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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 13 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Election des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

EXCLUSION «...»

Mmes Martine Carrillon-Couvreur, Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

SIDA «...»

MM. Jean-Christophe Lagarde, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

FORUM SOCIAL DE FLORENCE «...»

M. Patrick Braouezec, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

INDUSTRIE TOURISTIQUE AUX ANTILLES «...»

MM. Joël Beaugendre, Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme.

EMPLOIS-JEUNES À L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. Céleste Lett, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

COMPÉTITIVITÉ DE LA FRANCE «...»

MM. Richard Mallié, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

TIPP FLOTTANTE «...»

MM. Michel Dasseux, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

TRANSPOSITION
DES DIRECTIVES EUROPÉENNES «...»

M. Alain Ferry, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES
DÉPENDANTES «...»

MM. Pierre Hellier, Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

AIR LIB «...»

MM.
Laurent Cathala,
le président.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

3.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

AFFAIRES ÉTRANGÈRES «...»

M. Eric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les affaires étrangères.
M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.
M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les affaires étrangères.
M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la coopération et le développement.
M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement.
M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.
Mme Henriette Martinez, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.
M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
MM.
François Loncle,
Yves Nicolin,
Jean-Claude Lefort,
Gilbert Gantier.
MM.
Serge Janquin,
Jean-Marc Nesme,
Daniel Garrigue,
Bruno Bourg-Broc,
Michel Voisin,
Jacques Myard.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

ÉLECTION DES JUGES DE LA HAUTE COUR
DE JUSTICE ET DE LA COUR
DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

    M. le président. Avant d'aborder les questions au Gouvernement, je rappelle que vont se dérouler, dans les salles voisines de la salle des séances, les deuxièmes tours de scrutin pour l'élection de trois juges titulaires et de deux juges suppléants de la Haute Cour de justice et de deux juges titulaires de la Cour de justice de la République et de leurs suppléants.
    Je déclare ces scrutins ouverts. Ils seront clos à dix-huit heures.

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

EXCLUSION

    M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    Monsieur le ministre, le 17 octobre dernier a eu lieu la Journée mondiale du refus de la misère. Cette semaine, le 15 novembre, se déroulera une journée de débat national sur la lutte contre les exclusions. Quatre ans après le vote de la loi de lutte contre les exclusions, quarante fédérations et associations nationales de solidarité lancent un nouveau cri d'alerte sur la réalité de l'exclusion et les moyens nécessaires pour l'endiguer.
    Or, le budget 2003 fait apparaître des suppressions et des diminutions dans tous les domaines (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), à commencer par la baisse drastique des emplois aidés. Le programme TRACE pour les jeunes en difficulté est également touché, ainsi que les contrats emploi-solidarité et les emplois consolidés, qui permettent aux associations de mener à bien leurs missions d'accueil, d'accompagnement et d'insertion. Les crédits octroyés aux CHRS sont également en diminution.
    Les associations se sentent seules devant l'ampleur de la réponse à apporter aux plus pauvres. Ce n'est pas une politique de réinsertion à long terme que vous nous proposez, et le budget 2003 traduit bien le fait que la lutte contre l'exclusion n'est plus désormais une priorité pour le Gouvernement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lucien Degauchy. C'est développer la misère qui était une priorité pour vous !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Or, nous savons, comme tous ceux qui oeuvrent au quotidien contre l'exclusion, que lutter contre la misère,...
    M. Lucien Degauchy. La misère que vous avez créée !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. ... c'est se sentir responsable de la dignité de l'autre.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les nouveaux contrats CIVIS - contrats d'insertion dans la vie sociale - que vous annoncez et qui remplaceront le programme TRACE ? Quelles réponses concrètes pouvez-vous nous apporter pour garantir la pérennité des financements nécessaires au bon fonctionnement des structures existantes et rassurer les associations de solidarité qui travaillent tous les jours auprès des personnes les plus fragiles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.
    Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Madame la députée, je suis heureuse que vous posiez cette question (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), qui va me permettre de vous répondre avec toute la passion que je porte à ce sujet de la lutte contre l'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Madame la députée, le 17 octobre, j'ai participé à la Journée mondiale du refus de la misère, avec les associations qui sont aux côtés des exclus, comme je l'ai été moi-même pendant des années.
    M. Christian Bataille. Arrêtez de parler de vous-même ! Parlez donc de votre politique !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Je sais donc, madame la députée, quelle a été la situation de la lutte contre l'exclusion pendant les cinq dernières années et je peux vous en parler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. Il faut en parler, en effet !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Je peux vous dire, par exemple, que si les associations se sentent seules, c'est que, pendant ces dernières années, elles n'arrivaient même pas à recevoir leurs subventions. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et je peux vous dire que cette situation a été rétablie, que des circulaires ont été signées pour qu'au moins on paie à ceux qui se dévouent ce qu'on leur doit. Je peux vous dire également que je suis en train de préparer un programme national de renforcement de la lutte contre l'exclusion, car la loi de 1998, qui est une bonne loi,...
    M. Pierre Bourguignon. Une grande avancée, vous voulez dire !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ... n'est même pas appliquée. Il nous faut donc d'abord trouver les moyens de la rendre effective. Les personnes en situation d'exclusion n'arrivent même pas, par exemple, à bénéficier de l'accès aux droits. Je crois donc, madame la députée, que c'est un sujet sur lequel il faut être humble (« Ce n'est pas votre cas ! » sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. le président. Poursuivez, madame la secrétaire d'Etat.
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ... et sur lequel certains sont bien mal placés pour donner des leçons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Car je peux vous dire que ceux dont vous parlez, certainement avec compassion, moi, je les ai pris dans mes bras et je sais ce qu'ils ont vécu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Nul !
    Mme Martine David. C'est minable !

SIDA

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Le 1er décembre prochain aura lieu la Journée mondiale de lutte contre le sida. Dans les années 80, un immense effort national de sensibilisation, de mobilisation contre cette maladie avait permis d'endiguer la pandémie. Depuis quelques années, l'attention s'est relâchée, en partie du fait de l'apparition des trithérapies et de leurs résultats encourageants, qui ont fait croire aux décideurs et à l'opinion publique que le problème était devenu moins important. Malheureusement, il n'en est rien, et on constate à nouveau un développement des infections sexuellement transmissibles, des cas recensés de sida, notamment dans les zones urbaines comme mon département de la Seine-Saint-Denis.
    Il faut qu'un nouvel élan national soit donné pour combattre ce fléau qui continue encore à tuer dans notre pays. Le Président de la République en est d'ailleurs bien conscient, qui a pris des engagements en la matière au cours de sa campagne électorale,...
    M. Christian Bataille. Bien sûr ! Il prend des engagements sur tout !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... notamment auprès de l'association Elus locaux contre le sida, dont les états généraux auront lieu le 1er décembre.
    Ma question est donc simple, monsieur le ministre : ces engagements seront-ils tenus ? Je pense par exemple à celui selon lequel, au cours de l'année 2003, des accords entre les industriels et l'Etat seraient passés pour que le préservatif féminin soit accessible à tous les publics à un prix de quinze centimes d'euros au lieu des deux euros actuels. Un autre engagement du chef de l'Etat était que le sida serait, au cours de cette législature, déclaré grande cause nationale, décision qui est du ressort du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de M. Jean-François Mattei, qui aurait aimé, bien sûr, vous répondre directement.
    Vous avez raison, l'infection du sida reste évolutive, malgré toutes les mesures de précaution qui ont pu être prises et qui continuent à être prises. Jean-François Mattei poursuit bien évidemment l'application du plan triennal de lutte contre le VIH. Dans ce cadre, il a inscrit dans le projet de loi de finances, sur les crédits de la santé, de la famille et des personnes handicapées -  qui étaient en discussion hier soir -, 65 millions d'euros au titre de la lutte contre le sida.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. le ministre délégué à la famille. Vous demandez, monsieur le député, que le sida soit déclaré grande cause nationale. L'intérêt de cette proposition est qu'elle permettrait de diffuser gratuitement des spots radio ou télévision. Cependant, Jean-François Mattei a inscrit au titre de l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, 12 millions d'euros spécifiquement consacrés à la communication dans la lutte contre le sida. L'intérêt de votre proposition doit donc être relativisé.
    Enfin, le ministère de la santé travaille à la fois sur la vulgarisation des moyens de prévention et de protection contre les maladies sexuellement transmissibles et sur la réduction de leur coût. Car c'est ainsi que l'on pourra les rendre accessibles à tous, et notamment aux publics les plus fragilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer. Excellente réponse !
    M. Philippe Briand. Bravo, monsieur Jacob !

FORUM SOCIAL DE FLORENCE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Patrick Braouezec. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    En amorce à cette question et en rapport étroit avec elle, vous me permettrez, monsieur le Premier ministre, un rappel : n'oublions pas, n'oubliez pas, que l'actuelle majorité est issue d'un vote par défaut. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Mallié. Et c'est un communiste qui dit cela !
    M. Jean Marsaudon. Voyou !
    M. Michel Herbillon. C'est Robert Hue, le défaut ?
    M. Robert Lamy. Ce qu'il ne faut pas oublier, ce sont ses 3 %, monsieur Braouezec !
    M. le président. Du calme, chers collègues.
    M. Patrick Braouezec. Rappelons-nous, rappelez-vous que le Président de la République a été élu au deuxième tour dans des conditions que chacun connaît, après avoir rassemblé au premier tour 18 % des suffrages exprimés, soit à peine plus de 10 % des inscrits,...
    M. Dominique Dord. Combien pour Robert Hue ?
    M. Patrick Braouezec. ... et que la campagne pour les élections législatives s'est caractérisée par un non-débat sur les grands enjeux de société, en ne tournant finalement qu'autour de la question du non à la cohabitation.
    M. Philippe Briand. C'est sûr que les idées des communistes n'ont pas été au centre de la campagne !
    M. Lucien Degauchy. Pour eux, on ne débat vraiment que quand on parle du grand capital !
    M. le président. S'il vous plaît, chers collègues !
    M. Patrick Braouezec. Que cela vous plaise ou non, rappelez-vous aussi, et surtout, que 40 % des électeurs inscrits se sont abstenus, souvent plus de 50 % dans les quartiers populaires,...
    M. Lucien Degauchy. Ce sont vos électeurs qui se sont abstenus !
    M. Patrick Braouezec. ... que beaucoup d'entre eux sont des électeurs de gauche...
    M. Richard Mallié. On ne vous le fait pas dire !
    M. Robert Lamy. Il faut s'en rappeler pour expliquer vos 3 % ?
    M. Patrick Braouezec. ... qui, déçus par une gauche trop timorée et pas assez transformatrice, n'ont pas voulu pour autant vous faire cadeau de leurs voix, ni à vous ni à d'autres.
    Ces abstentionnistes-là ne doivent pas désespérer. Le forum social européen de Florence, la semaine dernière, a réuni des centaines de milliers d'hommes et de femmes, dont énormément de jeunes,...
    M. Maxime Gremetz. Bravo !
    M. Patrick Braouezec. ... qui ont travaillé pendant quatre jours avec l'idée, omniprésente, qu'un autre monde est possible.
    M. Maxime Gremetz. Voilà !
    M. Philippe Briand. Vous tentez une petite récupération !
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager votre gouvernement, pour qu'il se fasse l'écho du forum de Florence dans les instances européennes, en proposant de rendre caducs les critères de stabilité des dépenses publiques, permettant ainsi de développer les dépenses sociales et de service public dont la population a besoin,...
    M. Maxime Gremetz. Voilà ce qu'il faut faire !
    M. Patrick Braouezec. ... en défendant l'idée que l'Europe doit avant tout être une Europe sociale, en mettant fin à la toute-puissance des pouvoirs financiers - qui bafoue les droits démocratiques - par l'instauration d'une taxation des transactions financières de type « taxe Tobin »,...
    M. Philippe Briand. Démago !
    M. Patrick Braouezec. ... en préconisant l'engagement de l'Europe sur une voie radicalement opposée aux actuels rapports Nord-Sud ?
    M. le président. Monsieur Braouezec, veuillez conclure !
    M. Patrick Braouezec. Car vous pouvez fermer tous les Sangatte de France et de Navarre, rien n'empêchera un homme qui a le choix entre vivre et mourir de choisir la vie. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Arrête ton cinéma !
    M. le président. Monsieur Braouezec, posez votre question, s'il vous plaît !
    M. Patrick Braouezec. Enfin, défendrez-vous jusqu'au bout le non-recours à la guerre ? Utiliserez-vous votre droit de veto en cas de besoin ? Et, à tout le moins, demanderez-vous au Parlement de se prononcer par un vote ?
    M. le président. Monsieur Braouezec,...
    M. Patrick Braouezec. Rassurez-vous, monsieur le Premier ministre - et j'en termine -, je ne me fais aucune illusion sur le contenu de vos réponses, mais je souhaitais, devant la représentation nationale, me faire l'écho des centaines de milliers de voix qui se sont exprimées à Florence,...
    M. le président. Voilà !
    M. Patrick Braouezec. ... participer à la bonne information de votre majorité, et,... (« Ça suffit ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)
    M. le président. Monsieur Braouezec...
    M. Patrick Braouezec. ... plus sérieusement, dire à tous ceux qui nous regardent, et qui ne désespèrent pas de la politique, qu'ils ne sont pas tous seuls. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Hellier. L'accouchement a été difficile !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, un vote est un vote, et c'est la loi de la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    A propos du forum social européen de Florence, nous sommes bien d'accord avec vous pour considérer que c'est un succès, et pas seulement pour ses organisateurs. Nous avons aussi pris acte du désir manifesté par la société civile de défendre un modèle social européen. C'est ce modèle que la France soutient. L'Europe sociale n'est pas passée à la trappe, rassurez-vous. Je vous en donne deux exemples : la stratégie de lutte contre la pauvreté, d'abord, qui a été adoptée à Lisbonne en mars 2000 ; l'agenda social européen, ensuite, qui est actuellement en oeuvre, et qui a été adopté, sous présidence française, en décembre 2000. Vous le voyez, l'Europe sociale existe, et elle est pour nous un socle de droits, qu'il s'agisse des conditions de travail, de la protection de la santé, ou encore de l'égalité entre les hommes et les femmes. Rassurez-vous, nous n'allons pas transiger sur tous ces points.
    Je vous rappelle aussi les contributions du Gouvernement à la convention sur l'avenir de l'Europe. Nous avons déposé, il y a deux jours à peine, une contribution sur l'Europe sociale.
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut nous la présenter !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous avons obtenu, il y a deux jours à peine, la constitution d'un groupe de travail spécialisé au sein de la convention, qui travaillera sur l'Europe sociale.
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a qui dans ce groupe de travail ? M. Seillière ?
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous n'admettrons pas, alors que nous nous mobilisons pour cette Europe sociale, et notamment pour une directive-cadre sur les services d'intérêt général, que l'on puisse mettre en doute notre conviction et notre détermination à cet égard.
    M. François Goulard. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Et si vous nous aidiez à ne pas être seuls pour défendre ce texte, nous vous en serions infiniment reconnaissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour ce qui est de l'Irak, le ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, l'a dit hier ici même, la France fera face à ses responsabilités, comme elle l'a fait jusqu'à présent, avec lucidité, exigence et détermination. Je vous rappelle la résolution 1441, pour laquelle nous nous sommes mobilisés : elle consacre bien le principe de la non-automaticité du recours à la force, quel que soit le type de violation commise par l'Irak. Le passage par le Conseil de sécurité est, en outre, prévu à chaque étape, ce qui lui permet d'assumer pleinement sa responsabilité. Cette résolution, monsieur le député, offre bien - et c'était son objet - une nouvelle chance à la paix.
    M. Christian Bataille. Vous manquez de conviction !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Quant à la France, je peux vous l'assurer, elle saura à chaque étape, hier comme demain, prendre les décisions nécessaires et assumer sa part de responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

INDUSTRIE TOURISTIQUE AUX ANTILLES

    M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Joël Beaugendre. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au tourisme. Un article paru samedi dernier dans la presse parisienne titrait : « Le groupe Accor plaque les Antilles ». Il se référait à une lettre adressée au Président de la République par le premier exploitant hôtelier mondial, implanté depuis trente ans en Guadeloupe et en Martinique. Cet article faisait état de la détermination de ce groupe à quitter progressivement ces deux départements.
    Cinq motivations sous-tendent la décision d'Accor : les carences de desserte aérienne ; les conditions d'accueil et de service jugées insuffisantes ;...
    M. Maxime Gremetz. Le profit !
    M. Joël Beaugendre. ... l'existence outre-mer d'un RMI incitant à l'inactivité ; le coût élevé du travail par rapport à celui des îles avoisinantes - à cet égard, une campagne du groupe Accor intitulée « Envie de rêver » s'affiche sur les panneaux publicitaires parisiens pour promouvoir la destination Cuba ; enfin, le climat social particulièrement tendu.
    Comme il fallait s'y attendre, cette annonce, faite au moment même du départ de la Route du Rhum, a provoqué la colère tant des professionnels du tourisme que des salariés, tout en aiguisant le malaise social. Ce sont d'ailleurs les acteurs de cette tension sociale qui, en Guadeloupe, tirent aujourd'hui prétexte de la teneur de cette déclaration pour déclencher une grève générale, se livrant à une surenchère dans la perspective des élections prud'homales prochaines.
    L'industrie touristique des départements des Antilles françaises occupe un rang essentiel dans nos économies insulaires, au même titre que la production agricole. Or nous constatons que ces deux piliers sont aujourd'hui en crise. Tous les voyants sont au rouge dans le secteur du tourisme. Ni la loi d'orientation pour l'outre-mer, ni la loi Paul, n'ont pu redynamiser ce secteur.
    Il m'apparaît important qu'une mission parlementaire sur le tourisme puisse, à l'initiative de la commission des affaires économiques, se rendre dans nos départements, afin d'apporter des éléments de réponse apaisants et constructifs.
    M. le président. Auriez-vous l'amabilité de poser votre question, monsieur Beaugendre ?
    M. Patrick Braouezec. Il passe la mesure, monsieur le président !
    M. Joël Beaugendre. Monsieur le secrétaire d'Etat, le 24 septembre dernier, vous avez tenu avec la ministre de l'outre-mer, Mme Brigitte Girardin, une réunion de travail pour examiner les conditions de relance du tourisme outre-mer.
    M. Patrick Braouezec. La question !
    M. le président. Monsieur Braouezec !
    M. Joël Beaugendre. Aussi, Mme Louis-Carabin et moi-même souhaitons connaître le plan de mesures d'urgence que vous et Mme Brigitte Girardin compte adopter pour relancer l'industrie touristique aux Antilles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au tourisme.
    M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le député, je vous remercie pour cette question, qui reflète bien la grande préoccupation qui traverse actuellement le secteur touristique en Guadeloupe, préoccupation à laquelle les médias font d'ailleurs largement écho depuis une semaine.
    Je voudrais malgré tout rappeler que si la situation est préoccupante en Guadeloupe, elle n'est cependant pas explosive. Dans ce contexte bien défini, la position du groupe Accor m'apparaît, comme à vous d'ailleurs, excessive et complètement décalée par rapport à la réalité. Je tiens à affirmer ici, solennellement, que je ne l'approuve pas. Je suis d'ailleurs en train de négocier, en vue de la faire évoluer.
    Néanmoins, cette position met en évidence une réalité qu'il ne faut pas éluder. Il faut avoir le courage de regarder les choses en face : si depuis quelque temps, il y a une baisse de la fréquentation touristique - moins 20 % en 2001 -, ce n'est pas seulement dû aux problèmes du transport aérien et au vieillissement des infrastructures, mais aussi aux fréquents mouvements sociaux qui, malheureusement, viennent souvent gâcher les séjours des touristes.
    M. Guy Teissier. Oui !
    M. le secrétaire d'Etat au tourisme. Face à cette situation, Brigitte Girardin et moi-même sommes en train d'élaborer un plan d'action, dont j'aurai l'occasion de dévoiler le contenu à la mi-décembre, lorsque je me rendrai en Martinique et en Guadeloupe. Je rappelle d'ailleurs que la ministre de l'outre-mer prépare aussi une loi de programme sur quinze ans, qui comportera plusieurs volets consacrés au tourisme.
    Mais tout cela, aussi important soit-il, ne suffira pas. La Guadeloupe, la Martinique et la Réunion ont toujours été connues pour l'accueil chaleureux qu'elles réservaient aux visiteurs et pour le sens du partage de leurs populations. Il n'en demeure pas moins que les grèves à répétition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) finissent par créer des conditions défavorables.
    C'est la raison pour laquelle il faut absolument renouer au plus vite les fils du dialogue social car, sans paix sociale, aucun plan d'action ne sera viable.
    M. Patrick Ollier. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat au tourisme. Pour terminer, je rappellerai que le coût du travail restera toujours plus élevé aux Antilles qu'à Cuba et à Saint-Domingue, par exemple. Seule la qualité permettra de tirer vers le haut le produit touristique et de faire en sorte que cet élément économique soit intéressant pour l'ensemble de nos populations. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

EMPLOIS-JEUNES À L'ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Céleste Lett. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Michel Delebarre. Aïe, aïe, aïe !
    M. Céleste Lett. ... nous avions déjà mis en évidence l'absence de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie destinée aux personnes âgées. Une nouvelle fois nous découvrons la légèreté du gouvernement précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) à propos du traitement d'un autre dossier : je veux parler du dispositif des emplois-jeunes (« Ah ! » sur les même bancs) et plus spécifiquement des 62 000 emplois d'aide éducateur de l'éducation nationale.
    M. François Hollande. Il paraît qu'il faut les supprimer !
    M. Céleste Lett. Ce dispositif, annoncé par le gouvernement précédent comme une mesure phare, n'a ébloui personne. Bref, on constate aujourd'hui que le gouvernement en question n'a pas prévu le financement de l'assurance chômage pour ces 62 000 jeunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Continuez monsieur Lett.
    M. Céleste Lett. Si ces jeunes devaient tous se retrouver au chômage (« Ce sera votre faute ! » sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Jean-Yves Le Déaut. De tels propos sont scandaleux !
    M. Céleste Lett. ... il en coûterait 558 millions d'euros par an à l'Etat, donc aux contribuables. Encore une ardoise de plus (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) que le gouvernement actuel devrait gérer !
    Bien que beaucoup d'entre eux, nous l'espérons, ne se retrouveront pas au chômage (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), il convient de rassurer ces jeunes et de ne pas les laisser tomber...
    M. François Hollande. Alors, ne supprimez pas leurs postes !
    M. Christian Bataille. Gardez-les !
    M. Céleste Lett. ... en trouvant une réponse claire et précise au problème qui se pose.
    M. Yves Fromion. Tout ça, c'est encore la faute de la gauche plurielle !
    M. Céleste Lett. Monsieur le ministre, comment allez-vous remédier à cette situation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord vous présenter les excuses de M. Ferry qui n'a pas pu venir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), car il assiste actuellement aux obsèques de l'inspecteur d'académie des Deux-Sèvres. Je trouve donc que les cris proférés par certains sont quelque peu indécents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Emmanuelli. Cela suffit comme ça !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Indécents, ces cris le sont aussi parce que ces aides-éducateurs devaient quitter le système éducatif le 31 décembre prochain sans que rien n'ait été prévu pour leur assurer une indemnité de chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Pour notre part, nous leur avons garanti le maintien dans le service jusqu'au 30 juin, c'est-à-dire jusqu'à la fin de l'année scolaire.
    Par ailleurs, nous avons inscrit au projet de loi de finances 43,6 millions d'euros pour assurer le financement des indemnités de chômage dont ils pourraient éventuellement avoir besoin.
    Bien entendu, une fois réglé ce problème posé par cette grenade dégoupillée que nous a laissée le gouvernement socialiste (Mêmes mouvements), nous souhaitons ne pas avoir recours à ce procédé de manière systématique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Gardez-les donc !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Nous organisons dès maintenant des sorties du dispositif, qui permettront aux titulaires actuels d'un emploi-jeune de rester au sein de l'éducation nationale et d'y rendre des services.
    Si, jamais, ils ne trouvaient pas en notre sein ou par leurs propres moyens de nouvelles fonctions, ils pourront bénéficier d'une indemnité de chômage que la gauche avait tout simplement oublié de prévoir,... sans doute parce que les sorties du dispositif devaient avoir lieu après des élections que vous espériez gagner, mesdames, messieurs, mais que vous avez perdues ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

COMPÉTITIVITÉ DE LA FRANCE

    M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Richard Mallié. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le World Economic Forum a publié hier le classement annuel des Etats en termes de compétitivité. La France s'y illustre : notre pays vient en effet de passer de la vingtième à la trentième place du classement mondial ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En une année, la France a enregistré une chute de onze places dans l'indice technologique et une chute de six places dans l'indice relatif à l'environnement macro-économique. (Mêmes mouvements.)
    Comment en est-on arrivé là ?
    M. Michel Delebarre. Ah oui, ça c'est intéressant !
    M. Richard Mallié. Comme le souligne le rapport, il est difficile d'attribuer le déclin de la France à un seul facteur,...
    M. Yves Fromion. Si, on peut l'attribuer à la gauche plurielle !
    M. Richard Mallié. ... puisque le pays effectue un recul dans tous les domaines.
    A l'inverse, d'autres pays européens, tels la Suède, le Danemark, le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont progressé dans le classement.
    Tels sont les résultats de ce que la majorité précédente qualifiait de « bon bilan ». « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lucien Degauchy. C'est le bilan Jospin !
    M. François Hollande. Parlez-nous de l'emploi, de la croissance !
    M. Richard Mallié. Cette situation n'est en fait que le résultat de la gestion du gouvernement socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) : poids excessif des dépenses publiques, contraintes liées aux 35 heures, inexistence d'un quelconque dialogue social, omniprésence des formalités administratives.
    M. Dominique Dord. Très juste !
    M. Richard Mallié. Cette politique - et l'heure est grave - a conduit la France dans une situation inquiétante pour son avenir.
    Devant ce dramatique constat, quelles sont les premières mesures que compte prendre le Gouvernement pour remettre la France sur la voie de la réussite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la question de la compétitivité de la France est un sujet grave.
    M. Henri Emmanuelli. Il s'agit d'un classement dressé par les organisateurs du symposium de Davos et non par l'OCDE !
    M. le Premier ministre. Pour ma part, je ne polémiquerai pas sur l'emploi et le revenu des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), car la compétitivité de la France, c'est l'emploi et le revenu des Français !
    Observons ce qui s'est exactement passé pour essayer de tracer des lignes pour l'avenir.
    Nous avons en effet perdu une dizaine de places entre 2000 et 2001 par rapport à l'ensemble des autres pays comparables au nôtre. Nous avons perdu plus de dix-sept places depuis 1988.
    Vous connaissez le dicton : quand on s'analyse, on s'inquiète, quand on se compare, on se rassure.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous, ça nous rassure !
    M. le Premier ministre. Eh bien, là, la comparaison est inquiétante, car on voit aujourd'hui la compétitivité de la France, et donc la valeur du travail des Français, être affaiblie par rapport à celle des autres pays.
    M. François Hollande. Parlez-nous du taux de croissance !
    M. le Premier ministre. Il est évident que, à cela, il y a des causes objectives qu'il nous faut observer.
    M. Michel Delebarre. Que de baratin !
    M. le Premier ministre. Notre bureaucratie, notre impôt paperasse, nos lourdeurs et nos lenteurs...
    M. François Hollande. Que faites-vous ?
    M. le Premier ministre. ... pèsent évidemment sur toutes les forces vives de notre pays.
    Il est aussi évident que le niveau des charges et des prélèvements est trop élevé (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) pour que la valeur du travail des Français puisse être performante à l'échelon international.
    Par ailleurs - et c'est très important - nous avons pris du retard en ce qui concerne la société de l'information. Quand je vois l'équipement de notre pays en ordinateurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), quand je vois l'usage que les Français font d'Internet, quand je vois toutes les promesses qui avaient été faites au sujet de la société de l'information et qui n'ont pas été tenues, je me dis que la France a pris du retard, et qu'il faut rapidement le rattraper.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Bruno Le Roux. Baratin !
    M. Christian Bataille. De tels propos méritent de passer dans le bêtisier !
    M. le Premier ministre. Pour rattraper ce retard, nous avons engagé une action en profondeur.
    D'abord, et nous ne changerons pas de cap, nous continuerons à alléger les charges qui pèsent sur le travail des Français et qui grèvent les performances de nos entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous assouplirons également l'ensemble des dispositifs de manière que notre droit du travail, tout en respectant évidemment le droit des salariés (Murmures sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), contribue à ce qu'il n'y ait pas d'écart majeur entre la capacité de travailler en France et ailleurs.
    Songez qu'un très grand équipement industriel dans le secteur de l'automobile est en cours de préparation et d'installation à l'échelon européen...
    M. Christian Bataille. Bateleur !
    M. le Premier ministre. ... et que, pour la première fois, la France n'a même pas été consultée.
    M. Dominique Dord. C'est l'héritage socialiste !
    M. le Premier ministre. Elle s'est trouvée exclue de la consultation, avant même qu'elle ne commence, en raison de l'insuffisance de ses critères de compétitivité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et des groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'avez-vous fait ?
    M. le président. S'il vous plaît, laissez le Premier ministre parler !
    M. le Premier ministre. Mesdames et messieurs de l'oppostion, faites preuves de prudence dans vos attaques, car le dossier en question a été déposé au cours du premier semestre de l'année 2002. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. Et alors ?
    M. le Premier ministre. Nous allons donc alléger les charges, assouplir l'ensemble des contraintes,...
    M. Henri Emmanuelli. Rendez-vous dans six mois !
    M. le Premier ministre. ... et réduire les impôts qui pèsent sur les créateurs, qui pèsent sur tous ceux qui veulent créer des richesses ! Grâce à la sécurité financière, dont a parlé Francis Mer hier, et grâce à l'aide à la création d'entreprises, dont a parlé récemment Renaud Dutreil, nous allons nous donner les moyens de valoriser à son juste prix le travail des Français...
    M. Henri Emmanuelli. Des mots !
    M. le Premier ministre. ... et de faire de la compétitivité de la France un atout pour les Françaises et les Français !
    M. Henri Emmanuelli. Des mots !
    Mme Martine David. Baratin !
    M. le Premier ministre. C'est pourquoi je vous invite tous à vous mobiliser sur ce sujet et à ne pas prendre à la légère...
    M. Henri Emmanuelli. C'est vous qui êtes léger !
    M. le Premier ministre. ... ce qui concerne d'abord le travail et le revenu de nos compatriotes. (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. Devant un tel exploit, ils faut vous lever, mesdames et messieurs de la majorité !

