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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 12 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

FERMETURE DU CENTRE DE SANGATTE «...»

MM. Thierry Lazaro, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

IRAK «...»

MM. Jean-Marc Ayrault, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

CANDIDATURE DE LA TURQUIE
À L'UNION EUROPÉENNE «...»

MM. Bernard Bosson, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

RETRAITES «...»

MM. Maxime Gremetz, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME «...»

MM. Etienne Blanc, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

GESTION DES ENTREPRISES PUBLIQUES «...»

MM. Dominique Tian, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

FERMETURE DU CENTRE DE SANGATTE
«...»

MM. Gilles Cocquempot, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

HÔPITAUX D'ÎLE-DE-FRANCE «...»

MM. Yves Jego, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

EFFECTIFS
DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE «...»

Mme Maryse Joissains-Masini, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

AIDES AUX JEUNES SCOLARISÉS «...»

Mme Catherine Génisson, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

APPRENTISSAGE «...»

MM. Patrick Beaudouin, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

DESTRUCTION DU RAT MUSQUÉ «...»

M. Jean-Pierre Decool, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

2.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

SANTÉ, FAMILLE ET PERSONNES HANDICAPÉES «...»

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la santé.
M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les personnes handicapées.
Mmes
Jacqueline Fraysse,
Muriel Marland-Militello.
MM.
Jean-Marie Le Guen,
Gilles Artigues,
François Goulard.
Mme
Hélène Mignon.
M.
François Sauvadet,
Mmes
Henriette Martinez,
Ségolène Royal.
MM.
Paul-Henri Cugnenc,
Pascal Terrasse.
Mme
Martine Aurillac.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe UMP.

FERMETURE DU CENTRE DE SANGATTE

    M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro.
    M. Thierry Lazaro. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Alors que, pendant plus de quatre ans, aucun ministre du précédent gouvernement n'avait eu le courage de s'attaquer au problème de Sangatte, ni même d'aller voir sur place, un de vos premiers actes forts, monsieur le ministre de l'intérieur, fut de vous rendre dans ce centre. Depuis le mois de mai, il ne s'est pas passé une semaine en effet sans que ce dossier ne fasse l'objet de démarches de votre part. Ces dernières furent nombreuses : rencontre avec les élus calaisiens et les populations ; nombreux entretiens avec votre homologue anglais pour obtenir un durcissement de la législation britannique afin que la Grande-Bretagne soit moins attractive ; actions aux côtés du Haut-Commissariat aux réfugiés pour identifier les populations du centre, ce qui n'avait pas été fait en cinq ans ; accentuation de la lutte policière contre les réseaux de passeurs, notamment avec la mise en place des patrouilles franco-belges.

    Anticipant l'annonce de la fermeture du centre de Sangatte à tout nouveau réfugié à l'occasion du démantèlement du sixième et dernier réseau de passeurs, vous avez envoyé au monde entier le signal tant attendu des populations du Calaisis que la France n'était plus prête à accueillir tous les réfugiés du monde.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Thierry Lazaro. Permettez-moi de me faire l'écho de tous nos compatriottes qui ne comprennent pas que ceux qui, hier, avaient les moyens d'agir utilisent aujourd'hui sans aucun complexe la misère humaine à des fins purement politiciennes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. C'est scandaleux !
    M. Thierry Lazaro. Monsieur le ministre, vous avez reçu ce matin les élus régionaux concernés. Quelles actions envisagez-vous dans les prochaines semaines notamment sur le plan humanitaire, point, qui, comme on l'a vu depuis votre arrivée aux affaires, a toujours été au centre de vos préoccupations ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, trois raisons m'ont conduit à décider de ne plus accepter de nouvelles entrées dans le centre de Sangatte, qui est une des situations les plus complexes et les plus difficiles que nous ayons trouvées. Il y a d'abord la décision des Britanniques de modifier, comme ils s'y étaient engagés, leur loi sur l'immigration. En contrepartie, nous avions pris quant à nous l'engagement de stopper les arrivées à Sangatte. Il y a ensuite le démantèlement des six réseaux de passeurs qui agissaient même à l'intérieur du centre. Il ne fallait pas leur laisser le temps de se reconstituer. Il y a enfin un problème de place : 5 000 cartes d'accès ont été distribuées alors que le centre héberge actuellementcompte entre 1 600 et 1 800 personnes.
    Il nous faut maintenant, et ce n'est pas le plus facile, gérer l'après-Sangatte. Qu'il me soit d'abord permis de rendre hommage aux élus que j'ai reçus ce matin et plus largement aux élus de la région. Je pense au maire socialiste de Sangatte, au député de la circonscription, M. Jack Lang, au maire de Dunkerque, M. Delebarre, au maire communiste de Calais et à d'autres encore, qui ne m'en voudront pas si je les oublie.
    M. Albert Facon. Et le député de Calais ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je pense aussi, bien sûr, au député de Calais.
    Tous ceux que j'ai reçus ont fait preuve de la plus grande responsabilité. Aucun ne m'a demandé la réouverture du centre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Par ailleurs, tous m'ont indiqué, et notamment le maire de Calais qui l'a d'ailleurs confirmé, que le flux de migrants arrivant dans le Calaisis avait considérablement diminué : au mois de juin, nous étions à 400 interpellations par nuit ; aujourd'hui, nous en sommes à un chiffre variant entre 60 et 70. Certes, c'est encore trop, mais la diminution est nette. Tous m'ont demandé également que soient traitées avec humanité les personnes qui ne rentreront pas dans le centre.
    A cet égard, nous avons décidé que chaque étranger en situation irrégulière recevrait une information et qu'aucun ne coucherait dehors. Il est inutile d'occuper une salle de sports ou une église : il y a des places pour tout le monde. Du reste, les élus et notamment le maire de Calais m'ont demandé de faire procéder sous vingt-quatre heures à l'évacuation de cette église désaffectée actuellement occupée. C'est ce que nous ferons. Par ailleurs, un comité de suivi sera installé et je me rendrai dans le Calaisis dans le courant du mois de décembre. Enfin, je conduirai une délégation d'élus - n'est-ce pas monsieur le ministre Lang ? - en Grande-Bretagne.
    Monsieur le député, cette décision sur Sangatte était la seule possible. C'est un message destiné à faire savoir à tous les migrants du monde qu'il n'y a pas d'espoir pour eux sous le hangar de Sangatte. Il est temps de le dire et d'en tirer les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

IRAK

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Marc Ayrault. Les autorités américaines déclarent que la résolution 1441 votée par le Conseil de sécurité leur donne le feu vert pour intervenir en Irak en cas de manquement de Saddam Hussein à ses obligations. Par ailleurs, la publication dans le New York Times d'un plan d'attaque des forces militaires américaines en Irak confirme que le risque de guerre n'a pas décru, bien au contraire. Ces signaux contredisent les déclarations du Gouvernement selon lesquelles un recours à la force n'est pas automatique et devra faire l'objet d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Monsieur le Premier ministre, qui donne la bonne interprétation de cette résolution ? Disant cela, je ne conteste pas les efforts que la France a déployés depuis le début de la crise pour défendre le droit international et préserver les chances de la paix.
    M. Pierre Lellouche. Merci, Chirac ! Ce n'est pas Jospin qui aurait fait ça !
    M. Jean-Marc Ayrault. Mais vous n'êtes pas allés au bout de votre démarche (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pourla majorité présidentielle.) Vous vous êtes privés des moyens de votre détermination...
    M. Pierre Lellouche. Allons, monsieur Ayrault !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... en renonçant à présenter le projet de résolution de la France puis en écartant, comme vous l'aviez dit à l'Assemblée nationale, tout recours au droit de veto. Sans doute ce compromis - ambigu -, voté par le Conseil de sécurité, a-t-il permis à la communauté internationale de rester unie, mais à quel prix ?
    M. Richard Cazenave. Vous êtes le seul à penser cela !
    M. Jean-Marc Ayrault. Demain, le risque est grand que ni la France ni l'ONU n'aient les moyens de droit pour empêcher une intervention qu'ils réprouveraient. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à dire clairement que la France refusera sa participation militaire à une telle aventure ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Dans le cas contraire, vous engagez-vous à demander au Parlement de se prononcer par un vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président Ayrault, vous me demandez si la France fera face à ses responsabilités. Ma réponse est oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Ce n'est pas la question !
    M. le ministre des affaires étrangères. Elle assumera ses responsabilités avec lucidité, exigence et détermination.
    Mme Martine David. Blablabla !
    M. le ministre des affaires étrangères. Depuis le début de la crise irakienne, les Etats-Unis n'ont jamais caché leur volonté d'agir sur un double front. Ils ont indiqué clairement leur intention d'intervenir militairement en Irak si Saddam Hussein n'appliquait pas pleinement les résolutions des Nations unies et ne coopérait pas avec la communauté internationale. La mobilisation en cours dans la région du Golfe témoigne de cette volonté. Parallèlement, ils ont marqué, dès l'ouverture de l'assemblée générale des Nations unies, au début du mois de septembre, leur volonté de rechercher, en travaillant avec les Nations unies, une solution collective. La résolution 1441 offre le cadre adéquat à la recherche de cette solution.
    Permettez-moi de vous rappeler brièvement le contenu de cette résolution pour laquelle la France s'est mobilisée.
    Mme Martine David. Ce n'est pas ça qu'on demande !
    M. le ministre des affaires étrangères. Elle consacre la non-automaticité du recours à la force, quelles que soient les violations commises par l'Irak. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est d'ailleurs pour cette raison - et faut-il de meilleure preuve ? - que des pays comme la Russie, la Chine ou la Syrie l'ont votée et que la Ligue arabe elle-même l'a saluée hier. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Le passage par le Conseil de sécurité est prévu à chaque étape, de façon que celui-ci puisse assumer pleinement et en connaissance de cause ses responsabilités. Enfin, le vote unanime du Conseil de sécurité démontre l'adhésion de la communauté internationale tout entière à cette démarche.
    Cette résolution offre bien une nouvelle chance à la paix. Encore faut-il que Saddam Hussein accepte sans délai d'appliquer la résolution des Nations unies. La balle est désormais dans son camp. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Quant à notre pays, il saura, je vous l'ai dit, assumer à chaque étape sa pleine responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

CANDIDATURE DE LA TURQUIE
À L'UNION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Bernard Bosson, pour le groupe UDF.
    M. Bernard Bosson. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur l'Europe.
    Le Président Giscard d'Estaing vient de poser, à propos de la Turquie, le problème des frontières de l'Europe. En 1963, lorsque l'Europe n'était qu'une communauté économique, a été signé avec ce pays un accord de coopération dont une disposition évoque la perspective d'adhésion. En 1999, alors pourtant qu'on n'en était plus à une simple communauté économique, l'Europe et la France ont cru devoir donner à la Turquie le statut de pays candidat. Il y a quinze jours, les chefs d'Etat et de Gouvernement ont indiqué que la Turquie ne répondait pas encore aux critères de Copenhague, ce qui revient à réaffirmer son appartenance future à l'Union européenne.
    Monsieur le Premier ministre, pour l'UDF, l'Union européenne ne peut pas intégrer la Turquie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Il faut toutefois créer pour cette grande nation qui forme un pont entre l'Occident et l'Orient un statut très particulier et favorable qui ne signifie ni l'adhésion ni le rejet.
    Au moment où, sans une vision claire d'une Europe politique organisée, l'élargissement risque de conduire à l'anéantissement de l'Europe, je vous demande, au nom de l'UDF, de préciser la position de la France. Nous souhaitons sur ce point l'organisation d'un débat parlementaire suivi d'un vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, quels sont les faits ? La candidature turque n'est pas une nouveauté. La perspective d'adhésion de la Turquie a été inscrite dès 1963 dans le premier accord d'association avec ce pays.
    M. Maurice Leroy. Il l'a dit !
    M. le ministre des affaires étrangères. Puis, la candidature turque a été reconnue en 1999 par le Conseil européen d'Helsinki.
    M. Maurice Leroy. Il l'a dit aussi !
    M. le ministre des affaires étrangères. Aucune décision n'a cependant encore été prise s'agissant de l'ouverture des négociations avec la Turquie. Le prochain Conseil européen de Copenhague, les 12 et 13 décembre prochain, devra en décider. La question est de savoir quel message nous voulons adresser à la Turquie à Copenhague. Pour la France, ce message doit être double. Nous voulons encourager la Turquie sur la voie des réformes, et beaucoup a été fait par ce pays au cours des derniers mois. Nous entendons aussi juger la Turquie sur ses actes. Nous sommes en effet convaincus qu'au-delà du respect des critères d'adhésion, l'appartenance à la famille européenne est la marque à la fois d'une volonté et d'un choix politique. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ma conviction est que cette Europe doit être bâtie sur la tolérance et le dialogue,...
    M. Bernard Bosson. Mais pas sur n'importe quoi !
    M. le ministre des affaires étrangères. ... c'est-à-dire la défense des valeurs humanistes que l'Europe prône depuis plusieurs siècles. Ce sont ces valeurs qui doivent nous guider dans un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Le Gouvernement n'a pas répondu !

RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le Premier ministre, vous promettez à qui veut l'entendre un grand et large débat sur l'avenir des retraites. Nous le voulons aussi pour consolider notre système par répartition.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Vous annonciez, il y a encore quelque temps, qu'aucune décision ne serait prise sans concertation, sans l'avis des partenaires sociaux. Or, aujourd'hui, vous tournez le dos à vos engagements. Vous supprimez ainsi le congé de fin d'activité pour les fonctionnaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman. C'est scandaleux !
    M. Maxime Gremetz. C'est l'équivalent de l'ARPE pour les salariés du privé, qui permet de bénéficier de la préretraite lorsque toutes les années de cotisations sont acquittées en contrepartie de l'embauche d'un jeune.
    Par ailleurs, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annoncé que les salariés vont devoir cotiser plus longtemps (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et qu'il allait mettre un terme à tous les dispositifs de préretraite permettant aux salariés qui ont souvent commencé à travailler très jeunes de bénéficier de mesures d'âge pour partir plus tôt à la retraite. Vous savez aussi, monsieur le Premier ministre, que ces préretraites sont largement utilisées dans le cadre des plans de licenciements collectifs...
    M. Pierre Cardo. Par le patronat !
    M. Maxime Gremetz. ... de délocalisations, de restructurations décidés par les grands groupes que vous soutenez. Je citerai, à titre d'exemple, Whirlpool à Amiens qui prévoit 265 suppressions d'emplois auxquelles s'ajouteront 160 licenciements de plus en cas de suppression du système des préretraites. En fait, vous prenez les décisions, et vous les discutez après ! Vos choix sont très clairs : exonérations de cotisations patronales pour les grands groupes qui licencient ou délocalisent, remise en cause des préretraites, allongement de la durée du travail !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Quel scandale !
    M. Maxime Gremetz. Le MEDEF est content, d'autant que vous lui donnez la plus totale liberté de licencier ou de délocaliser en supprimant la loi de modernisation sociale !
    Monsieur le Premier ministre, allez-vous continuer à écarter les partenaires sociaux et la population de ces débats essentiels sur les retraites ? Si telle n'est pas votre intention, il faut commencer par ne pas supprimer ces dispositifs de préretraite et par proposer au Parlement de rétablir le contrat de fin d'activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, comme le Premier ministre l'a indiqué dès son discours d'investiture, le débat sur les retraites aura lieu au début du mois de février prochain. Le Gouvernement a pour objectif d'essayer de construire, avec tout le monde, et notamment avec les partenaires sociaux, un consensus national autour de cette question.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est mal parti !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... comme d'autres pays ont été capables de le faire. Je pense à l'Espagne, à l'Allemagne ou encore à la Suède.
    Il faut rechercher un consensus national parce que cette question nous dépasse tous. Il s'agit en fait de savoir si notre génération aura le courage de prendre les mesures nécessaires pour sauver le régime par répartition dont nous avons hérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Bien entendu, la négociation avec les partenaires sociaux sera au coeur de cette recherche de consensus.
    M. François Liberti. Quelle langue de bois !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela veut dire que toutes les solutions seront sur la table. Elles sont d'ailleurs connues car depuis le rapport de Michel Rocard jusqu'aux travaux du COR, tout le monde sait aujourd'hui dans quelle direction aller pour sauver le régime par répartition.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Non ! Non !
    M. François Liberti. Le COR ne dit pas cela !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement saura prendre ses responsabilités...
    Mme Martine David. En catimini !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... dans toutes les circonstances. Quel que soit le résultat des discussions et des négociations, le Parlement sera saisi au début du mois de juin d'un texte sur les retraites.
    Quant aux préretraites, monsieur Gremetz, elles ne sont pas supprimées. Nous allons, au contraire, dans le sens que vous souhaitez...
    M. Christian Bataille. Mais non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... puisque nous avons décidé de renchérir le coût de leur utilisation pour les entreprises.
    Mme Martine David. En catimini, en séance de nuit !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En effet, monsieur Gremetz, je ne veux plus entendre des hommes ou des femmes dire qu'à cinquante ans ils n'ont plus d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Hollande. Et le congé de fin d'activité ?

LUTTE CONTRE LE TERRORISME

    M. le président. La parole est à M. Etienne Blanc, pour le groupe UMP.
    M. Etienne Blanc. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    Monsieur le garde des sceaux, la menace terroriste connaît un regain qui s'est traduit par l'attentat de Bali, succédant à celui de Djerba. En Europe, les propos récents du Premier ministre britannique, qui met les Anglais en alerte et les appelle à la vigilance, renforcent les craintes. En France, l'évolution récente des informations judiciaires ouvertes par les juges antiterroristes de Paris met à jour l'existence de réseaux organisés, notamment en région Rhône-Alpes. Les enquêtes en cours révèlent en particulier que des filières de recrutement ont agi et agiraient encore sur notre sol pour alimenter des réseaux d'extrémistes. La menace est devenue d'autant plus palpable que nos intérêts à l'étranger ont été atteints. Au large du Yémen ou à Karachi, la France était directement visée.
    Dans ces circonstances, monsieur le garde des sceaux, quels sont les moyens et les dispositions judiciaires complémentaires que vous jugez utile de mettre en oeuvre pour combattre cette menace ? Comment comptez-vous renforcer et coordonner la mobilisation de tous les intervenants dans ce domaine ? Enfin, dans quels dispositifs internationaux la France serait-elle susceptible d'apporter sa coopération afin de mettre son expérience au service de la défense du droit et de la liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Premièrement, monsieur le député, j'observe qu'une lutte efficace contre le terrorisme est avant tout l'affaire d'une bonne coopération entre le renseignement, l'activité policière et militaire, et la justice.
    Deuxièmement, vous avez eu raison d'évoquer la coopération internationale, car il est très important que la France ne soit pas seule dans son combat contre le terrorisme. Je peux d'ailleurs témoigner ici de l'efficacité et de la confiance qui caractérisent cette coopération, que ce soit au sein de l'Europe - tant avec les pays du Sud de l'Europe, comme l'Espagne ou l'Italie, qu'avec la Grande-Bretagne - ou à l'extérieur de l'Union, par exemple avec les pays situés autour de la Méditerranée - nous l'avons expérimenté tout récemment encore avec nos amis tunisiens - ou encore avec les Etats-Unis, où je me rendrai après-demain afin d'évoquer, avec mon homologue, cet aspect de nos relations.
    Troisièmement, l'efficacité de la lutte contre le terrorisme passe par l'adaptation de notre droit. Certes, la loi de 1986 est une bonne loi dans la mesure où elle donne au tribunal de grande instance de Paris, et en particulier à la section antiterroriste des juges d'instruction, le contrôle et la responsabilité globale de cette action. Mais nous devons aller plus loin, notamment contre la criminalité organisée. C'est la raison pour laquelle, dans quelques semaines, je soumettrai au Parlement, au nom de M. le Premier ministre, des dispositions relevant de la procédure pénale et visant à donner à nos juges d'instruction une plus grande efficacité d'action.
    Quatrièmement, j'ai pris, sur le plan matériel, la décision d'augmenter le nombre des juges d'instruction anti-terroristes, qui, de quatre, passeront à cinq en janvier.
    Par ailleurs, le parquet du tribunal de grande instance de Paris sera renforcé dans le but de lier davantage, pour une plus grande efficacité, les affaires de terrorisme avec la criminalité financière.
    M. Jean-Claude Lefort. Et les paradis fiscaux ?
    M. le garde des sceaux. Enfin, un audit est en cours afin d'évaluer le fonctionnement de l'ensemble du dispositif antiterroriste du tribunal de grande instance. Il nous permettra de déterminer, avant la fin de l'année, les besoins en personnels et les moyens financiers nécessaires pour lui donner une pleine efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

GESTION DES ENTREPRISES PUBLIQUES

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe UMP.
    M. Dominique Tian. Ma question s'adresse à M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les Français ont encore en mémoire les catastrophes financières du Crédit lyonnais, du Crédit commercial de France, du Comptoir des entrepreneurs et du GAN, le Groupe des assurances nationales. En novembre 2000, la Cour des comptes calculait que ces erreurs de gestion avaient coûté aux finances publiques plus de 130 milliards de francs, c'est-à-dire 9 000 francs par contribuable français.
    Plus récemment, certaines entreprises publiques françaises se sont à nouveau trouvées au coeur de la polémique : France Télécom, dont le président a dû démissionner, AREVA, la nouvelle structure regroupant la COGEMA et Framatome, dont la présidente avait oublié d'avertir l'Etat de sa prise de participation dans le groupe SAGEM,...
    M. François Goulard. Un véritable scandale !
    M. Dominique Tian. ... et enfin la SNECMA, dont certaines décisions relatives à la gestion ont ému les actionnaires minoritaires.
    A l'évidence, il existe un vrai problème relationnel entre les entreprises publiques et l'Etat actionnaire, marqué par la difficulté de définir le rôle de ce dernier, par une absence de transparence et de contrôle, et parfois même par des manquements aux règles d'éthique.
    Monsieur le ministre, vous travaillez actuellement sur un projet de loi concernant la sécurité financière des entreprises privées, très attendu par les petits actionnaires qui ont notamment en mémoire le cas de Vivendi. Envisagez-vous également des modifications législatives aux règles de gouvernance des entreprises publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il est clair que notre monde économique a besoin de réactualiser ses lois de fonctionnement et de gouvernance d'entreprise, tant dans le privé que dans le public. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les événements récents nous convainquent en effet de la nécessité de renforcer la crédibilité de notre système économique. Une révision est en cours dans les entreprises, les fédérations professionnelles et les pays. Bien entendu, elle concernera aussi les entreprises publiques.
    En ce qui concerne les entreprises privées, le rapport Bouton, poursuivant la voie ouverte par le rapport Vienot, suggère un certain nombre de dispositifs qui pourraient être rendus obligatoires, y compris par voie législative, dans la loi à laquelle vous avez fait allusion.
    Par ailleurs, au niveau international, nous avons l'intention de faire de ce sujet l'une des priorités de la présidence française du G 7, qui commence en janvier prochain, afin que les règles de bonne gouvernance ne soient pas observées dans un nombre limité de pays mais dans l'ensemble des pays les plus développés.
    En ce qui concerne nos entreprises publiques, leur chiffre d'affaires plus ou moins consolidé s'élève à la modique somme de 200 milliards d'euros,...
    M. François Goulard. C'est beaucoup !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... leur dette à environ 150 milliards d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Hervé Novelli. C'est monstrueux !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et leurs fonds propres à seulement 50 milliards d'euros.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oh !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quant aux effectifs des entreprises publiques, ils représentent plus de 1 200 000 personnes.
    M. Henri Emmanuelli. Souvenez-vous de la sidérurgie !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est donc clair que nous avons besoin de revoir les règles internes de fonctionnement de ces entreprises comme leurs relations avec l'Etat actionnaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Il y a du ménage à faire !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est pourquoi j'ai demandé à quatre personnalités indépendantes, toutes connues pour leur expérience et leurs compétences dans des fonctions privées mais aussi dans des fonctions d'administration d'entreprises publiques...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Messier !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... de nous fournir, d'ici au 20 janvier, les éléments qui nous permettront de prendre, par voie législative si nécessaire, les décisions visant à modifier, dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une plus grande responsabilité, le fonctionnement de notre système économique...
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... afin d'en accroître la performance globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Vaste programme !

