificités des territoires ruraux ?
    Quels sont les mécanismes de subvention envisageables pour les communes rurales en cas de surcoût induit par cette technologie ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous avez posé une question que posent souvent les élus, notamment en milieu rural.
    Dans l'état actuel des choses, la procédure ADSL ne permettra pas, il faut être clair, la couverture du milieu rural. Il s'agit aujourd'hui de plusieurs milliards d'euros. Nous devons donc élargir le champ de notre réflexion.
    Actuellement, trois types de clientèle sont visés. Le réseau Renater existe dans le milieu universitaire. Nous devons penser à un maillage plus fin, compte tenu des instituts d'enseignement supérieur. D'autres réseaux reposant sur des maillages économiques sont imaginables. Quant aux particuliers, ils s'adonnent volontiers au téléchargement, ce qui fait que leur relation avec le réseau Internet est quelque peu « asymétrique », si je puis dire. Si les liaisons à 156 kilobits par seconde sont souhaitables, elles ne sont, dans l'état actuel des choses, absolument pas concevables sur les plans budgétaire, financier ou technique.
    Vous avez raison d'évoquer les solutions alternatives. On en perçoit deux : l'alternative satellitaire et l'alternative wi-fi, c'est-à-dire wireless fidelity, ou encore « fidélité sans fil ». Nous sommes en train d'y travailler et espérons apporter un certain nombre de réponses le plus rapidement possible.
    Vous aviez vous-même déposé un amendement sur la taxe sur les pylônes satellitaires. Je trouve que cette démarche était tout à fait pertinente. Nous sommes tout à fait prêts à l'étudier, comme l'a indiqué le ministre de l'économie.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nesme.
    M. Jean-Marc Nesme. Monsieur le ministre, les petites villes sont le dernier rempart contre la désertification des régions rurales,...
    M. Jean Lassalle. Très juste !
    M. Jean-Marc Nesme. ... qui représentent les deux tiers du territoire national.
    Le rayonnement économique, culturel et social de ces petites villes dépasse largement leurs frontières communales et même les frontières des communautés de communes auxquelles elles appartiennent. Elles offrent des services et des équipements dans tous les domaines de la vie quotidienne et sont, comme on le dit souvent, au coeur d'un bassin de vie dont le nombre d'habitants est quatre ou cinq fois supérieur au leur. Mais le calcul de leurs dotations d'Etat, qu'il s'agisse de la DGF, de la DSU ou de la DDR, ne tient aucunement compte de leur attractivité, sauf pour les communes touristiques, conformément au décret du 9 juillet 1999.
    Mieux encore : quand la population de ces petites villes diminue, l'Etat en profite pour diminuer leurs dotations.
    M. Jean Lassalle. C'est vrai !
    M. Jean-Marc Nesme. C'est là une mauvaise manière ! Pour une république qui se dit égalitaire, c'est un mauvais procédé que d'enfoncer la tête sous l'eau de ces communes qui s'appauvrissent.
    Ainsi se trouve posé le problème du surclassement démographique de ces petites villes, actrices essentielles de l'aménagement du territoire, comme celui des moyens financiers nécessaires pour leur permettre d'assumer leurs obligations vis-à-vis de leur bassin de vie.
    Monsieur le ministre, je voudrais savoir si le Gouvernement, c'est-à-dire vous-même et le ministre de l'intérieur, envisage de faire bénéficier ces petites villes d'un surclassement démographique et, si oui, sur quels critères. Quelle dotation supplémentaire l'Etat leur accorderait-il afin de leur permettre d'assumer dans des conditions financières équitables leur rôle d'aménageur de proximité du territoire national ?
    Il est temps de mettre fin à une politique verticale de l'aménagement du territoire qui, en quarante ans, tous gouvernements confondus, a abouti à ce que 80 % de la population française vivent aujourd'hui sur 20 % du territoire.
    Vous ne gagnerez le combat d'un aménagement du territoire équilibré, que vous souhaitez, que si vous soutenez fortement ces petites villes dans le cadre d'une politique horizontale de l'aménagement du territoire national.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le ministère de l'intérieur détient effectivement une partie de la réponse au sujet des dotations globales de fonctionnement. Et ce n'est pas le maire de Paray-le-Monial, site mondialement connu pour son attractivité touristique, qui me démentira. Vous êtes en effet tout à fait fondé à évoquer le cas de ces villes dont l'attractivité crée des besoins de services susceptibles de dépasser leurs capacités financières.
    En ce qui concerne votre propre ville toutefois, vous conviendrez que la dotation qui vous a été accordée tenait compte de sa situation particulière. Dans votre commune vous êtes à 210 euros par habitant, ce qui est très au-dessus de la moyenne de votre strate démographique.
    Cela dit, vous avez posé une question de fond. Nous avons demandé à la DATAR de mettre en place un observatoire des territoires. Quelle lecture peut-on faire de la richesse ou de la pauvreté d'un territoire ? Nous devons réfléchir à ces indicateurs. Souvent, nous disposons des indicateurs de population mais nous ignorons la valeur ajoutée par emploi et le PIB par habitant. Nous devons réfléchir à ces outils pour mettre en place la politique de péréquation que vous avez évoquée.
    Comment améliorer l'intercommunalité ? Dans les intercommunalités qui se sont constituées, les villes-centres, y compris celles qui sont passées à la taxe professionnelle unique, ont généralement dû partager la taxe professionnelle dont elles étaient bénéficiaires sans pour autant que les communes périphériques acceptent le transfert des charges qu'elles étaient les seules à supporter.
    On est donc confronté à une mécanique d'implosion d'une intercommunalité qui doit normalement conjuguer partage des richesses et partage des charges. Dans une logique d'offre territoriale, on ne peut faire reposer sur la seule commune-centre la totalité des services qui dépassent largement les besoins de sa population et qui irriguent tout un territoire.
    Nous devons donc examiner la question des dotations territoriales car le système quelque peu pervers - pardonnez-moi d'utiliser ce terme - dans lequel nous sommes fait que, lorsqu'une commune transfère la totalité de ses charges à l'intercommunalité, l'Etat paie deux fois : il garantit la DGF pour la commune qui n'a plus de charges et il octroie une DGF à l'intercommunalité en fonction de l'augmentation des charges. On est même allé jusqu'à dire qu'il fallait transférer le ramassage des ordures ménagères car on augmenterait ainsi le coefficient d'intégration fiscale et l'Etat paierait pour une partie du service. Nous sommes donc dans une mécanique infernale qui fait qu'aujourd'hui plus vous fonctionnez sans bénéficier pour autant d'une diminution liée au fait que votre commune a moins de charges, plus l'Etat accompagne l'inflation des dépenses de fonctionnement.
    Nous devons réfléchir à la capacité d'investissement public sur un territoire donné et avoir une approche plus territorialisée des dotations de l'Etat de façon à soutenir une péréquation horizontale. En tout cas, il s'agit là d'un chantier que nous avons ouvert avec le ministre de l'intérieur.
    M. le président. Nous passons aux questions du groupe socialiste.
    La parole est à M. Philippe Tourtelier.
    M. Philippe Tourtelier. Monsieur le ministre, on a entendu, et on entend encore, de la part du Gouvernement et même du Premier ministre, des appréciations diverses sur les trois lois qui ont organisé et, il faut bien le dire, dynamisé l'intercommunalité : la loi Voynet, la loi Chevènement et la loi SRU.
    Pourtant, ces lois sont particulièrement novatrices. D'abord, elles ont su nous sortir du débat récurrent sur la suppression éventuelle des communes en le dépassant par l'intercommunalité. Ensuite, elles contribuent efficacement à nous faire sortir de l'affrontement stérile ville-campagne, que vous avez évoqué. Elles ont ainsi été l'occasion pour de nombreux territoires qui en avaient la volonté politique d'avancer très fortement dans la coopération intercommunale, ce qui s'est traduit dans les contrats d'agglomération et les contrats de pays.
    Vous avez indiqué que vous envisagiez de repousser d'un an l'application du volet territorial des contrats de plan Etat-régions. L'inquiétude est grande. Allez-vous donner des instructions à vos services pour favoriser la signature des contrats qui sont actuellement en attente ? Les contrats déjà signés seront-ils honorés l'an prochain ? Pouvez-vous nous assurer que, lors du point d'étape qui sera fait en 2003, l'Etat ne remettra pas en cause, directement ou indirectement, les contrats territoriaux ?
    Par ailleurs, la loi Voynet a innové en créant les conseils de développement auprès de communautés d'agglomération et des pays. Pour la première fois, la société civile a pu être étroitement associée à l'élaboration d'un projet de territoire, mais le fonctionnement optimal de ces conseils a pâti de l'absence de statuts des représentants du milieu associatif, ce qui ne facilite pas leur présence aux réunions ni, par la même, une véritable concertation avec la population concernée.
    Monsieur le ministre, pensez-vous que la création des conseils de développement marque une avancée de la démocratie participative ? Dans l'affirmative, quelles mesures envisagez-vous pour permettre au secteur associatif d'y être mieux représenté ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je vous remercie d'avoir posé cette question car ma réponse me permettra de lever une ambiguïté.
    Si nous souhaitons repousser d'un an l'application du volet territorial des contrats de plan, c'est justement pour permettre à des pays en gestation mais dont les procédures ne sont pas arrêtées de pouvoir en bénéficier. La lourdeur des procédures ferait qu'un certain nombre de pays ne seraient pas prêts si nous nous en tenions au délai initialement prévu.
    En outre, nous voulons totalement privilégier le projet par rapport aux procédures. Si les agglomérations et les pays pourront être inscrits au volet territorial, les projets qui ne seraient pas sous-tendus par une structure juridique parce que celle-ci n'aurait pas pu être constituée le pourront aussi. Sinon les élus locaux seraient confrontés à un paradoxe insupportable : pour une raison purement juridique, nous interdirions à un projet pertinent d'être éligible à un contrat de plan alors que nous avons au contraire la volonté de mettre le plus de moyens possible au service des projets de territoire.
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons décidé d'assouplir le volet territorial. Nous avons voulu éviter qu'un effet « couperet » ne pénalise celles et ceux qui se sont engagés dans une démarche et qui, à la veille de la voir aboutir, se voient brutalement sanctionnés. Nous avons introduit dans le dispositif un élément de sécurisation et non d'inquiétude.
    Quant aux conseils de développement, nous sommes conscients que plus il y a de débats sur l'élaboration d'un projet auxquels participent des intelligences de milieux extérieurs à la décision politique, qu'il s'agisse du milieu associatif ou des entreprises, mieux c'est. Mais de grâce, ne tombons pas dans le formalisme ! J'ai vu un certain nombre de pays instituer un conseil de développement parce que c'était prévu dans les textes et n'organiser qu'une réunion formelle pour pouvoir dire que les textes étaient respectés.
    La démocratie, ce n'est pas un texte de loi : c'est une pratique, c'est un principe. Laissons les élus locaux organiser eux-mêmes la démocratie participative avec les conseils de développement. Cela se fera très naturellement, selon des formes diverses.
    Sur le terrain, je constate que certains ne respectent qu'apparemment la loi puisque leur conseil de développement n'est qu'une chambre d'enregistrement alors que d'autres ont, sans attendre la loi, favorisé la démocratie participative et l'élaboration collective d'un certain nombre de projets de territoire.
    Je vous en prie, cessons de recourir systématiquement au statut, au règlement et à la loi ! Je suis de ceux dont le tempérament les conduit plutôt à faire confiance aux élus locaux. Mais vous n'êtes pas obligé de partager cette attitude. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, ma question porte sur la zone dite des cinquante pas géométriques. C'est une des rares particularités des départements d'outre-mer puisque, sur la bande des 81,20 mètres qui fait partie du domaine public de l'Etat, beaucoup de familles, pendant des décennies, se sont installées dans des conditions parfois très précaires.
    Pour mettre un terme aux problèmes liés à l'occupation sans titre de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe - j'associe à ma question mon collègue Victorin Lurel, député de ce dernier département -, la loi du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur de cette zone dans les départements d'outre-mer a créé des agences ayant pour mission de mettre en oeuvre le transfert progressif et contrôlé des terrains appartenant au domaine public maritime au bénéfice des communes, des occupants privatifs ou, ce qui reflète une préoccupation prioritaire de l'Etat, à celui d'organismes qui ont pour objet la réalisation d'opérations d'habitat social.
    Les ressources de ces agences sont de quatre types. Il s'agit d'abord des subventions de la Communauté européenne, de l'Etat et des collectivités territoriales. Il s'agit ensuite des redevances d'occupation du domaine public de l'Etat. Il s'agit encore des produits de cessions et, enfin, des produits de la taxe spéciale d'équipement, prévue par le code général des impôts.
    Si la loi est claire en énumérant ces différentes ressources, il semble bien qu'actuellement les agences des cinquante pas géométriques assurent le financement de leurs opérations et de leur fonctionnement grâce à la seule taxe spéciale d'équipement. Elles sont en effet confrontées, pour la perception des autres ressources, à des difficultés.
    C'est ainsi que l'agence de la Martinique n'est pas inscrite comme bénéficiaire des subventions de l'Europe et que les collectivités locales ne veulent pas, à juste titre, subventionner un établissement public national.
    Un décret du 30 novembre 2000 accorda une aide exceptionnelle pour remédier aux conséquences désastreuses de cette situation. Depuis lors, les élus attendent.
    Monsieur le ministre, quelles sont les mesures d'urgence et durables que vous comptez mettre en oeuvre afin de donner une réelle capacité financière aux agences des cinquante pas géométriques pour financer les programmes d'équipement et participer ainsi au financement de l'aménagement de ces zones qui sont, vous le savez, un enjeu capital pour les communes comme pour l'aménagement de nos territoires ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous remercier pour votre question.
    Ma collègue ministre de l'outre-mer et moi-même sommes extrêmement attentifs à toutes les politiques de développement de vos départements qui, notamment du fait de leur présence dans les cinq océans sont un élément déterminant de la compétitivité et de l'Europe et de la France dans ce que l'on appelle les régions ultra-périphériques.
    Je connais le souhait légitime des collectivités territoriales de voir régler le problème des cinquante pas géométriques qui sont, pour vous, un enjeu très important pour la maîtrise foncière et des politiques d'habitat social et de développement économique.
    Je pense, comme vous, à la pertinence des agences qui ont été mises en place et aux moyens nécessaires à leur action. Elles perçoivent actuellement la taxe spéciale d'équipement, avec un plafond de 1 525 000 euros, que vous avez déjà atteint en Martinique et qui sera, c'est probable, atteint rapidement en Guadeloupe.
    Dès l'année prochaine, vous recevrez des redevances pour l'occupation et les ventes de terrains. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est en train de finaliser les modalités techniques de ce reversement.
    Plus généralement, le Gouvernement souhaite qu'une étude plus fine de ce dossier permette de supprimer les freins qui entravent l'action des agences. Nous entendons prendre prochainement un certain nombre de mesures, convaincus, comme vous, que votre puissance de développement économique présente un intérêt non seulement pour vos départements et pour la métropole, mais aussi pour le développement périphérique des territoires et départements d'outer-mer. C'est aussi important pour notre pays que pour la communauté européenne. Et je sais pouvoir compter sur la détermination et l'intelligence des élus locaux dont vous êtes l'un des brillants représentants.
    M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP. Cinq orateurs doivent encore intervenir.
    La parole est à M. Dominique Caillaud.
    M. Dominique Caillaud. Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris de me voir revenir sur les problèmes des nouvelles technologies, puisque vous savez que j'ai été chargé par l'ancien président de l'Association des maires de France de l'animation du groupe de travail sur ce sujet.
    Vous avez déjà apporté des éléments de réponse précis sur l'aspect inégalitaire de l'équipement national dans le domaine de la téléphonie mobile. Je n'y reviendrai donc pas. En revanche, je m'attarderai un peu plus sur le haut débit, car dans ce domaine, il est urgent de sortir de la logique trop financière, technique et monolithique qui est celle de notre opérateur national, pour nous engager dans une logique volontariste, à l'instar des pays anglo-saxons. Je citerai notamment la Suède, qui est exemplaire, tant par sa volonté de desservir les foyers même lorsqu'ils se situent au fin fond des forêts, que pour la capacité et la vitesse de transmission des informations qui caractérisent son dispositif. Car les Suédois raisonnent en plusieurs dizaines de mégabits.
    Il y va du haut débit aujourd'hui comme de l'eau ou de l'électricité, il y a cinquante ans. Il faut que l'on reste dans cette logique-là : nous devons à nos concitoyens une égalité de service mutualisé dans ses coûts, sur l'ensemble du territoire national.
    A la veille du prochain CIADT, j'aimerais savoir, comme mon collègue Jean-Louis Christ, s'il vous est possible, monsieur le ministre, de répondre aux trois interrogations suivantes.
    Quelle forme de coopération technique avec les collectivités territoriales et les partenaires envisagez-vous de mettre en oeuvre ? Je pense qu'elle est nécessaire si l'on veut résoudre les problèmes financiers.
    Quelles sont les mesures prévues permettant de programmer des infrastructures sur tout le territoire national, en faisant appel à l'ensemble des solutions techniques, y compris satellitaires ?
    Enfin, envisagez-vous de mettre en oeuvre, dans les mêmes conditions de partenariat, les offres de services là où elles ne sont pas prioritaires car déficitaires, et sous quelle forme ? A la différence de la téléphonie mobile, le haut débit nécessite en effet une offre de services, même déficitaire.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je ne suis pas surpris par votre question car je connais votre implication dans ce domaine, notamment en tant que président de la commission nouvelles technologies de l'Association des maires de France.
    Je voudrais d'abord vous indiquer que l'accès au haut débit pose beaucoup moins de problèmes aux entreprises et aux établissements publics de recherche...
    M. Patrice Martin-Lalande. Cela dépend des endroits.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... qu'aux particuliers. Le nombre d'abonnés place aujourd'hui la France dans une situation peu flatteuse en Europe, puisqu'elle n'a qu'un million d'abonnés pour un total « accessible » de vingt millions. La poursuite du plan de redéploiement de l'ADSL sur le territoire demeure essentiellement le fait de France Télécom. Fin 2004, plus de 80 % de la population devraient y avoir accès, ce qui représenterait plus de dix millions d'abonnés, sans compter le démarrage des offres UMTS.