TIPP FLOTTANTE

    M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux, pour le groupe socialiste.
    M. Michel Dasseux. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans les prochains jours, compte tenu de l'évolution des cours du pétrole, tous les Français, en particulier les plus modestes d'entre eux, auraient dû bénéficier d'une baisse de la fiscalité sur les carburants et le fuel domestique, si vous ne refusiez pas d'appliquer le mécanisme légal dit de la TIPP flottante. Ce mécanisme,...
    M. Yves Nicolin. C'est une usine à gaz !
    M. Michel Dasseux. ... voté par la précédente majorité, permet d'atténuer les effets de la hausse du prix du pétrole, protège les Français contre celle-ci et évite que l'Etat s'enrichisse à leur dépens ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Toutefois, vous refusez de l'appliquer, car vous préférez faire des cadeaux fiscaux aux Français les plus aisés, (Mêmes mouvements) en décidant notamment d'accorder une réduction d'impôt de 5 000 euros pour l'emploi d'une personne à domicile à quelque 70 000 familles.
    Monsieur le ministre, ma question est très simple : allez-vous persister dans cette erreur en refusant d'appliquer le mécanisme prévu par la loi ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui !
    M. Michel Dasseux. Quand allez-vous cesser de renvoyer les Français dont la facture énergétique s'alourdit à d'hypothétiques mesures sur le prix du carburant ?
    Sans réponse précise de votre part, les Français auront raison de croire que vous refusez une baisse d'impôt uniquement parce qu'elle serait favorable aux plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à  M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous savez sans doute comme moi qu'au cours des deux derniers mois, le prix du baril de pétrole est passé de 30 à 24 dollars.
    M. Lucien Degauchy. Il ne sait rien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions, vouloir appliquer à nouveau le mécanisme de la TIPP flottante, qui est destiné à effacer les hausses du prix du baril, ne paraît pas une bonne idée. Nous avons, d'ailleurs, mis fin à l'application de ce dispositif il y a trois mois, et le sujet n'est plus à l'ordre du jour. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Aujourd'hui, malgré les tensions internationales, le prix du pétrole est revenu à un niveau tout à fait raisonnable, qui doit nous permettre de retrouver, y compris dans ce domaine, une certaine compétitivité. Il n'est pas question, s'agissant d'une partie importante de nos recettes fiscales, de mettre en jeu les éléments qui découleraient d'une fluctuation du prix du pétrole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jérôme Lambert. Ce sont encore les plus modestes qui paieront !

TRANSPOSITION DES DIRECTIVES EUROPÉENNES

    M. le président. La parole est à M. Alain Ferry, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Alain Ferry. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, la France est le mauvais élève de l'Union en matière de transposition des directives européennes. Cette situation est un héritage du précédent gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), au point que le Conseil européen de Barcelone a vivement rappelé celui-ci à l'ordre en mars dernier en lui imposant l'obligation de transcrire un minimum de directives dans la loi nationale et en exigeant que toutes les directives en souffrance depuis plus de deux ans soient transposées d'ici au printemps prochain.
    Alors que la France s'implique activement en faveur de l'élargissement, applique à relancer le moteur franco-allemand et participe à la convention sur l'avenir de l'Europe, elle se doit d'être exemplaire en cette matière et ne peut continuer à faire preuve du laxisme qui prévalait précédemment.
    Par ailleurs, sur les quarante à soixante directives adoptées chaque année à Bruxelles, les deux tiers sont transposées par voie de décret, le tiers restant par voie législative. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour remédier à cette situation ?
    Madame la ministre, quelle impulsion comptez-vous donner en matière de transposition ? Pouvez-vous nous préciser si une implication accrue du Parlement en ce domaine peut être envisagée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    M. Christian Bataille. Voilà le Conseil constitutionnel !
    M. le président. Monsieur Bataille, gardez vos réflexions pour vous !
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. N'ayons pas peur des mots,...
    M. Bruno Le Roux. Jamais !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... mesdames et messieurs les députés : il est vrai que la publication par la Commission européenne, avant hier, de l'état des transpositions des directives montre que nous sommes effectivement les bons derniers avec soixante directives non encore transposées.
    M. Edouard Landrain. Et voilà !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Quel paradoxe ! Comment exiger des pays candidats à l'Union qu'ils intègrent à marche forcée, comme ils le font actuellement, des centaines et des centaines de textes européens, alors que nous-mêmes nous ne nous montrons pas capables de respecter nos engagements communautaires ?
    Vous avouerez, monsieur le député, qu'il était temps d'agir. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a engagé une réforme pour procéder à un rattrapage accéléré au niveau tant des ministères que du Parlement, puisque le Gouvernement demandera que les projets de loi de transposition soient examinés en priorité.
    Toutefois, cela ne suffit pas. Aussi, nous allons demander à chaque ministère de changer radicalement ses méthodes de travail.
    M. Bernard Accoyer. Bravo !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Dorénavant chacun d'entre eux devra engager le travail de transposition des directives le concernant en amont, c'est-à-dire dès le début des négociations à Bruxelles,...
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... au lieu d'attendre, comme cela a été le cas, hélas ! jusqu'à présent, durant des années et des années.
    En conclusion, je dirai que nous espérons vivement ne pas nous trouver de nouveau dans l'obligation, comme cela a été le cas il y a à peine deux ans, de transposer, si je puis dire, à la louche,...
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... une cinquantaine de directives par voie d'ordonnances, en ayant recours à une loi d'habilitation unique.
    M. Michel Bouvard. Ce fut une honte !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. L'Europe ne se fera qu'avec le concours des parlements nationaux. Telle est la conviction que nous défendons dans le cadre de la convention sur l'avenir de l'Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES
DÉPENDANTES

    M. le président. La parole est à M. Pierre Hellier, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Pierre Hellier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Son exposé sera bref, ce qui devrait vous satisfaire, monsieur le président, mais le sujet est important.
    La qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes constitue un enjeu majeur. Afin d'inciter chaque établissement à s'engager dans cette voie, le principe d'une réforme de la tarification de ces établissements a été adopté par notre assemblée dès 1997.
    La mise en oeuvre de cette réforme à travers la signature de conventions tripartites a connu d'importantes difficultés. Les retards se sont accumulés.
    M. François Goulard. C'est vrai.
    M. Pierre Hellier. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, tirant les conséquences de cet état de fait, propose un report de la date butoir de signature de ces conventions mais il ne donne aucune précision quant à leur financement.
    M. Pascal Terrasse. Eh oui !
    M. Pierre Hellier. Compte tenu de l'importance des besoins à satisfaire dans les établissements, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous assurer que les moyens financiers initialement prévus seront maintenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Hellier, pour votre concision.
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Jean-Pierre Kucheida. Et encore maire de Toulon !
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, vous soulevez un problème majeur, celui de l'accueil des personnes âgées dans les établissements spécialisés. Sur les 600 000 lits qui sont répartis dans 10 000 établissements, 200 000 lits sont totalement inadaptés et les directeurs d'établissement affirmaient, hier, que 5 % de ces établissements devraient même être fermés compte tenu de leur vétusté.
    Nous avons donc décidé de faire de la modernisation de ces établissements et de l'amélioration de la qualité d'accueil de nos personnes âgées une priorité.
    Vous l'avez rappelé, la réforme de la tarification a été lancée en 1997. Lorsque nous sommes arrivés au printemps dernier, 700 conventions étaient signées, et elles devraient être au nombre de 1 400 à la fin de l'année 2002. L'échéance de 2003 était donc irréaliste. C'est pourquoi nous avons décidé de reporter à 2005 la date limite de signature de ces conventions.
    Renforcer la médicalisation, améliorer la qualité de l'accueil et les conditions de travail des 300 000 personnes qui font tourner ces établissements en leur offrant notamment une meilleure formation, tels sont les objectifs que nous nous sommes fixés.
    M. Henri Emmanuelli. Votre objectif, c'est la régression !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous voulons atteindre les 1 800 signatures en 2003. Les financements seront assurés par l'enveloppe médico-sociale contenue dans le plan de financement de la sécurité sociale. Nous ajusterons ces financements en fonction du nombre de conventions signées. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mesdames et messieurs les députés, nous espérons faire mieux que 1 400 conventions signées en deux ans. Il s'agit d'un sujet majeur.
    M. Edouard Landrain. Bravo !
    M. Henri Emmanuelli. C'est pour ça que vous allongez le délai ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Le droit à la dignité des personnes âgées, la solidarité que nous devons à nos aînés, ce doit être l'affaire de tous sur les bancs de cette assemblée.
    M. Henri Emmanuelli. Nous ne vous avons pas attendus !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous avons décidé, nous, d'en faire une cause nationale et surtout, nous, nous avons des idées pour trouver les financements ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

AIR LIB

    M. le président. La parole est à M. Laurent Cathala, pour le groupe socialiste.
    M. Laurent Cathala. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Vous me permettrez tout d'abord, monsieur le Premier ministre, de regretter que vous teniez un discours qui discrédite et qui dénigre notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) L'exemple de Toyota, qui n'est pas si ancien, devrait vous rendre plus modeste. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Laissez M. Cathala poser sa question.
    M. Claude Goasguen. Il dit n'importe quoi !
    Mme Sylvia Bassot. C'est un réquisitoire, ce n'est pas une question !
    M. Laurent Cathala. A l'instar du secrétaire général de l'UMP, M. Douste-Blazy, le Gouvernement semble considérer qu'Air Lib, c'est fini.
    Malgré les ultimes propositions faites pour présenter un projet industriel cohérent et financièrement soutenu, vous ne souhaitez pas maintenir la licence d'exploitation au-delà du 15 novembre. Par une telle position, le Gouvernement compromet toute situation d'avenir. Retirer la licence de transporteur aérien, c'est supprimer 3 200 emplois directs et 15 000 emplois indirects dont 2 500 aux Antilles à un moment où la situation sociale se dégrade.
    M. Bernard Deflesselles. La question !
    M. Laurent Cathala. Les difficultés financières d'Air Lib sont sans commune mesure avec le coût social de votre politique qui va se trouver encore aggravée par la suppression des mesures protectrices des salariés décidée ce matin en conseil des ministres.
    Dans la conjoncture incertaine qui pèse sur le transport aérien, vous vous apprêtez à supprimer la deuxième compagnie française alors que vous allez fragiliser Air France en la privatisant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, allez-vous donner les moyens à Air Lib de maintenir son activité et par là même de sauvegarder des emplois, de ne pas aggraver la situation économique des Antilles, d'assurer la desserte de certaines régions et de préserver... (M. Laurent Cathala s'interrompt.)
    M. le président. Monsieur Cathala ?...
    Je vais suspendre la séance...
    Mes chers collègues, je crois qu'il est préférable d'arrêter ici les questions au Gouvernement. (Marques d'assentiment.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Eric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

LOI DE FINANCES POUR 2003

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

    M. le président. Nous abordons la discussion des crédits du ministère des affaires étrangères.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères.
    M. Eric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, monsieur le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, mes chers collègues, le budget des affaires étrangères n'est sans doute pas un budget tout à fait comme les autres : il symbolise l'action extérieure de la France, et donc la place qu'on veut lui donner dans le monde ; il montre aussi l'effort que notre pays est prêt à consentir en faveur des nations moins favorisées que lui.
    Il serait cependant incomplet de limiter à cela la signification du budget des affaires étrangères. S'il donne parfois le sentiment d'être un peu coupé des préoccupations immédiates de nos concitoyens, c'est à tort. En effet, probablement plus que jamais, politique étrangère et politique intérieure sont intimement liées. L'une ne va pas sans l'autre, l'une trouve son écho dans l'autre. Ainsi la répercussion des décisions budgétaires peut-elle être plus complexe qu'en apparence. Le budget des affaires étrangères est en quelque sorte le baromètre de l'ambition extérieure de la France. Ce baromètre n'était pas au beau fixe depuis quelques années. Le projet de budget pour 2003 rétablit l'ambition extérieure de notre pays en affichant un souci de transparence et de vérité, en renforçant les moyens opérationnels.
    Venons-en d'abord au cadrage général. Le budget du ministère des affaires étrangères représente 1,5 % du budget total, ce qui exprime la volonté de redresser la barre après plusieurs exercices où cette proportion était inférieure à 1,4 %, voire 1,3 %. Ce budget équivaut à 40 % de l'action extérieure de la France, accusant une augmentation appréciable par rapport aux exercices précédents, ce qui est une bonne chose, la dispersion n'allant dans le sens de l'efficacité ni sur le plan économique ni sur le plan opérationnel.
    Le projet de budget est en progression de 13,34 % par rapport à 2002, avec 4,11 milliards d'euros. Cette progression à caractère optique s'explique essentiellement par trois facteurs : deux opérations que l'on pourrait qualifier d'« opérations vérité » et la création d'un nouvel instrument de coopération bilatérale.
    La première opération vérité est l'augmentation des contributions obligatoires de la France de 10,7 %, soit 65,4 millions d'euros, qui répond à une sous-évaluation intervenue initialement lors de l'établissement du budget pour 2002. La seconde, c'est l'augmentation de 127 % des crédits réservés au Fonds européen de développement - le FED -, soit 277 millions d'euros en valeur absolue.
    Le nouvel instrument de coopération bilatérale est le mécanisme des contrats de désendettement-développement inscrits dans le budget des affaires étrangères pour un montant de 91 millions d'euros, sur lequel je reviendrai tout à l'heure.
    En dehors de ces trois postes, le budget des affaires étrangères augmente de 1,9 % par rapport à 2002, ce qui est supérieur à l'augmentation générale du budget civil, qui est de 1,6 %.
    Pour donner un dernier élément de cadrage, j'en viens à la décomposition de ce budget par nature de dépense en crédits de paiement. L'action bilatérale, avec 1,6 milliard d'euros, voit ses crédits augmenter de 6,1 % par rapport à l'année dernière et l'action multilatérale, de 37,4 %, avec 1,26 milliard d'euros, chiffre qui intègre notamment la réévaluation des crédits du FED. Les crédits destinés aux moyens des services augmentent de 3,2 %, avec 1,17 milliard d'euros, et ceux de l'action d'assistance et de solidarité de la France de 4,3 %, avec 54 millions d'euros.
    Permettez-moi maintenant de donner certains coups de projecteur pour mieux cerner les priorités affichées et vous faire part de quelques préoccupations.
    Ce budget est un budget vérité mettant l'accent sur la rationalisation des moyens du ministère. L'héritage en ce domaine est encombrant. J'en veux pour preuve la sous-dotation importante, en 2002, du Fonds européen de développement, qui a obligé à inscrire 137 millions de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative cet été. En 2003, 496 millions d'euros sont inscrits au titre du FED contre 218 millions d'euros en 2002, soit 85 % du plafond d'appel de ce fonds, ce qui a évidemment un impact assez fort sur la lecture du budget. L'héritage est encombrant, disais-je, j'en veux également pour preuve la sous-estimation flagrante, en 2002, des participations de la France à des dépenses internationales. L'abondement en loi de finances rectificative pour ce type de dépenses a atteint 110 millions d'euros cet été, soit 18 % des crédits initiaux. Ce projet de budget pour 2003 fait donc le choix de la vérité et de la transparence en inscrivant dès la loi de finances initiale les crédits prévisionnels nécessaires.
    Le ministère des affaires étrangères accélère également la rationalisation de ses moyens en diminuant, par rapport à 2002, la part relative des crédits de rémunération et de fonctionnement : 37,4 % contre 41,2 % l'année dernière. Il faut noter une diminution d'effectif, sujet sensible auquel notre assemblée est attachée, de cinquante-sept emplois et quelques créations de postes, notamment dans le domaine sensible de la sécurité.
    La rationalisation des moyens se traduit aussi par une évolution mesurée de notre réseau, le deuxième après celui des Etats-Unis. C'est, depuis longtemps, un vrai sujet de discussion avec le ministère des finances. Une réflexion est en cours sur l'adaptation du réseau au sein du ministère des affaires étrangères. Je crois sincèrement que ce sujet, s'il n'est pas tabou, ne peut cependant se limiter à une simple analyse comptable.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Éric Woerth, rapporteur spécial. A cette réflexion doivent être associés nos partenaires, notamment lorqu'ils sont européens, et les autres ministères.
    Enfin, la rationalisation c'est la poursuite de la globalisation des crédits et de l'approfondissement de la déconcentration grâce à l'expérimentation et à l'évaluation. C'est un changement dans les modes de gestion.
    Un mot encore sur les crédits de fonctionnement. Les postes de frais de réception et de déplacements courants et exceptionnels sont en augmentation en prévision de la présidence française du G 8, du sommet France-Afrique et en raison de la création d'un nouveau secrétariat d'Etat.
    En dehors de la transparence, ce budget fait des choix opérationnels clairs. Il consolide notre action bilatérale en faveur du développement, renforce les actions de solidarité et ajuste les moyens consacrés aux actions multilatérales.
    S'agissant, d'abord, de la consolidation de l'action bilatérale de la France, l'aide alimentaire progresse de 13 %, avec cependant une répartition des rôles peu pertinente entre le ministère de l'agriculture et celui des affaires étrangères. Notons aussi la stabilisation des moyens consacrés aux fonds d'urgence humanitaire. Les concours financiers traditionnels, qui permettent un appui structurel aux finances publiques, sont renforcés après plusieurs années de baisse. Ils passeront de 21 millions d'euros à 32,5 millions d'euros. Je note aussi la création financière des C2D - contrats de désendettement-développement -, avec 91 millions d'euros de moyens nouveaux. Ces contrats font partie du volet bilatéral de l'initiative renforcée de réduction de la dette des pays pauvres très endettés. Nous pouvons nous satisfaire du rattachement de ces crédits au budget des affaires étrangères, ce qui n'était pas évident. Cela va dans le sens de la cohérence et de la complémentarité.
    Il faut noter la progression des moyens mis à la disposition de la politique de coopération. Cela concerne l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger - AEFE - et la coopération militaire, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure. Cela concerne aussi l'aide au projet, qui dispose de moyens nouveaux. En effet, les autorisations de programme pour le fonds de solidarité prioritaire progressent de 25 %, soit de 190 millions d'euros. Quant à celles pour les dons de l'Agence française de développement - AFD -, elles augmentent aussi de 25 %, donc de 190 millions d'euros. Il faudra être vigilant quant à la transformation des autorisations de programme en crédits de paiement et éviter que celles-ci ne soient que des crédits d'intention.
    Le budget de l'action bilatérale de la France enregistre une légère augmentation de 0,5 % pour la coopération internationale et le développement, alors que ces crédits avaient diminué de 1 % entre 2001 et 2002. La priorité est clairement donnée cette année à l'assistance technique avec 204 millions d'euros, soit 38 % des crédits de ce chapitre. Les crédits de l'action audiovisuelle extérieure sont en légère baisse - moins 1,9 % - avec 165 millions d'euros. Ils n'incluent pas l'ambition de création d'une nouvelle télévision française d'information internationale qui devra faire l'objet d'inscriptions budgétaires ultérieures.
    Au-delà de cette action bilatérale, ce budget permet un ajustement de notre action multilatérale. Nous sommes liés par nos engagements dans ce domaine. Bien évidemment, le contrôle des crédits ouverts est plus difficile que dans le cadre de l'action bilatérale. L'effort de la France est moins perceptible, moins visible. Il est souvent peu compris, peu repéré. Mais nous remplissons nos engagements.
    Comme nous l'avons vu, ce projet de budget augmente d'une manière réaliste les contributions obligatoires et rectifie les insuffisances manifestes de 2002 avec l'inscription de 679 millions d'euros, soit une augmentation de 10,7 %, pour nos contributions aux organismes extérieurs : 53 % de ces contributions vont à l'ONU et tout particulièrement aux opérations de maintien de la paix. Quant aux contributions volontaires, elles bénéficient de 86 millions d'euros, soit une stabilisation. Ce n'est sans doute pas suffisant d'ailleurs. Pour quelques euros de plus, la France pourrait gagner en influence, tout particulièrement dans le système onusien - je pense à l'UNICEF, au HCR et à d'autres organismes. Enfin, le fonds européen de développement, auparavant rattaché aux charges communes, aujourd'hui clairement situé dans le budget du ministère des affaires étrangères, est en très forte augmentation ce qui implique un meilleur contrôle, une meilleure gestion des fonds employés et de mieux faire connaître l'effort de la France.
    Après le renforcement de l'action bilatérale, le renforcement de l'action multilatérale, j'en viens au renforcement de notre action de solidarité et d'assistance. Peu doté en valeur relative, avec 53 millions d'euros, ce chapitre est néanmoins essentiel. Il est au coeur de notre action de soutien vis-à-vis de nos compatriotes expatriés. Il permet aussi de donner à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - l'OFPRA - les moyens de fonctionner. L'aide aux Français de l'étranger - ils sont près de 1,7 million à vivre en dehors de nos frontières - se traduit par des crédits d'assistance de 20 millions d'euros, en progression de 3 %. Il faut noter une forte augmentation - plus 27 % - des crédits destinés à la sécurité, cependant probablement encore trop faibles si l'on en juge par le coût de l'intervention en Côte d'Ivoire.
    S'agissant de l'OFPRA, les crédits budgétaires consacrés à cet établissement public sont en progression de 25 %, soit 28,5 millions d'euros finançant notamment soixante-six emplois supplémentaires destinés à résorber le stock des dossiers en instance. Malheureusement, cette mesure d'importance, est insuffisante. Les conditions de travail de l'OFPRA en 2003 devront donc être suivies très précisément.
    Pour conclure, je souhaiterais attirer l'attention de l'Assemblée sur quelques pistes de réflexion. Ce budget n'a de sens que s'il ne fait pas l'objet d'un gel des crédits comme cela a été le cas jusqu'à présent.
    M. Jacques Myard. Bravo !
    M. Eric Woerth, rapporteur spécial. En effet, ce gel déstabilise l'action extérieure du pays et l'action de nos représentations. Notons d'ailleurs que certaines d'entre elles, qui dépendent d'autres ministères - je pense à celui de l'économie et des finances -, n'ont pas eu à supporter ce gel qualifié bien à tort de « républicain ».
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Absolument !
    M. Eric Woerth, rapporteur spécial. Par ailleurs, il faut engager une réflexion sur le rôle et l'organisation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Bien qu'en augmentation, le budget de cette agence permettra difficilement de terminer l'année scolaire.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Tout à fait !
    M. Eric Woerth, rapporteur spécial. Avec une dotation de 338 millions d'euros - c'est la part que l'Etat prend dans le financement de cette institution -, l'AEFE scolarise 160 000 élèves, dont 70 000 sont français. Or le fonds de roulement de l'agence s'est considérablement amenuisé. Il conviendrait de le reconstituer. La question du rôle de l'AEFE ne peut en effet être écartée, car c'est à la fois un outil d'enseignement, un outil de coopération, un outil de défense de la francophonie. Une clarification paraît donc nécessaire.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Oui, c'est important !
    M. Eric Woerth, rapporteur spécial. A mon sens, le problème est d'ailleurs moins quantitatif que stratégique. Par ailleurs, les crédits de coopération militaire, de l'ordre de 94 millions d'euros, ont atteint leur limite basse. Ils sont en diminution constante depuis plusieurs années,...
    M. Jacques Myard. Ce n'est pas acceptable !
    M. Eric Woerth, rapporteur spécial. ... au risque de voir la coopération militaire reprise par le ministère de la défense, échappant ainsi à l'autorité de celui des affaires étrangères, ou tout bonnement à la coordination, à la mise en cohérence assurée par lui.
    La dernière piste de réflexion et d'amélioration concerne la nécessaire consolidation du périmètre de l'action extérieure de la France. Le « jaune » mis en place par le gouvernement Juppé allait dans ce sens. La loi organique peut également y conduire, même si aucune solution n'a été arrêtée à ce jour. L'objectif doit être clair. Si l'on veut durablement augmenter les moyens que la France consacre à sa politique extérieure, il faut rechercher des moyens nouveaux dans une autre organisation, plus cohérente, plus intégrée, plus lisible, donc moins coûteuse. Il faut s'engager résolument dans ce sens et ne pas hésiter à associer la représentation nationale à la réflexion et à la décision.
    Le Gouvernement affiche une nouvelle ambition : redonner à la France sa place dans le monde. Votre projet de budget pour 2003, monsieur le ministre des affaires étrangères, porte les signes tangibles de cette espérance. Aussi la commission des finances l'a-t-elle adopté. Votre rapporteur invite aujourd'hui l'Assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par quelques observations sur le budget, pour me livrer ensuite à quelques réflexions dans la perspective de la réforme pluriannuelle des moyens de l'action extérieure de l'Etat.
    Sur le budget, beaucoup a déjà été dit par Eric Woerth. L'opération « vérité des crédits » me paraît très importante. Quand on connaît à l'avance les dépenses, il est bon en effet d'inscrire les crédits correspondants dès la loi de finances initiale. C'est d'ailleurs une exigence que la Cour des compte ne manque pas de rappeler. C'est aussi une question de crédibilité internationale. C'est un engagement qu'il faut honorer pour les dotations obligatoires à l'ONU et au FED. On ne peut pas courir le risque d'être en panne en cours d'année et de devoir faire des rallonges qui retardent les versements. Et si on ne respecte pas cet engagement, on se prive du droit de critiquer ces institutions. C'est donc une question de crédibilité et d'efficacité. Merci de l'avoir fait ! Cette opération n'est pas neutre budgétairement, mais elle était indispensable.
    Ce budget affiche de vraies priorités. Avec une augmentation de 13,4 %, il marque une rupture totale avec les années précédentes et le traitement qui lui avait été infligé jusqu'ici. Il permettra de relancer l'aide publique au développement - je ne m'attarderai pas sur ce point, car il sera évoqué par Jacques Godfrain.
    Ce qui est remarquable, c'est que les crédits consacrés au multilatéral augmentent, mais pas au détriment de ceux affectés au bilatéral. En effet, les autorisations de programme augmentent de 25 %, pour l'AFD et le FSP, ce qui est tout à fait remarquable. Cela montre le désir qui est le nôtre de tenir l'engagement pris par le Président de la République d'augmenter, en cinq ans, de 50 % les crédits de l'aide publique au développement fort malmenés ces dernières années.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Je ne reviens pas sur le création du C2D, nouvel instrument bilatéral désendettement-développement. Là aussi nous vous suivons tout à fait. Nous saluons cet effort.
    Des moyens supplémenaires sont prévus pour les Français de l'étranger et les étrangers en France, cela a également été indiqué.
    Je m'attarderai sur la question de l'asile. Une réforme, annoncée au conseil des ministres du 25 septembre dernier, va unifier, en 1994, la gestion des deux flux de demandes : l'asile conventionnel, dit asile politique, et l'asile territorial qui a été créé par les lois RESEDA de 1998. Nous avions, en 1998, 23 000 demandes d'asile conventionnel et 4 342 accords, c'est-à-dire 18 % d'issue positive. En 2001, nous avons eu 48 000 demandes - elles ont plus que doublé - et 2 274 accords, c'est-à-dire 5 %. En effet, nombreux sont ceux qui demandent un asile auquel ils savent ne pas avoir droit, tout simplement parce que l'OFPRA est une « filière » pour entrer dans le pays. A cela s'ajoutent les 31 000 demandes d'asile territorial en préfecture, d'où, là encore, un encombrement, des délais, des problèmes dont nous connaissons tous les effets sur le terrain. Il est donc très important d'augmenter les moyens de l'OFPRA, comme vous le faites, monsieur le ministre, pour tenter de résorber le retard pris dans la gestion des dossiers.
    Si nous voulons qu'en 2004 la réforme parte sur de bonnes bases, il faudra accorder aux préfectures suffisamment de moyens, au titre de l'intérieur, pour leur permettre d'éponger, avant la fin de l'année 2003, le retard qu'elles ont accumulé dans le traitement des demandes d'asile territorial.
    Dans les consulats, la facturation des frais de dossiers sera mise en place cette année. Il serait très souhaitable que son produit n'aille pas se perdre dans une manne générale, mais qu'il serve à la modernisation des consulats qui en ont bien besoin.
    Les consulats qui ont été modernisés ces dernières années ont totalement transformé l'image que la France peut donner d'elle-même. J'ai visité ceux de Tunis et de Casablanca. Le changement était considérable. Il faut donc absolument faire un effort s'agissant de la formation des personnels, de la modernisation des locaux, de la rigueur dans les procédures. Et pour cela, utilisons prioritairement - si c'est budgétairement possible - le produit de cette facturation.
    Quelques problèmes persistants ont été soulignés. L'un qui dépend du ministère des affaires étrangères, c'est celui de la régulation budgétaire. La loi organique a offert des opportunités à saisir. Mais on s'est arrêté en chemin en n'encadrant pas mieux que nous ne le faisons la régulation budgétaire.
    Bercy est un peu juge et partie. Ainsi, en février 2002, il y a eu un gel dit « républicain ». Mais s'il a été appliqué dans les postes diplomatiques, dans les postes d'expansion économique tous les crédits ont pu être consommés. C'est un peu consternant. La modernisation de nos procédures budgétaires suppose que nous nous donnions les moyens d'encadrer et de moraliser la pratique du gel des crédits.
    Les victimes indirectes de ce gel sont toujours les contributions volontaires. Pourtant, elles ont un effet de levier considérable, car elles permettent de pratiquer la politique de « donnant-donnant » avec les organismes concernés. Il est dommage que nous n'ayons pas pu encore relever le niveau de ces contributions. J'espère que nous pourrons le faire prochainement.
    La coopération militaire est insuffisamment dotée. Les ministères qui ont regroupé leurs crédits au ministère des affaires étrangères peuvent se dire qu'ils n'ont pas fait une bonne affaire si, parallèlement à ce regroupement, ces crédits vont diminuant. Il faut se battre prioritairement là-dessus, si on veut augmenter l'aire d'influence du ministère des affaires étrangères.
    A ces quelques remarques près, nous nous félicitons qu'après plusieurs années pendant lesquelles le budget a été victime d'arbitrages, malgré une forte croissance, le budget 2003 permette de relancer l'action dans le domaine des affaires étrangères. Nous sommes très mobilisés et motivés, lorsqu'on voit ce que la France fait aujourd'hui sur le plan international.
    Dominique de Villepin a exprimé sa volonté d'améliorer l'efficacité de l'administration des affaires étrangères et la cohérence de notre action extérieure.
    Actuellement, douze ministères concourent au fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger. Sur 9 000 agents, un peu moins de 6 000 relèvent des affaires étrangères ; un peu plus de 3 000 d'autres ministères. A côté de 268 ambassades, représentations permanentes et consulats, 468 implantations relèvent d'autres ministères. D'où un phénomène de dispersion, de surcoûts, des problèmes de coordination, parfois même de concurrence. Il faut donc aller dans le sens d'une unification.
    Pour avoir une vision globale de l'action extérieure de l'Etat, il faudrait ne pas devoir limiter notre débat au seul budget des affaires étrangères, qui ne représente que 47 % de cette action.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Il serait bon que nous débattions, dans la perspective de la mise en place de la loi organique en 2006, de l'ensemble de l'action extérieure de l'Etat, à partir du jaune budgétaire. Nous pourrions ainsi, dès l'année prochaine, nous engager vers une enveloppe unique de fonctionnement par poste, vers une gestion unifiée des personnels et de la logistique, et donc vers plus d'unité.
    Nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité. Nous devons conserver, plus que jamais, une ambition mondiale et, donc, un réseau mondial. Mais il nous faut procéder à des adaptations pour ne pas tomber dans un dispositif qui représente plus l'héritage du passé que les besoins d'aujourd'hui.
    Les affaires européennes sont de moins en moins étrangères. Renaud Muselier est beaucoup appelé à l'étranger. Il est heureux que notre secrétaire d'Etat puisse s'y rendre souvent et rencontrer des dirigeants de pays qui n'ont pas vu un ministre français depuis des années. Cette demande de France s'exprime un peu partout dans les pays émergents. Il faut absolument que nous soyons capables d'y répondre.
    Les besoins diplomatiques en Europe sont aujourd'hui différents de ce qu'ils étaient naguère. Nous avons 109 agents en Belgique, hors représentation de l'Union européenne ; nous en avons 71 au Mexique, pays émergent de 100 millions d'habitants : ne faudrait-il pas y regarder de plus près ? Il en est de même pour les consulats : 220 000 Français sont à Londres, mais moins d'un tiers sont actuellement immatriculés au consulat général ; pourtant, nous avons toujours 65 agents à Londres.
    En ce qui concerne les visas Schengen, il ne faut pas rester au milieu du gué. Des progrès doivent être accomplis en Europe dans l'harmonisation des procédures. Soit nous allons vers des procédures totalement harmonisées avec les pays Schengen et le visa Schengen aura une signification, soit nous devons arrêter de délivrer de tels visas. C'est l'un ou c'est l'autre, mais nous devons avoir la volonté, avec nos partenaires, d'harmoniser les délivrances de visas pour éviter ce qu'on appelle les « visas shopping » : dans certains pays, les candidats se rendent en effet dans le consulat le plus apte à leur accorder facilement un visa de court séjour.
    Nous devons aussi harmoniser les procédures de demande d'asile. Nous recevions hier le commissaire européen. On le voit avec Sangatte et à l'occasion d'autres événements, les pays européens doivent tendre à une convergence et à une égalité d'offre et de traitement s'agissant de leur politique d'asile. Il en est de même s'agissant de leur politique d'immigration.
    La nouvelle organisation budgétaire contribuera à accroître l'efficacité et la cohérence de l'action extérieure. Cette organisation s'imposera à nous en 2006, mais nous pouvons nous y préparer en 2004 et 2005 afin d'en tirer tous les avantages.
    La mission « action extérieure de l'Etat » est une mission interministérielle regroupant des programmes de différents ministères. Le Parlement pourra exercer des compensations entre les différents programmes d'une même mission et jouer, de ce fait, un rôle d'arbitrage. Il est important de saisir cette opportunité. Je souhaite que le Parlement et la commission des affaires étrangères soient associés le plus tôt possible à cette réflexion et que nous fassions des propositions pour aller dans le sens des objectifs recherchés par le ministre.
    Concernant les programmes, il faudra éviter une trop grande verticalité. Un trop grand nombre de programmes nuirait à la déconcentration locale des crédits, et donc leur fongibilité, qui permet à l'ambassadeur d'avoir un peu de souplesse de gestion. De même, il faut éviter un trop petit nombre de programmes - a fortiori - le programme unique, qui ferait que nous n'aurions plus d'objectifs évaluables en termes de politique sectorielle. Je vois, dans l'ouverture de ce débat sur l'action extérieure de l'Etat, une opportunité que le Gouvernement et le Parlement doivent ensemble saisir.
    En conclusion, ce budget est en rupture avec le passé. Il va incontestablement dans le sens d'une plus grande sincérité et d'une meilleure adéquation des moyens budgétaires aux objectifs politiques. C'est un budget de transition, comme l'a dit M. le ministre. L'effort devra donc être poursuivi, quantitativement pour certains chapitres, qualitativement pour d'autres.
    La réforme de l'action extérieure de l'Etat doit prendre en compte la nouvelle organisation budgétaire contenue dans la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Le Parlement doit prendre sa part à cette réforme, en se donnant les moyens d'évaluer et de débattre de l'ensemble de la politique extérieure de la France, en encadrant mieux la régulation budgétaire...
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. ... et en veillant à une meilleure rationalisation et une plus grande cohérence des moyens accordés à nos représentants, sous l'autorité de l'ambassadeur.
    Notre pays a su prendre des initiatives au sein de l'Union européenne, avec la relance forte du dialogue franco-allemand ; dans les instances internationales, avec la question de l'Irak ; dans le monde francophone, avec le dialogue des cultures, qui n'est pas qu'un thème de dissertation, mais qui devient l'axe fédérateur d'une politique mondiale.
    L'espoir que représente cette politique dans un monde qui cherche de nouveaux repères constitue une puissante motivation pour lancer les réformes nécessaires et tirer le meilleur parti des moyens consacrés à notre action extérieure. Bien entendu, la commission a adopté ce rapport, et je vous invite à en faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les affaires étrangères.
    M. François Lamy, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les affaires étrangères. La commission de la défense a centré son examen des crédits des affaires étrangères sur trois éléments : les cotisations françaises à l'ONU et les dépenses relatives à l'Europe de la défense, qui figurent toutes deux au chapitre 42-31 ; les crédits de la coopération militaire, qui figurent au chapitre 42-29.
    Dans le temps qui m'est imparti, j'insisterai sur le premier point, et sur le dernier.
    Cette année comme les précédentes, la France aura tenu à assurer la solidité financière de l'ONU, aussi bien par ses cotisations au budget ordinaire qu'au budget des opérations de maintien de la paix. Certes, les opérations les plus importantes, comme les opérations en Afghanistan, la KFOR, la SFOR sont menées en coalition par délégation du Conseil de sécurité. Mais l'existence d'un département des opérations de maintien de la paix structuré permet à l'ONU de conduire des opérations d'une dimension réelle, par exemple, en Sierra Leone, entre l'Ethiopie et l'Erythrée ou encore en République démocratique du Congo, avec une réussite bien supérieure au début des années 1990. Les crédits du chapitre 42-31 destinés à l'ONU sont ainsi bien employés.
    En revanche, l'évolution des crédits de la coopération militaire bilatérale laisse perplexe, mes collègues l'ont dit avant moi. Contrastant avec les crédits du ministère de la défense et des affaires étrangères, ils diminuent de 10 %, pour atteindre 93,5 millions d'euros, soit 10 millions d'euros en moins par rapport à l'année précédente.
    La réforme de la coopération militaire lancée par le conseil de défense du 3 mars 1998 est ainsi brutalement mise à mal. Celle-ci prévoyait une réorientation géographique vers des pays autres que ceux du « pré carré » de la France, et une réorientation des actions vers ce qu'on appelle l'ingénierie de défense, la formation des officiers, en France et à l'étranger, et l'apprentissage du français en milieu militaire.
    La diminution des crédits, dont il faut souligner qu'elle a commencé en 2002, ne permet pas de poursuivre ce mouvement. En Europe de l'Est, les crédits destinés aux actions de coopération multilatérale, qui étaient appelées à croître, diminuent de 40 %. Et dans les pays traditionnellement amis de la France, il ne sera pas toujours possible de maintenir un dispositif cohérent. Même en Afrique, les effectifs des missions de coopération sont désormais très limités, sans comparaison avec ceux de la période de coopération de substitution : une vingtaine de postes pour la plupart, à l'exception du Cameroun où ils se montent à 36. Or ces effectifs sont indispensables à une coopération quotidienne pour la formation des officiers et les projets d'équipement.
    En outre, compte tenu du calendrier des relèves, qui ont lieu en juillet, mais aussi pour se donner le temps de réfléchir aux postes qu'il faudra bien supprimer, la direction de la coopération militaire et de défense fera porter en 2003 les deux tiers de la diminution sur l'aide directe ; les crédits de cette dernière passeront de 22 millions d'euros en 2002 à 15 millions d'euros. Quelles actions les coopérants militaires vont-ils donc pouvoir conduire ?
    Le maintien par la France de sa politique de non-intervention militaire dans les affaires intérieures des pays francophones d'Afrique subsaharienne suppose une coopération militaire et de défense rationnelle. Or, avec les évolutions budgétaires actuelles, cela n'est plus possible.
    Eu égard aux transformations du budget de la coopération militaire, vous devez, monsieur le ministre, faire un choix : ou bien vous conservez la conduite de la coopération militaire et de défense, et alors il vous faudra définir une politique et des moyens ; ou bien vous souhaitez vous en défaire, alors il conviendra de la transférer au ministère de la défense.
    Alors que l'effectif des coopérants militaires n'est, aujourd'hui, plus que de 392 postes et qu'il sera réduit à 350 à partir de la mi-2003, le ministère de la défense dispose d'un réseau de 477 postes à l'étranger, dont 370 sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées. D'ores et déjà, les attachés de défense sont les chefs des missions locales de coopération militaire et de défense. Ce sont eux qui, selon les directives de la DCMD, définissent les projets susceptibles d'être aidés. Ils ont aussi autorité sur les forces prépositionnées pour les actions civilo-militaires qu'elles conduisent. Avec les commissions mixtes, le ministère de la défense dispose de méthodes de coopération éprouvées.
    Au niveau central, un dispositif d'impulsion et de contrôle, le comité international, a été créé en 1998 auprès du ministre de la défense. Nul doute que si la décision politique de transférer la conduite de la coopération militaire au ministère de la défense était prise, celui-ci saurait la reprendre et l'organiser.
    Une décision claire doit donc être prise dès cette année. En attendant, la commission de la défense et des forces armées - même si j'ai personnellement voté contre - a jugé nécessaire d'adopter vos crédits, sans doute pour renforcer votre détermination à régler cet important problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la coopération et le développement.
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la coopération et le développement. Monsieur le Président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la première fois, il m'appartient de vous présenter les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement. C'est un exercice complexe car, depuis la grande réforme de la coopération lancée par le précédent gouvernement, les crédits de la coopération ont été fusionnés avec ceux des affaires étrangères. Aussi ai-je décidé d'élargir mon propos à l'aide publique au développement - au sens où l'entend le comité d'aide au développement de l'OCDE - récapitulée dans un jaune budgétaire fourni au Parlement par le Gouvernement.
    A ce propos, je voudrais exprimer un regret : le dernier conseil interministériel sur la coopération internationale et le développement avait décidé de le rendre plus clair, plus lisible et plus accessible aux parlementaires. Cela n'a malheureusement pas été fait. Certes, l'année a été un peu particulière. J'espère simplement, messieurs les ministres, que vous pourrez vous engager dans cette voie pour l'an prochain.
    Mais pour en revenir à notre niveau d'aide publique au développement, je rappellerai que la conférence de Monterey a réaffirmé avec force l'objectif de consacrer 0,7 % du PIB à l'aide au développement. Se tenir à cet objectif est tout à fait indispensable. Affirmer la nécessité et l'utilité de l'aide publique au développement, c'est refuser l'idée que l'ouverture aux marchés et l'intégration au commerce international pourraient suffire à favoriser le développement interne d'un pays. Or, certaines infrastructures, certaines dépenses ne trouveront pas de financement dans le marché et il convient de leur trouver un financement public.
    Défendre l'aide publique au développement, c'est donc militer pour un modèle de développement plus équilibré, qui ne se réduit pas au respect des sacro-saints fondamentaux économiques tel qu'on pu le définir le FMI ou la Banque mondiale.
    Le bilan du précédent gouvernement en ce domaine n'est pas mince. Il est inutile de revenir sur la grande réforme de nos structures de coopération, sauf pour dire qu'elle n'est peut-être pas totalement achevée. Vous nous affirmiez au mois de juin, monsieur le ministre, vouloir rassembler sous votre aile l'ensemble des interventions extérieures de la France dans le domaine de l'aide publique au développement : nous sommes encore loin du compte. Le rôle du ministère de l'économie et des finances, et de la direction du Trésor, en particulier, reste très important. Mais je ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice.
    Au-delà de ces réformes de structures, le précédent gouvernement a réussi à stabiliser le niveau de l'aide publique : après avoir culminé à 0,57 % du PIB en 1994, celui-ci a chuté jusqu'à 0,32 % en 2000. Il est resté ensuite à ce niveau, à quelques décimales près, victime des restrictions budgétaires de la période et peut-être aussi d'une réorientation de la politique étrangère de la France. Il devrait atteindre 0,36 % en 2002, et 0,39 % en 2003.
    L'objectif de votre gouvernement, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, est d'atteindre 0,5 % d'ici à la fin de la législature.
    M. Jacques Myard. J'espère que vous l'approuvez !
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Bien sûr que je l'approuve ! Il est indéniable que ce budget va dans le bon sens. Je jugerai toutefois aux résultats, cher ami.
    M. Jacques Myard. Vous n'avez rien dit l'année passée !
    M. le président. Monsieur Myard !
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. L'année passée, je n'étais pas chargé du budget de la coopération. J'étais président de la commission des finances et je tenais ma place, au banc, où vous m'avez aperçu souvent. Vous avez d'ailleurs eu maintes occasions de m'interrompre ! (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Emmanuelli, ne vous laissez pas interrompre !
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Tout va bien, monsieur le président ! Ne vous inquiétez pas, je connais mon collègue ! (Sourires.)
    Ce budget s'inscrit d'abord dans la continuité de l'action du précédent gouvernement. Vous ouvrez 91 millions d'euros au titre des contrats de désendettement-développement - les fameux C2D - instrument original du volet bilatéral du processus d'annulation de la dette des pays les plus pauvres. Lancés sous la précédente législature, deux contrats ont d'ores et déjà été signés avec le Mozambique et l'Ouganda, et deux autres doivent l'être d'ici à la fin de l'année avec la Mauritanie et la Bolivie.
    Je suis quelque peu sceptique sur ce mécanisme en raison de sa complexité, mais il permet au moins - j'en suis conscient - de s'assurer que l'argent économisé par ces pays grâce aux annulations de dettes sera bien consacré au développement, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé.
    De même, la contribution de la France au Fonds européen de développement augmente pour atteindre 496 millions d'euros. La progression de cette contribution est la conséquence directe de l'accélération des décaissements rendue possible par la réforme de la politique européenne de développement, adoptée sous présidence française, le 10 novembre 2000. C'est un détail que M. le rapporteur a oublié de préciser. Si les inscriptions sont plus importantes aujourd'hui, c'est parce que les décaissements sont plus rapides grâce à cette réforme, précisément.
    Là où vous innovez, en revanche, c'est en augmentant le niveau des autorisations de programme inscrites pour le Fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement, mesure que j'approuve également, monsieur le député !
    M. Jacques Myard. Merci ! (Sourires.)
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Elles atteignent dans ce budget 190 millions d'euros alors qu'elles étaient en baisse régulière depuis quelques années. On ne peut que se féliciter de cette augmentation, même si elle ne sera effective - c'est là tout le problème - que lorsque les crédits de paiement correspondant seront également ouverts, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas.
    L'appréciation concernant les autres crédits de coopération est moins positive : ceux de la coopération militaire baissent encore de 10 %, réduction qui fait suite à une série ininterrompue de baisses depuis dix ans et porte les crédits pour 2003 à seulement 62 % des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 1994. Cette diminution s'explique essentiellement par les nouvelles formes de coopération.
    La coopération de substitution est en effet remplacée par des actions de formation ponctuelles et des missions de courte durée, qui demandent moins de coopérants et moins de crédits. Néanmoins, si la tendance à la baisse n'est pas rapidement interrompue, elle conduira -je le crains et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas - les pays bénéficiaires à se tourner vers d'autres partenaires que la France, réduisant d'autant l'influence et les moyens d'information de celle-ci.
    M. Jacques Myard. Très juste !
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Les crédits d'appui à la coopération privée ou décentralisée baisseront eux aussi de 2 %, ce qui est sans doute regrettable. Le soutien aux organisations de solidarité internationale, comme aux initiatives locales en faveur du développement, est une voie prometteuse pour l'aide publique au développement.
    Enfin, les crédits du chapitre 42-15 « Coopération internationale et développement » baissent également de 2,2 %. Il est particulièrement regrettable que les dotations inscrites pour les bourses pour les étudiants étrangers stagnent à 114 millions d'euros, alors qu'il s'agit là d'un instrument de coopération particulièrement efficace et d'un problème auquel nous devons être très attentifs, compte tenu de la politique que développent les Etats-Unis en direction de ces mêmes étudiants.
    Pour finir, je voudrais exprimer deux inquiétudes. Tout d'abord, le ministère des affaires étrangères subit actuellement un gel des crédits importants, qui affecte principalement les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement. C'est ainsi que 49 millions de crédits de paiement sont gelés sur le chapitre 42-15 « Coopération internationale et développement », soit 9,5 % de la dotation initiale. De même, 44 millions d'euros d'autorisations de programme sont gelés pour le Fonds de solidarité prioritaire et 33 millions pour l'Agence française de développement, soit respectivement 29 % et 22 % des dotations initiales.
    Quel sens y a-t-il à ouvrir 40 millions d'autorisations de programme supplémentaires sur ces chapitres dans le projet de loi de finances si l'on gèle - avant, je suppose, de les annuler dans le collectif de fin d'année - un montant équivalent l'année précédente ?
    Ma seconde inquiétude concerne le mécanisme d'allégement de la dette. Une part importante, voire essentielle, de l'augmentation du niveau d'aide publique au développement en 2002 et en 2003 est due à la montée en puissance du dispositif de l'initiative pays pauvres très endettés PPTE. On ne peut que se féliciter de cette progression.
    Pour autant, au moment de la mise en place de ce dispositif, le gouvernement français s'est engagé sur un principe d'additionnalité, qui veut que les annulations de dette viennent en sus des efforts faits par chaque pays en faveur du développement. Le Gouvernement ne saurait dès lors se contenter d'une augmentation mécanique des décaissements au titre des annulations de dette en l'accompagnant d'une baisse des instruments bilatéraux d'aide publique au développement.
    Avec l'ensemble des parlementaires intéressés par ces problèmes, je serai donc particulièrement attentif à l'exécution de votre budget, messieurs les ministres, afin que vos paroles se transforment en actes concrets. Ma crainte, au moment où le Gouvernement prépare les Français à la rigueur et annonce d'ores et déjà des gels sur l'exercice 2003, est que les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement servent encore une fois de variable d'ajustement, mettant à mal toutes les belles promesses.
    Je conclurai en précisant que la commission des finances a, contre mon avis, ce qui n'a pas été une surprise, adopté les crédits de la coopération. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement.
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, les intervenants précédents ayant déjà largement évoqué, et fort justement, les crédits de la coopération et du développement, je ne reviendrai donc pas sur l'ensemble du dispositif.
    Je voudrais tout d'abord insister, pour que le Journal officiel s'en fasse l'écho, sur le grand intérêt qu'ont eu les travaux de la commission des affaires étrangères, placés sous votre autorité, monsieur le Premier ministre ; la présence, l'assiduité, le sérieux des commissaires ont démontré que les parlementaires français étaient particulièrement sensibilisés aux problèmes de développement international.
    M. Jacques Myard. Merci pour eux !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. Les propos tenus par le Président de la République à Monterrey et à Johannesburg se traduisent donc en actes. Il est heureux que les engagements pris au plus haut sommet de l'Etat soient immédiatement tenus par le Gouvernement. L'aide publique au développement passera ainsi, en cinq ans, de 0,34 % à 0,50 % du PIB, c'est-à-dire à un niveau particulièrement élevé, la France jouant un des tout premiers rôles parmi les pays développés : nous sommes au cinquième rang de l'OCDE et le plus généreux des membres du G 8 si l'on raisonne par tête d'habitant. Notre effort répond donc aux critères émis par les Nations unies.
    La progression vers ce niveau de 0,50 % du PIB, comme vient de le dire M. Emmanuelli, doit être inscrite dans un cadre plus large qu'une loi de finances annuelle. Votre rapporteur pour avis propose qu'une véritable loi-programme pour le développement soit établie par le Parlement, en soutien de l'action menée par l'exécutif sur ce sujet, pour conforter des projets de développement qui, à l'évidence, ne portent pas sur une année d'exercice budgétaire.
    Je pense à des chantiers à moyen ou à long terme qui portent sur des équipements de santé, d'enseignement ou agricoles.
    Je voudrais également dire un mot sur l'application de la réforme, qui a été décidée il y a maintenant cinq ans. Elle stipulait que la coordination et l'harmonisation de la politique extérieure de la France devaient se faire sous l'autorité du ministère des affaires étrangères. Dans le domaine de la coopération, beaucoup reste à faire en la matière. A l'occasion de déplacements que nous avons effectués dans différents pays, nous avons pu constater en effet que c'était grâce à l'action personnelle de l'ambassadeur, à son entregent, à sa façon de traiter les dossiers, que l'harmonie existait entre le ministère des affaires étrangères et celui des finances. Mais nous sommes encore loin d'une véritable unité de commandement dans ce domaine. La réforme est donc à parachever.
    Evoquant la façon dont nos crédits sont dépensés, je ferai observer que la coopération dite « de substitution » pourrait redevenir une des bases de notre coopération...
    M. Jacques Myard. Très juste !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. ... non pas, bien sûr, comme elle était mise en oeuvre il y a dix, quinze ou vingt ans, mais à la demande même des Etats, car la demande existe au sein des gouvernements des pays avec lesquels nous contractons.
    Au passage, je dirai que la détermination de la ZSP, la zone de solidarité prioritaire dans laquelle s'applique notre coopération, pose quelques problèmes. En effet, l'appartenance à cette zone engendre parfois une déception parmi les pays qui espéraient que le fait d'être inscrits sur la liste leur apporterait un plus. Ceux qui en sont rayés, en revanche, vivent cela comme une façon de perdre la face. Une réflexion devrait être conduite sur l'existence même de cette ZSP qui, aujourd'hui en tout cas, nous semble beaucoup trop étendue.
    Un mot à présent sur nos relations avec la Commission européenne, qui bénéficie de crédits importants, mais dont le taux de consommation est nettement inférieur à 50 %.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. A cet égard, la réponse que m'a apportée le commissaire Nielson, alors que je l'interrogeais sur ce point, lundi dernier, est proprement stupéfiante. Selon lui, cette non-consommation des crédits européens est due au fait que les appels d'offres doivent être traduits dans les onze langues européennes.
    J'ai vu là une façon détournée de faire comprendre que tout serait beaucoup plus simple si une seule langue - l'anglais, naturellement ! - était utilisée.
    M. Jean-Claude Lefort. Bien sûr !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. Cet argument n'est pas à négliger. En tout cas, monsieur le ministre, vous aurez prochainement à...
    M. Jean-Claude Lefort. Taper sur la table !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. ... faire savoir à la Commission ce que les Français pensent de cette mauvaise manière en matière de dépense de crédits publics.
    Permettez-moi d'aborder très rapidement trois autres problèmes. J'ai évoqué dans mon rapport la décristallisation des pensions d'anciens combattants. Ce point est très important et il serait bon que l'exécutif français ne soit pas en quelque sorte strictement guidé par le Conseil d'Etat pour effectuer ces versements. Mieux vaudrait qu'il fasse délibérément ce geste de générosité envers des hommes qui ont tant donné pour notre pays, notre liberté et notre indépendance.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. Ce serait un modeste rendu pour un grand prêté.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis. Par ailleurs, un grand débat a lieu aujourd'hui sur l'agriculture mondiale. Dans ce contexte, la politique agricole commune est montrée assez facilement du doigt par certains organismes et notamment par les représentants des institutions de Bretton Woods. Il serait bon qu'une réflexion commune soit conduite - et je sais que le ministre de l'agriculture français s'y prêterait très volontiers - pour évoquer, dès à présent, les suites de la politique agricole. Cette initiative serait utile et fort appréciée par les producteurs agricoles du Sud. En outre, ce serait une façon d'étouffer dans l'oeuf des analyses qui tiennent plus de la propagande que de la réalité.
    Enfin, je terminerai par une proposition. Celle-ci figure dans mon rapport et consiste à doter notre outil de coopération d'une capacité d'expertise économique renforcée, liée aux entreprises. Grâce à notre relais diplomatique international, nous savons soutenir les efforts consentis dans certains pays pour créer des entreprises, susciter de la richesse, augmenter les revenus. Or le débat d'aujourd'hui porte sur les problèmes migratoires. Vouloir ignorer que le dévelopement chez nous est très directement mêlé aux problèmes migratoires internationaux est une erreur. Il existe en effet un lien profond entre l'état de pauvreté de certains pays et la situation dans laquelle le Nord se trouve aujourd'hui. Il faut donc approfondir l'idée selon laquelle les revenus que perçoivent les travailleurs immigrés en France pourraient être, pour partie, investis dans leur propre pays au travers d'un plan d'épargne développement d'une durée de trois, cinq, six, dix ans.
    Ce dispositif n'a rien à voir avec ce qu'on a appelé, à une certaine époque, la « prime au retour », peu valorisante et toujours consommée plutôt qu'investie. Offrir la possibilité à quelqu'un qui a donné ses forces, son talent et son travail pour améliorer la production nationale française d'investir dans son propre pays me paraît la moindre des choses. C'est dans un tel cadre que la coopération française peut jouer son rôle d'expertise, de proximité. Ainsi que nous l'avons vu dans nos missions, la micro-entreprise est parfaitement adaptée à la situation en Afrique. Aidons-la à s'en doter.
    C'est la raison pour laquelle j'insisterai, pour terminer mon modeste propos, sur le fait que la politique de coopération est en train de se transformer. L'action du Gouvernement va dans ce sens. Nous ne pouvons que souhaiter que cette politique soit plus efficace, plus transparente et qu'elle s'applique au plus près de manière que la coopération ait véritablement une incidence sur la vie des peuples et pas simplement sur les statistiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires étrangères est saisie pour avis des crédits intéressant les relations internationales extérieures et la francophonie. L'analyse budgétaire de ces crédits est malaisée car ils sont répartis sur les trois agrégats budgétaires intéressant le ministère des affaires étrangères.
    La réforme en cours de la présentation des projets de loi de finances devrait permettre de clarifier cette situation en regroupant l'ensemble des crédits affectés à l'action culturelle extérieure de la France au sein d'un même programme et dans des missions clairement identifiées.
    Les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger s'élèvent, pour 2003, à 1,3 milliard d'euros et relèvent à 82 % du ministère des affaires étrangères et à 9 % du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Dans le projet de loi de finances pour 2003, les autorisations de programme correspondantes relevant des affaires étrangères sont en progression de 5,2 %, tandis que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement progressent, eux, de 2,3 %.
    Quant aux crédits concourant au développement de la langue française et de la francophonie, ils sont, pour plus de 90 %, mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères. Le total des autorisations de programme relevant de ce département progresse de plus de 5 %, tandis que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement progressent de plus de 7 %.
    Cette année, je souhaiterais attirer tout particulièrement l'attention de notre assemblée sur deux points : le premier concerne la situation budgétaire de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui a en charge le service public d'éducation à l'étranger ; le second, les perspectives de l'action audiovisuelle extérieure.
    D'abord, la dotation de l'AEFE passe de 314 millions à 338 millions d'euros, soit une augmentation de 7,7 %. Les mesures nouvelles visent à couvrir les frais liés à la réouverture d'établissements à Kaboul et à Alger, à la revalorisation des bourses d'études et, enfin à la réforme des rémunérations des personnels enseignants. Cette réforme, opérée par la voie réglementaire, a diminué le différentiel de rémunération entre les enseignants expatriés et les enseignants résidents, à compter du 1er septembre 2002. Afin de financer le surcoût de près de 15 % lié à la progression générale de la rémunération des résidents, l'agence doit, à terme, diminuer le nombre des enseignants expatriés - ils sont actuellement 2 000. Ce rééquilibrage ne pourra s'opérer que dans le cadre des mouvements de personnel, et nécessitera donc plusieurs années scolaires, en principe quatre.
    Il est donc, pour le moins, contradictoire que le projet de loi de finances prévoie simultanément une mesure nouvelle, non reconductible, de 15,5 millions d'euros pour financer la réforme des rémunérations des personnels résidents, et une mesure nouvelle, négative, de 6,4 millions d'euros, au titre d'une « rationalisation du réseau de l'Agence », laquelle concerne à la fois les effectifs et les moyens.
    Les salaires représentant près de 82 % du budget de l'AEFE, cette mesure, si elle devait être adoptée, se traduirait nécessairement par le déconventionnement de plusieurs établissements à la rentrée prochaine, ce qui pourrait aboutir à leur fermeture - on peut difficilement l'imaginer ! Une telle situation est contraire à la volonté manifestée par le Gouvernement de favoriser la présence d'établissements français à l'étranger. Je ne peux donc que déplorer cette mesure nouvelle négative, et j'espère qu'une solution sera trouvée au cours de la discussion budgétaire. La commission des affaires étrangères a d'ailleurs adopté, sur ma proposition, un amendement annulant cette mesure. Cet amendement ayant été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, je vous en proposerai tout à l'heure un autre, visant à redéployer les crédits généraux du ministère en faveur de l'AEFE, et je ne doute pas d'être suivi.
    La francophonie ne doit pas se limiter aux bonnes intentions formulées dans les discours. Si l'on veut qu'elle progresse, il faut lui en donner les moyens.
    J'en viens à la présentation des crédits de l'audiovisuel extérieur. Ce secteur doit faire l'objet d'une attention toute particulière des pouvoirs publics, car le projet de chaîne d'information continue, que le chef de l'Etat appelle de ses voeux, est aujourd'hui à l'ordre du jour.
    Le montant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement affectés à l'audiovisuel extérieur s'élève à 165 millions d'euros dans le projet de loi de finances, soit une baisse de 1,9 %. Cet ajustement à la baisse intervient après une hausse de 2,36 % en 2002, mais le gel de plus de 4 millions d'euros de crédits votés en loi de finances initiale pour 2002 avait annulé l'effet des mesures nouvelles décidées l'an dernier. Il apparaît donc clairement que des moyens supplémentaires devront être engagés en loi de finances rectificative, tant pour financer la modernisation des outils existants que pour mettre sur pied la nouvelle chaîne d'information continue internationale.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Le paysage dans lequel ce nouvel outil est appelé à s'insérer est particulièrement complexe. Il est structuré selon une double spécialisation, celle opérée entre l'audiovisuel extérieur et l'audiovisuel national, dont la tutelle relève respectivement du ministère des affaires étrangères et du ministère en charge de la communication, et celle opérée entre la télévision et la radio, qui se retrouve tant dans le secteur audiovisuel national que dans le secteur audiovisuel extérieur. C'est pourquoi Radio France Internationale, RFI, est totalement séparée de Radio France et TV 5-Monde est indépendante de France Télévisions. Cette spécialisation des différents opérateurs n'empêche cependant pas l'enchevêtrement des structures et des financements.
    Prenons, tout d'abord, l'exemple de la télévision. TV 5-Monde, dont la tutelle est exercée par la conférence des ministres des quatre pays partenaires, France, Belgique, Suisse et Canada. Elle est financée au six neuvièmes par la France et au un neuvième par chacun des trois autres pays. La participation des chaînes publiques françaises au capital de cet opérateur est, par ailleurs, très importante, puisque France Télévisions en détient plus de 47 %, la Sept, Arte et la Cinquième, 12,5 % chacune. Ces chaînes fournissent en outre à TV 5 une part importante de ses programmes à titre gratuit. La récente reprise du capital de Canal France International, CFI, précédemment détenu par la SOFIRAD, par France Télévisions et Arte à hauteur de 75 et 25 %, a également contribué à accroître l'engagement de la télévision publique nationale dans le secteur de l'action audiovisuelle extérieure. CFI, qui bénéficie d'une subvention annuelle du Quai d'Orsay, joue, en effet, un rôle de banque de programmes, d'outil de coopération et de chaîne de télévision en Afrique.
    S'agissant de la radio, RFI est financée à la fois par une subvention du ministère des affaires étrangères et par la redevance. La part des ressources tirées de ce prélèvement croît plus vite que celle provenant de la subvention du Quai d'Orsay qui stagne depuis plusieurs années. Cette situation est critiquable à double titre : la tutelle en est affaiblie et les personnes redevables de la redevance financent des programmes qui ne leur sont, par définition, pas destinés.
    Cet enchevêtrement des structures et des financements résulte de l'absence de choix clair opéré par les pouvoirs publics entre la logique de spécialisation de l'audiovisuel extérieur, qui justifie la tutelle du Quai d'Orsay sur ce secteur, et la logique de concentration des moyens, qui justifierait un regroupement des différentes sociétés, sur le modèle de la BBC ou de Deutsche Welle. Un tel regroupement pourrait s'opérer par métier - RFI et Radio France, TV 5 et France Télévisions - ou par activités, en regroupant en un seul pôle les différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur - RFI et TV 5. De telles restructurations ne sont pas à l'ordre du jour, pour l'instant, d'autant moins que le statut intergouvernemental de la chaîne francophone TV 5 ne les facilite pas.
    Il ne faut cependant pas noircir à l'excès les conséquences de l'organisation actuelle de l'audiovisuel extérieur. Les auditions que j'ai effectuées dans le cadre de la préparation de la discussion budgétaire ont montré que des progrès importants sont en cours.
    TV 5 Monde, qui cherche actuellement à se développer aux Etats-Unis et en Amérique latine, a rationalisé son fonctionnement et a modifié sa grille en régionalisant les programmes et en améliorant le traitement de l'information, précédemment limitée à la rediffusion des journaux télévisés des chaînes partenaires. RFI continue à voir le nombre de ses auditeurs augmenter et poursuit sa modernisation par le développement des techniques numériques. Canal France International est en cours de recentrage sur les activités de banque de programmes et de coopération audiovisuelle. Sa filiale à 100 %, Portinvest, qui propose un bouquet multichaînes dans quarante-six pays d'Afrique subsaharienne, a permis de fidéliser un marché important, aujourd'hui desservi par l'opérateur privé Media Overseas, qui commercialise une quinzaine de chaînes françaises.
    Mais ces progrès notables ne doivent pas dispenser les pouvoirs publics de conduire une réflexion approfondie sur la situation de l'audiovisuel extérieur. A cet égard, il m'apparaît nécessaire d'agir prioritairement dans deux domaines :
    Premièrement, il est indispensable d'améliorer les conditions d'exercice de la tutelle en mettant en place une plus grande coordination entre les différentes administrations concernées : à savoir, la direction de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication, qui relève du Quai d'Orsay, et la direction du développement des médias, l'ancien SJTI, qui relève, elle, du Premier ministre, tout en étant mise à la disposition du ministre de la culture et de la communication. Le transfert de ce service vers le ministère en charge de la communication constituerait, d'ailleurs, une mesure de simplification utile, me semble-t-il.
    Deuxièmement, il faut dégager rapidement des moyens budgétaires plus importants. Le prochain collectif budgétaire devrait permettre cet effort supplémentaire. A titre d'exemple, le budget 2002 de TV 5 pour le monde entier est de 82 millions d'euros, dont 80 % financés par la France...
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Rochebloine.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. ... tandis que celui de RFO pour les seuls DOM-TOM est de 223 millions d'euros et celui d'Arte France, de 186 millions d'euros, complété par une dotation équivalente du côté allemand. Le budget de RFI n'atteint pour sa part que 40 % de celui de son équivalent britannique, le BBC World Service.
    Le futur projet de chaîne continue s'inscrit donc dans un ensemble institutionnel complexe, doublé d'un cadre budgétaire contraint. Il devra, pour réussir, s'adosser sur les opérateurs existants et cibler son public avec précision. L'équation n'est pas simple, mais cet outil est indispensable pour défendre une vision de l'actualité internationale qui soit à la fois objective et différente de celle qui est aujourd'hui majoritairement offerte dans le monde.
    En conclusion de mon propos, je me conformerai à ma mission de rapporteur pour avis et indiquerai que la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie pour 2003, après avoir adopté - dois-je le rappeler ? - à l'unanimité, l'amendement annulant la mesure nouvelle négative de 6,4 millions d'euros relative à l'AEFE.
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.
    Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Chargée de rapporter l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je me suis attachée d'abord à examiner les atouts de la promotion de la langue française dans le monde et, ensuite, à cerner comment la francophonie constitue un levier de notre politique de coopération et d'aide au développement, et, réciproquement, comment notre aide publique au développement conforte et développe la francophonie.
    S'interroger sur la place et l'évolution de la francophonie, c'est tout d'abord constater que le statut du français a changé. Avec cent trente millions de locuteurs de langue française et quatre-vingt millions d'apprenants répartis sur les cinq continents, le français, après avoir été longtemps, derrière l'anglais, l'autre langue universelle, est en train de s'affirmer pleinement comme une langue d'influence mondiale dont le nombre d'apprenants progresse de 4 % environ chaque année.
    Il y a là un enjeu géostratégique majeur.
    Au sein de l'Union européenne, d'abord, le français doit devenir la deuxième langue étrangère apprise par les écoliers. A cet effet, il convient de développer le plurilinguisme et de construire des stratégies d'alliance en matière de diversité culturelle.
    Car l'avenir du français se joue aujourd'hui en grande partie au sein de l'espace européen. En Espagne, par exemple, le nombre d'apprenants du français comme seconde langue étrangère est passé, en quelques années, de deux cent cinquante mille à un million. En Europe centrale, notre langue est considérée comme un mode d'accès à l'Europe, à sa culture et à ses valeurs. L'apprentissage du français y progresse régulièrement.
    Dans les pays africains francophones, le maintien de notre langue constitue un gage essentiel pour la présence de la France dans le monde et dans les institutions internationales. C'est parce qu'un vingtième de ces pays sont francophones que notre langue est restée une des langues officielles dans les enceintes internationales, notamment aux Nations unies.
    Si l'enseignement du français progresse chaque année dans les pays en voie de développement de l'espace francophone, c'est aussi grâce à la scolarisation des filles. Ainsi est-il vécu comme un vecteur de solidarité et d'aide au développement.
    Enfin, dans les pays émergents ou ayant vocation à peser sur la scène internationale, le français fait l'objet d'une demande croissante comme seconde langue étrangère, notamment en Chine, en Inde, au Mexique, au Brésil et en Russie. L'enjeu, pour la francophonie, est donc de mener dans ces pays des actions tournées vers les futurs décideurs politiques, économiques et sociaux.
    Parmi les instruments qui confortent et développent l'influence du français dans le monde, j'en distinguerai quatre.
    L'AEFE, d'abord, voit ses crédits diminuer de 6,4 millions d'euros, je le déplore. Je souhaite que cette « rationalisation » soit revue et corrigée, afin qu'elle n'aboutisse pas au déconventionnement, voire à la fermeture de plusieurs établissements.
    Quant aux bourses d'études destinées aux étudiants étrangers, elles affichent une légère reprise, de 24 360 en 2001, mais elles ont du mal à rivaliser avec les bourses accordées par les Etats-Unis, par exemple, plus faciles à obtenir.
    Il conviendrait, à cet égard, d'améliorer l'offre française, notamment dans les disciplines de l'entreprise et de la haute administration, pour former les élites étrangères.
    Je soulignerai enfin - mais cela vient d'être fait - l'importance de RFI qui émet 24 heures sur 24 pour environ 45 millions d'auditeurs dans le monde. Et si les bulletins d'information sont les plus écoutés, la connaissance et l'enseignement de la langue française arrivent en deuxième position dans les centres d'intérêt des auditeurs qui saluent la modernité, le souci de pluralisme et l'honnêteté de RFI.
    RFI est donc incontestablement avec 750 emplois et 300 pigistes dans le monde un atout pour le développement de la francophonie sur l'ensemble de la planète. Mais l'augmentation trop modérée des crédits qui lui sont affectés commence à poser des problèmes que je tenais à mentionner ici.
    Enfin, le rôle joué par les certifications en langue française moins connu, tels le DELF et le DALF, - diplôme élémentaire et approfondi de langue française - institués par les alliances et centres culturels français, doit être reconnu. Elles auront, en effet, concerné 345 000 candidats, en 2001, pour 130 pays différents. Il s'agit de suivre maintenant ces nouveaux diplômés, car ils ont vocation à devenir, dans leur vie professionnelle, nos partenaires privilégiés dans notre politique économique comme dans nos actions de coopération.
    Si donc l'enseignement du français est vecteur d'échanges économiques et de développement, réciproquement les projets de coopération et d'aide au développement de la France - bilatéraux ou multilatéraux - participent à la diffusion de la francophonie.
    La présence de la France dans les actions de coopération et de développement, c'est aujourd'hui une présence humaine, expression de notre tradition de solidarité, une présence démocratique, gage de la préservation des libertés comme de la bonne utilisation de l'aide publique au développement, une présence culturelle, porteuse de la francophonie et de ses valeurs.
    La spécificité de la France en matière d'aide publique au développement repose désormais sur cette nouvelle gouvernance mondiale définie par le Président de la République, pour la réduction de la pauvreté et surtout la lutte contre les inégalités génératrices de fractures et d'instabilité internationale.
    C'est aussi la réflexion sur les biens publics mondiaux pour une gestion internationale des questions environnementales intégrées à nos actions de coopération.
    C'est enfin l'orientation de nos actions vers la préservation de la diversité culturelle pour laquelle le Président Chirac a proposé à Beyrouth l'élaboration d'une convention mondiale, car, a-t-il dit, la francophonie est un combat contre l'uniformisation.
    Ainsi, la francophonie évolue vers plus de pragmatisme, et les liens entre les actions de coopération et la promotion de la langue française sont forts.
    A cet égard, l'engagement du Président Chirac et du Gouvernement d'augmenter notre aide publique au développement de 50 % en cinq ans pour parvenir ensuite en dix ans à 0,70 % du PIB est non seulement l'expression de la solidarité de la France, mais aussi un atout indéniable pour la promotion de la langue française dans le monde, car, le chef de l'Etat l'a souligné, « en luttant pour la francophonie, la diversité des cultures, ce qui nous rassemble, ce n'est pas une nostalgie, mais une nécessité pour l'avenir, celle de contribuer à l'épanouissement des civilisations, à leur compréhension mutuelle, et aussi et surtout au respect de chacune d'entre elles ».
    Ainsi, en remerciant les personnes qui ont participé aux auditions, je voudrais, en conclusion, donner l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2003 : cet avis est positif (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les grandes orientations du budget des affaires étrangères pour 2003 viennent de vous être présentées de façon très complète et précise par les différents rapporteurs. Il n'est donc pas utile que j'y revienne. Qu'il me suffise de dire que, bien évidemment, j'approuve pleinement les objectifs que le Gouvernement a fixés à sa diplomatie : rationalisation de l'action extérieure de l'Etat, renforcement de notre aide bilatérale, défense de la francophonie, pour ne citer que les principales priorités.
    J'aimerais en revanche, et cela peut paraître quelque peu paradoxal, consacrer mon intervention à un projet dont on ne trouve guère trace dans ce budget pour 2003, celui de la future chaîne de télévision d'information continue internationale, qui fait actuellement l'objet de consultations et d'études multiples à la demande des pouvoirs publics et que M. Rochebloine, rapporteur de notre commission, a également évoqué dans son propos.
    Nous devrions donc connaître d'ici à la fin de l'année ou au début de l'an prochain les contours de cette nouvelle chaîne et j'ai souhaité saisir l'occasion de la discussion des crédits des affaires étrangères pour vous faire part de quelques réflexions.
    Dans son principe, la création d'une chaîne française internationale d'information continue doit constituer une priorité.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Très bien.
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Evoquée en février 2002 par le Haut Conseil de la francophonie, confirmée par le chef de l'Etat, qui a appelé de ses voeux une « CNN à la française », la chaîne d'information continue doit nous permettre d'affirmer notre présence, de faire entendre un autre point de vue, de défendre et de faire prévaloir une autre approche, en somme de nous doter des moyens d'exprimer une vision française de l'actualité internationale, bien entendu, sans qu'il s'agisse pour autant d'une expression gouvernementale à caractère officiel.
    M. Jacques Myard. Ça a du bon...
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Tout d'abord, un constat : la France est trop absente alors qu'il existe un public.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. C'est vrai.
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. A l'heure actuelle, notre présence audiovisuelle extérieure est insuffisante.
    Deux déplacements récents, aux Etats-Unis au mois d'octobre et il y a quelques jours en Pologne, m'ont conduit à constater que les chaînes françaises ou de langue française sont soit totalement absentes des bouquets proposés par les câbles opérateurs, soit diffusées de façon encore trop confidentielle.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Pourtant, il y a actuellement à travers le monde, selon les dernières estimations réalisées en 1998 par le Haut conseil de la francophonie, près de 113 millions de francophones « réels », plus de 60 millions de francophones occasionnels, et environ 110 millions de « francisants ». Dans cette catégorie, on trouve, d'une part, des personnes qui, ayant pris le français pendant plusieurs années, en ont gardé une certaine maîtrise, d'autre part, des personnes qui, en raison de leur métier, sont amenées à pratiquer le français, fût-ce partiellement. Au total, pas loin de 300 millions de personnes actuellement ont un lien avec la langue française et je rappellerai qu'avec l'anglais, loin derrière malheureusement, le français reste la seule langue enseignée à des titres et des degrés divers, dans tous les pays du monde.
    Ce public potentiel a été divisé par les professionnels en différentes catégories : les Français expatriés ou en voyage ; les étrangers francophones ; les décideurs et leaders d'opinion étrangers, qu'ils soient ou non francophones.
    C'est à cette dernière catégorie que la future chaîne française d'information continue devrait s'intéresser plus particulièrement, en présentant à ce public une vision française de l'actualité internationale, même s'il faut concevoir une partie des programmes en langue étrangères.
    Les questions posées par la création d'une chaîne française d'information continue sont bien connues. Elles sont difficiles, mais elles ne sont pas insurmontables.
    Faut-il d'abord créer une nouvelle chaîne ou s'appuyer sur une des structures existantes - mais notre paysage audiovisuel n'en manque pas -, M. Rochebloine l'a rappelé avec moi : TV5, RF1, Euronews, CFI, récemment devenue filiale de la télévision publique ?
    Une chose est sûre, la réflexion en cours sur cette chaîne d'information continue doit fournir l'occasion d'une remise à plat et d'une simplification de notre système audiovisuel extérieur...
    M. Jacques Myard. Très bien.
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. ... système, ô combien complexe, comme on nous l'a décrit.
    Deuxième question, la création d'une chaîne française internationale d'information continue répond à une mission de service public.
    M. Jacques Myard. Oui.
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. A qui souhaite-t-on confier cette mission ?
    J'observe que, sur cette question, les avis divergent et varient aussi à quelques mois d'intervalle.
    Là encore, le choix sera difficile, la télévision, la programmation sont des métiers qui ne s'improvisent pas. Il conviendra de s'interroger sur les publics à atteindre, les types de programmes à concevoir et les langues dans lesquelles ils seront diffusés.
    Troisième point, et la discussion budgétaire est l'occasion de l'évoquer, la chaîne d'information va coûter cher, ou coûterait cher. Le budget de TV5 s'élève à plus de 82 millions d'euros, celui de RFO pour les seuls DOM-TOM à 223 millions d'euros et celui d'Arte France à 186 millions d'euros pour une diffusion en Europe seulement. Par comparaison, la chaîne allemande dispose de 284 millions d'euros chaque année, et 300 millions d'euros sont accordés à BBC World Service.
    Il est donc vrai qu'un tel projet est onéreux. Une chaîne de ce type ne sera guère rentable. Je rappelle, mais vous le savez mieux que moi, messieurs les ministres, que CNN elle-même perd de l'argent. Je pense toutefois que, même s'il convient d'examiner avec soin la question du financement, nous saurons trouver une solution comme nous avons su - qu'on me permette ce rapprochement - en trouver une, certes à une autre échelle, pour financer dans chacune de nos deux assemblées, une chaîne parlementaire. (Rires et applaudissements.)
    M. Jacques Myard. Trop chère !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. La création d'une chaîne d'information francophone à destination de plusieurs centaines de millions d'auditeurs ne saurait donc achopper sur la question budgétaire.
    Les Etats-Unis avec CNN international, et la Grande-Bretagne avec BBC World sont dotés d'une chaîne d'information continue qui assure, avec bien d'autres moyens d'ailleurs, leur présence dans le monde.
    Tout récemment, la chaîne NBC a décidé le lancement prochain d'une chaîne internationale d'information continue en arabe, axée sur l'actualité politique internationale. Al Arabya, destinée à concurrencer Al Jazira sera diffusée à destination des pays arabes, en Europe et dans une partie de l'Asie.
    Dans ce contexte, il me semble que la France se doit aussi d'affirmer sa présence sur la scène mondiale de l'information. Un projet est en cours à destination des pays arabes, qui utiliserait les infrastructures de TV5 Orient. Je souhaiterais que, de la même façon, la présence française puisse aussi rapidement se faire sentir dans la future Europe élargie.
    M. Jean-Claude Lefort et M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je voulais vous soumettre. La commission des affaires étrangères est toute prête à coopérer avec votre administration pour que, lors du prochain budget, l'on puisse avoir enfin à approuver une réalisation que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux depuis de longues années (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union sur la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous, avec Pierre-André Wiltzer et Renaud Muselier, pour proposer à votre approbation le premier budget des affaires étrangères de ce gouvernement.
    Permettez-moi de vous remercier, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame, messieurs les rapporteurs, pour la très grande qualité des analyses que vous venez de présenter. Je vais m'attacher à y répondre, mais je voudrais d'abord préciser rapidement le contexte dans lequel s'inscrivent les priorités que je souhaite mettre en oeuvre.
    Le contexte international est marqué, vous le savez, par la superposition de deux révolutions qui conjugent leurs effets.
    La première révolution est d'ordre stratégique. Avec la fin de la guerre froide, chaque crise régionale est désormais susceptible de s'étendre et de servir de porte d'entrée au désordre. Cette situation nous oblige à inventer de nouveaux modes de régulation pour préserver la sécurité et la stabilité internationales.
    Face à la tentation dangereuse du « tout sécuritaire » l'ambition de la France est de bâtir un nouvel ordre fondé sur trois principes : la responsabilité collective, la légitimité et l'efficacité.
    La deuxième révolution est celle de la mondialisation, avec ses opportunités mais également son passif. Laissée à elle-même, la mondialisation fabrique aussi de l'exclusion et du désordre, met en péril l'équilibre écologique de notre planète, et favorise la prolifération de zones de non-droit.
    Ces enjeux, dits globaux, sont les nouveaux grands chantiers de la diplomatie française. Ils nécessitent des instruments de régulation adaptés à l'échelle internationale.
    Dans ce contexte bousculé, instable et imprévisible, nos priorités s'imposent d'elles-mêmes. J'en citerai notamment trois.
    Il nous faut d'abord affirmer notre ambition européenne, pour une France forte, dans une Europe forte. Cela passe par plusieurs objectifs complémentaires : mieux asseoir la légitimité et l'efficacité des institutions de l'Union européenne, pour répondre à l'exigence démocratique exprimée par nos concitoyens ; réussir le processus d'élargissement de l'Union européenne en préservant sa capacité d'action et les politiques communes, à commencer par la politique agricole commune ; donner une nouvelle impulsion à la coopération franco-allemande avec la définition, en janvier 2003, pour le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, du « pacte refondateur » voulu par le Président de la République.
    Il nous faut ensuite répondre plus efficacement aux nouveaux défis auxquels nous devons faire face : l'apparition de nouvelles menaces, d'une part, la persistance et la contagion de conflits régionaux, d'autre part.
    Nous devons d'abord renforcer la lutte contre la menace terroriste. Elle passe par le développement des instruments d'action de l'Union européenne en matière de police et de justice. Mais il faut aussi renforcer notre capacité à identifier ces menaces, leur fondement et leurs racines, parce que seule cette démarche rendra notre réponse plus efficace. Enfin, la sécurité de nos compatriotes vivant à l'étranger et de nos implantations constitue une exigence constante et prioritaire qui mobilise l'ensemble de notre réseau diplomatique et consulaire.
    Je pense aussi à la lutte contre les nouveaux risques, à commencer par la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. L'Irak et la Corée du Nord montrent la réalité du risque. Le développement des réseaux mafieux et des trafics de toute nature fait également partie de ces nouveaux risques que nous voulons combattre. C'est dans cet esprit que le Gouvernement proposera prochainement à votre approbation un texte visant à lutter spécifiquement contre le mercenariat.
    Il nous faut également renforcer notre influence dans le règlement des crises régionales. Je pense, par exemple, à celle du Proche-Orient, qui dure depuis trop longtemps. Nous devons être convaincus que la France et l'Europe peuvent jouer un rôle actif, notamment au sein du quartet, tant sont fortes les attentes.
    La France entend enfin exprimer pleinement sa fidélité à l'égard de nos partenaires les plus anciens, et tout particulièrement, bien sûr, du continent africain. C'est le sens de la relance de notre aide au développement comme celui de nos efforts pour le règlement des crises qui secouent aujourd'hui un continent en pleine mutation : Madagascar, la Côte d'Ivoire, la Centrafrique. Le prochain sommet Afrique-France, à Paris, au mois de février prochain, contribuera à la redynamisation de nos relations et permettra de définir de nouvelles approches.
    J'en viens maintenant aux grandes lignes du budget du ministère pour 2003.
    Certes, les ambitions que je viens d'énoncer peuvent paraître considérables pour un budget qui demeure limité puisqu'il n'est que le onzième des budgets civils et qu'il ne disposera en 2003 que de 40,2 % du total des moyens dévolus à l'action extérieure de l'Etat.
    Vous avez tous, madame, messieurs les rapporteurs, en évoquant cette dispersion des crédits, souligné son adéquation difficile avec l'ambition qui est la nôtre.
    Je connais bien ce ministère. Je suis convaincu que nous n'atteindrons ces objectifs qu'en nous réformant et en nous adaptant. L'idée n'est pas neuve, je le sais bien. Un grand nombre de réformes ont déjà été engagées, auxquelles presque tous mes prédécesseurs, de Michel Debré à Hubert Védrine, en passant bien sûr par Alain Juppé, se sont personnellement attachés.
    De nombreuses critiques demeurent aujourd'hui justifiées : sur l'affaiblissement et la dispersion de nos moyens, sur nos méthodes de travail, sur l'insuffisance de la coordination.
    Face aux défis d'aujourd'hui, le ministère des affaires étrangères doit répondre à trois exigences : la cohérence, l'efficacité et la transparence.
    Tout d'abord, l'exigence de cohérence.
    Je souhaite qu'à terme le ministère des affaires étrangères devienne le centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de notre action extérieure. C'est sa vocation première. Telle est d'ailleurs l'analyse des deux rapporteurs au fond et pour avis, Eric Woerth et Richard Cazenave.
    Deux références fondent cette mise en cohérence : le décret du 1er juin 1979 et la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001.
    Il faut enfin donner toute sa portée au décret de 1979 sur les services de l'Etat à l'étranger. L'ambassadeur qui représente le Président de la République, le Premier ministre et chacun des ministres doit pleinement jouer son rôle de coordination et de synthèse à l'instar du préfet dans le département. Je suis persuadé que cela permettra d'assurer à terme la gestion plus rationnelle des moyens de l'Etat que nous souhaitons tous.
    Plus généralement, je souhaite m'inscrire dès que possible dans le cadre tracé par la loi organique sur la loi de finances, fruit de la volonté commune des deux assemblées. La LOLF organise une présentation par objectifs du budget de l'Etat. Elle n'entrera en vigueur qu'en 2006, mais il me paraît essentiel de nous y préparer dès maintenant.
    MM. Henri Emmanuelli, Jacques Godfrain, François Rochebloine, ont dénoncé l'éparpillement des crédits affectés à l'action extérieure, le risque de dilution des moyens qu'elle entraîne. Nous réfléchissons à la consolidation de toutes les interventions publiques à l'étranger au sein d'une mission interministérielle « action extérieure de l'Etat »...
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre des affaires étrangères. ... qui relancerait l'effort de cohérence et de synthèse déjà entrepris, dans le respect des attributions de chaque ministère et en concertation avec chacun d'eux.
    Cette approche pourrait contribuer à répondre aux interrogations de M. Emmanuelli et de M. Woerth sur l'absence de budget consolidé de notre action extérieure.
    Deuxième impératif : une exigence d'efficacité.
    Il nous faut resserrer, réorganiser et rationaliser notre dispositif. C'est le sens de la mission que m'a assignée le Premier ministre.
    Dans ce cadre, l'effort de rationalisation doit être relancé.
    Dans la plupart des pays, les effectifs gérés par le Quai d'Orsay sont désormais minoritaires. Vous êtes nombreux, par vos missions sur le terrain, à l'avoir constaté. A Rome, à Helsinki ou à Londres, les agents du ministère des affaires étrangères sont bien moins nombreux que ceux des autres administrations. Souvent, le budget de l'ambassade stricto sensu représente moins de la moitié du budget du poste dans son ensemble.
    Cette superposition des procédures, des moyens, des services ne peut que nuire au bon emploi des deniers publics.
    Il convient sûrement de rationaliser ce dispositif. Ainsi, les crédits des administrations françaises présentes dans un pays donné pourraient être mis en oeuvre au terme d'un exercice annuel collégial de programmation, d'exécution et d'évaluation conduit par l'ambassadeur et tous les chefs de service.
    J'entends également proposer la reprise des travaux du comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger. Sous l'impulsion d'Alain Juppé, le CIMEE avait amorcé la rationalisation des implantations des services extérieurs des administrations françaises. J'entends poursuivre celle du dispositif diplomatique, consulaire et culturel. Cela pourra nous conduire à des décisions de fermeture. C'est toujours difficile, comme l'a souligné M. Rochebloine à propos de nos centres culturels en Allemagne, mais cela me semble indispensable, notamment si nous entendons redéployer nos moyens.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. le ministre des affaires étrangères. Dernière exigence : la transparence.
    La modernisation du ministère passe par la mesure des résultats, l'évaluation des politiques conduites et le contrôle de gestion, ce qui correspond d'ailleurs pleinement aux principes de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
    L'entrée en vigueur de la LOLF nécessitera le réexamen des structures et des missions, pour parvenir à la définition d'indicateurs de résultats : cette réflexion va être engagée sous peu. Une direction du contrôle de gestion sera créée dans les prochaines semaines. Je souhaite que l'inspection générale des affaires étrangères et l'inspection générale des finances se penchent conjointement sur le système de gestion de ce ministère.
    L'unification et la rationalisation de notre réseau devra avoir des contreparties. Ce ministère doit s'ouvrir davantage, mobiliser les ressources humaines là où elles existent, accueillir sans frilosité d'autres agents de l'Etat et irriguer lui-même d'autres services publics.
    Dès le début de l'année prochaine, je transmettrai des propositions précises sur tous ces points au Premier ministre afin qu'il en saisisse le CIMEE, le Comité international des moyens de l'Etat à l'étranger. Je veillerai à ce que vous en soyez informés.
    Au-delà de l'impulsion que je souhaite donner à notre outil administratif, je voudrais évoquer plus précisément les principaux postes de ce projet de budget.
    Quelques considérations d'ordre général, au préalable.
    Je souhaite tout d'abord souligner, comme ont bien voulu le reconnaître les rapporteurs Eric Woerth et Richard Cazenave, que la très forte progression du budget proposé pour 2003, 13,3 % de la loi de finances initiale à la loi de finances initiale, ne correspond pas tant à une augmentation des moyens de ce ministère qu'à la volonté, commune à l'ensemble de ce gouvernement, de faire preuve de sincérité budgétaire, en inscrivant, dès le projet de loi de finances initiale soumis à votre approbation, la totalité des crédits nécessaires aux actions que la France s'est engagée à mener.
    Ainsi, la progression en 2003 recouvre pour partie une forte augmentation de l'enveloppe de la loi de finances initiale consacrée au financement des contributions obligatoires et aux opérations du Fonds européen de développement. Ainsi, l'enveloppe du FED sera multipliée par 2,3 pour atteindre 496 millions d'euros.
    Dans cette optique de sincérité, il me semble nécessaire de dire un mot du gel budgétaire. Vous avez été nombreux à vous en inquiéter, Henri Emmanuelli comme Jacques Godfrain, Richard Cazenave comme Eric Woerth, dans le cadre de ce débat, mais aussi le président Edouard Balladur, dès l'examen du projet de budget devant sa commission.
    J'entends, bien entendu, prendre ma part dans l'effort fixé par le Gouvernement pour respecter les règles européennes du déficit budgétaire, je souhaite toutefois appeler l'attention de tous sur la spécificité du budget de ce ministère : la plupart de ses actions s'inscrivent dans le cadre d'engagements pris avec nos partenaires. Lorsque nous ne sommes pas en mesure de les respecter et que nous sommes contraints, en cours d'année, d'interrompre certaines de nos actions, c'est bien la parole de la France qui est en cause.
    Il reste que, par rapport à la loi de finances initiale 2002, majorée des crédits ouverts en cours d'exécution budgétaire, l'augmentation de ce budget devrait atteindre 5,6 %, ce qui le place aux tout premiers rangs des progressions enregistrées cette année, derrière la justice, avec 7,4 %, et à égalité avec la défense, avec 5,4 %
    S'agissant d'abord de nos moyens de fonctionnement, je voudrais vous rappeler que nous disposons du second réseau diplomatique et consulaire, après celui des Etats-Unis, avec 152 ambassades, vingt et une représentations permanentes et 105 postes consulaires. Ce réseau doit être en permanence adapté aux évolutions et aux réalités internationales, sans pour autant aboutir à des « allers et retours », sources de dysfonctionnement et parfois même de gabegie.
    Vous soulignez, à juste titre, monsieur Woerth, que notre gestion des coûts de personnel est « insuffisamment maîtrisée », je vous remercie d'appuyer l'initiative que j'ai lancée dès mon arrivée en fonction pour effectuer un audit du système des rémunérations à l'étranger. Celui-ci correspond bien, comme vous l'indiquez, à ma volonté de faire de ce ministère un « exemple » de la réforme de l'Etat.
    J'ajoute que si, en 2003, les crédits destinés aux rémunérations, aux missions et au fonctionnement des services et des postes augmentent de 3,2 %, c'est essentiellement au service de la sécurité de nos postes, que je veux en priorité renforcer. Ainsi, quinze emplois nouveaux de gendarmes seront ouverts.
    Vous avez également souligné, madame, messieurs les rapporteurs, que la politique immobilière du Quai apparaissait - je vous cite - « peu rationnelle et éminemment coûteuse ». Je veillerai personnellement à la poursuite des efforts déjà entrepris. J'ai demandé une meilleure maîtrise des coûts, la remise à niveau des installations et la recherche d'une insertion optimale dans un site si possible regroupé. Ces objectifs sont dictés par plusieurs priorités essentielles : la standardisation - qui pourra générer des économies -, l'unification et la sécurisation de nos emprises. Nos crédits diminuent, mais cette baisse sera compensée par d'importants reports de crédits liés aux délais des travaux effectués à l'étranger.
    Je voudrais également saluer la décision du Président de la République et du Premier ministre de placer à mes côtés un secrétaire d'Etat, M. Renaud Muselier, pour que notre diplomatie soit plus active dans des régions ou des pays jusqu'ici à tort délaissés et dans des domaines où j'entends qu'une action plus déterminée soit conduite : il s'agit, par exemple, des Français de l'étranger et de l'action humanitaire.
    S'agissant plus particulièrement des Français de l'étranger, qui nous préoccupent tous, je voudrais d'abord vous assurer que la sécurité de nos compatriotes est une des priorités du Gouvernement, à l'étranger comme en France.
    Depuis mai dernier, nous avons fait face à plusieurs crises : l'attentat de Karachi, la rébellion en Côte d'Ivoire, l'attentat contre le pétrolier Limbourg au Yémen, le naufrage du Joola au Sénégal, l'attentat de Bali, la tentative de coup d'Etat en République centrafricaine. Presque toujours, il y a eu des Français parmi les victimes : nous avons réagi rapidement pour assurer la sécurité du plus grand nombre, entourer les familles des victimes, évacuer les personnes désemparées.
    Nos ambassades doivent disposer de moyens plus efficaces encore, notamment en matière de communication et d'équipements de protection individuels. Les crédits dédiés à la sécurité de nos compatriotes à l'étranger bénéficieront donc d'une augmentation de 25 % dès 2003.
    Je souhaite que nous renforcions, dans le même temps, notre capacité d'analyse des risques et la coopération entre les services. Un comité de sécurité interministériel s'est réuni à cet effet au Quai d'Orsay pour la première fois, il y a quelques jours.
    Au-delà des seules préoccupations de sécurité, je voudrais également vous confirmer qu'il nous semble essentiel de réduire encore l'écart important qui subsiste entre la protection sociale apportée à nos compatriotes selon qu'ils vivent en France ou à l'étranger, écart dont vous avez été plusieurs, à juste titre, à vous émouvoir. L'augmentation des crédits du Fonds d'action sociale répond à la croissance continue des besoins de nos ressortissants les plus démunis. Expérimentées avec succès dans quelques consulats, les aides financières pour la formation professionnelle ou la création de micro-entreprises vont être étendues.
    Je souhaiterais, enfin, évoquer avec vous plusieurs questions mises en exergue par vos rapports.
    Vous avez été unanimes à exprimer vos préoccupations sur l'avenir de l'AEFE. Je les partage. Je remercie Mme Martinez et M. Rochebloine de la pertinence et du détail de leurs analyses, dont nous ne manquerons pas de nourrir notre réflexion.
    J'ai trouvé, en prenant mes fonctions, une agence au bord de l'asphyxie financière, alors même que les enseignements dispensés sont de grande qualité. Que proposons-nous ?
    La réforme engagée du statut du personnel enseignant expatrié doit être menée à son terme. Le lien avec l'éducation nationale doit être raffermi, car cet ancrage est le garant de la qualité des enseignements.
    Le maillage du réseau doit être examiné en prenant en compte ses deux missions : formation des élèves français expatriés et formation des élites locales. Nous devrons examiner le cas des établissements qui sont dans une situation marginale. Nous n'avons pas vocation, en effet, à nous substituer aux systèmes éducatifs nationaux : nous ne devons pas nous maintenir là où nos établissements sont le legs de situations révolues.
    Mais je ne veux pas abandonner ces établissements du jour au lendemain. Nous ménagerons des financements transitoires et recourrons à des opérateurs reconnus, telle la Mission laïque, qui scolarise déjà 20 000 élèves dans soixante-huit établissements. Cela répond à une question posée en commission par Richard Cazenave. Nous nous appuierons sur les associations de parents d'élèves : je salue l'engagement personnel, bénévole et précieux, des membres de leurs bureaux pour adapter le réseau.
    Cette adaptation ne peut être mise en oeuvre dans la précipitation, ni sans concertation. J'ai demandé à la direction de l'Agence et à sa tutelle de me proposer un plan raisonné, que je suis déterminé à mettre en oeuvre. Entre-temps, je suis en mesure de vous annoncer que les financements nécessaires seront dégagés pour faire face aux échéances les plus urgentes.
    S'agissant du rayonnement culturel de la France, je souhaiterais aborder la question de notre action audiovisuelle extérieure, à laquelle le président Edouard Balladur a consacré l'essentiel de son intervention.
    M. Jacques Myard. A juste titre !
    M. le ministre des affaires étrangères. Vous vous interrogez, monsieur le président, ainsi que Mme Henriette Martinez et M. François Rochebloine, sur la création d'une chaîne d'information internationale en continu. Sur ce projet important, nous avons mené à son terme une première série de consultations avec les opérateurs concernés. Comme le souligne le président Balladur, notre vision singulière du monde et de l'actualité internationale intéresse aujourd'hui un large public potentiel, soucieux de recevoir des images et des commentaires propres à notre pays.
    Ce projet ne trouvera cependant son véritable sens que s'il propose une chaîne d'actualité de qualité, comprenant des images nouvelles et une rédaction qui lui soient propres. Il faut en poser les bases, rationaliser et utiliser ce qui existe déjà, en particulier dans le service public audiovisuel. Cette réflexion doit être l'occasion, comme le suggère le président Balladur, d'une remise à plat et d'une simplification de notre système audiovisuel extérieur. Les différentes options doivent être étudiées avec soin, en particulier sur le plan financier. Je m'engage bien entendu à poursuivre avec vous la discussion dès qu'un travail d'expertise plus avancé sera réalisé.
    Je voudrais aussi évoquer la contribution du ministère des affaires étrangères à la maîtrise des flux migratoires.
    Nos consulats sont en toute première ligne dans la maîtrise des flux migratoires, mais l'examen des demandes de visa ne doit pas se limiter à contrôler l'accès au territoire français. Il est également essentiel de favoriser la venue en France de ceux qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos relations bilatérales.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires étrangères. Les visas sont bien sûr un instrument important de notre politique étrangère et du rayonnement de la France à l'extérieur.
    Notre réseau consulaire a délivré un peu plus de deux millions de visas en 2001. Une douzaine de pays représentent à eux seuls près de la moitié des visas délivrés, au premier rang desquels on trouve l'Algérie, la Russie et le Maroc.
    Les visas touristiques de moins de trois mois représentent 80 % du total des visas délivrés. Dans le cadre des accords de Schengen, nos efforts - engagés lors du Conseil européen de Séville - sont également tournés vers la réponse aux menaces terroristes. A cet égard, je compte organiser rapidement, avec le ministère de l'intérieur, un partage de l'information sur les visas délivrés, afin qu'ils ne deviennent pas un moyen détourné d'immigration définitive.
    M. Jean Roatta. Très bien !
    M. le ministre des affaires étrangères. Le déficit de nos moyens humains - aujourd'hui évalué à au moins quatre-vingts agents - comme de nos moyens matériels est préoccupant. Vos rapporteurs l'ont souligné, notamment à la suite de missions sur le terrain - je pense en particulier au rapport de mission au Mali, important pays d'émigration, de Jacques Godfrain.
    Nous allons poursuivre le renforcement de nos moyens et améliorer les conditions de travail et la formation des personnels travaillant dans les services de visas. Beaucoup de progrès sont en effet nécessaires, et je remercie Eric Woerth de l'avoir souligné.
    La proposition de Richard Cazenave visant à mettre en place des bureaux communs des visas dans l'espace Schengen permettrait certainement de faire des économies de moyens, et peut-être d'améliorer notre efficacité dans ce domaine.
    Notre politique en matière de visas doit être complétée par la réforme du droit d'asile, dont j'ai présenté les grandes lignes au conseil des ministres du 25 septembre dernier.
    Les demandes d'asile en France ont triplé en trois ans. Les moyens correspondants n'ont pas suivi.
    M. Jean Roatta. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires étrangères. Il en est résulté un allongement des délais de traitement des dossiers, qui, avec le cumul des procédures, a détourné l'asile de son objet initial de protection, le transformant en vecteur d'immigration irrégulière. Il faut mettre un terme à ces dysfonctionnements.
    La réforme engagée vise à raccourcir les délais d'instruction à deux mois maximum. Elle reposera sur un guichet unique, l'OFPRA, une procédure unique, l'asile territorial étant appelé à disparaître, et un recours unique. Pour assurer son efficacité, les étrangers déboutés du droit d'asile devront faire l'objet d'une reconduite effective dans leur pays d'origine. Un projet de loi devrait être soumis à votre approbation au début du printemps 2003.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre des affaires étrangères. Il reste que, d'ici au 1er janvier 2004, il est indispensable de résorber le stock considérable de dossiers en attente. La productivité de l'OFPRA devra donc être améliorée et sa gestion redynamisée, notamment avec la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens.
    De fait, les crédits ouverts pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés sont marqués par une très forte progression, près de 25 % en 2003. A ces moyens supplémentaires s'ajoute le financement, que j'ai obtenu dans le cadre des négociations sur la levée du gel budgétaire, du recrutement de près de 180 agents supplémentaires et de locaux mieux adaptés à la mission de l'OFPRA. Cela répond, je l'espère, aux préoccupations justifiées exprimées par M. Éric Woerth.
    Je voudrais, pour terminer, évoquer très brièvement la reprise de notre effort en faveur de l'aide au développement, avant de laisser la parole à Pierre-André Wiltzer, qui vous exposera notre politique plus en détail, dans ce domaine comme dans celui de la francophonie.
    Je rappelle que, de 1996 à 2001, le montant de notre aide publique au développement a diminué de 10 %, tandis que notre PIB progressait fortement.
    Le Président de la République s'est personnellement engagé à porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici à la fin de son mandat. Cet engagement de la France, le Président l'a constamment réitéré depuis, que ce soit à Monterey en mars dernier, à Barcelone également en mars dernier, dans le cadre européen, ou encore à Johannesbourg en septembre.
    Cet engagement sera tenu. D'après les chiffres établis par le ministère des finances, notre taux d'aide publique au développement devrait passer de 0,32 % en 2001 à 0,39 % en 2003. Cette augmentation ne résultera pas seulement mécaniquement du respect de nos engagements en matière d'annulation de dettes ou de la mise en oeuvre des engagements communautaires.
    M. Jacques Myard. Ça, c'est la droite !
    M. le ministre des affaires étrangères. La volonté de ce gouvernement est en effet de mettre un terme à la baisse ininterrompue de notre aide bilatérale, en relançant notamment notre effort en direction du continent africain.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. Jacques Myard. Bravo ! Vive l'Afrique !
    M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, telles sont les grandes lignes du projet de budget que j'ai l'honneur de proposer à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, M. de Villepin vous a présenté l'ensemble du budget du ministère des affaires étrangères. Je vais, comme il vient de l'indiquer, en préciser les principales orientations dans les domaines de la coopération et de la francophonie qui m'ont été confiés.
    Le constat est le suivant : nous avons assisté ces dernières années à un double mouvement d'élargissement du nombre des bénéficiaires potentiels de notre coopération et de diminution des moyens de celle-ci, comme l'a souligné M. Jacques Godfrain. La conséquence en a été une dilution préjudiciable à notre action.
    Ce constat nous amène à revoir les orientations de notre politique de coopération et à en renforcer les moyens. C'est bien l'orientation fixée par le Président de la République, et c'est bien la politique que le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre pour la durée de la législature. Cette politique se résume dans un programme en dix points, dont je ne fais qu'énumérer les têtes de chapitre : augmenter le volume de notre aide publique au développement ; rééquilibrer nos efforts en faveur de l'aide bilatérale ; accroître notre coopération avec l'Afrique, qui réunit la majorité des pays les plus pauvres de la planète ; substituer le partenariat à l'assistance ; développer la coopération décentralisée ; accentuer le partenariat avec la société civile - organisations non gouvernementales, entreprises, ou groupements d'entreprises, fondations, assocations ; promouvoir le volontariat associatif ; renforcer l'expertise française en matière de coopération ; assurer une coordination plus efficace de nos instruments administratifs, techniques et financiers ; enfin, accentuer notre présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous coopérons.
    Voilà notre feuille de route.
    Dans le cadre de l'examen du projet de budget soumis à votre approbation, et pour resserrer mon propos, je rassemblerai ces dix objectifs autour de quatre grands thèmes.
    Premier thème : augmenter le volume de notre aide publique.
    Comme l'ont rappelé plusieurs rapporteurs, notre aide, rapportée au PIB, a subi une réduction régulière de 1994 à 2001. Cette dégradation ne doit pas se poursuivre. Pour atteindre 0,7 % du PIB d'ici à dix ans, objectif fixé par le Président Chirac, notre effort d'aide publique au développement devra atteindre 0,5 % à la fin de la législature, comme vient de l'indiquer le ministre des affaires étrangères, soit une augmentation de 50 % en cinq ans. Le projet de budget pour 2003 amorce ce mouvement et inverse la tendance antérieure. Dans un contexte budgétaire contraint par la baisse de la croissance économique internationale, cet effort traduit une volonté politique forte.
    Deuxième thème : améliorer la lisibilité et l'efficacité de notre aide.
    La part multilatérale de notre aide publique a considérablement augmenté ces dernières années, principalement en raison de notre contribution à l'aide communautaire européenne.
    Cette année encore, comme l'ont indiqué plusieurs rapporteurs, une partie de la progression de notre effort reflète une augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement. Celle-ci passe en effet de 218,5 à 496 millions d'euros. Cette majoration de 127 % des montants n'est pas due, du moins pas encore, aux effets de la réforme des procédures du FED. Elle correspond essentiellement à la volonté du Gouvernement de faire preuve de sincérité budgétaire. C'est ainsi qu'est affichée, dès la loi de finances initiale, la totalité de l'effort, alors qu'en 2002 les crédits inscrits en loi de finances initiale ont dû faire l'objet d'un abondement de 150 millions d'euros dans le premier collectif mis en oeuvre par ce gouvernement pour faire face à nos engagements.
    Toutefois, les retards de décaissement du FED et la complexité de ses procédures sont connus : ils ont été, à juste titre, soulignés par MM. Emmanuelli, Godfrain et Woerth. En réponse aux inquiétudes exprimées, notamment par M. Emmanuelli, je tiens à souligner que les conditions du « dégel » des crédits budgétaires me permettent d'annoncer un transfert de 13 millions d'euros en provenance des 48 millions d'euros de reliquats du FED sur 2002. Sur ces 13 millions d'euros, 9 millions seront affectés au fonds de solidarité prioritaire et 4 millions à l'Agence française de développement. Ce transfert non seulement rattrape de façon significative l'effet du « gel », mais aussi participe à notre effort voulu en faveur de la préférence bilatérale. Nous espérons compléter ce transfert dans le cadre du collectif qui sera présenté au conseil des ministres la semaine prochaine.
    Cela correspond bien au mécanisme demandé au Premier ministre dans le cadre de la préparation du budget pour 2003, afin de nous permettre d'honorer les engagements qui ont été pris en matière d'aide au développement.
    Ce mécanisme est le suivant : dès lors qu'il sera constaté que les hypothèses de décaissement du FED ou de la mise en oeuvre des contrats de désendettement-développement, C2D, ne pourront pas être respectées au cours de l'exercice, les crédits afférents pourront être réaffectés au bénéfice d'une aide bilatérale immédiatement disponible.
    Ce mécanisme nous paraît de nature à respecter l'équilibre budgétaire - puisqu'il intervient sous plafond et qu'il est soucieux de la gestion au plus près des crédits que vous aurez votés - et nos engagements. C'est donc très logiquement que nous donnons la priorité, comme vous le constatez, à l'augmentation de l'aide bilatérale, qui passera de 63 % à 69 % du total dès le budget pour 2003.
    La relance de notre effort d'aide publique au développement ne doit pas correspondre au seul résultat mécanique d'annulation des dettes qui relèvent d'engagements déjà pris et connus de nos partenaires. Notre volonté politique est bien de stopper la chute de l'aide bilatérale - qui a été amputée de plus du tiers entre 1996 et 2001, selon les chiffres du dernier comité d'aide au développement de l'OCDE - et d'inverser le mouvement.
    C'est en ce sens que les autorisations de programme inscrites en faveur du fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement progresseront, dès 2003, de 26 %, afin que nous puissions, à terme, tenir nos engagements. Bien sûr, il nous faudra suivre avec la plus extrême vigilance l'évolution des crédits de paiement permettant de les mettre en oeuvre.
    De même, nous proposons l'inscription de 91 millions d'euros au titre des contrats de désendettement et de développement, qui correspondent à l'initiative française prise dans le prolongement du traitement multilatéral de la dette des pays pauvres très endettés, les PPTE. Ce mécanisme spécifique d'aide bilatérale, fondé sur le partenariat avec les pays bénéficiaires et permettant l'association de la société civile et du secteur privé, s'inscrit parfaitement dans un schéma de lutte contre la pauvreté. Ce mécanisme n'est pas nouveau, mais c'est la première fois que les crédits nécessaires pour honorer ces engagements sont inscrits au budget.
    Je présenterai maintenant quelques observations sur les contributions volontaires aux organisations internationales.
    Il est un domaine dans lequel l'augmentation de notre aide multilatérale n'a pas été constatée : celui de nos contributions volontaires au système des Nations unies, dont le montant est clairement insatisfaisant.
    Je ne peux qu'être d'accord sur ce point avec les remarques de M. Cazenave et M. Woerth. La France n'est qu'en douzième position dans ce domaine, alors qu'elle figure au quatrième rang s'agissant des contributions obligatoires. Les conséquences négatives de cette situation sur notre influence au sein de l'ONU n'ont pas besoin d'être soulignées.
    L'origine de cette faiblesse est claire : dans le cadre budgétaire extrêmement contraint qu'a connu le ministère des affaires étrangères ces dernières années, la forte augmentation des contributions obligatoires a eu pour conséquence une diminution ou un plafonnement de nos contributions volontaires. Dans le premier budget présenté par ce gouvernement, nous avons voulu remédier d'abord à la faiblesse de nos actions bilatérales.
    En outre, toujours dans le même souci de sincérité budgétaire, nous avons souhaité inscrire la totalité des contributions obligatoires dès la loi de finances initiale, pour éviter de recourir en cours d'année à des compléments ajoutés dans des collectifs. C'est pourquoi nous n'avons pas été en mesure, pour 2003, de majorer l'enveloppe des contributions volontaires.
    Soyez assurés, mesdames et messieurs les députés, que nous partageons vos préoccupations sur ce point et que nous veillerons à ce qu'elles soient prises en considération dans le cadre de la préparation du prochain budget.
    Pour ce qui concerne la répartition géographique des crédits d'aide au développement, je rappelle que la programmation pour 2003 met l'accent sur les crédits affectés à des pays identifiés et individualisés. Ces crédits progressent de 5,1 % pour s'établir à 617 millions d'euros, alors que l'enveloppe globale, qui comprend également les opérations dites transversales, n'augmente que de 3 %.
    L'Afrique subsaharienne est privilégiée. Sa part dans l'ensemble des crédits affectés géographiquement dépasse désormais le seuil des 50 %, contre 48 % en 2002.
    Cette programmation traduit donc très clairement dans les faits le renforcement de notre aide en faveur des pays auxquels nous attachent les liens historiques les plus forts, qui sont en même temps ceux dont les besoins sont les plus grands.
    Troisième thème : rénover nos partenariats.
    Il s'agit, vous le savez, d'une préoccupation majeure du Président de la République, lequel a plaidé lors du sommet du G 8 à Kananaskis en faveur d'un partenariat « généreux, précis et exigeant ».
    Cette logique de partenariat inspire déjà la procédure des commissions mixtes, qui règle nos rapports avec les pays bénéficiant de notre coopération. Elle est aussi au coeur du mécanisme des contrats de désendettement et de développement.
    Le renforcement de nos partenariats passe également par un appui à la coopération décentralisée. C'est à partir du terrain, par le biais d'une collaboration accrue de tous les acteurs, que peuvent naître de bonnes décisions et de bons projets.
    Au cours de mes déplacements en Afrique, j'ai pu constater l'importance du maillage constitué par la coopération non gouvernementale.
    Le renforcement de nos partenariats passe enfin par une meilleure association de la société civile, avec laquelle nous devons développer un dialogue toujours plus étroit et plus ouvert. Elle suppose aussi que les volontaires, qui expriment notamment la capacité des jeunes à se dévouer pour un monde plus solidaire, puissent trouver un cadre facilitant leur tâche.
    Je voudrais enfin mentionner l'importance particulière que nous attachons aux entreprises et à l'investissement privé. L'aide publique au développement, à elle seule, ne permet pas de répondre aux énormes besoins des pays en développement, les investissements privés doivent prendre le relais. Notre politique dans ce domaine vise à créer un environnement favorable aux investissements. Le vrai développement, le développement durable, passe par celui d'un secteur privé local dont il faut favoriser et améliorer l'environnement.
    Je souhaite, sur ce point du partenariat et de la coopération non gouvernementale, rassurer M. Emmanuelli et M. Woerth, qui ont, à juste titre, remarqué la baisse des crédits inscrits sur le chapitre 42-13. Je leur indique que la programmation des crédits de la direction générale de la coopération internationale et du développement prévoit pour 2003, au sein du titre VI relatif au fonds de solidarité prioritaire, le FSP, une augmentation des crédits plus importante que la diminution des crédits constatée au titre IV. Il y a un transfert de crédits, et donc, au total, une augmentation de l'effort consenti en faveur de la coopération non gouvernementale.
    Quatrième et dernier thème : renforcer l'expertise française en matière de coopération.
    Nous disposons en ce domaine d'une grande richesse : celle de notre assistance technique, essentielle à la crédibilité de notre action et de nos réflexions.
    La diminution, sans doute excessive, de l'assistance technique au cours des dernières années portait le risque d'une disparition de l'expertise française. Le projet de loi de finances pour 2003, en augmentant de 3,7 % le chapitre 42-15, permet d'enrayer ce mouvement et de garantir la qualité de nos projets financés par le fonds de solidarité prioritaire.
    Par ailleurs, pour améliorer la cohérence et l'efficacité de nos actions dans ce domaine, ce projet de budget prévoit également des crédits pour le groupement d'intérêt public baptisé « France coopération internationale », qui aura pour mission de permettre à nos experts nationaux de concourir avec des chances renforcées dans les appels d'offres lancés par les bailleurs de fonds multilatéraux.
    J'en viens à la francophonie, laquelle s'inscrit dans le cadre de ces principes. Les quatre thèmes que je viens de décliner devant vous s'appliquent à la francophonie comme aux autres volets de notre coopération. Ils se retrouvent dans les préconisations de la France pour l'organisation de la francophonie et ses opérateurs. La déclaration et le programme d'action du sommet de Beyrouth en témoignent.
    Comme le président de la République a eu l'occasion de l'annoncer à Beyrouth, la France envisage d'augmenter de manière substantielle sa contribution à l'Organisation internationale de la francophonie. Cette relance devrait concerner tous les opérateurs, sauf TV5, qui, comme l'a souligné M. Rochebloine, a bénéficié d'accroissements de sa dotation ces dernières années. Sera en particulier renforcé le dispositif de bourses de l'Agence universitaire de la francophonie, ce qui rejoint les préoccupations exprimées par Mme Martinez.
    Cette relance pourrait figurer dans le collectif budgétaire pour 2002, par anticipation sur 2003, étant entendu que ces crédits additionnels devront être reconduits à compter de 2004. Ils s'ajouteront aux 108 millions d'euros qui sont déjà inscrits pour 2003 sur le budget du ministère. Sur ce point, il est clair que les engagements du président de la République devront être tenus.
    J'évoquerai enfin la situation de notre coopération militaire.
    La situation actuelle, marquée par une réduction régulière des crédits affectés à ce secteur, traduit la réforme de la coopération militaire décidée en 1998.
    L'Afrique demeure une priorité, puisqu'elle bénéficie de 75 % de notre effort, mais des actions de substitution qui y étaient menées ont été remplacées par des projets conduits en partenariat, par nature moins coûteux.
    Les économies ainsi réalisées expliquent pour partie la diminution progressive de notre effort - moins 22 % en cinq ans -, mais elles ont également permis le développement de coopérations nouvelles, notamment en Europe centrale et orientale.
    Notre coopération militaire reste et doit rester un instrument priviligié de notre aide au développement, ainsi qu'un outil précieux au service de la paix et de la sécurité sans lesquelles il n'est pas de développement possible. Cela se traduit par les chiffres suivants : près de 400 coopérants, 2 600 stagiaires formés en 2002 dans seize écoles militaires ou de gendarmerie, deux nouvelles écoles prévues pour 2003.
    Cependant, ainsi que l'ont indiqué M. Cazenave et M. Lamy, il est temps de dresser un bilan des réformes et de donner un nouvel élan à notre coopération dans ce secteur essentiel : ce sera l'un des objets du conseil de défense qui se réunira en février prochain.
    Mesdames et messieurs les députés, tels sont les moyens et les orientations qui sous-tendent la politique de la France à l'égard du continent africain, mais aussi de l'ensemble de nos partenaires. Ce rôle particulier que la France entend jouer dans l'aide au développement comme dans la francophonie, c'est bien celui qui est conforme à notre histoire, à notre culture et à nos intérêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François Loncle, premier orateur inscrit.
    M. François Loncle. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion annuelle du projet de loi de finances nous permet non seulement d'évaluer l'effort budgétaire consacré aux affaires étrangères, mais aussi - et les occasions en sont trop rares dans cet hémicycle - de faire le point sur les objectifs et les actions de notre diplomatie.
    C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je consacrerai mon intervention à trois éléments principaux : le budget pour 2003, la crise irakienne et l'Europe.
    Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement, ou plus exactement du quai-d'Orsay, de respecter les priorités qu'il s'est fixées, s'agissant de la sécurité, de la cohérence et de l'efficacité du réseau des services de l'Etat à l'étranger, de la sécurité des Français hors de nos frontières, et, enfin, de l'amélioration des procédures d'instruction des demandes d'asile. Au demeurant, c'est très précisément ce que faisait votre prédécesseur, monsieur le minisre.
    Toutefois, ce qui a changé en mieux, ayons l'objectivité de le reconnaître, la relance de notre aide publique au développement.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. François Loncle. Encore convient-il de comptabiliser dans cette progression les remboursements des dettes des pays en voie de développement consécutives à nos engagements antérieurs. Il faudra donc faire la part d'un certain effet d'optique et tenir compte, je l'espère, des observations pertinentes des rapporteurs, notamment de celles d'Henri Emmanuelli.
    J'ajoute, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faudrait aussi réfléchir, s'agissant de l'aide aux pays en voie de développement, aux méfaits de ce que l'on a appelé la doctrine d'Abidjan, qui consiste à n'intervenir qu'après que les instances internationales - FMI ou Banque mondiale - sont elles-mêmes intervenues. Parfois, il est trop tard. On peut d'ailleurs constater, dans certains cas - l'exemple dramatique de l'Argentine l'a montré -, que les interventions des instances internationales ne sont pas toujours pertinentes.
    Ce qui ne change pas, c'est le fait non seulement que ce budget n'est pas prioritaire, mais aussi qu'il représente une part beaucoup trop faible du budget de l'Etat. Le déclin très préjudiciable enregistré entre 1994 et 2000 a été stoppé cette année-là et pendant trois exercices budgétaires et ce malgré les gels de crédits intervenus en cours d'année, gels dont le président de notre commission et d'autres ici ont eu raison de dire qu'ils sont d'autant plus insupportables qu'ils interviennent très peu de semaines après le vote du budget par le Parlement.
    Nous ne sommes plus, c'est vrai, dans une phase de déclin, ce qui aurait été dramatique, mais nous ne sommes pas non plus dans une phase de progression.
    Hormis l'aide publique au développement, ce budget n'est pas satisfaisant. Nous n'y voyons en aucune façon les moyens de redynamiser l'action diplomatique de la France. Il y a même des sujets d'inquiétude : baisse des effectifs se traduisant par la suppression de cinquante-sept emplois ; diminution des crédits en faveur des centres culturels, indépendamment du transfert des rémunérations des directeurs des Alliances, alors que le remarquable rapport d'Yves Dauge aurait dû vous conduire à faire de l'action culturelle extérieure de la France la priorité de l'effort budgétaire.
    Autre sujet d'inquiétude : l'audiovisuel extérieur et la coopération décentralisée. Pourtant, l'action extérieure de la France et le rôle de notre pays dans le monde exigent une plus forte mobilisation.
    C'est pourquoi le groupe socialiste ne pourra pas approuver ce budget, tout en souhaitant, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, que le temps dont vous disposez d'ici le prochain exercice puisse vous permettre d'obtenir plus de succès.
    Les temps nouveaux, les défis de la mondialisation, le déferlement des innovations technologiques, la montée des intégrismes religieux, les exigences de la lutte contre le terrorisme international, la domination de l'hyperpuissance américaine, la construction forcément salutaire de l'Europe puissance, tout cela devrait conduire le Gouvernement à faire de l'action extérieure de la France une priorité incontestée. Je sais que c'est votre volonté. Nous disposons de maints atouts majeurs, si nous savons en jouer pour apporter une contribution décisive tant à une meilleure organisation du monde qu'au renforcement de l'Europe.
    Ce fut le cas ces dernières semaines avec la crise irakienne, au cours de laquelle notre pays a fait le choix du droit international, du multilatéralisme, de la primauté du Conseil de sécurité des Nations unies. La France a, reconnaissons-le, fait du bon travail.
    Toutefois, les difficultés sont devant nous. Le vote unanime de la résolution 1441 confirme que l'ONU reste plus que jamais le passage obligé de toute prévention des conflits. Pour autant, la question reste posée : cette résolution constitue-t-elle une rampe de lancement plus ou moins légitime d'une guerre contre l'Irak ou est-elle la voie efficace vers un désarmement de ce pays. La réponse appartient à la fois à Saddam Hussein et à Georges Bush. Elle peut hélas nous échapper.
    Il faut répéter aux Irakiens qu'ils ont entre leurs mains la capacité d'éviter une nouvelle guerre. Il faut, avec nos partenaires européens, poursuivre le dialogue transatlantique afin de mieux connaître les véritables intentions américaines et de mettre en garde les dirigeants américains contre les risques en chaîne d'un conflit armé dans une région terriblement fragile.
    Que les choses soient claires : je suis de ceux qui estiment que toute condamnation des thèses américaines sur l'Irak, celles du président Bush en particulier, qui ne s'accompagne pas d'une condamnation du régime de Saddam Hussein ou qui mésestime les dangers de la prolifération des armes de destruction massive en Irak et ailleurs, n'a pas la moindre crédibilité.
    Mais la guerre ne règle rien. Elle ne peut qu'aggraver les désordres. Nous le disions déjà après la tragédie du 11 septembre 2001 : il est grand temps de s'attaquer aux injustices, aux frustrations, aux humiliations vécues par tant de peuples dans le monde, singulièrement au sud de la planète.
    Gardons-nous de laisser se créer de nouvelles illusions, comme au temps de la guerre du Golfe en 1991, sur la construction d'un nouvel ordre du monde, tant que perdurent des conflits aussi désespérants que ceux qui opposent Israéliens et Palestiniens. Nous déplorons à cet égard l'absence totale d'initiatives françaises et européennes au Proche-Orient, ce manque de volonté politique où l'insignifiance, la défaillance et la complaisance confinent à la lâcheté.
    Oui, sur la question irakienne, nous sommes fondés à espérer que le Conseil de sécurité des Nations unies ne sera pas dépossédé des décisions majeures, à demander, comme le faisait hier Jean-Marc Ayrault, quelle serait l'attitude de la France si les Américains déclenchaient une opération militaire, et à exiger la consultation et le vote du Parlement français si vous décidiez de vous y associer. Il ne suffit pas que vous nous répondiez que la France prendra ses responsabilités. Et permettez-moi d'ajouter sur ce chapitre que toute politique qui s'appuie sur le droit et la morale doit s'appliquer en toute circonstance et de manière constante. Ne créez pas, par votre discours, un écart trop grand entre l'idéal et la réalité.
    Ou alors, il conviendrait d'aborder autrement des dossiers comme ceux de la Tchétchénie, nos rapports avec la Chine, notre politique africaine - par exemple, à Djibouti, en Centrafrique ou ailleurs - ou encore notre politique pétrolière.
    La morale n'est pas l'alternative à la politique, elle en est une des composantes.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. On dirait un poussin de l'année.
    M. François Loncle. Là où nous pouvons nous rejoindre, c'est évidemment sur notre avenir commun : l'Europe. Ce sera ma troisième et dernière réflexion.
    L'Europe est l'espace politique par excellence. Elle est une construction foncièrement démocratique. C'est une association cohérente de peuples libres et solidaires, respectueux du droit et de la diversité des cultures. Son élargissement, c'est-à-dire son unification, lui donne une dimension historique. Chacun sent bien que l'étape qui se profile à l'horizon 2004-2007, et peut-être au-delà, est primordiale, décisive. Cela exige beaucoup de volonté, d'imagination, de ressources humaines et financières.
    En évoquant la question du 28e candidat à l'Union, la Turquie, le président Giscard d'Estaing a commis une faute, en contredisant les conclusions du Conseil européen d'Helsinki de 1999.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Il a au moins eu le mérite d'en parler.
    M. François Loncle. Ces conclusions, cosignées par M. Chirac et M. Jospin, débouchaient sur un engagement on ne peut plus clair : « La Turquie est un pays candidat qui a vocation à rejoindre l'Union européenne, sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres candidats. La Turquie bénéficie d'une stratégie de pré-adhésion. »
    La « sortie » du Président Giscard d'Estaing est donc pour le moins inconvenante, je suis désolé de le dire. Elle a cependant le mérite de poser une vraie question.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Un vrai problème.
    M. François Loncle. Celle des limites géopolitiques du projet européen, celle d'un élargissement sans bornes, sans repères géographiques et historiques, sans frontières. Il est grand temps, nous semble-t-il, de fixer les limites, de tracer les frontières de l'Europe. Cessons de nourrir de vains espoirs chez les aspirants à l'adhésion. Définissons avec eux de nouvelles formes de partenariat solide. Si nous ne le faisons pas, nous renforcerons les tenants de la zone de libre échange, au détriment des partisans d'une Europe forte, capable de parler d'une seule voix dans les affaires internationales.
    L'adhésion de nos compatriotes au projet européen est à ce prix.
    Nos différences, nos différends, messieurs les ministres, mes chers collègues, ne doivent en aucune façon nous détourner d'un objectif commun, que résumait ainsi M. Hubert Védrine : « Faire de la politique étrangère de la France en action le lieu où s'opère la synthèse de l'expérience historique, du réalisme le plus aguerri, des exigences morales les plus fortes et les plus neuves, [...] des principes et des actes de la mémoire et de la vision. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.
    Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « France is back », la France est de retour, c'est ainsi que l'agence de presse britannique Reuters titrait, au soir du 7 mai 1995, sa dépêche annonçant l'élection de Jacques Chirac à la Présidence de la République.
    Le choix de mettre fin à la cohabitation par l'élection d'une nouvelle majorité en juin dernier marque une étape supplémentaire dans ce retour de la France sur la scène européenne et internationale.
    Plusieurs actes forts ont témoigné de ces ambitions nouvelles que vous vous êtes assignées, monsieur le ministre, sous l'autorité du Président de la République.
    D'abord, sur l'affaire américano-irakienne, la France a su ramener la diplomatie américaine devant le Conseil de sécurité des Nations unies, garant du respect du droit international. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
    Ensuite, dans le monde francophone, Jacques Chirac, à Beyrouth, a su s'appuyer sur la notion de dialogue des cultures pour que la mondialisation soit autre chose que l'américanisation du monde.
    En troisième lieu, au sein de l'Union européenne, le couple franco-allemand a repris l'intiative et une décision salutaire a été enfin prise pour repousser les contraintes absurdes du pacte de stabilité budgétaire. J'ajoute au passage, n'en déplaise à M. Loncle, que nombreux sont ceux, dans la majorité, qui souscrivent à la position exprimée par le Président Valéry Giscard d'Estaing sur l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne.
    Enfin, dans les enceintes internationale, ont été remises à l'ordre du jour les questions de la solidarité Nord-Sud, du développement durable et d'une mondialisation régulée.
    Dans un monde d'incertitudes, ces initiatives fortes, inscrites dans la ligne traditionnelle de la politique étrangère de la France, suscitent, partout sur la planète, un réel espoir.
    C'est dans ce contexte que s'inscrivent les crédits de l'action extérieure de la France aujourd'hui présentés au Parlement. S'ils ne résument naturellement pas cette politique, ils n'en demeurent pas moins l'instrument indispensable des priorités de cette politique que vous avez définies.
    Ce budget pour 2003, en hausse de 13,34 %, est clairement une priorité gouvernementale, bien qu'une part de cette hausse ait des causes structurelles et soit liée à la nécessité d'ajuster aux besoins réels des crédits votés sous la précédente législature.
    Le budget pour 2002 avait en effet été malheuresement sous-doté dans les proportions inquiétantes par le précédent gouvernement et surtout, il est aujourd'hui grevé par des maladresses et des négligences passées.
    D'abord, les pertes de change de ces dernières années n'avaient fait l'objet d'aucun abondement en cours de gestion. Il faut savoir qu'une partie des dépenses du ministère sont libellées dans des devises étrangères.
    Deuxième négligence : il n'a pas été mis fin à la dérive des coûts de personnels pourtant épinglés par la Cour des comptes et le ministère des finances. Ainsi les indemnités de résidence sont surabondantes puisqu'elles représentent 63 % des rémunérations des agents à l'étranger et se traduisent par de fortes inégalités par rapport aux agents des administrations centrales. Le lancement d'un audit sur cette question doit donc être salué.
    Troisième source de pertes, les anomalies de la politique immobilière du quai d'Orsay, notamment la quasi-absence de mise en concurrence, l'imprécision sur le service émetteur des demande et sur les besoins, les retards dans la procédure. Il conviendra d'y mettre bon ordre rapidement.
    Quatrième négligence passée : la situation de sous-effectif des services consulaires, alors qu'ils sont la vitrine de la France à l'étranger et que nos personnels, souvent mal formés, doivent affronter la pression des flux migratoires.
    Nous déplorons également le repli global des moyens de la coopération en 2001, que ce soit dans les domaines culturel et scientifique, technique, militaire ou de l'investissement.
    Enfin, il a fallu ajuster aux besoins réels les crédits initiaux.
    Votre budget, monsieur le ministre, soucieux d'une véritable sincérité des crédits, doit permettre une meilleure adéquation des moyens budgétaires aux objectifs politiques qui sont ceux de la France.
    Je me félicite donc, au nom du groupe UMP, d'un budget qui restitue la sincérité budgétaire en s'assignant l'objectif de « vérité des crédits ».
    Je me félicite d'un budget soucieux de la cohérence de notre action extérieure.
    Je me félicite aussi d'un budget qui amorce l'indispensable redressement de notre aide publique au développement, ayant en mémoire que les pays développés s'étaient engagés à Rio à consacrer 0,7 % de leur PNB à cette aide en échange d'une réduction des industries polluantes.
    Je me réjouis encore d'un budget qui soit au service de nos compatriotes qui résident à l'étranger.
    Je me réjouis enfin d'un budget qui, surtout, concrétise la responsabilité particulière de la France dans le monde. Il s'agit pour elle d'aider les nations à échapper aux manichéismes simplistes et de leur délivrer son message éternel de liberté face aux nouvelles menaces, aux tentations hégémoniques.
    Ce budget pour 2003 s'inscrit d'ores et déjà dans la réforme de l'Etat, et l'organisation budgétaire de son action extérieure répond aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
    Outre la réforme du droit d'asile ou la mise en place d'une chaîne d'information télévisée indispensable au pluralisme mondial de l'information, vous avez en effet, monsieur le ministre, entrepris une salutaire réorganisation de la représentation de l'Etat à l'étranger.
    M. Michel Herbillon. Bravo !
    M. Yves Nicolin. Avec nos 268 ambassades, représentations permanentes et consulats, nos 438 autres implantations administratives et des crédits à notre action extérieure répartis dans 28 sections budgétaires, les risques de dilution, de dispersion et de surcoûts pouvaient devenir véritablement paralysants.
    Pour une plus grande cohérence et efficacité de notre réseau diplomatique et consulaire, comme d'ailleurs de tous les services de l'Etat, il convient de remettre à plat la carte de nos implantations, notamment en Europe, de regrouper les attributions, de rapprocher les fonctions support, de déconcentrer et globaliser les crédits et de repenser nos ressources humaines notamment pour décloisonner les carrières diplomatiques, économiques, culturelles, marquées par une spécialisation sans doute excessive.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. Yves Nicolin. Beaucoup a déjà été fait avec la fusion du ministère de la coopération. Mais il faut aller plus loin.
    Nous nous félicitons également de la relance du Comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat que vous avez engagée en août dernier afin de renforcer la coordination et la concertation des actions extérieures conduites par les différents ministères. C'est une question de lisibilité de l'action de la France dans le monde. Elle est importante.
    De même, nous soutenons votre volonté de rationaliser l'outil administratif extérieur français par une nouvelle nomenclature budgétaire et par la réforme des différents réseaux participant à l'action extérieure de l'Etat.
    Dans le domaine de la politique étrangère, comme ailleurs, la France doit moderniser son appareil administratif en faisant, en l'espèce, du ministère des affaires étrangères, c'est sa vocation même, l'unique centre de coordination et d'impulsion de notre action extérieure. Il conviendra en particulier, à terme, d'intégrer, au sein de nos ambassades, l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger.
    Cette rationalisation au service d'une politique étrangère ambitieuse demande une grande volonté, non seulement, bien sûr, du ministre lui-même, de ses services, et ils n'en sont pas dépourvus, mais aussi de l'ensemble du Gouvernement.
    En effet, ce n'est qu'à cette condition que des marges de manoeuvre nouvelles pourront être dégagées et que la présence de la France à l'étranger, avec son message original, surtout dans un contexte de globalisation, deviendra parfaitement lisible aux yeux des autres peuples du monde.
    Aussi le Parlement doit-il prendre date aujourd'hui avec le ministre délégué au budget pour que le ministère des affaires étrangères soit budgétairement en mesure, dès 2004, d'accentuer l'indispensable effort de modernisation qu'à la demande du Premier ministre, il a engagé.
    Enfin, devant prendre en charge, à la demande du ministre délégué à la famille, la présidence du Conseil supérieur de l'adoption, je me permets d'appeler votre attention sur l'insuffisance des crédits alloués à la Mission pour l'adoption internationale dont vous êtes l'autorité de tutelle.
    Cet organisme, que je connais bien, est depuis quelques années submergé de demandes de candidats à l'adoption et il lui est de plus en plus difficile de faire face dans des délais raisonnables à ses principales missions, qui sont la décentralisation et la diffusion des demandes, l'habilitation et le contrôle des organismes agréés, l'échange avec les administrations des pays d'origine des enfants, la délivrance des visas aux enfants adoptés, le traitement et le suivi des procédures individuelles. A propos de cette dernière, je ferai une simple parenthèse : passez un coup de fil à la MAI le matin et vous risquez d'attendre longtemps avant qu'on vous réponde !
    J'espère donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement pourra sans trop tarder apporter la réponse budgétaire qui s'impose au regard des besoins de la MAI.
    Je conclurai, monsieur le ministre, en vous disant qu'avec le groupe UMP, je voterai le budget du ministère des affaires étrangères pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, à qui nous adressons tous nos voeux de prompt rétablissement.
    M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, plus que jamais, le monde a besoin de France car moins que jamais il n'existe d'affaires étrangères au sens strict du terme. Le monde est devenu à ce point interdépendant que la France est atteinte par l'état du monde : ses progrès mais aussi ses souffrances, ses inégalités, ses blessures, ses conflits mais aussi les volontés de domination qui s'y manifestent affectent aujourd'hui notre pays et nos concitoyens jusque dans leur vie quotidienne.
    Le monde a besoin de France et d'Europe car les processus à l'oeuvre depuis la fin d'un certain monde bipolaire ont pris, depuis les terribles événements du 11 septembre, un tour encore plus aigu, plus manifeste et plus déterminé. Une surpuissance entend, de manière impériale, dominer le monde au plan économique, technologique, militaire et culturel et lui dicter sa loi.
    Cette volonté a été fort bien décrite dans la thèse de Brzezinski, un ancien conseiller diplomatique de présidents américains, dans son livre Le grand échiquier. Cette volonté est à l'oeuvre aujourd'hui sous l'impulsion d'un homme dont l'absence d'élégance n'a d'égale que ses dangereuses conceptions et ses multiples emportements ; George W. Bush, un président dont les premiers mots après son élection à suspense ont été pour indiquer, avec une hauteur de vue des plus saisissantes, que : « La politique étrangère américaine sera... américaine ! » (Rires sur plusieurs bancs.)
    M. Michel Voisin. Ça fait mal.
    M. Jean-Claude Lefort. De fait, c'est dans tous les domaines cités que cette volonté impériale américaine s'exerce, et cela au profit d'intérêts privés multinationaux colossaux.
    C'est pourquoi le monde a besoin de France et d'Europe. C'est l'heure ou jamais pour nous, peuples européens, d'agir pour que le monde se dégage de cette coupe afin qu'un vrai monde multipolaire se mette en place. C'est un véritable « challenge » historique qui est devant nous et qu'il convient de relever avec succès, nous, la France, et l'Europe.
    Qu'on m'entende bien : parler ainsi n'est pas faire preuve d'un antiaméricanisme primaire. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Herbillon. Venant de vous, ce n'est pas possible ! (Sourires.)
    M. Jean-Claude Lefort. C'est tout simplement être réaliste. Et être réaliste ne signifie pas, mon cher collègue du Val-de-Marne, être « anti » qui ce soit. Nous éprouvons respect et amitié pour le peuple américain. Mais voir et dire les choses sont des conditions absolues pour faire avancer des valeurs autres que celles du dollar, pour concrétiser une volonté : celle de construire un monde tout simplement humain et donc libéré de toute domination.
    Le monde a besoin de France car il a besoin de droit.
    A cet égard, permettez-moi de dire à quel point la position américaine sur l'Irak n'est pas acceptable et doit être combattue.
    Certes, je prends acte des efforts produits par notre pays pour éviter la guerre délibérément recherchée par nos partenaires d'outre-Atlantique. Cela sent trop le pétrole, le non-droit, pour laisser faire. De plus, outre que cela n'entre pas dans le cadre du droit onusien, chacun sait que remplacer un dictateur par un autre ne procède d'aucun progrès, quand bien même le second serait à la solde des Etats-Unis.
    Mais la démocratie en Irak proviendra de la levée de l'embargo et de son insupportable cortège de drames humains. Il faut donc que les inspecteurs de l'ONU - des inspecteurs véritablement neutres et non soumis comme précédemment - aillent sur place pour faire leur travail. En cas de difficultés, je propose, car il ne faut pas ajouter la guerre au despotisme, que vous preniez l'initiative, monsieur le ministre, d'aller sur place, avec des parlementaires de toutes les sensibilités,...
    M. Gérard Bapt. Avec M. Julia !
    M. Jean-Claude Lefort. ... pour trouver les voies et les moyens de cette solution politique indispensable pour l'Irak mais aussi pour la région, et pour l'avenir du monde.
    La politique ne doit pas être rongée par la diplomatie, monsieur le ministre. Et préciser que nous utiliserons notre droit de veto en cas de besoin est une décision politique nécessaire ! C'est d'autant plus vrai depuis l'adoption de la résolution 1441 qui, d'emblée, a été interprétée par les USA comme ne les liant pas ! Ce trouble, cette suspicion jetée sur cette résolution n'est pas acceptable. Il faut le dire haut et fort.
    M. Michel Voisin. C'est vrai !
    M. Jean-Claude Lefort. J'observe au reste, et c'est un point très important, que la France n'est pas isolée quand elle dit « non ». Tout au contraire ! C'est cela, le monde d'aujourd'hui.
    Le monde a aussi besoin de droit, et tout spécialement au Proche-Orient, terre meurtrie où perdure une guerre sans merci contre un peuple occupé et légitime dans sa résistance. Cette résistance ne doit pas être amalgamée avec les attentats terroristes, qui sont, eux, absolument condamnés, qui tuent des victimes civiles innocentes et n'ont d'autre effet que celui de se retourner contre les Palestiniens eux-mêmes. Le Proche-Orient souffre terriblement et la communauté internationale pratique à son endroit une injuste, une insupportable politique de « deux poids, deux mesures ». Des initiatives fortes s'imposent.
    Je vous ai écrit à ce sujet, monsieur le ministre, ainsi que sur le sort de notre collègue Marwan Barghouti, kidnappé par l'armée israélienne en territoire palestinien, à Ramallah. Il est aujourd'hui l'objet d'un procès à Tel-Aviv, en violation totale du droit international, de la Convention de Genève et des accords d'Oslo, qui n'ont été dénoncés par personne.
    M. Daniel Garrigue. Très juste !
    M. Jean-Claude Lefort. Ces initiatives fortes que j'attends de vous pour le Proche-Orient sont de deux ordres.
    Tout d'abord, il convient d'appliquer à la lettre l'article 2 de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, dit « clause des droits de l'homme » et qui fonde « les relations entre les parties [...] sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques ».
    Quand nous l'avons ratifié ici, dans cet hémicycle, nous avions obtenu l'assurance que cet article, déclaré « essentiel » dans le texte lui-même, serait respecté. Or tel n'est pas le cas. Autrement dit, l'accord n'est pas suspendu en dépit des violations des droits de l'homme et alors que cela serait un moyen de pression efficace sur le gouvernement Sharon, qui se trouve en situation délicate du fait de sa politique budgétaire plombée par sa politique d'occupation et de répression.
    Et que l'on ne nous dise pas que l'unanimité n'existe pas sur ce point en Europe ! Prenons l'initiative de demander l'application du droit ! Faisons entendre la voix de la France ! C'est ce que je vous demande, monsieur le ministre.
    Secondement, il faut mettre en place, là-bas, une force d'interposition et, à tout le moins, des observateurs, comme le réclame le Président Arafat, que j'ai rencontré le 3 octobre dernier. Et là encore, ne dites pas que le veto américain ne le permet pas. Il y a jurisprudence en la matière : en cas de blocage au Conseil de sécurité de l'ONU du fait du veto de l'un de ses membres, l'empêchant de fait de remplir sa mission de maintien de la paix, il y a lieu de déclarer sa carence, comme cela a été fait précédemment par les Américains en 1950, à la veille de la guerre de Corée.
    Une majorité des membres du Conseil de sécurité, soit huit membres, peuvent donc, comme en 1950, se retourner vers l'Assemblée générale afin de décider des mesures à prendre pour le respect des résolutions de l'ONU. L'Assemblée générale de l'ONU s'est déjà prononcée deux fois en faveur d'une force d'interposition, à une écrasante majorité dépassant très largement les deux tiers.
    Prenez ces initiatives fortes, monsieur le ministre, non trop « subtilement » diplomatiques pour cette région du monde. La France est attendue, je vous l'assure, et vous le savez d'ailleurs parfaitement.
    Le monde a aussi besoin de France car il a besoin de justice.
    De ce point de vue, les pays en développement, en particulier le groupe des 94 à l'OMC, attendent la France et l'Europe. L'élection de mon ami Lula au Brésil devrait à cet égard faire réfléchir.
    Les peuples n'en peuvent plus de cette misère obscène pour l'époque et de ces déclarations ministérielles ou présidentielles jamais suivies d'effets concrets. Cette situation d'immense pauvreté est à la base des migrations internationales massives auxquelles on assiste, qui sont de nature économique et qui ne procèdent nullement d'un libre choix.
    Cela entraîne en France des conséquences que les mesures de M. Sarkozy ne parviendront pas à réduire. Il faut être radical en la matière : il faut attaquer les problèmes à leurs racines. Il est une chose certaine : aucune loi, aucun accord, fût-il de Schengen, n'arrêtera le mouvement. La richesse est au Nord et la pauvreté est au Sud. Poser une vitre entre eux et nous est non seulement humainement insupportable, mais aussi totalement inefficace : des milliards de mains sont posées sur cette vitre juridique, qui ne peut que céder, c'est évident.
    Bref, le souffle du discours de Johannesburg doit être suivi d'effets sous peine de n'être ressenti que comme une simple brise, ce qui ferait naître un doute et jetterait un discrédit terrible sur notre pays.
    C'est pourquoi l'aide publique au développement doit représenter au plus vite 0,7 % du PIB.
    C'est pourquoi l'annulation pure et simple de la dette et sa conversion sans attendre un plan de développement social, sanitaire, durable et écologique s'impose, et cela en toute transparence, comme l'a souligné le rapporteur Jacques Godfrain.
    C'est pourquoi l'accès de tous aux médicaments essentiels, notamment pour lutter contre les pandémies, doit être définitivement réglé, alors que, depuis Doha et selon l'OMS elle-même, on a reculé sur ce point, ce qui est insupportable.
    M. le président. Je vous invite à conclure, mon cher collègue !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est pourquoi l'idée, reprise par le Président de la République, d'instaurer une taxe sur les ressources de la mondialisation s'impose. L'an passé, notre assemblée s'est prononcée positivement sur ce point. Il faut que la France pose le problème au Conseil ECOFIN. Instaurer une sorte de « taxe Tobin » en Europe permettrait non seulement de déclencher un processus plus vaste sur le plan international, mais aussi de lutter contre les paradis fiscaux et donc contre le narco-trafic, les ventes d'armes et le terrorisme.
    M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est pourquoi, enfin, des alliances entre l'Europe et les pays en développement au sein de l'OMC, mais aussi d'autres institutions et organisations internationales, s'imposent, au lieu du tête-à-tête entre les Etats-Unis et l'Union européenne. Cher commissaire Lamy, ce tête-à-tête, devenu exclusif, nous isole et nous empêche de rassembler.
    A quand une représentation externe de l'euro, qui permettrait à l'Europe d'être majoritaire au sein du FMI ? A quand une délégation aux institutions multilatérales au sein de notre assemblée, afin de contrôler l'action du Gouvernement dans les dizaines d'instances internationales multilatérales, où les choses se décident aujourd'hui en toute opacité ?
    M. le président. Si vous pouviez vous acheminer vers votre conclusion...
    M. Jean-Claude Lefort. J'en prends forcément le chemin, monsieur le président. (Rires.)
    M. le président. Certes, mais soyez-y rapidement !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est une autre question ! J'ai un problème de lecture, ce qui se voit comme le nez au milieu de la figure, si j'ose dire. (Rires.)
    M. le président. Avoir un pansement sur l'oeil ne confère pas un privilège de temps de parole !
    M. Jean-Claude Lefort. J'ai tenu à prendre la parole en dépit de ce qui m'est arrivé hier soir et qui me rend la lecture assez difficile.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Avec un seul oeil, on vise plus juste !
    M. Michel Voisin. On dirait Moshe Dayan !
    M. Michel Herbillon. On comprend pourquoi vous mettez deux fois plus de temps que prévu !
    M. Jean-Claude Lefort. Ce qui se passe avec l'AGCS, l'accord général sur le commerce et les services, est une véritable caricature. Le commissaire européen négocie la libéralisation de ces services, services publics inclus, et nous n'en savons rien et le Parlement européen n'en sait pas plus que nous. Il se permet, à l'instar du FMI, de demander à cent-neuf pays de libéraliser treize secteurs fondamentaux pour ces pays et nous ne sommes pas consultés ! Pourtant, son mandat procédant de l'article 133 du traité de Nice, l'unanimité des Etats membres est par conséquent requise, ce qui suppose une discussion au sein des parlements nationaux et européen. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre l'engagement d'organiser un débat sur le mandat du commissaire chargé des relations commerciales au sein de l'Europe.
    Voilà quelques pistes qui me font dire, dans le temps qui m'est imparti (Sourires),...
    M. le président. Un peu plus...
    M. Jean-Claude Lefort. ... que le monde a besoin de France.
    C'est, monsieur le ministre, en tenant compte de cet élément, des réalités et des valeurs humanistes qui sont les nôtres, que j'ai lu votre projet de budget.
    Tout d'abord, à la place où nous sommes, nous devons être absolument objectifs. Ainsi, reconnaître que votre budget est en hausse sensible, c'est dire la vérité.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. C'est donc un bon budget !
    M. Jean-Claude Lefort. Cette hausse est d'autant plus notable que nous sortons de plusieurs années de stagnation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. Jean Roatta. M. Lefort est bon en dépit du fait qu'il ait momentanément perdu un oeil !
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Avec un seul oeil, il est meilleur !
    M. Jean-Claude Lefort. Je prends acte de ce point positif : votre budget passe à 1,5 % du budget de l'Etat, contre 1,3 % l'an passé. Cela ne peut être négligé, pas plus que la relance de l'aide publique au développement, qui augmente de 27 %, même si j'attends la confirmation que cette décision s'inscrit bien dans la volonté de porter l'aide à 0,7 % du PIB d'ici à dix ans et que les 0,39 % inscrits aujourd'hui seront bien utilisés.
    Notre collègue Cazenave croise notre point de vue en disant que les décaissements doivent être effectifs et nous nous rejoignons avec notre collègue Godfrain sur la nécessité d'une loi de programme pour la coopération, c'est-à-dire d'un plan pluriannuel lisible.
    M. Michel Voisin. Vous allez voir qu'il va voter le budget !
    M. Jean-Claude Lefort. Je vous ai d'ailleurs posé une question écrite, monsieur le ministre, concernant la publication d'un « jaune ». Mais je n'ai pas encore reçu de réponse.
    Autre source de satisfaction, mitigée, cette fois...
    M. le président. Mais en guise de conclusion, cher collègue...
    M. Jean-Claude Lefort. Si vous ne voulez pas que je dise quel sera mon vote, je ne le dirai pas. (Rires.)
    M. le président. Mis à part le contenu de votre intervention, il n'est pas souhaitable que vous doubliez votre temps de parole, monsieur Lefort.
    M. Michel Voisin. Soyez indulgent, monsieur le président : il n'a qu'un oeil !
    M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, je vous renvoie à l'article du règlement qui prévoit que, lorsque les propos d'un orateur sont particulièrement intéressants, le temps de parole prévu peut être allongé. (Rires.)
    M. le président. Nous pouvons consulter le règlement ensemble...
    M. Jean-Claude Lefort. Cet article existe et j'estime que mes propos sont particulièrement intéressants. (Rires.)
    M. Michel Herbillon. Est-ce l'orateur lui-même qui doit en juger ?
    M. le président. Concluons, monsieur Lefort ! Concluons !
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Allez, il va s'abstenir ! Laissez-le parler !
    M. Jean-Claude Lefort. Autre source de satisfaction mitigée, disais-je : l'augmentation du Fonds européen de développement, qui absorbe à elle seule la moitié de l'augmentation globale. Satisfaction mitigée car quoi de plus obscur que le FED, quoi de moins lisible, de plus gaspilleur et en même temps de moins décaisseur que lui ?
    M. Jacques Myard. M. Lefort a raison !
    M. Jean-Claude Lefort. Je rappelle que, sur les trois derniers exercices, 9 milliards d'euros n'ont finalement pas été décaissés. C'est un pur scandale !
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. C'est un vrai problème !
    M. Jean-Claude Lefort. Une question sur ce point : quels sont donc les pays concernés par le désendettement et quel est le mode de leur élection au programme ?
    La question cruciale de la dette, toujours évoquée mais jamais réglée, est l'objet de nombreuses déclarations, en particulier du sommet social de l'ONU, réuni à Genève en janvier 2001, qui nous rappelle qu'« en 1999 à Cologne, les pays les plus industrialisés (G8) avaient décidé d'annuler la dette des 41 pays les plus pauvres, soit environ 214 milliards de dollars ».
    Après la satisfaction, puis la satisfaction mitigée, j'en viens à ce qui motive de notre part de franches critiques car l'augmentation de votre budget ne signifie pas pour autant que celui-ci ne soit pas critiquable.
    Concernant le Fonds de solidarité prioritaire, le décalage est grand entre votre effort affirmé de relance de l'aide bilatérale et le fait que les crédits de paiement reculent, de même que la contribution aux projets de l'Agence française de développement.
    Quant à la francophonie et aux relations culturelles internationales, ce n'est pas moi, mais c'est notre collègue Rochebloine qui relève avec pertinence qu'elles sont en recul.
    De la même manière, et cela est très grave quand on connaît son efficacité, l'aide à la coopération décentralisée et à la coopération de substitution recule, pour ne pas dire qu'elle est totalement négligée.
    Une plus grande part de l'APD devrait transiter par les collectivités locales et les ONG. Alors qu'en Europe cette part est de 3 %, elle n'est en France que de 1 %.
    Tout cela pour dire que j'espère que, à l'instar de ce qui a pu être fait hier, la loi de finances rectificative comblera ces manques incontestables. Je souhaite aussi que Bercy reste Bercy et que le Quai soit bien le Quai !
    Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, vous comprendrez que nous ne puissons ni approuver, ni rejeter votre budget. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Myard. Et donc !
    M. Jean-Claude Lefort. Le vote que nous exprimerons aujourd'hui doit être aussi compris comme...
    M. Jacques Myard. Un encouragement !
    M. Jean-Claude Lefort. ... une manifestation de notre attention extrême quant aux efforts de paix pour l'Irak et le Proche-orient. Ces efforts ne doivent être relâchés en aucun cas ni sous aucun prétexte afin d'en finir une fois pour toute avec la guerre.
    Si jamais la France devait se lancer dans une aventure guerrière, ou la cautionner, alors nous serons face à vous, monsieur le ministre. Et nous ne serons pas seuls, ainsi qu'en atteste la manifestation de Florence, qui a rassemblé un million de personnes.
    La guerre doit être, à jamais, jetée aux poubelles de l'Histoire.
    Ce signe politique, joint à notre examen attentif et objectif de votre budget, montrera que, dans cet hémicycle, il est en tout cas un groupe qui, bien que dans l'opposition, a le sens de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Loncle. Démagogie !
    M. le président. Mes chers collègues, vous comprendrez qu'en raison de son indisposition momentanée j'ai accepté que M. Lefort double son temps de parole.
    M. Jacques Myard. On lui pardonne !
    M. le président. Je ne l'accepterai pas pour ce qui concerne M. Gantier.
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, porte-parole du groupe UDF pour le budget des affaires étrangères, je ne dispose quant à moi que d'un temps limité pour exprimer notre opinion sur les crédits qui seront ouverts en 2003 ou sur ceux dont nous pourrions regretter qu'ils ne le soient pas.
    Nous avons en fait peu de critiques à exprimer. Dans ce domaine comme dans d'autres, nous prônons l'austérité budgétaire afin que nos finances publiques retrouvent aussi rapidement que possible leur équilibre et que nous ne fassions pas porter sur les générations futures le poids de nos imprévoyances. Mais nous savons aussi qu'en dépit de l'importance des tâches qui lui incombent le ministère des affaires étrangères sait traditionnellement rester mesuré dans ses dépenses.
    Nous avons par ailleurs apprécié à sa juste valeur l'activité inlassable que vous avez, monsieur le ministre des affaires étrangères, déployée depuis six mois au service de la France et des intérêts français dans le monde.
    Pour toutes ces raisons, mon groupe votera sans hésitation votre budget.
    Toutefois, j'aimerais utiliser le court moment dont je dispose pour réfléchir avec vous sur ce que peut être, sur ce que doit être la politique extérieure d'un pays comme la France en ce début de xxie siècle qui nous impose une révision drastique des concepts sur lesquels reposait traditionnellement notre diplomatie.
    Comme l'a observé Bernard Destremau, qui fut un remarquable diplomate et notre collègue sur les bancs de cette assemblée, nous fûmes à la fin du xixe siècle redevables à quelques très grands ambassadeurs - les frères Cambon à Londres et à Berlin, Jusserand à Washington, Paléologue à Saint-Petersbourg, Barrère à Rome - d'une bonne part de notre capacité de résistance à l'ennemi pendant la Première Guerre mondiale et, finalement, de la victoire de 1918.
    Lorsque commence le xxe siècle, les relations internationales se jouent sur un tout autre registre. Comme l'écrit dans ses mémoires le comte de Saint-Aulaire, « la diplomatie que j'ai connue, la diplomatie des diplomates n'existe plus ».
    M. Jacques Myard. Elle n'a jamais existé !
    M. Gilbert Gantier. On pourrait diviser le xxe siècle en deux parties : au cours de la première, deux impitoyables guerres mondiales voient s'affronter sans merci des empires politiques et industriels ; pendant la seconde, la période de la guerre froide consécutive à l'avènement du feu nucléaire, ce qu'on a appelé l'« équilibre de la terreur » impose une paix armée, mais une paix quand même, aux deux superpuissances.
    Notre xxie siècle commence-t-il en 1989 avec la chute du mur de Berlin, ou bien le 11 septembre 2001 avec l'effondrement des deux tours jumelles du World Trade Center ? Les historiens le diront. Mais les deux événements se conjuguent pour consacrer l'abaissement de l'une des deux superpuissances mondiales ainsi que l'avènement nouveau d'un ennemi masqué et implacable : le terrorisme international.
    Comme le disent les militaires, la « menace » a changé. Elle n'en est pas moins présente à tout moment, discrète sans doute, mais d'autant plus insidieuse - les attentats récents de Bali ou de Moscou l'ont montré - cependant que de dangereux foyers d'instabilité subsistent au Moyen-Orient surtout, en Afrique, en Asie et peut-être même en Amérique latine.
    Quel peut être, dans ce monde en folie qu'exacerbe encore le développement des technologies nouvelles, le rôle diplomatique d'une puissance moyenne comme la France ?
    M. Jacques Myard. La France n'est pas une puissance moyenne !
    M. Gilbert Gantier. Vous l'avez montré au cours de la crise grave que nous traversons au sujet de l'Irak. Ce n'est certes pas le seul Etat qui menace la paix du monde. D'autres possèdent déjà l'arme nucléaire, ainsi sans doute que des armes chimiques ou bactériologiques, mais, pour des raisons qui tiennent à l'intérêt stratégique très particulier que présente cette partie du monde, les Etats-Unis ont décidé de s'attaquer en priorité à l'Irak et à Saddam Hussein. Il est évident qu'une opération purement militaire engagée sans aucune préparation diplomatique aurait provoqué des désordres dont il était difficile de prévoir les conséquences.
    M. Jean-Claude Lefort. On peut dire ça, oui !
    M. Gilbert Gantier. Une grande incertitude existait sur ce qu'auraient été les réactions du monde islamique. Dans nos pays occidentaux eux-mêmes, les opinions demeurent plus que divisées, comme on l'a vu en Allemagne et plus récemment en Italie. Sous l'autorité du Président de la République, et sans oublier que la France détruite et affaiblie de 1945 doit au général de Gaulle l'attribution d'un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, vous avez su faire prévaloir une incontestable autorité morale.
    Le vote à l'unanimité de la résolution 1441, vendredi dernier - il n'y manquait même pas la voix de la Syrie - est un grand succès pour la diplomatie française.
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. Gilbert Gantier. Cela met Saddam Hussein en position de faiblesse et permettra peut-être d'apporter une solution pacifique à cet épineux problème. Nous allons maintenant le savoir très vite puisqu'un délai a été donné à Saddam Hussein pour répondre.
    M. Jean-Claude Lefort. Jamais un délai n'a été donné à Sharon !
    M. Gilbert Gantier. Nul n'ignore que des problèmes encore plus difficiles devront être résolus pour assurer la paix du monde au cours des années à venir et pour garantir aux générations montantes le développement des richesses matérielles et spirituelles auxquelles elles peuvent légitimement prétendre. Nous pensons que, pour y parvenir, la diplomatie de la canonnière est aujourd'hui périmée...
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Gilbert Gantier. ... et que la défense de la morale internationale demeure l'arme la plus efficace dans un monde où l'information peut agir puissamment sur l'opinion des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Claude Lefort. Pour cela, il faut être propre sur soi !
    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.
    M. Jean-Claude Lefort. L'article du règlement dont je vous ai parlé existe bien, monsieur le président.
    M. le président. Monsieur Lefort, l'alinéa 4 de l'article 55 prévoit en effet que le président peut décider d'augmenter le temps de parole d'un orateur si son intervention est particulièrement intéressante. Mais c'est le président qui décide, pas l'orateur ! (Rires.)
    Vous avez la parole, monsieur Janquin.
    M. Serge Janquin. Une hirondelle n'a jamais fait le printemps ! Pardonnez-moi, messieurs les ministres, de recourir ici à la sagesse populaire plutôt qu'à de savantes citations. L'accroissement affiché des crédits affectés au développement ne garantit pas pour autant que la France consacre plus de moyens à l'aide aux pays pauvres. Cette augmentation s'explique en effet, pour l'essentiel, par le doublement de la contribution française au Fonds européen de développement. Cet accroissement est un « accroissement optique des crédits du ministère (...), pénalisant les autres actions ». Le commentaire que je reprends à mon compte a été fait par notre collègue rapporteur spécial, Eric Woerth, député membre de l'UMP.
    Répondant à son ami politique, le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, Richard Cazenave, membre lui aussi de l'UMP, essaie de ruser devant l'obstacle : « D'aucuns objecteront que la hausse de l'aide publique au développement en 2003 s'explique notamment par la très forte hausse de crédits alloués au FED, et que celle-ci est pour partie due à un effet d'optique ».
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. J'ai aussi dit que les fonds pour les actions bilatérales augmentent !
    M. Serge Janquin. Les faits sont peut-être optiques, pour reprendre un adjectif manifestement apprécié des rapporteurs, en tout cas ils sont têtus. Ils le sont d'autant plus que les allégements de dette par ailleurs affichés, s'ils sont les bienvenus, restente difficiles à apprécier. Quel est leur volume exact ? Comment les évaluer dans la mesure où la présentation budgétaire ne les regroupe pas sous un même chapitre ? L'effort annoncé sera-t-il par ailleurs respecté ? Nous sommes là face à une nouvelle incertitude. Les crédits annoncés peuvent être en effet annulés par un collectif. Décision symbolique s'il en est, monsieur le ministre, c'est aux crédits du fonds de solidarité prioritaire que vous avez choisi en juillet dernier de vous en prendre pour ajuster votre budget. Les rapporteurs ont promis d'être vigilants, nous le serons aussi.
    L'augmentation des concours financiers, autre élément marquant de ce budget, est-elle une si bonne nouvelle ? Comme l'a rappelé notre collègue Woerth, il s'agit non pas d'une ligne abondant les moyens affectés au développement, mais d'une « aide budgétaire d'urgence, servant au paiement des fonctionnaires ». Cette aide avait diminué, écrit-il, « en raison de l'amélioration de la situation en Afrique (...) et de la préférence du gouvernement » - qui était celui de Lionel Jospin - « pour le financement de projets au lieu des traditionnelles aides budgétaires directes aux Etats ». La consommation de ce type de crédits, poursuit-il, aurait été « plus dynamique en 2002 ». C'est un choix, qui renoue avec des pratiques que l'on pensait oubliées. Permettez-nous de le regretter.
    La vraie question est celle de savoir ce que nous voulons faire avec l'Afrique et le monde « périphérique », pour reprendre une terminologie utilisée dans ces pays. Voulons-nous les aider à sortir du mal-développement ? Voulons-nous les aider à s'en tirer eux-mêmes, ce qui est finalement aussi notre intérêt bien compris ? Ou, derrière une phraséologie de circonstances répétée à l'occasion de conférences sur la lutte contre la désertification, le sida ou la faim, s'agit-il d'abandonner sans le dire les pauvres de ce monde à leur sort ? S'agit-il de diaboliser la pauvreté et de l'associer à cet axe du mal qui trouble le sommeil du président des Etats-Unis ?
    La France et ses voisins européens devraient s'efforcer de préserver les acquis d'une terre mieux organisée, d'approfondir le chemin accompli dans cette direction. La France devrait faire des propositions audacieuses, comme elle l'a fait dans le passé avec le général de Gaulle et avec François Mitterrand. Les chantiers ne manquent pas. Le scandale de la pauvreté parallèle à la montée vertigineuse de profits financiers universalisés est de moins en moins supportable. Le groupe socialiste a fait des propositions concernant la taxation des mouvements de capitaux. Vous souriez, monsieur le ministre ! Nous savons combien cette question est complexe, mais commençons à y réfléchir entre Européens ! La dimension collective que nous recherchons tous depuis longtemps s'en trouvera sans doute renforcée.
    Les grandes organisations financières internationales ont fermement conseillé aux pays du Sud d'ouvrir grand leurs économies, de faire des ajustements structurels, de réduire le périmètre d'intervention des Etats, de privatiser. En son temps, quittant ses fonctions, M. Camdessus avait fait une sorte d'amende honorable quant à ces politiques du FMI.
    Le résultat, dénoncé il y a quelques jours, à Florence, par les tenants d'une mondialisation équitable, a été d'ajouter de la pauvreté à la pauvreté. Je vous renvoie aussi au jugement d'un expert s'il en est, Joseph Stiglitz, ancien collaborateur du président Clinton et haut fonctionnaire à la Banque mondiale. Nos entreprises, privées comme publiques, ont acheté entreprises et services publics des pays du Sud, occupé leurs marchés industriels, alors que nos marchés agricoles restaient protégés. Il est temps de repenser les rapports internationaux.
    Le scandale de la guerre est une autre plaie affectant le monde en développement. Une convention internationale contre le mercenariat a été négociée il y a quelques années. Le gouvernement de Lionel Jospin devait soumettre ce texte au Parlement. Il y a urgence. Nous ne sommes plus aujourd'hui à l'époque du bricolage à la Bob Denard. De grosses sociétés, spécialisées dans le sécuritaire, pour la plupart anglo-saxonnes, opèrent à visage découvert, de l'Afghanistan à la Colombie. Nous sommes là sur le terrain de l'hypocrisie internationale la moins admissible.
    Où en est-on enfin de la défense de la diversité culturelle, si brillamment défendue à Beyrouth par le Président de la République au moment où une chaîne de télévision francophone replie ses antennes ? Non, le groupe socialiste ne votera pas un tel budget marqué par trop d'effets d'optique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. Surprise !
    M. Michel Voisin. Suivez vos amis communistes !
    M. Serge Janquin. Pardonnez-moi, mais M. Lefort a un problème à l'oeil, c'est sans doute la raison pour laquelle il n'a pas vu tous les effets d'optique de ce budget !
    M. Michel Voisin. C'est méchant !
    M. Serge Janquin. Non, c'est taquin à l'égard de M. Lefort !
    Le groupe socialiste souscrit à l'attente de nombreuses organisations de solidarité internationale qui souhaitent la mise en place d'une véritable programmation de la coopération française. L'exercice est exigeant, mais il obligerait de façon salutaire les partenaires publics et privés, politiques et associatifs, à inscrire l'effort financier consenti par notre pays dans un cadre cohérent. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Selon le rapporteur Eric Woerth, ce budget répond à l'attente des ONG qui bénéficieraient d'« une montée en puissance », qui se manifesterait néanmoins par « une réduction de 250 000 euros, soit moins 3,8 % entre 2002 et 2003 ». Comprenne qui pourra ces arabesques stylistiques ! Les socialistes en tout cas s'y refusent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nesme.
    M. Jean-Marc Nesme. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos portera exclusivement sur la politique de coopération et du développement. Plusieurs grands sommets ont, ces derniers mois, dominé l'actualité mondiale et particulièrement l'actualité africaine : la conférence de Monterrey, le sommet du G 8 qui a accordé une place importante au NEPAD, la réunion de l'Union africaine qui a confirmé la mise en place progressive de la nouvelle organisation régionale africaine, le sommet de la Terre à Johannesburg, le sommet de la francophonie à Beyrouth, sans parler de la présence française sur tous les autres théâtres où se dessine le monde du xxie siècle, et notamment à l'ONU. La France est très active, de plus en plus influente sur la scène internationale. Un grand hebdomadaire français ne vient-il pas de titrer : « Le monde made in France » !
    M. François Loncle. N'exagérons rien !
    M. Jean-Marc Nesme. Nous nous en réjouissons. En effet, nous avons à prévenir de nouveaux dangers issus d'un monde de plus en plus fragmenté. La mondialisation risque de produire, sur l'ensemble de la planète, des effets des plus graves si ces fractures ne sont pas réduites dans un délai raisonnable. Il y a d'un côté les pays riches et, de l'autre, les pays pauvres. D'un côté les puissants, de l'autre les faibles. D'un côté ceux qui entrent dans la nouvelle économie mondiale, de l'autre ceux qui n'y entrent pas.
    Selon le rapport mondial sur le développement humain du PNUD 2002, si les tendances actuelles se poursuivent, une proportion significative d'Etats ne seront pas en mesure de réaliser les objectifs de développement du millénaire, c'est-à-dire de réduire l'extrême pauvreté de moitié d'ici à 2015.
    Beaucoup de pays africains sont aujourd'hui plus pauvres qu'il y a vingt, voire trente ans. Près de trois milliards de personnes disposent aujourd'hui de moins de deux euros par jour pour tenter de subsister. Une personne meurt de faim toutes les quatre secondes dans notre monde, comme nous le rappelle la campagne d'affichage d'une ONG dans les couloirs du métro parisien.
    En décidant d'augmenter, dans le projet de loi de finances pour 2003, l'aide publique au développement, vous rompez avec la baisse régulière constatée ces cinq dernières années, soit moins 22 %. Surtout, vous vous donnez les moyens d'essayer de réduire la fracture qui existe entre le Nord et le Sud, entre les pays riches et les pays pauvres, pour construire un monde plus humain et plus solidaire à l'égard des pays victimes du sous-développement et de la misère.
    Si la mondialisation consiste à créer un espace économique planétaire, sans politique de solidarité volontariste elle est vouée à l'échec. Pis encore, elle engendrera les plus grandes frustations, les plus grandes manifestations de désespoir, les plus grands troubles politiques et les plus grandes violences qui seront exportés sur l'ensemble des continents.
    Sur trente-quatre conflits actuellement recensés dans le monde, la moitié ont pour théâtre l'Afrique subsaharienne. L'échiquier géopolitique africain n'a jamais été aussi « crisogène » qu'aujourd'hui avec ses catastrophiques déplacements de populations.
    Si certaines grandes puisssances qui n'ont aucune attache historique, géographique ou même sentimentale avec ces pays africains peuvent s'accommoder d'un nouveau cartiérisme, ce n'est le cas ni de l'Europe ni de la France. Notre système économique et social ne pourra pas longtemps faire face aux inévitables poussées migratoires provenant de ces pays, qui ne pourront qu'aller en s'amplifiant si la pauvreté n'est pas jugulée. En outre, phénomème relativement récent, l'Afrique est travaillée par un islamisme radical qui nourrit des sentiments hostiles à l'égard des pays riches. Celui-ci trouve dans la pauvreté son terreau de prédilection pour mener des combats qui n'ont rien à voir avec les vraies richesses de l'islam, partagées par une majorité de musulmans, ou avec les valeurs de civilisation que nous défendons et qui sont fondées sur le respect de l'autre. Le développement de l'Afrique est entravé par de multiples conflits internes, contentieux frontaliers, guerres locales, qui embrasent le continent et qui génèrent une telle insécurité que les investisseurs étrangers et français se détournent de lui.
    Se pose également, comme l'ont rappelé certains, le problème de la maîtrise et de la prolifération des armements, dont la majeure partie est fabriquée dans les pays riches ou dans l'ex-Union soviétique. J'évoquerai aussi le problème des frontières, dont la plupart correspondent à des délimitations artificielles des différents espaces coloniaux fixés en 1885 par la conférence de Berlin, sans prendre en compte la réalité des ethnies transfrontalières, qui sont devenues des zones de non-droit. Il conviendrait sans doute, pour tarir ces sources de conflits récurrents, que soit donné un statut à ces espaces frontaliers, sans remettre en cause la totalité des frontières, car certaines ont acquis une légitimé politique.
    Pour aider l'Afrique à trouver le chemin du progrès et de la paix, notre tâche est immense. Elle est moralement nécessaire parce qu'il en va de la dignité humaine. L'afrique recèle d'énormes atouts humains, culturels et économiques. Elle est politiquement à notre portée et vous nous en apportez l'exemple, messieurs les ministres, en donnant une nouvelle orientation à notre politique de coopération et de développement, en favorisant l'aide bilatérale avec les pays d'Afrique, en substituant le partenariat à l'assistance, en coordonnant la coopération décentralisée, en développant le partenariat public-privé qui permettra d'appréhender les projets dans la durée, en faisant la promotion du volontariat associatif auquel il faudrait adjoindre le volontariat missionnaire, en renforçant enfin l'expertise française en matière de coopération. Il conviendra de clarifier les relations avec les ONG, les moyens à mettre en place pour une meilleure réactivité face aux crises humanitaires d'aujourd'hui et une meilleure prévention. Il faudra trouver la meilleure articulation entre une aide bilatérale souple et des mécanismes multilatéraux à plus long terme.
    Votre mission est urgente. Il y a quelques années, la commission des affaires étrangères de notre assemblée m'avait confié une mission sur l'application de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant. Ce fut une mission au coeur d'une invisible tragédie. En deçà du vernis des déclarations et de la ratification par tous les Etats, sauf les Etats-Unis, de cette convention internationale, les misères et les violences faites à l'enfant sont incommensurables tant la pauvreté, la maladie, la malnutrition, la famine, l'analphabétisme, le taux d'orphelins, les guerres où de nombreux enfant sont enrôlés dépassent l'entendement. Le fossé est grandissant entre l'idéal juridique et les conditions de vie concrètes de ces enfants. Cette situation a des conséquences non seulement sur le bien-être et la protection des enfants, mais aussi sur l'avenir même du continent africain en tant que communauté de destin.
    L'aide publique française au développement est-elle suffisante pour faire face à l'immensité des besoins ? L'augmentation importante des crédits que vous proposez, messieurs les ministres, et que j'ai saluée au début de mon intervention, n'est qu'une goutte d'eau dans un océan de pauvreté et je sais que vous êtes convaincus. Il importe donc que la communauté internationale soit mobilisée. Dans le monde d'aujourd'hui la France, avec le Président de la République et le Gouvernement, exprime une forte volonté politique de mener la croisade contre la pauvreté dans le monde. Pour mener cette croisade sur le plan financier, deux points me semblent essentiels : la création, évoquée par le président de la République au sommet de Johannesburg, d'un prélèvement de solidarité sur les richesses engendrées par la mondialisation et la création d'un fonds mondial de garantie de la dette des pays africains. Ces pays pourraient faire appel au crédit international sous la surveillance des institutions internationales et les prêteurs publics et privés disposeraient ainsi des garanties dont ils ont besoin. Par ailleurs, je souhaiterais que soit organisé chaque année, ici, un débat parlementaire sur la pauvreté dans le monde, sur l'aide française au développement et sur l'action de la communauté internationale.
    En mobilisant le Parlement, on mobilisera l'opinion publique et on vous aidera, messieurs les ministres, dans votre mission.
    Je terminerai mon propos en vous citant quelques phrases d'une personne de la société civile, Jean Vannier, fondateur des communautés de l'Arche, qui oeuvre depuis près de quarante ans sur tous les continents en faveur de la reconnaissance de la dignité des plus pauvres, parmi les pauvres, je veux dire les personnes handicapées ; j'ai pu mesurer son action au Burkina Faso.
    « Croit-on vraiment, en regardant lucidement les faits, que nos sociétés puissent durer telles qu'elles sont maintenant, sans commettre un suicide collectif ? Croit-on que le gaspillage de l'Occident face aux pénuries et aux misères d'autres pays ne va pas susciter une aggressivité qui débordera un jour ? Je suis certain que l'état actuel des choses ne peut continuer. Nos sociétés seront transformées soit par le feu de le révolution, soit par les eaux stagnantes de la décadence, soit par le feu et la paix du véritable amour. »
    Puisse notre politique de coopération être inspirée par ce même feu de la fraternité et de la vraie compassion envers ceux qui attendent de notre pays et des pays riches des moyens pour les aider à sortir de la misère !
    Avec mes collègues du groupe UMP, nous savons que nous pouvons compter sur vous, messieurs les ministres, comme sur le Gouvernement et sur le Président de la République, afin que la France, patrie des droits de l'homme, engage avec ténacité ce combat contre la pauvreté dans le monde et entraîne à sa suite la communauté internationale.
    Nous ne rêvons pas. Nous savons que cette tâche est immensément difficile et exigeante. Mais nous savons aussi que vous avez la volonté et la compétence pour l'accomplir. Le groupe UMP souhaite vous y aider. Il votera le budget que vous nous présentez, en souhaitant que la communauté internationale suive le bon exemple donné par la France et par son gouvernement.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, la discussion du budget des affaires étrangères est traditionnellement l'occasion d'évoquer certains problèmes de politique internationale. C'est ce que je ferai dans le bref temps dont je dispose.
    L'actualité récente a été dominée par la question irakienne. Vous avez su, avec le Président de la République, contribuer à persuader les Etats-Unis de respecter les procédures prévues par la charte des Nations unies. Vous avez également montré une fermeté continue à l'égard de l'Irak, dont on doit espérer qu'elle aura un aboutissement positif. Mais cette crise a relégué au second plan une crise tout aussi grave et dramatique : le conflit israélo-palestinien.
    Pendant plus de vingt ans, malgré certaines vicissitudes, nous avons cheminé vers la paix, qui ne fut jamais si proche que lors des accords d'Oslo, en 1993. En moins de trois ans, nous avons entièrement rebroussé chemin.
    Ce conflit, qui se déroule sur un espace réduit, met en présence des adversaires qui se connaissent, souvent fort bien. Il se traduit par des atrocités de part et d'autre, qui vont, ces derniers jours jusqu'à toucher de très jeunes enfants. Tout cela donne à cette crise davantage le caractère d'une guerre civile que d'un conflit traditionnel.
    Comment en est-on arrivé là ? On ne peut manquer de rappeler l'assassinat du Premier ministre israélien Yitzahk Rabin, qui a marqué un vrai coup d'arrêt dans le processus de paix. On peut évoquer les faiblesses de l'Autorité palestinienne, la montée des extrêmes dans les deux camps et regretter l'échec des discussions de Camp David et de Tabah, où les exigences de politique intérieure des négociateurs israéliens se heurtèrent à la méfiance des négociateurs palestiniens.
    On doit certainement déplorer la poursuite, dès le lendemain des accords d'Oslo, du processus de colonisation, que ce soit de façon sauvage, ou avec l'aval et le soutien du gouvernement israélien. On doit surtout déplorer le manque de cohésion et de fermeté de la communauté internationale.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Daniel Garrigue. L'adoption, au mois de septembre, d'un nouveau plan de paix, à l'initiative de l'Europe ouvre-t-elle de nouvelles perspectives ? On a sans doute eu tort de passer sous silence certains aspects extrêmement positifs de ce plan : le soutien que lui apporte le Quartette, c'est-à-dire les Etats-Unis, la Russie, les Nations unies et l'Union européenne ; le fait qu'à travers ce plan, les Etats-Unis ont adopté le principe de la création d'un Etat palestinien permanent, qui devrait théoriquement voir le jour en 2005. Mais les doutes et les inquiétudes n'en demeurent pas moins, car ce plan se résume à quelques grandes lignes, et la question subsiste de savoir s'il s'inscrira demain dans les perspectives et dans des procédures plus précises. Par ailleurs, a-t-on réellement la volonté d'assortir ce plan de mesures de fermeté, qui obligeraient l'une et l'autre partie, et qui feraient de ce plan autre chose qu'un voeu pieux ?
    La France, monsieur le ministre, a toujours eu une attitude très attentive sur ce dossier, et nous savons l'importance que vous-même et le Président de la République lui accordez. Nous souhaitons que, soit directement, soit à travers l'Union européenne, vous contribuiez à faire que cette région retrouve le chemin de la paix et que les droits des Palestiniens et des Israéliens soient également reconnus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.
    M. Bruno Bourg-Broc. Longtemps négligée, la coopération est à nouveau au coeur de la politique étrangère de la France. Le budget des affaires étrangères répond en cela au voeu formulé par le Président de la République, à savoir que nous devons être le moteur d'une mondialisation humanisée.
    Ainsi, en matière d'aide publique au développement, la tendance s'inverse, la coopération figurant désormais parmi les cinq priorités retenues par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage pour 2003.
    Avec ce budget et 600 millions d'euros pour l'exercice 2003, l'aide publique au développement représente 0,39 % du PIB de la France. C'est un heureux progrès. Rappelons en effet qu'elle avait chuté de 0,57 % du PIB en 1994, à 0,32 % en 2000.
    L'engagement public du Président de la République sera tenu et l'APD majorée de 50 % en dix ans. A cet égard, les propos que vous avez tenus, tout à l'heure, monsieur le ministre, sont extrêmement rassurants. Le besoin est croissant dans les pays pauvres et la France doit jouer un rôle moteur d'aide publique au développement.
    La création d'un nouvel instrument d'aide bilatérale a été un projet très ambitieux, et le fait de l'accorder à une vingtaine de pays supplémentaires démontre un certain enthousiasme à leur égard. Les C2D, contrats de désendettement-développement, doivent aider les pays les plus endettés. Ce système contractuel porte sur des programmes prioritaires tels que la santé et l'éducation et permet de transformer les remboursements de la dette en dons. C'est un ensemble très complet car il associe la coopération française, les autorités étatiques, la population et la société civile.
    Nous ne prouvons qu'approuver une telle initiative car une augmentation de crédits ne doit pas permettre d'éluder les réformes. Un budget est inefficace s'il ne correspond qu'à empilement de moyens. Or la France a désormais le budget correspondant à une vraie ambition d'aide au développement.
    C'est dans cette perspective que je pose la question suivante : ne serait-il pas positif d'envisager la mise en place d'une loi-programme...
    M. Jean-Claude Lefort. Très juste !
    M. Bruno Bourg-Broc. ... par ailleurs suggérée par le Président de la République à Monterrey, à Barcelone ou à Johannesburg et demandée par notre rapporteur de la commission des affaires étrangères, Jacques Godfrain ?
    Cette loi-programme aurait, à mon sens, divers intérêts à ne pas négliger. Elle serait le parfait pendant à une annulation de la dette, davantage tournée vers le passé que vers l'avenir. Elle définirait les objectifs et les méthodes dans les cinq ans à venir.
    Certes, conformément au principe de l'annualité budgétaire, nous sommes dans l'impossibilité d'engager le budget de l'Etat sur la législature. En revanche, nous pouvons légitimement nous engager sur des objectifs et des méthodes. Cela permettrait de tendre à leur réalisation effective. Cela donnerait aux pays bénéficiaires de l'APD des objectifs économiques, politiques à atteindre en envisageant des réformes à long terme.
    Par ailleurs, cette logique de loi-programme offrirait à la France la possibilité d'évaluer les actions menées. Chaque partenaire aurait l'occasion de mesurer la réalité des problèmes rencontrés et les moyens mis à disposition pour les affronter. En effet, à l'instar des C2D, l'objectif est de proposer un projet, pas uniquement d'augmenter des crédits.
    La mise en place de la loi-programme aurait un autre avantage : permettre d'affecter les moyens mis à disposition, afin de clarifier notre poliltique de coopération. En effet, les priorités en ce domaine se fondent sur les besoins fondamentaux des populations.
    Cette loi-programme serait le complément nécessaire aux C2D. Elle encouragerait les initiatives locales, en associant les populations à leur développement, les rendant actives et non plus passives face aux réformes à entreprendre dans leur pays. Nous éviterions ainsi ce que certains appellent le « colonialisme intellectuel ».
    Il faut avant tout envisager l'avenir à long ou moyen terme, et par là même, favoriser les stratégies pluriannuelles de développement pour chaque pays en difficulté. Les réformes structurelles d'un pays ne peuvent souffrir d'échéancier annuel. Par cette loi-programme, une transformation essentielle s'effectuerait dans le cadre de la coopération et l'on passerait d'une politique d'assistance à une réelle politique de coopération. Les pays que nous aidons doivent avoir un vrai projet pour eux-mêmes. En cela nous leur serions davantage utiles.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Bruno Bourg-Broc. Enfin, cette loi pluriannuelle rendrait la voix de la France plus crédible lors de la tenue du G8 d'Evian en juin prochain, sommet au cours duquel la France souhaite promouvoir l'aide au développement. Notre position serait crédibilisée, puisque garantie dans le temps et dans ses formes.
    Messieurs les ministres, votre action pour le renforcement de la coopération réhabilite la politique extérieure de la France. En Afrique, mais aussi dans le monde entier, la France est observée avec attention. On attend beaucoup d'elle.
    Le désir de France qui s'exprime, notamment au travers de la francophonie, est aussi un désir de développement humanisé. Nous avons des devoirs. En inversant la fâcheuse tendance de ces dernières années et en répondant aux préoccupations de nombreux partenaires, ce budget contribue à la paix dans le monde et au développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.
    M. Michel Voisin. Messieurs les ministres, contrairement à certains orateurs, je voterai sans arrière-pensées ce budget qui rompt avec l'habitude qui avait été prise au cours des dernières années.
    M. Jean-Claude Lefort. Comme le scorpion : le venin est dans la queue !
    M. Michel Voisin. Mais permettez-moi de m'arrêter, plus précisément, sur le budget de la coopération militaire.
    Ce budget que vous nous présentez, ne correspond que trop à ce que l'on pouvait prévoir après cinq années dédiées à l'abandon de notre politique de coopération militaire, à un désengagement progressif du continent africain et à un dédain à peine dissimulé pour la chose militaire.
    M. Jean-Claude Lefort. Je ne me suis pas trompé !
    M. Michel Voisin. Je ne doute pas que vus aurez à coeur de faire évoluer ce budget modeste. Ce ne sera pas trop difficile, puisqu'il est en baisse constante depuis le conseil de défense de mars 1998 au cours duquel le gouvernement de l'époque a, sous le double prétexte de maîtrise des coûts et de rationalisation cher au pouvoir en place, décidé d'une réforme de la coopération militaire de défense.
    Les objectifs alors affichés : une précision plus fine des enjeux, une rénovation du champ de la coopération militaire et le renforcement des priorités avaient tout pour séduire. Le chant des sirènes socialistes a même réussi à en charmer quelques-uns sur nos bancs.
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Des noms !
    M. Michel Voisin. Hélas, le beau rêve se brise aujourd'hui sur les récifs acérés de la réalité budgétaire.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est le cobra et le lapin !
    M. Michel Voisin. Monsieur Lefort, je vous ai applaudi tout à l'heure. Ne m'obligez pas à vous répondre...
    M. Serge Janquin. Vous êtes bien mal payé !
    M. Michel Voisin. Fort heureusement, la pénurie organisée par vos prédécesseurs est gérée au mieux par la direction de la coopération militaire et de défense qui, elle, a conscience de l'importance de sa mission. Face à la diminution constante de ses crédits, ses personnels se sont efforcés de parer au plus pressé. Tel un plombier un peu fou, la DCMD s'éfforce de colmater des fuites sur des canalisations qui ne tiennent que par la magie et la foi qu'ils ont en leurs missions.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est beau !
    M. Michel Voisin. Ainsi, messieurs les ministres entre 2000 et 2003, soit en quatre exercices budgétaires, les crédits de la coopération militaire se sont réduits comme peau de chagrin, en passant de 115,1 à 93,5 millions d'euros. Les effectifs des personnels, quant à eux, passèrent de 548 à 392 entre 1998 et 2002.
    Comment la France pourra-t-elle, dans ces conditions, attendre et demander à ses personnels militaires de la coopération de croire et d'adhérer à l'idéal qui les guide ?
    Ayant été dans le passé rapporteur pour avis des crédits de la coopération militaire, j'ai pu apprécier en maintes occasions, en me rendant sur le terrain, le dévouement sans bornes de nos militaires qui, au nom de leur pays, acceptent de quitter pendant plusieurs années famille et amis pour tenter de répandre à travers le monde, outre les concepts militaires et de sécurité qui sont les nôtres, les idéaux républicains auxquels nous adhérons. Ils ne seront plus l'année prochaine que 390 répartis sur l'ensemble de la planète. Est-ce à la mesure de la place de la France dans le monde ?
    Cette république laïque, au bon sens du terme, ils en semaient les bases et les germes dans des pays qui, aujourd'hui se préparent à sombrer dans l'obscurantisme sectaire.
    On ne soulignera jamais assez combien nos militaires, officiers et sous-officiers coopérants ont pu, bien au-delà des purs enseignements militaires, faciliter le développement de notions civiles telles que l'attachement à la démocratie et au pluralisme, ainsi que le respect de nos valeurs humanistes. Certes, le travail n'était pas achevé, mais nos militaires n'aspiraient pas au repos : ils avaient pour seule ambition de continuer à diffuser ces valeurs pour permettre à ces peuples auxquels ils étaient véritablement attachés de rejoindre, grâce à leur modeste contribution, un réel niveau de développement.
    Il vous faut aujourd'hui faire plus avec moins. Je suis admiratif, monsieur le ministre. Il vous faut être animé d'une foi sans bornes pour tenter d'accomplir votre mission. Fort heureusement, vos collaborateurs sur le terrain savent combien vous êtes vous-même animé des meilleures intentions. Je sais qu'ils seront sensibles aux difficultés auxquelles vous devez faire face et feront tout pour assurer dans les pires conditions le succès de l'oeuvre que vous avez entreprise avec eux.
    Il faut, en effet, aujourd'hui plus qu'hier, alors que le tropisme vers l'Europe est fort, développer sur place, dans tous les pays où s'exerce votre action de coopération, les moyens de former, dans un partenariat civilo-militaire bien compris, non seulement les élites, mais aussi les artisans et les techniciens sur lesquels reposeront le véritable développement des pays entrant dans le champ de la coopération française.
    Je voudrais insister sur ces termes de coopération militaire française, car il nous faut, et il vous faut, monsieur le ministre, remettre au goût du jour cette action bilatérale qui a été un peu trop vite sacrifiée sur l'autel de la politique étrangère de sécurité commune. Nous avions, et nous avons encore, j'en suis persuadé, à travers notre coopération, un atout diplomatique sans pareil pour le rayonnement extérieur de la France.
    Cette forme de coopération contribue à l'enseignement du français dans le monde. Vous qui êtes attaché à la francophonie, vous ne pouvez rester insensible à cet aspect important de la coopération militaire. Celui-ci se manifeste plus particulièrement à travers l'organisation de stages de formation, que ce soient des stages de formation militaire à proprement parler, des stages de formation au maintien de la paix si utiles pour la présence de forces militaires, notamment africaines, dans les bataillons de la paix de l'ONU - et il convient ici de souligner une modeste réinjection de crédits grâce au financement du programme RECAMP par le ministère de la défense - ou de stages de maintien de l'ordre. Ces derniers contribuent à la mise en place d'une sécurité digne de ce nom dans certains pays où, dans le passé, les forces de l'ordre se sont illustrées par la brutalité de leurs interventions.
    Il convient, comme le fait la DCMD, de continuer à accueillir en France des stagiaires de haut niveau. Mais je suis persuadé qu'il vous faut, monsieur le ministre, remettre au goût du jour, sous une forme modernisée et rénovée, les écoles de formation accueillant des stagiaires de plusieurs pays, spécialisées dans la formation des sous-officiers et, dans lesquelles des cadres locaux pourraient être appelés à enseigner.
    Monsieur le ministre, vous bénéficierez, cette année, de ma bienveillante indulgence, car je connais votre fidélité à l'idée du développement. Je sais combien vous êtes lié par la situation que vous ont cédée vos prédécesseurs. Mais je sais aussi que vous aurez à coeur de la redresser.
    C'est sans enthousiame mais avec espoir dans l'avenir et dans votre action que je voterai cette année les crédits de la coopération militaire, les autres étant déjà acquis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, dernier orateur inscrit.
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous tenez, comme le disait l'un de vos prédécesseurs, l'auberge de France au carrefour de l'Europe, qui est devenue aujourd'hui le carrefour du monde. Mais pour tenir cette auberge, il faut avoir des moyens d'action suffisants, et savoir mener une ligne politique indépendante, claire et déterminée. A cet égard, je salue le renouveau du budget des affaires étrangères, même s'il comporte quelques manques, et j'approuve l'effort de redressement de cette mission régalienne de l'Etat.
    Notre outil diplomatique a en effet impérativement besoin d'être restauré après une décennie de déclin où il a été mis à rude épreuve. Votre budget de 4,11 milliards d'euros, en augmentation de 13,4 %, répond à cet impératif. Cet effort est nécessaire car nous possédons le deuxième réseau diplomatique dans le monde. Certains esprits s'en étonnent ; ce sont d'ailleurs les mêmes qui prônent une politique d'abaissement. Ce réseau important - 152 ambassades, 105 postes consulaires, 21 représentations - est non seulement le gage d'une présence, mais un atout irremplaçable pour faire entendre notre voix.
    Cer dernières années, votre département a rendu des postes budgétaires. C'est une faute que j'ai souvent dénoncée. Il est urgent que cela cesse. Car il faut être sérieux : ce ne sont pas les 9 409 agents des affaires étrangères qui pèsent réellement sur le niveau de notre dette !
    Du reste, il est paradoxal de constater que ceux qui souhaitent un abaissement de la présence française dans le monde sont souvent les mêmes qui poussent les régions, unités artificielles s'il en est, à ouvrir des quasi-ambassades à l'étranger. Il faut être clair : la politique étrangère, c'est la voix de la France, c'est vous, monsieur le ministre, chez nos voisins et dans le monde. C'est à l'Etat de remplir cette mission fondamentale et à personne d'autre.
    Cela étant, si votre budget est en forte augmentation, certains postes ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée. Ainsi, la nouvelle baisse des effectifs du personnel n'est pas acceptable. Vous avez rendu, ces dix dernières années, plus de 10 % de vos effectifs au budget de l'Etat et à Bercy. Il faut que cela cesse. Si vous cherchez des exemples de gabegies dans l'appareil d'Etat, je peux vous aider à en trouver...
    M. Jean-Claude Lefort. Mieux vaut s'abstenir !
    M. Jacques Myard. Sont en baisse également les crédits affectés à l'enseignement français à l'étranger, aux établissements culturels, aux opérateurs de l'action audiovisuelle, et bien sûr, à la coopération militaire. Je partage sur ce point l'avis de Michel Voisin. J'avais déposé des amendements pour rétablir ces crédits, mais la guillotine budgétaire ne leur a pas laissé une chance de vivre.
    Monsieur le ministre, ne vous laissez pas impressionner par les comptables. Votre ministère a largement donné dans le passé. Il est impératif que vous ayez les moyens d'exprimer l'indépendance et la voix de la France.
    J'en arrive ainsi à mon deuxième point : l'indépendance nécessaire de la politique étrangère de la France. On connaît certains discours : hors de l'Europe et de la PESC, point de salut ! La France, a-t-il même été entendu ici, ne serait qu'une puissance de seconde zone. Les temps actuels sont instructifs. Ils infligent un cinglant démenti à ces positions d'abandon hélas ! récurrentes dans notre histoire bimillénaire. Il n'y a pas de corrélation, monsieur le ministre, entre la taille et la puissance. (Sourires.)
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Il parle en connaissance de cause ! (Sourires.)
    M. Jacques Myard. C'est une question de cohésion. L'Europe est, certes, une dimension nécessaire pour notre politique étrangère. Mais elle ne peut pas être exclusive. La France, ce n'est pas l'Allemagne, ce n'est pas le Royaume-Uni, ce n'est pas les Etats-Unis d'Amérique.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Jacques Myard. La France a des intérêts qui lui sont propres, qui ne sont pas fongibles avec ceux des autres, ni même dans un super-Etat européen.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. Jacques Myard. Nous avons des intérêts en Europe, en Méditerranée, au Proche-Orient, au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Ces intérêts sont de tous ordres : économiques, culturels, sociologiques, politiques et stratégiques. De surcroît, la France a une vision du monde qui lui est propre, conforme à ses intérêts, qui dérange parfois les puissants mais suscite souvent une attente forte de très nombreux peuples : cette « demande de France » qui a été soulignée ici.
    M. Jean-Claude Lefort. Absolument !
    M. Jacques Myard. Il est d'ailleurs plaisant de relever que ceux qui critiquent cette indépendance et souhaitent voir la France rentrer dans le rang sont les mêmes qui prônent un régionalisme extrême qui permettrait d'asseoir l'Europe des régions dans un atlantisme bon teint.
    M. François Loncle. Comme Raffarin !
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, et vous venez de le démontrer à propos de la crise irakienne, lorsque la France est déterminée, cohérente dans ses positions et dans son langage, non seulement elle peut tenir son rang de grande puissance, mais elle est capable de faire échec à des puissances impériales.
    Cette crise, au regard de la conduite de notre politique étrangère, est exemplaire et mérite qu'on s'y arrête. L'Irak est d'abord un pays du Moyen-Orient qui occupe une position clé, notamment en matière pétrolière. Il est impératif qu'il demeure libre et que ses réserves ne passent pas sous une autre domination.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Jacques Myard. Il s'agit d'un pays arabe, plus laïque que d'autres, où il n'est pas nécessaire de renforcer l'intégrisme. La France entretient des relations séculaires avec le monde arabe, où sa langue est beaucoup parlée. Chacun ici se souvient de François Ier qui reçut à Toulon la flotte du Grand Turc alors que Charles Quint voulait imposer ses conceptions sur toute la chrétienté. A bon entendeur salut !
    Le monde arabe commande aujourd'hui l'équilibre au Moyen-Orient, au Proche-Orient et en Méditerranée. C'est dans cette partie du monde que va se jouer la paix de l'humanité dans les années qui viennent. Or les causes de déstabilisation sont nombreuses : croissance démographique explosive, montée de l'intégrisme religieux, problèmes économiques pratiquement insurmontables, liés au sous-développement. Mener une guerre contre l'Irak, c'est accélérer tous les facteurs politiques de déstabilisation de cette zone, encourager l'idéologie du terrorisme. C'est une faute !
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Jacques Myard. Une autre politique est possible, plus efficace. Elle est fondée sur l'ouverture et le soutien aux forces démocratiques de ces Etats. Il faut agir dans le long terme - la politique étrangère, c'est le long terme, vous le savez, vous qui avez été à l'école du général de Gaulle - et avec cohérence, en s'attachant à réduire les causes de l'affrontement. A ce titre, je me félicite que la France augmente son aide publique au développement, fortement négligé ces dernières années, et que vous ayez auprès de vous un secrétaire d'Etat chargé notamment des questions méditerranéennes.
    L'administration directe de l'Irak, comme le prévoient les Américains, ne m'inspire qu'une observation : « Je leur souhaite bien du plaisir ! » La France doit se démarquer totalement de cette aventure.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Jacques Myard. En s'opposant aux Etats-Unis ou plus exactement en leur rappelant fermement que la politique internationale n'est pas une vile copie de ses westerns où il y a un bon et un méchant, la France a naturellement retrouvé sa place.
    Certains - pour ne pas citer un ancien président de la République - ont prétendu que la France devait « européïser » sa position sur l'Irak, au motif qu'elle y gagnerait en influence. En vérité, cette analyse est périmée car en défendant son indépendance, en prenant des positions cohérentes et clairvoyantes, vous avez rallié bien davantage que les adeptes des positions communes paralysantes des « eurolâtres ». Et la France a derrière elle tous les peuples qui se retrouvent dans son message séculaire et universel. Ainsi, elle dépasse largement le Finistère du continent euro-asiatique.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Jacques Myard. Les choses sont claires. Nos partenaires européens n'ont rien à craindre d'une France qui refuse de se lier les pieds par des procédures bruxelloises plus incongrues les unes que les autres. Ils n'ont rien à craindre d'une France qui proclame et maintient son indépendance. Cela n'agace que les timorés ou les euro-pleurnichards qui ont abandonné depuis longtemps toute volonté d'exister.
    En revanche, ils auront tout à perdre d'une France qui s'efface car ils se retrouveront américains. Il n'y aura alors qu'à reprendre ce fameux mot de nos ancêtres gaulois : Cecos ac caeser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
    Mes chers collègues, les scrutins pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République ont été clos à dix-huit heures.
    Les résultats en seront annoncés au cours de la séance de ce soir.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    Affaires étrangères, coopération et francophonie (suite) :
    Affaires étrangères :
    M Eric Worerth, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 1 du rapport n° 256) ;
    M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome II de l'avis n° 259) ;
    M. François Lamy, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome I de l'avis n° 260) ;
    Coopération et développement :
    M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 3 du rapport n° 256) ;
    M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome III de l'avis n° 259) ;
    Francophonie et relations culturelles internationales :
    Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome I de l'avis n° 257) ;
    M. François Rochebloine, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome IV de l'avis n° 259).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT