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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 3 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Rappel au règlement «...»

M. Maxime Gremetz.

Reprise de la discussion «...»

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean Le Garrec, le ministre, le rapporteur.

Rappel au règlement «...»

M. Gaëtan Gorce.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

M. Gaëtan Gorce.

Reprise de la discussion «...»

Exception d'irrecevabilité (suite) : MM. Hervé Novelli, Alain Vidalies, Maxime Gremetz. - Rejet par scrutin.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt de propositions de résolution «...».
3.  Dépôt d'un rapport «...».
4.  Dépôt d'un avis «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE
GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

NÉGOCIATION COLLECTIVE
SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n°s 375, 386).
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'ai conscience d'aborder aujourd'hui avec vous un sujet qui est au coeur de notre pacte social, celui du licenciement économique et de ses conséquences sur l'emploi : c'est un sujet qui touche individuellement et collectivement le quotidien de nos concitoyens ; peut-être plus qu'en tout autre domaine, c'est un sujet sur lequel ils attendent que nous assumions nos responsabilités pour trouver les réponses conformes au seul intérêt général ; c'est le sujet par excellence à propos duquel l'opinion est en droit d'attendre que nous sachions dépasser les clivages partisans ; en tout cas, c'est un sujet sur lequel on n'a plus le droit de mentir aux Français.
    C'est pourquoi vous me permettrez de commencer par revenir sur quelques vérités élémentaires. Je vais peut-être en déranger certains, mais, en matière de licenciement, les débats de la précédente législature ont trop montré combien il en coûtait d'éluder les difficultés.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. C'est ce que vous appelez « dépasser les clivages partisans » ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les licenciements, les restructurations font malheureusement partie de la vie économique d'une entreprise, d'un territoire, d'un pays.
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité Il faut dire et répéter que nul en France ne licencie par facilité.
    M. François Goulard. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les entreprises licencient lorsqu'elles y sont contraintes soit parce qu'elles sont en situation de crise, soit parce qu'elles anticipent des évolutions et cherchent à préserver leur compétivité. Telle est la réalité de l'économie mondiale. Elle impose une adaptation continue de l'offre à la demande. Elle commande un progrès permanent en matière de productivité. Elle sanctionne toujours l'inadaptation des savoir-faire. Cette réalité, nul n'y échappe, quels que soient ses choix, quelles que soient ses préférences partisanes.
    Mesdames, messieurs les députés, assumer la réalité de l'économie de marché est un impératif pour lutter efficacement contre ses conséquences les plus inacceptables.
    M. Hervé Novelli. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Fort de cette lucidité, on peut anticiper les conséquences sociales des restructurations, s'efforcer de prévenir les risques d'exclusion des catégories de salariés les plus vulnérables, lutter contre leur impact sur les bassins d'emplois les plus touchés.
    C'est dans cet esprit que j'ai mis en place une mission interministérielle sur les mutations économiques, afin d'anticiper les difficultés sur le terrain et de mieux coordonner les actions publiques en direction des entreprises en difficulté. C'est cet esprit qui a guidé l'élaboration du projet que je vous présente aujourd'hui pour écarter les fausses promesses et les fausses solutions de la loi dite de modernisation sociale.
    L'opposition aurait dû saisir la chance qu'elle avait d'être aux commandes alors que la situation économique permettait d'examiner sereinement les lacunes de notre droit et de nos pratiques, comme les évolutions à y apporter. Je ne rappellerai pas les péripéties et les psychodrames qui ont marqué l'adoption de cette loi au sein de la majorité de l'époque, plus que plurielle sur la question.
    M. Gaëtan Gorce. Essayez de prendre de la hauteur !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je dirai simplement que les surenchères politiques sont inadmissibles quand on touche à la vie des entreprises et aux emplois des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lemoine. Oui, c'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Et là, vous ne vous livrez pas à la polémique ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Inadmissibles et suicidaires, poussant notre économie dans la spirale du déclin, tout en créant l'espoir d'une protection parfaitement illusoire, ces calculs à courte vue se sont impitoyablement retournés contre leurs auteurs.
    M. François Goulard. Absolument !
    M. Hervé Novelli. C'est vrai, partout !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous me permettrez de voir là l'exemple même du noeud de contradictions qui devait conduire la majorité précédente au grand écart qui a eu les conséquences que l'on sait.
    Si le Gouvernement laissait les choses en l'état, combien d'entreprises en difficulté continueraient d'être contraintes à cesser toute activité plutôt que de s'aventurer dans le labyrinthe de la loi du 17 janvier 2002 ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. On va voir !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Combien d'investisseurs internationaux continueraient à s'implanter hors de France...
    M. Maxime Gremetz. Oh, la, la !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... lassés par notre tendance à rendre nos règles toujours plus lourdes et plus imprévisibles ?
    M. Hervé Novelli. C'est déjà arrivé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Combien pouvons-nous perdre de temps en laissant se dégrader l'attractivité économique de notre territoire ?
    M. Gaëtan Gorce. Vous passez votre temps à le faire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, surtout, combien de salariés pouvons-nous risquer de laisser se retrouver sans emploi du fait des effets pervers de cette loi, victimes du mirage qui fait croire qu'en durcissant la législation sur les licenciements, on peut les éviter ?
    Nous touchons là au coeur de ce qui nous sépare des derniers partisans de l'économie dirigée... (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... sans parler de ceux qui cèdent à un expédient politique tout en étant parfaitement conscients de la réalité.
    En vérité, je dis qu'il y va de l'intérêt de tous ici d'écarter d'emblée les idées fausses et dangereuses qui dénaturent le débat sur les règles de licenciement en France : ...
    M. Hervé Novelli. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... penser que l'on protégera l'emploi en faisant croire aux salariés que la multiplication des sauts d'obstacles et des procédures, lors de l'élaboration d'un plan social, peut constituer une garantie pour leur avenir,...
    M. Hervé Novelli. C'est une imposture !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... penser que l'obligation de consulter les représentants du personnel doit d'abord permettre à ces derniers de bloquer la procédure...
    M. Maxime Gremetz. Non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ou de recourir au juge, plutôt que de chercher à mettre employeurs et représentants du personnel en situation de négocier au mieux de l'intérêt de l'entreprise et des salariés,...
    M. François Liberti. Négocier le licenciement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... agiter l'épouvantail des licenciements boursiers,...
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... arbre qui cache la forêt, pour stigmatiser l'ensemble des entreprises et leurs responsables qui se battent pour en assurer la pérennité et la compétitivité.
    M. Maxime Gremetz. Whirlpool, Valeo ! Ah, les pauvres !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. De l'aveu même de ses auteurs, ces idées-là ont inspéré la loi de janvier 2002. Son échec patent n'a pas d'autre origine.
    M. Maxime Gremetz. N'est-ce pas, mon ami ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne crois pas que vous vous grandissiez en participant au débat de cette manière.
    M. Maxime Gremetz. Alors ne polémiquez pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous aurez tout à l'heure l'occasion de vous exprimer. Je vous écouterai dans le plus grand silence et avec le plus grand respect. En attendant, monsieur le député, laissez-moi faire le discours que j'ai l'intention de faire et défendre mes opinions.
    M. Maxime Gremetz. Alors ne polémiquez pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour l'instant, c'est vous qui polémiquez !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, c'est M. le ministre qui a la parole.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, l'effet sur l'emploi de la loi dite de modernisation sociale a été nul.
    M. Hervé Novelli. Oui, nul !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Son caractère parfaitement illusoire est attesté par l'évolution même des chiffres du chômage, des licenciements économiques et des plans sociaux.
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'alourdissement des mesures procédurales a été sans le moindre effet sur les suppressions d'emplois dans les grandes entreprises...
    M. François Goulard. Hélas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... dont les dépôts de bilan ont augmenté de 40 % en un an.
    M. Hervé Novelli. Et ils en sont là encore !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On constate parallèlement une augmentation anormale des licenciements pour faute ou pour motif personnel. La réalité, c'est qu'entreprises et salariés s'entendent ainsi pour contourner la législation sur le licenciement économique.
    Mais la loi a, en outre, totalement ignoré les licenciements pour motif économique dans les entreprises moyennes et petites. Ces salariés ne bénéficient pas des mêmes possibilités de reclassement et de reconversion, ni des mêmes garanties que les salariés des grandes entreprises. Faut-il rappeler que 85 % des licenciements économiques entrent dans ce cadre ?
    Dans les grandes entreprises touchées par une restructuration, le plan social est le plus souvent de qualité. Pourtant, ce sont elles qui attirent l'attention des médias et que les bons esprits se font un plaisir de mettre en cause, allant même jusqu'à l'irresponsabilité manifeste d'appeler au boycott de leurs produits. Il est grand temps de sortir des facilités idéologiques et des présentations simplistes pour reconnaître que chaque situation, dans chaque entreprise, a sa spécificité.
    La loi dite de modernisation sociale est si contestée, de tous les côtés, ses effets pervers sont si manifestes que de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer son abrogation et le retour au droit antérieur.
    M. Maxime Gremetz. Le MEDEF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette approche a le mérite de la clarté et de la simplicité, mais elle a l'inconvénient de poursuivre la pratique dogmatique de nos prédécesseurs qui ont imposé sans la moindre concertation sociale une loi de circonstance.
    Sur un sujet aussi essentiel que les règles de licenciement, ce serait perdre le fil conducteur de toute la politique sociale du Gouvernement, qui est de faire toujours confiance à la responsabilité des partenaires sociaux avant que l'Etat n'assume la sienne.
    M. Gaëtan Gorce. Le drame, dans ce pays, c'est qu'il n'y a pas de politique sociale !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Renvoyer le plus possible aux partenaires sur le terrain, c'est la méthode que je vous ai proposée pour l'assouplissement des 35 heures. C'est celle qui a inspiré la loi relative aux contrats jeunes en entreprise. Offrir toujours plus d'espace à la concertation, impulser un processus créatif entre les partenaires sociaux, plutôt que de tout imposer d'en haut, renforcer ainsi leur légitimité et leur responsabilité : nous déplaçons, mesure après mesure, le curseur entre la loi et le contrat.
    M. François Goulard. Bravo !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'enjeu n'est rien de moins que de mettre en mouvement la société participative et de confiance que le Président de la République et la majorité appellent de leurs voeux. C'est pourquoi je vous propose non pas d'abroger les dispositions les plus contre-productives de la loi dite de modernisation sociale, mais de les suspendre pendant une période de dix-huit mois et de les renvoyer à la négociation interprofessionnelle.
    M. Gaëtan Gorce. Quelle hypocrisie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette méthode repose d'abord sur un constat. Notre droit du licenciement économique est unanimement contesté. Chacun en dénonce soit les carences, soit les insuffisances, soit les dangers. Ce droit complexe et procédurier augmente les méfiances réciproques et alimente inutilement les angoisses des salariés.
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'empêche nullement les licenciements, mais accroît les éléments de conflits.
    M. François Goulard. Il enrichit les avocats !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La multiplication des procédures et des contentieux judiciaires, que la loi dite de modernisation sociale a encouragée, ne fait que retarder inutilement les échéances. Elle n'apporte aucune solution aux salariés sur la seule chose qui compte, les possibilités de reclassement. Il faut rompre avec ce cycle infernal. Notre approche s'appuie d'abord sur un engagement : celui du primat du dialogue social et de la responsabilisation des partenaires sociaux. C'est pourquoi je vous propose de prendre le contrepied de la démarche qui a présidé à l'élaboration de la loi du 17 janvier 2002.
    Les règles qui sont au coeur du dialogue social doivent être établies par les partenaires sociaux représentatifs concernés au premier chef.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre approche s'appuie donc sur une certaine conception des relations sociales. Je suis convaincu qu'il est possible de se mettre d'accord entre partenaires sociaux sur la méthode à utiliser pour construire le dialogue dans une entreprise autour d'un projet de restructuration et de ses incidences sur l'emploi.
    La loi, aujourd'hui, ne le permet pas lorsqu'elle ne l'empêche pas. Elle n'est tout simplement pas axée sur la recherche d'un accord entre l'employeur et les salariés. Elle s'écarte délibérément des pratiques de la plupart de nos voisins européens et de la directive communautaire sur les licenciements qui dispose que, « lorsqu'un employeur envisage d'effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder en temps utile à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d'aboutir à un accord ».
    Il faut permettre et susciter des accords de méthode qui pourront être conclus sur la base de la reconnaissance mutuelle des acteurs de l'entreprise, de leur légitimité, de leur capacité à se respecter à travers le constat de leurs différences, de leurs divergences, mais aussi de la recherche d'un compromis. J'entends renouer ainsi avec la tradition française du paritarisme, si brutalement rompue par les lois sur les 35 heures et celle dite de modernisation sociale.
    On a parfois oublié combien cette tradition a permis d'impulser de grandes réformes dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle, précisément à partir d'accords nationaux interprofessionnels. Je citerai l'accord du 10 février 1969, qui a précisé le contenu et les délais de la procédure de consultation du comité d'entreprise avant toute compression d'effectifs ; l'accord du 10 octobre 1974, qui, alors que le chômage connaissait une croissance rapide liée au premier choc pétrolier, institua une indemnité spécifique versée aux salariés licenciés pour motif économique ; l'accord interprofessionnel du 20 octobre 1986, conclu après l'abandon de l'autorisation administrative de licenciement. Ces accords nationaux ont à la fois utilement préparé l'intervention ultérieure du législateur et contribué aux négociations de branche sur l'emploi.
    Voilà, mesdames et messieurs les députés, la méthode que je vous propose pour réviser la loi dite de modernisation sociale.
    Le projet que je vous soumets s'appuie également sur une évidence : les garanties auxquelles peuvent légitimement prétendre les salariés face aux licenciements résident aujourd'hui davantage dans leur capacité d'adaptation aux changements. Pour cela, il faut se concentrer sur la formation et sur l'effectivité des reclassements que l'entreprise doit effectuer plutôt que sur l'alourdissement de procédures contradictoires, qui encouragent des logiques de conflit et de recours contentieux au détriment d'une logique de négociation.
    Dans ce domaine aussi, c'est à la négociation entre les partenaires sociaux de forger les compromis susceptibles d'élargir l'accès de la formation continue aux salariés qui en sont aujourd'hui exclus, d'assurer la mise en oeuvre des mécanismes de l'assurance emploi, sur laquelle s'est engagé le Président de la République, et de garantir aux salariés, y compris ceux des PME, de véritables opportunités de reclassement et de reconversion.
    Permettez-moi d'en venir maintenant aux dispositions précises du projet de loi.
    L'article 1er renvoie à la négociation interprofessionnelle différentes dispositions de la loi du 17 janvier 2002, dont il suspend l'application pendant une période de dix-huit mois. Si, pendant cette période, les partenaires sociaux parviennent à un accord, comme je le souhaite, une nouvelle loi devra en déduire le régime définitif en matière d'information et de consultation des représentants du personnel en cas de restructuration et de plan social. S'ils ne parviennent pas à un accord, le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités pour vous proposer de nouvelles règles. Car, ne nous y méprenons pas, il faudra en tout état de cause définir de nouvelles règles.
    C'est la raison essentielle qui m'a conduit à écarter l'abrogation au profit de la suspension. En effet, le simple retour aux règles d'avant 2002 ne serait pas satisfaisant. Mettre en place un nouveau dispositif fondé sur la recherche d'accords collectifs est un préalable à toute véritable politique de prévention et de gestion prévisionnelle des restructurations.
    Cette adaptation des règles d'avant 2002 passe en toute hypothèse par la concertation. Sur un tel sujet, il faut bien sûr privilégier d'abord le recours à la négociation interprofessionnelle. Les dispositions que je vous propose de suspendre portent donc sur les modifications apportées aux règles organisant la concertation et le dialogue entre l'employeur et les représentants élus du personnel. Je rappelle que ces modifications n'avaient fait l'objet ni d'un accord entre partenaires sociaux ni même d'une concertation avec eux, et qu'elles furent critiquées par l'ensemble des organisations syndicales.
    La loi du 17 janvier 2002 a prévu la mise en place d'un médiateur. Elle a organisé la séparation et la succession dans le temps des procédures de consultation prévues par le code du travail. Elle a introduit de nouvelles étapes dans l'exercice par l'administration de son pouvoir de contrôle. Toutes ces mesures conduisent à des allongements de délais et à des risques incontestables de blocage et d'insécurité juridique pour les entreprises. Ces dispositions seront par conséquent immédiatement suspendues, pour mettre fin à leurs conséquences préjudiciables et créer les conditions favorables à leur renégociation au plan interprofessionnel.
    Par ailleurs, l'article 109 de la loi du 17 janvier 2002, qui écartait les qualités professionnelles des critères prévus par la loi pour déterminer l'ordre des licenciements, tout en laissant aux employeurs la possibilité d'y avoir recours, est source d'une grande confusion. C'est pour clarifier l'application de ces critères, qui font d'ailleurs l'objet d'un encadrement dans la plupart des conventions collectives, que cet article 109 est également suspendu.
    J'ajoute qu'en suspendant certains articles de la loi dite de modernisation sociale et en appelant à l'ouverture de négociations, notre projet n'entend en aucun cas limiter l'objet et le champ de la négociation, mais au contraire les étendre. Le dialogue social, qui doit porter ses fruits à l'occasion d'une restructuration et d'un projet de licenciement, ne saurait en effet se limiter aux procédures d'information et de consultation des représentants du personnel. L'enjeu est aussi de développer la formation, de traduire de façon concrète l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi ainsi que l'obligation de reclassement des salariés dont l'emploi est supprimé.
    Vous savez combien j'ai encouragé les partenaires sociaux à reprendre leurs négociations sur la formation professionnelle. Le développement d'une logique d'assurance emploi constituera la seule garantie véritable pour les salariés face aux évolutions du marché du travail. L'assurance emploi relève d'une responsabilité partagée entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. L'Etat sera naturellement très attentif aux solutions issues des négociations.
    L'article 2 du projet de loi s'inspire exactement de la même conception des relations sociales. En reconnaissant, à titre expérimental, la possibilité de conclure des accords d'entreprise relatifs à l'information et à la consultation du comité d'entreprise en cas de licenciement économique, cet article vise à conforter les accords de méthode déjà signés dans certaines entreprises et à encourager ailleurs leur négociation. Ces accords de méthode devront préciser les modalités concrètes de mise en oeuvre des obligations générales en matière de consultation des représentants du personnel. Certains ont déjà expérimenté de tels accords, souvent conclus, du reste, par l'ensemble des organisations syndicales. Il s'agit à l'évidence d'une bonne pratique : donnons-lui toutes ses chances. Tel est l'esprit de cet article, qui donne enfin une vraie base légale à ces accords.
    Ils pourront, le cas échéant, prévoir des modalités s'écartant des prescriptions actuelles du code du travail, tant la loi va loin dans le détail des procédures. Mais en aucun cas ils ne pourront déroger aux dispositions relatives au contenu de l'information délivrée au comité d'entreprise ou priver celui-ci de son droit de formuler des propositions alternatives à celles de l'employeur et de recourir à une expertise. Ils ne pourront non plus avoir pour effet de priver l'administration de ses prérogatives en matière de contrôle du plan social.
    Dans la mesure même où ces accords de méthode pourront prévoir des modalités d'organisation du dialogue social différentes de celles qui sont prévues par la loi, j'ai veillé à ce que des garanties soient introduites.
    En premier lieu, ces accords de méthode seront conclus à titre expérimental. Leur durée sera donc limitée à deux ans. S'ils pourront ainsi nourrir la négociation interprofessionnelle, ils ne sauront en aucun cas préjuger de son issue ni du régime définitif fixé par la loi.
    En second lieu, les accords devront être signés par des syndicats majoritaires. Le choix stratégique de la suspension et du renvoi à la négociation interprofessionnelle permet d'introduire ce point fondamental, dont il faut bien mesurer l'importance. Il s'agit à la fois d'un gage d'adhésion des salariés à une démarche négociée, d'une incitation claire à la recherche d'un compromis et d'une garantie de sécurité pour l'entreprise. La logique de l'accord majoritaire est en effet à l'opposé d'une logique de confrontation et d'opposition exacerbée, où les différends se règlent devant le juge, souvent au préjudice de l'entreprise comme des salariés.
    L'accord de méthode dessiné à l'article 2 du projet de loi innove ainsi à un double titre.
    Il illustre d'abord une certaine idée de la démocratie sociale dans l'entreprise, articulée autour d'acteurs représentatifs, reconnus comme légitimes et responsables, engagés dans un dialogue continu, y compris dans les phases les plus difficiles de la vie de l'entreprise.
    Au-delà de l'introduction du fait majoritaire, l'accord de méthode est également de nature à donner un nouvel élan à la négociation sur l'emploi. L'enjeu est important : il s'agit de développer au niveau de l'entreprise une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, d'anticiper les mutations de l'entreprise, en mettant en place des dispositifs d'adaptation des salariés et de reclassement, en amont du licenciement.
    C'est pourquoi l'application de cet article 2 fera l'objet d'un rapport du Gouvernement, accompagné de l'avis motivé de la commission nationale de la négociation collective, dont le Parlement sera le destinataire.
    Mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis vise à replacer les partenaires sociaux au coeur de l'évolution de nos règles sociales. Il écarte les fausses solutions de la loi du 17 janvier 2002. Il introduit une nouvelle façon de gouverner les rapports sociaux. Il donne une nouvelle respiration au corps social français. Ce projet n'est rien d'autre qu'un acte de confiance envers les acteurs sociaux de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58. Monsieur le ministre, il faut qu'on décide de quel débat nous allons faire. Parce qu'on ne peut pas vouloir polémiquer et ne pas avoir de réponse.
    M. François Goulard. Mais de quoi parle-t-il ?
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas possible. S'il faut se taire, moi je vais dehors !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Vous parlerez tout à l'heure !
    M. Maxime Gremetz. Je vais parler tout à l'heure, d'accord, mais, monsieur le ministre, vous êtes ministre et je suis député : il y a une grande différence entre nous deux.
    M. Bernard Perrut. Ça, c'est sûr !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes ministre de la République, ministre de la France. Laissez les députés de la majorité polémiquer avec l'opposition s'ils le veulent, mais quand on présente un texte comme celui-là au nom du Gouvernement, on ne commence pas à polémiquer !
    M. François Goulard. Mais à quel article du règlement tout cela nous renvoie-t-il ?
    Mme la présidente. C'est l'article 58, monsieur Goulard.
    M. Maxime Gremetz. Oui, c'est l'article 58 !
    M. François Goulard. C'est Mme la présidente qui indique à la place de l'orateur de quel article il s'agit ! Voilà une inversion des rôles assez amusante !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, j'ai entendu votre rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Non, mais je le dis pour qu'on se mette bien d'accord ! Si on décide que personne ne dira un mot quand quelqu'un interviendra, nous allons passer trois bonnes nuits ensemble, tranquillement, sereinement, et nous dormirons tous.

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce texte que nous propose le Gouvernement, nous touchons au coeur des relations sociales dans ce qui est sans doute la période la plus difficile de la vie des partenaires d'une entreprise. En effet, comment imaginer circonstances plus dramatiques que celles d'un licenciement économique, pour le salarié, mais aussi pour le chef d'entreprise ?
    Voyons d'abord les choses du côté du salarié. Car, au moment d'aborder ce débat, il faut se mettre, mes chers collègues, à la place de celui qui a consacré à son entreprise une partie, quelquefois une longue partie, de sa vie et souvent le meilleur de lui-même, et qui, d'un seul coup d'un seul, se voit frappé par une décision à laquelle il est en général complètement étranger, qui le laisse devant un grand vide professionnel. Je pense que nous devons avoir présent à l'esprit la situation de celui ou celle qui se retrouve un jour dans cette situation pour bien mesurer le vide professionnel et, au-delà, le vide identitaire qu'elle représente, sans compter, bien entendu, toutes les conséquences familiales que l'on peut imaginer.
    Mais il nous faut aussi avoir en tête le deuxième aspect de la question : comme l'a très bien dit M. le ministre, le licenciement est sans doute, pour le chef d'entreprise, la décision la plus difficile qu'il ait à prendre.
    M. Maxime Gremetz. Allez le dire aux multinationales ! Allez voir ce qui se passe à Magnetti Marelli !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, la parole est à M. Dord ! Poursuivez, monsieur le rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Gremetz, vous ferez un rappel au règlement après mon intervention, puisque vous en avez pris l'habitude. Mais essayez de m'écouter et j'essaierai de vous écouter tout à l'heure...
    M. Hervé Novelli. Ce sera dur !
    M. Dominique Dord, rapporteur. ... avec le même respect que celui dont je vous demande de bien vouloir faire preuve à mon égard.
    Je crois, monsieur Gremetz, qu'aucun chef d'entreprise ne licencie par plaisir.
    M. Pierre Morange. Absolument !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Et je vais au-delà : le chef d'entreprise qui est confronté à un trou dans son exploitation - clientèle absente, entreprise sous-traitante qui se casse la figure, etc. - se trouve devant une alternative impossible. S'il ne réagit pas immédiatement en diminuant d'autant, en adaptant d'autant son montant de charges, il prend un risque. Et dans les entreprises de main-d'oeuvre, c'est malheureux, mais ni vous ni moi n'y pouvons grand-chose, la charge la plus importante dans le compte d'exploitation, c'est la masse salariale. S'il n'adapte pas immédiatement sa masse salariale, donc, soit il prend le risque d'aggraver encore un peu plus les difficultés de son entreprise et de se retrouver au tribunal de commerce, en dépôt de bilan ; soit, s'il est dans une entreprise à capital étranger - ou une entreprise financière comme vous les appelez -, il prend le risque de voir ses actionnaires se désengager du capital, ce qui, là aussi, mettra sa propre entreprise en difficulté.
    Vous pouvez hocher de la tête, chers collègues de l'opposition, mais c'est la réalité,...
    M. Gaëtan Gorce. Ne passez pas votre temps à nous donner des leçons ! Vous pourriez en recevoir à votre tour !
    M. Dominique Dord, rapporteur. ... à moins que l'on refuse l'économie du marché - et à cet égard, votre position n'est pas dépourvue d'une certaine cohérence - et à moins que l'on refuse l'idée de la libre circulation des capitaux. Mais ces deux refus ne correspondent pas au monde dans lequel nous vivons. Et vous-mêmes, qui, durant les vingt dernières années, avez été au pouvoir pendant quinze ans, vous n'avez pas été capables de changer les données de ce monde. Par conséquent, si l'on ne peut pas les changer, il faut aussi avoir en tête ce deuxième aspect des choses, qui relève du simple constat.
    Si nous ne voulons pas trahir notre mandat de représentants de la nation, chers collègues, il me semble que nous devons avoir en tête les deux contraintes. Et ce serait aller un peu trop vite en besogne que de nous contenter, au nom de je ne sais quel dogmatisme, au nom de je ne sais quelle idée préconçue, toute faite, de schémas beaucoup plus simples.
    Le projet de loi qui nous est proposé par le Gouvernement me semble bien tenir compte de cette double réalité. En effet, le Gouvernement refuse en même temps, en les renvoyant dos à dos, et le statu quo, et l'abrogation pure et simple. Il suspend, dans le licenciement économique, les mesures de procédure et ne touche à aucune des mesures qui concernent directement le salarié concerné. Il refuse d'opposer à un dogmatisme - qui a été reconnu sur tous nos bancs et, en tout cas, en dehors de cette assemblée, par l'ensemble des partenaires - un nouveau dogmatisme : il renvoie au dialogue social, ce qui est quand même assez différent. Dans cet équilibre, le Gouvernement nous propose un texte cohérent et respectueux des deux réalités que j'ai essayé d'évoquer en préambule.
    M. Gaëtan Gorce. C'est justement là qu'est le problème ! Il n'y a pas d'équilibre !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Au cours des travaux en commission, et notamment lors des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé - je remercie à cet égard et le personnel de la commission et les partenaires sociaux qui sont venus nous dire la manière dont ils voyaient les choses -, on ne peut pas dire, monsieur le ministre, qu'on ait senti un appétit de négocier particulièrement vorace, il faut le reconnaître. Mais je crois pouvoir dire que nous n'avons pas non plus rencontré une grande majorité de gens qui se refusaient complètement à entamer les négociations. Contrairement à ce qu'un certain nombre de Cassandre ont cru pouvoir annoncer, le dialogue social sur ce sujet aura lieu, et je crois même qu'il aboutira. Voilà pour la forme.
    Sur le fond, très franchement, même dans les syndicats de salariés, nous n'avons pas rencontré - en tout cas, encore une fois, pour l'immense majorité d'entre eux - de syndicats qui considèrent que la loi de janvier 2002 est la meilleure des lois et qu'il ne faudrait en changer aucune virgule. Un certain nombre de représentants des salariés des entreprises - et pas seulement du MEDEF, monsieur Gremetz - nous ont même très clairement dit qu'elle était mauvaise, qu'ils ne l'avaient pas demandée, qu'ils n'y avaient pas participé et que, par conséquent, ils étaient ouverts à une révision complète ou partielle de cette loi.
    Tout le monde a très bien compris, et François Fillon l'a rappelé, que beaucoup des dispositions contenues dans la loi de janvier 2002 sont des dispositions mirages. Les salariés et leurs représentants ont très bien compris qu'ajouter une procédure à une procédure qui succède en général à une autre procédure, cela n'a jamais abouti à réintégrer un salarié dans une entreprise. Pas plus qu'ajouter une expertise à une expertise qui en général suit elle-même une première expertise ! Ajouter à cela l'intervention d'un médiateur, d'une certaine manière, c'est également se défier des relations sociales dans l'entreprise, c'est affirmer que le dialogue social ne suffit pas. Et cela nous a été dit, mes chers collègues, par des représentants des salariés. Ces auditions, qui ont été pour nous très intéressantes, nous donnent donc matière à réfléchir et à travailler, dans l'esprit qui est celui auquel nous appelle le Gouvernement.
    Votre rapporteur, mes chers collègues, essaiera tout au long de ce débat de suivre la ligne qui lui semble être celle-là même qui fait la cohérence du texte : ni statu quo ni abrogation. On ne touche pas aux mesures qui concernent directement chacun des salariés licenciés, mais on ne touche qu'aux mesures de procédure. Je pense qu'avec cet esprit-là, nous devons pouvoir arriver à lancer le débat, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre, pour que, dans dix-huit mois, nous revenions...
    M. Gaëtan Gorce. Il faudrait nous parler des amendements que vous allez accepter en séance publique !
    Mme la présidente. Monsieur Gorce, M. le rapporteur a la parole.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Gorce, vous aurez le temps de parler près d'une heure et demie. Vous pouvez peut-être me laisser parler dix minutes.
    M. Gaëtan Gorce. Vous n'acceptez pas la contradiction ! Vous parlez d'autorité !
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur le rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Dans dix-huit mois, disais-je, nous devrons pouvoir revenir ici pour discuter d'un nouveau projet de loi tenant compte des points de vue qui nous auront été donnés par les partenaires sociaux et permettant d'atteindre - je l'espère et je crois que c'est possible - un double objectif : assurer une meilleure et réelle protection des salariés licenciés, notamment en termes de formation permettant la reconversion ; laisser à nos entreprises des capacités de se développer et donc de générer de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi suspend les mesures les plus controversées du volet licenciements économiques de la loi de « modernisation sociale ». A l'évidence, le droit du licenciement issu de la loi du 17 janvier 2002 a organisé un véritable labyrinthe de procédures qui pénalise gravement les entreprises, mais aussi les salariés, sans prévenir les licenciements.
    M. François Goulard. On peut le dire !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La séparation, désormais obligatoire, entre les réunions du livre III et du livre IV conduit, par exemple, à interdire à l'employeur d'évoquer dans un premier temps les mesures sociales qui sont les plus importantes aux yeux des salariés. Le recours au médiateur, le rapporteur vient d'en parler, est encadré dans le moindre détail, alors que toute l'utilité d'une médiation tient dans sa souplesse. De nouvelles étapes sont introduites dans l'exercice du pouvoir de contrôle de l'administration.
    Toutes ces nouvelles obligations ouvrent une longue période d'incertitude, rythmée par d'innombrables réunions légales qui s'accompagnent d'autant de réunions informelles et de rumeurs, avec pour corollaire un climat épouvantable pour les salariés.
    M. François Liberti. C'est du délire !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Sans parler de la méfiance des fournisseurs, créanciers et clients potentiels. A chaque étape de la procédure, les entreprises sont confrontées au risque d'un contentieux et d'une remise en cause des décisions ou des accords conclus.
    M. Maxime Gremetz. Vous allez finir par croire ce que vous dites !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Gremetz, c'est quand même un peu ce que vous disiez vous-même tout à l'heure.
    Les nouveaux moyens mis à la disposition des représentants du personnel relèvent davantage d'une logique de confrontation que d'une logique de dialogue entre partenaires responsables. Prises entre l'inspecteur du travail, le juge et potentiellement le médiateur, les entreprises auront toutes les difficultés à conduire des restructurations souvent inéluctables.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. On voudrait les pousser à négocier des licenciements pour motifs personnels afin de contourner la législation ou les contraindre à recourir au dépôt de bilan qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
    Allongement de la durée des procédures, accroissement des risques de contentieux, restriction encore plus grande des marges de manoeuvre des entreprises, nouvelle entrave à leur compétitivité, cette loi décourage l'emploi dans notre pays. Elle nie la profonde convergence des intérêts de l'entreprise et des salariés, elle crée des délocalisations de l'investissement et empêche les localisations nouvelles, n'offrant aux salariés comme seule arme que le retardement ou le blocage de la procédure de consultation. Au total, elle ne satisfait guère que les juristes et les avocats spécialisés pour lesquels ces nouvelles dispositions constituent une source inépuisable de travail, que ce soit auprès des directions des syndicats ou des comités d'entreprise.
    M. Michel Terrot. Merci pour eux !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Alors que les restructurations sont un sujet éminemment douloureux et complexe, le précédent gouvernement, avec cette loi de modernisation sociale, a louvoyé avec désinvolture entre idéologie, réalité économique et principes constitutionnels. Il n'a pas hésité à adopter des mesures qui allaient retarder des réorganisations parfois indispensables pour la survie des entreprises. Il allait, en toute connaissance de cause, dissuader ces dernières d'anticiper des difficultés en prenant des mesures, certes, difficiles, mais souvent inéluctables pour éviter des licenciements ultérieurs plus importants.
    Il faut dire, mes chers collègues, qu'au lendemain d'élections municipales décevantes, Lionel Jospin était prêt à céder sur tout pour envisager les prochaines échéances électorales avec plus d'optimisme.
    M. Gaëtan Gorce. Vous élevez le débat !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le mot d'ordre était clair : bénéficier des voix de toute la gauche au second tour, et, surtout, garder une primauté de forme à son allié communiste pour tenir en lisière des Verts jugés incontrôlables. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Louis Léonard. Très bien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En matière de licenciements, le Premier ministre va accepter tout ce dont il ne voulait pas lui-même. Peu importent les dégâts ! C'est le prix à payer pour sauver la majorité plurielle et espérer se sauver lui-même.
    M. François Liberti. Nous faisons de grands progrès dans le débat !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Au lieu de sauvegarder l'emploi, ce projet le sabote et se retournera, comme c'est souvent le cas, contre ceux-là même que l'on avait prétendu protéger, c'est-à-dire les salariés, et, parmi eux, les moins qualifiés, les plus menacés par le chômage.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est une telle évidence qu'elle apparaît à la plupart des patrons de gauche.
    M. Maxime Gremetz. Les patrons, qu'ils soient de droite ou de gauche...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Jean Peyrelevade, Gérard Mestrallet, Serge Weinberg s'associent à l'appel des cinquante-six présidents des plus grandes entreprises françaises pour demander à M. Jospin et à Mme Guigou de renoncer aux nouvelles dispositions qui « freinent l'adaptation des entreprises » et « constituent un piège pour les salariés ».
    M. Jean Le Garrec. Et alors ?
    M. Michel Terrot. Et Fabius, qui n'est pas là ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Au sein du même gouvernement, Laurent Fabius ne prend plus la peine de cacher ses réticences. Il évoque ouvertement un « certain texte qui n'aurait pas dû voir le jour ».
    Le gouvernement socialiste reste sourd à ces critiques.
    Il n'écoute pas davantage les partenaires sociaux, alors que ces derniers avaient été, en 1969, en 1974, ou encore en 1986, pour ne citer que ces dates, à l'origine d'accords fondamentaux sur le licenciement. La loi de modernisation sociale entraîne un appauvrissement du dialogue social, à rebours des évolutions constatées dans les grands pays développés : syndicat et patronat sont mis devant le fait accompli, alors qu'ils avaient jusque-là inspiré le législateur.
    Pour Jean-Emmanuel Ray, cette loi « mérite de figurer, - on l'a dit à plusieurs reprises - à titre de contre-exemple dans les polycopiés de première année, en droit constitutionnel ».
    M. Maxime Gremetz. Ce sont les nouveaux réactionnaires, ceux-là !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est une citation !
    Le parcours du combattant qu'elle instaure pour les licenciements confère au système français « la palme d'or mondiale de la complexité et donc de l'insécurité juridique et judiciaire ». (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des communistes et républicains.)
    Rarement une loi aura fait l'objet de tant de critiques.
    M. Maxime Gremetz. C'est normal, vous êtes conservateurs !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et celles-ci émanent aussi bien des organisations patronales et des syndicats que des observateurs des relations sociales et des juristes de droit du travail. Malgré l'application limitée de ses dispositions, la seule menace qu'elle fait encore peser sur les procédures à venir a un effet dissuasif - ne le sous-estimons pas - pour beaucoup d'entreprises, notamment étrangères, qui choisissent de ne pas s'implanter sur le territoire français.
    M. Yves Bur. Comme les 35 heures !
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous l'avons vu récemment à New York.
    Aujourd'hui, la croissance est plus incertaine et plus indécise qu'on ne l'escomptait. La crainte d'une dégradation de l'emploi, avec une recrudescence des plans sociaux, est un réel sujet d'inquiétude.(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains).
    M. Jean-Jack Queyranne. Ah ! Quand même !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est la faute à qui ? C'est l'héritage par définition. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
    Le Président de la République, dans son intervention du 14 juillet, a rappelé la nécessité pour l'Etat d'intervenir massivement pour apporter des solutions lorsqu'il y a des plans sociaux ou des fermetures.
    M. Jean Ueberschlag. Excellente intervention !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le Gouvernement a nommé un délégué interministériel aux restructurations qui aura pour mission d'aider les entreprises dans leurs plans d'anticipation et de reconversion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... à charge pour lui de veiller à une meilleure gestion en amont des plans sociaux, grâce à une mobilisation générale du service public, de l'emploi, des organisations patronales et syndicales et enfin des collectivités locales.
    M. Maxime Gremetz. On va tout planifier, alors !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission . Cette mission, menée par M. Claude Viet, est d'ores et déjà à pied d'oeuvre, à la disposition des élus.
    M. Jean-Jack Queyranne. Ah !
    M. Maxime Gremetz. Un commissaire politique ? Comme en Union soviétique ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Et c'est toi qui dis ça, Maxime ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous devons, mes chers collègues, conforter les objectifs de protection des salariés, mais nous ne pouvons plus nous permettre le formalisme, les blocages et les illusions instaurées par la loi de janvier 2002.
    M. Gaëtan Gorce. Nous y voilà !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le projet que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, ne touche pas aux nouveaux droits accordés à titre individuel aux salariés. Il suspend pour l'essentiel les procédures qui ont un caractère dilatoire, tout en invitant les partenaires sociaux à proposer de nouvelles règles qui tiennent compte de la réalité du terrain et ne soient pas un frein à l'embauche.
    M. Gaëtan Gorce. Vous vous y prenez mal.
    M. Jean-Jack Queyranne. Et vous suspendez la loi !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En clair, ce projet revient sur les points qui ne relèvent que du réflexe idéologique.
    Mme Catherine Génisson. Et pas des moindres !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il ouvre une période de dix-huit mois pour la négociation interprofessionnelle à laquelle s'ajoutera un délai d'un an pour le dépôt d'un projet de loi, pour laisser le temps nécessaire à un travail parlementaire serein.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La réforme définitive du droit du licenciement devrait donc intervenir en milieu de législature.
    Par ailleurs, l'article 2 met en oeuvre une période d'expérimentations pendant lesquelles les partenaires sociaux pourront négocier au sein des entreprises des accords de méthode majoritaires fixant les règles de procédure en cas de licenciements économiques. Ces accords dérogatoires, cela va sans dire, ne pourront en aucun cas remettre en cause l'ordre public social.
    La commission a précisé le titre de ce projet, mais n'a pas souhaité modifier son économie générale.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous nous sommes contentés d'introduire quelques modifications, relatives notamment au harcèlement moral. Nous proposons d'aménager les conditions de la charge de la preuve qui avaient fait l'objet, on s'en souvient, de très fortes réserves de la part du Conseil constitutionnel, ou encore de recentrer le rôle du médiateur. Naturellement, nous avons souhaité élargir la mesure de suspension à l'article 96, qui imposait aux employeurs de négocier la réduction du temps de travail avant de mettre en oeuvre un plan social, eu égard à la réforme en cours.
    En ce qui concerne le droit d'information du comité d'entreprise, nous avons inclus la suspension de l'article 100 qui ne nous semble pas totalement compatible avec les textes régissant l'ordre public économique et financier.
    Ce projet ouvre toutes les portes pour renforcer le dialogue entre les représentants des salariés et les représentants patronaux.
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas ce que nous a dit le rapporteur !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La négociation collective est depuis deux décennies le lieu des grandes interventions en droit du travail. Elle constitue l'un des instruments les mieux appropriés pour l'assimilation et l'adaptation permanente aux mutations. C'est le meilleur outil pour élaborer progressivement de nouvelles formes institutionnelles de protection du travailleur, pour surmonter le défi de la conciliation des conditions requises pour la production des richesses et la protection de ceux qui la produisent. Je pense que c'est la seule voie possible pour éviter ces images de conflits sociaux violents qui non seulement heurtent l'opinion, mais découragent toute velléité de relancer une activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Alain Néri. Enfin on va écouter un discours social !
    M. Yves Bur. Les syndicats ne vous acceptent même pas dans leur cortège !
    M. Jean Le Garrec. Je mènerai avec vous, monsieur le ministre, avec votre majorité, un débat politique.
    M. Jean-Louis Léonard. Cela changera !
    M. Jean Le Garrec. J'ai horreur de la polémique, comme l'a reconnu le Premier ministre à qui je posais une question. Mon rôle est de mener un débat politique, je le ferai.
    Je regrette, monsieur le ministre, les termes que vous avez employés lors de votre introduction : « situation de crise », « fausses promesses », « spirale du déclin », « implantation hors de France »... (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Léonard. La vérité vous fait mal, c'est vrai !
    M. Jean Le Garrec. Mes chers collègues, j'ai écouté le ministre sans l'interrompre et je répondrai à ses questions. Je vous prie de faire de même.
    M. Jean-Michel Fourgous. Et le recul de la France, vous y répondez ?
    M. Jean Le Garrec. D'entrée, vous avez employé, monsieur le ministre, une tonalité polémique qui ne me semble pas à la hauteur du débat. Je l'ai dit en commission, je le répète ce soir, c'est probablement un des débats les plus difficiles que je connaisse.
    M. Alain Néri. Le ministre n'écoute pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Monsieur Néri, s'il vous plaît !
    M. Jean Le Garrec. Et je voudrais remercier M. Dord des propos qu'il a tenus sur cette difficulté sociale, car il a parlé juste. C'est effectivement la situation la plus terrible que puissent connaître des salariés : angoisse, rupture totale avec un environnement, perte d'identité même si les conditions de travail dans l'entreprise étaient extrêmement dures, comme dans l'industrie du textile - tous les élus le savent. C'est cette dimension que nous devons avoir en tête. Etant élu dans le Nord - Pas-de-Calais - région qui, depuis le deuxième choc pétrolier, à savoir depuis 1978, enchaîne plans sur plans, licenciements sur licenciements -, j'ai la prétention de savoir de quoi je parle.
    Que ceux que cela intéresse lisent un peu ce qui est écrit dans les ateliers d'écriture, écoutent ce qui est dit dans les pièces de théâtre montées dans les municipalités, comme à Roubaix par exemple avec des salariés du secteur textile.
    M. Jean Ueberschlag. Au fait !
    M. Jean Le Garrec. Qu'ils lisent ces deux excellents romans : Je vais craquer, mais quand ? de Franck Ribault et Composants de Thierry Beinstingel.
    M. Jean-Louis Léonard. Seize ans de socialistes, voici le résultat !
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le député, votre remarque est absurde et injurieuse ! Gardez-la pour vous !
    M. Jean-Louis Léonard. C'est un fait, et les faits sont têtus !
    M. Michel Terrot. Vous êtes bien chatouilleux, monsieur Le Garrec !
    M. Jean Le Garrec. Voilà la réalité ; elle est incontournable.
    M. Jean-Michel Fourgous. La réalité économique !
    M. Jean Ueberschlag. Vous ne dites que des banalités !
    Mme Catherine Génisson. Licencier, ce n'est pas une banalité !
    M. Gaëtan Gorce. La droite n'aime pas que l'on ne pense pas comme elle !
    M. Jean Le Garrec. Bien entendu, l'entreprise se crée, se développe, rencontre des difficultés,...
    M. Jean-Michel Fourgous. Sans blague !
    M. Jean Le Garrec. ... qu'elle maîtrise ou non, elle doit parfois prendre des décisions difficiles...
    M. Jean Ueberschlag. Quelle clairvoyance !
    M. Jean Le Garrec. Je veux bien m'arrêter une minute !
    M. Jean-Louis Léonard. Ce ne sera pas assez !
    M. Alain Vidalies. Il faut les laisser reprendre leurs esprits !
    M. Hervé Novelli. Ce sera la meilleure partie de votre discours !
    Mme la présidente. Continuez, monsieur Le Garrec !
    M. Alain Néri. Il faudrait d'abord qu'ils respectent les travailleurs et les hommes !
    M. Gaëtan Gorce. Leur attitude est scandaleuse. Ils refusent absolument toute contradiction !
    M. Jean Le Garrec. Mais toutes les entreprises ne sont pas vertueuses et compétentes. Ce serait une erreur de croire que tout se passe dans le meilleur des mondes et que les responsabilités ne sont pas aussi du côté de l'entreprise, même si je reconnais, monsieur Dord, que la situation n'est pas la même pour la petite entreprise, où le chef d'entreprise est proche de ses salariés, que dans les grands groupes où le salarié est anonyme, très éloigné, où les décisions ne sont pas prises en fonction de cette dimension. J'ai déjà eu l'occasion de dire, et cela n'est pas discutable, que les neuf présidents-directeurs généraux de grandes entreprises dont les salaires sont extraordinaires - je ne peux même pas les citer - ont, à eux seuls, provoqué 900 000 licenciements dans le monde entier. Ce chiffre illustre ma pensée.
    Ce n'est pas un problème de dogmatisme, monsieur le ministre, ce n'est pas mon style.
    M. Alain Vidalies. A droite, si !
    M. Jean Le Garrec. C'est un problème de dialectique entre ce qui relève de la protection des salariés et la prise en compte de ce qu'est l'entreprise et sa réalité.
    Il convient aussi de prendre en compte l'histoire depuis 1978 car les choses ont terriblement évolué. A partir du deuxième choc pétrolier, le capitalisme français, souvent patrimonial, a dû s'adapter à des conditions très dures d'évolution technologique, de mondialisation. Ce choc a été terrible, Il a été payé le plus souvent par les salariés, et payé durement.
    M. Bernard Accoyer. C'est comme les 35 heures !
    M. Jean Le Garrec. Ce sont eux qui ont fait l'effort et qui ont payé le coût du redressement de la France.
    Vous avez évoqué, monsieur le ministre, je m'en souviens, le problème des nationalisations. Oui, c'est moi qui ai nationalisé la sidérurgie, et j'en suis fier.
    M. Alain Néri. Il a bien fait !
    M. Jean Le Garrec. Je sais dans quel état était la sidérurgie quand nous avons repris les choses en main.
    M. Jean-Louis Léonard. Combien ont coûté les nationalisations ?
    M. Jean Le Garrec. Mais je sais aussi, et Francis Mer s'en souvient aussi...
    M. Alain Vidalies. Un grand spécialiste !
    M. Jean Le Garrec. ... ce que nous avons dû faire pour sauver la sidérurgie, qui avait les pieds dans l'eau, aussi bien à Dunkerque qu'à Fos-sur-Mer. Nous avons dû prendre des décisions très difficiles.
    M. Alain Néri. Il faut le leur rappeler !
    M. Jean Le Garrec. Je me souviens de la fermeture du train à bande de Denain. Mais, à la différence de certains, je n'ai jamais fait de promesses ni créé d'illusions.
    M. Marc Dolez. Jamais !
    M. Jean Le Garrec. Nous allions devant les salariés, et nous leur expliquions quelles étaient les nécessités. Vous n'avez pas le droit de dire - et je ne suis pas le seul en cause - que je faisais de fausses promesses et que j'étais un semeur d'illusions. Ce n'est pas vrai ! Nous avons su démontrer que nous étions capables de prendre des décisions difficiles, et parfois plus encore, mais nécessaires pour maintenir une activité.
    Mais cette étape est derrière nous. Deux faits nouveaux sont apparus au cours des dernières années, qui pèsent terriblement sur le comportement des grandes entreprises.
    Le premier, monsieur le ministre, c'est la recherche de valeur à tout prix. On ne parle plus de bénéfices - qui sont, certes, indispensables pour que l'entreprise se développe -, on est maintenant dans une recherche de valeur à tout prix : 10 %, 12 %, 15 %, 20 %, de la valeur à deux chiffres !
    Le financier Soros, spéculateur qui connaît bien le système puisqu'il en vit, déclarait récemment : « C'est la glorification des gains financiers, quelle que soit la manière dont ils sont obtenus. » Prenons en compte cette phrase cynique, mais juste. Tout est bon, comme nous l'ont montré les affaires de ces derniers mois : trafics de comptes, dettes dissimulées, auditeurs complices.
    M. Jean-Louis Léonard. Quel rapport ?
    M. Jean Le Garrec. Bien entendu, cela s'est passé aux Etats-Unis, mais croyez-vous que cela soit sans conséquences sur l'espace européen et national ?
    M. Jean-Louis Léonard. Et le Crédit lyonnais ?
    M. Jean Le Garrec. Que se passera-t-il demain avec Tyco ? Quelles seront les conséquences sur notre propre développement ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Thomson !
    M. Jean Le Garrec. J'emploie peu cette expression, mais on sait bien que, quand une entreprise annonce un plan de licenciement, la Bourse monte, car c'est un indicateur de bonne gestion. C'est la réalité. Je pourrais en donner dix exemples. Voilà donc le premier effet : l'effet de valeur.
    Le second fait nouveau est l'effet de taille. On veut, à tout prix, à tout va, prendre tout - ce qui passe à portée et construire des « mégalopoles » d'entreprises, sans en mesurer toujours les conséquences. Nous en avons au moins deux cas dans notre pays : France Télécom et Vivendi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Louis Léonard. France Télécom, voilà un bon exemple ! C'est de la provocation !
    M. Jean Le Garrec. Si vous réagissez comme cela, c'est que vous êtes touchés !
    Mme la présidente. S'il vous plaît ! M. Le Garrec a seul la parole !
    M. Jean Le Garrec. Ne vous en faites pas, madame la présidente, ils peuvent dire ce qu'ils veulent !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous êtes de mauvais foi !
    M. Jean Le Garrec. C'est cet effet de taille qui fait dire au démocrate Arthur Lewitt, ancien président de la SEC, la Securities and Exchange Commission : « La culture des patrons s'est résumée à prendre au passage tout ce qu'ils pouvaient plutôt qu'à se préoccuper de l'intérêt des actionnaires et des salariés. » Cette déclaration est celle d'un connaisseur. J'ajouterai qu'il faut dominer. Selon le spéculateur que j'ai déjà cité, « Seuls les plus avides survivront », et il dénonce le laisser-faire qui veut que le marché tende naturellement vers l'équilibre et assure une allocation optimale des ressources. Tout est dit. Et c'est sur quoi porte notre débat. Qui paie les pots cassés ? Bien entendu, les épargnants et les travailleurs, le capitalisme d'en bas, pouvait dire M. Raffarin. D'ailleurs, un récent sondage montre que 24 % d'entre eux sont très inquiets et 56 % inquiets, et ils ont raison. Tous les gouvernements ont dû faire face à cette réalité, à cette dialectique entre la défense des salariés et l'intérêt des entreprises.
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est la même chose !
    M. Jean Le Garrec. La première réglementation fut le fait de M. Jacques Chirac qui pour la première fois, le 3 janvier 1975, avec la loi sur l'autorisation administrative de licenciement, organise la consultation des représentants du personnel sur les projets de licenciement.
    M. Gaëtan Gorce. Eh oui !
    M. Jean Le Garrec. Il y a une partie de directives administratives, mais déjà l'amorce de cette consultation.
    M. Jean-Louis Léonard. Il y avait eu Grenelle !
    M. Jean Le Garrec. A partir des lois Auroux, qui ont donné lieu ici à un débat dont je me souviens encore, ce mouvement va s'amplifier. Le ministre Séguin va ainsi renforcer la consultation et mettre en place les conventions de conversion, y compris pour les petites entreprises. Si l'on prend une certaine distance par rapport à cette évolution, si l'on reste dans le cadre de ce que l'on pourrait appeler « l'esprit des lois » au sens de Montesquieu, on voit que chemine, parfois avec des mouvements contradictoires, la prévention, c'est-à-dire la volonté d'agir le plus en amont possible, d'éviter autant que faire se peut les difficultés, de renforcer les conditions d'information et de dialogue avec les représentants des salariés, de rechercher toutes les solutions alternatives,...
    M. Michel Terrot. Tout ce que vous n'avez pas fait !
    M. Jean Le Garrec. ... c'est-à-dire tout ce qui relève du livre IV du code du travail, et de renforcer la responsabilité de l'entreprise dans le reclassement des salariés. D'ailleurs, le deuxième alinéa de l'article L. 321-4 du code du travail est parfaitement clair, puisqu'il précise que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement du salarié n'est pas présenté par l'employeur. En définitive, sous-tendant cette démarche, très explicite à gauche, s'atténuant progressivement à droite, - nous venons d'en avoir l'exemple - au fur et à mesure que s'éloigne le gaullisme social,...
    M. Jean-Louis Léonard. Non ! Pas ça ! Pas vous !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Oh !
    M. Jean Le Garrec. Mais, monsieur le président de la commission, j'ai bien le droit de m'exprimer comme vous venez de le faire à cette tribune. Je vous ai écouté et je n'ai rien dit !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Calmez-vous !
    M. Jean Le Garrec. Je n'ai pas besoin de vos gestes !
    M. Jean-Louis Léonard. Pas de leçon !
    M. Jean Le Garrec. Je n'ai jamais agi ainsi quand j'étais à votre place ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Monsieur Le Garrec, poursuivez !
    M. Jean-Michel Fourgous. Quand on a voté les 35 heures, on n'a plus le droit de parler des entreprises ! C'est une honte !
    M. Jean Le Garrec. Les choses se précisent au fur et à mesure. Le marché, acteur fondamental du développement économique,...
    M. Jean-Louis Léonard. C'est du baratin !
    M. Jean Le Garrec. ... peut-il seul assurer l'équilibre en matière d'emploi entre l'offre et la demande d'emploi,...
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez voté les 35 heures ! Qu'est-ce que vous connaissez de l'entreprise ?
    M. Jean Le Garrec. ... en transférant d'ailleurs, si nécessaire, vers la collectivité le coût social énorme qui peut en résulter ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cette question, qui n'est pas nouvelle, devient chaque jour un peu plus prégnante au rythme du développement accéléré de trois facteurs. D'abord, le raccourcissement des cycles technologiques, aujourd'hui de trois ans, qui nécessite de plus en plus une gestion prévisionnelle des effectifs.
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est une honte pour notre pays !
    M. Maxime Gremetz. Pourquoi on n'aurait pas le droit de parler des entreprises ? Ce n'est pas vous qui les faites tourner ! C'est les salariés !
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous les payez avec quoi les salariés ? Avec votre salaire personnel ?
    M. Alain Néri. C'est de la provocation !
    M. Jean-Michel Fourgous. Les 35 heures, c'est une honte ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Néri. Madame la présidente, ce sont des provocateurs !
    M. Jean-Louis Léonard. C'est incroyable !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Revenez au sujet !
    M. Jean-Louis Léonard. C'est quoi le sujet ?
    Mme la présidente. M. Le Garrec a la parole et lui seul !
    M. Jean Le Garrec. J'ai peur de me faire mal comprendre, donc je vais reprendre ma démonstration. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous savez, je la connais par coeur ! Je continue, puisque c'est mon droit absolu de parlementaire et de membre de l'opposition.
    M. Jean-Louis Léonard. C'est quoi le sujet ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Les salariés contre les patrons !
    M. Jean Le Garrec. Je parlais donc du développement accéléré de trois facteurs : le raccourcissement des cycles technologiques, aujourd'hui de trois ans, qui nécessite une gestion prévisionnelle, la financiarisation croissante de l'économie ; la mondialisation avec la recherche par la délocalisation de marchés et d'espaces d'exploitation. En définitive, et c'est une vieille histoire, le virtuel l'emporte de plus en plus sur le réel et le rapport du fort au faible est un élément fondamental de développement du capitalisme, ne vous en déplaise !
    M. Jean-Michel Fourgous. Qu'est-ce que vous proposez ?
    M. Jean Le Garrec. Cette situation justifie largement le rôle de l'Etat et du législateur. En effet, la loi seule garantit l'égalité des parties, nécessaire au contrat. Les règles du droit du travail sont indispensables, puisque le rapport de forces est inégal par définition dans ce genre de situation. Et ceux qui l'ont vécue mesurent ce qu'est cette inégalité. Bien entendu, cela n'est pas contradictoire avec le développement de la démocratie sociale, j'y reviendrai. En clair, l'évolution du rapport de forces social est le corollaire indispensable du développement économique. Cela est d'ailleurs inscrit dans nos textes fondamentaux, que ce soit le préambule de la Constitution ou la Constitution elle-même.
    M. Hervé Novelli. C'est n'importe quoi !
    M. Jean Le Garrec. Cette partie de mon intervention consistait, ne vous en déplaise, à poser le problème dans toute son ampleur et toute sa complexité. Qu'avons-nous voulu faire ?
    Plusieurs députés sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Rien !
    M. Jean-Michel Fourgous. Développer la haine et les conflits dans notre pays, porter atteinte à la compétitivité de la France, augmenter les licenciements !
    M. Jean Le Garrec. Ce sera la troisième partie de mon intervention. Dans la loi de modernisation sociale, qui n'était tout compte fait qu'un DMOS assez large, il y avait un volet sur les licenciements.
    M. Jean-Michel Fourgous. A quoi cela a-t-il servi ?
    M. Jean Le Garrec. Nous sommes dans la continuité de la réflexion de ces dernières années. Nous avons voulu renforcer le rôle du comité d'entreprise, ou plutôt lui rendre celui qui lui avait été dévolu dans le cadre et dans le prolongement du programme du Conseil national de la Résistance...
    M. Jean-Louis Léonard. C'est moderne, ça !
    M. Jean Le Garrec. ... et qu'il avait perdu au fil des années. Non pas que je néglige le rôle social du comité d'entreprise - l'arbre de Noël, les colonies de vacances -, mais selon la définition qu'en donne le législateur - cela figure encore dans le code du travail, heureusement - son rôle est économique : renforcer la prévention, clarifier, voire simplifier, assurer une plus grande sécurité juridique pour les entreprises.
    M. Jean-Michel Fourgous. Ah bon ?
    M. Jean Le Garrec. Prenons un exemple parmi d'autres, celui de la séparation claire entre le livre IV, relatif à la prévention, et le livre III, relatif au plan social.
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez déjà vu une entreprise dans votre vie ?
    M. Maxime Gremetz. Vous, vous n'en avez jamais vu !
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous êtes incompétent ! Laissez parler les gens compétents !
    M. Gaëtan Gorce. C'est scandaleux, madame la présidente !
    M. Jean-Louis Léonard. Cela fait combien de temps que vous n'êtes pas allé dans une entreprise, ne serait-ce que pour la visiter ? C'est intéressant la vie d'une entreprise, vous avez !
    Mme la présidente. Monsieur Le Garrec, veuillez poursuivre !
    M. Jean Le Garrec. La loi mettait ainsi fin à la jurisprudence extrêmement confuse de la Cour de cassation, en faisant se succéder dans le temps les deux consultations et en enserrant la procédure du livre IV dans des délais précis,...
    M. Jean-Louis Léonard. Comme ça, l'entreprise avait le temps de crever !
    M. Jean Le Garrec. ... ce qui était extrêmement important pour l'entreprise.
    M. Jean-Michel Fourgous. Et les dépôts de bilan, vous en faites quoi ?
    M. Jean Le Garrec. L'article 101 de la loi de modernisation sociale prévoyait un délai de quinze jours, ou de vingt et un jours en cas de recours à un expert, alors que le texte auquel il est proposé de revenir ne fixait aucun délai pour cette phase de consultation, ce qui consituait une source de complexité et de contentieux très importante. Au moment où le débat s'engage sur la « meilleure gouvernance des entreprises », il est paradoxal que le Gouvernement suspende l'application d'un dispositif - médiateur, droit d'opposition - qui avait pour objet de favoriser le dialogue social et l'écoute.
    M. Jean-Michel Fourgous. Le climat social dans l'entreprise s'est dégradé !
    M. Jean Le Garrec. Nous avions introduit la nécessité d'une étude d'impact social, et territorial et c'était fondamental. Il ne faut pas agir en fonction des seuls intérêts économiques et, au moment de la décision, il faut avoir une vision la plus claire possible des conséquences, tant sur le plan social que sur le plan environnemental. Tous les maires, tous les élus connaissent les effets souvent dévastateurs de tels plans non seulement en matière sociale, c'est évident - nous l'avons dit -, mais aussi sur l'équilibre économique et humain d'un espace géographique. Avoir voulu cette étude d'impact social et territorial répondait incontestablement à une nécessité.
    M. Jean-Michel Fourgous. Qui la paie ?
    M. Jean-Louis Léonard. Et qu'est-ce qu'elle évite ?
    M. Jean Le Garrec. Le travail préalable permettait de rechercher des alternatives, d'engager un dialogue et, si les alternatives n'existaient pas, de disposer d'éléments précis pour élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi. En définitive, sur le terrain de la négociation indispensable étaient bien posés tous les éléments du raisonnement, de la négociation et de la prise en compte de l'avenir.
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez cassé la négociation !
    M. Jean Le Garrec. Que l'on ne nous oppose pas deux arguments que je récuse totalement ! S'agissant de la complexité de la procédure, la loi de modernisation sociale contenait, pour l'essentiel, des dispositions concernant les grandes entreprises. Je connais assez celles-ci...
    M. Jean-Louis Léonard. Ah bon !
    M. Jean Le Garrec. ... pour savoir qu'elles sont tout à fait en mesure de gérer cette complexité. Elles ne découvrent pas les difficultés au dernier moment, du moins je l'espère. Je sais comment se bâtissent les plans à plusieurs années de terme. Les incidences sur l'environnement sont analysées. Et si les entreprises ne connaissent pas longtemps à l'avance la nature des problèmes qui se posent, c'est de l'irresponsabilité ou de l'incompétence. Ou alors, et c'est probablement le cas, elles veulent garder le secret le plus longtemps possible, sachant que de toute manière le rapport entre le coût de la décision et le gain financier qui en découlera sera profitable à l'entreprise. Et je dis que, dans bien des cas, c'est un calcul extrêmement précis, extrêmement financier, extrêmement cynique.
    J'ai lu ici et là que la discussion préalable, la recherche d'alternatives augmentaient l'angoisse des salariés. Quel paradoxe ! Comme si le facteur d'angoisse était non pas le licenciement, mais cette période, certes difficile, parfois de plusieurs semaines, pendant laquelle on fait des efforts pour rechercher des solutions, dégager des pistes, imaginer des compromis, et qui permet justement de faire face à la situation dramatique et souvent désespérante que vivent les salariés !
    M. Jean-Louis Léonard. Vous avez sauvé beaucoup d'emplois comme cela ?
    M. Jean Le Garrec. J'ai toujours refusé cette hypothèse, même si je sais pour l'avoir souvent vécu que rien n'est facile, que la loi ne peut que fixer des principes et des garanties et qu'il ne faut pas faire de vaines promesses. Rien n'est pire que de ne pas avoir le courage d'affronter les difficultés, de rechercher des solutions et de dire, avec l'appui des délégués et de l'ensemble du personnel, ce qui est possible. Voilà ce que nous avons voulu faire.
    M. Jean-Louis Léonard. Et ce que vous avez raté !
    M. Jean Le Garrec. Cela ne justifie en rien ce dont le ministre lui-même nous accuse : « Fausses promesses, fausse situation, spirale de crise... ». J'y reviendrai, car ce discours, je ne l'accepte pas ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Hervé Novelli. Ce sont des arguments simplistes !
    M. Jean Le Garrec. Alors, que faites-vous, monsieur le ministre ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Rien !
    M. Jean Le Garrec. Vous suspendez le dispositif pendant dix-huit mois, appliquant ainsi une procédure exceptionnelle, utilisée une fois par M. Séguin, mais pour six mois seulement. Pourquoi dix-huit mois ? Je n'ai pas d'explication. J'ajoute d'ailleurs que vous avez prévu douze mois supplémentaires après le dépôt éventuel d'un projet de loi de remplacement.
    Pourquoi trente mois ? Quelle situation incertaine va se créer ? Vous renvoyez à une négociation collective dont vous savez, monsieur le ministre, qu'elle a très peu de chances d'aboutir car elle n'est demandée ni par le patronat ni par les syndicats.
    D'ailleurs, M. le baron Seillière a déclaré, il n'y a pas très longtemps...
    M. Bernard Accoyer. On dirait Maxime ! (Rires.)
    M. Jean Le Garrec. Je ne considère pas la comparaison comme désobligeante même si je me suis souvent affronté à Maxime Gremetz.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est la gauche plurielle !
    M. Jean Le Garrec. Ce propos ne me choque pas.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. De toute façon, Maxime Gremetz n'est pas là !
    M. Jean Le Garrec. Il lira cet échange dans le Journal officiel !
    M. le président du MEDEF, si vous préférez, ...
    M. Jean-Louis Léonard. C'est mieux !
    M. Jean Le Garrec. ... a donc déclaré, dans une conférence de presse portant sur la loi de modernisation sociale à laquelle participait M. Kessler : « Nous demandons l'abrogation de la loi de modernisation sociale. Nous ne comprenons pas sa suspension. C'est une subtilité non désirée par les partenaires sociaux. Dans ce domaine, le Gouvernement fait fausse route. Il n'y a pas de sujet plus difficile à négocier » - je suis d'accord avec lui sur ce point, le seul - « que celui des modalités de licenciement collectif. Je doute très fort de la capacité qu'auraient les syndicats à acccepter les propositions des employeurs dans ce domaine et réciproquement. »
    Ce texte est parfaitement clair. Je pourrais d'ailleurs vous donner lecture d'une deuxième partie tout aussi intéressante sur la conjoncture. M. Seillière considère en effet que nous serons très loin des 2,5 % de croissance, hypothèse retenue pour le budget 2003.
    M. Hervé Novelli. Vous reprenez les arguments du MEDEF ?
    M. Jean Le Garrec. Mais tel n'est pas l'objet de notre discussion ce soir, même si cela aura des compétences sur l'emploi.
    Du reste, M. Seillière, qui a de la suite dans les idées, ...
    M. Jean Ueberschlag Ce n'est pas comme d'autres !
    M. Jean Le Garrec. ... a écrit aux syndicats pour ouvrir ce qu'il appelle un « deuxième souffle de refondation sociale ». Il a distingué cinq sujets de négociation. Pour raccourcir mon propos, je n'en mentionnerai toutefois que deux : la formation professionnelle, sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir, et l'UNEDIC. Il a également prévu deux sujets de discussion, dont les problèmes de licenciement.
    M. Alain Vidalies. Exact.
    M. Jean Le Garrec. M. Seillière, qui n'ignore pas ce que ce mot veut dire, a donc bien établi une distinction entre la négociation que l'on va ouvrir, le deuxième souffle de la refondation sociale, et les deux sujets de discussion aimable, autour de la table, qui n'engagent à rien.
    J'ajoute, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que, dans le cadre de la réunion prévue au titre de l'article 88, à laquelle je n'ai pu malheureusement assister puisque j'écoutais attentivement le débat portant sur l'Europe, la commission a adopté des amendements pour le moins étonnants. D'abord, elle a voté la suppression de la disposition prévue par l'amendement dit Michelin...
    Mme Catherine Génisson. Quelle honte !
    M. Jean Le Garrec. ... alors qu'on sait que, pour les grandes entreprises, la négociation sur les 35 heures est largement derrière nous. Cet amendement ne servait donc plus à grand-chose. Toutefois, ce n'était pas une raison pour le supprimer.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Si !
    M. Jean Le Garrec. Vous avez également adopté un amendement qui tend à suspendre l'obligation pour l'employeur de réintégrer les salariés en cas d'annulation du plan social.
    Mme Catherine Génisson. C'est inadmissible !
    M. Jean Le Garrec. Amendement qu'on a appelé Samaritaine.
    M. Alain Vidalies. C'est la jurisprudence de la Cour de cassation !
    M. Jean Le Garrec. Vous annulez par amendement le dispositif jurisprudentiel de la Cour de cassation. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous avez par ailleurs supprimé un article du code du travail qui imposait aux chefs d'entreprise d'informer les élus du personnel de tout projet de nature à affecter les conditions de travail et le volume de l'emploi, avant que l'annonce publique en soit faite.
    M. Alain Vidalies. Ils préfèrent que les salariés l'apprennent par la presse !
    M. Jean Le Garrec. Ce faisant, vous remettez en cause l'article L. 432-1 qui définit le rôle des comités d'entreprise. Je vous en rappelle les termes : « Dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion, la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs. » Il est complété par les articles L. 432-2 et L. 432-3, mais je m'arrêterai là. J'ajoute que pour celles qui n'ont pas de comité d'entreprise - entreprises de moins de cinquante salariés, ou comptant plus de cinquante salariés sans comité d'entreprise, il y en a un certain nombre dans ce cas -, l'article L. 422-3 donne aux délégués du personnel la possibilité d'exercer collectivement les attributions économiques du comité d'entreprise.
    Avec le texte que nous avions adopté et qui n'était que la transposition de la jurisprudence de la Cour de cassation, nous étions donc dans le droit-fil de la définition du rôle économique du comité d'entreprise, mais aussi des délégués du personnel. Or vous remettez tout cela en cause, et j'ajouterai que, sur votre lancée - pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? -, vous avez remis en cause la charge de la preuve concernant le salarié victime de harcèlement moral.
    M. Hervé Novelli. Ce n'est pas dans le texte du Gouvernement !
    M. Jean Le Garrec. Eh bien, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, si, après avoir entendu les déclarations du président du MEDEF et des organisations syndicales, j'avais déjà de sérieux doutes quant à la possibilité d'aboutir à une négociation, je vous indique très nettement que l'adoption de ces mesures par la commission - sauf avis contraire du ministre, qui aura à s'exprimer - relève de la provocation envers les organisations syndicales.
    M. Alain Néri. Absolument ! Et le mot est faible !
    M. Jean Le Garrec. Si vous vouliez prouver que cette négociation n'a, à vos yeux, aucune importance, il fallait agir comme vous l'avez fait cet après-midi en commission dans le cadre de la réunion au titre de l'article 88. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Avec cette suspension, vous allez créer une véritable incertitude juridique. Vous allez en effet organiser un éclatement du régime juridique du licenciement, puisque le texte ouvre des possibilités d'accords d'entreprise, tant sur la procédure de licenciement économique, que sur le fond des mesures prises dans le plan de sauvegarde de l'emploi. Vous allez également remettre en cause au passage les conditions et la portée du contrôle exercé par l'administration du travail sur les restructurations. Vous allez aussi susciter de nombreux contentieux devant les juges, qui auront à connaître des contestations portant sur les accords d'entreprise, tant en ce qui concerne la négociation de ces accords, que leur contenu et les conditions de leur application. Or nous savons qu'il est difficile de contrôler l'application des accords sur l'emploi.
    Quels sont vos mobiles, pour prendre une décision aussi grave ? Je rappelle que cette procédure concerne les grandes entreprises. C'est d'ailleurs une des faiblesses de ce texte, et j'aurai des propositions à faire pour les entreprises de moins de cinquante salariés, ou en tout cas pour les petites entreprises.
    Ce projet, en définitive, réduit considérablement les garanties des salariés. Tous les décrets ont été soumis au Conseil d'Etat. Deux sont en examen. L'un concerne les articles 97 et 98, qui sont suspendus, et prévoit l'étude d'impact social et territorial en cas de cessation totale ou partielle d'activité concernant au moins cent salariés. Pensez-vous que cela soit risqué et inutile ? Un arrêté porte sur l'article 106, qui est suspendu. Le décret sur cet article est paru au mois de mai dernier. Il s'agissait de sortir la première liste des médiateurs. N'est-il pas paradoxal que le Gouvernement suspende l'application d'un dispositif, dont chacun connaît l'intérêt et l'efficacité et qui avait pour objet de favoriser le dialogue dans l'entreprise, notamment grâce à un tiers qui peut mettre les partenaires autour de la table, et de poser d'une autre manière les véritables problèmes,...
    M. Jean Ueberschlag. Vous ne l'avez pas fait !
    M. Jean Le Garrec. C'est ce que nous avions prévu !
    Un médiateur permet souvent de débloquer une situation, d'écouter et de dialoguer. L'expérience montre que cela est souvent indispensable.
    M. Jean Ueberschlag. Aucun dialogue n'est prévu dans la loi de modernisation sociale ! Vous travestissez la vérité !
    M. Jean Le Garrec. Alors, quelles sont vos raisons ? Invoquer la complexité n'est pas sérieux. Je l'ai déjà démontré, il y a dans ces grandes entreprises des spécialistes du dialogue social, qui connaissent parfaitement les textes et qui sont capables de les gérer sans difficulté.
    M. Jean-Louis Léonard. Et dans une PME de trente salariés ?
    M. Jean Ueberschlag. Le dialogue social, ce n'est pas le dialogue socialiste, monsieur Le Garrec !
    M. Jean Le Garrec. Faire allusion aux effets pernicieux d'un texte qui n'est pas appliqué ne paraît pas plus crédible. Comment pouvez-vous préjuger des conséquences préjudiciables d'un texte qui n'a été appliqué que par deux entreprises que je connais ? Celles-ci ont en effet considéré qu'en dépit de l'absence de décret, il était de leur responsabilité de prendre en compte ces dispositions. Pour autant, elles n'ont eu à subir aucun effet pernicieux. Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, je vous communiquerai discrètement le nom de ces deux entreprises.
    En tout état de cause, jamais un débat sur le licenciement économique ne s'est déroulé sans que le patronat ait crié au loup ou au scandale. Je me souviens de M. Gattaz qui était venu m'expliquer que l'autorisation administrative de licenciement - créée en d'autres temps par M. Chirac - était scandaleuse et allait entraîner la disparition de nombreuses entreprises. Je lui avais alors demandé de me donner ne serait-ce qu'un exemple d'entreprise qui avait disparu à la suite de cette disposition : il n'est jamais revenu poursuivre la discussion. Les choses sont ainsi, c'est un cas de lobbying patronal des plus classiques !
    M. Alain Joyandet. Quand il n'y aura plus de patron, il n'y aura plus de lobbying non plus !
    M. Jean Le Garrec. Prétendre que l'enchaînement des dépôts de bilan a justifié ce texte n'est pas sérieux non plus. Sur ce point, je suis d'accord avec le rapporteur, une petite ou moyenne entreprise n'use pas du dépôt de bilan comme d'une facilité de gestion. Cela peut se produire de temps en temps, mais ces cas sont extrêmement rares. Et dans les grandes entreprises, le problème ne se pose pas. En effet, les statistiques portent sur une période où la loi de modernisation sociale n'était pas appliquée. Qui peut faire le tri entre les différents motifs qui peuvent contraindre une entreprise à déposer son bilan ? Il peut aussi y avoir des problèmes techniques ou économiques.
    Monsieur le ministre, la consultation que vous évoquez en permanence dans votre texte n'a été organisée qu'avec la sous-commission de la commission nationale de la négociation, ce qui est bien court pour un texte de cette importance.
    Voilà les quelques remarques...
    M. Alain Vidalies. Liminaires !
    M. Jean Le Garrec. ... que je souhaitais faire en introduction s'agissant de la politique à haut risque social que vous menez.
    M. Alain Vidalies. Bonne introduction !
    M. Jean Le Garrec. C'est ce point qui me préoccupe le plus.
    M. Jean Ueberschlag. Parlez-nous plutôt de l'irrecevabilité du texte !
    M. Alain Néri. M. Le Garrec va y venir !
    M. Jean Le Garrec. J'y arriverai le moment venu, au terme de ma démonstration.
    M. Jean Ueberschlag. Vous serez bien en peine de le faire !
    M. Jean Le Garrec. Je suis très à l'aise, mon cher collègue ! Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, vos propos ne me troublent ni ne me gênent !
    M. Alain Néri. Reprenez votre démonstration ! La majorité ne semble pas avoir compris !
    M. Jean Ueberschlag. C'est une démonstration par l'absurde !
    M. Jean Le Garrec. Ne souhaitant pas abuser de la patience de l'Assemblée, je reprendrai simplement au début du chapitre V. Monsieur le ministre, vous menez donc une politique à haut risque social. Je me félicite que, depuis deux mois, le chômage soit stabilisé ou ait légèrement diminué.
    M. Jean-Paul Anciaux. Ce n'est pas grâce à vous !
    M. Jean Le Garrec. Ne cherchez pas à m'entraîner dans une polémique que je trouve secondaire ! Mais je sais très bien - et j'espère me tromper - que nous entrons dans une période de difficultés économiques.
    M. Jean-Paul Anciaux. La faute à qui ?
    M. Jean Le Garrec. Pour avoir interrogé les militants, les syndicalistes et mes collègues, je sais qu'un nombre important de dossiers de restructurations sont d'ores et déjà dans les tiroirs. Or, avec ce texte, vous allez envoyer aux acteurs économiques un signal dangereux. Je sais que vous ne partagez pas mon analyse, mais j'ai le devoir de vous le dire. Il y a eu la révision de la loi sur les 35 heures, la création du contrat jeune en entreprise, ...
    M. Jean-Paul Anciaux. Vingt mille jeunes ont déjà signé !
    M. Jean Le Garrec. ... l'évolution du budget de l'emploi, et j'en passe. Bref, vous vous êtes employé en quelques mois à détruire les outils que nous avions créés sans pour autant en mettre en place de nouveaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous n'avez rien créé !
    M. Alain Joyandet. C'était les outils de la régression !
    M. Bernard Accoyer. Des outils à détruire les entreprises !
    M. Jean Le Garrec. S'il est facile de détruire, il est autrement plus difficile de mettre en oeuvre des dispositifs efficaces. Prenons un exemple. On connaît tous la situation du chômage des jeunes : 14,3 % pour les jeunes hommes, 4,9 % pour les jeunes femmes. Or la fin du programme des emplois-jeunes est très durement ressentie. Et le contrat jeune en entreprise a du mal à prendre son envol. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est faux !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est n'importe quoi !
    M. Jean Le Garrec. M. le ministre me répondra. Il est assez grand et assez compétent pour le faire tout seul.
    M. Jean-Paul Anciaux. Il est beaucoup plus compétent que vous ne l'avez été !
    M. Jean Le Garrec. Les crédits TRACE vont diminuer de 36 %. Or fin juin, 183 500 jeunes avaient été accueillis dans ce programme.
    Mme Catherine Génisson. Et la suppression des bourses à l'emploi ?
    M. Jean Le Garrec. De même, 60 % des bourses pour l'emploi ont été réduites, ce qui est catastrophique. Il a fallu beaucoup travailler pour créer une véritable collaboration entre les acteurs des PAIO, des missions locales, de l'ANPE et de l'AFPA.
    M. Hervé Novelli. On a vu le résultat !
    M. Jean Le Garrec. Il a fallu faire preuve d'une très grande patience. Les administrations et les élus ont beaucoup oeuvrer pour rapprocher les différentes préoccupations. Or, pour le moment, monsieur le ministre, le CIVIS n'est qu'un projet dont nous ne savons rien.
    M. Hervé Novelli. Ouvrez les yeux, on est au xxie siècle pas en 1917 !
    M. Jean Le Garrec. La dotation pour les CES est diminuée de 70 %, de 4 % pour les CEC et de 18 % pour l'insertion par l'économique. Certes, vous nous expliquez que, pour les CES, vous serez toujours en mesure de prévoir des dispositions complémentaires dans le cadre du collectif budgétaire. Mais nous savons tous quelle sera la nature de ce collectif budgétaire qu'on nous promet pour le premier trimestre 2003.
    M. Jean-Paul Anciaux. La faute à qui ?
    M. Jean Le Garrec. Donc même si vous êtes convaincu et sincère, vous aurez du mal à tenir ces mesures. Eh bien ! tout cela, monsieur le ministre, crée une situation extrêmement dangereuse. Dans un environnement économique qui se dégrade ...
    M. Jean Ueberschlag. Que vous avez dégradé !
    M. Jean Le Garrec. ... et alors que les plans de licenciements sont dans les tiroirs, prêts à sortir, la première des choses à faire n'est certainement pas de remettre en cause les instruments qui ont été élaborés à la suite des négociations et des discussions avec les syndicats.
    M. Jean Ueberschlag. Il n'y a pas eu de négociation, tous les syndicats vous l'ont reproché ! Il n'y a pas eu de dialogue social !
    Mme la présidente. Vous n'avez pas la parole, monsieur Ueberschlag !
    M. Jean Le Garrec. Pour reprendre un exemple marin, je vous dirai, monsieur le ministre, que quand le vent est mauvais, il faut éviter de prendre la mer sur la hanche, a fortiori de la prendre de front. Le vent est mauvais et vous prenez la mer de front : malheureusement, ce sont des tas de jeunes, des tas d'hommes et de femmes en difficulté qui vont payer.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Cette comparaison marine n'est pas très claire !
    M. Jean Le Garrec. Aujourd'hui, presque 2 500 000 femmes, hommes, jeunes vivent en « zone grise », c'est-à-dire qu'ils sont plus ou moins, et souvent, très éloignés de l'emploi. La contrainte est terriblement dure, elle résulte de vingt-cinq années de cassures et de crises s'enchaînant les unes aux autres.
    M. Hervé Novelli. Ce sont les socialistes !
    M. Bernard Accoyer. Il a fini par avouer !
    M. Jean Ueberschlag. Seize années de socialisme !
    M. Jean Le Garrec. Et vous n'avez jamais gouverné, pendant ces vingt-cinq années ? Arrêtez donc !
    M. Stéphane Rozès, dans un journal économique, déclarait récemment que « le risque est que la dimension sociale du Gouvernement n'apparaisse que comme une succession d'amputations ».
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
    M. Jean Le Garrec. Voilà la réalité de votre politique.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est creux !
    M. Jean Le Garrec. Sixième point, l'un des derniers arguments que vous avez vous-même utilisés, monsieur le ministre, mais que je trouve personnellement extrêmement dangereux, faux et pernicieux pour notre pays et que je récuse, consiste à dire que la France a perdu dix places au classement de la productivité du forum de Davos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Quel numéro !
    M. Jean Le Garrec. Ah, le bel argument ! Ah, les belles âmes ! Ah, les bons élus ! Ah, les bons Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Ueberschlag. Ah, le comédien !
    M. Jean Le Garrec. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre : « Arrêtez la spirale du déclin. »
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. Je récuse totalement cet argument, il est faux.
    M. Alain Vidalies. Et vous avez raison !
    M. Jean Le Garrec. Et M. Gremetz, avec qui je me suis souvent accroché, mais qui est un homme de qualité et de conviction, citait lors d'un débat M. Fitoussi. Il précisait : « C'est du Fitoussi, ce n'est pas du Gremetz... » - mais on l'avait deviné, sans faire injure à M. Gremetz pour autant. M. Gremetz citait donc M. Fitoussi, président de l'Observatoire français de conjoncture économique, qui déclarait, mercredi, que le classement des compétitivités du forum de Davos était un travail de lobby qui n'était pas sérieux !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Vous l'avez déjà dit !
    M. Jean Le Garrec. Mais il est bon d'assener plusieurs fois les mêmes choses ! Cela entre dans les têtes, comme ça !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Mais puisque nous vous écoutons, c'est inutile !
    M. Jean Le Garrec. Et de poursuivre qu'il y avait des intérêts économiques en jeu dans un tel classement. Les entreprises essaient d'agir dans leur propre intérêt qui passe par des impôts le plus bas possible et une plus grande flexibilité du travail. N'étant pas à une contradiction près, elles réclament moins d'impôt, mais le maintien du niveau des infrastructures et de formation, moins de cotisations sociales mais un système de santé toujours aussi performant !
    D'ailleurs M. Boissonnat, qui n'a rien d'un gauchiste, me semble-t-il,...
    M. Alain Néri. Aucun risque !
    M. Jean Le Garrec. ... s'interrogeait récemment : notre pays mérite-t-il un bonnet d'âne, même si, bien entendu, la vigilance est indispensable ?
    Peter Cornelius, l'économiste coordonnateur de l'étude, incitait à la prudence, en signalant que chacun pouvait interpréter le rapport comme il voulait ! Voilà au moins un monsieur qui sait de quoi il parle.
    M. Jean Ueberschlag. Ce n'est pas comme vous !
    M. Jean Le Garrec. J'ajoute - élément contradictoire - que l'attractivité d'un pays se mesurerait aussi en termes d'investissements directs étrangers. En France, ils étaient de 42,9 milliards de dollars en 2000 et de 52,6 milliards en 2001. En Angleterre, de 116 ils sont tombés à 53 milliards.
    La France est en deuxième position, après l'Angleterre et avant l'Allemagne, pour le nombre de dossiers d'investissements.
    Pour la fuite des cerveaux...
    M. Jean-Paul Anciaux. Pas des cerveaux socialistes ! Il n'y en a pas !
    M. Jean Le Garrec. ... la France est le pays qui a le plus faible taux de ressortissants à l'étranger de toute l'Europe. On sait aujourd'hui - et je reprends un rapport de l'OCDE sur l'importance du capital humain et social dans le processus de croissance et de développement durable - réconcilier nouvelle économie et nouvelle société. On sait que de nombreux facteurs déterminent le comportement d'un gros investissement étranger : valeur ajoutée des services publics - nous aurons d'ailleurs des débats sur le service public -,...
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est du remplissage !
    M. Jean Le Garrec. ... emplacement géographique, qualité de la main-d'oeuvre, disponibilité, adaptabilité. Quand on parle de la compétitivité de la France, mon cher collègue, on ne fait pas de remplissage, vous devriez écouter.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ça ne veut rien dire !
    M. Jean Le Garrec. Le coût du travail s'évalue en fonction de deux éléments : le coût horaire et la productivité. La France arrive devant la Belgique, devant la Finlande, l'Espagne et l'Allemagne, selon une étude de l'Office statistique allemand. Ce n'est même pas une étude française !
    La chambre de commerce américaine en France cite la qualité des infrastructures et la qualification de la main-d'oeuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je prendrai un seul exemple : l'usine Toyota de Valenciennes a doublé sa capacité de production, et le vice-président de Toyota a déclaré que l'usine de Valenciennes se classait parmi les meilleures du groupe. Hommage soit rendu aux salariés français, au système économique français, au système social français, malgré les 35 heures, nos lois sociales, les contraintes sur les licenciements, l'information des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer. Cela n'a aucun rapport avec le sujet !
    M. Jean-Paul Anciaux. Et au financement public français !
    M. Jean Le Garrec. Autant je trouve faux, dangereux, contraire à l'intérêt de notre pays, d'utiliser à des fins de médiocre polémique le classement de Davos, autant il est nécessaire de pointer certaines de nos faiblesses. Je voudrais, par exemple, en citer une qui est nette. (« Deux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)...
    M. Alain Néri. Deux ! Avec une, ils ne comprendront rien !
    M. Jean Le Garrec. Si vous voulez, je peux en prendre deux. La première concerne l'insuffisance du système de formation, en particulier son inégalité totale. Il ne bénéficie qu'à 26 % des salariés...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ah, voilà !
    M. Jean Le Garrec. ... contre 33 % dans la Communauté européenne,...
    M. Jean Ueberschlag. Et qu'est-ce que vous avez fait pour y remédier ? Rien !
    M. Jean Ueberschlag. Monsieur Le Garrec, rien ! Votre bilan est nul en ce qui concerne la formation professionnelle !
    M. Jean Le Garrec. ... malgré la réforme de la taxe d'apprentissage, malgré la validation des acquis, qui est une révolution tranquille ! Nous avons commis une erreur, en attendant patiemment la négociation sur la formation professionnelle qui devait être le grand round de la refondation sociale...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous n'avez rien fait !
    M. Jean Le Garrec... pour ne pas prendre la place des partenaires sociaux et des partenaires professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Jean Ueberschlag. C'est une bonne excuse ! C'est toujours la faute des autres !
    M. Alain Néri. C'est vous qui êtes contre, messieurs, puisque vous supprimez la formation professionnelle !
    Mme la présidente. Monsieur Néri !
    M. Jean Le Garrec. Et rien ne s'est passé. Voilà ma réponse, puisque vous la voulez !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous parlez depuis une heure et quart, il ne vous reste plus qu'un quart d'heure !
    M. Jean Le Garrec. Je suis dans les temps. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de le souligner.
    Je reprends, et ma remarque recueillera, pour une fois, l'accord du ministre. Il s'agit de la faiblesse du taux d'emploi des travailleurs de plus de cinquante-cinq ans. En France, ils ne représentent que 29,7 %, pour une moyenne communautaire de 37,7 %. J'ai souvent dénoncé la schizophrénie du patronat...
    M. Marc Dolez. C'est vrai ! Absolument !
    M. Jean Le Garrec. ... qui veut augmenter la durée de cotisations pour les retraites, mais qui, parallèlement, n'a qu'une idée en tête, tout au moins dans les grandes entreprises : chasser les salariés à cinquante-cinq ans, parfois moins, en faisant bien entendu payer à la collectivité le coût de ses décisions.
    M. Hervé Novelli. Qu'avez-vous fait avec la sidérurgie ? Bravo ! Quelle cohérence !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il ne sait plus où il en est !
    M. Jean Le Garrec. Donc, la véritable question que nous sommes en droit de vous poser, monsieur le ministre, est de savoir si vous mesurez tous les risques sociaux...
    M. Jean Ueberschlag. Cela ne m'étonne pas que vous ayez été battus avec cette logique ! Les Français ne sont pas des idiots !
    Mme la présidente. Un peu de calme, monsieur Ueberschlag !
    M. Jean Le Garrec. ... que vous prenez dans une situation difficile pour l'emploi ? Pensez-vous que le marché agisse en régulateur et rétablisse automatiquement l'équilibre entre l'offre et la demande ?
    M. Jean Ueberschlag. Les Français en ont marre des bonimenteurs !
    Mme la présidente. Monsieur Ueberschlag !
    M. François Liberti. Et en 1997, vous n'avez pas été battus ?
    M. Jean Le Garrec. Bien entendu, il n' est pas question de sous-estimer le rôle important du marché. Mais nous savons aussi sa brutalité. C'est de là qu'est né le mouvement social et le mouvement socialiste et communiste.
    M. Jean Ueberschlag. Où sont-ils tous ceux qui nous donnaient des leçons !
    M. Jean Le Garrec. Pensez à Jack London, Le talon de fer ! L'emploi est considéré comme une variable d'ajustement !
    Bien entendu, d'une manière ou d'une autre, les conséquences sociales et financières de cette politique brutale d'ajustement, externe ou interne, sont reportées sur la collectivité. Je suis de ceux qui pensent que le compromis entre le capital et le travail est absolument indispensable.
    M. Jean-Paul Anciaux. Ah non ! Ce n'est pas votre discours !
    M. Jean Le Garrec. Il doit bien entendu résulter de la négociation, mais aussi de l'action, du législateur et des pouvoirs publics, à qui revient le maintien de l'ordre public social. C'est ce que nous avions voulu faire avec ce texte.
    M. Hervé Novelli. C'est raté !
    M. Jean-Paul Anciaux. Quel échec !
    M. Jean Le Garrec. C'est ce que vous êtes en train de défaire, comme pour d'autres textes.
    M. Jean Ueberschlag. Heureusement !
    M. Jean Le Garrec. Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais expliquer dans ma première partie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) en dépit de vos cris et de vos vociférations...
    M. Alain Néri. Absolument !
    M. Jean Le Garrec. ... qui ne m'indisposent guère.
    M. Alain Néri. Ils vous encouragent, au contraire !
    M. Jean Le Garrec. Je dis une vérité et j'en suis fier, ne vous en déplaise. (Mêmes mouvements.)
    Bien entendu, je demanderai que soit votée cette exception d'irrecevabilité. Elle pourrait l'être pour des arguments politiques - je viens de m'en expliquer -, pour des arguments économiques - je les ai évoqués -, pour des arguments sociaux,...
    M. Hervé Novelli. Dogmatiques, surtout !
    M. Jean Le Garrec. Le dogmatisme est une imbécillité, mon cher collègue. Ce n'est pas quelque chose que je pratique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer et M. Hervé Novelli. Et les nationalisations en 1982 ?
    M. Jean Le Garrec. ...mais aussi pour des raisons juridiques.
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous ne connaissez pas l'entreprise !
    M. Jean Le Garrec. La méconnaissance du principe d'égalité d'abord. L'expérimentation n'est pas justifiée dès lors que les entreprises ont déjà la faculté de conclure des accords de méthode au titre du livre IV ou du livre III. L'objectif du Gouvernement n'est pas la conclusion d'accords collectifs prévoyant des clauses plus favorables, comme l'autorise l'article L. 132-4 du code du travail, mais de faciliter la conclusion d'accords moins favorables que le droit commun. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Marc Dolez. C'est pourtant clair !
    M. Jean Le Garrec. Deuxième élément de l'incompétence négative. Je rappelle que la loi du 12 novembre 1996 avait énuméré précisément les dispositions du code du travail auxquels les négociations collectives de branche pouvaient déroger. Or, le projet de loi dispose expressément qu'il ne peut être dérogé aux dispositions des onze premiers alinéas de l'article L. 321-4 et de l'article L. 321-9. La négociation peut donc déroger à toute autre disposition des livres III et IV relative à la consultation des instances représentatives du personnel.
    Enfin, et c'est probablement le point le plus important, il revient au législateur de fixer les principes fondamentaux du droit du travail, et notamment de poser les règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, c'est-à-dire en l'ouvrant au plus grand nombre. Pourtant, certaines dispositions du projet vont directement à l'encontre de cette obligation. Ainsi, vous dispensez les chefs d'entreprise et les organes dirigeants des sociétés d'examiner en amont des décisions de restructuration, les incidences de leur projet en termes d'aménagement de territoire et en termes sociaux en suspendant les articles 97 et 99 de la loi de modernisation sociale. Vous suspendez aussi l'obligation pour les organes dirigeants de se réunir avant d'adopter un projet de restructuration et de délibérer au vu des propositions alternatives émises par les représentants du personnel et, le cas échéant, des recommandations du médiateur. Vous privez même les représentants du personnel du droit de formuler des propositions alternatives - l'accord peut fixer les conditions dans lesquelles le CE a la faculté de formuler les propositions alternatives. Vous empêchez enfin l'administration de formuler toute proposition ayant pour objet d'améliorer le plan de sauvegarde de l'emploi tout au long de la procédure.
    Les mesures proposées méconnaissent donc les exigences constitutionnelles découlant du huitième alinéa du préambule de 1946, qui prévoit la participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises.
    M. Alain Vidalies. Démonstration implacable !
    M. Jean Le Garrec. Voilà, mes chers collègues, mon argumentation juridique.
    M. Bernard Accoyer. Elle ne pèse pas bien lourd !
    M. Jean Le Garrec. Elle ne serait que de peu de valeur si elle ne s'appuyait sur une analyse économique...
    M. Marc Dolez. Convaincante !
    M. Alain Vidalies. La preuve : la majorité est silencieuse !
    M. Jean Le Garrec. ... que j'ai eu le souci de développer en soulignant l'impact de la gestion des grandes entreprises, avec un effet de taille et de valeur.
    J'ai démontré aussi notre détermination, tout au long de ces années, à prévenir le plus en amont possible et à négocier, quand il n'y avait plus d'autre solution, un plan social de qualité. Enfin, j'ai relevé les conséquences sur une situation économique que je considère, hélas ! comme dégradée des signaux que vous lancez en détruisant les instruments d'une politique de l'emploi aux effets positifs. Voilà de multiples raisons qui justifient de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, Pascal disait que le faits n'entrent pas là où règnent les croyances.
    M. Alain Vidalies. Il avait raison !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tout le propos, tantôt nuancé, tantôt partisan, de M. le Garrec qui s'est montré tour à tour polémiste et Cassandre est marqué par ce biais intellectuel : il ne retient que les faits qui renforcent ses convictions.
    M. Bernard Accoyer. Excellent !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, par égard pour tous ceux qui interviendront dans la discussion générale, je réserverai ma réponse sur le fond après les orateurs et je me contenterai de répondre aux arguments juridiques avancés par M. Le Garrec pour défendre son exception d'irrecevabilité.
    Il a, notamment, fondé cette exception d'irrecevabilité sur le caractère inconstitutionnel de l'expérimentation. Le Conseil constitutionnel, monsieur Le Garrec, admet que la loi contienne des dispositions expérimentales dans sa décision du 6 novembre 1996.
    M. Jean-Louis Léonard. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ensuite, M. Le Garrec nous a indiqué que la loi ne pouvait pas renvoyer à un accord collectif pour préciser les modalités d'application des principes fondamentaux. Le Conseil constitutionnel dit le contraire dans sa décision du 25 juillet 1989. Je ne vois donc, mesdames et messieurs les députés, aucune raison de voter l'exception d'irrecevabilité, qui ne repose sur aucun fondement juridique. (Applaudissements sur bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cher collègue Le Garrec, vous avez commencé votre intervention sur le ton de la confidence et, après l'avoir écoutée avec beaucoup d'attention, je voudrais, à mon tour, vous en faire une : je vous avoue que je suis un peu déçu. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - « Pas nous ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Compte tenu de votre talent et de votre expérience, j'ai trouvé, sur le fond, votre exposé décevant, peu convaincant et assez décousu. (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vous accorde que, sur la forme, vous avez gardé votre talent, même si je trouve que votre jeu reste toujours un peu le même.
    M. Jean Ueberschlag. C'est un comédien !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Sur le premier point de votre intervention, je vous réjoins tout à fait. Nous sommes bien confrontés à un problème de dialectique entre protection des salariés par des retructurations et développement économique.
    Ensuite, vous avez passé presque vingt minutes - j'ai chronométré - à analyser le contexte économique et financier dans lequel nous nous trouvons. Et, dans ces vingt minutes, vous n'avez pas consacré une seule seconde à recoonaître quelque vertu aux chefs d'entreprise.
    Vous avez même été jusqu'à une caricature qui m'a semblé excessive et presque incroyable dans la bouche d'un homme de votre expérience. Vous avez en effet accusé les huit plus grands PDG du monde avaient, à eux seuls, engendré 800 000 licenciements, sans vous arrêter une seule seconde sur les emplois qu'ils ont pu créer !
    M. Bernard Accoyer. M. Jean Le Garrec est sectaire !
    M. Jean Le Garrec. Voulez-vous que je vous donne la liste ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous avez ensuite, dans un troisième temps, essayé de faire le point sur le contexte juridique dans lequel se situaient ces textes. Dans ce développement, et notamment sur l'apologie du rapport de forces, opposant le fort au faible, j'ai trouvé votre intervention un peu datée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Sur la loi de modernisation sociale, monsieur Le Garrec, vous avez glissé à toute vitesse. Vous avez fait quand même, devant l'autel de cette loi, une génuflexion un peu rapide, comme les convertis de fraîche date, tout en passant, bien sûr, totalement sous silence le fait que vous-même et vos amis vous êtes opposés pendant de longs mois aux dispositions que vous défendez maintenant avec une ardeur qui, bien que plus ou moins feinte, n'en est pas moins réelle.
    Vous avez ensuite consacré sept minutes, en tout - sur une heure dix d'intervention - à la loi qui nous occupe aujourd'hui, ...
    M. Jean Le Garrec. Cela suffisait !
    M. Dominique Dord, rapporteur ..., sept minutes sur le projet de loi Fillon, alors que vous auriez dû, normalement, y consacrer l'essentiel de votre intervention !
    M. Alain Néri. Vous n'avez pas bien écouté son intervention !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je l'ai écouté, au contraire, très attentivement, monsieur Néri ! C'est pour cela que je me permets ce debriefing !
    M. Le Garrec a d'ailleurs dit quelque chose d'assez étonnant à propos de l'amendement Michelin. Je ne sais pas s'il s'en est rendu compte. Il a déclaré que cet amendement ne sert pratiquement à rien parce que le texte, de toute façon, n'a plus vocation à s'appliquer, toutes les grandes entreprises étant passées aux 35 heures.
    M. Bernard Accoyer. Eh bien, oui !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Pour un juriste, je trouve cela assez spécieux !
    Vous dites au fond, monsieur Le Garrec, que le texte n'a plus d'objet mais qu'il ne faut ni l'amender ni le suspendre. Il y a quelque chose qui ne va pas dans votre raisonnement et cela ne cadre pas avec la qualité d'analyse à laquelle vous nous avez habitués sur ce type de texte.
    Mme Hélène Mignon. Ce qu'il a dit vous gêne !
    M. Jean-Louis Léonard. En fait, ce sont des conservateurs !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous avez aussi évoqué la question du médiateur. Si la loi de modernisation sociale était aussi essentielle et la disposition relative au médiateur aussi nécessaire que vous le dites, pourquoi avez-vous attendu les trois derniers mois de votre législature pour la mettre en application ? Vous ne pouvez pas reprocher à François Fillon de ne pas avoir publié la liste des médiateurs ! C'est tout de même vous qui avez inventé cette fonction. Vous auriez eu le temps de promulguer cette liste et ne l'avez pas fait.
    Enfin, vous avez consacré quelque temps à essayer de contrebalancer les statistiques de Davos en en citant d'autres. Pourquoi pas ? Je suis, moi aussi, très triste quand on met en avant les faiblesses de mon pays et je préfère, comme vous, produire des statistiques qui montrent que tout va bien.
    Je conclurai sur un clin d'oeil : la comparaison maritime que vous avez utilisée n'est pas exacte.
    M. Jean Le Garrec. Oh, c'est possible !
    M. Dominique Dord, rapporteur. En effet, quand la mer est forte, vous avez intérêt à mettre le bateau face aux vagues. Sinon, c'est le chavirage assuré, monsieur Le Garrec. (Sourires.)
    Telles sont les remarques que je voulais, en toute amitié, faire sur votre intervention, monsieur Le Garrec. Vous auriez dû la faire porter plus sur le texte lui-même. De plus, et François Fillon a été gentil de ne pas le souligner,...
    M. Patrick Bloche. Assez de leçons !
    M. Dominique Dord, rapporteur. ... vous avez, pour fonder votre exception d'irrecevabilité, manifestement lu, pendant les deux dernières minutes de votre intervention, un papier écrit par quelqu'un d'autre (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Alain Néri. C'est inadmissible !
    M. Christian Paul. Odieux !
    M. Maxime Gremetz. Ça, c'est un coup bas !
    M. Dominique Dord, rapporteur ... alors que le reste était écrit de votre main.
    Mais tout cela n'a pas beaucoup d'importance. Nous avons nous-mêmes, quand nous étions dans l'opposition, utilisé ce genre de motion de procédure pour nous lancer dans de grands discours politiques sans grand rapport avec les aspects juridiques des textes examinés. Je le concède volontiers. Cependant, à la place qui est la mienne aujourd'hui, je ne voulais pas manquer de le souligner gentiment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. Assez, messieurs les censeurs !

Rappel au règlement

    M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, madame la présidente.
    Le groupe socialiste et l'ensemble de l'opposition dans cet hémicycle sont choqués des conditions dans lesquelles s'engage une fois de plus le débat. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. Et l'opposition, comme d'habitude, a parlé pendant une heure dix pour ne rien dire !
    M. Gaëtan Gorce. Pendant son intervention qui a traité en permanence du fond, notre collègue Jean Le Garrec a été constamment interrompu par des remarques particulièrement scandaleuses. D'ailleurs, le Journal officiel fera justice de ce qui a pu être dit par les uns ou par les autres.
    L'opposition a le droit de s'exprimer dans cet hémicycle. Elle a également le droit de ne pas partager les convictions et les opinions de la majorité. C'est même son devoir sur des sujets de l'importance de celui dont nous débattons ce soir.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il a raison !
    M. Gaëtan Gorce. En conséquence de quoi, j'aimerais que soit mis fin aux manifestations d'intolérance auxquelles nous assistons (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et aux jugements de valeur qui sont portés, y compris sur la nature même des interventions.
    Pour permettre à mon groupe d'y réfléchir, et au groupe de l'UMP de revenir à plus de sagesse, je demande une demi-heure de suspension de séance, madame la présidente. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Morange. Pourquoi une demi-heure ?
    Mme la présidente. Je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes.
    M. Alain Néri. Nous demandons une demi-heure pour réunir le groupe !
    M. Yves Bur. Respectez la présidence !
    M. Alain Néri. Si c'est comme ça, nous redemanderons une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Léonard. C'est pitoyable !

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue le mercredi 4 décembre à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure vingt.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement, sur la base de l'article 58, madame la présidente.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. J'ai demandé une suspension de séance en souhaitant que nous reprenions le débat dans une plus grande sérénité. J'ai dit tout à l'heure combien les membres de mon groupe ont été choqués des conditions dans lesquelles Jean Le Garrec a dû s'exprimer. Ancien ministre et ancien président de la commission des affaires culturelles, il a fait montre d'une hauteur de vue...
    M. Dominique Tian. Tu parles !
    M. Gaëtan Gorce. ... qui aurait dû lui éviter d'être interrompu de manière systématique, y compris par des mises en cause de ses qualités et de ses compétences d'élu, en faisant référence à son appartenance professionnelle. Je rappelle à certains dans cet hémicycle que nous sommes ici par la volonté du suffrage universel, que nous y représentons des opinions différentes et que nous n'avons à nous justifier que devant nos concitoyens au regard des convictions que nous avons présentées à leurs suffrages, et non pas au regard d'un point de vue, d'une compétence, d'un acquis professionnel ou d'un métier que nous exercerions ou aurions exercé par ailleurs !
    Je fais observer que nous n'avons pas eu, pour ce qui nous concerne, la tentation de reprocher au rapporteur de ne pas présenter les conclusions de la commission, alors qu'il ne nous a fourni aucune explication sur le contenu des amendements qu'elle a adoptés : c'est le président qui a dû le faire !
    Si nous devons poursuivre dans les mêmes conditions et dans un tel esprit polémique, nous aurons beaucoup de mal à discuter au fond. J'aimerais donc obtenir du ministre et du président de la commission la garantie que toutes nos discussions pouront se dérouler désormais dans la sérénité et le respect des opinions de l'opposition comme de la majorité d'ailleurs. Sans cette garantie, je crains qu'il ne soit difficile de garder à nos débats l'esprit qui convient dans ce Parlement, et eu égard à l'importance du sujet. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
    La parole est à M. Hervé Novelli, pour le groupe UMP.
    M. Alain Vidalies. Attention ! Tous aux abris !
    M. Hervé Novelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais en effet m'élever contre l'exception d'irrecevabilité soulevée - longuement - par M. Le Garrec, il y a quelques instants.
    Je ne serai pas long sur la forme, car M. le ministre a déjà présenté des arguments fort convaincants. Je n'en ajouterai qu'un : comment ce texte pourrait-il être anticonstitutionnel, puisqu'il se borne, selon certains, à suspendre des articles d'un projet de loi qui fut adopté au début de l'année 2002 ? Sur la forme, donc, monsieur Le Garrec, ma tâche est assez simple.
    J'en viens au fond. Vous avez, monsieur Le Garrec, tenté, après une lente plongée historique, de justifier l'injustifiable, à savoir la loi de modernisation sociale. Eh bien ! Parlons-en !
    Il n'a pas été rappelé ici, mais je crois que cela doit être fait, que cette loi de modernisation sociale - rendons à César, en l'occurrence à Maxime - Gremetz, ce qui est à lui (Sourires.) - n'était rien d'autre que le produit de concessions politiques du parti socialiste au parti communiste, pour conforter la majorité plurielle.
    M. Jean-Louis Léonard. Exactement !
    M. Hervé Novelli. Il est assez cocasse de voir aujourd'hui que ceux qui ont résisté à la pression forte, exercée avec talent par certains membres du parti communiste, sont aujourd'hui tentés de justifier cette loi d'arrangement politique et de se l'approprier !
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Hervé Novelli. C'est, en outre, une loi d'affichage. En effet, trente décrets étaient nécessaires pour qu'elle soit mise en oeuvre. M. Le Garrec en a cité deux ou trois. Mais il n'y en a guère eu plus : quatre exactement !
    Mme Hélène Mignon. Mais pourquoi ?
    M. Hervé Novelli. C'est donc une loi virtuelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    Mme Catherine Génisson. Mais alors pourquoi en suspendre les articles ?
    M. Hervé Novelli. ... mais aussi une loi nocive parce qu'elle a eu un effet dissuasif sur tous ceux qui regardaient un peu l'environnement social, économique, fiscal et réglementaire français.
    M. Le Garrec a déclaré : « Le virtuel l'emporte sur le réel. » Or, s'il est un qualificatif qui s'attache à la loi de modernisation sociale, c'est bien « virtuel ». (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et surtout, c'est un monstre bureaucratique de 123 articles ! Voilà, mes chers collègues, ce qu'est cette loi virtuelle de modernisation sociale !
    Quant au réel, parlons-en ! Le réel, c'est l'entreprise. Ce sont les entreprises, on le sait bien, qui sont les lieux de création de richesses et d'emplois.
    M. François Rochebloine. Des vrais emplois !
    Mme Hélène Mignon. Ce sont les salariés qui créent les richesses !
    M. Hervé Novelli. Lorsque les entreprises vont bien, que leur environnement est propice à leur développement, nul besoin de lois pour empêcher que l'emploi ne les fuie : l'emploi est assuré lorsque les entreprises sont en bonne santé !
    Aujourd'hui, il faut donc s'intéresser à l'environnement de ces entreprises et s'appuyer sur le réel. C'est ce que fait le présent projet de loi.
    M. François Sauvadet. Il faut aller plus loin !
    M. Hervé Novelli. Selon les statistiques avancées par M. Le Garrec, et à l'entendre, tout va très bien dans notre pays. Je crois qu'il voit un peu la vie en rose ! (Sourires.)
    M. Richard Mallié. C'est normal !
    M. Hervé Novelli. Mais si tout allait si bien, les Français ne les auraient-ils pas, il y a quelques semaines plébiscités ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. On verra dans quelques temps !
    M. Hervé Novelli. S'ils ne l'ont pas fait, c'est parce que la situation, malheureusement, n'est pas aussi belle qu'ils la décrivent.
    Il va falloir, dans ce pays, restaurer le dialogue social...
    M. Patrick Bloche. Vous l'avez cassé !
    M. Hervé Novelli. ... et s'intéresser à l'environnement fiscal, réglementaire, bureaucratique. Tout cela doit changer. Vous ne l'avez pas fait pendant cinq ans, chers collègues de l'opposition. Vous en avez obtenu la sanction.
    Je demande à mes collègues de la majorité de confirmer cette sanction et de s'opposer à l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Vidalies. Nous vivons un moment rare, puisqu'il s'agit, selon l'explication de vote qui vient d'être donnée, de procéder à la suspension d'une loi virtuelle. Tous ceux qui sont invités à participer à cette démarche historique en sortiront pénétrés de son importance ! (Sourires.)
    Le cadre politique - qui n'est pas celui de la présentation initiale - dans lequel nous entamons ce débat est fort intéressant et, d'une certaine façon, révélateur de votre état d'esprit, chers collègues de la majorité.
    En effet, par le biais du présent texte de loi, nous touchons à un sujet complexe qui est le noeud des contradictions de notre société et probablement aussi de nos divergences politiques, divergences que le débat pourrait, effectivement, mettre en lumière. Hélas ! votre approche part d'une simplification outrancière, selon laquelle il y aurait ceux qui connaîtraient l'entreprise - vous - et ceux qui ne sauraient rien de l'économie - nous ! (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. Vous ne péchez pas par modestie !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Vous non plus !
    Mme la présidente. M. Vidalies a seul la parole !
    M. Alain Vidalies. De la part de ceux qui ont voulu vendre Thomson pour 1 franc, on serait en droit d'attendre plus de modestie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !
    M. Jean-Louis Léonard. Thomson, c'est 70 milliards d'euros !
    Mme la présidente. Monsieur Léonard !
    Poursuivez, monsieur Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Seconde observation, sur cette question des licenciements économiques, le discours de la droite et de ceux qui sont hostiles à l'intervention du législateur, n'a pas changé.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Heureusement !
    M. Alain Vidalies. Souvenez-vous de l'époque où un responsable du MEDEF qui s'appelait autrement, M. Gattaz...
    M. Eric Besson. On s'en souvient !
    M. Alain Vidalies. ... venait nous expliquer qu'il fallait supprimer l'autorisation administrative de licenciement, car c'était un frein à l'activité économique dont l'abrogation permettrait de créer immédiatement 350 000 emplois.
    M. Gaëtan Gorce. Balladur !
    M. Alain Vidalies. Vous et vos prédécesseurs, chers collègues, repreniez cela en choeur. On a effectivement abrogé cette disposition, mais on attend encore la création des 350 000 emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Trois millions de chômeurs !
    M. François Rochebloine. Et les emplois jeunes dans le privé, on les attend aussi !
    M. Alain Vidalies. Madame la présidente, je suis sans cesse interrompu, c'est inacceptable !(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Seul, M. Vidalies a la parole.
    M. Alain Vidalies. S'agissant du texte lui-même, la démonstration du Gouvernement pose un problème de cohérence. Il déclare que, puisque personne ne veut de ce texte, ni les organisations patronales ni les organisations syndicales, il va lancer une grande négociation.
    Mais, monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir répondu à cette aspiration pressante à la négociation ? Pourquoi vous sentez-vous obligé d'utiliser cette procédure rarissime consistant à suspendre, pour dix-huit mois, la loi en vigueur, et en nous expliquant qu'à l'issue de ce délai le texte à venir ne s'appliquerait que douze mois plus tard, soit au total un délai de trente mois ?
    Je vous souhaite bien sûr, monsieur le ministre, un grand avenir,...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. On verra dans trente mois !
    M. Alain Vidalies. ... mais je ne suis pas sûr que vous ayez à tirer vous-même les conclusions de votre démarche (Rires.). Manifestement, vous vous donnez un certain champ de réflexion, peut-être pour que d'autres règlent la question à votre place ! Reconnaissez que, si cette aspiration à la négociation existait aujourd'hui, vous auriez saisi l'occasion. Mais personne n'en veut. Dans son remarquable exposé, M. Le Garrec a rappelé les déclarations du président du MEDEF, puis les explications des organisation syndicales. La réalité, c'est que vous avez l'intention d'abroger la loi.
    M. Jean-Louis Léonard. C'est du réalisme !
    M. Alain Vidalies. C'est bien une démarche d'abrogation.
    Monsieur le ministre - vous devrez y être attentif tout au long de ce débat - le texte que vous-même essayez de faire passer en douceur en quelques semaines, qui est déjà, je le répète, un texte d'abrogation et de régression sociale, a pris en quelques heures, sous la pression de votre majorité, si l'on en juge par les réactions à l'issue des travaux de la commission, une autre dimension, qui se révélera dramatique pour les salariés de ce pays. Car à la « suspension d'un texte virtuel » correspondent des amendements qui, eux, ne le sont pas et qui vont toucher profondément à leur vie. Ce que vous nous proposez par ces amendements, en effet, c'est la remise en cause pure et simple de l'obligation d'informer les représentants du personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Rochebloine. Il dépasse de beaucoup son temps de parole ! C'est scandaleux !
    Mme la présidente. Monsieur Vidalies, veuillez conclure.
    M. Alain Vidalies. Or, c'est une question de dignité. Pourquoi l'avait-on inscrite dans la loi ? Vous le savez parfaitement : parce que, un jour, c'est dans le journal que des salariés ont appris qu'ils allaient être licenciés et que leur vie allait être bouleversée !
    Voilà une exigence qui ne saurait être que de gauche. Ce pourrait être, chers collègues de droite, une exigence partagée si vous n'aviez pas un tel désir de revanche sociale. C'est, je le répète, une question de dignité pour les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Pourquoi remettre en cause cette obligation ? Mais, tout au long de ces débats, nous reviendrons sur ces amendements.
    Ce que nous avons entendu pendant l'intervention remarquable de Jean Le Garrec...
    M. Yves Bur. Discutable, très discutable !
    M. Alain Vidalies. Je suis encore interrompu !
    Mme la présidente. Monsieur Vidalies, votre temps de parole est écoulé.
    M. Alain Vidalies. J'ai été beaucoup interrompu...

    (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. C'est le temps de parole réel qui compte !
    Mme la présidente. C'est moi qui contrôle le temps de parole, mes chers collègues et je sais parfaitement combien de temps M. Vidalies a parlé !
    M. Alain Vidalies. Nous avions déjà été confrontés, lors de la loi sur les 35 heures, à de telles initiatives , qui sont l'expression de la majorité poujadiste.
    Mme la présidente. Monsieur Vidalies, je vous demande de conclure.
    M. Alain Vidalies. Ces amendements touchent à l'information des salariés, au harcèlement, à la remise en cause de décisions de la Cour de Cassation, qui n'avaient rien à voir. Vous révélez le véritable visage de votre politique en matière d'emploi. Vous ne résistez pas à ce qui est le moteur de votre action, peut-être pas le vôtre, monsieur le ministre, mais en tous les cas, celui de la majorité, c'est-à-dire la revanche sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz pour le groupe des députés-e-s communistes et républicains.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Pour cinq minutes !
    Mme la présidente. Seul M. Gremetz a la parole.
    M. Maxime Gremetz. Laissez, madame la présidente, ils ont le droit de s'exprimer, et je le leur permets car je suis un démocrate, moi !
    Combien de temps voulez-vous que je parle ?
    Mme la présidente. Vous avez droit à cinq minutes, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Cette loi de modernisation sociale, dont nous avons accouché dans la douleur, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle,) on vient nous l'enlever, alors que nous pensions que c'était une de nos plus belles oeuvres !
    M. François Rochebloine. Mais elle nous a posé bien des problèmes !
    M. Maxime Gremetz. On veut la supprimer, parce qu'elle serait responsable de tous les maux, de tous les plans sociaux depuis des années.
    M. François Rochebloine. Et pour l'avenir !
    M. Maxime Gremetz. Depuis dix ans, selon la DARES, le service statistique du ministère du travail, 3,4 millions de licenciements économiques ont eu lieu dans ce pays. A ma connaissance, la loi de modernisation sociale n'existait pas.
    M. François Rochebloine. Mais vous étiez au pouvoir !
    M. Maxime Gremetz. Attendez, ce n'est pas fini ! J'ai des chiffres précis, et je vous les donnerai, monsieur le ministre, si vos collaborateurs ne vous les ont pas donnés.
    En 2000, il y a eu 900 plans sociaux. Ce n'est pas la faute de la loi de modernisation sociale, elle n'existait pas !
    M. Yves Bur. Quel terrible constat pour vous, monsieur Gremetz ! Cinq ans de gouvernement et 900 plans sociaux !
    M. Maxime Gremetz. Ecoutez les chiffres, vous ferez des commentaires après ! Ce sont des faits concrets, indiscutables.
    M. Yves Bur. C'est le bilan de cinq ans de gouvernement !
    Mme la présidente. Seul M. Gremetz a la parole !
    M. Maxime Gremetz. En 2001, la loi de modernisation sociale était votée mais non appliquée. D'ailleurs, monsieur Novelli, vous avez expliqué tout à fait le contraire de ce qu'a expliqué M. le ministre. Selon lui, c'est la faute à la loi de modernisation s'il y a tous ces plans sociaux, si on délocalise, si on dépose le bilan, s'il y a des licenciements économiques, et j'en passe.
    M. Hervé Novelli. Je parlais de l'affichage !
    M. Maxime Gremetz. Or vous avez expliqué que quatre décrets d'application seulement étaient publiés et que cette loi n'a jamais pris effet en vérité.
    M. Jean Ueberschlag. Les entreprises anticipent.
    M. Maxime Gremetz. Expliquez-moi donc comment une loi qui n'existait pas, puis qui a été promulguée mais pas appliquée, peut être responsable de tous les plans sociaux de France et de Navarre ?
    M. Hervé Novelli. Par l'affichage ! C'est ça qui est dramatique !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est virtuel !
    M. Maxime Gremetz. C'est le bon sens de poser une telle question, non ?
    Je continue à donner vos chiffres, monsieur le ministre. En 2001 donc, la loi n'était pas appliquée : 1 053 plans sociaux et 245 000 licenciements économiques.
    M. Jean Ueberschlag. C'est le résultat de votre politique !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Que faisait le Gouvernement ?
    M. Maxime Gremetz. Jusqu'en septembre 2002, toujours dans l'attente des décrets d'application, on compte 208 000 licenciements, soit une augmentation de 17 %.
    M. Yves Bur. Cinq ans de gouvernement !
    Mme la présidente. Monsieur Bur !
    M. Maxime Gremetz. Laissez-les un peu ! Mais ils comprennent, ce sont les chiffres que leur donne leur ministère !
    Fin août de cette année : 676 plans sociaux, une augmentation de 6,4 % par rapport à la même période de l'année dernière, et la loi n'est toujours pas appliquée, je vous le fais observer.
    M. Jean-Paul Anciaux. Heureusement !
    M. Maxime Gremetz. Excusez du peu ! Je sais bien qu'on dit chez moi que, quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage.
    M. François Rochebloine. Ah oui ?
    M. Yves Bur. Non, on dit qu'il est de gauche !
    M. Maxime Gremetz. Vous faites exactement la même chose, mais cela ne prend pas !
    En même temps, en 2001, toujours selon les chiffres de votre ministère, plus de 1,9 million d'inscriptions à l'ANPE pour les fins de CDD et les missions d'intérim, sans oublier les licenciements autres qu'économiques, au nombre de 440 000.
    M. Yves Bur. Cinq ans de Gouvernement ! Qu'avez-vous fait de la croissance ?
    M. Maxime Gremetz. La vérité, je l'ai trouvée quelque part. Je vais vous la donner, elle n'est pas de moi. La vérité, c'est que ce n'est pas la faute de la loi de modernisation sociale, vous en conviendrez.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Passons au vote !
    M. Maxime Gremetz. Depuis dix ans, il n'y en avait pas !
    M. Yves Bur. Il y a eu la RTT !
    M. Maxime Gremetz. Vous avez donc tout faux !
    Si ce n'est pas cela, c'est quoi ?
    M. Jean-Paul Anciaux. Les socialistes !
    M. Maxime Gremetz. C'est votre ami Sarkozy qui me donne la réponse !
    M. François Rochebloine. On dit « Monsieur » !
    M. Maxime Gremetz. Sarkozy, c'est un nom.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous demande d'aller vers votre conclusion.
    M. Maxime Gremetz. Si c'était Mme Sarkozy, qu'est-ce que vous diriez ?
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. Je ne suis pas à même de préjuger du sexe de quelqu'un ! (Rires.) Donc, je parle de votre ami Sarkozy.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, revenez-en à votre propos !
    M. Maxime Gremetz. Il donne l'explication, et vous allez comprendre. C'est clair, net et sans bavures comme un Picard qu'il est, parce qu'il est picard, ce Sarkozy. Il est même patron du MEDEF chez moi.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. Ce n'est pas le même !
    M. Maxime Gremetz. Si ce n'est pas lui, c'est donc son frère ! (Rires et applaudissements sur divers bancs.) Vous n'aviez pas compris ? C'est extraordinaire ! Et il explique tout.
    Guillaume Sarkozy dit hier, dans le journal du soir : « Je suis fier d'être un patron industriel qui délocalise. Assez de faux-semblants ! La perte d'emplois, la déstabilisation industrielle, c'est normal, c'est l'évolution. »
    M. Jean-Louis Léonard. Due aux 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Il devrait dire que c'est l'évolution des capitalistes qui n'en ont jamais assez, qui mettent les gens à la porte pour aller faire plus de profits, et encore plus de profits. Voilà l'explication !
    Troisième et dernière remarque (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)...
    M. Dominique Tian. Le texte est-il oui ou non inconstitutionnel ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Cela fait dix minutes qu'il parle !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous demande de conclure.
    M. Michel Voisin. Un peu de bonne volonté !
    M. Maxime Gremetz. Attendez ! Il faut être sérieux ! Je conclus ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ...
    Mme la présidente. M. Gremetz nous a dit qu'il allait conclure.
    M. Maxime Gremetz. Vous dites, monsieur le ministre, c'est quand même bizarre, et il faut que je prenne un autre document (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est un peu long.
    Mme la présidente. Concluez, s'il vous plaît !
    M. Maxime Gremetz. Attendez, il faut avoir des chiffres et des déclarations pour que tout le monde puisse se faire son opinion.
    Vous dites, monsieur le ministre, qu'on va suspendre l'application de la loi dix-huit mois plus douze mois, soit trente mois. Si elle est si mauvaise que ça, il faut la supprimer.
    M. François Rochebloine. Exactement.
    M. Maxime Gremetz. C'est simple. Si elle n'est pas trop mauvaise, on peut en suspendre l'application pour l'aménager. Là, vous n'osez pas l'abroger. En même temps, vous parlez de dialogue social. Or je viens de constater, vous l'avez fait comme moi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) ...
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz va conclure.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cela fait douze minutes qu'il parle, madame la présidente, ce n'est pas normal, il y a des règles !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, venez-en à votre conclusion, s'il vous plaît ! Vos collègues ont respecté, je crois, leur temps de parole. Faites-en autant !
    M. Maxime Gremetz. Je crois que tout le monde à intérêt à s'écouter. C'est un débat sérieux, qui intéresse des millions de salariés. Moi, je ne le prends pas à la légère.
    Vous parlez donc, monsieur le ministre, de dialogue social. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Mme la présidente. Je vous demande de conclure, monsieur Gremetz. Cela fait dix minutes que vous avez la parole.
    M. Maxime Gremetz. J'ai été délégué du personnel. Aucune organisation syndicale n'accepte, et ça se comprend, de discuter du nombre de licenciements, d'examiner qui on va licencier, et comment. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous aurez l'occasion de prendre la parole dans la suite du débat. Par respect vis-à-vis de vos collègues, je vous demande de conclure. Cela fait plus de dix minutes que vous parlez.
    M. Richard Mallié. Cela fait treize minutes !
    M. Maxime Gremetz. Mais on m'interrompt tout le temps !
    Mme la présidente. Non, monsieur Gremetz, s'il vous plaît !
    M. Maxime Gremetz. Je donne la position de mon groupe ! Vous comprenez bien que nous n'allons pas laisser partir cet enfant que nous avons créé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentiel.)
    M. Dominique Tian. C'est Robert Hue !
    M. Maxime Gremetz. Si votre projet était appliqué, il aurait une efficacité redoutable. Quand le MEDEF demande l'abrogation d'une loi, les salariés se disent qu'elle est très bonne pour eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés-e-es communistes et républicains et du groupe socialiste.)

    Mme la présidente. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    Mme la présidente. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   111
Nombre de suffrages exprimés   111
Majorité absolue   56
Pour l'adoption   37
Contre   74

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Mes chers collègues, compte tenu de l'heure, je crois qu'il est raisonnable d'interrompre nos travaux.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 2 décembre 2002, de Mme Christine Boutin une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les suicides en prison.
    Cette proposition de résolution, n° 447, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 3 décembre 2002, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'augmentation du nombre des suicides dans les prisons françaises.
    Cette proposition de résolution, n° 449, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

Dépôt d'un rapport

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 3 décembre 2002, de M. Jean Proriol, un rapport n° 402, fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n° 402).

4

dépôt d'un avis

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 3 décembre 2002, de M. Axel Poniatowski, un avis n° 382 présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002.

5

ordre du jour des prochaines séances

    Mme la présidente. Aujourd'hui, mercredi 4 décembre, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République ;
    Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ;
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 375) relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi :
    M. Dominique Dord, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 386).
    A vingt et une heure, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le mercredi 4 décembre, à zéro heure cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
DÉCISIONS SUR DES REQUÊTES
EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
(Communication du Conseil constitutionnel
en application de l'article LO 185 du code électoral)
DÉCISION N° 2002-2738 DU 28 novembre 2002
(AN, HAUTE-CORSE, 1re CIRCONSCRIPTION)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M Laurent Andreoli, demeurant à Bastia (Haute-Corse), enregistrée le 27 juin 2002 à la préfecture du département de Haute-Corse et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1re circonscription du département de Haute-Corse pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Emile Zuccarelli, député, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 juillet 2002 ;
    Vu les mémoires en réplique présentés par M. Laurent Andreoli, enregistrés comme ci-dessus les 15 et 26 novembre 2002 ;
    Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 16 septembre 2002 ;
    Vu les procès-verbaux des opérations électorales et les documents annexés ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le code de procédure pénale ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur le grief tiré de l'inéligibilité du remplaçant du candidat élu :
    1. Considérant qu'aux termes de l'article L.O. 130 du code électoral : « Les individus dont la condamnation empêche temporairement l'inscription sur une liste électorale sont inéligibles pendant une période double de celle durant laquelle ils ne peuvent être inscrits sur la liste électorale. Sont en outre inéligibles : 1° Les individus privés par décision judiciaire de leur droit d'éligibilité en application des lois qui autorisent cette privation... » ;
    2. Considérant que si, par un arrêt du 1er décembre 1999, la cour d'appel de Bastia a condamné M. Calloni, remplaçant de M. Zuccarelli, à une peine d'interdiction des droits civiques et civils, il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 12 décembre 2001, la même cour a ordonné l'exclusion de cette condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire ; que cette dernière décision emporte, conformément aux dispositions de l'article 775-1 du code de procédure pénale, relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de la condamnation ; que, par suite, M. Andreoli n'est pas fondé à soutenir que M. Calloni était privé de son droit d'éligibilité à la date de l'élection ;
            Sur les griefs relatifs au dépouillement du scrutin :
    3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 66 du code électoral les bulletins blancs et nuls, ainsi que les enveloppes non réglementaires, doivent être annexés au procès-verbal, être contresignés par les membres du bureau et porter mention des causes de l'annexion ; que, toutefois, aux termes du dernier alinéa de cet article : « Si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin » ;
    4. Considérant que M. Andreoli soutient que diverses irrégularités, de nature à entacher d'incertitude l'annulation de nombreux suffrages, ont été commises par les membres de 54 bureaux de vote de la circonscription lors des opérations de dépouillement du scrutin ;
    5. Considérant, en premier lieu, qu'aucune prescription législative ou réglementaire n'impose d'annexer au procès-verbal des opérations électorales les enveloppes réglementaires trouvées vides dans l'urne ; que, en deuxième lieu, l'examen des procès-verbaux et des pièces annexées, auquel il a été procédé, n'a pas révélé d'anomalie dans le décompte des bulletins déclarés nuls ; que, en troisième lieu, si un certain nombre de bulletins blancs et nuls annexés aux procès-verbaux de plusieurs bureaux de vote n'ont pas été paraphés par les membres de ces bureaux de vote et si la mention de la cause de leur annexion a été omise, ces bulletins correspondent aux indications chiffrées relatives aux suffrages tenus pour nuls figurant dans les procès-verbaux examinés, lesquels ne portent la mention d'aucune réclamation ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ces omissions de contreseing et de mention de la cause de l'annexion aient eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de procéder au supplément d'instruction demandé par le requérant, le grief tiré d'irrégularités commises dans l'annulation de bulletins doit être écarté ;
    6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit utile de procéder à l'audition sollicitée, la requête de M. Andreoli doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Laurent Andreoli est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

DÉCISION N° 2002-2729 DU 28 NOVEMBRE 2002
(AN, SEINE-MARITIME, 9e CIRCONSCRIPTION)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête n° 2002-2729 présentée par M. Patrick Jeanne, demeurant à Fécamp (Seine-Maritime), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 27 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 9e circonscription du département de Seine-Maritime pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu les mémoires en défense présentés par M. Daniel Fidelin, député, enregistrés comme ci-dessus les 23 juillet et 10 octobre 2002 ;
    Vu le mémoire en réplique de M. Jeanne, enregistré comme ci-dessus le 23 septembre 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 18 septembre 2002 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 30 septembre 2002 approuvant le compte de campagne de M. Fidelin ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur le grief tiré de la violation des dispositions du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral :
    1. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : « A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin... » ;
    2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bulletin départemental intitulé « Info n° 1 » et portant sur des travaux réalisés par le conseil général de Seine-Maritime en matière de voirie ne peut être regardé, par son contenu, comme constituant une « campagne de promotion publicitaire » des réalisations ou de la gestion de ce département, au sens des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ;
            Sur les autres griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :
    3. Considérant que, si M. Jeanne soutient que M. Fidelin a distribué des tracts et divers documents en violation de l'article L. 165 du code électoral, il résulte de l'instruction que le requérant a usé des mêmes pratiques ; qu'au demeurant, ces tracts et documents ne comportaient pas d'éléments nouveaux de polémique électorale auxquels M. Jeanne n'aurait pas eu le temps de répondre ;
    4. Considérant que ni les activités du conseil général pendant la campagne des élections législatives, ni la lettre de soutien d'un sénateur à M. Fidelin, ni la présence sur sa profession de foi d'une photographie le représentant aux côtés du Premier ministre n'ont constitué des pressions de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
            Sur les griefs relatifs au financement de la campagne de M. Fidelin :
    5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis politiques ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
    6. Considérant que ni la distribution du bulletin susmentionné relatif à la voirie départementale, ni l'utilisation dans la plaquette de communication de M. Fidelin de la photographie d'un panneau publicitaire du conseil général, ni la lettre de soutien de M. Revet, sénateur, dont le coût a été pris en charge par le compte de campagne, ne peuvent être regardés comme constituant des dons d'une personne morale prohibés par l'article L. 52-8 du code électoral ;
    7. Considérant, en second lieu, que M. Jeanne soutient qu'en imputant au compte de campagne de M. Fidelin toutes les dépenses engagées, selon le requérant, en vue de l'élection du candidat élu, le total des dépenses dépasserait le plafond fixé en application de l'article L. 52-11 du code électoral ;
    8. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les dépenses engagées par le département pour faire connaître ses activités et qui n'ont pas revêtu un caractère électoral n'ont pas à figurer au compte de campagne ; que, s'agissant de l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées par M. Fidelin ou pour son compte en vue de son élection, hors celles de la campagne officielle, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qu'elles n'aient pas été retracées dans le compte de campagne ;
    9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête susvisée doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Patrick Jeanne est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

DÉCISION N° 2002-2688/2692/2714 DU 28 NOVEMBRE 2002
(AN, HAUTS-DE-SEINE, 12e CIRCONSCRIPTION)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu 1° la requête n° 2002-2688 présentée par Mme Francine Bavay, demeurant à Paris (11e), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 12e circonscription du département des Hauts-de-Seine pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu 2° la requête n° 2002-2692 présentée par M. Michel Theil demeurant à Châtillon (Hauts-de-Seine), M. Michel Faye, demeurant à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), Mme Monique Lecante, demeurant à Fontenay-aux-Roses, et M. André Valette, demeurant au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), enregistrée comme ci-dessus le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu 3° la requête n° 2002-2714 présentée par M. François Litwinski, demeurant à Clamart (Hauts-de-Seine), enregistrée comme ci-dessus le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Philippe Pemezec, député, enregistré comme ci-dessus le 19 juillet 2002 ;
    Vu le mémoire en réplique de M. Theil et autres, enregistré comme ci-dessus le 26 juillet 2002 ;
    Vu le mémoire en réplique de Mme Bavay, enregistré comme ci-dessus le 26 septembre 2002 ;
    Vu le nouveau mémoire en défense de M. Pemezec, enregistré comme ci-dessus le 14 octobre 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 4 novembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 10 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. Pemezec ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
            Sur le grief tiré de la violation des dispositions du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral :
    2. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : « A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin... » ;
    3. Considérant qu'il n'est pas contesté que le document de quatre pages intitulé « Lettre de Philippe Pemezec, conseiller général » a été diffusé en octobre 2001 ; qu'ainsi, et en tout état de cause, la diffusion de ce document n'a pu méconnaître l'interdiction précitée ;
            Sur les autres griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :
    4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Pemezec a obtenu au second tour l'investiture de « l'Union pour la majorité présidentielle » qui soutenait M. Foucher au premier tour ; que, dans un tract diffusé aux électeurs le 11 juin 2002, M. Foucher a exposé les raisons qui le conduisaient à renoncer à se présenter au second tour et, sans pour autant appeler explicitement à voter en faveur de M. Pemezec, à espérer « que la France puisse se reconstruire en s'appuyant sur une majorité » ; que cette position a été largement relatée par la presse ; que, dans ces conditions, et eu égard à l'écart de 3 538 voix séparant les candidats au second tour, la circonstance que M. Pemezec s'est prévalu dans un tract du soutien personnel de M. Foucher n'a pu avoir pour effet d'induire en erreur les électeurs ni de modifier les résultats du scrutin ;
    5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. Pemezec s'est livré à un affichage en dehors des emplacements officiels, en méconnaissance de l'article L. 51 du code électoral, des irrégularités analogues ont été commises par les concurrents du candidat élu ; que ces irrégularités n'ont pu, compte tenu de l'écart de voix séparant les deux candidats au second tour de l'élection, être de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
    6. Considérant que, si les requérants allèguent que les « documents de propagande officielle de Mme Bavay apposés sur les espaces réservés à cet effet par l'article L. 51 du code électoral ont fait l'objet de lacérations ou d'altérations systématiques », il ne ressort pas de la seule photographie qu'ils produisent que ces incidents aient revêtu un caractère massif ;
    7. Considérant que Mme Bavay estime que la distribution d'un tract, contenant des affirmations grossières, tentait de la discréditer auprès de la population ; qu'il résulte de l'instruction que la distribution du tract en cause a été effectuée les 12 et 13 juin 2002 et n'a donc pas constitué une manoeuvre de dernière heure à laquelle la requérante aurait été dans l'impossibilité de répondre ; que le contenu des tracts diffusés de part et d'autre a revêtu un caractère également polémique ; que, dans ces conditions, la distribution dudit tract ne peut être regardée, compte tenu de l'écart de voix au second tour, comme ayant exercé une influence de nature à modifier l'issue du scrutin ;
    8. Considérant que les exemplaires, produits par les requérants, du mensuel municipal de la commune du Plessis-Robinson sont entièrement consacrés à la vie municipale de cette commune ; que, dès le mois de décembre 2001, l'éditorial du maire, M. Pemezec, a été supprimé en raison de l'élection législative à venir ; que, dans ces conditions, les requérants ne peuvent se plaindre d'une rupture d'égalité entre les candidats en raison de cette publication ;
    9. Considérant que les propos attribués à M. Pemezec par un article de France Soir daté du samedi 15 juin 2002 n'ont pu exercer une influence de nature à modifier l'issue du scrutin ;
            Sur les griefs relatifs au financement de la campagne de M. Pemezec :
    10. Considérant que, par décision du 10 octobre 2002, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé le compte de campagne de M. Pemezec ;
    11. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les exemplaires en cause du mensuel municipal de la commune du Plessis-Robinson sont entièrement consacrés à la vie municipale de cette commune et ne concernent pas directement la campagne pour l'élection législative dans la 12e circonscription du département des Hauts-de-Seine ; que leur coût n'avait donc pas à figurer dans le compte de M. Pemezec ;
    12. Considérant que les requérants invoquent la sous-évaluation de dépenses du compte de campagne du candidat élu en se fondant sur des estimations du prix de diverses prestations ;
    13. Considérant qu'il ne résulte de l'instruction ni que l'évaluation faite par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques desdites prestations soit inexacte, ni que celle-ci ait omis de retenir des dépenses engagées en vue de la campagne de M. Pemezec ;
    14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit utile de procéder aux auditions demandées, que les requêtes susvisées doivent être rejetées,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les requêtes de Mme Francine Bavay, de M. Michel Theil et autres, et de M. François Litwinski sont rejetées.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

DÉCISION N° 2002-2658 du 28 NOVEMBRE 2002
AN, SEINE-SAINT-DENIS, 5e CIRCONSCRIPTION)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Bernard Birsinger demeurant à Bobigny (Seine-Saint-Denis), enregistrée le 25 juin 2002 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 5e circonscription du département de la Seine-Saint-Denis pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Christophe Lagarde, député, enregistré comme ci-dessus le 30 juillet 2002 ;
    Vu les mémoires en réplique présentés par M. Birsinger, enregistrés comme ci-dessus les 8 octobre et 27 novembre 2002 ;
    Vu les observations du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 17 septembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 10 octobre 2002 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Lagarde ;
    Vu les procès-verbaux des opérations électorales et les documents annexés ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur le compte de campagne de M. Lagarde :
    1. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le transport d'électeurs désireux de se rendre dans les bureaux de vote de la commune de Drancy, au moyen d'un véhicule de cette commune et conduit par l'un de ses agents, ait été organisé dans le but de favoriser l'élection de M. Lagarde ; qu'en admettant même que M. Lagarde ait utilisé des clichés photographiques appartenant à la commune de Drancy pour l'illustration de son journal de campagne, ni la nature, ni le montant de cet avantage ne justifieraient le rejet de son compte ;
    2. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les candidatures de MM. David Lenne et Ali Gharbi auraient procédé de manoeuvres de la part de M. Lagarde en vue de contourner les règles du financement des campagnes électorales ;
            Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales :
            En ce qui concerne les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :
    3. Considérant que M. Birsinger fait grief à M. Lagarde d'avoir exercé sur les locataires de l'Office public d'habitations à loyer modéré de Drancy des pressions consistant, d'une part, dans l'organisation entre le 27 mai et le 3 juin 2002 de réunions au cours desquelles il a pu prendre la parole de manière privilégiée en qualité de vice-président de cet office et, d'autre part, dans le maintien dans les halls d'immeubles d'une affiche comportant sa photographie ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, lors des réunions de locataires susmentionnées, M. Lagarde ait mis en cause ses adversaires ou que ses propos relatifs aux loyers, par leur ton ou leur contenu, aient constitué une pression sur les électeurs ; que, par ailleurs, les affiches apposées dans les halls des immeubles de l'office public d'habitations à loyer modéré de Drancy se bornaient à faire connaître les heures de la permanence qu'il tient en sa qualité de maire et ne présentaient donc pas un caractère électoral ; que, par suite, le grief tiré d'une rupture de l'égalité entre les candidats ne peut être retenu ;
    4. Considérant que le requérant n'établit pas que les partisans de M. Lagarde auraient procédé, le matin du jour du second tour de scrutin, à une distribution massive de tracts en faveur de celui-ci, ni que d'autres tracts, distribués par les partisans de M. Birsinger, auraient été systématiquement enlevés des boîtes à lettres dans lesquelles ils avaient été déposés ;
    5. Considérant que M. Birsinger fait grief à M. Lagarde de s'être prévalu abusivement du soutien de personnes qui, en réalité, ne lui étaient pas favorables ; que, toutefois, des démentis ont pu être publiés et diffusés en temps utile par ces personnes ; que, s'agissant du soutien de la candidate investie par le mouvement « Pôle républicain » dans cette circonscription, il résulte de l'instruction que cette candidate a effectivement apporté son soutien à M. Lagarde et que M. Birsinger disposait du temps nécessaire pour faire connaître aux électeurs la position prise en sa faveur par les instances nationales du mouvement politique dont elle se réclamait ;
    6. Considérant que le requérant soutient que M. Lagarde a porté contre lui et son parti politique, au cours de la campagne électorale, des accusations de caractère diffamatoire ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que M. Birsinger a été en mesure de répliquer à ces accusations en invoquant le jugement condamnant M. Lagarde pour diffamation rendu le 7 juin 2002 par le tribunal de grande instance de Bobigny ;
    7. Considérant que le grief selon lequel les partisans de M. Birsinger n'auraient pu librement mener campagne en sa faveur avant le premier tour de scrutin, en raison de l'attitude des forces de l'ordre, est inopérant, dès lors qu'en tout état de cause les difficultés alléguées ne l'ont pas empêché de recueillir un nombre de voix suffisant pour participer au second tour du scrutin ;
    8. Considérant que, si M. Birsinger est fondé à dénoncer la lacération des affiches électorales apposées sur certains des panneaux qui lui étaient réservés sur le territoire de la commune de Drancy et la dénaturation de ces mêmes affiches par l'adjonction de mentions à caractère injurieux, il résulte de l'instruction que ces agissements n'ont concerné qu'un très petit nombre de panneaux ; qu'ainsi, pour regrettables qu'ils soient, ils n'ont pu exercer aucune influence significative sur l'issue du scrutin ;
            En ce qui concerne les griefs relatifs au déroulement du scrutin :
    9. Considérant que le requérant ne saurait invoquer utilement des irrégularités qui auraient, selon lui, entaché le déroulement du premier tour de scrutin dès lors qu'il n'est même pas soutenu que les faits allégués auraient été de nature à modifier l'ordre de préférence exprimé par les électeurs et, par voie de conséquence, les conditions du déroulement du second tour ;
    10. Considérant que les griefs tirés des conditions irrégulières dans lesquelles une électrice aurait été admise à voter, de la présence d'affiches comportant la photographie de M. Lagarde sur les murs d'écoles aménagées en bureaux de vote, de pannes d'ascenseur dans des immeubles de la ville de Bobigny et, enfin, de transports d'électeurs en voiture qu'aurait effectués un membre d'un bureau de vote de Drancy ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
    11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le fait qu'une même personne ait siégé aux bureaux de vote n°s 16 et 28 de Drancy ait permis une fraude ;
    12. Considérant que M. Birsinger soutient que M. Lagarde a été surpris, devant un bureau de vote, le jour du second tour de scrutin, en train de proférer des injures à son égard ; que, toutefois, il ressort de l'attestation produite par le requérant que M. Lagarde ne s'adressait alors qu'à deux personnes ; que ce comportement n'a donc pu avoir d'influence sur l'issue du scrutin ;
            En ce qui concerne les griefs relatifs au dépouillement :
    13. Considérant que, si le procès-verbal centralisateur et certains procès-verbaux des opérations électorales ne portent pas la mention de l'heure de leur signature, ces omissions ne peuvent, à elles seules, être regardées comme ayant eu pour effet de vicier la régularité du scrutin ;
    14. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit d'utiliser, pour le second tour, des bulletins imprimés au nom du candidat pour le premier ; que c'est par suite à bon droit que, dans le bureau de vote n° 30 de Drancy, un bulletin imprimé pour le premier tour au nom de M. Lagarde a été considéré comme un suffrage valablement exprimé au second tour ; que c'est en revanche à tort que, dans les bureaux de vote n°s 1 et 19 de Bobigny, deux bulletins du premier tour au nom de M. Lagarde utilisés pour le second tour ont été déclarés nuls ; qu'il y a lieu, par suite, de majorer de deux voix tant le nombre de suffrages exprimés que le nombre des suffrages obtenus par M. Lagarde ;
    15. Considérant qu'il résulte de l'examen des procès-verbaux des opérations électorales des bureaux de vote n°s 2, 6, 13 et 17 de Drancy que le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans les urnes ne correspond pas à celui des émargements ; qu'en pareil cas, il convient de retenir le moins élevé de ces deux nombres ; qu'ainsi il y a lieu de déduire hypothétiquement sept suffrages tant du nombre des suffrages exprimés que du nombre de voix obtenues par M. Lagarde ;
    16. Considérant qu'après les rectifications effectuées ci-dessus, le nombre de suffrages exprimés doit être ramené à 25 385 et le nombre de voix en faveur du candidat élu à 12 701 ; que M. Lagarde conserve ainsi la majorité des suffrages ;
    17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. Birsinger doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Bernard Birsinger est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL NATIONAL CONSULTATIF
DES PERSONNES HANDICAPÉES
(1 poste à pourvoir)

    La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné Mme Muriel Marland-Militello comme candidate.
    La candidature est affichée et la nomination prend effet dès la publication au Journal officiel du mardi 3 décembre 2002.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communication du 29 novembre 2002

N° E 2146. - Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen. - Lettre rectificative n° 4 à l'avant-projet de budget 2003. - Section I. - Parlement européen. - Section II. - Conseil. - Section III. - Commission. - Section IV. - Cour de justice. - Section V. - Cour des comptes. - Section VI. - Comité économique et social. - Section VII. - Comité des régions. - Section VIII a. - Médiateur européen. - Section VIII b. - Contrôleur européen de la protection des données (COM [2002] 1286 final).

Communication du 2 décembre 2002

N° E 2147. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA. COM [2002] 588 final).
N° E 2148. - Proposition de décision du Conseil relative au respect des conditions fixées à l'article 3 du protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, en ce qui concerne une prorogation de la période prévue à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 de l'accord européen (COM  593 final).

annexe au procès-verbal
de la 3e séance
du mardi 3 décembre 2002
SCRUTIN (n° 90)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Ayrault au projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

Nombre de votants

111


Nombre de suffrages exprimés

111


Majorité absolue

56


Pour l'adoption

37


Contre

74

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 71 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 34 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : 1. - Mme Paulette Guinchard-Kunstler (président de séance)
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).