    M. Patrice Martin-Lalande. Mais il y a un monopole !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il y a donc, à panoplie technologique constante, un vrai risque de fracture numérique du territoire, fracture qui serait cruellement ressentie dans les zones à faible densité de population, où se situent les communes isolées de moins de 5 000 habitants auxquelles vous faisiez référence.
    C'est pour cette raison que le Gouvernement, l'ART et les collectivités territoriales doivent engager sans tarder des actions sur plusieurs fronts. Les objectifs qui avaient été annoncés au CIADT de juillet 2001 sont totalement irréalistes. En outre, l'élargissement du contenu du service universel harmonisé en Europe à l'accès au haut débit n'est pas à l'ordre du jour : c'est ce qu'ont décidé le Conseil des ministres des télécommunications et le Parlement européen cette année et c'est un vrai problème.
    Nous devons donc, premièrement, permettre aux opérateurs d'anticiper une forte pénétration commerciale dans ces zones à faible densité de population ; deuxièmement, renforcer le maillage des réseaux de collecte à l'échelon régional et départemental ; troisièmement, réfléchir à la mutualisation des infrastructures bénéficiant d'un financement public, faciliter l'accès à la domanialité publique, établir une fonction d'observatoire des réseaux existants, mobiliser les crédits européens, notamment ceux du FEDER objectifs 1 et 2, dans le cadre des DOCUP, et accompagner les projets de desserte contenus à l'échelle de l'intercommunalité. Enfin, nous devons probablement privilégier deux pistes : premièrement, celle de l'expérimentation des technologies alternatives - j'évoquais tout à l'heure l'alternative satellitaire et l'alternative Wi-Fi - que nous devons absolument explorer ; deuxièmement, celle des conditions expérimentales ou dérogatoires permettant l'implication directe des collectivités territoriales, la Commission européenne étant tout à fait favorable à ce que les collectivités locales investissent dans des infrastructures passives et actives, à condition que cela ne perturbe pas le jeu concurrentiel.
    M. Patrice Martin-Lalande. Sans être opérateur.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En effet, vous avez raison de le souligner. Il convient de distinguer les maîtres d'ouvrage en infrastructures des activateurs de ces infrastructures. Il faut être extrêmement prudent. Pour ma part, je suis favorable à l'implication des collectivités territoriales dans les infrastructures mais pas dans leur activation.
    Cependant, nous ne devons pas éluder le problème d'ordre concurrentiel, à savoir la mutualisation des infrastructures de desserte, dès lors que les collectivités locales souhaiteraient acquérir des équipements actifs, de type DSLAM, destinés à étendre la desserte ADSL assurée spontanément par France Telecom. En effet, je ne vois pas pourquoi nous permettrions aux collectivités territoriales de financer des infrastructures qui auraient pour effet d'accroître l'existence d'un monopole.
    Par ailleurs, il faut être attentif à la passation des marchés publics de services qui auraient pour effet de renforcer la position dominante d'un opérateur. Nous devons, à chaque fois, conjuguer l'extension de la concurrence et l'implication des collectivités territoriales.
    Nous souhaitons donc mettre en cohérence les interventions légitimes des collectivités locales, accompagner celles-ci dans des expérimentations d'usage et, enfin, concentrer les outils financiers d'aménagement du territoire, FEDER et crédits « Caisse des dépôts », dans le renforcement du maillage des réseaux de collecte et de la desserte des pôles d'activité économique. J'ai évoqué tout à l'heure le RENATER qui devrait permettre de développer le maillage des universités, et le réseau des pôles économiques. Il nous restera à réfléchir au problème des particuliers, qui demeure extrêmement préoccupant. En effet, le dispositif est très coûteux et les besoins en termes de service et d'usage sont très différents dans la mesure où les particuliers consomment généralement plus de flux Internet qu'ils n'échangent.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre, les Français nous ont donné pour mandat de réformer la France, et notamment l'Etat. N'est-il pas temps, pour commencer, de réformer la culture dirigeante de notre pays qui porte la marque de l'économie administrée ?
    Quand on croise les informations, on retombe très souvent sur une école qui semble jouer un rôle déterminant dans la diffusion de cette doctrine économique. Nous sommes le seul pays au monde, je vous le rappelle, dont l'élite n'est issue ni d'une école d'ingénieurs ni d'une école de commerce, mais d'une école de fonctionnaires. Encore une exception française...
    On en connaît d'ailleurs les résultats : nous détenons les records de déficits sociaux, budgétaires, publics, les records d'endettement, et même nos retraites sont maintenant en faillite. Comment cette école parvient-elle donc à envahir toutes les sphères économiques, entrepreneuriales, bancaires, politiques, administratives et même sociales ?
    M. Jean Launay. Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Faut-il continuer à encourager ces nominations, à cause desquelles sont éliminées des personnes méritant d'être promues, eu égard à leur expérience, à leur mérite, à leur compétence, autant de qualités dont dispense le passage par cette école ?
    Malheureusement, on connaît le résultat. Lorsque l'on prend le premier rôle dans un appareil de décision sans avoir ni la compétence ni l'expérience, on obtient le record mondial de l'entreprise la plus endettée - France Télécom -, le record de la plus grosse faillite bancaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Pierre Cohen. C'est lamentable !
    M. le président. Pouvez-vous poser votre question à M. le ministre ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Je vais terminer ! On obtient le record de la plus grosse ruine de petits actionnaires,...
    M. Pierre Cohen. Peut-être vont-ils déposer un amendement pour supprimer France Télécom !
    M. Jean-Michel Fourgous. ... le plus gros prélèvement de stock-options sur une entreprise publique. Vous savez tout cela.
    Bref, monsieur le ministre, doit-on continuer à encourager un tel système ? Est-il tabou de poser cette question dans l'hémicycle ? Je peux, si vous le voulez, m'arrêter là. L'ENA a fait l'objet de vingt-cinq réformes. Monsieur le ministre, allez-vous nous proposer la vingt-sixième ? Y croira-t-on ? Sera-t-elle efficace ?
    M. le président. M. le ministre va vous répondre.
    M. Jean-Michel Fourgous. Les Français nous ont-ils envoyés dans cet hémicycle pour ne rien remettre en cause ?
    M. le président. Monsieur le ministre, nous reviendrons sur ce débat, je crois, au cours de l'examen des amendements.
    Mais je vous donne la parole.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je partage votre point de vue, monsieur le président. La qualité des parlementaires exige que nous comptions notre temps.
    Je crois, monsieur le député, que vous m'interrogerez à nouveau sur le même sujet lorsque nous examinerons votre amendement. Je vous propose de vous répondre globalement tout à l'heure. Aucune question n'est gênante lorsqu'elle vient de la représentation nationale. C'est pourquoi je suis prêt à entendre toutes les questions. En revanche, les réponses, elles, pourraient paraître gênantes à certains parlementaires.
    M. le président. Nous y viendrons tout à l'heure, monsieur le ministre.
    La parole est à M. Mansour Kamardine.
    M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, je souhaiterais recueillir votre avis, sur la situation délicate, pour ne pas dire cocasse, des fonctionnaires de la collectivité départementale, des communes et des établissements publics de Mayotte.
    L'espoir suscité par l'ordonnance du 5 septembre 1996, qui est la principale référence en matière de statut général des fonctionnaires à Mayotte, a été déçu faute de publication des décrets d'application. La non-parution des décrets est d'autant plus préoccupante que, depuis la loi du 11 juillet 2001, Mayotte connaît une situation nouvelle qui rend obsolètes des pans entiers de l'ordonnance de 1996.
    En effet, la collectivité départementale de Mayotte est engagée sur la voie de la décentralisation à compter du renouvellement du conseil général, en mars 2004. Or, faute de fonctionnaires qualifiés et disposant d'un statut digne de ce nom, la collectivité départementale de Mayotte risque de manquer cette étape institutionnelle décisive pour son avenir.
    Alors que la décentralisation est à l'honneur en ce début de législature, il me paraît important de donner tous les moyens nécessaires à son développement sur tout le territoire de la République. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous indiquiez à la représentation nationale les mesures que vous entendez prendre pour doter Mayotte d'une fonction publique territoriale disposant de moyens financiers et statutaires conformes à la nouvelle donne institutionnelle que nous connaissons à Mayotte.
    Par ailleurs, le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ont décidé l'intégration dans la fonction publique de l'Etat des fonctionnaires locaux qui participent aux missions régaliennes de l'Etat. Aussi, je souhaiterais connaître votre position sur l'intégration des agents qui exercent dans les autres services relevant des missions régaliennes de l'Etat, c'est-à-dire des services de l'agriculture, de la justice, des services fiscaux et des douanes, dont les agents assurent des tâches incombant traditionnellement aux fonctionnaires de l'Etat. Pourriez-vous m'indiquer les mesures que votre ministère entend prendre pour faciliter cette nécessaire intégration ?
    Enfin, l'article 65 de la loi du 11 juillet 2001 dispose que l'Etat rembourse chaque année à la collectivité départementale de Mayotte les dépenses correspondant aux frais générés par la mise à disposition par celle-ci d'agents affectés dans les services relevant de l'Etat. Ces dépenses s'élèvent pour chaque année, depuis 2001, à la somme de 27 millions d'euros. Or, à ce jour, la collectivité départementale n'a encore perçu aucun remboursement.
    Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir me répondre aussi sur ce point particulier.
    En un mot, monsieur le ministre, quelle place la fonction publique réserve-t-elle à la collectivité départementale de Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, Mayotte a manifesté son très fort attachement à la France à l'occasion des deux référendums populaires. Le Président de la République a eu l'occasion de le rappeler lors de son déplacement en mai 2001, et la ministre de l'outre-mer n'a pas manqué de souligner publiquement, lors de la commémoration du 25e anniversaire de la création du conseil général, en septembre dernier, que Mayotte fait partie intégrante de la France.
    Près de 4 500 agents dont la plupart relèvent de la collectivité départementale de Mayotte effectuent une mission de service public. Souvent nommés par arrêté du préfet, agissant en qualité d'exécutif du conseil général, ces personnels n'ont quasiment pas de statut, et aspirent légitimement à être intégrés dans la fonction publique.
    C'est un message très fort qu'ont exprimé, il y a deux mois, les 1 800 instituteurs et les 400 agents du vice-rectorat au terme de deux mois d'une grève par laquelle ils ont voulu montrer qu'ils voulaient devenir des fonctionnaires à part entière, comme leurs collègues de métropole. Ce message a été entendu par le Gouvernement et, dès la fin de l'année 2002 et au début de 2003, ma collègue Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, et moi-même allons engager un vaste chantier de titularisation de la fonction publique de Mayotte, qui s'étendra sur plusieurs années.
    Je propose que se mette en place rapidement un groupe de travail regroupant l'ensemble des départements ministériels concernés, que vous avez cités. Ce chantier d'intégration devra être mené parallèlement à celui de la partition entre les services de la préfecture et ceux du conseil général, qui doit intervenir le 1er janvier 2004.
    Je tiens, en outre, à vous informer que mon cabinet a déjà reçu une délégation de secrétaires généraux maorais, et les recevra encore prochainement.
    Pour ce qui est, enfin, des dépenses dues au titre de l'article 65 de la loi du 11 juillet 2001, le remboursement en sera assuré, comme l'an passé, dans le cadre de la loi de finances rectificative 2002, sur le budget 41-91 du ministère de l'outre-mer.
    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. En matière de téléphonie mobile, la couverture des zones blanches est une exigence non seulement pour les habitants de ces zones, qui sont souvent assez peu nombreux, mais aussi pour l'ensemble des clients, car l'intérêt de la mobilité est, de toute évidence, de pouvoir utiliser le téléphone lorsque l'on se déplace et hors des zones densément habitées. Une couverture à 100 % nécessiterait une dépense de 2,6 milliards de francs. Or le CIADT de juillet 2001 n'a prévu que 1,4 milliard. Si un accord a été trouvé entre les opérateurs et l'ART à la fin du mois de septembre dernier, l'enveloppe reste, malheureusement la même, c'est-à-dire insuffisante. Le montage financier devrait être validé au niveau européen, et il nous faut espérer que l'apport par l'Etat et les collectivités locales de 88 millions d'euros sera compatible avec la réglementation communautaire.
    Le fait que les opérateurs ne veulent recourir à l'itinérance locale qu'en dernier ressort et, qui plus est, la soumettre d'abord à expérimentation risque d'allonger les délais de couverture des zones blanches. Il faudrait s'assurer, à cet égard, que le capital d'expérience disponible sera utilisé rapidement, car des accords d'itinérance existent déjà entre opérateurs français, aux Antilles ou en métropole, et étrangers.
    Nous avons besoin de savoir aussi selon quels critères et quelles priorités les premiers sites mutualisés, qui sont un peu plus de 232, seront répartis sur le territoire, notamment à l'occasion de la décision qui se prépare pour le CIADT de décembre prochain. Comment les analyses menées par les départements et les conseils généraux avec l'ART seront-elles prises en compte ? Ces études représenteront-elles la base de référencement des zones blanches ?
    S'agissant du haut débit, la France est en retard puisque seulement 11 % des internautes en bénéficient. France Télécom a pu, après avoir fait baisser les installations d'ADSL, rattraper ce retard à son bénéfice exclusif en installant un million de prises sur le territoire, ce qui représente un quasi-monopole de fait.
    S'agissant des satellites, j'ai défendu, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, un amendement visant à en alléger le coût d'utilisation pour la réception haut débit, dans le cas des antennes de moins de 2 watts. Pouvez-vous me confirmer que cet amendement sera repris, avec l'accord du Gouvernement, dans le collectif qui se prépare ?
    Nous nous inquiétons également de l'avenir d'Eutelsat. Pour l'UMTS, un retard considérable, de plusieurs années, a été pris. Malheureusement, les prélèvement opérés en Europe pour payer les licences par anticipation ont abouti à stériliser des milliards au détriment du secteur des télécommunications. Nous en voyons aujourd'hui les résultats.
    Nous nous inquiétons aussi du fait que le cahier des charges de l'ART ne prévoit de couvrir en UMTS que 60 % du territoire. J'espère que la discussion prochaine de textes consacrés à ce sujet - notamment la transposition des directives européennes constituant le deuxième « paquet télécom » - nous permettra d'avoir à l'Assemblée nationale le vrai débat sur l'Internet et la société de l'information qui nous a été refusé sous la précédente législature.
    Quant au service universel, il a besoin d'être élargi aux prestations en haut débit et à la téléphonie mobile. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'inclure ce thème dans le champ de la négociation ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avant tout, monsieur le député, je vous remercie pour votre contribution personnelle, qui accompagne les réflexions sur l'extension de la téléphonie mobile que le Gouvernement mène avec la DATAR, les opérateurs et l'ART.
    Il faut que les choses soient claires : l'enveloppe financière actuelle nous autorise à franchir une première étape en couvrant 1 638 communes. Mais elle ne nous permet pas de réaliser une couverture totale du territoire. Il nous faut réfléchir à la meilleure façon d'être très rapidement opérationnels, d'abord sur 200 ou 300 premiers sites, puis dans les 1 638 centres-bourgs, avant d'envisager une politique plus globale et financièrement neutre à l'égard des opérateurs.
    Nous avons effectivement engagé avec la Commission européenne des discussions sur la modification des DOCUP et la mobilisation de fonds européens en faveur de la téléphonie mobile.
    En ce qui concerne l'itinérance locale, l'accord conclu le 24 septembre entre l'ART, les opérateurs et le Gouvernement permet à nouveau le recours à cette solution. Nous avons acté le principe selon lequel la différence concurrentielle entre les opérateurs doit laisser entrevoir la différence de leurs réseaux dans les zones où l'équilibre du marché leur permet d'avoir une couverture normale. Pour chaque cas, il convient de choisir la solution technique la plus efficace, la plus performante et la plus rapide, itinérance locale ou mutualisation des infrastructures.
    Mais nous devons être attentifs à ce que les choix techniques et les expérimentations ne soient pas un prétexte pour retarder la mise en oeuvre des investissements.
    M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons en effet deux échéances à respecter.
    La première est extrêmement courte : le CIADT du 13 décembre doit en effet valider la répartition de l'enveloppe de financement de l'Etat entre les régions selon un schéma d'installation qui sera soumis à la concertation des élus locaux et des préfets. L'évaluation de nos contraintes budgétaires, celle de la contribution financière des collectivités locales et d'éventuels fonds européens nous donneront alors une meilleure visibilité de ce que peut être une politique d'aménagement du territoire en matière de téléphonie mobile.
    Il restera, deuxièmement, à faire évoluer l'article 1511-6 du code général des collectivités territoriales pour sécuriser juridiquement l'intervention des acteurs locaux. Une fois que nous aurons reçu l'avis du Conseil d'Etat sur ce sujet, nous devrons consulter la Commission européenne. Nous aurons probablement une réponse aux environs du deuxième trimestre 2003, et serons opérationnels à cette date. Cela n'interdit nullement aux collectivités locales d'entreprendre des investissements dans les infrastructures passives puisque celles-ci ne souffrent pas d'insécurité juridique.
    Nous avons donc un calendrier institutionnel et un calendrier opérationnel. Vous participiez hier, au niveau de la DATAR, à une réunion du comité de pilotage. Le délégué de la DATAR va pouvoir réunir, dans les tout prochains jours, un comité technique chargé d'adresser le plus rapidement possible une circulaire aux préfets de région. Les consultations sur le terrain pourront ainsi avoir lieu d'ici à la fin du mois de novembre, afin de déterminer, à partir de la liste établie par le cabinet Sagatel, la contribution des collectivités territoriales et de consulter les acteurs du terrain sur les actions les plus pertinentes du point de vue de l'aménagement du territoire. A partir de là, le CIADT pourra arrêter un certain nombre de décisions et enclencher les premières étapes d'une politique de couverture des « zones blanches » en téléphonie mobile.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Patrice Martin-Lalande. Il était temps !
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions. Avant d'appeler les crédits et les amendements, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq).

SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux

    M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre » :
    « I. - Services généraux ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : 23 573 349 euros. »
    « Titre IV : moins 32 184 685 euros. »

ÉTAT C
Répartition des autorisations de programme et des crédits
de paiement applicables aux dépenses en capital
des services civils (mesures nouvelles)
TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 31 792 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 6 901 000 euros »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 31 792 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 6 901 000 euros. »
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 86 et 90, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 86, présenté par M. Novelli et M. Fourgous, est ainsi rédigé :
    « Sur le titre III de l'état B, réduire les crédits de 15 450 228 euros. »
    L'amendement n° 90, présenté par M. Tron, rapporteur spécial, et MM. Louis Giscard d'Estaing, d'Aubert, Brial, Censi, Descamps, Forissier, Goulard, Hénart, Hériaud, Laffineur et Rouault, est ainsi rédigé :
    « Sur le titre III de l'état B, réduire les crédits de 5 000 000 d'euros. »
    La parole est à M. Henri Novelli, pour soutenir l'amendement n° 86.
    M. Hervé Novelli. Cet amendement, très simple, tend à réduire d'environ 15 millions d'euros les crédits du titre III, consacrés aux services généraux du Premier ministre.
    Cette réduction s'impute sur le chapitre 36-10 et correspond strictement à la moitié de la subvention de fonctionnement attribuée à l'ENA pour 2003.
    En effet, pour les auteurs de cet amendement, moi-même et Jean-Michel Fourgous, la suppression de cette école apparaît indispensable. Son maintien au-delà de 2003 n'a plus lieu d'être.
    M. François Sauvadet. Oh, là là !
    M. Hervé Novelli. Réduite de moitié, la subvention de fonctionnement permettra à l'ENA d'achever la formation des élèves en cours d'études.
    Je voudrais prendre quelques instants pour vous expliquer le pourquoi de cet amendement si simple...
    M. Jean-Pierre Dufau C'est de la dentelle !
    M. Hervé Novelli. ... et vous faire partager ma conviction que pour réformer le pays, il nous faut mettre l'ENA à la réforme,...
    M. François Sauvadet. Oh !
    M. Hervé Novelli. ... au sens, bien entendu, où l'entendent les militaires.
    La France est un singulier pays. Jamais on n'a autant parlé de réformes et si peu contribué à les mettre en oeuvre. De la réforme de nos systèmes de retraite à celle de l'administration, de la réforme de la fiscalité à celle de nos institutions, le consensus règne sur le diagnostic, mais aussi, malheureusement, sur le résultat : ne rien faire, ne rien décider, ne pas bouger.
    Les racines de cette impuissance française doivent être à nos yeux recherchées pour une large part dans le pouvoir culturel dans lequel baigne depuis des années la classe dirigeante française, qu'elle soit administrative, politique ou économique.
    Le grand idéologue italien Antonio Gramsci...
    M. André Chassaigne. Vous avez de bonnes références !
    M. Hervé Novelli. ... fait de ceux qui possèdent ce pouvoir les vrais dirigeants nationaux. Or depuis des années, l'élite dirigeante française baigne dans la même imprégnation culturelle. Comme on l'enseigne à l'ENA, tout passe par l'Etat.
    De fait, les énarques sont aujourd'hui au coeur des systèmes de décision, non seulement dans la haute fonction publique, mais aussi dans les sphères politique et économique. S'il apparaît logique - encore que... - que les postes de fonctionnaires les plus élevés dans la hiérarchie soient occupés par des énarques, que penser du fait que sur les dix-sept premiers ministres que la France a connu sous la Ve République, treize d'entre eux étaient issus de la fonction publique ? Plus fort encore, 70 % des parlementaires ayant fait l'ENA sont devenus ministres. Tous les espoirs sont donc permis, mes chers collègues ! (Sourires.)
    Dans la sphère économique, nombre de dirigeants de grandes entreprises ont fréquenté les bancs de cette école : Jean-Marie Messier, Philippe Jaffré, Jean-Pierre Haberer, autant de noms associés à la direction - et parfois aux déboires - de sociétés françaises.
    Outre les risques ce clanisme qu'elle comporte, cette surreprésentation est profondément inadaptée à une société en pleine mutation. Une culture déifiant le service de l'Etat n'a plus sa place à un moment où la modernisation rend plus que jamais nécessaire l'adaptation de toutes nos structures.
    L'entreprise bouge. La société bouge. L'Etat lui aussi doit bouger, de même que doit évoluer l'apprentissage de sa gestion. Réformer, c'est d'abord en finir avec la culture de la non-réforme, avec l'absence de changement que portent l'enseignement et la théorisation de la continuité du service public.
    On l'a bien compris, il ne s'agit pas de juger les hommes, mais de se livrer à un constat simple : l'incapacité de notre société à se réformer provient pour une large part de la culture dans laquelle baigne notre classe dirigeante française. Cette culture ne doit plus être hégémonique. C'est la raison pour laquelle un simple mastère de gestion publique, enseigné dans le circuit universitaire, doit répondre aux besoins de formation de la haute administration.
    L'ENA ne peut être réformée, car c'est son principe même qui la condamne. Il ne s'agit pas d'assouvir une quelconque vengeance ou rancoeur, mais de constater que pour pouvoir changer et réformer enfin notre pays, il nous faut mettre l'ENA à la réforme.
    Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous ferez comme trois membres du Gouvernement actuel - je suis prêt à vous donner les noms - qui, il y a deux ans, ont cosigné une proposition de loi que je vous conseille de lire et qui tend à supprimer l'Ecole nationale d'administration.
    M. Jean-Pierre Dufau. Ils figurent parmi les 30 %.
    M. Hervé Novelli. Vous ferez comme les trente et un députés qui, en 1999, se sont livrés à ce même exercice. En votant cet amendement, vous mettrez fin et direz non à la confusion des sphères, administrative, politique et économique, largement responsable de l'absence de réforme dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour soutenir l'amendement n° 90.
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'aménagement du territoire. L'amendement, adopté par la commission des finances, vise à réduire de 5 millions d'euros les crédits de l'Ecole nationale d'administration. Il se fonde sur la nécessité d'envisager, en fonction des besoins futurs, quelle doit être la taille des promotions de cette institution. Depuis sa création, l'Ecole nationale d'administration a vu ses effectifs augmenter pour arriver actuellement à 120 élèves à l'issue du concours d'entrée de 2002.
    Compte tenu, d'une part, de la nécessité d'offrir, à la sortie de cette école, des débouchés correspondant à la formation des élèves et aux potentialités qui peuvent leur être offertes dans la fonction publique, et, d'autre part, de l'évolution prévue des effectifs des services centraux de l'Etat dans le cadre du projet de décentralisation, il convient d'envisager la révision à la baisse des effectifs des promotions futures de cette école.
    Une telle diminution favoriserait de surcroît la promotion interne dans les différentes administrations et aurait de ce fait un fort impact sur la motivation des carrières dans la fonction publique.
    Enfin, la mission et la responsabilité qui nous sont conférées par la loi organique sur les lois de finances, doit nous conduire à nous interroger sur le bien-fondé de cette école au regard des besoins réels et quantitatifs de notre pays et de la haute fonction publique.
    C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat, pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 86 et 90.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat. Monsieur le président, la commission des finances a adopté l'amendement n° 90, le rapporteur que je suis s'étant prononcé contre. Je vais essayer de dire pourquoi. En revanche, elle n'a pas examiné l'amendement n° 86. Aussi, m'exprimerai-je à titre personnel.
    J'ai le sentiment que le débat que nous engageons est à la fois symptomatique et difficile.
    Il est symptomatique de l'état d'esprit qui anime une grande partie des membres de l'actuelle majorité - et j'en suis - qui sont quelque peu impatients, ce qui peut se comprendre, de voir mise en oeuvre la fameuse réforme de l'Etat, dont on parle depuis si longtemps et qui ne l'a pas encore été de façon suffisante.
    M. Alain Cousin et M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je dois dire, d'ailleurs, que je suis, pour ma part, en totale adéquation intellectuelle avec mes amis députés, parce que, comme je l'ai indiqué ce matin, à force d'en parler et de ne pas la réaliser, on aboutit aujourd'hui à créer un sentiment d'impuissance...
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. ... y compris dans cette enceinte, qui aboutit effectivement à ce que nous soyons conduits à chercher des solutions que je qualifierai de radicales.
    M. Hervé Novelli. Merci !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je tiens donc à dire que je partage l'esprit qui peut guider MM. Novelli, Fourgous et Giscard d'Estaing.
    Reste, mes chers collègues, que je me suis prononcé en commission contre l'amendement de M. Giscard d'Estaing et que je le fais également ici à titre personnel, pour des raisons qui tiennent à l'opportunité - pas à l'opportunisme.
    Pourquoi ? Parce que la réforme de l'ENA ou sa disparition doit être envisagée dans le cadre beaucoup plus global de la gestion des ressources humaines, et en particulier de la formation, chantier ouvert par vous, messieurs les ministres.
    Nous sommes confrontés aujourd'hui à un énorme problème, celui de l'attractivité de la fonction publique.
    M. Alain Cousin. Tout à fait !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je me permets, sans entrer à nouveau dans le débat, de rappeler que malgré un salaire par tête supérieur à celui constaté en moyenne dans le privé, malgré un système de retraites nettement plus favorable, on s'aperçoit aujourd'hui qu'il y a une crise de la fonction publique et que les candidats à l'ensemble des concours sont en diminution constante. Ainsi que je l'ai rappelé ce matin, Luc Ferry a fait état ici même des difficultés rencontrées pour recruter des professeurs du second degré. Autrement dit, il y a une crise de l'attractivité de la fonction publique qui justifie, à mon avis que l'on engage une grande discussion avec les fonctionnaires, avec leurs syndicats, avec bien entendu les élus pour savoir comment y porter remède.
    Je crois, pour ma part, que cette grande discussion sur la gestion des ressources humaines dont le minisre a déjà indiqué qu'elle sera ouverte à la fin de cette année, permettra effectivement de faire des propositions au Parlement en matière de réforme de l'ENA.
    Je ne suis pas mieux placé qu'un autre pour savoir comment il faut réformer l'ENA. Je connais, en revanche, certaines des critiques pérennes que l'on peut formuler quant à son fonctionnement actuel. Je les lis, je les entends, notamment celle relative à son côté élitiste. Pour ma part, je suis profondément convaincu qu'il faut réformer l'ENA.
    Mais, monsieur Novelli, je ne tire pas forcément les mêmes conclusions des statistiques intéressantes que vous venez de nous donner. Je fais partie de ceux qui considérent qu'en réalité, pour qu'un pays fonctionne bien, il faut qu'un pouvoir politique soit fort et que l'administration soit guidée.
    M. Alain Cousin. Exactement !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je ne crois pas qu'on puisse s'en prendre, par exemple, aux fonctionnaires, quand on voit l'absence de réformes de l'Etat ou l'absence de réformes sur les retraites.
    Il faut s'en prendre aux pouvoirs politiques...
    M. Alain Cousin. Tout à fait !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. ... qui n'ont pas le courage de le faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour ma part, j'ai tendance à penser qu'il serait nettement plus adéquat que le pouvoir politique donne une inflexion précise - je suis sûr que c'est le cas - et que les fonctionnaires l'exécutent, ce qui est parfaitement noble. Il faudrait que les choses soient redites de cette façon-là, afin d'éviter d'entrer dans un débat qui peut donner le sentiment - je suis certain que ce n'est pas ce que vous avez souhaité faire, messieurs Fourgous, Novelli et Giscard d'Estaing - qu'il vise de hauts fonctionnaires qui sont très dévoués au service public.
    Il appartient au Gouvernement de faire en sorte que de tels amendements ne soient déposés à nouveau l'an prochain. J'espère que la fonction publique dans son ensemble, la haute fonction publique en particulier, et notamment l'ENA auront compris ce que nous voulons faire. Si tel est le cas, je pense que nous aurons obtenu le résultat que nous souhaitons.
    A titre personnel, je me prononce donc contre l'amendement n° 90, qui a été adopté par la commission, et contre l'amendement n° 86 de M. Novelli.
    M. Alain Cousin. Très bonne intervention, comme d'habitude !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 86 et 90 ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord distinguer les objectifs des amendements car ils sont différents. Celui de MM. Novelli et Fourgous tend à nous montrer que nous serons dans l'incapacité de réformer l'Etat si nous ne réformons pas d'abord l'ENA en la supprimant. Celui de M. Giscard d'Estaing pose le problème pertinent de l'adéquation des besoins de formation par rapport aux besoins futurs des cadres dont nous avons besoin.
    Quant à M. Tron, il vient de rappeler la nécessité de développer l'attractivité de la fonction publique, l'insuffisance de courage politique en la matière et les raisons pour lesquelles il convient, selon lui, de ne pas adopter ces deux amendements.
    Je voudrais tout d'abord vous dire, monsieur le président, vous qui avez été le ministre de tutelle de cette école...
    M. le président. Sans être moi-même énarque, je tiens à ce que les choses soient claires ! (Sourires.) Je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté, monsieur le ministre !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. C'est cela le talent !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous aviez d'ailleurs indiqué que votre talent fut reconnu dès votre première présentation : cette école vous a fait passer le grand oral en faisant en sorte que vous interveniez spontanément et avec la fougue que l'on vous connaît devant ce grand auditoire d'énarques qui ont su immédiatement juger que l'intelligence était partagée par tous !
    M. le président. Je n'aurais pas dû raconter mes souvenirs, monsieur le ministre ! (Sourires.)
    M. Alain Cousin. Il peut y avoir de bons souvenirs !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Chacun le sait, ni énarque ni fonctionnaire, je suis issu d'une famille de commerçants et élu local.
    J'ai trouvé très pertinents les débats que ces deux amendements nous permettent d'ouvrir.
    M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. D'ailleurs, il n'y a pas de débats impertinents : tout parlementaire a vocation à pouvoir poser les questions.
    M. Hervé Novelli. Merci, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Permettez-moi de vous donner ma position. J'ai pour l'ENA un profond respect, mais je n'ignore pas qu'il y a dans ce pays, vis-à-vis d'une certaine forme de pouvoir, une méprisante distance et que, paradoxalement, on a tendance à associer une certaine forme du pouvoir ou une certaine arrogance aux énarques. Brutalement, ils sont devenus un symbole. Avant la guerre c'étaient les X, aujourd'hui ce sont les énarques, demain ce sera peut-être autre chose.
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est le directeur de l'ENA qui parle d'arrogance !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. On peut se demander si vous voulez supprimer l'ENA, monsieur Novelli, ou, comme vous paraissiez l'indiquer, si vous critiquez la mainmise des énarques sur la vie politique, la vie économique et la vie administrative. Ce n'est pas le même débat car, en même temps, et c'est là le paradoxe de votre argumentation, vous reconnaissez implicitement la qualité de la formation de l'ENA puisqu'elle permet à ses élèves d'accéder aux plus hautes fonctions.
    M. Jean-Michel Fourgous. A davantage de pouvoir !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, vous dénoncez la faiblesse du politique, qui doit être le patron de son administration.
    M. Jean-Michel Fourgous. Les énarques sont ministres !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous ne pouvez pas vouloir cultiver la volonté du politique, la capacité du politique, le rôle de l'acteur politique et, dans le même temps, reconnaître son impuissance à faire bouger l'administration.
    De même, vous invoquez les erreurs qui ont été commises par des chefs d'entreprise issus de cette école.
    M. Jean-Michel Fourgous. De modestes erreurs !
    M. le président. Monsieur Fourgous, cessez d'interrompre !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dans le secteur privé comme dans le secteur public, les mêmes causes produisent les mêmes effets. On le voit bien, dans les conseils d'administration des entreprises, tant privées que publiques, trop d'intérêts communs voire de copinages tuent la vigilance et des erreurs de stratégie ont été commises non pour des questions de statut mais tout simplement du fait de l'absence de contre-pouvoirs. Vous connaissez un certain nombre d'exemples qui illustrent mon propos.
    Il faut avoir le courage d'aller au-delà du symbole que vous posez. Comme l'indiquait M. Giscard d'Estaing, nous avons besoin de cadres dans la fonction publique. Mais une école de formation de cadres doit inciter ses élèves à servir l'Etat, non à bâtir une carrière politique. Et si vous posez la question de la dissociation entre une école de cadres administratifs et une école de cadres politiques, pourquoi ne pas envisager de demander à un fonctionnaire de choisir, à partir de son deuxième mandat par exemple, entre son statut de fonctionnaire et une carrière politique ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Dès lors, vous aurez réglé le problème.
    M. Hervé Novelli. Je suis d'accord !
    M. Jean-Michel Fourgous. Ça ne sera jamais voté !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ensuite, on voit bien comment articuler le pouvoir et le contre-pouvoir. Voilà la réflexion que mène actuellement Francis Mer sur la gouvernance des entreprises publiques.
    Louis Giscard d'Estaing compare le nombre d'élèves de l'ENA et les besoins réels de la haute fonction publique. Or nous avons très clairement mis en place la gestion prévisionnelle des effectifs et nous nous demandons si, l'ENA ne devrait pas évoluer en direction de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière d'Etat, mais aussi de la fonction publique européenne.
    Ce que nous pouvons constater, et que j'ai contesté, en refusant le premier projet d'établissement qui m'a été présenté, c'est la réduction du nombre de filières de formation. Il faut, au contraire, l'élargir, tant vers le monde de l'entreprise, que vers la dimension européenne et territoriale. Nous pourrons alors avoir une véritable filière de formation au service de l'intelligence administrative, au service de nos territoires.
    Par ailleurs, il faut aussi intégrer à l'ENA la culture d'entreprise, la culture territoriale. On ne peut pas prétendre diriger une administration en ignorant la culture de ses administrés. Nous devons réfléchir à cette obligation qui consiste, probablement, à modifier les modes de recrutement, les formations et la prédétermination de l'affectation aux grands corps en fonction du rang de sortie de l'école. Comment imaginer que quelqu'un qui passe brutalement d'une école à de hautes responsabilités administratives ne soit pas dans l'incapacité quelquefois de comprendre celles et ceux qui subissent le fardeau des procédures, n'ayant pas à en imaginer le poids ?
    M. Alain Cousin. C'est une vraie question !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais, ceux qui critiquent un peu rapidement l'ENA savent-ils que de nombreux pays étrangers rêvent d'une coopération administrative avec l'Ecole nationale d'administration ? La capacité que nous avons, en France, de nous flageller justifie-t-elle que l'on sacrifie sur l'autel des symboles des fonctions qui méritent plutôt d'être corrigées et adaptées ?
    Je lis dans la presse : « On supprime le Plan », « on supprime l'ENA » ! Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à nous accompagner dans l'évaluation de nos outils de formation pour déterminer les besoins futurs de notre administration.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Sortons de l'aspect symbolique, regardons l'Ecole nationale de la magistrature, l'Ecole nationale d'administration, bref, regardons toutes ces écoles pour savoir s'il y a aujourd'hui une adéquation entre les cycles de formation, la culture de ceux-ci et nos besoins administratifs.
    M. Alain Cousin. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. A l'évidence, nous devons modifier la composition du conseil d'administration de l'ENA pour y faire entrer des chefs d'entreprise. Il faut aussi réintroduire, comme je l'ai demandé, les stages en entreprise et les stages dans la territoriale, faire en sorte qu'il n'y ait pas de prédétermination des carrières...
    M. Jean-Michel Fourgous. Les stages en entreprise ont été supprimés !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, si vous êtes convaincu que rien n'est possible, alors supprimons le Parlement ! Nous nous contenterons de discours, et nous n'obtiendrons pas de réussites.
    Je vous propose un contrat d'objectif visant à moderniser l'Etat. J'invite M. Giscard d'Estaing, et celles et ceux qui sont intéressés, à mettre en place une approche d'évaluation de nos besoins de formation par rapport aux écoles et à réfléchir aux stages de formation les mieux adaptés. J'ai lu, dans un article aujourd'hui, que le pourcentage de fonctionnaires français au sein des administrations européennes diminue au profit d'autres pays européens. Comment imaginer que la voix de la France puisse se faire entendre uniquement par la voie politique, et non par les voies administratives ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Prenez garde, monsieur le député, qu'en voulant couper une branche, certes symbolique, on ne fasse périr la totalité de l'arbre qui porte la puissance et la richesse de l'administration française. Y a-t-il de quoi s'enorgueillir d'entendre des collègues européens s'inquiéter de ne plus être capables de mener une politique nationale efficace, faute de la capacité administrative pour la mettre en oeuvre ? Le vrai défi du xxie siècle, c'est l'aggravation de la différence entre les pays en développement et les pays développés : non pas à cause de la richesse de leurs sols et de leurs sous-sols, à cause de l'incapacité à mener des politiques faute de capacité administrative. Ce sont alors les circuits mafieux qui l'emporteront.
    De grâce, ayons, au contraire, la force de donner à notre administration le goût de la performance et celui du risque, bref : de changer - je l'ai dit aux syndicats -, pour que ne réussisse pas mieux le fonctionnaire qui ne fait pas de vagues. Réintroduisons le droit à l'échec, le droit au risque et à la prise de risque.
    M. Jean-Michel Fourgous. Ça ne marchera pas, c'est culturel !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il est indispensable de faire en sorte que la hiérarchie intermédiaire puisse être responsabilisée. Comme vous le faites en tant qu'élus locaux avec les administrations locales, il faudrait une adaptation aux résultats recherchés.
    Nous avons besoin d'une école de formation de haut niveau pour nos cadres administratifs. Au moment où nos réponses politiques doivent être les plus fines possibles, au moment où les défis que nous devons relever sont de plus en plus délicats, la qualité de l'intelligence administrative à notre disposition est un élément déterminant de la réussite des politiques que nous voulons mener. Il en va tout simplement de la confiance que nous avons dans le pouvoir politique à faire exécuter les décisions qu'il prend. Si, comme un aveu d'impuissance, vous sanctionnez l'ENA, vous vous sanctionnez vous-même.
    Personnellement, je suis de ceux qui font confiance au politique, et qui lui demandent effectivement de répondre aux questions très pertinentes que posent Louis Giscard d'Estaing et Georges Tron. Faisons donc en sorte, dans l'esprit de la LOV, de mettre en place des systèmes de contrôle et d'évaluation pour disposer des outils les plus performants sur le plan administratif. Nous pourrons alors éviter toute pulsion émotionnelle et quitter le chemin de l'émotion pour aller sur celui de la raison.
    Vous l'avez compris, je demande le rejet des deux amendements.
    M. le président. J'ai été saisi de six demandes d'intervention, auxquelles je vais donner satisfaction.
    La parole est à Mme Valérie Pecresse.
    Mme Valérie Pecresse. Je voudrais parler ici au nom de centaines de jeunes étudiants qui, chaque année, à la fin de leurs études, décident de consacrer au moins dix ans de leur vie au service de l'Etat et de l'intérêt général. Leurs modèles sont les grands commis de l'Etat, souvent de grands réformateurs, comme Pierre Laroque, le fondateur de la sécurité sociale, Paul Delouvrier, Louis Armand, Michel Debré, Maurice Couve de Murville et bien d'autres. La vocation de service public existe.
    J'ai été l'un d'entre eux. J'ai servi l'Etat pendant dix ans avec enthousiasme. Je ne suis pas une énarque honteuse. Néanmoins ce que je veux défendre aujourd'hui, ce n'est pas l'ENA telle qu'elle est, mais l'ENA telle qu'elle devrait être : la meilleure école du monde pour la formation des cadres de la fonction publique.
    Mes collègues MM. Fourgous, Giscard d'Estaing, Novelli seront sûrement d'accord avec moi pour dire que le plus grand défi des dix prochaines années est la réforme de l'Etat.
    M. Henri Novelli. Absolument !
    M. Jean-Michel Fourgous. Laquelle ?
    Mme Valérie Pecresse. Je suis désolée de le dire, on ne la fera pas contre les fonctionnaires, on ne la fera qu'avec eux. Toutefois elle ne se fera pas non plus avec des fonctionnaires mal formés. Elle se fera, au contraire, avec des cadres motivés qui auront reçu une formation moderne et adaptée aux nécessités d'une bonne administration.
    Ce n'est pas en diminuant les crédits de l'ENA ou en la rayant d'un trait de plume qu'on les formera mieux. On ne supprime pas l'éducation nationale parce qu'elle marche mal, on la réforme sans tabou.
    Depuis l'origine, l'ENA a construit sa pédagogie sur le mimétisme des anciens. Ce faisant, elle s'est privée, petit à petit, d'oxygène et d'ouverture.
    M. Hervé Novelli. C'est un réquisitoire !
    Mme Valérie Pecresse. La suppression du stage en entreprise en est le symbole. L'ENA est vulnérable aujourd'hui parce qu'elle s'est coupée de la vie.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    Mme Valérie Pecresse. Je demande le lancement d'une réflexion nationale sur la formation des hauts fonctionnaires, ce qui conduirait à se poser toutes les questions, même les plus sacrilèges. Pourquoi ne pas aller voir à l'étranger comment sont formés les hauts fonctionnaires ? Ne peut-on pas envisager d'apprendre aux élèves de l'ENA, ou de l'école qui lui succédera, des choses que leurs aînés ont si peu apprises : la gestion des ressources humaines, la négociation, la communication, le service des usagers ? L'ENA doit-elle vraiment demeurer une formation initiale ou ne serait-elle pas beaucoup plus utile en école professionnelle destinée au perfectionnement des cadres publics en cours de carrière, avant l'accès à des postes de direction, sur le modèle de l'école de guerre ? Pourquoi ne pas envisager un métissage, au plus haut niveau de responsabilité de l'Etat, entre hommes et femmes d'entreprise, et les fonctionnaires issus de l'ENA ou de l'Ecole polytechnique ?
    La réforme doit s'engager. Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes personnellement favorable. Répondez à nos attentes, soyez audacieux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Je veux d'abord souligner que je n'ai rien contre les hommes et les femmes qui ont fait l'ENA ; j'ai quelques copains et même un oncle qui sont dans ce cas. Je n'ai rien non plus contre Valérie Pecresse en particulier, que j'aime au contraire beaucoup.
    Mme Valérie Pecresse. Merci !
    M. Jean-Michel Fourgous. Cependant, elle a fait aussi HEC, qui à mon avis produit plus de richesses que l'ENA.
    La richesse de ce pays est faite des meilleurs ingénieurs du monde, des meilleurs techniciens, des meilleurs ouvriers, des meilleurs produits, des meilleurs services. Nous avons aussi quelques-unes des meilleures entreprises du monde ; elles sont respectées ; elles sont numéro un, deux, trois ou quatre dans beaucoup de secteurs. Croyez-vous que l'ENA ait quelque chose à voir avec cela ? En revanche, interrogez ces gens qui produisent - nous permettant d'avoir ce niveau de vie et notre position dans le monde - sur le rapport qu'ils ont avec l'administration française. Je le dis d'autant plus facilement que je suis un ancien fonctionnaire.
    A cet égard, pouvons-nous tenir ce débat en toute honnêteté, en oubliant les coups de téléphone que nous avons tous reçus avant d'entrer dans l'hémicyle ? (Rires et exclamations sur tous les bancs.)
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. Intéressant !
    M. François Sauvadet. Le téléphone ? Pas moi ! Aucun !
    M. Jean-Michel Fourgous. Le lobby de l'ENA commence à être un peu pesant. Cela dit, un parlementaire doit pouvoir délibérer en toute autonomie.
    Alors que l'Allemagne est en train d'installer une école qui dépassera notre INSEAD pour devenir l'une des meilleures écoles de commerce en Europe, nous en sommes encore à débattre sur le point de savoir si l'on doit modifier l'ENA, la supprimer, la renforcer. Or la réponse est évidente pour ceux qui produisent les richesses, qui exportent, qui rencontrent, qui ouvrent les fenêtres chez eux, qui ouvrent les portes, qui voient les nouveaux savoirs, les nouvelles expertises, les nouveaux hommes, les nouvelles cultures.
    Comment maintenir une école monoculturelle qui mobilise et détourne toute l'élite dont on a besoin dans le privé pour créer les nouveaux produits et les nouveaux services de demain ? Nous ne voulons plus qu'elle n'aille que dans une école de fonctionnaires. Tel est aussi le message que nous voulons faire passer ce soir.
    Ce pays est suradministré, vous le savez tous, vous l'avez tous dit dans vos campagnes électorales. Vous avez promis à vos électeurs de faire quelque chose, de modifier cette culture. Ce soir, nous avons l'occasion de leur donner un signe. Nous pouvons très bien la laisser vivre une année ainsi puis essayer de la réformer ensuite, mais passons d'abord le message.
    Monsieur le ministre, vous avez été chef d'entreprise. Vous connaissez cette culture de la non-décision, de la non-action, du non-risque. Elle est dramatique dans le monde de guerre économique mondiale dans lequel nous sommes. Elle n'est pas adaptée pour faire réussir notre pays. Changeons cette culture, osons, soyons audacieux, ce soir.
    L'âge de la retraite dans la fonction publique est souvent à cinquante-cinq ans. L'ENA a cinquante-cinq ans. Ne serait-il pas magnifique de la mettre à la retraite ? (Rires.)
    Enfin, M. Louis Giscard d'Estaing a parlé de courage, et l'on entend souvent dire que les hommes politiques se sont laissés un peu avoir et qu'ils n'auraient pas le courage de reprendre le pouvoir sur cette élite administrative. Monsieur le ministre, ce soir, je vous propose d'avoir ce courage et de reprendre le pouvoir sur cette caste administrative.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.
    M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le ministre, je crois que ce débat est très utile. Il concerne non pas les hauts fonctionnaires et leurs qualités, mais uniquement l'Ecole nationale d'administration. Je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt, ainsi que vous, madame Pecresse.
    En Grande-Bretagne, il n'y a pas d'ENA. Les hauts fonctionnaires de ce pays sortent d'Oxford ou de Cambridge.
    M. Hervé Novelli. Exactement !
    M. Jean-Jacques Descamps. Ils ont simplement une spécificité qui leur permet d'être aussi de bons administrateurs parce qu'ils ont reçu une formation complémentaire d'administration publique.
    M. Hervé Novelli. Bien sûr !
    M. Jean-Michel Fourgous. Evidemment, et ils nous ont dépassés !
    M. Jean-Jacques Descamps. La question qui se pose est donc de savoir s'il faut réformer ou non l'ENA. Je ne suis pas d'emblée partisan de la fermer ou de la supprimer, même si un audit pourrait démontrer que cela est nécessaire et qu'il faut reprendre les formules anciennes.
    Dans l'état actuel des choses, je soutiens avec beaucoup de fermeté l'amendement de M. Giscard d'Estaing qui consiste simplement à lui enlever 10 % de son budget, et j'espère qu'il ne le retirera pas. Cela devrait la conduire à réfléchir à son avenir, au nombre de ses étudiants et lui donner le temps de se poser les questions qu'il faut.
    En effet, ce n'est pas la première fois que l'on parle de la réforme de l'ENA. Je me souviens de Mme Cresson qui avait eu l'excellente idée de décentraliser une partie de son enseignement à Strasbourg. Or cela a été un four parce que personne, dans l'administration, n'a joué le jeu. Ni les étudiants ni les professeurs ne voulaient aller à Strasbourg. Pourtant c'est une belle ville. Bref, c'est un symbole !
    Il y a quelques années, un directeur de l'école qui s'appelait M. Raymond-François Le Bris, un ancien préfet qui n'était pas énarque, avait engagé un projet de réforme. Il n'a été suivi ni par le gouvernement de l'époque - qui n'était pas de la même couleur que celui d'aujourd'hui - ni par l'association des anciens. Ce projet est tombé à l'eau et M. Raymond-François Lebris a été renvoyé dans ses foyers, puis on a mis à sa place une directrice de l'école qui est un pur produit de l'ENA, dans tous ses aspects.
    Je me dis donc que si nous ne faisons rien, si nous attendons - comme vous le proposez, monsieur le ministre -, que l'on réalise de grandes études, que l'on réunisse des commissions, que l'on organise des audits de toute sorte, sans donner un signal clair à cette école et à l'administration dans son ensemble, dans deux ou trois ans nous y serons encore.
    Enfin, on dit trop que la réforme de l'Etat passe par la diminution du nombre des fonctionnaires. Personnellement, je suis de ceux qui pensent que, pour réformer l'Etat, il faut non pas diminuer le nombre de fonctionnaires en bas, mais réduire le nombre de fonctionnaires en haut.
    M. Loïc Bouvard. Très bien !
    M. Jean-Jacques Descamps. Il en est ainsi dans toutes les entreprises. Chacun le sait bien.
    Proposer, comme le fait l'amendement, qu'il sorte un peu moins d'étudiants de cette école est également symbolique. Cela montrerait que, pour réduire le train de vie de l'Etat, on doit commencer par le haut plutôt que par le bas. Ce serait un service à rendre aux fonctionnaires qui, en bas de l'échelle, font l'honneur du service public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Il est à l'honneur du Parlement que, à l'occasion de la discussion du budget relatif à la réforme de l'Etat, on se saisisse de grands sujets et que l'on réfléchisse sur ce qui n'a pas marché : parce que nous avons eu un retour extrêmement douloureux, exprimant l'attente de nos concitoyens de voir ce pays bouger dans ses institutions. En effet, actuellement, prédomine le sentiment que, même en cas d'alternance, les choses ne bougent pas.
    M. Jean Lassalle. C'est vrai !
    M. François Sauvadet. Cela ne devrait laisser personne indifférent, surtout pas ceux qui exercent des responsabilités et représentent le peuple.
    M. Émile Blessig. Très bien !
    M. François Sauvadet. On peut certes discuter la teneur et la tonalité des amendements déposés par nos collègues. Toutefois il est incontestable qu'ils traduisent ce qui est ressenti par nos compatriotes comme une forme d'arrogance. Si l'ENA est devenue tellement symbolique au fil des années, c'est tout simplement parce qu'elle symbolise l'arrogance de la haute administration, qui sait tout, qui voit tout, qui connaît tout, qui explique tout. Voilà ce qui est en jeu aujourd'hui et qui doit faire l'objet d'une évolution.
    La nécessité de la réforme est admise par tout le monde car il faut changer les choses dans ce pays. Cela étant, je ne pense pas qu'il suffise de supprimer l'ENA. Le mal est plus profond. Il tient aussi, entre autres, au fonctionnement de notre institution, à la position du Parlement face au Gouvernement. Nous devons donc nous saisir de cette question institutionnelle des relations entre Gouvernement et Parlement. Des rapports ont d'ailleurs été rédigés sur ce sujet ; il y a des études d'impacts, la création de la mission de contrôle...
    Au travers du débat que nous avons aujourd'hui, c'est la question centrale de la restauration de la primauté du politique qui est posée.
    M. Loïc Bouvard. Très bien !
    M. François Sauvadet. Le sujet précis étant l'avenir de l'Ecole nationale d'administration, je veux ajouter un aspect de la question que l'on a peu évoqué : nous y avons accueilli des étrangers qui souhaitaient se former, parce que leurs pays, qui n'avaient pas d'administration, cherchaient à en forger une. Cela témoigne de la complexité de la situation qu'a d'ailleurs soulignée M. le ministre. En effet, la France est un pays de grande tradition, républicaine et démocratique et il lui appartient d'aider à la formation des élites, à la mise en place de l'administration, dans les pays émergents, je pense notamment aux pays d'Europe centrale et orientale. Or je ne pense pas que nous exercions correctement cette responsabilité. Si nous avons accueilli des élèves venus d'ailleurs, nous n'avons pas assuré l'indispensable ouverture.
    Au travers du problème de l'ENA, d'autres questions sont posées, d'abord celle de la nature même de la formation. A cet égard je rejoins l'affirmation de mon collègue selon laquelle l'ENA dispense une formation initiale. En cela aussi son action n'est pas tout à fait satisfaisante, car elle ouvre l'accès très jeune à des postes à responsabilités, pour lesquels d'ailleurs ceux qui en sortent ne sont absolument pas préparés.
    L'exemple de l'Ecole de guerre peut être intéressant - cette idée rejoint d'ailleurs une proposition de l'UDF - parce que cela permettrait aussi de détecter parmi nos fonctionnaires, ceux qui, par leur talent, pourraient suivre une formation et accéder à de nouvelles responsabilités, ce qui changerait tout. Voilà l'une des premières pistes sur lesquelles nous pourrions travailler.
    Se pose aussi la question de l'ouverture, monsieur Fourgous, notamment au monde de l'entreprise. On ne peut en effet former une administration qui serait hors du temps, hors du monde économique, hors du contexte social. Elle doit être « au service », expression très noble.
    L'accès aux postes de la haute fonction publique est également un problème à aborder. A cet égard, je suis extrêmement frappé par la tradition des postes réservés. Cela dépasse d'ailleurs l'ENA, puisque cette pratique concerne aussi Polytechnique, par exemple.
    M. Loïc Bouvard et M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. Nous avons un vrai problème d'accès à la haute fonction publique dans ce pays. Il doit être plus ouvert, mais ce débat doit être élargi si nous voulons lui apporter une réponse satisfaisante.
    Monsieur le ministre, veillez déjà à la diversification des recrutements. C'est un sujet essentiel. Il faut que toutes les couches de notre population aient le sentiment qu'elles peuvent participer au destin du pays. Voilà encore une vraie responsabilité républicaine.
    Personnellement je ne voterai pas ces deux amendements, même si je comprends ce qui a sous-tendu celui de Louis Giscard d'Estaing. La réduction de 10 ou 15 % d'une promotion ne changera rien au problème de fond. Il faut donner un signe au pays, au travers du débat que nous avons autour de l'ENA, pour montrer que nous avons conscience que notre administration doit être au service du peuple et qu'il faut faire en sorte que les choses changent en cas d'alternance. Telle est la question qu'il faut résoudre au cours des prochaines années.
    Cela étant, monsieur le ministre : chiche à votre proposition ! L'UDF sera à vos côtés pour y travailler résolument.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Imaginons un pays, la France, par exemple, dans lequel une grande union majoritaire se regrouperait après des élections et serait amenée, dans quelques semaines, à désigner son président. Imaginons qu'il puisse y avoir, parmi les candidats, un énarque et des personnes qui n'en sont pas. Croyez-vous que c'est sur cet élément que les choix se porteraient ? Je renvoie à leurs choix respectifs chacun des participants à ce débat. (Sourires.)

    Plus sérieusement, cette discussion a le mérite d'exister et il faut se féliciter que le dépôt de ces amendements ait permis de l'ouvrir.
    Si je prenais le ton de l'humour, je dirais qu'on pourrait, dans la réforme de l'ENA, ajouter dans les matières enseignées la modestie. (Sourires.) Nous l'avions bien senti au cours des débats.
    Nous avons également souvent le travers de critiquer ce qui se fait chez nous et d'aller voir en Angleterre ou ailleurs ce qui se passe parce que cela est forcément mieux. Heureusement, les pays étrangers viennent voir en France comment est organisée notre administration, comment sont formés nos hauts fonctionnaires, et même - ô sacrilège ! -, ils s'intéressent à l'ENA.
    Cette discussion a également souligné que l'une des questions fondamentales en cause était la démocratisation de la vie politique, l'accès des uns et des autres aux responsabilités politiques ou économiques. Telle est la grande question, et nous devons nous rassembler dans ce qui est une véritable défense de la démocratie, la défense de cet accès aux responsabilités. On a déjà commencé à travailler dans ce sens dans l'ENA. Il faut continuer : cela me semble la bonne voie. Que l'ENA ne reste pas un sanctuaire intangible et qu'il doive évoluer, cela me paraît évident.
    M. Jean-Michel Fourgous. Vingt-cinq réformes déjà !
    M. Jean-Pierre Dufau. Mais, de grâce, ne sacrifions pas aux symboles ! Le débat a été lancé ; mais ne décidons pas trop rapidement sans avoir tous les éléments. Approfondissons le débat pour qu'il soit réellement démocratique. C'est la moindre des choses.
    M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Je voudrais expliquer dans quel esprit la commission des finances a adopté l'amendement présenté par notre collègue Louis Giscard d'Estaing.
    Notre commission des finances essaie désespérément de réaliser, ici ou là, des économies. Et comme nous sommes nombreux ce soir, je rappelle à tous mes collègues que nous ne pouvons espérer une baisse durable d'impôt si nous ne maîtrisons pas les dépenses. Or la plus petite économie relève du chemin de croix, du parcours du combattant tant les obstacles sont nombreux. Mais nous ne nous décourageons pas et nous continuerons obstinément à rechercher des économies.
    Dans le cas présent, l'économie proposée rejoint le souci de la réforme. Ainsi que l'a très justement dit notre collègue Jean-Jacques Descamps, ce ne sont pas les discours, ni les missions, ni les enquêtes qui font bouger les choses. Elles bougent lorsqu'on touche au portefeuille, lorsqu'on s'attaque aux crédits.
    Cinq millions d'euros sur un budget de 30 millions d'euros, j'en conviens, c'est peut-être un peu beaucoup : une réduction de 1 million d'euros serait peut-être plus raisonnable.
    M. Jean-Jacques Descamps. Ils ont des réserves ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Reste qu'il faut réformer cette école.
    Je voudrais auparavant me tourner vers nos collègues Novelli et Fourgous. En imposant de supprimer l'ENA, mes chers collègues, vous en faite une fois de plus le bouc émissaire d'un ensemble de problèmes de société qui la dépassent largement.
    M. Hervé Novelli. Certes.
    M. Gilles Carrez. Parlons un instant de « l'élitisme » du recrutement. La reproduction des élites à l'identique existe dans notre pays, mais cela vaut pour toutes les grandes écoles, toute les grandes facultés. Or l'ENA a eu le mérite, ces dernières années, personne ne l'a encore dit, d'avoir ouvert la moitié de ses places à la promotion interne. Ainsi, dans la promotion qui vient de sortir, sur 100 élèves, 50 sont issus du concours interne.
    M. Hervé Novelli. C'est vrai. Il y a du progrès.
    M. Gilles Carrez. Quelle école peut se targuer de chiffres comparables ? Il y a encore dix ans, la proportion n'était que d'un tiers.
    On lui reproche également une excessive proximité, une consanguinité avec le pouvoir politique.
    M. Jean-Michel Fourgous. Ce n'est pas parce qu'on sort le meilleur que l'on sait diriger !
    M. Gilles Carrez. Mais cela ne concerne pas uniquement les énarques. Dans la précédente majorité, c'est le nombre d'enseignants qui était pléthorique. Le vrai problème, c'est que les salariés du privé puissent accéder aux fonctions électives, avec tous les risques qu'elles comportent, dans les mêmes conditions que les fonctionnaires.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien ! Il a raison !
    M. Hervé Novelli. Nous sommes d'accord.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a été dit que les énarques, ou plutôt la haute fonction publique, s'emparaient du pouvoir politique. Mais, chers collègues, cela se produit quand le pouvoir politique est vacant, quand il ne s'exerce pas.
    M. Jean-Jacques Descamps. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ajoutons que chaque énarque ne devient pas Président de la République ou Premier ministre ! Et si nous parlions des soutiers, des anonymes ? Ils sont des milliers à ne jamais voir leur ministre, à ne jamais pouvoir discuter ou travailler avec lui, à exercer leurs responsabilités de façon tout à fait sérieuse...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et modeste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et souvent à chercher désespérément des instructions, des orientations, des décisions que le pouvoir politique ne veut pas prendre. Comment s'étonner que l'administration se substitue finalement à un pouvoir politique défaillant ? Quant à cette croyance selon laquelle un énarque serait par nature totalement ignorant des réalités de l'entreprise, elle relève vraiment de l'idée reçue !
    M. Jean-Michel Fourgous. Pas tant que cela !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je m'amusais tout à l'heure en vous entendant citer des noms. Vous avez parlé de Jean-Marie Messier. Voulez-vous dire par là que tous les polytechniciens sont totalement incapables de diriger une entreprise ? (Sourires.) Avant d'être énarque, il est polytechnicien ! Et Michel Bon ? Est-ce à dire que tous ceux qui sortent d'écoles de commerce, de l'ESSEC, d'HEC - excusez-moi, chère collègue Pecresse - ou autres en sont eux aussi incapables ? Michel Bon est d'abord ESSEC avant d'être énarque... Au demeurant, si vous regardez les énarques à la tête des entreprises, ils se débrouillent comme les autres, ils ne sont ni meilleurs ni moins bons. C'est donc à mon avis un faux problème.
    M. Jean-Michel Fourgous. Si ce n'est pas le problème de l'ENA, c'est celui des inspecteurs des finances...
    M. Gilles Carrez. La vraie raison pour laquelle nous voulons absolument réformer l'ENA, c'est que cette école reste trop centralisée et trop parisienne. A la sortie des promotions, les deux tiers, si ce n'est les trois quarts, des fonctionnaires - je mets de côté les magistrats - vont encore dans les administrations centrales alors que nous devons absolument favoriser la décentralisation. Il n'est pas normal que tous ces jeunes fonctionnaires aillent alimenter la réglementation au sein des administrations centrales ; il faut qu'ils aillent dans les services extérieurs, sur le terrain et c'est d'ailleurs leur souhait.
    Mais ce n'est pas le seul paradoxe. On a décentralisé l'ENA à Strasbourg. Avec mon collègue Nicolas Forissier, alors que nous nous occupions du commerce extérieur, nous sommes allés l'an dernier à la Commission européenne rencontrer Pascal Lamy et toute son équipe. A notre grande stupéfaction, nous n'avons vu que de jeunes fonctionnaires, de grand talent, britanniques ou espagnols ! Pas un seul Français ! A croire que l'ENA s'est décentralisée à Strasbourg pour ignorer délibérément l'Europe !
    M. Loïc Bouvard. C'est terrible !
    M. Hervé Novelli. C'est un réquisitoire !
    M. Gilles Carrez. Or tous ces jeunes fonctionnaires, anglais, espagnols, italiens, portugais, certes recrutés à des postes de base dans les différentes administrations de la Commission européenne, gravissent petit à petit les échelons. Ne nous étonnons pas que, de fil en aiguille, du fait de leur désaffection à l'égard des administrations européennes, les Français y voient tous les postes de responsabilité leur échapper.
    Il faut donc impérativement ouvrir l'ENA, l'ouvrir vers la province, l'ouvrir vers l'Europe. Comme nous ne sommes pas des naïfs et des innocents à la commission des finances, nous avons décidé que, pour faire bouger les choses, il fallait agir sur le portefeuille. D'où nos amendements de suppression de crédits. Je reconnais encore une fois que 5 millions, c'est peut-être beaucoup ; mais 1 million serait tout à fait raisonnable - je parle en mon nom personnel -, en tout cas très inférieur au coût que représentent les seuls frais de transport, totalement inutiles, entre Paris et Strasbourg. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur le ministre, j'aimerais tout de même bien faire voter vos crédits avant la fin de la séance !
    La parole est à M. le ministre.
    M. François Sauvadet. C'est un énarque qui a fait HEC, il marchande !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous sommes tous d'accord sur le constat, pas sur les moyens.
    M. Jean-Michel Fourgous. Sur la posologie !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Votre rapporteur général dit rechercher désespérement des économies : je souhaiterais, monsieur le député Carrez, que vous puissiez calculer le pourcentage d'économies de chaque ministère comparé au nôtre.
    M. Gilles Carrez. Je reconnais que vous avez fait de gros efforts !
    M. Nicolas Forissier. Mais on parle de l'Ecole !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons de notre propre chef demandé, pour la loi de finances initiale 8 % d'économies par rapport à la loi de finances 2002, tout en garantissant l'exécution des crédits mobilisés. Autrement dit, avant même que la représentation parlementaire se mette à analyser nos crédits, nous avons de nous-mêmes imposé le même effort de rigueur à ce travail dans nos propres administrations, DATAR et DGFP compris. Leurs deux directeurs sont ici présents, demandez-leur le discours que leur ai tenu : messieurs les directeurs, à chaque fois que vous nous demandez un crédit, vous devez me justifier la pertinence de leur utilisation. J'ai même averti que, pour 2004, je ne défendrai pas les crédits de mes propres administrations si les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur de nos objectifs !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Quel homme ! (Sourires.)
    M. Loïc Bouvard. Ça, c'est très bien !
    M. Jean-Jacques Descamps. Il faut faire la même chose ailleurs !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Deuxièmement, vous êtes bien placé pour savoir que nous avons exprimé notre accord sur bon nombre de vos propositions.
    Troisièmement, monsieur Fourgous, entre l'ENA et le ministère des finances, lequel est le plus difficile à faire bouger ?
    M. Jean-Jacques Descamps. Les deux, mon général !(Sourires.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Ce sont les énarques qui dirigent le ministère des finances...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vais vous expliquer pourquoi je vous demande cela. Ensuite, je vais vous proposer un contrat, amorti d'un engagement personnel.
    Lorsque j'ai posé la question de l'analyse des fonds structurels européens et lorsque nous nous sommes mis en tête de sortir un décret permettant de verser les subventions de l'Etat quand bien même les travaux correspondants sont démarrés, la réponse des parlementaires comme des préfets de terrain a été unanime : à les entendre, c'était impossible. Pourtant, grâce à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, nous avons réussi en deux mois à obtenir ce décret, tout comme la délégation des fonds régionaux aux préfets de région et la simplification de toutes les procédures. En deux mois !
    Mesdames, messieurs les députés, je vais prendre un engagement devant vous. Je me suis engagé dans cette voie lorsque j'ai refusé le projet que m'avait présenté la direction de l'Ecole nationale de l'administration. Vous avez parlé des économies de transport : je lui avais demandé de me proposer un plan de rationalisation. Je ne veux plus qu'on paie des kilomètres inutiles à l'ENA, je veux que l'on paie de la formation, que l'on développe à Strasbourg un pôle de formation de dimension européenne, avec l'objectif de remporter des concours de fonctionnaires européens. Je n'accepte pas de voir notre pays perdre notre place dans l'administration européenne par rapport à ses partenaires.
    M. François Sauvadet. Très bien ! C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je souhaite faire en sorte qu'en nous rapprochant de l'INED, également présent à Strasbourg, nous puissions irriguer la culture de l'ENA dans les fonctions territoriales.
    Je souhaite, comme Mme Valérie Pecresse, que l'on n'accède plus automatiquement, sitôt sorti de l'école, à de hautes responsabilités sans être passé par le filtre initial du terrain, de l'entreprise ou d'une expérience pratique locale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est là un pari que je vous fais. Louis Giscard d'Estaing a posé une vraie question. De quels cadres administratifs supérieurs aurons-nous besoin dans notre fonction publique, qu'elle soit d'Etat ou territoriale ? Interrogez vos présidents de région, vos présidents de département, vos présidents d'agglomération et vos présidents de communautés urbaines. Plus vous aurez capacité à développer des politiques territoriales, plus vous aurez besoin de cadres administratifs de grande qualité.
    M. Nicolas Forissier. Absolument !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je fais ce pari devant vous. Je reviendrai dans un an. Si j'ai échoué, vous pourrez à ce moment-là, au vu des résultats, sanctionner et critiquer ce que je vous ai proposé.
    Je propose également d'inviter, autour de mon ministère, des représentants de délégations parlementaires ou de milieux d'entreprise à analyser très objectivement le projet d'établissement que je souhaite voir adopter d'ici à la fin de l'année ou début 2003 en fonction des objectifs que j'ai fixés à la direction de l'école nationale de l'administration. Ce qui m'a pour l'instant été présenté n'est à mes yeux pas satisfaisant. C'est là un contrat moral que je prends devant vous. J'ai apprécié la qualité de ce débat, la pertinence de vos observations, les utiles exigences que vous avez formulées à l'égard d'une école de formation. Je vous invite toutefois à quitter le champ du symbole pour élargir votre réflexion à l'évaluation de la totalité des outils de formation afin de vérifier s'ils sont tous bien adaptés, ...
    M. Nicolas Forissier. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... qu'il s'agisse de la formation de la magistrature, de la formation des cadres des fonctions publiques, territoriale ou d'autres. Si des parlementaires veulent m'accompagner dans cette réflexion, j'y suis prêt. Nous pourrons ensemble mettre au point un véritable contrat d'objectifs avec le même souci de pragmatisme, monsieur Descamps, qui prévaut dans les entreprises. Avant de décider d'une réduction de moyens, commençons par évaluer précisément les objectifs que nous nous fixons, adaptons-les au besoin. Je ferai preuve, à l'égard de l'ENA comme de mes administrations, de la même exigence : je serai le premier à refuser d'engager des crédits dans cette école s'ils me paraissent inutiles ou en tout cas contraires à l'objectif que nous lui avons assigné.
    C'est la raison pour laquelle, tout en vous remerciant une nouvelle fois de la qualité de ce débat, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements qui ont eu le mérite de poser des questions pertinentes, et d'accepter le contrat de confiance que je viens de formuler devant vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Novelli, retirez-vous votre amendement ?
    M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir clairement posé le problème et indiqué que vous vous engagiez résolument sur un contrat d'objectifs pour l'année prochaine.
    Je me félicite moi aussi de ce débat. Mais se serait-il tenu si certains parlementaires - Louis Giscard d'Estaing, Valérie Pecresse, Jean-Jacques Descamps, Jean-Michel Fourgous et moi-même - ne l'avaient pas lancé ? N'en aurions-nous pas fait l'économie si nous n'avions pas déposé notre amendement ?
    Je vous fais totalement confiance, monsieur le ministre, pour mener à bien l'entreprise que vous venez de vous assigner. J'ai bien noté vos propos : il ne faut pas demander aux problèmes de s'adapter aux structures, mais aux structures de s'adapter aux problèmes, avez-vous dit. J'entends rester dans le droit fil de cette déclaration. Je maintiens mon amendement, tout en vous donnant rendez-vous pour l'année prochaine. Je sais que vous aurez fait beaucoup d'efforts, mais nous jugerons sur pièces.
    M. le président. Et votre amendement, monsieur Giscard d'Estaing ? Le retirez-vous ?
    M. Louis Giscard d'Estaing. Je prends d'abord acte des engagements du Gouvernement, par la voix du ministre. Je voudrais aussi dire à mes collègues Jean-Jacques Descamps, Valérie Pecresse, François Sauvadet, Hervé Novelli, Jean-Michel Fourgous, Jean-Pierre Dufau, et bien sûr à notre rapporteur général Gilles Carrez, le rapporteur général du budget, que le débat auquel aura donné lieu le dépôt de ces amendements m'a paru parfaitement fondé et utile, et qu'il honore notre assemblée.
    Des engagements ont été pris par le Gouvernement à différents niveaux pour ce qui touche aux objectifs qualitatifs et quantitatifs auxquels devra répondre cette école pour l'encadrement et la haute fonction publique. Nous avons aussi évoqué le problème de l'inadéquation de notre formation, qu'il s'agisse des besoins et de la connaissance du monde de l'entreprise, mais également, sur un autre plan, des institutions européennes.
    Monsieur le ministre, nous avons pris date : nous nous donnons rendez-vous pour le débat budgétaire 2004. Nous y serons présents. En attendant, je retire mon amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le président. L'amendement n° 90 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Tron, rapporteur spécial, a présenté un amendement, n° 91, ainsi rédigé :
    « Sur le titre III de l'état B ; réduire les crédits de 200 000 euros. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Cet amendement de la commission des finances s'inscrit dans la droite ligne des propos tenus, il y a quelques instants, par M. Carrez. Celui-ci a rappelé, à très juste titre, que nous étions en train d'examiner un budget, celui de la fonction publique, qui s'inscrit dans le cadre du budget général.
    Or, eu égard à la situation budgétaire dans laquelle nous nous trouvons, il n'y a pas de petites économies. C'est la raison pour laquelle j'ai rendu ce matin hommage au Gouvernement en constatant que ce budget était en diminution de l'ordre de 2,5 % pour des raisons de sincérité budgétaire.
    L'effort a notamment porté sur des lignes d'investissement abondées par les reports des années précédentes, faute d'une exécution à hauteur de ce qui était inscrit en loi de finances initiale.
    L'amendement n° 91 a pour objet de réduire les crédits du chapitre 37-04, « Etudes et communication sur la gestion publique ». Nous considérons qu'il y a là une économie possible d'un montant de 200 000 euros.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
    Je mets aux voix le titre III, modifié par l'amendement n° 91.
    (Le titre III, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.
    (La réduction de crédits est adoptée.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations et les crédits de paiement du titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix le titre VI.
    (Le titre VI est adopté.)

Après l'article 72

    M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 72.
    Cet amendement, n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 72, insérer l'intitulé et l'article suivants :

    « Services du Premier ministre

    « I. - La loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 modifiée relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire est ainsi modifiée :
    « 1. - Dans l'article 12, les mots : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2002 sont supprimés.
    « 2. Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 13 sont ainsi rédigés :
    « 1° Soit être né entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1944 et justifier de trente-sept années et six mois de cotisation ou de retenue au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un ou plusieurs autres régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse, et avoir accompli au moins vingt-cinq années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public ;
    « 2° Soit être né entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1946 et justifier de quarante années de cotisation ou de retenue au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un ou plusieurs autres régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse, et avoir accompli au moins quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public.
    « Les années de naissance mentionnées aux alinéas précédents ne sont pas opposables aux fonctionnaires qui justifiaient au 31 décembre 2002 soit de quarante années de services effectifs au sens de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, soit de cent soixante-douze trimestres validés au titre des régimes susmentionnés et de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public. »
    « 3. Le deuxième alinéa de l'article 14 est ainsi rédigé :
    « Les personnels enseignants, d'éducation et d'orientation ainsi que les personnels de direction des établissements d'enseignement qui remplissent les conditions requises à l'article 13 ne peuvent être placés en congé de fin d'activité qu'entre le 1er juillet et le 1er septembre. »
    « 4. L'article 16 est ainsi modifié :
    « - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
    « Les agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics à caractère administratif, nés entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1946, peuvent accéder, sur leur demande et sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service, au congé de fin d'activité s'ils remplissent les conditions suivantes : »
    « - Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
    « Les années de naissance mentionnées au premier alinéa ne sont pas opposables aux agents qui justifiaient au 31 décembre 2002 de cent soixante-douze trimestres validés au titre des régimes susvisés et de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public. »
    « 5. Les deuxième, troisième et quatrième alinéas des articles 22 et 34 sont ainsi rédigés :
    « 1° Soit être né entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1944 et justifier de trente-sept années et six mois de cotisation ou de retenue au titre du régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou d'un ou plusieurs autres régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse, et avoir accompli au moins vingt-cinq années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public.
    « 2° Soit être né entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1946 et justifier de quarante années de cotisation ou de retenue au titre du régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou d'un ou plusieurs autres régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse, et avoir accompli au moins quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public.
    « Les années de naissance mentionnées aux alinéas précédents ne sont pas opposables aux fonctionnaires qui justifiaient au 31 décembre 2002 soit de quarante années de services pris en compte pour la constitution du droit à pension, soit de cent soixante-douze trimestres validés au titre des régimes susmentionnés et de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public. »
    « 6. L'article 26 est ainsi modifié :
    « - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
    « Les agents non titulaires des collectivités territoriales et de leurs établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, nés entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1946, peuvent accéder, sur leur demande et sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service, au congé de fin d'activité s'ils remplissent les conditions suivantes :... »
    « - Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
    « Les années de naissance mentionnées au premier alinéa ne sont pas opposables aux agents qui justifiaient au 31 décembre 2002 de cent soixante-douze trimestres validés au titre des régimes mentionnés ci-dessus et de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public. »
    « 7. Les articles 31 et 42 sont ainsi rédigés :
    « Les personnels enseignants qui remplissent les conditions requises ne peuvent être placés en congé de fin d'activité qu'entre le 1er juillet et le 1er septembre. »
    « 8. L'article 37 est ainsi modifié :
    « - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
    « Les agents non titulaires des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, nés entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1946, peuvent accéder, sur leur demande et sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service, au congé de fin d'activité s'ils remplissent les conditions suivantes :... »
    « - Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
    « Les années de naissance mentionnées au premier alinéa ne sont pas opposables aux agents qui justifiaient au 31 décembre 2002 de cent soixante-douze trimestres validés au titre des régimes mentionnés ci-dessus et de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire ou d'agent public. »
    « II. - Le septième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 82-298 du 31 mars 1982 relative à la cessation progressive d'activité des agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif est ainsi rédigé :
    « Les besoins de trésorerie du fonds de compensation de cessations progressives d'activité peuvent être couverts pour l'année 2003 par des ressources non permanentes dans la limite de 180 millions d'euros. »
    « III. - Il est inséré, après le huitième alinéa de l'article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique, un alinéa ainsi rédigé :
    « Les besoins de trésorerie du fonds pour l'emploi hospitalier peuvent être couverts pour les années 2002 et 2003 par des ressources non permanentes dans la limite de 30 millions d'euros. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Jusqu'au 31 décembre 2002, le dispositif du congé de fin d'activité permet à trois catégories de fonctionnaires ou d'agents non titulaires de partir en préretraite jusqu'à la date de leur soixantième anniversaire :
    - les agents âgés de cinquante-huit ans au moins qui justifient de trente-sept années et six mois de cotisations au titre d'un ou de plusieurs régimes de base de retraite ou qui ont accompli au moins vingt-cinq années de service effectif ;
    - les agents âgés de cinquante-six ans au moins qui justifient de quarante ans de cotisations au titre d'un ou plusieurs régimes et d'au moins quinze ans de service ;
    - les agents qui, quel que soit leur âge, justifient de cent soixante-douze trimestres validés et ont accompli au moins quinze années de service.
    Le Gouvernement a décidé de proposer au Parlement de placer ce système de préretraite en extinction, comme cela s'est fait pour l'ARPE - allocation de remplacement pour l'emploi - dans le secteur privé par un accord du 14 juin 2000.
    Dans les deux cas, l'objectif est de relever le taux d'activité des travailleurs âgés, et de contribuer à l'amélioration de l'équilibre financier des régimes de retraite.
    Toutefois, cette mesure s'appliquera, de façon progressive, pour l'ensemble des agents qui se trouvent, en raison de leur âge, dans le champ potentiel du dispositif. Dès lors, les agents publics qui ne satisfont qu'à cette seule condition d'âge, au plus tard le 31 décembre de cette année, auront la possibilité de bénéficier du CFA s'ils remplissent les autres conditions avant d'avoir atteint l'âge de soixante ans.
    Cette mesure, qui exprime la volonté du Gouvernement de ne pas interrompre brutalement les perspectives de départ anticipé de ses agents, obéit aux règles suivantes : les agents nés entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1944 qui, au 31 décembre 2002, bien qu'âgés de cinquante-huit ans au moins, n'auraient pas réuni l'une ou l'autre des conditions de trente-sept ans et six mois de cotisations et de vingt-cinq ans de service public effectif nécessaires pour partir, pourront réunir ces conditions s'il leur manquait quelques mois ; ils pourront le faire jusqu'à la fin de l'année 2004, pour ceux qui sont nés à la fin de l'année 1944.
    Mais, de fait, le dispositif présentera le plus grand intérêt pratique au cours de l'année 2003 et au début de l'année 2004. Les agents nés entre le 1er janvier 1943 et le 31 décembre 1946, qui, au 31 décembre 2002, bien qu'âgés de cinquante-six ans, n'auraient pas réuni l'une ou l'autre des conditions de quarante ans de cotisations et de quinze ans de service, pourront également réunir ces conditions s'il leur manquait quelques mois ou quelques années, dans un délai au plus égal à quatre ans.
    En pratique, le bénéfice de la mesure sera maximum pendant les trois prochaines années et au début de la quatrième année, soit 2006.
    Les années de naissance mentionnées dans les deux premiers cas de figure ne sont pas opposables aux agents qui, au 31 décembre 2002, avaient cotisé le plus longtemps, c'est-à-dire 172 trimestres, soit quarante-trois ans. Ces agents pourront donc partir sans autre limite que celle de l'âge de soixante ans.
    Dans la mesure où le critère d'âge minimal d'entrée dans le dispositf est remplacé par celui de la date de naissance, les agents nés après le 31 décembre 1946 ne pourront pas prétendre bénéficier du CFA.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. Je m'exprime donc, de nouveau, à titre personnel. Monsieur le ministre, bien entendu, nous comprenons parfaitement dans quel esprit vous l'avez déposé.
    D'abord, le problème des régimes de retraite de la fonction publique, que nous avons longuement évoqué ce matin à la tribune, se pose de façon si aiguë que l'on ne peut que chercher à le corriger par tous les moyens possibles, y compris en faisant en sorte de retenir les fonctionnaires expérimentés, dont la fonction publique a besoin, plutôt que de les inciter à partir à la retraite. Cela suppose, bien entendu, une réflexion globale - que vous allez engager, nous le savons - sur la gestion de la ressource humaine et sur la façon de mieux motiver les fonctionnaires.
    Il n'est pas inutile de rappeler que votre proposition est calée sur les modalités de suppression de l'ARPE, dispositif analogue, mais appliqué dans le privé. La décision a été prise sous le précédent gouvernement. L'équité a tout à y gagner ! Pour ma part, je pense que cette mesure va dans la bonne direction. Cependant, il ne faudrait pas l'isoler de la réflexion indipensable - et urgente - sur les retraites.
    Cela dit, avec plusieurs de mes collègues, je souhaiterais vous interroger sur un point qui nous paraît poser problème. En effet, les fonctionnaires nés après 1946 et qui auraient quarante années de cotisations ne pourraient pas bénéficier du dispositif. Je n'ai pas de chiffres pour étayer mon propos, mais nous pensons qu'ils ne doivent pas être très nombreux - certains nous ont fait savoir qu'ils considéraient cette mesure comme une injustice. Le Gouvernement ne pourrait-il essayer, dans la mesure du possible, de les intégrer tout de même dans le dispositif ? Si la commission des finances n'a pas présenté d'amendement en ce sens, c'est tout simplement parce qu'il aurait été refusé au titre de l'article 40. Le problème demeure et je vous demanderai de bien vouloir l'examiner.
    Pour le reste, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à votre amendement.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, et M. Alain Cousin. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le ministre, ce dispositif a été créé en 1996 et depuis, il a été reconduit, chaque année, par tous les gouvernements qui se sont succédé.
    Vous avez pris la responsabilité de l'interrompre « par voie d'extinction », nous avez-vous expliqué. Vous avez comparé votre initiative à l'accord intervenu dans le privé pour l'ARPE. Mais, précisément, dans cette affaire, c'est la méthode que nous vous reprochons : le Gouvernement décide d'abord, et négocie après !
    Tant mieux pour les fonctionnaires qui, par leur année de naissance, vont pouvoir bénéficier de cette disposition. Tant mieux si ceux qui sont nés en 1946 et justifient de quarante annuités de cotisation peuvent être « rattrapés » !
    Mais ce rectificatif montre bien que la discussion n'a pas eu lieu avec les partenaires sociaux ! Il aurait mieux valu reconduire le dispositif pour un an puisque que c'est au début de l'année 2003 qu'est annoncée une réflexion globale sur les retraites. A ce moment-là, un accord aurait pu être trouvé avec les partenaires sociaux, comme ce fut le cas pour l'ARPE dans le privé.
    Voilà pourquoi nous souhaitons le maintien du CFA pour un an, en attendant la négociation avec les partenaires sociaux.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Dufau, ce n'est pas à vous que j'apprendrai que ce dispositif était reconduit, chaque année, pour une année seulement et qu'il faisait l'objet, chaque fois, d'un amendement dans la loi de finances.
    Nous avions clairement fait savoir aux organisations syndicales que ce dispositif ne nous paraissait pas correspondre à l'intérêt de chacun, que nous devions réfléchir à l'émergence de la deuxième carrière. Trois solutions étaient envisageables : soit ne pas déposer d'amendement dans la présente loi de finances, soit reconduire le dispositif pour un an, puis le supprimer, soit le mettre en extinction progressive. Nous avons choisi la dernière solution qui nous paraissait mieux préparer à la disparition totale de cet outil.
    En revanche, je suis sensible à l'observation de M. Tron sur les personnes ayant cotisé au moins trente-sept ans et demi, voire quarante ans, et qui se trouveraient exclues du champ de la mesure nouvelle. Je peux imaginer le sentiment d'injustice qu'elles éprouveraient. Hélas ! Un changement de dispositif a presque toujours un tel effet « frontière ». Nous allons examiner le problème et s'il apparaissait que certaines situations pourraient être objectivement difficiles, je ne m'interdis pas de réfléchir au cours de la navette et d'étudier la possibilité de proposer des adaptations.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je vous remercie.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.
    (L'amendement est adopté.)

III. - Conseil économique et social

    M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : 448 220 euros. »

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 950 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 950 000 euros. »
    Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix le titre III.
    (Le titre III est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

IV. - Plan

    M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre : IV. - Plan ».

ÉTAT B

Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)
    « Titre III : moins 1 246 181 euros. »
    « Titre IV : 40 429 euros. »

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

Titre VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 958 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 479 000 euros. »
    M. Goulard a présenté un amendement, n° 68, ainsi rédigé :
    « Sur le titre III de l'état B, réduire les crédits de 15 589 777 euros. »
    La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir cet amendement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Amendement défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Les amendements n°s 68 et 69 de notre collègue Goulard ne varient que par les montants des réductions proposées. J'interviendrai donc sur les deux amendements, et à titre personnel car ils n'ont pas été examinés en commission des finances. Ils visent, en fait, à supprimer la totalité des moyens de fonctionnement et d'action du Commissariat général au Plan. La proposition est curieuse car elle délaisse les crédits du titre VI consacrés aux subventions d'investissement accordées par le Commissariat, pourtant sous-consommés, ce que je faisais remarquer ce matin.
    Dès ce matin, j'interrogeais le ministre, mais il ne m'a pas répondu. C'est dommage.
    Parmi les députés de la majorité, un certain groupe de pression a disparu. De nouveaux parlementaires paraissaient avoir un problème de compréhension avec le Gouvernement, ce qui est habituel.
    Ces deux amendements sont bien évidemment excessifs, mais ils sont révélateurs.
    Messieurs les ministres, vous feriez mieux de suivre le travail des rapporteurs, en particulier des rapporteurs spéciaux qui ont la possibilité - vous le savez, anciens parlementaires l'un et l'autre - de travailler toute l'année avec le Gouvernement sur ces affaires, y compris en tenant compte des nouvelles règles du jeu. D'ailleurs, inutile d'inventer quoi que se soit : utilisons pleinement ces nouvelles règles.
    Il est vrai que les services du Commissariat au Plan ne servent plus à l'élaboration de plans pluriannuels puisqu'il n'y a plus de plans depuis belle lurette. Mais il est tout aussi clair que le Gouvernement - comme toute grande entreprise, pour prendre une référence qui plaira à M. Goulard - a besoin d'éclairages stratégiques. Chacun reconnaît, y compris dans cet hémicycle, la qualité des travaux fournis par le Commissariat. Ils alimentent toujours utilement nos débats.
    De surcroît, ces amendements sont vraiment irréalistes : à quoi rime la suppression de crédits de personnel destinés à rémunérer des fonctionnaires ? Qui gérera les crédits - maintenus - de recherche en socio-économie par exemple ? On devrait plutôt regretter que les crédits baissent de 7 % et, surtout, qu'aucune directive, aucune orientation précise, n'ait été adressée au Commissariat au Plan depuis l'installation de M. Raffarin à l'Hôtel Matignon.
    A titre personnel, je souhaite par conséquent le rejet de ces amendements, tout en espérant que le Gouvernement clarifiera les missions du Commissariat.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je l'ai déjà dit, le Premier ministre a la ferme volonté d'aller vers un Etat stratège. Aucun gouvernement ne peut se passer d'une fonction prospective, je rejoins sur ce sujet M. le rapporteur, et je pensais avoir dissipé les inquiétudes à ce propos. Dans l'univers en mutation constante dans lequel nous sommes, marqué par une compétition sur un marché mondialisé, un outil pour penser le long terme est indispensable. C'est pour cela qu'une réflexion est engagée, afin de réorganiser les services qui concourent à éclairer l'Etat et l'aident à penser au-delà d'un horizon souvent trop court, telle l'annualité budgétaire. Il s'agit d'être outillé en vue de faire face, dans les meilleures conditions, aux défis de demain.
    Plusieurs députés ont évoqué ce matin la question du rapprochement entre la DATAR et le Commissariat au Plan. Dans ce cas, il faudrait prendre en compte aussi le Conseil d'analyse économique, voire le Conseil d'orientation des retraites, la direction de la prévision et, d'une façon générale, l'éventuel concours de l'université et de la recherche.
    Je voudrais rassurer le rapporteur : il n'est pas question de trancher une question aussi essentielle au hasard d'un débat budgétaire. Nous ferons bientôt des propositions précises concernant la remise à niveau de la fonction prospective et stratégique de l'Etat car, comme vous, nous sommes convaincus que, face aux marchés, qui raisonnent à court terme, il faut aussi prendre en compte la dimension stratégique, comme le font toutes les grandes entreprises.
    C'est pour cette raison que le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
    M. le président. Monsieur Carrez, les amendements sont-ils maintenus ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avant de m'exprimer, je souhaiterais connaître la position du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je me prononce très clairement contre l'amendement.
    Ah, réforme, quand tu nous tiens ! Je partage le souci de M. Goulard et de la commission des finances, de chercher à faire des économies. Cet effort est louable, et nous le soutenons. Mais la discussion sur le Plan - à la faveur du débat sur le projet de budget - est au moins aussi importante que celle que nous venons d'avoir sur l'ENA. Elle touche, en effet, aux moyens et aux instruments dont dispose le Gouvernement, ou dont devrait disposer le Gouvernement, pour mettre en place une réflexion prospective.
    Ce n'est pas l'existence de l'instrument qui pose question, mais la manière dont l'instrument est utilisé. Et si je devais faire un procès, c'est celui de la façon dont a été utilisé le Commissariat au Plan par les gouvernements successifs. Il ne faudrait pas qu'au motif, louable, de faire des économies, on casse cet instrument, qui me semble indispensable, ce que je démontrerai rapidement.
    Je condamne, en revanche, la manière dont, en 1997, le Premier ministre précédant M. Jospin a créé le Conseil d'analyse économique. Etait-il nécessaire, à l'époque, de créer une structure supplémentaire ? On crée toujours plus de structures pour donner l'impression que l'on va régler les problèmes ! Mais la seule certitude qu'on ait, c'est de dépenser plus d'argent ! C'est parce qu'il existe de nouveaux organismes que le Gouvernement n'utilise pas - mais peut-être aussi pour des raisons plus politiques - les moyens du Commissariat au Plan. Cela doit-il conduire la représentation nationale à supprimer cet instrument ?
    Deuxième argument, il me paraît indispensable que l'Etat dispose d'une réflexion prospective de haut niveau pour éclairer son action. Cette tâche était traditionnellement dévolue au Commissariat général au Plan. C'est vrai que, depuis quelques années, on a du mal à savoir comment il est utilisé et que la superposition de structures nouvelles crée la confusion, mais cela ne change rien à l'objectif qui était fixé à cet instrument, ni au fait qu'il est nécessaire de poursuivre cette politique.
    Le Premier ministre et vous-mêmes, messieurs les ministres, avez annoncé un projet sur la décentralisation dont la discussion vient de se terminer au Sénat. Je souscris à ce projet, mais peut-on imaginer plus de décentralisation, plus de transferts de pouvoirs, sans qu'il y ait, au niveau de l'Etat, un outil qui permette non seulement la prospective, la réflexion - moins d'Etat, mais mieux d'Etat -, mais également une coordination des politiques publiques ? Au moment où nous nous engageons dans l'Europe, nous aurons de plus en plus de soucis à coordonner les politiques. On se priverait des moyens extraordinaires et exceptionnels du Commissariat général au Plan pour nous conduire sur le chemin de cette réforme ?
    Pour toutes ces raisons, il ne s'agissait pas, je pense, de supprimer le Commissariat général au Plan mais de poser le problème de la manière dont il doit être mieux utilisé. Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, je souscris à votre demande, mais je souhaiterais que l'amendement soit rejeté. Ainsi, nous pourrons avoir, si le ministre l'accepte, une réflexion comme celle qui a été engagée sur l'ENA nous permettant de revoir les modalités de fonctionnement de cet organisme, d'inscrire dans les objectifs, de manière très claire et très lisible, comment l'outil peut être utilisé aux fins que j'ai indiquées, afin que nous puissions disposer effectivement des résultats de ses travaux.
    M. le président. Monsieur le président, puis-je vous faire remarquer que nous débattons sur des amendements qui n'ont pas été vraiment soutenus ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut bien en débattre puisqu'ils seront soumis au vote !
    M. le président. J'ai interrogé le rapporteur général de la commission des finances pour savoir s'ils les soutenait. Ce débat est presque virtuel. (Sourires.) Au passage, je signale qu'il existe une loi de réforme de la planification qui demeure virtuelle. Je suis le dernier à avoir fait voter un plan, le neuvième, dont je vous conseille la lecture - elle demeure encore d'actualité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le vote sera-t-il virtuel ?
    M. le président. Voulez-vous débattre virtuellement d'un amendement virtuel ? Nous pourrions peut-être nous en tenir là.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Non, je préférerais débattre virtuellement trente secondes !
    M. le président. Bon, la parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. C'est en 1998, je crois, monsieur Bourguignon, que M. Jospin a écrit à M. Charpin pour lui donner les premières instructions concernant le rôle qu'il voulait voir jouer au Plan. Votre impatience, vous l'avez manifestée moins bruyamment il y a quatre ou cinq ans ! Le Gouvernement a à peu près onze mois devant lui. Je vous demande, messieurs les ministres, de faire en sorte de battre le record de la précédente mandature.
    L'amendement, n'a pas été soutenu, monsieur le président, mais il a été défendu. (Sourires.) C'est un amendement important. Comme pour l'ENA la question est peut-être posée brutalement mais elle mérite de l'être. Nous avons besoin d'avoir dans notre pays un véritable service d'évaluation, une rationalisation de tous les organismes qui conseillent l'Etat. Le ministre l'a dit, je l'avais indiqué moi-même plusieurs fois dans le rapport que j'avais fait précédemment, la France a besoin, tant au niveau de l'exécutif qu'au niveau du Parlement, de véritables structures qui regroupent tous les organismes pour avoir un service de l'évaluation. Ce n'est pas le cas actuellement. Je l'avais demandé sous la précédente mandature en tant que rapporteur de ce budget à la place de M. Bourguignon, je le répète aujourd'hui comme simple député. Il est indispensable qu'on se dote d'un tel outil.
    M. le président. Il semble y avoir un accord général pour un MITI, même si je pense que l'on ferait mieux de se référer à la planification française, qui a tout de même existé...
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le président. Sur cet amendement, je n'ai entendu que des avis défavorables...
    La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le président, nous savons tous que vous êtes passionné par la planification.
    M. le président. Oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous venons d'avoir un débat peut-être virtuel mais, en tout cas, très intéressant. Il ne s'agit pas d'un amendement de la commission des finances mais d'un amendement de François Goulard, qui a été déposé exclusivement dans l'esprit que vient d'indiquer M. Tron. Nous avons absolument besoin d'engager une réflexion sur une meilleure organisation de l'ensemble des organismes qui concourent à la prévision, qu'il s'agisse du Commissariat général au Plan, du Conseil d'analyses économiques, de la DATAR ou de la direction de la prévision. Cet amendement comme le suivant sont des amendements d'appel. Je les retire.
    M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.
    Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.
    (La réduction de crédits est adoptée.)
    M. le président. M. Goulard a présenté un amendement, n° 69, ainsi rédigé :
    « Sur le titre IV de l'état B, réduire les crédits de 8 446 546 euros. »
    Cet amendement a été retiré.
    Je mets aux voix le titre IV.
    (Le titre IV est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

V. - Aménagement du territoire

    M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre » : « V. - Aménagement du territoire ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : moins 620 676 euros. »
    « Titre IV : moins 16 360 629 euros. »

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiements applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 270 000 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 51 250 000 euros. »
    Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.
    (La réduction de crédits est adoptée.)
    M. le président. M. Giscard d'Estaing, rapporteur spécial, a présenté un amendement n° 104, ainsi rédigé :
    « Sur le titre IV de l'état B, réduire les crédits de 500 000 euros. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer au budget de 2003 les crédits affectés à l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire, l'IHEFAT, créé à l'initiative du précédent délégué à l'aménagement du territoire, M. Jean-Louis Guigou.
    La pertinence de cet organisme, qui a vocation à organiser des cycles de conférences et de formation sur l'aménagement du territoire, ne nous paraît pas, en effet, pleinement justifiée. Mon prédécesseur, M. Alain Rodet, dans le rapport sur le budget 2002, restait d'ailleurs dubitatif face à la création de ce nouvel organisme et à son coût.
    Quant à la formation, il nous semble qu'elle peut être dispensée dans des instituts d'études politiques, voire dans les troisièmes cycles universitaires, ou enfin, pourquoi pas, dans le cadre des locaux de l'Ecole nationale d'administration, à Strasbourg.
    A l'heure où nous voulons mieux maîtriser la dépense publique et recentrer l'Etat sur ses missions essentielles, et au moment où la loi organique sur les lois de finances donne à cette assemblée un rôle accru, une responsabilité, devrais-je dire, quant au bien-fondé de l'utilisation de l'argent des contribuables, il nous a paru nécessaire de proposer de retirer du budget de 2003 le montant de 500 000 euros qui y avait été prévu au titre de cet institut, permettant ainsi d'engager une réflexion sur la façon dont pourra être redéfini l'objectif, qui était certes louable, la sensibilisation à la problématique de l'aménagement du territoire, mais qui pourrait être atteint par d'autres moyens et sans impact budgétaire propre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Effectivement, monsieur le rapporteur, nous avons besoin de réfléchir, avec des cultures différentes, sur la vraie problématique de l'attractivité des territoires, dans une économie mondialisée, avec une articulation nouvelle entre l'Etat et les collectivités locales. C'est un objectif que nous devons tous partager, et il nous faut débattre des meilleurs moyens à mettre en oeuvre pour l'atteindre.
    Je veux bien accepter votre amendement, mais il faut en préciser la teneur. Il ne s'agirait pas d'une suppression mais d'une suspension pour réfléchir pendant un an, avec vous, la délégation à l'aménagement du territoire, la commission des affaires économiques, aux meilleurs moyens à mettre en oeuvre pour répondre aux objectifs que vous avez formulés.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J'accepte bien volontiers qu'un effort soit fait en matière de réduction budgétaire, et je suis heureux que le ministre y souscrive également, mais il faut savoir pourquoi et comment l'objectif doit être atteint, car ce qui nous intéresse plus particulièrement dans notre commission, c'est que le Gouvernement dispose d'instruments pertinents pour atteindre les résultats annoncés par le délégué lorsqu'il est venu devant notre commission et par M. le ministre de l'aménagement du territoire. J'aimerais donc que M. Giscard d'Estaing soit plus clair.
    Pour nous, les objectifs poursuivis par cet institut ne sont pas contestables et ne sont pas négligeables, loin de là. En tout état de cause, il n'est pas contestable de vouloir développer les échanges entre les acteurs de l'aménagement du territoire, qu'ils soient publics ou privés. Il n'est pas négligeable de vouloir construire une culture commune partagée de l'aménagement du territoire, tout en facilitant les échanges d'expériences en France comme en Europe. On en revient encore au débat européen, et il me paraît important que cet instrument puisse fonctionner.
    En revanche, monsieur le ministre, il me paraît effectivement nécessaire de revoir la structure et la manière dont elle fonctionne, c'est-à-dire de redéfinir l'outil avec un contenu pédagogique adapté qui pourrait être tourné sur le terrain plus que sur la théorie. En effet, on a le sentiment qu'il y a de nombreux discours théoriques, mais pas suffisamment de projections sur la pratique et sur le terrain.
    Les élus locaux ou tous ceux qui sont partenaires de la politique d'aménagement du territoire ont reconnu que des rendez-vous étaient nécessaires et qu'il fallait une structure sur le plan national pour les organiser.
    Il faut également réfléchir au financement dans le cadre d'un partenariat entre l'Etat et d'autres acteurs, piste qui n'a pas été forcément évoquée précédemment. Cet amendement a le mérite de nous permettre de rechercher des pistes et des solutions. On peut penser à la Caisse des dépôts, aux associations d'élus, etc.
    Je souhaiterais donc que M. Giscard d'Estaing précise que son amendement vise à supprimer non l'instrument mais les crédits, ce que nous acceptons bien volontiers, à charge pour vous, monsieur le ministre, de confirmer vos engagements sur les objectifs que vous vous fixez pour la politique d'aménagement du territoire.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Jean Launay a souhaité que j'exprime son point de vue sur cet amendement.
    Tout le monde a reconnu la pertinence des objectifs poursuivis par cet institut. Prétendre qu'il n'a pas démontré son efficacité, c'est peut-être un peu prématuré. Il a été créé en 2000. Il n'a donc fonctionné que pendant deux sessions. Et, au cours de la dernière, il a reçu comme auditeur l'actuel directeur de la DATAR. Au passage, je demande si la suppression de l'IHEDN a été envisagée dans le budget de la défense...
    Enfin, monsieur le rapporteur, y a-t-il une grande cohérence à demander la suspension des crédits de l'IHEDAT et à suggérer en même temps que l'ENA, dont on envisageait la suppression, se charge de sa mission ? Il faudrait tout de même mettre de l'ordre dans tout ça !
    Pour conclure, M. Jean Launay est défavorable à cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial.
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. La commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires économiques, a adopté cet amendement - le rapporteur général du budget l'a rappelé tout à l'heure - dans la perspective de rechercher des économies budgétaires, en essayant d'identifier des dépenses qui, sous certaines réserves qui ont été évoquées, pourraient éventuellement être réduites dans le cadre du budget de 2003, sans que soit pour autant remise en question la pertinence de l'objectif recherché par la création de cet institut.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vu les observations formulées par le rapporteur sur la pertinence de l'outil et la nécessaire réflexion que nous avons à mener, nous sommes favorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Giscard d'Estaing, rapporteur spécial, a présenté un amendement, n° 105, ainsi rédigé :
    « Sur le titre IV de l'état B, réduire les crédits de 1 million d'euros. »
    La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial.
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Cet amendement tend à réduire d'un million d'euros les crédits affectés à l'Agence française pour les investissements internationaux.
    Pour éclairer le débat, cette structure, créée par la loi sur les nouvelles régulations économiques en 2001, visait à regrouper les différents acteurs s'occupant de la prospection des investissements internationaux. Or ce qui devait être une rationalisation des moyens a conduit, dans les faits, à une augmentation de la dépense publique. En effet, le coût des différentes instances qui s'occupaient de la prospection des investissements avant la création de l'agence en 2001 atteignait environ 13,5 millions d'euros. L'effectif global représentait environ, puisqu'il faut agglomérer trois structures préexistantes, 114 personnes, dont 36 dans les services centraux. Or l'agence représente un coût total dans le budget de 2003 de 16,9 millions d'euros et un effectif global de 124 personnes, dont 46 dans les services centraux et 78 dans les bureaux à l'étranger, ce qui correspond à un maintien des effectifs du réseau international de la DATAR.
    La création d'une structure unique a donc entraîné une augmentation des dépenses de 25 % et un accroissement des effectifs de 8 %.
    De plus, nous avons par exemple appris, lors de nos auditions conjointes avec la commission des affaires économiques, le montant des dépenses de loyer pour les locaux parisiens. Le siège de cette agence occupe 1 800 mètres carrés dans le dix-septième arrondissement, pour un loyer annuel de 1,3 million d'euros. L'effectif des services centraux, c'est-à-dire 46 agents, paraît également élevé.
    L'existence de l'Agence française pour les investissements internationaux est clairement nécessaire et une action en faveur de la prospection des investissements étrangers en France, essentielle. Il n'est donc pas question, évidemment, d'entraver l'action de cette agence, mais d'éviter un niveau de dépenses inutilement élevé. Je rejoins les propos développés ce matin par Nicolas Forissier sur ce point.
    Nous proposons donc une réduction des crédits d'un million d'euros, mais nous restons à l'écoute du Gouvernement pour déterminer la réduction exacte qu'il conviendrait de voter afin de ne pas pénaliser l'action de cet organisme.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. D'abord, je tiens à rendre hommage à la qualité des analyses des députés, notamment des membres de la commission des finances. Celles-ci sont empreintes de minutie et de précision, quels que soient les budgets.
    Je vais maintenant répondre aux questions que vous m'avez posées sur la mission et les crédits de l'AFII.
    L'AFII est le fruit de la réforme de l'Etat, puisque cet organisme a été créé pour regrouper les missions qui relevaient de deux administrations différentes. Sa mission essentielle consiste à développer l'investissement international en France, c'est-à-dire à attirer les entreprises sur le territoire national et à optimiser la répartition géographique des projets en tenant compte des objectifs nationaux d'aménagement du territoire. A un moment où la décentralisation est en marche, il est essentiel de pouvoir assurer l'équilibre des territoires.
    L'AFII doit aussi veiller à la qualité des investissements, à leur pérennité, à leur intégration dans le tissu industriel local et à la valeur ajoutée qu'ils créent.
    Cet organisme doit également accomplir une veille sur les investissements internationaux et sur leur localisation. Il est organisé pour être en permanence à l'écoute de tout ce qui se dit dans le milieu des entreprises, de façon à détecter avec précision les projets éventuellement susceptibles de venir en Europe, si possible en France. Il est à même de développer des rencontres très spécialisées, très performantes, pour favoriser l'implantation d'entreprises étrangères dans notre pays.
    Quels sont les résultats de 2001 et les perspectives de 2002 ? Comparé aux autres pays européens, notre pays, malgré un déficit d'image accentué, a plutôt mieux résisté que ses concurrents, notamment la Grande-Bretagne, qui a enregistré une baisse de 35 % du nombre des implantations.
    Le tiers des 25 000 emplois créés provient de projets identifiés par le réseau des bureaux à l'étranger. Les tendances constatées sur les six premiers mois de cette année laissent prévoir, pour 2002, un résultat comparable à celui de 2001 en termes de projets et, pour 2003, une progression potentielle grâce à une légère croissance des projets nouveaux identifiés. L'outil est donc tout à fait pertinent.
    Le rapporteur spécial a mis en avant l'augmentation du coût budgétaire de l'AFII, ainsi que la croissance de 8,8 % de ses effectifs, soit dix personnes supplémentaires destinées à rejoindre les effectifs centraux de l'agence qui en compte quarante-six. Or il faut savoir que la création de l'AFII s'est accompagnée de la mise en place de structures - secrétariat général et agence comptable - qui en ont remplacé d'autres, dont les coûts étaient précédemment supportés par la DATAR, la DREE pour les bureaux à l'étranger et la DPMA, sans pour autant que celles-ci aient pu être isolées -, ce qui renforce d'ailleurs, monsieur le rapporteur général du budget, la nécessité de clarifier les mises à disposition, lesquelles n'apparaissent pas dans la comptabilité analytique.
    Le secrétariat général compte aujourd'hui neuf personnes, y compris l'agent comptable.
    Un des éléments forts du diagnostic qui avait été posé était l'insuffisance des moyens d'appui au réseau à l'étranger. La création de l'AFII a donc permis de renforcer certaines fonctions indispensables d'intelligence économique, le suivi des filières notamment.
    On a également critiqué le coût du loyer du bâtiment occupé par l'AFII, au 2, avenue Velázquez, dans le huitième arrondissement de Paris. En fait, le montant du loyer inclut un surloyer de l'ordre de 25 %, correspondant à des travaux exeptionnels, liés à l'installation des réseaux informatiques et de communications, qui ont été réalisés par le propriétaire avant l'occupation de ce bâtiment. En l'absence de ce surloyer, le loyer net, négocié sur un bail de six ans, se situe sensiblement en dessous de la moyenne des loyers du marché. Cela dit, la clarification des comptes devra faire apparaître les capacités d'investissement et de retour sur investissement.
    Voilà les réponses à vos interrogations, monsieur le rapporteur spécial. Elles concernent aussi bien la rationalisation des moyens que la transparence comptable ou la nature du remboursement d'un investissement informatique pris en charge par le propriétaire du local occupé par l'AFII.
    Si votre amendement tendant à réduire d'un million d'euros les crédits de l'AFII était adopté, nous serions obligés de réduire les moyens opérationnels de cet organisme, ce qui fragiliserait l'attractivité de notre territoire. Ce serait pour le moins préjudiciable.
    Toutefois, pour répondre à votre exigence de vérité comptable et de transparence, j'ai demandé à mes services de regarder très attentivement les économies maximales que nous pourrions réaliser sans toucher à la capacité opérationnelle de l'AFII. Ils ont calculé que l'économie pourrait être de l'ordre de 200 000 euros.
    Je vous propose donc, monsieur le rapporteur spécial, pour préserver la capacité opérationnelle de l'Agence française pour les investissements internationaux, de bien vouloir accepter de limiter à 200 000 euros la réduction des crédits alloués à cet organisme. Nous pourrions ainsi préserver l'efficacité de l'outil, tout en réalisant des économies budgétaires, puis évaluer ultérieurement la pertinence de votre analyse.
    M. le président. L'amendement n° 105 devrait donc se lire ainsi : « Sur le titre IV de l'état B, réduire les crédits de 200 000 euros. »
    M. Giscard d'Estaing, en êtes-vous d'accord ?
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 105 est ainsi rectifié.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je demande la parole, monsieur le président.
    M. le président. Vous souhaitez réellement débattre de ce sujet ?
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Dans ce cas, vous avez la parole, monsieur Tron.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. L'avantage du Parlement, c'est de pouvoir y débattre. Sinon il nous faudra bientôt commencer nos interventions en vous disant non pas « merci, monsieur le président », mais « pardon, monsieur le président », ce qui serait tout de même gênant !
    Oui, je veux débattre, parce que je souhaite dire combien l'amendement de M. Giscard d'Estaing me paraît utile. L'année dernière, lorsque j'ai rapporté le budget des services du Premier ministre, j'ai exposé longuement l'utilité que pourrait avoir une évaluation précise de tous les organismes rattachés aux services du Premier ministre. J'en avais, je crois, recensé trente-sept, portant les noms les plus extravagants.
    Il s'agit, aujourd'hui, d'un organisme dont M. le ministre a très bien démontré l'utilité et qui répond, de surcroît, à la double tutelle de Bercy et du ministre chargé de l'aménagement du territoire. Si grande soit l'utilité de cet organisme, des économies sont encore possibles, et tel est le but de l'amendement.
    Je voudrais demander au Gouvernement s'il lui est possible d'établir, sous une forme qui lui conviendra, un recensement de tous les organismes rattachés aux services du Premier ministre et à tous les ministères, afin que nous puissions savoir exactement quels sont leurs domaines de compétence et leurs coûts de fonctionnement, ce qui nous permettra, le moment venu, de débattre ici pour déterminer dans lesquels de ces organismes nous pourrions « tailler » pour réaliser des économies. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il est, en effet, inconcevable qu'il y ait aujourd'hui une quarantaine d'organismes rattachés aux services du Premier ministre, et un nombre incalculable d'organismes rattachés à d'autres ministères.
    Pour ce qui me concerne, il va de soi que je voterai, avec l'accord de M. Giscard d'Estaing, l'amendement tel qu'il a été rectifié par M. Delevoye. Permettez-moi, toutefois, de dire ici qu'il ne s'agit pas d'un débat que l'on clôt mais d'un débat que l'on ouvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. M. Tron, je vous prie de bien vouloir observer que je donne facilement la parole.
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. C'est vrai, monsieur le président !
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.
    M. Nicolas Forissier. Je vais m'exprimer sur l'AFII en tant que rapporteur spécial du budget du commerce extérieur puisque cet organisme est aussi financé sur ce budget.
    La proposition de M. le ministre permet de répondre au souhait de tous ici et de lever la relative incertitude que j'avais quant au bien-fondé de cet amendement. Je voudrais tout de même faire quelques observations, qui vont d'ailleurs dans le sens des propos de Georges Tron.
    Premièrement, ainsi que je l'ai dit ce matin, il me semble dangereux, dans la conjoncture économique actuelle caractérisée par la perte d'attractivité de notre territoire, de prendre le risque d'affaiblir brutalement un organisme très important, pour les raisons qui ont été rappelées par M. le ministre.
    Mais - et c'est là que je rejoins M. Georges Tron - j'ai envie de vous dire, monsieur le ministre : jamais deux sans trois. Vous avez pris un engagement à propos de l'ENA, puis un autre sur le Plan ; eh bien, je vous propose d'en prendre encore un autre sur la réorganisation des organismes qui concourent à la promotion de la France sur le plan international ou au renforcement de son attractivité auprès des investisseurs internationaux !
    Une réflexion, déjà très avancée, a été lancée au sein de la direction des relations économiques extérieures sur un rapprochement opérationnel entre le Centre français du commerce extérieur, le CFCE, et Ubifrance, qui sont les deux grands organismes nationaux qui concourent à la promotion et au développement des échanges. On pourrait aussi envisager un rapprochement avec certains organismes comme la Maison de la France, qui concourt, elle, à la promotion du tourisme en France.
    Il ne serait donc pas absurde que l'AFII soit concernée par cette réforme. Il y a là aussi un travail à faire, et qui peut, lui aussi, se faire sur un an.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, je voudrais que vous puissiez, relayant le débat lancé par Louis Giscard d'Estaing, prendre un tel engagement. Je suis persuadé que la représentation nationale sera soucieuse de participer à cette réflexion.
    M. Loïc Bouvard. Le chantier est ouvert !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis un peu malheureux, je n'hésite pas à l'avouer. (Murmures sur divers bancs.)
    Je voudrais vous faire part de mon expérience d'ancien rapporteur spécial du budget du commerce extérieur. Il y a deux ans, j'ai dressé un petit inventaire des structures de ce type, car on a assisté à une véritable inflation.
    Au départ, il y a vingt ans, a été créé le service de l'expansion économique, qui existe toujours, lequel a été doté d'un réseau de postes à l'étranger, qui est, après celui des Etats-Unis, celui dont le maillage est le plus serré : on compte plus de 100 postes. Ce réseau a toujours travaillé efficacement à la promotion de notre pays auprès des investisseurs internationaux, grâce aux contacts permanents qu'il entretient avec les entreprises de nombreux pays étrangers.
    Puis, dans les années 70 ou 80, la DATAR, au nom de l'aménagement du territoire, s'est mis en tête d'avoir elle aussi sa représentation à l'étranger. Des délégations de la DATAR ont donc été créées aux Etats-Unis, au Canada, un peu partout dans le monde.
    Toutefois, comme la DATAR s'arrogeait de plus en plus le mérite de faire venir des investissements étrangers en France, Bercy s'est réveillé et a voulu se doter de sa propre structure. Bercy a donc nommé, au début des années 90, un « ambassadeur itinérant aux investissements étrangers ». Puis cet homme, seul mais efficace, a été remplacé par une structure appelée « Agence des investissements internationaux ».
    Certes, il faut se réjouir que, quelques années plus tard, cette agence et les antennes de la DATAR à l'étranger fusionnent en une structure unique. Toutefois, cette opération a gonflé les coûts : la structure unique a un coût supérieur à celui que représentaient les réseaux séparés. J'ajoute que les postes d'expansion économique continuent d'exister et de prospérer.
    De plus, lors d'une mission en Amérique latine il y a quelques années, j'ai découvert que plusieurs régions françaises y ont des antennes pour prospecter les investissements internationaux. Ainsi, au Brésil, une antenne de plusieurs personnes représente la Bretagne et une autre antenne, située quelques pâtés de maisons plus loin, représente Rhône-Alpes ; les deux se font concurrence et s'ignorent.
    Bref, il existe une multiplicité de structures, dans tous les domaines. Monsieur le ministre, la réforme de l'Etat consiste à les rapprocher, et pour cela il faut que nous en fassions l'inventaire.
    La commission des finances est totalement convaincue de la nécessité de faire venir en France des investissements internationaux, au point que, durant l'examen de la première partie de la loi de finances, elle n'a cessé de proposer des amendements destinés à renforcer l'attractivité fiscale de notre pays et que nous avons fini par obtenir du Gouvernement l'engagement qu'un débat sur ce thème aurait lieu en janvier ou en février 2003. Mais nous voulons aussi une meilleure efficacité, ce qui passe par une simplification et une meilleure lisibilité des structures.
    Aujourd'hui, quand une entreprise étrangère veut s'implanter en France, elle ne sait pas à quelle administration s'adresser. Pour ma part, je me suis occupé dans les années 80 de l'implantation de Disney en France. Eh bien, je me souviens qu'à l'époque les gens de Disney nous disaient : « Vous les Français, vous marchez sur la tête ! Entre la région, le département ou la DATAR, nous ne savons pas à qui nous adresser. Nous n'y comprenons rien ! »
    De grâce, simplifions et, en simplifiant, je pense que nous ferons aussi des économies. Dépensons mieux en dépensant moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Après ce plaidoyer brillant de M. Carrez, la parole est à M. Pierre Bourguignon.
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. M'étant exprimée ce matin sur le sujet en termes voilés, je voudrais simplement rappeler ce que j'ai écrit clairement à la page 51 de mon rapport sur l'ensemble des organismes en question.
    Je précise dans ce rapport qu'une annexe « jaune » au projet de loi de finances, instituée par l'article 112 de la loi de finances pour 1996, dresse chaque année la liste des organismes rattachés et que ce document s'épaissit d'année en année, et c'est cela le problème. Dix-neuf commissions ont, par exemple, été instituées en 2001 et huit en 2002. Quarante organismes sont aujourd'hui placés auprès du Premier ministre, quatre-vingt-dix-neuf auprès du ministre de l'économie et des finances, quatre-vingt-un auprès du ministre de l'agriculture et pas moins de quarante auprès du ministre chargé des anciens combattants.
    J'indique également dans mon rapport que ces organismes peuvent avoir un coût...
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Ils en ont un !
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. ... et que, le document jaune ne l'indiquant pas,...
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. C'est un tort !
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. ... le législateur a souhaité, par le biais de l'article 11 de la loi de finances rectificative pour 2002, qu'il comporte, à partir de 2003, des données budgétaires et, afin de juger leur pertinence, des éléments sur leur activité.
    Je note également dans ce rapport que le rapporteur spécial que je suis est conscient qu'une analyse purement quantitative de l'évolution du nombre des organismes est insuffisante. C'est pourquoi j'estime que l'évolution du document « jaune » prévue par le législateur cette année devrait me permettre à l'avenir de porter un regard plus critique sur ces organismes, sans pour autant épuiser le sujet.
    M. le président. Monsieur le ministre, un troisième engagement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous parlez en termes sportifs ou en termes politiques ?
    M. le président. Les deux !
    M. Georges Tron, rapporteur spécial. Ça revient au même, de toute façon !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'amenagement du territoire. Dois-je parler en euros ou en dollars ?
    M. le président. Ça, c'est une histoire entre nous, mes chers collègues.
    Poursuivez, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je voudrais d'abord vous demander, mesdames, messieurs les députés, d'excuser le secrétaire d'Etat Henri Plagnol de nous avoir quittés. En effet, je lui ai demandé de bien vouloir aller accueillir au ministère un de mes collègues russes avec lequel nous développons une coopération extrêmement poussée en vue de la préparation du séminaire gouvernemental qui doit se tenir au mois de novembre en présence du Premier ministre russe et du Premier ministre français.
    Ainsi que l'ont dit Nicolas Forissier, Gilles Carrez, Pierre Bourguignon, Georges Tron et Louis Giscard d'Estaing, il est nécessaire que les informations fournies pour la préparation des lois de finances soient sincères.
    En ce qui me concerne, je souhaiterais pouvoir clore les négociations syndicales sur les salaires avant l'examen de mon budget, afin que les conclusions de ces discussions puissent être prises en compte dans la loi de finances.
    Je souhaite aussi que nous ne nous rencontrions pas uniquement durant la période budgétaire, que nous puissions mettre en place ensemble une comptabilité analytique permettant une évaluation précise et que nous puissions nous interroger sur la pertinence des outils utilisés. En effet, je crois que le travail d'un rapporteur - pardonnez-moi de déborder du cadre de mes propres compétences - ou d'un ministre ne consiste pas seulement à demander tous les ans plus de moyens ; il consiste aussi à se demander si les moyens réclamés sont justifiés, adaptés, et si les résultats obtenus sont conformes aux objectifs fixés.
    M. Alain Cousin. Très juste !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons les uns et les autres tout intérêt à imaginer les méthodes de partenariat permanent que nous pourrions appliquer pour éclairer les choix du ministre dans un certain nombre des domaines de sa compétence.
    Nous pourrons ainsi, à chaque loi de finances, tirer profit de nos travaux et avoir un débat plus serein, plus stable, plus efficace et en tout cas plus rationnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105, tel qu'il a été rectifié.
    (L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est requis à l'unanimité.
    Je mets aux voix le titre IV, modifié par les amendements adoptés.
    (Le titre IV, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS

    M. le président. J'appelle les crédits du budget annexe des Journaux officiels :
    « Crédits ouverts à l'article 40 au titre des services votés : 149 580 582 euros ;
    « Crédits ouverts à l'article 41 au titre des mesures nouvelles :
    « Autorisations de programme inscrites au paragraphe I : 13 851 000 euros ;
    « Crédits inscrits au paragraphe II : 46 282 344 euros. »
    Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 40 au titre des services votés.
    (Ces crédits sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 41 au titre des mesures nouvelles.
    (Ces crédits sont adoptés.)
    M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre et au budget annexe des Journaux officiels.
    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    Communication ; ligne 35 de l'état E ; article 52 :
    Communication :
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 12 du rapport n° 256) ;
    M. Didier Mathus, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome VII de l'avis n° 257).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT