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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 22 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 21 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
2.  Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Après l'article 1er bis «...»

Amendement n° 96 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet.
Amendement n° 97 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. - Rejet.
Amendement n° 151 de M. Blessig : MM. Emile Blessig, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Article 2 «...»

M. Emile Zuccarelli, Mme Ségolène Royal, M. André Chassaigne.
Amendements de suppression n°s 62 de Mme Royal et 172 de M. Brunhes : Mme Ségolène Royal, MM. André Chassaigne, le rapporteur, le garde des sceaux, Emile Zuccarelli, Jean-Jack Queyranne, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. - Rejet.
Amendement n° 100 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 66 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 99 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 49 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 63 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Marc Le Fur. - Rejet.
Amendement n° 64 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 65 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption, par scrutin, de l'article 2.

Article 3 «...»

M. Emile Zuccarelli, Mme Ségolène Royal, MM. René Dosière, Didier Migaud, Charles de Courson, Jean-Pierre Brard, André Chassaigne, Jean-Luc Warsmann, Jean-Pierre Balligand, Jean-Jack Queyranne.

Rappels au règlement «...»

M. Jean-Pierre Brard, Mme Ségolène Royal.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le rapporteur.

Rappels au règlement «...»

MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Jack Queyranne.
Mme Ségolène Royal.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le président.

Rappel au règlement «...»

M. André Chassaigne.

Reprise de la discussion «...»

Amendements de suppression n°s 50 de M. Myard, 67 de Mme Royal, 101 de M. Giacobbi, 113 de M. Brard, 136 de M. Delattre et 205 de M. Vannson : M. Jacques Myard.
M. André Chassaigne.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappels au règlement «...»

MM. François Loncle, Didier Migaud, le président.

Demande de suspension de séance «...»

Mme Ségolène Royal, M. le président.

Reprise de la discussion «...»

Mme Ségolène Royal, M. Paul Giacobbi.

Rappel au règlement «...»

MM. Jean-Pierre Brard, le président.

Reprise de la discussion «...»

MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet, par scrutin, des amendements de suppression.

Rappels au règlement «...»

M. Philippe Vuilque, M. Jean-Pierre Brard.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Dépôt de propositions de résolution «...».
4.  Dépôt de rapports d'information «...».
5.  Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 185 du code électoral, M. le président de l'Assemblée nationale a reçu du Conseil constitutionnel communication :
    - d'une part, de trois décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales ;
    - d'autre part, de deux décisions portant annulation d'élections.
    Ces deux décisions concernent les élections législatives des 9 et 16 juin 2002 à la suite desquelles avaient été proclamés élus :
    - Mme Annick Lepetit dans la 17e circonscription de Paris ;
    - et M. Georges Mothron dans la 5e circonscription du Val-d'Oise.
    Ces communications sont affichées et seront publiées à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

2

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi
constitutionnelle adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 96 après l'article 1er bis.

Après l'article 1er bis

    M. le président. . M. Giacobbi et Mme Taubira ont présenté un amendement, n° 96, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er bis, insérer l'article suivant :
    « Dans le huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le mot : "locales est remplacé par le mot : "territoriales. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, les mots ont un sens. Nous avons consacré beaucoup de temps tout à l'heure à l'expliquer. Il semblerait donc que le mot idoine, le mot agréé, soit désormais « territorial », et non plus « local ». Alors pourquoi ne pas procéder à la substitution de ces deux mots également au huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution ? Pourquoi les assemblées ne seraient-elles pas, elles aussi, territoriales ?
    Je vais vous dire le fond de ma pensée : ce qui me gêne c'est le manque d'homogénéité sémantique car, contrairement à ce que vous pouvez penser, je n'ai pas la manie du particularisme. L'assemblée de Corse est composée de conseillers territoriaux et non régionaux. Pourquoi, puisque les collectivités sont territoriales, les assemblées ne le sont-elles pas ou, plutôt, certaines le sont-elles et d'autres non ? J'aimerais qu'on m'explique la portée de ces mots. Est-ce simplement pour le plaisir d'avoir des mots différents ?
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Je reconnais que la question de M. Giacobbi vaut la peine d'être posée et je le remercie donc de l'avoir fait.
    Il s'agit, mon cher collègue, de ne pas introduire une confusion car les termes d'« assemblée territoriale » sont réservés aux collectivités d'outre-mer et aux collectivités à statut particulier comme le département que vous avez cité et que vous connaissez beaucoup mieux que moi. L'avis de la commission est défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour répondre à la commission.
    M. Paul Giacobbi. Je suis d'autant plus attaché à cet amendement que, si la Corse est évidemment située outre-mer au sens géographique, elle n'est ni un département ni un territoire d'outre-mer. Tout cela n'est pas très clair. Or la question est importante.
    Vous me dites, monsieur le président de la commission, que qualificatif « territorial » s'applique également aux collectivités à statut particulier. Mais, comme, compte tenu des dispositions constitutionnelles que nous allons adopter, celles-ci vont se multiplier à la vitesse des lapins, nous allons voir fleurir toute une série d'assemblées qui, si je vous entends bien, seront des assemblées territoriales.
    Il faudrait vraiment y voir clair parce que la différence sémantique n'est pas qu'un détail. Elle entraîne également des conséquences. Je sais qu'elle n'est pas non plus le fait de la confusion et du hasard. En effet, au moment où l'on a introduit cette réforme, on voulait, par le glissement sémantique, faire penser qu'on faisait des choses que l'on ne faisait pas.
    Moi, j'aime voter des dispositions que je comprends. Je ne suis pas très intelligent, mais là je suis quand même à peu près capable de suivre.
    Si la Corse, parce qu'elle a un statut particulier, est une collectivité territoriale, il doit en être de même de toutes les collectivités à statut particulier, à commencer par Paris ! A moins que vous ne considériez la Corse comme un territoire, ce qui n'est plus une conception géographique, mais une conception juridique, qui entraîne des conséquences bien particulières. Mais, à ce moment-là il faut le dire aussi.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi et Mme Taubira ont présenté un amendement, n° 97, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er bis, insérer l'article suivant :
    « Le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution est complété par les mots : "et les mesures spécifiques permettant de tenir compte des handicaps des collectivités territoriales, et notamment insulaires ou éloignées, afin de mieux leur garantir les conditions équitables de leur développement. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, messieurs les ministres, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Taubira, cosignataire de cet amendement comme du précédent, due à un léger problème se santé.
    L'amendement n° 97 vise à rappeler que les mesures spécifiques ne sont pas introduites pour le plaisir de faire des différences ou pour se différencier, mais parce que des différences réelles existent. Si l'on veut assurer l'égalité vraie, il faut bien prévoir des différences de traitement, puisque c'est le meilleur moyen - et, en fait, le seul moyen - d'aboutir à des situations réelles qui soient comparables, égales, équitables ou identiques.
    De plus, la notion de discrimination positive n'est pas complètement étrangère à notre droit ni à notre jurisprudence constitutionnels, et encore moins au droit communautaire. Nous souhaitons qu'elle figure dans la Constitution.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur Giacobbi de deux choses l'une. Ou bien vous parlez de l'outre-mer, et alors les mesures spécifiques prévues par les articles 73 et 74 de la Constitution répondent à votre préoccupation, ou bien vous parlez d'une collectivité dotée d'un statut particulier, comme la Corse, et, là, il n'y a pas de difficulté. Dans les deux cas, vous avez satisfaction. L'ajout que vous proposez ne ferait qu'alourdir inutilement les dispositions existantes.
    Cet amendement est donc repoussé par la commission.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet article.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. L'avis est défavorable, car c'est finalement dans le cadre de la péréquation que cette question doit être examinée. Le débat à ce sujet aura lieu ultérieurement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Blessig, Bur, Christ, Ferry, Mme Grosskost, MM. Herth, Hillmeyer, Lett, Meyer, Reiss, Schneider, Schreiner et Sordi ont présenté un amendement, n° 151, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er bis, insérer l'article suivant :
    « L'article 34 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les principes de l'organisation décentralisée de la République, notamment les pouvoirs, les compétences et les ressources des collectivités territoriales, sont fixés par une loi organique. »
    La parole est à M. Emile Blessig.
    M. Emile Blessig. Par cohérence avec le fait que, par ce texte, vous placez la décentralisation au nombre des principes de la Constitution, nous proposons que les dispositions concernant l'organisation décentralisée de la République soient fixées par une loi organique...
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Emile Blessig. ... c'est-à-dire qu'elles soient sanctionnées par des normes juridiques de valeur supérieure. Cela aurait deux avantages. Premièrement, ce serait une garantie que les sensibilités des deux assemblées seraient prises en compte puisque la loi organique ne peut être adoptée en dernier lieu par l'Assemblée nationale qu'à la majorité absolue de ses membres et, deuxièmement, ces dispositions seraient obligatoirement soumises à l'examen du Conseil constitutionnel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'avis de la commission est, malheureusement, défavorable. Une loi organique est une procédure lourde par rapport à une loi ordinaire. De plus, cela ne permet pas d'amender les textes relatifs aux collectivités territoriales par des lois simples. Cela bloquerait le travail du Parlement. Je demande à M. Blessig de bien considérer cet argument.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceau.x L'avis du Gouvernement est également défavorable. L'adoption de cet amendement serait très dangereux car elle créerait une rigidité supplémentaire. Or, chacun aura pu l'observer, le travail parlementaire est déjà complexe et soumis à un calendrier extrêmement serré. Vous imposeriez au Parlement une contrainte supplémentaire très lourde, comme l'a très justement fait remarquer le président de la commission. Le domaine législatif est défini. Ne le compliquons pas en exigeant de manière trop fréquente des lois organiques. Cela entraînerait vraiment un alourdissement considérable de la procédure. Et je vois même là comme une défiance du Parlement à son propre égard.
    M. Emile Blessig. Eu égard aux explications que vient de donner M. le ministre, et étant moi-même également adepte de la souplesse et de l'efficacité, je retire cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 151 est retiré.

Article 2

    M. le président. Après l'article 37 de la Constitution, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :
    « Art. 37-1. - La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités des dispositions à caractère expérimental. »
    Sur l'article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'article 2 du projet propose de faire figurer dans la Constitution que la loi et le règlement peuvent comporter des dispositions à caractère expérimental. Le Sénat a jugé opportun de préciser, et, en cela, je l'approuve entièrement que cela vaut « pour un objet et une durée limités ».
    Je ferai tout d'abord observer qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire dans la Constitution une telle possibilité. Comme chacun le sait, il y a déjà eu, dans le cadre de la Constitution actuelle, des lois ou des réglements à caractère expérimental. C'est le cas, par exemple, de la loi de 1975 sur l'interruption volontaire de grossesse. Promulguée d'abord pour une durée limitée, elle a été ensuite pérennisée, après évaluation.
    Si cela a pu soulever ici ou là quelques problèmes, je veux bien qu'on modifie la Constitution mais cela doit être fait de manière claire : une expérience est faite pour une durée limitée, pour un objet précis et doit faire l'objet d'évaluations précises permettant de définir à quelles conditions elle peut être pérennisée.
    Par ailleurs, l'expérimentation n'a d'intérêt que si elle peut servir d'exemple ou d'inspiration pour des situations similaires, autrement dit si elle est, en cas de succès, extensible. Certes, il peut y avoir des dérogations à la loi générale, des lois spécifiques ou des lois qui ne s'appliquent qu'à un endroit déterminé. Certaines parties du territoire font l'objet, nous le savons, de dispositions législatives particulières. C'est le cas de Paris et de l'Alsace. La loi Montagne qui s'applique à la Savoie n'intéresse que peu le département de la Vendée et, vice versa, la loi littoral qui régit la Vendée n'intéresse que peu le département de la Savoie. Mais là, nous sommes dans le cadre d'un exercice législatif classique.
    Concernant les dispositions que vous nous proposez, nous devons nous demander qui fait la loi. S'agissant de l'article 2, c'est très clairement le Parlement, mais nous aurons l'occasion de nous poser à nouveau la question un peu plus loin dans l'examen des articles et, en particulier à l'article 4 où les choses me paraissent moins claires. J'attends des précisions du Gouvernement pour nous éclairer.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. A ce stade du débat et à cette heure déjà avancée de la soirée, je me dis « Que de temps perdu ! ». Pourquoi tous ces « tripatouillages » de la Constitution, alors que nous pourrions débattre des transferts de compétences et de leurs modes de financement.
    Vous avez, monsieur Perben, solennellement rappelé à l'ordre un député en lui disant qu'il convenait de parler en droit à propos de la Constitution. Je ne peux m'empêcher de rappeler la véritable « fessée » juridique que le Conseil d'Etat a infligée au texte du Gouvernement et, notamment, à son article 2.
    Vous proposez que la loi et le règlement puissent comporter des dispositions à caractère expérimental. Ce droit d'expérimentation soulève une foule de questions. S'agit-il tout simplement de confirmer la jurisprudence administrative et constitutionnelle ? Si oui, pourquoi, une fois de plus, déformer, triturer la Constitution. Est-ce pour satisfaire à des exigences de communication ? Mais est-ce le rôle de l'Etat, que vous représentez, de déformer ainsi la Loi fondamentale ? S'il s'agit de mettre en échec le principe d'égalité devant la loi, osez donc, monsieur le ministre, comme vous y pousse le Conseil d'Etat, le dire !
    Comment conciliez-vous le principe d'égalité devant la loi, que vous avez invoqué tout à l'heure pour mieux justifier votre opposition au principe d'égalité devant le service public, et le pouvoir d'expérimentation que vous allez donner aux exécutifs locaux ?
    M. le garde des sceaux. Vous ne devez pas parler du bon article car l'article 2 concerne l'Etat et non les collectivités territoriales !
    Mme Ségolène Royal. Nous sommes sur l'article 2...
    M. René Dosière. Ne vous laissez pas interrompre, madame Royal, continuez !
    Mme Ségolène Royal. La méthode est en effet un peu cavalière !
    M. le président. Nous sommes bien sur l'article 2.
    Mme Ségolène Royal. « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. » C'est donc bien en accompagnement de la décentralisation, j'imagine ? Elles s'appliquent donc bien à des territoires.
    M. le garde des sceaux. Demandez à M. Zuccarelli !
    Mme Ségolène Royal. Allons, monsieur le garde des sceaux, soyez sérieux ! Vous avez même dit en commission des lois qu'il pourrait y avoir une combinaison d'expérimentations dans le domaine de la loi et du règlement et dans celui des transferts de compétences. Vous avez même cité à l'appui de votre démonstration la possibilité d'expérimenter dans certains territoires des organisations de tribunaux différentes.
    M. le garde des sceaux. Mais cela, c'est l'Etat.
    Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ce ne sont pas les collectivités.
    Mme Ségolène Royal. C'est du domaine de l'Etat, mais seulement sur certains territoires, pas sur la totalité. Sommes-nous d'accord ?
    M. le garde des sceaux. Mais toujours au nom de l'Etat.
    Mme Ségolène Royal. Nous sommes donc bien dans une logique d'éclatement de la République : certains territoires pourront déroger à la loi dans la mesure où vous y autorisez des expérimentations législatives et réglementaires, au besoin combinées avec des transferts de compétences.
    M. Jacques Myard. L'avez-vous dit à l'époque à Jospin ?
    Mme Ségolène Royal. Vous avez dit, monsieur le garde des sceaux, qu'il fallait parler en droit, puisque nous parlons de la Constitution, et qu'il fallait être sérieux. C'est bien ce que nous vous demandons : soyez un peu sérieux, comme vous y a enjoint le Conseil d'Etat. Celui-ci vous a recommandé de retirer ce dispositif de votre texte, estimant, de deux choses l'une, ou bien qu'il s'agissait d'un simple rappel de la jurisprudence administrative et constitutionnelle, auquel cas ce dispositif n'avait rien à faire dans la Constitution. Alors...
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Il n'est pas seul à le dire !
    M. René André. Monsieur le président, ce mépris est inacceptable ! On ne parle pas ainsi à un ministre de la République !
    Mme Ségolène Royal. C'est une critique, de dire que M. Perben est garde des sceaux ?
    M. René André. Non, c'est le ton sur lequel vous le dites.
    M. le président. Madame Royal, s'il vous plaît,...
    Mme Ségolène Royal. Tout à l'heure, le ministre lui-même nous reprochait de ne pas parler pas en droit. C'est précisément ce que je lui demande : parlons en droit ! Peut-il nous détailler le raisonnement qui le conduit à ne pas suivre l'avis du Conseil d'Etat ?
    M. le président. ... concluez votre intervention sans attaque personnelle.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Le bric-à-brac, c'est tout le discours de Mme Royal !
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, est-ce une attaque personnelle de dire à M. Perben qu'il est garde des sceaux ?
    M. René André. Vous ne l'avez pas dit ainsi !
    Mme Ségolène Royal. Je comprends que le Gouvernement soit très gêné par cet avis du Conseil d'Etat. Il ne l'a pas distribué aux parlementaires et c'est bien dommage, car cela aurait pu éclairer utilement nos débats.
    Puisque vous persistez à nier l'évidence, monsieur le garde des sceaux, je vais vous relire l'avis de l'assemblée générale du Conseil d'Etat : « L'article 2 relatif à l'expérimentation au niveau de la loi et du règlement n'a pu être adopté dans la rédaction du Gouvernement, dans la mesure où, faute d'être plus précis, il se borne à une réaffirmation de la jurisprudence administrative et constitutionnelle. Laissant entier le pouvoir d'appréciation des juridictions, il n'aurait pas permis d'éviter un contrôle du type de celui qui existe actuellement sur les conditions de sa mise en oeuvre, ni sur sa conciliation avec d'autres principes comme le principe d'égalité. »
    Le Conseil d'Etat a donc récrit votre copie, en précisant explicitement que, si vous vouliez inscrire dans la Constitution un principe différent de celui qui existe déjà dans la jurisprudence administrative et constitutionnelle, vous deviez annoncer clairement la couleur et écrire dans ce texte que - je cite la rédaction proposée par le Conseil d'Etat - « la loi et le règlement peuvent comporter des dispositions à caractère expérimental, sans que puisse y faire obstacle l'application du principe d'égalité ». En effet, le principe d'égalité devant la loi inscrit dans la Constitution et le principe d'expérimentation législative et réglementaire ne sont pas compatibles. Ou alors, il faudra dire clairement que le principe d'expérimentation fait obstacle à l'application du principe d'égalité.
    Voilà pourquoi nous vous proposerons tout à l'heure des amendements prévoyant explicitement que le pouvoir d'expérimentation ne pourra pas déroger au principe d'égalité devant la loi.
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. L'article 2 propose d'inscrire dans la Constitution un droit en matière d'expérimentation pour le Parlement et le Gouvernement. On peut se poser une première question : pourquoi ? Pourquoi, alors que le dispositif proposé ne diffère pas fondamentalement de ce qu'autorisait déjà la jurisprudence du juge administratif et du Conseil constitutionnel ?
    On peut dès lors s'interroger sur la nécessité de son inscription dans la Constitution. La commission des lois, là encore, donne évidemment sa réponse : à croire, là encore, selon le rapport, cette consécration constitutionnelle permettra à cette conciliation entre le principe d'expérimentation et le principe d'égalité d'être interprétée de façon moins restrictive. Et le rapport de préciser il n'est donc pas exclu que la pratique de l'expérimentation puisse être utilisée dans des domaines touchant les libertés publiques ou les garanties fondamentales.
    Tout cela est écrit noir sur blanc.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
    M. André Chassaigne. Plus simplement, cela revient à dire que cette pratique, jusqu'ici admise par le juge administratif et le Conseil constitutionnel, mais dans des limites étroites pour ne pas se heurter au principe d'égalité, pourrait désormais couvrir un champ plus large. Là est précisément la raison de notre inquiétude. En effet, comme le souligne le rapport de la commission des lois du Sénat, qui, elle, avait fait du bon travail...
    M. René Dosière. Allons ! Celle de l'Assemblée aussi a bien travaillé !
    M. Alain Joyandet. Vous voyez, monsieur Chassaigne, le Sénat n'est pas si mal !
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Le Sénat aurait fait quelque chose de bien ? Incroyable !
    M. André Chassaigne. J'avais peur que M. Warsmann ne se soit endormi !
    M. Jacques Myard. C'est mal le connaître !
    M. André Chassaigne. Ce rapport de la commission des lois du Sénat précisait : « Par définition, l'expérimentation entraînera - écoutez bien - une rupture de l'égalité entre les territoires et les individus qui entreront dans son champ et ceux qui en seront exclus. » L'objectif du Gouvernement, tel que présenté dans l'exposé des motifs du projet, est clair : il s'agit bien de reléguer certaines de ses missions aux collectivités territoriales sans forcément leur donner les moyens pour y faire face, entraînant par là une inégalité entre les citoyens.
    Cela n'a rien à voir, contrairement à ce qu'a affirmé à plusieurs reprises notre rapporteur, avec les cas d'expérimentation, souvent cités, qui existent d'ores et déjà, proposés avec une garantie nationale et avec des moyens conséquents : ainsi en est-il de l'expérimentation concernant la régionalisation de la SNCF...
    M. Jacques Le Guen. C'est une réussite !
    M. André Chassaigne. ... qui a permis, il est vrai, d'améliorer le service aux populations. Mais cette expérimentation-là s'était accompagnée de moyens spécifiques dégagés par l'Etat et avait d'ailleurs amené ce dernier à s'engager plus fortement dans le domaine du ferroviaire, comme en témoigne la réouverture de gares et de lignes.
    La logique gouvernementale est d'autant plus redoutable que l'article 2 ne fixe aucune limite aux domaines d'expérimentation. Ceux-ci pourront bien sûr concerner des secteurs aussi fondamentaux que l'éducation et la santé, qui font partie intégrante des missions nationales de l'Etat. Mais au-delà, le domaine dit régalien de l'Etat pourra également être touché. Ainsi, à croire le rapport de la commission des lois, la justice elle-même pourrait faire l'objet d'expérimentations.
    M. Jean-Jack Queyranne. Exactement !
    M. André Chassaigne. Mais il est un autre sujet de préoccupation : l'absence de garantie concernant la réversibilité de l'expérimentation. Le législateur ou le pouvoir réglementaire pourraient-ils décider de l'étendre à l'ensemble des collectivités sans que celles-ci l'aient demandé ? Qui dit expérimentation dit possibilité de généralisation. A quoi sert-il d'expérimenter si l'on ne peut pas généraliser ? La question est de savoir dans quel contexte.
    Je voudrais à ce sujet vous rapporter les propos que le Président de la République a tenus le 10 avril dernier à Rouen : « La nation doit maintenant aller beaucoup plus loin en prenant cette fois des garanties contre tout retour en arrière. » Comment ne pas en être très inquiet ?
    Pour nous, le droit à l'expérimentation ne devrait être mis en application que sous responsabilité nationale et rester compatible avec la sauvegarde des missions essentielles de l'Etat, celles-là mêmes qui permettent d'assurer l'unité, l'égalité des droits, la solidarité et la cohésion nationale.
    C'est la raison pour laquelle nous avons nous aussi déposé un amendement demandant la suppression pure et simple de l'article 2.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 62 et 172.
    L'amendement n° 62 est présenté par Mme Royal et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 172 est présenté par MM. Brunhes, Chassaigne, Gérin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 2. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal, pour soutenir l'amendement n° 62.
    Mme Ségolène Royal. L'amendement n° 62 tend à supprimer l'article 2.
    En effet je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que vous nous expliquiez en quoi cette disposition est constitutionnelle et quel raisonnement juridique vous a conduit à ne pas suivre l'avis du Conseil d'Etat vous demandant de disjoindre ce dispositif du texte du Gouvernement. Nous ne sommes pas là pour nous amuser avec la Constitution ! Si cet article n'est pas constitutionnel, il doit être retiré du projet. Dans le cas contraire, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez besoin de l'inscrire dans la Constitution ?
    Ensuite, pouvez-vous nous indiquer comment vous conciliez le principe d'égalité devant la loi et le principe d'expérimentation législative ?
    Pouvez-vous également nous dire comment vous allez combiner cette expérimentation législative avec l'expérimentation sur les transferts de compétences ?
    Comment enfin, avec le dispositif que vous avez imaginé, le Conseil constitutionnel pourrait-il encore s'opposer aux modifications de la loi Falloux qui tendaient à faire dépendre des collectivités territoriales les conditions essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice d'une liberté de l'enseignement, qui ainsi n'auraient plus été les mêmes sur l'ensemble du territoire ? Le Conseil constitutionnel, on le sait, s'y était opposé, estimant que les aides des collectivités territoriales pouvaient creuser les inégalités devant le service public de l'enseignement. Par la combinaison de l'expérimentation législative et du transfert expérimental de compétences, une collectivité locale pourra-t-elle dorénavant financer sans limites l'investissement comme le fonctionnement des établissements privés d'enseignement ?
    M. le président. Vous avez déjà défendu votre amendement n° 172, monsieur Chassaigne...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il a dit qu'il demandait la suppression de l'article 2 !
    M. André Chassaigne. J'ai quelques précisions à apporter.
    M. le président. Précisez, je vous en prie.
    M. André Chassaigne. L'article 2, dans sa rédaction initiale, prévoyait que la loi et le règlement pouvaient comporter des dispositions à caractère expérimental, sans plus de précisions. A l'initiative des sénateurs, il a été ajouté que ces dispositions à caractère expérimental devaient porter sur un objet et une durée limités. La majorité sénatoriale a donc estimé, et à juste titre, que votre rédaction initiale, messieurs les ministres, n'était pas sans poser de réelles difficultés. Malheureusement, la nouvelle rédaction ne clarifie guère la question ; elle se borne à encadrer a minima l'expérimentation. Nous ne pouvons en tout état de cause accepter l'inscription dans la Constitution d'un article ainsi rédigé.
    Première raison, essentielle : nous ne pouvons admettre cette orientation du Gouvernement qui le conduit à se défausser sur les collectivités territoriales de certaines de ses missions sans leur donner les moyens de les assurer. Qui plus est, ce désengagement ne peut qu'aggraver les inégalités entre les citoyens. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
    Le Conseil d'Etat ne s'y est pas trompé, affirmant que « le droit à l'expérimentation pourra déroger au principe d'égalité ». Il vous revient donc de nous prouver que cette affirmation ne se justifie pas. Mais que dire alors de celle de la commission des lois au Sénat : « Par définition, l'expérimentation entraînera une rupture de l'égalité entre les territoires et les individus qui entreront dans son champ et ceux qui en seront exclus ». Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà... Vous devriez en tout cas le méditer, vous qui aimez parfois à citer des philosophes.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ah ! Pascal !
    M. André Chassaigne. Les député-e-s communistes et républicains ne peuvent soutenir un tel article, porteur à l'évidence d'inégalités flagrantes entre les territoires et les individus.
    Une seconde raison nous pousse à exiger la suppression de cet article : nous estimons que le Parlement n'est pas suffisamment informé sur le contenu même des expérimentations possibles.
    M. Philippe Vuilque. En effet, c'est bien le problème !
    M. André Chassaigne. Une telle modification de la Constitution mériterait d'être plus explicite et de donner au moins une idée des domaines sur lesquels pourra porter cette expérimentation. Or, en l'état, nous l'ignorons. On veut nous faire acheter un âne dans un sac, comme on dit en Auvergne.
    M. Xavier de Roux. Vous voulez dire un chat...
    M. André Chassaigne. Non, chez nous, c'est un âne. (Sourires.) C'est pourquoi nous vous demandons la suppression de l'article 2 qui, compte tenu des risques qu'il comporte et de son imprécision, ne peut ni ne doit figurer dans notre Constitution.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'admire nos deux orateurs ; mais s'il n'ont pas économisé leur énergie, je ne suis pas convaincu qu'ils aient l'un et l'autre contribué à la clarification générale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Chassaigne. Vous avez toujours la vérité universelle !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je ne suis pas sûr de parfaitement tout savoir de ce texte, mais je crois le connaître un peu... On peut a priori l'espérer d'un rapporteur. Je voudrais pour le moins tenter de clarifier les choses.
    Ce texte est équilibré, madame Royal, dans la mesure où une de ses deux parties va précisément, et pour une large part, dans le sens de ce que vous avez souhaité tout au long de l'après-midi : la déconcentration. C'est ainsi, et pour la première fois dans un texte constitutionnel, que l'on explique à quoi sert le préfet.
    L'autre partie est tout aussi importante à mes yeux car elle va dans le sens de l'unité de l'Etat. Toute disposition une fois expérimentée avec succès devra être généralisée sur tout le territoire, collectivités d'outre-mer exceptées.
    Mme Ségolène Royal. Où voyez-vous tout cela ? L'article 2 tient en deux lignes !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous le verrons à l'occasion de l'article 4. Je vous fais une synthèse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Jack Queyranne. Ce n'est pas pareil !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Si vous voulez comprendre, faites-moi la charité de m'écouter ! Je suis en train de vous faire une synthèse du projet. Et comme il m'a semblé que ce n'était pas bien compris, permettez-moi de remonter un peu !
    D'un côté, l'aspect Etat unitaire ; de l'autre, l'aspect décentralisation. C'est là que j'en viens au problème qui nous est posé à l'instant même. Il y a deux formes de décentralisation : la première, c'est la décentralisation voulue et décidée par l'Etat ; l'autre, c'est l'article 4 - nous y reviendrons tout à l'heure -, celle qui est demandée, qui remonte des collectivités territoriales, après une loi d'habilitation. Nous y reviendrons.
    Or Mme Royal parlait de la décentralisation de l'Etat ; c'est pour cela que nous lui avons fait observer à un moment qu'elle passait un peu rapidement à l'article 4, où le problème est totalement différent.
    En revanche, j'admets totalement l'argument que défendent Mme Royal comme M. Chassaigne : pourquoi l'inscrire dans la Constitution alors que les expériences existent depuis longtemps déjà au niveau national ?
    Les premières remontent aux années soixante ; la dernière en date fut votre oeuvre puisque, au moment de la loi sur la démocratie de proximité, bon nombre d'expérimentations ont été conduites dans plusieurs départements. Le précédent gouvernement a également lancé la fongibilité des crédits et la globalisation des crédits de préfecture - pas partout : seulement dans quelques départements. Bref, nous en sommes tous d'accord, l'expérimentation d'Etat existe d'ores et déjà. Le saviez-vous ?
    M. Jean-Jack Queyranne. Bien sûr !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je n'en suis pas sûr. Quoi qu'il en soit, Mme Royal ne pouvait l'ignorer.
    L'expérimentation d'Etat existe donc et l'on peut se demander pourquoi nous l'inscrivons dans la Constitution. La première raison est d'ordre philosophique, et j'ai tenté de l'exposer dans mon propos liminaire. En effet, il me semblait très intéressant de souligner l'équilibre entre, d'un côté, l'expérimentation des collectivités territoriales - prévues à l'article 4 - et, de l'autre, celle de l'Etat, qui sera désormais précisément encadrée par le droit constitutionnel. S'agissant du juge, - vous faites abondamment référence au Conseil d'Etat, je vais évoquer également le Conseil constitutionnel -, précisons qu'il n'a pas manqué de formuler moult observations sur la capacité d'expérimentation de l'Etat.
    D'après les recommandations et l'encadrement juridique du Conseil d'Etat, il faut d'impérieux objectifs pour pouvoir expérimenter. Le Conseil constitutionnel, lui, fixe des conditions encore plus nombreuses. L'Etat aurait bien du mal à passer à travers les mailles de ces deux contrôles juridictionnels. Si nous n'avions pas inscrit cela dans la Constitution, il aurait été, grâce à la loi d'habilitation, plus facile de décentraliser, pour les collectivités territoriales que pour l'Etat. On aurait plus facilement accédé aux demandes des collectivités territoriales, souhaitant la décentralisation de telle ou telle compétence, par l'article 4 si, dans l'article 2, nous n'avions pas prévu et encadré le droit d'expérimentation de l'Etat. Il fallait une symétrie non seulement philosophique, mais juridique, pour que les deux types d'expérimentation soient aussi aisés, et c'est pourquoi nous avons constitutionnalisé.
    Monsieur le député du Puy-de-Dôme, en disant qu'il y a là une rupture d'égalité, vous vous trompez. On sent que, manifestement, vous ne vous étiez pas aperçu que cela existait depuis longtemps.
    M. André Chassaigne. Je n'ai jamais dit le contraire ! Vous êtes un donneur de leçons !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je ne suis pas un donneur de leçons, j'essaie simplement d'écouter ce que vous dites.
    M. Didier Migaud. C'est la moindre des choses !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est d'ailleurs méritoire parce que vous avez parlé longuement. Contrairement à ce que vous dites, les principes n'ont pas été bousculés : cela se fait depuis quelque quarante ans, ce n'est pas une nouveauté.
    La nouveauté, c'est que nous l'inscrivons dans la Constitution, par symétrie de principe, pour que les moyens soient égaux du point de vue législatif.
    Ainsi, le juge ne vous donnera plus de recommandations, mais les recevra de la Constitution, ce qui sera bien mieux, car, jusqu'à preuve du contraire, le législateur préfère dire ce qu'il faut faire que de se le faire dire.
    Il était donc indispensable d'inscrire dans la Constitution le droit d'expérimentation et de décentralisation de l'Etat et des collectivités territoriales. Avec l'article 4, nous entrerons dans le détail du mécanisme de la décentralisation et des délégations de compétences nouvelles.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Monsieur le président, je voudrais d'abord revenir sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à proposer l'article 2. Je me tournerai en particulier vers M. Zuccarelli. Nous savons l'un et l'autre, monsieur le député, combien il est difficile de réformer l'Etat. Nous savons l'un et l'autre qu'il est bien souvent préférable de pouvoir d'abord expérimenter à petite échelle - je parle toujours de l'Etat, de son organisation, de son savoir-faire, de ses modes de faire - avant, le cas échéant, de généraliser. Cela permet de nourrir la réflexion, éventuellement de convaincre les partenaires sociaux, en tout cas d'avancer.
    Depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années, les différents gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont suffisamment expérimenté la difficulté de la réforme pour que nous ayons le souci de trouver des méthodes correspondant au monde d'aujourd'hui, monde complexe où la réforme n'est pas simple à faire, de trouver des méthodes permettant, même dans les grandes organisations - et les organisations d'Etat sont, par définition de grandes organisations -, de faire évoluer les structures et les méthodes de travail.
    C'est pourquoi il nous a paru important d'introduire, à l'occasion de cette réforme constitutionnelle, un dispositif supplémentaire permettant de donner plus de marges de manoeuvre en matière d'expérimentation.
    Cet article prévoit un complément à l'article 37 de la Constitution, c'est-à-dire dans un titre qui ne concerne pas les collectivités locales, mais les rapports entre le Gouvernement et le Parlement, et donc les institutions étatiques.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
    M. le garde des sceaux. C'est de cela qu'il s'agit, et de cela seulement : cet article ne concerne pas les collectivités territoriales.
    Pourquoi l'inscrire dans la Constitution ? Mme Royal et plusieurs autres orateurs ont justement rappelé que quelques expérimentations avaient été menées, tant dans le domaine réglementaire que dans le domaine législatif. Cela signifie que l'Etat, pour un objet ou un temps limité, a introduit des dispositions dérogatoires à la règle générale. Cependant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point est très claire : chaque fois, elle a consisté en une comparaison entre les motifs d'intérêt général et le respect du principe d'égalité.
    L'introduction de ce dispositif dans la Constitution permettra donc de proposer un équilibre différent de l'équilibre actuel, puisque le contrôle des expérimentations proposées par le législateur d'une part - contrôle du Conseil constitutionnel -, par le pouvoir réglementaire d'autre part - contrôle du Conseil d'Etat -, se fera en fonction du respect du principe d'égalité, celui-ci devant rester proportionné à l'intérêt général.
    Ainsi, en introduisant ce dispositif, nous donnons à l'Etat une capacité d'expérimentation plus importante que précédemment.
    Il ne s'agit que de cela, et pas d'un quelconque démantèlement de la République. Au contraire - et je crois vraiment que, sur cette affaire, vous devez vous déterminer indépendamment de la partie de l'hémicycle dans laquelle vous siégez -, l'Etat doit se donner les moyens d'expérimenter pour ce qui le concerne, il doit pouvoir se réformer. Je le dis tant par conviction que par expérience. Cet article aurait très bien pu ne pas figurer dans cette réforme constitutionnelle, j'en conviens tout à fait. Mais nous avons estimé - et j'ai souhaité personnellement - qu'il soit inclus dans la réforme, car, au moment où l'on renforce les possibilités de décentralisation, où l'on prévoit l'expérimentation des collectivités territoriales, ne pas permettre à l'Etat d'expérimenter pour lui-même aurait pu être pris comme un mouvement de défiance à l'égard de l'Etat. C'eût été une façon de dire que seules les collectivités territoriales pourraient faire des expériences, et de ne pas reconnaître que l'Etat, lui aussi, a besoin de se réformer. Le président de la commission a donc eu raison de dire que nous avions été inspirés par un souci d'équilibre entre les articles 2 et 4. Je le confirme en tout cas : l'article 2 concerne l'Etat pour lui-même.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie pour cette tentative d'explication de l'article 2. J'avais tout à l'heure tourné mon intervention sous la forme d'un questionnement, mais, si j'avais suivi mon premier mouvement, j'aurais proposé de supprimer cet article et je ne suis d'ailleurs pas loin de penser que cela soit utile. Mais, comme j'avais déjà proposé de supprimer l'article 1er, et comme je vous proposerai tout à l'heure de supprimer l'article 3, j'aurais craint de paraître trop négatif à l'égard de ce texte.
    J'ai donc essayé de comprendre. Vous dites qu'il s'agit de l'expérimentation pour l'Etat, vous précisez même, en faisant référence à des difficultés que nous avons pu connaître à tour de rôle les uns et les autres, qu'il s'agit de l'expérimentation de l'Etat pour son propre fonctionnement. Et vous ajoutez que ça coule de source, puisque cet article s'insère dans un titre qui traite des relations entre le Gouvernement et le Parlement. Mais cette dernière circonstance implique-t-elle forcément que l'article vise de manière expresse l'évolution de l'Etat dans ses services ? Et, dans ce cas, pourquoi ne pas le dire en toutes lettres dans votre texte ?
    Vous parlez d'autre part d'un effet de symétrie. Il ne faut pas avoir l'air d'en faire plus pour les collectivités que pour l'Etat. Nous verrons, tout à l'heure, qu'on n'en fait pas trop pour les collectivités en matière d'expérimentation. Mais soit, admettons. La symétrie a des vertus. Mais cette adjonction nous garantira-t-elle mieux des problèmes essentiels qu'ont très bien soulignés mes collègues et qui touchent à l'égalité devant la loi, devant le service public, et au caractère réellement expérimental de ce que l'on serait amené à expérimenter ?
    En effet, la loi autorise déjà des expérimentations, la Constitution ne l'interdit pas, et vous avez cité des exemples, en matière de règlement, d'organisation des services de l'Etat ou d'organisation du service public. Mais ces expérimentations sont encadrées par la jurisprudence du juge constitutionnel et du juge administratif. Or, la grande nouveauté de ce texte, en termes de jurisprudence et de modalité d'application, c'est que nous allons en quelque sorte repartir de zéro. Je ne dis pas que nous nous élançons dans l'aventure, mais, tout de même, on sait ce qu'on a et on ne sait pas ce qu'on va trouver.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mais à quel titre parle-t-il, celui-là ?
    M. Emile Zuccarelli. Une dernière remarque : l'Etat, c'est vrai, expérimente en matière d'organisation. Par exemple, il vaut mieux faire un essai sur un périmètre limité que de faire le grand saut dans l'inconnu. Je comprends très bien. Mais ne peut-on pas souvent reprocher à ces expérimentations de n'être jamais étendues, de disparaître subrepticement, de tomber en désuétude, ou pis, de se poursuivre, de perdurer, mais dans leur isolement initial, de rester un feston dans notre paysage ? D'une manière générale, n'a-t-on pas totalement négligé la fonction d'évaluation qui est essentielle en matière d'expérimentation ?
    Vous le voyez, je continue de poser des questions. J'aimerais quand même que vous me disiez, monsieur le garde des sceaux, si votre argument, qui consiste à dire que cela concerne l'Etat et ses services, puisque c'est un ajout au titre des rapports entre le Parlement et le Gouvernement, vous paraît suffisant.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.
    M. Jean-Jack Queyranne. Messieurs les ministres, nous sommes au coeur du débat, car, à travers cet article 2, qui vise à introduire le droit à l'expérimentation dans la Constitution, vous être en train de faire sauter un verrou essentiel, l'un des fondements du droit français : le principe de l'égalité de tous, en particulier en matière de libertés publiques.
    Monsieur le garde des sceaux, vous venez de dire que l'Etat doit avoir plus de marges de manoeuvre, et vous avez ajouté qu'il faut un équilibre différent de la Constitution. Nous apercevons là tous les risques que peut comporter l'adoption d'une telle disposition.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Jean-Jack Queyranne. Jusqu'à présent, vous l'avez souligné, l'expérimentation est possible, mais encadrée par la jurisprudence du Conseil d'Etat, quand cela concerne le règlement, et par celle du Conseil constitutionnel, quand cela concerne la loi. Mais les deux institutions concordent : l'expérimentation, l'essai de droit doit être limité dans le temps. Il doit avoir pour objectif, à terme, l'application générale du dispositif. Et, surtout, d'après les avis du Conseil d'Etat et les décisions du Conseil constitutionnel en 1993 et en 1994, il faut définir la nature, la portée des expérimentations, les cas où elles doivent être entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation.
    Il s'agit donc bien d'un dispositif encadré. S'ajoute à cela le fait que, en matière de libertés publiques, qui sont des valeurs fondamentales, le Conseil constitutionnel veille au respect du principe d'égalité. Le principe d'égalité est au-dessus de la notion d'expérimentation. Dès lors que vous introduisez la notion d'expérimentation dans la Constitution, vous la placez au même niveau que le principe d'égalité.
    Monsieur le garde des sceaux, vous envisagez, dans le domaine de l'administration de la justice, d'expérimenter des modalités d'organisation différentes des tribunaux : c'est une rupture du principe d'égalité. En inscrivant cette disposition dans la Constitution, vous rendez les citoyens inégaux devant l'administration d'une liberté fondamentale.
    Tout à l'heure, Ségolène Royal a attiré votre attention, sur la loi Falloux. Vous ne lui avez pas répondu. Je rappelle la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Falloux : le Conseil constitutionnel s'est opposé aux modifications de la loi Falloux concernant les modalités de financement des investissements des établissements privés en soulignant que « les conditions essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice de la liberté de l'enseignement » ne peuvent pas dépendre des décisions des collectivités territoriales car elles ne seraient pas les mêmes si la décision était adoptée sur l'ensemble du territoire. Il existe donc bien là un verrou essentiel, fondamental, et vous voulez le faire disparaître. Je mets en garde les élus de la majorité. M. Perben l'a dit, il s'agit de modifier l'équilibre de la Constitution, ce que nous ne pouvons admettre. Si vous voulez maintenir vos dispositions, il est indispensable de rappeler que ces expérimentations doivent se faire dans le respect du principe d'égalité, faute de quoi l'on pourra expérimenter dans tous les domaines, en dehors des limites que fixent aujourd'hui les décisions du Conseil constitutionnel et les avis du Conseil d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, rapporteur pour avis. Je suis plus heureux d'entendre le ton mesuré des dernières interventions que le ton excessif des interventions précédentes. Mais je m'étonne plus encore de l'énorme fossé qui sépare ce que disent aujourd'hui Mme Royal, M. Peillon et M. Hollande, et ce qu'ils ont décidé et voté eux-mêmes, avec tout leur parti, le 16 janvier 2001.
    M. René Dosière. Pas Mme Royal, elle était ministre !
    Mme Ségolène Royal. Je n'étais pas parlementaire !
    M. Jacques Myard. Vous étiez membre du Gouvernement !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Je veux rappeler simplement quelques-unes des interventions. M. Roman, alors président de la commission des lois, précisait ainsi que l'expérimentation aurait le mérite de tester des réformes ayant vocation à être...
    Mme Ségolène Royal. Ce n'était pas une révision de la Constitution !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Madame, si vous aviez assisté à cette séance, vous sauriez que c'était une proposition de loi constitutionnelle ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Mme Ségolène Royal. J'étais membre du Gouvernement !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Dans ce cas-là, ne répétez pas, aujourd'hui, ces mensonges. Je vous dis que c'était une proposition de loi constitutionnelle. Je lis ce que disait M. Roman : « La commission des lois est satisfaite. Elle précise que l'expérimentation aura le mérite de tester des réformes ayant vocation à être généralisées. » Que disait M. Roman, un peu plus loin, dans la discussion générale ? « Que c'était une pierre heureuse supplémentaire dans les vices de la décentralisation. » Qu'ajoutait M. Vaillant ? « Le droit d'expérimentation peut ainsi être un facteur de progrès ».
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est pas beau, ça ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Ce qui, hier, était à vos yeux un facteur de progrès devient aujourd'hui une source d'inégalités et d'erreurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Myard. L'alternance a du bon !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Comment expliquer ce retournement ? Vous êtes aujourd'hui dans l'opposition et vous prenez systématiquement le contrepied des positions que vous aviez défendues ce 16 janvier 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

    M. le président. Vous voulez faire un rappel au règlement, monsieur Queyranne ?
    M. Jean-Jack Queyranne. Je tiens, sous la forme d'un rappel au règlement,...
    M. le président. Sur la base de quel article ?
    M. Jean-Jack Queyranne. ... ou sous la forme d'une simple précision, à répondre à M. Méhaignerie. Il était l'auteur de la proposition de révision constitutionnelle qui a été effectivement votée en première lecture par l'Assemblée nationale en janvier 2001. J'étais alors ministre des relations avec le Parlement,...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ah ! Il s'en souvient !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... ce qui me permet aujourd'hui, monsieur Méhaignerie, de compléter votre intervention, ou en tout cas de vous rafraîchir la mémoire.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Quel culot !
    M. Jean-Jack Queyranne. Si nous avons à l'époque approuvé votre proposition de loi constitutionnelle, c'est parce que le champ de l'expérimentation était doublement encadré.
    M. Didier Migaud. Exactement !
    M. Jean-Jack Queyranne. Premièrement, les prérogatives régaliennes de l'Etat en étaient exclues par définition, et deuxièmement, l'objectif de l'adaptation était strictement subordonné à la perspective d'une généralisation.
    Alors, monsieur Méhaignerie, soyez cohérent avec vous-même : introduisez aujourd'hui, par amendement, les dispositions qui étaient contenues dans votre proposition de loi constitutionnelle. Et si vous le faites, vous pouvez être assuré que nous serons nous-mêmes cohérents avec la position que nous avions prise à l'époque.
    Pour l'heure, l'expérimentation dont il est question dans le présent texte n'est pas celle que vous proposiez à l'époque, monsieur Méhaignerie.
    M. Didier Migaud. Absolument !
    M. Jean-Jack Queyranne. Voilà ce que je tenais à préciser, et je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de rétablir les faits concernant cette révision constitutionnelle adoptée par l'Assemblée en janvier 2001 - et qui n'a d'ailleurs pas été soumise à l'examen du Sénat.
    J'insiste encore une fois sur ce point essentiel : la proposition de loi constitutionnelle de M. Méhaignerie encadrait le dispositif d'expérimentation, ce qui n'est pas le cas du texte dont nous discutons aujourd'hui.
    M. René Dosière. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, rapporteur pour avis, dernier intervenant de ce débat.
    Mme Ségolène Royal. Je voudrais prendre la parole ensuite, monsieur le président.
    M. le président. Non, madame, je clos le débat.
    Mme Ségolène Royal. J'ai été prise à partie, j'ai le droit de répondre. Sinon, je demande une suspension de séance.
    M. Jean-Pierre Balligand. Une suspension de séance est de droit. Vous allez être servis !
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur le président de la commission des finances.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Chers collègues de l'opposition, je reconnais que c'est difficile d'admettre la réalité. Un changement aussi brutal, en si peu de temps !
    M. Philippe Vuilque. Ce n'est pas un changement brutal !
    M. Didier Migaud. Nous avons quand même le droit de proposer des amendements !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Non, non. Il ne s'agit pas seulement d'amender : toute la bataille que vous menez depuis deux mois vise à la suppression de l'article consacré à l'expérimentation.
    M. Philippe Vuilque. Mais oui ! Parce que nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont vous l'introduisez !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Vous allez répétant que l'expérimentation va être une source d'inégalité, une remise en question de l'unité de la République. C'est cela que je critique fondamentalement dans votre position, qui est bel et bien un changement brutal.
    M. Jean-Pierre Balligand et M. Didier Migaud. Notre position n'a pas du tout changé !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Mais si ! Il s'agit bien d'un changement brutal : vous avez déposé des amendements de suppression. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai qu'au centre, on bouge plus lentement ! (Sourires.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Deuxièmement, la proposition de loi constitutionnelle que j'avais déposée, et qui a été adoptée en janvier 2001 par l'Assemblée, allait plus loin que le présent texte. Car la vraie question, c'est de savoir quel est, au terme de ces trois années, et après évaluation, le devenir de l'expérimentation. Soit elle s'arrête,...
    M. Jean-Jack Queyranne. Ah !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Non, mais nous en reparlerons. Soit elle s'arrête, soit elle est généralisée. En janvier 2001, on acceptait, alors que le Gouvernement semble aujourd'hui ne pas vouloir l'accepter,...
    M. Didier Migaud. Exactement ! Ce n'est donc pas la même chose !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... la possibilité, dans certains cas, de n'appliquer la loi qu'à un territoire déterminé, et ce au-delà des trois ans. Voyez l'Alsace : elle a des spécificités. Pour autant, personne ne remet en cause son attachement à la République et au bon fonctionnement des institutions.
    M. Emile Blessig et M. Marc Le Fur. Exactement !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. La proposition de loi constitutionnelle que nous avions défendue allait donc plus loin que ce que le Gouvernement veut faire aujourd'hui,...
    M. Philippe Vuilque. Mais non ! La grande différence, c'est qu'aujourd'hui, l'expérimentation n'est pas encadrée !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... même s'il me semble que d'autres voix se sont exprimées. J'ai lu par exemple ce qu'a dit M. Balladur. D'autres souhaiteraient qu'au terme des trois ans, on accepte que soient inscrites dans la loi des dispositions spécifiques. Parce que ce terme d'inégalités devient fatigant !
    Mme Ségolène Royal. Oh !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Comme si les situations en France étaient égales !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En tout cas, il ne faut pas les entretenir, les inégalités !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Je vous rappelle qu'il y a des pays aussi démocratiques que la France qui mettent en pratique un principe de discrimination positive pour corriger des inégalités.
    M. Jean-Pierre Brard. Lesquels ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Essayer de nous faire croire que la situation en France est parfaitement égale sur tout le territoire, c'est vraiment s'accrocher à des chimères. Je le répète, il y a des pays qui acceptent des principes de discrimination positive ! Qu'on arrête donc de situer le débat au niveau de généralités mythiques. Tâchons plutôt de voir, pragmatiquement, comment nous pouvons mettre en oeuvre la modernisation de l'Etat voulue par nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, après quoi je clos le débat, mes chers collègues.
    Je vous rappelle qu'aux termes de l'article 100, alinéa 7, de notre règlement, « hormis le cas des amendements visés à l'article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire ».
    M. Didier Migaud. Le rappel au règlement est aussi un droit !
    M. le président. Compte tenu de l'importance de ce débat, j'ai laissé les uns et les autres s'exprimer, mais, de grâce, n'abusez pas de cette liberté.
    Vous avez la parole, madame Royal.
    Mme Ségolène Royal. Sauf erreur de ma part, monsieur le président, il est aussi possible de répondre aux interventions des présidents des commissions.
    M. le président. Je vous donne la parole, madame Royal.
    Mme Ségolène Royal. Par conséquent, en me donnant la parole, vous ne m'accordez pas une grâce particulière.
    M. Jean-Pierre Brard. Bien que vous la méritiez, madame Royal ! (Sourires.)
    Mme Ségolène Royal. J'ai le droit de prendre la parole après que vous l'avez donnée au président de la commission, sauf erreur de ma part.
    M. le président. C'est une faculté, madame. Ce n'est pas un droit.
    Mme Ségolène Royal. C'est une faculté, bien sûr.
    M. Jean-Pierre Brard. On pourrait en débattre !
    M. Xavier de Roux. C'est une faculté de droit. (Sourires.)
    Mme Ségolène Royal. Monsieur Méhaignerie, je veux vous dire, en toute courtoisie, que vous m'avez prise à partie bien inutilement puisque je ne siégeais pas sur ces bancs, lorsque votre proposition de loi constitutionnelle a été examinée par l'Assemblée nationale. J'étais membre du Gouvernement. N'ayant pas pu prendre part au vote, je ne suis donc pas en contradiction avec moi-même. Mais bon, tout le monde peut se tromper.
    M. Jacques Myard. Vous étiez membre du Gouvernement, donc solidaire ! Ou alors il y a un problème !
    Mme Ségolène Royal. Ecoutez, j'étais membre du Gouvernement, c'est tout. Je n'ai donc pas pu voter quelque dispositif que ce soit. Je ne siégeais pas sur ces bancs.
    M. Jacques Myard. Vous étiez solidaire du Gouvernement auquel vous apparteniez !
    Mme Ségolène Royal. Dont acte.
    M. Jacques Myard. Merci !
    M. Jean-Luc Warsmann. Mais le Gouvernement avait soutenu la proposition de loi ! Ce n'est pas un argument, cela !
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le garde des sceaux, je vous ai posé un certain nombre de questions. Vous n'y avez pas répondu. Je vais donc essayer d'être un peu plus simple.
    Le dispositif expérimental que vous présentez est-il, oui ou non, la simple reprise de la jurisprudence existante ? La réponse que vous avez donnée est non. S'il ne s'agit pas de la simple reprise de la jurisprudence existante, il y aura donc bien, si vous inscrivez cette disposition dans la Constitution, une dérogation possible au principe d'égalité devant la loi. Oui ou non ?
    Monsieur le ministre, vous avez eu une explication un peu confuse : oui, ce sera un nouveau type d'équilibre, on pourra expérimenter pour voir ce qui va se passer. Il faudrait une réponse claire. Assumez ! Après tout, votre choix est une option possible. Ce n'est pas la nôtre. Nous défendrons tout à l'heure des amendements visant justement à ce que vous précisiez bien les choses. Mais assumez au moins vos choix, pour que les Français sachent si, oui ou non, monsieur le ministre, il y aura possibilité de déroger au principe d'égalité. C'est en tout cas ce que dit le Conseil d'Etat. Oui ou non, monsieur le ministre, y aura-t-il possibilité de déroger au principe d'égalité ? Si ce n'est pas le cas, pourquoi maintenez-vous ce dispositif dans la Constitution ?
    C'est oui ou c'est non. Quelle est votre réponse ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Quelle caricature !
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Monsieur le président, je vais répondre une nouvelle fois. Je vous conseille, madame la députée, de reprendre le texte du discours dans lequel je présentais ce projet. Je m'y suis expliqué très clairement sur ce point, mais je vais me répéter, comme je l'ai d'ailleurs fait tout à l'heure.
    Vous avez fait allusion, bien que ce ne soit pas ici le lieu d'en débattre, à un avis du Conseil d'Etat. Nous n'avons pas suivi cet avis sur l'adjonction qui, justement, suggérait d'aller trop loin à nos yeux. C'est clair.
    M. Philippe Vuilque. Oui, c'est clair.
    M. le garde des sceaux. Comment faut-il dire les choses pour que vous compreniez ? Nous n'avons pas retenu ce membre de phrase que le Conseil d'Etat nous suggérait d'ajouter parce que nous estimons qu'il allait trop loin.
    M. Philippe Vuilque. Dont acte.
    M. le garde des sceaux. Pour autant le fait d'inscrire le principe d'expérimentation dans la Constitution, comme l'a très bien compris M. Queyranne, modifie en effet l'équilibre entre le principe d'égalité et le principe d'expérimentation. Et c'est l'interprétation de l'intérêt général qui permettra au juge constitutionnel d'en juger, en fonction de la façon dont la loi encadrera l'expérimentation, prévoira l'évaluation, etc. C'est un ensemble qui sera jugé par le Conseil constitutionnel. Les choses sont parfaitement claires.
    Il nous semble indispensable d'introduire ce principe constitutionnel supplémentaire dans les limites que nous avons choisies. Il va effectivement moins loin que ce que nous avait suggéré le Conseil d'Etat. Mais pour autant, nous souhaitons faire ce petit pas de manière à ouvrir des possibilités supplémentaires de réforme de l'Etat.
    M. Jean-Jack Queyranne. Et ce faisant, vous allez moins loin que la proposition de loi constitutionnelle de M. Méhaignerie !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 62 et 172.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Giacobbi et Mme Taubira ont présenté un amendement, n° 100, ainsi rédigé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution :
    « Art. 37-1. - La loi et le règlement peuvent comporter des dispositions à caractère expérimental ou dérogatoire. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Le débat parlementaire, je l'apprends ce soir, a une vertu qui n'est pas d'éclairer des textes compliqués, mais de faire comprendre que des textes apparemment simples sont en fait compliqués et pas très clairs.
    On nous dit que nous n'avons pas compris, que nous ne sommes pas très intelligents. Sans doute, mais que voulez-vous, moi, quand j'ai lu l'article 2, étant donné qu'il fait partie d'un projet qui parle uniquement de décentralisation et qui se fonde sur le principe de l'expérimentation, j'ai cru que cet article concernait l'expérimentation dans le domaine de la décentralisation. Tout à l'heure, M. le président de la commission de la commission des lois nous a dit qu'il concernait l'Etat, mais uniquement pour la décentralisation. Après cela, on nous a dit qu'il concernait l'Etat seulement, et pas forcément pour la décentralisation. Ce n'est pas facile à comprendre.
    A cela s'ajoute le fait qu'un très remarquable amendement adopté par le Sénat précise que l'expérimentation doit avoir « un objet et une durée limités ». Traduisons : lorsque l'expérimentation est un succès, il convient de l'abandonner.
    Je crois qu'il vaudrait mieux ne rien dire plutôt que de dire des choses que manifestement on ne maîtrise pas, et qui dépassent manifestement les objectifs que l'on s'était fixés. A moins que les objectifs réels soient encore tout autres. Pour le coup, nous n'aurions pas compris, mais alors, à mon avis, ceux qui ont rédigé ce projet n'auraient pas beaucoup plus compris que nous.
    Moi, ne comprenant rien à tout cela, qui m'a l'air très compliqué, j'ai rédigé un amendement précisant deux choses. D'une part, que la loi peut être expérimentale. Car, jusqu'ici, on croyait qu'elle pouvait l'être, et d'ailleurs elle l'a été à bien des reprises. D'autre part, que la loi peut aussi être dérogatoire. Parce que tout de même, on parle de l'Alsace-Moselle - qui est une donnée de l'histoire, me semble-t-il - mais si demain on doit modifier une demi-ligne d'une disposition législative spécifique de l'Alsace-Moselle, figurez-vous que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, la censurera immédiatement. Je n'ai rien contre ces dispositions spécifiques à l'Alsace-Moselle, mes chers collègues, bien au contraire, mon pauvre père était à moitié alsacien, mais je suis quand même obligé de constater qu'en droit positif, elles posent un léger problème.
    M. René Dosière. C'est bien pourquoi on ne légifère pas sur l'Alsace-Moselle. On prend des décrets, c'est différent.
    M. Paul Giacobbi. En effet. Seulement voilà, je sais bien que les lois sont bien écrites - surtout quand elles l'ont été par le Reich allemand - mais enfin au bout de cent ans, ou de cent vingt ans, il arrivera un moment où il faudra peut-être les modifier. Parce que les lois gravées dans le marbre, les lois éternelles, c'est quand même assez rare, surtout par les temps qui courent.
    On voit bien la confusion qui règne dans les esprits. Le président Méhaignerie a rappelé la proposition de révision constitutionnelle qu'il avait déposée ici même, et qui a été votée par cette assemblée. C'est une proposition avec laquelle je me sens parfaitement en accord. Et d'ailleurs, je me suis toujours demandé, tout au long du débat sur la Corse, pourquoi on me reprochait de sortir de la République alors que je défendais des dispositions de même nature. Personne n'accusait M. Méhaignerie de vouloir sortir de la République. Il ne le veut pas, et moi encore moins. Tout cela me paraît donc extrêmement confus.
    Je suis cependant heureux que l'on ait parlé de la discrimination positive à l'instant. Je rappellerai quand même qu'elle n'est pas totalement étrangère, et c'est heureux, à la pratique de la République française. En France, nous posons de très grands principes, et puis, dans la pratique, nous savons nous adapter, parce qu'il le faut bien.
    Je le répète, si l'on ne précise pas que la loi peut contenir des dispositions dérogatoires, nous risquons d'être confrontés à des conséquences juridiques graves.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'avoue qu'entendre M. Giacobbi me remplit d'aise et d'estime pour lui. M. Giacobbi va beaucoup plus loin que le texte du Gouvernement. Mais c'est parce qu'il est fidèle aux accords Matignon. Le parti socialiste, lui, a totalement changé d'avis.
    M. Jean-Pierre Brard. Toujours la polémique !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La polémique n'a aucun intérêt !
    M. Jacques Myard. Ce n'est pas de la polémique, c'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ce n'est pas de la polémique, enfin ! Quelquefois, je me demande si vous comprenez de quoi nous parlons.
    M. Jean-Pierre Brard. Oui ! Quand vous parlez clair, ce qui n'est pas toujours le cas !
    M. Marc Le Fur. Les choses sont très claires, elles sont même limpides !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je vais essayer d'être extrêmement clair. Le présent projet de loi constitutionnelle prévoit qu'il ne pourra y avoir de dérogation durable après expérimentation. Soit l'expérimentation est concluante, alors elle est généralisée. Soit elle n'est pas concluante, et alors elle est arrêtée. Il y a une troisième possibilité : dans certains cas, elle pourra être prorogée, pour un délai fixé par la loi d'habilitation.
    Selon M. Giacobbi, certains endroits de France, dont la Corse, mériteraient de bénéficier d'une dérogation pérenne au principe d'égalité. C'est précisément ce que nous avons reproché aux accords Matignon lorsque nous étions dans l'opposition. Et je le répète, M. Giacobbi s'inscrit, et c'est son droit, dans la logique de ces accords, qu'il avait approuvés. Il est cohérent. Mais le groupe socialiste, lui, opère un changement radical, triste exemple d'inconséquence.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas le même problème !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ecoutez, monsieur, à ma connaissance, vous n'étiez pas là lors de la dernière législature, vous avez des excuses.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Raison de plus pour que le débat soit bien engagé !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Aujourd'hui, monsieur Giacobbi, nous ne vous suivrons pas. Car si nous vous suivions, cela voudrait dire que nous aurions radicalement changé d'avis, comme les socialistes, Or, nous n'avons pas, nous, changé radicalement d'avis. Nous ne voulons pas de dérogation pérenne. Nous voulons que les expérimentations soient généralisées ou qu'elles soient arrêtées.
    Un département spécifique comme la Corse peut avoir un statut spécifique. Soit. Mais hormis ce cadre spécifique, il n'est pas possible que la loi soit dérogatoire de manière pérenne.
    Les choses sont claires. Nous allons beaucoup moins loin que M. Giacobbi. Nous n'allons ni plus ni moins que là où la généralisation est permise. Et avec cela, le groupe socialiste dit que nous allons trop loin. Franchement, c'est admirable de contradiction !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je crois que l'amendement présenté par M. Giacobbi permet de bien centrer le débat et de revenir à la question essentielle, qui est de savoir où est le point d'équilibre du projet de réforme constitutionnelle présenté par le Gouvernement. Je suis défavorable à cet amendement, parce que son adoption signifierait que l'on maintient de manière pérenne une différenciation législative. Et c'est le pas que nous ne voulons pas franchir.
    Nous proposons une expérimentation limitée dans le temps, après quoi il faut choisir entre la généraliser ou y mettre fin. C'est là qu'est la limite, et elle est très claire. Je crois que c'est là un point très important. Car il importe qu'on y voie bien clair dans les intentions des uns et des autres. Le Gouvernement est favorable à l'expérimentation, mais il n'est pas favorable à une différenciation pérenne sur le plan législatif.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour répondre au Gouvernement.
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre, je suis obligé de dire qu'il y a là quelques contradictions, qui se manifestent au fur et à mesure et dont je suis personnellement tout à fait désolé. Je vous le dis franchement, lorsque je défendais - et je continue de les défendre - les dispositions spécifiques à la Corse, c'est notamment parce que j'étais persuadé, et je le disais urbi et orbi, qu'il y aurait en 2003 une révision de la Constitution donnant un cadre général à tout cela.
    En réalité, ce que vous êtes en train de me dire - mais cela, je l'avais compris à la lecture du texte -, c'est que ce projet autorise des expérimentations mais qu'il condamne automatiquement celle qui aurait réussi dans un endroit donné - et qui serait adaptée aux particularités de cet endroit - soit à l'abandon, soit à la généralisation. Nous verrons donc, lorsque nous aurons adopté ici des dispositions maritimes spécifiques, qu'il faudra soit les abandonner, soit les étendre à l'Auvergne, dont les besoins en matière maritime sont, comme chacun le sait, extrêmement importants. D'ailleurs, la loi Littoral s'applique en Auvergne, puisqu'il y a là-bas des lacs importants. Vous voyez que le maritime n'est pas loin du lacustre ! (Rires.) Mais le ridicule non plus n'est pas loin !
    Deuxièmement, j'ai quand même du mal à croire que cette volonté de limiter l'expérimentation dans le temps ait été dès le début au coeur du projet. Car le texte initial du Gouvernement disait : « La loi et le règlement peuvent comporter des dispositions à caractère expérimental. » Et rien ne dit - en tout cas ce n'est pas dans le dictionnaire - que l'expérience est nécessairement limitée dans le temps. On peut faire des expériences aussi longtemps qu'on veut. En fait, c'est dans un deuxième temps, et dans le cadre d'une négociation, que le Gouvernement a accepté que soient ajoutés les mots : « pour un objet et une durée limités ».
    Vous êtes en train de m'expliquer que la Corse a une spécificité considérable, ce que j'admets tout à fait, mais comme vous avez également dit que l'assemblée territoriale n'était pas vraiment une assemblée territoriale tout en en étant une parce que nous étions particuliers, j'avoue que je ne sais plus très bien ce que nous sommes.
    J'espérais, je le dis très sincèrement, que vous alliez tracer un cadre général dans lequel la Corse, comme d'autres régions, notamment lorsqu'elles étaient spécifiques, aurait pu trouver une réponse à ses problèmes propres. En fait, vous prévoyez bien de faire un cadre général, mais qui ne pourra pas convenir à la Corse, parce que nous somme déjà particuliers. Je ne sais même plus, à ce stade, si l'on pourra bénéficier, le cas échéant, des avantages de la nouvelle loi constitutionnelle. Tout cela ajoute beaucoup à ma confusion.
    Alors je vais en rester à des choses très simples, et essayer de réduire le champ de ma curiosité juridique à quelques éléments très particuliers et très locaux.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Royal et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 66, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution :
    « Art. 37-1. - Dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique, la loi et le règlement... (Le reste sans changement.) »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Cet amendement prévoit qu'une loi organique donnera des garanties afin que le pouvoir de dérogation expérimentale à la loi et au règlement puisse être à nouveau discuté et encadré.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi et Mme Taubira ont présenté un amendement, n° 99, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution, supprimer les mots : ", pour un objet et une durée limités,. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Puisqu'on ne peut pas utiliser les langues régionales, j'utiliserai une expression d'une langue morte qui, elle, est non seulement employée mais encore défendue, bis repetita placent.
    M. Jean-Pierre Brard. En corse, ça donne quoi ?
    M. Paul Giacobbi. Je préfère en rester au latin, mon cher collègue...
    Que faire pour ne pas condamner les expérimentations réussies à être abandonnées ? Vous allez certainement me répondre que si on constate qu'une expérimentation limitée est réussie, il faudra voter une autre loi pour en prendre acte. Il me semble pourtant que cet hémicycle est déjà assez encombré pour ne pas avoir à y revenir tout le temps.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le Sénat a déjà répondu à une objection faite tout à l'heure par le parti socialiste qui reprochait au texte initial de ne pas encadrer suffisamment l'expérimentation de l'Etat. C'est ainsi qu'il a rajouté que l'expérimentation devait avoir « un objet et une durée limités ».
    M. Paul Giacobbi est fidèle à sa ligne, tout comme M. Zuccarelli, autre élu corse, encore que leurs conceptions soient diamétralement opposées, et je leur en rends hommage - le parti socialiste, c'est autre chose...
    M. Paul Giacobbi. Ça n'empêche pas l'estime !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ça ne m'étonne pas : vous êtes deux personnes tout à fait estimables.
    Mais supprimer les mots « pour un objet et une durée limités » rendrait le texte imprécis. Nous préférons la rédaction du Sénat, qui répond aux objections formulées tout à l'heure par le parti socialiste
    J'ajoute que M. Giacobbi aurait satisfaction si la Corse était un département d'outre-mer. On le verra à la fin de la discussion. Eux pourront faire ce que vous réclamez pour la Corse.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Myard a présenté un amendement, n° 49, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution par les mots : "dans le strict respect des compétences dévolues aux collectivités territoriales et sans qu'il puisse être dérogé aux principes fondateurs de la République. »
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. L'idée du droit à l'expérimentation est désormais acquise. Ce droit existait déjà, vous voulez en faire un principe constitutionnel, pourquoi pas ? A condition de l'encadrer. C'est l'objet de l'amendement n° 49.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je n'étonnerai pas M. Myard en émettant un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Royal et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 63, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution par la phrase suivante : "Ces dispositions ne peuvent avoir pour effet que d'élargir ou d'améliorer les conditions d'exercice d'un droit, de renforcer les protections individuelles et collectives, d'améliorer effectivement le service rendu aux usagers sans que le principe d'égalité devant le service public ne puisse être remis en cause. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. A ce stade du débat, nous mesurons combien est hasardeux le dispositif proposé par le Gouvernement. M. Myard vient d'ailleurs de le souligner, assez courageusement, je dois le dire.
    M. Charles de Courson. Ah ça !
    Mme Ségolène Royal. Il vient de souligner que le droit à l'expérimentation ouvrait une brèche dans le cadre républicain, qu'il peut receler quelques dangers en matière d'unité du territoire et d'égalité entre les citoyens.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le PS est prêt à tous les reniements !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Absolument !
    Mme Ségolène Royal. J'ai d'ailleurs trouvé vos explications un peu floues, monsieur le ministre : vous reconnaissez que vous aménagez le principe d'égalité, mais vous n'allez tout de même pas jusqu'au bout et vous n'osez pas écrire qu'il y a bien dérogation au principe d'égalité. Pourtant, soit l'égalite est garantie, soit elle ne l'est pas.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous nous sommes expliqués vingt fois, madame Royal !
    Mme Ségolène Royal. Il ne peut y avoir de demi-mesure. Soit on respecte l'égalité, soit on ne la respecte pas. Si vous inscrivez le droit à l'expérimentation dans la Constitution, il y aura dérogation au principe d'égalité.
    L'amendement n° 63 montre bien, monsieur Méhaignerie, que nous ne sommes pas hostiles à un pouvoir d'adaptation des textes.
    M. Charles de Courson. Heureusement !
    Mme Ségolène Royal. A condition que cela corresponde toujours à un progrès pour les citoyens. D'ailleurs, nous préférons parler plutôt d'adaptation que d'expérimentation, parce qu'on sait bien que lorsqu'on expérimente on ne revient jamais ensuite au point de départ. Si cela ne marche pas, on évalue et on adapte pour atteindre l'objectif recherché.
    Votre dispositif risquant d'être adopté, nous vous proposons de préciser au moins que le droit à l'expérimentation ne peut avoir pour effet que d'améliorer les conditions d'exercice des droits des citoyens, de renforcer les protections individuelles et collectives, d'améliorer le service rendu aux usagers, autrement dit de toujours apporter un plus. Ainsi la loi serait la même pour tous, tous les citoyens se retrouvant dans cette base commune qui est notre base républicaine, et puis, en fonction des circonstances, on pourrait donner à certains un pouvoir d'adaptation, avec l'objectif d'améliorer les choses, et d'aller de l'avant. Ensuite, nous voulons obtenir la garantie que l'ensemble des citoyens pourront bénéficier de ce plus, et c'est là que l'Etat intervient, à travers la solidarité, la péréquation, la compensation.
    Cet amendement de repli est donc à double détente : d'une part, il précise que le pouvoir d'expérimentation ou d'adaptation a toujours pour finalité de créer un plus pour le citoyen, il ne doit jamais constituer une régression législative ; d'autre part, il maintient le principe d'égalité, dans un second temps, avec une garantie apportée par l'Etat. Si nous ne prenons pas ces précautions, des expérimentations auront lieu uniquement dans les collectivités territoriales qui pourront se les payer ! C'est cela qui nous inquiète : des inégalités vont se creuser entre les collectivités territoriales qui pourront se saisir des possibilités d'expérimentation de la loi pour créer des protections supplémentaires, améliorer les conditions d'exercice d'un droit, et celles qui ne le pourront pas.
    Monsieur le ministre, quelle est votre réponse par rapport à ce risque de creusement des inégalités entre les collectivités qui pourront expérimenter des dispositions législatives et celles qui ne le pourront pas ?
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
    M. Marc Le Fur. Notre débat tourne autour de la distinction entre l'expérimentation d'un côté, la dérogation et l'exception de l'autre. J'admets la différence, mais je voudrais quand même rappeler que les dérogations sont multiples. M. le président Méhaignerie évoquait l'Alsace-Moselle, on pourrait évoquer aussi la région parisienne. Les transports publics de la région parisienne n'obéissent pas aux mêmes règles qu'ailleurs. Paris est à la fois commune et département. La loi PLM est spécifique, elle n'existe pas dans d'autres régions. Les mots dérogation ou exception ne doivent pas nous alarmer. La langue française, qui est une belle langue, a des règles, elle a aussi des exceptions.
    La question que je me pose est d'un autre ordre, je me permets de la poser au ministre. La région Bretagne devrait se porter candidate pour expérimenter la gestion de l'eau. C'est un sujet très important en Bretagne. Si l'expérimentation se révèle satisfaisante pour la région Bretagne, sans devoir être pour autant généralisée à d'autres régions, que se passe-t-il ? La région Bretagne pourra-t-elle poursuivre cette expérimentation au-delà du délai fixé ou bien, faute d'être généralisée sur l'ensemble du territoire, l'expérimentation en matière d'eau devra-t-elle s'arrêter en Bretagne ?
    L'eau, en Bretagne, pose un problème qui exige peut-être des réponses spécifiques.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Royal et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 64, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution par la phrase suivante : "Ces dispositions ne peuvent avoir pour effet que d'élargir ou d'améliorer les conditions d'exercice d'un droit, de renforcer les protections individuelles et collectives, d'améliorer effectivement le service rendu aux usagers. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Cet amendement a également pour objet de préciser le cadre d'exercice de ce pouvoir d'expérimentation.
    Pour éviter à la fois les dérives, les surenchères, les inégalités, bref la pagaille sur l'ensemble du territoire et une République éclatée, il est prévu que ces dispositions ne pourront avoir pour effet que d'améliorer la situation des citoyens.
    Imaginons par exemple une expérimentation sur le revenu minimum d'insertion. Certains départements ne pourront-ils pas verser un revenu minimum d'insertion inférieur à ce qu'il est aujourd'hui sur l'ensemble du territoire ? Nous souhaitons avoir des réponses précises. J'observe que le Gouvernement ne répond pas, je crois qu'il est gêné d'affirmer que ce dispositif va ouvrir la voie à de profondes inégalités, par exemple dans les prestations sociales.
    Monsieur le président, vous aviez évoqué, je crois, en commission des lois, une possible expérimentation sur la taxe professionnelle. Vous avez parlé d'expérimentations sur la fiscalité locale. Que devient alors le principe d'égalité devant la loi fiscale ? Y aura-t-il des expérimentations sur les prestations sociales, monsieur le garde des sceaux ? Y aura-t-il des expérimentations sur le RMI ?
    M. Jean-Pierre Brard. Ou sur l'ISF ?
    M. Jacques Le Guen. N'importe quoi !
    Mme Ségolène Royal. Oui ou non, des expérimentations seront-elles menées sur des prestations sociales, sur les conditions d'exercice d'un droit ? Nous craignons que la réponse ne soit positive.
    C'est pourquoi nous souhaitons absolument que vous précisiez vos intentions dans ce domaine. Pour ce qui nous concerne, nous voulons encadrer par ces amendements le droit à l'expérimentation que vous proposez, qui est trop flou et imprécis, et donc dangereux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Monsieur le président, je ne peux pas laisser passer cette énumération de craintes exprimées par Mme Royal...
    M. Jean-Pierre Brard. De vraies angoisses !
    M. le garde des sceaux. ... sans essayer de la rassurer. Je ne puis que redire ce que j'ai déjà dit - peut-être devrais-je distribuer un texte pour que les choses soient claires.
    Le principe d'égalité devant la loi est un principe constitutionnel. Nous introduisons le principe d'expérimentation. Il va de soi que cette expérimentation sera à chaque fois mise en place par la loi, très clairement, dans un cadre limité, et le juge constitutionnel devra juger en fonction de l'équilibre entre l'intérêt général et le respect de ces principes.
    Nous aurons ou vous aurez l'occasion de débattre lorsque seront proposées des lois prévoyant une expérimentation pour en définir le contenu et les contours. Il s'agit, pour l'heure, de l'affirmation de principes constitutionnels. Cette réponse me semble tout à fait claire.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Mme Royal et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 65, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 37-1 de la Constitution par la phrase suivante : "Ces dispositions ne peuvent avoir pour effet de remettre en cause le principe d'égalité devant le service public. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, qui me semble, cette fois, plus claire.
    Vous venez de nous dire qu'il n'y a pas de dérogation aux principes fondamentaux de la Constitution, et donc pas de dérogation au principe d'égalité. Le dispositif que vous nous présentez n'a donc pas sa place dans la Constitution, où vous l'introduisez sans doute pour faire un effet d'affichage. Dès lors, vous conviendrez que vous ne pouvez être opposé à l'amendement que nous présentons, qui rappelle le principe d'égalité.
    Voici donc, je l'espère, avec cet amendement n° 65, le tournant de ce débat, puisque aucun amendement de l'opposition n'a encore été accepté.
    Puisque M. Clément nous a expliqué que l'égalité devant le service public et l'égalité devant la loi étaient une seule et même chose et que le garde des sceaux vient de nous dire qu'il n'était pas question de remettre en cause le principe d'égalité devant la loi, je vous demande, monsieur Clément, de soutenir cet amendement, qui ne fait qu'affirmer que l'expérimentation ne peut remettre en cause le principe d'égalité devant le service public.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le principe de déduction !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur le président, il y a très longtemps que je fais plaisir à Mme Royal.
    Mme Ségolène Royal. Je baigne dans le plaisir.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Celle-ci a d'ailleurs repris mon argument en rappelant que l'égalité des citoyens devant la loi comprenait l'égalité des citoyens devant le service public. Elle a donc satisfaction, et il est inutile de le répéter.
    Je ne peux donc être favorable à cette redondance, cette tautologie.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 91 de M. Aubert n'est pas défendu.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'article 2.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   69
Nombre de suffrages exprimés   68
Majorité absolue   35
Pour l'adoption   53
Contre   15

    L'Assemblée nationale a adopté.

Article 3

    M. le président. « Article 3. - Le second alinéa de l'article 39 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources sont soumis en premier lieu au Sénat. Ces dispositions sont également applicables aux projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Décidément, monsieur le président, cela ressemble à une manie, puisque je suis également favorable à la suppression de l'article 3. En effet, ajouter dans un article de la Constitution une règle qui impose de soumettre en premier lieu au Sénat tout texte relatif aux collectivités locales me paraît imposer au Gouvernement, et au corps législatif, une contrainte inutile.
    Je tiens à préciser à ce stade que mon propos ne vise absolument pas le Sénat, ni dans sa dignité, ni dans sa légitimité, ni dans la qualité de son travail législatif. Je dois dire à ce sujet que j'ai entendu, hier notamment, des propos qui m'ont paru excessifs, qui en tout cas ne reflètent pas ce que je ressens. Car j'ai constaté à maintes reprises combien le travail législatif du Sénat était précis, compétent, technique et sérieux.
    Il me paraît normal que, dans la majorité, pour ne pas dire dans la généralité des cas, des textes qui intéressent les collectivités locales commencent leur parcours au Sénat. Ce que je trouve malencontreux, voire à certains égards choquant, c'est que l'on en fasse une règle absolue, contraignante et inscrite dans la Constitution. Une fois de plus, je trouve le texte constitutionnel qui nous est soumis un peu trop bavard et porteur de dispositions qui, sous prétexte d'afficher une volonté politique, voire des concessions politiques, vont aboutir à terme à des difficultés concrètes et réelles.
    Voilà ce que je voulais dire sur l'article 3, et voilà pourquoi je réclame sa suppression.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    M. Charles de Courson. Encore ! Y en a marre !
    M. Jean-Pierre Brard. Soyez poli !
    Mme Ségolène Royal. Cet article 3 a déjà fait couler beaucoup d'encre.
    M. Jacques Myard. Et de salive !
    Mme Ségolène Royal. Il est vrai que prévoir la prééminence du Sénat, alors même que le Gouvernement maîtrise l'ordre du jour des assemblées et peut à tout moment choisir de présenter ses textes en priorité soit devant la Haute Assemblée, soit devant la chambre des députés, c'est là encore triturer inutilement la Constitution. S'agit-il d'un effet d'affichage ? Des suites d'un marchandage avec le Sénat ? En tout cas, il y a là une forme d'usurpation de légitimité.
    Non pas que le Sénat fasse mal son travail législatif, au contraire.
    M. Jean-Pierre Brard. N'exagérons pas !
    Mme Ségolène Royal. Je dois même vous confier que j'ai toujours pris grand plaisir à présenter devant le Sénat les nombreuses lois que j'ai pu faire voter en tant que ministre. J'irai même jusqu'à dire que c'est au Sénat que j'ai vécu certains des moments de ma vie de ministre qui m'ont le plus marquée. (« Eh bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Car s'il était normal que nous ayons été soutenus à l'Assemblée, il m'est arrivé de l'être par la majorité du Sénat. Je vous citerai pour le plaisir une intervention prodigieuse de l'amiral de Gaulle en faveur de mon projet de loi contre le bizutage, ou encore des interventions exceptionnelles de Lucien Neuwirth...
    M. Jean-Pierre Balligand. Un homme remarquable !
    Mme Ségolène Royal. ... en faveur de la réforme de l'accouchement sous X ou de la contraception d'urgence, ou encore les interventions de M. Hyest pour soutenir mon projet d'interdire la prostitution des mineurs.
    M. René Dosière. C'est normal, c'est un ancien député !
    Mme Ségolène Royal. Vous voyez donc que je n'ai que de bons souvenir au Sénat.
    Et pourtant, je suis très choquée que vous nous proposiez d'inscrire cette disposition dans la Constitution, sans même parler de l'avis extrêmement sévère du Conseil d'Etat. D'abord parce que si le Sénat avait eu la prééminence, les lois de 1982 n'auraient jamais été votées, vous le savez.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    Mme Ségolène Royal. Ensuite, parce que c'est une source de contentieux, même si le texte est amélioré. Chaque expérimentation, par exemple, entraînera aussi des conséquences territoriales et la question se posera de savoir s'il aurait fallu ou non passer devant le Sénat. D'où des recours à répétition.
    Enfin, restent de grandes inquiétudes quant à la procédure législative. Pour avoir creusé le sujet depuis que nous avons eu ce débat en commission des lois, je crois que la réponse qui nous y avait été apportée n'est pas du tout satisfaisante. En cas d'adoption au Sénat d'une motion d'irrecevabilité, par exemple, que devient le texte ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Il vient devant l'Assemblée.
    Mme Ségolène Royal. Le Sénat n'aurait-il pas la possibilité de bloquer l'initiative législative ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Non !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est ce que vous dites !
    Mme Ségolène Royal. Votre réponse n'était pas du tout convaincante. Imaginons qu'un projet de loi soit rejeté avant même d'être examiné. Vous nous avez répondu qu'il serait alors inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Mais le Conseil constitutionnel pourrait juger que l'esprit de la Constitution n'est pas respecté, puisque votre projet prévoit que ces textes sont soumis en première lecture au Sénat. C'est le mot « soumis » qui est très important ici puisque, selon les constitutionnalistes que j'ai consultés, si le vote d'une motion de procédure empêche le débat d'avoir lieu, on doit considérer que le texte n'aura pas été soumis au Sénat.
    Dès lors, le travail législatif de l'Assemblée peut être bloqué par le Sénat.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce serait le 18 Brumaire !
    Mme Ségolène Royal. C'est d'autant plus grave - mais peut-être est-ce l'objectif que vous poursuivez - qu'en cas d'alternance, ce sera alors une assemblée élue au suffrage universel direct qui pourra, grâce à une disposition constitutionnelle, être entravée par un Sénat où l'on sait que de toute façon l'alternance est impossible.
    M. Philippe Vuilque. Et voilà !
    Mme Ségolène Royal. Si encore vous aviez proposé une réforme du mode de désignation des sénateurs ! Ce ne sont pas les projets qui manquent et vous aviez l'embarras du choix ! Mais peut-être le Gouvernement va nous anoncer ce soir que pour accompagner cette prééminence du Sénat,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Il n'y a pas prééminence !
    Mme Ségolène Royal. ... le mode de désignation des sénateurs va changer : soit en passant au suffrage universel direct, avec des listes régionales, par exemple, ce qui combinerait les avantages de la représentativité des régions et ceux d'une élection véritablement démocratique ; soit en maintenant le suffrage indirect, mais avec une représentation qui tienne bien mieux compte, à la fois des nouvelles collectivités territoriales- je pense aux regroupements intercommunaux - et de la répartition de la population sur le territoire, pour rétablir un peu l'équilibre par rapport à la représentativité de notre assemblée.
    Est-ce cela que vous avez à l'esprit, monsieur le ministre, ou est-ce tout simplement la volonté d'établir une prééminence du Sénat dont la raison nous échappe, puisque le Gouvernement a déjà la faculté de saisir en premier lieu le Sénat ? Lorsque l'on connaît la difficulté de gérer le calendrier parlementaire, on ne comprend pas très bien pourquoi vous vous imposez cette contrainte supplémentaire, si ce n'est pour faire plaisir au Sénat...
    M. Guy Geoffroy. Arrêtez donc ! C'est ridicule !
    Mme Ségolène Royal. Dans quel but voulez-vous faire plaisir au Sénat, monsieur le ministre ?
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Monsieur le président, avant d'évoquer cet article, je voudrais apporter une précision qui n'est pas de pure forme : je n'ai bien entendu pas d'hostilité de principe envers le Séant. Pourquoi en aurais-je une d'ailleurs, puisque, comme de nombreux députés, l'envie pourrait me prendre, l'âge venant, de terminer ma carrière politique dans une maison de retraite aussi confortable ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas gentil pour M. Mauroy, ni pour M. Badinter ! Rappelez-vous que c'est aussi la maison de retraite de M. Charasse, et que ce fut celle de M. Mitterrand !
    M. René Dosière. Mais l'article 3 crée une rigidité inutile, et qui va à l'encontre du discours que vous tenez, monsieur le ministre, vous et vos amis de droite, sur la nécessaire souplesse et les libertés nouvelles qu'il conviendrait de favoriser.
    C'est un article inutile...
    M. Guy Geoffroy. Il vous permet de causer en tout cas !
    M. René Dosière. ... puisque le Gouvernement a déjà la possibilité de présenter en priorité au Sénat les textes sur les collectivités locales - et pas seulement ceux-là d'ailleurs : la preuve en est qu'il l'a fait pour ce texte constitutionnel. C'est au demeurant la deuxième fois qu'un texte constitutionnel est présenté en priorité au Sénat ; le précédent, il est vrai, était moins important.
    Mais constitutionnaliser une telle pratique revient à se lier les mains. Ainsi, quel que soit le texte, quels que soient l'époque ou le climat politique, il faudra d'abord passer par le Sénat. Cest créer là un dispositif extrêmement rigide. C'est tout le contraire de la souplesse. Pourquoi imposer au Gouvernement cette obligation, pourquoi supprimer la liberté dont il dispose aujourd'hui ?
    C'est d'autant plus étonnant que le Gouvernement ne peut pas engager sa responsabilité devant le Sénat. De plus l'article 40 y est appliqué avec beaucoup plus de souplesse qu'à l'Assemblée. La conjugaison de ces deux facteurs - impossibilité d'engager la responsabilité et application « sénatoriale » de l'article 40 - va encore renforcer le caractère purement corporatiste des débats sur ces textes, puisque ce seront en priorité des délégués d'élus locaux qui vont réfléchir sur les problèmes des élus locaux.
    Autant dire qu'au-delà de l'affichage politique, cet article est un véritable coup d'Etat constitutionnel.
    M. Jean-Pierre Brard. Le 18 Brumaire !
    M. Guy Geoffroy. Un coup d'Etat permanent, je suppose !
    M. René Dosière. Et cela pour deux raisons.
    Tout d'abord parce qu'il remet en cause la prépondérance absolue qui revient à l'Assemblée nationale,...
    M. Guy Geoffroy. Non, arrêtez de raconter des histoires !
    M. René Dosière. ... seule assemblée représentative de la nation et seule dépositaire de la souveraineté populaire,...
    Mme Ségolène Royal. Exactement !
    M. René Dosière. ... même si le texte prévoit que le dernier mot revient à l'Assemblée.
    M. Guy Geoffroy. Quand même !
    M. René Dosière. Et si on remet en cause la souveraineté populaire, c'est pour confier à une assemblée élue par un suffrage restreint d'élus locaux le soin de légiférer en premier sur les problèmes des élus locaux, c'est-à-dire, - je le répète - pour favoriser une forme de corporatisme : c'est tout simplement inacceptable.
    J'ajoute par parenthèse qu'en matière de représentativité des élus locaux, l'Assemblée n'a pas à souffrir de la comparaison avec le Sénat.
    En deuxième lieu, je voudrais faire remarquer qu'en cas d'alternance politique...
    M. Didier Migaud. Exactement.
    M. René Dosière. ... et je suppose que vous y avez pensé, monsieur le ministre...
    Mme Ségolène Royal. C'est même peut-être le véritable objectif !
    M. René Dosière. ... qui arrivera en tout état de cause...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ça nous est déjà arrivé !
    M. Guy Geofroy. C'est ça votre problème ! C'est ce qui vous embête !
    M. René Dosière. Je parle bien sûr d'alternance politique à l'Assemblée, car on sait qu'au Sénat elle est impossible. D'où le terme « d'anomalie » utilisé par M. le Premier ministre Lionel Jospin pour qualifier cette impossibilité là et non pas l'existence même du Sénat.
    En cas donc d'alternance à l'Assemblée nationale, les termes de l'article tel que le Sénat l'a voté, joints à la pratique du droit d'amendement, constituent autant d'obstacles à légiférer pour un gouvernement de gauche. Mais Didier Migaud, qui est beaucoup plus qualifié que moi, aura l'occasion de développer cet aspect de la question.
    M. Xavier de Roux. Et si le Sénat passe à gauche ?
    M. Jean-Pierre Brard. Vous rêvez !
    M. René Dosière. Devant ce coup d'Etat constitutionnel...
    M. Guy Geoffroy. Mais arrêtez cette plaisanterie !
    M. René Dosière. ... Je lance un appel solennel au président de notre assemblée : restera-t-il dans l'histoire de notre République comme le président qui aura accepté un tel abaissement de l'Assemblée nationale ? Cela me paraît inconcevable, surtout quand on s'appelle Debré.
    Certes, j'approuve les modifications qui ont été proposées par la commission des finances et la commission des lois, ainsi d'ailleurs que l'argumentation fort intéressante qui les appuie, en particulier celle de la commission des finances.
    Mais même si on limite la priorité d'examen aux textes ayant pour principal objet l'organisation des collectivités locales, les mêmes difficultés et donc les mêmes critiques subsistent. C'est la raison pour laquelle il me semble que c'est une exigence pour l'Assemblée nationale que de supprimer cet article. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Beaucoup de choses ont déjà été dites par les orateurs qui m'ont précédé. Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer nos inquiétudes devant un certain nombre de modifications de la Constitution, qui selon nous remettent gravement en cause des principes généraux du droit. Mais avec l'article 3 c'est l'esprit même de nos institutions, celui des constituants de 1958, qui est remis en cause.
    M. Guy Geoffroy. Ça y est ! Ça recommence !
    M. Didier Migaud. Certains peuvent juger excessif de parler de coup d'Etat constitutionnel...
    M. Jean-Pierre Brard. Mais c'est la réalité !
    M. Didier Migaud. Je crois pour ma part que nous sommes réellement à un moment d'une particulière gravité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il n'est absolument pas question de remettre en cause le Sénat, ou le bicaméralisme. Ce n'est absolument pas l'objet de nos interventions. Oui, c'est vrai, une seconde chambre est nécessaire et nous respectons, comme cela a été dit, le travail du Sénat et celui des sénateurs.
    Mais il n'est pas possible d'accepter un article qui propose de soumettre en premier lieu au Sénat les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités locales, leurs compétences ou leurs ressources. J'entends bien que cet article ne remet pas en cause la capacité qu'a l'Assemblée nationale de statuer définitivement, encore que, comme René Dosière a eu l'occasion de l'exprimer, un doute existe sur les conséquences d'un tel article.
    Mais cet article, en reconnaissant un droit de priorité au Sénat pour les textes concernant les collectivités locales, donne à penser que le Sénat serait plus légitime que l'Assemblée nationale.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai ! C'est votre interprétation mais ce n'est pas vrai !
    M. Didier Migaud. Malheureusement, c'est tout à fait vrai !
    Il est inconcevable qu'un droit de priorité puisse être reconnu constitutionnellement à la deuxième chambre.
    M. Guy Geoffroy. Inconcevable pour vous !
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Notre bicaméralisme s'organise, non pas selon l'idée qu'on entend parfois d'une chambre basse et d'une chambre haute, mais selon le principe d'une premiére chambre, l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct...
    M. Guy Geoffroy. Oui !
    M. Didier Migaud. ... et d'une seconde chambre, le Sénat, élu au suffrage universel indirect. Et si nos constituants ont voulu que le bicaméralisme soit inégalitaire...
    M. Jean-Luc Warsmann. Mais il le reste. Le projet de loi ne touche pas à cela !
    M. Guy Geoffroy. L'Assemblée garde le droit de décision finale !
    M. Didier Migaud. ... c'est parce que, élue au suffrage universel direct, elle est l'expression de la souveraineté nationale, ce que n'est pas le Sénat, à partir du moment où il est le représentant des collectivités territoriales.
    M. Guy Geoffroy. Rien de tout cela n'est remis en cause !
    M. Didier Migaud. Il est donc inconcevable qu'un droit de priorité puisse être reconnu à ce qui a toujours été, avant même la constitution de 1958, la seconde chambre. Il n'est pas possible d'accepter l'idée que le suffrage universel indirect puisse bénéficier d'une quelconque priorité par rapport au suffrage universel direct, quelle que soit la portée du texte.
    Voilà pourquoi cette disposition de l'article 3 est particulièrement choquante. C'est là une question de principe. Le président Méhaignerie nous dit qu'il faut trouver des compromis, mais on ne transige pas sur les principes qui ont fait notre République.
    M. Philippe Vuilque. Très bien !
    M. Didier Migaud. Non seulement l'article 3 est inconcevable dans son principe, mais ses effets peuvent être d'une particulière gravité, notamment en cas d'alternance. On est en droit de suspecter des arrière-pensées qui seraient coupables en ce cas.
    Cet article est non seulement inconcevable, mais inexplicable, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, sauf à considérer que, parce que le Premier ministre est un ancien sénateur,...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est médiocre !
    M. Jean-Pierre Brard. Dites-nous alors la raison !
    M. Didier Migaud. ... il souhaite faire des gentillesses à la seconde chambre ; sauf à penser qu'il puisse un jour y avoir des ambitions. Je ne vois pas d'autres explications !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est misérable.
    M. Didier Migaud. Oh, c'est misérable ? C'est plutôt cet article qui est misérable, monsieur le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce sont vos propos qui sont misérables.
    M. Didier Migaud. Pas du tout. Il est, non seulement misérable, mais particulièrement choquant, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que sa portée est grande. Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, d'avoir rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant les incidences de ce droit de priorité sur le droit d'amendement, qui doit aussi respecter cette priorité. Ce peut être lourd de conséquences. Monsieur le président, vous avez développé par écrit une argumentation juridique excellente qui met le doigt sur un certain nombre de difficultés. Mais vous ne tirez pas toutes les conséquences de vos observations.
    M. Jean-Pierre Brard. Timidité !
    M. René Dosière. Osez !
    M. Jean-Pierre Brard. On vous soutiendra !
    M. Didier Migaud. Non seulement cet article introduit une rigidité excessive, qui peut être lourde de conséquences, mais, en plus, et c'est le Conseil d'Etat qui le dit, messieurs les ministres, le texte de cet article 3 est imprécis. Il ne peut être que source de confusion et de contentieux devant le Conseil constitutionnel.
    Que signifie « principal objet » ? Comme le fait remarquer le Conseil d'Etat, un tel critère peut donner matière à discussion, alors même qu'il s'agit d'une règle procédurale sanctionnée par le juge constitutionnel.
    Certes, certains amendements constituent un progrès, dans la mesure où ils permettront d'éviter le pire. Il n'empêche, monsieur le président Méhaignerie, que vous acceptez ce principe tout à fait inacceptable, dont les conséquences demeurent importantes.
    Qu'entend-on par « principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales et de leurs compétences ? » Vous avez retiré les ressources, mais on sait bien que la fiscalité locale fait partie de ces principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales.
    Bien des sujets seraient concernés par ce droit de priorité : le régime électoral des assemblées locales, le régime indemnitaire des élus, le statut de la fonction publique territoriale, le statut de la Corse, celui des DOM-TOM, le cumul des mandats, etc. Or, on connaît la capacité du Sénat à enterrer des projets. On peut donc craindre qu'il s'oppose à une volonté du Gouvernement, de l'Assemblée nationale ou du suffrage universel.
    Mes chers collègues, très sincèrement, ce n'est pas un problème de gauche ou de droite...
    M. Jean-Pierre Brard. ... mais de libertés publiques !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Dosière vient pourtant de dire le contraire !
    M. Didier Migaud. Il s'agit de savoir si l'on veut que l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, garante de la souveraineté nationale, s'efface devant une assemblée élue au suffrage universel indirect laquelle est, d'une certaine façon, le meilleur lobby des collectivités territoriales.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. C'est scandaleux, il est hors de question que l'Assemblée s'efface !
    M. Didier Migaud. L'expression n'a rien de péjoratif. Ainsi le veut le rôle du Sénat. Mais on ne peut pas inscrire dans la Constitution qu'il a un droit de priorité pour la présentation des textes.
    Mes chers collègues, vous considérez tous - ou pratiquement - que cet article n'a pas lieu d'être. Le président Méhaignerie l'a dit. Gilles Carrez, dans un élan de sincérité, a reconnu que vous vous en seriez bien passés, Jean de Gaulle a préféré sortir de la commission plutôt que d'accepter la capitulation de l'Assemblée nationale devant ce que propose le Gouvernement. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous avons eu l'occasion de parler avec Jean-Pierre Balligand d'« esprit de Munich » parlementaire. (Même mouvement.) Mais c'est tout à fait cela !
    Vos réactions sont édifiantes : vous osez à peine protester contre ce que nous disons. Au fond de vous-même, vous pensez strictement la même chose que nous. Alors, je vous demanderai simplement de suivre M. le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin : « Libérez-vous, soyez vous-mêmes ! ». N'acceptez pas d'être des godillots du Gouvernement ! Montrez-vous dignes de l'Assemblée nationale et de votre fonction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s) communistes et républicains - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Jean-Pierre Brard. Il est pour le rétablissement de la chambre des pairs ! (Sourires.)

    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, l'article 3, dont nous avons longuement discuté en commission des finances, soulève quatre problèmes essentiels.
    Le premier problème réside dans la dernière phrase du dernier alinéa. On ne voit pas très bien pourquoi le Sénat aurait un droit de priorité sur les projets relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France. En commission des finances, nous avons tous été d'accord pour supprimer cette phrase. Peu de collègues en ont parlé. Mais on ne voit vraiment pas ce qu'elle veut faire dans l'article 3.
    Le deuxième problème est posé par la comptabilité du texte sorti du Sénat au regard de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Charles de Courson. ... selon lequel : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, le recouvrement et la durée. » On ne peut donc pas accepter, en matière de ressources des collectivités territoriales, un droit de priorité du Sénat. Que ferait le Conseil constitutionnel pour arbitrer entre l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui fait partie du bloc constitutionnel, et l'article 3 ? Nous serions en grande difficulté.
    M. Jean-Pierre Brard. Très juste !
    M. Charles de Courson. On ne peut donc pas accepter les mots : « leurs ressources ». C'est un minimum.
    Le troisième problème, plus subtil, longuement développé en commission des finances par le président Méhaignerie, est celui du droit d'amendement du Gouvernement. Ce droit risque en effet d'être considérablement réduit au moment de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale.
    M. Jacques Myard. Au Sénat !
    M. Charles de Courson. Non, à l'Assemblée nationale, lorsque le texte viendra en première lecture. Je vous rappelle la jurisprudence de 1976, parce que c'est un peu subtil...
    M. Jean-Pierre Brard. Ne sous-estimez pas vos collègues !
    M. Charles de Courson. Le Conseil constitutionnel a jugé que les amendements du Gouvernement sur un projet faisant l'objet d'un droit de priorité et présentant un caractère entièrement nouveau devaient respecter ce droit de priorité et ne pouvaient donc être déposés devant la chambre saisie en deuxième position. En l'occurrence, ce sera nous.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel réduirait donc paradoxalement le droit d'amendement du Gouvernement lors de la première lecture à l'Assemblée nationale.
    M. René Dosière. Ce n'est pas un petit problème !
    M. Charles de Courson. C'est un peu ennuyeux. Vous me direz que si le Gouvernement veut déposer un amendement il n'a qu'à passer par des amis parlementaires. Comme cela se fait parfois. Mais, du point de vue constitutionnel, ce n'est pas très bon.
    M. Jean-Pierre Brard. Ecoutez bien M. de Courson !
    M. de Courson. Le quatrième et dernier problème dont ont parlé certains collègues résulte des mots : « principal objet ». Si un gouvernement, comme c'est souvent le cas, veut élargir la partie d'un texte, l'opposition - comme le veut la tradition - fera un recours devant le Conseil constitutionnel et développera la thèse selon laquelle ce n'était pas l'objet principal. Le Conseil constitutionnel annulera et on recommencera toute la procédure, sans pour autant forcément changer le fond. Mais on aura perdu du temps.
    Il y a donc quatre problèmes sérieux. Comment en sortir ?
    D'abord, en supprimant la dernière phrase.
    M. Jean-Pierre Brard. Pas de demi-mesure !
    M. Charles de Courson. Je pense qu'il y a quasiment unanimité.
    Ensuite, en supprimant les mots « leurs ressources ». Ce n'est pas compatible avec l'article XIV, que personne ne veut modifier. Il faut être cohérent.
    Enfin, à la place de « principal objet », le président de la commission des finances a proposé avec beaucoup de sagesse de mettre « objet exclusif ». Il est vrai, mes chers collègues, que le groupe UDF a soutenu l'amendement de M. le rapporteur. Mais est-il possible de faire un texte portant exclusivement sur les compétences ou la libre administration sans aborder le volet financier ? On peut se poser la question. L'amendement de Pierre Méhaignerie a l'avantage de donner cette possibilité au Gouvernement. Je doute fort, cependant, qu'un Gouvernement en fasse usage, car il prendrait alors des risques constitutionnels non maîtrisables. C'est pourquoi je trouve que nos collègues de gauche sont excessifs dans leurs critiques.
    M. Jean-Jack Queyranne. Oh non, jamais !
    M. Charles de Courson. Excessifs, parce qu'il s'agit d'un problème de procédure (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui pose plusieurs problèmes de fond. Nous avons donc, en fait, le choix entre deux solutions : soit supprimer l'article 3,...
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà !
    M. Charles de Courson. ... soit adopter l'amendement de Pierre Méhaignerie, ce qui est une solution de repli.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
    M. Charles de Courson. En commission, nous avons voté pour, et nous sommes prêts à soutenir l'amendement de Pierre Méhaignerie, ou à défaut à supprimer l'article.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le fils spirituel de Philippe Egalité !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. La nouvelle étape de la décentralisation qui nous est présentée ressemble à un lapin que l'on nous demanderait d'acheter sans ouvrir le sac.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Un âne, pas un lapin !
    M. Jean-Pierre Brard. Il faudrait savoir. Voulez-vous, préserver ou non les particularités que vous proposez d'introduire dans la loi ? Chez moi, c'est le lapin, et chez d'autres, c'est l'âne. (Rires.) Et je vous prie de ne pas m'interrompre, parce que sinon M. le président va devoir m'accorder un temps de parole supplémentaire.
    M. le président. Vous avez le droit d'expérimenter sur les animaux, monsieur Brard. Mais poursuivez !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas cruel avec les animaux !
    Le sac, c'est le texte constitutionnel lui-même qui est débattu. Mais du lapin législatif qui est à l'intérieur, nous ne savons pratiquement rien et le peu que nous en connaissons est très inquiétant. Toutefois, il faut reconnaître que l'article 3 échappe à cette critique. Il comporte en lui-même les conséquences les plus néfastes. Il porte clairement atteinte à la prééminence de l'Assemblée nationale dans le processus législatif et à l'équilibre institutionnel mis en place par la Constitution de 1958, ce que notre collègue de Courson vient de démontrer avec pertinence.
    On voit bien tout le bénéfice que tirerait la droite de l'extension des pouvoirs du Sénat, élu au suffrage indirect et dont le corps électoral est essentiellement composé de notables ruraux, ceux que notre excellent collègue du Sénat Jean-Pierre Fourcade...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'en suis un, de notable rural. Alors, pas d'insultes !
    M. Jean-Pierre Brard. ... appelle « la République des châtaignes »
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il y en a qui en méritent, des châtaignes !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce corps électoral très conservateur garantit une majorité intangible.
    M. Guy Geoffroy. Ah, ça les gêne !
    M. Jean-Pierre Brard. Comment se fait-il qu'il ait fallu attendre quarante-quatre ans après l'adoption de la Constitution, et quinze révisions, pour s'aviser soudainement que le principe de la représentation des collectivités territoriales par le Sénat nécessite qu'il soit saisi prioritairement des textes relatifs à ces collectivités ? On voit bien que cette mesure obéit uniquement à des considérations de pure opportunité et à des arrière-pensées partisances !
    M. Didier Migaud. Exactement !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais au-delà du caractère politicien de la démarche, cet article est dangereux car il crée une grande insécurité juridique, rendant extrêmement complexe et aléatoire la détermination et l'adoption des textes concernant la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences et leurs ressources.
    En dernière analyse, c'est une fois de plus le Conseil constitutionnel, qui ne réclame d'ailleurs rien, qui sera conduit à déterminer précisément la portée et les conséquences de cette disposition de circonstance. En effet, le Sénat, saisi d'un projet de loi en ces matières par un gouvernement de gauche dont, par hypothèse, il ne partagerait pas les options, pourra enterrer ou rejeter le texte, contrairement à ce que vous nous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre. Dans quel état et dans quel délai ira-t-il alors jusqu'à l'Assemblée ? A cela vous ne répondez rien.
    Avec un tel système, les lois de décentralisation de 1982 et 1983, que plus personne ne conteste, auraient pu être longtemps bloquées. Et ce n'est pas là une vue de l'esprit. Je vais vous donner un exemple : la réforme Bonnet des collectivités locales, entreprise en 1978 sous la houlette de M. Giscard d'Estaing, alors Président de la République, a vu sa discussion s'étirer à l'infini, sur deux sessions, et le projet a été enterré. Les sénateurs ont fait ainsi abondamment la démonstration de leurs vastes talents en matière de guérilla procédurale - qui présente l'énorme avantage, par rapport à d'autres variantes, de se pratiquer en fauteuil. (Sourires.)

    Cette situation est inacceptable alors que le collège électoral du Sénat n'est pas conforme au principe de l'égalité de suffrage inscrit à l'article 3 de la Constitution. Il s'agirait d'une entrave à l'action gouvernementale qui est en totale contradiction avec l'esprit même de la Constitution, conçue pour donner au Gouvernement les moyens de son action dans le cadre d'un parlementarisme rationalisé, auquel la droite s'affirmait jusqu'à maintenant fortement attachée.
    En outre, il est inadmissible, au regard de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, cité par notre collègue Charles-Amédée de Courson, de dessaisir l'Assemblée nationale du consentement à l'impôt, qui constitue une de ses prérogatives essentielles, au motif que certaines impositions sont perçues au bénéfice des collectivités territoriales.
    Le Sénat peut-il bloquer le processus législatif afin d'imposer sa volonté politique sans aller au-delà des possibilités qu'offre actuellement la Constitution et sans manquer aux exigences du bon fonctionnement des pouvoirs publics ? A l'évidence, non. C'est donc à juste raison que le Conseil d'Etat a critiqué la disposition de cet article visant à rendre obligatoire le dépôt de certains projets de loi d'abord sur le bureau du Sénat.
    Parce que l'Assemblée nationale, issue du suffrage universel direct, exprime la volonté du peuple, monsieur le président de la commission des lois, il faut garantir sa prééminence dans le processus législatif. C'est elle qui donne au Gouvernement ayant la confiance des élus du peuple la possibilité d'appliquer sa politique.
    Porter atteinte à ce mécanisme c'est, dans les domaines concernés, courir le risque de la paralysie bien plus sûrement encore que par la cohabitation à laquelle la droite a abondamment fait ce reproche durant toute la campagne des dernières élections législatives.
    L'importance de cette question, qui touche à la logique même des institutions, renforce la nécessité de recourir au référendum pour l'adoption de la présente réforme constitutionnelle.
    Faut-il, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous rappeler à cet égard ce que disait déjà en 1969 le général de Gaulle ?
    M. Guy Geoffroy. Oh non ! C'est une honte !
    M. Jean-Pierre Brard. Plaît-il ?
    M. Guy Geoffroy. Vous l'avez combattu et, maintenant, vous le reprenez à votre compte !
    M. Jean-Pierre Brard. Le général de Gaulle appartient à l'histoire. Et, contrairement à d'autres, il a été du bon côté quand certains trahissaient.
    M. Guy Geoffroy. Je ne vous le fais pas dire !
    M. Jean-Pierre Brard. Je cite ce qu'écrit le général de Gaulle, dans son recueil Discours et messages, pages 425 et 426.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Quelle édition ?
    M. Jean-Pierre Brard. « Pour un bon nombre de professionnels de la politique, qui ne se résignent pas à voir le peuple exercer sa souveraineté par-dessus leur intermédiaire, ainsi que pour certains juristes qui en sont restés au droit tel qu'il était au temps où cette pratique éminemment démocratique n'existant pas dans nos institutions, le référendum apparaît comme fâcheux et anormal. Cela parce qu'il est, en somme, la participation directe de chaque Français aux décisions qui concernent le sort de la France.
    « C'est malgré ces objecteurs que je l'avais institué en 1945 pour qu'il rouvre la porte à la démocratie, mais aussi pour qu'il devienne la sanction obligatoire de toute Constitution. En 1958, comme le danger public contraignait leurs habitudes en même temps qu'il foudroyait le régime des partis, ces opposants de principe et ces juristes engagés se sont, sur le moment, pliés à l'inévitable.
    « J'ai établi, alors, une Constitution nouvelle et l'ai soumise au pays par un référendum. Mais, dès lors que le référendum s'était imposé, d'abord comme le moyen éclatant de rétablir la République au lendemain de la Libération, ensuite comme la source d'institutions de notre actuel régime, tout commandait de la prévoir désormais comme un recours normal en matière constitutionnelle. De fait, c'est ce que la Constitution de 1958 a prévu de manière tellement explicite qu'il est incroyable qu'on puisse le nier. »
    Messieurs les ministres, votre gouvernement et votre majorité vont-ils renier ainsi le général de Gaulle ? Cette réforme, dont vous proclamez l'importance, sera-t-elle faite sans le peuple ? Non seulement vous voulez dessaisir l'Assemblée nationale, mais à aucun moment vous n'avez évoqué la possibilité pour le peuple français de se prononcer sur le coup scélérat que vous préparez. Craignez-vous tant que cela le verdict populaire pour rejeter ainsi la tradition constitutionnelle gaulliste ? Allez-vous donner au Sénat une victoire posthume sur le général de Gaulle ? La fidélité à son héritage historique appelle, au contraire, la suppression de l'article 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Il est vrai que cet article suscite beaucoup de réactions. Il peut paraître un peu surréaliste, tant on a le sentiment qu'il s'agit d'un pur caprice. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Un caprice des dieux ?
    M. André Chassaigne. Soit ! C'est un caprice ! Mais on est malheureusement obligé de le prendre très au sérieux, parce qu'il risque d'avoir des conséquences extrêmement graves. Il nous est d'ailleurs soumis sans beaucoup d'explications. On se demande d'où il vient : il est un peu comme un lapin sorti d'un chapeau...
    M. Jacques Myard. Encore ! Laissez donc les lapins tranquilles ! (Sourires.)
    M. André Chassaigne. Ce caprice qui demeure incompréhensible est en tout cas particulièrement choquant.
    Certes, l'article 24 de la Constitution prévoit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République et des Français établis hors de France. Mais vous voulez donner, pour une raison assez inexplicable - du moins en apparence -, une primauté, dans l'examen de textes législatifs, à une chambre qui n'est pas élue au suffrage universel direct. Un tel projet n'est pas conforme, répétons-le, à la conception qui régit le système bicaméral dans notre pays depuis au moins 1946.
    La différence de légitimité démocratique entre les deux assemblées milite contre tout renforcement des prérogatives du Sénat au détriment de l'Assemblée nationale.
    Par ailleurs, ce projet est également choquant parce que la manière dont vous définissez la catégorie des « projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités locales, leurs compétences ou leurs ressources » est trop floue pour ne pas soulever des difficultés et alimenter un important contentieux devant le Conseil constitutionnel.
    De plus, de manière évolutive, le projet de la loi dont nous discutons aujourd'hui va augmenter de façon démesurée les pouvoirs des collectivités locales, sans qu'aucune limite ne soit donnée à cette ouverture. En effet, un très grand nombre de textes pourront relever de cette catégorie. Le champ de priorité d'examen du Sénat s'en trouvera démesurément élargi. Et ce n'est qu'un début ! La Haute Assemblée pourra acquérir nombre de compétences nouvelles...
    Prenons l'exemple du RMI : on peut considérer, si ce texte est adopté, que son appréciation et son devenir seront désormais soumis en priorité au Sénat.
    Il en est de même des ATOSS, en poste dans les lycées. S'il y a transfert de compétences, cette catégorie de fonctionnaires relèvera prioritairement du Sénat. Il s'agit donc d'un article extrêmement dangereux parce qu'il ne pose pas de limites.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est faux ! C'est totalement faux !
    M. André Chassaigne. Il ne suffit pas de nous répondre par des actes de foi, des affirmations gratuites ou des effets de manche.
    M. Guy Geoffroy. Vous ne faites que ça ! Vous dites n'importe quoi !
    M. André Chassaigne. Je me borne à constater une réalité.
    Et je me fais un plaisir de vous rappeler les propos de notre rapporteur pour avis, dont le raisonnement, que je qualifierai de pertinent, devrait conduire à la suppression de l'article. Je vous renvoie à ce sujet à la page 58 de son rapport : « Le texte adopté par le Sénat est loin d'être sans portée, car il risque de limiter le droit d'amendement du Gouvernement, voire des députés. [...] Par ailleurs, la notion de "principal objet conduirait à appliquer le droit de priorité à des dispositions qui ne relèveraient pas de la libre administration des collectivités locales, dès lors qu'elles seraient présentées dans un projet de loi qui entrerait, à titre principal, dans le champ de l'article 3. » Je me suis donc pas seul à déplorer une absence de limites.
    En ce qui concerne la référence aux ressources des collectivités locales, notre rapporteur pour avis rappelle que celles-ci entrent chaque année, de facto, dans le champ des lois de finances. Mon collègue Brard l'a suffisamment expliqué.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. André Chassaigne. Cela peut donc aller très loin...
    M. Jean-Pierre Brard. En effet !
    M. André Chassaigne. ... et donner lieu à de très nombreux blocages. Il suffit d'ailleurs de regarder comment se passe la discussion de ce projet de loi. C'est le blocage systématique ! Une véritable guerre de tranchées pour qu'aucun amendement ne soit accepté ! Ces travaux pratiques nous donnent un avant-goût de ce que seront les résultats de la nouvelle organisation !
    M. Jean-Jack Queyranne et Mme Ségolène Royal. Très bien !
    M. André Chassaigne. L'examen du rôle du Sénat et de sa place dans les institutions nous paraît nécessaire et urgent, mais il doit s'intégrer dans une réflexion globale, afin qu'une conception nouvelle puisse inspirer une réforme de fond de la seconde chambre. Ce n'est pas en lui offrant des sucettes, c'est-à-dire en lui attribuant quelques compétences supplémentaires, au hasard d'une révision constitutionnelle, qu'on lui donnera une lisibilité aux yeux de la population ainsi qu'un rôle et une place novateurs dans les institutions.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Chassaigne.
    M. Didier Migaud. Vous êtes pressé que l'Assemblée fasse hara kiri, monsieur le président ?
    M. André Chassaigne. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement demandant la suppression de l'article.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
    M. Didier Migaud et M. Jean-Pierre Balligand. Il n'était pas inscrit !
    M. Jean-Luc Warsmann. Après des interventions aussi excessives - on a entendu parler de « coup d'état permanent », de « corporatisme » -, je voudrais revenir au fond.
    D'abord, que prévoit la Constitution de la Ve République ? Deux chambres, dont une a le dernier mot, l'Assemblée nationale. Le texte de projet de loi prévoit-il de remettre en cause ce principe ? Evidemment non !
    M. Didier Migaud. Dans certaines conditions, si !
    M. Jean-Luc Warsmann. Le Gouvernement a le choix de l'assemblée devant laquelle il va déposer les projets de loi.
    M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout !
    M. Didier Migaud. Vous ne connaissez pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel !
    M. Jean-Luc Warsmann. Je me suis intéressé à quelques-unes des lois que nous avons votées ces dernières années. Il s'agit de lois importantes, dont deux des plus grandes lois en matière de droit électoral : celle qui a donné le droit de vote aux ressortissants de l'Union européenne et celle qui a permis l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales. Mais, je pourrais en citer des dizaines d'autres :...
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas le sujet !
    M. Jean-Luc Warsmann. ... le projet de loi modifiant la procédure pénale pour lutter contre la corruption ; la réorganisation du statut des magistrats ; la codification par ordonnances.
    M. Didier Migaud. Cela n'a rien à voir !
    M. Jean-Luc Warsmann. Toutes ces lois, mes chers collègues, outre qu'elles sont importantes, ont deux points communs : elles ont été présentées par le gouvernement de Lionel Jospin ; et elles ont été déposées devant le Sénat en premier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Didier Migaud. Ce n'est pas le sujet !
    M. René Dosière. Alors pourquoi modifier la Constitution, monsieur Warsmann ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Alors quand certains poussent des cris d'orfraie et prétendent que le fait de présenter un projet de loi en priorité devant le Sénat bouleverserait toute la procédure,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Oui !
    M. Jean-Luc Warsmann. ... et que les droits d'amendement du Gouvernement seront bafoués, je réponds que c'est un profond mensonge. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Didier Migaud. Quel succès !
    M. Jean-Luc Warsmann. Ensuite, on nous oppose un deuxième argument. En cas d'alternance, nous dit-on, si jamais un projet de loi est déposé devant le Sénat et que ce dernier refuse d'en débattre en votant une motion de procédure, que va-t-il se passer ? La réponse vient de nous être assénée : le blocage. Mais c'est faux, mes chers collègues ! C'est totalement faux, et il est extrêmement simple de le prouver : demandez donc aux services de l'Assemblée de ressortir le dossier consacré au dernier projet de loi sur les tribunaux de commerce. Voilà l'exemple d'un projet de loi qui a été déposé en premier au Sénat et que celui-ci a refusé en adoptant une question préalable. Cela ne l'a pas empêché d'être discuté devant l'Assemblée nationale sur la base du texte présenté par le Gouvernement. Il n'a même pas été nécessaire de le rétablir par voie d'amendement.
    Mme Ségolène Royal. Ce n'était pas inscrit dans la Constitution !
    M. Philippe Vuilque. Exactement ! Ce n'était pas une obligation !
    M. Jean-Luc Warsmann. On peut déceler beaucoup d'arrière-pensées politiques derrière vos reproches. C'est particulièrement flagrant au vu de quelques amendements scandaleux visant le Premier ministre.
    M. Philippe Vuilque. C'est votre projet qui est scandaleux !
    M. Jean-Luc Warsmann. Venons-en à l'équilibre technique de l'article. Je suis, sur ce sujet, extrêmement libre et mon honnêteté ne peut être mise en cause : j'ai fait partie des députés qui, en commission - il y en a eu en commission des lois et en commission des finances -, ont exprimé des reproches sur la rédaction du projet. Nous avons, tous ensemble, construit des amendements afin de le redéfinir et de bien le clarifier, notamment sur le plan des compétences.
    M. Didier Migaud. Des amendements vidés de leur contenu ! C'est d'une hypocrisie !
    M. Jean-Luc Warsmann. Ainsi, le texte initial proposait de donner la priorité d'examen au Sénat pour les textes relatifs à « la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources ».
    M. Philippe Vuilque. C'est inadmissible sur le principe !
    M. Jean-Luc Warsmann. Nous allons, par voie d'amendement, vous proposer de supprimer la mention des ressources - la remarque formulée par Charles de Courson est à cet égard très juste - ainsi que celle des compétences, pour s'en tenir simplement à la notion d'organisation.
    Mme Ségolène Royal. Quel tripatouillage !
    M. Jean-Luc Warsmann. Ainsi amendé, l'article 3 constituera le simple prolongement de l'article 24 de la Constitution, qui fait du Sénat le représentant des collectivités territoriales.
    Mme Ségolène Royal. C'est laborieux !
    M. Jean-Luc Warsmann. Le risque pour le Gouvernement de voir son droit d'amendement limité devant l'Assemblée nationale a également été avancé. Mais la commission des lois et celle des finances ont également voté un amendement qui résout ce problème.
    Nous nous sommes aussi posé des questions sur la sécurité juridique du système. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais une garantie est apportée par le fait que, s'agissant de projets de loi, ils auront, par définition, été examinés auparavant par le Conseil d'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Vuilque. Parlons-en ! Quand on voit ce que vous faites de ses avis !
    M. Jean-Luc Warsmann. Voilà pourquoi, mes chers collègues (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), l'opposition essaie de m'empêcher de parler, parce qu'elle a du mal à trouver des arguments ! Sur l'article 3, elle tente une manoeuvre politicienne. Mes chers collègues, je vous appelle à choisir la voie de la raison,...
    M. Didier Migaud. La voie de la démission !
    M. Jean-Luc Warsmann. ... celle qui conduit à repousser les amendements de suppression et à adopter au contraire ceux qui tendent à bien réécrire et redéfinir cet article afin que celui-ci, une fois modifié, satisfasse l'intérêt général et soit cohérent avec les principes fondateurs de la Constitution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. A l'inverse, monsieur le président, chers collègues, de ce que vient de dire notre collègue Warsmann, je pense que ce texte, si nous le votons ce soir, marquera une date dans notre République, qu'il faudra graver. Ce jour-là, en effet, l'Assemblée nationale française aura accepté l'abaissement de son pouvoir, par une sorte de Munich de l'Assemblée nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. André Chassaigne. Exactement !
    M. Jean-Pierre Balligand. Je pèse mes mots : c'est un Munich de l'Assemblée nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je souhaite formuler quelques remarques et une interrogation qui pourra se résumer ainsi : pourquoi tout cela ?
    Mais auparavant, monsieur Warsmann, il faudrait écouter ce que dit le président du Sénat. Cela tombe bien, il s'est exprimé aujourd'hui, devant le congrès des maires de surcroît. Il y a expliqué sa conception des choses. Il l'a dit clairement : selon lui, non seulement la priorité d'examen du Sénat implique pour celui-ci un droit d'amendement sur le texte,...
    M. Jean-Pierre Brard. On n'est jamais trahi que par les siens !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... mais en plus, une fois ses amendements adoptés, il n'est pas question d'y revenir devant l'Assemblée. Si cela ne vous pose pas de problème... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est faux, c'est complètement faux !
    M. Jean-Pierre Balligand. Il l'a déclaré cet après-midi.
    M. Guy Geoffroy. Arrêtez de vous faire peur !
    M. Jean-Pierre Brard. Il l'a dit !
    M. le président. Laissez parler M. Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Merci, monsieur le président.
    Je dois reconnaître que le Gouvernement a fait un effort. Il n'a pas repris intégralement les souhaits du président Poncelet, qui est allé jusqu'à réclamer un droit de veto. C'était écrit dans la proposition de loi !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !
    M. Jean-Pierre Balligand. Il a même envisagé une autre solution qui consistait à exiger la majorité absolue dans les deux assemblées. C'était de la folie totale. Il voulait verrouiller le système. Et tout cela ne vous pose aucun problème !
    Ma première remarque est d'ordre juridique. Quelqu'un l'a fort bien dit tout à l'heure : nous représentons la souveraineté populaire. Une seule assemblée représente directement le peuple - à côté, bien entendu, du Président de la République - : la nôtre. C'est pourquoi nous avons une propension à nous occuper de l'ensemble des textes qui concernent le peuple. Nous ne sommes pas dans un système corporatiste, dans lequel seuls les représentants de telle catégorie voteraient les textes la concernant. Parce que si continuons à cette allure-là, les chambres de commerce et d'industrie pourront bientôt se réunir entre elles - elles ont d'ailleurs une assemblée permanente - et voter par exemple la taxe additionnelle à la taxe professionnelle. Au moins, on sera dans une vraie logique corporatiste.
    Un telle approche est indécente.
    Pour en rester sur le plan juridique, je rappelerai que quelques-uns d'entre nous se sont fâchés en commission des finances, conduisant M. Méhaignerie à tenter de résoudre une contradiction majeure.
    En effet, l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme dispose que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » Cela signifie que la fixation de l'impôt, qu'il soit d'Etat ou des collectivités, est du ressort des élus de la nation. Et, par voie de conséquence, c'est ce côté-ci du Parlement, l'Assemblée nationale, qui doit fixer les ressources des collectivités.
    M. Méhaignerie a pris cet aspect du texte et a commencé à déshabiller le dispositif. Puis, la commission des lois s'est chargée de faire de même avec les compétences. Suivez donc cette logique jusqu'au bout. Il vous reste encore à en faire autant avec les modes de scrutin, entre autres ! Dans les couloirs, vous vous dites que c'est anodin, qu'il ne faut pas nous fâcher, que nous avons raison et que vous avez réussi à déshabiller le texte en grande partie.
    M. Jérôme Bignon. Personne ici n'affirme que vous avez raison !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas sérieux, mes chers collègues ! Cela s'appelle une Berezina partielle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je ne suis pas d'accord pour l'abaissement de l'Assemblée nationale, même si vous êtes majoritaires pendant vingt ans - ce qui au demeurant, ne me pose aucun problème, parce que c'est la démocratie, et que je respecte la démocratie.
    Sur le plan juridique, il n'y a donc, aujourd'hui, pas de problème : le Sénat travaille bien, et tout gouvernement peut déposer des textes en priorité au Sénat, comme l'a remarquablement dit M. Warsman. Pourquoi, alors, bouleverser la Constitution ? Pourquoi ce caractère systématique, sinon pour déshabiller une assemblée au profit de l'autre et pour l'abaisser, alors qu'elle représente le suffrage universel ?
    Ma seconde remarque est d'ordre politique. Il ne faut pas avoir la mémoire courte.
    M. le président. Concluez avec votre remarque politique, s'il vous plaît.
    M. Jean-Pierre Balligand. Oui, monsieur le président.
    En 1978, M. Giscard d'Estaing avait le projet de moderniser la France. Avant que les socialistes fassent la décentralisation, le gouvernement précédent avait essayé, l'histoire est ainsi faite ! Une mission avait même été confiée à M. Guichard, et un texte avait été déposé : le projet de loi Bonnet. Malheureusement - ô erreur fatidique ! - il l'a été au Sénat, en 1979, et il n'en est jamais ressorti. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela démontre que, même avec un gouvernement et un Président - pourtant du même bord - qui voulaient essayer de moderniser la France, il n'est pas évident que cette assemblée accepte d'aller dans ce sens.
    Chacun sait bien d'ailleurs que si en 1982-1983, les projets Defferre avaient été soumis d'abord au Sénat, ils ne seraient pas passés. On peut même se demander ce qu'il en aurait été, en 1992, des lois sur l'intercommunalité si le Sénat en avait été saisi le premier. Vous connaissez tous le travail qui a été accompli dans la commission spéciale pour préparer l'intercommunalité par les resprésentants de tous les groupes. Je pense en particulier à des collègues du RPR comme M. Poujade. Cela a permis d'élaborer de bons textes législatifs, que le Sénat a ensuite enrichis. Faisons donc très attention de ne pas tomber dans un piège politique qui aboutirait à empêcher la modernisation.
    Telle était ma remarque politique.
    Pour conclure, je voudrais simplement savoir, messieurs les ministres, comment vous en êtes arrivés là.
    M. Philippe Vuilque. Absolument !
    M. Jean-Pierre Balligand. Comment avez-vous fait ? Pour quel compromis ? Pour quelle concession ? J'en suis attristé et, suivant la question de la décentralisation depuis plusieurs années, je me demande si ce n'était pas le prix à payer pour que le Sénat accepte que la région soit consacrée comme collectivité, avec, sans doute, des compétences renforcées, si l'on en croit ce que l'on entend ici ou là, puisqu'il n'y a toujours pas d'écrits pour la suite. Ainsi le président de l'AMF et celui d'autres unions n'auraient-ils pas demandé en échange que l'on ne cite pas les établissements publics de coopération, parce que l'on n'en veut surtout pas entre les communes et le département, ainsi que cette primauté accordée au Sénat ? Cet abaissement de l'Assemblée nationale n'est-il pas le prix de ce compromis ?
    Mes chers collègues, il nous appartient désormais, collectivement, de prendre notre décision et d'assumer, au regard de nos électeurs et du suffrage universel direct, notre responsabilité. C'est ce soir ou jamais, car ce sujet ne reviendra pas en discussion. Si nous pouvons prendre encore un peu de temps pour débattre dans cette assemblée, nous devons le faire. Le Gouvernement doit nous expliquer la raison de sa proposition car elle n'est pas que juridique, il ne faut pas se moquer du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.
    M. Jean-Jack Queyranne. Monsieur le président, messieurs les ministres, à ce stade de la discussion, il est indispensable que le Gouvernement nous donne les raisons qui ont motivé sa décision de présenter ce texte, lequel suscite non seulement des oppositions à gauche, mais aussi des réserves dans les différents groupes de la droite.
    Il n'y a en effet aucune raison juridique de donner au Sénat une priorité dans l'examen des textes relatifs aux collectivités locales. La seule qui pourrait être invoquée, à savoir que le Sénat serait le représentant des collectivités territoriales, n'aurait de sens que dans un Etat fédéral, comme en Allemagne. Or je répète que l'article 24 de la Constitution ne vise qu'une modalité technique d'élection quand il édicte que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales ; il n'en fait pas la chambre des collectivités territoriales.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Jean-Jack Queyranne. Rien ne justifie donc, sur ce plan, que le Sénat s'arroge ce pouvoir d'être saisi le premier des textes relatifs aux collectivités territoriales avant - comme l'a souligné Jean-Pierre Balligand, parce que tel est l'objectif - d'obtenir un droit de veto sur ces textes.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est faux !
    M. Jean-Jack Queyranne. Ayant été ministre des relations avec le Parlement, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement se lie ainsi les mains pour certains textes. En effet, la Constitution lui donne la faculté de choisir l'assemblée qu'il saisit en premier. Il peut ainsi décider de déposer des textes d'abord sur le bureau du Sénat. Vous venez d'ailleurs de le faire, pour la première fois depuis 1958, pour une révision constitutionnelle. C'est sa liberté, c'est son droit, pour des raisons d'ordre du jour ou de priorité à accorder.
    M. Jérôme Bignon. Vous l'avez fait cent fois !
    M. Jean-Jack Queyranne. Pourquoi, demain, une disposition constitutionnelle obligerait-elle que l'on saisisse d'abord le Sénat pour les textes relatifs aux collectivités territoriales ?
    M. Balligand a rappelé le triste épisode de 1978. Il devrait au moins servir d'avertissement à votre majorité.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Jean-Jack Queyranne. A l'époque des textes sur les collectivités locales, présentés par M. Bonnet, alors ministre de l'intérieur, et dont le rapporteur était M. Tinguy du Pouët, ont été enlisés au Sénat, si bien que M. Giscard d'Estaing a dû aller à l'élection présidentielle sans avoir réalisé la réforme des collectivités locales et de la décentralisation qu'il souhaitait. C'est en réaction contre cette attitude que Gaston Defferre et Pierre Mauroy, alors Premier ministre, ont décidé de passer d'abord par l'Assemblée nationale et d'aller vite, sinon la réforme en matière de décentralisation n'aurait jamais été menée à bien.
    Nous avons toujours un Sénat conservateur, prêt à bloquer les réformes qui pourraient déplaire à son corps électoral.
    M. Guy Geoffroy. Quel mépris pour les élus locaux !
    M. Jacques Myard. Mais non !
    M. Guy Geoffroy. Mais si !
    M. Jean-Jack Queyranne. En fait, je voudrais savoir de quelle mesure cette disposition acceptée par le Gouvernement est la contrepartie.
    Alors qu'il était encore sénateur, M. Raffarin avait écrit dans Pour une nouvelle gouvernance, qu'il fallait que les sénateurs acceptent que leur mandat soit réduit à six ans. On en parle depuis longtemps, car il n'existe au monde que deux assemblées dont les membres ont un mandat de neuf ans : le Sénat du Maroc et celui du Libéria. Il n'en est qu'une où le mandat est plus long : la chambre des Lords, en Grande-Bretagne, véritable chambre des pairs dont certains sièges sont même héréditaires.
    M. Didier Migaud. Exact !
    M. Jean-Jack Queyranne. Les sénateurs socialistes, Pierre Mauroy auquel vous avez fait allusion en tête, ont demandé la réduction de ce mandat. Il faut évidemment l'accord de la majorité sénatoriale car les lois organiques relatives à l'organisation du Sénat doivent recueillir son approbation. Il a donc un véritable droit de veto en la matière. Or, pour l'instant, le Sénat n'a pas fait ce geste. Il n'a pas montré qu'il voulait évoluer.
    De plus sa composition actuelle repose toujours sur le recensement de 1976, puisque l'on n'a pas pu modifier la répartition des sièges par département. Ses membres, élus pour neuf ans, ne sont donc même pas représentatifs de la réalité des collectivités locales d'aujourd'hui.
    Je comprends que M. Raffarin envisage de retourner au Sénat un jour, peut-être même de façon triomphale, mais, de grâce, nous sommes à l'Assemblée nationale et vous êtes le Gouvernement : il n'est pas possible d'adopter une telle disposition, contraire à l'équilibre même de nos institutions. C'est pourquoi, je vous demande, chers collègues de la majorité, vous qui représentez ici le peuple, d'en prendre conscience et de voter les amendements de suppression de l'article 3 dont certains ont d'ailleurs été déposés par des parlementaires siégeant sur les bancs de l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Chassaigne. Eh oui !

Rappels au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, mon intervention porte sur le déroulement de nos débats.
    Chacun peut constater le trouble qui s'est installé, M. Warsmann peut bien crier à tout bout de champ « c'est faux ! » cela ne suffit pas : encore faut-il démontrer. En l'entendant, d'ailleurs je me demandais - encore que, le connaissant, je serais étonné que tel n'ait pas été le cas -...
    M. Jean-Luc Warsmann. Je vous remercie, cher collègue.
    M. Jean-Pierre Brard. ... s'il avait lu l'article 3 avec l'attention qui convenait.
    Jean-Pierre Ballingand a rappelé à ce propos ce que Christian Poncelet a déclaré cet après-midi devant le congrès des maires de France.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas parole d'Evangile, quand bien même il aurait tenu ces propos !
    M. Jean-Pierre Brard. Jusqu'à nouvel ordre, le président du Sénat est le deuxième personnage de l'Etat, et M. Poncelet ne nous a pas habitués à s'exprimer à tort et à travers. Je crois même savoir qu'il a l'oreille du premier personnage de l'Etat. Nous pouvons donc considérer que ce que dit M. Poncelet n'est pas billevesées, monsieur Warsmann !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. En fait de billevesées, monsieur Brard, vous parlez d'or !
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas un rappel au règlement. Il porte à nouveau sur le fond !
    M. le président. Monsieur Brard, je vous rappelle que vous vous exprimez dans le cadre d'un rappel au règlement, et non sur le fond.
    M. Jean-Pierre Brard. Certes, monsieur le président, mais certains aspects du débat sont troublants.
    M. Guy Geoffroy. Il répète toujours la même chose ! Il ne représente que 3,5 % des voix, mais il parle sans arrêt !
    M. Jean-Pierre Brard. Je relève d'ailleurs que les orateurs qui se sont succédé, qu'ils appartiennent à l'opposition ou à la majorité, ont posé des questions proches. Chacun sait aussi que le premier d'entre les présidents, M. Jean-Louis Debré, comme d'autres membres de la majorité, partage nos préoccupations.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a donc pas de clivage politique ; c'est une question d'attachement à la démocratie et à notre tradition républicaine.
    Messieurs les ministres, comme vous n'avez pas encore répondu, nous attendons toujours de savoir ce qui se passera quand le Sénat, qui aura la priorité pour l'examen de certains textes, adoptera une exception d'irrecevabilité. Et ne prétendez pas qu'il s'agit d'une vue de l'esprit ! L'affaire du projet Bonnet, que j'ai déjà rappelée, alors que la disposition portée par cet article 3 n'existait pas encore, montre que le Sénat a déjà réussi à fusiller des textes. Et vous voulez lui donner la possibilité constitutionnelle d'empêcher l'Assemblée nationale, issue du suffrage universel direct, de délibérer.
    M. Clément et M. Méhaignerie sont des parlementaires expérimentés et habiles.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Chevronnés !
    M. André Chassaigne. Et suffisants ! (Rires.)
    M. le président. Allez à votre conclusion, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Ces parlementaires chevronnés, comme vient de le souligner lui-même M. Clément dans un mouvement d'auto-évaluation (Sourires) proposent d'ailleurs d'émasculer cet article. Mais pourquoi s'arrêtent-ils dans leur mouvement et n'en proposent-ils pas la suppression, pour être en cohérence totale avec ce qu'ils pensent profondément ?
    Si vous voulez que le débat se poursuive dans de bonnes conditions, messieurs les ministres, vous devez répondre à nos interrogations afin que nous comprenions vos motivations et que nous sachions si, par hasard, vous ne vous êtes pas fourvoyés. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. En renonçant à l'article 3, vous vous grandiriez.
    M. Guy Geoffroy. Cela n'avait rien à voir avec un rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour un rappel au règlement.
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, compte tenu du sujet en discussion et du fait que certains parlementaires souhaitent encore s'exprimer, alors que vous avez estimé devoir clore ce débat, je vais demander une suspension de séance.
    Auparavant je veux m'adresser à M. Warsmann, qui a répété maintes fois « c'est faux ! » et assuré que l'Assemblée nationale aurait en tout état de cause le dernier mot.
    M. Jean-Luc Warsmann. Oui !
    Mme Ségolène Royal. Or nous sommes en train de vivre en direct ce qui se passera quand le Sénat aura la primauté. En effet, pour la première fois depuis 1958 une réforme de la Constitution a été présentée d'abord au Sénat.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'est pas la première fois !
    Mme Ségolène Royal. Pour la première fois depuis 1958 - vérifiez - une réforme de la Constitution a été soumise d'abord au Sénat. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Même s'il a dû retirer certaines de ses propositions sous l'amicale pression du Gouvernement, le Sénat a pu vaguement amender le texte. En revanche, aucun amendement, quelle que soit son origine, n'a encore été accepté par le Gouvernement depuis le début de la discussion. Notre pouvoir d'amendement est donc muselé ; vous ne pouvez pas dire le contraire.
    M. Guy Geoffroy. L'Assemblée décide souverainement !
    Mme Ségolène Royal. Sans doute, monsieur Warsmann, n'y aura-t-il même pas de deuxième lecture à l'Assemblée, puisque toute la manoeuvre consiste à ne retenir que les amendements du président de la commission des lois qui ont déjà été négociés avec le Sénat afin d'obtenir ensuite un vote conforme de la Haute Assemblée. Nous prenons le pari qu'il n'y aura pas de deuxième lecture à l'Assemblée. Celle-ci n'aura donc pas le dernier mot pour cette réforme constitutionnelle.
    Cela se reproduira à l'avenir, si l'article 3 est adopté et même, lorsqu'une motion de procédure aura été votée par le Sénat qui refusera d'examiner un texte, le pouvoir législatif de l'Assemblée sera anéanti.
    Monsieur le président, nous demandons donc une suspension de séance pour réunir notre groupe.
    M. le président. Madame, j'ai pris note de votre demande. Je vous informe cependant que tous les orateurs, du groupe socialiste en particulier, ont multiplié par deux leur temps de parole et que je les ai laissés parler, compte tenu de l'intérêt du débat.
    Mme Ségolène Royal. C'est vrai !
    M. le président. Il me semblait en effet logique de laisser s'exprimer M. Balligand, M. Migaud et nos autres collègues. Le débat a ainsi pu s'organiser.
    Monsieur le président de la commission des lois, vous m'avez demandé la parole. Souhaitez-vous intervenir avant la suspension de séance ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je préfère m'exprimer à la reprise.
    M. le président. Je vais donc suspendre la séance pour dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le vendredi 22 novembre 2002 à zéro heure dix.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le président de la commission des lois.
    M. Jean-Pierre Brard. J'ai demandé la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !
    M. le président. Je vous donnerai la parole juste après, monsieur Brard.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, un certain nombre d'orateurs se sont exprimés sur l'article 3. Il est vrai que sa rédaction actuelle a pu légitimement surprendre certains membres de l' Assemblée nationale.
    M. René Dosière. « Surprendre » est un mot faible.
    M. Jean-Jack Queyranne. « Inquiéter » serait plus approprié !
    M. Didier Migaud. Mais comment un tel article a-t-il pu être écrit ? Et pourquoi ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je vais y venir, mon cher collègue.
    Quand on est dans l'opposition,...
    M. Didier Migaud. Vous voulez y revenir ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cela ne manquera pas d'arriver.
    M. Didier Migaud. Nous vous le souhaitons, monsieur le président.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Dans ce domaine, j'ai plus d'expérience que vous. (Rires.)
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il va falloir attendre un peu quand même !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je serai effectivement content d'attendre un peu.
    Quand on est dans l'opposition, soit on fait de l'obstruction, soit on réfléchit au jour béni où le peuple français vous fera confiance et vous redonnera le pouvoir. C'est ce que le Sénat a fait. Il a, sous l'autorité du président Poncelet, préparé une proposition de loi de décentralisation. Il avait pour cela associé à sa réflexion l'ensemble des présidents de groupe de la majorité sénatoriale de l'époque et le travail qu'il a réalisé a très largement inspiré le projet de l'opposition lorsqu'elle s'est présentée devant les électeurs.
    M. Didier Migaud. Ils n'ont pas du tout approuvé ce projet !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'alternance a eu lieu et le Gouvernement, en particulier le Premier ministre, considérant qu'il était temps d'ouvrir le deuxième chapitre de la décentralisation, a estimé légitime, naturel et de bon sens de s'inspirer des travaux du Sénat. Ceux-ci ont servi de socle à la réflexion gouvernementale.
    Le Gouvernement a retenu une partie un peu trop importante, aux yeux de votre commission des lois, de ces travaux s'agissant de l'article 3. La rédaction initiale de celui-ci était la suivante : « Les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités locales, leurs compétences ou leurs ressources sont soumies en premier lieu au Sénat. » Le Sénat a remplacé « collectivités locales » par « collectivités territoriales » et a ajouté le paragraphe suivant : « Ces dispositions sont également applicables aux projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France. »
    Tel est le texte sur lequel votre commission des lois a travaillé.
    Nous nous sommes d'abord demandé s'il était possible de supprimer cet article.
    MM. Didier Migaud, Philippe Vuilque et Jean-Pierre Brard. Bien sûr !
    M. Jacques Myard. Non !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous avons fait valoir deux arguments, l'un conjoncturel, l'autre de fond.
    L'argument conjoncturel est que le Sénat avait été - ne m'en voulez pas de revenir là-dessus, mais c'est une vérité - particulièrement maltraité par l'ancien Premier ministre.
    M. Jacques Myard. En effet !
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai. M. Warsmann a cité un grand nombre de textes qui ont été présentés par le Gouvernement au Sénat !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le mot « anomalie » n'a pas été oublié dans la vie politique, mes chers collègues - et il n'y a qu'à vous entendre pour, s'il en était besoin, s'en convaincre - l'aspect psychologique n'est pas neutre !
    M. Didier Migaud. On ne fait pas de la psychologie quand on fait du droit constitutionnel !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. A partir du moment où la Haute assemblée avait été maltraitée, le Gouvernement a considéré - et, de mon point de vue il a agi sagement - que l'on ne pouvait pas ne pas prendre en compte une partie de ses propositions. C'est ce qu'il a fait et je garde au fond de moi la conviction qu'il a eu raison.
    L'autre raison est technique : la Constitution prévoit un mode particulier d'élections pour les sénateurs. Tout le monde le connaît. Je ne m'y attarde pas sauf à remarquer que le système est compliqué et que la modification électorale que vous avez apportée, mesdames, messieurs de l'opposition, n'a rien arrangé. Dès lors on peut se dire, à juste titre, que si le Sénat est élu par les grands électeurs, c'est-à-dire essentiellement par des élus, c'est sans doute parce qu'il y a une vocation particulière qui est - c'est presque un truisme, un lapalissade, une banalité - de s'occuper d'abord et avant tout des textes qui traitent des collectivités territoriales.
    D'ailleurs, vous n'en disconvenez pas. Tous les gouvernements, vous le savez très bien, ont toujours ou presque toujours déposé les textes ayant trait aux collectivités territoriales d'abord sur le bureau de la Haute assemblée. Je n'ai jamais entendu personne s'en surprendre et encore moins s'en plaindre.
    M. Didier Migaud. On ne l'inscrivait pas dans la Constitution.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mme Royal m'a demandé de « vérifier » mes dires. En général c'est l'inverse. On vérifie puis on parle après. Mais passons.
    Elle a soutenu que nous ne trouverions pas un texte constitutionnel ayant d'abord été déposé au Sénat. J'ai donc vérifié pour lui faire plaisir et j'ai trouvé la réponse très facilement.
    Le Sénat a été saisi d'un texte constitutionnel en 1993.
    Mme Ségolène Royal. C'était un texte secondaire.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Pas tout à fait secondaire, madame Royal.
    M. René Dosière. Il n'avait pas l'importance de ce texte.
    M. Guy Geoffroy. C'était quand même un texte constitutionnel !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je poursuis. J'ai trouvé dans ma liste un autre projet de loi constitutionnelle, dont l'adoption a eu lieu le 1er juillet 1993, et un projet de loi modifié en seconde lecture.
    M. Didier Migaud. Vous ne répondez pas sur le fond.
    M. Jean-Luc Warsmann. Voilà Mme Royal à nouveau prise en flagrant délit de mensonge !
    Mme Ségolène Royal. Ces textes proposaient des modifications microscopiques.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Elles étaient tellement microscopiques, madame Royal, qu'elles tendaient à modifier les titres VIII, IX, X et XVI de la Constitution...
    M. Guy Geoffroy. Broutilles !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et concernaient en particulier la responsabilité pénale des ministres. Ce n'est pas, vous l'admettrez, un sujet mince.
    M. René Dosière. Vous n'êtes pas allé jusqu'à vous intéresser à la responsabilité pénale du chef de l'Etat !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Une commission a été nommée par le Président de la République et j'y ai été invité, non en tant que président de la commission des lois, mais parce que j'étais à l'époque intervenu en tant que député de l'opposition. J'y ai du reste présenté mes propres observations. On verra ce qu'elle en dira.
    M. René Dosière. En 1993, le problème de la responsabilité pénale du chef de l'Etat ne se posait pas.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Revenons au texte.
    Voilà donc l'origine : une proposition de loi du Sénat reprise par le Gouvernement. De quoi s'agit-il ?
    Pour éviter à chaque fois les longues digressions où personne ne s'y retrouve plus, je voudrais, dans un chapeau, résumer l'ensemble des travaux de la commission des lois. Et, avec la permission du président de la commission des finances - sans doute s'exprimera-t-il tout à l'heure, - je vous dirai aussi un mot des amendements présentés par la commission des finances et que nous avons votés.
    A la lecture du texte, nous nous sommes dit que c'était une bonne idée, mais qu'il fallait l'encadrer.
    Un premier mot nous a frappés : « ressources ». Qui dit ressource dit impôt ; or lever l'impôt est une prérogative des élus du suffrage universel direct, c'est-à-dire des députés. Le Premier ministre, à qui j'avais fait cette observation sitôt le texte déposé, en est spontanément convenu. Nous avons donc supprimé le mot : « ressources ».
    Mais si nous enlevions le mot : « ressources », nous devions aussi enlever les mots : « libre administration », dans la mesure où qui dit libre administration des collectivités locales dit ressources. Sont donc tombés les mots : « libre administration », deux mots fondamentaux qui ont quitté le texte original.
    Nous nous sommes ensuite penchés sur les mots : « leurs compétences ».
    M. Didier Migaud. En fait, vous nous expliquez que vous videz le texte de son contenu.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous l'avons resserré. C'est tout à fait vrai.
    M. Philippe Vuilque. Plus que cela !
    M. Jacques Le Guen. Pourquoi hurler ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Effectivement, ce n'est pas la peine d'hurler...
    Mme Ségolène Royal. Dans ce cas, allez jusqu'au bout !
    M. Didier Migaud. C'est de l'hypocrisie et un manque de courage !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Pas du tout. J'explique au contraire que, au fond de moi-même, je suis totalement convaincu...
    M. Didier Migaud. Que le Gouvernement ai pu nous présenter un tel texte, c'est grave, vous le reconnaissez !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... du bien-fondé de ce principe d'une première lecture au Sénat, comme c'est d'ailleurs la tradition de la République, mais en le précisant, le resserrant, ce qu'a fait votre commission des lois.
    Venaient ensuite le mot « compétences » et « organisation ». Nous avons considéré que « compétences », était trop large,...
    M. Didier Migaud. Il a fallu qu'on vous aide un peu !
    M. Pascal Clément. président de la commission, rapporteur. ... mais « organisation » nous a semblé acceptable. La notion d'organisation, au sens du code des collectivités territoriales, recouvre le nom, les limites territoriales de la collectivité et les règles applicables à ses organes et à ses actes. Voilà comment votre commission des lois en est venue à proposer que les lois ayant trait aux compétences des collectivités territoriales seraient soumises par le Gouvernement en première lecture au Sénat. Expliquer, après cela, que c'est la fin de la République...
    M. Didier Migaud. Qui a dit que c'était la fin de la République ?
    M. Philippe Vuilque. Jamais nous n'avons dit cela !
    M. Didier Migaud. En tout cas, quelle leçon de droit constitutionnel vous avez donnée au Premier ministre ! Quelle gifle ! Il aurait tout de même pu y réfléchir avant !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Allons ! l'enflure verbale finit par affaiblir ceux de vos arguments qui mériteraient que l'on y réfléchisse. Ce qu'a fait votre commission des lois.
    M. Didier Migaud. Comment le Premier ministre a-t-il pu présenter un texte dans cet état ? C'est honteux ! Vous le confirmez, merci !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. De son côté, la commission des finances, saisie pour avis...
    M. Didier Migaud. Le Premier ministre aurait pu y réfléchir avant !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Réfléchissons ensemble, si vous le voulez bien.
    La commission des finances est allée plus loin. Considérant que l'expression « principal objet » pouvait donner lieu à discussion, elle a choisi « objet exclusif ».
    M. Didier Migaud. Elle a raison. C'est d'ailleurs ce que disait le Conseil d'Etat !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission des finances avait quant à elle soulevé un autre problème, qui ne nous avait du reste pas échappé,...
    M. Didier Migaud. Mais au Premier ministre et au Gouvernement, si !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... à ceci près que la commission des lois avait là-dessus une interprétation différente : celui du pouvoir - substantiel - d'amendement du Gouvernement...
    M. Didier Migaud. Mais comment a-t-on pu élaborer un tel texte ? C'est grave !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel portant sur un texte financier.
    M. Didier Migaud. Vous êtes en train de nous expliquer que l'on nous a présenté un texte qui n'a aucun sens !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Si vous ne m'écoutez pas, c'est totalement décourageant.
    M. Didier Migaud. Quelle gifle pour le Gouvernement !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Si vous tenez vraiment à chahuter, monsieur Migaud, je peux me rasseoir !
    M. le président. Monsieur Migaud, vous n'avez pas de parole. Laissez le président de la commission des lois s'exprimer. Vous pourrez intervenir ensuite si vous le souhaitez.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je tiens en tout cas à expliquer très clairement le problème. La commission des finances, disais-je, craignant, au vu de cette décision du Conseil constitutionnel, que ne s'établisse un parallélisme, a présenté, entre autres, un amendement intéressant, sans préjudice de l'application de l'alinéa 3 de l'article 44,...
    M. Didier Migaud. On veut entendre le Premier ministre !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... sur la capacité d'amendement du Gouvernement. Bien évidemment, l'Assemblée nationale n'est pas concernée par la limitation du droit d'amendement. Voilà comment nous en sommes arrivés à la rédaction qui vous est proposée, laquelle prévoit que seules les textes ayant trait à l'organisation des collectivités territoriales seront soumis en première lecture au Sénat. Tout le reste n'est que polémique.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
    M. Didier Migaud. Il y a quand même quelqu'un qui a osé signer ça !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le texte original, je le conçois, pouvais susciter les réticences de bon nombre de députés. Mais aujourd'hui, grâce au travail de votre commission des lois et aux amendements que nous allons proposer, pour peu que le Gouvernement les accepte et que l'Assemblée les votes, il n'y plus sur motif à polémique.
    M. Didier Migaud. Le principe reste le même !
    M. Jean-Pierre Balligand. Disons que c'est moins pire !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Au demeurant, je ne peux qu'admirer la souplesse intellectuelle du groupe socialiste qui depuis deux jours a tout de même réussi à nous expliquer exactement le contraire de qu'il a défendu pendant cinq ans !
    M. Didier Migaud. Pas du tout !
    M. Philippe Vuilque. Quelle mauvaise foi !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je veux appeler l'attention de mes amis de la majorité sur le côté amusant de la situation : vous êtes en train de nous monter une énorme affaire...
    M. Didier Migaud. Il y a de quoi : vous videz tout un article de la Constitution de son contenu !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... alors que, jusqu'à présent, vous considériez que le phare de la pensée socialiste sur les collectivités territoriales était un homme ô combien respecté et respectable, Pierre Mauroy. Après avoir changé d'avis sur l'affaire corse, voilà que vous le critiquez ! Ne souhaitait-il pas en 1996 - mais peut-être a-t-il lui aussi changé d'avis depuis -...
    M. Philippe Vuilque. Il n'a jamais proposé de vider de son sens un article de la Constitution, lui !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... que tout projet de loi concernant les collectivités territoriales soit déposé en première lecture au Sénat ? Si aujourd'hui, vous considérez que M. Mauroy avait tort, vous avez fait vraiment la culbute à 180 degrés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis admiratif devant vos changements d'avis, mais cela ne témoigne pas d'une grande continuité de la conviction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Rappels au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, ce rappel au règlement porte sur le déroulement de nos travaux.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela fait trois fois que l'on invoque le même article au règlement monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Clément était à la manoeuvre à l'instant. J'avoue avoir été admiratif. Lorsqu'on voit quelqu'un faire ainsi face à la difficulté, on apprécie ses efforts, je vous assure. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste).
    Mme Ségolène Royal. C'est toujours très émouvant !
    M. Jean-Pierre Brard. Je suis étonné que le président de notre commission des finances ne vienne pas à la rescousse de son collègue de la commission des lois pour lui tendre une main fraternelle. (Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur le président, ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, pour comprendre, avant d'en venir au fond...
    M. le président. Monsieur Brard, restez-en sur la forme, sans parler sur le fond.
    M. Jean-Pierre Brard. Précisément, je suis sur la forme et vous m'interrompez. J'allais dire que nous pourrons revenir au fond quand les ministres auront répondu.
    M. le président. Mais enfin, monsieur Brard, quel est l'objet de votre rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. On peut se demander d'où vient l'inspiration de cet article 3. Qu'en aurait dit l'ancien président de notre assemblée, Philipe Séguin, qui était un expert de notre droit constitutionnel ? Et j'imagine comment Pierre Mazeaud, s'il avait été sur ces bancs, aurait hâché menu cet article !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Quel est le rapport avec le rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous lire, pour bien comprendre l'article 25 de la Constitution : « Le Sénat est le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. Aucune loi ne peut être promulguée avant de lui avoir été soumise. » J'entends déjà le président de la commission des lois dire qu'il ne reconnaît pas l'article 25 de la Constitution. Et il aurait raison ; mais il conviendra qu'il n'est pas sans parenté avec l'article 25 que je viens de lire.
    Certains ont parlé du 18 Brumaire, d'autres de Munich,...
    M. le président. Et le rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le président, je termine...
    M. le président. Concluez, s'il vous plaît !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, si vous ne m'interrompez pas tout le temps !
    Ce que je viens de lire, monsieur le président, n'est autre que l'article 25 de la Constitution issue du coup d'Etat du 2 décembre !
    M. Didier Migaud. C'est consternant !
    M. Jean-Pierre Brard. Le 18 Brumaire, Munich, Napoléon III... D'où ma référence à Philippe Séguin, grand spécialiste de ce dernier. Une telle proximité avec l'article 25 de la Constitution de Napoléon III devrait ébranler définitivement nos collègues attachés à la République et qui veulent faire vivre la démocratie, et les convaincre de ne pas soumettre une assemblée issue de l'expression du suffrage universel direct à une assemblée qui ne tient sa légitimité que d'un vote au deuxième degré.
    M. Gilbert Le Bris. Mazeaud, reviens-nous !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Queyranne, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Jack Queyranne. Monsieur le président, mon rappel au règlement, fondé sur l'article 13 de notre règlement, a trait au rôle du président de l'Assemblée nationale. Ce qu'il nous est demandé d'entériner ce soir, c'est un affaissement du pouvoir de l'Assemblée nationale, un affaiblissement qui n'est pas prévu par la Constitution de 1958 et que vous voulez faire passer,...
    M. Gilbert Le Bris. Nuitamment !
    M. Jean-Pierre Brard. A la sauvette !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... malgré tous les efforts du président Clément pour essayer d'en limiter les effets et de sauver le Gouvernement. Selon les termes de La Séance publique, de la collection Connaissance de l'Assemblée, « Le président de l'Assemblée nationale... n'est pas seulement, par les pouvoirs que lui confère le règlement, un acteur essentiel de la séance publique. Autorité constitutionnelle, héritier d'une longue tradition, il incarne la représentation nationale et symbolise le pouvoir et l'indépendance de l'Assemblée. » Telle est la lecture officielle du rôle du président de l'Assemblée. Je vous demande solennellement, monsieur le président, de prier à M. Debré, président de l'Assemblée nationale, de venir devant nous pour donner sa position sur cette tentative d'abaissement du pouvoir constitutionnel de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gilbert Le Bris. Absolument !
    M. Jean-Jack Queyranne. S'il ne lui est pas possible de venir cette nuit, il reste une solution, monsieur le président de séance - vous n'êtes évidemment pas en cause : réservez cet article jusqu'à ce que nous ayons entendu l'interprétation que fait le président Debré de cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est l'Assemblée nationale qui est en cause ce soir ; voilà pourquoi je vous demande avec solennité de bien vouloir transmettre notre requête au président Debré afin qu'il vienne nous expliquer sa position sur ce qui apparaît comme une réduction des pouvoirs de l'Assemblée.
    M. le président. Monsieur Queyranne, je mesure l'étendue de mes pouvoirs : il ne m'appartient pas de convoquer le président de l'Assemblée nationale.
    M. Jean-Pierre Brard. Certes non ! Mais amicalement ?
    M. Didier Migaud. Nous l'invitons !
    M. le président. Cela dit, je lui rapporterai évidemment vos propos.
    M. Jean-Pierre Brard. Depuis Edison, il y a le téléphone, monsieur le président ! (Rires.)
    M. le président. Il y a même le télégraphe, et des petits télégraphistes, monsieur Brard !
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, je demande une suspension de séance afin de permettre au président de l'Assemblée nationale - ce n'est pas vous qui êtes en cause - de nous rejoindre et de nous donner son point de vue.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est de l'obstruction !
    M. le président. Demandez une suspension de séance pour réunir votre groupe si vous le souhaitez, mais pas pour convoquer le président de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas dans vos pouvoirs.
    Mme Ségolène Royal. Je vous demande donc une suspension de séance de vingt-cinq minutes pour réunir mon groupe. Et nous allons prendre les contacts nécessaires pour éventuellement permettre à M. le président de nous rejoindre.
    M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Je suis saisi de six amendements.
    La parole et à M. Jacques Myard, auteur du premier amendement.
    M. André Chassaigne. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. Monsieur Myard, vous avez la parole. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Didier Migaud. Qu'est-ce que c'est que ça ? Le rappel au règlement prime !
    M. Guy Geoffroy. Ça suffit !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est de l'obstruction ! Et vous prétendez défendre le Parlement ?
    M. Didier Migaud. Qu'est-ce que c'est que ce coup de force ?
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une honte !
    M. Jacques Myard. Ça suffit !
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, calmez-vous !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une honte absolue !

Rappel au règlement

    M. le président. Monsieur Chassaigne, vous avez la parole pour un rappel au règlement.
    M. Guy Geoffroy. Sur la base de quel article ?
    M. André Chassaigne. Mes chers collègues, j'ai écouté, comme vous tous, les propos (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)... Les aboyeurs sont toujours de service, à ce que je vois...
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est scandaleux ! Vous ne respectez même pas les droits du Parlement ! Sur quel article ? Pour dire quoi ? C'est une honte ! Une honte absolue !
    M. André Chassaigne. Je poursuivrerai quand les aboyeurs se seront calmés.
    M. Jérôme Bignon. Soyez poli !
    M. le président. Monsieur Chassaigne, vous avez la parole.
    M. André Chassaigne. Ils discutaient entre eux. Ils n'ont sans doute pas écouté, alors que j'ai répondu à leur question...
    Comme tous les membres de cette assemblée, j'ai écouté les explications de M. Clément. Quoique particulièrement laborieuses, elles sont, quand on arrive à les décrypter, très intéressantes.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est un discours, ce n'est pas un rappel au règlement. Nous sommes dans un Parlement. Il faut respecter les règles ! C'est ça, la démocratie ! C'est irrespectueux ! C'est une honte absolue !
    M. Guy Geoffroy. Il n'a toujours pas dit sur la base de quel article !
    M. André Chassaigne. Le nouvel élu que je suis a là une démonstration remarquable du fait que le texte qui nous est soumis est absolument vide de tout contenu.
    M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le président, la discussion doit reprendre !
    M. le président. Monsieur Chassaigne, vous avez la parole,...
    M. Guy Geoffroy. Sur la base de quel article ?
    M. le président. ... mais vous devez vous en tenir à un rappel au règlement, je vous le rappelle.
    M. André Chassaigne. Eu égard aux explications de M. Clément, je souhaite que les ministres présents puissent nous apporter des éclaircissements complémentaires.
    M. Didier Migaud. Très bien !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une honte !

Reprise de la discussion

    M. le président. Je suis donc saisi de six amendements identiques, n°s 50, 67, 101, 113, 136 et 205.
    L'amendement n° 50 est présenté par M. Myard.
    L'amendement n° 67 est présenté par Mme Royal et les membres du groupe socialiste.
    L'amendement n° 101 est présenté par M. Giacobbi et Mme Taubira.
    L'amendement n° 113 est présenté par MM. Brard, Vaxès, Sandrier, Brunhes, Chassagne, Gérin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    L'amendement n° 136 est présenté par M. Delattre.
    L'amendement n° 205 est présenté par M. Vannson.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 3. »
    La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 50.
    Mme Ségolène Royal. Je demande la parole !
    M. le président. S'il vous plaît !
    Vous avez la parole, monsieur Myard.
    M. André Chassaigne. Je demande une suspension de séance !
    M. Jean-Luc Warsmann. M. Myard a la parole ! C'est la démocratie que vous piétinez ! C'est une honte absolue !
    M. Jacques Myard. Mon groupe risque de ne pas être d'accord avec l'amendement que j'ai déposé, mais, comme disait Disraeli : « Faut-il voter par discipline ou selon sa conscience ? »
    M. Jean-Pierre Brard. Exactement ! Voilà un homme honorable !
    M. Jacques Myard. Je voterai selon ma conscience, mais je n'ai pas besoin de votre aide, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes bien cérémonieux, aujourd'hui !
    M. Jacques Myard. Au demeurant, pour ma part, je ne fais de procès d'intention à personne et j'estime que l'importance de la cause requiert une certaine dignité : on pourrait tout de même discuter de la Loi fondamentale sans s'invectiver, et je regrette que certains se livrent à la polémique et aux excès dans l'expression.
    Mme Ségolène Royal. Quand c'est grave, il faut réagir !
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, si j'ai déposé un amendement de suppression de l'article 3, c'est tout simplement parce que je pense que la question n'est pas du niveau de la Constitution et que le Gouvernement n'a pas intérêt à édicter des règles rigides de saisine des deux assemblées.
    Je ne pense pas, surtout après ce que nous a dit M. Clément,...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Allons bon ! Ça va être ma faute ! (Sourires.)
    M. Jacques Myard. ... que les deux assemblées soient dans une position d'équilibre. Certes, l'Assemblée nationale aura toujours le dernier mot, mais il n'est pas souhaitable, pour la conduite des débats et pour la vie politique, qu'un article de la Constitution lie le Gouvernement et l'empêche de choisir, en toute opportunité, l'assemblée où il compte déposer un projet de loi, fût-il relatif aux compétences des collectivités territoriales.
    M. Philippe Vuilque. Très bien !
    M. Jacques Myard. Je crois qu'il faut ramener le débat à ses justes proportions : ce n'est pas un bouleversement fondamental de nos institutions, mais ce n'est pas utile. Sur ce point précis, je voterai en conscience. Je pense qu'il faut supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, je sollicite une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Bravo l'obstruction !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour deux minutes. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous allez en avoir d'autres !
    M. Guy Geoffroy. Vous avez eu 3 % et vous obtenez deux minutes, c'est bien payé !
    (La séance, suspendue à zéro heure quarante-huit, est reprise à zéro heure cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement


    M. François Loncle. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour un rappel au règlement. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Chantal Brunel. Non !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est scandaleux !
    M. François Loncle. Monsieur le président, je vous remercie. Mon rappel au règlement porte sur l'organisation de nos débats...
    M. Guy Geoffroy. C'est de l'obstruction systématique !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est lamentable ! Et vous prétendez défendre les droits du Parlement !
    M. le président. Monsieur Loncle, sur quel article, s'il vous plaît ?
    M. François Loncle. Sur l'article 58, alinéa 2, tenant à l'organisation de nos débats !
    M. Jean-Luc Warsmann. Laissez les gens s'exprimer !
    M. François Loncle. Justement, je suis désolé...
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est la démocratie qui est désolée !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Warsmann, rentre chez toi !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une honte, nous sommes en démocratie ! Respectez l'Assemblée nationale !
    M. François Loncle. Respectez le président, monsieur Warsmann !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une honte d'intervenir comme cela en permanence ! Laissez le débat se faire !
    M. Jean-Yves Le Bouillonec. C'est vous qui présidez ?
    M. François Loncle. Vous ne savez même pas ce que je vais dire !
    M. le président. Monsieur Warsmann, vous n'avez pas la parole !
    M. René Dosière. Nous perdons du temps !
    M. François Loncle. Monsieur le président, je vous remercie de respecter le règlement.
    M. Guy Geoffroy. Quel article ?
    M. François Loncle. L'article 58, alinéa 2, sur l'organisation de nos débats !
    La question que soulève l'article 3 est suffisamment grave - M. Myard vient de le démontrer à l'instant - pour qu'il me vienne la suggestion suivante, tenant précisément à l'organisation de nos débats.
    Nous sommes plusieurs ici - je vois M. Clément, M. Queyranne et quelques autres, -, à siéger dans cette assemblée depuis vingt ans, et nous n'en tirons aucun sentiment de supériorité.
    Mme Chantal Brunel. Cela n'a rien à voir !
    M. François Loncle. Et nous avons vu défendre, d'un côté et de l'autre de cet hémicycle...
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. François Loncle. ... la Constitution, le droit fondamental et l'Assemblée nationale...
    M. Jérôme Bignon. Ce n'est pas un rappel au règlement ! On est en démocratie !
    M. Guy Geoffroy. Qu'est-ce que cela veut dire ?
    M. François Loncle. Je songe, en cet instant, à ce que nous auraient dit et à ce que disaient à l'époque, pour défendre notre assemblée, Jean Foyer, Jacques Chaban-Delmas...
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement ! C'est lamentable !
    M. François Loncle. ... Gaston Defferre, Pierre Mazeaud.
    M. le président. Monsieur Loncle !
    M. François Loncle. Je le dis, parce que certains, hélas...
    M. Jean-Luc Warsmann. Arrêtez de provoquer !
    M. le président. Monsieur Loncle, vous m'avez dit que votre rappel au règlement s'appuyait sur l'article 58, alinéa 2.
    M. François Loncle. En effet, je veux faire une suggestion concernant la suite des débats.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement ! Ce n'est pas sérieux !
    M. le président. Vous m'avez dit tout à l'heure...
    M. François Loncle. J'y viens. Compte tenu des menaces que l'article 3 fait peser sur l'Assemblée nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement ! Nous sommes là pour discuter la loi ! Ce n'est pas un rappel au règlement ! Monsieur le président, s'il vous plaît, présidez !
    M. François Loncle. ... je pense qu'il est indispensable - et cela aurait dû être fait en commission des lois - que nous entendions les présidents de l'Assemblée nationale qui ont siégé ici depuis vingt ans. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce sont des manoeuvres dilatoires ! C'est ahurissant !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est grotesque !
    M. Etienne Blanc. C'est Françoise Dorin ! (Rires.)
    M. François Loncle. Je demande l'audition de ceux qui sont encore parmi nous, de M. Mermaz, de M. Fabius, de M. Philippe Séguin, de M. Henri Emmanuelli, et de M. Jean-Louis Debré, bien entendu. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Et de Jacques Chaban-Delmas, pendant que vous y êtes !
    M. Didier Migaud. Ce que vous dites est indigne, monsieur Warsmann !
    M. François Loncle. Il est indispensable qu'ils nous fassent part de leur expérience, qu'ils nous disent ce qu'ils pensent de cette atteinte fondamentale. Je souhaite qu'ils soient entendus le plus rapidement possible pour que nous puissions nous faire une idée de ce qui risque d'arriver à cette assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Il est pris acte de votre demande.
    M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. Fondé sur quel article, monsieur Migaud ?
    M. Didier Migaud. Sur l'article 58, alinéa 1, monsieur le président...
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est mieux !
    M. le président. Monsieur Migaud, M. Loncle a invoqué tout à l'heure l'article 58, alinéa 2.
    M. Didier Migaud. Je vous parle, moi, de l'alinéa 1.
    M. le président. Certes, mais je vais néanmoins vous lire l'alinéa 2 : « Si, manifestement, son intervention n'a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. »
    Je vous invite donc à vous exprimer sur l'alinéa 1, monsieur Migaud.
    M. Didier Migaud. Je vais le faire, monsieur le président, puis Mme Ségolène Royal, au nom du groupe socialiste, demandera peut-être une suspension de séance. Mais je voudrais signaler que M. Warsmann a osé demander, à l'instant, la convocation du président Jacques Chaban-Delmas.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'était pour montrer votre irrespect.
    M. Didier Migaud. C'est vous qui êtes irrespectueux, monsieur Warsmann. C'est scandaleux ! C'est honteux ! Comment osez-vous tourner en dérision un débat parlementaire comme vous venez de le faire, en proposant de convoquer un président honoraire décédé ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilbert Le Bris. Nous l'avons connu !
    M. François Loncle. Nous l'avons apprécié !
    M. Jean-Luc Warsmann. Je suis ravi que vous le respectiez, aujourd'hui !
    M. Guy Geoffroy. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
    M. Didier Migaud. Que M. Warsmann fasse un peu moins de cinéma.
    Monsieur le président, sur la base de l'article 58, alinéa 1, je vous fais remarquer qu'il est désormais une heure du matin. J'ai quelques souvenirs de conférences des présidents.
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous allez voir la manoeuvre !
    M. Didier Migaud. Normalement, une séance ne peut se prolonger au-delà de une heure, dès lors que la conférence des présidents a prévu que nous siégions le lendemain à neuf heures du matin. En prolongeant cette séance au-delà de une heure du matin, vous allez donc au-delà des pouvoirs que vous a confiés la conférence des présidents. Ainsi, nous souhaitons que la conférence des présidents soit réunie immédiatement, pour décider de la suite qui doit être donnée à ce débat, pour savoir si nous continuons.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est triste à pleurer !
    M. Didier Migaud. En ce qui nous concerne, nous y sommes prêts. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous sommes en pleine forme et nous pouvons parfaitement continuer.
    M. Guy Geoffroy. Aucun problème !
    M. Didier Migaud. Le moment venu, nous pourrons d'ailleurs poser le problème des conditions de travail, non seulement celles des députés, mais également celles du personnel de l'Assemblée nationale.
    M. Charles de Courson. Elle est bien, la RTT !
    M. Guy Geoffroy. Arrêtez votre cinéma !
    M. Didier Migaud. Vous estimez que c'est du cinéma ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Guy Geoffroy. Avec un très mauvais casting !
    M. Didier Migaud. Vous le direz au personnel de l'Assemblée nationale.
    M. Etienne Blanc. C'est Martine Aubry et les 35 heures !
    M. Didier Migaud. Il y a des conditions minimales de sérénité, monsieur le président, pour qu'un débat soit fructueux. Le manque de sérénité qui caractérise nos collègues de la majorité devrait peut-être vous conduire à lever la séance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Merci de vos conseils, monsieur Migaud. Il me souvient que, au temps où l'ancienne majorité était au pouvoir et où vous siégiez au banc de la commission, comme rapporteur général du budget, bien des séances se sont prolongées très tard.
    Par ailleurs, vous le savez, je n'ai pas le pouvoir de convoquer la conférence des présidents. Je demande donc à M. le président de la commission des lois et au Gouvernement s'ils souhaitent que nous poursuivions la séance. (M. le président de la commission des lois et M. le garde des sceaux opinent.)
    Nous poursuivons donc la séance.
    La parole est à Mme Ségolène Royal.

Demande de suspension de séance

    Mme Ségolène Royal. Au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance. Les explications de M. Clément m'y incitent. Cet article 3 est non seulement ridicule, il est scandaleux. Le proposer au vote de l'Assemblée est un atteinte à sa dignité. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est votre attitude sectaire qui est ridicule !
    M. Guy Geoffroy. Vous croyez avoir la science infuse !
    Mme Ségolène Royal. Nous défendons nos convictions, et, si vous êtes contents de votre article 3, interrogez-vous. Vous représentez les électeurs, le peuple qui vous a élus. Il est hors de question qu'un débat se déroule dans de telles conditions et que l'Assemblée revienne sur les pouvoirs qui lui sont confiés par la Constitution. Le groupe socialiste demande une suspension de séance. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous essayez de bloquer le débat !
    M. le président. Madame Royal, la répétition de suspensions pouvant mettre en échec les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement en matière d'ordre du jour prioritaire et les décisions de la conférence des présidents sur la tenue des séances publiques, les présidents de séance sont fréquemment appelés, en vertu des pouvoirs généraux que leur donne l'article 52 du règlement, à réduire la durée des suspensions demandées, à différer les suspensions, voire à s'opposer aux demandes elles-mêmes.
    Je vous ai octroyé tout récemment deux suspensions de séance ; je rejette donc votre demande d'une nouvelle suspension. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Reprise de la discussion

    M. le président. Nous poursuivons la discussion.
    La parole est à Mme Ségolène Royal, pour défendre l'amendement n° 67.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, je demande une suspension de...
    M. le président. Monsieur Chassaigne, vous n'avez pas la parole.
    Mme Ségolène Royal. Je suis très étonnée, monsieur le président. Je demande, à nouveau, une suspension de séance.
    M. le président. Je confirme ce que je viens de vous dire, madame Royal.
    Mme Ségolène Royal. Vous pouvez raccourcir la durée des suspensions de séance, mais nous redemandons une suspension. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Warsmann. De la part d'un ancien ministre, un comportement de ce type n'est pas admissible !
    M. le président. Madame Royal, j'ai accordé au groupe socialiste deux suspensions de séance dans la demi-heure qui vient de s'écouler,...
    Mme Ségolène Royal. Le sujet qui est en discussion est extrêmement grave, monsieur le président. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. ... j'en ai accordé une au groupe communiste.
    M. André Chassaigne. De deux minutes !
    Mme Ségolène Royal. Nous redemandons une suspension, monsieur le président. Le Gouvernement peut réserver l'article 3, et nous continuons les débats.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas Mme Royal qui commande, ici ! C'est le Parlement qui fait la loi !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est proprement incroyable !
    M. le président. Madame Royal, je vous ai répondu en me fondant sur le règlement. Vous avez la parole pour défendre l'amendement n° 67.
    Mme Ségolène Royal. Je suggère, monsieur le président (Exclamations sur les mêmes bancs),...
    M. Jérôme Bignon. Elle ne veut pas défendre son amendement, monsieur le président !
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, vous nous avez accordé une suspension de séance d'une durée de deux minutes, qui est un affront ! Je demande une nouvelle suspension.
    M. le président. Mme Ségolène Royal a seule la parole pour défendre l'amendement n° 67.
    Mme Ségolène Royal. Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 3. En effet, il est indigne de proposer à l'Assemblée nationale de voter un dispositif qui n'est pas constitutionnel - et cela à une heure du matin.
    M. Clément, le président de notre commission des lois, a présenté des explications extrêmement laborieuses. Mais, monsieur Clément, votre démonstration, en elle-même, apporte des arguments à l'appui de notre position, puisque vous avez dit que le texte de M. Raffarin n'était ni fait, ni à faire, et que vous lui aviez proposé d'y introduire des modifications dans un amendement.
    Vous avez également dit que ce texte n'était pas constitutionnel. Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit tout à l'heure que vous étiez le gardien du droit : si ce texte n'a rien à faire dans la Constitution et s'il met gravement en péril les pouvoirs de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de la seule chambre élue au suffrage universel direct, alors nous demandons la suppression de cet article 3.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l'amendement n° 101.
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, mes chers collègues, ce n'est pas d'une question anodine qu'il s'agit. Et j'ai le regret de vous dire qu'il me paraît tout de même un peu curieux de devoir parler à cette heure tardive.
    M. Georges Siffredi. Oh, il est tôt.
    M. Paul Giacobbi. Les dispositions relatives à la priorité d'examen entre les deux chambres sont extrêmement anciennes. Dans le droit constitutionnel général, il n'y a pas beaucoup de dispositions que l'on retrouve un peu partout dans le monde. Mais en tout cas, chez la mère des parlements, la priorité de l'examen, notamment, et surtout - et uniquement, en réalité - des dispositions financières, est une règle extrêmement ancienne et personne ne la considérerait comme anodine. Je dis cela parce que, tout à l'heure, on nous a expliqué qu'après tout, ce n'était pas grave de savoir par quelle assemblée on devait commencer, par principe et systématiquement, l'examen de telle ou telle mesure. D'ailleurs, c'est avec une certaine légèreté que l'on a admis que ce serait automatiquement le Sénat, jusques et y compris pour des dispositions financières, ce qui revenait à violer un principe extrêmement ancien.
    L'article 3 a aussi une portée pratique considérable. Tout à l'heure, sans trancher le débat de manière sûre, on nous a dit qu'il suffisait de demander à l'administration de l'Assemblée nationale si le fait que le Sénat ait la priorité d'examen pouvait revenir à un véritable droit de véto, dès lors que s'il refusait l'examen on pouvait considérer que le texte ne lui avait pas été soumis. Il me semble quand même qu'entre législateurs, on pourrait creuser un peu plus la question.
    Il y a une autre conséquence pratique. Cette loi de décentralisation va fonder une pratique nouvelle - sur le principe de laquelle, au demeurant, je suis tout à fait d'accord. Seulement, cette pratique nouvelle, cette politique nouvelle, cette nouvelle fondation va avoir pour résultat que le nombre des lois relatives aux « collectivités territoriales » - puisque c'est le terme qu'il faut maintenant employer systématiquement - va devenir extravagant, en tout cas considérable. De sorte que durant les prochains mois, du moins au cours du premier semestre 2003 - mais à mon avis pendant toute l'année 2003, pour ne pas dire au-delà -, le Sénat va devenir en réalité la première assemblée de France puisque, systématiquement, les projets de loi lui seront soumis en priorité.
    Mme Chantal Brunel. Les cinq minutes sont passées !
    M. Paul Giacobbi. Cela va d'ailleurs poser un gros problème, puisque l'on sait qu'il peut parfois faire preuve d'une certaine lenteur. Je m'excuse de le rappeler, mais la loi Bonnet, par exemple, n'a jamais vu le jour. Je ne parle pas de l'affaire Bonnet, qui renvoie à autre chose en ce moment. Je parle bien de la loi Bonnet, qui n'a jamais eu l'heur de voir le jour. Bref, l'ensemble de l'ordre du jour parlementaire va se trouver gravement perturbé.
    Et puis, mes chers collègues, je ne voudrais pas faire de polémique,...
    M. Guy Geoffroy. Non, ce n'est pas le jour !
    M. Paul Giacobbi. ... mais quand même : en ce moment, puisqu'on parle d'expérimentation, nous expérimentons pour ainsi dire par avance ce que cela peut donner quand le Sénat est saisi d'un texte en premier.
    Et les conditions politiques font que, finalement, nous avons le sentiment, depuis le début de l'examen de ce projet, que nous ne pouvons pas faire passer d'amendements. Quand je dis « nous », mes chers collègues, j'ai véritablement le sentiment que cela ne concerne pas que la partie gauche de l'hémicycle,...
    M. Jérôme Bignon. Ça, c'est notre affaire. Occupez-vous de vous, pas de nous !
    M. Guy Geoffroy. Exactement ! C'est notre affaire !
    M. Paul Giacobbi. ... puisque, aussi bien, il m'a semblé que des amendements forts raisonnables de la majorité étaient rejetés. De ce point de vue, la majorité est tout à fait équitable, puisqu'elle rejette des amendements venus tant de la partie gauche que de la partie droite de cet hémicycle. Vous voyez que je sais reconnaître vos qualités. Sur ce point, vous ne pouvez pas me reprocher d'avoir un esprit partisan.
    M. Guy Geoffroy. C'est bon, terminez !
    M. Paul Giacobbi. Si nous n'arrivons pas à faire adopter des amendements, ce n'est pas que leur rédaction soit défectueuse, c'est bien plutôt parce que ce texte a un noyau dur. C'est en tout cas le sentiment que nous avons, un sentiment qui est autre chose qu'une intuition créatrice. Car nous avons tout de même observé ce qui s'est passé au Sénat. Un noyau dur y a été négocié. Cela a été relaté dans toute la presse, en long, en large et en travers.
    M. François Loncle. Absolument ! Cela a été confirmé par trois personnes !
    M. Paul Giacobbi. Il y a un certain nombre de dispositions que le Sénat se proposait d'amender, qu'il avait même déjà pratiquement amendées. Et puis, il y a eu une réunion dont toute la presse s'est faite l'écho, qui a même fait l'objet d'une certaine publicité. Je ne dirai pas que l'on a essayé d'en tirer une certaine gloire politique, mais enfin, en définitive, ces dispositions semblent avoir été arrêtées.
    Dès lors, les seuls amendements qui peuvent être admis sont sans doute ceux qui ne portent pas sur ce noyau dur. Je dis sans doute, parce que je ne connais pas les limites exactes qui séparent dans tout cela le noyau dur et le noyau mou.
    M. Guy Geoffroy. Et lui, c'est un électron libre !
    M. Paul Giacobbi. Nous nous trouvons donc dans une situation un peu particulière. Franchement, c'est très décevant pour un novice,...
    Mme Chantal Brunel. Les cinq minutes sont écoulées !
    M. Paul Giacobbi. ... mais force est de constater qu'on ne peut pas dire grand-chose, ou plutôt on ne peut pas obtenir grand-chose - parce que, pour ce qui est de parler, on ne s'est pas trop gêner jusqu'à présent, monsieur le président.
    Plus sérieusement, je voulais poser deux ou trois problèmes, rapidement.
    M. Guy Geoffroy. Il serait temps !
    M. Jean-Luc Warsmann. Le mieux serait de conclure !
    Mme Chantal Brunel. Oui, les cinq minutes sont largement écoulées !
    M. Paul Giacobbi. D'abord, si cet article 3 n'est pas anodin, c'est parce qu'il touche au coeur d'un débat constitutionnel, celui du fédéralisme, que l'on a beaucoup évoqué. Le fédéralisme n'est pas une notion vague. Elle est définie par trois critères principaux, que l'on ne trouve pas toujours complètement satisfaits partout, naturellement.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Giaccobi.
    M. Paul Giacobbi. Je vais conclure, monsieur le président, mais, après tout, le point de savoir si notre pays est fédéral ou pas, ou s'il le sera, ou dans quelle mesure il pourrait le devenir du fait de ce texte, me paraît suffisamment important pour qu'on s'y arrête un instant.
    Il y a trois critères, disais-je. Le premier, c'est l'université de compétence des Etats fédérés. Le deuxième, c'est l'auto-organisation : aucune des dispositions qui nous sont soumises n'y correspond. Le troisième, qui se retrouve dans tous les Etats fédéraux sans exception, c'est ce qu'on appelle, parmi d'autres désignations, la double source de la volonté générale. Cela veut dire que, dans un Etat fédéral, la volonté générale s'exprime démocratiquement de deux manières. La première est une représentation au suffrage universel direct, généralement proportionnelle, non pas au sens d'un mode de scrutin proportionnel, mais au sens où le découpage de ses circonscriptions est tel que celles-ci sont proportionnelles au nombre d'habitants ou d'électeurs.
    M. Guy Geoffroy. Il faut conclure, monsieur Giacobbi !
    M. Georges Siffredi. Cela fait dix minutes que vous parlez !
    M. Paul Giacobbi. La seconde source de la légitimité, c'est celle qui résulte d'une Haute Assemblée.
    Mme Chantal Brunel. On en est à dix minutes ! Le règlement, c'est cinq minutes !
    M. le président. Monsieur Giacobbi, concluez, s'il vous plaît.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais il est tout le temps interrompu !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il en arrive à l'essentiel de son propos !
    M. Paul Giacobbi. Il est tard, sans doute, mais c'est tout de même, un point important !
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est que la cinquantième fois que vous dites cela !
    M. Paul Giacobbi. Il faut faire le lien entre les dispositions que l'on nous propose d'adopter et le fédéralisme. Jusqu'à présent vous n'avez pas fait ce lien. Vous nous dites, n'est-ce pas, que le Sénat doit avoir une source de légitimité particulière.
    M. Guy Geoffroy. Justement, ce n'est pas la peine de le répéter !
    M. Paul Giacobbi. Alors j'entends ici toutes sortes de gens qui s'opposent au fédéralisme, mais vous êtes en train de nous expliquer que la volonté générale doit avoir une double source, ce qui est précisément une des définitions du fédéralisme...
    M. Guy Geoffroy. Nous n'avons rien dit de tel ! C'est vous qui dites cela !
    M. Paul Giacobbi. Je conclus, monsieur le président,...
    M. le président. Oui, concluez s'il vous plaît.
    M. Paul Giacobbi. ... fort poliment, en vous disant que, tant qu'à faire, s'il devait y avoir fédéralisme,...
    M. Guy Geoffroy. Nous n'avons jamais dit cela !
    M. Paul Giacobbi. ... il devrait se refléter dans une assemblée dont la représentation ne soit pas aussi floue que l'est, par certains aspects, celle du Sénat tel qu'il est aujourd'hui.
    Alors, évidemment, on va pouvoir amender ces dispositions. Et il faut bien reconnaître que nos commissions, monsieur le président, ont très largement amendé...
    Mme Chantal Brunel. Ça y est, c'est reparti ! Mais c'est pas vrai !
    M. Guy Geoffroy. Qui a remis un euro dans la machine ? (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Giacobbi, vous aurez bientôt doublé votre temps de parole !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce qu'il dit est intéressant !
    M. Paul Giacobbi. Je vais conclure, monsieur le président.
    On a déclaré qu'il ne fallait pas inscrire dans le projet ce qui concernait les ressources, ni ce qui concernait la libre administration, ni ce qui concernait les compétences. Il ne fallait y laisser que ce qui concernait l'organisation. Je ne sais pas très bien comment on va faire pour distinguer tout cela.
    M. Jean-Luc Warsmann. On va le voir tout à l'heure !
    M. Paul Giacobbi. Cela va donner des dispositions de toute façon inapplicables. Cela va donner, en pratique, l'image durable, définitive, de ce qui me paraît, après avoir entendu M. Clément, avoir ressemblé à un marchandage. Et je crois que ce n'est pas convenable qu'il en reste trace dans la constitution française, d'autant plus qu'il s'agit d'une question de principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Rappel au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
    M. Guy Geoffroy. Je croyais qu'il voulait présenter des excuses, pour ce matin !
    M. le président. Sur quel article, monsieur Brard ?
    M. Jean-Pierre Brard. J'ai le choix entre deux articles, monsieur le président.
    M. Guy Geoffroy. Choisissez !
    M. le président. Choisissez vite, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais commencer par l'article 95, qui dispose : « La discussion des articles porte successivement sur chacun d'eux. Les interventions des commissions et des députés sur les articles du texte en discussion ou sur les articles nouveaux proposés par le Gouvernement ou les commissions, par voie d'amendements, ne peuvent excéder cinq minutes... »
    Plus loin, au quatrième alinéa : « La réserve d'un article ou d'un amendement, dont l'objet est de modifier l'ordre de la discussion, peut toujours être demandée. »
    Vous voyez le quatrième alinéa ?
    M. le président. Je le connais bien, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais ce n'était pas une interrogation, monsieur le président. Je sollicitais simplement votre attention.
    La réserve, dit le cinquième alinéa, « est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. Dans les autres cas, le président décide. »
    M. le président. Oui.
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous épargne la lecture du sixième alinéa.
    Mais, monsieur le président, il y a un problème touchant au déroulement de nos travaux. M. de Courson a posé des questions qui a montré que les différences d'opinions transcendent les groupes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Qui ont montré !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez tout à fait raison. Je vérifiais si votre attention était soutenue. (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. Elle le sera jusqu'à demain matin !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Myard,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Il est parti !
    M. Jean-Pierre Brard. ... dont nous connaissons la rectitude de pensée, a posé des problèmes qui sont ceux que nous avons posés.
    M. Jean-Luc Warsmann. Non !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Warsman, je me demande si vous avez lu l'article 3.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Mais où est le rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Si vous m'interrompez tout le temps, vous rallongez mon intervention.
    M. le président. Monsieur Brard, veuillez conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais bien, monsieur le président. Monsieur Warsmann,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Au fait, monsieur Brard, à chaque fois que vous prononcez les mots « monsieur Warsmann », mettez un euro dans une boîte. C'est pour les Restos du coeur. (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Warsmann, laissez conclure M. Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie de votre impartialité, monsieur le président.
    Monsieur Warsmann (« Encore un euro ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. le président. Concluez, s'il vous plaît !
    M. Jean-Pierre Brard. ... nous connaissons personnellement la plupart d'entre vous. Plus de la moitié d'entre vous pensent comme nous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Faut pas rêver, monsieur Brard !
    M. Georges Siffredi. Je m'en voudrais de penser comme un communiste !
    M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi le Gouvernement reste-t-il coi ?
    Mme Chantal Brunel. Mais où est le rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le garde des sceaux, tout à l'heure, vous vous êtes indigné quand vous avez été interrogé par l'un de nos collègues socialistes. Et vous avez rappelé l'article 21 de la Constitution, qui dispose que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. (« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le président, on a bien ri, mais maintenant ce n'est plus drôle !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est donc à juste titre, monsieur le garde des sceaux - et je m'adresse aussi à vous, monsieur Devedjian -, que vous parlez au nom de tout le Gouvernement.
    M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le président, ne peut-on pas considérer que M. Brard est en train de défendre l'amendement n° 113 ?
    M. Jean-Pierre Brard. Aussi bien, messieurs les ministres, pourquoi ne répondez-vous pas ?
    M. le président. Monsieur Brard, je me suis montré patient. Je vous demande à présent de conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais savoir pourquoi vous ne répondez pas aux interpellations des députés qui portent sur des questions fondamentales, des questions qui vous ont été posées par les uns et par les autres.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. A défaut, les deux présidents de commission qui sont ici ont la possibilité de s'appuyer sur l'article 95 pour décider de continuer le débat en commission, compte tenu du silence des ministres.
    M. le président. J'ai pris acte, monsieur Brard, de votre rappel au règlement.

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 113.
    M. Jean-Pierre Brard. J'ai l'habitude d'être courtois, monsieur le président. Je ne veux pas parler avant le ministre.
    M. le président. Vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 113, monsieur Brard. Vous ne la prenez pas ?
    M. Jean-Pierre Brard. Mais si !
    M. le président. Alors, allez-y ! Défendez votre amendement, s'il vous plaît !
    M. Jean-Pierre Brard. Je suis étonné, monsieur le président, que vous donniez à un député la préséance sur les représentants du Gouvernement.
    M. le président. Je vous donne la parole pour soutenir l'amendement n° 113. Allez à votre défense d'amendement.
    M. Jean-Pierre Brard. J'y arrive !
    M. le président. Vous avez cinq minutes.
    M. Jean-Pierre Brard. Bien. Je vous remercie.
    Ayant pu constater tout à l'heure l'intérêt mitigé qu'a suscité, en particulier sur les bancs de la droite, une citation du général de Gaulle, je vais me permettre de récidiver avec un texte beaucoup plus court.
    M. Guy Geoffroy. Ça suffit !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais vous connaissez, chers collègues de la majorité, la vieille connivence qu'il y avait avec le général de Gaulle, au grand dam de certains de vos prédécesseurs, qui n'étaient pas toujours du bon côté.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Parlez aussi du vôtre. Parce que Doriot n'était pas du bon côté !
    M. le président. N'interrompez pas M. Brard, il a cinq minutes.
    M. Guy Geoffroy. Le chronomètre tourne !
    M. Jean-Pierre Brard. M. le ministre délégué aux libertés locales vient de s'exprimer. Pour répondre à son interpellation, je rappelle que l'un de mes prédécesseurs à la tête de ma bonne ville de Montreuil, Daniel Renoult, compagnon de Jaurès, qui était au café du Croissant quand il a été assassiné, a été immédiatement arrêté en 1939 et jeté dans une forteresse à Castres. Par conséquent, s'agissant de cette période, il en est qui ne sont pas qualifiés pour faire des remarques, surtout quand elles sont tout à fait déplacées et qu'elles visent à mettre en cause le patriotisme de ceux qui...
    M. Charles de Courson. On pourrait parler du pacte germano-soviétique, qui était une monstruosité !
    M. Jean-Pierre Brard. Même si je n'en suis plus membre, je suis fidèle à l'héritage du parti qu'on appelait le parti des 75 000 fusillés.
    M. Charles de Courson. Il n'y en a pas eu 75 000 !
    M. Jean-Pierre Brard. Oh, monsieur de Courson, vous n'êtes pas le mieux qualifié pour parler de ces choses.
    M. Charles de Courson. Si, hélas !
    M. Jean-Pierre Brard. J'en reviens à mon propos. Car je répondais là simplement à une interpellation du ministre, qui avait retrouvé la voix, pour l'occasion.
    M. Georges Siffredi. Il reste trois minutes !
    M. Guy Geoffroy. Mais non ! Il reste deux minutes quarante-cinq !
    M. Jean-Pierre Brard. En 1969, le général de Gaulle se gaussait de voir « les partis se dresser aujourd'hui comme champions d'un Sénat qui serait, à les en croire, indispensable à l'équilibre de la République. En fait, c'est moi, poursuivait-il, qui, en faisant adopter la Constitution de 1958, ai rendu au Sénat, d'abord son nom, ensuite la possibilité d'intervenir réellement, non point dans l'adoption finale, mais dans la délibération des lois ».
    On mesure très bien, à la lecture de cette citation, les limites que le général de Gaulle souhaitait mettre au pouvoir du Sénat, probablement pour l'avoir pratiqué pendant onze ans en sa qualité de Président de la République.
    Après avoir justement relativisé la place du Sénat dans l'équilibre de la République, le général de Gaulle opère...
    M. Guy Geoffroy. Il reste une minute !
    M. Jean-Pierre Brard. Je sens, mes chers collègues, que les références au général de Gaulle agacent certains d'entre vous. (« Pas du tout ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cela ne m'étonne pas, parce que, lui, était un démocrate, comme vous le savez.
    M. Guy Geoffroy. Vous l'avez tellement combattu !
    M. Jean-Pierre Brard. Après avoir justement relativisé la place du Sénat dans l'équilibre de la République, le général de Gaulle opère une distinction essentielle entre intervention dans la délibération des lois, qui appartient très normalement au Sénat, et intervention dans l'adoption finale, dont il exclut à juste titre la seconde assemblée.
    M. Guy Geoffroy. Trente secondes !
    M. Jean-Pierre Brard. Aujourd'hui, on voudrait tout au rebours nous faire avaliser une préséance, un rôle déterminant du Sénat en matière de libre administration des collectivités territoriales.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1... zéro ! C'est fini ! (Rires.)

    M. Jean-Pierre Brard. Oh, vous avez tort ! Vous êtes grotesques !
    M. René Dosière. Vous êtes des zozos !
    M. Guy Geoffroy. Vous en êtes un autre !
    M. le président. Laissez parler M. Brard.
    M. Guy Geoffroy. C'est fini !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, vous m'avez interrompu !
    Aujourd'hui, on voudrait donc tout au rebours nous faire avaliser une préséance, un rôle déterminant du Sénat en matière de libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences ou de leurs ressources.
    Pourquoi ce revirement, pourquoi ce silence, sinon pour des raisons de pure opportunité politique ou pour ménager un éventuel cheminement ?
    Si le Sénat, saisi obligatoirement du fait de l'adoption de l'article 3, vote une l'exception d'irrecevabilité, rien dans le texte que vous nous proposez ne prévoit que le projet viendra ensuite à l'Assemblée nationale. Donc vous constitutionnalisez les mésaventures auxquelles M. Giscard d'Estaing a été soumis lorsqu'il était Président de la République et qu'il a voulu réformer l'administration des collectivités territoriales.
    Les institutions de la Ve République sont très loin, à nos yeux, d'être parfaites - nous ne les avions pas soutenues en 1958 - mais elles avaient, grâce à la vision du général de Gaulle et, il faut le dire, grâce à Michel Debré qui a joué un rôle important dans la rédaction de cette constitution, une cohérence. Or, c'est à elle que s'attaque l'article 3. Nous vous invitons donc à le rejeter pour ne pas créer une confusion juridique et institutionnelle tout à fait redoutable et qui donnerait en quelque sorte au Sénat le rôle qu'il avait dans la constitution qui résultait du coup d'Etat du 2 décembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. L'amendement n° 136 n'est pas défendu.
    M. Philippe Vuilque. Il est repris, monsieur le président.
    M. Jean-Luc Warsmann. Il ne peut pas être repris par M. Vuilque car, monsieur le président, l'amendement n° 67, déjà défendu, a été cosigné par l'ensemble du groupe socialiste.
    M. le président. C'est exact, monsieur Warsmann. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'amendement n° 205 n'est pas défendu.
    Je suis saisi par le groupe socialiste et par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public sur les amendements de suppression.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. Jean-Pierre Brard. Rappel au règlement !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est scandaleux !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le désordre !
    M. Philippe Vuilque. C'est scandaleux !
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas le groupe qui a déposé l'amendement.
    M. Jean-Pierre Brard. Dans quelques jours, ce sera l'anniversaire du coup d'Etat de Louis Napoléon !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement, constatant qu'il ne peut s'exprimer dans la sérénité, se contentera de dire qu'il est défavorable à ces quatre amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    De nombreux députés du groupe socialiste. C'est scandaleux !
    M. le président. Nous allons attendre quelques instants avant de procéder au scrutin public.
    Mme Ségolène Royal. Je demande une suspension de séance !
    M. le président. Non, madame Royal, le scrutin est annoncé.
    M. Jean-Jack Queyranne. On révise la Constitution et le Gouvernement ne s'exprime pas sur l'article 3 ? C'est scandaleux !
    M. le président. Je répondrai à l'issue du scrutin.
    Plusieurs députés socialistes. C'est scandaleux !
    M. Didier Migaud. On n'a jamais vu ça ! Vous êtes complice ce soir, monsieur le président !
    M. François Loncle. Nous ne sommes pas sur un champ de foire !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Pourtant, c'est à s'y méprendre !
    M. Didier Migaud. Le Gouvernement vient d'être mis plus bas que terre ! Et il n'y a aucune réponse ? ...
    Voilà, le Gouvernement en prend plein la figure, et il ne répond rien !
    M. Jean-Jack Queyranne On a chassé les députés de la majorité qui veulent voter les amendements ! C'est un vrai scandale !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix par un seul vote les amendements n°s 50, 67, 101 et 113.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Loncle. Ce scrutin est un coup de force !
    M. Didier Migaud. C'est honteux, monsieur le président !
    M. René Dosière. Je n'ai jamais vu ça !
    M. le président. Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   77
Nombre de suffrages exprimés   77
Majorité absolue   39
Pour l'adoption   24
Contre   53

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'union pour la majorité présidentielle. - « C'est honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

    M. Philippe Vuilque. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour un rappel au règlement.
    M. Philippe Vuilque. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.
    Puisque l'article 3 vient d'être adopté (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)...
    M. le président. Non, monsieur Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Ah bon, très bien !
    M. le président. Monsieur Vuilque, je vous indique par ailleurs que vous étiez cosignataire avec Mme Royal d'un amendement de suppression. Vous ne pouviez donc pas reprendre celui de M. Delattre.
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    Mme Ségolène Royal. Quel scrutin ! Ils ne sont que vingt et un en face, monsieur le président !
    M. François Loncle. Oui, c'est un scrutin de fraude !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, avec le respect qui est dû à votre fonction, je veux évoquer la façon dont vous présidez.
    Tout à l'heure, M. Warsmann a dit que l'amendement de M. Delattre ne pouvait pas être repris parce qu'il avait été déposé par M. Delattre et ses collègues. C'est faux.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est ce que vous dites qui est faux !
    M. Jean-Pierre Brard. Faux, comme tout ce que vous dites !
    Vous avez empêché, monsieur le président, que l'amendement soit repris sans aucune justification, si ce n'est celle donnée par M. Warsmann.
    M. Didier Migaud. Les droits de l'opposition sont bafoués !
    M. Jean-Pierre Brard. De même, vous avez lancé une discussion commune sans l'annoncer au préalable, violant ainsi toutes les règles de fonctionnement de notre assemblée.
    M. François Loncle. C'est une forfaiture ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a donc un problème, monsieur le président. Non seulement le Gouvernement ne nous répond pas, non seulement avec cet article 3 nos institutions sont victimes d'un coup de force,...
    M. Guy Geoffroy. C'est vous qui tentez un coup de force !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Du jamais vu !
    M. Jean-Pierre Brard. ... mais je vous vois, monsieur le président, dans le rôle de Lucien le 18 Brumaire (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) parce que vous prêtez la main au mauvais coup du Gouvernement.
    M. Guy Geoffroy. Quelle honte !
    M. le président. Il est pris acte, monsieur Brard, de ce que vous venez de dire.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 21 novembre 2002, de M. Georges Hage et plusieurs de ses collègues, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête afin d'évaluer les risques présentés par certains produits toxiques utilisés dans les entreprises et menaçant la santé des salariés.
    Cette proposition de résolution, n° 390, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 21 novembre 2002, de M. Thierry Mariani, rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, une proposition de résolution sur le ciel unique européen (COM [2001] 123 final/E 1851 et COM 564 final/E 1852, déposée en application de l'article 151-1 du règlement.
    Cette proposition de résolution, n° 393, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 21 novembre 2002, de M. Christian Philip, un rapport d'information, n° 391, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur la transposition de la directive concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.
    J'ai reçu, le 21 novembre 2002, de M. Thierry Mariani, un rapport d'information n° 392, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur le ciel unique européen.

5

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 21 novembre 2002, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, modifié par le Sénat.
    Ce projet de loi, n° 389, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, n° 369, relatif à l'organisation décentralisée de la République :
    M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 376),
    M. Pierre Méhaignerie, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 377).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à une heure trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
DÉCISIONS SUR DES REQUÊTES
EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
(Communication du Conseil constitutionnel
en application de l'article L.O. 185 du code électoral)
Décision n° 2002-2642 du 21 novembre 2002
(AN, Hautes-Alpes, 2e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Jean-Yves Dusserre, demeurant à Chabotes (Hautes-Alpes), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 2e circonscription du département des Hautes-Alpes pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Joël Giraud, député, enregistré comme ci-dessus le 16 juillet 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales enregistrées comme ci-dessus le 8 août 2002 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant qu'au second tour du scrutin qui s'est déroulé le 16 juin 2002 dans la 2e circonscription des Hautes-Alpes, M. Giraud a été élu avec 493 voix d'avance sur M. Dusserre ; que M. Dusserre impute ce résultat à la diffusion à 12 000 exemplaires, les 14 et 15 juin, d'un tract dont il estime le contenu injurieux à son égard ;
    2. Considérant que l'origine du tract incriminé, la date et le nombre d'exemplaires auxquels il a été diffusé demeurent incertains ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que le requérant en connaissait l'existence plusieurs jours avant le scrutin, de sorte qu'il se trouvait en mesure d'en réfuter le contenu, en temps utile, auprès des électeurs ; qu'il a d'ailleurs usé de cette faculté dès le 13 juin 2002 lors d'un débat avec M. Giraud, retransmis par une station radiophonique locale ; que, dès lors, sa diffusion n'a pas été de nature à modifier l'issue du scrutin ; que la requête de M. Dusserre doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Jean-Yves Dusserre est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2693 du 21 novembre 2002
(AN, Nord, 8e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Dominique Baert, demeurant à Wattrelos (Nord), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 8e circonscription du département du Nord pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Gérard Vignoble, député, enregistré comme ci-dessus le 25 juillet 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales enregistrées comme ci-dessus le 26 septembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 16 septembre 2002, approuvant le compte de campagne de M. Vignoble ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que M. Baert fait grief à M. Vignoble d'avoir enfreint les dispositions de l'article L. 51 du code électoral qui prohibent, pendant les trois mois précédant le premier jour du mois de l'élection, l'affichage électoral en dehors des emplacements réservés à cet effet ; que, d'une part, il n'est pas établi que l'affichage sur des panneaux à usage commercial, auquel l'intéressé reconnaît avoir recouru jusqu'au 26 février 2002, ait perduré après l'ouverture de la période d'interdiction légale, le 1er mars 2002 ; que, d'autre part, l'irrégularité constituée par la présence d'affiches électorales de M. Vignoble sur quatre panneaux d'affichage libre situés dans la commune de Croix n'a pu, en raison de son caractère limité, altérer la sincérité du scrutin ;
    2. Considérant qu'il est fait grief à M. Vignoble d'avoir utilisé au profit de sa campagne électorale tant le journal municipal Le Wasquehalien que la presse locale, en violation de l'article L. 52-1 du code électoral aux termes duquel : « Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voix de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. - A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin... » ;
    3. Considérant, en premier lieu, que seule l'édition de janvier 2002 du journal municipal Le Wasquehalien a annoncé, sans la commenter, la candidature de M. Vignoble à l'élection contestée ;
    4. Considérant, en second lieu, que, si, dans les mois précédant le scrutin, la presse locale a rendu compte de diverses manifestations culturelles et sportives telles que les « Quatre jours de Dunkerque », le « Rallye des Flandres », le « Salon de la gastronomie de Wasquehal », ou encore la « Soirée cabaret en l'honneur de la vie associative », à l'organisation desquelles M. Vignoble a participé en qualité de maire de Wasquehal, de telles interventions ne peuvent être regardées comme constituant une campagne de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion d'une collectivité au sens de l'article L. 52-1 précité ; qu'au demeurant, il ressort des pièces versées aux débats que la presse locale a relaté, d'une manière équivalente, le déroulement des manifestations de même nature organisées durant la même période par M. Baert en qualité de maire de Wattrelos ;
    5. Considérant qu'il n'est pas allégué, et qu'il ne résulte pas de l'instruction, que les manifestations précitées, dont la municipalité de Wasquehal a pris l'initiative ou auxquelles elle a accordé une participation, aient été accompagnées d'actions destinées à influencer les électeurs ; qu'en particulier, si, le 6 février 2002, cette municipalité a organisé l'inauguration d'une stèle à la mémoire des anciens combattants membres de la communauté harkie, M. Vignoble s'est abstenu d'y participer ; qu'ainsi, ces manifestations, dépourvues de caractère électoral, n'ont pas été organisées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, aux termes desquelles « les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
    6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a lieu de réintégrer dans les dépenses de campagne du candidat élu ni le coût de la publication du journal municipal Le Wasquehalien, ni celui des manifestations municipales précitées ; que, par voie de conséquence, le grief tiré du dépassement du plafond de dépenses fixé par l'article L. 52-11 du code électoral manque en fait ;
    7. Considérant que les opérations de dépouillement du 5e bureau de vote de la commune de Wasquehal ont été effectuées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 65 du code électoral qui prescrivent le regroupement par paquets de cent, dans une grande enveloppe, des enveloppes contenant les bulletins de vote ; que cette irrégularité n'a pas été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait eu pour objet ou pour effet de permettre des fraudes ou de provoquer des erreurs dans le calcul des suffrages ;
    8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Baert doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Dominique Baert est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2697 du 21 novembre 2002
AN, Paris (17e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Patrick Stefanini, demeurant à Paris, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 17e circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par Mme Annick Lepetit, député, enregistré comme ci-dessus le 26 juillet 2002 ;
    Vu les mémoires en réplique présentés par M. Stefanini, enregistrés comme ci-dessus les 31 juillet, 7 août et 9 août 2002 ;
    Vu les nouveaux mémoires présentés par Mme Lepetit, enregistrés comme ci-dessus les 11 septembre et 10 octobre 2002 ;
    Vu les nouveaux mémoires présentés par M. Stefanini, enregistrés comme ci-dessus les 19 septembre, 11 et 28 octobre 2002 ;
    Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 19 septembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 9 octobre 2002, approuvant le compte de campagne de Mme Lepetit ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 14 octobre 2002, approuvant le compte de campagne de M. Stefanini ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur la requête de M. Stefanini :
    1. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le compte de campagne de Mme Lepetit comporte le montant de la dépense correspondant à la distribution aux électeurs de la circonscription d'une lettre de soutien du maire de Paris ; que M. Stefanini n'est dès lors pas fondé à demander que Mme Lepetit soit déclarée inéligible pour avoir omis de faire figurer cette dépense dans son compte de campagne ;
    2. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pendant la nuit du vendredi 14 au samedi 15 juin 2002, ont été apposées sur les panneaux électoraux de M. Stefanini de petites affiches de couleur vive reproduisant un article publié dans la presse, comportant une liste de candidats de l'Union pour la majorité présidentielle ayant fait l'objet d'une mise en examen ; que le nom de M. Stefanini, qui figurait sur cette liste, avait été souligné et encadré de flèches par les responsables de cet affichage afin de le mettre en évidence ; que le titre et le commentaire qui avaient été ajoutés à l'article visaient à en accroître l'impact ; que ces affiches sont demeurées sur les panneaux électoraux pendant une partie de la journée du 15 juin et que certains panneaux en étaient encore pourvus le 16 juin ; que cet affichage a été en outre constaté aux mêmes dates en dehors des panneaux électoraux ; que, si le nom de M. Stefanini avait été mentionné, parmi ceux de personnalités politiques mises en examen en juin 2000, dans des articles publiés par certains quotidiens à cette époque ainsi que pendant la période précédant les opérations électorales des 9 et 16 juin 2002, il est constant que la mise en cause personnelle du candidat n'avait pas été au nombre des thèmes principaux de la campagne électorale dans la circonscription où celui-ci se présentait, antérieurement à l'affichage constaté les 15 et 16 juin 2002 ; que cet affichage massif, à une date ne permettant pas au candidat de répondre à cet élément nouveau de la polémique électorale dans la circonscription, a été de nature, compte tenu du faible écart de voix séparant M. Stefanini de la candidate élue, à fausser les résultats du scrutin ; qu'il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'entendre les observations orales de Mme Lepetit, d'annuler l'élection attaquée ;
            Sur le compte de campagne de M. Stefanini :
    3. Considérant que l'article L.O. 186-1 du code électoral permet au Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait nécessairement intervention préalable de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de tirer les conséquences d'une situation à l'égard de laquelle l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du même code, dans l'hypothèse où les opérations électorales de la circonscription ont été régulièrement contestées devant lui ;
    4. Considérant qu'il n'est établi ni que le coût de fabrication et de distribution du matériel de propagande de M. Stefanini serait supérieur au montant figurant dans les dépenses de son compte de campagne, ni que d'autres dépenses exposées en vue de l'élection y auraient été omises ;
    5. Considérant qu'il n'est pas davantage établi que les pages du numéro de mai-juin 2002 de la revue Municipalités magazine relatant la candidature de M. Stefanini auraient été réalisées avec l'accord du candidat ; que celui-ci ne saurait dès lors être regardé comme ayant bénéficié de ce fait d'un don d'une personne morale prohibé par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral ;
    6. Considérant qu'il n'y a lieu, dès lors, ni de rejeter le compte de campagne de M. Stefanini, ni de déclarer celui-ci inéligible,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les opérations électorales qui ont eu lieu les 9 et 16 juin 2002 dans la 17e circonscription de Paris sont annulées.
    Art. 2. - Les conclusions présentées par Mme Annick Lepetit tendant à ce que M. Patrick Stefanini soit déclaré inéligible sont rejetées.
    Art. 3. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2002 où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision N° 2002-2743 du 21 novembre 2002
AN, Seine-Saint-Denis (12e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Henri Lecomte, demeurant au Raincy (Seine-Saint-Denis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 27 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 12e circonscription du département de la Seine-Saint-Denis pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Eric Raoult, député, enregistré comme ci-dessus le 28 août 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 19 septembre 2002 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que le grief selon lequel M. Raoult aurait fait procéder à la pose d'affiches en dehors des emplacements prévus par les dispositions de l'article L. 51 du code électoral n'est assorti d'aucune précision ni d'aucune justification permettant au Conseil constitutionnel d'en apprécier la portée ;
    2. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la disparition inexpliquée, à la mairie de Livry-Gargan, d'un lot d'enveloppes de vote de couleur bleue, le préfet du département de la Seine-Saint-Denis a autorisé l'utilisation, dans l'ensemble des bureaux de vote de cette commune, d'enveloppes d'une couleur différente, en application de l'article L. 60 du code électoral ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune anomalie n'a été relevée lors du déroulement des opérations de vote dans la circonscription concernée qui soit de nature à constituer un indice de l'utilisation frauduleuse des enveloppes disparues ; que, dès lors, la sincérité du scrutin n'a pas été altérée ;
    3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. Lecomte doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Henri Lecomte est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2672 du 21 novembre 2002
(AN, Val-d'Oise, 5e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Robert Hue, demeurant à Montigny-lès-Cormeilles (Val-d'Oise), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 5e circonscription du Val-d'Oise pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Georges Mothron, député, enregistré comme ci-dessus le 18 juillet 2002 ;
    Vu le mémoire en réplique présenté par M. Hue, enregistré comme ci-dessus le 13 août 2002 ;
    Vu les nouveaux mémoires présentés par M. Mothron, enregistrés comme ci-dessus les 26 août et 23 octobre 2002 ;
    Vu le nouveau mémoire présenté par M. Hue, enregistré comme ci-dessus le 28 octobre 2002 ;
    Vu les observations présentées par le ministre, de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus les 19 septembre et 18 octobre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 10 octobre 2002, approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Mothron ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur les griefs relatifs au compte de campagne de M. Mothron :
    
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat... soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par des personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié... » ;
    2. Considérant que la commune d'Argenteuil a continué à diffuser, après l'élection en mars 2001 de M. Mothron comme maire d'Argenteuil, « La lettre du maire » publiée plusieurs fois par an selon une pérodicité irrégulière ; que ni la circonstance que le format et la maquette de cette publication ont été modifiés postérieurement au mois de mars 2001, ni le fait qu'elle ne comportait pas d'espace réservé aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale, ne suffisent à la faire regarder comme constituant, dans sa totalité, un instrument de propagande électorale ; qu'en revanche, les éditoriaux du maire qui occupent la première page des numéros d'octobre et novembre 2001 et mars 2002, relèvent de la propagande électorale en raison de leur caractère polémique relayant les thèmes de la campagne du candidat ; que, cependant, la proportion de ces publications qui doit être ainsi regardée comme présentant un caractère électoral n'excède pas celle dont le coût de fabrication et de diffusion pendant la campagne électorale a été payé à la commune par le mandataire financier et figure dans le compte de campagne du candidat ; que, dans ces conditions, la diffusion, pendant la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, des différents numéros de « La lettre du maire » ne peut être regardée comme un don de la commune d'Argenteuil, prohibé par les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du même code ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le compte de campagne du candidat ne retracerait pas l'ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection ;
    3. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. Mothron aurait donné son accord à l'affichage électoral en sa faveur effectué, entre les deux tours de scrutin, à l'extérieur de la permanence électorale d'un candidat qui n'était pas présent au second tour ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le coût de cet affichage aurait dû figurer dans le compte de campagne de M. Mothron ;
    4. Considérant que ni la participation d'un employé de la commune d'Argenteuil à l'organisation d'une réunion liée à la campagne, tenue le 13 juillet 2002 en présence de M. Mothron et de quelques autres personnes dans les locaux de la mairie, ni l'affichage électoral constaté sur des panneaux d'information d'un ensemble immobilier appartenant à l'Office public intercommunal d'habitations à loyer modéré d'Argenteuil-Bezons, ne justifient, eu égard au caractère minime de leur coût, par rapport tant au montant des dépenses déclarées qu'au plafond des dépenses applicable à la circonscription, le rejet du compte de campagne de M. Mothron ;
    5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Hue n'est pas fondé à demander que M. Mothron soit déclaré inéligible ;
            Sur le grief relatif à la campagne électorale :
    
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une affiche électorale appelant les électeurs à voter pour M. Mothron a été apposée sur plusieurs panneaux officiels d'information fermés à clé, situés dans l'entrée d'un important ensemble immobilier appartenant à l'Office public intercommunal d'habitations à loyer modéré d'Argenteuil-Bezons dont M. Mothron était le président ; que cet affichage, avec lequel étaient en contact à leur domicile, pendant toute la durée de la campagne, les locataires de l'ensemble immobilier, pouvait être interprété comme un élément de propagande électorale émanant de l'Office ; qu'il a constitué, par là-même, une pression sur les électeurs de nature, compte tenu de l'écart de 244 voix séparant les deux candidats à l'issue du second tour, à fausser les résultats du scrutin ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler l'élection de M. Mothron,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 5e circonscription du Val-d'Oise sont annulées.
    Art. 2. - Les conclusions présentées par M. Robert Hue tendant à ce que M. Georges Mothron soit déclaré inéligible sont rejetées.
    Art. 3. - La présence décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2002 où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

MODIFICATIONS
À LA COMPOSITION DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et décrets, du 22 novembre 2002)
GROUPE DE L'UNION POUR LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
(352 au lieu de 353)

    Supprimer le nom de M. Georges Mothron.

GROUPE SOCIALISTE
(139 au lieu de 140)

    Supprimer le nom de Mme Annick Lepetit.

CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 26 novembre 2002, à 12 h 30, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :

Communication du 20 novembre 2002

N° E 2136. - Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. - Plan d'action pour pallier les conséquences sociales, économiques et régionales de la restructuration du secteur de la pêche de l'Union européenne (COM [2002] 600 final).
N° E 2137. - Lettre de la Commission européenne du 21 octobre 2002 relative à une demande de dérogation présentée par la Suède en application de l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (D 21379).
N° E 2138. - Lettre de la Commission européenne du 6 novembre 2002 relative à une demande de dérogation présentée par le Danemark et la Suède, en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière de TVA, afin de simplifier la taxe perçue (SG [2002] D/232527).

annexes au procès-verbal
de la 3e séance
du jeudi 21 novembre 2002
SCRUTIN (n° 45)


sur l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (expérimentations prévues par la loi ou le règlement).

Nombre de votants

69


Nombre de suffrages exprimés

68


Majorité absolue

35


Pour l'adoption

53


Contre

15

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 49 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - M. Jacques Myard.
    Non-votants : MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
    Contre : 1. - M. Emile Zuccarelli.

SCRUTIN (n° 46)


sur les amendements n° 50 de M. Myard, n° 67 de Mme Royal, n° 101 de M. Giacobbi et n° 113 de M. Brard tendant à supprimer l'article 3 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (priorité d'examen du Sénat sur les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales et les instances représentatives des Français établis hors de France).

Nombre de votants

77


Nombre de suffrages exprimés

77


Majorité absolue

39


Pour l'adoption

24


Contre

53

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 47 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 20 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 2. - MM. Patrick Lemasle et Victorin Lurel.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
    Pour : 1. - M. Emile Zuccarelli