FERMETURE DU CENTRE DE SANGATTE

    M. le président. La parole est à M. Gilles Cocquempot, pour le groupe socialiste.
    M. Gilles Cocquempot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Monsieur le ministre, la décision de fermer centre de Sangatte a des conséquences que chacun connaît. (« Vous n'aviez qu'à vous en occuper ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ce matin, à l'occasion de la table ronde dont j'ai pris l'initiative, vous nous avez reçus avec les élus locaux et les parlementaires du littoral, et je vous en remercie.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ah !
    M. Gilles Cocquempot. Sensible à l'hommage rendu aux élus socialistes, je regrette toutefois que cette réunion n'ait pu avoir lieu avant la décision de fermeture du centre (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il faut rappeler que celui-ci avait été créé dans l'urgence afin d'éviter que des familles venues dans le Calaisis dans l'espoir de trouver un avenir en Grande-Bretagne ne soient laissées à la rue, situation qui, dans le pays des droits de l'homme, était insupportable. Pour autant, chacun comprend bien que le centre ne pouvait perdurer. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux populations locales pour l'extrême patience dont elles ont fait preuve ainsi qu'aux associations de défense des droits de l'homme pour l'action qu'elles ont menée.
    M. Jean Leonetti. C'est long, cinq ans !
    M. Gilles Cocquempot. Toutefois, la fermeture ne réglera rien si des mesures d'accompagnement ne sont pas prises au niveau national et européen. Il faut que l'Etat donne une plus grande lisibilité à son action. La Grande-Bretagne doit également montrer très clairement sa détermination à enrayer le phénomène migratoire. Enfin, l'ensemble des pays membres de l'Union européenne doivent prendre conscience de la nécessité d'une action collective. Sans cette politique globale, nous risquons de constater une multiplication de nouveaux « Sangatte » et d'entorses aux libertés publiques, le dernier exemple en date étant celui des Bulgares à Bordeaux. Ces situations humaines sont intolérables.
    Aussi, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez donner la position du Gouvernement sur un problème que la France, et encore moins le Calaisis, ne peut gérer seule.
    Vous vous êtes engagé - et je pense que vous l'avez fait sincèrement - à traiter humainement les réfugiés. Cependant les moyens d'accueil et d'hébergement dont disposent les préfets sont, me dit-on, en diminution. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Alors, que comptez-vous faire ? Ceux qui souhaitent demander l'asile en France doivent pouvoir le faire. Le Président de la République a annoncé une réforme, visant notamment à l'accélération des procédures d'examen des demandes.
    M. le président. Veuillez conclure.
    M. Gilles Cocquempot. Qu'en est-il ? Par ailleurs, une harmonisation européenne en matière de gestion des flux migratoires s'impose dans une Europe où il importe plus que jamais de maîtriser la mondialisation libérale. Où en est le Gouvernement sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, j'ai beaucoup apprécié la façon dont vous avez posé votre question. Je puis vous dire que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ne vous décevra pas. Nous agirons davantage et nous vous écouterons davantage que ne l'a fait le gouvernement Jospin lorsque vous disiez les mêmes choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous ne serez pas déçu !
    Premièrement, le Pas-de-Calais n'a pas à être le réceptacle de tous les miséreux du monde. Et il n'y a aucune raison que l'Etat abandonne ses élus du Pas-de-Calais, quels qu'ils soient, face à une réalité qui concerne la France dans son ensemble.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Deuxièmement, monsieur le député, il va de soi qu'une politique européenne de l'immigration est incontournable et indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.), ...
    M. Daniel Vaillant. Eh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... notamment pour se mettre d'accord à bref délai sur une liste des pays sûrs, ce qui permettra d'avoir recours à une procédure allégée d'instruction des demandes d'asile politique. En effet, quand les demandeurs viennent d'une démocratie, on n'a pas à passer des années à s'interroger sur une situation qui constitue manifestement un détournement de procédure. Et cela doit faire l'objet d'un accord entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Troisièmement, je suis persuadé que la notion d'« immigration zéro » n'a aucun sens.
    M. Daniel Vaillant. En effet !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et le Premier ministre l'a d'ailleurs affirmé avec force.
    En revanche, j'aimerais que l'on ne conteste pas à la France le droit de choisir ceux qu'elle veut accueillir ou qu'elle veut refuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Paul Charié. Comme le font tous les autres pays !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est un droit qui est reconnu à toutes les démocraties.
    Vous avez évoqué, monsieur le député, la décision relative aux Bulgares. Je n'ai pas à porter de jugement sur une décision de justice. Mais il s'agissait de trente-neuf Bulgares en situation irrégulière. Les Néerlandais ont affrété dix-sept charters pour reconduire des étrangers. Qui prétend que la Hollande n'est pas une démocratie ? Au nom de quoi la France serait-elle le seul pays à n'avoir pas le droit d'expulser des étrangers...
    M. Lucien Degauchy. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... qui n'ont aucun titre à rester sur son territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    On peut dire cela sans se montrer inhumain.
    M. Bernard Roman. Donnez la parole à M. le garde des sceaux !
    M. le président. Monsieur Roman !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. D'ici au début de l'année 2003, nous aurons l'occasion de vous proposer des réformes que vous nous conseillez, à juste titre, mais dont nous ne comprenons toujours pas pourquoi, en cinq ans, vous n'avez pas trouvé une minute pour les mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

HÔPITAUX D'ÎLE-DE-FRANCE

    M. le président. La parole est à M. Yves Jego, pour le groupe UMP.
    M. Yves Jego. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, les établissements hospitaliers franciliens font les frais depuis 1996 d'une politique de redéploiement des moyens au bénéfice des autres régions françaises, considérées comme sous-dotées.
    M. Marcel Dehoux. Et alors ?
    M. Yves Jego. Cette véritable diète budgétaire a de lourdes conséquences. Selon une récente étude menée par l'union hospitalière d'Ile-de-France, plus de 250 millions d'euros manquent pour boucler les budgets des hôpitaux de la région parisienne. A cette insuffisance, héritée des années passées, s'ajoute une pénurie de personnel médical, en particulier d'infirmiers. Selon la même étude, 3 000 postes d'infirmières feraient défaut à la région dans le seul secteur public. Un tel constat ramène l'Ile-de-France à la situation dramatique qui prévaut, hélas ! dans les autres régions et justifie à l'évidence une prise en compte spécifique.
    M. Bernard Accoyer. C'est pire en Haute-Savoie !
    M. Yves Jego. Pouvez-vous nous indiquer les dispositions envisagées par le Gouvernement pour répondre aux besoins des hôpitaux, en particulier franciliens, qui ont le sentiment, avec beaucoup d'autres, d'avoir été abandonnés depuis de trop nombreuses années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, la politique de correction des inégalités entre les régions, entreprise il y a quelques années, était justifiée par l'écart important du coût de l'offre de soins en Ile-de-France par rapport à la moyenne nationale.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il existe toujours !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En 1997, cet écart était de 20 %. Il est aujourd'hui de 11 %. L'effort a donc été considérable.
    M. Christian Bataille. Continuons le combat !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Merci la gauche !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je regrette néanmoins qu'une procédure d'accompagnement n'ait pas été mise en place à cette occasion. Car, vous avez raison de le souligner, monsieur le député, la situation des hôpitaux franciliens est devenue intenable. L'Ile-de-France ne peut durablement constituer le réservoir financier des autres régions de France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. Il n'a rien compris !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. S'il convient de poursuivre la lutte contre les inégalités régionales, notamment par l'intermédiaire de l'ONDAM, il est également clair que nous devons desserrer l'étau qui pèse sur les trois régions contributrices. La nouvelle répartition opérée cette année permettra ainsi aux hôpitaux franciliens de recevoir 50 millions d'euros supplémentaires, ce qui représente un effort considérable.
    M. Bernard Roman. Au détriment de qui ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En ce qui concerne le personnel soignant, et notamment les infirmiers, le nombre de postes non pourvus est en effet inquiétant : 2 400, 1 200 pour l'assistance publique, 1 200 pour les hôpitaux franciliens. Cette situation est due pour une part à la pénurie qui touche ces professions et pour l'autre à l'attrait de la meilleure qualité de vie que l'on trouverait dans nos provinces profondes.
    M. Daniel Vaillant. Que viennent faire là les provinces ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Notre cabinet et la direction de l'hospitalisation présenteront avant la fin de l'année des mesures visant à rendre plus attractifs les postes situés en Ile-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

EFFECTIFS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

    M. le président. La parole est à Mme Maryse Joissains-Masini, pour le groupe UMP.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Bonjour à tous. (Sourires.)
    M. le président. Bonjour madame ! (Rires et applaudissements sur divers bancs.) Posez votre question, je vous en prie...
    Mme Maryse Joissains-Masini. Ma question s'adresse à M. le garde de sceaux, ministre de la justice.
    Il est dans le projet de loi de programmation un dossier préoccupant, celui des effectifs de l'administration pénitentiaire. Votre projet, monsieur le garde des sceaux, prévoit sur cinq ans la création de 3 740 emplois nouveaux, l'ouverture de nouveaux établissements à hauteur de 7 000 places, l'amélioration des services, notamment l'accompagnement des détenus consultant dans les hôpitaux.
    Or, vous le savez, une partie non négligeable des emplois créés est d'ores et déjà affectée à certains aspects de votre politique notamment vis-à-vis des mineurs délinquants. En fait, il reste 3 050 emplois nouveaux pour répondre aux objectifs affichés.
    La priorité doit être donnée à tout ce qui permettra d'empêcher les petits délinqants de devenir de grands criminels. La réinsertion est le moyen le plus sûr de protéger durablement la société. Or elle exige un personnel nombreux et très spécialisé. D'un autre côté, la surpopulation carcérale, les conditions de détention inadaptées, souvent indignes, la désorientation et le manque de reconnaissance du personnel et l'insuffisance des moyens rendent les prisons ingérables.
    De surcroît, l'administration pénitentiaire n'est pas outillée pour assurer les escortes des prisonniers. Ceux-ci, très souvent dangereux, sont convoyés par des fonctionnaires de la police nationale, qui n'ont pas reçu la formation adéquate. L'administration pénitentiaire est d'ores et déjà confrontée à plusieurs défis rendant indispensables de nouveaux recrutements.
    Le gouvernement socialiste vous a laissé une situation tout à la fois dramatique et dangereuse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Monsieur le garde des sceaux, comment comptez-vous faire face à ces difficultés et quelle politique de recrutement envisagez-vous de mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous m'avez interrogé sur la capacité de l'administration pénitentiaire à faire face à une situation à double titre difficile.
    Premièrement, nous devons faire face à la surpopulation carcérale : nous avons plus de prisonniers qu'il n'y a théoriquement de places dans les prisons. Cette situation préexistait à l'arrivée de ce gouvernement aux responsabilités.
    M. Michel Bouvard. En effet !
    M. le garde des sceaux. Et c'est d'ailleurs une vieille affaire. Il y a une dizaine d'années, nous connaissions déjà une surpopulation carcérale ; le nombre des détenus avait par la suite diminué, avant que la situation ne s'inverse pour se traduire de nouveau par une surpopulation.
    Deuxième élément, qui vient compliquer la tâche, déjà extraordinairement difficile, des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire : l'élévation du niveau de violence, liée à l'accroissement du nombre de prisonniers, mais également à l'apparition de déséquilibres psychologiques de plus en plus fréquents. Comment allons-nous faire face à cette situation ?
    La première réponse, vous l'avez rappelé, c'est la loi d'orientation et de programmation qui permettra d'améliorer de façon substantielle la capacité d'accueil de nos établissements. Avec Pierre Bédier, nous présenterons la semaine prochaine au conseil des ministres le « plan prison » (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), c'est-à-dire l'ensemble des opérations de construction à lancer dès 2003, pour faire face à une situation dont vous auriez dû davantage vous préoccuper, mesdames et messieurs qui vous exclamez ! (Mêmes mouvements.) Nos prisons n'en seraient pas là aujourd'hui !
    La deuxième réponse porte sur le personnel. Nous avons prévu d'augmenter les effectifs budgétaires : 3 740 postes nouveaux sur les cinq années qui viennent. Mais nous devrons également faire face aux départs en retraite. Nous allons donc recruter, au cours des cinq prochaines années, 10 000 surveillants de prison. C'est là un défi certes difficile à relever, sachant que ce mouvement portera sur des tranches d'âge relativement peu nombreuses.
    Nous allons également améliorer le fonctionnement et accroître la capacité de l'école des surveillants d'Agen. Nous avons également lancé voilà quelques semaines une grande campagne de recrutement et d'information. Rappelons que nous nous sommes fixé pour objectif de recruter 2 500 surveillants de prison d'ici à l'été prochain ; nous avons donc tout intérêt à communiquer sur les possibilités de recrutement qu'offre cette administration.
    Enfin, vous avez évoqué...
    M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure.
    M. le garde des sceaux. ... le problème de l'accompagnement des détenus entre la prison et les tribunaux. Nous avons décidé, avec Nicolas Sarkozy, de constituer un groupe de travail pour examiner de façon pratique et concrète cette affaire, et améliorer le fonctionnement de nos services respectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

AIDES SOCIALES AUX JEUNES SCOLARISÉS

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.
    Mme Catherine Génisson. Ma question s'adresse à M. Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, votre ministère a décidé le gel des crédits alloués aux fonds sociaux destinés à aider les familles en difficulté pour leurs enfants étudiant en collège et lycée.
    M. Michel Delebarre. C'est scandaleux !
    Mme Catherine Génisson. De très nombreux chefs d'établissement de diverses académies s'inquiètent de ne plus pouvoir venir en aide à des élèves en situation difficile, notamment en prenant en charge le paiement des frais de restauration scolaire.
    M. Lucien Degauchy. Vous racontez n'importe quoi !
    M. le président. Monsieur Degauchy, je vous en prie !
    Mme Catherine Génisson. En effet, le gel des crédits se traduit concrètement par une baisse de 20 à 50 % du montant des secours aux familles concernées.
    Ce parti pris concerne et inquiète le milieu éducatif, qui s'interroge sur la manière de faire face aux besoins et attentes légitimes d'enfants scolarisés dans des établissements bien souvent classés en zone d'éducation prioritaire, des jeunes que vous délaissez. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Etrange manière de se préoccuper de la France d'en bas !
    Monsieur le ministre, que répondez-vous aux chefs d'établissement et aux familles qui subissent vos choix politiques, que vous tentez de dissimuler, mais qui illustrent une fois de plus, si besoin en était, que l'éducation nationale n'est plus la priorité du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Emmanuelli et M. François Lamy. Pas lui ! Pas lui ! M. Ferry est là !
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés... (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je vous en prie, laissez parler M. le ministre ! (Mêmes mouvements.)
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame la députée, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir rappelé l'utilité du Fonds social pour les collégiens, créé sous le gouvernement d'Alain Juppé (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentelle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et du Fonds social lycéen, très sensiblement réabondé sous le gouvernement de M. Balladur.
    Cela dit, vous avez posé une question très sérieuse qui appelle une réponse.
    M. Jean Glavany. De Ferry !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. A la rentrée dernière, les établissements avaient reçu, au titre de l'ensemble des fonds sociaux collégien et lycéen et du fonds des cantines un montant total de 64 millions d'euros.
    M. André Chassaigne. C'est faux !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il manque encore à peu près 20 % de la dotation annuelle, somme qui sera prochainement versée. Le directeur des lycées et collèges a envoyé une note le 8 novembre, il y a quatre jours, pour rappeler aux établissements que, compte tenu du niveau très élevé des dotations déjà attribuées, les derniers reliquats de crédit seront calculés en fonction des besoins des élèves et des établissements. Certains reçoivent trop, d'autres pas assez. Comme nous voulons faire oeuvre de justice plutôt que distribuer n'importe comment, nous examinons, cas par cas, chaque établissement (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentelle), en prenant en compte le nombre de boursiers, en regardant si l'établissement a ou non des SEGPA, s'il s'agit d'un établissement sensible, s'il est en ZEP ou en REP. Bref, nous regardons la réalité de manière pragmatique ; au vu des besoins, nous déléguerons dans les jours qui viennent le reliquat des crédits - du reste, le montant total sera supérieur à la dotation donnée l'an dernier ! Si vous voulez faire croire que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin compte affamer les lycéens et les collégiens, il vous faudra trouver des arguments un peu moins caricaturaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

APPRENTISSAGE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin, pour le groupe UMP.
    M. Patrick Beaudouin. Ma question s'adresse à M. Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Elle a trait à l'apprentissage.
    Dans le Val-de-Marne, dont je suis l'élu, plus de 7 000 emplois qualifiés restent à ce jour non pourvus dans de nombreux secteurs, qu'il s'agisse des métiers de bouche comme la boucherie, la boulangerie, la poissonnerie, la restauration, l'hôtellerie, les fleuristes ou des métiers sociaux comme les aides puéricultrices ou les auxiliaires de vie pour les personnes âgées, faute de main-d'oeuvre qualifiée.
    Récemment, dans ce même département, des chantiers du bâtiment se sont arrêtés faute de main-d'oeuvre qualifiée, en particulier dans l'électricité et la plomberie.
    Le jeudi 7 novembre dernier, le marché d'intérêt national de Rungis a organisé une journée portes ouvertes en direction des jeunes pour chercher à mettre un terme à la pénurie de main-d'oeuvre qui menace la pérennité de ses propres entreprises. L'avenir de nombreuses PME, qu'elles soient artisanales, commerciales ou industrielles, est aujourd'hui compromis.
    Ce sont de surcroît des métiers, des emplois liés à notre culture, qui assurent dans nos cités, dans nos communes, une proximité sociale forte.
    Il est temps de restaurer dans notre pays un véritable apprentissage qui soit prioritairement une véritable formation professionnelle associant un métier, pour répondre aux besoins des entreprises, et une formation culturelle qui valorise l'individu. Nous nous devons de réconciler l'entreprise, l'éducation nationale, les familles et les jeunes surtout pour préparer à des métiers aussi importants, gratifiants et valorisants que ceux des troisièmes cycles.
    M. Jean-Claude Lefort. Il faut commencer par mieux les payer !
    M. Patrick Beaudouin. Vous le savez, monsieur le ministre : l'intelligence peut prendre chez les jeunes des formes différentes à des moments divers de leur vie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Beaudoin, posez votre question.
    M. Patrick Beaudouin. Monsieur le ministre, comment comptez-vous réformer l'apprentissage en France ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Laissez M. Ferry répondre.
    M. Albert Facon. On connaît la question, on connaît la réponse !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Rendez-nous Darcos !
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, vous avez raison, toutes les enquêtes montrent un décalage parfois alarmant entre l'image que les jeunes, y compris d'ailleurs dans la formation et dans l'enseignement professionnels, se font des métiers et de leur avenir, et la réalité des besoins des entreprises.
    Ce décalage est évidemment fâcheux non seulement pour ces dernières, mais surtout pour les jeunes qui comptent bien que la voie professionnelle qu'ils ont choisie débouche sur un métier.
    Vous avez également raison lorsque vous soulignez que l'apprentissage est un dispositif essentiel dans notre système de formation professionnelle.
    M. Michel Delebarre. Il raconte sa vie !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. On peut dire sans exagérer que c'est grâce à lui que notre système éducatif en France a découvert - tardivement, il est vrai - la vertu des formations en alternance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cela étant, il faut avoir le courage de dire la vérité. Les difficultés qui pèsent aujourd'hui sur l'enseignement et sur la formation professionnelle ne sont pas liées à la seule question de l'apprentissage, mais à la nature même de ce qu'on appelle encore étrangement le « collège unique ».
    La vérité, c'est que les familles et les élèves n'ont aucune raison véritable de choisir la voie professionnelle, sinon par défaut, sinon parce qu'on a échoué dans la voie générale. C'est ce problème qu'il faut traiter aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je vous propose donc de mettre en place trois séries de mesures. J'aimerais au préalable discuter avec les partenaires sociaux, mais je vous en indique dès à présent les principales orientations.
    M. Philippe Vuilque. Qu'en pense Darcos ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Tout d'abord, je souhaite ouvrir dès le collège, pour les élèves qui le souhaitent et tout en les maintenant au sein du collège avec l'idéal de l'enseignement général, la possibilité de découvrir plus tôt des métiers, dès la classe de quatrième, notamment grâce à des stages en lycée professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il s'agit ensuite de s'attaquer à l'orientation et à l'information. Vous savez que sur les 60 000 jeunes qui sortent chaque année du système sans qualification, 53 000 étaient engagés dans un CAP ou un BEP qu'ils ont abandonné parce que l'affectation qu'ils avaient demandée ne leur a pas été accordée et que le métier auquel on les formait ne leur plaisait pas. C'est là un problème qu'il nous faut résoudre de toute urgence, en direction des enseignants en même temps que celui de l'information, notamment de l'enseignement général, qui, la plupart du temps, ont des lycées d'enseignement professionnel une image extrêmement négative alors que ces établissements ne sont plus du tout les mêmes que ceux que nous avons connus dans notre enfance. Ils sont aujourd'hui très bien équipés et très intéressants.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
    M. Philippe Vuilque. Laissez-le parler, pour une fois qu'il intervient !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Enfin, il faut évidemment, dans le cadre de la décentralisation, améliorer le copilotage des formations entre les recteurs et les élus.
    Sur tous ces sujets, je présenterai demain une communication au conseil des ministres, et je poursuivrai mon tour de France des lycées professionnels afin de rencontrer tous les proviseurs et tous les chefs de travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DESTRUCTION DU RAT MUSQUÉ

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Pierre Decool. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, je pressens que ma question m'attirera quelques railleries. Elle a pourtant trait à un problème aux conséquences graves : l'invasion du rat musqué sur le territoire national, en particulier dans les Flandres. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ce rongeur, espèce introduite et classée nuisible, cause des dégâts importants dans les zones humides, à la fois sur l'environnement, sur les infrastructures et sur la santé publique. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, laissez l'orateur exposer sa question !
    M. Jean-Pierre Decool. En creusant ses galeries, le rat musqué mine et fragilise les berges et les digues, créant un risque majeur pour les zones facilement inondables et leurs habitants. De surcroît, en tant que vecteur de maladies transmissibles à l'homme, telles que la leptospirose et l'échinococcose alvéolaire,...
    M. Jean Glavany. Tolérance zéro ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Decool. L'intolérance est également une maladie, messieurs !
    ... le rat musqué représente un risque sanitaire grave pour tous les habitants des zones infestées.
    M. Albert Facon. Les rats musqués à la Seine !
    M. le président. Ecoutez la question, nous sommes tous concernés par les rats musqués ! (Rires.)
    M. Jean-Pierre Decool. Le 25 avril, votre prédécesseur, Yves Cochet, a pris un arrêté interdisant l'utilisation de tout produit chimique pour lutter contre ce rongeur. Or, compte tenu de la capacité de prolifération de ce nuisible, cette interdiction malheureuse a déjà des conséquences désastreuses.
    M. le président. Monsieur Decool, venez-en à votre question, s'il vous plaît.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais c'est le rat musqué, bien sûr !
    M. Jean-Pierre Decool. La lutte par piégeage mécanique, extrêmement coûteuse, s'avère insuffisante quoique complémentaire. Le chlorophacinone, poison chimique encore employé en Belgique et bénéficiant d'une mise en oeuvre adaptée, permet l'éradication du rat musqué chez nos voisins transfrontaliers.
    Madame la ministre, quelles solutions envisagez-vous afin de lutter contre ce nuisible qui représente un réel danger pour toutes les zones humides de notre territoire national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, votre question a peut-être suscité quelques railleries sur les bancs de l'opposition, mais pas chez moi. Car vous avez raison. Le rat musqué est effectivement classé sur la liste nationale des espèces susceptibles d'être nuisibles et sur les listes départementales des animaux nuisibles.
    M. Michel Delebarre. Très bien !
    M. Henri Emmanuelli. Sarkozy, au combat !
    M. François Lamy. Préparez les charters !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Non seulement leur destruction est recommandée, mais elle est obligatoire depuis un arrêté du ministre de l'agriculture en date de juillet 2001.
    M. Michel Delebarre. Eh bien, c'est parfait !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Comment détruit-on les rats musqués ? (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pas de n'importe quelle façon ! On ne peut les détruire par la chlorophacinone ou aucun autre poison, par le fait que les zones infestées sont proches des zones de culture et de récolte, où l'emploi de tels procédés est interdit. En outre, la chlorophacinone présente un risque mortel pour des espèces protégées, mais aussi le gibier, en particulier les rapaces et les sangliers.
    M. Jean-Pierre Kucheida. Et pour Raffarin ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Les chasseurs et les pêcheurs sont totalement opposés à son utilisation.
    Cela dit, votre question est tout à fait pertinente, monsieur le député. Il nous faut améliorer la destruction des rats musqués. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous étudions des solutions alternatives comme les cache-pièges ou autres, et nous privilégierons celles qui apparaîtront tout à la fois efficaces pour protéger l'environnement contre les rats musqués et véritablement respectueuses de l'écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

SANTÉ, FAMILLE ET PERSONNES HANDICAPÉES

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, mesdames et messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées inscrit dans le projet de loi de finances pour l'année 2003.
    Au terme des discussions qui ont eu lieu dans cet hémicycle, il y a quinze jours, vous avez adopté, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'examen du projet de budget me donne aujourd'hui l'occasion de revenir sur ma politique de santé, non plus sous l'angle de l'assurance maladie, mais sous l'angle de la politique régalienne de l'Etat en la matière.
    Naturellement, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été construits en cohérence l'un avec l'autre. J'en veux pour preuve les mesures de clarification des rôles entre l'Etat et l'assurance maladie que sont, d'une part, le transfert à l'assurance maladie des dépenses relatives à l'interruption volontaire de grossesse et au fonctionnement des centres de soins spécialisés pour les toxicomanes et, d'autre part, le transfert à l'Etat des stages de résidanat auprès de médecins généralistes.
    Mon ambition est de poursuivre cette clarification pour aboutir à un PLFSS consacré aux soins et à un PLF consacré à la santé publique et à la sécurité sanitaire.
    Je veux sortir de cet enchevêtrement de compétences et accroître la lisibilité des comptes sociaux et du budget et, partant, mieux identifier les responsabilités. C'est une exigence forte du Parlement et, à travers lui, de la société tout entière.
    Je compléterai ce thème de la clarification en marquant mon engagement total dans la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, que je sais chère à cette assemblée. Pour l'administration, basculer d'une démarche de moyens vers une démarche de résultats est un enjeu majeur, et je mesure bien que l'expérimentation dès le PLF 2005 ne nous laisse que peu de temps.
    Concernant le PLF 2003, après avoir souligné la part importante consacrée aux dépenses de solidarité, j'évoquerai deux aspects majeurs de l'action de l'Etat : d'une part, la santé publique et, d'autre part, la sécurité sanitaire. Je conclurai par les priorités de la politique en faveur de la famille, en lieu et place du ministre délégué à la famille, Christian Jacob, qui est actuellement retenu au Sénat pour la discussion de la proposition de loi du président About sur la responsabilité civile médicale. Il nous rejoindra dès que possible.
    Tout d'abord, le projet de budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées est un budget en croissance face à des dépenses massives. Il progresse de 400 millions d'euros, à 9,4 milliards d'euros en intégrant les crédits de gestion des politiques de santé et de solidarité dont je partage la responsabilité avec François Fillon.
    La progression est de 4,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. J'ai tout lieu d'être satisfait de cette hausse qui traduit la priorité accordée au ministère dans un contexte que vous connaissez tous et qui est fortement contraint.
    Je souhaite souligner la marge de manoeuvre réduite pour conduire la politique de santé de l'Etat et m'arrêter un instant sur quelques chiffres clés, pour décrire les grandes masses qui structurent le budget de ce ministère. Vous comprendrez alors que, si ce budget est en progression, il est néanmoins calibré au plus juste, compte tenu des besoins.
    Le budget, de 9,4 milliards d'euros, se décompose ainsi : 4,8 milliards d'euros consacrés aux prestations de solidarité en faveur des personnes handicapées - allocation adulte handicapé, fonds spécial d'invalidité. C'est plus de la moitié du total. S'ajoutent 1 milliard d'euros pour la couverture maladie universelle complémentaire et 800 millions d'euros pour l'allocation de parent isolé. Cela fait déjà 6,6 milliards d'euros pour les grandes prestations de solidarité, soit environ 70 % du budget. Mais ce n'est pas tout. D'autres dépenses massives sont prévues : 1,1 milliard d'euros pour le financement des centres d'aide par le travail - CAT -, 200 millions d'euros pour les formations médicales et paramédicales, 100 millions pour les tutelles et curatelles et 1 milliard pour les moyens de fonctionnement des services et dépenses de personnel.
    L'ensemble des dépenses représente ainsi 9 milliards d'euros.
    Que reste-t-il pour les autres politiques du ministère, et notamment les programmes de santé publique et la sécurité sanitaire ? Le calcul est vite fait, il reste, si l'on peut dire, « seulement » 400 millions d'euros. Vous mesurez, j'en suis certain, la marge réelle dont je dispose pour conduire la politique régalienne de l'Etat en matière de santé.
    Revenons plus en détail sur les grandes prestations de solidarité. Non seulement leur poids dans le budget est très important, mais leur dynamique de progression est très forte : plus de 400 millions d'euros de plus, entre la loi de finances initiale 2002 et le PLF 2003. Autant dire que la progression du budget ne laisse globalement aucune marge nouvelle en 2003 pour la politique de santé.
    Cela dit, comme je viens de l'évoquer chiffres à l'appui, l'allocation aux adultes handicapés, AAH, et le fonds spécial d'invalidité, FSI, tiennent la première place. Je m'en réjouis...
    M. François Goulard. Nous aussi !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées... puisque le handicap constitue l'un des grands chantiers du quinquennat.
    Mme Boisseau reviendra plus en détail sur la politique du handicap.
    Je souhaite, pour ma part, rappeler l'importance de la CMU et les mesures que nous proposons dans ce PLF. Je reviendrai sur l'API lorsque j'évoquerai la politique en faveur de la famille.
    La couverture maladie universelle complémentaire est importante car elle permet l'accès aux soins des plus démunis. Tout le monde ne peut que s'en féliciter. Près de 4,7 millions de personnes bénéficient ainsi gratuitement d'une couverture complémentaire maladie. J'insiste sur le mot « complémentaire » pour que chacun comprenne bien le rôle indispensable des assurances complémentaires dans notre système de soins.
    Pour améliorer ce dispositif, nous avons lissé l'effet de seuil, ce seuil fatidique des 534 euros, 3 500 francs. Ainsi, une aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire a été mise en place cet été à destination des personnes situées juste au-dessus du seuil d'accès à la CMU complémentaire. C'est un début.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'était déjà prévu auparavant !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est une nécessité, car force est de constater que le fonctionnement actuel n'est pas satisfaisant. Les organismes complémentaires veulent se retirer du dispositif car ils perdent de l'argent compte tenu du niveau de déduction forfaitaire qui n'a pas été revalorisé depuis 1999, date de la mise en place de la CMU. Certains, comme la mutuelle de Provence, l'ont déjà fait savoir.
    C'est pourquoi nous avons décidé de revaloriser significativement la déduction forfaitaire de 228 euros à 283 euros.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est l'objet de l'amendement que le Gouvernement a déposé. L'enjeu en est, vous l'aurez compris, la sauvegarde de la CMU. J'ose espérer que cet engagement pour sauver la CMU par le recours aux complémentaires rencontrera l'assentiment de chacun, et fera taire la critique à contresens sur la place des complémentaires. D'ailleurs, nous vous proposerons, l'année prochaine, une réforme en profondeur du dispositif. L'objectif est de clarifier le rôle des acteurs, caisses d'assurance maladie, organismes complémentaires et l'Etat.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faut en parler !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Cette réforme s'inscrira dans le cadre proposé par le Premier ministre dans son discours de politique générale, tendant à assurer l'égal accès des Français aux soins par une aide permettant à ceux de nos compatriotes qui n'en ont pas, de bénéficier véritablement d'une couverture complémentaire.
    M. Jean-Marie Le Guen. On va en parler !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En second lieu, je voudrais souligner la priorité accordée à la santé publique dans ce PLF 2003, notamment à la lutte contre le cancer. D'importants financements nouveaux sont dégagés pour renforcer l'action collective et donner à nos concitoyens les conditions de vivre en bonne santé.
    La responsabilité de l'Etat se mesure à la priorité qu'il accorde à la santé publique. Le choix implicite du curatif que nous avons fait par rapport au préventif dans notre pays n'est plus acceptable. Un de mes objectifs essentiels est de développer progressivement, mais avec détermination, une véritable culture de la prévention.
    Ainsi, les crédits du projet de loi de finances pour 2003 affectés aux programmes de santé publique ciblés sur la prévention, en particulier du cancer et des maladies transmissibles, sont en progression de 30 % pour atteindre 173 millions d'euros.
    A cet égard, la prévention, l'éducation à la santé et le dépistage sont les fondements de la loi-cadre de santé publique que je souhaite présenter au Parlement avant l'été 2003. J'ai déjà provisionné, pour sa préparation, 5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003.
    Pour plus d'efficacité, le premier objectif de cette loi sera de clarifier le rôle des acteurs. Elle définira aussi les objectifs prioritaires de santé publique pour les cinq années à venir. Des indicateurs précis accompagneront ces objectifs afin de permettre un réel contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement et, au-delà, par les citoyens eux-mêmes.
    Il s'agit d'adopter une politique générale qui sera déclinée en fonction des différentes pathologies considérées, et en définissant clairement des priorités, car nous ne pouvons pas tout lancer au même moment. Cette loi s'appuiera sur des actions de communication, d'information et d'éducation ainsi que sur des stratégies de dépistage et de prise en charge précoce.
    Parmi les priorités de santé publique, la loi de programmation prendra en compte, en premier lieu, la lutte contre le cancer, qui constitue un chantier du Président pour le quinquennat.
    Je vous rappelle que 700 000 personnes sont atteintes en France d'une maladie cancéreuse et que, chaque année, 250 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués. Le cancer représente ainsi la première cause de mortalité prématurée en France et la deuxième cause médicale de décès. Or 70 % des cancers sont attribuables à des facteurs de risques sur lesquels il est possible d'intervenir efficacement.
    La commission d'orientation sur le cancer, mise en place le 9 septembre 2002, identifiera les priorités sans négliger aucun des aspects d'une politique organisée et nationale de lutte contre le cancer. Elle va donc prendre en compte la prévention, l'information et le dépistage aussi bien que l'organisation du système de soins, son fonctionnement et l'accompagnement des malades.
    La première phase des travaux de la commission d'orientation est pratiquement terminée. La commission s'ouvre désormais à toutes les associations de malades pour définir leurs besoins, leurs attentes et ce qu'ils souhaitent pour leur vie quotidienne à la fois au titre de la prévention du dépistage et au titre de l'accompagnement de leur vie dans des rémissions, voire des guérisons, qui sont de plus en plus fréquentes. Après une première étape, la concertation avec les associations va donc se poursuivre et le rapport définitif devrait paraître à la fin de l'année ou au début de 2003.
    Sans attendre les conclusions définitives de la commission, deux opérations seront lancées. Premièrement, le dépistage intra-familial des femmes qui présentent un risque génétique pour le cancer du sein et le dépistage intra-familial des personnes qui présentent, elles aussi, un risque génétique pour le cancer recto-colique débuteront le 1er janvier 2003. Deuxièmement, le dépistage systématique du cancer du sein sera étendu à l'ensemble du territoire en 2004, alors qu'il n'est organisé actuellement que dans trente-deux départements.

    Je trouve, en effet, anormal que dix ans après les premières annonces, près d'une femme sur deux ne fasse pas l'objet d'un dépistage systématique.
    Cette question m'offre l'occasion de vous expliquer que, dans son rôle régalien d'organisation de la prévention, l'Etat peut être amené à recentraliser certaines fonctions dévolues aux départements, par exemple pour remédier à des disparités au plan national. Ce sera le cas pour le dépistage systématique du cancer du sein. L'Etat doit pouvoir décider d'une politique nationale et garantir l'égalité de tous devant l'accès aux soins. Cela n'interdit pas que des opérateurs prennent le relais sur le terrain.
    Au total, le projet de loi de finances prévoit 35 millions d'euros supplémentaires dès l'année prochaine pour la lutte contre le cancer. Les crédits de l'Etat consacrés au cancer seront ainsi, en 2003, quatre fois supérieurs à ce qu'ils étaient en 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je souhaite également renforcer la lutte contre le sida et l'intégrer dans une action internationale.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Bravo !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En effet, contrairement à ce que certains pensent - pas dans cet hémicycle, bien sûr -, la partie est loin d'être gagnée puisque la pandémie n'est pas maîtrisée. La diffusion du virus se poursuit dans la population, d'autant que nous assistons à un phénomène de relâchement des comportements préventifs.
    L'efficacité indéniable des multithérapies a occulté le fait que l'infection VIH demeure une maladie mortelle, exposant les patients à la précarisation, à l'isolement et aux discriminations qui accompagnent encore la pathologie VIH/sida.
    Les difficultés de l'observance thérapeutique ne peuvent pas être sous-estimées. C'est le message qu'a fait passer avec force le Président de la République au cours de la quatorzième conférence internationale sur le sida à Barcelone. La politique de lutte contre le sida intègre les nouvelles données épidémiologiques mais aussi sociologiques et thérapeutiques disponibles. Elle privilégie en 2003 quatre priorités particulières.
    Premièrement, elle vise à maintenir un haut niveau d'information et de vigilance, par une politique pragmatique de réduction des risques et notamment par un effort particulier contre la transmission du virus de la mère à l'enfant pendant les grossesses.
    Deuxièmement, elle entend renforcer la prévention en direction des populations prioritaires, car, en l'absence de vaccin ou de traitement totalement efficace, elle demeure la seule réponse sûre au risque d'infection.
    Troisièmement, elle veut veiller à la qualité de la prise en charge extra-hospitalière globale des personnes atteintes. C'est une question d'humanité, de respect des personnes et de qualité de vie autant qu'une question sanitaire.
    Quatrièmement, elle va développer la formation des professionnels, en particulier sanitaires et sociaux.
    Au total, l'effort du ministère pour la lutte contre le sida devrait représenter en 2003 près de 65 millions d'euros.
    S'agissant de la dimension internationale, c'est un lieu commun de rappeler que l'épidémie ne connaît pas de frontières. La situation des pays en voie de développement justifie l'engagement de la France dans une politique d'aide et de coopération.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est le rôle de la France que de renforcer son action dans le monde sur ce plan. J'ai voulu ainsi conforter les initiatives françaises en matière de lutte contre le sida, en particulier le groupement d'intérêt public ESTHER. Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau. Ce dernier devrait ainsi voir ses crédits progresser de 3 à 4 millions d'euros. C'est la création d'un réseau qui s'appuie sur les établissements hospitaliers du Nord et du Sud et qui se veut l'expression de partenariats entre les gouvernements du Nord, du Sud, de la société civile et du monde des affaires, ...
    M. Jean-Marie Le Guen. Le monde des affaires ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... à travers des mécanismes de fonctionnement pragmatiques. Des accords ont ainsi été signés avec cinq pays. Je prévois à ce titre de me rendre au Cambodge et au Burkina Faso.
    Un autre fléau demeure une préoccupation majeure : la toxicomanie. Je considère qu'il est nécessaire de remobiliser les acteurs dans ce domaine. Ma priorité est de sortir de l'approche trop globale et trop rigide qui prévalait jusqu'à maintenant sur la base de considérations plus théoriques qu'opérationnelles. Si les mécanismes neuronaux qui régissent les effets de l'alcool, de la drogue, du tabac et des psychotropes sont similaires, le traitement sur le terrain n'en demeure pas moins spécifique.
    Mon expérience de six ans dans le domaine de la lutte contre la toxicomanie à Marseille me conforte dans cette approche par le terrain, en liaison avec les associations.
    A cet égard, je me félicite que Didier Jayle, qui est médecin mais aussi un professionnel de terrain au titre de ses fonctions au centre régional d'information et de prévention sur le sida d'Ile-de-France, vienne d'être nommé président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Je compte sur notre collaboration, avec l'ensemble des ministères concernés pour donner cette nouvelle impulsion.
    J'en profite pour dire que la diminution des crédits de la MILDT de 45,6 millions d'euros à 40 millions d'euros en 2003 s'explique par la prise en charge, à partir de 2003, de la communication de la MILDT par l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé.
    Après les dépenses de solidarité, après les dépenses de santé publique, je mettrai l'accent sur la sécurité sanitaire qui représente une exigence indispensable de la politique de santé telle que je la conçois.
    La sécurité sanitaire est un combat permanent qui appelle une vigilance de tous les instants. Je me réjouis que nous ayons su, collectivement, les uns après les autres, tirer les leçons du passé et que nous disposions aujourd'hui d'un dispositif de sécurité sanitaire nettement plus performant qu'il y a une dizaine d'années.
    La sécurité sanitaire s'appuie désormais très fortement sur la fonction d'expertise scientifique et d'évaluation des risques confiée aux agences sanitaires. Aujourd'hui, ces agences travaillent bien. Toutefois, certaines ont besoin d'assainir leur gestion financière, comme l'a souligné la Cour des comptes. Nous avons pris une mesure, dans le cadre de ce projet de loi de finances, qui consiste à réactiver les crédits accumulés et non utilisés. Les différentes agences seront financées, en 2003, à la fois par le budget de l'Etat, à hauteur de 53 millions d'euros, et par les fonds non dépensés par les agences au cours des années passées. Le recours à ces deux sources permettra de financer 10 millions d'euros de mesures nouvelles en 2003.
    Ma préoccupation est de veiller à la séparation de la fonction d'expertise de la décision politique proprement dite pour ne pas faire porter par anticipation le poids de la décision par les experts.
    M. Gilles Artigueset M. François Sauvadet. Absolument !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je veux fournir à chacun les moyens de se forger une opinion étayée sur les risques qu'il court et qu'il subit. Et j'entends que cette transparence favorise le débat démocratique sur des sujets souvent complexes.
    M. François Goulard et M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Par exemple, la manière dont la question de la levée de l'embargo sur les produits bovins d'origine britannique a été gérée l'illustre très bien. L'AFSSA, l'Agence de sécurité sanitaire chargée des questions d'alimentation, a analysé la question en profondeur sous ses aspects scientifiques avant de rendre son avis. Enfin, le politique a pris le temps de la réflexion pour faire connaître sa décision.
    Nous allons continuer l'effort de développement des agences, notamment celui de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, et de l'institut de veille sanitaire, l'INVS. Ainsi, dans les prochains jours, Mme Bachelot et moi allons donner vie à l'AFSSE, qui n'était que virtuelle il y a quelques mois ; elle sera installée et en mesure de commencer son travail à la fin de l'année. Tous financements confondus, le budget de l'AFSSE sera porté à près de 5 millions d'euros, contre 1,6 million d'euros en 2002.
    Puisqu'il est question de l'INVS, je rappelle que la surveillance des pathologies contagieuses ou susceptibles de résulter d'actions bioterroristes ainsi que le signalement des infections nosocomiales restent une priorité.
    L'identification des alertes peut ainsi conduire à des opérations de prévention et de prophylaxie en situation d'urgence ou de semi-urgence. Les exemples de situations préépidémiques de méningites qui se sont déclarés dans la région de Clermont-Ferrand à la fin 2001 et en octobre 2002 dans trois départements du Sud-Ouest ont montré notre capacité à réagir et l'efficacité de notre système de veille sanitaire.
    Outre la mise sur pied de l'AFSSE, les moyens propres du ministère en matière de prévention et de lutte contre les risques sanitaires liés aux facteurs d'environnements ont été renforcés, augmentant de 7 millions d'euros pour atteindre 14,5 millions d'euros.
    La qualité de l'environnement immédiat est, en effet, de plus en plus liée aux questions de santé. Il suffit de regarder l'actualité : dioxines, plomb, mercure, pollution atmosphérique, rayonnements électromagnétiques, éthers de glycol et d'autres. Nous avons également besoin d'un avis scientifique autorisé sur les antennes relais de téléphonie mobile, et je salue, à cette occasion, le rapport parlementaire qui nous a bien éclairés ces jours-ci.
    C'est une véritable litanie que nous pourrions entreprendre et nous ne pouvons, à l'heure actuelle, avoir une idée claire ni de l'ampleur des risques sanitaires liés à ces expositions ni de leur hiérarchie. Cette absence de quantification et de hiérarchisation contribue à une représentation parfois fantasmatique de ces problèmes dans notre société. Je veux en sortir.
    Tout en adhérant à l'idée de précaution, je considère que le principe de précaution n'est pas une formule magique permettant de résoudre tous les problèmes.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La définition de ce principe doit faire l'objet d'un vaste débat dans la société. Pour cela, l'expertise des agences doit être mise à la disposition de la population, notamment en matière d'environnement.
    Après avoir évoqué mes priorités en matière de politique de santé, je voudrais, en lieu et place du ministre Christian Jacob retenu au Sénat, vous parler maintenant de politique familiale. Si les interventions publiques en direction des familles figurent, pour l'essentiel, au PLFSS, vous savez l'importance que nous attachons à la politique familiale et à la création prochaine d'une allocation unique, conformément aux souhaits du Président de la République et du Premier ministre.
    Ainsi, afin de donner tout son sens à la prochaine conférence de la famille du printemps 2003, Christian Jacob a mis en place, le 22 octobre dernier, des groupes de travail pour engager, très en amont, une démarche de concertation approfondie avec l'ensemble des partenaires de la politique familiale. Ces groupes porteront sur la prestation de libre choix, les services à la famille et la parentalité et sur les familles et l'entreprise.
    Dans le domaine strictement budgétaire, le Gouvernement a prévu, en faveur des familles, deux mesures fiscales que vous avez déjà discutées, amendées et votées, ce dont je me réjouis.
    Il s'agit, d'une part, du doublement de l'abattement pour les donations entre les grands-parents et les petits-enfants. Cette mesure, attendue depuis longtemps, permettra de relancer les efforts de solidarité financière entre les générations, alors que l'espérance de vie s'est fortement allongée.
    Il s'agit d'autre part de l'augmentation des seuils pour les emplois familiaux. Cette mesure va incontestablement améliorer les conditions d'embauche des emplois familiaux et favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle des couples actifs.
    C'est aussi une mesure favorable à l'emploi. L'augmentation des plafonds permettra aussi de lutter contre l'économie souterraine et de donner une vraie protection aux salariés concernés.
    Sur le budget du ministère de la famille, il convient de relever essentiellement que la dotation 2003 pour l'allocation de parent isolé, l'API, progresse de 8,8 % à 805 millions d'euros, soit plus 4,5 % après prise en compte des ouvertures de crédit pour 2002 à l'occasion du collectif de cet été. Ce sont plus de 175 000 personnes qui devraient être concernées en 2003 et nous réfléchissons, avec Christian Jacob, à une réforme de cette allocation, dont nous aurons l'occasion de vous reparler dans les mois à venir.
    Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, telles sont les grandes lignes du budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées pour 2003. Marie-Thérèse Boisseau va revenir plus longuement sur la politique du handicap que nous allons conduire ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, vous a indiqué que la part des dépenses destinées à améliorer les conditions de vie des personnes handicapées augmentait de 6 %. Dans un souci de cohérence, le projet de loi de finances affirme un effort aussi important puisque le budget réservé aux personnes handicapées augmente de 5,6 % par rapport à la loi de finances intiale pour 2002.
    Dans le cadre des orientations fixées le 14 juillet dernier par le Président de la République, ces deux données marquent la volonté de ce gouvernement d'avancer, non pas seulement en paroles mais d'abord en actes, vers une meilleure intégration des personnes handicapées dans notre société. Des progrès importants ont déjà été accomplis, notamment grâce à la loi d'orientation du 30 juin 1975, mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer leur vie quotidienne.
    Le projet de budget initial pour 2003, que je suis heureuse de vous présenter aujourd'hui, s'élève à 5,9 milliards d'euros. Il est en augmentation de 317 millions d'euros par rapport au précédent. Ce budget se décompose, comme vient de le rappeler M. Jean-François Mattei, en 4,5 milliards d'euros pour l'allocation aux adultes handicapés, soit une progression de 5,8 % par rapport à l'année dernière, un peu plus de 1 milliard d'euros pour les centres d'aide par le travail, 78,9 millions d'euros pour les crédits déconcentrés - sites de la vie autonome, auxiliaires de vie -, enfin, 263,5 millions d'euros pour le fonds spécial d'invalidité et 12,7 millions d'euros pour les instituts nationaux pour les sourds et aveugles.
    L'un des principaux points de ce budget concerne l'allocation aux adultes handicapés. En 2001, 200 000 personnes environ se sont vu attribuer l'AAH, qu'il s'agisse d'une première demande ou d'un renouvellement. Le nombre des personnes ayant un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, relativement stable depuis 1995, est de l'ordre de 120 000. Par contre, les personnes dont le taux d'incapacité se situe entre 50 et 80 % sont tous les ans plus nombreuses. C'est ainsi que, pour la période 1995-2001, leur nombre est passé de 56 600 à plus de 80 000. Pour la seule année 2001, l'augmentation a été de 7 %.
    Comment expliquer cette progression ? S'agit-il d'une substitution de l'AAH à certains minima sociaux ? Sans doute, dans certains cas. Mais cette évolution est due tout autant aux récentes prises en charge médicosociales de personnes concernées par des déficiences psychiques ou mentales, accueillies jusque-là dans des hôpitaux psychiatriques. Ces personnes font la demande d'une AAH, leur état de santé et leur niveau de formation professionnelle ne leur permettant pas, le plus souvent, de trouver un emploi, notamment en milieu ordinaire.
    Cela nous conduit, dans tous les cas, à nous poser la question de l'efficacité de notre dispositif d'insertion professionnelle. Cette dernière, je tiens à le redire haut et fort, particulièrement au cours de cette semaine pour l'emploi des personnes handicapées, est essentielle pour une véritable intégration dans la société. C'est pourquoi j'ai rencontré récemment le président et la directrice générale de l'Association générale du fonds d'insertion pour les personnes handicapées et je leur ai proposé de travailler avec le réseau Cap Emploi de façon à intensifier, quantitativement et qualitativement, autant que faire se peut, l'insertion professionnelle de ces personnes en milieu ordinaire.
    Ce travail comprendra sur un renforcement de l'évaluation médicale individualisée par les COTOREP. Nous nous appuierons, pour ce faire, sur les nouveaux postes de médecins coordonnateurs - quarante-trois à ce jour - et sur la poursuite de la modernisation du fonctionnement de ces instances de décision sous deux aspects principaux : l'actualisation du système informatique et la simplification des procédures, qui inclut la simplification des formulaires de demandes et la réunion des deux sections de la commission.
    Le deuxième point fort de ce budget concerne la création de nouvelles places dans les centres d'aide par le travail. Le plan quinquennal, qui se termine en 2003, prévoyait la création de 1 500 places par an. Le budget de 1 milliard permettra le doublement de ces places, soit 3 000 nouvelles places en 2003, et j'en suis fière.
    M. Claude Gaillard. Excellent ! Vous avez raison de l'être !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Certes, chaque fois que faire se peut, les personnes handicapées doivent être orientées vers le travail en milieu ordinaire. Mais il est des cas où la forme ou le degré du handicap ne permet pas cette insertion et oblige à d'autres réponses, comme les ateliers protégés ou les CAT. Ces derniers sont, depuis quelques jours, au coeur d'une polémique dont on peut se demander si elle est sérieuse. Dois-je préciser que son auteur a fait l'objet d'une mesure disciplinaire l'excluant du corps très respectable des administrateurs de l'INSEE ? Les CAT ne sont pour la plupart ni des lieux d'enfermement ni des lieux d'exclusion, encore moins d'esclavage !
    M. François Goulard. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Vous en connaissez tous et j'en ai pour ma part déjà visité plusieurs : ils constituent une réponse médico-sociale parmi d'autres, adaptée à certaines formes de handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le CAT demeure donc une réponse nécessaire et il est urgent d'augmenter le nombre de places pour faire en sorte que des jeunes adultes n'encombrent plus les instituts médico-éducatifs - en d'autres termes que l'amendement Creton devienne sans objet - ou que d'autres ne retournent pas dans leur famille où l'inactivité les fera régresser.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Si cette institution se justifie tout autant qu'hier, sa gestion doit pouvoir être améliorée, qu'il s'agisse de la gestion financière, qui doit être en toute occasion parfaitement transparente, ou de l'organisation du travail, qui doit être moins figée, plus souple et plus ouverte sur l'extérieur.
    Il est souhaitable qu'il y ait plusieurs niveaux d'activité à l'intérieur des CAT, que certaines personnes aient la possibilité de travailler à temps partiel, que d'autres puissent, à terme, aller travailler en atelier protégé ou en milieu ordinaire, et réciproquement. Dans tous les cas, il s'agit de parcours individualisés qui doivent tenir compte à tout moment des possibilités de progression professionnelle pour certains, ou de la lassitude au travail pour d'autres.
    Imaginer que le travail en milieu ordinaire soit la seule réponse possible à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, c'est, sans aucun doute, nier une part de la réalité, donc faire fausse route. Il est essentiel de maintenir des formes de travail protégé, qui devront toutefois, à terme, être plus souples et mieux adaptées à chaque situation de handicap. Ce sera un des objectifs de la réforme de la loi de 1975.
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les personnes handicapées. C'est du bon travail !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Troisièmement, les mesures concernant l'allocation adulte handicapé et les centres d'aide par le travail s'accompagnent d'une majoration de 30 % des crédits déconcentrés auprès des préfets de région et de département, crédits qui passeront de 60,6 millions d'euros cette année à 78,9 millions d'euros en 2003.
    Cet effort budgétaire permettra de développer les services offerts aux personnes handicapées, avec le souci d'une plus grande proximité. Cette déconcentration donnera aux élus locaux la possibilité de travailler avec les services de l'Etat dans le cadre de projets territoriaux tenant compte des bassins de vie.
    Ces nouveaux crédits permettront de créer trente sites pour la vie autonome. Ces sites doivent faciliter le rassemblement des principaux décideurs financiers - Etat, collectivités locales, sécurité sociale, mutuelles -, afin que la personne handicapée n'ait plus qu'un seul interlocuteur dans sa recherche de financement des aides techniques, recherche qui s'avère trop souvent être un véritable parcours du combattant. (« Très juste ! sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Dans un second temps, je souhaite que ces sites puissent apporter des réponses globales aux personnes handicapées et à leur famille, et qu'ils soient de véritables lieux de ressources, en aides techniques certes, mais aussi humaines, et en informations de toutes sortes.
    A ce propos, j'ai confié au professeur Lecomte une mission d'étude sur les conditions de prise en charge des aides techniques nécessaires. A ce jour, elles sont au nombre de 35 000 environ, dont seulement 700 sont remboursées par la sécurité sociale. Cette question sera, sans nul doute, au centre de la réflexion sur la compensation du handicap.
    Les crédits déconcentrés nous permettront aussi de créer 500 nouveaux postes d'auxiliaire, essentiels pour l'intégration et la réussite scolaire des enfants handicapés.
    Avec le ministre de l'éducation nationale, j'ai mis en place le 17 octobre dernier un groupe de travail chargé de définir un nouveau statut pour les auxiliaires d'intégration scolaire. Ce groupe de travail remettra ses propositions au début de l'année 2003.
    Pour l'heure, je m'engage avec Luc Ferry à ce que le nombre d'auxiliaires d'intégration scolaire soit préservé jusqu'à la fin de l'année scolaire, en juin 2003 : il s'agit, pour l'éducation nationale, de 1 100 postes à temps plein et de 2 000 postes à temps partiel et, pour mon secrétariat d'Etat, de 2 200 postes associatifs à temps plein.
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis. Très bonne initiative !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Si les enfants ont l'obligation d'aller à l'école, il faut affirmer, a contrario, que l'éducation nationale a l'obligation de s'adapter et d'accueillir tous les enfants, à l'exception, bien sûr, de ceux très lourdement handicapés qui ne peuvent bénéficier d'aucune scolarité. A ce jour, trop d'enfants sont en attente d'intégration scolaire.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. En plus des postes d'auxiliaire d'intégration scolaire, 1 100 postes d'auxiliaire de vie seront créés, ce qui portera à 5 000 leur nombre à la fin de l'année prochaine.
    A côté de l'intégration scolaire, puis professionnelle, le choix du mode de vie doit être respecté, conforté. De plus en plus de personnes souhaitent vivre à domicile, plutôt qu'en établissement, quelle que soit la lourdeur de leur handicap. Certaines ont besoin d'un accompagnement vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J'ai donc demandé à mes services déconcentrés de mieux répondre à la demande de ces personnes et de rechercher, soit directement avec elles, soit par le biais des associations dont celles-ci dépendent, une solution adaptée, personnalisée.
    Grâce aux crédits déconcentrés, il sera également possible de développer l'accueil temporaire en établissement,...
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis. J'apprécie !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. ... qui est essentiel pour les personnes handicapées vivant à domicile, en particulier pour celles qui souffrent d'un handicap lourd, ainsi que pour leur famille qui a besoin, de temps à autre, de se reposer et de vivre selon un autre rythme. Je vous remercie d'apprécier, monsieur Jean-François Chossy.
    Le maintien à domicile suppose des auxiliaires de vie, la possibilité d'accueil temporaire, mais aussi des services de soins infirmiers à domicile, dont j'ai demandé qu'ils puissent être poursuivis à titre dérogatoire en attendant la parution prochaine du décret qui leur donnera un statut légal.
    Le financement du développement de ces soins, comme celui de l'externalisation d'équipes travaillant dans les maisons d'accueil spécialisé ou dans les foyers d'accueil médicalisé, est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    Avant de généraliser les dispositions de maintien à domicile, il faudra expérimenter plusieurs solutions. Ces expérimentations feront l'objet d'un suivi attentif de ma part car le choix de vie des personnes handicapées sera un des principaux axes de la réforme de la loi d'orientation de 1975.
    Le quatrième point fort du budget pour 2003 concerne le fonds spécial d'invalidité, lequel bénéficie à 91 700 personnes. Les crédits de ce fonds sont destinés au versement, sans condition de ressources, d'une allocation venant en complément d'une pension d'invalidité ou d'une prime d'assurance vieillesse. Cette allocation concerne les personnes atteintes d'une invalidité générale réduisant leur capacité de travail d'au moins les deux tiers. Un audit va être fait par l'IGAS sur les circuits de financement, courant 2003.
    Le budget ne résume pas à lui seul les efforts consentis en faveur des personnes handicapées. Le projet de loi de finances donne aussi un certain nombre d'indications sur les efforts réalisés par les autres ministères.
    Ainsi, si l'on ajoute à ce budget les mesures fiscales, les réductions d'impôts et les interventions de l'Etat en faveur de la garantie de ressources, le montant des actions conduites en faveur des personnes handicapées s'élève à plus 7,5 milliards d'euros.
    La marque de la solidarité nationale se retrouve également dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec notamment le doublement du nombre de places en maisons d'accueil spécialisé : 2 200 en 2003 contre 1 100 seulement en 2002.
    Si l'on était en mesure d'intégrer les efforts consentis par les collectivités territoriales en matière d'hébergement ou d'allocation compensatrice pour tierce personne, l'effort apparaîtrait encore plus important, ce dont je me réjouis. Déjà, près d'une vingtaine de conseils généraux ont décidé de déplafonner ladite allocation.
    Ces principes d'action, ces efforts budgétaires et ce souci de l'innovation et de l'expérimentation visent un seul but : une meilleure, voire une totale intégration des personnes handicapées. Tel sera l'objectif de la réforme de la loi d'orientation de 1975, qui sera déposée devant le Parlement au cours de l'année 2003.
    La question qui nous est posée à tous est la suivante : comment faire en sorte que la future loi permette à chaque personne handicapée de trouver sa place dans la société, et à ladite société dans son ensemble de l'y aider ? Cette question difficile renvoie aux obligations de la solidarité nationale, laquelle s'exerce par le truchement d'une politique de compensation du handicap. Y apporter une bonne réponse demande la mobilisation de tous. C'est la raison pour laquelle je multiplie les déplacements sur le terrain et les contacts avec les intéressés et les associations.
    Je voudrais exposer en quelques mots les principaux enseignements que j'en tire : premièrement, l'engagement réel des différents acteurs n'est pas assez visible mais certains résultats sont déjà probants ; deuxièmement, la diversification des modes de prise en charge correspond à une réelle nécessité ; troisièmement, la volonté d'expérimenter qui s'exprime à tous les niveaux sera facilitée par la loi sur la décentralisation ; quatrièmement, enfin, certains problèmes aujourd'hui laissés totalement en friche doivent être traités d'urgence : celui des personnes lourdement handicapées, celui des personnes handicapées vieillissantes ou des polyhandicapés, celui des autistes, celui des traumatisés crâniens, sans oublier celui de l'aide aux familles.
    Dans cette perspective, je compte également beaucoup sur les travaux du Conseil national consultatif des personnes handicapées et sur ceux des conseils départementaux - les CDCPH -, organismes qui seront des lieux de concertation essentiels. Des sujets aussi importants que l'accessibilité au milieu ordinaire de travail, aux lieux publics, à l'école ou au lycée, à une éducation, à une formation professionnelle, aux loisirs ou à la culture seront examinés de nouveau dans ce cadre. Les propositions faites par les parlementaires me seront également très précieuses. Je pense notamment aux suggestions intéressantes de M. Chossy et de M. Bapt, respectivement rapporteur pour avis et rapporteur spécial, mais aussi au rapport sénatorial très complet publié cet été sur le sujet.
    Ensemble, nous nous devons de proposer aux personnes handicapées et à leur famille un nouvel outil législatif, qui soit plus simple, plus clair, plus efficace, plus souple et mieux adapté que les dispositifs actuels, et qui offre des solutions nouvelles répondant mieux au souci d'autonomie et d'intégration des intéressés.
    Tel est le beau défi qui nous attend. J'entends le relever avec vous et avec l'ensemble du Gouvernement dans le droit fil de l'engagement du Président de la République. Il y va de la dignité de la société tout entière mais aussi de la dignité de chacun d'entre nous.
    Mes chers amis, plus est en nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des fiances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le ministre, madame la sécrétaire d'Etat, ainsi que vous l'avez rappelé, vous avez pris vos fonctions sous les meilleurs auspices, puisque vos compétences recouvrent deux domaines élevés au rang de priorités du quinquennat par le Président de la République : la lutte contre le cancer et l'insertion des handicapés.
    Il s'agit sans doute là d'une chance car cela devrait vous permettre d'obtenir des moyens privilégiés pour favoriser la réussite de votre action. Toutefois, vous êtes également confrontés à un enjeu car si vous n'obteniez pas des moyens au niveau de l'ambition proclamée, votre responsabilité risquerait d'être davantage engagée.
    Compte tenu des chantiers d'intérêt public et de solidarité concernés, et bien que me situant dans l'oppposition pour cette législature qui débute,...
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturels, familiales et sociales, pour la santé. Et encore pour longtemps peut-être ! (Sourires.)
    M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. ... je souhaite, en tant que rapporteur spécial de ce budget, et comme l'ensemble de la représentation nationale, que votre action en faveur de ces deux priorités soit une réussite et qu'elle amplifie les efforts qui ont déjà été consentis dans les mêmes domaines au cours de la précédente législature.
    Je rapporte aujourd'hui un budget qui donnait lieu précédemment à deux rapport budgétaires, puisque ce budget regroupe aujourd'hui le budget de la santé et celui des personnes handicapées. De surcroît, quelques lignes budgétaires ont été ajoutées à ce budget, notamment celle concernant la couverture maladie universelle, qui relevait du budget de la solidarité, et celle concernant l'API, qui dépendait des crédits de la famille.
    C'est dire si le budget que je rapporte constitue une construction quelque peu baroque. Je l'examinerai également sous l'éclairage du début de la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
    Les services du ministère se félicitent de l'état d'avancement dans leur préparation de cette mise en oeuvre, et il est exact que la mise en place d'un comité de planification stratégique ou que la définition des futurs « projets de performances » dès l'an prochain constituent de bonnes choses.
    Toutefois, il ne faut pas, dans le même temps, contredire les intentions de demain dans les documents budgétaires d'aujourd'hui, dont la construction est, je le répète, plutôt baroque. Peut-être fallait-il qu'il y ait plus de crédits en matière de santé qu'en matière de solidarité, cette dernière section budgétaire étant commune à M. Mattei et à M. Fillon !
    Une telle construction budgétaire répond-elle à l'objectif de cohérence et de transparence dicté par la loi organique relative aux lois de finances ? Nous le saurons en examinant les crédits proprement dits.
    Dans la structure 2003, les crédits de la santé, de la famille et des personnes handicapées seront en légère progression par rapport à 2002 - plus 1,87 % - pour s'établir à 8,4 milliards d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, hors services communs.
    M. Pascal Terrasse. Voilà enfin la vérité ! Voilà un homme qui sait compter !
    M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Je pense que personne ne peut contester ces chiffres, qui parlent d'eux-mêmes !
    Près des deux tiers de ces crédits correspondent au financement de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation de parent isolé.
    Les autorisations de programme seront divisées par cinq pour s'établir à 41 millions d'euros, en raison de l'absence de dotation du FIMHO, fonds de modernisation des hôpitaux.
    Hors loi de finances rectificative, la progression en dépenses ordinaires et crédits de paiement s'établit à 5,5 %.
    Malgré l'annonce faite au plus haut niveau d'accorder une priorité aux actions en faveur des personnes handicapées et à la lutte contre le cancer, il semble néanmoins que la réalité de l'effort doive être mesurée à l'aune des annulations de crédits qui auront lieu d'ici à la fin de l'année. En effet, d'après les documents transmis par le ministre délégué au budget, il faut prévoir des gels en 2002 et des reports sur 2003 pour un montant de plus de 100 millions d'euros sur les crédits du ministère de la santé.
    La loi de programmation de santé publique annoncée pour 2003 devra consolider les avancées de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », et des vingt-cinq plans de santé publique existants. En prévision du dépôt de ce projet de loi de programmation, 5 millions d'euros sont provisionnés dans le budget, et les crédits destinés à la santé publique et à la sécurité sanitaire sont en hausse de 5,5 % par rapport à 2002.
    Pour traduire la priorité donnée à la lutte contre le cancer, une mesure nouvelle de 35 millions d'euros est prévue en renforcement du programme existant. Les crédits inscrits à l'article concerné sont en progression spectaculaire, de l'ordre d'un quadruplement, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le ministre. Toutefois, les moyens globaux déjà engagés sont bien plus importants : ils s'élevaient à 226,9 millions d'euros en 2002, tous financeurs confondus.
    L'annonce de la loi de programmation est systématiquement mise en avant pour éluder toute précision sur l'emploi qui sera fait des crédits alloués aux autres programmes de santé publique, laissant planer le doute sur la poursuite des plans existants relatifs à la nutrition, au suicide, à la santé mentale ou à la lutte contre la douleur.
    Les crédits consacrés à la lutte contre le sida seront, au gré des changements de nomenclature, en baisse d'environ 2 millions d'euros. Quant aux actions de lutte contre les pratiques addictives, elles sont victimes des choix budgétaires, puisque les fonds gérés par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, d'un montant total de 40 millions d'euros, enregistrent une baisse de 12 % par rapport à 2002, qui correspond, vous venez de le confirmer, monsieur le ministre, au transfert de dépenses de communication vers l'INPES. En outre, une mesure d'annulation de 15 millions d'euros, soit un tiers de la dotation initiale, pourrait intervenir avant la fin de l'année.
    Permettez-moi aussi, monsieur le ministre, d'insister sur la nécessité de conforter la politique de prévention en matière de pathologies cardio-vasculaires. J'insiste sur ce point, non en raison de ma formation initiale, mais tout simplement parce que ces maladies constituent la première cause de mortalité dans notre pays et représentent la première source de dépenses médicales, notamment hospitalières.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Oui, 10 % exactement !
    M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Or on sait que quelques mesures simples de prévention, et ne portant pas seulement sur le tabac, ainsi que le traitement médical bien conduit de quelques facteurs risques, notamment l'hypertension artérielle et le diabète, pourraient très significativement améliorer le taux de morbidité de ces maladies.
    Vous avez raison de faire remarquer, monsieur le ministre, que sur les quelque 150 millions d'euros consacrés annuellement aux soins, seuls trois sont destinés à la prévention. La loi quinquennale de programmation de santé publique corrigera-t-elle ce déséquilibre extrême ?
    J'ai procédé à l'audition des directeurs généraux de quatre agences de sécurité sanitaire : ceux de l'AFSSAPS, de l'AFSSA, de l'AFSSE et de l'Institut de veille sanitaire. A cette occasion, il m'a été confirmé que la plupart des agences se trouvent aujourd'hui, et pour la première fois, confrontées à des difficultés de trésorerie potentielles, qui les inquiètent. En 2002, il est prévu de geler 25 millions d'euros, soit plus de 30 % du montant des crédits votés. Les mesures nouvelles déjà engagées, notamment des recrutements et des programmes immobiliers, devront être financées par ponction sur les fonds de roulement des agences, qui risquent de ne pas suffire.
    En ce qui concerne la mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, elle a beaucoup tardé. Toutefois vous avez répondu par anticipation à ma question, monsieur le ministre, en indiquant que l'installation du conseil d'administration et du conseil scientifique ainsi que les recrutements nécessaires seront effectués avant la fin de l'année.
    Enfin, les crédits spécifiques de sécurité sanitaire s'élèvent à près de 20 millions d'euros dont près de 7 millions de mesures nouvelles pour renforcer la prévention des risques sanitaires liés à l'environnement et au milieu de vie - vous en avez cité quelques-uns.
    Deuxième chapitre, l'agrégat « offre de soins et accès aux soins ». Il devient pour le moins hétéroclite. En hausse de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, les crédits sont en fait en baisse de 13,7 % par rapport à la loi de finances rectificative, compte tenu de l'ouverture de 220 millions d'euros au titre de la contribution de l'Etat au fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire.
    Les mesures nouvelles en matière de soutien à la formation médicale prennent acte de l'augmentation des quotas d'étudiants, de 18 400 à 26 400, décidée par le précédent gouvernement : 1,6 million d'euros iront aux instituts de formation en soins infirmiers, et 3,5 millions d'euros financeront l'augmentation du nombre de bourses.
    Dans le domaine de l'organisation des soins, la dotation en faveur des agences régionales de l'hospitalisation est portée à 19,2 millions d'euros, en hausse de 2 millions d'euros, à l'heure où elles pourraient servir de modèles à de futures agences régionales de santé. Les autres dépenses restent stables ; il s'agit pour l'essentiel, pour 22,4 millions d'euros, des subventions aux services de santé outre-mer.
    En matière d'accompagnement des investissements hospitaliers, la lenteur de l'exécution des programmes du FIMHO, fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, était connue. Il n'était donc pas a priori illogique que les 15 millions d'euros de crédits de paiement soient reconduits sans ouverture de nouvelles autorisations de programme. Cependant, vous avez évoqué la suppression du FIMHO. Une procédure réformée, accélerée et déconcentrée, sur des critères élargis d'admission aux aides du fonds, n'aurait-elle pas été préférable dans la mesure où le FIMHO avait montré qu'il répondait à de réels besoins d'aides à la restructuration ?
    En matière d'action sociale, je constate une incongruité : on fait disparaître de l'agrégat « offre de soins », par transfert vers l'assurance maladie, des dépenses d'action sociale qui y avaient leur place - celles afférentes à l'interruption volontaire de grossesse -, et dans le même temps, on inclut dans cet agrégat élargi d'autres dépenses d'action sociale qui relèvent plutôt de la lutte contre l'exclusion, comme les crédits d'Etat relatifs à la prise en charge de la CMU complémentaire, décidée dans le cadre du programme de lutte contre les exclusions lancé en 1998.
    L'évolution de ces prestations couvertes par la CMU complémentaire conduit à des mouvements de crédits contradictoires : hausse de 220 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2002, mais, pour 2003, diminution de 59 millions d'euros « pour tenir compte de l'évolution du dispositif », et augmentation de 99 millions d'euros au titre des prévisions de dépenses. Je pense que nous aurons un débat tout à l'heure à l'occasion de l'examen de l'amendement que le Gouvernement a déposé mais que, malheureusement, la commission des finances n'a pas pu examiner.
    Troisième agrégat, « famille et personnes handicapées ». La priorité accordée aux personnes handicapées a été proclamée par le Président de la République. Il reste à vérifier qu'elle est bien suivie d'effet. Une première donnée a son importance : 20 millions d'euros de gel en 2002 et 15 millions d'euros de reports sur 2003 sont prévus en ce domaine.
    En termes de crédits, la politique d'aide à la famille et aux personnes handicapées représente 80 % du budget du ministère. Mais, au sein de ce dernier, la contribution de l'Etat au financement de l'allocation aux adultes handicapés mobilise, à elle seule, pour 4,5 milliards d'euros, les trois quarts des crédits.
    Cela étant, la priorité proclamée en faveur des personnes handicapées trouve d'abord sa traduction dans l'absence, dans l'immédiat, de réexamen global des conditions de l'admission au bénéfice de l'AAH, que préconisait la direction du budget, en particulier pour les plus jeunes des bénéficiaires dont le handicap serait plus social que physique. Cela représenterait un risque très important de précarisation pour ces populations si des mesures de « recentrage » étaient prises inconsidérément - je sais, madame la secrétaire d'Etat, que vous avez l'intention d'être vigilante à ce sujet.
    Par ailleurs, l'effort entrepris sous la précédente législature avec le plan triennal 2001-2003, d'une part, et le plan pluriannuel de création de places en établissements 1999-2003, d'autre part, est accentué. Ainsi, 3 000 nouvelles places en centres d'aide par le travail seront créées, au lieu des 1 500 prévues, et l'aide au retour ou au maintien en milieu ordinaire sera favorisée par la création de 400 postes d'auxiliaire de vie et de 309 postes spécifiques pour personnes très lourdement handicapées.
    Néanmoins, je souhaite à ce stade m'alarmer, madame la secrétaire d'Etat, des conditions de consommation des crédits de l'article 10 du chapitre 66-20 qui financent des opérations de développement des structures d'hébergement pour adultes lourdement handicapés, qui accompagnent le plan pluriannuel 1999-2003 de création de places, sujet sur lequel les intervenants de la commission des affaires sociales ont beaucoup insisté lors de l'examen pour avis de votre budget.
    L'Etat s'est engagé à hauteur de 70 millions d'euros pour la période 2000-2006. Mais, depuis 2001, les délégations d'autorisations de programme sont bloquées en raison d'un volume thérorique de crédits de paiement insuffisant pour couvrir les autorisations de programme déjà ouvertes. Pour 2003, les crédits baissent néanmoins de 16 % en autorisations de programme mais aussi de 20 % en crédits de paiement. Ils ne correspondent donc qu'à 79 % de la tranche 2003 des contrats de plan restant à mettre en oeuvre, alors même que les autorisations de programme sont bloquées en 2002 et que la situation exacte des crédits de paiement est inconnue. De la consommation et du niveau de ces crédits, dépend pourtant la concrétisation de la priorité affichée en faveur de l'hébergement des handicapés.
    Les guichets uniques que sont les sites pour la vie autonome seront étendus à tous les départements grâce à trente nouveaux sites et 500 postes d'auxiliaire d'intégration scolaire seront créés à la rentrée 2003. Sur ce dernier point, le ministère lui-même, m'avez-vous dit, réfléchit au moyen de prolonger le recours aux emplois-jeunes, qui ont acquis de réelles compétences et dont l'utilité n'est plus à démontrer.
    Une dernière critique sur le redécoupage des agrégats - mais c'est un budget nouveau - l'inclusion dans les moyens destinés à la famille, au prix d'une contorsion budgétaire, des crédits consacrés au financement d'organismes exerçant, au nom de l'Etat, la tutelle ou la curatelle publique prononcée par les juges. Dans l'esprit de la nouvelle loi organique, faudra-t-il évaluer l'efficacité de la politique familiale au nombre de placements sous tutelle ?
    D'une façon générale, 97,6 % des interventions en faveur de la famille et de l'enfance concernent le remboursement de l'allocation de parent isolé, pour 805 millions d'euros. Cette dotation, en hausse de 8,8 %, est en fait stable par rapport à la loi de finances rectificative pour 2002.
    M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, monsieur le rapporteur spécial.
    M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, il s'agit d'un budget contrasté dans son assemblage inhabituel, dont les zones d'ombre peuvent être expliquées par son caractère de transition, mais dont la réalisation est obérée par les nombreuses incertitudes existant sur l'ampleur des annulations annoncées pour janvier 2003 par le ministre de l'économie et des finances, après celles survenues dès cette année. Il est marqué par quelques mesures nouvelles illustrant la priorité affichée sur le plan de la lutte contre le cancer et pour l'insertion des handicapés.
    La commission des finances, dans sa majorité, l'a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Excellent rapport !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la santé.
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la santé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je salue tout d'abord la création d'un ministère de la santé de plein exercice même si certains domaines, tel celui de la formation, demeurent partagés avec l'éducation nationale.
    Discuter du budget de la santé, qui ne porte que sur 8,4 milliards d'euros, dont 400 millions pour la politique de santé stricto sensu, a un caractère artificiel alors que nous venons de voter l'ONDAM à 123,5 milliards d'euros.
    M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. La prochaine clarification des relations entre l'Etat et l'assurance maladie devrait, dans le cadre d'une nouvelle gouvernance, permettre une étude unifiée des crédits de la santé.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas sûr !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. En 2003, les crédits du ministère progressent à périmètre constant de 5 %. Trois agrégats peuvent être distingués.
    Premièrement, l'agrégat « santé publique et sécurité sanitaire ». A structures constantes, les demandes de crédits s'élèvent à 329 millions d'euros.
    Le financement des agences sanitaires en constitent un volet important, même si certaines disposent de ressources propres.
    Trois points méritent d'être relevés. Tout d'abord, je note la création de l'Institut de prévention et d'éducation de la santé, mais je m'interroge sur la place qui sera faite aux comités départementaux et régionaux. Ensuite, je veux souligner la forte diminution de la dotation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, 4,67 millions d'euros contre 25,2 millions d'euros pour 2002 et une annulation de crédits en 2002.
    M. Jean-Marie Le Guen. Danger !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. Enfin, je remarque que les moyens de l'ANAES, dont les dysfonctionnements ont été pointés par la Cour des comptes, augmentent, passant de 5,8 à 8,7 millions d'euros.
    S'agissant du financement des actions de santé publique, les crédits pour financer les programmes de prévention augmentent de 30 % et atteignent 173 millions d'euros. Le dépistage des cancers du sein et du côlon devrait, espérons-le, pouvoir être rapidement généralisé.
    Deuxièmement, l'agrégat « offre de soins et accès aux soins ».
    L'offre de soins est essentiellement financée par l'ONDAM. L'agrégat « offre de soins » prévoit 1,18 milliard d'euros en crédits de paiement, dont 960 millions pour financer la part de l'Etat de la CMU, le reste étant financé par les assurances complémentaires. A noter la lenteur de la montée en charge du FIMHO.
    Troisièmement, l'agrégat « gestion des politiques de santé et de sécurité ».
    Il est difficile de départager au sein de cet agrégat ce qui ressort du ministère de la santé et ce qui ressort du ministère des affaires sociales. Les crédits atteignent 1 milliard d'euros, en hausse de 2,7 %, et servent essentiellement à financer le personnel avec un repyramidage vers une augmentation des postes de cadre A. Le montant de la dotation de l'Ecole nationale de la santé publique progresse de 50 %, et atteint 15,41 millions d'euros, tandis que les moyens des ARH sont augmentés de 2 millions d'euros.
    Enfin, je tiens à signaler la poursuite des modifications du champ de compétence entre l'Etat et l'assurance maladie, qui devraient être clarifiées. Ainsi, trois modifications importantes interviennent cette année : le coût des stages de résidanat chez les médecins généralistes agréées est transféré au budget de l'Etat pour 40 millions d'euros, tandis que les dépenses afférentes à l'interruption volontaire de grossesse, 24,7 millions, et les dépenses afférentes, aux centres de soins spécialisés pour les toxicomanes, 107,5 millions, sont transférées aux régimes d'assurance maladie.
    J'ai consacré cette année l'essentiel de mon rapport aux relations des ARH avec le ministère, les préfets, les DRASS, directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, directions départementales des affaires sanitaires et sociales, et aux modifications envisageables dans le cadre d'une transformation en ARS, agences régionales de santé.
    Trois étapes importantes sont survenues ces vingt dernières années : les lois de décentralisation, la création des ARH en 1996, et l'apparition des agences sanitaires en 1998.
    Après cinq années de fonctionnement, le bilan des ARH apparaît comme globalement positif. Mais les ARH sont aujourd'hui « au milieu du gué ». Plusieurs problèmes doivent être résolus : les relations avec le secteur ambulatoire et le médico-social, et notamment la non-fongibilité des enveloppes, la prise en compte de la prévention et de l'éducation à la santé, les relations avec les divers échelons de l'Etat et de l'assurance maladie, le contrôle démocratique des ARH.
    La création des ARS dans la perspective d'une décentralisation pourrait permettre, je l'espère, de proposer des solutions.
    Premièrement, l'ARH, institution originale, constitue une forme de modernisation administrative réussie. Les agences ont permis d'améliorer la coopération entre les services de l'Etat et ceux de l'assurance maladie et ont posé les jalons d'une authentique planification hospitalière.
    Les ARH sont des structures légères, personnes morales de droit public, constituées sous la forme juridique d'un GIP entre l'Etat et l'assurance maladie. Les décisions sont prises, soit par le directeur, soit par la Comex, la commission exécutive, qui associe de manière paritaire l'Etat et l'assurance maladie. Cette administration de missions a peu de moyens propres financiers ou en personnel, 260 agents. Les ARH font appel à 1 030 équivalents temps plein en provenance de l'Etat et à 1 080 personnes provenant des services de l'assurance maladie. Les équipes rapprochées ne comptent que dix à quinze personnes et s'organisent sur une base thématique ou géographique.
    Les directeurs sont dans une situation politique ambiguë. Nommés par décret en conseil des ministres, ils sont en théorie autonomes par rapport à la DHOS, direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, ou la DGS, direction générale de la santé. Cependant, ils sont révocables. La DHOS leur adresse une lettre de mission. L'administration centrale, par la procédure des crédits fléchés, limite leur marge de manoeuvre. Mais il est vrai que le suivi de ces crédits est loin d'être assuré. Les relations avec le ministère, où ils sont réunis régulièrement, ne sont donc pas claires.
    Deuxièmement, la création des ARH a été vécue avec circonspection, lorsque cela n'a pas été avec hostilité, par les préfets, les DRASS et les DDASS. Aujourd'hui, les relations sont améliorées, mais, en raison d'un chevauchement de compétences, des clarifications semblent nécessaires.
    Le préfet conserve des compétences sanitaires et a autorité sur les services déconcentrés dans les DDASS et les DRASS. Il est responsable de la sécurité des bâtiments et de la sécurité sanitaire.
    Le préfet est responsable de l'élaboration et de la réalisation des contrôles, mais c'est le directeur de l'ARH qui doit en tirer les conséquences.
    Le préfet doit organiser la permanence des soins. Il préside le CODAMU, comité départemental de l'aide médicale urgente, et le comité des transports. Il est habilité à réquisitionner les médecins.
    Le préfet joue un rôle central dans le fonctionnement des conférences régionales de santé. Il définit et fait appliquer les programmes régionaux de santé et les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins.
    Mais surtout, le préfet est un acteur essentiel dans la négociation des contrats de plan, qui comportent souvent des volets sanitaires ; il contrôle la légalité des délibérations des Comex et des marchés publics des établissements ; il note les directeurs d'établissement de santé ; il gère une partie des personnels médicaux, essentiellement les temps partiels, et met en congé de longue durée les praticiens atteints de certaines affections.
    Enfin, il convient de signaler une curiosité. Le préfet de région préside le conseil d'administration du centre anti-cancéreux de la région et doit donc demander les moyens à l'ARH.
    Les DRASS et les DDASS s'interrogent donc sur leur rôle réel dans le domaine sanitaire.
    Services déconcentrés de l'Etat placés sous l'autorité du préfet, elles assurent la définition, la gestion et l'animation des politiques sociale et sanitaire au niveau régional et départemental. A noter qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les DRASS et les DDASS.
    L'ARH, structure légère, dispose de personnels mis à disposition par les DRASS et les DDASS. L'ARH définit leurs missions mais ces personnels continuent à être notés par les préfets, ce qui n'est guère cohérent.
    Certaines ARH ont désigné des « chargés de mission départementaux » qui oeuvrent donc au niveau du département, mais c'est le directeur de la DDASS qui siège à la Comex. Il en résulte quelques difficultés. Ces directeurs ont-ils une certaine latitude pour apprécier les propositions de l'ARH ou doivent-ils se conformer lors du vote à ses décisions ?
    Les personnels traversent une crise d'identité profonde, aggravée par de nombreux postes vacants. Ils déplorent l'élargissement constant de leur champ d'action, la multiplication non programmée quasi mensuelle de programmes prioritaires.
    Il est donc urgent et nécessaire de clarifier les compétences.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. Troisièmement, les relations avec les établissements.
    L'ARH exerce une tutelle sur l'ensemble des établissements, arrête le SROS, schéma régional d'organisation des soins, et la carte sanitaire ; adopte les projets d'établissement ; négocie les contrats d'objectifs et de moyens ; arrête les budgets et les DM et veille à l'utilisation des crédits fléchés ; décide des créations de postes.
    Bref, les pouvoirs des ARH sont donc en théorie très importants, mais se pose le problème de l'autonomie des établissements et du pouvoir des conseils d'administration.
    De tels pouvoirs, pour être réels, nécessiteraient un personnel plus nombreux et compétent. A noter d'ailleurs la situation particulière de l'APHP, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
    Deux problèmes méritent, enfin, d'être notés.
    En premier lieu, l'absence de fongibilité entre les enveloppes sanitaires au sein de l'ONDAM provoque une division artificielle entre l'hôpital, l'ambulatoire et le secteur médico-social. Le dysfonctionnement du pilotage empêche d'avoir une action de coordination sur des sujets frontières comme l'hospitalisation à domicile, l'organisation des urgences, la gérontologie.
    En second lieu, l'absence de contrôle démocratique des décisions des ARH est préoccupante.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. La régionalisation et la création des ARS pourraient constituer un espoir. La régionalisation permettrait de réaliser une politique de santé de proximité, de rendre chacun acteur et responsable, de prendre en compte les besoins, d'effectuer un contrôle démocratique. La création des agences régionales de santé en constituerait un maillon essentiel. Il reste, bien sûr, à définir leur champ de compétence, le rôle de l'Etat et de ses services, leur contrôle démocratique.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est trois fois rien !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. Premièrement, le périmètre de compétence des agences régionales de santé.
    La création des ARS permettrait d'associer l'ambulatoire et l'hospitalier.
    Il est temps de mettre fin au cloisonnement constaté pour gérer l'ensemble du soin, éviter les éternelles discussions des reports de l'un vers l'autre, permettre de développer les alternatives. En outre, l'ARS pourrait se voir confier la responsabilité de la gestion des carrières hospitalières et la formation des personnels médicaux et paramédicaux.
    Les ARS devraient se voir confier la prévention et l'éducation à la santé.
    Il est, en effet, artificiel de vouloir séparer le curatif et le préventif. Cette compétence en matière de prévention serait le gage d'une politique de prévention rigoureuse, enfin coordonnée, et permettrait de rééquilibrer notre système de santé trop centré sur le curatif.
    Faut-il y adjoindre le médico-social, personnes âgées et handicapées, dans une deuxième étape ?
    De nombreux hôpitaux gèrent des services de longue durée et des maisons de retraite médicalisées. Quant aux handicapés, ils sont le jour de la compétence de l'Etat, la nuit des conseils généraux. Une clarification semble nécessaire.
    Il pourrait être proposé que la totalité de la responsabilité des personnes âgées soit confiée aux conseils généraux, à la condition que des conventions soient passées avec l'Etat et l'assurance maladie pour définir le financement. Dès lors, l'Etat et donc les ARS au niveau régional, pourraient assurer totalement la prise en charge des personnes handicapées.
    Deuxièmement, l'Etat et ses services.
    L'Etat, au niveau national, garderait bien sûr la responsabilité de la définition de la santé publique et serait le garant de l'équité, de l'égal accès aux soins.
    Au niveau régional, la création des ARS serait l'occasion de clarifier les missions des services de l'Etat. Ceux-ci assureraient le respect du principe de l'égalité, le contrôle de la légalité, la sécurité sanitaire et la prévention des risques. La sécurité sanitaire serait complètement attribuée au préfet qui coordonne les services déconcentrés : industrie, agriculture, économie.
    Au niveau régional, la DRASS et la DDASS chef-lieu pourraient fusionner. Les DDASS exerceraient la gestion des dispositifs sociaux, ville, logement, intégration ou de veille sanitaire, avec des personnels plus motivés puisque les missions seraient enfin claires.
    Troisièmement, les ARS et leur contrôle.
    Le GIP n'est sans doute pas adapté à cette évolution. Les ARS pourraient être créées sous le statut d'établissement public.
    Le rôle des ARS serait, en regroupant les compétences dans un premier temps de la gestion du système hospitalier régional privé et public, de la médecine ambulatoire et de la prévention, de surmonter les cloisonnements actuels en appliquant une véritable politique de santé régionale. L'ARS correspondrait à l'exécutif régional de la santé. Le conseil d'administration comprendrait des membres issus du conseil régional de santé, du conseil régional politique et des financeurs.
    Le directeur, nommé en conseil des ministres, pourrait ultérieurement être nommé par le conseil régional.
    Les ARS, enfin, disposeraient, de leur personnel. Les financements proviendront de la régionalisation sur des critères objectifs - morbidité, mortalité, population - d'un ONDAM médicalisé voté par le Parlement. Les financements pourraient être abondés par la région sur ses ressources propres.
    M. François Goulard. Eh oui !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. Enfin, l'ARS, exécutif sanitaire, serait responsable devant une instance régionale délibérative, le « conseil régional de santé ».
    Cette création des ARS dans le cadre d'une régionalisation permettra de mettre fin au cloisonnement actuel, à la non-fongibilité des enveloppes, de mieux prendre en compte les besoins de la population. Une telle réforme devra être mise en oeuvre de manière pragmatique, cela fera plaisir à mon ami Goulard...
    M. François Goulard. C'est ce que je disais, mon cher collègue !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. ... en passant éventuellement par l'expérimentation.
    En conclusion, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, j'ai proposé à la commission d'adopter les crédits de la santé pour 2003. Celle-ci a émis un vote favorable.
    Enfin, je souhaiterais remercier Charles d'Arailh, administrateur, pour sa compétence, sa gentillesse et sa disponibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien.
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les personnes handicapées.
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans un contexte financier assez serré mais eu égard aux engagements du Président de la République et aux exigences légitimes des familles, des accompagnants et des personnes handicapées elles-mêmes, le montant des crédits budgétaires pour 2003 consacre globalement 7,1 milliards d'euros aux mesures à destination des personnes handicapées.
    Le projet de loi de finances marque une progression de 5,6 % par rapport à l'année dernière, comme vous l'avez rappelé vous-même, madame la secrétaire d'Etat.
    Ce budget permettra surtout, grâce à des mesures nouvelles d'un montant total de 49 millions d'euros, de réaliser un effort significatif en faveur des personnels handicapées dans deux secteurs dans lesquels les manques sont particulièrement criants : les places en établissement et les aides à domicile.
    Je rappelle que 90 % des personnes handicapées vivent aujourd'hui chez elles soit parce qu'elles en ont fait le choix, soit parce que le manque de places ne leur a pas permis de choisir.
    L'effort budgétaire portera particulièrement sur les personnes lourdement handicapées.
    Quelles sont les nouvelles mesures du projet de loi de finances ? Il s'agit, entre autres, de la création de 3 000 nouvelles places en centres d'aide par le travail, du financement de 500 nouveaux postes d'auxiliaire d'intégration scolaire, de la création de postes d'auxiliaire de vie et de la généralisation des sites pour la vie autonome.
    La création de 3 000 nouvelles places en centres d'aide par le travail représentera un doublement de l'effort de création par rapport au plan 2001-2003 du précédent gouvernement et offrira aux adultes lourdement handicapés une activité professionnelle, tout en permettant une socialisation et une certaine intégration de la personne concernée, à l'instar des ateliers protégés et des entreprises adaptées.
    Au total, près de 100 000 places sont ouvertes dans les centres d'aide par le travail. Les crédits consacrés au fonctionnement de ces structures atteignent 1,1 milliard d'euros. Le budget intègre bien évidemment les mesures d'ajustement de 15 millions d'euros nécessaires pour couvrir l'évolution de la masse salariale.
    De nombreux efforts doivent être accomplis pour diminuer de façon significative les délais d'admission en CAT. Le budget participe à cette démarche.
    Par ailleurs mais toujours à propos des CAT, je voudrais dire, madame la secrétaire d'Etat, qu'il n'est pas admissible que le travail exemplaire d'accueil, de suivi et d'intégration de la personne handicapée soit aujourd'hui détourné de son objectif et généralisé, voire insulté de façon scandaleuse par un écrivain à l'encre sale.
    Le financement de 500 nouveaux postes d'auxiliaire d'intégration scolaire favorisera la scolarisation des enfants handicapés, mais il faudra inscrire cette mesure dans la continuité et dans l'effort soutenu car, en ce domaine, les demandes sont pressantes et importantes.
    La création de postes d'auxiliaire de vie constitue un axe important de la recherche d'une plus grande autonomie. Là encore, le rendez-vous de l'effort budgétaire doit être annuel afin d'épauler dignement celles et ceux qui attendent les aides humaines, techniques et financières utiles à leur choix conscient du maintien à domicile dans leur environnement familial. Si c'est un choix de vie, il faut le respecter et le soutenir.
    Par la généralisation des sites à la vie autonome et le lancement de 30 nouveaux sites, vous participez, madame la secrétaire d'Etat, à l'installation sur l'ensemble du territoire de lieux repérés, qui pourront se transformer, le moment venu, en guichets d'accueil, d'information, d'évaluation et de développement des moyens de compensations, en direction de l'ensemble de la population des personnes handicapées, quelles que soient l'origine et la nature de leur handicap, quels que soient leur âge et leur lieu de résidence.
    Le handicap lourd, qu'il s'agisse du polyhandicap, de l'autisme, de traumatismes crâniens graves ou des handicaps sévères, est un problème qui reste largement devant nous. Les accidents de la vie, souvent des accidents de la route, les réanimations, la grande prématurité et la capacité de la médecine à délivrer des soins qui permettent d'allonger les durées de vie conduisent à ce que notre société se trouve de plus en plus confrontée au problème de la prise en charge des handicaps les plus lourds.
    Or, trop souvent, ce sont les personnes qui en sont frappées qui ont le plus de mal à trouver une solution qui leur soit adaptée, que ce soit dans la recherche d'une vie autonome à domicile, « enjeu majeur des personnes handicapées moteurs », comme le souligne l'Association des paralysés de France, ou pour les prises en charge séquentielles et les « répits » temporaires pour les familles, que vous avez évoqués tout à l'heure avec insistance, madame la secrétaire d'Etat, jusqu'à l'accueil permanent dans des structures adéquates. Dans tous les cas, on le sait, les besoins en services à domicile sont toujours croissants.
    On peut donc se féliciter des mesures nouvelles contenues dans le projet de loi de finances, qui permettront de créer 400 postes supplémentaires d'auxiliaire de vie, pour un montant de 3,86 millions d'euros, et 309 destinés aux handicaps les plus graves.
    L'écart croissant entre l'évolution du SMIC et le niveau de l'ACTP aboutit à ce que le nombre d'heures pris en charge au titre de l'aide à domicile soit de trois heures par jour environ, ce qui est insuffisant pour une personne lourdement handicapée. Cela conduit, par exemple, certaines personnes handicapées moteur ayant fait le choix de vivre à domicile à recourir de façon systématique à une hospitalisation, dont nous connaissons le coût, de deux à trois jours par semaine pour compléter leur prise en charge hebdomadaire.
    La mesure expérimentale décidée pour 2003, qui portera à 28 950 euros par poste d'auxiliaire de vie la prise en charge par l'Etat, est donc fondamentale et il est essentiel que l'on puisse poursuivre dans cette voie.
    Les compléments de l'allocation d'éducation spéciale ont été réformées en 2002. Ils étaient auparavant au nombre de trois et de niveaux très différents. L'objectif était de moduler l'aide apportée aux familles en créant des catégories intermédiaires entre le deuxième et le troisième complément pour arriver à un total de six compléments.
    Cette modification a permis d'améliorer la prise en charge. Elle se révèle toutefois extrêmement complexe à appliquer. En outre, sa mise en oeuvre a donné lieu à l'élaboration d'un questionnaire très précis par lequel les dépenses doivent être justifiées et qui est très mal ressenti par les parents, qui le considèrent souvent comme inquisitoire. C'est particulièrement le cas pour les parents d'enfants polyhandicapés qui assurent avec raison que le seul certificat médical faisant état du polyhandicap devrait suffire à apprécier la prise en charge qu'il suppose à l'évidence.
    Il est trop tôt pour apprécier en détail les effets de cette réforme. Celle-ci devra faire l'objet d'un suivi attentif pour que les correctifs nécessaires puissent être apportés. Une évaluation est en cours ; les résultats devraient être connus d'ici à la fin de l'année.
    Des efforts financiers pour les personnes lourdement handicapées ont été décidées dans les années passées par l'augmentation du nombre de places en foyer de vie, en MAS et en foyer à double tarification à travers les deux plans pluriannuels.
    En préalable, je voudrais qu'il puisse être remédié, et dans des délais rapides, aux graves lacunes du suivi de la mise en oeuvre des créations de places. La Cour des comptes l'a vivement dénoncé cette année : non seulement on connaît mal les besoins en matière de handicap, mais on connaît aussi fort mal le niveau de l'offre. Les derniers chiffres disponibles portent sur 1998, c'est-à-dire avant la mise en oeuvre des plans.
    Il est difficilement compréhensible que les services déconcentrés, les DDASS et les DRASS, qui mettent en oeuvre ces plans n'effectuent pas de suivi précis et disponible non pas des engagements mais des places effectivement créées et des handicapés auxquels elles s'adressent. Cette situation, outre l'incertitude qu'elle génère sur la prise de décision, ne fait qu'entretenir les mécontentements, et les évaluations des besoins les plus diverses circulent.
    En tout état de cause, il est clair qu'il subsiste des besoins insatisfaits, comme le montre le fait que des familles soient encore conduites à se tourner vers des établissements belges, plus précisément wallons, même lorsqu'elles ne sont pas frontalières, pour l'accueil de personnes souvent lourdement handicapées - autistes et polyhandicapées.
    C'est pourquoi j'ai souhaité mieux comprendre les raisons pour lesquelles la Belgique serait en mesure de proposer un service que la France ne parvient pas à offrir en dépit des moyens très importants qu'elle consacre aux personnes handicapées ?
    Qu'en est-il exactement ?
    Premièrement, 2 800 Français sont actuellement accueillis dans des établissements belges. Il s'agit principalement d'adultes affectés de handicaps mentaux lourds ou sévères.
    Deuxièmement, ces structures fonctionnent selon un statut bien particulier. Au fil des quarante dernières années se sont progressivement créés en Belgique francophone des établissements pour handicapés tournés vers l'accueil de Français dans un régime de grande liberté. N'étant pas financée par l'Etat belge et ne concernant à l'origine aucun ressortissant de ce pays, cette activité, qui ne s'exerce pas stricto sensu dans le cadre du système médico-social belge, n'est donc pas soumise à la procédure d'agrément ni donc aux effets qui s'y attachent. Il en résulte une souplesse de fonctionnement et des coûts moindres qui sont, il ne faut pas se le cacher, l'une des raisons de la réussite de ces établissements.
    Depuis 1995, la Belgique a soumis ces structures à une autorisation de création, prévue par l'article 29 d'un décret du 6 avril 1995. Mais il ne s'agit pas de l'agrément applicable, comme en France, aux établissements du secteur médico-social. Avant 1995, seuls les établissements agréés étaient connus de l'administration belge. L'autorisation a eu au moins le mérite de faire mieux connaître les autres. Ce sont 129 établissements qui entrent dans cette catégorie, dont 32 hébergent exclusivement des Français.
    Troisièmement, les financements sont français.
    La prise en charge est financée soit par les conseils généraux, soit, dans le cas des enfants, par les caisses d'assurance maladie qui acquittent le prix de journée défini par conventionnement entre l'organisme payeur et l'établissement, ce prix étant en général inférieur au français.
    Il résulte de cette situation un double paradoxe, pour la Belgique d'abord, qui accueille sur son territoire des personnes handicapées à qui elle offre un service auquel ses ressortissants n'ont, de fait, pas accès, alors que, pour des raisons budgétaires, ce pays a bloqué depuis plusieurs années toute création de places nouvelles dans ses établissements médico-sociaux et connaît de ce fait des difficultés.
    M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis. Je vais arriver à ma conclusion, monsieur le président.
    La situation est paradoxale pour la France, ensuite, car le manque de places dans notre pays et les coûts de revient inférieurs dans les établissements wallons aboutissent à ce que les organismes payeurs français subventionnent des établissements qui ne sont pas soumis aux règles ni aux normes que la France a définies, et récemment rénovées, pour les établissements situés sur son territoire.
    Les établissements sont en effet des plus divers. Les deux qui ont été visités n'avaient rien à voir l'un avec l'autre.
    Il n'entrait pas dans ma mission d'évaluer ces établissements qui offrent effectivement une solution à des parents désemparés et qui constituent parfois, grâce à leur souplesse de fonctionnement, un facteur d'innovation important. Il me revient par contre de souligner que cette situation est tout sauf satisfaisante.
    En conclusion, je dirai que si l'on veut apporter aux personnes handicapées les réponses évolutives qu'elles attendent, il va falloir procéder à une remise à plat importante. C'est le souhait insistant des nombreuses associations que j'ai rencontrées lors d'auditions souvent émouvantes et toujours pleines d'enseignements.
    Le premier chantier sera celui de la réforme attendue de la loi de 1975. Toutes ces associations veulent étroitement s'associer à la réflexion et à la préparation. Parmi les multiples questions qui seront à traiter, la plus importante sera sans doute celle de la définition du droit à compensation. Mais les associations vigilantes réclament aussi l'adaptation et l'évolution des moyens tant humains que techniques, ainsi que la souplesse des structures. Dans ce grand travail de rénovation, il faudra, pour que les handicapés en France trouvent une place convenable, de façon digne, simplifier d'abord, innover ensuite, individualiser toujours.
    Il faudra simplifier afin que le parcours du handicap ne soit plus celui du combattant.
    Il faudra, sans doute à partir de l'expérience des sites à la vie autonome, définir des « guichets uniques », qui joueront le rôle d'interlocuteur et de coordinateur, et qui seront à même de garantir la continuité des moyens mis à la disposition des handicapés quand leur situation ou leurs besoins évoluent. Ils auraient pour mission d'informer, de rapprocher les problèmes de leurs solutions, d'orienter et de soutenir les familles complètement désemparées par l'annonce ou la découverte du handicap, ainsi que d'aider à la recherche de financements spécifiques.
    Il importera, ensuite, d'innover et cette fois sans attendre, pour mettre en place des solutions nouvelles, particulièrement pour définir les modalités concrètes de l'accueil temporaire, dont nous avons tous ici posé le principe dans la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale. Le décret visant à définir sa mise en place et sa tarification est en préparation. Pressons-nous car il s'agit d'un besoin réel : besoin de répit pour la famille, besoin d'accueil régulier à certaines périodes, besoin de solution temporaire en cas d'urgence, besoin d'une première expérience en établissement pour se préparer à la vie collective lorsque la vie en famille deviendra impossible.
    M. François Sauvadet. Très juste !
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis. Il est essentiel que l'on avance rapidement sur ce point.
    Il faudra, enfin, individualiser parce que chaque personne est un cas particulier. Chacun peut avoir un projet de vie différent et c'est de cela qu'il faudra le plus tenir compte à l'avenir, pour que l'intégration sociale, professionnelle et culturelle soit une réalité.
    Madame la secrétaire d'Etat, dans une assemblée comme la nôtre où siègent, d'un côté, les proposants et, de l'autre, les opposants, on ne peut s'attendre à ce que le budget soit voté à l'unanimité. Mais ce que je peux en tout cas vous promettre, c'est que ce budget sera un budget de consensus car il répond aux souhaits de la plupart des familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans la discussion, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre de la santé, vous vous étiez ému à juste titre de la part insuffisante consacrée à la santé publique dans notre pays, vous inquiétant particulièrement du fait que, sur 150 milliards d'euros dépensés pour la santé, 3 seulement seraient destinés à la santé publique.
    Après ces déclarations, nous attendions une ambition nouvelle pour ce budget, au moins le début d'une inversion de tendance, pour enclencher une véritable politique de santé publique. Mais il n'en est rien !
    Le budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003, que vous présentez pour la première fois, s'élève à 15,5 milliards d'euros, dont seulement un peu plus de 8 milliards pour la santé au sens strict. Ainsi donc, si la progession annoncée de 5 % est positive, elle reste évidemment très modeste en valeur absolue, avec des crédits qui ne correspondent pas, vous le savez, aux besoins à couvrir.
    Vous envisagez une loi de programmation de santé. Nous ne pouvons bien sûr, et nous l'avons dit, que souscrire à une construction plus durable de la politique de santé. Mais pour que les lois soient efficaces, il faut des moyens.
    Vous annoncez 40 millions d'euros supplémentaires pour renforcer l'action collective en matière de santé publique. C'est bien mais, sur ces 40 millions, déjà 35 sont destinés à la lutte contre le cancer, action indispensable que nous approuvons, d'autant qu'en dépit des annonces, notamment sur le dépistage du cancer du sein, d'importants retards sont accumulés, un tiers seulement des départements le mettant effectivement en oeuvre.
    Vous voulez étendre cette forme de dépistage aux cancers colo-rectaux et de l'utérus. Nous nous en félicitons, mais nous nous interrogeons fortement sur les moyens réels affectés à ces dossiers, notamment pour ce qui concerne les campagnes d'informations et les structures de dépistage. Il s'agit pourtant de l'argent bien placé, qui permettrait d'éviter, à terme, des gâchis, tant sur le plan financier que sur le plan humain.
    Il reste 5 millions seulement pour des mesures nouvelles en matière de prévention de l'hépatie C, du sida et des maladies sexuellement transmissibles.
    Dans ces conditions, comment faire face aux nouvelles pathologies et aux nouveaux défis de la santé publique : les comportements alimentaires, l'obésité, qui progresse, les maladies mentales et les troubles psychiques, le renforcement de la vaccination, la lutte contre les drogues et les dépendances ?
    Ces préoccupations sont renforcées par l'insuffisance des dotations en faveur des outils et des acteurs de la santé car les directeurs généraux des quatre organismes de sécurité sanitaire - l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence de sécurité des aliments, l'Agence de sécurité sanitaire environnementale et l'Institut de veille sanitaire - ont tous quatre confirmé que ces organismes se trouvent aujourd'hui, et pour la première fois, confrontés à des difficultés de trésorerie potentielles. En 2002, ce sont 25 millions d'euros de gels de crédits qui sont prévus, soit plus de 30 % des crédits votés. Les mesures nouvelles déjà engagées, notamment pour les recrutements et les programmes immobiliers, devront être financées par des ponctions sur les fonds de roulement des agences, ce qui risque de ne pas suffire et de pénaliser des outils d'analyses utiles à une politique de santé publique efficace.
    En ce qui concerne la formation des professions médicales et paramédicales, nous vous donnons acte de la petite progression de 3,5 % et des engagements que vous avez pris concernant certaines professions. Mais quid des médecins du travail, dont on doit mesurer l'importance dans la prévention et, surtout, leur apport dans la détection des maladies professionnelles ? Quid des médecins de PMI pour la prévention des maladies infantiles ?
    Quant aux médecins et infirmières scolaires, quelle politique comptez-vous mener avec votre collègue du ministère de l'éducation nationale pour favoriser leur formation en nombre suffisant, afin d'assurer leur présence dans les établissements d'une façon plus forte et plus homogène qu'aujourd'hui ? Leur rôle est essentiel dans une politique globale de prévention et d'éducation à la santé.
    Vous annoncez des moyens nouveaux en faveur de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, mais nous ne discernons pas clairement leur répartition, notamment en raison de la profonde refonte des périmètres du budget, qui ne permet pas une lisibilité claire.
    Beaucoup de choses sont affirmées pour lutter contre des pratiques addictives, par exemple, mais nous ne savons pas réellement comment les crédits seront employés.
    Concernant l'aide aux personnes handicapées, vous poursuivez la politique du précédent gouvernement, et c'est bien. Les engagements pris dans le passé devraient donc être maintenus et renforcés par de nouveaux axes d'intervention dans l'avenir.
    Le budget progresse de 5,6 %, ce qui permettra sans doute de rattraper un peu du retard accumulé dans ce domaine particulièrement douloureux pour les handicapés eux-mêmes et leurs familles.
    Places en centres d'aide par le travail, places dans les établissements spécialisés - je pense en particulier aux établissements pour jeunes sourds et jeunes aveugles -, aide au maintien à domicile pour les personnes qui en ont la possibilité et qui le souhaitent, aide à l'intégration scolaire pour les enfants handicapés : autant de domaines où il reste des efforts considérables à accomplir en termes de solidarité nationale. Et, de ce point de vue, je regrette que vous n'ayez pas du tout revalorisé l'aide aux adultes handicapés.
    Pour le budget de la famille, comme pour la santé publique, vous nous renvoyez à la conférence sur la famille. Donc l'emploi des crédits, au demeurant modestes, 956 millions d'euros, dont seulement 23 millions pour des mesures nouvelles, reste assez obscur. Quant aux interventions en faveur de la famille et l'enfance, elles sont absorbées à 97,6 % par le remboursement de l'allocation de parent isolé, pour 805 millions d'euros, soit une stabilité par rapport à la loi de finances rectificative pour 2002. Une fois de plus, aucune revalorisation n'est programmée pour cette aide.
    Enfin, pour ce qui concerne la solidarité, les crédits augmentent certes de 4,8 %, mais, une fois financée l'augmentation liée au RMI et à la CMU, il reste peu de chose pour une véritable politique de solidarité nationale destinée à soutenir les plus démunis, toutes ces personnes qui n'ont pas choisi la misère mais qui subissent les aléas de la vie, dans une société impitoyable pour les plus faibles.
    Compte tenu de votre politique budgétaire et sociale qui va fortement aggraver des situations déjà bien difficiles, ces crédits risquent d'être insuffisants.
    Votre gouvernement a décidé des réductions d'impôts qui favorisent les plus aisés, en même temps que la mise en extinction des emplois aidés : CES, CEC, emplois-jeunes. Il a réformé la réduction du temps de travail et envisage de réduire la portée du texte sur la modernisation sociale. Tout cela n'annonce rien de bon, surtout au moment où le nombre de bénéficiaires du RMI recommence à augmenter : plus 1 % au cours des six premiers mois de 2002, pour un total de plus d'un million d'allocataires comptabilisés fin juin, dont 31,7 % n'ont aucun autre moyen de subsistance, soit 2,4 % de plus que six mois auparavant. Non seulement la situation ne s'améliore pas, mais elle s'aggrave.
    Quant à la CMU, nous regrettons qu'elle ne soit toujours pas ouverte de droit aux bénéficiaires de l'allocation pour adulte handicapé ni à ceux de l'allocation de parent isolé ni à ceux du minimum vieillesse. La participation de l'Etat est en hausse de 2,7 % par rapport au budget initial pour 2002, mais en baisse de 13,7 % si l'on tient compte de la loi de finances rectificative.
    Tout confirme, madame la secrétaire d'Etat et monsieur le ministre, que nous sommes loin, avec ce budget, de mettre en oeuvre une véritable politique de santé publique à la hauteur des défis.
    Si ces crédits modestes ne disent pas clairement ce qu'est votre politique de santé, renvoyée, pour leur utilisation réelle, à des conférences ou projets de loi futurs, les récentes déclarations de M. Barrot, sont, elles, plus explicites. Vous vous êtes voulu rassurant mardi dernier, monsieur le ministre. Mais M. Barrot est resté sur ses positions en indiquant, dès le lendemain, qu'« il faudra mieux préciser les contours du panier de soins, chantier confié » - par vous - « à M. Chadelat ».
    Il ne faut pas tenter de tromper nos concitoyens. Personne ne met en cause l'assurance complémentaire en soi. Tout le monde sait son importance, mais tout le monde comprend aussi ce qu'il y a à comprendre, malgré les discours divers et contradictoires.
    Vous dites vous-même que l'augmentation des dépenses de santé est inéluctable. Il faut comprendre, je l'espère, que cette appréciation vaut pour tout le monde, y compris pour les plus modestes.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Evidemment.
    Mme Jacqueline Fraysse. Vous dites aussi qu'il y a un problème de recettes insuffisantes pour la protection sociale, mais vous ne proposez aucune modification de l'assiette en vue de financements nouveaux.
    Alors évidemment, tout ceci explique tout cela. Ce que je vous ai dit, au nom du groupe communiste, lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale n'a pas tardé, hélas, à être confirmé par M. Barrot, le ministre-médecin que vous êtes essayant plutôt d'arrondir les angles. A chacun sa partition, n'est-ce pas ?
    Vous comprenez bien que l'inquiétude est légitime. Vous comprenez aussi que, sans vous faire de procès d'intention, nous ne pouvons, face à une telle politique, que voter contre le budget qui nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
    Mme Muriel Marland-Militello. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, le budget que vous nous présentez contient, à mes yeux, trois symboles forts pour l'avenir des cinq millions de handicapés qui nous entourent. Je voudrais ici exprimer certaines de leurs réserves et de leurs attentes. Je ne reprendrai pas dans le détail l'inventaire des dispositions chiffrées, mais je veux exprimer ce qu'y voit d'abord la population, et en particulier les familles concernées par ce grave problème.
    Le premier de ces symboles forts est de nature politique : pour la première fois, les personnes handicapées ont un secrétariat d'Etat qui leur est exclusivement réservé. C'est un signe auquel ils tiennent beaucoup.
    Le deuxième symbole est d'ordre quantitatif. Comparée aux évolutions des autres ministères et du budget global, la croissance relative de votre budget est l'une des plus fortes. Il est vrai que nous avions beaucoup de retard, mais je trouve très satisfaisant, et les familles l'ont bien compris, que cet accroissement soit aussi important. Compte tenu de la faible marge que nous laisse la difficile situation budgétaire pour 2003, cela a exigé un effort considérable. Mais vous avez réussi, madame la secrétaire d'Etat, à obtenir cette augmentation ; les familles de handicapés vous en remercient.
    Enfin, troisième symbole, ce budget traduit incontestablement une forte volonté d'intégration sociale alors que la plupart de ceux qui l'ont précédé privilégiaient très fortement l'aspect médical du handicap. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de familles de personnes handicapées préfèrent l'expression « personnes en situation de handicap », ce qui distingue bien la personne humaine de sa situation sociale.
    Dans ce budget, il y a une cohérence dans la répartition des affectations financières, favorisée par la prise en charge interministérielle de certains crédits. En particulier, tout ce qui relève de l'accompagnement du handicap, depuis la petite enfance jusqu'aux personnes âgées, en passant par les adultes, est pris en compte de façon pragmatique. Il est essentiel qu'il n'y ait plus d'effets d'annonce et qu'à chaque proposition corresponde un financement.
    Pour aider à la scolarisation des 13 000 enfants handicapés en attente de solutions éducatives, vous créez 500 nouveaux postes d'auxiliaire d'intégration scolaire à la rentrée 2003. Parallèlement, le ministère de l'éducation nationale prévoit de consacrer 8,6 millions d'euros au plan Handiscol, initié il y a trois ans et qui n'a pas donné les résultats escomptés faute de moyens.
    M. Pascal Terrasse. Oh !
    Mme Muriel Marland-Militello. Je le répète, les simples effets d'annonce ne servent à rien!
    Dans la mesure du possible, il convient, vous en êtes consciente, de favoriser l'intégration en milieu ordinaire, qui présente de réelles difficultés. C'est la raison pour laquelle il faut tantôt intensifier, tantôt imposer, aussi bien au sein des IUFM que lors des stages de formation continue, la formation du corps enseignant à une approche à la fois médicale et psychologique des handicapés. En effet, l'une des raisons de l'exclusion des enfants handicapés en milieu scolaire tient au fait que les professeurs ne sont pas formés pour les accueillir. La baisse du nombre d'enfants par classe devrait également favoriser leur intégration.
    N'oublions pas les polyhandicapés très lourds, pour lesquels vous avez prévu une augmentation du nombre des classes adaptées et des institutions médico-éducatives. Mais les moyens demeurent insuffisants, nous le savons, et bien des progrès restent à faire. Nous comptons sur vous pour que ces premiers efforts se prolongent dans les années qui viennent.
    Pour ce qui concerne les mesures d'intégration sociale en faveur des adultes en situation de handicap, l'effort sera doublé en 2003 par rapport aux prévisions quinquennales. Ainsi, 3 000 nouvelles places seront créées dans les centres d'aide par le travail, avec un budget de 1,1 milliard d'euros. Actuellement, il manque entre 10 000 et 15 000 places dans les CAT, mais ce doublement permettra d'accélérer l'insertion des jeunes adultes et libérera également des places en institut médico-éducatif, jusqu'à présent bloquées par des personnes à même d'exercer un travail. Cependant, cet accroissement ne peut porter ses fruits que si les CAT acceptent de s'orienter vers des formations plus adaptées au marché du travail, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement.
    L'insertion professionnelle des travailleurs handicapés sur le marché du travail, qui est le but recherché, est en effet encore très largement insuffisante puisque leur taux de chômage est estimé à 26 % contre une moyenne nationale de 9 %. Cette situation est d'abord due à l'impossibilité actuelle de cumuler l'AAH avec un emploi à temps partiel, ce qui n'incite pas les personnes handicapées à rechercher un emploi.
    M. François Goulard. Très juste !
    M. Pascal Terrasse. Pas du tout ! Les règles de cumul applicables aux revenus d'insertion s'appliquent à l'AAH.
    Mme Muriel Marland-Militello. Une réforme dans ce domaine nous paraît indispensable. Rien n'est pire pour la personne exclue que le chômage, rien n'est plus grave financièrement pour la société.
    Une autre raison du chômage des handicapés tient au non-respect généralisé de la loi de 1987 qui impose aux entreprises de plus de vingt personnes un quota de 6 % de salariés handicapés. Près de la moitié des entreprises ne respectent pas ce quota. Je propose donc d'augmenter la compensation qu'elles doivent verser à ce titre. Et pour les entreprises publiques, qui respectent encore moins cette obligation, je m'associe à la proposition faite par M. Bernard Accoyer lors de la précédente législature, qui consistait à imposer à celles n'appliquant pas le quota des investissements pour adapter les lieux de travail et faciliter les conditions de vie et de travail des personnes handicapées. Ces deux propositions permettraient à la fois d'augmenter le budget en faveur de l'insertion professionnelle et d'abaisser le coût des installations d'accessibilité pour le budget de l'Etat.
    Mais l'insertion des personnes handicapées passe aussi par une meilleure qualité de vie à domicile et dans les maisons d'accueil spécialisées pour les polyhandicapés lourds. C'est la raison pour laquelle nous sommes très satisfaits de à la création de 400 postes d'auxiliaires de vie qui favoriseront le maintien à domicile des personnes qui le souhaitent et de 309 postes pour l'accompagnement des personnes très lourdement handicapées.
    Actuellement, 66 % des personnes handicapées sont aidées par des non-professionnels, 13 % seulement par des professionnels et 25 % par des assistants professionnels ou des proches. C'est dire l'ampleur des manques.
    Mais créer des postes d'auxiliaires ne suffit pas, qu'il s'agisse des auxiliaires de vie ou des auxiliaires d'intégration scolaire. Aussi sommes-nous très satisfaits de la création, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale, du métier d'auxiliaire de vie, offrant une perspective de carrière, contrairement aux emplois-jeunes initiés par le précédent gouvernement. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d'Etat, pour mener à bien cette initiative. Elle est essentielle pour assurer la qualité des auxiliaires de vie et d'intégration scolaire, pour accroître le nombre des candidats à ce genre de fonction.
    Enfin, l'intégration sociale des adultes handicapés passe par la facilité d'accès aux aides. C'est pourquoi nous parlons depuis très longtemps de la simplification des démarches administratives, qui va être généralisée, nous l'espérons, grâce à la création de trente nouveaux sites départementaux pour la vie autonome.
    M. le président. Merci, ma chère collègue, de bien vouloir vous approcher de votre conclusion.
    Mme Muriel Marland-Militello. Les familles n'iront plus d'un service à l'autre, mais pourront s'adresser à un guichet unique pour examiner la situation propre à chaque personne handicapée et définir un plan d'aide individuel complet.
    Je terminerai, madame la secrétaire d'Etat, en insistant sur l'importance des approches collectives : au niveau gouvernemental par des missions interministérielles pour le handicap et, au niveau de la société civile, par une médiatisation en milieu ordinaire. Plus nous aurons de handicapés autour de nous dans notre vie quotidienne, plus nous les considérerons comme des personnes à part entière de la société civile. Alors enfin, le sentiment de solidarité sera un sentiment spontané et naturel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Excellente intervention !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, votre budget est à l'image de votre politique.
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. Donc excellent, voire remarquable !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il est intéressant au premier regard, mais, à l'examen, on s'interroge sur la forme et on s'inquiète sur le fond. Nous regrettons que les effets d'annonce l'emportent souvent sur le reste...
    M. François Sauvadet. C'est vous qui osez dire cela !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... au risque de fragiliser la nécessaire continuité de l'action en matière de santé publique.
    Sur la forme, d'abord, quelles critiques n'avions-nous pas entendues de votre part à propos de la distinction entre budget de l'Etat et budget de la sécurité sociale et des règles de transparence qui doivent s'appliquer à l'un comme à l'autre ! Or, pour l'instant, le moins que l'on puisse dire, c'est que la transparence n'a pas beaucoup progressé. Vous nous donnez des perspectives. Prenons-en acte. Mais nous ne savons toujours pas comment va se construire l'action publique globale, y compris en matière de santé publique.
    Nous ne savons toujours pas, pour la simple lecture du projet de loi de finances, comment vont s'appliquer les règles que nous avons adoptées dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances. D'ailleurs, le rapporteur spécial l'a lui-même souligné, pour la présentation budgétaire, non seulement nous ne progressons pas mais, sous certains aspects, nous régressons. Ainsi, en matière de lisibilité, nous sommes en contradiction avec les nouvelles règles budgétaires : les crédits du pôle santé, par exemple, sont gonflés artificiellement au détriment du pôle solidarité.
    Quant au fond, nous avons, en raison même des questions de forme, quelques difficultés à en juger, faute d'une mesure exacte de l'action publique globale. La réalité de l'action menée dépendra, bien sûr, de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale mais aussi de l'ampleur des régulations budgétaires, sur lesquelles nous ne sommes au clair ni pour 2002, ni a fortiori pour 2003. Toutefois, nous avons le sentiment que ces phénomènes, qui ont déjà beaucoup joué en 2002, risquent de se reproduire avec encore plus d'acuité en 2003, étant donné le contexte et les éléments généraux sur lesquels a été construit votre budget. D'ores et déjà, il apparaît que les prévisions de gel en 2002 et les reports sur 2003 dépassent 100 millions d'euros.
    Nous nous interrogeons donc sur le contenu et les moyens réels du plan quinquennal de santé publique que vous nous présenterez dans quelques semaines. Cinq millions d'euros, c'est beaucoup, mais ce n'est pas à la hauteur des ambitions que vous affichez pour le rééquilibrage entre la santé publique et le soin.
    Pour le plan contre le cancer, nous notons une avancée relativement importante avec 35 millions d'euros supplémentaires. Toutefois, si l'on considère l'action publique globale, on constate la même progression qu'entre 2001 et 2002. J'espère donc que ces 35 millions ne seront pas simplement inscrits au budget de l'Etat mais financeront effectivement des avancées. Comme nombre de nos collègues, nous attachons en effet une importance primordiale - nous vous l'avons déjà dit lors de l'examen du PLFSS - à l'ensemble de ces initiatives et nous souhaitons que ne soient pas oubliés les autres plans de santé publique - pour certains seulement mis en chantier et pour d'autres déjà mis en oeuvre -, qui méritent évidemment la continuité de l'action publique.
    Je veux par ailleurs attirer votre attention sur les agences, dont chacun sait qu'elles sont fragilisées. Vous avez, et on peut le comprendre, fait en sorte de mobiliser les réserves qui existaient mais, aujourd'hui, nous sommes en recul et nous risquons d'être confrontés à de grandes difficultés en 2003. On ne peut en effet mobiliser deux fois ces ressources. Il faudra donc augmenter considérablement les dotations l'année prochaine. Voilà un bel effet d'annonce, me direz-vous. Espérons qu'il sera à la hauteur des besoins ! Nous avons malheureusement quelques craintes, à cet égard.
    J'aurais pu évoquer aussi l'action que vous menez contre la toxicomanie mais, le temps m'étant compté, je laisserai à d'autres collègues le soin d'intervenir sur ce point.
    J'en viens à présent au financement de la CMU, pour constater d'abord qu'en la matière il n'y a pas véritablement de mesure nouvelle. Contrairement à ce que vous avez indiqué, c'est bien dans la convention d'objectifs et de gestion entre la CNAM et l'Etat, négociée en 2002, qu'ont été dégagés 10 % pour lutter contre les effets de seuils. Cela avait d'ailleurs été annoncé dans la discussion budgétaire de l'année dernière. Nous assistons en fait à des transferts de fonds qui compliquent évidemment le discours.
    Enfin, vous affichez, après M. Barrot, la volonté de substituer une allocation personnalisée de santé à la CMU. Vous commettriez là une erreur historique. Si la CMU a été créée, c'est notamment parce que les assurances complémentaires n'avaient pas su mettre en oeuvre une politique de solidarité en faveur des exclus. Vouloir leur confier ce rôle reviendrait à oublier les leçons de l'histoire. En outre, les exclus, et notamment les plus exclus d'entre eux, n'ont pas facilement recours, fût-ce avec l'aide directe de l'Etat, aux assurances complémentaires.
    Nous partageons donc la philosophie du Gouvernement s'il s'agit d'aller plus loin dans la lutte contre les effets de seuil.
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. C'est absolument nécessaire !
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais cela ne saurait passer par le démantèlement de la CMU. nous verrions là une régression sociale considérable sur laquelle nous appelons votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Mesdames, messieurs, dans le temps qui m'est imparti, et n'ayant pas les compétences de mon ami Jean-Luc Préel, je me contenterai d'évoquer un certain nombre de points chers au groupe Union pour la démocratie française que je représente à cette tribune ; François Sauvadet complétera en outre cette intervention tout à l'heure. Je poserai quelques questions et je ferai part aussi d'un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes en toute simplicité, beaucoup de choses ayant d'ores et déjà été dites au cours de la discussion sur l'ONDAM.
    Je retiendrai pour ma part les 5 % d'augmentation de ce budget de la santé. Ce pourcentage est cohérent avec le souhait du Président de la République, exprimé le 14 juillet dernier, de voir son quinquennat permettre des avancées dans les domaines du cancer et du handicap parrallèlement aux actions qu'il souhaite mener en matière de sécurité routière, les accidents sur nos routes ayant un lien direct avec les questions de santé.
    S'agissant du volet santé, le groupe UDF se réjouit des mesures relatives à la formation médicale, de l'augmentation des crédits de l'Ecole nationale de santé publique et de la nouvelle organisation des soins. Ces propositions nous semblent satisfaisantes, en effet, tout comme celles qui concernent la lutte contre les risques sanitaires liés à l'environnement et au milieu de vie.
    Par contre, nous souhaiterions avoir des précisions sur votre programme de nutrition ainsi que sur celui qui porte sur la santé mentale et le suicide.
    Nous nous inquiétons par ailleurs de la baisse des crédits relatifs au sida alors que, d'après les derniers chiffres connus, nombre de personnes sont encore victimes de cette maladie et, plus encore, de la diminution des crédits consacrés à la lutte contre la toxicomanie. Notre collègue UDF député du Nord, Francis Vercamer, vous a du reste interrogé par écrit sur ce point. Quantité d'associations - je pense à l'ANIT en particulier mais aussi à d'autres centres de soins spécialisés avec cette baisse de crédits - risquent en effet d'être contraintes de fermer des services, en tout cas de réduire leur personnel.
    Par souci de clarification, vous avez souhaité transférer à l'assurance maladie ces actions en matière de toxicomanie. Cela nous semble être une bonne chose.
    Il est en revanche un autre transfert sur lequel nous souhaiterions, sans vouloir ouvrir de polémique, avoir des explications, celui qui concerne l'interruption volontaire de grossesse car de nombreuses associations nous ont interrogés sur ce point. De manière plus générale, y a-t-il une volonté d'aider les femmes en détresse, celles qui ont avorté et qui sont marquées pour le reste de leur vie par cet acte ? A-t-on les moyens de présenter à celles qui en sont encore à l'étape du choix toutes les alternatives possibles ? Peut-on les aider lorsqu'elles choisissent de garder leur enfant ?
    Le groupe UDF souhaite également avoir des précisions sur les soins palliatifs. Nous savons en effet que notre pays a pris un certain retard en ce domaine. Selon les informations dont nous disposons, un tiers seulement des besoins seraient satisfaits. Qu'en est-il ? Par ailleurs, nous sommes souvent interpellés dans nos circonscriptions sur les maladies orphelines. Des personnes nous expliquent, par exemple, qu'elles n'ont pas la possibilité de bénéficier d'un congé de longue maladie lorsqu'elles sont atteintes de ces maladies.
    Je rappellerai ici pour mémoire un certain nombre de questions évoquées par notre ami Jean-Luc Préel lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    Il a souhaité une régionalisation des soins afin que l'on soit le plus proche possible de ceux auxquels ils s'adressent.
    Il a demandé aussi un débat annuel sur les orientations de notre système de santé, ce qui nous semble une bonne chose, et des mesures tendant à aller vers la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il a également mis l'accent sur le préventif, qui reste trop souvent le parent pauvre de ce budget.
    Enfin, lors de l'examen de ce texte en commission des finances, la démographie médicale a fait l'objet d'un débat très intéressant que vous pourriez reprendre à votre compte, monsieur le ministre.
    Sur la famille, nous nous réjouissons que des mesures soient prises pour responsabiliser les parents et pour améliorer l'écoute et l'accompagnement. C'est une très bonne chose. Les dispositions destinées à renforcer les droits des enfants et la lutte contre la maltraitance nous donnent également entière satisfaction. En revanche, et nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous sommes hostiles au transfert de l'excédent de la branche famille vers la branche vieillesse. Nous avons aussi exprimé un certain nombre de réticences sur le complément de prestations familiales. Nous aurions souhaité que son montant soit variable et qu'il soit versé jusqu'à vingt-deux ans, et non pas vingt et un ans .
    Enfin, nous aurions aimé que les allocations familiales soient revalorisées et que l'augmentation soit plus en rapport avec celle des salaires et du coût de la vie.
    Monsieur le ministre, l'UDF a toujours défendu avec force les questions relatives à la famille.
    M. François Sauvadet. Et c'est bien !
    M. Gilles Artigues. La famille est une cellule essentielle d'épanouissement du jeune. En cette époque marquée par la perte des valeurs, il faut absolument que le famille soit soutenue dans un cadre global et pas seulement au détour de quelques mesures ponctuelles ou à courte vue.
    M. François Sauvadet. Très juste !
    M. Gilles Artigues. Sur le handicap, nous nous réjouissons bien évidemment de l'accroissement du nombre de places dans les centres d'aide par le travail, de celui du nombre des auxilliaires de vie et des auxiliaires d'intégration scolaire, et de l'augmentation de l'aide aux adultes handicapés. Les sites départementaux pour la vie autonome, qui nous semblent aller dans le bon sens, vont-ils être développés ? Dans la perspective européenne, nous nous posons également des questions très précises sur le maintien à domicile. Il y a en effet un nombre important de structures dans notre pays alors que nos partenaires européens aident davantage la personne. Madame la secrétaire d'Etat, va-t-on prendre en compte la dimension européenne du handicap ?
    Enfin, l'UDF considère que la région sans doute l'échelon le mieux adapté pour gérer cette politique. Mais nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des différentes lois de décentralisation.
    L'UDF, nous tenons à le rappeler avec force, a toujours défendu la personne handicapée, que ce soit à l'école, au travail ou à domicile. La semaine sur le travail des handicapés est précisément destinée à nous faire prendre conscience qu'un changement important de mentalité est nécessaire. Bien sûr, nous allons lutter contre toute les formes d'inaccessibilité matérielles. Mais il faut aussi que le regard change.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Gilles Artigues. En conclusion, le groupe UDF votera le budget de la santé, de la famille et des personnes handicapées, qu'il voit comme un budget de transition. Il est vrai que vous êtes en place depuis peu de temps et que l'héritage est lourd notamment du fait de l'absence d'une vision prospective du précédent gouvernement. Dans l'attente des grands textes que vous nous promettez, de votre plan quinquennal, monsieur Mattei, de cette grande loi sur le handicap qui viendra compléter celle, déjà ancienne, de 1974, madame Boisseau, et de cette politique forte en matière de famille que vous voulez définir autour de la conférence de la familles, nous vous faisons entière confiance. Le vote de l'UDF doit donc être compris comme un appel à une politique plus volontariste et plus ambitieuse encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. Excellent, monsieur Artigues ! Quel talent !
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Mesdames, messieurs, en commission des finances, nous sommes un certain nombre à regretter que les ministres nous disent : « Mon budget est bon parce qu'il augmente. » Mais force est de reconnaître qu'il existe des exceptions et que votre budget, monsieur le ministre, en fait partie (Sourires.) C'est pourquoi chacun d'entre nous se réjouit de l'augementation sensible de 4,4 % du budget que vous nous présentez.
    Nous nous félicitons en outre que cette progression soit due à la mise en oeuvre d'une grande politique en faveur des personnes handicapées. Cela a d'ailleurs été souligné précédemment
    Certains orateurs ont cependant critiqué la présentation de ce budget. De fait, les modifications intervenues dans les structures gouvernementales ont entraîné fatalement des modifications dans la présentation budgétaire. Le constat s'impose : il est urgent que la nouvelle loi organique sur les lois de finances entre en application. Les ministères dont vous avez la charge se prêteront précisément très bien à la mise en oeuvre des budgets de programme. C'est donc avec une certaine impatience que nous attendons la présentation de vos actions publiques sous forme de programme, de telle sorte que le Parlement cerne mieux l'utilisation réelle des crédits.
    S'agissant du gel des crédits, évoqué par un orateur de l'opposition, il faut être clair : la régulation existe depuis maintenant deux décennies. Désormais, la commission des finances en est régulièrement informée, ce qui, en matière d'information du Parlement, constitue un progrès incontestable au regard des pratiques précédentes.
    Venons-en aux grands axes de votre politique. Naturellement, le budget ne reflète qu'une partie de vos nombreuses attributions, dont la plus grande part a été examinée, sous l'angle financier, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale. Néanmoins, des axes très forts se dégagent à la lecture de ce budget, en particulier en ce qui concerne les politiques de prévention. S'il est un progrès dans la clarification de la présentation des finances sociales et des finances publiques, c'est bien cette distinction que vous opérez désormais entre les politiques de prévention et de soins qui relèvent respectivement du budget de l'Etat et de l'assurance maladie. Cette nouvelle présentation va de pair avec l'affirmation d'une volonté politique qui se traduit dans les chiffres et qui fait de la prévention - enfin ! - une priorité. Chacun d'entre nous se réjouit en particulier des mesures relatives au dépistage de certains cancers. Cette inflexion est décisive et profitera à la très grande majorité de nos compatriotes.
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !
    M. François Goulard. S'agissant des agences sanitaires, il faut noter en effet que des crédits n'avaient pas été consommés, comme cela est assez fréquent dans ce type d'organismes. Certaines trésoreries étaient excédentaires. Cela a permis, sans suite à leur action, de diminuer leurs crédits et d'afficher des mesures nouvelles. Il n'y a là rien de critiquable, bien au contraire.
    Par ailleurs, j'ai été très sensible, monsieur le ministre, à vos explications sur la transparence. Ces agences sont effectivement destinées à éclairer les choix sous un angle scientifique et à laisser aux responsables politiques, que vous êtes et que nous sommes, gérer les choix qui leurs incombent.
    J'ai aussi apprécié vos propos sur la nécessaire clarification du principe de précaution trop souvent mis en avant pour tout refuser, alors que, nous le savons, pris au pied de la lettre, ce principe a un pouvoir d'inhibition totale. Par conséquent, il faut hiérarchiser et rendre les choix plus objectifs. Votre vision de ces problèmes nous permettra certainement de progresser.
    Enfin, et c'est le point le plus important pour la partie santé, qu'en est-il des crédits de la couverture maladie universelle dite complémentaire ? Des annonces plus qu'intéressantes ont été faites sur ce sujet. La compensation forfaitaire serait ainsi revalorisée. Aujourd'hui, nous le savons, les organismes complémentaires sont dissuadés d'assumer leurs responsabilités du fait d'une compensation forfaitaire fixée à un niveau sans doute trop bas et, qui plus est, non revalorisé depuis plusieurs années. Il y a aussi le fameux effet de seuil que nous avions dénoncé en son temps. Ce que vous avez dit à cet égard, monsieur le ministre, est tout à fait fondamental, même si cela fait l'objet de la critique de l'opposition, qui, en l'occurrence, ne trouve pas grand-chose à critiquer. Quand on est de bonne foi, on ne peut, en effet, que se réjouir de la plupart des mesures annoncées par le Gouvernement en matière de santé publique et d'assurance maladie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Forgues. Rendez-vous dans un an !
    M. François Goulard. Il est nécessaire de rendre plus solvables ceux qui ne bénéficient pas de la couverture maladie universelle aujourd'hui et qui, pour autant, n'ont pas les moyens d'accéder aux couvertures complémentaires.
    Mme Hélène Mignon. On l'a dit !
    M. François Goulard. Le président Barrot a eu raison d'affirmer, comme vous, monsieur le ministre, à l'instant, que des besoins restent à satisfaire en matière de financement des couvertures complémentaires. C'est une évidence absolue. Pourquoi feindre de croire que c'est l'amorce d'une menace pour l'assurance maladie ou les prémices de je ne sais quelle assurance maladie à deux vitesses ? C'est, au contraire, pour parfaire la protection sociale des Français que ces mesures sont envisagées. Quand on analyse avec objectivité et honnêteté ces annonces, on ne peut que les comprendre ainsi.
    M. Jean-Claude Lemoine. Très juste !
    M. François Goulard. Enfin, de même que des modifications doivent être apportées au champ de la loi de financement de la sécurité sociale, il convient, de façon symétrique, de faire évoluer celui du budget. S'il est en effet incompréhensible que les régimes complémentaires obligatoires ne relèvent pas de la loi de financement de la sécurité sociale, de la même façon la couverture maladie universelle, qui n'est pas une obligation, mais un droit reconnu à nos concitoyens en fonction de leur situation, relève de l'assurance maladie, dont le financement incombe à la solidarité. Alors que des ressources sans aucun rapport avec la sécurité sociale sont inscrites dans les lois de financement, il peut paraître paradoxal que la couverture maladie universelle n'y figure pas. Il s'agit d'un transfert financier, mais dont la présentation serait infiniment plus cohérente dans le cadre de la loi de financement.
    Il est normal, après quelques mois, qu'une telle réforme n'ait pas encore été entreprise par le Gouvernement. Mais nous connaissons, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'Etat, vos projets nombreux et votre ambition pour la protection sociale de nos compatriotes, ce qui nous conduit naturellement à soutenir et à approuver le budget que vous nous présentez. (Applaudissement sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Madame la secrétaire d'Etat, les personnes handicapées ne constituent pas un groupe homogène, elles sont rencontrées à tous les niveaux du tissu social par l'aléa de la naissance ou au cours de la vie. Les handicaps révélés peuvent être isolés ou multiples, l'âge variable de la naissance à la fin de la vie.
    Dans un passé relativement récent, les personnes handicapées, surtout celles porteuses d'un handicap congénital, étaient confinées dans le silence, voire dans le secret des familles, vivant hors du regard - en tout cas hors de toute vie sociale.
    Ce sont des réalités de type culturel qui conditionnent le regard positif ou négatif communément porté sur elles.
    Les mentalités doivent changer - vous en êtes consciente, je le sais, madame la secrétaire d'Etat. Il est de notre devoir de tout faire pour que le retard enregistré par rapport aux pays scandinaves par exemple, soit gommé, et cela commence dès l'enfance.
    La volonté marquée de Ségolène Royal, lors de la mise en place du fonds d'investissement pour la petite enfance, de favoriser les collectivités locales prêtes à recevoir des enfants handicapés dans les structures consacrées à la petite enfance doit être bien sûr poursuivie. Peut-être faudrait-il aussi s'assurer que les engagements pris au moment des signatures de contrats ont été tenus par les collectivités locales.
    La généralisation du programme Handiscol demande à la fois la volonté et crédits. Or vos propositions ne semblent pas à la hauteur des besoins. De nombreux emplois-jeunes remplissent le rôle d'auxiliaire de vie. Certains pourront solliciter la reconnaissance des acquis professionnels, mais le nombre prévu est sans doute insuffisant pour couvrir les besoins.
    La loi qui organise la nécessaire accessibilité des handicapés aux lieux publics remonte à vingt ans seulement. Mais combien existe-t-il, dans les administrations, de guichets où un sourd profond puisse accomplir des formalités pourtant nécessaires à tout citoyen ? Ce ne sont pas des actes de charité que demandent les personnes handicapées, mais d'avoir, dans le cadre de la solidarité nationale, accès au droit, à la dignité, à la capacité de progrès. Nous devons savoir écouter les personnes handicapées et leurs familles ; prendre en compte, sans stigmatisation, le choix de tel ou tel mode de vie, et y répondre. Des avancées importantes ont été faites pendant la législature précédente, comme l'entreprise de rénovation de la loi d'orientation de 1975. Elles doivent continuer, mais il faut s'en donner les moyens.
    Votre budget « de transition » - de transition vers quoi ? - n'est pas à la hauteur des volontés affichées. Vous savez que de nombreux dossiers, concernant en particulier le polyhandicap ou l'accueil des personnes âgées, sont en attente de financement, du fait du décalage entre les décisions des CROSS et les décisions budgétaires. A cet égard, je ne comprends pas la décision de geler les autorisations de programmes et les crédits de paiement pour 2002.
    On avance parfois comme explication la non-consommation des crédits dans tel ou tel département. Pour ma part, je sais qu'en Haute-Garonne et en Midi-Pyrénées c'est le contraire qui se passe. Vous savez qu'il de longs mois, quelquefois des années, entre les décisions du CROSS, les autorisations et la mise à disposition du financement.
    M. François Sauvadet. Eh oui !
    Mme Hélène Mignon, qui, parce qu'il n'est pas toujours à la hauteur des attentes, impose des délais administratifs supplémentaires pour rechercher des prêt ou des subventions complémentaires auprès des collectivités locales.
    Le nombre d'enfants et adultes dont la situation reste encore sans solution est estimé à environ 8 000. Mais en réalité, le nombre total des personnes ne disposant pas de solution adaptée est bien plus important. La population vieillit. Les handicapés ont aussi une durée de vie qui s'allonge. A leur handicap s'ajoutent les conséquences du vieillissement.
    Des mesures en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées restant à domicile sont annoncées dans ce budget, mais il nous faut aussi penser à celles qui sont en institution. En effet, l'accroissement de leur nombre entraînera forcément des dysfonctionnements dans les maisons d'accueil spécialisées, même si vous annoncez une augmentation du nombre de places. A l'âge fatidique de soixante ans, elles perdent leur statut d'handicapé. Leur placement éventuel en maison de retraite ou en long séjour serait alors catastrophique. Pourtant, c'est ce qui commence à se produire.
    Mieux accueillir les traumatisés crâniens, les autistes, les polyhandicapés est également un de nos soucis. Les financements devraient être renforcés en ce qui les concerne. Apparemment, ils diminuent.
    Si l'augmentation des places en CAT est une bonne chose, il faut faire en sorte que l'accueil des handicapés en milieu normal - service public, secteur marchand - soit une réalité. La mission des AGEPHI n'est pas celle de simples caisses enregistreuses.
    En cette semaine pour l'emploi des personnes handicapées, tous ces problèmes sont largement évoqués sur les ondes. Mais nous ne pouvons nous contenter d'une médiatisation de quelques jours par an. Il faut envisager une réponse efficace.
    On pourrait aussi aborder le problème des COTOREP, mais le temps m'est compté et je n'y reviendrai pas.
    Madame la secrétaire d'Etat, je n'ai pas trouvé dans ce budget, qui manque de lisibilité et de transparence, la progression qu'on aurait pu en attendre pour satisfaire la volonté affichée le 14 juillet par M. le Président de la République. Je le regrette pour tous ceux qui sont en attente d'une solution. C'est pour ces raisons que le groupe socialiste ne votera pas ce budget.
    Permettez-moi maintenant de vous poser une question, madame la secrétaire d'Etat. Il y a quelques jours est paru dans la presse un entrefilet qui m'a beaucoup choqué. Si vous l'avez vu, je pense qu'il vous a aussi interpellé. Il faisait état d'une enfant de trois ans qui n'a pas pu être acceptée à la cantine scolaire de la commune où elle vit parce qu'elle est diabétique. Cette commune fait partie de l'agglomération de Montpellier. Peut-être la DDASS pourrait-elle se pencher sur ce problème et faire en sorte que la mère ne soit pas obligée d'interrompre son travail pour nourrir son enfant le midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, mes propos s'inscriront dans le prolongement de ceux que Gilles Artigues a tenus au nom de notre groupe. Si notre système de santé a sans aucun doute fait la preuve de son efficacité, chacun ici sait qu'il est au bord de l'explosion. Les personnels qui le servent, en particulier, sont, en raison de l'application des 35 heures et des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier, dans une situation de tension parfois extrême.
    Monsieur le ministre de la santé, votre action se fondera avec raison sur un double thème : la solidarité et l'éducation à la santé.
    La première n'est pas l'apanage de la gauche. Nous voulons, à droite, assumer pleinement les missions de solidarité.
    Quant à la seconde, elle constitue justement le meilleur moyen de maintenir un système solidaire, en mettant en avant ce que vous avez appelé une « culture de la prévention ». Comme on l'a déjà rappelé, celle-ci ne concerne pas seulement les cancers.
    En matière de solidarité, je soutiens bien évidemment l'effort consenti en faveur de la prise en compte du handicap et de l'insertion des handicapés. A cet égard, je voudrais insister sur le nombre de familles qui, dans le cas des handicaps lourds, ont des difficultés à poursuivre leur mission aux côtés de leurs enfants ou de leurs ascendants. Une attente très forte s'exprime en ce domaine, qui appelle un effort très prononcé, en particulier s'agissant du nombre de places en maisons d'accueil spécialisées.
    En ce qui concerne la CMU, vous l'avez dit vous-même, nous devons veiller à corriger les effets de seuil en procédant à une forme de lissage. Des propositions ont été faites et le débat n'est pas clos sur le sujet. Mais nous devons également nous attaquer résolument aux inégalités territoriales, qui se sont accrues.
    En matière de prévention, nous devons garder à l'esprit les difficultés croissantes que rencontrent les hôpitaux et les structures d'accueil de proximité à trouver des personnels en nombre suffisant pour occuper les postes vacants. C'est particulièrement vrai pour des intitutions dont l'intérêt en termes de santé publique n'est contesté par personne que sont les hôpitaux de proximité et les structures installées en milieu rural.
    Il convient avant tout de desserrer l'étau qui entoure la formation. Vous l'avez d'ailleurs vous-même évoqué. Mais je pense aussi que l'Etat doit s'attacher à régler dans les meilleurs délais la question primordiale de la présence territoriale des médecins, des spécialistes ou des infirmières, par exemple par le biais d'incitations fiscales ou salariales dirigées en priorité vers les spécialités qui font le plus défaut, notamment en milieu rural. Il suffit en effet de consulter les cartes de la présence médicale pour constater la réalité d'une fracture territoriale.
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !
    M. François Sauvadet. Sans revenir sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il convient d'encourager les CHU à jouer un rôle particulier en direction des hôpitaux de proximité, notamment en ce qui concerne la mise à disposition des compétences, dans le but de favoriser le triptyque formation/présence/compétence, mais aussi le domaine de la prévention. De telles passerelles seraient utiles, notamment dans l'ambulatoire.
    Une autre mesure préconisée par l'UDF consisterait à mettre en place une formation des médecins et des infirmiers au plan régional.
    Nous devons avoir le souci de clarifier. Tout à l'heure, Jean-Luc Préel évoquait les DRASS, les DDASS, les ARH, le préfet... Toutes ces personnes, toutes ces institutions ont des compétences propres. Nous devons parvenir à simplifier ce système, le rendre plus efficace et plus lisible par l'opinion, car la santé est avant tout un problème de société. L'organisation territoriale, en particulier, doit être mieux comprise de nos compatriotes. Et de même qu'il faut clarifier les actions, nous devons arrêter de créer de l'instabilité dans ce pays.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Bien sûr !
    M. François Sauvadet. Les schémas régionaux d'organisation sanitaire sont le lieu d'une réflexion à laquelle sont associés les élus locaux, ce dont je me réjouis, parce que la santé n'est pas qu'une affaire de spécialistes. Mais dès que ces schémas sont arrêtés, et avant même qu'ils n'aient eu le temps de s'appliquer, une réflexion nouvelle est lancée. Nous sommes dans un état permanent de fragilité. Vous avez souligné, au plan national, la nécessité d'inscrire une action dans la durée, d'où la loi de programmation. Déclinons cette volonté au niveau du territoire avec la mise en place de SROSS susceptibles d'établir dans la durée un cadre pour les personnels qui assument les missions de santé.
    M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure.
    M. François Sauvadet. Je m'achemine vers la conclusion, monsieur le président.
    La régionalisation de nos systèmes de santé - Jean-Luc Préel pourrait en parler mieux que moi - est donc incontournable pour mettre en adéquation les besoins de santé dans les régions avec les moyens prévisibles et disponibles.
    Un autre point me préoccupe, en tant qu'élu d'une circonscription rurale, qui compte 344 communes : il est de plus en plus difficile de trouver à remplacer les médecins. Et je ne parle même pas de leur installation ! De grâce, monsieur le ministre, ayons également une réflexion sur le sujet. Ceux qui font le choix de développer leur activité à la campagne ont aussi leur propre vie. Ils doivent pouvoir être remplacés. Je vous parle de problèmes concrets, qui se posent au quotidien.
    Un dernier mot, enfin ...
    M. le président. Très rapidement, monsieur Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Je terminerai là dessus, monsieur le président, mais il s'agit d'un sujet important.
    M. le président. Je comprends.
    M. François Sauvadet. En tant qu'ancien président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'ESB, je vous ai écouté avec attention affirmer, à propos de l'AFSSA, qu'il ne fallait pas faire jouer aux experts le rôle qui revient aux politiques. Je partage votre sentiment : à l'expert le soin d'apporter un éclairage sur le contour scientifique d'une question,...
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Absolument !
    M. François Sauvadet ... au politique le soin de prendre la responsabilité qui lui incombe. Mais sur cette question, vous avez oublié d'évoquer la place de l'Europe.
    Si nous avons connu des dysfonctionnements aussi lourds sur le plan européen, c'est parce que l'expertise n'était pas partagée entre les agences nationales et l'agence européenne. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous soyez aussi le ministre de la coordination des politiques de santé et de précaution au plan européen. C'est une nécessité absolue, parce que nous évoluons dans un marché ouvert et que les marchandises circulent. C'est d'ailleurs une question qu'il faudrait porter devant l'OMC, je vous le dis très franchement. Mais c'est un autre sujet.
    Quoi qu'il en soit, le groupe UDF sera à vos côtés dans la recherche d'une plus grande proximité et pour une limitation de la fracture territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.
    Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre délégué à la famille, le budget que vous présentez est l'expression de votre volonté politique et de celle de tout le Gouvernement de donner à la famille toute sa place au coeur de notre société.
    Ainsi que le disait le Président de la République, Jacques Chirac, le 10 octobre 2001 : « Régulièrement, on croit la famille démodée, on prévoit sa disparition, on annonce que le lien entre les générations va se rompre. Et bien sûr, régulièrement on se trompe. Malgré les difficultés et l'évolution des aspirations individuelles, la famille reste au coeur de l'équilibre de chacun et au coeur de la cohésion de notre société tout entière. Elle est la clé de voûte, le miroir de notre société, le creuset de son avenir. »
    Avec 956 milions d'euros, en augmentation de 8 % par rapport à 2002, le budget de la famille comporte deux points importants : le financement de l'API, allocation de parent isolé, et celui d'organismes exerçant au nom de l'Etat la tutelle ou la curatelle publique.
    Cependant, la politique familiale ne saurait se résumer à ces deux points et il convient d'y ajouter les mesures fiscales en faveur des familles contenues dans la première partie du projet de loi de finances ainsi que la mesure pour les familles nombreuses ayant des enfants majeurs contenue dans le PLFSS.
    Mais la politique de la famille, c'est aussi la préparation de la Conférence de la famille et la réflexion que vous avez engagée autour d'axes importants, qui ne sauraient se résumer à des chiffres, ni faire l'objet de décisions hâtives.
    Examinons maintenant le détail de votre budget.
    L'API d'abord, créée en 1976 : c'est une allocation dont le nombre de bénéficiaires ne cesse d'augmenter du fait de l'accroissement du nombre des familles monoparentales, qui évolue parallèlement à celui des naissances. Afin de financer cette aide, une enveloppe de 805 millions d'euros est prévue. Pour mémoire, l'API a été versée en 2001 à 175 609 personnes, alors qu'elle concernait seulement 25 000 personnes en 1977. Indispensable aux familles en difficulté, l'API doit néanmoins appeler notre attention sur deux points : la lenteur de l'amélioration de la situation économique des familles qui en bénéficient - alors qu'elle a été créée pour favoriser leur retour à l'emploi - et les fraudes incontestables que génère l'absence de contrôle des familles auxquelles elle est versée, certaines dissimulant une situation de concubinage à la seule fin de la percevoir.
    La deuxième mesure de ce budget, monsieur le ministre délégué, porte sur le financement des organismes publics exerçant au nom de l'Etat la tutelle ou la curatelle des incapables majeurs. La dotation concernée s'élève à 128 millions d'euros et couvre le financement des mesures de protection des majeurs incluant la sauvegarde de justice, la tutelle et la curatelle d'Etat, qui interviennent subsidiairement à la tutelle familiale.
    Il convient de noter que la mission conjointe des inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et des finances a mis en évidence dans son rapport de juillet 1998 des dysfonctionnements et la confusion des finalités juridique et sociale de la tutelle. Une réforme de ce dispositif apparaît donc nécessaire, et vous avez engagé avec la Chancellerie une réflexion à ce sujet.
    J'en viens maintenant rapidement aux mesures contenues dans la première partie de la loi de finances qu'il convient de porter à l'actif de la politique familiale voulue par le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre.
    Premièrement, la baisse de 6 % du barème de l'impôt sur le revenu va profiter directement à plus de 16 millions de ménage en dégageant un pouvoir d'achat de plus de 3,5 milliards d'euros. Elle aura pour effet mécanique le réajustement du plafond du quotient familial et celui de l'abattement accordé pour un enfant majeur rattaché à la famille.
    De même, l'augmentation des plafonds pour les emplois familiaux permettra aux familles de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Actuellement, 1,3 million de ménages emploient 740 000 personnes à domicile. Cette mesure contribue donc à développer l'emploi.
    Enfin, le doublement de l'abattement pour les donations de grands-parents aux petits enfants va contribuer à développer la solidarité financière entre les générations dans un contexte d'allongement de l'espérance de vie.
    Le PLFSS contient également une mesure très attendue des familles nombreuses : le versement d'une allocation familiale de 70 euros par mois aux familles de trois enfants et plus dont l'aîné atteint vingt ans. Ce dispositif est destiné à corriger le déséquilibre du budget des familles dont les enfants restent à charge des parents au-delà de leurs vingt ans. Il concerne 145 000 familles, coûtera 130 millions d'euros en année pleine et prendra effet au 1er juillet 2003.
    La politique de la famille ambitieuse que vous entendez conduire, monsieur le ministre, s'inscrit aussi dans le cadre de la conférence de la famille, avec la volonté d'instaurer une politique familiale de plein exercice qui ne saurait se confondre avec une politique sociale ni avec la lutte contre l'exclusion.
    Les groupes de travail que vous avez mis en place sur la prestation de libre choix, sur les services à la famille et à la parentalité, sur le statut des assistantes maternelles, sur la politique familiale dans les entreprises, témoignent de l'esprit de concertation dans lequel vous préparez cette conférence.
    Vous avez exprimé également la volonté de réaliser un audit sur les dispositifs d'aide sociale à l'enfance, de réfléchir sur les problèmes des adolescents, de réguler la diffusion de films pornographiques à la télévision.
    Vous avez enfin engagé une réflexion sur le problème de l'enfance maltraitée. Le lancement de la première journée des droits de l'enfant, le 20 novembre prochain, témoigne de votre engagement à briser le mur du silence qui trop souvent entoure la maltraitance des enfants sous toutes ses formes, y compris, bien sûr, la pédophilie ou pédocriminalité, sur laquelle je vous demande de porter une attention toute particulière. Je souhaite vivement que, dans le cadre d'une action interministérielle et même internationale, le Gouvernement mette en place un plan de lutte contre la pédocriminalité, la cybercriminalité et les réseaux, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays.
    Monsieur le ministre, la politique de la famille que vous entendez mettre en place et que les Français attendent est un grand chantier qui doit prendre en compte la famille dans sa diversité sociale actuelle, avec les problèmes qui en découlent : familles traditionnelles certes, mais aussi familles adoptives, familles monoparentales, familles éclatées, familles recomposées, avec pour ces dernières les problèmes du divorce et de la garde des enfants.
    En concertation avec les associations familiales, qui depuis longtemps réfléchissent et proposent et qui sur le terrain jouent un rôle fondamental pour développer la parentalité, notamment par la médiation familiale, nous devons tout mettre en oeuvre pour que la famille, quelle que soit sa composition, reste le lieu privilégié où l'enfant paraît, grandit, apprend la vie et s'épanouit.
    Nous devons tout mettre en oeuvre pour que chaque enfant bénéficie d'un environnement familial serein. Car il n'y a rien de plus révoltant que la misère et la souffrance des enfants.
    Nous vous faisons confiance pour conduire cette politique, monsieur le ministre, c'est pourquoi le groupe UMP votera avec conviction le budget et les orientations de la politique familiale que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y aurait beaucoup à dire sur les sujets qui nous rassemblent aujourd'hui.
    Je voudrais, dans les quelques minutes qui me sont imparties, aller d'abord directement au fait en dénonçant le scandale de la remise en cause du plan Handiscol. C'était, vous le savez, madame le secrétaire d'Etat, l'essentiel du testament que je vous ai transmis lors de la passation de pouvoirs. Mille postes d'auxiliaire d'intégration devaient être mis en place cet été dans les établissements scolaires. Vous aviez la liste des départements, vous connaissiez le nom des associations porteuses des différents projets et les endroits où le ministère de l'éducation nationale devait implanter les aides éducateurs.
    Vous avez prétendu que les crédits n'étaient pas inscrits au budget. C'est parfaitement faux. A cause de votre inaction, 2 000 enfants handicapés sont restés à la porte des écoles. Les associations de parents vous ont interpellé, tout comme moi. Vous avez porté un coup d'arrêt à une politique mise en place au prix de bien des difficultés mais qui avait atteint son rythme de croisière. Aux dires des associations elles-mêmes, 6 000 enfants ont pu être intégrés à l'école grâce au plan Handiscol.
    Votre inaction est d'autant plus scandaleuse que vous avez remis en cause le fonds d'investissement pour la petite enfance en stoppant net sa troisième année de financement. Nous avions fait en sorte que l'accueil des enfants handicapés en crèche devienne obligatoire. En supprimant le FIPE, vous portez un coup d'arrêt à l'intégration des enfants handicapés dans les crèches, qui préfigurait leur accès, en continuité, à l'école maternelle.
    Je ne peux également que déplorer le fait, monsieur le ministre délégué, que la politique de la famille et de l'enfance soit désormais en panne. Cela n'est pas une surprise. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises. Pour la première fois depuis sept ans, il n'y a pas eu de conférence de la famille... Vous vous défendez en prétendant qu'il vous fallait du temps pour préparer celle de l'année prochaine. En fait, vous n'en aviez pas les moyens, monsieur Jacob, et chacun aura compris pourquoi : la faute en est au transfert de la branche famille à la branche vieillesse, un « rapt » que vous dénonciez l'année dernière, mais que vous aggravez cette année en doublant le prélèvement ! Bien évidemment, vous ne pouviez plus vous présenter devant les associations familiales avec un tel tour de passe-passe aussi inconsidéré et totalement en contradiction...
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce qui est excessif devient insignifiant !
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Disait Talleyrand !
    Mme Ségolène Royal. Regardez les chiffres ! Vous le savez très bien, puisque vous recevez - comme moi-même ce qui ne manque pas de sel - les pétitions des associations familiales...
    La rénovation du droit de la famille est tout aussi en panne. Heureusement, certaines réformes ont pu, malgré vous, monter en puissance. Le congé de paternité a désormais été pris, et c'est un plaisir pour moi de vous le rappeler, par 180 000 pères... à ceci près que le livret de paternité n'est plus distribué. Pourquoi ? Nul ne le sait. Là encore, c'est dommage.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est plus un député, c'est un procureur !
    Mme Ségolène Royal. Non seulement vous avez stoppé les textes d'application de la loi sur l'autorité parentale, mais vous avez décidé de remettre en cause la transmission du double nom de famille aux enfants, à vos yeux inopportune...
    Enfin, vous avez mis un coup d'arrêt à la réforme du divorce en déclarant que vous alliez maintenir le divorce pour faute. C'est bien regrettable, puisque nous sommes finalement le seul pays d'Europe à maintenir cette procédure, avec tous les conflits et les tracasseries qu'elle engendre.
    Mais la politique familiale, c'est aussi la conciliation du temps de la vie de familiale et de la vie professionnelle. Là aussi, vous faites peser une menace...
    M. Jean-Luc Warsmann. Un peu de modestie ! La politique familiale ne mérite pas ce genre de polémique !
    M. Pierre Forgues. C'est pas de la polémique, c'est la réalité !
    Mme Ségolène Royal. Oui, ça vous fait mal...
    M. le président. Ce n'est pas la peine de l'exprimer aussi bruyamment, monsieur Warsmann. Laissez Mme Royal s'exprimer.
    Mme Ségolène Royal. C'est tout de même un comble que, sous un gouvernement de droite, il n'y ait plus rien pour la politique familiale ! Je comprends que cela ne vous fasse pas plaisir, mon cher collègue...
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans ! C'est très décevant d'entendre pareille polémique !
    M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue. Poursuivez, madame Royal.
    M. Jean-Luc Warsmann. Comprenez que je sois très déçu d'entendre cela, monsieur le président !
    Mme Ségolène Royal. Vous remettez en cause la conciliation des temps de la vie familiale et de la vie professionnelle en nous ressortant ce vieux projet d'allocation de libre choix qui, pardonnez-moi, sent un peu la naphtaline. Sachez, monsieur Jacob, que 80 % des femmes travaillent, et elles veulent les deux vies ! Elles désirent tout à la fois disposer de structures de qualité pour accueillir leurs enfants et pouvoir travailler sans subir de discriminations salariales.
    La double journée de travail, le libre choix, cela veut précisément dire avoir les deux, et ne pas être obligée de choisir !
    Monsieur le ministre délégué à la famille. Allons, madame Royal ! Gardez le sourire !
    Mme Ségolène Royal. Plus grave, monsieur Jacob, au prétexte de cette promesse - au demeurant toujours pas tenue dans les faits -, vous supprimez le fonds d'investissement pour la petite enfance. En d'autres termes, vous portez un coup d'arrêt à la construction des crèches. Derrière cette décision se cache en fait la remise en cause de la prestation unique de la caisse d'allocations familiales, car c'est bien par ce biais que vous avez l'intention de financer l'allocation de libre choix. En somme, cela se traduira par une redistribution à rebours, aux dépens des salaires les plus modestes.
    M. le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
    Mme Ségolène Royal. J'en ai pratiquement terminé, monsieur le président.
    L'abandon de ces politiques familiales et de l'enfance - au demeurant, le mot « enfance » ne figure plus dans la structure gouvernementale - se traduit aussi par l'abandon des états généraux de la protection de l'enfance, qui se tenaient depuis deux ans. La mission de prévention des violences en institution a également disparu du ministère, et cela aussi est dommage. L'articulation avec la politique éducative enfin est également un sujet de préoccupation. Le plan violence du ministre de l'éducation ne dit pas un mot sur les parents ni sur les familles, si ce n'est pour les taxer d'une amende en procédant à un regrettable mélange des genres.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est d'un excès ! Franchement décevant !
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis. C'est un peu caricatural !
    Mme Ségolène Royal. Ce n'est pas au ministre de la famille de taxer les parents ! Que dire enfin de la diminution de 30 % des crédits et des contrats éducatifs locaux qui, là encore, n'aboutira qu'à fragiliser le partenariat entre les familles et l'école... Tout cela est bien désolant ? Ressaisissez-vous, madame et messieurs, pour continuer l'action que nous avions engagée et lui donner un nouveau souffle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Forgues. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Avec une progression de 4,4 %, le budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées traduit la volonté du Gouvernement de faire de la santé publique une priorité. Hors transfert entre le budget de l'Etat et la sécurité sociale, la hausse est même supérieure à 5 %.
    Le budget pour 2003 marque l'importance légitime accordée aux actions de prévention. C'est là un point extrêment important. Les crédits destinés à financer les programmes de prévention augmentent de 30 % pour atteindre 173 millions d'euros. Dans le cadre de la lutte contre le cancer, les crédits passent de 14 millions d'euros en 2002 à plus de 48 millions. L'amélioration et la généralisation du dépistage du cancer du sein et du dépistage du cancer colo-rectal deviennent désormais des objectifs réalistes.
    La lutte contre le cancer représente l'un des trois chantiers prioritaires du Président de la République au cours de ce quinquennat. Les maladies cancéreuses frappent, hélas ! 700 000  Françaises et Français et 250 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.
    Le cancer est la deuxième cause médicale de décès en France, et la première cause de mortalité prématurée. Or 70 % des cancers sont attribuables à des facteurs de risques sur lesquels il est possible d'intervenir. Je ne puis à cet égard que me réjouir de votre volonté déclarée de lutter contre la consommation du tabac et l'abus d'alcool.
    Vous avez souhaité, monsieur le ministre, privilégier l'éducation à la santé, la prévention, le dépistage. C'est un point fort de ce budget que nous souligons et que nous défendons.
    En matière d'administration, d'encadrement et de formation, vous affichez un souci de clarification et d'efficacité. Cette dynamique de simplification et de pragmatisme doit encore être intensifiée.
    Des restructurations hospitalières sont amorcées, à l'évidence indispensables. Notre gestion hospitalière a besoin d'être réorganisée. La cohabitation « à la française » entre hôpital public, direction des centres anticancéreux et les autres structures d'hospitalisation civiles ou militaires est-elle vraiment une source d'enrichissement ?
    Pour ce qui touche à l'harmonisation des formations aux professions de santé, il semblerait nécessaire, dans un souci de cohérence, d'étudier, en partenariat avec l'enseignement supérieur, la possibilité de troncs communs, de formations communes entres les spécialités médicales, bien sûr, mais aussi les spécialités de soins non médicales dites paramédicales, et les spécialités de gestion.
    L'une des difficultés de l'hôpital public, où tout ne va pas pour le mieux alors même que s'y retrouvent les acteurs de la meilleure qualité en matière de professions de soins comme en matière de gestion et d'administration, tient vraisemblablement au fait que ces acteurs, pour excellents qu'ils soient, n'ont jamais été formés ensemble, ni suivi de formation commune. Nous ne sommes pas certains qu'ils aient des objectifs communs. C'est là la grande difficulté de notre hôpital public alors qu'il devrait y avoir identité, à tout le moins convergence entre ceux qui gèrent, qui ont le pouvoir, et ceux qui dispensent les soins, qui ont le savoir. Or il n'y a pas convergence mais bien méconnaissance et divergences. Un effort dans ce sens, monsieur le ministre, serait susceptible de régler l'un des problèmes majeurs de l'hôpital public.
    Je terminerai en évoquant...
    M. le président. Rapidement, je vous prie !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... le budget pour les personnes handicapées, véritables oubliées de notre société jusqu'à ces dernières années, et qui enregistre cette année une progression supérieure à 5 %. C'est, nous le savons, la volonté du Président de la République de faire du handicap une des priorités du quinquennat. Cette priorité est bien traduite dans votre budget.
    Plusieurs mesures ont été prises, je n'y insiste pas : 3 000 nouvelles places dans les centres d'aide par le travail, 2 200 places créées dans les maisons d'accueil spécialisées et les foyers à double tarification, 400 postes d'auxiliaire de vie créés pour favoriser le maintien à domicile. Cela prouve bien, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'Etat, que la politique de santé publique est l'une des priorités de ce gouvernement.
    L'attention aux plus démunis, mais également la politique en faveur des handicapés et des personnes frappées par le cancer sont des axes majeurs de ce gouvernement. A travers les grands textes qui se profilent et la réforme de l'hôpital public, vos objectifs sont clairement affichés : redonner aux malades, aux handicapés, à ceux qui souffrent la première place dans notre politique de santé. Pour peu que les praticiens soient naturellement associés à ces nouvelles orientations, je ne doute pas de votre réussite. C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, je ne peux qu'inviter mes collègues à vous soutenir dans vos priorités et vos propositions en votant votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, je voudrais reprendre en introduction des cinq petites minutes qui m'ont été accordées par mon groupe l'introduction du rapport de notre collègue, Jean-François Chossy : « La volonté est bien affirmée. Reste à définir les moyens nécessaires à l'ouverture de ce noble chantier, car aujourd'hui l'espérance est immense et l'impatience est grande. »
    Nous sommes tous d'accord pour dire que, du côté des handicapés, l'impatience est naturellement très grande. J'aurai l'occasion de revenir tout à l'heure sur le sujet de la santé, mais je ne pouvais m'empêcher de parler en premier lieu du handicap, sujet d'actualité s'il en est puisque, vous le savez comme moi, l'ONU a décidé que 2003 serait l'année du handicap.
    J'aurais pour ma part souhaité que le budget qui sera soumis à notre vote ce soir soit conforme aux grandes orientations évoquées par les uns comme par les autres. Vous nous dites que le Président de la République aurait fait du handicap un grand chantier de son quinquennat. J'aurai l'occasion tout à l'heure de donner quelques chiffres intéressants sur l'évolution des budgets consacrés au handicap durant les cinq dernières années. Un budget de transition comme celui-ci aurait dû, au-delà des mesures s'inscrivant dans la continuité des années précédentes, ouvrir des voies, annoncer des orientations pour l'avenir. Malheureusement, il n'en est rien et on ne peut que le regretter.
    J'avais eu l'occasion de présenter ici même, l'an passé, la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, du reste votée à l'unanimité des groupes présents : le débat sur le handicap doit en effet dépasser les clivages politiques. Les attentes sont trop fortes dans ce domaine pour que l'on se permette de jouer politiquement ou sur des effets d'annonce. L'heure de vérité arrivera tôt ou tard, et probablement plus rapidement que vous ne le pensez.
    En effet, nous sommes tous d'accord : il faut impérativement renforcer les moyens des CAT et des ateliers protégés, ainsi que les moyens consacrés à l'intégration en milieu ordinaire. On peut affirmer que ce dernier chantier est ouvert, car les parents de handicapés, comme les handicapés eux-mêmes, demandent l'intégration dans le milieu ordinaire. Pourtant, quand on examine les chiffres et qu'on vérifie ce que nous dit, par exemple, M. Bouvard, on constate que, au chapitre 44-71, à l'article 10, pour l'aide en milieu ordinaire, il n'y a rien ! Pas une quelconque évolution budgétaire entre 2001 et 2003. On reste sur les mêmes bases. Pour les ateliers protégés, les crédits connaissent une légère augmentation tous comme pour les CAT, c'est vrai. Mais, madame la secrétaire d'Etat, faut-il vous rappeler que, l'année passée, l'augmentation était de 5,7 %, alors que cette année 2003 où, prétendument, l'action en faveur des handicapés est un grand chantier, elle est de 5,6 % ?
    En 2002, 298 millions d'euros de plus ; 317 millions d'euros de plus, cette année ! Voilà la réalité, qu'il faut voir derrière l'optimisme de façade de certains de mes collègues, l'année prochaine, sonnera l'heure de vérité. Et ce sera dur pour certains !
    Il est exact que les CAT répondent à une demande. Il n'empêche que beaucoup s'interrogent. Qu'est-ce qu'un handicapé ? Traite-t-on du handicap, inné ou acquis, ou du handicap social ? C'est un vrai débat, que nous devons avoir aussi. Quelqu'un ici a posé la question, à juste titre. Au sein de l'Union européenne, les réponses sont très divergentes. Aux Pays-Bas, par exemple, on considère le handicap social comme tout autre handicap traditionnel et on le traite de la même manière. Je ne crois pas que ce soit l'orientation qui ait prévalu en 1975 sous l'égide de M. Lenoir. A l'évidence, nous devrons revoir la loi de 1975, les professionnels le souhaitent.
    Madame la secrétaire d'Etat, la loi d'orientation en faveur des handicapés est bien faite. Du reste, je le répète elle a été votée ici à l'unanimité.
    Mais on attend toujours les décrets d'application. Il est urgent qu'ils soient promulgués. Sans les décrets d'application, la loi d'orientation ne sert à rien. De nombreux groupes de travail ont réfléchi aux grandes orientations. Ce sont des moyens supplémentaires qu'attendent les Français, et M. Chossy le disait, avec une grande impatience, impatience partagée sur tous les bancs de cet hémicycle.
    L'heure de vérité, je l'ai dit, sonnera l'année prochaine. Nous reviendrons vers vous pour vous poser des questions et pour voir si les promesses d'aujourd'hui sont tenues. Et ne vous avisez pas, alors, de nous objecter que la situation économique ne vous permet pas de faire ce que vous auriez souhaité ! Ça peut marcher un moment mais pas trop longtemps... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.
    Mme Martine Aurillac. Voici donc, monsieur le ministre délégué à la famille - car c'est à M. Christian Jacob que je m'adresse plus particulièrement - le premier budget de la législature consacré à la famille, que beaucoup d'entre nous, comme de nombreuses associations familiales, attendaient.
    L'exercice n'était guère facile, et pour deux raisons essentielles. En effet, le gouvernement précédent, à l'instar d'André Gide, n'aimait guère les familles, qu'il a pénalisées, on le sait, lourdement, ne les gratifiant au mieux que de quelques mesures relevant d'une simple politique de redistribution sociale, qui ne saurait constituer une politique familiale. On se souvient du tollé provoqué par la baisse brutale de l'AGED,...
    M. Bruno Gilles. Très bien !
    Mme Martine Aurillac ...sans parler du pillage des excédents de la branche famille destinés en partie au financement des 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Autant dire que les attentes des familles, dans leur diversité, sont aussi importantes que justifiées. La deuxième raison tient à la situation de nos finances telle que nous l'avons trouvée l'été dernier, et qui rend bien sûr vos marges de manoeuvre fort étroites.
    Mme Hélène Mignon. N'importe quoi !
    M. Pierre Forgues. Elles vont en s'améliorant !
    Mme Martine Aurillac. Pour autant, l'exercice est réussi, puisque vous avez choisi de nous présenter plusieurs mesures significatives de relance d'une véritable politique familiale, soit directement, soit indirectement. Ainsi, la baisse du barème de l'impôt sur le revenu de 6 % va profiter directement aux familles...
    M. Pierre Forgues. A quelles familles ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Celles qui paient des impôts !
    Mme Henriette Martinez. C'est une politique familiale, pas une politique sociale !
    Mme Martine Aurillac. ... par une redistribution du pouvoir d'achat et par un premier réajustement du plafond du quotient familial.
    Ensuite, l'augmentation des plafonds, délibérément baissés par le précédent gouvernement pour les emplois familiaux, de 6 900 à 10 000 euros, va permettre enfin à de nombreuses familles de mieux concilier vie personnelle et poursuite d'une activité professionnelle.
    Par ailleurs, nous ne pouvons qu'approuver le doublement de l'abattement de 15 000 à 30 000 euros tous les dix ans pour les donations entre grands-parents et petits enfants qui favorise la solidarité entre les générations.
    M. Bruno Gilles. Très bien !
    Mme Martine Aurillac. Enfin, vous proposez, et c'est heureux, qu'une somme de 70 euros par mois soit versée, à compter du 1er juillet 2003, pendant un an aux familles de trois enfants et plus dont l'aîné atteint l'âge de vingt ans, soit 840 euros pour l'année. Nous ne pouvons qu'encourager ces premières initiatives.
    Mais au-delà de ces mesures, nécessaires mais ponctuelles, et conformément aux engagements du Président de la République en faveur d'une politique familiale plus solidaire, vous avez engagé, monsieur le ministre, une démarche de concertation approfondie, en vue de préparer la prochaine conférence de la famille, autour de trois axes majeurs : la prestation de libre choix, les services à la famille et à la parentalité, et le partenariat avec les entreprises.
    Sur ce dernier thème, le président a proposé une mesure originale, la création d'un crédit d'impôt famille-entreprise ouvrant droit à une déduction fiscale en faveur des entreprises qui développeraient des actions spécifiques pour mieux concilier la vie familiale et professionnelle de leurs salariés.
    Certes, beaucoup reste à faire, notamment - et vous vous y êtes engagé - rendre, enfin, à la branche famille ce qui lui appartient et qui avait fait l'objet de détournements.
    Nous allons aussi entamer une réflexion sur un meilleur soutien aux veuves qui se retrouvent souvent seules avec des enfants à charge, de même sur une aide accrue aux familles qui accueillent à leur foyer leurs parents très âgés dépendants et qui sont en droit d'espérer davantage de solidarité.
    Il conviendrait également développer l'aide périscolaire pour mieux accueillir l'enfant hors du temps scolaire et permettre aux parents qui se sont arrêtés de travailler à la naissance d'un enfant de bénéficier d'une meilleure formation professionnelle. Enfin, vous avez déjà mis en place, monsieur le ministre, un groupe de travail sur le statut des assistantes maternelles et des puéricultrices.
    Mes chers collègues, la famille est une valeur moderne. Elle est le lieu privilégié de la solidarité, de la tendresse, de l'apprentissage de la vie en commun. Parce qu'elle est la condition de l'épanouissement personnel, et d'une démographie vivante, il nous faut une grande politique familiale, qui ne saurait se résumer d'ailleurs à de simples prestations. Parce que vous tournez résolument le dos, monsieur le ministre, aux dernières années durant lesquelles on l'a toujours confondue avec une politique sociale, parce que ces premières mesures très encourageantes signifient clairement votre volonté de relancer notre soutien en faveur des familles, nous voterons bien volontiers votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Santé, famille et personnes handicapées (suite) :
    Santé et personnes handicapées :
    M. Gérard Bapt, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 38 du rapport n° 256) ;
    Santé :
    M. Jean-Luc Préel, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome XI de l'avis n° 257) ;
    Personnes handicapées :
    M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome XII de l'avis n° 257).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT